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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 13 février 1990 - Vol. 31 N° 14

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Joly): Bonjour tout le monde!

La commission est réunie, ce matin, afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi, Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Atkinson (Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par M. Holden (Westmount) et M. Chevrette (Joliette) par Mme Blackburn (Chicoutimi).

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Aujourd'hui, nous allons entendre la Coalition des aînés du Québec, le Conseil canadien des droits des minorités, l'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement, la Fédération des centres d'action bénévole du Québec, la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec, le Réseau d'action et d'information pour les femmes, les Comités de bénéficiaires des établissements à vocation psychiatrique et finalement le Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse.

Je demanderais donc au premier groupe de bien vouloir s'avancer, de prendre place, la Coalition des aînés du Québec représentée par Mme Yvette Brunet, présidente de l'association. Mme Brunet, vous connaissez sans doute les règles. Normalement, nous consentons une vingtaine de minutes pour l'exposé de votre mémoire et, suite à ça, il y a un temps égal qui est imparti aux deux formations afin de vous poser des questions et essayer d'apporter un peu d'éclairage sur ce que vous avez à nous présenter. Avant de procéder, j'apprécierais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent.

Coalition des aînés du Québec

mme brunet (yvette): oui. et j'espère que vous ne compterez pas ça dans mon temps, je voudrais faire une rectification, je ne suis pas présidente de la coalition. je suis, ce matin, la porte-parole, avec david wodsworth de l'association ndg et avec léo hudon, président du forum des citoyens âgés.

Le Président (M. Joly): Merci, madame.

Mme Brunet: Alors, M. le ministre, MM. les commissaires et Mme la commissaire, il nous fait plaisir d'être avec vous ce matin parce que nous pensons que ce que nous allons vous présenter est extrêmement important pour, je dirais, même pas la qualité de vie des aînés, mais pour une vie décente.

Nous voulons d'abord remercier les membres de la commission de bien vouloir prêter attention aux observations et critiques des associations que nous représentons, associations toutes centrées sur la problématique des aînés de notre société. La Coalition des aînés du Québec est un regroupement de quinze organismes bénévoles. Si j'ai un peu de temps, j'aimerais beaucoup vous les nommer. Alors, c'est...

Le Président (M. Joly): En fait, si vous prenez le temps de les nommer, ça va être un peu retranché sur votre mémoire.

Mme Brunet: Bon, j'irai vers la fin, s'il me reste du temps...

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.

Mme Brunet:... dans ce cas-là, O. K.

Alors, la Coalition des aînés du Québec est un regroupement de quinze organismes bénévoles qui représentent plusieurs centaines de milliers de personnes retraitées et préretraitées, préoccupées par les effets possibles de plusieurs aspects de ce projet de loi.

La Coalition s'est constituée en 1984. Elle s'est manifestée lors de la bataille de la désin-dexation des pensions, de l'adoption de mesures fiscales discriminatoires à l'égard des aînés par le gouvernement du Québec, de la réforme fiscale fédérale, de la TPS et de l'attaque au principe de l'universalité des pensions de sécurité de la vieillesse.

Dans le domaine de la santé et des services sociaux, la première intervention publique de la Coalition fut la remise d'une pétition sur la crise dans les urgences des hôpitaux et la présentation d'un mémoire sur les services de maintien à domicile à la ministre de la Santé et des Services sociaux. Lors d'une rencontre avec nos délégués, Mme Lavoie-Roux avait accepté l'idée d'une collaboration dans l'élaboration des futures orientations gouvernementales sur le maintien à domicile des aînés.

Aujourd'hui, la Coalition désire présenter à la commission ses observations sur certains éléments majeurs du point de vue des représentants de la population des aînés. Nous voulons,

en premier lieu, souligner quelques principes de base que nous jugeons de première importance. Il s'agit de la participation de la population aux décisions, de l'approche préventive, de l'universalité, de l'accessibilité et de la gratuité. Il nous apparaît que la participation de la population à l'orientation et à la gestion des services constitue un élément essentiel afin que le système de santé et de services sociaux continue de répondre et de s'ajuster aux besoins réels.

Les personnes âgées, à cause de leur expérience, surtout à cause de leur expérience, sont les mieux placées pour définir leurs besoins et apporter un éclairage adéquat sur les interventions à privilégier. Une telle participation nécessite cependant que l'on établisse des structures et des moyens d'exercer adéquatement cette participation de la population. Dans cet esprit, il s'avère nécessaire de reconnaître les organismes communautaires que la population s'est donnés, non seulement au niveau des principes, mais surtout concrètement au niveau des instances décisionnelles et de favoriser le rapport dans le respect des orientations et de l'autonomie des divers mouvements. D'ailleurs, les gouvernements ont reconnu à maintes reprises les services indispensables apportés par le réseau des organismes communautaires.

Parlons maintenant du deuxième principe qu'il soulève, à savoir l'approche préventive. Nous sommes de ceux qui affirmons que le contexte économique, politique, social et culturel constitue un des facteurs déterminants de la santé des personnes. Nous croyons que l'approche collective et la promotion de la santé sont des principes intégrateurs de tout le processus sociosanitaire incluant la prévention, le curatif et la réadaptation. Il est dangereux de ne s'en tenir qu'à la prévention de la maladie et de ne cibler que les clientèles à risques. Ce n'est pas là le véritable sens de la prévention. Pour nous, comme nous l'avons expliqué à Mme Lavoie-Roux lors de la rencontre du 18 novembre 1989 et lors des échanges avec les fonctionnaires du MSSS, la prévention doit surtout faire en sorte d'empêcher ou de retarder le plus longtemps possible la détérioration de l'autonomie des personnes tout en leur assurant une qualité de vie convenable selon leur état.

Enfin, rappelons que les principes de l'universalité, de la gratuité et de l'accessibilité des soins de santé et des services sociaux constituent des acquis auxquels tient beaucoup toute la population. Comme l'affirmait le gouvernement dans son document d'orientation, il s'agit là de la première garantie d'équité. Bien que plusieurs viennent brandir le spectre du coût des services de santé et des services sociaux à l'encontre du maintien de l'accessibilité universelle et gratuite, nous voulons rappeler que nous disposons d'un régime, en définitive, moins coûteux que celui de plusieurs autres pays et qu'on admire à ce chapitre. Nous refusons d'aller de l'avant dans une époque où deux systèmes de santé se côtoieraient, celui des pauvres, financé par l'État et celui que pourraient se payer les mieux nantis de notre société. Nous vous apportons l'exemple du système d'éducation actuel, c'est-à-dire des écoles privées subventionnées à 80 % par l'État et fréquentées par les mieux nantis. Nous craignons beaucoup que le système de santé et de services sociaux présenté dans l'avant-projet ne suive ce modèle.

En regard de ces principes, des critiques à formuler sur des dispositions prises dans l'avant-projet de loi, le document des orientations résumait assez bien les objectifs avec lesquels nous étions d'accord. Toutefois, des écarts apparaissent entre ce document et l'avant-projet de loi. Ce dernier ne respecte pas vraiment, dans les moyens proposés, les principes de base sur lesquels nous attirons votre attention. Nous demandons donc au gouvernement d'être plus fidèle à l'esprit qui a inspiré ses orientations gouvernementales.

Quant à la participation de la population, les objectifs et le régime institué par l'avant-projet de loi cherchent à favoriser la participation de la population et des groupes à l'instauration, à l'administration et au développement des services. Les changements apportés au niveau des structures démontrent que le ministère et ses fonctionnaires conserveront les pouvoirs de base, comme cela existe présentement, c'est-à-dire, déterminer les orientations, les programmes-cadres et les budgets alloués aux régions, et cela, sans qu'aucun mécanisme réel de consultation, sauf en passant par les régies, ne soit prévu à ce niveau.

Par ailleurs, la complexité des structures et des paliers décisionnels ainsi que le mode de désignation des membres des conseils d'administration des régies et des territoires des CLSC nous laissent croire que la population ne pourra exercer un pouvoir réel en les éloignant des lieux de décision qui la concernent et en rendant impossible l'appropriation des décisions.

La création des régies régionales nous apparaît comme un essai de solution aux nombreux problèmes de dédoublement et d'incoordination des services dans un même territoire. Mais, quand on y regarde de plus près, il ne s'agit pas d'une véritable régionalisation, mais plutôt d'une déconcentration administrative. L'engorgement du système pourrait se déplacer vers les diverses régions administratives, car ces dernières ne disposeront pas d'un pouvoir réel d'orientation et de décision, étant obligées de respecter les programmes-cadres du MSSS. Les membres des conseils d'administration des régies régionales auront une lourde tâche à accomplir, si l'on en juge par rénumération des fonctions et pouvoirs de ces régies. Il en est de même pour les personnes qui formeront les C. A. pour l'ensemble des établissements d'un même territoire. La participation des citoyens est essen-

tiollo et il faut mettre sur pied des structures qui permettent une réelle participation. Les structures actuelles des CLSC et d'autres établissements du réseau font que les citoyens n'ont pas un accès réel au pouvoir de décision. D'ailleurs, ceci a été dit et écrit dans notre mémoire à la commission Rochon et par nous et par beaucoup d'autres groupes.

Le gouvernement veut mettre beaucoup d'ornphnso sur la participation don oit oyons Coci no devrait pas oxcluro los pormanonts do nos organismes qui assurent la stabilité, la continuité et possèdent l'expertise accumulée par leurs associations. C'est aussi l'une des raisons qui nous fait contester l'élimination des permanents de nos organisations des C.A. des différentes instances.

La proposition d'unifier les conseils d'administration dans les territoires des CLSC et des CSS nous apparaît très peu sage. La plupart des territoires dans la région montréalaise et dans d'autres régions aussi, mais de façon moindre, contiennent plusieurs établissements à fonctions multiples. Ces établissements se distinguent grandement quant à leurs buts, leur clientèle, leur taille, leur expertise, leur technologie, leur personnel et quant à leurs traditions et à la fidélité des usagers de la communauté. Un conseil d'administration unifié sera incompétent ou incapable, voire les deux, de s'occuper de la gestion détaillée de tous ces établissements. De plus, comment les groupes communautaires comme les nôtres pourront-ils faire connaître les besoins de leurs membres et de la population qu'ils représentent si une planification dirigée ne leur permet pas de s'adresser directement à la plus haute instance qui gère cette opération? Le gouvernement ne crée-t-il pas ainsi une illusion de participation démocratique? En effet, les divers conseils d'administration du système de santé et de services sociaux sont formés en majorité de personnes choisies par les instances actuellement en place. Les représentants des organismes communautaires étant très minoritaires dans les nouvelles structures, alors le pouvoir réel sera déposé entre les mains des fonctionnaires.

Enfin, la régionalisation est peut-être souhaitée par des intervenants du système, mais nous craignons fort que le modèle proposé par l'avant-projet de loi ne vienne détruire le réseau des organismes communautaires. Les revendications de ces organismes ne pourront plus être présentées directement au MSSS mais devront suivre la filière des régies régionales s'ils parviennent à s'y faire entendre. Les interventions de ces organismes devront se mouler dans des programmes régionaux et le gouvernement, par ces régies régionales, subventionnera désormais uniquement les organismes communautaires en autant que ceux-ci se mouleront dans les critères d'admissibilité et d'attribution contenus dans les règles budgétaires applicables.

De plus, les regroupements communautaires ne seront pas admissibles à des subventions. Il y a de quoi s'inquiéter de l'avenir des organismes communautaires, comme l'a d'ailleurs souligné la Coalition des organismes communautaires du Québec. Nous croyons, pour notre part, qu'il vaudrait mieux, pour le bien-être de la population, conserver aux organismes communautaires l'originalité de leur démarche et ne pas les enformor dans des programmes de services qui réduiront une action sociale s'attaquant aux causes des problèmes à tel point que cela peut empêcher la créativité et une réponse adéquate aux besoins réels de la population.

Quant à la prévention, la Coalition déplore que le système actuel de santé et de services sociaux soit surtout orienté sur le curatlf et sur une certaine conception de la prévention, à savoir une intervention centrée uniquement sur les facteurs d'aggravation de la condition des personnes et sur les clientèles à risque. Nous ne voyons pas dans la nouvelle législation quelque correctif qui viendrait amenuiser cette fâcheuse tendance.

La question des services de maintien à domicile est un dossier majeur au sein de notre Coalition. L'avant-projet de loi ne donne aucun aperçu des intentions gouvernementales sur ce point précis et ne laisse pas prévoir comment ce sujet capital sera traité dans le nouveau système de santé et de services sociaux. Toutes les études démontrent que les mesures de maintien à domicile sont plus efficaces et beaucoup moins coûteuses pour maintenir l'autonomie des individus que toute forme d'institutionnalisation dont malheureusement le Québec est champion. L'aspect clinique et urgent l'emportent présentement sur le préventif. Les services de maintien à domicile, qui étaient une des responsabilités des CLSC, ne réussissent à répondre qu'aux cas lourds. Toute autre personne ayant besoin d'un soutien est référée à sa famille, à son voisinage, aux organismes bénévoles et aux agences privées. (10 h 30)

La politique actuelle est présentée comme une tentative de responsabiliser les familles envers leurs proches et de redresser une situation où l'État se serait substitué aux familles dans le soutien aux personnes âgées.

Nous tenons à souligner que le désengagement de la famille envers les personnes âgées est un mythe. En fait, les familles ont toujours continue, au Québec, à prendre soin de leurs proches. La famille n'a pas cessé d'accomplir son rôle de support. D'ailleurs, les subventions accordées aux CLSC pour le maintien à domicile sont grandement insuffisantes et ne peuvent plus répondre aux besoins de la population et leur permettre de remplir leur mandat.

Une enquête de Renaud, Jutras et Bouchard, en 1987, dans le cadre de la commission Rochon, établit que la sélection effectuée par les CLSC fait en sorte que ces derniers ne contribuent que

pour 2, 4 % de l'aide fournie aux personnes âgées à domicile pour rencontrer leurs besoins essentiels, c'est-à-dire préparation des repas, travaux ménagers, toilette personnelle, soins infirmiers. Quant à l'aide des familles, elle couvre une majorité de ces besoins.

Les restrictions budgétaires ont mené à un rationnement des ressources et la volonté de limiter les places en institution a produit un effet de cascade qui a mené à un engorgement des autres services par des cas trop lourds pour leurs ressources.

Par ailleurs, il est nécessaire, dans une optique de prévention, de mettre l'accent sur le développement des ressources intermédiaires entre les services de maintien à domicile et l'institutionnalisation, c'est-à-dire centres de jour, familles d'accueil, support aux aidants naturels, centres communautaires. Ces ressources devraient être davantage financées. Nous voulons aussi souligner, dans la prévention de l'autonomie des personnes âgées, l'importance des services de transport permettant aux personnes à mobilité réduite de participer à leurs activités quotidiennes, socioculturelles et sociosanitaires.

Il va de pair avec le développement des ressources intermédiaires de services et de résidences que les interventions ne soient pas effectuées avec une définition de catégories trop exclusives et limitatives des clientèles visées qui enferment dans un type de service unique mais que nous envisagions la situation dans un continuum de services. Il nous apparaît essentiel que le gouvernement se penche sur une réelle politique du vieillissement.

Soulignons enfin que les organismes communautaires, par des activités qui n'entrent pas toujours dans les programmes-cadres du MSSS, amènent leurs membres et la population participante à une plus grande autonomie et une prise en charge. Quant à l'accessibilité universelle et gratuite, il apparaît que les principes de gratuité et d'accessibilité sont quelque peu écorchés. Quant au principe de l'accessibilité, les longues listes d'attente pour l'obtention de services sociaux notamment, indiquent que ces services sont réservés aux cas lourds. Les personnes en perte d'autonomie sont très peu considérées. Le renvoi des personnes âgées ayant besoin de services de maintien à domicile à leur famille est aussi pour nous une limite à l'accessibilité puisqu'il ne s'agit pas d'une complémentarité des ressources mais d'un remplacement, d'un déversement des clientèles, lesquelles manquent totalement de support aux familles aidantes, ce qui est une preuve tangible. Les perspectives de privatisation s'insinuent dans plusieurs articles de l'avant-projet de loi. L'ouverture vers l'expérimentation des Organisations de soins intégrés de santé, les OSIS, et l'avènement de services privatisés que seuls les bien nantis pourront utiliser risquent de faire apparaître une médecine parallèle.

Le jugement de la Cour supérieure, en août 1988, dans la cause du CLSC Kateri, ne signifie nullement que les services de maintien à domicile soient compris dans la gratuité des services aux bénéficiaires. L'orientation des personnes vers les agences privées est une autre mesure constante de privatisation. Nous voulons réaffirmer avec force que nous nous objectons à la privatisation des soins de santé et de services sociaux, car nous craignons que cette réforme du système ne nous ramène à la situation des années trente où des familles se sont endettées largement et pour longtemps pour se faire soigner.

Les recommandations.

Le Président (M. Joly): Mme Brunet, il nous reste environ une minute. Par contre, avec le consentement des deux partis on peut vous permettre peut-être d'apporter une conclusion, s'il vous plaît.

Mme Brunet: Je vais accélérer.

Le Président (M. Joly): Vous pouvez aller.

Mme Brunet: Merci. Que le gouvernement introduise dans son projet de loi des mesures qui permettront réellement, tant aux organismes communautaires qu'au système de santé et de services sociaux, de promouvoir dans la population des attitudes et des comportements favorisant une meilleure santé physique et mentale, prévenant ainsi l'émergence ou le développement d'un environnement morbide et de maladies qui auraient pu être évitées avec des programmes adéquats d'intervention préventive.

Que soient mis sur pied des services de maintien à domicile et des ressources intermédiaires, sachant que dans le contexte actuel les personnes désirent demeurer à domicile.

Que le gouvernement prenne les mesures pour maintenir la gratuité des services de santé et de services sociaux et son caractère public pour éviter que ce système ne glisse graduellement vers une certaine forme de privatisation des services et, conséquemment, vers un système de santé parallèle.

Que la section de l'avant-projet de loi portant sur les organismes communautaires soit repensée et reformulée afin de mieux protéger le dynamisme et l'autonomie de ces organismes contre l'assujettissement aux programmes bureaucratiques et l'asservissement à des structures lourdes qui les empêcheraient d'apporter des réponses originales aux besoins actuels et futurs de la population.

Que les organismes communautaires puissent disposer d'une subvention provenant directement du MSSS, comme cela se pratique actuellement, afin de mieux protéger leur autonomie et leur capacité de mettre sur pied de nouveaux programmes ajustés aux besoins de la population. Que les regroupements d'organismes communau-

taires reçoivent directement du MSSS les subventions requises leur permettant de soutenir leur section locale, au plan des orientations de leurs activités, et d'assurer la formation de leurs bénévoles et la transmission d'informations pertinentes dans le but de supporter leur action de prévention auprès de la population, action plutôt négligée par le système de santé et de services sociaux.

Que l'on étende au conseil d'administration de chaque territoire de Centre de services sociaux et de la régie régionale l'obligation de compter une personne de 65 ans ou plus parmi ses membres, comme le projet de loi l'indique à l'article concernant les conseils d'administration de chaque territoire de CLSC. La personne représentant les personnes âgées pourrait être aussi un membre d'un organisme communautaire regroupant des personnes du troisième âge.

Que le gouvernement du Québec et son ministre de la Santé et des Services sociaux reconnaissent dans les lois et les règlements le statut et les droits de la personne à mobilité réduite dans la zone grise comprise entre le transport en commun et le transport adapté. À cet effet, qu'il prévoie dans sa politique de santé et de maintien à domicile, les services de transport permettant aux personnes à mobilité réduite de participer à leurs activités quotidiennes socioculturelles et sociosanitaires. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Brunet. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, madame, messieurs. Évidemment, votre participation à cette commission est une participation attendue, puisque le consensus qui s'est dégagé partout à travers le Québec est effectivement que le vieillissement de notre population est le problème numéro un auquel on doit faire face aujourd'hui, demain et, de manière plus dramatique, au tournant du siècle. Vous représentez donc un regroupement de personnes âgées à leur retraite qui passent un message un peu d'inquiétude face à certains courants ou à certaines tendances.

Vous avez fait beaucoup de place au communautaire, dans votre présentation et aussi à l'intérieur de vos recommandations, et ça m'apparaît très important, à ce moment-ci, de consacrer quelques minutes à vous interroger. Si je décode bien, vous avez un très grand respect du comunautaire. Vous nous dites: Ils nous rendent bien service pour pas cher. En termes très clairs: Essayez donc, autant que possible, d'en donner un petit peu plus et de ne pas trop trop vous fourrer le nez dans leurs affaires parce que, effectivement, ils nous donnent un meilleur rendement que ce qu'une structure bureaucratique - j'ai mal saisi? - pourrait finalement faire.

J'aimerais vous entendre un petit peu plus parce que, effectivement, il y a, à travers les mémoires, une préoccupation constante ou, à tout le moins, il y a eu un bon lobby du communautaire pour dire: II faut conserver notre place. C'est un message qui est double. On dit: La décentralisation que vous proposez, ce n'est pas suffisant parce qu'il n'y a pas assez de pouvoirs au niveau régional pour être capable de décider. Et, en contrepartie, on sent une inquiétude du communautaire de se faire engouffrer par une structure décentralisée et plus autonome. On dit: Tout ce beau monde-là - et ce n'est pas péjoratif - devrait avoir ses subventions directement du ministère lui-même, en termes de garantir son autonomie vis-à-vis du pouvoir décentralisé. Alors, ce que je comprends, c'est que le communautaire, pour vous, c'est une solution d'avenir.

Mme Brunet: Je répondrais à ce que vous venez de dire: Oui, c'est vrai et, à plus forte raison, ça a été reconnu dans le rapport Rochon et, comme on l'a dit dans le mémoire, ça a été dit, ça a été écrit que le communautaire, s'il fallait qu'il disparaisse demain matin, ce sont des millions que le gouvernement devrait payer. Quand vous dites que vous comprenez à travers le message qu'on vous dit de ne pas mettre le nez dans nos affaires, je dirais que c'est plutôt l'inverse. C'est nous qui voulons nous mettre le nez dans vos affaires. C'est-à-dire qu'on veut être consultés, on veut participer. D'ailleurs, on vous dit qu'on a déjà rencontré Mme Thérèse Lavoie-Roux et qu'on a demandé une consultation. Après, il y a eu deux personnes, deux fonctionnaires du gouvernement qui sont venus nous consulter. Je vous dirais, là-dessus, M. le ministre, que les retraités ne sont plus ce qu'ils étaient. C'est-à-dire que ce sont des gens très bien informés, qui participent de plus en plus à la collectivité et qui veulent participer davantage. Alors, ifs veulent se faire entendre sur les choses qui les concernent. Je pense que c'est heureux qu'il en soit ainsi au Québec.

M. Côté (Charlesbourg): Je partage parfaitement votre opinion lorsque vous dites que les personnes retraitées ou âgées sont maintenant mieux informées. Lorsque je regarde la liste des quinze membres de la Coalition, je me dis: II y a un potentiel, là, tout à fait exceptionnel de personnes qui ont vécu différentes expériences et qui, effectivement, doivent être reconnues. D'ailleurs, c'est ce que le projet de loi fait, vous le reconnaissez de manière très claire dans une de vos recommandations puisqu'une personne de 65 ans et plus doit être dans un conseil d'administration de CLSC. Vous dites: Ça ne va pas encore assez loin, il faut que ce soit au niveau de la régie régionale, il faut que ce soit aussi au niveau du territoire des CSS. Je pense que la logique doit suivre. Donc, il y a déjà cette reconnaissance-là assez importante. Il est

clair qu'il y a beaucoup de personnes retraitées, aujourd'hui, qui sont chez elles et qui ne demandent pas mieux que d'aider et d'apporter leur contribution à un système qui en a largement besoin.

Sur le plan du communautaire, ce que je comprends, c'est que le système qui est en place actuellement n'est quand même pas un si mauvais système, si je vous comprends, où c'est une administration centralisée qui donne des budgets à des organismes communautaires de la base et à certains regroupements. Ce que vous souhaitez, c'est que ça continue dans ce sens-là.

Mme Brunet: Oui, parce que ce qu'on a compris, en tout cas dans l'avant-projet de loi, et on le dit, c'est le danger qu'on dise aux organismes communautaires. Oui, on va vous subventionner, mais à la condition que vous rendiez tel service à la population. On dit dans le mémoire que les organismes communautaires ont une vocation très précise et il y a comme un danger que cette vocation, qui répond à un besoin réel de la population... Si on parle des associations des personnes retraitées, qui est plus près de cette situation que les retraités eux-mêmes? Alors, je pense que les organisations, dans l'ensemble, répondent aux besoins réels. On craint qu'à force d'aller dans un conseil d'administration, dans une régie et à un conseil exécutif, finalement, au bout de la ligne, les besoins, qui doivent répondre aux personnes, soient comme un peu dilués dans tout ce cheminement. (10 h 45)

M. Côté (Charlesbourg): L'inquiétude fondamentale des gens du communautaire, c'est de se retrouver au niveau régional et d'être engloutis par une structure régionale qui ne leur ferait pas de place. La logique qui sous-tend une régie régionale - appelons-la comme ça pour le moment, elle pourra peut-être changer de nom éventuellement; le nom, ce n'est pas important - c'était de décentraliser un pouvoir de décision. Évidemment, il y a des craintes, il y a des limites à ça sur le plan de la Loi sur l'administration financière. Il faut pousser plus loin tous les pouvoirs qu'on peut donner à une régie régionale. Ce que le ministère pensait et ceux qui ont pensé la réforme, je souscris à cette idée-là, c'est que les gens des régions sont mieux habilités, mieux connaissants de leurs problèmes et de leur problématique, des solutions qu'on devrait envisager et de la priorisation qu'on devrait donner à certains secteurs par rapport à certains autres pour faire face à la musique. Ce que j'ai de la difficulté à comprendre du communautaire lorsqu'on en parle, c'est cette appréhension que le pouvoir régional pourrait les engloutir, prétendant qu'eux ne réussiront pas à faire leur place à l'intérieur d'uno régie régionale ou sur le plan des décisions à prendre. Ça, ça m'inquiète, ça me préoccupe un peu. Évidemment, j'ai dit qu'il y aurait des régies régionales et ça m'apparaît extrêmement important.

Dans ces conditions-là, j'aimerais peut-être pousser davantage avec vous: Quelle est la crainte que vous avez de vous faire engloutir? Je comprends qu'un mouvement provincial puisse avoir certaines craintes. Ça, c'est le regroupement. Peut-être que, demain matin, la solution c'est que ce soit le gouvernement du Québec qui décide de prendre à sa charge, dans un budget centralisé, les regroupements, mais qu'à tout le moins, pour les régions du Québec, ces régions-là puissent participer, décider aussi avec la régie régionale des orientations et faire leur place sur le plan régional. Alors, je fais une distinction très nette, dans le communautaire, entre ce qui est regroupement d'organismes et organismes communautaires dédiés aux services aux gens - prenons un exemple - à domicile. On peut bien s'en parler, nous autres, au ministère, on peut bien s'en parier avec vous autres qui êtes des représentants des aînés à juste titre, mais ce qu'on vise, c'est que la personne qui est à domicile, qui est en perte d'autonomie, puisse avoir davantage de services.

J'ai de la difficulté à comprendre cette résistance du communautaire à faire partie d'une régie régionale où c'est au niveau régional qu'on déciderait de l'attribution des subventions sur le plan régional.

Mme Brunet: Là-dessus, je vous répondrais. . Et je pense qu'on a ici, dans la salle, deux personnes qui sont directrices du Forum des citoyens âgés et de l'AQDR, qui pourraient peut-être vous répondre plus largement que moi je peux le faire. Mais je tiens à vous dire que ce qui arrive c'est que le conseil d'administration, de la façon dont il est proposé, il y a seulement un représentant du communautaire. Alors, a ce moment-là, quel peut être le poids de cette personne-là? Et je vous dirais, M. le ministre, pour avoir fait partie du conseil d'administration d'un CLSC pendant deux ans, et je vous assure que, même si on s'appelle Yvette Brunet et qu'on n'est pas gênée de parler, c'est pas facile d'être capable d'avoir notre place dans le conseil d'administration, actuellement, d'un CLSC Et on craint que ça se répète parce que, à cause de tous les autres intervenants qui sont là, la personne qui représente le communautaire est comme noyée et n'est pas capable de saisir l'ensemble des autres, de ce qui se dit et de ce qui se passe de la part des autres intervenants et des autres personnes qui sont là.

M. Côté (Charlesbourg): ..pas ça, moi lorsque Yvette Brunet nous parle de son expérience de participation à un conseil d'administration d'un CLSC. Parce que le CLSC, le C de la fin c'est pour communautaires, et s'il y a une place où l'exemple doit être donné, c'est

bien là. Alors, vous êtes en train de me dire que, vous, avec tous les moyens dont vous disposez, vous avez de la misère à faire votre place à l'intérieur d'un CLSC.

Mme Brunet: Oui. Et c'est une réalité dans presque tous les CLSC, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, O.K. Je vais vous poser des questions encore plus précises. Pourquoi? Parce que le D.-G. prend trop de place? Est-ce que c'est parce que le médecin prend trop de place? Qui prend trop de place dans cette boîte-là?

Mme Brunet: Parce que, connaissant encore la mentalité des personnes de 65 ans et plus, quand elles se retrouvent dans un conseil d'administration où le langage, les structures sont faites en sorte qu'elles ne trouvent pas leur place, comment voulez-vous que ces personnes osent affronter un D.-G., osent affronter le président, osent affronter le médecin, osent affronter tout ce beau monde autour de la table? Alors, ces personnes-là... On trouve important, nous les retraités, d'être au conseil d'administration, mais, au bout du compte, notre place est tellement difficile à prendre qu'on finit par se décourager et en sortir.

M. Côté (Charlesbourg): Est ce que je dois comprendre que dans la proposition initiale... parce qu'on a entendu, pendant deux semaines, des gens venir nous dire: II est indispensable que le D.G., que le médecin, que le personnel professionnel soient au conseil d'administration parce qu'ils ont une connaissance très importante. Dans le projet, on dit: On les exclut. Effectivement, pour redonner le pouvoir à ceux qui sont au conseil d'administration, on les exclut. On dit: On ne s'en privera pas sur le plan de l'expertise, ils vont pouvoir venir échanger, mais on les exclut. Ce que vous êtes en train de me dire, c'est que ce sont eux qui mènent. J'ai toujours posé la question. Il y a une différence fondamentale entre qui décide et qui mène. Qui décide? C'est le conseil d'administration, normalement. Mais qui mène? C'est une autre affaire. C'est ce que vous êtes en train de me confirmer.

Mme Brunet:...

M. Côté (Charlesbourg): Ce que vous craignez dans une régie régionale, c'est que le même phénomène... les permanents prennent la place du monde ordinaire. C'est ce que voulez me dire?

Mme Brunet: Quelques permanents, oui. Mais le président n'est pas nécessairement permanent. Alors, je pense qu'il y a souvent des ententes, je dirais, sur certains dossiers. Quand vous arrivez à la table de la réunion du CA, c'est là que c'est très difficile d'avoir un pouvoir de décision.

M. Côté (Charlesbourg): Je trouve fantastique, dans ce beau monde que je connais de manière particulière depuis quatre mois et demi, cinq mois, que tout le monde travaille pour les bénéficiaires. C'est extraordinaire. L'échange qu'on a ce matin - il y a plusieurs personnes qui ont perçu ça depuis déjà fort longtemps -c'est que la structure prend bien de la place. Il y aurait peut-être avantage à l'ouvrir ou à la restreindre un peu sur le plan de son...

Mme Brunet: On craint qu'il se répète aussi dans les régies, M. le ministre. Je vois que Daniel Lavoie voudrait prendre la parole, mais il y a aussi David qui représente le groupe anglophone, qui aurait peut-être quelque chose à vous dire.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, M. David.

M. Wodsworth (David): If you will allow me, M. Chairman, to speak in English?

Le Président (M. Joly): We do. No problem. Une voix: It's your right.

M. Wodsworth: I think that the question of participation is made difficult, as Mme Brunet has said, when individuals face the formality of procedures in an administrative board, i think the problem is, in part, the complexity of the subject matter that has brought before a board, and specially under the proposed unified boards where several institutions will be combined, and the complexity of the detail will be beyond the capacity of individuals to understand. We feel that the policies that are going to be proposed by the ministry, will effectively represent ministerial and bureaucratic perceptions of the needs of the people. We feel that these perceptions do not, in fact, always accurately reflect the actual needs of the people themselves, and that it is very important for the consumers, in our case, for seniors, to be able to participate fully in understanding the nature of the services that are offered to them and to have a genuine opportunity to contribute their experience of their own needs, rather than have them filtered through the perceptions of the professionals and of the bureaucrats. We therefore feel that the centralization of boards and the domination of the boards by representatives appointed by the ministry, will exclude a sense of genuine participation by seniors.

There is another aspect to this too - I think, that Mme Brunet referred to - which is the difference between curative and preventive services. Many of our organisations are, in fact, providing preventive services, because they are

enabling people to stay out of institutions. And there are best done, I think, by the sort of volunteers who are working in organizations like ours. That sort of service is not available through the usual professionnal perceptions, the usual professional services in institutions. Therefore, we feel it is very important that this voluntary perspective should be brought, should be ensured expression in the administrative boards. I think those are the central points that we are trying to raise.

Le Président (M. Joly): Thank you, Mr. Wodsworth, we appreciate your comments. Je pense que madame, ici, avait mentionné le désir de s'exprimer. Mme Lavoie, je crois?

Mme Lavoie (Danièle): Oui. Danielle Lavoie. Je suis directrice du Forum des citoyens âgés de Montréal. Ce que j'aimerais apporter comme précision, c'est que souventefois, nous sommes appelés à siéger à différents conseils administratifs et ce qui se produit, c'est que la journée même ou une semaine avant, nos représentants sont "affublés" de documents. Alors, c'est de la pseudo-consultation. Ce qu'on veut vraiment, ce que les personnes âgées veulent, c'est participer aux décisions mais de façon éclairée. Cela veut dire recevoir l'information préalablement avec un genre d'encadrement qui puisse leur fournir un meilleur éclairage. Parce que, qu'on siège n'importe où, si on dit: Bien, dans nos comités, on a des représentants des usagers, des personnes âgées, ça fait une belle brochette, ça paraît bien dans les papiers, mais dans les faits, quels sont les rôles véritables de ces personnes-là? On pense que les personnes âgées peuvent être habilitées à prendre des décisions concernant leur situation propre, c'est-à-dire des orientations de politique de santé, des orientations d'administration de budget sur les priorités. Alors, ce qu'on veut vraiment, c'est un effort véritable de démocratisation de la participation.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que je vous saisis bien? Parce que, évidemment quand je vous ai entendu parler de la "pile", ça aussi, c'est le lot d'un ministre à tous les jours: une grosse pilel II y a un moyen de le noyer. On en met plus qu'il faut et ça aussi, c'est le même phénomène. C'est un peu le phénomène du privé aussi. Il ne faut pas se faire d'illusions. Cependant, le privé s'est un petit peu ajusté en ce sens qu'il ne questionnera pas trop les chiffres ou les colonnes de chiffres, parce que sans ça, ça va prendre toute une série de spécialistes, mais il va davantage faire le questionnement sur des questions de fond. Si on se retrouve demain matin dans un CLSC, au conseil d'administration, il me semble bien que, lorsqu'on parle de maintien à domicile, puisque c'est un mandat qui est décentralisé - c'est un de vos objectifs - c'est davantage sur les ajustements qu'on devrait faire au programme de maintien à domicile - est-ce qu'on devrait faire telle affaire ou telle affaire? - qu'il faudrait se questionner à savoir si on remplit notre mission à ce niveau-là que de tenter d'inonder des gens par toutes sortes de documents sur le plan administratif. Donc, discuter de politiques vis-à-vis des personnes qu'on veut desservir. Ça me paraît important parce que ce qu'on entend, c'est la crainte, le syndrome du papier, là. Et ça, c'est répandu un petit peu partout. Vous m'arrêtez, M. le Président, mais...

Le Président (M. Joly): Allez, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): ...j'aurais peut-être une dernière question. J'en ai d'autres, mais j'ai pris note d'un certain nombre de commentaires qui...

Mme Brunet: M. le ministre, je voudrais vous dire une chose. Je pense que les gens qui vont retourner chez eux, si on n'a pas au moins abordé un tout petit peu la question du maintien à domicile, ils vont être très déçus. Actuellement, c'est un grave problème parce qu'on le dit, l'accessibilité à ces services est de moins en moins grande, la privatisation s'installe de plus en plus. Je pense qu'on aimerait vous entendre là-dessus parce qu'il y a vraiment quelque chose qui est en train de se passer et on va se ramasser dans quelques années où les gens devront payer. Et, vous le savez aussi bien que moi, on a parlé du vieillissement de la population, mais on sait en même temps que les retraités ne sont pas les plus riches de la société, ils sont majoritairement pauvres, comme on peut dire. Alors, qu'est-ce qui va arriver à cette clientèle-là de personnes ayant très peu d'argent et même aux personnes qui ont des revenus de 20 000 $ et de 25 000 $ à leur retraite, qu'on ne qualifie pas de pauvres? Mais est-ce qu'on peut penser que ces personnes-là vont être en mesure de payer tous les services et les soins qu'elles vont devoir se payer?

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, vous m'avez dit tantôt lorsqu'on a parlé de communautaire que ce que vous vouliez davantage que de nous dire quoi faire, c'est que je vous dise ce que nous allions faire. Ai-je bien compris ça?

Mme Brunet: On va changer de termes parce qu'on veut être consultés.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Je pense que ça...

Mme Brunet: C'est plus précis

M. Côté (Charlesbourg): ...m'apparaît élé-

mentaire. Ce que j'ai compris en arrivant chez nous, en regardant les sommes qui sont investies dans le maintien à domicile.. J'ai demandé: Fournissez-moi un rapport sur: en a-t-on pour notre argent? Pas rien que parce qu'on en a pour notre argent; ce n'est pas ça, l'objectif. L'objectif: est-ce que notre argent est bien dépensé et va aux bonnes choses dans le maintien à domicile? Parce qu'on entend chez nous au cabinet et dans le courrier des récriminations vis-à-vis du maintien à domicile: inaccessibilité ou certaines mesures qui sont fournies, mais qui ne sont pas adéquates. (11 heures)

Évidemment, moi, j'ai dit: II va falloir faire l'analyse de ce qu'on veut donner comme maintien à domicile. On a ajouté, au fil des années, des mesures. C'est clair que c'est un élément extrêmement important et indispensable dans l'avenir, le maintien à domicile, si on veut être capables de faire face à nos défis de l'an 2000 et d'en maintenir davantage à domicile. Ce qu'on a sauvé depuis quelques années avec le maintien à domicile, c'est éviter l'institutionnalisation, la retarder de deux ans ou de trois ans. Alors, on a besoin d'un réajustement extrêmement important. C'est clair que, à ce niveau-là, dans la réforme, le maintien à domicile va prendre une place extrêmement importante parce que c'est un élément de première importance au niveau de la réforme, mais pas tous azimuts, pas n'importe comment, sur le territoire, avec des normes différentes dans le CLSC La Source, le mien, à Charlesbourg, du CLSC de Grande-Vallée, en Gaspésie ou du centre-ville à Montréal. Finalement, l'interprétation est fort différente un peu partout. Oui, effectivement, il y a des choses à faire, il y a des choses qui vont se faire et qui vont se maintenir.

Mais moi, j'aimerais davantage vous entendre, vous, me parler de ce qu'est le maintien à domicile dans le champ, autrement que par des rapports sur papier. Et vous êtes bien placés pour me dire ce qui va et ce qui ne va pas dans le maintien à domicile.

Mme Brunet: Nous autres de la Coalition, bon, vous avez dit: On est nombreux. Oui, c'est vrai, ça représente 500 000 personnes au Québec. Ce qu'on sait des personnes, elles veulent rester chez elles le plus longtemps possible. Je pense que tout le monde comprend ça. On n'a pas besoin de faire un dessin là-dessus. Bon. Mais à ce moment-là, pour rester à la maison... Aussi, on sait aujourd'hui qu'à cause de l'évolution de la science les personnes âgées commencent à être vraiment incapables physiquement vers l'âge de 75 ans. Alors, déjà, ça, c'est écrit. Alors, à ce moment-là, de quoi les personnes ont-elles besoin? C'est de l'accompagnement, c'est de la popote, c'est de faire un petit peu de ménage, c'est-à-dire de se sentir appuyées par un réseau quelconque. Ça peut être - on l'a dit, on n'est pas contre - la famille. Et on vous l'a dit, ça n'a jamais cessé, la famille a toujours été présente.

Permettez-moi une petite parenthèse. Je peux vous dire que ce sont les femmes, la famille, par exemple, qui prennent soin des personnes à la maison. Ce sont principalement des femmes qui font ce travail. Alors, ces personnes-là, avec un tout petit peu... Et c'est ça, M. le ministre, qu'on appelle de la prévention. A ce moment-là, ça se fait dans beaucoup d'endroits. Je pense qu'on pourrait copier certains modèles qu'ils ont déjà expérimentés, qui ont déjà obtenu une société, je dirais, plus équitable en appliquant et les services et les soins à domicile.

Au bout de la ligne, M. le ministre, vous savez fort bien que présentement, étant donné que les gens qui demandent des soins, qui ont besoin des soins ne les obtiennent que huit mois, que neuf mois, qu'un an après, ce n'est plus des services qu'ils ont besoin, ils ont besoin d'entrer dans un centre d'accueil. Et dans les centres d'accueil, M. le ministre, il y a actuellement 8000 places qui sont demandées au Québec et ils ne peuvent pas y entrer. Alors, quand les personnes réussissent à entrer, c'est pour mourir dans le centre d'accueil. Et ce n'était pas la vocation des centres d'accueil et ce n'était pas la vocation des CLSC au départ.

Alors, ce serait peut-être de revoir ce qu'on peut faire avec ça parce qu'il n'y a rien, non plus - et il y a, au CSSRMM, région métropolitaine, des rapports qui ont été faits là-dessus - entre les personnes qui sont à la maison et le centre d'accueil. Il n'y a rien qui existe. C'est-à-dire que oui, il y a les centres hospitaliers de courte durée, de moyenne durée, mais j'ai encore entendu, la semaine dernière, qu'il y a une personne qui attend pour entrer dans un centre d'accueil, ça fait un an qu'elle est à l'hôpital. On sait ce que ça coûte être à l'hôpital. Elle ne devrait pas être là.

Alors, je dirais de mettre un peu plus d'ordre dans tout ça parce que ça nous apparaît présentement une espèce de politique de cataplasme sur une jambe de bois.

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, mais on a sûrement...

M. Côté (Charlesbourg): On aura très certainement l'occasion d'en reparler. Il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits dans ce domaine-là, peu importe par qui, beaucoup d'efforts qui ont été faits. Ce ne sont peut-être pas des mesures qui s'enchaînent bien. Évidemment, il y a un manque très évident de places - c'est ce que Mme Lavoie-Roux disait dans ses "Orientations" - pour la longue durée. De dire qu'il y en a 16 % ou 14 % ou 15 % qui occupent des lits de courte durée dans les hôpitaux, tout le monde a compris depuis déjà fort longtemps

que ce n'est pas nécessairement là leur place et où c'est le plus économique, non plus.

J'aurais eu bien d'autres questions, mais je pense que je prendrai l'occasion, avant la fin de la réforme, de vous consulter.

Le Président (M. Joly): Merci, M le ministre. Maintenant, je vais reconnaître Mme la députée de Chicoutimi, Mme Blackburn.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président Mme Brunet, messieurs, ça me fait plaisir de vous saluer au nom de l'Opposition officielle. Votre mémoire suggère tant de questions que le problème, c'est de savoir par où commencer. J'ai choisi de le faire davantage autour de deux questions touchant d'abord les soins ou les services offerts aux personnes âgées et la régionalisation.

Le ministre parlait tout à l'heure du problème du vieillissement. Je vous avoue que, chaque fois que j'entends parler de cette question comme étant un problème, j'appelle ça plus une réalité, la réalité québécoise. La population vieillit et comment peut-on aménager les services en fonction de cette réalité? Peut-être parce que je m'approche tranquillement du vieillissement aussi, comme le ministre et d'autres, cette idée de parler de nous en termes de problème m'est toujours un peu désagréable, d'autant que la nouvelle population âgée, vous l'avez fait remarquer, peut être extrêmement productive et utile en raison des expériences et des connaissances qu'elle a. Il y a aussi le fait qu'elle demeure en santé plus longtemps, étant donné qu'elle prend sa retraite plus tôt.

Deux questions qui me préoccupent. Le ministre se demandait comment on pouvait permettre à des citoyens ordinaires de participer aux décisions d'un conseil d'administration de CLSC ou d'un conseil d'administration d'hôpital. Je dirais que ce n'est pas possible; c'est une fausse démocratie, je pense que tout le monde l'a reconnu, pour une raison extrêmement simple: pas par mauvaise volonté des CLSC - quoiqu'il doit bien y en avoir, je ne veux pas les blanchir, les bénir comme ça - mais simplement parce que tous nos établissements de santé, et c'est vrai pour les collèges, c'est vrai un peu partout, sont tenus de remplir des formules, des rapports et ça n'en finit plus. Ils doivent avoir des résolutions des conseils d'administration. Donc, les conseils d'administration prennent des résolutions sur des décisions dont ils ne connaissent pas la portée, sauf qu'ils les prennent. Alors, le seul à comprendre tout ça, c'est généralement l'adminis-tateur ou le permanent, qui s'appelle le directeur général, le directeur des services financiers.

La raison, c'est exclusivement parce que ces établissements n'ont pas de pouvoirs. C'est la lecture que j'ai faite pour avoir siégé à plusieurs conseils d'administration. Ils sont des "rubber stamps", pour utiliser l'expression anglaise, des estampillées de décisions prises ailleurs. Dans ce sens, est-ce qu'une décentralisation réelle des pouvoirs et des décisions touchant les orientations d'une région, dans cette hypothèse d'une réelle décentralisation, parce que vous qualifiez la décentralisation de déconcentration, avec justesse d'ailleurs, ça pourrait vous rassurer quant à la possibilité de ces régies régionales de prendre en compte la réalité des organismes communautaires?

Mme Brunet: Je pense que c'est difficile de répondre à ça parce que, quand on regarde les structures des CLSC actuellement qui n'ont pas réussi à répondre adéquatement et selon leur vocation aux besoins de la population, est-ce qu'on peut penser que des régies vont être capables de faire mieux? Est-ce que les structures des CLSC actuellement ont fait en sorte qu'on n'a pas été capables de réaliser ce qu'on voulait faire et qu'on est allés vers des urgences? C'est la question qu'on se pose. Est-ce que les régies vont pouvoir le faire, c'est-à-dire décentraliser davantage? Qui aura le pouvoir dans ces régies? Est-ce que la personne concernée aura sa place, sera capable de s'intégrer dans ces structures, de comprendre ce qui se passe? Comme l'intervention tantôt de Mme Lavoie qui disait: II faudrait une préparation, parce que c'est vrai qu'on reçoit d'abord une pile épaisse comme ça avant la réunion, mais comprendre tout ce qui est écrit... Je pense que ce n'est pas comme ça que les personnes vont pouvoir fonctionner à travers les régies. C'est pour ça qu'on a tout un questionnement face à ça aussi.

Mme Blackburn: Je partage les sentiments du ministre lorsque les gens arrivent ici en disant: On n'en veut pas vraiment de la régionalisation. Ça nous est venu beaucoup des organismes communautaires. C'est comme si on avait plus confiance en un gouvernement central qui doit prendre en compte la norme, une espèce de moyenne nationale, pour distribuer les budgets. Dans ma région, des sans-abri, je n'en ai pas. Il y en a 20 000 à Montréal, cependant, selon les statistiques. Alors, ce n'est pas tout à fait la même réalité. Cependant, j'ai plus de chômeurs qu'il n'y en a à Montréal et la même chose dans la région d'origine du ministre.

J'y reviens brièvement, le problème des CLSC, c'est qu'on a orienté, on a exigé d'eux qu'ils répondent à trois missions - vous vous rappelez, avec le rapport Harvey - c'étaient les clientèles à risque, le maintien à domicile et la santé mentale, si je ne m'abuse, ce qui fait que tout ce qui sortait de ça... Comme ils n'avaient pas de budget, et qu'ils étaient constamment restreints, évidemment, ils ont dû s'en tenir à ce qu'étaient les orientations gouvernementales.

Mais, dans les régions, est-ce qu'on peut penser que ça pourrait vous rassurer si on parlait d'une enveloppe ou d'un pourcentage

d'une enveloppe régionalisée qui serait accordée aux organismes communautaires et où il faudrait établir un mécanisme en vertu duquel ces organismes pourraient définir les priorités de la région? Ça me dérange toujours que les priorités des régions, que ce soit la mienne, l'Abitibi, la Gaspésie, la Beauce, soient établies en fonction des besoins de Montréal. Je m'excuse de le dire aussi brutalement, mais c'est ça le problème qu'on vit dans les régions, et la centralisation de l'enveloppe a toujours été ça. Alors, je me dis que vous...

Mme Brunet: En tout cas, je pense aux organismes qui sont un regroupement, c'est-à-dire qu'ils ont beaucoup de sections, comme on les appelle, à travers la province. À ce moment-là, quelles garanties avons-nous pour la subvention? Si on la répartit un peu partout à travers le Québec, qu'est-ce qui resterait pour ce qu'on appelle le provincial qui travaille, justement, en collaboration avec les sections? Parce que vous savez que l'AQDR est une association de défense des droits; il y a d'autres associations qui aussi travaillent pour leurs membres. Alors, est-ce que ça ne serait pas noyé là-dedans et qu'il restera si peu d'argent, finalement, pour le regroupement même qu'on ne pourra plus apporter l'aide qu'on a toujours apportée à ces gens, faire la prévention, les informer, les former, autrement dit, aider une association, quelle qu'elle soit, qui fait en sorte que ses membres sont autonomes, se prennent en charge et continuent à fonctionner dans la société? Alors, ça nous apparaît bien important qu'il y ait un financement pour ça.

Mme Blackburn: Je pense que, là-dessus, vous avez raison. Vous avez raison à la fois sur la nécessité de maintenir le financement des regroupements. Moi, j'y crois aux regroupements. C'est la meilleure façon de mettre ensemble, de faire des mises en commun par rapport aux expériences, aux problèmes vécus, mais je pense que c'est vrai également régionalement. On a déjà abordé ça. Mais il n'y a rien qui empêcherait ou qui exclut que le ministère se conserve un organisme, pas de concertation, mais des tables provinciales, des regroupements nationaux sur cette question.

Mme Brunet: J'ajouterais là-dessus, Mme Blackburn, qu'il n'y a rien qui est écrit qui le dit, ça.

Mme Blackburn: Non, vous avez raison.

Mme Brunet: Alors, de là notre inquiétude et c'est pour ça qu'on vous en a fait part.

Mme Blackburn: Vous notez avec justesse, d'ailleurs, qu'il y a un écart considérable, pour ne pas dire un fossé, entre les "Orientations" et le projet de loi. Et les questions que vous soulevez font exactement paraître ce que nous appréhendons: comment pouvoir établir des structures sans des orientations claires et précises en ce qui touche les grandes questions de l'accessibilité, la gratuité, l'universalité, ainsi de suite, et la régionalisation? Alors, c'est ce qu'on a déploré. Comment et en vertu de quels principes pourrions-nous décider de la grandeur de la maison si on ne sait pas qui on veut mettre dedans? Ça m'apparaît élémentaire.

Vous avez rappelé aussi une autre vérité qu'on oublie trop facilement. Il y a seulement 2,4 % des services de maintien à domicile qui sont assurés par les CLSC. Pourtant, partout on dit: Les familles ont abandonné leurs personnes âgées. C'est faux aussi. J'ai eu l'occasion de le constater à maintes reprises et plus particulièrement dans un dossier qui devrait intéresser le ministre. Chez nous, les personnes en perte d'autonomie sont hospitalisées à une centaine de kilomètres de Chicoutimi, à Saint-Jérôme ou à Métabetchouan, selon la façon dont vous l'appelez, avec le résultat que les personnes qui ont actuellement leurs personnes âgées à l'hôpital de Chicoutimi, dans l'unité de soins prolongés, vont les voir deux fois par jour, trois fois par jour, vont les nourrir, les soigner et tout ça, et c'est courant, tout le département le sait. Ça pose des problèmes parce que, quand ils les transfèrent là-bas, ils ne le peuvent plus.

Mme Brunet: Je vais dire quelque chose là-dessus, si vous me le permettez, Mme Blackburn.

Mme Blackburn: Oui. (11 h 15)

Mme Brunet: Vous disiez, tantôt: On parle du problème du vieillissement. Ça fait drôle d'entendre parler d'un problème de vieillissement parce qu'en même temps ça peut signifier: On a un problème avec les personnes âgées. Je pense qu'il est important de reconnaître que la personne a encore sa place dans la société. Et ce que Mme Blackburn est en train de dire... J'étais à Roberval et la personne, justement, est allée voir sa mère qui est partie de Jonquière pour être placée dans un centre d'accueil à Saint-Jérôme. C'est inhumain qu'on vive ça dans notre société, actuellement, séparer les maris et les femmes, dans certains cas...

Mme Blackburn: C'est ça.

Mme Brunet: ...qui ont vécu pendant 50 ans ensemble, qu'un soit à un endroit et l'autre à un autre. Je pense qu'il est grandement temps qu'on ait une véritable politique de vieillissement, avec ce que les personnes souhaitent vivre, qu'on reconnaisse l'expérience et qu'on reconnaisse que la vieillesse, ce n'est pas une tare dans notre société.

Mme Blackburn: II y a 90 pensionnaires de

cette institution qui viennent de Chicoutimi et de Jonquière. Alors, c'est 90 personnes en perte d'autonomie qui sont originaires de Chicoutimi et de Jonquière et qui sont hospitalisées à une centaine de kilomètres pour aller terminer là leurs jours. C'est totalement, complètement inhumain. J'ai rencontré des personnes, un monsieur qui pleurait. Il n'a plus de permis de conduire, il ne peut pas y aller, sauf une fois par mois quand sa famille lui dit: Bien, écoute, je peux y aller, on va aller voir maman. Mais c'est ça, la réalité.

Revenons à quelque chose que vous abordez dans votre mémoire, c'est la privatisation. Et, comme on aborde toute la question de la privatisation plus particulièrement, je dirais, en fonction des services à être offerts aux personnes âgées, parlez-moi de la perception que vous en avez et des effets que ça pourrait avoir quant à la qualité et à l'universalité des soins destinés aux personnes âgées. C'est à la page 14 de votre mémoire.

Mme Brunet: Oui. L'AQDR a présenté un mémoire à la commission Rochon, ça fait déjà quelques années. On avait demandé à nos sections de présenter un mémoire. On avait appris par certaines sections que, déjà, on demandait aux personnes de payer ne serait-ce que 1 $, mais de payer pour avoir ces services. Alors, nous et toutes les associations de la Coalition pensons la même chose, c'est-à-dire que, quand on commence à faire payer, je l'ai dit tantôt, on ouvre la porte. Je vous ai aussi dit que nous travaillons actuellement sur le principe de l'universalité des pensions. Je pense que je n'ai pas besoin de vous expliquer ce que nous autres, on trouve qui n'est pas correct là-dedans, c'est-à-dire qu'on ouvre la porte.

Alors, quand on commence à faire payer les gens, ça veut dire qu'on vient de perdre la gratuité et que ces personnes-là doivent avoir affaire au privé. J'entendais dire, justement, il n'y a pas très longtemps, au CSSRMM, à Montréal, que les familles d'accueil, par exemple, il est en train de s'en installer beaucoup beaucoup dans le privé. Ces familles d'accueil privées, pendant les fêtes, ne voulaient pas garder les personnes qui étaient là parce qu'elles voulaient fêter comme beaucoup d'autres; elles ont renvoyé des personnes se faire garder dans les centres de jour. Alors, il y a toujours tout un problème. Quand on s'en va vers la privatisation, quel contrôle le gouvernement a-t-il sur ça? On risque de payer pour des soins. Quelle sera la qualité de ces soins et de ces services? Ça aussi, c'est très inquiétant pour les personnes vieillissantes dans la société.

Je l'ai dit, on l'a dit dans le mémoire, on se souvient des années trente. Quand on a entendu M. Nadeau dire qu'il faudrait peut-être payer dans les hôpitaux, tous les gens nous renvoyaient, ceux qui en parlaient, bien sûr: Mais non, ça ne se peut pas, on ne se retrouvera pas comme dans les années trente. Mon père a été malade et on a dû payer toute notre vie son hospitalisation et ça a fait qu'on était pauvres. Alors, il y a une crainte et je pense que cette crainte est fondée.

Le Président (M. Joly): Oui, merci. Est-ce que, madame, vous voulez continuer?

Mme Blackburn: Je pourrais poursuivre, mais je vois que j'ai une collègue qui voudrait.

Le Président (M. Joly): Vous avez encore quelques minutes et aussi, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: À la page 9 de votre mémoire, vous faites mention que les organismes communautaires ont devancé le gouvernement dans ses initiatives face à la détresse. J'aimerais bien que vous nous parliez de la détresse des personnes âgées, notamment en ce qui concerne l'utilisation de médicaments, la consommation de médicaments. On soigne beaucoup plus les personnes âgées par des médicaments que par autre chose, aujourd'hui et c'est peut-être une façon de régler leurs problèmes face à leur détresse.

Alors, j'aimerais bien que vous commentiez, en fait, l'action que vous pouvez apporter à ce niveau-là. Qu'est-ce que vous pensez, justement, de la pratique, actuellement, face aux personnes âgées avec la consommation de médicaments?

Mme Brunet: C'est intéressant que vous posiez la question parce que, partout, dans les "Orientations", dans l'avant-projet de loi, on parle toujours des usagers qui abusent du système. Et nous, on dit qu'il n'y a pas seulement les usagers qui abusent du système; il y a bien d'autre monde à l'intérieur de ce système-là qui abuse du système. Je pense que je n'ai pas besoin, non plus, de vous dire que, partout où on retrouve des individus, on en retrouve qui abusent du système, quelle que soit la forme. Alors, à ce moment-là, c'est bien évident que les personnes qui sont bourrées de médicaments...

Entre parenthèses, les femmes se font prescrire beaucoup plus de médicaments que les hommes; les hommes se font prescrire trois médicaments par jour, les femmes, onze médicaments par jour. Alors, à ce moment-là, c'est évident que ce sont surtout des tranquillisants qu'on leur donne, parce que, connaissant les conditions, par exemple, dans les centres d'accueil, connaissant les conditions dans les hôpitaux, dans les centres hospitaliers de courte durée, de longue durée où on coupe le personnel, qu'est ce qu'il reste à faire aux personnes qui travaillent dans ce milieu-là quand elles ne peuvent pas répondre aux besoins de la clientèle? C'est très facile de donner un médicament parce

qu'on les fait taire pour un bout de temps et c'est moins dérangeant. Je ne dis pas que c'est vraiment la volonté des gens qui sont à l'intérieur de faire ça, mais je dis que, comme est le système actuellement, souvent c'est la seule solution.

Alors, c'est bien sûr que, encore une fois, ce à quoi ça renvoie, c'est à la dignité de la personne, à l'importance de la personne. Est-ce que c'est la seule façon de maintenir ces personnes en vie, c'est-à-dire d'étirer, je dirais, des morts vivants? Est-ce qu'on pense que c'est important, la contribution, parce que ça renvoie à tout ça? Qu'est-ce qu'on fait dans notre société des personnes vieillissantes? Moi, je tiens à vous dire, parce que je vois qu'il y en a qui sont quand même en bas de 50 ans ici, que les retraités aujourd'hui ont souvent 53 ans, 55 ans et on les classe parmi les personnes âgées. Alors, où est-ce qu'on s'en va avec ça? Je ne pense pas que personne ici accepte de se faire classer personne âgée à l'âge de 55 ans, mais c'est non seulement de l'accepter, mais c'est d'être traité comme tel aussi, c'est-à-dire ne jamais retrouver sa place nulle part et ne jamais tenir compte de l'expérience tellement enrichissante de beaucoup de personnes.

Alors, ça fait que tout le système et surtout, pour répondre à votre question, la médicalisation à travers ça joue un grand rôle de désengagement des personnes. C'est comme dire - ça me fait penser à un exemple - dans les centres d'accueil, il y a une personne sur le comité; ah oui, une personne! Il y a un bénéficiaire sur le comité, mais comment voulez-vous que cette personne-là sur le comité intervienne? D'abord, elles ont très peur d'intervenir parce que, si elles disent qu'il y a quelque chose qui ne marche pas correct, on va commencer à les brasser un peu; la famille a peur. Alors, ces personnes-là se taisent et ces personnes-là ne peuvent apporter aucun changement dans le centre d'accueil parce qu'elles sont surmédicalisées, elles sont fatiguées, malades et à la veille de mourir.

Le Président (M. Joly): Mme la députée de Chicoutimi, brièvement, s'il vous plaît.

Mme Blackburn: Oui, une question. Vous avez fait allusion au fait que les organismes communautaires pris en charge par les régies régionales pourraient devenir l'équivalent de sous-traitants, vous ne l'avez pas utilisé, mais on l'a entendu souvent, des CLSC, des hôpitaux. En quoi un financement national assure-t-il une garantie quant à l'utilisation ou quant aux pressions qui pourraient être éventuellement faites, particulièrement auprès des organismes qui s'occupent du maintien à domicile? Parce que la tentation est grande, actuellement, de faire de ces organismes-là l'équivalent de sous-traitants et la tentation est grande pour la société actuelle de retourner les femmes à la maison pour s'occuper des personnes âgées, alors que ça ne prend pas en compte les changements dans la société qui font que les femmes travaillent toutes ou presque - les jeunes femmes en particulier -et que ce qui va se passer, c'est ce qui s'est passé antérieurement: c'est toujours sur les femmes qu'on va remettre l'éducation des enfants et, après ça, le soutien aux personnes âgées. Je veux dire: Comment réagissez-vous par rapport à ça et comment l'assurance d'un financement national peut-elle vous protéger contre l'envahissement ou contre le fait d'être récupérés?

Mme Brunet: Comme on le dit dans le mémoire, ce qu'on craint, c'est d'être moulus à ce que les régies veulent bien. Parce que l'influence aussi... Il faut voir qui va faire partie des conseils d'administration. Il y a des gens de la place et tout ça. Alors, l'influence de toutes ces personnes-là... Est-ce qu'il va y avoir une connaissance et une compréhension du communautaire des personnes qui sont présentes? Est-ce que le communautaire va devoir se battre avec, encore une fois, très peu de moyens pour être capable d'assurer le financement? Mais une des grandes craintes, c'est que, comme on le dit dans le mémoire, le gouvernement dise: O.K., on va vous donner une subvention, mais on veut que vous fassiez ça, ça et ça. Alors, c'est là, comme on vient de le dire, que les groupes communautaires ne répondront plus à leur vocation et ne répondront plus aux besoins réels dans certains cas - je ne dis pas dans tous -des personnes âgées.

Le Président (M. Joly): La dernière intervention que je vais permettre, c'est celle de Mme la députée de Marie-Victorin. S'il vous plaît. Dernière, très brièvement parce qu'on a déjà débordé beaucoup.

Mme Vermette: Très brièvement. En fait, ce que j'ai compris dans votre "rapport", c'est que vous dites que le communautaire s'attaque davantage à la cause des maladies, alors que, finalement, au niveau des hôpitaux, en tout cas dans le système de santé, tout ce qu'on a, c'est quand on est devant l'inévitable. Ce que j'ai compris, c'est que votre crainte, c'est qu'on vous oblige à devoir toujours faire face à l'inévitable, puisqu'il y a un manque de ressources dans l'inévitable, et à laisser tomber le préventif. Est-ce que c'est vrai?

mme brunet: oui. mais de là notre intervention en disant: à quand une politique du vieillissement, d'ailleurs, une politique de la famille? il faut aller avec ça, parce que, sinon, personne ne sait où on s'en va.

Le Président (M. Joly): Merci beaucoup, Mme Brunet, M. Wodsworth, M. Hudon et Mme

Lavoie. Merci beaucoup, pour ce que vous nous avez apporté. On vous souhaite un bon retour dans votre milieu...

Mme Brunet: Merci.

Le Président (M. Joly): ..et continuez votre bonne action. Merci.

Je demanderais maintenant au représentant du Conseil canadien des droits des minorités de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît. Merci. J'apprécierais beaucoup si les gens pouvaient peut-être se retirer un peu de façon qu'on puisse entendre le représentant du Conseil canadien des droits des minorités. J'apprécierais si vous pouviez vous identifier, s'il vous plaît.

M. Teltelbaum (Benjamin): Mon nom est Benjamin Teltelbaum. Je suis le président du Conseil canadien des droits des minorités.

Le Président (M. Joly): Parfait. Vous connaissez la procédure. On vous donne le temps qu'il faut pour présenter votre mémoire et, par après, suivant les questions posées, on répartit le temps...

M. Teltelbaum: D'accord.

Le Président (M. Joly): ...également entre les deux formations. Allez, M. Teltelbaum, s'il vous plaît.

M. Teltelbaum: Bon. Est-ce que vous m'entendez? Oui.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît, les gens à l'extérieur. Merci. Allez, M. Teltelbaum.

Conseil canadien des droits des minorités

M. Teitelbaum: O.K. D'abord, le Conseil canadien des droits des minorités veut remercier les membres de cette commission de nous avoir permis de présenter le mémoire et les commentaires suivants.

Le Conseil canadien des droits des minorités est une organisation nationale à but non lucratif, fondée en 1988. Le Conseil encourage les citoyens et les citoyennes à participer à l'élaboration des politiques sociales, économiques et culturelles qui reflètent le pluralisme canadien et québécois. (11 h 30)

Le CCDM veut pouvoir atteindre ses objectifs par la voie de la recherche indépendante et de l'analyse des politiques nationales, provinciales, la consultation communautaire et la diffusion de l'information. Le CCDM a parmi ses membres des individus qui représentent les différentes couches de la société canadienne. Une liste des membres est incluse en annexe avec ce mémoire.

Les membres du CCDM, et surtout ceux qui participent au conseil régional, section du Québec, veulent féliciter le gouvernement d'avoir fait suite aux recommandations du rapport Rochon et entrepris une réforme de fond, à partir du présent avant-projet de loi, du système de la santé et des services sociaux au Québec. La présente loi date déjà de plus de 20 ans et ne peut plus répondre aux besoins de la population et de ses nouveaux membres.

Les multiples études sur le changement que connaît présentement la société québécoise démontrent que nous vivons une période de mutation et de transformation. Le vieillissement de notre société, comme l'a démontré déjà le dernier mémoire, le problème de son autoreproduction démographique, qui est une question contemporaine qui est discutée souvent, et du maintien de la qualité des services dans les institutions ne sont que quelques-uns des indicateurs qui ont déjà été soulevés. Pour les membres du CCDM, c'est surtout la question de l'adaptation de nos institutions à la transformation du Québec en société pluraliste, multicul-turelle et multiraciale qui nous préoccupe.

Depuis maintenant 20 ans, le Québec vit une mutation importante dans la composition de sa population. Ces changements sont surtout évidents dans la région métropolitaine de Montréal où l'on retrouve la majorité des membres de communautés culturelles.

Nous savons que le Québec, comme le reste du Canada, est un pays d'immigration. Depuis 1970, le Québec a reçu plus de 300 000 nouveaux immigrants. Plus de 85 % de cette population a choisi de vivre dans la région métropolitaine de Montréal. Pendant cette même période, l'immigration de souche européenne est devenue minoritaire et celle de pays "du sud" est devenue majoritaire. Un des résultats préoccupants de cette transformation dans la composition de l'immigration est le problème de l'adaptation vécu par nos institutions. La montée du racisme, des préjugés, le refus d'accès aux services et le problème de la discrimination systémlque sont des phénomènes nouveaux au Québec. Pour la première fois de l'histoire du Québec, nous avons des citoyens qui, à cause de leur couleur de peau, sont victimes de discrimination. Cette discrimination se reflète dans des problèmes d'accès aux services de la santé et aux services sociaux. On fait référence au rapport de M. Christos Sirros, il y a un an à peu près. Pour les membres du CCDM, cette problématique devrait être une des préoccupations majeures du gouvernement et de cette commission.

Commentaires sur l'avant-projet de loi. En premier lieu, nous voulons exprimer notre appui à la décision du gouvernement de faire suite aux recommandations du rapport Rochon et maintenir la notion d'accès universel. C'est important de le souligner. Nous trouvons aussi Innovateur l'inclusion de l'article 2, alinéas 3 et

4, qui reconnaît la diversité linguistique, géographique, socioculturelle et socio-économique des différentes régions du Québec. Mais nous nous arrêtons surtout à l'alinéa 4° qui veut favoriser - comme c'est inscrit - l'accessibilité à des services de santé et à des services sociaux dans leur langue aux différentes communautés culturelles. Cet article reflète, en grande partie, une des recommandations du rapport Sirros et vient rejoindre une préoccupation exprimée à plusieurs reprises par des membres et des associations de communautés culturelles. Cependant, la question linguistique n'est pas la seule préoccupation des membres de communautés culturelles et de minorités visibles.

La création d'un poste de coordinateur à l'accès aux services de santé et services sociaux pour les communautés culturelles en 1987 ne suffit pas. La création d'un seul poste ne répond pas aux besoins de près d'un million de citoyens et de citoyennes qui ne sont pas d'origine française de vieille souche ou anglaise de vieille souche. Il serait important que cet énoncé initial mais positif soit suivi d'une allocation financière supplémentaire du gouvernement par le biais de la création d'un bureau pour favoriser l'accès et répondre aux préoccupations en ce qui concerne la qualité des services disponibles pour les membres de communautés ethniques et raciales au Québec. Ce bureau devrait être dirigé par un directeur général dans le ministère de la Santé et des Services sociaux. Le bureau devrait avoir un budget suffisant pour répondre aux priorités identifiées dans ce dossier par le gouvernement et produire un rapport annuel sur les problèmes et l'amélioration qui ont été identifiés. Le bureau devait être clairement identifié dans le texte de loi ainsi que sa composition et son mandat.

Nous voulons aussi souligner que le terme "communautés culturelles" ne doit pas être confondu avec la problématique spécifique vécue par les membres de minorités visibles, tels la discrimination raciale et le manque de représentation dans l'emploi dans les services public et parapublic. Nous sommes surtout préoccupés par le manque d'agressivité de la part des responsables du réseau de la santé et des services sociaux de diffuser l'information sur les politiques antiracistes du gouvernement du Québec et sur la responsabilité du personnel de ne pas discriminer sur la base des conditions identifiées par l'article 10 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. À ce sujet, les membres du CCDM voudraient voir les articles 2, 10, 15 et 43 concernant le droit à l'accès et la discrimination, ainsi que l'article 86, qui touche surtout les programmes d'accès à l'égalité, inclus dans le préambule ou l'introduction de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. En termes de références, en termes de... C'est à voir, c'est sûrement au législateur de voir comment cela pourrait être entrepris.

En ce qui concerne la composition des conseils d'administration des établissements publics... Et je voudrais m'arrêter une seconde pour dire qu'on a lu le texte de loi, mais qu'on n'a pas répondu à tous les articles, j'en suis sûr, comme tout le monde, II y en a 400. C'est assez pour fatiguer la moitié de l'Assemblée nationale pour assez longtemps. En ce qui concerne la composition des conseils d'administration des établissements publics, le CCDM voudrait qu'une procédure soit adoptée pour permettre et assurer une représentation équitable des membres des communautés culturelles et des minorités visibles. Nous sommes conscients de la diversité régionale et du problème que pose la concentration résidentielle des membres des communautés culturelles et des minorités visibles dans la région métropolitaine de Montréal. Et je voudrais souligner qu'on a quelques données que je voudrais présenter à la suite de notre présentation concernant la concentration résidentielle des différents groupes ethniques dans la région métropolitaine et que des études comparatives avec le reste du Canada démontrent que Montréal a le plus haut taux de concentration résidentielle en Amérique du Nord, presque, en termes de communautés culturelles. Cependant, dans l'esprit de l'article 2, alinéa 3, du chapitre i sur les "Objectifs du système de services de santé et de services sociaux" de "répondre aux besoins de ia population", et tenant compte plus particulièrement des besoins des communautés culturelles et des minorités visibles, on voudrait s'assurer que, dans tous les établissements, tel que défini dans l'article 43, section I, chapitre III, dans une région où il existe 10 % ou plus de cette population, une personne soit nommée comme membre des conseils par le ministre. Cette formule pourrait répondre à une préoccupation émise à plusieurs occasions pour que la composition des conseils reflète la composition de ia population de la région en question.

Une autre préoccupation du Conseil canadien des droits des minorités concerne l'organisation des ressources humaines des établissements, tel que défini dans le chapitre IV. Dans cet article, il est prévu la création d'un comité consultatif à la direction générale. Nous sommes d'opinion que les questions d'accessibilité et d'équité en emploi devraient être clairement identifiées comme une des responsabilités de ce comité dans le texte de loi. Trop souvent, des politiques et des programmes reliés à la gestion des ressources humaines ne font pas l'objet de vérification adéquate par les directions générales. La formule que nous proposons pourrait être utile surtout dans les établissements qui font partie d'une région où il existe une concentration importante. Ça veut dire 10 % ou plus, tel qu'on l'a identifié, de membres de communautés culturelles et de minorités visibles. Il faut comprendre que l'inclusion d'un programme d'accès à l'égalité répond aussi en grande partie aux besoins définis dans l'accessibilité des

membres de ce groupe cible aux services de santé et aux services sociaux. Par exemple, le recrutement des membres des groupes cibles, la sélection des membres des groupes cibles, l'élimination des barrières discriminatoires, la sensibilisation du personnel et la liaison avec les associations et les groupes communautaires, cela fait partie des programmes d'accès à l'égalité.

Dans la section III, il est fait mention des plans et des différentes modalités à suivre dans la préparation d'un plan d'organisation pour tous les établissements. Le Conseil canadien des droits des minorités est d'opinion que les associations et les autres organismes des communautés culturelles devraient être des partenaires dans la mise en place, le développement et la consultation pour la préparation des plans d'organisation des établissements dans les régions où ils sont présents.

Il est important aussi de mentionner à ce stade de notre présentation que l'un des problèmes auxquels font face les établissements est un manque de personnel de la santé. Cette pénurie a déjà affecté la qualité même de l'universalité des services. Un manque de médecins spécialisés, de techniciens de la santé et d'infirmières a forcé plusieurs établissements à réduire, à fermer ou même à ne pas offrir certains services de santé. Cependant, la Corporation des médecins refuse systématiquement l'accès à des postes pour des professionnels de la santé des communautés culturelles qui ont reçu leur formation à l'extérieur du Canada même quand leurs compétences sont reconnues au Canada. Ce refus a comme résultat l'émigration de ces professionnels aux États-Unis ou dans les autres provinces du Canada.

Le CCDM demande donc aux membres de la commission d'assurer la population québécoise que, dans la loi, il sera possible, pour des membres de communautés culturelles et des minorités visibles qui ont démontré leurs qualifications à pratiquer dans le domaine de la santé au Canada, qu'ils ou elles pourront travailler dans les établissements du Québec, dans des emplois qui reflètent leur formation et qualifications, et ainsi contribuer à soulager la pénurie qui existe présentement dans le réseau de la santé.

Nous voulons, en terminant, remercier les membres de la commission de nous avoir écoutés et nous sommes à votre disposition pour toute clarification reliée au présent mémoire.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Teitel-baum. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci bien. Je vais excuser, en premier lieu, mon collègue, M. Sirros, qui, malgré le fait qu'il soit ministre avec une limousine, a des problèmes d'auto sur l'autoroute 20.

M. Trudel: C'est l'autoroute qui a des problèmes.

M. Côté (Charlesbourg): C'est probablement l'autoroute...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): J'allais dire que, dans certains endroits, ce sont les autoroutes qui ont des problèmes. Alors, dans ce cas-ci, ce n'est pas l'autoroute, c'est la voiture.

À la page 5 de votre présentation, votre dernier paragraphe suscite mes interrogations ou, à tout le moins, demande un peu d'explications. Vous dites, dans la dernière phrase: "Nous sommes surtout préoccupés par le manque d'agressivité de la part des responsables du réseau de la santé et des services sociaux de diffuser l'information sur les politiques antiracistes du gouvernement du Québec et sur les responsabilités du personnel", et ainsi de suite. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus parce que c'est quand même une affirmation assez importante. Lorsque vous parlez du réseau de la santé et des services sociaux, ça se situe à quel niveau?

M. Teitelbaum: Je pense qu'on parlait des services, que ce soit au niveau hospitalier ou que ce soit au niveau des CLSC, que ce soit dans les choix qui sont faits de personnels, des fois, offerts par contrat par d'autres services. On nous a rapporté plusieurs situations et ces situations ont déjà été rapportées à plusieurs intervenants de votre ministère, tant au niveau politique qu'au niveau administratif. On sait qu'il y a au Québec présentement des déclarations sur la question de la discrimination raciale. Il y a aussi des dispositions qu'on connaît de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Il y a plusieurs dispositions qu'on connaît et ces obligations sont connues, je pense, du personnel, mais c'est relativement faible, parce que, souvent - et c'est une question d'information et de publicité - les agents qui sont responsables, les travailleurs sociaux, les infirmières, ceux qui sont impliqués dans les services ne connaissent pas ou ne sont pas conscients de leurs responsabilités par rapport à ces articles. Je vois ça comme une façon assez... Ce n'est pas une question financière; on ne parie pas d'un montant alloué. C'est vraiment de mettre en application les directives qui existent présentement et de s'assurer que tous les membres du personnel, quels que soient les services, sont au courant du fait que la discrimination raciale, nationale, etc., toute forme de discrimination telle que prévue dans l'article 10 de la charte n'est pas permissible. Je pense que c'est important. Ça a été fait en Ontario, pour le souligner, d'une façon agressive. Ils ont même inclus une publicité dans les autobus, dans les services sociaux, des

déclarations sont affichées sur chacun des établissements, des affiches déclarent que la discrimination raciale n'est pas permise. Je pense que ça, ça peut aider. Ce n'est pas une solution, mais, au moins. Quand on dit qu'on va sensibiliser le personnel au phénomène des communautés culturelles, avant de le sensibiliser, il faudrait savoir aussi ses obligations. (11 h 45)

M. Côté (Charlesbourg): C'est quand même très vaste. Je pense que ce n'est pas uniquement une question d'information. C'est une question aussi de volonté de diffuser, si j'ai bien compris.

M. Teitelbaum: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'il y a aussi une question de connaissance? Forcément, je ne crois pas... Peut-être que notre personnel n'est pas, non plus, suffisamment forme à ce niveau et je pense que les orientations en faisaient état. C'était davantage une question de connaissance aussi, de formation de notre personnel.

M. Teitelbaum: D'abord, je pense que ça devrait être inclus comme une partie intégrante des cours de formation des professionnels, de chacun des intervenants dans les services de santé et les services sociaux, du corps médical, du corps technique, de tous les aspects. Étant donné les changements qu'on vit maintenant dans la société, on ne peut pas se permettre de ne pas sensibiliser ces gens.

Récemment, j'ai participé à plusieurs activités qui rejoignent plutôt la problématique d'équité en matière d'emploi. Plusieurs des intervenants ont dit c'est bien beau, on sensibilise, on peut mettre des programmes de sensibilisation de la haute direction ou, même, des cadres moyens ou des cadres en général, mais il y a toujours les "gatekeepers", comme on dit en anglais. C'est un phénomène sociologique. Ce sont des gens qui décident, par leur propre volonté, leur propre degré d'intérêt. Ils reflètent souvent une image qui est vécue dans la société de décider que ce sont eux qui vont prévenir la participation ou déclarer qui a droit à un service ou à un autre. Pour être plus concret, plus direct, j'ai, à ma connaissance, des cas assez importants. Si je les ai entendus, c'est qu'il y en a d'autres qui en ont entendu d'autres. Ce n'est pas une étude systématique où des gens appellent et disent: Je ne veux pas qu'un noir vienne travailler chez moi. Qu'on ait besoin d'une aide domestique ou de quelque chose. Mais il faut se faire à la réalité des choses. A Montréal, si ce n'était de la communauté d'immigrants récents qui sont prêts à travailler à des bas salaires, avec les budgets que les CLSC ont pour offrir des services de soins à domicile pour les personnes âgées, il n'y aurait pas de services de santé et de services sociaux, il n'en existerait pas. Qui nous soigne au Québec? Il faudrait poser la question.

Ça, c'est un côté de la médaille. L'autre côté de la médaille, c'est s'il y a des personnes âgées dans ces communautés et comment, elles, vivent leurs besoins culturels de services et d'accessibilité aux services sociaux. On s'en va dans une société vieillissante, c'est certain, mais c'est un vieillissement général de tous les groupes; que ce soit dans la communauté juive, italienne, noire, chinoise, indo-pakistanaise, c'est le même phénomène.

M. Côté (Charlesbourg): Si je ne m'abuse, l'an dernier, le ministère a publié un plan d'action.

M. Teitelbaum: Un plan d'action concret, c'est-à-dire que je pense que même demain, sans attendre nécessairement la législation, et ce serait peut-être une responsabilité du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, M. Christos Sirros... Je ne veux pas passer la balle entre je ne sais pas qui... Ce serait facile de dire: O.K. Dorénavant, il y a une politique antidiscriminatoire dans nos services de santé et services sociaux. Elle est connue. Voici notre politique, voici ce qu'elle représente et voici vos responsabilités qui consistent à sensibiliser les membres de votre personnel, partout, dans les services. Le problème est certainement... D'ailleurs, on le voit dans les dispositions de la loi. Je comprends très bien la tendance à centraliser parce que le gouvernement a de la difficulté à contrôler la qualité des services dans les établissements qui sont presque indépendants, dans une certaine mesure.

Donc, il faut qu'elle se fasse par le biais d'une politique clairement identifiée, une responsabilité, de la part des gestionnaires, de s'assurer que cette politique soit administrée.

M. Côté (Charlesbourg): Vous évoquez, dans les pages 6 et suivantes, un problème qui est facile à énoncer, mais pas facile à régler. Vous dites le CCDM voudrait qu'une procédure soit adoptée pour permettre et assurer une représentation équitable des membres de la communauté culturelle et des minorités visibles. Vous évoquez 10 % en termes de régions et vous terminez, dans le paragraphe suivant, en disant: "Cette formule pourrait répondre à une préoccupation émise à plusieurs occasions pour que la composition des conseils reflète la composition de la population de la région."

Évidemment, la difficulté, et je pense que c'était la volonté aussi au niveau du ministère, c'est de le camper dans un texte de loi où, à ce moment-là, ça devient un peu universel et ce n'est pas facile d'application. À tout le moins de ce que j'ai perçu de toutes les conversations que j'ai eues avec les gens du ministère, c'est qu'il y a cette volonté, mais la formule idéale n'est pas

facile à trouver. Si vous avez de bonnes propositions ou d'autres qui peuvent nous permettre de solutionner le problème, il est clair qu'il est de l'intention, au niveau de la réforme, de faire en sorte que les communautés culturelles, là où il y a une bonne concentration, puissent être représentées aux différents conseils d'administration.

M. Teitelbaum: Bon, comme on sait, dans tout texte de loi, il y a la loi et il y a les applications, il y a les directives. On ne peut pas prendre la place des responsables de l'Assemblée nationale qui sont sur ces dossiers, de certains des gestionnaires qui, peut-être, ont souvent une compréhension plus technique de la situation. Mais ce qu'on dit, c'est qu'il est évident que le Québec vit une certaine polarisation en termes de composition de population, avec Montréal, d'un côté. Et on peut lui donner le no 06, 05, 04, je pense que ça ne change rien à la réalité; ce n'est pas 06, c'est Montréal métropolitain et ça veut dire qu'il y a 800 000 membres des communautés culturelles dans la région, contrairement aux autres régions du Québec où c'est très possible qu'il n'y en ait pas vraiment et où la problématique se pose peut-être différemment en termes de composition des conseils.

Mais je sais que, depuis que vous avez commencé vos audiences, il y a eu plusieurs groupes qui ont montré une insécurité par rapport à ça, que ce soit au niveau... Parce que, comme je dis - et j'ai des données à vous soumettre après - les concentrations résidentielles de Montréal ne sont pas tout à fait normales comparées à Toronto, Vancouver, Détroit, New York, Los Angeles, et ça reflète peut-être des structures plus antérieures, de divisions linguistiques qui ont fait en sorte que plusieurs communautés ont développé leurs propres services. Ce n'est pas tout à fait positif, ce n'est pas tout à fait négatif; c'est la réalité.

Dans cette structure, certain qu'on comprend la volonté du gouvernement de vouloir centraliser un peu pour pouvoir contrôler et donner une gestion et un service plus positifs à la clientèle. Mais, cependant, il faut que ça soit bien équilibré par rapport à la préoccupation des membres de la communauté culturelle afin qu'ils ne perdent pas ce qu'ils ont, d'abord, et pour ceux qui sont peut-être de petites communautés, mais qui sont en voie de prendre de la place... On pense, maintenant, à la communauté d'origine arabe, par exemple, à Montréal, qui est une communauté en expansion très rapide et, avec les nouveaux services qui vont être offerts par le ministère de l'Immigration... Il faut penser au futur un peu.

C'est certain qu'il va y avoir des agglomérations, qu'il va y avoir des concentrations. C'est l'histoire de Montréal. Et, en fonction de ça, on disait 10 %, mais ça pourrait être 10 %, ça pourrait être 15 %, on a mis un chiffre parce qu'on voulait simplement dire qu'il faut penser en termes statistiques et c'est tout.

M. Côté (Charlesbourg): Ça va. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et aussi porte-parole de l'Opposition en matière de services sociaux.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je veux remercier aussi M. Teitelbaum de la présentation qu'il nous fait ce matin et de quelques rappels bien utiles, bien nécessaires compte tenu de la composition actuelle de la société québécoise et de l'apport indéniable de nombreux représentants ou de nombreuses parties de notre population qui sont maintenant comme des minorités visibles ou autres et qui ont traditionnellement, et qui continuent toujours à le faire, rendu, avec générosité, de très grands services à la société québécoise. Oui, compte tenu de notre histoire, nous avons quelquefois à être très attentifs à comment, à quelle vie nous faisons, à quel accueil nous réservons et à quelle place nous faisons à ces nouveaux citoyens et à ces nouvelles citoyennes du Québec. Et, parfois, on a besoin, donc, de se rappeler qu'une grande partie - en particulier dans la région de Montréal - de la population est constituée de ses minorités et nous devons faire en sorte que ce soit maintenant ou que ça devienne un réflexe d'inscrire dans nos lois et dans nos différentes législations la participation et les caractéristiques de ces populations.

À cet égard, j'aimerais commencer par la fin de votre mémoire à propos des professionnels de la santé des communautés culturelles qui ont reçu leur formation à l'extérieur. J'en profite pour souligner, d'entrée de jeu, que de très nombreuses régions périphériques au Québec ont particulièrement joui de leur travail et de leurs interventions dans le domaine de la santé. Que ce soit au Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, en Abitibi-Témiscamingue, nous pouvons affirmer que, n'eût été d'une contribution assez exceptionnelle de différents représentants, dans le domaine de la santé et dos services sociaux, de certaines minorités, nous n'aurions pu nous-mêmes, dans ces régions, jouir d'une espèce de même statut d'égalité et d'universalité à l'accès par un manque de ressources humaines. Et très souvent des membres de ces communautés ont généreusement, très généreusement, accepté de venir suppléer à un manque, à une pénurie, en termes de spécialistes, par exemple, au niveau médical. Encore aujourd'hui, on se rendra compte, lorsqu'on analyse la composition des personnels au niveau médical, de la très large contribution - et ça il faut le dire en public, il faut le souligner, le rappeler et ça nous aide, par ailleurs, à moduler le reste de votre mémoi-

re, les interventions que vous faites - nous avons pu constater, donc, et nous constatons toujours cette générosité.

Cependant, en particulier au niveau de ces ressources, vous soulignez le manque de médecins spécialistes, de techniciens de la santé et d'infirmières qui a forcé plusieurs établissements à réduire, à fermer et même à ne pas offrir certains services de santé. Nous avons eu l'occasion, devant cette commission, d'entendre différents responsables de corporations professionnelles, en particulier au niveau des professions médicales, et nous avons entendu aussi des directeurs généraux d'établissements de santé et de services sociaux qui ont très bien fait ressortir, et le ministre a fait quelques remarques là-dessus, la répartition des ressources, en particulier au niveau médical, dans les différentes régions au Québec. Les directeurs généraux des institutions de santé et de services sociaux ont émis l'avis que toute ouverture de pratique au niveau médical, au Québec, devrait être assortie d'un permis ministériel qui permettrait, comme dans certaines provinces au Canada, de contrôler la répartition des ressources.

Et je m'en viens avec ma question, même si le préambule est très long. Le problème est peut-être moins le nombre de personnes, le nombre de spécialistes que nous avons que, précisément, leur concentration et leur répartition sur le territoire. À l'intérieur de cette tradition de liberté, de générosité, d'ouverture que nous avons, est-ce que, à votre Conseil, vous seriez prêts à accueillir et à appuyer une recommandation au ministre, au ministère et au gouvernement d'aller de l'avant avec la nécessité de détenir un permis pour tout professionnel de la santé qui voudrait ouvrir, qui voudrait intervenir, à partir de notre régime universel et public de soins de santé et de services sociaux, pour permettre une meilleure répartition des effectifs médicaux en particulier?

M. Teitelbaum: Bon. Pour répondre à la fin et puis revenir au début, je vais dire: Oui, en principe, mais II y a beaucoup de conditions. Je sais que ça a été mis en place en Colombie-Britannique; il y a eu de la résistance, mais il y a eu des résultats assez positifs. Ce n'est pas la seule place où ça existe dans le monde, non plus, où il y a des besoins de services de santé et de services sociaux dans les régions et une concentration relativement importante dans les régions métropolitaines. Le problème répondrait en partie aussi au problème qu'a posé la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, la régionalisation de l'immigration au Québec. La régionalisation va se faire par le biais économique, va se faire par des emplois. Les gens ne vont pas déménager de Montréal parce qu'on leur dit que c'est beau dans le Lac-Saint-Jean ou que c'est intéressant de vivre dans la Beauce, etc. Ils n'ont pas les mêmes habitudes de vie. C'est un choc culturel, certainement, pour tout le monde, pour les gens qui habitent dans les régions, qui ne sont pas habitués à voir des membres de différentes vagues d'immigration dans leurs services, dans leur région, et c'est un choc pour les gens qui vont arriver là et qui ne sont pas habitués nécessairement - je m'excuse, entre parenthèses - de manger de la poutine ou de... Tu sais? Il y a des habitudes différentes. Ça s'est vécu au Québec avec les fameux réfugiés vietnamiens qu'on a essayé de régionaliser, en termes de choix résidentiel, et il y a eu une tendance à revenir à Montréal. (12 heures)

Alors, je pense que la question qui se pose, en termes qu'on a soulevés, en termes de l'appui que peuvent apporter les Communautés culturelles, se pose aussi par le biais de l'immigration. Ça veut dire qu'il y a des gens, des professionnels qu'on connaît, il y a plusieurs cas de gens qui sont venus ici, qualifiés, qui n'ont pas pu travailler au Québec et qui se sont retrouvés au Texas, en Californie, à gagner 250 000 $, ou quel que soit le salaire, mais ils ont été reconnus pour leur compétence et n'ont pas pu pratiquer au Québec. Je pense que ça, c'est doublement une perte: une perte au niveau des services, une perte au niveau de l'individu qui vient apporter un appui au développement du Québec et une perte pour tout ce qui est de la question de la régionalisation aussi. Alors, oui, mais avec beaucoup de questionnement. C'est vraiment une activité, ce n'est pas quelque chose qui peut être une politique simplement du ministère de la Santé et des Services sociaux. Il faut vraiment que ce soit jumelé avec les intentions qu'a énoncées le ministre responsable des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Si on est pour laisser entrer, venir au Canada et au Québec des gens qui sont formés en médecine, qu'ils signent un papier ou qu'ils ne signent pas de papier comme quoi ils vont pratiquer ou qu'ils ne vont pas pratiquer... D'abord, c'est assez stupide de dire à des gens qui ont une formation professionnelle: Bon, vous acceptez de ne pas pratiquer votre profession quand vous venez au Québec. Une fois qu'ils arrivent ici, ils sont sous les règlements d'une constitution canadienne qui leur permet toutes libertés. Donc, il y a une contradiction entre la loi de l'immigration et les chartes canadienne et québécoise. Alors, je pense qu'il faudrait d'abord que le gouvernement montre sa volonté de travailler avec la Corporation des médecins pour qu'il soit un instrument d'ouverture et non pas une barrière. Pour l'instant, II faut le dire, on a vécu des grèves de la faim, on a vécu toutes sortes de crises dans ce dossier. C'est bien beau, pour le gouvernement, de dire: On va ouvrir 100 postes l'année prochaine. Mais ça ne règle pas le problème fondamental.

M. Trudel: Je suis d'accord avec vous là-

dessus, tout en ajoutant qu'à cet égard, sur votre dernière partie d'intervention, c'est encore une fois tout le problème de la répartition des effectifs médicaux, parce qu'on a regardé assez attentivement ici... C'est une préoccupation pour tous les partis ici, à l'Assemblée nationale, la question du contrôle des coûts, également, de système. Il est évident que, comme nous avons un régime universel à l'acte, majoritairement au niveau du paiement de ce qui est réalisé comme acte médical, il va de soi que la RAMQ, comme agent payeur - le ministre a dit que nous allions regarder, durant cette commission, peut-être d'autres rôles pour la Régie de l'assurance-maladie du Québec - il est évident que ça cause un certain nombre de problèmes de libérer le système parce qu'il y a une telle ouverture qui est faite qu'au niveau du législateur et de l'imputabilité de ce même législateur devant l'Assemblée nationale ça cause un certain nombre de problèmes. Vous avez raison, c'est une attitude globale qu'il faut prendre et il faut, en particulier dans le domaine de la santé et des services sociaux, être capable de régler les deux problèmes de répartition des effectifs médicaux en même temps que nous pourrions aborder l'accessibilité à certaines professions, en particulier de personnes qui nous arrivent formées de l'extérieur, et ça demeure toujours une contribution très valable. le temps file rapidement, il me reste au moins une question à vous poser. au niveau de la protection des droits des minorités, vous en faites largement état dans votre mémoire, vous prônez, entre autres choses, la création de ce bureau avec direction générale, rattaché directement au ministère ou au ministre, tout en mentionnant que le coordonnateur qui est actuellement en place ne suffit pas pour répondre aux demandes. est-ce que vous n'avez pas l'impression que ce serait plutôt dans les régies régionales qu'il faudrait retrouver ces responsables - on va les appeler comme ça en termes généraux - de la protection des droits des minorités, de s'assurer que les services aux personnes, tels quo mentionnés au quatrième alinéa de l'article '? qui manifeste, encore une fois - faut-il le noter, cet article-là - la générosité, je pense, du québec, de servir tous les membres de ses communautés sur une base universelle, est-ce que vous ne pensez pas, donc, que ce serait dans les régies régionales que nous devrions retrouver cette intéressante suggestion d'inclure les préoccupations de protection des droits des minorités? ce serait ma question et, deuxièmement, j'ajouterai à cette question: est-ce que vous pensez que nous devrions, par ailleurs, faire en sorte que l'ombudsman du québec, que le protecteur du citoyen, ait les responsabilités et la juridiction nécessaire pour exercer dans les établissements de santé et de services sociaux les recours nécessaires pour les usagers qui s'estiment lésés en termes d'accès aux services? Parce que - je termine là-dessus - vous nous dites quelque chose de gros dans votre mémoire. Je vais retrouver cela. Vous nous dites qu'il y a des gens qui ont été... C'est à la page 3 de votre mémoire: "La montée du racisme et des préjugés, le refus d'accès aux services et le problème de la discrimination systémique... " c'est une affirmation qui est grosse dans notre tradition québécoise d'ouverture et de gestion de cette ouverture-là. Alors, à cet égard, est-ce qu'on ne devrait pas permettre au Protecteur du citoyen d'avoir le mandat juridique nécessaire, le champ juridique nécessaire pour exercer ses responsabilités vis-à-vis des usagers dans le système de santé et de services sociaux?

M. Teitelbaum: Premièrement, la question du bureau même. C'est comme toute initiative gouvernementale, il y a un aspect politique et un aspect administratif. Et ce qu'on veut, nous, c'est de voir qu'au niveau politique, au niveau du développement des politiques plutôt, et de la rigueur que doivent entreprendre les différents départements qui sont responsables - dans ce cas, le ministère de la Santé et des Services sociaux - il y ait quelqu'un - identifier un bureau avec du personnel, avec un budget - qui peut s'assurer de la mise en place, que ce soient des agents dans chacun des établissements, que ce soit une autre structure qui soit développée. Oui. pour répondre partiellement à votre question, mais sans nécessairement éliminer la notion d'avoir à l'intérieur du ministère quelqu'un ou un bureau plutôt qui soit responsable de s'assurer de l'application de cette politique.

Des fois, et c'est souvent le cas - et ce n'est pas pour blâmer le gouvernement - il y a des énoncés de politique et il n'y a pas de soutien administratif pour s'assurer que ces énoncés de politique soient mis en application. Et ce qui arrive, c'est qu'on se retrouve avec des énoncés comme le programme d'accès à l'égalité. Ça fait des années qu'on en parle, le niveau de participation dans la fonction publique des communautés culturelles reste plus ou moins le même et on va nous nommer bientôt, on va nous dire qu'il y a eu un coordinateur qui a été nommé. Un coordinateur, ça ne fait pas la job. Ça prend quelqu'un avec une responsabilité et un pouvoir à l'intérieur du service. Ça, c'est la première chose.

En ce qui concerne l'ombudsman - et ce n'est pas nécessairement ma propre opinion, mais celle des membres qu'on a consultés et des autres personnes qu'on a consultées - on n'est pas tellement favorables. Ses réponses sont souvent faciles, mais difficiles à traduire. D'abord, on voit ce qui se passe au niveau des structures où il y a déjà des ombudsmans, que c'est difficile pour les ombudsmans de répondre au nombre de cas. C'est créer encore une autre pour utiliser les termes qui sont à la

mode - superstructure par-dessus quelque chose qui existe déjà.

M. Trudel: Définissez-nous ça.

M. Teitelbaum: La Commission des droits de la personne, par exemple, on sait que c'est un établissement qui est très reconnu pour son travail d'excellence, mais où il y a eu beaucoup de critiques par rapport à son habileté à répondra aux dossiers, dos dossiers qui traînent souvent doux et trois ans, et on parle de gens qui sont des clients, comme on utilise le terme dans les services sociaux. Ces clients viennent de différents secteurs socio-économiques et souvent - rarement, plutôt - ils vont rarement exprimer leur mécontentement du service. Et, si on faisait une étude comparative de l'utilisation, par exemple, du Protecteur du citoyen du Québec par la communauté francophone de souche et par celle qui est issue des communautés culturelles, vous verriez que le taux d'utilisation de ces services existants par les communautés culturelles est relativement très faible. Et là il y a un travail à faire avec les services qui existent déjà, que ce soit le Protecteur du citoyen, que ce soit la Commission des normes du travail, que ce soit la Commission des droits de la personne, enfin toutes ces structures qui sont là pour protéger les citoyens québécois on termes d'accessibilité aux services, pour qu'ils aient une qualité de services adéquate, de s'assurer que les populations des communautés culturelles soient au courant que ça existe. Ce n'est pas possible, je me dis, avec le problème qu'on vit... On entend - on peut le dire entre nous - des syndicats à l'intérieur de la CEQ qui prônent des notions de 30 % dans les écoles. Je leur ai répondu: 30 % dans les écoles, oui, mais 30 % du personnel aussi. On serait prêt à accepter un équilibre des forces. Mais, étant donné la gravité de la situation vécue en ce qui concerne la discrimination, pourquoi le taux de plaintes qui sont fartes à la Commission des droits de la personne diminue-t-il d'année en année sur les questions de racisme, de discrimination raciale et nationale? C'est incompréhensible.

Le Président (M. Joly): Brièvement, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Juste en conclusion, en vous remerciant de votre participation, sur l'aspect de la création d'un bureau avec un responsable, il faut quand même noter qu'au gouvernement du Québec, sur le plan politique, la protection est quand même assez large, puisqu'il existe un ministre délégué, en particulier responsable de l'administration de la loi 142, et qu'à cet égard-là, comme pouvoir politique, disons que ce n'est pas mal. Je pense qu'il faut moduler ça comme il faut, comme réponse dans la réflexion qu'on à faire, par ailleurs, sur la nécessaire responsabilité que nous avons vis-à-vis des droits des minorités. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député. Merci, M. Teitelbaum.

M. Teitelbaum: Merci.

Le Président (M. Joly): Au nom des membres de la commission, merci d'avoir été présent et de nous avoir exprimé ce que vous aviez à dire. Merci beaucoup.

Je vais maintenant demander à l'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement de bien vouloir s'avancer et prendre place, s'il vous plaît.

J'apprécierais si la personne responsable pouvait s'identifier et identifier les personnes qui l'accompagnent.

AQORCD

M. Ménard (Pierre): M. le Président, je suis Pierre Ménard, le président de l'organisme et m'accompagne ce matin M. Normand Thériault, qui est notre directeur général.

Le Président (M. Joly): Merci. Vous connaissez la procédure. On vous donne le temps de nous présenter votre mémoire. Après, les deux formations auront le loisir de vous poser des questions. Allez, M. Ménard, s'il vous plaît.

M. Ménard: M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, en guise d'introduction, on me permettra de rappeler aux membres de la commission que l'Association québécoise des organismes régionaux de concertation et de développement ou l'AQORCD a été créée en 1987 en remplacement des CRDAQ, qui regroupaient les anciens conseils régionaux de développement du Québec. Je parle donc au nom des douze organismes régionaux de concertation et de développement qui ont pris la suite des CRD et qui ont reçu, en 1987, du gouvernement du Québec le mandat de développer la concertation au Québec par la tenue des sommets régionaux, notamment, auxquels le gouvernement s'associe à titre de partenaire de premier plan.

Nous avons axé notre mémoire sur le projet de régionalisation contenu dans l'avant-projet de loi, on comprendra aisément pourquoi. Je me permets de dire, dès maintenant, que nous applaudissons chaleureusement cet avant-projet de loi. Ce projet nous réjouit parce qu'il remet en lumière la nécessité de la régionalisation, c'est-à-dire l'urgence, pour notre société, de consolider le contrat ou l'association que le gouvernement et les régions négocient depuis une trentaine d'années.

Dans un premier temps, vous me permettrez de faire quelques remarques générales sur le

projet de régionalisation, remarques qui tiendront compte du débat que cette commission a permis de faire depuis le début de ses travaux. Dans un deuxième temps, je reviendrai aux considérations plus spécifiques présentées dans le mémoire, qui touchent certains aspects de l'avant-projet relatifs à la régionalisation. Je terminerai par un rappel de l'expérience que nous, les organismes régionaux, nous avons de la régionalisation et sur les leçons que, collectivement, nous devrions tirer de cette expérience pour la mise en oeuvre de la régionalisation dans le champ de la santé et des services sociaux.

Je pose d'emblée la question: Pourquoi préconiser la régionalisation dans le champ de la santé et des services sociaux? Dès la première semaine des travaux de la commission, nous avons entendu des témoignages et non les moindres, celui, par exemple, de M. Claude Castonguay, père de la réforme, ou celui de l'Association des hôpitaux du Québec, qui se sont élevés contre la régionalisation. Ça va augmenter ta bureaucratie, ça va créer des mini-ministères en région. Décentralisons vers la base, c'est-à-dire vers les établissements qui sont les acteurs importants de ce système. Évidemment, tout ça, je le dis entre guillemets. (12 h 15)

A notre avis, de tels préjugés contre la régionalisation empêchent de saisir ce qui constitue une réalité profonde de l'évolution du Québec depuis le début de la Révolution tranquille et surtout depuis le début des années quatre-vingt. La régionalisation au Québec s'est faite à deux niveaux de région: celui de la grande région, la région administrative, la région de concertation, et celui de la petite région, la municipalité régionale de comté. Qui connaît l'histoire de cette régionalisation sait qu'elle s'est faite lentement et bien timidement aussi avec des essais et des erreurs, mais il sait aussi que ces processus se sont enracinés dans les régions et que les régions ont poussé sur ces réformes. Elles les ont assimilées pour devenir des entités politiques réelles qu'aucun élu, qu'aucun ministre ne pourra désormais nier ou oublier. La réalité régionale est à ce point incrustée dans notre paysage que, dans la foulée de la réforme de la carte administrative de 1967 dans un milieu aussi urbanisé que Montréal et si peu périphérique, on a vu la ville de Laval, qui avait déjà le statut de MRC, obtenir celui de région administrative. Désormais, il faut compter avec les régions et l'avant-projet de loi a la sagesse de fonder sur elles la nouvelle architecture du système de santé et de services sociaux. Je crois donc qu'il correspond à une bonne lecture de la réalité politique du Québec et le gouvernement doit, à tout prix, le mettre en oeuvre tout en le bonifiant.

Pour résumer ma pensée, M. le Président, je dirai que le projet de régionalisation dans le champ de la santé et des services sociaux va constituer un plus pour ce système et un plus pour l'ensemble de la société québécoise. Un plus pour ce système, car il va mettre en rapport plus direct les populations et ceux qui produisent des services en faisant davantage dépendre ceux-ci de ceux-là. Un plus pour la société, car un renforcement de la régionalisation dans le champ de la santé et des services sociaux va rajouter une pièce importante à la construction du pouvoir des régions. Cela va enrichir le paysage des régions d'un nouveau lien de concertation, d'une nouvelle dynamique interne et d'une nouvelle ressource.

On me permettra maintenant de rappeler les considérations plus spécifiques que nous avons présentées dans notre mémoire. En premier lieu, nous suggérons que l'ORCD, c'est-à-dire l'organisme régional de concertation et de développement, soit mandaté dans chaque région pour proposer au collège électoral de la régie les membres issus des groupes socio-économiques, du milieu municipal et scolaire, et des autres groupes intéressés au domaine de la santé et des services sociaux.

Selon l'article 278 de l'avant-projet de loi, le collège électoral est formé de trois groupes de membres: celui des établissements, celui des organismes communautaires et celui des organismes socio-économiques, du milieu municipal et scolaire, et des autres groupes intéressés au domaine de la santé et des services sociaux. Nous avançons l'idée que les membres de ce troisième groupe au collège électoral soient proposés par l'organisme régional de concertation et de développement de la région.

Nos arguments en faveur de cette proposition sont les suivants: ce troisième groupe constitue en réalité le membership de l'ORCD et les différents partenaires qui le composent (parmi lesquels il faut noter la participation importante des représentants municipaux et des préfets de MRC) ont déjà développé une habitude de concertation à l'intérieur de cet organisme dont ils pourraient faire profiter la régie régionale. De plus, à l'occasion des sommets socio-économiques, l'ORCD a défini des orientations et des projets en matière de développement socio-sanitaire ou socio-communautaire. Ces orientations et ces projets ont fait l'objet de consensus à l'intérieur de la région. Ils ont souventefois été négociés avec le ministère et le gouvernement à l'occasion des sommets ou des conférences "bi-annuelles". Il faudrait que la régie récupère en quelque sorte le travail déjà fait par l'ORCD et la meilleure manière de le faire est sans doute de resserrer l'alliance entre ces instances régionales. D'ailleurs, on doit mentionner que le membership des ORCD comprend déjà des représentants des CRSSS.

Ainsi, nous proposons que les arènes politiques dans une même région s'imbriquent au lieu de se disjoindre. Nous proposons que la multisectorialité souvent souhaitée pour que se

développe une politique globale de santé passe par une association forte avec l'organisme régional qui a charge de la multisectorialité.

En deuxième lieu, nous proposons une modulation des conseils d'administration des régies, un peu à la manière de celle qui guide la composition des conseils d'administration de nos organismes. Pourquoi souhaitons-nous pour les régies une telle disposition? Nous souhaitons que les régies s'adaptent le mieux possible à l'état de développement des forces vives de leur région et qu'elles respectent l'équilibre de ces forces dans chacune des régions. En somme, nous souhaitons que la régionalisation s'instaure de manière régionalisante et non centralisante.

En troisième lieu, au sujet des dispositions contenues dans l'avant-projet de loi pour le poste de président-directeur général de la régie, nous proposons de revenir à celles qui ont été recommandées par la commission Rochon: distinguer les postes de président et de directeur général de la régie et faire élire le président par le conseil d'administration.

Dans un premier temps, nous proposons que soient scindés les postes de président et de directeur général. Dans la mesure où nous souhaitons que les régies deviennent des instances régionales les plus imputables possible vis-à-vis des populations régionales, il importe que le président de cette régie soit une figure politique visible, reconnue, à l'intérieur de la région. Pour ce faire, il faut que sa candidature à ce poste s'impose parmi les autres membres du conseil d'administration à titre de leader dans la région, de personne engagée. Il n'est absolument pas nécessaire que le président ait à son avantage une expérience d'administrateur et de gestionnaire qui l'habilite à diriger la régie. D'ailleurs, les deux profils se cumulent rarement. De plus, il nous apparaît que, pour des raisons démocratiques, il n'y a pas lieu de faire cumuler les deux charges par la même personne.

Nous pensons, de plus, que la disposition de l'avant-projet de loi, article 260, aliéna 4, relativement à la nomination par le ministre du président-directeur général de la régie constitue un reliquat de l'ancienne manière de penser le rapport entre le gouvernement et les régions. Symboliquement et politiquement, le fait que le président de la régie soit choisi par elle constitue une reconnaissance que la région n'est pas un simple prolongement ou relais du centre, mais qu'elle existe par elle même. Celui qui la dirige émerge d'elle et il doit d'abord lui rendre des comptes au lieu d'être fondé en droit comme un simple mandaté du pouvoir central ou, à la limite, comme son adjoint.

Finalement, nous proposons que le président de la régie soit choisi parmi les membres qui sont issus des groupes communautaires ou socio-économiques. Il nous apparaît qu'un président issu du groupe représentatif des établissements puisse être en conflit de situation compte tenu de son rattachement à un établissement.

En quatrième lieu, nous proposons de doter chaque région administrative d'une régie régionale. Le document des "Orientations" de l'ex-ministre prévoyait la mise en place de régies pour 13 territoires, ce qui constitue le statu quo par rapport au territoire actuel des CRSSS. Or, comme on le sait, selon un décret de 1987 du Conseil des ministres, il existe 16 régions au Québec. La raison pour laquelle nous préconisons une adéquation entre le découpage du territoire des régies et celui des régions administratives est bien simple: on ne peut admettre deux types de régions administratives, celles qui possèdent une régie de la santé et des services sociaux et celles qui n'en ont pas. Car, il faut le reconnaître, la régie constituera une ressource importante dans une région. C'est elle qui fera la planification des services, qui mobilisera les ressources communautaires et multisectorielles, qui servira de lieu de débat sur les enjeux de la santé et du mieux-être, qui sera le lieu de rassemblement des ressources de la région pour l'établissement d'un rapport de forces avec le centre. On ne peut priver une région d'une telle ressource si on a à coeur un développement équitable des régions.

Finalement, notre cinquième et dernière recommandation spécifique encourage le ministère à développer des critères d'allocation des ressources entre les régions qui soient davantage équitables. Comme il a été souhaité par la commission Rochon, la régionalisation devrait permettre au centre "un retour sur l'essentiel". Or, parmi les enjeux essentiels dont le centre devrait prendre davantage la responsabilité, il en est un qui nous apparaît important; c'est celui des disparités régionales de développement. Nous notons, d'ailleurs, que le ministre Marc-Yvan Côté, dans son plan d'action en matière de développement régional datant de 1988, a réservé un volet "aux régions en difficulté" et plus spécifiquement aux MRC les plus démunies et aux milieux à économie simple.

De plus, ce plan contenait un volet relatif à la "modulation de politiques et de programmes" qui se fondait sur le principe suivant: "la reconnaissance de caractéristiques distinctes entre les régions dort conduire le gouvernement à moduler ses interventions. Le gouvernement ne doit pas avoir la même attitude à l'égard de la région de Montréal qu'à l'égard de la région de là Gaspésie - Îles-de-la-Madeleine". Nous souhaitons que ce double principe de la lutte aux disparités et de la modulation des interventions gouvernementales, tout à l'honneur du plan d'action proposé par le ministre Marc-Yvan Côté lorsqu'il était responsable du développement régional, se retrouve d'une façon plus évidente dans la reformulation à venir de l'avant-projet de loi.

Voilà, M. le Président, l'essentiel de notre pensée sur l'avant-projet de loi. C'est la pensée des organismes régionaux de concertation et de

développement du Québec qui se fonde sur une expérience de développement régional, de concertation, de respect des dynamismes régionaux, qui a déjà une bonne vingtaine d'années de tradition. Cette pensée, nous la résumons dans les idées-clés suivantes. Oui, la régionalisation est une bonne idée; cependant, il faut faire vraiment confiance aux régions et il faut régionaliser dans une perspective d'équité.

À ce message essentiel, je voudrais en ajouter un autre que je qualifierais de davantage institutionnel, puisqu'il se fonde sur cette expérience et sur cette tradition de régionalisation qui caractérisent notre histoire et notre vécu. Une chose nous frappe dans la proposition gouvernementale de créer des régies régionales de la santé et des services sociaux, c'est ce qu'on pourrait appeler son caractère pragmatique. Cette proposition ne se situe pas dans un contexte de planification hiérarchisée, avec des plans en cascade, du haut vers le bas, s'em-boîtant comme des poupées russes, ainsi que la pensée technocratique aimait imaginer la planification et la régionalisation à l'époque des années soixante et soixante-dix.

On sait, d'ailleurs, ce qu'il est advenu de ces idées. Les conseils régionaux de développement, nos prédécesseurs, sont issus de cette pensée. Ils devaient faire des consultations sur les plans de développement régional que devait proposer le gouvernement. Le gouvernement leur en a fait préparer et cela a pris beaucoup d'années de travail, mais, au bout du compte, il ne les a jamais soumis à la consultation des CRD.

C'est au tournant des années quatre-vingt, avec la popularisation des sommets socio-économiques régionaux, qu'un virage majeur a été pris et que les CRD ont été confrontés à un mandat nouveau, authentique, à tel point, d'ailleurs, qu'il est apparu justifié de changer leur nom, tout comme la réforme propose de changer le nom des CRSSS en celui de régies régionales.

Ces sommets régionaux, commencés sous l'ancien gouvernement, que l'ex-ministre du Développement régional, M. Marc-Yvan Côté, a étendus à toute la province et dont il a amélioré la formule, fournissent aux régions une véritable arène politique qui constitue un lieu où gouvernement et régions négocient et décident. C'est un lieu d'exercice du pouvoir.

Or, ce pragmatisme politique qui a finalement permis aux régions et aux CRD, devenus les ORCD, d'exister véritablement devrait présider à la mise en place de ces nouvelles instances régionales dans le champ de la santé et des services sociaux. C'est, d'ailleurs, pensons-nous, à cette seule condition qu'elles pourront voir le jour et exister de plein droit. Autrement, elles connaîtront le même sort qu'ont connu les offices régionaux des affaires sociales proposés dans le rapport Castonguay-Nepveu, soit la tablette ou bien, ce qui n'est guère mieux, leur transformation en conseils consultatifs sans véritable pouvoir. On sait ce que la commission Rochon a pensé de cette situation, puisqu'elle a affirmé que "les CRSSS sont dans une impasse".

Si c'est en faisant confiance aux régions qu'un véritable mécanisme de développement régional a pu s'instaurer, c'est aussi en faisant confiance aux régions que la régionalisation dans le champ de la santé et des services sociaux devrait s'implanter.

M. le Président, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Ménard. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'intérêt que je retrouve, j'oserais presque dire, mes compagnons d'armes de quatre années de batailles pour faire reconnaître le développement régional et la capacité des régions de se prendre en main. Je suis très heureux de vous revoir dans un autre fauteuil. Il faut bien se rendre compte qu'on vit aujourd'hui une réforme - on est tenté de l'écrire et de la rendre la plus pragmatique possible - avec à peu près les mêmes combats vis-à-vis des éléments les plus conservateurs de la société, où c'est toujours plus facile de centraliser.

Le réseau de la santé et des services sociaux est un réseau aussi très, très bien organisé un peu partout. Sans dire que je partage la totalité du mémoire, à tout le moins, j'en partage 90 %, 95 %. Donc, on ne s'obstinera pas longtemps à ce niveau-là. Je pense qu'on se retrouve facilement, pour avoir vécu pendant quatre ans la même volonté de développement régional. Un terme là-dedans qui est important, d'après moi: faire confiance aux régions. C'est clair, mais ce n'est pas facile. On s'en est rendu compte depuis... Vous êtes le 51e mémoire qu'on entend. Il y a beaucoup de réticences à l'égard du pouvoir central qui veut décentraliser. Il y a de la méfiance. Disons qu'il y a de la réticence, il y a de la méfiance vis-à-vis du pouvoir central et ce qu'on pourrait éventuellement transférer comme pouvoir, et aussi vis-à-vis du pouvoir régional. (12 h 30)

Là, je suis assis à cette table-ci et ça me permet de voir un certain nombre de choses. Et ce qui me frappe, c'est que les éléments communautaires - et on le voit dans à peu près 263 mémoires - tous ceux qui parlent ou qui vien nent défendre la place du communautaire sont systématiquement contre l'idée de dépendre d'un pouvoir régional. Bon. Je comprends la résistance, la réticence vis-à-vis du pouvoir central. Il est toujours bien plus épeurant que d'autres et peut-être assez habile aussi pour enterrer le pouvoir régional.

lorsqu'on parle de groupes communautaires, il me semble qu'on s'évertue, et il y a un accord entre l'opposition et le gouvernement, à dire que les régions sont bien capables de prendre leur destinée en main et de faire leurs propres choix. c'est mme blackburn qui faisait la comparaison précédemment en disant: les itinérants, chez nous, au saguenay-lac-saint-jean, on n'en a pas, mais on a d'autres sortes de problèmes. on veut avoir la liberté et la marge de manoeuvre pour être capables de décider où on va mettre nos priorités dans le domaine de la santé et des services sociaux au niveau du saguenay-lac-saint-jean. c'est vers ça qu'on tend, c'est ça qu'on essaie de faire.

Mais êtes-vous capable de m'expliquer, vous qui avez une très vaste connaissance de ces milieux, qu'est-ce qui fait que, fondamentalement, le communautaire résiste au pouvoir régional tel qu'on veut le faire? On dit: On va occuper une petite place et, quand l'arbitrage va se faire ou les orientations, on ne sera plus là. Qu'est-ce qui explique que le communautaire est si réticent? Ils disent: Le pouvoir central est un pouvoir trop fort. Quand vous décentralisez, vous ne décentralisez pas assez. Mais, malgré le fait que vous pourriez bien décentraliser, on veut quand même dépendre du pouvoir central sur le plan de l'attribution des subventions au niveau du communautaire. Je ne comprends rien. Mais, vous, un gars qui vit la concertation sur le plan régional, est-ce que vous sentez la même chose?

M. Ménard: Oui, on sent en partie la même chose, M. le ministre. Effectivement, je pense qu'au départ ça peut paraître surprenant, cette résistance-là et j'écoutais Mme Brunet, tantôt, qui, elle aussi, a exprimé le même genre de réticence. Je pense que ça s'explique par plusieurs phénomènes. Il y a un premier phénomène - je vais juste le dire sans vouloir blesser personne - ça a été peut-être historiquement le rôle des députés qui ont été des distributeurs de bonbons ou des distributeurs de chèques, que ce soit au provincial ou au fédéral, je ne fais pas de... Mais, il y avait toujours cette image de la photo dans l'hebdo local avec le député qui remettait un chèque à l'association de l'âge d'or Unetelle, bon. Ça, ça peut être un petit élément qui teinte la toile de fond.

Les autres éléments, je pense que, d'une part, on n'a pas véritablement vécu une décentralisation ni une régionalisation. Tant qu'on n'a pas vécu quelque chose, évidemment, on ne connaît que des demi-mesures. On a peut-être été bien mal servi souvent par des demi-mesures. C'est évident que, si on se fie aux modèles passés qu'on a, il y a des éléments qui peuvent faire peur, mais si on la vit vraiment, cette régionalisation-là, si on la vit avec un gâteau qu'on pense suffisamment gros pour tout le monde. Si on imagine que le gâteau va être tellement petit qu'il va y avoir une main au centre du gâteau et 25 fourchettes qui vont piquer la main qui essaie de prendre le morceau qui est là, c'est évident qu'à ce moment-là c'est peut-être plus rassurant de penser que ça va se faire à un autre niveau, la distribution, en espérant qu'on peut faire valoir qu'on est un peu moins bien nanti qu'un autre. Mais, moi, je pense que le manque de ressources insécurise aussi les gens et on les voit, les compressions budgétaires, on les sent, les manques de marge de manoeuvre des gouvernements au niveau financier et ça, je pense que c'est quelque chose qui peut insécuriser ces groupes-là. Mais, d'autre part, je pense qu'il est important peut-être de vous rappeler que nous, on préconise que ces régies, justement... Et tantôt vous avez évoqué la difficulté que vous aviez, entre autres avec le Conseil des communautés culturelles, de voir comment on pourrait moduler la composition de ces régies-là. Pour nous, effectivement, il n'y a pas une région pareille, il n'y a pas une sous-région pareille, et vous en savez quelque chose. On pense qu'il serait important d'en arriver à ce mécanisme de modulation. Qu'on mette des balises minimales et maximales pour ne pas créer des monopoles par rapport à certaines catégories, je pense que ce serait important, mais qu'on en arrive vraiment à dire que chaque milieu puisse créer la régie qui est le reflet de son milieu. Alors, un milieu qui est beaucoup plus fort, au niveau des groupes socio-économiques ou des groupes communautaires, pourrait, à ce moment-là, avoir une meilleure proportion à l'intérieur de cette régie-là. À ce moment-là, je pense qu'on va enlever cet élément d'insécurité que peuvent avoir les groupes.

M. Côté (Charlesbourg): L'idée de la modulation du conseil d'administration de la régie m'apparaît très intéressante. Jusqu'à maintenant, je l'avoue très candidement, elle ne m'avait pas frappé. Elle aurait dû, compte tenu des efforts qu'on a faits et de tout ce dont on a parlé comme modulation. Ce que ça me rappelle, c'est l'exemple des sommets. On est partis, à un moment donné, avec 36 en trois tiers, 12-12-12, et, dans certaines circonstances, on a augmenté jusqu'à 42 pour être capables d'aller chercher le plus grand bassin possible d'individus, pour que tout le monde se sente impliqué dans la structure et puisse participer. On a donc modulé sur le plan du nombre et c'est probablement à ça que vous faisiez allusion, tantôt, quand vous parliez de minimum et de maximum, mais laissant une certaine autonomie à l'intérieur de tout cela pour que chacun des champs puisse... Ce n'est peut-être pas là que risque d'être le plus gros hic. Dans votre présentation, vous parlez du monde socio-économique, municipal, nos fameux tiers. Et, lorsque vous parlez du monde socio-économique pour déléguer des personnes, dans votre esprit à vous, est-ce que c'est aussi le municipal ou si le municipal

serait représenté d'une autre manière?

M. Menant: Nous, on n'a surtout pas voulu faire d'arithmétique parce qu'on voulait s'en tenir beaucoup plus aux principes que d'essayer de faire des jeux de proportion. Pour nous, le municipal est effectivement une catégorie en soi et le socio-économique est une catégorie en soi aussi. On y voit clairement une distinction. Mais nous, on dit: Tout ce monde-là, on l'a déjà autour de la table dans les ORCD, pourquoi ne pas combiner des rôles ou pourquoi ne pas constituer une espèce de collège électoral qui serait plus homogène à l'intérieur d'une région qui regroupe déjà ces éléments-là? Mais sans m'embarquer, surtout pas, dans la bataille des pourcentages.

M. Côté (Charlesbourg): Non, je comprends très bien. Mais compte tenu des problèmes qu'on a eus, à l'époque, d'intégration du monde municipal et du socio-économique, je pense que les mentalités ont quand même évolué. Tout le monde a appris un petit peu à s'apprivoiser...

M. Ménard: Exact.

M. Côté (Charlesbourg): ...et à travailler ensemble. Il en manque peut-être encore un bout, mais, au moins, il y a un bon bout de chemin de fait.

Sur le plan de la régionalisation, un des problèmes qu'on a vécus dans le passé, c'est les sous-régions à l'intérieur des régions. Évidemment, quand on parte d'être équitables sur le plan des ressources, il faut aller aussi au-delà de tout ça; alors, équitables de manière interrégionale, mais aussi équitables dans les sous-régions à l'intérieur de la région. Comment est-ce qu'on fait ça? Comment allez-vous faire ça, en vous faisant confiance? Ça va se passer comment?

M. Ménard: Bien, surtout pas si on nous met un cahier de normes ça d'épais pour essayer de le suivre. C'est peut-être répondre a contrario, mais je pense que c'est peut-être la première règle. C'est-à-dire que plus on va nous normer, plus on va nous imposer de savants calculs mathématiques pour en arriver à des ratios, je pense qu'on n'y parviendra pas. C'est sûr qu'il y a des équipements qui sont au niveau des sous-régions et qu'il y a des équipements qui sont au niveau des régions. Il y a même des équipements qui sont au niveau de toute la province. Ce qui est important, c'est, d'une part, encore là, si on respecte un bon équilibre au niveau du conseil d'administration de la régie, aussi si on a vraiment toute la latitude au niveau régional de faire une distribution des ressources, en tenant compte des ressources ou des caractéristiques socio-sanitaires, socio-économiques de chacune des sous-régions, je pense qu'on est capables de faire quelque chose.

Sauf qu'il ne faudra pas oublier une chose: les établissements du réseau, ce ne sont pas juste des dispensateurs de services; c'est aussi un outil de développement régional. Dans certaines régions, c'est un pôle de création d'emplois, c'est un pôle d'attrait pour d'autres éléments qui viennent s'y greffer. C'est une façon, peut-être, de conserver certains jeunes professionnels à l'intérieur des régions, au lieu de voir l'exode vers les grands centres. Bien sûr, les enveloppes ne sont pas illimitées, mais à l'Intérieur des enveloppes régionales, il va falloir permettre cette flexibilité-là. Si vos régies sont trop normées, on n'y parviendra pas, à cet objectif-là.

M. Côté (Charlesbourg): Je vous comprends très bien. De toute façon, même s'il y a un cahier de normes ça d'épais, il y a plus de monde qui passe plus de temps à trouver comment on va faire pour passer à côté que pour les respecter. Ça, c'est maintenant très clair Comment?

Mme Blackburn: Ça gruge du temps pareil.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, pareil, de toute manière. Donc, évidemment, si on fait une régionalisation, on va passer le pouvoir avec et, effectivement, sur le plan de la dotation budgétaire, en arriver avec une dotation budgétaire qui est X, qui tient compte du per capita, plus peut-être une péréquation éventuelle, compte tenu qu'il y a des régions qui sont plus riches aujourd'hui que d'autres. Notre système, tel qu'il est conçu aujourd'hui, engraisse les riches davantage que les pauvres qui en ont besoin. C'est comme ça que le système est fait, aujourd'hui. On l'a vu, là; les CHU sont venus nous faire une démonstration, en commission parlementaire - je ne sais pas si vous vous en souvenez, là - qu'ils étaient les plus pauvres du réseau. Je ne suis pas sûr de ça encore, ce n'est pas l'évidence même. Il n'y en a pas beaucoup, des CHU, dans les régions du Québec. Donc il y a, effectivement, cette problématique-là, il faut accorder une dotation budgétaire adéquate, mais, évidemment, à partir des budgets qu'on a. On ne réinventera pas la roue, c'est à peu près clair, mais qu'on laisse le choix aux régions de décider de leurs priorités à partir d'objectifs sur le plan national qui seront quand même déterminés; le ministère aura quand même une responsabilité à ce niveau-là. Et, contrôle après sur la qualité par programme et contrôle de la dépense budgétaire.

J'en arrive à ma question, parce que là où on a un os qui n'est pas facile à contourner, c'est sur l'imputabUité. Mors, il n'y a personne qui va tenter de faire croire que je ne suis pas un régionaliste et que je n'y crois pas; j'y crois tout autant où je suis, peut-être même encore davantage que du temps où j'occupais la fonction

de responsable des régions. Évidemment, la logique veut qu'on en passe davantage aux régions, mais elle veut aussi que, sur le plan administratif, il y ait quelque part l'imputabilité. Comment est-ce qu'on règle l'imputabilité, à partir du moment où on a transféré ces pouvoirs-là au niveau régional? Comment est-ce qu'on réussit à régler le problème de l'imputabilité? Parce que, actuellement, c'est mon principal problème. Et, en réglant ça, il y a une bonne partie du reste qui va pouvoir se régler facilement. Mais mon problème, c'est l'imputabilité. Comment est-ce qu'on le règle à ce moment-ci? Comment est-ce qu'on convainc le gouvernement de le régler? Alors, comment est-ce qu'on fait?

M. Ménard: je ne suis pas juriste et je ne peux pas vous dire comment changer la fameuse loi sur l'administration financière. mais je peux juste vous dire que, de facto, une régie qui émane d'une région, qui a les véritables forces d'une région, assise à une table, va être beaucoup plus imputable qu'un ministre qui est à québec. c'est sûr que le ministre, de droit, c'est lui qui, selon la législation actuelle, porte le fardeau de cette imputabilité-là. de fait, le ministre vient faire des visites dans une région, mais les gens d'une régie, ça reste dans une région, ça vit là, ça oeuvre là. si ces gens-là ne font pas un bon boulot au niveau de l'allocation des ressources ou au niveau même de \a gestion de ces ressources-là, ces gens-là sont bien plus directement imputables qu'un ministre peut l'être. (12 h 45)

M. Côté (Charlesbourg): Oui, imputables à la région.

M. Ménard: Imputables à la région, O.K.

M. Côté (Charlesbourg): Mais, là-dessus, je n'ai pas de problème. Je n'ai pas bien bien de problèmes parce que, dans la mesure où il y a un collège électoral et un processus de choix à une nomination, il m'apparaît bien évident qu'au niveau de la région l'imputabilité va être là. Pour ça, je n'ai pas de problème, mais c'est en haut de tout ça. Comme, jusqu'à maintenant, il n'y a pas eu de décision de confier un pouvoir de taxation à la régie régionale, il faut nécessairement que les sommes financières proviennent du gouvernement lui-même, donc d'un ministre qui est redevable devant l'Assemblée nationale à ce niveau-là. Donc, c'est sur cette partie-là de l'imputabilité qu'il faut tenter d'être ingénieux pour trouver des réponses. C'est notre os.

M. Ménard: Je comprends, M. le ministre. Mais il ne faudrait pas que ça serve de prétexte pour nous faire faire encore ici une régionalisation de demi-mesures. C'est qu'on a toujours fait ça un petit peu timidement. On a toujours fait ça à moitié, ou au quart, ou aux cinq huitièmes. Je me rappelle - je suis issu du monde municipal, bien que j'aie été dans le réseau des affaires sociales aussi, mais mon expérience a plus porté au niveau municipal - qu'au niveau de la régionalisation dans le monde municipal on a fait deux pas en avant et, à un moment donné, en 1980, on en a fait un en arrière. Les communautés régionales et les communautés urbaines avaient le droit de taxer et, en 1980, elles ont perdu leur droit de taxer. Je pense qu'on a toujours cette espèce de timidité en faisant de la régionalisation. Vous l'avez vécu dans d'autres instances, vous savez la difficulté qu'on a à faire établir le caractère horizontal du développement régional. Ça, c'était une des batailles et une des difficultés au niveau du Conseil du trésor. Mais, chaque fois, on dirait qu'on est obligé de juste faire un demi-pas quelque part.

Je me dis: II y a certainement moyen, sans donner des dépressions nerveuses à tous les gens du Conseil du trésor, d'en arriver à avoir un mécanisme où, effectivement, les régions peuvent prendre des décisions. Je comprends l'imputabilité du ministre, mais je me dis que, de toute façon, l'imputabilité du ministre est de droit et elle n'est pas toujours de fait, c'est-à-dire qu'il ne peut pas contrôler absolument tout. Il délègue des choses là-dedans. Rappelez-vous l'exemple que vous m'avez toujours cité. Il ne faudrait pas se retrancher derrière ça. C'est juste ça que je voudrais dire.

M. Côté (Charlesbourg): Le message que je veux vous passer: Je ne suis pas un peureux. J'en ai vécu des bonnes batailles sur le plan du développement régional à l'intérieur de l'appareil gouvernemental et ce n'est pas au Trésor que j'ai trouvé les plus centralisateurs et les plus antidéveloppement régional. Il y en a, mais ce n'est pas là. C'est partout dans l'appareil où on a peur de transférer son pouvoir qui est centralisé dans chacune des régions du Québec. On a vécu de ces bonnes batailles. Évidemment, il reste un principe, c'est que, sur le plan de la taxation, c'est le pouvoir central qui taxe, qui prélève les impôts et qui les redistribue après. Il faut trouver un moyen pour qu'on puisse, à l'occasion, si on ne va pas vers la solution de taxation, il semble bien que ça a été écarté... À un moment donné, s'il y avait un pouvoir de taxation sur le plan régional, cette partie serait probablement en bonne partie réglée. C'est un débat qui a été tranché avant que j'arrive, auquel je souscrivais, mais on est dans une situation où, effectivement, il faut régler cet os. Ce n'est pas moi qui vais freiner le déplacement du pouvoir au niveau des régions quant aux choix fondamentaux qu'il y aura à faire. On est dans une situation aujourd'hui où a donné certains pouvoirs à nos CRSSS et, comme ils n'ont pas le budget financier pour être capables d'aller avec ça sur le plan de l'imputabilité, ce n'est rien

qu'un petit pouvoir d'arbitrage et ça revient au ministère par la suite. Donc, on est "pogné" avec le même problème. Mais je suis conscient des forces et des faiblesses. Je ne suis pas intéressé à faire un demi-pas, mais il faut trouver la réponse à nos problèmes d'imputabilité. Ça m'apparaît extrêmement important.

Je veux juste vous dire que j'ai compris. Ce n'est pas moi, demain matin, qui vais défendre 13 régies régionales pour 16 régions. Je pense que vous avez compris ça facilement. Si j'ai été celui qui a vendu au gouvernement qu'il y ait 16 régions, elles vont être pleines et entières. Ça va commencer chez nous. Il faudra donner l'exemple et, dans ce cas-là, ce n'est plus un problème de 13, ça va être une réalité de 16. Je pense qu'on s'est bien compris.

Évidemment, je suis très très heureux du mémoire, pas rien que parce que vous me citez, parce que c'est très habile, à l'occasion, on a reconnu ça. Au moins, je pense qu'on a une même vision du développement régional et des efforts qui doivent être faits. Ça va être fait au niveau de la santé et dans la réforme aussi. Continuez d'être vigilants pour nous ramener à l'ordre, à l'occasion et même souvent. On en a besoin. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, porte-parole de l'Opposition en matière de services de santé et de services sociaux.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Merci de cette présentation. On a tellement entendu ici d'organismes centraux, de grandes corporations dans le domaine de la santé et des services sociaux, qu'on en arrivait à se désespérer quelquefois et quelques soirs des présentations qui nous étaient faites et du lot qui était dévolu aux régions. Quand on dit les régions, ce ne sont pas uniquement les régions périphériques ou les régions extérieures aux grands centres urbains, à Montréal et à Québec, parce qu'il y a aussi, en termes de régionalisation, de la modulation, pour reprendre votre terme, à réaliser dans ces grands centres compte tenu de la caractéristique des populations.

Et, pour avoir déjà été membre de votre organisme, au niveau des CRDAQ, je sais quel temps vous avez passé à la réflexion et quels sont les efforts que vous avez réalisés pour essayer d'incarner dans la réalité ce que veut dire la régionalisation. Et quand vous dites que, oui, effectivement, il y a des problèmes au niveau d'entrer cette pensée de la responsabilité des régions dans tous les appareils gouvernementaux et que le ministre vous répond là-dessus que ce n'est pas toujours au Conseil du trésor, on a l'impression depuis le 6 décembre de cette année, qu'effectivement il y a plus de pouvoir au Conseil du trésor en termes de nivellement de certaines responsabilités dans certains ministères qu'on ne veut bien le laisser croire quelquefois.

À l'égard de la modulation, vous nous amenez assez loin parce que vous avez l'expérience effectivement de la réalisation de la régionalisation. Et ce principe de la modulation des interventions dans chacune des régions, vous allez même jusqu'à nous dire que ça doit être fondé sur le principe de la reconnaissance des caractéristiques distinctes entre les régions. J'espère qu'on aura plus de succès ici sur les caractéristiques distinctes qu'on n'en a dans d'autres niveaux de gouvernement parce que ce n'est pas très largement accepté, voyez-vous. Et vous insistez à cet égard pour que le président de la régie soit une personne élue par le conseil d'administration de la régie. On comprend le souci. Vous allez plus loin en disant: "II importe que le président de cette régie soit une figure politique visible, reconnue, à l'intérieur de la région. Pour ce faire, il faut que sa candidature à ce poste s'impose parmi les autres membres du conseil d'administration à titre de leader dans la région." Ne pensez-vous pas qu'on peut rejoindre tout ça en procédant par l'élection au suffrage universel et que nous pourrions, à cet égard, régler certains problèmes d'imputabilité soulevés avec justesse par le ministre, il y a quelques secondes?

M. Ménard: Si on aborde la question du suffrage universel au niveau d'une région, il ne faudrait pas le limiter au domaine de la santé ou bien on crée de véritables gouvernements régionaux. Mais, selon moi, ce ne serait pas nécessairement sage d'avoir des élus au suffrage universel dans des secteurs particuliers. Moi, je crois, personnellement, à l'établissement de véritables gouvernements régionaux. Je pense qu'effectivement la seule façon d'atteindre la régionalisation, c'est par l'établissement de gouvernements régionaux. Mais, à ce moment-là, je ne verrais pas nécessairement d'un bon oeil que ce soit limité au seul secteur de la santé et des services sociaux.

M. Trudel: comme ça concerne à peu près le tiers du budget de l'état, est-ce que ce serait une bonne idée de commencer par la santé et les services sociaux?

M. Ménard: Ça pourrait être une bonne idée de commencer par là, effectivement, mais je pense que, si on établit des gouvernements régionaux, oui, il pourra y avoir un volet... Regardons les exemples européens; il y a des volets santé et services sociaux, bien sûr, mais il pourrait y avoir des volets de développement économique, de développement culturel et de développement social, beaucoup plus larges que juste le volet santé et services sociaux.

M. Trudel: Mais vous souscrivez à ce principe qu'il serait heureux que nous allions dans cette direction et que nous pourrions peut-être - je ne veux pas insister trop - saisir l'occasion de réaliser un effort, saisir cette possibilité de régionalisation à l'intérieur d'une perspective de démocratisation très large de l'administration des ressources de l'État à travers la santé et les services sociaux, puisque vous avez ajouté aussi, dans votre présentation au départ, avec très grande justesse, que, dans le domaine de la santé et des services sociaux, on n'est pas uniquement en matière de distribution de services. On est aussi, et vous le savez très bien, en particulier dans les régions, en matière de création d'une certaine richesse et d'articulation du développement. Alors, quand on pense en particulier à cet aspect-là, je pense que l'élection au suffrage universel dans le domaine de la santé et des services sociaux s'impose avec d'autant plus d'acuité.

M. Ménard: Quant à moi, M. Trudel, tout pas qui va nous mener à des étapes vers la création d'un véritable gouvernement régional, je vais y souscrire.

M. Trudel: J'aurais peut-être une autre question, M. Ménard, avant de passer la parole à ma collègue, la députée de Chicoutimi, un peu plus délicate, pour vous, probablement. La régionalisation, oui, l'expérience est suffisamment forte dans ce secteur-là. Le ministre soulignait même tantôt une difficulté assez grande au niveau de la sous-région. On sait qu'au Québec tous nos efforts de régionalisation ont eu aussi quelques effets pervers, c'est-à-dire que, si la régionalisation a permis de stopper une certaine fuite ou un certain délaissement de certaines régions, les sous-régions ont souvent elles-mêmes été victimes de cette décentralisation vers les capitales régionales, vers les chefs-lieux. À cet égard, est-ce que vous ne seriez pas d'accord pour dire que la réalité de base sur laquelle devrait se guider le ministre, dans la présentation et la rédaction d'un nouveau projet de loi, ça ne devrait pas être la région d'appartenance, quitte d'ailleurs à trouver les aménagements nécessaires, me semble-t-il, au niveau de la région administrative? Parce que autant, Je pense, enfin - et je voudrais avoir votre avis là-dessus - il peut être difficile pour le ministre d'administrer la dispensation de services sur l'ensemble du territoire, avec des normes mur à mur qui ne font pas de différenciation de caractéristiques des populations et des régions, je pense que nous vivons également ce même problème à l'intérieur des régions du Québec et, comme façon de contourner ça et d'être proches des usagers et du type de besoins que ces usagers ont, est-ce qu'on ne pourrait pas émettre comme principe de base, au niveau de la réforme, que le territoire de régionalisation des activités, de décentralisation, ce soit la région d'appartenance, le territoire de la MRC ou le territoire de CLSC qui, à toutes fins utiles, se confondent? (13 heures)

M. Ménard: Je n'ai pas de difficulté de fond avec cette notion-là. Je ne sais pas si ce serait toujours réalisable, par exemple. La seule chose sur laquelle je ne voudrais pas qu'on dérape, c'est que la MRC devienne l'instance à tout faire. Je voudrais vraiment qu'on fasse... et j'avais compris dans votre intervention que vous faisiez la distinction, mais je voulais juste la refaire pour que ce soit clair. C'est que je ne voudrais pas... On ne voudrait pas penser que, autant la MRC peut être effectivement le modèle de base d'une régionalisation, autant il ne faut pas y associer nécessairement la structure politique qui est là présentement. C'est-à-dire qu'il ne faut pas... Il faut faire la distinction entre le territoire et le conseil des maires qui est là.

Le Président (M. Joly): Excusez-moi, M. Ménard, j'aurais besoin du consentement des membres de la commission pour poursuivre encore quelques minutes, s'il vous plaît.

Des voix: Oui.

Le Président (M. Joly): Merci.

M. Trudel: C'est tout à fait loin de nous, la pensée d'aller vers la MRC comme structure de concertation. On parlait du territoire de la MRC ou territoire de CLSC qui, souvente-fois, se confondent, ou à peu près, là-dessus. Je vais passer la parole à... M. le Président, je vous demanderais... Mme la députée de Chicoutimi.

Le Président (M. Joly): Je vais reconnaître la députée de Chicoutimi, Mme Blackburn.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Dans le prolongement de ce qui a été avancé par à la fois le ministre et mon collègue d'Abitibi-Ouest?

M. Trudel: Témiscamingue.

Mme Blackburn: Témiscamingue, Abitibi-Témiscamingue, je pourrais peut-être développer un peu sur les pouvoirs qui pourraient être effectivement octroyés aux régions. Vous dites un certain nombre de choses. D'abord, je dois dire, pour relancer mon collègue, que j'ai été vice-présidente du CRD chez nous aussi, dans la région 02. Alors, je connais l'organisme et j'ai pu apprécier la qualité de ses interventions, à l'occasion, comme aussi ses limites. Vous dites des choses dans votre mémoire et, en même temps, je veux dire, je me sens un peu mal à

l'aise de vous suivre parce que, si on pense à l'expérience actuelle des sommets économiques régionaux... En page 4, vous dites: "Longtemps en attente d'un mandat officiel, de se situer dans un lieu de pouvoir, les sommets régionaux, à l'intérieur desquels gouvernement et régions négocient et décident ensemble". Je comprends qu'ils décident un certain nombre de choses, mais de là à ce qu'ils se réalisent, j'ai l'impression que les conseils régionaux n'avaient pas beaucoup de pouvoirs parce que lorsqu'il s'agit de passer aux actes, de réaliser les projets sur lesquels il y a eu une entente entre les deux niveaux de gouvernement...

Ça m'amène à toute la question que vous soulevez par rapport au système de décentralisation qu'on s'était donné avec la création des CRSSS, des Conseils régionaux de la santé et des services sociaux. Vous dites, en rappelant les propos de la commission Rochon, que les problèmes des CRSSS, c'est effectivement qu'ils n'avaient pas de pouvoir. Ils avaient un pouvoir de recommandation et je pense, de mémoire plutôt douloureuse, à une recommandation du CRSSS de notre région qui proposait l'implantation d'un taco, d'un tomographe axial à l'hôpital d'Alma. La décision a été prise qu'il s'installerait, une décision très politique, à Roberval. Ensuite, on a dit oui à Aima et, après ça, on dit: On vous financera en 1993. Alors, ça vous donne une idée du pouvoir des CRSSS. Alors, vous n'avez pas beaucoup abordé la question des pouvoirs qui font, finalement, la capacité de prendre des décisions éclairées.

Là-dessus, le parallèle que vous faites entre les sommets régionaux et leurs pouvoirs et ce qu'ils sont effectivement dans la réalité... Je sais un peu comment ça s'est passé dans les autres régions mais, dans notre région, ça n'a pas eu tout à fait les retombées financières qu'on en attendait. Mais, au-delà de ça, les régies régionales pourront effectivement répondre aux besoins des régions, dans la mesure où elles ont des pouvoirs réels. Et le ministre soulève, avec justesse d'ailleurs, comme l'a fait mon collègue, les problèmes que pose l'imputabilité, donc l'idée d'une élection au suffrage universel. On pourrait le faire, comme ça se fait beaucoup aux États-Unis, en même temps qu'on fait l'élection des commissaires d'école, par exemple. Ça pourrait très bien se faire. Ça ne coûterait pas plus cher et on s'habituerait probablement. Mais, dans les pouvoirs qui devraient être dévolus aux régions, on dit: II devrait y avoir une régionalisation de l'enveloppe - le ministre l'a abordé tout à l'heure - au prorata de la population et on devrait y ajouter des mesures tenant compte des situations géographiques, de l'étendue du territoire, ainsi de suite. Est-ce qu'on ne devrait pas aussi, en se rappelant que les trois problèmes auxquels est confronté le système de santé au Québec, c'est la régionalisation des décisions, la décentralisation, c'est la forte centralisation des enveloppes et le manque de ressources physiques et humaines dans les régions... Je pense en particulier aux médecins spécialistes. Ça n'a pas été abordé beaucoup, ça. Il y avait une proposition dans Rochon qui était: décentralisons les pouvoirs, décentralisons l'enveloppe de la RAMQ et décentralisons l'enveloppe du MAS. Bon, on sait ce qui a été retenu, c'est l'enveloppe du ministère, mais celle de la RAMQ, on n'en parle pas souvent parce que, décentraliser l'enveloppe de la RAMQ, ça veut dire que les médecins suivraient où est l'argent, normalement. Vous n'avez pas abordé cette question-là. J'aimerais savoir, là-dessus, si vous y avez réfléchi et dans quel sens.

M. Ménard: Oui, on y a réfléchi. On n'est pas allés, effectivement, jusqu'à parler de la décentralisation de la RAMQ, non pas parce qu'on avait nécessairement des hésitations philosophiques, c'est parce qu'on ne s'est pas attaqués particulièrement à celui-là, mais quand on parle de toute la question de l'équité, pour nous, entre les régions, c'est sous-entendu à ça aussi C'est-à-dire qu'effectivement, pour nous, quand on parle d'équité, on parle d'équité en ressources aussi, on parle d'équité en infrastruc tures et on parle d'équité en enveloppes budgétaires mais, pour nous, effectivement, à Tinté rieur de la notion d'équité qui a été très globalisée, dans notre exposé, rentre toute la question des ressources, et toute la question de la non-disponibilité ou de la difficulté pour les régions d'avoir des médecins spécialistes nous préoccupe particulièrement Effectivement, probablement que c'est par la décentralisation du budget de la RAMQ qu'on pourrait le faire mais, pour nous, il est effectivement essentiel d'avoir une équité. Et dans l'équité, il y a les médecins spécialistes, inévitablement

Mme Blackburn: Est-ce que vous voyez d'autres moyens d'assurer une certaine équité dans le partage des ressources humaines, particulièrement des médecins spécialistes dans les régions, autre que par la régionalisation de l'enveloppe? Est-ce que vous aviez...

M. Ménard: Non, je vous avoue qu'on n'en a pas trouvé d'autre. On n'a pas été plus créateurs que d'autres. On n'en a pas.

Mme Blackburn: II y a peut être finalement, le permis de travail qui pourrait..

M. Ménard: II y a la question des permis II y avait la question des... Il y a la question des fameuses allocations régionales à l'intérieur des facultés de médecine où il faut peut-être se poser des questions. Il y a peut-être la question d'établissement de bourses régionales. Bon. Mais on n'a pas voulu concentrer sur ce volet-là, et on n'a pas toutes les réponses là-dessus, mal-

heureusement.

Mme Blackburn: Parce que, pour les régions, c'est un problème - pour les régions et les régionaux - c'est un problème de taille et les coûts pour avoir accès aux services de santé dans certaines disciplines sont astronomiques, pour les régionaux, parce qu'ils doivent se déplacer constamment vers les centres. Et vers les centres, c'est vrai pour les régions également. Les gens de Roberval qui s'en viennent à Chicoutimi, ça coûte cher aussi. Une autre question. Vous parlez de modulation, de laisser aux régions le choix de moduler la composition de ces futures régies. Ça suppose que vous pourriez voir un partage différent de celui qui est proposé entre les socio-économiques, les représentants des établissements et les représentants des grands groupes socio-économiques, c'est-à-dire les communautaires, établissements et l'ensemble des groupes dont vous voudriez être en mesure d'identifier les représentants. Ici, on a fait souvent état du problème que posait la représentation des représentants d'établissements, surtout lorsqu'il s'agissait d'employés du réseau parce que, potentiellement étant... risquant d'être davantage en conflit d'intérêts. Est-ce que vous avez réfléchi à cette question? Et si vous aviez, théoriquement, à nous proposer un modèle de partage entre vos trois groupes - n'allez pas me répondre qu'il faudrait que ce soit différent d'une région à l'autre, vous l'avez dit, mais parlons pour votre région - comment ça se partagerait?

M. Ménard: Nous, on aime bien les tiers, tiers, tiers, malgré le fait que, par bout, ça avait créé des difficultés dans la question des sommets. Les tiers, tiers, tiers, ce n'est pas mauvais non plus. Effectivement, 50 % au niveau des établissements, c'est... moi, si j'avais ma région chez nous, je trouve ça peut-être beaucoup. D'autre part, j'y mettrais beaucoup plus, je lui en mettrais beaucoup plus au niveau du socio-économique, en ce qui concerne, encore là, la région chez nous. Mais vous savez, la modulation, ça va loin. Ça va même jusqu'à dire qu'il va falloir que les régies soient dotées de budgets en conséquence. Parce que, réunir une régie sur la Côte-Nord versus réunir une régie dans une région comme chez nous, qui est l'Outaouais, au niveau des frais de déplacement, ce n'est pas tout à fait pareil. C'est drôlement dispendieux de faire une réunion de la régie sur la Côte-Nord versus ce que ça peut être chez nous où il n'y a pas plus de 100 kilomètres entre le centre et les pôles les plus éloignés des MRC. Ça fait des différences de budget ça aussi.

Pour nous, ce qui est important, c'est vraiment que la région ait de la flexibilité. Au-delà de ça, moi, je dis que chacune des régions a sa sagesse fondamentale qui va faire en sorte que ça ne sera pas 100 % d'établissement, ou ça ne sera pas 100 % de communautaire, ou ça ne sera pas 100 % de socio-économique. Chacune va en arriver à son véritable équilibre en fonction de sa réalité géographique et en fonction de ses forces vives du milieu. Il y a des milieux où le communautaire est beaucoup moins présent qu'ailleurs. Il y a des milieux où le bénévolat se porte mal, merci. Donc, dans ces milieux-là, le volet communautaire est moins fort qu'ailleurs.

Tantôt, on parlait des minorités linguistiques et des minorités visibles. C'en est un élément de modulation à introduire dans un milieu comme Montréal, par exemple, versus un autre milieu où il n'y en a pas. Alors, c'est pour ça que, nous, on dit: Soyons le plus large possible et soyons le moins contraignant possible par rapport à la composition de la Régie.

Le Président (M. Joly): Merci. Je me dois, en fait, de clore parce que, dans le fond, il est 13 h 10 et il faut revenir.

Mme Blackburn: Une toute petite... C'était la place du communautaire.

Le Président (M. Joly): C'est que la toute petite nécessite une réponse aussi. Alors, à ce moment-là, si vous vous engagez à la faire toute petite et monsieur dans sa réponse aussi.

Mme Blackburn: La question est brève, la réponse pourra l'être autant.

Le Président (M. Joly): S'il vous plaît.

Mme Blackburn: Vous avez dit: II faudrait que ça soit variable selon les régions, selon l'importance des différents organismes dans les régions, mais ici, on a beaucoup entendu parler - je dois dire que je suis assez ouverte à ça, assez sensible à ce discours - de l'importance et du rôle que jouent les organismes communautaires dans la promotion de la santé et dans la prévention. Est-ce qu'ils auraient une place privilégiée? Comment est-ce que vous voyez ça, surtout de leur inquiétude par rapport à la décentralisation?

M. Ménard: Si c'est pour les faire adhérer à la régionalisation, moi, je serais bien prêt à leur faire une place privilégiée, madame.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): Merci. Alors, M. Boucher, M. Thériault, merci beaucoup de vous être déplacés et d'être venus nous offrir votre expérience.

Nous allons suspendre jusqu'à 15 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 13)

(Reprisée 15 h 12)

Le Président (M. Joly): Bonjour à tous. La commission va maintenant reprendre ses travaux et j'inviterais donc la Fédération des centres d'action bénévole du Québec à bien vouloir s'avancer et à prendre place, s'il vous plaît

Avant de débuter, j'aurais besoin d'un consentement des membres de la commission, à savoir que M. Lazure, député de La Prairie remplacerait M. Trudel, Rouyn-Noranda-Témis-camingue. D'accord? M. le secrétaire, s'il vous plaît. J'apprécierais, si la personne responsable du groupe pouvait s'identifier et identifier les membres qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Fédération des centres d'action bénévole du Québec

M. Leblond (Normand): M. le Président, je m'appelle Normand Leblond et je suis le président de la Fédération des centres d'action bénévole du Québec. A mon extrême gauche, Mme Lucie Bernier qui est la directrice générale de la fédération. Et Mme Danièle Feredj, la vice-présidente.

Le Président (M. Joly): Merci. Vous connaissez sans doute la procédure. Vous avez une vingtaine de minutes pour exposer votre mémoire, une vingtaine de minutes ou moins et par après, les membres de cette commission ont un temps égal et pourront vous poser les questions d'usage. Merci.

M. Leblond: Ça va bien. Alors, j'aimerais commencer par un avant-propos vous soulignant qu'au Québec, nous sommes plus de 1 000 000 d'hommes et de femmes, jeunes et vieux, à faire des activités bénévoles. Les bénévoles sont actifs dans tous les secteurs de l'activité humaine. Chaque bénévole consacre en moyenne 206 heures par année à la société québécoise. Rémunérée au salaire minimum, cette implication représenterait la rondelette somme de 1 000 000 000 $, c'est-à-dire 150 000 emplois à raison de 35 heures par semaine. La Fédération des centres d'action bénévole a été fondée en 1972, et elle regroupe près de 80 centres, ce qui représente plus de 100 000 bénévoles à la grandeur du Québec.

Les centres d'action bénévole agissent à deux niveaux. Nous sommes les seuls à faire la promotion de l'action bénévole et, en plus, nous, les centres, donnons des services à la population. Et ces services sont dispensés par les organismes communautaires. Les centres d'action bénévole du Québec sont les seuls organismes dont le mandat soit la promotion du bénévolat et les services aux bénévoles. Une part importante et, pour certains centres, la totalité de leurs activités concerne le recrutement, la formation, le support, l'affectation des bénévoles aux services du centre ou leur référence à d'autres organismes de la communauté.

La Fédération est l'instigatrice, depuis seize ans, de la Semaine de l'action bénévole, qui est un événement annuel d'envergure provinciale, qui vise la promotion et la reconnaissance de l'action bénévole à la grandeur du Québec. Dans chacune des régions, les centres se joignent aux organismes communautaires pour manifester de façon originale ce mandat qu'est la Semaine de l'action bénévole. Les centres d'action bénévole aussi interviennent dans le secteur de la santé et des services sociaux grâce aux services dispensés directement par des bénévoles. Exemple: popote roulante, visites amicales, transport, écoute téléphonique, gardiennage et accompagnement. Mais ce qui nous différencie, à la fédération des organismes, c'est que ce qui est important, c'est qu'on est les seuls à faire la promotion de l'action bénévole. Aussi, la Fédération donne des services à des membres qui sont les centres ne donne aucun service directement.

M. le Président, l'avant-projet de loi nous propose un réaménagement des éléments actuels du réseau de la santé et des services sociaux et fait une place, pour la première fois, à des éléments hors réseau qu'on appelle les organismes communautaires. L'objectif du gouvernement, c'est de faire plus et mieux et, en même temps, de diminuer les coûts. Ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'on dirait que l'État, lorsque arrive une crise, reconnaît les organismes bénévoles et les redécouvre seulement lorsqu'il y a une crise dans le réseau de la santé et des services sociaux. Ça, c'est un élément un petit peu nouveau qu'on voit apparaître au cours des dernières années, que cette reconnaissance-là des organismes bénévoles.

Nous aimerions, dans ce mémoire, vous parler de certains points: l'accessibilité universelle et gratuite aux services, le maintien de la participation de la population aux orientations et à la gestion des services, la place de la personne dans le système, les stratégies basées sur la prévention, le renforcement et l'autonomie des personnes, des réseaux naturels et des communautés, sur la coopération entre les différents secteurs de la société québécoise et, enfin, aussi vous parler de la reconnaissance officielle de l'existence des organismes communautaires.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le président, vous avez terminé?

M. Leblond: Non. C'est seulement la première partie de l'avant-propos. Alors, je vais partir...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Vous continuez.

M. Leblond: ...maintenant sur l'accessibilité universelle. La Fédération ne peut que souscrire aux préoccupations d'équité du gouvernement qui maintient l'objectif d'accessibilité universelle et

gratuite. Il nous apparaît, par contre, inacceptable que des disparités persistent toujours selon les lieux, l'appartenance socio-économique ou le sexe; de même, lorsque les services sont disponibles, que leur accès soit limité à des situations d'urgence. Nous, ce qu'on vous propose, ce qu'on vous dit: en appuyant le développement des ressources bénévoles, le gouvernement pourrait s'assurer d'améliorer de beaucoup cette accessibilité aux services, car des bénévoles, il y en a dans tous les milieux et ils sont toujours présents. Les communautés des régions plus éloignées ne risqueraient pas de faire face à une pénurie de bénévoles, comme c'est souvent le cas pour les ressources sociomédicales.

La reconnaissance des organismes bénévoles. Les organismes communautaires vous applaudissent. Pour la première fois, leur existence est consacrée par quelques articles d'un projet de loi. Les organismes bénévoles souhaitent que leur existence soit consacrée de même. Mais cette reconnaissance obligée, compte tenu de la place que les organismes communautaires et bénévoles occupent déjà et celle que le ministre leur propose, doit aller bien au-delà de ces mots, si officiels soient-ils.

M. le ministre, ce n'est pas à un texte de loi, si bon soit-il, qu'on reconnaîtra le bénévolat. On devrait trouver des façons originales de le faire et, là-dessus, le gouvernement n'a pas démontré d'énormes capacités. Il y a peu de politiques pour appuyer l'appart des bénévoles à la communauté. Le gouvernement va reconnaître ses écrivains, va reconnaître ses artistes, mais, pour les bénévoles, il n'y a rien. Il a fallu que ce soit le gouvernement fédéral qui institue un prix, le prix Bénévolat Canada, pour reconnaître qu'au Québec il y avait des bénévoles très impliqués. Alors, on aimerait que le gouvernement du Québec fasse peut-être la même chose, qu'il reconnaisse qu'au Québec il y a des gens qui font et qui sont impliqués dans l'action bénévole depuis de nombreuses années.

Or, force nous est de conclure, si malheureusement notre réflexion est exacte, que pour le gouvernement, les ressources bénévoles de la communauté ne constituent qu'un maillon d'une chaîne d'aidants, qui va de la famille immédiate à l'extrémité du réseau public, là où se trouvent les coûteuses ressources spécialisées. Il est vrai et rassurant que les bénévoles des centres, notamment par un ensemble d'activités dites de maintien à domicile - ce que j'expliquais tantôt, popote roulante, transport, accompagnement, visites amicales - remplissent ces rôles d'aidants.

Nous sommes loin d'une reconnaissance réelle de ces instances démocratiques que sont les centres d'action bénévole, capables de transformer les conditions d'existence, d'apporter des solutions originales et efficaces aux problèmes de leur milieu. C'est donc à cette reconnaissance que nous aspirons.

On s'entend aussi pour dire qu'un des problèmes majeurs à venir au cours des prochaines années est le vieillissement de la population. Les centres peuvent justement aider, lorsqu'on parle du vieillissement de la population, en diminuant les coûts de ces gens pour les services de santé et les services sociaux, car on sait très bien qu'une personne âgée, qui va s'impliquer, qui va faire de l'action bénévole, va utiliser beaucoup moins les services de santé. Et, par le fait même, si on utilise moins les services, les coûts vont diminuer. Il pourrait en être ainsi pour d'autres groupes de citoyens qu'on pourrait inciter à faire de l'action bénévole.

Alors, ce qu'on aimerait avoir, c'est non pas une reconnaissance mais une dont on retrouve la trace dans les conditions faites à la participation des citoyens et à la participation que nous sommes, en tant que partenaires du réseau institutionnel. C'est au gouvernement que revient la possibilité, non seulement de reconnaître ces rôles, mais de supporter concrètement les centres d'action bénévole qui permettent l'actualisation de ce que je vous disais.

J'aimerais, en terminant cette partie, vous démontrer la différence entre un organisme bénévole et un organisme communautaire. Un organisme bénévole, pour nous, est toujours un organisme communautaire, tandis qu'un organisme communautaire n'est pas nécessairement un organisme bénévole. Parce que, à l'intérieur d'un organisme communautaire, ce sont des gens qui ont vécu un problème, qui se l'approprient et qui veulent le régler. Tandis qu'un organisme bénévole, pour nous, c'est un organisme qui peut compter sur des bénévoles qui n'ont pas vécu nécessairement avec le problème, mais qui sont prêts à donner de leur temps pour aider des gens qui auraient des problèmes. Alors je pense que c'est important de faire cette distinction-là entre un organisme communautaire et un organisme bénévole. C'est pourquoi la Fédération recommande que les organismes bénévoles soient officiellement reconnus dans la Loi sur la santé et les services sociaux.

Financement par les programmes-cadres. Nous comprenons que, suivant l'avant-projet de loi, les centres d'action bénévole seraient financés sur la base de programmes-cadres, lesquels visent une clientèle cible. C'est, malheureusement, pour nous, un encadrement trop rigide où les centres d'action bénévole se voient imposer des problématiques et des clientèles à partir d'en haut. Le dynamisme des centres est tout à fait à l'opposé, ce qui en fait d'ailleurs leur intérêt et leur richesse jusqu'à ce jour.

La souplesse, l'adaptabilité des activités des centres, la disponibilité et, la motivation des bénévoles furent maintes fois soulignées et, souvent, les établissements ont recours constamment aux organismes bénévoles. De plus, cette gestion par programme, à laquelle tous les partenaires devront participer, risque d'accentuer

le délestage et le pouvoir contraignant du réseau public vers les centres d'action bénévole et les organismes communautaires. Il ne s'agit nullement de spéculations oisives, car tout observateur constatera de plus en plus cette tendance dans le cadre des programmes de maintien à domicile. De nombreux centres d'action bénévole y participent avec les CLSC et reçoivent des fonds de leur conseil régional.

Nos craintes sont à l'effet que le réseau nous impose des clientèles que nous devrons desservir. Nous ne voulons pas être la bouée de sauvetage des CRSSS ou des CLSC. Ainsi, quand un CRSSS dit à un organisme bénévole: Dorénavant tu devras desservir tel type de clientèle ou tu n'auras pas d'argent, alors je pense qu'on vit un problème au niveau des subventions. Que se passe-t-il? À ce moment-là, les bénévoles quittent l'organisme. Il y a du désintéressement et souvent l'organisme va mourir. Ce que je vous dis, ce sont des situations qui sont déjà vécues. Nous avons peur que le financement par programme n'accentue le pouvoir des CRSSS sur les organismes bénévoles.

Présents en tout temps au sein de leur communauté, et ce avant même que l'État providence n'en occupe la place, les organismes communautaires, dont les centres d'action bénévole, conçoivent et sont des plus disponible à collaborer avec le réseau. Cette collaboration existe, d'ailleurs, déjà dans maints domaines, implique maints interlocuteurs et établissements. Il importe toutefois que l'originalité et l'autonomie des parties soient respectées et favorisées par la formule de collaboration retenue.

On ne conteste pas le contrôle. On est prêts à répondre à certains contrôles. Ce qu'on ne veut pas, c'est que les services que les centres donnent nous soient imposés, que les clientèles nous soient absolument imposées, qu'on ne soit pas capables d'aller à l'extérieur des champs de ces clientèles.

Budget global de fonctionnement. Le document d'orientation faisait mention de l'attribution d'un budget de fonctionnement garanti pour trois ans et récurrent. Il répondait aussi aux demandes maintes fois formulées de la Fédération des centres d'action bénévole et des organismes communautaires. Nous avons vainement cherché une telle clause dans l'avant-projet de loi. Aucune trace de financement minimum, ni de financement global n'est prévue pour nos organismes, pour les organismes communautaires, et nous n'avons vu aucune trace de récurrence.

Alors comment financer l'infrastructure de nos centres? Comment favoriser la recherche et le développement de nouvelles solutions aux problèmes qui se profilent déjà et auxquels notre réseau ne peut répondre? Comment stimuler le recrutement, la formation, l'encadrement des bénévoles, sans financement adéquat des centres d'action bénévole, dont c'est l'un des mandats principaux?

La promotion de l'action bénévole, le recrutement, la formation et l'encadrement des bénévoles, la recherche et le développement de nouvelles avenues, toutes ces activités sont essentielles à la réalisation et à l'amélioration des services. Dans le contexte proposé, nos énergies devront, encore une fois, se concentrer sur des demandes de subventions plutôt que sur la réalisation d'activités. Or, nous déplorons, actuellement, une telle situation. Il est inutile de l'accentuer par des dispositions prévues dans i'avant-projet de loi.

Ce qui est important, c'est que les centres d'action bénévole ne donnent pas seulement des services aux personnes dans le besoin. Nous sommes les principaux promoteurs de l'action bénévole. Ce sont les centres d'action bénévole et la Fédération qui incitent la population à s'impliquer, qui sélectionnent et qui recommandent les bénévoles aux organismes. Sans les centres, que feraient les organismes communautaires? Et là-dessus, il n'y a rien de prévu dans l'avant-projet de loi.

C'est pourquoi nous recommandons que le budget global des centres d'action bénévole et de leur Fédération soit établi sur trois ans; qu'il soit récurrent et assorti d'une indexation annuelle équivalente au coût de la vie; que les centres d'action bénévole soient financés directement par le MSSS et qu'il assure le financement de l'infrastructure nécessaire pour donner des bons services.

Les regroupements provinciaux et régionaux. Les centres d'action bénévole sont stupéfaits de constater qu'ils devront dorénavant financer en totalité leur fédération et leurs regroupements régionaux. instances démocratiques dont les centres d'action bénévole ont cru nécessaire de se doter en 1972 pour s'épauler, partager des expériences, travailler à des dossiers communs, la Fédération est devenue avec les années une mémoire collective pour aider chaque centre à mieux s'établir dans son milieu. Actuellement, nous vous rappelons que la Fédération des centres d'action bénévole regroupe 82 centres répartis dans l'ensemble du Québec, de l'Abitibi à la Côte-Nord, de la Gaspésie à l'Outaouais. Il est, à notre avis, indécent, inadmissible de demander aux centres de financer leur Fédération, car certains salariés ont un salaire d'environ 10 000 $ par année et certains centres sont sous-équipés. Et, on leur demanderait en plus de financer leur Fédération à même leur maigre marge de subvention que, déjà, on trouve insuffisante.

Ainsi, si le gouvernement souhaite ultime-ment affaiblir le mouvement communautaire, dont le pouvoir central de son ministère et de la santé et des services sociaux, et devant les collèges électoraux et des régies, il a juste à persister dans la voie qu'il a prise. Il se débarrassera d'un partenaire embarrassant. niais amputera également le Québec d'une pâlie

importante de son dynamisme et de son originalité. C'est pourquoi nous recommandons que le financement des regroupements régionaux et provinciaux des centres soit assuré directement par le ministère; que le financement des regroupements régionaux et de la Fédération soit autorisé par les centres d'action bénévole affiliés. On n'a absolument pas peur que ce soient les centres qui nous financent à même une enveloppe qui serait réservée au ministère et que le ministère demande à chaque centre s'il est prêt à légitimer la Fédération. On est prêts à accepter un tel genre de proposition.

Enfin, la participation de la population. Nous appuyons le gouvernement lorsqu'il indique sa volonté de poursuivre dans le sens de la réforme des années soixante-dix et de maintenir la participation des citoyens et citoyennes à l'orientation et à la gestion des services. Toutefois, cet appui ne va pas sans réserve. (15 h 30)

La participation des salariés et des bénévoles aux conseils d'administration. Il n'est pas souhaitable que la participation de la population soit restrictive, qu'elle exclue les bénévoles et les permanents des organismes bénévoles. Ce faisant, on se priverait d'une expertise précieuse. Il faut se rendre compte que, lorsqu'il s'agit de services directs, les usagers d'un centre ne sont pas nécessairement les bénévoles, mais ceux qui reçoivent des services dispensés par des bénévoles. Ce qu'il faut démystifier, c'est le fait que le bénévole est un usager de services. Voici l'exemple que je voudrais vous donner: être chauffeur de taxi pour accompagner une personne âgée en vue de recevoir un service ne fait pas du chauffeur de taxi un usager d'un service; il est un bénévole. C'est un peu ce qu'on voulait vous souligner à l'intérieur de cette partie-là.

On se priverait également d'une continuité dans la gestion administrative des fonds publics et dans le suivi des services si on éliminait les bénévoles et les permanents des organismes bénévoles sur les conseils d'administration. De même, trouvons-nous inconvenable et antidémocratique de restreindre, voire même soustraire en totalité les représentants des organismes bénévoles sur les conseils d'administration unifiés, alors que, présentement, de nombreux représentants des centres d'action bénévole siègent aux conseils des établissements du réseau de la santé et des services sociaux. C'est pourquoi nous recommandons que les bénévoles et les salariés des organismes bénévoles siègent aux conseils unifiés, aux collèges électoraux et aux régies régionales prévus par la loi.

Représentation des organismes bénévoles. De même, la représentation des organismes bénévoles aux conseils d'administration des collèges électoraux et des régies régionales, pour autant qu'elle soit incluse dans la représentation des organismes communautaires, nous semble tout à fait hors proportion, si on se réfère aux objec- tifs de partenariat entre le réseau institutionnel et le réseau communautaire.

Être partenaire présuppose un principe d'égalité, de connivence, de respect et de mise en commun. L'élément économique devient ici très important pour rendre le discours et la pratique congruents. Comment peut-on demander et, en même temps, exiger face à la pauvreté? L'importance d'équilibrer l'écart entre l'institutionnel et le communautaire devient prioritaire pour nous. il est indispensable de considérer la diversité des organismes communautaires dont la population d'une même région s'est dotée et de respecter cette réalité. de même, est-il essentiel de tenir compte du pouvoir que les établissements du réseau possèdent déjà vis-à-vis de leurs partenaires. existerait-il moins de similitudes entre les établissements du réseau qu'entre les organismes démocratiques communautaires? comment peut se justifier que les créatures institutionnelles accaparent 50 % des sièges, alors que les organismes communautaires s'en voient octroyer 25 % et les collèges électoraux régies régionales 15 %? c'est pourquoi la fédération recommande que les organismes bénévoles aient au moins 25 % de représentation tant au collège électoral qu'à la régie régionale, au conseil d'administration unifié, et qu'au moins un siège soit réservé aux centres d'action bénévole.

Enfin, indépendamment du nombre de sièges réservés aux organismes bénévoles, la participation de leurs représentants soulève la question de leur statut, du mode de délégation, de leur compétence et de leur pouvoir comparativement aux représentants du réseau. Il nous semble indispensable de prévoir un support et une formation aux citoyens et citoyennes des organismes bénévoles appelés à participer à ces conseils, car nous craignons que les centres, dans la structure actuelle et dans celle proposée, ne soient que des David face aux Goliath. D'ailleurs, j'aimerais vous rappeler que tout le monde juge important qu'il y ait de la formation. Tout député nouvellement élu reçoit une session de formation pour savoir comment il devra se comporter, et on pense que ça devrait aussi être prévu dans l'avant-projet de loi pour les bénévoles qui vont aller siéger sur les conseils d'administration.

Enfin, c'est pourquoi la Fédération recommande que les organismes bénévoles soient officiellement reconnus dans la Loi sur la santé et les services sociaux, que le budget global des centres d'action bénévole soit établi sur trois ans et qu'il soit récurrent, que les centres d'action bénévole soient financés directement par le ministère de la Santé et des Services sociaux et qu'il assure le financement de l'infrastructure, que le financement des regroupements régionaux et provinciaux des centres soit assuré par le ministère, que les organismes bénévoles aient au moins 25 % de représentation tant au collège

électoral, à la régie régionale, au conseil d'administration unifié, et qu'au moins un siège soit réservé aux centres d'action bénévole, que le financement de la Fédération soit assuré par le MSSS, que les bénévoles et les salariés des organismes bénévoles qui siègent aux C.A. (unifiés, collèges électoraux) soient prévus par la loi ainsi que leur formation.

Enfin, la Fédération des centres d'action bénévole du Québec ne peut qu'être supportante du gouvernement du Québec lorsqu'il jette un regard critique sur notre système de santé et de services sociaux. Nous souhaitons que notre gouvernement, en tant que partenaire privilégié, soit aussi supportant dans notre contribution à l'élaboration de cette loi en y insérant les quelques recommandations contenues dans le mémoire. Les centres d'action bénévole se sont sentis interpellés par l'avant-projet de loi sur la santé en ce qu'il est question d'organismes communautaires et qu'une partie importante de leurs activités relève du domaine de la santé et des services sociaux. Merci.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le président, M. Leblond, je vous remercie pour la présentation de votre rapport. Est-ce qu'il y a d'autres personnes de votre organisme qui voudraient prendre la parole?

M. Leblond: Non, ça va.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Pas à ce stade-ci. Alors, je vais reconnaître maintenant le ministre des Affaires sociales. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, mesdames et messieurs. C'est un mémoire qui jette un éclairage nouveau sur ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. Effectivement, on a entendu beaucoup de représentants communautaires exprimer leur point de vue sur la réforme, ayant des réticences quant au pouvoir régional et voulant toujours être rattachés au central avec tous les problèmes que ça peut supposer. Là, ce que je comprends, c'est qu'il y a moins de problèmes au central qu'il y en aurait éventuellement dans un pouvoir décentralisé à une régie. J'ai compris ça ce matin. Au moins, les fonctionnaires du ministère au central vont être heureux d'apprendre qu'il y en a au moins quelques-uns, au central, qui sont compris.

Pour être capable de bien creuser la distinction que vous avez faite tantôt, parce que dès les premières pages, les premiers paragraphes, j'ai senti que vous vouliez nous passer un message très clair, qu'il y avait une distinction entre communautaire et bénévole. Je pense que ça m'apparaissait évident là. Et vous avez donné, par un exemple, ce qu'était la différence. J'aimerais vous entendre davantage dans des cas concrets. Quelle osl la différence? parce quo, effectivement, c'est toujours dans un hôpital que tu vas rencontrer des bénévoles qui vont aller supporter des gens, aider... Ce que vous décrivez comme fonction où on les retrouve, tu les reconnais parce que tu vois que c'est fait avec beaucoup de détachement et beaucoup de plaisir, tu vois un sourire.

Moi, ça me touche parce que, effectivement, c'est un élément extrêmement important. On n'a peut-être pas assez fait de distinction entre les deux, communautaire et bénévole, parce que je pense qu'on a regroupé ça sous le même chapeau. Mais, par vos explications, donnez-nous un peu plus d'information pour nous donner la chance de nous reprendre si jamais on a manqué notre coup.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme

Feredj.

Mme Feredj (Danièle): Danièle Feredj.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, madame.

Mme Feredj: M. le Président, M. le ministre. Alors, l'exemple que je vais vous donner, je pense, va emprunter aux relations que les centres d'action bénévole ont avec les CLSC. On retrouve dans les CLSC des travailleurs communautaires. Alors, les travailleurs communautaires ont pour tâche essentielle, à notre point de vue, de mettre sur pied des groupes avec des personnes qui sont, par exemple, affligées de problèmes de surconsommation de médicaments, des problèmes d'obésité; par exemple, vous avez les outre-mangeurs, vous avez aussi des groupes d'entraide entre parents qui sont des parents abusifs. Voici ce que nous appelons, nous, des groupes communautaires. Ce sont des gens, donc, qui ont un problème identique. Ils se regroupent, ils forment des groupes d'entraide, ils vont travailler ensemble à améliorer leurs conditions de vie, à améliorer, à vaincre certains problèmes de comportement, tandis que nous, les bénévoles, dans les centres d'action bénévole, ce que nous faisons comme bénévoles, c'est que nous recrutons, nous faisons la promotion de l'action bénévole, nous incitons la population à venir s'engager comme bénévoles et nous les dirigeons, nous les orientons, une fois que nous avons fait des entrevues, que nous avons exploré leurs intérêts, une fois que nous leur avons offert du perfectionnement. Nous avons donc stimulé une partie de la population à faire du bénévolat, et nous les orientons, nous les dirigeons là où sont les besoins. Et ces besoins, nous les connaissons tout simplement parce que des individus s'adressent à nous pour avoir certains services dont nous avons parlé tout à l'heure. Il se peut que ce soient des services de maintien à domicile, de transport, de popote, des choses comme ça Ou bleu, co sont des organist nos qui s'adressent à nous pour avoir des ressources bénévoles.

Et qui sont ces organismes? Eh bien, c'est l'ensemble des organismes communautaires et bénévoles. Vous pouvez penser aux grandes fondations qui ont besoin de bénévoles pour faire des collectes de fonds. Vous pouvez penser, également, à un petit groupe qui veut partir, par exemple, une garderie dans son milieu. Je pense souvent aux personnes âgées. Et elles ont besoin d'autres bénévoles âgés pour venir grossir leurs groupes de grand-maman tendresse. Ils s'adressent à nous et nous les aidons à remplir leurs effectifs de bénévoles. Est-ce que ça répond?

M. Leblond: Je voudrais peut-être juste compléter. C'est que si on prend l'exemple, tantôt, de personnes obèses, alors, les gens vont se regrouper parce qu'ils ont un problème d'obésité et, souvent, on va leur fournir des bénévoles. Ce ne sont pas des gens qui vivent le problème ou qui ont le problème, mais qui vont aider ces gens-là. Alors, on va leur fournir des bénévoles qui ne sont pas pris avec ce problème-là, soit pour les aider dans une démarche ou des choses comme ça. Alors, c'est pour ça qu'on dit qu'il y a une différence énorme entre l'organisme communautaire et un centre d'action bénévole.

M. Côté (Charlesbourg): Dans votre entrée en matière, vous nous avez dit: II y a 80 centres à travers le Québec.

M. Leblond: Ce qu'on regroupe, à l'heure actuelle.

M. Côté (Charlesbourg): De regroupements.

M. Leblond: 82.

M. Côté (Charlesbourg): Pardon?

M. Leblond: 82, à l'heure actuelle, qu'on regroupe.

M. Côté (Charlesbourg): O. K. Qui sont répartis un peu partout sur le territoire.

M. Leblond: Dans toutes les régions du Québec.

M. Côté (Charlesbourg): O. K. Et il y a un lien avec la Fédération qui, elle, dispense la formation.

M. Leblond: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Alors que dans chacun des centres du Québec, vous pouvez téléphoner à ce centre-là pour avoir des bénévoles, éventuellement, au niveau d'un hôpital. Est-ce que vous avez des liens avec certains hôpitaux qui pourraient vous appeler et vous dire: On voudrait créer chez nous...

M. Leblond: Un comité de bénéficiaires.

M. Côté (Charlesbourg):... un comité de bénévoles.

M. Leblond: Certainement.

M. Côté (Charlesbourg): Lorsqu'on parle des 82, c'est ce genre de comité-là que vous avez un partout à travers le Québec.

M. Leblond: C'est-à-dire que ce sont des centres que l'on regroupe, qui vont, dépendam-ment de leur structure, regrouper d'autres organismes - si je donne un exemple - comme le Centre d'action bénévole de la ville de Québec, lui, regroupe 115 organismes, dont certains comités de services aux personnes hospitalisées. Au C. H. de l'Université Laval, il y a un service bénévole qui est membre du Centre d'action bénévole; ça peut être les Grands Frères, les Grandes Soeurs, les familles monoparentales, dépendamment des milieux.

M. Côté (Charlesbourg): J'imagine que, malgré le fait que nous ne sommes pas très très présents sur le plan financier - vous nous passez un bon message en même temps; disons qu'on vous sollicite dans la période de crise, vous avez réussi à passer votre message et c'est vrai, je pense que l'histoire le démontre et, il y a une histoire assez récente qui ne date pas d'un an tout à fait, ça me paraît évident - quel est le support que vous recevez, à ce moment-ci, du gouvernement du Québec?

M. Leblond: Nous avons, depuis les quatre dernières années, une subvention qui est aux alentours de 125 000 $ et qui n'a pas été indexée au cours des quatre dernières années.

M. Côté (Charlesbourg): Comme fédération. M. Leblond: Comme fédération.

M. Côté (Charlesbourg): Mais vous devez avoir des centres affiliés qui, eux aussi, bénéficient...

M. Leblond: Oui, sauf que c'est variable d'une région à l'autre. Certains centres peuvent avoir 10 000 $ du ministère de la Santé et des Services sociaux, d'autres peuvent avoir 5000 $. C'est variable d'une région à l'autre parce que l'un des problèmes majeurs, c'est que certains centres, pour se faire reconnaître, doivent faire du maintien à domicile pour lequel ils n'ont aucune subvention. On n'a pas reconnu encore la promotion de l'action bénévole, comme telle, au Québec.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, ce que je comprends, c'est qu'un des éléments extrême-

ment importants de cette politique-là, c'est le maintien à domicile. Et ça aussi, c'est un élément important.

M. Leblond: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Si, sur le plan de l'action bénévole, on sent le besoin, dans des centres hospitaliers, d'aller réconforter des malades par une visite pour des gens qui n'en auraient pas, le maintien à domicile aussi... Je regardais la définition: popotes roulantes, visites amicales; ça, on doit en faire à domicile de temps en temps aussi, j'imagine.

M. Leblond: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Transport, écoute téléphonique, gardiennage, accompagnement, ça me paraît des mesures tout à fait extraordinaires qui vont permettre le maintien à domicile.

M. Leblond: Oui. Sauf que nous, on dit que, si on n'a pas les moyens d'amener la population à s'engager soit dans les popotes roulantes, soit dans l'ensemble des organismes de maintien à domicile, à un moment donné, ces organismes vont mourir parce qu'il faut inciter les citoyens à s'impliquer.

M. Côté (Charlesbourg): Tout ça pour en arriver à une de vos recommandations - je reviendrai avec autre chose après - où vous dites: Ça nous prend un financement sur trois ans, bien identifié, et là, vous pariez au nom de la Fédération, en particulier de la Fédération, mais pas nécessairement des centres.

M. Leblond: On parie et au nom des centres et au nom de la Fédération.

M. Côté (Charlesbourg): Et c'est récurrent Si c'est trois ans, c'est récurrent pour trois ans.

M. Leblond: C'est ça, oui.

M. Côté (Charlesbourg): Au-delà de tout ça, ça peut être remis en question et ça peut être questionné à l'occasion, j'imagine?

M. Leblond: Je pense que, chaque année, ça peut être remis en question si les gens n'atteignent pas les objectifs ou des choses comme ça, tel qu'il est prévu dans les ententes. (15 h 45)

M. Côté (Charlesbourg): Vous, ça ne vous achale pas de faire des rapports, parce qu'il y en a que ça achalait. Ce que j'ai entendu des groupes communautaires, pour certains, c'est: II n'y a pas assez d'argent, on en veut plus, et remplir le moins de papiers possible.

M. Leblond: Nous, ça ne nous dérange pas d'avoir à répondre, à faire des évaluations des activités qu'on fait.

Mme Feredj: M. le Président, ce qu'on demanderait, si on obtenait la reconnaissance des centres d'action bénévole qui sont, pour faire image, comme des centres d'emploi pour bénévoles... Les personnes viennent nous voir, elles offrent leur temps, on les stimule à le faire et, après, on redistribue cette force. D'abord, on est l'action bénévole visible dans chacune des MRC de la province de Québec. On est la force bénévole visible. Alors, c'est un lieu où l'action bénévole s'exprime. Si ceci était reconnu dans une politique et qu'il y ait un cadre financier adéquat, ça nous permettrait de fonctionner à l'année longue avec ça. Ensuite, nous pourrions aller acheter des programmes de maintien à domicile dans les régions pour donner des services de maintien à domicile, mais il n'y a pas que ça qu'on peut donner, on peut donner aussi beaucoup d'autres... On travaille dans les loisirs, dans les sports. On travaille dans bien d'autres endroits.

M. Côté (Charlesbourg): Vous avez parié de financement adéquat. Ça me fait toujours peur un peu, un financement adéquat, parce qu'évidemment, ça dépend toujours de notre appétit, le financement adéquat. Pour vous, d'après vous, qu'est-ce qu'un financement adéquat? Je vous demanderais de faire la distinction entre la Fédération et les centres régionaux.

Mme Feredj: Bien, j'ai ici un budget type d'un centre d'action bénévole qui pourrait être présenté. Il y aurait un budget de fonctionnement de 121 000 $. Ce serait, pour nous, un budget type. On retrouverait une secrétaire, une directrice ou un directeur, un secrétaire ou une secrétaire et un technicien quelconque, disons qu'on pourrait avoir trois salariés, avec les bénéfices marginaux, ce qui nous mènerait à 98 500 $, alors qu'actuellement vous avez des directeurs ou des directrices de centre qui travaillent pour, à peu près, entre 10 000 $ et 22 000 $ par année, à temps plein. Ce sont des personnes qualifiées et compétentes. On dirait que ces gens-là sont obligés de travailler à rabais, je vous dis ça en passant. C'est comme si ce n'était pas important, ces secteurs-là. Pourtant, ils travaillent en collaboration étroite avec les institutions, avec toutes les forces vives du milieu. Souvent, ils sont à compétence égale. Donc, notre budget type, il est de 121 000 $ parce qu'il comprend, en plus des salaires et avantages sociaux, des frais de logement de 8200 $, des frais d'administration et de la papeterie, des timbres, des correspondances pour 3500 $ et des frais d'immobilisation, le téléphone, 3000 $, c'est un outil. Bon! On a un budget type de 121 000 $ pour un centre moyen.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'il n'y a pas un danger - je vous le pose très honnêtement, ce n'est pas pour démolir - de tuer le bénévolat avec ça? Est-ce qu'il n'y a pas ce danger-là? Je comprends que ça prend un minimum, je comprends ça. Évidemment, dans différentes structures où on a fini par organiser une structure où les gens étaient payés pour encourager le bénévole, tantôt, le bénévole finit par se poser la question: Est-ce qu'il n'y a que lui qui n'est pas payé? C'est un peu ça, finalement, quand tu descends, parce qu'au niveau de la structure... Et 100 000 $ pour une région, avec tout ce que ça comporte comme frais de déplacement, etc., ce n'est pas le Klondike non plus, ce n'est pas ça que je veux dire.

Est-ce qu'il n'y a pas un peu une dynamique, à ce moment-là? Si on prend les 80 centres à travers le Québec, si je calcule bien, à 100 000 $ chacun, ça signifie, demain matin, 8 000 000 $; 10 400 000 000 $, ce n'est pas beaucoup pour de l'action bénévole. On peut bien extrapoler en disant: Bien, s'il y a 1 000 000 de personnes bénévoles, ça ne fait pas cher du bénévole, hein! Évidemment, c'est cette logique-là aussi. Mais je me pose aussi la question: Est-ce qu'on ne se recoupe pas, à un moment donné, dans ce réseau-là, communautaire et bénévole, sur le plan de la dispensation des services? C'est bien intentionné partout. C'est ça que je veux faire, la distinction très nette - parce que je suis prêt à regarder encore plus avant - entre les centres de bénévolat et le communautaire. Je suis peut-être prêt à être plus permissif au niveau des centres de bénévolat que du communautaire, parce que, évidemment, j'ai bien compris tantôt, selon votre expérience, il y a un agent ou peut-être deux dans les CLSC qui créent des groupes communautaires pour répondre à des besoins spécifiques. Alors, j'ai bien entendu ça tantôt. Je le pensais depuis longtemps, mais vous me le confirmez parce que vous le vivez dans le champ. Donc, on paie quelqu'un pour créer des groupes communautaires qui, eux, vont venir demander des subventions pour répondre à un besoin spécifique. Je pense qu'il y a un questionnement à faire de ce côté-là et ce n'est pas nécessairement... Dans certains cas, je le sais, dans mon CLSC, chez nous, la popote roulante a été créée par un organisme communautaire qu'a créé le CLSC. Mais pour avoir une popote roulante qui, effectivement, répond à des besoins, à des gens qui en ont besoin... Mais évidemment, si on les décortique au complet, les quelque 2100 demandes, je pense qu'on va peut-être trouver un peu d'argent, un petit peu d'argent et on va pouvoir en donner aux bénévoles. Je crois à ça, les bénévoles. Je crois à ça, le bénévolat. J'en ai fait une bonne partie de ma vie aussi. Mais il faut bien faire la distinction très nette entre bénévole et garder la philosophie le plus longtemps possible. Ça me paraît ça, en tout cas.

M. Leblond: Je pense, M. le ministre, pour nous, à l'heure actuelle, que c'est important que les centres aient un financement parce que le but qu'on poursuit, c'est d'amener les citoyens à s'impliquer dans l'ensemble des organismes communautaires ou bénévoles à la grandeur du Québec. À l'heure actuelle, un des problèmes, c'est qu'on n'a pas les moyens de le faire. On a si peu les moyens de le faire qu'à l'heure actuelle, c'est le Conseil canadien de la philanthropie qui a entrepris une campagne qui s'appelle "Imagine" pour inciter les gens à s'impliquer. On a si peu les moyens que lorsque arrive la Semaine de l'action bénévole, au Québec, on est obligés - je le mets entre parenthèses - d'aller quêter auprès des institutions pour leur demander si elles ne pourraient pas nous donner de l'argent pour pouvoir organiser cette semaine-là parce qu'on n'a même pas les moyens de se payer un "poster", M. le ministre. Le but ultime que nous poursuivons, ce n'est pas pour notre gloire, c'est de faire en sorte que l'ensemble des citoyens soient mieux desservis dans leur milieu. Et si jamais, en ayant de l'argent ou en ayant une subvention-cadre, les centres ne remplissaient pas leur mandat, je peux vous garantir qu'ils vont mourir d'eux-mêmes.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme

Bernier, vous voulez intervenir?

Mme Bernier (Lucie): Oui. Je voudrais seulement ajouter que je trouverais dommage qu'on commence à jouer le communautaire contre le bénévole.

M. Côté (Charlesbourg): Non, je ne joue pas le communautaire contre le bénévole, pas du tout. Mais comme vous avez senti le besoin de faire la distinction, il faut croire qu'il y en a une. C'est ce que j'ai compris comme message. Alors, s'il y en a une, il faut, bien sûr, que chacun occupe sa place. Et je vous dis: Tout ce qui se véhicule au moment où nous nous parlons de communautaire n'est pas seulement communautaire. C'est ce que je veux dire.

Mme Bernier: La question fondamentale qu'il faut se poser, peu importe qui crée l'organisme, c'est: Est-ce qu'il y avait un besoin? Alors, qu'on parle des travailleurs sociaux dans les CLSC ou qu'on parie de la population, il faut voir si l'organisme qui est sur pied répond à un besoin?

M. Côté (Charlesbourg): Moi, je vous dis tout simplement qu'on est dans un réseau qui se pile sur les pieds.

Une voix: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Oui? Alors, à partir

du moment où on investit 10 400 000 000 $ dans le système aujourd'hui, on devrait avoir suffisamment d'argent pour être capable de répondre à nos besoins. Et Dieu sait qu'on ne répond pas à nos besoins. C'est parce qu'il y a duplication.

Mme Bernier: C'est ça. Ces 10 600 000 000$ ne sont sûrement pas tout en bas. Ils ne sont sûrement pas rien qu'entre les organismes communautaires et les organismes bénévoles.

M. Côté (Charlesbourg): 57 000 000 $ dans les organismes communautaires, c'est une progression fantastique au cours des dernières années. Ça ne veut pas dire qu'il y en a assez. Ça ne veut pas dire non plus que les 57 000 000 $ sont bien dépensés. C'est ça que je veux dire.

Mme Bernier: C'est vrai.

M. Côté (Charlesbourg): Parce que, là aussi, ça se pile sur les pieds. Ça se pile sur les pieds là aussi.

Mme Bernier: C'est beau.

M. Côté (Charlesbourg): II y a duplication et c'est ça qu'il faut éliminer et, à ce moment-là, peut-être qu'on peut, sur le plan de la reconnaissance des bénévoles, faire une orientation différente de notre action, en termes de choix. En tout cas, le message que vous me passez aujourd'hui, je le prends, c'est qu'il doit y avoir une distinction entre le bénévole et le communautaire, sans nécessairement que l'un pige dans l'assiette de l'autre.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M le ministre, je dois vous arrêter parce que le temps qui vous était dévolu est terminé pour la partie ministérielle. Je vais maintenant reconnaître le critique officiel de l'Opposition, la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames, Messieurs. D'abord je dois dire que je m'étonne un peu de la distinction qu'on est en train de tenter de faire entre communautaire et bénévole. J'accepte qu'on dise: II ne faut pas confondre communautaire et bénévole lorsqu'on parle des CLSC, des centres locaux de services communautaires - c'est comme ça que ça s'appelle - sauf qu'on sait qu'ils font du première ligne, ils font du médical, ils font de tout. Ils ne font pas seulement le communautaire. Ils font de moins en moins de communautaire.

M. Côté (Charlesbourg): Ils font de tout.

Mme Blackburn: Ils ont... Et d'ailleurs, c'était dans leur mandat. Ils avaient la respon- sabilité d'organiser le communautaire. Et ça, on l'a comme oublié parce que les derniers CLSC créés, à partir de 1980, on n'a pas eu le moyen de les financer pour qu'ils puissent faire du communautaire. Ils ont fait surtout du première ligne.

M. Côté (Charlesbourg): On se repariera là-dessus.

Mme Blackburn: Et je pense qu'on est en train de faire une drôle de distinction. Et je pense à des actions qui ont été menées par des CLSC, qui ont donné naissance à des organismes pour venir en aide aux femmes victimes de violence. Elles n'ont pas créé le besoin, le besoin était là. Ils ont mis ensemble des personnes qui avaient sensiblement le même besoin et ça a créé un organisme communautaire qui, je pense, en vaut un autre: Parents anonymes. Là vous avez toute la gamme.

Si je comprends bien, votre organisme, c'est l'équivalent d'une agence. Appelons ça une agence de placement des bénévoles. Sur la base bénévole, les gens s'engagent bénévolement dans une action pour laquelle ils ont le goût de travailler. Par rapport à l'action communautaire... Je reviens à l'action communautaire. La perception que j'ai eu du rôle de l'action communautaire dans la société québécoise... Ce sont les organismes communautaires qui ont donné naissance à l'essentiel des services qu'on offre actuellement en santé. Ça a toujours commencé par de l'action communautaire. Je ne m'avance pas dans un terrain miné. Vous le savez tous, nous le savons, les CLSC, les CSS, les maisons d'accueil, tout ça a commencé bénévolement, par de l'action communautaire, des groupes qui s'organisaient et ensuite l'État les a aidés; étant donné que le problème dépassait largement la possibilité d'une structure de bénévoles, on l'a institutionnalisé. On a eu tort, on a eu raison, je ne sais pas, mais je pense que dans la majorité des cas, on a eu raison de le faire pour assurer qu'il y ait une répartition équitable de ces services à travers tout le Québec.

Lorsque vous dites qu'on devrait privilégier une structure de financement pour les centres de bénévolat et une fédération comme la vôtre et que, pour les autres, on devrait faire des distinctions, à ce jour, avec tout le respect que j'ai pour les bénévoles... J'ai fait du bénévolat à peu près partout... dans un conseil d'administration un peu partout. Comme tous ceux qui sont en politique, je pense qu'ils ont tous commencé dans le bénévolat, ce n'est pas trop fatigant... J'ai beaucoup de respect, sauf que l'action communautaire a ce mérite et cet avantage qu'elle est, comme vous le dites si bien en page 9 de votre mémoire, elle est à l'affût des problèmes de la société. Elle s'organise pour solutionner un problème précis, avec l'aide des bénévoles que vous leur envoyez, mais la plupart du temps ça

naît dans le milieu. Je pense aux Parents anonymes qui se sentent complètement Impuissants devant les adolescents, ils se sont organisés entre eux et ils sont partis ensemble. C'est ça l'action communautaire. On ne demande pas à l'institutionnel de le faire. L'avantage de l'action communautaire, c'est qu'elle est à l'affût des problèmes et elle met en place un début de structure pour solutionner ses problèmes. Tandis que votre action bénévole dit: SI vous désirez faire du bénévolat, c'est gratifiant, c'est formateur, vous êtes utiles à la société, vous pouvez aller n'importe où. Mais ça ne me permet pas, moi, comme société, d'être un peu rassurée parce qu'il y aura toujours quelqu'un en train d'organiser pour venir en aide à ceux qui sont le plus en difficulté. C'est cela mon problème, quand vous faites cette distinction et quand vous parlez d'un financement qui devrait être national plutôt que régional.

Si c'est le statu quo par rapport au financement des organismes communautaires et bénévoles, qu'allons-nous faire dans les régions avec les besoins en émergence? Je pense actuellement à la prostitution juvénile. Il y en a peu chez nous, compte tenu de la population, probablement pas parce qu'on a moins de vices, mais on est moins populeux. C'est plus fréquent dans la grande région de Montréal. Par ailleurs, chez nous, on a des problèmes d'isolement qui sont différents dans la grande région métropolitaine. Si on conserve cette structure où tout est financé par en haut, comment allez-vous prendre en compte les besoins d'émergence?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Alors qui veut réagir, M. Leblond?

M. Leblond: Je vais reprendre votre exemple. Je peux vous dire... Prenons les femmes violentées. Souvent elles vont se rencontrer et souvent elles vont venir au centre d'action bénévole en disant: J'aimerais partir une association. Pouvez-vous m'aider? Alors les centres vont avoir les ressources qui vont être souvent, soit un avocat bénévole, qui va donner de son temps pour les aider à partir. Prenons l'autre exemple que vous ameniez. Souvent, avec les jeunes, il y a un problème de prostitution; on va fournir des bénévoles, des gens qui vont se préoccuper de ce secteur, qui disent: J'aimerais consacrer mon temps à des jeunes filles qui ont des problèmes ou qui ont été agressées. On va les rencontrer et on va les orienter vers des organismes qui nous ont fait des demandes. C'est un peu ça qu'on veut faire ressortir de l'originalité d'un centre d'action bénévole. Et, souvent, les organismes communautaires viennent à bout de vivre adéquatement parce que le centre d'action bénévole leur a fourni les ressources les plus importantes que sont les bénévoles pour se mettre en place. C'est un peu le rôle qu'on joue à l'heure actuelle dans l'ensemble du Québec et ça, c'est un point

Important. (16 heures)

Mme Blackburn: Nous, comme parti, avions proposé que l'équivalent de 1 % du budget du Québec soit consacré à l'action communautaire bénévole. Je dois dire qu'on ne faisait pas votre distinction parce que, dans les groupes communautaires que je connais, la majorité des gens sont bénévoles.

M. Leblond: Je peux vous dire que c'est pour ça que nous on veut amener la distinction qu'on disait tantôt. Les groupes bénévoles sont toujours des groupes communautaires tandis que les groupes communautaires ne sont pas toujours des groupes bénévoles. Le plus bel exemple que vous mentionniez tantôt, un CLSC qui est un organisme, que je mets entre parenthèses communautaire, mais ce n'est pas un organisme bénévole.

Mme Blackburn: Mais dans le langage commun, vous admettrez avec moi qu'on ne classe pas les CLSC dans les groupes communautaires.

M. Leblond: C'est ça, ça dépend à quel niveau on va. Là, encore...

Mme Blackburn: J'ai l'impression que ce sont des communautaires bien payés.

M. Leblond: Là encore, un CLSC est parti de l'émergence de la base des problèmes qu'il y avait dans un milieu.

Mme Blackburn: Nous avancions l'idée qu'on pourrait envisager que 1 % du budget soit consacré à l'action bénévole. Le ministre nous dit: II y a environ 57 000 000 $ du budget du ministère de la Santé et des Services sociaux qui sont consacrés à l'action communautaire ou bénévole. Là, il semble que le ministre fasse une distinction qu'il est peut-être plus à même que moi de connaître, mais pour le moment il faudrait encore qu'il nous fasse sa démonstration. S'il met les CLSC là-dedans, je comprends, mais je ne crois pas. Le budget des CLSC est plus élevé que ça. Mais ça donnerait environ 100 000 000 $ si l'on parlait de 1 % du budget du réseau de la santé et des services sociaux pour l'action communautaire.

Si on acceptait l'idée d'un budget fixe, d'une enveloppe fermée mais redistribuée dans les régions au prorata de la population - parce que si ma région n'a pas les problèmes, je le disais ce matin, des sans-abri, par ailleurs elle a d'autres problèmes - donc, on pense que ce serait relativement équitable si c'était partagé, ce budget, sur la base, le ratio de la population. Ayant cette garantie, est-ce que les organismes seraient un peu plus ouverts à l'idée que la gestion de cette enveloppe soit confiée à un

organisme régional? Que ça s'appelle la régie ou que ça s'appelle autre chose, on pourra voir.

Vous savez ce que je crains. Je me permets de le dire ouvertement. L'impression que me laissent certaines interventions, non pas seulement des organismes communautaires, des centres hospitaliers et on en verra d'autres, c'est de protéger le statu quo, alors que l'avenir n'est pas nécessairement dans le statu quo. Je le dis aussi. Et à cause des besoins en émergence, je veux dire qu'il y a des situations qui ne nécessitent pas le maintien d'organismes communautaires parce que le problème s'est transféré ailleurs ou a disparu. Bon, par exemple, il n'y a plus de tuberculose au Québec. Quand ça a été le temps, on a fermé les sanatoriums, mais on est en train d'ouvrir d'autres types de sanatoriums qui répondent à d'autres besoins, d'autres maladies aussi menaçantes. Mais je veux dire que si on s'était toujours enfermés là dessus, on serait encore en train de faire vivre des sanatoriums. Alors, je me dis: C'est la même chose pour les organismes communautaires. C'est un peu ce que je crains et est-ce que la souplesse que pourrait introduire une décentralisation du pouvoir de décision en ce qui concerne le bénévolat et l'action communautaire, du moment où on s'assure que, année après année, il y ait une enveloppe fixe, est-ce que ça vous rassurerait?

M. Leblond: Ce que je peux vous dire là-dessus, madame, pour avoir vécu l'expérience avec certains CRSSS, c'est qu'à l'heure actuelle, les organismes bénévoles ont des problèmes dans l'attribution des fonds. C'est que, il n'y a aucun mécanisme d'appel de prévu lorsqu'un organisme se voit couper sa subvention parce qu'il y a risque peut-être d'avoir des conflits de personnalité avec le directeur du CLSC qui doit faire une recommandation sur l'argent attribué à cet organisme-là. Alors, ce qui fait que l'ensemble des organismes, on a très peur de l'ingérence des employés, des CRSSS versus les clientèles. Je peux vous donner des exemples où il a été dit spécifiquement à un organisme: Dorénavant, tu vas desservir les personnes qui vont être référées par notre réseau. Si tu ne fais pas cela, tu n'auras plus de subvention. L'organisme a choisi de desservir les gens du milieu auxquels il croyait et il a refusé les subventions du ministère. C'est pour ça qu'on a très peur qu'une décentralisation des montants d'argent ait une influence directe sur les organismes en leur disant: On t'aime beaucoup, on t'en donne, mais la journée où tu n'iras pas dans le cadre qu'on t'a précisé, tu vas les perdre, tes subventions.

Mme Blackburn: Ce que vous me dites, dans le fond, et ce que j'ai un peu entendu Ici, l'impression que ça laisse, c'est: Mettez l'organisme de contrôle assez loin de nous autres pour que, au moins, une fois qu'on a arraché notre budget, ils ne viennent pas contrôler le quotidien.

M. Leblond: On n'a absolument aucune peur...

Mme Blackburn: Non?

M. Leblond: Je peux vous dire, madame, qu'on n'a absolument aucune peur du contrôle et on est les premiers, lorsqu'un organisme devient membre chez nous, à le contrôler en lui disant: Si tu veux devenir membre, voici les critères auxquels tu dois correspondre et, si jamais tu fais fi de ces critères, tu vas perdre ton droit d'adhésion.

Mme Blackburn: Vous savez, j'ai pris connaissance aujourd'hui, dans la presse régionale, chez nous, que Centrait, qui est un organisme d'intégration des jeunes handicapés intellectuels, a fait du patronage pour placer son fils, sa fille, sa future brue, ainsi de suite. Il n'y a pas de contrôle là-dessus parce que, effectivement, on en contrôle à peu près 10 % par année, et celui qui préside - c'est un ex-député, ce qui n'est pas à l'honneur de... - cet organisme-là dit que c'est normal; c'est normal, ça a toujours existé; ça existe dans le réseau des affaires sociales. Il dit: J'ai présidé l'Office municipal d'habitation de La Baie et j'ai toujours engagé des enfants, des frères, des soeurs des membres du conseil d'administration. Je trouve ça assez joli. Alors, il pense que c'est une philosophie et que c'est normal, comme s'il prenait l'argent dans ses poches.

Je me dis que ce genre de choses-là, on ne peut pas contrôler parce qu'il n'y a pas vraiment de personne qui contrôle. Commencer à contrôler les quelque 2000 organismes au Québec qui reçoivent une subvention de 10 000 $, 15 000 $ ou 20 000 $, c'est plus difficile. Mais contrôler quand c'est partie du national, une fois que c'est distribué, il y a moins de contrôle. Vous dites aussi qu'il y a de l'ingérence du CRSSS. J'en ai eu connaissance aussi. Beaucoup d'organismes sont venus me voir en disant: Ecoutez, on n'a pas... Je pense aux organismes en santé mentale, en particulier, où on est en train d'essayer d'établir un mode de fonctionnement. Ils viennent se plaindre de l'incompréhension du CRSSS. Mais en quoi est-ce plus rassurant quand c'est le ministre qui dit aux maisons de jeunes: je pense aux maisons de jeunes, il y a trois ans. Ça arrête là. On n'en finance plus; il y en a quelques-unes qu'on va réévaluer pour en fermer. Effectivement, ils ont brassé et ils en ont fermé. En quoi est-ce plus rassurant de relever de fonctionnaires ou du ministre, et qui, selon sa sensibilité - et on est tous pareils - selon son degré de sensibilité à certaines situations plutôt qu'à d'autres, à un moment donné, met les X pareil sur ces organismes?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Madame ou monsieur.

M. Leblond: Je voudrais peut-être faire juste réagir M. le ministre en lui disant qu'un des pouvoirs qu'a le citoyen lorsqu'il est absolument mécontent, c'est le choix, lorsqu'il va voter, de remplacer un ministre, tandis que je regarde les problèmes que j'ai eus avec le CRSSS et je n'ai jamais eu le pouvoir de remplacer le président du conseil d'administration du CRSSS.

Mme Blackburn: Alors vous serez d'accord pour que la régie soit élue au suffrage universel.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme

Bernier, voulez-vous réagir?

Mme Blackburn: La régie régionale. Parce que là, ça vous donnerait le pouvoir d'échanger.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme

Bernier, s'il vous plaît.

Mme Bernier: J'aimerais rapidement réagir à vos inquiétudes par rapport au contrôle. A ce que je sache, les centres d'action bénévole - je ne peux pas m'engager pour tout le monde, mais je connais au moins la réalité des centres d'action bénévole - ont des assemblées générales, des comités de travail; ils doivent remettre des rapports financiers, ils doivent remettre des rapports annuels, et ça se voit en assemblée générale annuelle qu'un conseil d'administration est contesté, qu'il est même contraint de démissionner, la permanence exactement. Je pense qu'il y a du contrôle qui ne vient pas nécessairement d'en haut, mais du contrôle de la base. Je pense qu'il faut être respectueux également de ça.

Mme Blackburn: Je ne voudrais pas vous laisser l'impression que je vous accuse. D'ailleurs, je ne connais pas suffisamment votre organisme et ça ne m'est pas venu à l'Idée, mais je vois un cas, chez nous, qui est patent et qui m'inquiète, ça c'est bien évident, et ça se passe... Je dis que je vois un cas, chez nous, qui est patent de patronage et qui est inquiétant aussi parce qu'on sait qu'il est dans d'autres organismes également.

Je comprends votre appréhension quant au contrôle qui serait laissé à un organisme qui n'a pas à répondre de ses décisions devant la société, mais est-ce que l'idée qui avait été avancée dans le rapport Rochon, que les membres de la régie régionale soient élus au suffrage universel, est-ce que ça ne vous donne pas cette garantie? Vous pouvez remplacer le ministre, au prochain mandat. Des fois, on se prend à le souhaiter, pas nécessairement pour lui mais pour l'ensemble, mais ce qu'on se dit: Est-ce que... Cette garantie-là, est-ce que ça ne serait pas une garantie suffisante?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme

Feredj.

Mme Feredj: Je voudrais plutôt répondre à votre question en disant que notre intérêt, pour nous, d'être rattachés au pouvoir central, c'est par rapport à une philosophie. Une philosophie qui a déjà été démontrée par le soutien aux organismes communautaires, qui reconnaît l'existence de centres d'action bénévole qui font de la promotion de l'action bénévole. Nous n'avons vu cette intention nulle part ailleurs, et notre crainte des régies régionales est beaucoup plus fondée sur la notion de services qu'on retrouve partout et que reflètent, d'ailleurs, les programmes-cadres. Nous trouvons que c'est trop lié à des services.

Nous, nous nous sentons prêts, finalement, à créer un secteur bénévole plein de vigueur, comme le disaient les orientations. Nous acceptons la responsabilité d'une décentralisation de prise de décisions comme ressource appropriée, déjà en place, pour actualiser de nouvelles pratiques dans le domaine de l'action bénévole, avec une garantie minimale d'un financement hors programmes, justement, hors services. La notion de services, on en a assez. On trouve que ce qu'il faut, c'est redynamiser le milieu; et les centres d'action bénévole peuvent le faire. Je vous signale aussi que l'action bénévole, c'est quelque chose de nouveau qui travaille en collaboration avec l'action communautaire, n'est-ce pas? C'est un phénomène nouveau de voir autant de bénévoles engagés en dehors des églises, par exemple. Autrefois, c'était massivement dans les églises et les hôpitaux. Maintenant, les gens donnent leur temps gratuitement et, croyez-moi, c'est une richesse inouïe. Donc, nous, nous nous sentons prêts. Nous sommes là, nous sommes crédibles. Ça fait très longtemps que nous existons. Nous sommes prêts à assumer un leadership local en ce qui a trait à l'engagement du citoyen dans son milieu. Est-ce que vous ne trouvez pas que, ça aussi, c'est de l'action communautaire faite d'une autre façon?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, Mme Feredj.

Mme Blackburn: Je partage... Je termine là-dessus parce que ça...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la députée de Chicoutimi, si vous voulez conclure, s'il vous plaît.

Mme Blackburn: Oui. M. le Président, je ne doute pas de l'utilité et de la valeur de l'action communautaire - j'espère que mes propos n'ont pas laissé cette impression - sauf que je crois aussi à la décentralisation et je tente de voir, avec les organismes qui se présentent ici, comment on pourrait gérer l'action communautai-

re et bénévole régionalement sans perdre la qualité de ce qui existe actuellement, mais sans non plus s'enfermer dans cette cour. Je pense que vous ouvrez une porte intéressante quand vous dites: La réforme qu'on voit ici est fondée essentiellement sur les services alors qu'on voit peu de place faite à la promotion de la santé, à la prévention, à tous ces éléments qui devraient être en amont de toutes les autres actions. Vous avez raison - et nous l'avons déploré à plusieurs reprises - le fait que nous n'ayons pas de politique de la santé au Québec alors qu'on est en train d'essayer de modifier les structures, ça pose toujours ce problème-là, parce qu'on n'a pas arrêté des objectifs très clairs centrés sur la personne, la santé et la prévention, et là, on est en train de changer les structures. Ça nous amène toujours à ce type de débat et vous avez raison là-dessus en disant que la proposition qui est sur la table est davantage et est presque exclusivement axée sur les services.

Je vous remercie infiniment de votre présentation. Je l'ai beaucoup appréciée. (16 h 15)

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le président, M. Leblond, Mmes Feredj et Bernier, nous vous remercions pour la présentation de votre rapport.

Nous appelons maintenant la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec.

Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec

La commission reprend ses travaux. Elle entend maintenant la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec. M. le président ou Mme la présidente, si vous voulez nous présenter, s'il vous plaît, les personnes qui vous accompagnent.

M. Geoffrlon (Richard): Merci, M. le Président. Je suis le directeur général de la Confédération des organismes provinciaux des personnes handicapées du Québec, la COPHAN. Mon nom est Richard Geoffrion. M. le ministre, chers membres de cette commission, il me fait plaisir d'être parmi vous aujourd'hui et j'aimerais vous présenter la délégation de la COPHAN qui m'accompagne. Alors, à mes côtés, M. Rémy Turmel, qui est conseiller; à ma droite, M. Léon Bossé, qui a les services d'un interprète; et Mme la présidente du conseil d'administration de la COPHAN, Mme Carole Hamel, qui fera la présentation du mémoire de la COPHAN aujourd'hui. Alors, sans plus tarder, je vais laisser la parole à Mme Hamel.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, Mme Hamel.

Mme Hamel (Carole): Je vous remercie. Tout d'abord, nous aimerions vous informer que la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées, la COPHAN, est active dans la défense des droits et intérêts des personnes handicapées depuis 1981, et qu'issue d'une table de concertation provinciale, nous nous sommes constitués en confédération depuis cinq ans, avec des règlements généraux assurant notre représentativité d'une façon démocratique Nous regroupons actuellement 26 associations provinciales de personnes handicapées et, par la voie de leur chapitre et de leurs membres répartis dans toutes les régions du Québec, nous prenons en considération les réalités régionales et locales dans nos prises de décisions.

Nous sommes heureux, à la COPHAN, de saisir l'occasion qui nous est offerte par cette commission pour vous faire part des revendications qui préoccupent nos membres à l'égard de cet avant-projet de loi et des nouvelles orientations qui le sous-tendent.

Nos recommandations se présentent en deux volets, le premier étant une série de modifications se rapportant à l'avant-projet de loi et, le deuxième, à des considérations générales préoccupant les personnes handicapées.

Au cours de cette présentation concernant les modifications sur l'avant-projet de loi, nous privilégierons trois angles d'approches: l'accessibilité aux services de santé et aux services sociaux, la participation des différents partenaires, la répartition des ressources financières aux organismes communautaires.

Nous sommes satisfaits de constater l'évolution des approches en matière de santé et de bien-être dont témoigne cet avant-projet de loi. L'introduction d'une nouvelle conception de l'intervention plus large que l'approche curative traditionnelle, où les services ne sont plus des fins en soi mais plutôt un moyen de répondre aux besoins des individus, des familles et des groupes sur les plans physique, psychique et social, nous permet de croire que la population aura accès à des services d'une plus grande qualité.

Afin de contrer les obstacles sociaux à la participation des personnes handicapées à la vie de leur communauté, il est prioritaire de leur assurer le droit d'être informées de l'existence de services, des ressources disponibles ainsi que des modalités d'accès sur leur territoire en matière de santé et de services sociaux. Pour atteindre cet objectif, nous suggérons d'utiliser des modes de communication adaptés aux limitations fonctionnelles des personnes handicapées.

Toute personne ou son représentant a le droit d'être informée sur l'existence des services et des ressources disponibles sur son territoire en matière de santé et de services sociaux, ainsi que des modalités d'accès à ces services et à ces ressources selon des modes de communication adaptés à leurs limitations fonctionnelles, le cas

échéant.

Tenant compte, par exemple, de la présence de plus de 400 000 personnes sourdes et malentendantes au Québec, l'élimination des barrières en matière d'accès à l'information pour toutes ces personnes ayant des déficiences sensorielles consisterait en l'utilisation de médias substituts. Nous suggérons, par exemple, que les documents d'information et de promotion de tous les établissements soient disponibles en version braille ou sur cassettes audio, ou que soient prévus des services d'interprète gestuel ou oral, lors des assemblées publiques et que, d'une façon générale, cette préoccupation donne lieu à l'élaboration de programmes spécifiques par les régies régionales, de façon à permettre: 1. une meilleure communication des professionnels de la santé et des services sociaux avec les bénéficiaires; 2. l'accès aux séances publiques d'information de tous les conseils d'administration des établissements; 3. la participation des bénéficiaires aux assemblées publiques organisées pour élire leurs représentants. Outre l'accessibilité à l'information et à la vie démocratique, l'accessibilité physique aux locaux dispensant les services de santé et les services sociaux pour les personnes handicapées doit constituer une priorité. Ainsi, nous suggérons d'ajouter un cinquième alinéa à l'article 2 qui se lirait comme suit: Assurer l'accessibilité universelle des locaux dispensant les services de santé et les services sociaux.

Dans le cadre de nos réflexions concernant la participation des différents partenaires, nous aborderons de façon plus précise les articles concernant les bénéficiaires, les organismes communautaires, les institutions régionales. Au coeur du système se retrouve le bénéficiaire. En conséquence, les objectifs généraux de l'avant-projet de loi doivent prioriser la santé et le bien-être de sa clientèle et, plus particulièrement, l'amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées, en accord avec les principes énoncés dans la politique "À part... égale". Pour cette raison, nous suggérons de modifier le premier alinéa de l'article 2 comme suit: "Réduire la mortalité due aux maladies et aux traumatismes, réduire la morbidité et les incapacités, agir sur les facteurs déterminants pour la santé et assurer l'adaptation et la réadaptation des personnes ayant une déficience et/ou des limitations fonctionnelles, de façon à favoriser leur autonomie et leur intégration sociale."

Pour positionner les bénéficiaires au centre des préoccupations du système de santé, les membres des conseils d'administration des établissements publics devraient user des pouvoirs qui leur sont conférés non pas dans l'intérêt des établissements, mais dans l'intérêt de la population desservie. Pour ce faire, nous suggérons que l'article 67 se lise comme suit: "Les membres du conseil d'administration doivent agir dans les limites des pouvoirs qui leurs sont conférés avec soin, prudence, diligence et compétence, comme le ferait en pareille circonstance une personne raisonnable, avec honnêteté, loyauté et dans l'intérêt de la population desservie, de concert avec l'établissement ou, selon le cas, l'ensemble des établissements qu'ils administrent."

D'autre part, pour assurer la représentation des intérêts des bénéficiaires auprès des établissements publics, nous recommandons que les directeurs devraient non seulement rencontrer périodiquement les comités de bénéficiaires pour les renseigner sur l'administration de leur établissement, mais aussi leur demander avis sur les recommandations de leur comité consultatif. Nous suggérons donc de modifier l'alinéa 10 de l'article 93 qui se lirait comme suit: "Rencontrer périodiquement le comité des bénéficiaires pour les renseigner sur l'administration générale de l'établissement et lui demander avis sur les recommandations du comité consultatif." Les devoirs des directeurs généraux d'établissements relativement aux comités de bénéficiaires doivent inclure des consultations concernant toute mesure touchant les conditions de vie et de séjour des bénéficiaires. Nous suggérons d'ajouter un troisième paragraphe à l'article 118: "Le directeur est tenu de consulter le comité de bénéficiaires avant d'adopter toute mesure touchant les conditions de vie et de séjour des bénéficiaires."

Enfin, nous sommes favorables à la mise en place d'un mécanisme permettant des requêtes en contestation dans la loi ou la réglementation de toute élection ou nomination devant la Commission des affaires sociales. En conséquence, nous désirons que soit modifié le premier paragraphe de l'article 55 de la manière suivante: 'Toute personne intéressée peut présenter devant la Commission des affaires sociales une requête en contestation ou annulation de toute élection et nomination tenue en vertu de la présente sous-section."

Le deuxième réseau de partenaires à tenir compte et pour lequel nous désirons vous suggérer des modifications est celui des organisations communautaires. Une innovation majeure à l'avant-projet de loi est la reconnaissance des organismes communautaires en tant que partenaires du système de santé et de services sociaux. Pour jouer pleinement leur rôle, ces partenaires doivent bénéficier d'une représentation appropriée aux différents niveaux de décisions. C'est ainsi que nous considérons que pour reconnaître l'importance de ces partenaires, il faut leur offrir une participation équitable au processus démocratique en augmentant le nombre de leurs représentants au sein des conseils d'administration des territoires de CLSC, des territoires de CSS, des instituts et des centres hospitaliers universitaires et des régies régionales.

Nous suggérons que le cinquième alinéa de l'article 49 concernant le conseil d'administration

des établissements des territoires de CLSC soit modifié comme suit: "5. trois personnes nommées par les membres visés aux paragraphes 1 à 4 et choisies, deux sur la recommandation des organismes communautaires parmi les membres de ces organismes, l'autre sur la recommandation des organismes communautaires de personnes handicapées et parmi les membres de ces organismes."

Nous suggérons que le quatrième alinéa de l'article 50 concernant le conseil d'administration des établissements de chaque territoire de CSS soit modifié comme suit: "4. quatre personnes nommées par les membres visés aux paragraphes 1 à 3, dont une après consultation d'organismes représentatifs du milieu de la justice, une après consultation d'organismes représentatifs du milieu scolaire et les deux autres, après consultation des organismes communautaires."

Nous suggérons que le quatrième alinéa de l'article 51 concernant les conseils d'administration des instituts et des centres hospitaliers universitaires soit modifié de la façon suivante: "4. quatre personnes nommées par les membres visés aux paragraphes 1 à 3, dont une sur recommandation des universités du territoire, une sur recommandation de la fondation liée à rétablissement, le cas échéant, et une sur recommandation des organismes communautaires."

Considérant la représentativité des organismes communautaires au sein des collèges régionaux, nous sommes d'avis qu'une proportion similaire devrait se retrouver au niveau des conseils d'administration des régies régionales. Ainsi, nous suggérons de modifier les deuxième et troisième alinéas de l'article 260 comme suit: "2. trois personnes provenant des organismes communautaires de la région; 3. quatre personnes provenant des groupes socio-économiques du milieu municipal, du milieu scolaire et des autres groupes intéressés au domaine de la santé et des services sociaux.

Le troisième réseau de partenaires pour lesquels nous désirons vous faire part de nos commentaires concerne les Institutions régionales et, plus particulièrement, leurs conseils d'administration. L'implication bénévole des personnes qui composent les conseils d'administration des régies régionales et les collèges régionaux, en perspective avec l'importance des mandats qui leur sont dévolus, pose un problème. Pour atténuer les difficultés de gestion de ces conseils d'administration, nous vous suggérons de leur offrir le support d'experts-conseils chargés de produire, à leur demande, des études et des recommandations sur tous les points qu'ils jugeront nécessaires. En conséquence, ces deux institutions régionales devraient prévoir des fonds qui seraient affectés à ces fins.

Nous recommandons d'ajouter un paragraphe à l'article 286 où il sera stipulé que "le collège régional peut prévoir des fonds nécessaires pour s'assurer le support d'experts-conseils pour prendre des décisions éclairées."

Nous recommandons d'ajouter un neuvième alinéa à l'article 242 qui se lirait comme suit: "9. que la régie régionale peut prévoir des fonds nécessaires pour s'assurer le support d'experts-conseils de façon à prendre des décisions éclairées." Si le législateur ne prévoit pas de support aux administrateurs bénévoles des conseils d'administration, nous exprimons des réserves quant à l'atteinte des objectifs prescrits dans les dispositions générales de l'avant-projet de loi.

Maintenant, nous désirons vous faire part de nos commentaires au sujet de la répartition des ressources financières entre les organismes communautaires. Les mandats spécifiques qu'accorderont les régies régionales aux organismes communautaires dans le cadre de la prestation de certains services pourront porter atteinte à l'autonomie de leur fonctionnement. Nous considérons que l'allocation de budgets spécifiques aux organismes communautaires par les régies régionales ne doit pas être un prétexte pour contrôler le budget global des organismes communautaires. Le contrôle des régies devrait s'exercer uniquement sur les budgets qu'elles allouent aux organismes communautaires. Nous suggérons de modifier le cinquième alinéa de l'article 234 comme suit: "De contrôler uniquement les budgets qu'elle alloue aux établissements et aux organismes communautaires." (16 h 30)

D'autre part, tenant compte de l'importance accordée aux organismes communautaires dans la réalisation des objectifs tracés par cet avant-projet de loi, des moyens doivent être mis de l'avant pour assurer leur développement. En ce sens, nous appuyons l'admissibilité des regroupements d'organismes communautaires aux subventions des régies régionales par la proposition de modifier l'article 231 de la façon suivante: "Un regroupement d'organismes communautaires de promotion et de défense des droits est admissible à une subvention."

Dans le même ordre d'idées, le financement des organismes communautaires qui ont une vocation suprarégionale doit être assuré par la modification suivante de l'article 232: "Le ministre peut, conformément, aux règles budgétaires applicables, subventionner les organismes communautaires qui s'occupent, pour plus d'une région du Québec ou pour l'ensemble du Québec, de la défense des droits et de la promotion des intérêts des usagers des organismes communautaires ou de ceux des bénéficiaires."

Aux modifications de l'avant-projet de loi que nous venons d'énoncer s'ajoutent des considérations générales permettant à cette commission d'avoir l'heure juste relativement aux préoccupations de nos organismes de promotion et de défense des droits des personnes handicapées du Québec.

Transfert des programmes. Compte tenu que les personnes handicapées sont concernées par le transfert des programmes actuellement en cours à

l'Office des personnes handicapées du Québec, il y a nécessité pour le ministère de la Santé et des Services sociaux d'indiquer explicitement dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux la prise en charge de ces clientèles dont il devient responsable. Bien sûr, les personnes handicapées ne veulent pas de transfert de programme à rabais. C'est pourquoi nous demandons la préservation des acquis et le développement des ressources nécessaires pour répondre aux besoins des personnes handicapées.

Le fonds de compensation universel. Tenant compte de l'engagement pris lors du discours du trône au sujet de la mise en place d'une commission chargée d'étudier la faisabilité d'un fonds de compensation universel, nous réaffirmons notre appui à cette démarche et nous demandons au ministère de la Santé et des Services sociaux d'accorder le financement nécessaire à l'OPHQ pour mener à bien une étude préalable à l'implantation d'un fonds de compensation universel.

L'allocation directe aux personnes handicapées. Pour reconnaître l'autonomie des personnes handicapées, nous considérons que le ministère de la Santé et des Services sociaux doit procéder au choix définitif en faveur de l'allocation financière directe aux bénéficiaires relativement au service de maintien à domicile.

Indexation de l'allocation personnelle aux bénéficiaires. Nous désirons appuyer les recommandations du Comité provincial des malades concernant les montants alloués pour les dépenses personnelles des bénéficiaires. Nous demandons au ministère de la Santé et des Services sociaux d'entreprendre des démarches auprès du gouvernement pour revoir à la hausse ces allocations et indexer automatiquement ces montants par la suite.

Réseau téléphonique d'information. Nous demandons que le ministère de la Santé et des Services sociaux intègre à ses prochains plans d'action l'implantation d'un service d'information téléphonique sur ses services de santé et ses services sociaux disponibles ainsi que leurs modalités d'accès et ce, dans toutes les régions du Québec.

Banques d'interprètes. Nous demandons que le ministère de la Santé et des Services sociaux favorise la mise en place, dans toutes les régions du Québec, des banques d'interprètes gestuels et oraux pour la communauté des personnes sourdes et malentendantes du Québec.

Conseil d'administration du territoire des CLSC. Compte tenu des nombreux commentaires relatifs à la surcharge des responsabilités dévolues aux conseils d'administration de territoires de CLSC, nous demandons que soit reconsidérée la structure de ces conseils d'administration de façon à tenir compte des préoccupations des différentes clientèles qui font partie de ces établissements. 1 % du budget aux organismes communautaires, comme le nerf de l'action s'avère souvent être la régularité de l'approvi- sionnement en ressources humaines et matérielles. Une véritable reconnaissance de l'existence d'un partenariat entre le secteur communautaire et celui des services de santé et des services sociaux suppose l'allocation d'un budget suffisant aux organismes provinciaux et régionaux dont nous situons le seuil à 1 % du budget total du ministère.

Consultations en matière de réglementation. Enfin, considérant l'étendue des pouvoirs réglementaires qu'octroie l'avant-projet de loi au ministre, nous sommes d'avis que le partenariat promu dans le futur texte législatif doit prévoir un processus de consultation des organismes de promotion des intérêts et de droits des personnes handicapées, et ce, avant la rédaction de tous les textes de réglementation susceptibles d'influer sur les conditions de vie des personnes handicapées.

Nous vous remercions de votre attention et nous vous faisons part de notre disponibilité et de notre intérêt pour échanger des vues en tout temps avec les membres de la commission sur les énoncés contenus dans ce mémoire. Je vous remercie.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la vice-présidente, Mme Hamel, je vous remercie pour la présentation de votre rapport. Je vais maintenant reconnaître le ministre des Affaires sociales. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci bien pour la présentation. Évidemment, il n'est pas de mon intention de discuter article par article, en particulier de l'équilibre au sein des conseils d'administration, unifiés ou pas. Vos recommandations sont là. Ce qu'il faut davantage comprendre...

Une voix: Excusez-moi, M. le ministre. Est-ce que vous pourriez parler un peu plus fort, s'il vous plaît, parce que je dois interpréter tout ce que vous dites? Merci.

Une voix: Un peu plus fort et plus lentement, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): O. K. Je m'étais habitué, la semaine dernière, lors de notre rencontre, mais c'est à refaire continuellement. Ce que je disais, je ne souhaite pas du tout discuter dans le détail vos recommandations au niveau de conseils d'administration unifiés ou des régies régionales. Ce que je comprends du message, c'est que vous souhaitez un meilleur équilibre, une meilleure représentation au niveau de ces conseils d'administration. Je pense que le message est très clair dans votre présentation.

À la page 6, vous consacrez presque essentiellement votre page 6 à deux demandes qui sont de même niveau, puisque vous dites: D'autre

part, pour assurer la représentation des intérêts des bénéficiaires auprès des établissements publics, nous recommandons que les directeurs devraient non seulement rencontrer périodiquement les comités de bénéficiaires pour renseigner sur l'administration de leur établissement, mais aussi leur demander avis sur les recommandations de leur comité consultatif.

Dans le paragraphe en bas, vous dites: Les devoirs des directeurs généraux d'établissements, relativement aux comités de bénéficiaires, doivent inclure des consultations concernant toute mesure touchant des conditions de vie et de séjour des bénéficiaires. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus. Est-ce que ça ne demande pas un volume assez appréciable de rencontres? Évidemment, quand j'ai posé la question à ma gauche, on m'a dit: On le fait déjà auprès des infirmières, on le fait déjà auprès des médecins. Ça se fait. Ce qu'on fait, c'est qu'on ajoute une étape additionnelle dans cette consultation. Mais, est-ce qu'il est réaliste de penser que ça puisse se faire sans accroc, parce que c'est quand même un volume assez appréciable?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Quelle est la personne qui veut réagir? M. Geoffrion. Très bien.

M. Geoffrion: Brièvement. Évidemment, ça peut être perçu comme une étape qui peut représenter une étape de plus dans les mécanismes de consultation. Je pense que ce qui nous importe, dans notre propos, c'est que dans les devoirs du directeur soit prise en compte la nécessité de considérer les besoins des bénéficiaires. Dans la section dont on parle ici, l'article 18, "qu'on fasse en sorte que le directeur est tenu de consulter les comités des bénéficiaires avant d'adopter toute mesure" on veut s'assurer que le directeur va vraiment mettre en place des mécanismes qui vont permettre aux bénéficiaires de se prononcer d'une façon élargie. Il n'est pas question d'entreprendre des... Je pense que l'idée ce n'est pas de ralentir le mécanisme de prises de décisions que les directeurs ont à prendre, mais c'est de s'assurer qu'ils ont l'appui des bénéficiaires dans les décisions qui vont concerner la vie... Il faut comprendre que ces gens-là passent une période de temps très longue dans ces établissements, ceux dont on parte, donc ils sont directement concernés par toutes les modifications qui vont se dérouler dans l'endroit où ils vivent. Alors, ce qu'on veut c'est qu'ils soient pris en compte et on s'est arrangés, nous, finalement, dans la proposition qu'on vous fait, pour que, à la fois dans les devoirs du directeur et dans les mécanismes qui régissent le comité consultatif, soit prise en compte cette préoccupation.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):très bien, m. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que je dois comprendre qu'un centre hospitalier de courte durée ne serait pas soumis à ça et que c'est davantage là où il y a des clientèles qui séjournent pour une plus longue période?

M. Geoffrion: Oui, oui.

M. Côté (Charlesbourg): O.K.

M. Geoffrion: C'est surtout exactement pour les clientèles dans la mesure où elles sont concernées par la durée de leur séjour, ce sont surtout pour celles-là que cette mesure là est d'autant plus importante, parce que les décisions qui vont être prises vont les concerner pendant des mois et des années.

M. Côté (Charlesbourg): Autrement, ces gens-là, d'après vous, n'ont pas suffisamment d'écoute par l'entremise du conseil d'administration, même s'il y a des bénéficiaires qui sont là pour décider d'un certain nombre de choses ou orienter un certain nombre de choses. Alors, ça devrait se faire de manière encore plus formelle et, si c'était dans la loi, ce serait plus facile.

M. Geoffrion: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Ça me paraît un élément intéressant, novateur et un élément très intéressant. Ce qu'il faut voir dans la mécanique c'est si on n'ajoute pas. Il s'agit de ne pas embourber, finalement, le processus mais bien de s'assurer que ça puisse se faire de manière convenable. dans une des recommandations - ne bougez pas, je trouve la page - page 14 à 2.3, vous touchez an point assez important: l'allocation directe aux personnes handicapées. j'ai souvenance d'en avoir discuté, soit avec des groupes communautaires ou avec des représentants de clsc je ne vous dis pas que c'est la majorité, non, mais certains ont des inquiétudes vis-à-vis d'une mesure comme celle-là. je ne sais pas si vous en êtes informés, mais on nous dit qu'ils sont inquiets quant à cette possibilité et j'aimerais vous entendre là-dessus parce que c'est attrayant au départ. j'en ai beaucoup entendu parler la semaine dernière, l'argent directement à l'usager, au bénéficiaire, qui, lui, pourra choisir ses services et aller un peu partout, mais on me dit que, dans certains milieux, même communautaires, il y aurait un peu de réticence vis-à-vis d'une formule comme celle-là.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M

Geoffrion.

M. Geoffrion: J'aimerais présenter quelques éléments de réponse. Je laisserai la parole, peut-être, à d'autres personnes pour compléter. Ce que je peux vous répondre là-dessus, c'est que je

ne connais pas les motifs qu'on vous a présentés concernant les réserves qu'on aurait pour l'allocation directe, mais nous, les personnes qui sont membres à la COPHAN, les organismes que nous représentons, dans toutes les assemblées générales qu'on a organisées, à tous les lieux où on a permis des discussions sur ce sujet et à tous les modules de consultation qu'on a tenus, il y a eu unanimité, M. le ministre, sur les avanta ges, pour les personnes concernées, d'avoir la possibilité de - utilisons le mot - acheter leurs services et je dirais même de les magasiner éventuellement et de les acheter. Je pense que ça reconnaît à la personne handicapée fondamentalement un droit de gérance sur la façon dont elle entend acquérir les services dont elle a besoin. Ça lui permet aussi d'être plus autonome. Elle n'est pas soumise aux aléas d'une machine qui fonctionne en parallèle et qui va lui fournir les services sans qu'elle soit vraiment impliquée. Je pense que, dans d'autres provinces canadiennes aussi, on fonctionne beaucoup avec ce type de politique. Nous pensons qu'en bout de ligne le même dollar attribué sous forme d'allocation directe finira par donner davantage de services que s'il passe par la machine administrative. (16 h 45)

M. Côté (Charlesbourg): Moi, je suis d'accord avec ce principe-là. Évidemment, est-ce que je dois comprendre que c'est pour toutes les personnes handicapées, peu importe leur handicap, parce que j'ai l'impression qu'il y a quand même certaines catégories de gens qui pourraient être victimes d'abus. C'est peut-être davantage là qu'il y a des réticences, mais, lorsqu'on dit ça, est-ce qu'on dit ça pour l'ensemble des personnes handicapées, peu importe le handicap?

M. Geoffrion: Non. Je pense qu'il faut nuancer. Je pense que ça devrait être établi comme une règle de départ à laquelle pourraient s'ajouter éventuellement des mesures d'exception, dépendamment des types de personnes handicapées, dépendamment de leur type d'autonomie. Le principe qui est sous-tendu derrière tout ça, c'est la capacité d'autonomie de la personne à gérer l'allocation qu'on lui attribue. Donc, il n'est pas question de répandre ça sans analyser ou sans prendre en considération sa capacité d'autonomie.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. M. le ministre, une autre question?

M. Côté (Charlesbourg): Oui, oui, s'il vous plaît. On a beaucoup entendu dans le mémoire précédent, les mots "communautaire" et "bénévole". Je ne sais pas si vous étiez présent. Il semble bien qu'il y ait une distinction assez importante entre "communautaire" et "bénévole". Tout simplement, est-ce que vous en voyez une, vous?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Bossé, est-ce que vous voulez répondre?

M. Bossé (Léon): Je suis d'un organisme communautaire de personnes déficientes auditives devenues sourdes ou malentendantes. Nous sommes un organisme communautaire qui est pour une petite partie financé par le gouvernement. Mais nous ne pouvons pas, avec ça, fonctionner à plein. Nous avons besoin de services bénévoles. Chez nous, ce sont surtout les membres qui font du bénévolat. Il faut avoir un minimum de fonds pour tenir le secrétariat; avec des personnes déficientes auditives, il y a beaucoup de correspondance, le téléphone - qu'est-ce que tu veux - un téléscripteur, plus ou moins... beaucoup de correspondance, alors ça demande une imprimante, des timbres, allons-y. Oui, ça mange beaucoup... L'organisme communautaire, à ce moment-là, a besoin de ressources pour mettre sur pied des services aux membres, donner de l'information aux personnes déficientes. Mais le support, ce sont des bénévoles qui font ça. Actuellement, ils ne viennent pas par les services de bénévolat comme les gens qui étaient ici tout à l'heure. Ils viennent directement, ils sont suscités par l'association. Tu es venu à l'association, tu as eu des renseignements pour obtenir les services dont tu as besoin, pour la lecture labiale, etc. Maintenant, est-ce que tu pourrais aider d'autres personnes, expliquer à d'autres personnes comment on peut vivre avec la surdité, soutenir une personne qui a beaucoup de difficulté dans sa famille? Moi, je suis devenu sourd. Ma femme, elle, ne le prend pas et mes grands enfants ne le prennent pas. Bon, on s'aide les uns les autres.

Du bénévolat, dans une action communautaire, ça ne se tranche pas au couteau, comprenez-nous là. Je crois qu'il peut y avoir... Si à un moment donné, j'ai besoin de bénévoles pour tel service spécialisé, je peux peut-être demander au service de bénévolat de la ville de Laval ou de Montréal: J'aurais besoin d'une bénévole ou d'un bénévole pour tel genre de travail. En général, les organismes de promotion ou de défense des droits des personnes suscitent ça auprès de leurs membres. Je pense qu'il n'y a rien comme une personne déficiente auditive pour comprendre une autre personne déficiente auditive. Il n'y a rien comme un handicapé d'une telle sorte pour bien comprendre un autre handicapé. Je ne veux pas dire que les autres ne le comprennent pas, mais, pour bien comprendre la situation, il faut s'aider au départ. Le handicapé n'a rien extérieurement; il a un handicap invisible. La personne voudrait que ça reste toujours invisible et ce n'est pas possible. Si je n'avais pas les services d'interprétation ici, je ne saurais absolument pas ce qui se passe dans la boite ici. C'est le grand silence et c'est tout. C'est beau, c'est bien. Je n'ai aucune information. Donc, j'ai besoin de la personne. Vous allez

dire: Mais comment peut-on... Il faut développer la lecture labiale, parce que l'interprète parle, mais il ne faut pas qu'elle mette de voix, et elle ne met pas de... Par contre, II y a aussi l'interprète gestuel pour les sourds de naissance, l'interprète tactile pour les sourds aveugles. Ce sont des services que les organismes communautaires doivent essayer de susciter, aller chercher les fonds pour développer l'information, mais soutenus par une action bénévole.

Donc, comment ça peut directement se diviser? Je vous donne ce que nous autres, nous vivons, ce que beaucoup d'organismes de promotion de personnes handicapées vivent, mais je crois que, malgré tout, on aurait besoin d'un peu plus de ressources pour soutenir l'action communautaire. Les bénévoles peuvent être pleins de bonne volonté, mais si je demande aux bénévoles d'écrire 400 lettres à la main, ce n'est pas utile. Ça prend des moyens techniques pour ça. Ça prend des moyens financiers pour aHer dans les régions pour rencontrer les personnes et leur expliquer... À Montréal, à Québec, la déficience auditive, c'est connu un peu, mais, dans les régions, les personnes attendent encore après un minimum de services et elles ne savent pas que ça existe. Notre rôle, c'est de les informer. Donc, c'est ça: Faire du bénévolat, mais aussi avoir les moyens financiers de soutenir l'action communautaire.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. Bossé. Mme la vice-présidente, vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Hamel: Oui, M. le Président. Peut-être juste un petit élément d'information. Il ne s'agit peut-être pas de faire le débat entre organismes communautaires et bénévoles, mais de se rattacher au 2.8 et, pour renforcer ce que M. Bossé vient de dire, justement, que, si 1 % du budget aux organismes communautaires était alloué comme nous le souhaitons, je pense que les coûts sociaux récupérés par cet investissement-là fait dans les organismes communautaires que nous représentons seraient des coûts sociaux générés par toute la force bénévole qui est sous-tendue par ça et seraient vraiment un bon investissement pour un gouvernement en place.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, Mme la vice-présidente. Je vais maintenant reconnaître le député de Verdun.

M. Gautrin: Madame, j'ai une question relativement très précise et locale dans votre document. J'ai vu que vous représentez l'AGIR, l'Association générale des insuffisants rénaux, et aussi l'Association du diabète du Québec. J'ai eu l'occasion de rencontrer des personnes dialysées, et je voudrais avoir vos commentaires sur la question que je vais vous poser, qui m'ont fait valoir que la définition du mot "handicapé" actuellement, qui veut que les gens aient un handicap pendant 24 heures par jour, excluait les dialyses qui ont un handicap seulement la journée qui précède la période où ils sont en dialyse et peut-être la journée qui succède au jour où ils sont en dialyse et que la définition légale actuellement ne les reconnaît pas comme handicapés. Je ne sais pas si vous avez des commentaires sur la définition actuelle du terme "handicapé" qui est dans la loi. Est-ce que vous suggérez qu'elle soit modifiée ou améliorée? Je pense que ça touche aussi les gens qui sont diabétiques et peut-être d'autres handicapés. La question qui m'a été soulevée, c'est qu'il semblerait que la définition du mot "handicapé" soit un peu trop restrictive dans la loi actuellement. Est-ce que vous avez des commentaires sur ce sujet?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Geoffrion.

M. Geoffrion: J'aurais le goût de vous répondre que, malheureusement, à la COPHAN, on n'a pas les ressources juridiques pour nous permettre de vous éclairer sur cette question-là. On essaie d'adopter la position la plus généreuse quant à nous pour regrouper l'ensemble des organismes qui vivent des situations similaires, finalement. On ne s'arrête pas à la définition prescrite ou à l'interprétation légale de l'appellation de personne handicapée. On a fait des représentations, bien sûr. On sait que l'Office des personnes handicapées, quant à nous, est le véhicule principal, si on veut, d'une définition ou d'une proposition de définition de personne handicapée et j'aurais le goût de vous suggérer de vous adresser aux services juridiques d'environ deux personnes à l'Office des personnes handicapées, parce qu'au Québec il y a environ... Ce sont ces seules deux personnes qui sont vraiment spécialisées pour répondre à des questions de cet ordre-là. Ce n'est évidemment pas beaucoup de personnes. Alors, je présume que c'est un problème qui doit se poser pour d'autres organismes. On n'est pas vraiment en mesure de répondre d'une façon précise.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. Geoffrion. M. Bossé, vous voulez rajouter, brièvement.

M. Bossé: En fait, la personne est handicapée à cause de l'entourage social, l'entourage physique. J'ai une déficience auditive. Quand je suis dans l'autobus, je ne suis pas handicapé. Bien handicapé, oui. Si on annonce, par exemple, que l'autobus n'arrêtera pas au terminus central, qu'il va continuer, je suis handicapé à ce moment-là. J'ai dépassé de 40 milles. Mais oui, mais ce n'est pas ça que j'ai prévu. La chaise roulante devant trois marches, c'est là qu'est créé le handicap. Jusque-là, une personne avec

déficience est limitée. elle est limitée dans ses fonctions. je ne peux pas téléphoner, mais, comme j'ai un téléscripteur maintenant, je ne suis plus handicapé face au téléphone. j'ai ma déficience auditive; elle n'est pas changée. j'avais une limitation, mais on a créé un appareil téléphonique pour les sourds et ma limitation est pratiquement disparue. je ne suis plus limité par l'emploi du téléphone ordinaire. j'ai un autre genre de téléphone. mon handicap de communication téléphonique est pratiquement disparu à ce moment-là.

Donc, le handicap, c'est l'empêchement d'agir. Vous comprenez, là. Pensez aux trois marches, c'est ça le handicap. Mais, si vous faites disparaître les trois marches, la personne reste déficiente moteur, mais n'est plus handicapée. Par contre, si j'ai à manger et que je n'ai pas de main, je peux être handicapé vrai. Si on crée un appareil ou une structure qui fait que la personne reçoit... Son handicap disparaît ou, enfin, diminue de beaucoup.

Là, vous dites: Une personne dialysée est handicapée dans le sens qu'elle ne peut pas... Elle est liée à une machine à ce moment-là et ne peut pas faire autre chose. Elle est handicapée pendant ce temps-là. Elle restera toujours avec sa déficience. Ça crée des limitations. Ça en crée si l'entourage n'est pas adapté. L'accessibilité n'est pas là. C'est là que ça crée des handicaps. Si vous parlez japonais et que je parle français, nous sommes handicapés.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.

M. Bossé: Si on trouve un interprète qui fait les deux, ça va Irèa bien

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, monsieur. Madame, je vais reconnaître...

Mme Hamel: Brièvement...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui, brièvement.

Mme Hamel: ...justement pour dire que cet après-midi, si M. Bossé a un interprète oral avec lui, c'est qu'il n'est pas handicapé pour participer aux travaux. On avait demandé, justement, au niveau de la COPHAN si la commission pouvait subventionner les interprètes gestuels ou oraux pour faciliter la communication dans une audience qu'on considère comme publique. Donc, on pourrait dire que la commission a peut-être handicapé momentanément une personne qui voudrait s'exprimer ici.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Voilà une bonne constatation, madame. Je vais reconnaître maintenant le porte-parole officiel de l'Opposition, le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux saluer, au nom de notre formation, les gens de la COPHAN et les remercier pour leur mémoire. Je dois dire aussi d'emblée que nous sommes d'accord avec à peu près toutes les recommandations, plus particulièrement celles qu'on retrouve de la page 12 à la page 15; 12, 13, 14 et 15. J'ai quelques questions à poser, justement, en rapport avec certaines des recommandations dans ces quatre pages-là.

L'allocation personnelle aux bénéficiaires. Évidemment, nous sommes d'accord avec votre demande que ce soit indexé annuellement. Mais la question que je pose - que vous répondiez maintenant ou tantôt quand j'aurai fini mon intervention, c'est à votre goût - c'est: Depuis quelques années, est ce que cette allocation personnelle aux bénéficiaires a été Indexée et, si oui, quand?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Geoffrion.

M. Geoffrion: Selon les informations qu'on a du Comité provincial des malades, l'allocation pour les dépenses personnelles des bénéficiaires n'a pas été augmentée depuis plusieurs années. Il y a beaucoup de demandes qui ont été faites à ce sujet. Il faut comprendre qu'on parle d'un montant d'environ 100 $, peut-être un peu plus...

M. Lazure: 110 $.

M. Geoffrion: 110 $, qui sert...

M. Lazure: L'information que nous avons aussi, c'est qu'elle n'a pas été indexée depuis 1985.

M. Geoffrion: Depuis environ quatre ans. C'est ça.

M. Lazure: Oui, depuis 1985 et c'est pourquoi nous sommes d'avis qu'on devrait vous donner raison, qu'elle devrait être indexée, cette allocation directe aux bénéficiaires qui avait l'habitude d'être indexée chaque année auparavant.

Le transfert des programmes, à la page 13. Nous sommes d'accord avec vous aussi. Il faut qu'il y ait des précisions dans le projet de loi sur la responsabilité, la prise en charge de ces clientèles, comme vous dites. Je cite votre texte. Et on sait tous que depuis quelque temps il y a eu énormément de problèmes à l'occasion du transfert de certains programmes de l'Office des personnes handicapées en faveur de certains ministères, notamment, le ministère de la Santé et des Services sociaux, et surtout quant à l'aide matérielle, le maintien à domicile plus précisément, les services éducatifs supplémentaires, les services éducatifs d'appoint. Durant la campagne

électorale, M. le ministre, votre collègue qui était ministre responsable de l'Office à ce moment-là avait pris l'engagement de verser 8 400 000 $. Justement, disait-elle: "Les crédits supplémentaires actuels nous permettront de mettre entièrement fin à la liste d'attente. Après coup, la période d'attente des nouvelles demandes devrait être réduite à six mois. "

Alors, la question que je pose à la fois à la COPHAN et au ministre: Est-ce que les 8 400 000 $, premièrement, ont été versés? Si oui, est-ce qu'ils ont contribué à réduire les listes d'attente dans le temps? L'information que nous avons, c'est que les listes d'attente sont d'environ deux ans actuellement, ça peut aller jusqu'à deux ans, et qu'il y a quelque chose comme 5000 noms qui sont sur les listes d'attente de l'Office des personnes handicapées. Alors, ma question s'adresse autant à la COPHAN qu'au ministre: Qu'en est-il des 8 400 000 $ et, s'ils ont été versés, est-ce qu'il y a eu un effet sur les listes d'attente et sur la durée de l'attente? Et, s'ils n'ont pas été versés, quand seront-ils versés?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Alors, qui répond? Est-ce que c'est le ministre ou... Alors, on va laisser répondre le ministre. (17 heures)

M. Côté (Charlesbourg): Effectivement, ce sont 8 000 000 $ qui se partagent en deux tranches de 4 000 000 $ - dont la première de 4 000 000 $ a été versée; l'autre est à venir -qui devaient régler définitivement les listes d'attente du moment au moment où ça a été évoqué. La semaine dernière, j'ai eu l'immense plaisir de recevoir au ministère, et ce n'est pas fini, on aura une autre rencontre, la COPHAN ainsi que plusieurs représentants régionaux et le conseil d'administration de l'OPHQ pour faire le point sur un certain nombre de choses, de dossiers, dont ceux-là. Il n'est pas évident du tout que, malgré ces sommes d'argent, on réussira à éliminer les listes d'attente et à atteindre l'objectif qui avait été fixé à l'époque, pour toutes sortes de raisons. Il y a un traitement très uniforme, dépendamment de la région où vous êtes, et ça, je pense que ce n'est pas un dossier qui est réglé.

Les réunions de la semaine dernière - c'était une première - vont se poursuivre. On s'est donné un échéancier de deux mois pour se revoir afin de tenter effectivement de mettre le doigt sur le bobo au niveau des programmes de transfert, parce qu'il y a beaucoup d'appréhensions et d'inquiétudes - pour avoir entendu ce que j'ai entendu la semaine dernière - justifiées quant au transfert des programmes. Ce que les gens ont souhaité, c'est qu'on tire davantage profit des expériences vécues jusqu'à maintenant pour éviter des erreurs dans le transfert d'autres programmes, des erreurs vécues. Je pense que les gens sont très libres, au niveau de la COPHAN, d'exprimer leur point de vue là-dessus. Mais il est clair que les 8 000 000 $ ne régleront pas la problématique des listes d'attente.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce que vous voulez réagir, messieurs, mesdames? Non?

M. Geoffrion: J'ai juste un commentaire à faire au niveau de toute la problématique de toutes les listes d'attente qu'on pourrait imaginer qu'il pourrait y avoir au Québec concernant les besoins des personnes handicapées. À partir du moment où, dans cette province, on n'a pas d'étude sérieuse, démographique, qui présenterait le développement ou la croissance de la population des personnes handicapées, autrement dit, une vraie étude actuarielle qui nous permettrait de planifier, d'ici cinq ans, dix ans ou quinze ans, quels seront le nombre et le type de personnes qui auront un handicap, ça va être extrêmement difficile d'imaginer un système où il n'y aura pas de liste d'attente.

Le réflexe de la personne qui arrive au comptoir à l'Office des personnes handicapées, présentement, est très simple. Quand elle arrive là et qu'on lui dit: Écoutez, il y en a déjà 500 dans votre région, ici, qui attendent présentement, alors vous pouvez bien donner votre nom si vous voulez, peut-être que vous allez avoir un service dans 18 mois, on ne le sait pas, cette personne, ce n'est pas évident qu'elle va s'inscrire. Elle va probablement retourner chez elle en se disant: Je vais y retourner dans quelques mois, je vais téléphoner et je vais voir ce qui en est. Les personnes handicapées qui sont les plus vigilantes vont faire des démarches auprès de vous, peut-être certains députés vont essayer de s'associer avec des organismes de promotion, enfin, ils vont essayer de s'organiser pour avoir ce à quoi elles ont droit. Autrement dit, il y a des gens sur des listes d'attente, mais il ne faut pas s'imaginer qu'il n'y a que ces gens-là qui ont des besoins. Il y en a beaucoup d'autres qui ne prennent pas le temps de s'y inscrire.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Je dois dire que la réponse du ministre ne me satisfait pas entièrement parce que ça ajoute un élément nouveau. Le ministre dit: C'est vrai, il y avait eu 8 400 000 $ de promis durant la campagne, mais la moitié a été versée et l'autre moitié si je comprends bien - sera versée plus tard. Mais sa collègue disait en toutes lettres: Par contre, l'OPHQ pourra engager le montant total de 8 400 000 $ dès 1989-1990. Je constate que, malgré l'ajout de 4 000 000 $. Il n'y a pas ou tellement de changement dans les listes d'attente. Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus. Ce qu'il

faut retenir, ce n'est pas tellement s'il y a 5000 ou 4000 noms sur les listes d'attente, mais: est-ce qu'il y a, dans le moment, un système qui va permettre de donner un service plus rapide?

Moi, dans le but de remettre le débat non pas sur un plan technocratique, mais de le remettre sur un plan humain, je me permets, M. le Président, de citer quelques extraits d'une lettre que j'ai reçue, toute récente, comme député. Elle est datée du 23 janvier et c'est d'une dame de mon comté: Si je vous écris aujourd'hui, c'est pour vous faire part de la situation devenue insupportable pour nous, les parents d'un enfant de dix ans qui a une encé-phalopathie et qui a l'intelligence d'un enfant de deux ans et qui vit à domicile depuis toujours. L'enfant a dix ans et une intelligence de deux ans. Elle dit: J'ai élaboré une demande d'admissibilité à l'OPHQ - l'Office des personnes handicapées - avec l'aide de la travailleuse sociale de l'école spéciale que l'enfant fréquente, à la fin de 1988, pour des loisirs et diverses rénovations domiciliaires suite à son handicap: les rénovations: les barres dans la salle de bain, etc. L'ergothérapeute est venue visiter, a complété la demande et acheminé la demande à l'OPHQ en avril 1989 - presque un an de ça. En mai 1989, on m'a répondu que la demande avait été reçue, mais qu'on ne devait pas débourser d'argent parce qu'on ne promettait pas de rembourser. En juin 1989, on écrit de nouveau pour dire qu'on est dans l'impossibilité de donner suite à la demande pour ce qui est des loisirs d'été. Bon, une question de réglée, réponse négative. Des rénovations demandées, aucune nouvelle. J'ai téléphoné à plusieurs reprises, et encore en janvier 1990, pour savoir l'évolution de mon dossier en ce qui a trait aux rénovations; que des réponses négatives. On me répond sans cesse qu'il y a un manque de fonds et que des demandes remontent jusqu'à 1987 et ne sont pas encore réglées. Ça, je l'ai vérifié moi-même à l'Office, c'est véridique, il y a des demandes qui datent de 1987.

Alors, c'est ma première demande en dix ans - c'est la mère qui parle - et il va de la sécurité de mon fils. Alors, comment pouvons-nous parler de la qualité de vie d'un handicapé quand il n'est même pas en sécurité chez lui, et cela dure depuis 1987? Etc., etc.

M. le Président, je pense qu'il y a un malaise considérable. Je suis un peu surpris que le malaise ne soit pas ressorti tellement dans la présentation de la COPHAN. Par exemple, on m'informe que, dans le malaise grave qui existe actuellement entourant l'Office des personnes handicapées, pas plus tard qu'en décembre dernier plusieurs groupements régionaux ont demandé la démission du président de l'Office, par écrit, et de tous les membres du conseil de l'Office, devant l'insatisfaction - je pense que ce sont quinze groupes régionaux sur seize qui ont fait un front commun pour demander ces démis- sions-là. Il est clair que l'Office a procédé trop rapidement au transfert des programmes sans s'assurer que les ministères étaient en mesure d'assurer les programmes. Je pense que tout le monde convient de ça aujourd'hui, même le gouvernement en place. Et une des raisons, je pense, pour lesquelles ça s'est fait de façon pas très bien préparée, c'est qu'il y a eu une succession de ministres responsables de l'Office. Je le soumets à mon collègue de l'Assemblée, au ministre de la Santé et des Services sociaux, il aurait peut-être de la difficulté à me donner la séquence exacte des nominations de ministre responsable de l'Office des personnes handicapées de décembre 1985 à septembre 1989. Il y a eu cinq nominations successives de ministre responsable de l'Office des personnes handicapées; cinq, en quatre ans, alors que les années précédentes, de 1976 à 1984, les personnes handicapées n'avaient eu qu'un seul ministre. C'était rendu, entre 1985 et 1989, que les personnes handicapées ne savaient pas qui était leur ministre responsable; à ce point-là, M. le Président!

Alors, c'est bien beau de dire: Oui, il y aura toujours des listes d'attente; non, les 8 000 000 $ n'aboliront pas les listes d'attente. Il n'y a personne qui demande l'abolition des listes d'attente. Mais ce que nous prétendons, c'est qu'il est grandement temps, comme M. Bourassa l'avait promis - j'ai la citation ici - en 1985 à la COPHAN: "Nous allons assurer une stabilité ministérielle en nommant un ministre responsable de l'Office, probablement pour tout le mandat". Ce qui est arrivé, c'est qu'il y en a eu cinq d'affilée qui ont eu la responsabilité de l'Office. Alors, c'a été une instabilité ministérielle et non pas une stabilité ministérielle. Alors, je pense que les personnes handicapées ont le droit d'avoir une stabilité dans la représentation politique qui surveille les actions ou les fonctions de l'Office des personnes handicapées. Alors, j'aimerais bien que la COPHAN ou que le ministre responsable de l'Office nous dise un peu ce qu'il en est de ces rumeurs qui circulent, qu'il y a un mécontentement très sérieux, très grave vis-à-vis de l'Office et ses dirigeants.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): On s'éloigne, bien sûr, de la réforme, un petit peu beaucoup, là. Je vois l'habileté du député de La Prairie à soulever des questions de...

M. Lazure: De fond.

M. Côté (Charlesbourg): ...des questions qui sont quand même des questions importantes. Alors, ce n'est pas que je veux nier, évidemment, on pourrait facilement se dédouaner, tous ce qu'on en est, en disant que tout le problème relève de l'OPHQ ou de l'administration de

I'OPHQ. Je pense que c'est pas mal plus compliqué que ça. Ce serait simple que de faire cette affirmation-là, de la même manière qu'on pourrait mettre sur le dos de mes collègues la succession de cinq ministres responsables de l'OPHQ pendant quatre ans. J'ai vécu la même situation au moment où je suis arrivé aux Transports, il était passé six ministres avant moi dans pas beaucoup de temps. Ce n'est pas la meilleure stabilité pour un ministère et pour une meilleure continuité des opérations. C'est moi qui ai demandé d'avoir l'OPHQ, comme ministre responsable, pour le passer sous la responsabilité du senior, de façon à ce que l'action soit directe. C'est pour ça que, la semaine dernière, on a commencé une série de rencontres avec les intervenants, avec le président de l'OPHQ, avec le conseil d'administration de l'OPHQ, avec la COPHAN, avec des représentants régionaux, pour faire le point sur chacun des dossiers, pour que chacun puisse exprimer son point de vue sur ce qui va, ce qui ne va pas et ce que nous devrions faire pour corriger la situation. Et je pense que, la semaine dernière, ça s'est amorce. Ça doit se poursuivre et c'est à partir de ça que je tirerai moi-même les conclusions qui s'imposent dans à peu près toutes les circonstances ou situations. Évidemment, à partir du moment où on connaîtra mieux l'état de la situation, on sera à même de dire: Oui, effectivement ça prend des sommes additionnelles d'argent pour régler les problèmes, et on fera une démarche plus intelligente dans cet exercice-là. Mais ce n'est pas la situation aujourd'hui et le problème fondamental est de savoir combien il y en a. Évidemment, on a toujours traité dans le passé les cas par ordre d'arrivée. Je ne suis pas sûr qu'on rend service aux bénéficiaires en les traitant par ordre d'arrivée. Il y a peut-être des cas qui arrivent en dernier, qui sont sur la liste d'attente et qui sont peut-être prioritaires par rapport à d'autres. Alors là, c'est une question de Jugement.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Je voudrais maintenant, étant donné que le temps nous presse, peut-être reconnaître une dernière question à M. le député de La Prairie. Après ça, je vais reconnaître la députée de Marie-Victorin.

M. Lazure: Je me réjouis de ce que le ministre ait offert de prendre charge de l'Office. Avec le leadership qu'on lui reconnaît, on peut s'attendre à des changements. Espérons qu'ils viendront rapidement, ces changements-là. J'espère qu'il ne sera quand même pas trop débordé par ses autres tâches comme cette commission parlementaire ou une autre commission parlementaire.

Une question. Le discours inaugural disait, à la page 16: "Le gouvernement entend créer une commission chargée d'étudier la mise sur pied d'un fonds de compensation pour les personnes handicapées". Qu'en est-il de la formation, M. le ministre, de ce comité, de cette commission, la commission que vous deviez créer pour étudier la pertinence de créer un fonds de compensation pour les personnes handicapées?

M. Côté (Charlesbourg): À ma première rencontre avec une partie du conseil d'administration de l'OPHQ, en décembre 1989, on m'a religieusement remis sur la table l'engagement que le gouvernement a pris, le gouvernement actuel, durant la campagne électorale. Nous en avons à nouveau discuté la semaine dernière et nous sommes dans une phase où on devrait recevoir de l'OPHQ un devis quant à une étude dont il était fait mention tout à l'heure, sur le plan des étapes préliminaires à ce niveau-là. Donc...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):très bien, m. le député de la prairie. une toute dernière. j'aimerais que vos questions soient adressées à nos représentants qui ont présenté un mémoire, la cophan, s'il vous plaît.

M. Lazure: Bien, je l'adresse aux gens de la COPHAN, quitte à ce que le ministre réponde aussi. Est-ce que vos membres vous ont fait rapport de certaines réductions de person nel - ça serait dû à des compressions budgétaires - dans les bureaux régionaux de l'Office?

M. Geoffrion: Effectivement, il y a eu une réduction du personnel dans les bureaux de l'Office en région, compte tenu du décret qui a été adopté pour ne pas renouveler les postes contractuels, je pense, jusqu'au 1er avril.

C'est évident aussi que, quand vous parliez tantôt d'une insatisfaction... Je pense que, quand vous soulignez le fart que des regroupements régionaux ont demandé la démission des membres du conseil d'administration de l'Office et même de son président, c'est un indice d'un sentiment d'insatisfaction. Je pense qu'il est grandement temps, maintenant, que les intervenants s'assoient et recherchent des solutions pour les personnes dont il faut s'assurer du bien-être. C'est un fait qu'on ne peut que déplorer qu'il y ait cinq ou six ministres délégués ou responsables de l'Office des personnes handicapées quand on s'était attendu à tant de régularité auparavant.

Les besoins sont grands. Tantôt vous faisiez allusion... Je prends cet exemple-là parce que ça laisse sur une fausse impression. Quand vous lisiez la lettre de la personne, tantôt, qui avait besoin de support chez elle, vous avez dit: Elle a besoin de services pour ses loisirs d'été. Il faut comprendre que, dans un cas comme celui-là, ce dont on parle, c'est d'un parent qui a probablement...

M. Lazure: Non, non, c'était pour les loisirs de l'enfant...

M. Geoffrion: C'est ça.

M. Lazure: ...un camp d'été pour l'enfant...

M. Geoffrion: C'est ça. M. Lazure: ...pas pour elle.

M. Geoffrion: Mais il faut comprendre aussi que ces programmes-là, qui servent de loisirs pour l'enfant, servent aussi de répit pour le parent qui, lui aussi, a besoin de prendre un répit, un certain recul par rapport à son implication. Parce que vous comprenez que ces parents-là ont un niveau de difficulté doublement élevé. Alors, c'est un loisir, c'est vrai, pour son enfant, mais c'est très important que ce Programme de soutien aux rôles parentaux qui a été développé par l'Office soit soutenu et développé davantage.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. Geoffrion. Je vais maintenant reconnaître la députée de Marie-Victorin. (17 h 15)

Mme Vermette: Oui, M. le Président. Tantôt, M. le ministre disait qu'il faisait des rencontres particulières parce qu'il a d'autres dossiers à s'occuper, notamment au niveau de l'OPHQ. Mais je trouve ça assez particulier, au moment où on a une commission parlementaire, qu'il y ait beaucoup de rencontres individuelles qui se fassent en même temps. Est-ce qu'il a fait des rencontres pro forma puis des rencontres où il se passe vraiment de choses? Je me pose la question. Il y a beaucoup de consultations privées en même temps que celle-ci. D'autre part, ce que j'aimerais faire ressortir en ce qui concerne les personnes handicapées au niveau des transferts de programme, c'est aussi les formes de clientèle. On m'a dit beaucoup qu'à cause du vieillissement de la population, on donnait de plus en plus de services à domicile. Les transferts étaient au CLSC. Je voudrais vérifier parce qu'on parle de plus en plus de ça. Est-ce que, compte tenu de cette situation, le rôle que vous pourriez jouer ou l'Office des personnes handi capôos, est co qu'il faudrait faire clos distinctions au niveau des besoins, d'une part, entre la population qui est de plus en plus vieillissante, qui demande des soins de santé et qui gruge le budget de l'Office des personnes handicapées et, d'autre part, les personnes ayant vraiment une limitation fonctionnelle, pour qu'on puisse aussi leur apporter des soins?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Geoffrion, s'il vous plaît.

M. Geoffrion: Nous, c'est sûr qu'on privilégie que les montants qui étaient alloués aupara vant, ou le même ordre de grandeur des mon- tants qui étaient alloués par l'Office des personnes handicapées par ces programmes qui sont pris en charge par d'autres ministères, que les enveloppes de ces budgets soient administrées de façon transparente pour une période transitoire de deux ans, trois ans ou quatre ans, ça dépend des ministères. On est d'avis que ces montants doivent être transparents dans la présentation des états financiers de ces ministères pour s'assurer que les clientèles pour lesquelles ils ont été transférés recevront les services que ces montants doivent leur rendre et même davantage développer, à l'intérieur de ces ministères, des montants suffisants. Il faut comprendre qu'au bout de la ligne, l'objectif du transfert des programmes, c'est de responsabiliser les ministères envers la population. Dans cette population, il y a des personnes handicapées. Auparavant, l'Office était le guichet unique et la porte d'entrée pour obtenir des services. D'un niveau, si on veut, social, je pense que c'est très noble d'avoir une responsabilisation des ministères mais au bout de la ligne, vous comprendrez que c'est très important aussi que, dans ces ministères, on finisse par trouver des budgets suffisants et qu'on finisse par développer les budgets pour répondre aux besoins de ces clientèles. Si on ne fait que transférer le budget de l'Office dans un gros ministère comme celui qui nous concerne, si, au bout de la ligne, on a les mêmes services ou la même qualité de service ou le même volume de services, on n'a pas résolu le problème de la personne dont pariait M. Lazure tantôt. Nous croyons que quand les ministères vont être responsabilisés, il y aura davantage de gens qui vont être concernés. On souhaite que, dans ces ministères, des gens vont prendre leurs responsabilités pour aller chercher les montants d'argent dont on a besoin pour répondre aux besoins des clientèles.

Mme Vermette: Dans l'éventualité d'une régionalisation, en fait, la place que vous pourriez occuper pour défendre les intérêts, est-ce que vous en avez fait mention?

M. Geoffrion: On essaie de se positionner au niveau des organismes communautaires. On essaie de faire en sorte que, dans l'avant-projet de loi qui a été déposé, il y ait plus de représentants des organismes communautaires parce qu'on croit que ce sont eux qui sont près des bénéficiaires.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Pour terminer, je vais reconnaître le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Puisqu'on a posé un certain nombre de questions, je pense que ça mérite quand même une petite réponse. Comme ministre et comme j'en ai la responsabilité - c'est moi qui répondrai à la critique, je ne me priverai certainement pas de rencontrer les

intervenants. Que ça corresponde à une commission parlementaire ou pas, ce n'est pas ça mon objectif. L'objectif est bien clair: c'est de régler des problèmes qui, pendant un certain temps, ne l'ont pas été et de tirer la ligne de manière très claire. S'il y a un problème fondamental au niveau de l'Office, c'est qu'il a d'abord un rôle de promotion et de défense des intérêts des personnes handicapées. On l'a littéralement empêtré, pour ne pas dire une expression plus crue et plus claire, en lui transférant des programmes qu'il devait administrer en étant à la fois défenseur, promoteur et dispensateur. On lui a rendu service, dans le bourbier dans lequel on est aujourd'hui, et on questionne aussi l'efficacité. Ça m'apparaît très important de le rappeler. Finalement, il faut aussi rappeler que, s'il y a des mauvais coups, il y en a peut-être des bons, à l'occasion. De ce que je me souvienne, l'aide matérielle en 1985-1986, c'était un budget de 8 000 000 $ et il est rendu à 29 000 000 $. Il faut quand même admettre, à l'occasion, qu'il peut y avoir des choses bien faites. Ça ne veut pas dire qu'il ne reste pas de problèmes, il en reste. S'il n'en restait pas, on n'en parlerait pas et il n'y aurait pas d'organisme comme COPHAN pour défendre l'Intérêt, pour dire: Ça ne marche pas ou des regroupements régionaux qui ont demandé, à certaines occasions, la démission d'un certain nombre de personnes. Et quant aux contractuels, il me semble bien qu'il doit y avoir une logique entre le nombre de personnes qui travaillent à l'OPHQ qui administrent des programmes et le transfert des responsabilités de programmes vis-à-vis des ministères Ça doit paraître au niveau des employés tantôt, si on veut que l'argent retourne au monde. Alors, c'est peut-être pour ça que certains contractuels n'ont pas vu leur dossier... ah non, écoutez, ça m'apparaît clair et la discussion est très claire à ce niveau-là. Est-ce que vous voulez garder quelqu'un chez vous comme employé pour dire: II n'y a plus d'argent dans le fonds. Ah non!

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, malheureusement, le temps qui est dévolu est arrêté. C'est terminé, Mme la députée de Chicoutimi, malheureusement. Je vous remercie, mesdames de la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec, mesdames et messieurs. Et je vais appeler le Réseau d'action et d'information pour les femmes.

Mesdames, messieurs, les membres de la commission reprennent leurs travaux. Alors, le Réseau d'action et d'information pour les femmes, représenté par Mme Marcelle Dolment. Est-ce que Mme Dolment est ici?

Mme Dolment (Marcelle): Oui, c'est moi

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme dolment, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent et, en même temps, nous faire les représentations de votre mémoire.

Mme Dolment: Excusez-moi C'est de s'installer.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je m'excuse, madame, de vous presser quelque peu, mais enfin! On va vous attendre, il n'y a pas de problème. Prenez votre temps.

Réseau d'action et d'information pour les femmes

mme dolment: bonjour, m. le ministre. nous sommes très heureuses de vous revoir à une autre commission parlementaire. on espère qu'elle va se passer aussi bien que la dernière.

M. Côté (Charlesbourg): Je m'en rappelle.

Mme Dolment: Alors, la présentation... vous avez eu le mémoire mais, comme c'était trop long, on a fait un résumé et c'est la présenta tion que nous vous lisons. L'introduction est divisée en deux: les services de santé et les services sociaux. Le Réseau d'action et d'infor mation..

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme

Dolment, voulez-vous nous présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît?

Mme Dolment: Oui, c'est vrai, je m'excuse. Alors, il y a Micheline Lavoie, Chantale Ouellet, Marcelle Dolment et Nicole Laveau et Lily Audet qui va venir nous rejoindre. Comme elle enseigne, elle va arriver un petit peu en retard.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, madame, merci.

Mme Dolment: Le Réseau d'action et d'information pour les femmes (RAIF), comme plusieurs autres, s'inquiète de l'avenir des soins de santé dans le contexte d'un resserrement des finances publiques ainsi que d'une escalade des coûts due au vieillissement de la population et aussi aux maladies lourdes et contagieuses.

Autres sources d'inquiétude: la vétusté des équipements et des bâtiments, les difficultés de recrutement du personnel infirmier qu'il faudra mieux payer et traiter, les abus du système par certains à l'intérieur et à l'extérieur du réseau et l'impossibilité pour nos hôpitaux de se tenir à jour dans le développement des techniques modernes sans devoir recourir aux souscriptions publiques et au bénévolat. Il est aussi évident que les services de santé devront se repenser en tenant compte des besoins spécifiques des femmes qui ne sont pas satisfaites de la prestation de

services à leur égard, la santé étant autant d'ordre psychologique que physique. Les soins de santé à la chaîne que nous connaissons actuellement n'aident en rien cette situation. C'est pourquoi, par exemple, des services de sages-femmes ont été requis afin de répondre à ces besoins des femmes. Bien des ressources moins coûteuses pourraient être envisagées. On n'a pas suffisamment exploré cette alternative. Autre besoin spécifique des femmes: des services d'interruption de grossesse dans toutes les régions du Québec, avec des cliniques spécialisées privées ou publiques telles les CLSC, surtout de nos jours, c'est très important.

Dans le secteur des services sociaux, le RAIF est alarmé de voir constamment s'allonger la liste des enfants victimes d'abus sexuels et physiques et se prolonger le temps de prise en charge de leur dossier. Ainsi, 3458 noms de jeunes sont actuellement sur les listes d'attente pour recevoir une forme ou l'autre de protection dans un contexte de société de plus en plus violente et de foyers brisés. C'est inadmissible! Aux yeux du RAIF et aux yeux de la plupart, ce problème constitue le scandale majeur de notre société. Une société qui laisse pourrir des enfants dans des situations intolérables et inhumaines ne mérite pas de s'appeler civilisée. Tous les efforts doivent être faits pour régler en priorité ce drame social. Les enfants sont notre avenir, notre responsabilité première.

En second lieu, la situation des femmes victimes de violence et de pauvreté par suite de lois familiales, fiscales et de lois du travail inadéquates ainsi que d'un manque de ressources diverses devrait préoccuper le ministère car, de la bonne santé mentale, physique et financière des femmes, dépend aussi l'avenir social du Québec et sa richesse, les femmes étant encore celles qui éduquent les enfants et qui en prennent soin. Au Québec, près de 1 000 000 de personnes vivent dans la pauvreté dont 600 000 dans une extrême pauvreté, la plupart des femmes et des enfants. Le taux de mortalité infantile est deux fois plus élevé en milieu défavorisé. Le nombre de nouveaux-nés de poids insuffisant est très élevé, requérant par la suite de nombreux soins de santé et des services sociaux. Ils auront des difficultés d'apprentissage. Or, il existe un lien entre revenu et maladie chez les adultes pour l'ensemble des maladies aiguës et chroniques. Ce n'est pas un hasard si le secteur de Montréal le plus pauvre est aussi celui où l'on retrouve la plus grande concentration de familles monoparentales dirigées par une femme et le plus grand nombre de bébés sous-alimentés au point de se classer au rang des pays du Tiers-Monde.

En troisième lieu, les personnes âgées dont l'espérance de vie augmente alors que leur qualité de vie diminue, créeront un problème majeur croissant si on ne trouve pas de solutions à leurs problèmes.

En dernier lieu, les problèmes de drogue et d'alcoolisme constituent pour tous, et particulièrement pour les femmes enceintes et pour les jeunes, mais aussi pour les travailleurs et les travailleuses, un élément d'inquiétude pour l'avenir. Le ministère devrait s'inquiéter des coûts d'hébergement et de santé de ces tragédies personnelles qui entraînent souvent des familles entières dans leur sillage et qui ont détruit bien des entreprises. Les femmes des familles monoparentales ont à vivre plus que d'autres ces problèmes d'origine familiale et sociale pour une bonne part. Tous les ministères devraient coordonner leurs lois et leur action pour améliorer leur sort et celui de leurs enfants.

Nous avons par ailleurs étudié avec attention les articles de loi proposés dont plusieurs touchaient la réorganisation de l'administration des services de santé et des services sociaux, rendant le projet à étudier volumineux et très complexe. On aurait dû le diviser en trois, avec trois commissions parlementaires: financement du régime, prestation des services et éthique, réorganisation administrative. On s'est très souvent réunis, mais ça nous aurait pris encore six mois de réunion pour vraiment approfondir à notre goût. C'est cette approche en trois volets que le RAIF adopte dans son mémoire.

On commence par le financement parce que c'est le nerf de la guerre. Le ticket modérateur. L'idée d'un ticket modérateur a été discutée, mais elle a été rejetée car trop dangereuse: risque d'escalade, danger d'éloigner de l'accès aux soins ces personnes qui en ont justement le plus besoin. Le système est en danger de sous-flnancement. non pas à cause de sa conception mais à cause des abus, d'un certain laxisme, d'un manque de prévention et d'organisation et, disons-le carrément, de la fraude, mais aussi de certaines excroissances du régime qui n'ont pas leur raison d'être, comme les médicaments gratuits pour les personnes de 65 ans et plus alors qu'elles ne paient aucun surplus de cotisation. N'oublions pas que c'est universel: riche ou pas riche, millionnaire ou pas, les médicaments sont gratuits.

Avant de recourir au moyen extrême du ticket modérateur, il conviendrait de commencer par corriger les lacunes du système et par tenter des expériences susceptibles d'en améliorer le rendement et d'éduquer le public. Voici quelques suggestions. La gratuité complète serait maintenue pour les personnes qui n'ont que le minimum de revenu, à propos de la gratuité des médicaments pour les personnes de 65 ans et plus, mais qui serait basée sur le revenu individuel. Alors, la gratuité complète pour les gens qui sont pauvres, pension de vieillesse et supplément de revenu garanti. (17 h 30)

Deuxièmement, contribution à 50% du coût des médicaments pour les personnes qui auraient entre le minimum de revenu et 25 000 $ de

revenu net individuel, ce qui est encore assez élevé; pleine contribution pour les personnes qui ont plus de 25 000 $ de revenu net individuel toujours. Dans ces deux derniers cas, les déductions d'impôt pour soins de santé comme les médicaments seront maintenues, ce qui va faire qu'il ne restera pas grand-chose à payer finalement.

Programme des médicaments gratuits pour les enfants de douze ans et moins. Une partie de l'argent économisé par la modification à la gratuité des médicaments pour les personnes âgées irait pour financer ce programme de médicaments pour les enfants de 12 ans et moins, un programme conçu dans le même esprit que celui des soins dentaires.

Le transfert de fonds d'un programme à l'autre ne peut qu'être bénéfique pour toutes et tous puisque l'abus de médicaments et de prescriptions pour les personnes âgées est dénoncé depuis longtemps par tous les spécialistes dans le domaine. Si les personnes âgées sont, pour trop d'entre elles, portées à abuser pour diverses raisons, II n'en est pas de même des enfants qui rejettent tous les médicaments, on le sait.

À propos de la carte d'assurance-maladie, depuis des années, nombre de personnes dénoncent l'abus et les fraudes dans l'emploi de la carte d'assurance-maladie, dont le RAIF et plusieurs autres, abus qui entraîne des coûts de centaines de millions de dollars. N'a-t-on pas laissé entendre, dans les journaux, que deux millions de cartes d'assurance-maladie circulaient en trop? Est-ce que c'est exact? Je ne le sais pas, mais on l'a dit.

Le RAIF réclame donc, premièrement, la signature du coupon de prestation de soins; deuxièmement, la photo de la ou du bénéficiaire intégrée à la carte afin d'éviter des transferts de cartes; troisièmement, l'envoi annuel d'un bilan des soins reçus et de leur coût pour conscien-tiser la population sur le coût des soins reçus et pour les réduire par un emploi plus judicieux.

Quant aux dispensateurs de soins, le paiement des soins de santé à l'acte compte pour beaucoup dans la dégradation des services de santé. Cette modalité du système est en bonne partie responsable des coûts astronomiques des soins de santé, les actes pouvant être multipliés presque à volonté. Dans certains hôpitaux, on se passe la carte d'un service à l'autre. Même pratique chez certains médecins spécialistes ou même généralistes qui se sont constitué une espèce d'équipe financière dont profitent aussi certains pharmaciens. Une forme de salariat ou de paiement à la vacation, comme dans certains centres hospitaliers universitaires ou dans les CLSC, pourrait remplacer avantageusement le système actuel. Une éducation des médecins pour qu'ils évitent de gaspiller les fonds publics, dans certaines circonstances, par un manque flagrant d'organisation et de concertation serait certainement possible. Certains médecins ont aussi une pratique à domicile très payante, les personnes âgées à qui ils prescrivent des tranquillisants à chacune de leur tournée de visites de "l'âge d'or". Résultat: ces personnes, qui étaient en relative bonne santé, deviennent confuses et ont souvent des accidents dus à ce régime de pilules et, très souvent, perte d'autonomie. Côut pour le système? On le devine. Un contrôle serait nécessaire.

Nos suggestions. Premièrement, éducation populaire qui nous paraît très importante. Pour développer une certaine écologie des soins de santé, le gouvernement devrait associer la population à cette démarche de réduction des coûts qui peut se faire sans réduire les services. Éducation populaire donc, via le bilan annuel individuel avec des feuillets d'information sur divers sujets de santé et de moyens simples pour ne pas surcharger le système. Éducation populaire par la radio et la télévision, prévention, soins légers à la maison, service téléphonique Info-Santé, et le reste, afin de désengorger les urgences; campagne de publicité pour éviter le gaspillage, campagne dans les écoles ainsi que dans les familles sur les soins d'hygiène préventifs et cours sur les premiers soins légers à donner ou à se donner Les médias seraient tenus de fournir du temps d'antenne gratuit pour ces messages "sociétaux". Meilleure diffusion de l'éventail de services autres que les hôpitaux comme les CLSC, les centres et maisons de femmes qui aident à soulager l'angoisse psychologique et autres moyens alternatifs. Financement accru de ces services communautaires et consultation de ces services et des groupes sur une base régulière parce que dans les structures, on n'a pas du tout. . On a dit qu'on consultait, mais il n'y a aucune modalité qui est émise pour la consultation - pour établir une politique réaliste et globale de soins de santé et de services sociaux. On ne mise pas suffisamment sur ces moyens d'éducation populaire qui ont pourtant fait leurs preuves.

Chantale Ouellet va continuer.

Mme Ouellet (Chantale): L'avant-projet de loi. Droit à l'égard des services de santé et des services sociaux. L'avant-projet de loi n'élabore guère sur les droits des bénéficiaires ni sur l'éthique des services de santé. Entre autres, il n'y a aucune référence directe à l'euthanasie, un sujet de plus en plus discuté, de plus en plus crucial, si on veut respecter le plus important de tous les droits, le droit à la dignité. L'article 7 réfère indirectement, mais nous croyons nécessaire une référence claire à cette alternative. Il faudrait ajouter un quatrième paragraphe. Le désir d'euthanasie passive ou active, ou les deux, exprimé par une personne soit dans un testament biologique, soit dans une déclaration à cet effet sur sa carte d'assurance-maladie qui devrait prévoir un tel espace, ou sur son permis de conduire, qui devrait aussi prévoir un tel choix

comme pour le don d'organes, doit être respecté afin de sauvegarder sa dignité. Et un cinquième alinéa: "Une personne atteinte de handicap grave qui altère de façon importante sa qualité de vie a droit à une intervention médicale destinée à mettre fin à ses jours dans la môme optique de droit à la dignité et à une qualité de vie minimale, mais seulement après consultation avec des professionnels du comportement, qui devront aussi rencontrer la famille et les proches, et après une série de rencontres régulières et fréquentes échelonnées sur une période d'un an, au terme desquelles son choix serait respecté."

L'euthanasie active ou passive doit être acceptée sans plus d'hésitation pour le bien de tous et de toutes, individuellement et collectivement. La prolongation des patients et patientes en phase terminale est un des plus grands scandales modernes dans le domaine de la santé, de l'humanité des soins et de la dignité de la personne qui entraîne en plus des coûts astronomiques. Résultat: des soins de santé à d'autres personnes devront être réduits ou même refusés dans un proche avenir, si l'expectative de vie continue de s'allonger... maintenir en vie presque indéfiniment dans certains cas lourds.

Nous n'entrerons pas dans les détails d'une réglementation que la loi pourrait aborder, mais il est certain que les testaments biologiques, par exemple, ou une inscription sur la carte d'assurance-maladie ou le permis de conduire pourraient assurer les médecins qu'ils peuvent, en toute quiétude de conscience et sans risque de poursuite par les proches, prendre des décisions raisonnables dans les circonstances. Un alinéa concernant les handicapés graves qui désirent mettre fin à leurs jours en recourant à une intervention médicale a été ajouté, car on n'a pas le droit de laisser agoniser ces personnes que plus rien ne rattache à une vie intolérable et à une dégradation irréversible.

On ne doit pas obliger ces handicapés à avoir recours aux tribunaux, comme on a pu le lire dans les médias à l'occasion. Il y a une grande lâcheté de la société à ne pas vouloir reconnaître ce droit par une intolérance religieuse ou par crainte d'être taxé de cruauté, alors que le refus de respecter le choix d'une personne ainsi affligée d'une vie de morte constitue la véritable cruauté. Une éthique médicale appropriée, inculquée dès le cours de médecine, devrait préparer les professionnels à prendre de telles décisions. On pourrait même envisager de parler d'euthanasie dans les écoles, afin de familiariser les enfants avec la notion de dignité et celle de qualité de vie et le droit de chaque individu à sauvegarder cette dignité.

Confidentialité du dossier médical ou social. L'article 15, deuxième alinéa, stipule qu'"un professionnel peut prendre connaissance d'un tel dossier - médical ou social - à des fins d'étude, d'enseignement ou de recherche, avec (...) l'autorisation du directeur des services profes- sionnels de rétablissement qui a la garde du dossier". Le RAIF croit important de modifier cet article pour respecter l'anonymat du dossier comme on le fait pour les causes familiales. Ainsi, le nom serait remplacé par des initiales.

L'article 17 limite l'accès à son dossier médical au ou à la bénéficiaire de quatorze ans et plus. La limite d'âge était peut-être valable il y a 20 ans, mais elle ne l'est plus dans le contexte actuel où les jeunes ont des activités sexuelles à partir de onze, douze ans et, avec la télévision, sont mis au courant des réalités de la vie, même médicale, bien avant quatorze ans. Nous croyons donc qu'il est impératif de la réduire à l'âge de douze ans et plus pour avoir accès à un renseignement nominatif de nature médicale ou sociale le concernant contenu dans le dossier de l'établissement.

Le même raisonnement s'applique pour l'article 18. Il faudrait modifier le paragraphe 2° de cet article pour permettre à un bénéficiaire de douze ans et plus et, dans certains cas exceptionnels, de moins de douze ans, qu'il puisse refuser les communications de son dossier au titulaire de l'autorité parentale et voir ce désir respecté dans les conditions prévues dans l'article, c'est-à-dire l'évaluation faite par l'établissement que la communication du dossier du bénéficiaire au titulaire de l'autorité parentale cause ou pourrait causer préjudice à la santé physique ou mentale de ce bénéficiaire.

D'ailleurs, sans qu'on le crie sur les toits, il semble que ce soit la pratique actuellement dans plusieurs hôpitaux, car on préfère que les jeunes consultent après une relation sexuelle à risque, assurés qu'ils ou qu'elles sauront que les parents ne seront pas au courant. On évite ainsi qu'ils ne recourent à des solutions de rue ou qu'ils ne reçoivent pas les soins nécessaires. Le réalisme doit prévaloir ainsi sur certains principes parentaux.

À l'article 19, nous ne comprenons pas trop pourquoi on a choisi le terme "peuvent" au quatrième alinéa au lieu du terme "doivent", dans le cas d'un droit d'accès au dossier médical d'une bénéficiaire décédée car il nous semble qu'il y a là un droit important de la part des personnes susceptibles d'être affectées par une maladie héréditaire, terme médicalement plus juste dans ce cas-ci que génétique ou à caractère familial, de savoir ce qu'il en est du risque qu'elles ou leurs enfants courent.

Organisation des ressources humaines des établissements. Il est certain qu'il faudrait augmenter et combler le nombre de postes à temps plein dans les hôpitaux - infirmières, infirmiers, auxiliaires, préposés - afin de rendre un peu plus humaine et plus rationnelle la façon de desservir ces centres de soins et d'y attirer du personnel qualifié et motivé, compte tenu de la charge anormale...

Le Président (M. Joly): Excusez, Mme

Ouellet! Il reste une petite minute. Je vous inviterais peut-être à conclure, s'il vous plaît.

Mme Dolmerrt: On vous demanderait un petit peu plus long, si possible, parce qu'on est trois personnes. Le dernier n'est pas tellement long, c'est sur les structures.

M. Côté (Charlesbourg): Je n'ai pas de problème à... La seule chose, je dois quitter absolument à 17 h 55. Je suis prêt à vous laisser mon temps pour vous entendre, compte tenu de... Faites votre présentation, je pense que ça paraît plus important que mes questions.

Mme Ouellet: O.K. Ha, ha, ha! ...d'augmenter le nombre de postes à temps plein dans les hôpitaux afin de rendre plus humaine et plus rationnelle la façon de desservir ces centres de soins.

Fonction et pouvoirs des établissements. Il faudrait désengorger les hôpitaux en généralisant l'expérience des hôpitaux volants qui permettent de maintenir dans leur milieu des patients et des patientes avec l'aide de la télévision et de l'informatique pour les renseigner - par exemple, un canal santé - en leur prodiguant des soins qui peuvent être dispensés par des équipes mobiles et ce, gratuitement. La modification de leur logis pour répondre à leurs besoins, de même que la nouvelle hypothèque renversée sont autant d'avenues prometteuses et rentables. L'éducation des personnes âgées elles-mêmes à la nécessité de se tenir en forme aiderait sûrement à vider quelques salles d'attente.

Dans un autre secteur problème, un meilleur aménagement des hôpitaux réduirait le traumatisme d'une salle d'urgence bondée et paniquante dans le cas de jeunes sous l'influence de la drogue ou de personnes en état de crise émotive ou mentale ou de tentative de suicide. Ainsi, en transformant, par exemple, un petit local en chambre accueillante et intime pour ces cas dramatiques, bien des personnes et surtout des jeunes accepteraient d'aller vers des soins qu'elles refusent souvent, actuellement, à cause de cet obstacle d'une salle d'urgence rébarbative qui ne convient pas du tout à de telles situations.

Services. Des expériences nous ont prouvé que les heures d'ouverture des CLSC ne conviennent pas à la vie moderne. Nous recommandons donc que les CLSC soient ouverts 18 heures par jour et ce, sept jours sur sept.

Ressources intermédiaires. L'article 202 indique qu'"un permis ou un certificat municipal ne peut être refusé et une poursuite en vertu d'un règlement ne peut être intentée pour le seul motif qu'une construction ou un local d'habitation est destiné à être occupé en tout ou en partie par une ressource intermédiaire. Le présent article prévaut sur toute loi générale ou spéciale et sur tout règlement municipal adopté en vertu d'une telle loi". Il nous paraît qu'il aurait dû y avoir des distinctions entre les ressources intermédiaires susceptibles de relever de cet article, certaines ressources s'occupant d'ex-détenus, de délinquants, d'ex-psychiatrisés, mais aussi de maisons d'hébergement, de centres de femmes, de maisons de jeunes. Il y a des différences marquées entre ces sortes de res sources quant aux difficultés à se faire accepter dans le milieu. En outre, dans le cas des ex-psychiatrisés, le refus du milieu vient surtout du fait que le gouvernement ne gradue pas assez la réintégration en milieu ouvert. Certains sont laissés complètement à eux-mêmes. Ils suscitent alors beaucoup de rejet, ce qui ne les aide nullement. La politique de désinstitutionnalisation demanderait donc à être raffinée, malgré le désir du ministère de réaliser des économies par cette pratique souvent sauvage et inhumaine.

L'article 205 traite de la prise en charge des bénéficiaires par les ressources de type familial. Les montants que prévoira la réglementation devront absolument couvrir les frais réellement encourus si on veut avoir des ressources de ce type très économique pour l'État. En outre, le RAI F recommande fortement que ces montants ne soient pas imposables, non plus qu'ils ne devraient être comptabilisés dans le calcul des divers crédits d'impôt. L'État n'a-t-il pas, pendant des lustres et encore aujourd'hui, exempté d'impôt les communautés religieuses en raison de leur travail social? Les laïcs doivent être traités sur le même pied. Ces avantages fiscaux devraient compenser un peu les inconvénients ou la lourdeur de la responsabilité de s'occuper de ces cas difficiles. Cependant, nous souhaitons vivement que ce ne soit pas un incitatif à considérer cette prise en charge des personnes en difficulté comme du ressort des femmes. Inconsciemment, l'État compte sur elles pour le remplacer quand il vide ses institutions. Il nous faut briser ce moule. (17 h 45)

Mme Dolmerrt: Nicole Laveau va terminer.

Mme Laveau (Nicole): Les structures. Comme nous l'avons mentionné précédemment, les modifications en profondeur des structures du système demanderaient une étude approfondie à laquelle nous ne nous sommes pas consacrées, mais à la lecture des articles concernant cette réorganisation, nous nous sommes posé certaines questions et nous y avons vu certaines lacunes. Il nous paraît qu'avant de se lancer dans des avenues qui affecteront en profondeur la prestation de soins de santé, il serait nécessaire de tenter des expériences pilotes dans les grands comme dans les petits centres. Compte tenu que les femmes sont en majorité les bénéficiaires de soins de santé, il est incongru que les personnes responsables de l'administration du système soient très majoritairement des hommes. Une équité de représentation selon le sexe devrait

être établie dans les nouvelles structures.

Une incroyable indulgence envers les infractions ou crimes commis semble avoir prévalu dans la rédaction des règles de qualification des membres des conseils d'administration. Exemple: l'article 57 et ses corollaires. Comment peut-on permettre qu'un membre de conseil d'administration d'un service de santé ou d'un service social puisse avoir commis une infraction ou un crime suffisamment grave pour avoir écopé d'une peine de trois ans? Généralement, les peines sont de deux ans moins un jour pour des délits souvent très sérieux. Et, en plus, on absout ces candidats après cinq ans. En outre, on ne fait aucune distinction entre les genres de crimes qui pourraient fort bien être de l'inceste, du viol, de la violence conjugale, de la pédophi-lie. Nulle personne reconnue coupable de ce genre de crime ne devrait jamais pouvoir faire partie d'un tel conseil d'administration. Aucune levée de l'interdiction après quelque nombre d'années que ce soit et la peine pour les infractions et crimes ne devrait pas être de plus de deux ans moins deux jours.

Il y a aussi une incroyable imprudence dans le choix des balises pour éviter les conflits d'intérêts aux articles 96, 97 et 98, ainsi que 275 concernant la possibilité qu'un directeur général puisse remplir d'autres fonctions rémunérées. En fait, on tient la porte grande ouverte aux abus après une belle déclaration de principe dans le premier paragraphe. Cet article est troué comme un fromage de gruyère. L'emploi de directeur général est suffisamment exigeant pour qu'il soit exclusif. La composition des conseils d'administration où les membres peuvent élire eux-mêmes d'autres membres, deux membres, dans un premier temps, et trois membres, dans un deuxième temps, nous paraît très étonnante comme conception et dangereuse pour les conflits d'intérêts (voir l'article 49 et autres).

Nous nous sommes aussi demandé si les directeurs généraux pouvaient se faire élire aux conseils d'administration, ce qui pourrait constituer un autre genre de conflit sérieux.

Autre interrogation inquiétante sur les privilèges accordés aux institutions religieuses qui possèdent des établissements, celles-ci se retrouvant probablement en fort grand nombre dans la catégorie de l'article 39, paragrahe 1, puisqu'il s'agit d'établissements publics institués avant 1972. Pourquoi leur octroie-t-on le droit de refuser de se fusionner si l'intérêt public l'exige? Et surtout, pourquoi les articles 49, 50 et 51 ainsi que 390, 391 et 392 leur permettraient-ils, au dernier paragraphe, de "bumper" les membres élus par le public au point de pouvoir prendre un maximum de trois places sur quatre, dans un cas, et de deux places sur trois, dans un autre, ces établissements ayant droit à ce qu'une personne nommée par les membres de ces établissements, soumis au maximum, fassent partie des conseils d'administration des établis- sements?

Nouvelle structure. Que restera-t-il pour représenter le public? Une seule personne dans plusieurs cas. L'article 261 limite les membres élus du conseil d'administration des régies régionales de même que le président à deux mandats. Or, il ne semble pas qu'il en soit ainsi des conseils d'administration des établissements publics qui pourraient bénéficier de sang neuf et d'idées nouvelles si on élargissait cette restriction à deux établissements. On pourrait limiter ses membres et le président à deux mandats consécutifs.

Évaluation de la restructuration. À première vue, il nous semble qu'on a multiplié les structures à plaisir dans un enchevêtrement qui ne peut que semer la confusion, retarder le fonctionnement et être très, coûteux tout en ne permettant qu'aux seuls initiés de se retrouver et de mener la barque. Ainsi, le niveau de collège régional nous semble de trop. Il est artificiel. Les membres qui doivent faire partie des conseils d'administration des régies régionales n'ont pas besoin d'être choisis par une autre structure comme le collège. La composition des conseils d'administration est beaucoup trop complexe et étendue dans le temps, comme nous l'avons souligné plus haut. Puisqu'il y aura trois étapes pour la nomination de ces conseils, on prendra six mois à les former.

La représentation des établissements sur le conseil d'administration des régies régionales ne nous semble pas adéquate. Elle risque de favoriser le jeu de pouvoir des grands établissements et laisser pour compte des établissements mineurs. Il serait bon qu'il y ait rotation de représentation afin que tous les établissements puissent, à intervalle régulier, être représentés.

Un autre élément important nous semble avoir été négligé. La durée des mandats n'est pas toujours indiquée, mais surtout le nombre de réunions statutaires par année n'a pas été indiqué. Si on ne veut pas que le fonctionnement du système demeure dans les mains des seuls initiés, il faudra, non seulement simplifier les structures, les modalités de nomination, mais aussi établir une fréquence de réunion suffisante pour que les membres puissent vraiment participer en toute connaissance de cause à l'administration des conseils. Le RAI F suggère entre 8 et 10 fois par année, pour tous les niveaux.

Représentation du public. Il est bien de penser des structures qui accueillent les représentants du public, pour autant qu'ils ne se soient pas fait supplanter par les établissements religieux ou privés, mais encore faut-il mettre en place des modalités qui leur permettent de le faire et qui le permettent à toutes les catégories de la population et non pas seulement à celles qui ont des loisirs ou de l'élasticité dans le choix de leurs heures de travail. Le RAIF recommande donc que l'on adopte des modalités qui s'apparentent à celles des jurys. Ainsi, les

entreprises privées ou publiques seraient tenues, dans la loi des normes du travail, de libérer sans solde les employés qui se seraient fait élire au conseil d'administration des établissements de santé ou de services sociaux. Une compensation uniforme raisonnable, genre jetons, payée par le gouvernement, leur serait cependant versée. Autrement, on risque de ne pas avoir un bon échantillonnage de représentants du public qui sont susceptibles d'apporter une expérience variée. On devrait aussi prêter une attention toute particulière à la manière de diffuser les avis de communication, afin qu'ils rejoignent le plus de monde possible et surtout les femmes qui sont les consommatrices les plus importantes des services de santé et des services sociaux. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Comme le disait Mme Dolment tantôt, ce n'est pas notre première expérience, puisque dans le cas de la Loi sur la Régie de l'assurance automobile, en particulier pour l'indemnisation des victimes d'accidents de la route, on avait fait un travail assez exceptionnel, je pense, de collaboration. Ça avait permis de mettre le bénéficiaire au service de... Je me souviens encore de nos petites rencontres au bureau, n'en déplaise au député de Mar-guerite-Bourgeoys, on avait bonifié passablement la loi et certains dossiers.

Vous êtes fidèles à ce qu'on connaît du RAI F. Vous abordez les problèmes tels qu'ils sont directement. Il y a un point sur lequel on est d'accord, où c'est clair: le ticket modérateur, il faut le mettre de côté, compte tenu des impacts. Ce que je trouve intéressant, c'est que vous proposez des alternatives. Notre système, effectivement, est malade. Vous proposez des alternatives et vous allez avec la gratuité des médicaments aux personnes âgées. C'est un dossier qui n'est pas facile. Évidemment, en 1990-1991, ce sera à peu près 450 000 000 $ de paiement en médicaments pour les gens qui sont des prestataires d'aide sociale et des personnes âgées, à peu près 300 000 000 $ pour les personnes âgées, ce qui signifie quand même passablement d'argent. On est dans un cercle vicieux. Ce que |'ai compris, c'est que vous ne pouvez pas avoir de médicaments si vous n'avez pas une prescription, règle générale. Vous faites la chaîne. Évidemment, il y a le médecin qui est impliqué, il y a le pharmacien et il y a le consommateur aussi. Est-ce qu'il n'y a pas un danger? Est-ce que vous ne craignez pas, demain matin, si on arrivait avec des mesures à ce niveau-là, qu'on puisse priver des personnes qui ont besoin de médicaments?

Mme Ouellet: Le plafond qu'on suggère pour la gratuité des médicaments aux personnes âgées... Il y a quand même un seuil minimal. Ce n'est pas toutes les personnes âgées qui se retrouveraient mal prises avec leur facture de médicaments. Quand on parle d'un revenu net de 25 000 $ pour une personne âgée, je pense que c'est quand même amplement suffisant, surtout que ces revenus ne sont pas des emplois...

M. Côté (Charlesbourg): C'est juste pour tenter de... Je comprends très bien là, 25 000 $, on peut dire que c'est 50 000 $ de revenus annuels ou à peu près, 45 000 $. Donc, ceux-là on dit: Vous payez. Ceux qui sont en bas, il y a 50 % plus ceux qui ont uniquement une sécurité de vieillesse, à ce moment-là, on paie. Mais ça ne règle pas le problème de consommation abusive de médicaments; ce n'est pas parce que ça coûte de l'argent, mais parce que c'est néfaste à la santé.

Mme Ouellet: Déjà quand même, ça va enlever les personnes qui y vont parce que c'est gratuit. C'est certain qu'il y a une indication à faire autant dans les facultés de médecine que chez les médecins qui sont déjà reçus de ne pas prescrire... Parce qu'on a souligné le cas - on l'a vu, ce n'est pas pris en l'air ça - de certains médecins qui font le tour des personnes âgées et puis qui vont donner des prescriptions et même si la personne va payer, peut-être qu'elle va le prendre le médicament. Alors, c'est sûr qu'on ne règle pas tous les problèmes mais déjà... Il y a des pharmaciens qui nous ont dit: Écoutez, madame, oui, c'est un scandale la question des médicaments gratuits et l'un a dit: Moi, par exemple, si je demande 0,50 $ pour payer pour leurs médicaments sur prescription, logiquement on suppose qu'ils en ont besoin puisqu'ils ont une prescription, mais si on leur demande de payer 0,50 $ de plus pour certaines catégories, ils refusent. Ils ne le prennent pas. Alors, il y a certainement un abus. Ils n'ont pas besoin d'autant de médicaments que ça. Il dit, même les pharmaciens trouvent que c'est un scandale. Vous savez qu'au Nouveau-Brunswick - on n'a pas voulu le mettre ici - ils ont une espèce de ticket modérateur. Il y a un papier qu'ils essaient depuis une couple d'années. On n'a pas voulu, nous, prendre ça mais je pense que, en limitant la gratuité, on va déjà en enlever plusieurs et puis en éduquant aussi Et faire un contrôle des médecins qui prescrivent beaucoup

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, dans d'autres provinces, c'est 125 $ ou 126 $ de base. Les premiers 126 $ sont payés par le bénéficiaire, le reste est assumé par l'État. Mais évidemment, vous abordez le problème et il y a véritablement un problème là très important. Ce n'est pas encore une fois tant l'abus sur le plan financier que l'abus de la santé au niveau de la médication qui est extrêmement important. Et ça, je pense qu'il faut trouver des moyens pour en arriver là. Évidemment, encore une fois, personne

ne peut avoir un médicament s'il n'a pas une prescription. Alors, il y a aussi d'autres moyens qu'on peut examiner mais je vois dans quel sens ça va. C'est davantage pour la santé de l'individu.

Vous évoquez aussi en termes de mesure: carte-soleil avec photo et le relevé. Finalement, tout ce que ça comporte comme mécanisme où vous recommandez que l'individu va chez le médecin, même dans un hôpital, signe avant de sortir et qu'il prenne conscience des coûts. Et, évidemment, quand vous faites ça, vous avez l'impression que ça pourrait peut-être freiner l'utilisation et que ça ferait prendre conscience du coût du système à chacun des individus. Là, ce que vous évoquez, c'est d'expédier à chaque bénéficiaire, chaque année, le total de ce qui a été encouru.

L'impôt à rebours, puisqu'on parle de financement, qui a été proposé par le Conseil du patronat, est-ce que ça vous dit quelque chose?

Mme Dolment: Oui. On avait lu quelque chose dans le journal à propos de cet impôt à rebours. C'était plus intéressant que le ticket modérateur, mais je pense qu'on devrait essayer d'autres méthodes avant d'avoir l'impôt à rebours. Ça peut être aussi qu'une personne va être pénalisée parce qu'elle est malade. C'est vrai qu'elle a peut-être des revenus, parce que les gens riches vont payer plus, mais, déjà, ils paient plus via l'impôt sur le revenu parce que c'est intégré maintenant. Je pense qu'on devrait commencer par...

C'est une méthode certainement plus intéressante que le ticket modérateur, plus juste socialement, mais je pense qu'il y aurait moyen de couper beaucoup les coûts par les méthodes que nous suggérons. La carte-soleil avec l'identification, tout le monde en entend parler des horreurs là-dessus. Écoutez, avec Master Card ou Visa, on signe et on reçoit un bilan chaque mois. Alors qu'ils ne viennent pas... Surtout avec l'informatique, ça ne coûte pas si cher envoyer un bilan par année, et ça fait réaliser. C'est éducatif. (18 heures)

M. Côté (Charlesbourg): Vous abordez, et je pense que vous vous êtes peut-être le seul groupe, à ma connaissance, qui ait abordé un dossier très brûlant et dont pas tout le monde veut parler, l'euthanasie. Ça prend du courage pour l'aborder de la manière dont vous l'abordez sur la place publique. Évidemment, en tout cas si ma mémoire est bonne, il n'y a pas d'autres mémoires qui l'abordent. Vous êtes les seuls et vous l'abordez en fonction de la dignité de la personne et, finalement aussi, des coûts Inhérents au maintien presque artificiel de personnes. Le risque, la proposition, c'est qu'à partir du moment où quelqu'un a effectivement signé, dans son testament ou sur un permis de conduire, la volonté que vous avez exprimée et qui se retrouverait dans une situation où son état s'améliore ou avec une possibilité que l'état s'améliore, il y a un problème de gestion assez important de ce phénomène-là et je pense qu'il faut être extrêmement prudent lorsqu'on progresse dans ces solutions-là. Mais, quelles sont les raisons? Des raisons financières? Je pense qu'on ne peut pas parier de ce problème-là avec une question financière. Mais ça doit être davantage la question de la dignité de la personne qui vous a fait aborder un dossier comme celui-là.

Le Président (M. Joly): Excusez-moi. Un instant s'il vous plaît. Je vais demander aux membres de cette commission si on a le consentement de pouvoir continuer de déborder quelques minutes.

Mme Blackburn: Consentement. Le Président (M. Joly): Oui? Merci.

Mme Ouellet: Je pense qu'il ne faut pas avoir peur de parier des deux aspects. Les deux ont un impact important pour notre société et les deux sont intimement liés aussi. Ces coûts-là pour maintenir les gens en vie sont extrêmement dispendieux et mobilisent du personnel et, parce qu'ils sont mobilisés là, il y a des soins pour d'autres personnes qui sont négligés un peu, je dirais. Il faut distinguer, comme on l'a fait avec l'euthanasie active où le patient aurait, s'il est capable, des périodes de rencontre qui s'échelonnent sur un an. À ce moment-là, il y a toujours possibilité de revenir sur la décision d'un testament biologique. Ce n'est peut-être pas toujours le temps d'appliquer la solution finale. Par contre, j'imagine que, quand il y a un espoir du côté des gens qui sont comateux ou qui n'ont plus leur mot à dire, les médecins sont assez raisonnables pour décider d'attendre une certaine période de temps avant de condamner ces gens-là.

Mme Dolment: J'aimerais peut-être souligner que Chantale fait des recherches sur le cancer dans un milieu hospitalier. Donc, elle est quand même un peu au courant.

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Évidemment, on pourrait parler du bénéficiaire, des conseils d'administration, unifiés ou pas, mais de la représentation et je pense que ça a été abordé jusqu'à maintenant d'une manière assez importante. Il y a des éléments dans votre présentation qui recoupent ceux d'autres mémoires. Ça me paraît important, mais on en rediscutera éventuellement dans d'autres circonstances. Au moins, on aura pris des décisions. J'ai des problèmes de temps, je m'en excuse, mais je prendrai soin du mémoire de la même manière que j'avais pris soin de l'autre. Au besoin, je recommuniquerai avec vous. Je m'excuse, je suis absolument obligé de quitter pour aller régler

certains petits problèmes au niveau du ministère. Il semble qu'il y ait des problèmes dans les urgences. Alors, merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Chicoutimi, Mme Blackburn, s'il vous plaît.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, j'aurais le goût de commencer là où a terminé le ministre en parlant de toute la question de l'euthanasie. Je dois vous dire - pourtant, on doit être de générations assez rapprochées - que chaque fois que l'on propos» l'euthanasie en raison des coûts reliés au fait de maintenir des personnes en vie, j'ai des problèmes parce qu'on devrait dire la même chose de l'enfant handicapé, de la personne lourdement handicapée. Je dois vous dire que, chaque fois, là-dessus, je me sentirais plutôt mal à l'aise si, demain, on disait: On pratique l'euthanasie parce que ça coûte trop cher de les maintenir en vie. J'aurais un problème. Par ailleurs, l'euthanasie... Je me permets juste de vous rappeler un fait que nous avons vécu dans la famille. Une nièce, à la suite d'un accident, était décérébrée. Elle a passé tous les examens à Chicoutimi. On l'a envoyée à l'hôpital à Québec et ils l'ont retournée. Ils ont dit: C'est fini, elle est décérébrée, elle va être légume toute sa vie. Alors, son mari a dit: Écoutez, débranchez-la, parce que, de toute façon, je pense que c'est ce qu'elle souhaiterait. Sauf que, depuis, elle est retournée, elle est guérie et elle conduit sa voiture. Elle est restée agressive à cause du traumatisme crânien mais, à part ça, elle est retournée à l'université. Alors, c'est toujours très, très, très difficile et on n'aurait jamais su, si on l'avait piquée, qu'elle était capable de guérir. Excusez-moi de dire ça aussi brutalement. Dans ce sens-là, j'ai toujours des réserves quand on aborde ce genre de questions. C'est peut-être à cause de cette expérience, c'est certainement à cause de cette expérience.

Dans votre mémoire, vous parlez des recommandations ingénieuses de l'Association des hôpitaux. Je dois vous dire que je ne partage pas cet avis. La réflexion que je me faisais, même si ça peut paraître alléchant l'idée de payer pour les coûts, l'équivalent des coûts d'hôtellerie et de nourriture lorsque vous êtes à l'hôpital, je pense à beaucoup des gens qui sont hospitalisés, qui le sont à 60 ou 65 ans pour la première fois, alors qu'ils ont payé pour le système toute leur vie. C'était une des recommandations de l'Association des hôpitaux, des frais d'hôtellerie. Oui. Je pense bien avoir lu...

Une voix: Pas nous, l'Association des hôpitaux, pas nous.

Mme Dolmerrt: Le RAI F n'a pas recommandé ça.

Mme Blackburn: Non, non, mais vous dites que vous trouvez cette recommandation ingénieuse. Je vous disais que je ne partageais pas cet avis. Je vois ça dans votre mémoire.

Mme Dolmerrt: Ah oui! c'était dans le premier mémoire, pas dans ce qu'on a lu, mais dans le mémoire où on disait qu'on ne voulait pas être trop critiques, disons que, bon....

Mme Blackburn: Vous dites: Les solutions suggérées par l'Association sont ingénieuses. Alors je voulais juste vous dire que je n'étais pas tout à fait...

Mme Dolmerrt: C'était, c'est-à-dire, c'était ingénieux, mais ça ne voulait pas dire qu'on l'approuvait nécessairement; c'était in-gé-nieux, mais ça veut pas dire qu'on approuve. Ça peut être rusé, Ingénieux, mais pas...

Mme Blackburn: Bien. Ingénieux dans le sens machiavélique, ça devait être ça

Mme Dolment: Oui, c'est peut-être ça.

Mme Blackburn: Par rapport aux médicaments, je vais m'arrêter à deux ou trois questions. Par rapport à celle des médicaments où vous recommandez que les personnes âgées paient leurs médicaments. Cette approche de faire porter le fardeau sur les bénéficiaires plutôt que de questionner le système, c'est comme une mode. Et là, je me permets de citer des exemples. Vous dites: Les personnes âgées consomment trop. Par contre, à partir de 25 000 $, faisons-leur payer leurs médicaments. Comme s'Us étaient responsables du fait qu'ils aient des prescriptions. On dit la même chose lorsqu'on dit: À l'assistance sociale, il y a des abus. Faisons payer les assistés sociaux plutôt que de se demander pourquoi on ne crée pas d'emplois. On dit: Les frais de scolarité, on manque d'argent dans les universités, c'est à cause des étudiants.

Autrement dit, on dirait qu'on a inversé notre processus de réflexion touchant la solution des problèmes en les faisant porter sur les bénéficiaires et non plus sur le système. Et ça, je dois dire que cette approche-la... Pas parce que je ne trouve pas intéressante l'idée de dire qu'on devrait donner la gratuité aux enfants de moins de douze ans, je trouve que l'idée est intéressante, mais tous ceux qui ont plus de 65 ans ont payé le système toute leur vie et la très grande majorité d'entre eux ont peu consommé. Ils commencent à consommer en vieillissant, c'est normal. Comme l'enfant commence à consommer des services éducatifs à l'âge de six ans, commencer à consommer des services de santé après 65 ans, alors que vous avez payé toute votre vie.

Et l'abus est majoritairement dû au fait que les médecins donnent facilement des prescriptions pour des médicaments. Ça prend moins de temps pour rédiger une prescription que de se demander qu'est-ce qui ne va pas avec la personne. Il faudrait peut-être la garder quinze minutes de plus, parce qu'en plus, des fols, ça va un peu plus lentement, ça cogite moins rapidement quand vous êtes plus âgé. Alors, le problème, c'est qu'ils ne sont peut-être pas assez longtemps à l'hôpital.

Votre solution, à mon avis... Là, vous arrivez avec une série de solutions touchant les abus qui peuvent être commis par le système, par les cartes d'assurance-maladie, par les médecins eux-mêmes pour qui c'est plus facile de rédiger une prescription que de passer un peu plus de temps avec le malade. Moi, ça m'inquiète un peu cette approche où on inverse notre processus de solution en allant du côté des bénéficiaires et en leur faisant porter la responsabilité, du chômage, du sous-financement, de sa maladie.

Mme Ouellet: Justement, en fait, vous dites qu'on fait aussi allusion aux abus du système. Les bénéficiaires font partie du système au même titre que les autres éléments. Si certains d'entre eux ont des avantages indus étant donné les circonstances financières dans lesquelles on évolue, je pense qu'il ne faut pas se gêner pour les leur enlever.

Mme Dolment: Surtout qu'on est dans une période de récession. Alors, on ne peut pas tout donner. Ce serait bien beau. On pourrait beaucoup plus le donner aux mères de famille. Pourquoi les médicaments pour les mères de famille, alors qu'elles sont enceintes, elles sont obligées de payer pour leurs médicaments? Alors, s'il y a des gens qui n'ont pas de revenus, nous sommes entièrement d'accord, et c'est pour ça d'ailleurs qu'on a mis une espèce de gradation. Comme on dit: le revenu net, ça monte jusqu'à 50 000 $. Alors, je pense que ces gens-là devraient payer et, deuxièmement, je pense que ça va aussi les aider et peut-être que ça va faire redescendre la courbe de consommation des médicaments.

Mme Blackburn: Mais, est-ce que la meilleure façon, la plus efficace de faire descendre cette courbe de médicaments...

Le Président (M. Joly): Je m'excuse, madame, c'est très intéressant, mais ii faut quand même revenir pour 20 heures. Je vais vous permettre de formuler votre question; par après, je vais reconnaître la députée de Marie-Victorin, et conclure par après, s'il vous plaît.

Mme Blackburn: Le Québec a le championnat de la consommation des médicaments. Oui, oui, c'est prouvé.

Mme Ouellet: Ce n'est pas la gratuité des médicaments aux personnes âgées qui va améliorer ça.

Mme Blackburn: En France, les médicaments sont gratuits au même titre que les examens médicaux. Il n'y a pas de surconsommation. En tout cas, pas comparé à la nôtre. Ils consomment moins. Alors, ce n'est pas une question de gratuité, c'est une question d'éducation.

Mme Dolment: II faut tenir compte du contexte, quand même, et le contexte, au Québec, c'est que si c'est gratuit les gens vont consommer. C'est un autre contexte et il faut tenir compte du contexte. On n'est pas en France, on est au Québec.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Je vais reconnaître la députée de Marie-Victorin, brièvement s'il vous plaît.

Mme Vermette: Oui. Alors, Mme Dolment, juste pour une petite précision au niveau de la consommation de médicaments chez les personnes âgées; 72 % des personnes âgées consomment des médicaments et la majeure partie des médicaments qu'elles consomment, ce sont des psychotropes, autrement dit des tranquillisants. En fait, il est démontré que plus on est pauvre, plus on consomme de psychotropes, en fait des tranquillisants, plus particulièrement chez les femmes. Et ça n'a rien à voir avec l'état de santé causé par un malaise physiologique de la personne, mais bien plus, en fait, parce qu'on ne veut pas donner du temps aux gens et, finalement, on ne veut pas voir les véritables problèmes là où ils sont posés.

Maintenant, vous avez parlé un petit peu d'un sujet, aussi, toujours dans le domaine du secteur des drogues. Vous avez apporté une nouvelle dimension, en fait, en disant: Au niveau des urgences, justement, vu que ce problème-là existe maintenant, il faudrait peut-être trouver des moyens de donner un meilleur service que celui qu'on donne à l'heure actuelle, notamment au niveau des jeunes parce que, justement, les gens ne savent pas comment faire face à cette problématique-là. Il faudrait peut-être équiper davantage nos urgences et avoir des intervenants plus qualifiés qu'ils ne le sont à l'heure actuelle. Est-ce que c'est ce que vous faites comme recommandation?

Mme Dolment: Mais il y a le lieu physique, aussi, qui est très important. Ce n'est pas juste la prestation de services, l'infirmier, l'infirmière ou le médecin. C'est qu'il y a beaucoup de jeunes - je le sais pour avoir accompagné des gens - qui sont complètement traumatisés en arrivant à la salle d'urgence, parce qu'ils sont dans un état émotif - que ce soit la drogue, que ce soit émotif ou que ce soit une dépression, peu

importe - et ça les panique. Ils aiment mieux ne pas aller se faire soigner, puis il y en a qui se sont suicidés, comme ça, plutôt que d'aller par l'urgence, parce que l'urgence est trop rébarbative et elle est traumatisante. Alors, qu'est-ce que c'est? Vu qu'on fait une chambre de naissance pour les enfants, pourquoi est-ce qu'on ne ferait pas un petit local qui serait simplement accueillant? Au lieu de les étendre sur une civière, dans une espèce de local absolument épouvantable, pourquoi ne pas avoir une petite chambre qui ressemblerait à une chambre à la maison? Ça ne coûterait pas plus cher d'avoir des rideaux, quelque chose. Ça ferait le pas, l'espèce de seuil pour pénétrer dans l'hôpital. Ils accepteraient les soins, après. Souvent, ils veulent les soins, mais ils ne veulent pas attendre trois heures dans l'urgence où tout le monde les regarde avec des yeux gros comme ça.

Mme Vermette: Mme Dolment, je veux vous remercier parce que, habituellement, je trouve que vous faites toujours choc avec vos présentations. Cette fois-ci, vous avez encore apporté des éléments assez intéressants, d'autant plus que vous avez soulevé l'épineux problème de l'euthanasie chez les personnes âgées. En fait, ça reste des grands débats et de nouvelles orientations sont à prendre sûrement quant à cet avenir-là. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci. Alors, je vais à mon tour, au nom de la commission, remercier les gens du Réseau d'action et d'information pour les femmes et vous souhaiter bon retour. Merci beaucoup et bon mémoire! Merci. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 14)

(Reprise à 20 h 4)

Le Président (M. Joly): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant reprendre nos travaux.

Nous avons le plaisir de recevoir les comités de bénéficiaires des établissements à vocation psychiatrique qui, déjà, ont pris place. J'apprécie leur coopération. Je demanderais à M. Landry, qui est le porte-parole, de bien vouloir identifier les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Comités de bénéficiaires des établissements à vocation psychiatrique

M. Landry (Lucien): Merci, M. le Président. Je voudrais, en premier lieu, vous souligner que vous avez devant vous la coalition des comités de bénéficiaires à vocation psychiatrique. Je tiens à vous faire part aussi que nous avons avec nous différents comités de bénéficiaires des établisse- ments. En l'occurrence, je vais commencer par M. André Perrault, qui est le président du comité de bénéficiaires de l'hôpital Robert-Giffard, accompagné de M. Mario Lortie, de l'hôpital Robert-Giffard. J'ai aussi Mme Diane Huard, présidente du comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine. J'ai Mme Grace Caslaw de l'hôpital Douglas. Mme - je n'ai pas son nom indiqué...

Une voix: Françoise Laurin.

M. Landry: Françoise Laurin, de l'hôpital Rivière-des-Prairies, vice-présidente du comité des bénéficiaires. Et je suis accompagné de personnes extraordinaires, M. le Président, de la Faculté de droit et de l'école du Barreau du Québec, en l'occurrence, Mmes Anne-Marie Bélanger et Diane Fournier, qui sont étudiantes en droit et qui ont collaboré à la rédaction du mémoire.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Landry, de la présentation. Je vois qu'il y a des gens qui vous accompagnent qui sont déjà connus des membres de cette commission. Alors, on vous souhaite officiellement la bienvenue.

Vous connaissez nécessairement la procédure et les règles, à savoir qu'on vous accorde une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire et, après, eh bien, les membres de cette commission, autant le côté ministériel que le côté de l'Opposition, se réservent le privilège et le plaisir de vous questionner selon les points d'intérêt que vous soulignerez.

Allez, M. Landry. Merci.

M. Landry: Merci, M. le Président. Nous avons préparé toute notre démarche dans le but de faire la présentation et de privilégier davantage le fait de converser, de répondre aux questions et d'échanger avec les législateurs sur les différents dossiers qu'on aura à vous présenter. Il va de soi que nous n'avons pas voulu répéter de long en large toute la présentation du mémoire.

Comme vous l'avez constaté, les différents comités de bénéficiaires à vocation psychiatrique n'ont pas voulu faire de présentation de façon très claire, élaborer sur les orientations, élaborer aussi sur l'organisation, parce que c'est déjà connu, le fonctionnement, mais bien plus vous faire connaître les besoins en matière juridique, au niveau de la loi, de ce que sont les formations de comités de bénéficiaires et aussi en ce qui a trait aux droits des bénéficiaires.

Alors, je vais commencer par la présentation. Les comités de bénéficiaires des établissements à vocation psychiatrique s'associent au ministère de la Santé et des Services sociaux afin d'améliorer la qualité de vie de tous les bénéficiaires. En effet, ces comités de bénéficiaires, oeuvrant dans le réseau de la santé et

des services sociaux, désirent unir leurs efforts à ceux du ministre, Marc-Yvan Côté, dans le but de s'assurer que les objectifs visés par la loi de la santé et des services sociaux soient atteints et qu'aussi les besoins dispensés dans les hôpitaux du Québec soient meilleurs et mieux adaptés à la réalité psychiatrique.

C'est dans ce but de coopération avec le ministère que les comités de bénéficiaires ont rédigé un mémoire sur l'avant-projet de loi de la santé et des services sociaux. Ce mémoire se veut non pas une critique du texte de loi présenté par le ministère a l'automne 1989, mais plutôt une démarche à travers laquelle les comités de bénéficiaires espèrent travailler en équipe avec le ministère afin que le fonctionnement du réseau de la santé au Québec soit en harmonie avec les droits et les intérêts des bénéficiaires.

Le mémoire présenté à la commission parlementaire est divisé en deux parties, la première partie portant sur les articles de l'avant-projet de loi de la santé et des services sociaux qui touchent de façon plus particulière les comités de bénéficiaires et la deuxième partie qui vise à améliorer la qualité de vie des bénéficiaires qui sont dans les hôpitaux à vocation psychiatrique.

En effet, les comités de bénéficiaires, afin de mieux accomplir les fonctions qui leur sont attribuées par la loi de la santé, et ce, pour le mieux-être de tous les bénéficiaires d'hôpitaux psychiatriques, veulent bénéficier d'une plus grande autonomie. Pour ce, ils aimeraient que soient consolidés dans le texte de loi le rôle, les devoirs et les pouvoirs des comités de bénéficiaires.

Afin d'acquérir plus d'autonomie, les comités de bénéficiaires désirent obtenir un financement adéquat, c'est-à-dire un financement dont toutes les modalités de gestion seront négociées par les comités de bénéficiaires et selon les besoins des comités. Il est important que la loi reconnaisse aux comités de bénéficiaires un droit de regard sur le budget qui leur est confié par le ministère afin qu'ils puissent assurer la défense des droits et des intérêts des bénéficiaires.

En plus, les comités de bénéficiaires désirent que les membres pouvant faire partie des comités, ce soit laissé à leur discrétion sous réserve d'un minimum imposé par la loi. Une telle discrétion s'impose afin que chaque comité de bénéficiaires s'adapte à la réalité dans un établissement en particulier. Les comités de bénéficiaires demandent également que la loi sur la santé et les services sociaux accorde le pouvoir unilatéral de fixer la durée du mandat des membres du comité de bénéficiaires.

Il convient de souligner l'importance pour les comités de bénéficiaires d'être représentés dans les divers conseils d'administration prévus par la loi dont celui des instituts universitaires, des régies régionales et des collèges électoraux. La présence des membres du comité de bénéficiaires au sein des conseils d'administration est essentielle afin que soit entendue la voix des plus démunis et que, de ce fait, soient vraiment réalisés les objectifs visés par le ministère de la Santé et des Services sociaux, soit la promotion et le respect de tous les bénéficiaires.

Finalement, une autre recommandation faite par les comités de bénéficiaires d'hôpitaux à vocation psychiatrique dans le but de favoriser leur autonomie est que la loi reconnaisse à ces comités la possibilité de s'incorporer en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies. Un tel ajout à la loi permettrait, entre autres, aux comités de bénéficiaires d'ester en justice lorsqu'une situation l'exige. À cet effet, des recommandations portent spécifiquement sur les droits des bénéficiaires de soins psychiatriques et à des soins de services adéquats. Nous demandons que le plan d'intervention prévu aux articles 8 et 9 soit axé sur la participation du bénéficiaire en lui permettant d'avoir son mot à dire et en lui donnant son droit de refus sans pénalité.

Nous nous penchons sur le problème de la relation patient-médecin. Le droit de refus du médecin devrait être assorti de conditions d'exercice limitant l'usage de celui-ci à des fins autres qu'administratives. Nous nous questionnons sur le pouvoir de discipline sur l'art médical. Nous savons que, sur ce dernier point, la procédure actuelle est très secrète et que le pouvoir de discipline repose entre les mains de pairs qui n'ont pas à justifier leurs décisions.

Un autre point important abordé par les comités de bénéficiaires est la question du comité consultatif à la direction générale. Ce comité devra avoir un rôle à jouer au niveau de la qualité des soins et des services et de la qualité des conditions de séjour pour les bénéficiaires. Nous demandons donc qu'un représentant des bénéficiaires siège à ce comité afin d'aider celui-ci à rencontrer les objectifs présentés.

En somme, c'est dans un but de coopération et d'accompagnement que les comités de bénéficiaires des quatre plus importants établissements à vocation psychiatrique ont présenté ces recommandations au ministère de la Santé .et des Services sociaux. Ils espèrent ainsi que les deniers publics soient bien dépensés pour le bien-être de tous les bénéficiaires de santé et de services sociaux.

Alors, M. le Président, je voudrais souligner aussi que nous apportons une attention particulière à la présentation de notre mémoire et souligner que nous parlons aussi au nom des bénéficiaires qui ne sont pas aptes à parler et qui, en grande partie, dans les établissements à vocation psychiatrique, sont sous la responsabilité de la curatelle publique. Alors, M. le Président, c'est important de vous souligner ça parce que nous sommes leurs porte-parole. Je

voudrais inviter M. André Perrault qui va faire aussi une présentation. (20 h 15)

M. Perrault (André): Merci. Un des problèmes contre lesquels se battent les usagers, c'est la possibilité de choisir le professionnel ou l'établissement duquel ils désirent recevoir des services. Bien que la loi reconnaisse à l'usager le droit de choisir son médecin ou son établissement, elle reconnaît également le droit du médecin de refuser un client. La situation est telle qu'il est pratiquement impossible pour une personne qui reçoit des services en santé mentale de changer de médecin ou d'établissement. La liberté de choix du médecin prime toujours celle des usagers. Par exemple, on sait que, dans la région métropolitaine de Montréal, le CRSSS a limité considérablement l'exercice de ce droit en adoptant une politique de sectorisation. Même à Québec où il n'existe aucune politique officielle de sectorisation, il existe une entente tacite entre les médecins et les établissements, à savoir que ceux-ci ne s'échangent pas des patients entre eux.

Les difficultés au niveau de l'application de cette disposition sont dues à la façon dont cet article est libellé. C'est pourquoi nous recommandons donc que l'on modifie l'article 14 de l'avant-projet de loi pour que le droit de choisir son établissement ou son professionnel soit applicable et qu'on énumère les raisons pour lesquelles un établissement ou un médecin peut refuser un client.

Par ailleurs, il nous paraît important de questionner la façon dont les règles relatives au consentement sont appliquées dans le milieu psychiatrique. Nous souhaitons que la question du consentement apparaisse plus clairement dans les articles qui portent sur les plans de soins et sur les plans de services individualises.

Le bénéficiaire doit non seulement collaborer, mais aussi consentir à son plan d'intervention ou de services. Il doit aussi être consulté. Souvent, le bénéficiaire doit consentir en bloc au plan qui lui est proposé. Nous recommandons donc qu'on ajoute une disposition dans l'avant-projet de loi qui préciserait qu'un usager peut consentir en tout ou en partie à son plan d'intervention ou de services. Si jamais il refusait, il serait important qu'on lui suggère une autre alternative à son plan d'intervention.

Nous demandons également qu'un délai minimum de 90 jours soit fixé pour la révision du plan de services individualise ou du plan d'intervention. Enfin, nous croyons que le plan de services qui devrait recevoir le consentement du bénéficiaire devrait également être suivi d'une obligation pour l'établissement. Nous recommandons qu'on ajoute une disposition dans l'avant-projet de loi qui préciserait qu'un usager peut consentir en tout ou en partie à son plan d'intervention ou de services.

Nous désirons enfin souligner que l'avant- projet de loi est vague sur la définition d'une personne qui peut représenter un bénéficiaire. Selon l'article 23, paragraphe 3°, de l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux, est considérée comme représentant d'un bénéficiaire toute personne désignée par un bénéficiaire majeur dont l'état de santé ne lui permet pas d'accomplir certaines fonctions prévues à la loi. Cette définition nous parait très large et risque d'ouvrir les portes à bien des abus. Nous croyons que les modalités prévues à la nouvelle loi sur la curatelle publique sont beaucoup plus claires à ce sujet et nous recommandons de les adapter à la présente loi.

M. Landry: Je vais inviter Mme Caslaw à se présenter.

Mme Caslaw (Grace): Mon nom est Grace Caslaw. Le comité des bénéficiaires du centre hospitalier Douglas m'a nommée afin de les représenter ce soir. C'est une première que les hôpitaux psychiatriques se réunissent pour défendre les droits et les intérêts des bénéficiaires.

M. Landry: Mme Laurin.

Mme Laurin (Françoise): Mon nom est

Françoise Laurin. Je suis vice-présidente du comité de bénéficiaires de l'hôpital RMère-des-Prairies. Je représente environ 600 bénéficiaires internes et 1200 bénéficiaires à l'externe. Les comités de bénéficiaires collaborent étroitement avec les dispensateurs de soins et de services de santé afin que la qualité de ceux-ci soit meilleure. Nous désirons donc collaborer avec les législateurs pour l'adoption de la Loi sur les services de santé et les services sociaux

M. Landry: Mme Diane Huard.

Mme Huard (Diane): Mon nom est Diane Huard. Je suis présidente du comité de bénéficiaires de l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine. Je représente environ 2040 bénéficiaires internes et 5000 externes. Je suis ici ce soir pour faire entendre la voix des plus démunis.

M. Landry: Mario.

M. Lortie (Mario): Maintenant, j'aimerais aborder la question des recours. Concernant la régie régionale, on lui confère des fonctions et des pouvoirs reliés à la planification et à l'évaluation des programmes de santé et de services sociaux, d'une part, et, d'autre part, la régie régionale assurera aussi la protection des bénéficiaires. À notre avis, il est peu compatible, voire même non crédible de confier à un même organisme la gestion des services, son évaluation, en plus de devoir traiter les plaintes occasionnées lors de la dispensation de ces mêmes

services. Comment croire sérieusement à l'efficacité de la régie régionale en matière de traitement de plaintes lorsqu'on regarde un tant soit peu l'expérience donnée par les CRSSS? Observons, d'ailleurs, que le mandat de la régie régionale en regard du traitement des plaintes ressemble étrangement à celui des CRSSS. Il suffit de remarquer à quel point la régie régionale sera intimement liée aux établissements, puisqu'elle devra planifier, coordonner, participer et évaluer l'organisation des services, pour comprendre que les apparences de conflit d'intérêts sont plus qu'apparentes, mais très évidentes, lorsqu'elle aura à traiter une plainte.

Enfin, nous voyons difficilement la responsabilité de la régie régionale en ce qui a trait à l'évaluation des services. Selon nous, l'évaluation des services, de même que le traitement des plaintes pourront être fortement compromis par la préoccupation qu'aura la régie de préserver les bonnes relations avec les établissements. Elle sera beaucoup trop associée à la prestation des services pour avoir véritablement une indépendance lors de son évaluation et du traitement des plaintes des usagers. C'est pourquoi nous recommandons que les fonctions reliées à l'évaluation des programmes et des services et celles rattachées à la protection des droits des usagers soient assumées par un organisme autre que la régie régionale.

Concernant le rôle du CMDP en regard du traitement des plaintes, dans l'avant-projet de loi, il est réaffirmé que le CMDP doit constituer les comités déterminés par règlement. Parmi ces comités, il existe le comité des plaintes dont l'ancienne loi faisait état. Nous, des comités de bénéficiaires, croyons que ce ne devrait pas être des pairs qui jugent l'activité de ces professionnels. Le CMDP ne doit plus s'occuper de filtrer les plaintes disciplinaires. Ceci devrait être également le cas pour toute corporation professionnelle. Les conflits d'intérêts sont indiscutables dans ces circonstances et, de ce fait, cette situation est catégoriquement inacceptable et ne doit plus être tolérée. La commission Rochon a reconnu cette nécessité sachant, cependant, que cette question relève du ministère de l'Éducation et que des représentations devraient lui être faites à ce sujet.

Par contre, le ministère de la Santé a une responsabilité importante dans le processus qui doit engager cette réforme. Il y a de quoi se poser des questions quand on remarque que les dossiers et procès-verbaux des CMDP doivent rester confidentiels et demeurent inaccessibles même en vertu de la loi sur l'accès à l'information. Comment pouvons-nous comprendre cette situation? Cette organisation a un rôle trop important à jouer dans le réseau de la santé pour que restent obscures les décisions qu'elle prend et les actions qu'elle pose. Il en va de même concernant le statut des médecins. Ces derniers sont tellement indépendants de tout que leur liberté d'action les rend pratiquement inatteignables. La nouvelle loi est l'occasion de préciser le statut des médecins. Nous proposons que le ministère trouve une définition précise du rôle et du statut des médecins travaillant en centre hospitalier. Ce statut privilégié actuel doit être remis en question. Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Lortie. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, M. Landry?

M. Landry: Oui, seulement à titre d'information, je voudrais informer la commission que, depuis environ un an, les différents comités de bénéficiaires travaillent d'arrache-pied à la préparation de ce mémoire. Il va sans dire que nous avons eu aussi une rencontre, au mois de mai, avec l'un des principaux responsables du dossier d'orientation, M. Paul Lamarche, qui est le sous-ministre et qui nous a rencontrés d'une façon très claire, très constructive. Alors, je tiens quand même à le souligner devant cette commission, les comités de bénéficiaires ont préparé et vu venir cette nouvelle loi.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Landry. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, merci, M. le Président. Je veux d'abord dire à M. Landry, ainsi qu'aux gens qui l'accompagnent que c'est un mémoire qui est assez volumineux, mais aussi impressionnant parce qu'à l'occasion ça peut être épais, mais il peut ne pas y avoir grand-chose dedans. Ça paraît que ça a été fouillé et que vous avez fait beaucoup d'efforts, et c'est tout à votre honneur, je pense, quant au travail qui a été fait et aux résultats aussi. Évidemment, en quinze ou vingt minutes, on n'aurait pas le temps de passer à travers, mais je veux vous assurer que les gens, chez nous, qui en ont déjà fait une analyse sont très impressionnés par ce qu'il y a à l'intérieur du document et que ça fera définitivement l'objet de nos préoccupations dans les jours et dans les mois qui viennent, quant au résultat final, à la commission. Je le dis, et je me répète peut-être: C'est très très impressionnant par rapport aux moyens que d'autres qui se présentent ici ont. Il y a certainement des leçons à tirer de votre expérience.

M. Landry: C'est du partenariat, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Ha, ha, ha!

M. Landry: Et je peux vous dire que nous y avons consacré des heures et des nuits, M. le Président.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, on y

voit une approche juridique et c'est très certainement dû aux bons conseils des deux personnes qui sont à votre droite, qui ont travaillé sur ce dossier.

On a reçu, il y a deux semaines, des comités de bénéficiaires; on a reçu aussi des gens, qui s'étaient regroupés comme ombudsman, venus témoigner ici pour nous parler de leurs malheurs et de leur vision de ce qui fonctionnait et de ce qui ne fonctionnait pas. Évidemment, tout le monde veut et souhaite, de par la vision ou la position qu'il occupe, mettre le bénéficiaire comme principale préoccupation, au centre de nos préoccupations. L'ombudsman, à tout le moins ceux qui sont venus nous ont dit: Notre préoccupation, c'est le bénéficiaire. Là, on a le comité des bénéficiaires qui nous dit: Effectivement, notre préoccupation, c'est le bénéficiaire. J'aimerais vous entendre sur la distinction que vous faites du rôle du comité de bénéficiaires par rapport à l'ombudsman dans chacune des institutions que vous représentez.

M. Landry: Je voudrais seulement donner un préambule, M. le Président, mais je pense qu'il va de soi que, dans différents établissements à vocation psychiatrique, il y a certains ombuds-mans qui travaillent en étroite collaboration avec les comités de bénéficiaires et qui, en somme, ont des liens très étroits, je tiens quand même à le souligner. Par contre, il y en a d'autres, M. le ministre, où il n'y a pas de relations très claires entre les comités de bénéficiaires et d'échanges. Nous, ce qu'on dit, à cette position-là, c'est que nous assumons notre propre responsabilité de l'accompagnement, de la promotion et de la défense des droits. Et amener à l'intérieur les structures d'un service d'ombudsman, c'est ce qu'on appelle de la duplication. Nous avons dit: On prend notre responsabilité; on assume cette responsabilité et nous participons en collaboration avec l'établissement.

D'une façon très claire, j'ai même osé dire chez nous, comme un exemple très clair, à Louis-H.-Lafontaine: Prenez l'argent, prenez le poste de l'ombudsman, affectez-le auprès des préposés aux bénéficiaires au niveau des soins, et nous, nous assumons notre propre responsabilité en termes de dispensation. Ça, c'est notre point de vue.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce que je comprends, M. Landry, que vous nous dites qu'un bon comité de bénéficiaires peut facilement jouer ce rôle et qu'il est plus indépendant vis-à-vis de l'administration que l'ombudsman pourrait l'être?

M. Landry: Je dirais, pour mon établissement, M. le ministre, oui, mais je vais quand même, peut-être, laisser à Giffard, qui ont aussi une expérience avec leur ombudsman, Rivière-des-Prairies, un autre type d'expérience... Il y a une dynamique différente dans différents établis- sements. Mais, de l'expérience de chez nous, on en vient à la conclusion de demander l'abolition du poste de l'ombudsman et d'affecter le budget... On ne le demande pas pour le comité, leur budget. On dit: Dispensez-le auprès des bénéficiaires au niveau des soins, ajoutez du personnel au niveau des infirmiers ou des infirmières ou des préposés avec la responsabilité et le support et le financement du comité de bénéficiaires. Nous assumons cette responsabilité. Ça, c'est notre position à Louis-H. -Lafontaine.

Je vais quand même laisser M Perrault dire son point de vue là-dessus et peut-être aussi Rivière-des-Prairies et Douglas. (20 h 30)

Une voix: Et avoir le portrait.

M. Perrault: Je pense que, si je regarde notre position, nous, en tant que comité de bénéficiaires de Robert-Giffard, je ne pourrais pas dire que le rôle d'ombudsman est un rôle qui ne fait pas une job. Pour moi, c'était pour que l'ombudsman relève vraiment des comités de bénéficiaires, soit des employés du comité de bénéficiaires, et qu'il puisse être là aussi pour soutenir le comité de bénéficiaires. Il ne faut pas se le cacher, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de comités de bénéficiaires dans la province qui sont vraiment fonctionnels et autonomes, qui sont capables de défendre vraiment, en plus de remplir leur rôle, le mandat qui leur est confié.

Je pense que l'ombudsman peut être une façon de venir renforcer les comités de bénéficiaires tout en reconnaissant le rôle du comité de bénéficiaires. L'ombudsman va devenir quelqu'un qui va l'aider à défendre les droits des bénéficiaires, il va l'aider aussi à être de plus en plus fonctionnel. C'est un peu, pour moi, la façon dont je verrais les ombudsmans parce qu'il ne faut pas penser juste pour nos deux établissements. Je pense qu'il y a beaucoup d'autres établissements, d'autres comités de bénéficiaires qui ont de la difficulté à fonctionner et je ne peux pas nier leur rôle.

Le Président (M. Joly): Mme Laurin.

Mme Laurin: Moi, comme représentante du comité de bénéficiaires de l'hôpital Rivière-des-Prairies, notre expérience c'est que notre ombudsman, on y tient beaucoup. On a une étroite collaboration avec elle. Ça fait trois ans que je fais partie du comité de bénéficiaires et, depuis que Jocelyne Charbonneau a été notre ombudsman hospitalier, Jocelyne n'a jamais manqué un comité de bénéficiaires. Maintenant, la moindre plainte, elle la rapporte au comité de bénéficiaires, on a une étroite collaboration ensemble. C'est une personne aussi de ressources, qui est disponible, près de nous, près des bénéficiaires et des enfants qui ne parlent pas encore. Elle est ià pour prendre leur défense, et

je pense que ce serait retourner en arrière que de penser perdre notre ombudsman hospitalier. C'est ce que j'ai à dire.

M. Landry: M. Mario Lortie.

M. Lortie: Oui. Simplement qu'il ne faut pas voir la question des ombudsmans et comités en termes de confrontation, qui peut avoir le dessus sur l'autre. La question serait mal posée. Je pense que l'ombudsman a son utilité, comme le comité de bénéficiaires, bien entendu. Mais, à savoir s'il est capable de jouer son rôle, c'est certain.

La seule chose qu'on peut déplorer, et c'est concernant le duplicata, c'est quand un comité de bénéficiaires, comme le nôtre, qui est capable d'assumer son rôle, c'est qu'on s'efforce en haut, par exemple, au conseil d'administration, d'adopter un protocole de traitement de plaintes qui, maintenant, nous prive d'exercer ce rôle. Pourtant, on est capables, mais on nous met les bâtons dans les roues pour dire: Vous ne ie ferez plus, on va adopter un protocole de traitement de plaintes, et tout traitement de plaintes va passer par l'ombudsman. Là, quelque part, il se trouve à y avoir un problème qui se pose.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que j'avais compris - c'est pour ça que je pose la question pour y arriver, dans ie mémoire - c'est que vous ne souhaitiez pas que le traitement des plaintes soit confié au comité des bénéficiaires. Est-ce que j'ai mai saisi?

M. Landry: Je pense que c'est très clair que de prime abord, quand le comité des bénéficiaires a pour mission et rôle principal la promotion, la défense des droits, je pense que ça commence par l'accueil, l'écoute, recevoir le bénéficiaire, écouter sa plainte, et par la suite d'acheminer et de traiter la plainte. Quand un bon comité de bénéficiaires fonctionne, M. le ministre, il fait sa bonne job de traitement de plaintes et il collabore avec l'établissement. Je pense que c'est important de souligner que l'attitude que les comités de bénéficiaires ont, M. le Président, c'est d'approcher sur une forme positive, de collaborer.

Je pense que vous avez été témoins, ce midi, lors d'une présentation dans un dossier particulier, mais je pense que c'était dans cet esprit et non pas dans le but d'avoir de l'affrontement entre les ombudsmans et les comités de bénéficiaires.

M. Côté (Charlesbourg): Si on monte plus haut, parce qu'il y a un personnage assez important, aussi, sur le plan administratif qui s'appelle le D.G. Évidemment, si on a senti le besoin d'avoir des expériences diverses, qui sont profitables dans le cas de Rivière-des-Prairies, d'un ombudsman ou de comités de bénéficiaires qui prennent la relève, c'est qu'il y a donc des plaintes qui viennent, il y a donc des préoccupations du bénéficiaire qui doivent être prises en compte. Comment se fait la relation avec le D.G.? Elle se fait bien, elle ne se fait pas, parce que ce que les ombudsmans sont venus nous dire, quand on les a entendus, qu'ils voulaient être indépendants parce qu'ils se sentaient dépendants. Étant payés par l'institution, ils étaient dans une situation qu'eux trouvaient de dépendance vis-à-vis l'institution, malgré le fait qu'on n'a pas eu de cas spécifique d'intervention de la part de la direction pour entraver le travail de l'ombudsman; ils se sentaient quand même un peu payés par ceux qui avaient à dispenser les services. Ça les mettait dans des situations pas très confortables.

Ça m'apparaît extrêmement important à ce moment-là, s'il y a des ombudsmans, de les séparer du financier de l'institution pour leur donner pleine autonomie et pleine action. Il en serait de même, j'imagine, sur le plan du comité des bénéficiaires parce que vous abordez la question du financement.

M. Landry: C'est très clair, M. le Président, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Alors, vous êtes financés comment, les comités de bénéficiaires, au moment où on se parle?

M. Landry: Au moment où on se parle, suite à la politique en santé mentale, il y a une recommandation, une directive à l'effet qu'on doit allouer, je pense, de 5000 $ pour les petits comités jusqu'à concurrence de 75 000 $. Et on peut dire qu'à partir de janvier 1989, la politique en santé mentale, le ministère a fait parvenir certaines directives aux établissements à l'effet qu'ils allouaient un budget identifié auprès du comité des bénéficiaires, mais par contre je tiens à souligner, M. le ministre, que nous nous sentons, d'une façon très claire, au comité des bénéficiaires Louis-H., je ne sais pas, peut-être avec Giffard, Rivière-des-Prairies, Douglas, une forme d'épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, que, si nous élaborons des dossiers qui sont très délicats à l'égard de l'établissement, il va de soi que nos budgets ne sont pas reconduits. À un tel point, une situation flagrante, M. le ministre, je vais vous donner un geste concret. Avant les fêtes, le comité des bénéficiaires avait présenté un projet d'un guide des droits et des responsabilités à l'égard du bénéficiaire, à l'égard de l'établissement, et le guide des droits n'a pas été retenu par la direction générale. Parallèlement à ça, nous avons présenté un projet d'un même montant, de l'ordre de 2800 $, pour une récréathèque, l'achat de jouets et, en l'espace de cinq minutes, on a approuvé le projet. Mais le guide des droits et des responsabilités du bénéficiaire à l'égard de l'établisse-

ment n'était pas approuvé. Il appartient à la discrétion de la direction générale d'approuver chaque montant que le comité doit dépenser parce qu'il fait partie du budget global de rétablissement. Et la responsabilité légale appartient à l'établissement, c'est-à-dire à la direction, au conseil d'administration. Ils ont le devoir final. Ce qu'on avait dit au bureau de M. Lamarche: Voulez-vous, s'il vous plaît, donner des directives spécifiques à l'établissement afin d'élaborer certaines balises d'autonomie, pour élaborer un protocole d'entente entre les comités des bénéficiaires et celui de la direction générale, pour être entériné au conseil d'administration. Avec Giffard... Je vais quand même laisser M. Perrault donner son expérience là-dessus.

M. Perrault: Actuellement, face à la direction générale, je peux dire une chose, nos relations sont bonnes. Mais, un peu comme M. Landry a dit, dans le passé on a vécu ça, nous autres aussi. On avait sorti un mémoire sur les conditions de vie et on s'était fait couper notre budget à zéro. On l'a vécu. Mais, actuellement, je peux dire une chose, au niveau de notre protocole, il a été très bien signé, nos relations sont bonnes, actuellement.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, je ne voudrais pas qu'on fasse le tour pour mettre des gens dans l'eau bouillante, si on nous donnait des témoignages un peu plus percutants que d'autres. Ce n'était pas l'objectif de ma question. L'objectif, c'est que, dans la politique, il y avait effectivement des budgets dédiés aux comités de bénéficiaires qui étaient à leur autonomie à eux, pleine autonomie. Évidemment, s'il y a des problèmes en cours de route, il y a des moyens de corriger un certain nombre de choses. Ce que je comprends, ce que vous souhaiteriez, c'est avoir parfaite autonomie et parfaite autonomie de gestion des sommes, et qui ne transitent pas nécessairement par l'institution que vous représentez.

M. Landry: je vais quand même à anne-marie, qui a fait cela plus spécifiquement, l'article de loi qu'on devrait retrouver, m. le ministre...

M. Côté (Charlesbourg): O.K.

Mme Bélanger (Anne-Marie): La politique en santé mentale au Québec suggérait qu'il y ait des modalités de gestion du budget qui soient élaborées entre le comité de bénéficiaires et la direction de l'établissement. Ce qu'on aimerait, c'est que cette idée-là soit reprise dans la loi et, pour les modalités de gestion, qu'il y ait un processus de négociation qui puisse être fixé d'avance, qu'on doive suivre, par exemple, une entente conjointe; si on n'arrive pas à s'entendre dans X temps, dans une période prédéterminée, qu'il y ait un mécanisme d'arbitrage qui soit établi en cas de mésentente et qu'il y ait une instance indépendante qui puisse décider si, oui ou non, tel projet doit être accepté, par exemple, ou telle dépense. Le comité de bénéficiaires ne désire pas avoir une indépendance totale, mais désirerait élaborer, de façon conjointe avec la direction de l'établissement, le budget ou les modalités de gestion de ce budget-là qui lui est accordé.

M. Côté (Charlesbourg): Et, évidemment, qu'il puisse y avoir un mécanisme d'arbitrage, dans la mesure où ça achoppe. O.K., ça va.

Mme Bélanger: C'est ça.

M. Landry: II va de soi, M. le ministre, qu'actuellement... Nous nous sommes parlé, entre les comités de bénéficiaires. On sait que, prochainement, nous serons à l'étude, à la préparation des budgets, à la planification des budgets à l'intérieur des différents établissements. Avec mon collègue, Charles Rice, qui travaille aussi au comité de bénéficiaires de Giffard, on disait qu'il fallait, entre les comités de bénéficiaires, élaborer un projet de protocole collectif pour qu'on puisse, chacun respectivement dans nos établissements, proposer à la direction générale une procédure de fonctionnement, d'élaboration de protocole d'entente. En collaboration avec les étudiants de la Faculté de droit et de l'école du Barreau, on a préparé un protocole immédiatement après que la politique fut sortie. On s'est mis à la tâche, M. le ministre, et nous avons assumé notre responsabilité.

M. Côté (Charlesbourg): Une dernière question parce qu'on me signale que je n'ai pas beaucoup de temps. Lorsqu'on a entendu des organismes communautaires qui avaient un organisme central qui pouvait les chapeauter, on nous a toujours dit: Nous, on ne veut pas être financés par la base, on veut être financés par le ministère. On veut que les organismes de la base soient aussi financés par le ministère. Ce que je comprends, c'est que votre proposition est un peu différente, en ce sens qu'il n'y a pas d'inquiétude pour vous d'aller à la base au niveau des comités. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Landry: II va de soi que les comités de bénéficiaires sont financés par l'établissement. Ils n'ont pas à recevoir les cotisations ou les revenus des bénéficiaires parce que, en grande partie, M. le ministre, les bénéficiaires habitent dans l'hôpital, ils sont sur l'aide sociale, ils sont sous la juridiction de la curatelle. Il va de soi aussi que le comité organise différents types de campagnes de financement, comme la vente de chocolat ou de crème glacée à l'intérieur pour qu'on puisse, encore là, avoir une marge de manoeuvre, d'autonomie. Mais il va de soi qu'en

grande partie, M. le ministre, les revenus sont, pour le moment, fixés uniquement par le budget identifié de l'établissement.

M. Côté (Charlesbourg): Une dernière, vite, M. le Président.

Le Président (M. Joly): Allez, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Au niveau des organismes communautaires, vous voulez limiter davantage la définition. Ça me paraît, en tout cas, à tout le moins... On retrouve cela à la page 60, recommandation 30, selon quatre critères. Ça nous paraît... Limiter la portée de la définition, est-ce que c'est ça l'objectif ou si c'est parce que vous souhaitez avoir un meilleur... J'ai des réponses à ma droite... Ou si vous voulez limiter la portée, finalement, des organismes communautaires?

M. Landry: Je pense qu'il faut souligner qu'à cet article-là, M. le Président, on a voulu aussi appuyer la recommandation qui était émise par le regroupement alternatif et communautaire des organismes, ce qu'on appelle le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale, dont ils ont fait la même proposition et que nous, nous avons reconduit à l'intérieur de notre mémoire, un appui formel à ce sens-là. Nous étions d'accord.

M. Lortie: II faut dire, M. le ministre, qu'il y a certains principes à respecter quand on veut s'appeler organisme communautaire. N'importe qui, en tout cas beaucoup trop de groupes pourraient s'appeler organismes communautaires du simple fait qu'ils existent. Je pense qu'il faut avoir la préoccupation que l'organisme en question soit pris en main par les usagers; en tout cas, il y a des critères comme ça qui ne sont quand même pas très durs à comprendre pour définir un organisme communautaire.

M. Côté (Charlesbourg): Vous dites que ça peut exister, est-ce que ça existe?

M. Lortie: De?

M. Côté (Charlesbourg): Beaucoup trop d'organismes communautaires peuvent... (20 h 45)

M. Lortie: Non, non. Beaucoup trop d'organismes peuvent se dire communautaires. Mais le principe - ce n'est pas qu'il en existe beaucoup trop, loin de là - à respecter, il y a un principe de base, c'est que les services vers lesquels sont dirigés les usagers... C'est que l'organisme soit pris en main par les usagers qui reçoivent eux-mêmes ces services-là.

M. Côté (Charlesbourg): C'est une très bonne distinction.

M. Landry: Mais on voudrait, M. le ministre, que la loi précise davantage ce que sont les structures communautaires.

Le Président (M. Joly): Est-ce que ça va, M. le ministre? Merci, M. le ministre. Je vais maintenant reconnaître le député de La Prairie, M. Lazure.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux féliciter la coalition. Je pense que c'est un développement heureux qu'il y ait eu ce regroupement des quatre comités de bénéficiaires des quatre établissements psychiatriques. Je vois que M. Landry continue sa progression. Ça fait plusieurs années que je le vois à l'oeuvre, bien avant la politique, et je dois le féliciter pour l'évolution très positive que sa carrière est en train de prendre.

Je veux revenir sur certains points avec lesquels je suis d'accord, simplement pour les renforcer. Quand vous demandez que le comité de bénéficiaires soit représenté au comité de la direction générale, je pense que c'est absolument essentiel. Il me semble que c'est un comité consultatif qui a, dans plusieurs cas, beaucoup d'influence sur la marche de l'établissement et il me paraît élémentaire que le comité de bénéficiaires soit représenté.

Sectorisation. Je comprends les soucis derrière les remarques, mais il faut aussi comprendre que la sectorisation a été établie, justement, d'abord et avant tout, en psychiatrie pour corriger une situation où plusieurs patients, plusieurs clients, appelez-les comme vous voulez, tombaient entre deux chaises et étaient rejetés par les médecins, par les établissements. Et l'avantage fondamental de la sectorisation c'est de s'assurer qu'un établissement a la responsabilité de donner les services à cette personne-là. Maintenant, il arrive sûrement des cas - surtout à l'intérieur d'un grand établissement, comme Giffard ou Louis-Hippolyte - où il peut y avoir incompatibilité entre le patient et le médecin. Il me semble que là ce n'est pas nécessaire de défaire tout le système de sectorisation. Il me semble que là il faut que l'autorité locale prenne ses responsabilités. Un établissement qui fonctionne bien doit prévoir que, dans certains cas où il y a un motif valable, un patient peut choisir son médecin, soit le psychiatre ou un autre spécialiste. Et, à ce moment-là, il doit se faire une espèce de règlement du problème localement, surtout dans un établissement où il y a 20, 30 ou 40 médecins.

Le traitement des plaintes. Avec le recul des années, moi aussi j'ai développé la conviction - et ça c'est avec toute ma déférence vis-à-vis des conseils régionaux, y compris le conseil régional de Montréal, le directeur général est ici - avec toute la déférence que je leur dois,

j'ai acquis la conviction que ce n'est pas un bon système, que le conseil régional n'est pas l'organisme qu'il faut pour traiter les plaintes des établissements, je devrais dire des clients des établissements, justement parce qu'il est trop lié aux établissements. Et même si on changeait la composition des conseils d'administration des futures régies ou des futurs conseils régionaux, ils resteront toujours très liés aux directions des établissements, quasiment en conflit d'intérêts. Et avec le recul, je dois dire que ça n'a pas été un système, ni efficace, ni équitable, malgré toute la bonne volonté des conseils régionaux.

Il me semble qu'on devrait regarder de plus en plus vers le Protecteur du citoyen. Il existe au Québec, comme dans plusieurs États, une institution qui s'appelle l'ombudsman, le Protecteur du citoyen, et il me semble que c'est ce Protecteur du citoyen qui devrait d'abord se voir donner plus de pouvoirs et devrait se voir accorder, par le gouvernement, par l'Assemblée nationale, la juridiction sur les réseaux de santé et de services sociaux.

Et on peut imaginer un mécanisme d'articulation entre les comités de bénéficiaires et le Protecteur du citoyen qui pourrait avoir des antennes région par région. C'est un débat intéressant, celui des ombudsmans locaux - je reviens à l'établissement - versus comités des bénéficiaires. Moi, je suis plutôt porté à être du même avis que M. Landry. L'ombudsman dans sa structure actuelle, c'est un peu comme pour le CRSSS qui traite les plaintes. Je pense que l'ombudsman, étant engagé par l'établissement, n'est pas en mesure d'assumer totalement son autonomie malgré toute sa bonne volonté. Il peut arriver des cas comme Rivière-des-Prairies où ça fonctionne bien, mais je pense que ça prend une personnalité très forte à ce moment-là, très particulière. Mais la structure elle-même fait en sorte que le travail de l'ombudsman est rendu très difficile. Moi, je pense que, s'il y avait un droit de regard du Protecteur du citoyen peut-être par des adjoints régionaux qui, eux, seraient articulés sur des établissements, surtout quand on parle d'établissements psychiatriques où le séjour est prolongé, souvent, à ce moment-là, le Protecteur et son adjoint régional pourraient s'articuler avec le comité des bénéficiaires. Moi, je ne vois pas tellement l'utilité de l'ombudsman. C'est devenu à la mode de nommer des ombudsmans. La plupart des hôpitaux le font, pas seulement les hôpitaux psychiatriques. Je pense que, à choisir entre les deux, si un comité de bénéficiaires fonctionne bien, prend bien ses responsabilités, le rôle de l'ombudsman est plus ou moins superflu, à ce moment-là.

Le budget. C'est essentiel que le budget soit un budget protégé. C'est bien sûr que, si le comité des bénéficiaires se voit menacer à tout bout de champ de se voir couper son budget, bien, c'est tout à fait inéquitable, puis c'est invivable. Alors, je pense qu'on a déjà vu ça dans d'autres domaines. La formule du budget protégé est une bonne formule. Ça peut être par le biais du budget de l'hôpital mais de façon très protégée.

Finalement, M. Landry a parlé des médecins tantôt et d'autres en ont parlé aussi. Il y a eu certaines remarques peut-être pas très gentilles pour mes confrères. Moi, je lis les journaux comme tout le monde. À Louis-H. dernièrement encore, il y a quelques jours, il y avait un article dans le journal qui disait que la direction de l'hôpital allait engager une firme extérieure pour régler un conflit entre la direction de l'hôpital et les médecins. Est-ce que le comité des bénéficiaires est au courant de cette situation-là? Sûrement.

M. Landry: M. le Président, je voudrais quand même souligner là-dessus que quelque chose sans précédent s'est passé aujourd'hui. Je n'en reviens pas que les miracles arrivent enfin au ministère, où il y a une personne qui passe à l'action. Je pense que ce qu'il dit, il le fait. Mais je tiens quand même à le souligner parce que, ce midi, on m'a dit d'une façon très claire qu'on avait eu une rencontre avec les autorités et le ministre en question et j'ai rarement vu quelqu'un au ministère prendre ses responsabilités précises d'une façon très claire et ferme dans cette position-là et considérer d'une façon sans précédent la primauté des bénéficiaires, l'intérêt des bénéficiaires, la qualité des soins. Je tiens quand même à le souligner ce soir, M. le Président, parce que j'étais témoin de cette action sans précédent. Je peux même le qualifier d'historique, parce que souvent les dossiers à Louis-H. traînaient en longueur.

M. Lazure: Historique depuis cinq ans, là! Lucien! Lucien! Lucien!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: M. Lazure, pour répondre plus précisément à la question, nous nous étions inquiétés. Nous avons lancé un S.O.S. au ministère. Nous avons demandé l'intervention du ministère et nous avons eu réponse. Et encore plus, M. Lazure, nous avons fait part au ministère que c'est beau de demander des choses, mais nous voulons collaborer avec le ministère afin d'aider le ministère à participer à la solution des problèmes, de l'ensemble des problématiques qui existent à Louis-H.

Le Président (M. Joly): M. le député de La Prairie, est-ce que vous avez d'autres choses? Je pense qu'après un tel témoignage...

M. Lazure: Oui. Après un tel témoignage... Mais je vais résister à la tentation de rester bouche bée. Je ne resterai pas bouche bée. Tant mieux si le comité des bénéficiaires de Louis-H

est très actif, qu'il fait un bon travail.

M. Landry: ...revenir au mémoire, M. Lazure.

M. Lazure: Pardon?

M. Landry: Je ne veux pas régler Louis H. mais revenir...

M. Lazure: Mais tant mieux si les autorités du ministère, le ministre en particulier et ses collègues ont posé des gestes utiles aux bénéficiaires. Je m'en réjouis. Si l'on revient à quelques points qui ont été soulevés à même le contenu de votre mémoire, il reste que moi, je trouve qu'il faudrait essayer de creuser cette hypothèse-là d'une présence du Protecteur du citoyen dans le traitement des plaintes; non seulement dans la question comité de bénéficiaires et ombudsman mais aussi dans la question plus générale du traitement des plaintes. L'avant-projet de loi qui, à toutes fins pratiques, maintient le statu quo sur la question du traitement des plaintes, je pense que ce n'est pas satisfaisant, je pense qu'il faudrait regarder ça de nouveau. Merci.

Le Président (M. Joly): Merci, M. le député de La Prairie. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, Mme Carrier-Perreault.

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Ça va être une question très technique. Je ne vous donnerai pas trop de chances d'en mettre encore plus pour le ministre. Moi, je me demandais, j'écoute ça depuis aussi un certain temps et il semble qu'il y ait un malaise, en tout cas, au niveau de l'autonomie, que ce soit de la part des ombudsmans ou encore de votre part, peut-être à des niveaux différents. On parlait de liens d'autorité, de liens hiérarchiques dans le cas des ombudsmans, dans votre cas, vous autres, c'est le financement. Je regarde dans votre mémoire à la page 13, vous avez une recommandation qui prévoit... Vous dites que l'avant-projet prévoit la faculté pour certains comités de bénéficiaires de s'incorporer en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies avec les adaptations nécessaires. Alors, je me demandais, et j'aimerais vous entendre là-dessus, est-ce que c'est toujours en regard de cette recherche, si on veut, d'autonomie? Quels seraient les avantages autres que vous voulez avoir avec ce genre de... À la page 13, dans le bas. Recommandations 26.

M. Landry: Je voudrais souligner ici, M. le Président, qu'il y a une personne, qui est étudiant en droit, qui a collaboré à une recherche d'une façon très exhaustive sur la Loi sur les compagnies, la partie III, notre ami Alain

Camirand, qui a travaillé aussi comme étudiant stagiaire chez nous et qui travaille actuellement. Il a fait une recherche: les bons côtés et les mauvais côtés d'une incorporation en vertu des organismes à but non lucratif. Alain.

M. Camirand (Alain): Bon, du point de vue de l'incorporation, on avait considéré que ce serait une bonne chose de s'incorporer parce que, dans l'avant-projet de loi sur les services de santé et services sociaux, il n'y a rien, à part une disposition qui dit que les dossiers du comité de bénéficiaires doivent rester confidentiels, il n'y a rien qui empêche l'administration de s'immiscer dans l'élaboration des règlements du comité de bénéficiaires, dans la fixation de ses objectifs. Il n'y a rien, rien. Nous autres, on considère que l'incorporation serait une bonne chose parce que l'article 91 de la Loi sur les compagnies, qui s'applique à la partie III grâce à l'article 224, permettrait au comité de bénéficiaires de se donner des pouvoirs d'autonomie. Les administrateurs de la corporation fixeraient leurs propres règlements et fixeraient leur propre politique. Et on pense que ça serait une bonne chose. C'est un des arguments qui ont fait qu'on a demandé l'incorporation du point de vue autonomie.

M. Landry: Je voudrais souligner aussi à l'intérieur des établissements, en général, il y a certaines structures qui sont déjà incorporées et qui collaborent. Un exemple: Le syndicat a sa propre incorporation. Le Conseil des médecins, c'est reconnu, mais ils ont des liens très étroits avec la Corporation professionnelle des médecins. Alors, il y a déjà quand même des liens de structure.

Mme Carrier-Perreault: Est-ce que vous voyez quand même d'autres avantages? Par exemple, excusez mon ignorance, je ne suis pas du milieu de la santé et des services sociaux, est-ce qu'en étant incorporés de cette façon-là, mettons, ça ne vous donnerait pas aussi l'opportunité d'aller chercher, je ne sais pas, des dons ou des choses comme ça ou est-ce que le comité des bénéficiaires, tel qu'il est présentement, peut avoir les mêmes privilèges, avoir des dons, par exemple, et administrer des fonds qui viennent d'ailleurs que de l'établissement?

M. Camirand: II est probable que le comité des bénéficiaires peut recevoir des dons présentement et les administrer lui-même mais, du point de vue de la corporation, on est convaincus que ça nous permettrait peut-être d'exercer des activités lucratives accessoires qui resteraient, évidemment, liées aux objets du comité comme, mettons... Prenons l'exemple ici, une espèce de petite cantine mobile à l'intérieur de l'établissement hospitalier qui nous permettrait de ramasser des fonds que la corporation gérerait

do son propre chef, sans l'ingérence de l'hôpital. C'est un autre des... J'aimerais souligner aussi qu'une des grosses raisons pourquoi on demande l'incorporation, c'est la possibilité pour les comités de bénéficiaires d'ester en justice. (21 heures)

Présentement, l'avant-projet de loi prévoit que le comité de bénéficiaires peut représenter un bénéficiaire, l'assister s'il porte plainte. On peut aussi souligner que le Code de procédure civile permettra probablement aussi que le comité de bénéficiaires en défense - mais, en demande, ce n'est pas évident, c'est même très peu probable - puisse ester en justice. Or, on considère qu'il est anormal qu'un organisme créé pour la défense des droits des bénéficiaires ne puisse pas aller en demande, en justice, pour des choses qui peuvent lui tenir à coeur; pour des questions, il ne pourrait pas aller ester en justice en représentant des bénéficiaires. Ça semble anormal et, grâce à l'incorporation, on pourrait le faire. C'est un des points majeurs pour lesquels on demande ça.

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie.

Le Président (M. Joly): Merci, madame. Je pense que nous avons utilisé le temps mis à notre disposition. Au nom des membres de la commission, je tiens à vous remercier. M. le ministre, est-ce que vous aimeriez ajouter un mot?

M. Côté (Charlesbourg): Vous dire merci, évidemment...

M. Lazure: Je comprends.

M. Côté (Charlesbourg): Ha, ha, ha! M. Lazure est jaloux. Il dit: Je comprends.

M. Lazure: Presque, presque.

M. Côté (Charlesbourg): Vous dire merci pour le travail. Ce sera un document de référence, quant à nous, pour le travail qu'il nous reste à faire. Il en reste encore passablement à faire, de ce que je comprends lorsqu'on a une commission comme celle-là. On s'inspirera définitivement du travail que vous avez fait. Merci.

M. Landry: Je voudrais seulement souligner, M. le Président, que les comités de bénéficiaires désirent ardemment continuer leur forme de partenariat avec le ministère et actualiser plus cette recherche en profondeur au niveau du rôle du protecteur du citoyen. On retient cette remarque et on va envisager avec les différentes facultés, l'école du Barreau, de regarder ça de très près et acheminer nos recommandations au ministère.

Le Président (M. Joly): Merci, M. Landry. M. Lazure.

M. Lazure: Juste un mot de remerciement à la coalition. Je leur dis aussi: Ne sous-estimez pas le travail de l'Opposition.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Joly): Au nom des membres de cette commission, M. Landry, ainsi que les gens qui vous accompagnent, votre groupe, merci d'avoir été présents. Bon voyage de retour.

Je demanderais maintenant aux représentants du Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît, et prendre place.

Bonsoir, mesdames et messieurs. Il me fait plaisir, au nom de la commission, de vous souhaiter la bienvenue. J'apprécierais que la personne responsable s'identifie et qu'elle identifie les membres qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse

M. Boisvert (Jean-Claude): Mon nom est Jean-Claude Boisvert. Je suis directeur général du Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse. M'accompagnent et s'adresseront à vous la présidente du conseil d'administration, Mme Nicole De Grandmont-Fortier, M. Hugues Létour-neau, qui est membre du conseil d'administration, et Mme Carole Lalonde, qui est membre du conseil d'administration.

Le Président (M. Joly): Merci. Vous connaissez la procédure. On vous laisse une vingtaine de minutes pour nous présenter votre mémoire et, après, les membres de la commission, autant de l'Opposition que du côté ministériel, se réservent le plaisir et le loisir de vous poser les questions d'usage. Merci. Allez, madame.

Mme De Grandmont-Fortier (Nicole): Le

Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse, qui, anciennement, portait le nom de Conseil québécois de l'enfance exceptionnelle, oeuvre depuis 27 ans au sein du milieu québécois. Deux grandes missions l'ont de tout temps animé: la première, favoriser une meilleure qualité possible des services en influençant les politiques, les programmes destinés aux jeunes du Québec; la deuxième mission, fournir un support adéquat et original à tous les intervenants du réseau de l'éducation, des services sociaux et de la justice et cela, à travers toutes les régions du Québec.

Le CQEJ est reconnu comme étant un forum privilégié où des intervenants des réseaux des services, des parents et des jeunes peuvent venir partager leurs perceptions, souligner leurs besoins et définir les problématiques prioritaires

sur lesquelles il faut agir. C'est donc un organisme multidisciplinaire et panquébécois.

Pour y parvenir, le Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse organise un congrès annuel qui regroupe les intervenants de tous les réseaux, des colloques à thème, des stages provinciaux et régionaux et diffuse, par le biais de sa revue "Apprentissage et Socialisation en piste", les réflexions, tant du milieu universitaire que du milieu de la pratique, tant au niveau de l'éducation, des affaires sociales que de la justice.

Partant donc de cette mission du Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse, on se devait, M. le ministre, de vous faire part de nos réflexions sur l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux. Par le dépôt de notre mémoire, nous tenons, M. le ministre, à attirer votre attention sur certains points. Le Conseil, soucieux de la qualité des interventions éducatives, tient à affirmer l'importance des services accordés aux enfants et aux jeunes Québécois comme l'une des priorités à maintenir. De plus, le Conseil affirme que les modalités doivent permettre d'atteindre cette priorité, donc être fonctionnelles. Enfin, le CQEJ désire marquer l'importance de reconnaître des organismes communautaires et provinciaux voués à la promotion des intérêts des enfants et des jeunes du Québec.

M. le ministre, pour définir plus en détail les réflexions qui ont mené à des recommandations, je demanderais à deux officiers du conseil d'administration de faire brièvement le tour de nos réflexions. Tout d'abord, Me Hugues Létour-neau, du bureau du contentieux du CSSMM, qui vous exposera les problèmes des enfants et des jeunes de la province de Québec, puis Mme Carole Lalonde, de la Fédération des CLSC, abordera nos réactions face à l'avant-projet de loi. Pour terminer, je reviendrai, M. le ministre, pour vous apporter les recommandations que le CQEJ espère voir retenir. Je passe donc la parole à Me Létourneau.

M. Létourneau (Hugues): Merci. Bonsoir. Après plus de quatre heures de route, nous voilà enfin devant vous. Les réflexions qui nous viennent, et ça, suite à toute l'expérience que le Conseil québécois pour l'enfance et la jeunesse a pu développer, conserver depuis maintenant plus de 27 ans, c'est que nous nous devons de constater que, bien sûr, les ressources se font rares, que, bien sûr. l'argent se fait rare et que l'enfance aussi se fait de plus en plus rare.

Cependant, nous nous devons de considérer que l'enfant sera toujours un être faible, pauvre et dépendant. Parce qu'il a ces caractéristiques, il nous semble aussi normal que notre société ait des préoccupations spécifiques à son égard. L'enfant est toujours la personne qui s'adapte d'une façon constante à tous les changements de notre société. Pensons ici à la séparation, au divorce, à l'immigration, à la solitude, à la violence, aux drogues, au sida et à bien d'autres fléaux qui frappent notre société, mais qui frappent aussi plus durement les enfants que d'autres groupes de notre société.

Ce dont nous désirons faire part ce soir à la commission, c'est de notre désir et de notre croyance qu'il serait fondamental que l'enfant, dans le projet de loi que vous soumettez, soit qualifié, qu'on mette l'enfant sur un piédestal par rapport à des préoccupations de société à son égard. Notre inquiétude présentement, c'est que l'enfant soit considéré comme étant une personne et qu'on lui offre des services dans un contexte d'égalité. Ce que nous demandons, ce sont des services supérieurs, des services aussi qui s'offrent dans un contexte de prévention pour faire en sorte que des enfants victimes que nous retrouvons présentement et qui tombent sous le couvert de la Loi sur la protection de la jeunesse, il y en ait de moins en moins.

La Loi sur les services de santé et les services sociaux est une loi qui a, il nous semble, toute la prérogative de mettre des services à l'enfance, de ne pas attendre que l'enfant soit victime, de ne pas attendre que l'enfant soit maltraité, de ne pas attendre que l'enfant soit victime d'un abandon, mais, bien au contraire, que notre société par ses services sociaux ait les yeux bien ouverts sur l'enfance, qu'on soit toujours prêt à faire une intervention de qualité et qu'elle soit faite dans un contexte de besoins à l'égard de l'enfant. C'était ce dont nous voulions vous faire part, pour ma part, ce soir.

Mme Lalonde (Carole): Alors, je voudrais enchaîner, maintenant, avec les moyens qui sont mis de l'avant dans le cadre du projet de loi. Évidemment, dans l'ensemble des informations, des éléments qui sont mis de l'avant, le CQEJ a choisi de faire porter ses commentaires sur quatre volets principaux. Le premier, sur le regroupement des conseils d'administration unifiés. Le deuxième, sur la reconnaissance des organismes communautaires. Le troisième, sur le développement des ressources humaines. Le quatrième, sur le plan d'intervention individualisé. Alors, sans reprendre toute l'argumentation qu'il y a déjà dans notre mémoire, disons tout simplement, sur le plan des conseils d'administration unifiés, que le CQEJ estime, de par les pratiques qu'il a pu voir sur le terrain, qu'il y a danger à mélanger des approches, des missions qui sont trop différentes, qui risquent finalement d'homogénéiser peut-être certaines Interventions; un cadre aussi à l'intérieur duquel trop souvent le gros mange le petit, pour parler en des termes les plus clairs possible, et où finalement le citoyen ne se retrouve pas nécessairement plus, compte tenu que souvent les portes d'entrée restent aussi différentes les unes que les autres à l'intérieur de ces plus grosses structures. On

estime également que la loi permet déjà d'aller assez loin dans d'autres formes d'intégration qui sont plus intéressantes, peut-être, pour les jeunes.

Le deuxième point: quant à la reconnaissance des organismes communautaires, l'avant-projet de loi a une propension à voir les organismes communautaires un peu comme le prolongement du réseau institutionnel. Ça nous inquiète un peu. On pense qu'il y a un équilibre à maintenir entre l'autonomie des organismes et la complémentarité nécessaire qu'ils doivent établir avec le réseau public. Toutefois, ce qui nous préoccupe, c'est que les organismes communautaires, qui naissent souvent de l'initiative des citoyens et des groupes qui sont en dehors du système public, ont une originalité qui est à préserver, une originalité que le système public, souvent, ne peut pas avoir. Évidemment, on est conscients que ces organismes-là doivent rendre des comptes à l'État s'ils sont financés adéquatement. On pense qu'il y a des mécanismes souples qui peuvent être adaptés comme les rapports annuels, les rapports financiers, qui sont déjà des sources d'information quant à l'utilisation des fonds publics. Donc, on croit qu'il faut quand même, tout en étant conscients de la responsabilité que ces organismes-là ont vis-à-vis de l'État, que les moyens soient souples si on ne veut pas les noyer dans la bureaucratie. (21 h 15)

On veut insister également sur la reconnaissance d'organismes à portée provinciale qui sont souvent des forums indépendants où on peut regrouper, comme c'est le cas au CQEJ, différents intervenants, des partenaires, des gens qui s'intéressent à l'enfance et à la jeunesse, pour ce qui nous concerne et qui, donc, veulent aussi faire valoir un certain nombre de points de vue.

Le troisième élément porte sur le développement des ressources humaines. Comme vous l'aurez sans doute constaté déjà dans ce qu'on vient de vous dire, le CQEJ a fait beaucoup de choses en matière de formation. Chaque année, on constate combien les besoins sont immenses. Les nouveaux problèmes dont on vient de vous parler, les problèmes qui confrontent l'enfance et la jeunesse, appellent, croyons-nous, de nouvelles interventions. Il est fondamental d'insister sur le développement des ressources humaines compétentes, efficaces et aussi en bonne santé mentale, si je peux m'exprimer ainsi, pour agir auprès des jeunes du Québec.

Enfin, le dernier point porte sur le plan d'intervention individualisé. Le CQEJ a une longue expérience. En tout cas, par le biais de ses études, de ses analyses, de son implication en milieu scolaire, il a pu voir que si, souvent, c'est un principe qui est fort utile et bon, la pratique montre que les règles du jeu doivent être très claires, notamment en ce qui concerne la responsabilité de la coordination du plan de services et aussi ne pas croire que c'est un moyen de passer par-dessus l'utilisation de ressources, mais, qu'au contraire ça engage des ressources, qu'il faut mettre du temps à définir et à participer à ces plans de services là. Alors, donc, oui pour le principe, mais des conditions très précises doivent être mises en place pour que ce soit un outil efficace.

Le Président (M. Joly): Merci, Mme Lalonde. Est-ce que quelqu'un de votre groupe a autre chose à ajouter?

Mme De Grandmont-Fortier: Oui, s'il vous plaît. J'aimerais citer les sept recommandations que le mémoire veut porter à l'attention du ministre, que nous considérons comme étant un minimum de garanties pour des services adéquats aux jeunes et aux enfants de chaque région du Québec: 1° que l'Assemblée nationale accorde les crédits suffisants au ministre de la Santé et des Services sociaux pour faire de nos enfants et de nos jeunes une priorité majeure; 2° que l'avant-projet de loi soit amendé afin de renoncer à l'administration de plusieurs établissements par un seul conseil d'administration; 3° que l'avant-projet de loi accentue les pouvoirs de coordination des régies régionales pour favoriser la rationalisation des ressources consacrées aux clientèles des établissements; 4° que les organismes communautaires reconnus par l'avant-projet de loi soient financés adéquatement, pour une contribution large aux objectifs de santé et de services sociaux, sans mécanisme de contrôle onéreux; 5° que le ministère de la Santé et des Services sociaux finance adéquatement les organismes communautaires qui s'occupent, pour l'ensemble du Québec, de la défense des droits ou de la promotion des intérêts des populations particulières; 6° que le ministère de la Santé et des Services sociaux finance adéquatement les organismes communautaires qui offrent à la grandeur du Québec des programmes de perfectionnement reconnus et pertinents par un soutien de base; 7" que le ministère de la Santé et des Services sociaux prévoie les mécanismes d'implantation souhaitables pour favoriser l'application du concept de plan d'intervention individualisé dans les établissements.

La jeunesse, c'est notre avenir et, dans le présent, cet avenir, M. le ministre, nous semble être en détresse. Nous vous en supplions, ayez un regard bienfaisant et actif envers les jeunes et les enfants de chaque région du Québec Nous sommes disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Joly): Merci, madame Je vais maintenant reconnaître M. le ministre. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Côté (Charlesbourg): Lorsque le Conseil parte d'enfance et de jeunesse, je pense que vous l'avez présenté tantôt do bonne manière, avec

une situation que l'on vit chaque jour: bouleversement de la société, bouleversement de la famille, avec tout ce que ça comporte comme problèmes vécus par les enfants. Vous touchez là un des points extrêmement importants. Lorsqu'on parlait du problème du vieillissement - je dis toujours "problème" et je me fais reprendre, chaque coup - lorsqu'on parle de la problématique du vieillissement au niveau du Québec comme étant une priorité et qu'on parle aussi de la jeunesse, avec tout ce qu'on a à vivre comme listes d'attente un peu partout, c'est une situation qui est un peu dramatique, à laquelle il faut s'adresser le plus rapidement possible pour tenter de régler un certain nombre de problèmes. Ce n'est pas toujours facile, évidemment, et vous en convenez avec nous.

Parmi les recommandations, la première, en tout cas, pour moi, c'est un réconfort. Je n'ai pas de difficulté à vivre avec la première recommandation; je ne sais pas comment est-ce que le président du Conseil du trésor vivra avec, mais, en tout cas, moi, je vis très bien avec.

La deuxième, vous dites: "Que l'avant-projet de loi soit amendé afin de renoncer à l'administration de plusieurs établissements par un seul conseil d'administration". Je me suis déjà pas mal prononcé sur la survie des conseils d'administration unifiés, tels que proposés dans la réforme. Je pense qu'on n'est pas rendus là et on risque de se priver d'une série de bénévoles compétents et qui représentent très bien leur milieu. On risque de faire disparaître l'attachement > de certaines personnes à un conseil d'administration, donc, dans son milieu, avec tout ce que ça comporte d'incitations auprès des fondations d'établissements. Quant à moi, il n'y aura pas de conseils d'administration unifiés de la manière dont on l'a mis dans le document.

Cela étant dit, je pense qu'il y a de la place pour regrouper un certain nombre d'établissements, un certain nombre de services pour, effectivement, bien sûr, "sauver" des sous, mais pouvoir les réallouer, ces sous-là, à des priorités. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a de la place, au moment où nous parlons, pour regrouper un certain nombre de services non pas de manière législative mais davantage avec des incitatifs qui nous permettraient de réallouer ces ressources-là pour en donner davantage à ce qu'on appelle le bénéficiaire, que ce soit un enfant, un jeune ou que ce soit une personne plus âgée?

M. Boisvert: Si vous le permettez, j'aimerais répondre à cette question. J'ai le sentiment que les membres du conseil d'administration, ceux qui travaillent au CQEJ depuis longtemps... L'expérience des individus fait qu'il peut y avoir certains regroupements, mais tout dépend des régions et de la mission des établissements. Par exemple, j'ai été directeur de la planification dans un CRSSS pendant cinq ans. Dans la région de Montréal, si on essaie de regrouper de gros centres d'accueil comme le Mont Saint-Antoine avec d'autres gros centres d'accueil semblables, je n'ai pas le sentiment qu'on va gagner grand-chose a regrouper ces établissements. Est-ce qu'on voudrait regrouper des établissements de nature différente qui visent les mêmes clientèles, une partie de ce qui existe comme fonctions au DPJ, des CSS avec certains centres d'accueil? Encore là, selon les régions, il y a des essais qui se font. Je ne sais pas, moi, je m'en vais à Baie-Comeau bientôt, il y a des essais d'intégration et de concertation qui se font de façon heureuse, mais c'est découper la mission des établissements selon les clientèles. Ça pourrait vouloir dire des modifications aux cinq types d'établissements qui sont proposés par l'actuel avant-projet de loi.

Alors, quand je regarde notre environnement particulier à Montréal, en plus, avec les enfants des communautés culturelles, est-ce que c'est le CLSC Centre-Ville qu'on devrait regrouper avec d'autres services? Il me semble qu'il y a des variables: mission des établissements, région, taille des établissements, qui sont en jeu, qui sont complexes et ça nous semble, en tout cas, un défi important, à moins de regrouper uniquement des établissements de même nature: deux CLSC, deux territoires contigus, Longueuil-Est, Longueuil-Ouest. Oui, je peux penser qu'il y a peut-être des choses à regarder de ce côté-là.

Dans la perspective enfance-jeunesse, on touche DPJ, CSS, centres d'accueil, mésadaptés socio-affectifs, équipes CLSC jeunesse, enfance, les programmes de prévention des CSLC, les centres d'accueil pour handicapés physiques ou en déficience intellectuelle, les parents qui gardent leurs enfants à domicile. C'est tellement de nature différente que j'ai peine à voir comment est-ce qu'on peut réaliser un tel défi.

Mme Lalonde: J'aimerais peut-être juste compléter. Il y a déjà, je pense, des interfaces qui existent. Par exemple, on sait que les infirmières en milieu scolaire travaillent avec les enseignants. D'ailleurs, souvent les principaux collaborateurs du personnel d'intervention des CLSC sont les enseignants qu'on retrouve déjà dans les écoles et qui peuvent, à partir, donc, de leur expertise propre à chacun, développer des projets directement auprès de la clientèle. Il y a aussi tout un mouvement, actuellement, différents protocoles au niveau régional qui se définissent entre les établissements, justement dans une perspective d'aider les jeunes. On pense, notamment, aux protocoles régionaux autour des cas connus de la Direction de la protection de la jeunesse qui sont signalés par les établissements, mais qui sont toujours sur une liste d'attente. Donc, quoi faire avec ces cas-là? Donc, il y a plein d'autres mécanismes qui existent pour... Parce que le souci d'intégrer... En tout cas, tout dépend des objectifs qu'on poursuit en unifiant

ou en regroupant des services, mais, si on veut offrir un meilleur service aux jeunes, je pense qu'il faut regarder peut-être les mécanismes actuels, ceux qui ont porté des fruits et ceux qui n'en portent pas. Mais je pense qu'il y a du potentiel déjà; si on pense aux CLSC qui souvent donnent naissance à des maisons de jeunes ou donnent naissance à des organismes au plan local qui peuvent rejoindre mieux les jeunes parce que les jeunes s'y retrouvent mieux. Je pense qu'il y a donc là aussi une foule de mécanismes qu'il faudrait exploiter avant de songer à regrouper, sur une base administrative, des services. Mais l'un n'exclut pas l'autre.

M. Côté (Charlesbourg): Puisque vous êtes là, ça me rappelle... Au nombre de papiers qu'on passe et dont on prend connaissance, excusez-moi si les chiffres ne sont pas très, très précis, mais, comme vous êtes là, je pense que vous êtes peut-être des intervenants privilégiés. J'ai vu dans les rapports - puisque vous parlez de listes d'attente un peu partout et particulièrement au niveau de la jeunesse - que, si ma mémoire est fidèle, en l'espace de cinq ans, les signalements sont passés de 19 000 à 50 000 cette année, ce qui me paraît extrêmement impressionnant comme phénomène. Et, évidemment, quand on parle de listes d'attente, ça dépend toujours un petit peu du nombre de signalements qu'on a. Comment est-ce que vous expliquez qu'en l'espace de cinq ans on puisse passer de 19 000 signalements à 50 000? Même je pense que c'étaient 52 000 signalements pour l'année qui est en cours.

M. Létourneau: Si vous me permettez, je travaille dans le milieu de la protection de la jeunesse depuis maintenant dix ans. Ce qu'on peut constater dans les cinq dernières années, c'est qu'il y a eu une conscientisation de la population, je pense, qui s'est faite à l'égard de l'enfance, donc à l'égard des devoirs du citoyen de signaler la situation d'un enfant dont la sécurité et le développement pourraient être compromis. Ça, je pense que c'est une des facettes qui est importante. Il y a plus de signalements parce que le citoyen se sent plus concerné que dans le passé.

Dans un deuxième temps, lorsqu'on regarde la situation de l'enfance, dans la région de Montréal que je connais plus, il est clair que la société a changé. Il est clair qu'il y a plus d'enfants qui sont laissés à eux-mêmes. Il y a aussi des mélanges de populations qui ont changé le tissu de nos villes. On ne parle plus des mêmes villes qu'il y a dix ans, qu'il y a cinq ans. Il y a aussi des problèmes au niveau des conditions de vie de nos familles qui ont aussi changé. Il y a plus de pauvreté qu'il y en avait. Le milieu scolaire aussi travaille peut-être différemment. (21 h 30)

Est-ce qu'on s'occupe vraiment des enfants jusqu'à un certain seuil ou si on n'a pas tendance à les passer à la protection de la jeunesse? Plus tôt, je vous faisais part que ce qui est important, c'est la prévention, de faire en sorte qu'un enfant, autant que faire se peut, ne passe pas sous l'égide de la protection de la jeunesse, pas parce que ce n'est pas profitable, mais parce qu'on vient de franchir une nouvelle marche, une nouvelle marche qui a beaucoup d'importance en termes de relations entre l'enfant et son parent et l'enfant et son milieu Et ça, je penso que ce n'est pas à minimiser. De là, il me semble que, dans une loi telle que celle que nous avons, telle que votre projet de loi le propose, il est important que le Parlement dise: Pour l'enfant, nous mettrons des ressources. Nous vouions aussi que notre société ait des préoccupations particulières pour l'enfant, et ce, parce qu'il y va de son avenir et il y va aussi de l'avenir de notre société. Enfin, c'est un peu... Je ne pourrais pas répondre à tout. Je pense qu'il y a une multitude de "parce que", pourquoi ça a passé comme ça.

M. Boisvert: Si vous me le permettez, j'aimerais bonifier et rajouter qu'on va avoir bientôt un événement avec la Fédération des CLSC. On s'attend à avoir 500 ou 600 personnes autour de nous pour travailler pendant deux jours sur la question de la famille, les changements au niveau de la famille en transition; la séparation, le divorce, la famille recomposée et l'impact sur les intervenants en milieu scolaire, l'intervention en centre d'accueil, l'intervention auprès d'un enfant handicapé, tous azimuts. Il y a un chercheur ici, à l'Université Laval, Richard Cloutier, qui faisait la démonstration - c'est dans une revue du mois de janvier de cette année - que, dans la consultation psychologique en milieu scolaire, il y a une plus grande proportion de jeunes avec des troubles de comportement qui ont vécu une première séparation ou un divorce. Ce n'est pas la situation monoparentale qui crée ça, c'est l'absence du père. C'est l'absence d'un certain nombre de... C'est un deuil à faire.

La violence, par exemple, dans les écoles. Nous, on a été amenés à intervenir au niveau de la CECM qui nous a demandé notre expertise pour regarder avec quelques chercheurs et d'autres intervenants si cette croissance de la violence est réelle, de quelle façon l'appréhender, les troubles de comportement derrière ça. Et tout ça nous amène à voir jusqu'à quel point, depuis cinq ans, il y a des phénomènes qu'il ne faut pas sous-estimer. Par exemple, certains d'entre nous ont fait partie de conseils d'administration dans le passé de groupes communautaires de communautés culturelles. De voir même entre les groupes à Montréal, dans certains quartiers, une certaine rivalité au niveau des jeunes... Ce ne sont pas les communautés culturelles qui sont sources de violence, c'est le choc des cultures,

quand on voit que, dans les commissions scolaires de l'île de Montréal, c'est rendu un enfant sur deux, autre que britannique et francophone. Il y a des nouveaux phénomènes, et je ne suis pas sûr que ça va réduire le nombre de signalements. Les enfants maltraités dans la communauté haïtienne, ce qu'on en dit, c'est un trait culturel qui n'est pas facile à Identifier et à traiter avec les parents parce qu'il y a quelque chose de différent de notre culture. Il y a des problématiques de ce type - je tourne les coins ronds un peu - qui nous font croire que ce n'est pas vraiment artificiel. Il y a des changements de valeurs, les gens signalent davantage, mais il y a de nouveaux phénomènes qu'il ne faut pas sous-estimer, dont celui de la violence en particulier.

Le Président (M. Joly): Me Létourneau.

M. Létourneau: Si vous me le permettez, j'aimerais juste donner un exemple à la commission. Il y a douze ans, j'ai fait une incorporation dans la région de Montréal qui était une résidence pour des gens qui souffraient de problèmes d'alcoolisme. À ce moment-là, on parlait des clochards. La moyenne d'âge était de 55 ans dans cette maison où il y avait 25 personnes. Et la moyenne d'âge présentement, douze ans après, on parle entre 25 et 30 ans. Si ça peut vous donner... Alors, si on recule de dix ans, on a affaire à des mineurs. On pourrait s'interroger sur ce que ces mineurs ont vécu pour devenir ce qu'ils sont et sur ce que la société a fait pour eux et ce qu'elle n'a pas fait pour eux. Est-ce qu'on a rempli tous nos devoirs ou est-ce qu'on aurait pu faire plus? Je pense qu'on fait toujours beaucoup. La question, c'est: Est-ce qu'on peut faire plus et pourquoi il faut faire plus? Parce qu'il y a des frais considérables qu'on va devoir supporter très longtemps si on reste dans l'inactivité, à l'égard des 0-18 ans.

Le Président (M. Joly): Merci. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): C'est un bon témoignage et je suis très heureux que cette question-là soit venue parce que ça permet d'avoir le vécu et je pense que ça ne pouvait pas venir de meilleures personnes que vous autres. Vous demandez, à la recommandation 3, "que l'avant-projet de loi accentue les pouvoirs de coordination des régies régionales pour favoriser la rationalisation des ressources consacrées aux clientèles des établissements." C'est ce qu'on essaie de faire en passant le message de nos régies régionales. Est-ce que c'est ça que vous retrouvez dans notre proposition ou si on devrait aller plus loin pour corriger des exemples que vous pourriez nous donner?

M. Boisvert: Je pense que de la discussion que j'ai entendue des membres du conseil d'ad- ministration sur ces questions-là, et il y en a plusieurs qui sont dans le réseau depuis fort longtemps, c'est davantage que l'avant-projet de loi sous sa forme actuelle devrait même peut-être aller un peu plus loin en termes de mécanismes autour des commissions administratives pour déléguer en région des décisions qui, anciennement se prenaient à Québec - les établissements pouvaient contourner les CRSSS pour aller à Québec - et pour obliger à ce que des décisions régionales se prennent. J'ai entendu des commentaires de membres du conseil disant: Est-ce que même, dans certaines régions, on ne pourrait pas concevoir que des individus ou des corporations puissent avoir des responsabilités régionales plus poussées que celles qui existent présentement?

Si on regarde dans le domaine de l'enfance et de la jeunesse, il y a place à ce que, par exemple, une région... Je connais bien Lauren-tides-Lanaudière, mais quand la Maisonnée Laurendière est responsable des enfants déficients intellectuels, qui ont des services en foyers de groupes, en logements protégés ou à la maison avec les parents, si on reconnaît l'expertise du DSP, le directeur des services professionnels de la Maisonnée Laurendière dans toute la région, pourquoi ne lui donnerait-on pas la responsabilité de s'occuper de l'encadrement et du perfectionnement de l'ensemble des autres ressources qui s'occupent de déficience intellectuelle? On a le sentiment que, ayant déjà vécu l'expérience d'un CRSSS, il y a place à ce que vous donniez plus de possibilité et d'autorité aux régies régionales pour prendre des décisions et pour obliger des établissements, comme Carole le disait tantôt, à s'entendre sur des contrats de services, à s'entendre sur qui prend en charge les populations cibles ou à éviter qu'un jeune, ou un enfant, ou une autre clientèle ne se retrouve entre deux chaises. Moi, je résumerais avec le mot "autorité".

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je comprends, c'est que, dans la situation actuelle, le plus grand handicap, c'est que les gens peuvent toujours faire appel à la cour suprême qui est Québec?

M. Boisvert: Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Alors...

M. Boisvert: D'expérience, je pourrais vous en donner toutes sortes d'exemples. Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Une dernière question, à moins que M. le Président...

Le Président (M. Joly): Allez, M. le ministre, oui.

M. Côté (Charlesbourg): Une dernière question sur les groupes communautaires, avec le financement. Ce qui me fait toujours un petit peu peur lorsque j'entends le discours que vous avez évoqué tout à l'heure et qui, de toute façon, a été repris par bien des gens, c'est pleine autonomie et pas de gens qui vont récupérer ce que le réseau n'est plus capable de faire. Ça me fait peur un petit peu parce que ce n'est quand même pas de la petite bière. C'est quoi? 57 000 000 $ qu'il y a dans ces programmes-là et qui vont nécessairement augmenter au fil des prochaines années, compte tenu du besoin et compte tenu aussi de l'apport exceptionnel qu'on a de ces groupes communautaires ou de ces actions bénévoles. Mais, comment est-ce qu'on fait pour parler de complémentarité? Parce qu'il va bien falloir tantôt que l'argent qui est dévolu à des organismes communautaires ou à des comités de bénévoles aille aussi dans des orientations ou dans des priorités gouvernementales. Si dans nos priorités on parle d'enfance et de jeunesse et de vieillissement, il va bien falloir qu'il y ait une direction de donnée quelque part et que l'argent aussi dans ces domaines suive les priorités qu'on a sur le plan provincial.

M. Bolevert: Si vous me le permettez, je vous dirais, et les membres compléteront, que chez nous, par le contact qu'on a avec beaucoup de groupes communautaires qui sont membres chez nous, les gens, je pense, ne tiennent pas un discours où on essaie d'ignorer les mécanismes de contrôle. J'ai le sentiment que le développement des planifications régionales d'organisation de services, que ce soit en santé mentale ou au niveau mésadaptation ou à d'autres niveaux... Bien sûr, si le ministère ou les futures régies régionales financent les organismes, il y a peut-être lieu de distinguer deux types de financement.

Le premier, peut-être que le ministère aurait avantage, avec les régies régionales, à reconnaître le financement d'organismes communautaires qui agissent dans des champs prioritaires pour des financements de base en reconnaissant que leur apport, indépendamment de la planification régionale, est un apport qui est judicieux et, par ailleurs, à avoir du financement par projet ou par programme pour des actions bien précises reliées à la planification régionale. Le danger, c'est qu'on évolue d'ici quelques années de telle sorte que les groupes communautaires seront perçus comme des sous-contractants à travers les valeurs des professionnels et des administrateurs du réseau de la santé et des services sociaux. Là, j'ai mes patrons, à côté de moi, qui en sont. Je pense qu'il faut prendre une distance à la fois des normes, des valeurs et de la façon de fonctionner du réseau, mais, en même temps, oui, vous avez raison, il faut que ce soit complémentaire. S'il y avait place à double financement... Un groupe com- munautaire qui oeuvre dans une section troisième âge, handicap, jeunesse, etc., on lui reconnaît - il existe depuis tant de temps, ça fonctionne bien - un financement de base.

Par ailleurs, il y a un certain nombre de programmes qu'on veut développer en complémentarité, réseau officiel communautaire. Il y a de l'argent consacré à cette complémentarité. Tout l'un ou tout l'autre est faux, mais je pense que c'est l'agencement entre les deux qui serait judicieux.

Le Président (M. Joly): Merci. Aimeriez-vous ajouter quelque chose, M. Létourneau?

M. Létourneau: Oui, s'il vous plaît. Concernant les groupes communautaires, je pense que c'est fondamental aussi qu'on constate qu'il s'agit là d'une mine d'or pour la société. Ce sont des groupes qui s'organisent et qui répondent à des besoins que les citoyens constatent. Lorsqu'on parle d'orientations ou de décisions qui viennent du ministère ou d'organismes qui fonctionnent, ce n'est pas toujours le même point de vue que le citoyen qui, dans son quartier, constate qu'il y a tel problème et qu'il serait nécessaire qu'on s'organise pour y répondre. Ce n'est pas le même point de vue et ces groupes-là ne fonctionnent pas avec les mêmes besoins; ils n'ont pas toujours aussi des principes de permanence. Alors, lorsqu'il y a des demandes de supervision, de rendre des comptes, parfois ça constitue une tâche supplémentaire à ce bénévolat. Je dirais, pour avoir fait du bénévolat dans les quinze dernières années où j'ai été pas mal présent auprès de plusieurs groupes, que c'est le hic qui fait déborder le vase. Tu viens de donner dix heures de ta semaine et là, il faut que tu en donnes deux pour compléter les formulaires. Là, on vient de tuer la madame, le monsieur, la fille ou le garçon. Ces deux heures-là sont comme de trop.

Je pense que, s'il y a des comptes que vous désirez - et je pense que c'est normal qu'on rende compte de ce qu'on fait avec les deniers publics - il faut peut-être voir comment tout ça peut se faire dans un contexte qui est respectueux pour la personne qui donne de son temps. L'argent qui vient est souvent non pas pour payer des salaires, mais pour payer de l'équipement, pour payer de l'organisation qui est essentielle au fonctionnement et pour que ça dure. Pour ces groupes-là, très souvent, le problème, c'est la continuité. La continuité, pourquoi n'y est-elle pas? Parce qu'on décourage parfois les gens.

Il faut avoir monté un camp de jour durant l'été pour savoir qu'à tous les mois d'avril, quand tu repars ta machine, ça te prend de l'énergie et, quand tu arrives au mois de septembre, tu es épuisé. Puis, aux mois d'octobre et novembre, il faut que tu rendes des comptes, tu n'as plus le goût. Qu'est-ce que tu fais? Est-ce

que c'est parce que tu as mal dépensé cet argent ou que tu n'as plus l'énergie pour rendre compte à ton mandant? Le problème est là et je pense qu'il y a sûrement des solutions que le législateur, que les fonctionnaires peuvent apporter. Il faut se dire tout de suite: Est-ce qu'il y a une présomption de bonne foi ou si les groupes sont présumés mal se servir de cet argent? Je vous rappellerai que, dans notre bon vieux Code civil, il y a une présomption de bonne foi.

Le Président (M. Joly): Merci. De la façon dont ça fonctionne, je vais vous expliquer, vous répondez toujours sur le temps du ministre et le temps du ministre est déjà écoulé. Je voudrais quand même reconnaître l'Opposition et peut-être qu'à l'intérieur des questions de l'Opposition vous serez en mesure de glisser votre élément de réponse en supplément.

Je vais maintenant reconnaître la députée de Chicoutimi, s'il vous plaît. (21 h 45)

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. D'abord, je connais vos travaux, j'apprécie ce que vous faites, d'ailleurs. Je dois dire qu'on est toujours plus sensibles quand on se reconnaît dans certaines recommandations. À la page 12 de votre mémoire, lorsque vous dites: "II est nécessaire de faire de nos enfants et de nos jeunes une priorité tout aussi importante que les personnes âgées", je vous dis que ça me rejoint. Ça me rejoint parce qu'il me semble urgent qu'on reconnaisse que ce sont les deux bouts de ce que j'appelle le spectre où devraient être les clientèles cibles. Si on veut avoir demain des personnes âgées en santé, il faut commencer tout de suite avec les enfants et, si on veut avoir des jeunes capables de faire vivre les personnes âgées, il faut qu'on s'en occupe.

Actuellement, on sait avec une précision, avec une marge d'erreur extrêmement faible, où vont se trouver, dans les milieux scolaires, les décrocheurs dans quinze ans d'ici. On sait exactement où ils se trouvent avec une marge d'erreur extrêmement faible. Ils sont, comme par hasard, dans les milieux défavorisés, comme on sait où seront davantage les enfants négligés et ainsi de suite.

Donc, il faut avoir, par rapport aux enfants, l'approche qu'on a en environnement. En environnement, il n'y a plus personne... En tout cas, on commence à questionner l'idée qu'il faut mettre un filtre au robinet. On va voir les causes de la pollution. Je me dis: En environnement et en santé, il faut avoir la même approche et il est urgent qu'on réalise ça. Il y a des expériences américaines intéressantes, j'en profite pour le dire, où ils estiment que les plus grands succès sont obtenus lorsqu'on intervient en périnatalité dans les milieux défavorisés.

Il est urgent qu'on ait une politique de l'enfance et de la jeunesse. Tout ce qu'on n'investit pas de zéro à 10 ans, on l'investit malheureusement de 10 à 70 ans. C'est juste un calcul économique. Je m'excuse un peu de le prendre sous cet angle, mais, pour nous, c'est important, et on a travaillé longuement là-dessus, sur ce que devrait être une politique de la petite enfance et de la jeunesse.

Il y a des problèmes que vous avez soulignés, qui sont les listes d'attente à la DPJ. Les familles d'accueil pour les enfants, il y a un contingentement et ça pose un problème. Mais il s'est ajouté un nouveau problème - et j'imagine que ça doit être dans les autres régions aussi - compte tenu des compressions budgétaires, de gel de personnel dans les palais de justice, pour les ordonnances d'expertise psychosociale pour fins de déterminer à quelle place l'enfant va être gardé, chez le père ou la mère, les délais d'attente sont de 12 à 24 mois. Il se détériore, c'est bien évident, hein, s'il n'est pas vraiment à la place où il devrait être-Ce sont des problèmes qui, pour le moment, ne nous coûtent rien parce qu'on a économisé, en tout cas, on économise. Des fois, c'est une occasionnelle ou on n'a pas comblé tout de suite le poste de permanent qui est vacant, mais ça va nous poser des problèmes qui vont nous coûter énormément cher tantôt.

Là-dessus, je dois vous dire que, quand ça touche les enfants, je trouve qu'on fait preuve d'inconscience parce qu'on est toujours en train d'éteindre les feux, mais ces jeunes ne seront pas en mesure de payer pour une population vieillissante.

Vous avez abordé la question de l'intégration et de la décentralisation. Vous me permettrez d'aller aussi loin que de se demander si on ne devrait pas - et c'était l'approche que nous avions proposée, nous - réunir dans un territoire de CLSC, mais sous le CLSC, la responsabilité de l'application la plus large possible de toutes les mesures de soutien destinées aux enfants. Là, on sait que les CSS se partagent ça, la DPJ; vous avez les écoles, les hôpitaux. Moi, ce qu'on m'a raconté, par exemple, c'est que, dans les cliniques d'urgence, à l'hôpital, il arrivait qu'on signale un enfant qui avait subi des mauvais traitements jusqu'à trois fois, il revenait trois semaines après, il revenait trois semaines après. Et il n'y avait pas de contact avec l'école. Ils le signalent à la DPJ, la DPJ ne le signale pas à l'école ni au CLSC, ce qui fait qu'on perd l'enfant dans le système.

Est-ce qu'il y a moyen de se donner une structure qui nous permette un peu de suivre l'enfant, je dis de la périnatalité au moins jusqu'à la fin du primaire et est-ce que ce lieu, il ne serait pas avantageux qu'on l'identifie comme étant le CLSC? Si c'est le CLSC qu'on choisit... On sait que 80 % du travail du CSS consiste précisément à offrir des services... C'est la DPJ. Est-ce qu'on peut penser qu'éventuellement ça pourrait être offert en très grande partie par les CLSC? Donc, rapprocher ça un peu

du monde.

Mme Lalonde: Je pense que l'esprit de ce qu'on voulait communiquer, c'était aussi de développer des services le plus près des gens, le plus près des enfants, des parents, que possible. Tantôt, on soulignait qu'il y avait une liste d'attente des enfants qui sont signalés. On a évoqué un peu pourquoi. Ce qu'on oublie aussi très souvent, c'est quand même une modalité. Si ces jeunes aboutissent là si souvent, c'est peut-être que les mécanismes d'aide ou de support au niveau de la prévention du réseau communautaire ne sont pas suffisamment importants, et ils sont débordés par la tâche.

Il faut aussi voir que le nombre semble important. C'est quand même 2 % à 5 % de la population entre zéro et 18 ans qui aboutit à la protection de la jeunesse. Donc, il reste quand même, en tout cas, une très large place pour développer des services qui vont venir en aide aux jeunes, car, sans avoir des problèmes aussi graves qui nécessitent une intervention de protection, il n'en demeure pas moins qu'ils peuvent vivre des problèmes suffisamment graves pour que, rendus à l'âge adulte, ce soit inquiétant. Si ça doit être dans un CLSC ou pas, je ne pourrais pas répondre directement, mais je pense que plus c'est près du milieu naturel des enfants, des jeunes et des parents, mieux c'est aussi.

Pour compléter, tantôt on parlait des organismes communautaires, comme quoi c'est important qu'ils aient une certaine autonomie et qu'ils puissent aussi être complémentaires. Mais il faut peut-être savoir, en tout cas, à tout le moins pour les adolescents, que, souvent, les initiatives viennent des parents ou des jeunes eux-mêmes. Les jeunes, quand ils ont des problèmes, ce n'est pas aux professionnels qu'ils en parlent en premier. C'est d'abord à d'autres jeunes, à d'autres personnes qui leur ressemblent. Donc, je pense qu'il y a là un potentiel à développer, tout le réseau de la première ligne, le réseau communautaire, pour pouvoir, justement, faire place à ce genre d'aide que les jeunes eux-mêmes peuvent se fournir entre eux ou que les parents peuvent se fournir entre eux.

Mme Blackburn: Mais est-ce que je vous traduis bien si je dis que, si vous, vous aviez à prendre une décision sur cette question quant à définir un lieu où on retrouverait l'ensemble, un lieu de coordination - j'allais dire de contrôle - de dispensation des services aux enfants, ça pourrait être le CLSC?

M. Boisvert: Si vous me le permettez, quand vous le formulez comme ça, c'est large parce que, quand on parle des services aux enfants, est-ce que ça comprend les enfants handicapés physiques, mentaux? Alors, là, j'ai le sentiment qu'à l'échelle d'un territoire de CLSC ça voudrait dire multiplier des expertises qu'on a peut-être intérêt à regrouper sur le plan régional. Si je regarde, par exemple, les interventions qui se font auprès d'enfants atteints de paralysie cérébrale, à moins de vouloir que les CLSC soient des courtiers de ressources ou d'aller les chercher dans des centres d'accueil ou à d'autres endroits, on ne pourrait pas fournir, par territoire de CLSC, tous les services qu'on peut obtenir à l'hôpital Marie Enfant, à Sainte-Justine ou bien dans le milieu scolaire, à Victor-Doré. Alors, j'ai le sentiment que ça dépend. Quand vous le prenez large comme ça, il faut voir chacune des clientèles. Si on prenait juste enfance, protection de la jeunesse, retour dans le milieu, service, prévention, je peux voir qu'il y a quelque chose là. Mais si on regarde d'autres problématiques: alcoolisme, handicaps, troubles d'apprentissage, troubles de comportement, je ne suis pas sûr, vraiment. J'ai le sentiment qu'il y a des distinctions à faire.

Mme Blackburn: Vous pourrez peut-être répondre en même temps. Je me disais qu'il faudrait qu'on ait... En tout cas, j'imaginais qu'on aurait avantage, collectivement, à avoir une porte d'entrée pour éviter qu'à un moment donné on ne perde... Vous savez, si vous prenez l'enfant en périnatalité, vous l'avez ensuite à la naissance, avec la jeune maman, pour les injections, le suivi, ainsi de suite, vous êtes déjà capables de savoir un peu comment ça se présente, surtout quand vous êtes dans ce qu'on appelle les milieux à risque. Ensuite, vous êtes aussi au fait de ce qui se passe à l'école, s'il a des problèmes d'apprentissage, s'il a l'air d'être craintif, il est peut-être négligé, ou affamé le matin, sur le point de s'évanouir, parce qu'on sait aussi que ça arrive, parce qu'il n'a pas mangé depuis la veille.

Alors, ce qu'on me répète, c'est que le problème, c'est que c'est trop complexe, il y a trop de portes d'entrée. Et l'idée, c'était: est-ce qu'on ne pourrait pas avoir un lieu, une porte d'entrée, un guichet, un responsable identifié et connu qui s'occupe aussi de la famille? Parce que les problèmes des enfants, quelqu'un me faisait la remarque tantôt, ce n'est pas que les parents... Les enfants négligés, battus, violentés, ce sont des enfants mal aimés. Ce ne sont pas des enfants qu'on n'aime pas, on les aime mal. C'est difficile à concevoir, mais ça doit ressembler à ça. Le problème, c'est qu'il faut soigner la famille en même temps.

Est-ce que ce n'est pas, finalement, le CLSC... Je reviens à ça parce que c'est ce qui me semble le plus proche de ce qu'étaient avant l'église et la paroisse, où il y avait une espèce de référence, où on retrouvait ses ressources, ses contacts, ses amis, les copains à qui on contait les choses.

M. Létourneau: Si vous me le permettez, moi, j'y vois deux problèmes. Je vois un problè-

me de continuité dans les services; s'il y a deux ou trois secteurs qu'on implique en tant que secteur de première ligne, secteur de seconde ligne, le problème, c'est la continuité dans l'intervention. Le deuxième problème, c'est le transfert des dossiers. C'est la continuité qui s'en ressent. L'idéal, ce serait d'avoir certaines structures qui permettent aux gens de travailler ensemble, de collaborer et de ne pas se sentir séparés par des structures. Que je sois dans un CSS, dans un CLSC, dans un hôpital, dans le fond, ce qui est important, c'est la personne, c'est l'enfant.

Est-ce que la structure présentement, ce qui est proposé dans le projet de loi permet une bonne communication entre les groupes et permet de générer et d'engendrer le goût de travailler, tout le monde ensemble? Il me semble qu'à vouloir remettre ça à un groupe plus qu'à un autre, est-ce qu'on ne vient pas de repartir des batailles de pouvoir: qui fait quoi et quand est-ce que je le fais? Et ça, je pense que, du moment qu'on se pose ces questions, on vient de mettre un certain délai dans l'exécution de l'intervention.

Mme Blackburn: Est-ce qu'on n'évite pas ce problème-là lorsqu'il y a une autorité reconnue? Je reviens toujours à ma structure. D'abord, est-ce que ce n'est pas ça, le problème qu'on a, on n'a pas de continuité? Je le dis encore: On perd un peu l'enfant qui est en besoin dans le système, actuellement, selon qu'il est à l'école, qu'il est dans la salle d'urgence ou qu'il est référé à la DPJ. Il n'y a pas cette continuité. Est-ce que la façon d'assurer, de forcer, j'allais dire d'obliger un peu les partenaires à collaborer et à offrir les services en concertation, ce n'est pas d'identifier un responsable? C'est ça, ma question.

M. Létourneau: si vous le permettez, il y a un élément auquel je tiens beaucoup, c'est qu'il n'y a pas de continuité parce qu'il y a des manques de ressources et, quand il y a des manques de ressources, les groupes s'arrachent les ressources. à ce moment-là, ça crée une certaine compétition entre les groupes pour s'approprier ces ressources. ça, je pense que c'est important à considérer.

Le Président (M. Joly): Excusez.

Mme Blackburn: On pourrait peut-être ajouter, dans cette perspective-là, et je le dis au ministre: Si jamais c'était laissé aux CLSC, il faudrait qu'il y ait une enveloppe protégée parce qu'on sait actuellement que l'enveloppe destinée à la prévention pour les enfants elle a glissé progressivement du côté du maintien à domicile, dans tous les CLSC que je connais.

Le Président (M. Joly): Merci. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Marie-Victorin. S'il vous plaît.

Mme Vermette: Oui.

Le Président (M. Joly): Brièvement.

Mme Vermette: Moi, j'écoutais, en fait, vos propos et, effectivement, je m'occupe surtout du dossier qui touche à la toxicomanie, donc la consommation de drogue, et je sais à quel point, actuellement, c'est rendu un fléau surtout chez nos jeunes. Même si ce n'est pas l'ensemble des jeunes qui en consomment, ils en consomment tout de même maintenant considérablement, un assez gros pourcentage. Et, là comme ailleurs, je pense qu'il manque énormément de ressources actuellement. Et c'est surtout des ressources en réadaptation, en tout cas, que je regarde. Et, là aussi, on peut soulever le fait qu'il manque énormément de concertation, en fait, au niveau des intervenants et des actions à prendre à ce niveau-là. Et ça fait augmenter le volume des gens à la DPJ justement parce que c'est intimement lié avec tous les autres troubles de comportement et de violence que l'on connaît actuellement.

Ce qui m'amène à vous poser la question: Comment croyez-vous qu'il serait capable actuellement, compte tenu du réseau que l'on connaît... L'implication d'une approche beaucoup plus individuelle face à toute cette problématique à l'heure actuelle?

Mme Lalonde: Une approche individuelle. Vous avez les jeunes alcooliques et toxicomanes.

Mme Vermette: Voilà.

Mme Lalonde: Je pense qu'il y a des approches de groupes aussi qui ont pu démontrer que c'était... Par exemple, ce qui se fait, entre autres, en collaboration milieu scolaire, CLSC, centres de réadaptation, c'est d'utiliser d'anciens décrocheurs ou des gens qui ont vécu des problèmes et qui viennent témoigner auprès des jeunes qui sont identifiés comme étant des groupes plus à risque. Et les jeunes se forment un groupe pour s'informer mutuellement sur les dangers de l'alcool, des drogues. Je ne sais pas... En tout cas, en matière d'approche individuelle, c'est sûr qu'il y a des choses qui sont possibles, mais il y a aussi des approches en groupe, en tout cas, qui ont montré qu'il pouvait y avoir des alternatives de ce côté-là.

Mme Vermette: Mais, je veux dire... bon... Le Président (M. Joly): Excusez, madame...

Mme Vermette:... au niveau de réadaptation, à part les...

Le Président (M. Joly): la députée, m. boisvert avait quelque chose à ajouter. c'est à peu près une des dernières interventions, s'il vous plaît.

M. Boisvert: Oui, sur ce sujet, comme dans beaucoup d'autres, peut-être que M. le ministre peut intervenir auprès de son confrère, le ministre de l'Éducation, pour qu'on conçoive que l'école demeure un excellent lieu où le réseau santé et services sociaux peut rejoindre les jeunes quand il est encore temps, que ce soit pour les questions de violence, d'alcool, de sexualité, de MTS. Je pense à la mission MSSS-MEQ et à toutes les relations entre les deux ministères afin de faire en sorte que l'école demeure un lieu de dépistage et de prévention; il y a du travail à faire entre les deux ministères.

Le Président (M. Joly): Mme la députée, une dernière petite question là, brièvement, très brièvement, s'il vous plaît.

Mme Vermette: En fait, je reviens aussi, tout de même, à cette question au niveau des ressources. Vous parliez des approches; les enfants entre eux font tout ça. Mais très souvent au niveau des urgences, on disait que, justement, quand il arrive des jeunes avec des problèmes de cet ordre, on ne sait pas répondre adéquatement ou on ne donne pas un service adéquat et, très souvent, on les retourne, en tout cas bon an mal an, vers ce qui peut être disponible très souvent. Et c'est surtout des enfants qu'on trouve aussi qui ont été dans des familles d'accueil et qui, à un moment donné, s'en vont dans une famille d'accueil parce qu'ils n'en peuvent plus ou parce que, bon, on a brisé une forme de confiance avec eux, une relation de confiance.

Le Président (M. Joly): M. Létourneau, s'il vous plaît.

M. Létourneau: Si vous me le permettez. Il y a la notion d'intervenir dans un contexte d'urgence.

Mme Vermette: Oui.

M. Létourneau: À ce moment-là, donc, on intervient dans un contexte d'urgence. Alors, lorsqu'on applique, exemple, donc, un 24 heures, on place l'enfant. Il faut lui donner, donc, un toit. Il faut le nourrir. Il faut qu'il puisse se laver, cet enfant-là. Ça, c'est la première priorité. C'est postérieurement que le plan d'intervention doit se développer. Je pense que ce qui est important, et le Conseil québécois insiste beaucoup, c'est la formation du personnel et la transmission des connaissances. Plus le personnel et plus les gens qui travailleront dans les milieux connaîtront, sauront et auront des moyens d'intervention et plus on sera probablement face à une efficacité et à un respect du bénéficiaire tel que la loi le situe. Et pour nous, la notion de respect pour l'enfant... Lorsqu'on entend dire: Ça fait trois fois que l'enfant vient à l'urgence de l'hôpital, j'en ai assez et je le signale, pourquoi faut-il qu'on attende trois fois avant de prévenir et avant d'enclencher un contexte de protéger cet enfant? Où est le respect de l'enfant dans ce retard de l'intervention?

Mme Blackburn: Ça faisait trois fois qu'il était signalé?

M. Létourneau: Je ne sais pas qui tantôt donnait cet exemple.

Mme Blackburn: C'est moi qui donnais cet exemple-là: trois fois qu'il était signalé par l'infirmière de l'urgence et il revenait.

M. Létourneau: II revenait

Mme Blackburn: bien oui. donc, il n'avait pas été sorti de son milieu. ce n'était pas trois fois avant qu'elle le signale. c'était la troisième fois qu'elle le signalait.

M. Létourneau: Ça aussi, c'est pour vous faire part comment il y a des contextes de priorité. Cet enfant-là n'était peut-être pas la priorité par rapport au type de signalement qui était reçu. La machine présentement - le Conseil québécois en est témoin et tout le monde ici qui travaille dans le milieu social - travaille dans un contexte d'urgence. Il faut se sortir de ce contexte d'urgence. À ce moment-là, il faut que la loi sur les services de santé et les services sociaux permette de se sortir de ce contexte d'urgence. Si l'enfance tombe sous la Loi sur la protection de la jeunesse, on sera confrontés à un contexte d'urgence.

Le Président (M. Joly): Merci. Alors, je pense qu'on a accompli ce pourquoi on s'était réunis. Alors, Mme De Grandmont-Fortier, je vous remercie, vous et votre groupe, pour nous avoir présenté votre mémoire. Alors, nous allons maintenant ajourner à demain matin, 14 février, 10 heures. Merci.

(Fin de la séance à 22 h 5)

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