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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 30 janvier 1997 - Vol. 35 N° 52

Consultations particulières sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu : un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi»


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
Mme Louise Harel
Mme Nicole Loiselle
M. Pierre Marsan
M. Jean-Claude Gobé
M. Yvon Charbonneau
M. Russell Copeman
M. Geoffrey Kelley
M. Jean Garon
*M. Paul-Arthur Fortin, Fondation de l'entrepreneurship
*M. Yvon Gasse, idem
*M. Henri Massé, FTQ
*Mme Claudette Carbonneau, CSN
*M. Daniel Lachance, CEQ
*Mme Diane Lemieux, CSF
*M. Ghislain Dufour, CPQ
*M. Jacques Garon, idem
*Mme Nancy Neamtan, Coalition des organismes communautaires
pour le développement de la main-d'oeuvre
*M. Gaétan Beaudet, idem
*Mme Lise Fortin, idem
*Mme Claude Bégin, idem
*Mme Louise Vanier, Mouvement ATD Quart Monde
*M. Philippe Hamel, idem
*Mme Micheline Ciarlo, idem
*Mme Gaétane Guénette, idem
*M. Marcel Beauregard, idem
*M. Denis Roberge, idem
*Mme Sylvie Hébert, idem
*M. Marc Renaud, CQRS
*M. Alain Noël, idem
*Mme Deena White, idem
*M. Guy Lacroix, idem
*Mme Céline Mercier, idem
*Mme Suzanne D'Annunzio, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons le quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé «La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi».

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Deslières (Salaberry-Soulanges) sera remplacé par M. Désilets...

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Parlez un petit peu plus fort.

La Secrétaire: Alors, M. Deslières (Salaberry-Soulanges) sera remplacé par M. Désilets (Maskinongé); M. Parent (Sauvé) par Mme Delisle (Jean-Talon); et Mme Vaive (Chapleau) par M. Charbonneau (Bourassa).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Vous avez l'ordre du jour devant vous. À moins d'avis contraire, c'est l'ordre du jour que nous allons suivre. Pour répondre à la question de certains membres: à 16 heures, lorsqu'on lit suspension, et je n'ai pas besoin de vous dire, à ce moment-là, qu'à 16 heures pile on devra arrêter, c'est pour permettre à ceux et celles qui veulent assister à l'assermentation de la lieutenant-gouverneur de pouvoir y aller. Je vous souligne aussi qu'hier on a laissé quand même déborder un petit peu, peut-être un petit peu trop dans certaines situations, mais, à partir de maintenant, compte tenu de l'énorme tâche qu'on a d'ici à Pâques, je me permettrai d'apporter un peu plus de rigueur sur le temps.

J'invite tout de suite les représentants du premier groupe qui est la Fondation de l'entrepreneurship. M. Fortin, je pense que c'est vous qui allez être le premier à nous présenter les gens qui vous accompagnent.


Auditions


Fondation de l'entrepreneurship

M. Fortin (Paul-Arthur): Merci beaucoup, M. le Président. Effectivement, à ma gauche, M. Yvon Gasse, qui est membre de la Fondation de l'entrepreneurship et professeur à l'Université Laval, et Marc Delaunay, qui est vice-président, Administration et finances, Fondation de l'entrepreneurship.

D'entrée de jeu, M. le Président, je voudrais féliciter la ministre de l'Emploi pour ses diverses réformes, enfin, je pense qu'elle a des réformes majeures, et aussi elle a la patience de consulter beaucoup quand elle fait des réformes et ça nous donne l'occasion, nous, de venir présenter notre point de vue.

Tout ça étant dit, mes remarques préliminaires vont se diviser en trois. Je vais d'abord faire une certaine critique de ce qui est proposé. Deuxièmement, je vais essayer de voir en quoi nous croyons que les orientations pourraient être différentes, pour enfin élaborer sur quelques propositions. Et mes collègues et moi, nous répondrons aux questions par la suite.

Au niveau des critiques, nous en avons quatre. On dit d'abord que cette démarche, telle que proposée, nous amène à faire les commentaires suivants. C'est qu'en premier lieu la Fondation ne peut que reconnaître la validité et l'urgence de l'objectif de ramener les prestataires de l'aide sociale sur le marché du travail, tout d'abord pour les bénéficiaires eux-mêmes et leur famille puis leur communauté, et, enfin, l'allégement du fardeau fiscal des contribuables. Elle se réjouit donc de la volonté exprimée par le gouvernement du Québec en ce sens.

Deuxièmement, c'est que la Fondation ne peut cacher son inquiétude devant la lourdeur du processus suggéré pour le Plan local d'action concerté de même que la quantité de ressources humaines et financières qui devront y être consacrées. Il faut réaliser que, pour l'ensemble du territoire, une telle exigence signifiera la conception et l'élaboration de plus de 100 plans annuellement. La Fondation se demande donc d'où proviendront toutes ces ressources et si elles ne devront pas tout simplement être détournées des sommes consacrées à l'aide directe aux prestataires.

En outre, la Fondation doute beaucoup de l'efficacité d'un tel instrument eu égard à l'objectif visé. D'une part, il risque fort d'être à un niveau de généralité tel qu'il sera peu utile pour encadrer les décisions et les actions individuelles; d'autre part, on a peine à imaginer que l'on refuserait à un prestataire le droit d'occuper un emploi parce que celui-ci ne figure pas aux priorités énoncées au Plan. En fait, c'est une démarche purement bureaucratique et technocratique. Elle reprend intégralement l'approche qui a fait l'obligation aux régions administratives de produire chacune un plan de développement, avec le succès que l'on sait. En réalité, les plans locaux ne seront-ils pas essentiellement une duplication des plans régionaux de développement? Si oui, pourquoi doubler les processus? Si non, qui tranchera les conflits qui ne manqueront pas de surgir?

La Fondation a essentiellement les mêmes remarques à formuler en regard du parcours et de l'encadrement individualisés. Même s'ils sont hautement désirables dans des circonstances idéales, est-il irréaliste, dans le contexte de restrictions que nous connaissons et qui inspire en grande partie la réforme envisagée, de penser pouvoir mettre en place un système qui forcera des dizaines et des dizaines de milliers de prestataires aptes au travail à tracer leur parcours individualisé et qui prévoira un accompagnement tout aussi individualisé à chacune des étapes? Comment les centres locaux d'emploi pourront-ils s'acquitter de cette tâche lorsqu'on considère toutes les autres responsabilités qui leur sont également attribuées? Voilà pour les critiques.

(10 h 20)

Nous, en fait, de la façon qu'on voit les choses, d'abord, on trouve qu'il y a une certaine confusion. Mme Harel est responsable, elle est titulaire du ministère de l'Emploi. Pour nous, l'emploi, c'est à la jonction de deux actions, une offre puis une demande. Il y a emploi quand il y a un employeur qui demande du personnel et, quand il y a du personnel qualifié pour répondre à ce besoin-là, là il y a un emploi, donc c'est un résultat. Et quand on regarde le mandat qui est confié au ministre de l'Emploi, je dirais que c'est juste sur une partie de l'équation; au fond, c'est la partie de ressources humaines aptes à occuper un emploi ou prêtes à occuper un emploi, et l'autre partie de l'équation est comme laissée en plan. Or, quand on regarde, par exemple, le nombre de personnes aptes au travail qui sont sans emploi au Québec et qu'on considère les prévisions d'emplois qui vont être créés au cours de la prochaine année, il y a un déséquilibre énorme. Il y a 800 000 personnes aptes au travail qui sont sans emploi, mais, en même temps, on parle qu'il y aurait, si les projections se réalisent telles que prévues, peut-être 40 000 emplois qui vont se créer. Or, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on met les ressources pour préparer les 800 000 personnes à occuper seulement 40 000 emplois qui vont venir ou si on ne devrait pas mettre des ressources pour augmenter le nombre d'emplois qui vont être disponibles?

Nous, ce qu'on dit, et là on est très conscients que ça dépasse le mandat du ministère de l'Emploi, et nos recommandations touchent surtout le gouvernement dans son ensemble, il faudrait davantage mettre de ressources à accélérer le développement de l'emploi. Et la Fondation de l'entrepreneurship a fait un exercice majeur touchant le développement de l'emploi, surtout en regard du Sommet du mois d'octobre. Nous avons participé, notre organisme, à trois groupes de travail sur cinq possibles et nous avons remis le 24 juin, ou avant le 24 juin, un document assez élaboré qui faisait cinq ou six recommandations au gouvernement pour changer la situation de l'emploi au Québec.

Moi, je voudrais réaffirmer ici qu'on a tout au Québec, tout, pour changer la situation de l'emploi, à deux conditions: c'est que, d'abord, on commence à y croire puis, deuxièmement, qu'on décide. Si on croit qu'on peut changer la situation et qu'on décide, comme société, de poser les gestes, ça serait surprenant ce qu'on pourrait faire à court terme pour modifier l'équilibre actuel. Le comment est connu. Le problème, si vous voulez, est un problème de choix de société: Est-ce qu'on décide?

Il y a 10 ans – je me permets de faire une parenthèse, si vous permettez, M. le Président – je suis allé en Tunisie et j'ai eu l'occasion de faire un certain nombre de conférences sur l'entrepreneurship. Il y a à peu près deux, trois mois, un haut fonctionnaire, que j'avais rencontré à ce moment-là, est revenu, il est venu me rencontrer, il a dit: Écoutez, nous, maintenant, en Tunisie, on y croit à l'entrepreneurship puis on est prêts, sauf qu'on ne sait pas le comment. Et moi, ça m'a amené à réfléchir, si vous voulez, en disant: Nous autres, au Québec, on sait le comment, sauf qu'on n'y croit pas, qu'on n'a pas décidé. Il n'y a pas de problème en entrepreneurship au Québec qui existe pour lequel il n'y a pas d'expertise québécoise. C'est vraiment, si vous voulez... Le comment est connu. C'est vraiment une question de décision et d'orientation.

Donc, nous, ce qu'on recommande, on recommande que le gouvernement travaille sur l'autre partie de l'équation pour accroître le nombre d'emplois et, pour accroître le nombre d'emplois, il faut augmenter le nombre d'entreprises, et comme les entreprises, ça se fait par des personnes et particulièrement par des personnes qui ont des talents pour créer des choses, donc il faut développer plus d'entrepreneurs. Et de ce point de vue là, moi, je dirais que le plan individualisé dont parle Mme Harel, si le gouvernement lui en donnait le mandat, pourrait peut-être prioriser les gens qui ont ce type de talent là, de caractéristique là. On les suit, on les accompagne, on les aide, et, quand ces gens-là réalisent leurs projets, ils créent des opportunités d'emplois pour d'autres personnes qui n'ont pas ce type de talent là. Donc, l'essentiel, si vous voulez, de notre orientation, et là on est conscients qu'on déborde évidemment le mandat de Mme Harel, ça serait de travailler sur l'autre bout de l'équation.

Et vous me permettrez, si vous voulez, en terminant, de parler d'un certain nombre de recommandations que nous avons formulées pour le Sommet du mois d'octobre. Mais, en passant, je dois dire, et je pense que Mme Harel va être d'accord, c'est qu'on est sortis un peu déçus du Sommet du mois d'octobre, la Fondation de l'entrepreneurship. Au mois de mars, à la première phase de la Conférence, on a parlé beaucoup plus d'entrepreneurship qu'on en a parlé au mois d'octobre. Je comprends que l'économie sociale a été discutée largement, on est d'accord, c'est une sorte d'entrepreneurship communautaire et collectif qu'on appuie grandement. Mais, au-delà de l'économie sociale, on n'a pas parlé de comment on pourrait développer l'entrepreneurship au Québec. Et pourtant les propositions qu'on a faites, qui ont été largement diffusées, ont fait un consensus parmi les groupes qui ont travaillé à préparer le Sommet. Au niveau des centrales syndicales, au niveau du patronat, des différents groupes, les gens étaient tous d'accord. D'ailleurs, M. Béland, dans son petit discours d'ouverture, avait un certain nombre de recommandations qui touchaient la culture entrepreneuriale, qui touchaient la priorité qu'il fallait accorder à l'entrepreneurship au Québec, sauf que pour des raisons, si vous voulez, bon, qu'on connaît mal... enfin, ça a fait que ce n'est pas revenu à l'ordre du jour et ça n'a pas fait l'objet de discussions.

Les propositions qu'on fait, c'est que les gouvernements reconnaissent le rôle prioritaire de l'entrepreneurship dans la création d'emplois. Au fond, si vous voulez, c'est l'entreprise qui crée la richesse et l'emploi, puis c'est l'entrepreneur qui crée l'entreprise, puis, pour avoir des entrepreneurs, pour avoir des entreprises, il faut développer l'entrepreneurship. S'il y a des gens qui ont d'autres solutions... Et là, quand on parle d'entrepreneurship, on parle d'entrepreneurship très large; ça peut être culturel, ça peut être communautaire, ça peut être social, et, pour nous, si vous voulez, l'économie sociale, c'est certainement une forme d'entrepreneurship qu'on appuie grandement. Ce n'est pas la seule, mais on l'appuie, cette forme-là, aussi.

La deuxième est là, en page 5, et là j'ai un petit changement avec notre mémoire. Parce qu'on disait: En termes concrets, de modifier le mandat du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie pour lui confier spécifiquement la responsabilité de l'entrepreneurship. On va plus loin que ça maintenant. Parce que, depuis qu'on a déposé le mémoire, on a eu un petit peu des documents qui sont véhiculés par M. Chevrette et, dans les documents qui sont véhiculés, il semble que M. Chevrette veuille intégrer l'entrepreneurship comme une façon de faire du développement régional et du développement local, et on ajouterait à notre mémoire cette nuance-là où le MICT, ou le futur ministère du développement régional dont il est de plus en plus question... donc ça serait une addition qu'on ferait à notre mémoire.

La deuxième, c'est que la ressource entrepreneuriale soit valorisée et reconnue comme un élément clé pour la création et la viabilité des entreprises.

La troisième, c'est que les gouvernements mettent en place des conditions favorables à l'éclosion de l'entrepreneurship.

Quatrièmement, que l'essaimage soit stimulé, encouragé et mis en pratique. Et là vous me permettrez certainement de faire une petite parenthèse. Dans l'éditorial de Revue Commerce du mois de janvier, il y a une petite conclusion qui suggère que les employeurs qui ont à faire des mises à pied se sentent l'obligation de susciter la création de nouvelles entreprises par les employés qui vont être mis à pied ou par d'autres employés. On sait très bien que le gouvernement, comme employeur, se prépare à faire, si vous voulez, pas des congédiements, mais enfin des mises à pied importantes. Or, je pense que le gouvernement, comme employeur, devrait donner l'exemple de l'essaimage. Ça existe en Europe, c'est possible et il y a là une source de création d'entreprises et de développement de nouveaux emplois énorme. C'est très documenté dans le document qu'on avait déposé dans le cadre du Sommet. Mais je pense qu'il y a là une source et peut-être que... enfin, ça devrait être pris en compte par ou bien le ministère de l'Emploi ou bien par un autre ministère.

Cinquième recommandation, que, dans chaque localité, le développement de l'emploi soit du ressort des élus locaux. Nous, on recommande de responsabiliser les élus locaux en matière de développement de l'emploi. Ça ne veut pas dire qu'on veut que ça soit eux autres qui fassent la job, ce n'est pas eux autres qui vont créer les entreprises, mais on voudrait qu'ils se sentent responsables d'identifier les leaders autour d'eux qui peuvent donner un coup de main. Parce que les localités qui ont le plein emploi, c'est des localités où le leadership local s'est investi en matière de développement de l'emploi, et je pense que les élus locaux sont bien placés pour reconnaître les leaders et les appuyer. Deuxièmement, c'est qu'il y a pas mal d'argent qui est mis par les gouvernements locaux en matière de développement de l'emploi et il y a une marge de manoeuvre qui existe à ce niveau-là qui n'existe plus au niveau du gouvernement du Québec.

(10 h 30)

Enfin, que, dans toutes les avenues de la formation, le concept de l'entrepreneuriabilité soit ajouté à la notion d'employabilité. Tout le système d'éducation a été basé sur le concept de l'employabilité. On prépare des gens à occuper un emploi en faisant l'hypothèse qu'ils sont prêts à occuper un emploi, il y aura un emploi. Mais on se rend compte que ça a déjà fonctionné et que ça fonctionne moins qu'avant. Et, nous, ce qu'on dit, il faut préparer des gens à créer, à susciter, à entreprendre. Il ne faut pas préparer seulement des gens à se conformer, mais il faut préparer des gens aussi à jaillir, à susciter des choses, et là ça suppose qu'il y ait des ajustements.

On a fait différentes représentations lors des états généraux sur l'éducation et, je dois dire, on a participé à l'assemblée générale qui a eu lieu à Montréal à l'automne. Et dans le rapport des états généraux sur l'éducation, le mot «entrepreneurship», le mot «entreprise», le mot «entreprendre», c'est un mot qui n'était pas dans leur dictionnaire parce qu'il n'y a rien qui a été retenu. Alors, nous, on veut revenir à la charge.

Et tantôt, Yvon Gasse pourra peut-être, lors de questions... Parce qu'il me disait tout à l'heure: Au Nouveau-Brunswick... Je sais que ça agace pas mal le monde au Québec quand on parle du Nouveau-Brunswick, mais, au Nouveau-Brunswick, actuellement, il y a un virage entrepreneurial important. Yvon me disait que depuis cinq ans, au niveau secondaire, il y a un cours obligatoire en entrepreneurship. M. McKenna, il sollicite peut-être des entreprises de l'extérieur, mais, nous, ce qu'on comprend, c'est qu'à l'interne il y a une prise en charge du développement endogène très forte. La Fondation de l'entrepreneurship, on produit des documents, on a une centaine d'outils qu'on a développés. Et ça va peut-être vous surprendre; toutes proportions gardées, on vend plus de matériel au Nouveau-Brunswick qu'on en vend au Québec. Or, si ce n'est pas ça, prendre un virage entrepreneurial, bon, bien... On sait que ça fonctionne. On fait des outils pour le Québec puis c'est le Nouveau-Brunswick qui les utilise.

Or, M. le Président, c'est un peu l'essentiel de nos recommandations. Évidemment, connaissant la ténacité de Mme Harel, c'est sûr que, si elle avait la responsabilité des deux éléments de l'équation, je suis certain qu'on ferait un bout de chemin très vite. Je ne sais pas si le gouvernement va la lui donner, mais, s'il ne lui donne pas les deux éléments de l'équation, on aimerait que quelqu'un d'autre au niveau gouvernemental porte l'autre élément de sorte que, quelque part, il y ait une jonction.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Est-ce que je peux me permettre, comme président, de vous demander de remettre à la commission le fameux document dont vous parlez? Je sais qu'il a été remis à Montréal au Sommet, mais je pense que, compte tenu de l'importance du sujet discuté, ce serait bon pour tous les membres de la commission d'avoir en main ce document-là. Est-ce que c'est possible pour vous? Seulement le faire parvenir au Secrétariat...

M. Fortin (Paul-Arthur): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...et tous les membres de la commission en auront. Ils vont vous dire combien de copies sont nécessaires. Je vous remercie beaucoup.

J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, M. Fortin, M. Delaunay et M. Lafrance, bienvenue. J'ai tenu personnellement, en tout cas, à ce que nous puissions vous entendre dans le cadre de cette révision en profondeur de notre filet de sécurité sociale. Vous savez qu'il repose sur le postulat qu'il y a environ 350 000 personnes qui ont des besoins de protection sociale; ce sont les personnes hébergées, les personnes invalides, ce sont les enfants, et ce sont finalement les aînés. Donc, ces personnes dorénavant seraient administrées par la Régie des rentes. Dans le fond, le postulat, c'est que, à l'aide sociale, c'est de l'assistance, de l'assistance-chômage dont il s'agit pour des chômeurs qui ont de moins en moins droit à l'assurance à cause de tous les resserrements d'éligibilité et qui sont de plus en plus nombreux à l'assistance-chômage. Bon, ça ne signifie pas du jour au lendemain qu'on a de l'ouvrage pour tout le monde, mais ça signifie du jour au lendemain qu'on n'oublie pas une chose bien importante, c'est que, si ces gens-là sont des chômeurs, d'abord ils ne sont pas responsables du chômage, un chômeur n'est pas responsable du chômage, son chômage est donc involontaire, et qu'on doit mettre en place toutes sortes de propositions qui leur permettent de s'inscrire, si vous voulez, dans une démarche active. Je ne dis pas: un travail salarié, je dis: dans une démarche active pour rester collé avec le monde du travail.

Dans votre document, j'étais contente en même temps que vous introduisiez la question du développement, local et régional. D'abord, je vous ai trouvés très, très, très, très sévères pour le Plan local d'action concerté pour l'économie et l'emploi puis pour les partenaires, d'autant plus que maintenant, vous le savez sûrement, la décision du gouvernement, c'est de faire en sorte que ce Conseil des partenaires puis ce Plan local, ça se réalise au niveau du développement local et du développement régional. Alors donc, ce n'est pas le CLE, ce n'est pas le Centre local d'emploi, mais c'est vraiment le centre local de développement, qui, lui, est non gouvernemental et qui va ramasser tout ce qui a été éparpillé un peu partout, dans l'entrepreneurship, dans le démarrage d'entreprises, dans le soutien à l'entrepreneuriat, dans l'économie sociale aussi, pour que ça atterrisse, où les gens ont, finalement, des solidarités.

Alors, là, je dois vous dire... C'est très, très sévère, hein. Vous utilisez des mots, genre «bureaucratique», «technocratique», etc., etc. Le choix du gouvernement, justement, c'est de ne pas rester accroché au niveau des capitales régionales mais d'atterrir sur le territoire où sont les gens, donc l'équivalent du territoire de la MRC ou des arrondissements de quartiers. Ça n'empêche pas un rôle important d'harmonisation, de coordination, de planification au niveau régional, mais ça assure que là où il y aura livraison des services, là où le citoyen pourra vraiment, indépendamment de son étiquette... le citoyen chercheur d'emploi ou voulant améliorer son sort, c'est au niveau local qu'il va s'adresser. Bon.

Je ne sais pas, avec tous ces éléments nouveaux qui sont survenus, notamment lors des avis régionaux, je ne sais quelle est l'opinion que vous en faites, mais, moi, je peux vous dire une chose. Si on veut passer d'une gestion par programme – il y en a 10, présentement, en main-d'oeuvre – à une gestion par fonds, ce qui est unanimement réclamé, il faut à ce moment-là que ce ne soient pas des chèques en blanc. Pour que ce ne soient pas des chèques en blanc, qu'on puisse avoir un fonds au niveau d'une région ou un fonds au niveau du territoire d'une MRC, puis que ce ne soit pas un chèque en blanc en disant: Vous nous direz ce que vous en avez fait à la fin de l'année, il faut qu'il y ait des obligations de résultat. Pour qu'il y ait des obligations de résultat, il faut que le milieu se soit fixé des objectifs puis que ces objectifs, dans l'année, soient rencontrés, ou qu'on nous explique, à la fin de l'année, pourquoi ça n'a pas été possible. Et c'est là l'idée du plan. L'idée du plan, c'est, dans le fond, de dire au milieu: Vous avez beaucoup d'argent dans les mesures actives, n'est-ce pas, puis il y en a quand même pas mal d'éparpillé qui va tout être rassemblé dans l'entrepreneuriat; dites-nous ce que vous allez faire avec ça pour qu'on puisse savoir, à la fin de l'année, si vos objectifs sont atteints et, si vous ne les avez pas atteints à la fin de l'année dans votre bilan, vous nous direz pourquoi puis comment vous allez vous y reprendre l'année d'après.

Il me semble qu'il y a pas de gestion par fonds s'il n'y a pas d'objectifs de résultat, et il n'y a pas d'objectifs de résultat s'il n'y a pas un plan local qui concerne en même temps la commission scolaire, le CLSC, le centre local d'emploi, en fait qui concerne l'ensemble des intervenants pour qu'ils arrêtent, n'est-ce pas, d'intervenir isolés. Bon. Moi, j'aimerais avoir votre opinion sur cette question de gestion par fonds, gestion par programmes, objectifs de résultat, puis comment vous voyez qu'on y arrive autrement qu'en demandant au milieu non pas seulement de se concerter.. Parce que, là, c'est une manière de franchir 10 années de concertation; on était quasi rendus à concerter la concertation. Là, l'idée derrière ça, c'est de faire du développement, comment on fait du développement.

Moi, vous savez que je vous suis reconnaissante d'avoir toujours été le propagandiste en chef – vous avez quand même eu toujours des alliés – de l'entrepreneuriat. Vous êtes venu nous dire en commission, il y a bien des années: L'employabilité, ce n'est pas assez; il faut l'entrepreneuriabilité. Et, là-dessus, je vous suis entièrement. Mais, en même temps, il y a des conditions de réussite de l'entrepreneuriabilité, parce que, si on n'est pas préparés en termes de formation... Vraiment, ce n'est pas aux 18-24 ans qui sont sur l'aide sociale à qui vous allez demander de porter la responsabilité de créer leur propre emploi. Eux, il faut qu'ils s'inscrivent au moins dans une démarche pour être en apprentissage, ou pour aller chercher un diplôme d'un métier, ou pour finir leur secondaire. C'est déjà bien commencé.

Alors, moi, j'avais peur, en lisant votre mémoire, que vous pratiquiez juste une religion. Dangereux! Moi, j'essaie d'être oecuménique, hein. Alors, ça a l'air d'être juste, juste, juste la religion, si vous voulez, de l'entrepreneuriabilité. Je suis convaincue qu'on ne la pratique pas assez, bon, puis je voudrais avoir des moyens pour la pratiquer plus. Je pense qu'avec le développement local on va y arriver. Mais il ne faut pas non plus penser que ça va permettre à nos 44 000 18-24 ans, si vous voulez, de se donner un projet de vie, parce que la marche est trop haute en commençant.

M. Fortin (Paul-Arthur): Bien, écoutez, peut-être pour terminer sur la religion, vous avez raison, c'est sûr qu'en vieillissant on essaie de se concentrer, et je trouve, au fond, au Québec, qu'on est une société qui a tellement tout ce qu'il faut pour changer la situation et je trouve qu'on a la tête tellement dure. Comme je suis à mes derniers milles de vie parapublique... Alors, c'est certain qu'on met l'accent, et je reviens constamment, et si ça blesse quelques personnes, je m'en excuse.

(10 h 40)

Dans votre document, Mme Harel, il y a certainement d'autres choses qui nous plaisent beaucoup. Je pense que votre idée, par exemple, d'aller au niveau local sur un territoire qui peut s'assimiler à la MRC, ou à des subdivisions quand il s'agit des communautés urbaines, c'est quelque chose qu'on endosse grandement. On pense, si vous voulez, que le développement local, ça commence plus bas que la MRC, mais on reconnaît, à cause du nombre et de la petite densité de population, que ce serait difficile d'accrocher des instruments, je dirais, au niveau vraiment local. Je pense que la MRC, c'est raisonnable pour accrocher des instruments comme ceux que vous proposez.

Vous avez raison aussi pour dire que, rendus à 24 ans ou 24-30 ans, les gens qui n'ont jamais entendu parler d'entrepreneurship, de création d'entreprises, que ça n'a jamais fait partie du décor, bon, ils subissent peut-être les inconvénients de la culture qu'on enseigne sans nécessairement avoir les moyens. Et c'est pour ça qu'on reconnaît que le mandat qu'on propose, qu'on suggère dépasse largement les responsabilités du ministère de l'Emploi telles qu'on les connaît. Quand on dit, par exemple, qu'il faudrait, au niveau des écoles secondaires, au niveau des cégeps, qu'il y ait une formation qui s'adresse aux jeunes en matière d'entrepreneurship, on est conscients que ça ne relève pas du ministère de l'Emploi, mais on veut profiter de la circonstance pour parler au gouvernement dans son ensemble.

Maintenant, c'est bien évident aussi, quand on parle... Au fond, nous, notre crainte, et je comprends qu'il faut y mettre des nuances, c'est que les argents qui vont être disponibles pour faire des mesures actives pourraient être utilisés, si vous voulez, essentiellement à deux fins: ou bien c'est utilisé pour devenir une rallonge à la sécurité du revenu, et ce serait explicable compte tenu des responsabilités que vous avez, ou bien c'est utilisé, si vous voulez, pour devenir un peu le fer de lance pour créer de l'emploi. Alors, nous, on voudrait, si vous voulez, sans nécessairement que tous les fonds soient utilisés peut-être pour la deuxième partie de l'équation, on ne voudrait pas que tous les fonds soient utilisés seulement à la première partie parce qu'on aurait l'impression d'aller dans un cul-de-sac, c'est-à-dire, plus ça va aller, plus il va y avoir de gens qui vont arriver dans cette classe-là et moins on va avoir de ressources, de sorte qu'à un moment donné on n'en sortira pas. C'est comme une sorte de spirale de la pauvreté.

Alors, je ne sais pas si mes collègues, Yvon ou... veulent ajouter à vos remarques. Là-dessus, as-tu des choses à dire?

M. Gasse (Yvon): Peut-être un point, concernant la formation. Vous mentionnez, Mme Harel, que c'est vrai que les 18-24 ans ne peuvent peut-être pas devenir du jour au lendemain des entrepreneurs ou même être capables de créer leur emploi, mais n'oubliez pas qu'il y en a beaucoup quand même là-dedans... Moi, je prends juste à l'université par exemple, il y a beaucoup, maintenant, de diplômés universitaires qui n'ont pas d'emploi et il y en a beaucoup là-dedans qui ont le potentiel de créer leur emploi et encore mieux de créer des entreprises qui vont créer des emplois pour d'autres. Ça, je peux en témoigner parce qu'on a fait une expérience à l'Université Laval, maintenant, qui, je pense, donne des résultats intéressants.

Alors, sur trois ans, on a mis en place un organisme qui a aidé des étudiants à créer 75 entreprises pour près de 300 emplois et, dans ces 300 emplois, 60 %, c'étaient des emplois de diplômés universitaires. Alors, vous voyez qu'il y a certainement un potentiel, mais en autant qu'on puisse, si vous voulez, intégrer ça dans les valeurs et dans les priorités du système d'éducation. Ce serait beaucoup plus facile de recevoir des étudiants à l'université qui ont déjà été minimalement exposés à ça au moment où ils étaient à l'école primaire et secondaire, c'est vraiment là que le système de valeurs se transmet de façon, je dirais, plus enracinée, plus structurée, et, par après, les gens qui vont au cégep aussi en entendent parler, si, en plus, il y a des cours puis il y a des programmes qui le permettent, de sorte que, quand ils arrivent à l'université, ils ont déjà été, je dirais, initiés de façon fondamentale à ça et ce n'est pas nouveau pour eux autres.

Alors, je pense que, dans ce sens-là, j'abonde dans le même sens que M. Fortin. On a ici, au Québec, je pense, actuellement, fondamentalement ce qu'il faut en termes d'infrastructures. On a de plus en plus les outils qu'il faut. Ce qui nous manque, je pense, c'est une sorte de décision de dire: Oui, on le fait. Et, via les institutions importantes qu'on a, en particulier le système scolaire, on peut faire une place, si vous voulez, à cette dimension-là, comme ça se fait ailleurs, et avec des résultats qui sont probants, et même, je dirais, des résultats relativement immédiats. Je vous donne l'exemple, encore une fois, de l'université. En trois ans, c'est ce qu'on a eu comme résultats. C'est évident qu'au niveau du secondaire, éventuellement, ça va prendre peut-être trois, quatre ans; même, des fois, ça va prendre 10 ans, ça dépend où... Mais, si, comme on dit, la graine a déjà été semée, bien, à un moment donné, ça va germer. Et ça ouvre les horizons, je pense, des jeunes, qu'il n'y a pas juste la dimension de se trouver un emploi, mais il y a aussi la possibilité, éventuellement, de se créer un emploi, et seulement cette ouverture-là, c'est déjà fondamental.

Mme Harel: En même temps, il faut reconnaître que l'entrepreneurship peut être social, il peut être collectif.

M. Fortin (Paul-Arthur): Oui.

Mme Harel: Et le mouvement, là, qui est lancé par la combinaison à la fois, en main-d'oeuvre, d'une gestion concertée du marché du travail et à la fois, avec M. Chevrette, d'une politique-cadre de développement local, c'est de mettre en mouvement de l'entrepreneurship local, de l'entrepreneurship collectif, de l'entrepreneurship social aussi, et, à cet égard, l'économie sociale, c'en est, de l'entrepreneurship, hein.

M. Fortin (Paul-Arthur): Bien sûr.

Mme Harel: Je pense qu'il faut que vous reconnaissiez que, même s'il porte d'autres noms, le bébé, finalement, il évolue, il grandit, il évolue bien.

Je comprends que vous souhaitez – ça, je peux les transmettre, toutes ces questions-là, à ma collègue de l'Éducation – que, dans le système d'éducation, ce soit là un aspect d'autant plus important qu'on sait maintenant que le travail autonome est celui qui est en croissance exponentielle et d'autant plus qu'on sait aussi que la meilleure façon de se trouver un emploi, c'est de transformer sa demande d'emploi en offre de service, hein, et c'est cette transformation-là, des fois, qui ne peut pas se faire seule, qui peut juste se faire avec des appuis, parce que... Vous voyez, le gouvernement précédent avait mis en place un programme, Soutien à l'emploi autonome, SEA. Je ne sais pas si vous avez entendu parler de ça.

M. Fortin (Paul-Arthur): Bien sûr.

Mme Harel: L'intention était louable, c'était d'amener des personnes assistées sociales... Et il y avait l'équivalent pour les chômeurs à l'assurance-emploi, ça s'appelle le ATI. Bon. Alors, ces programmes-là les amenaient à créer leur emploi. Mais, en même temps, n'étant pas bien, si vous voulez... pas encadrés, mais encouragés ou accompagnés, n'est-ce pas, on sait maintenant que c'est quasi la moitié de ces petites entreprises qui vont fermer. Alors, les provisions pour pertes font quasi 45 %, 50 %. Ça ne signifie pas qu'il faut mettre de côté ce genre d'intervention. Ça signifie seulement qu'il faut sûrement qu'elles soient mieux... parce qu'elles étaient plus régionalisées, présentement. Souvent, la personne se trouvait isolée dans son milieu; il faut qu'elle soit accompagnée, soutenue, encouragée là où elle veut partir, disons, son offre de service, c'est-à-dire, habituellement là où elle vit. Les gens, c'est dans leur milieu local que ce genre de services, de proximité se développe. Alors, je sais que, là-dessus, peut-être aussi, il faudra accompagner l'entrepreneur réhabilité. Là, vous insistez beaucoup sur la formation, mais je pense qu'il faut aussi insister beaucoup, et c'est le projet de M. Chevrette, que l'entrepreneurship se trouve accompagné dans ces centres locaux de développement.

Je ne sais pas si vous avez eu le temps d'en prendre connaissance et si vous avez un point de vue là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse, je remercie la ministre, mais le temps est écoulé. Vous pourrez quand même peut-être glisser une réponse, à un moment donné, si l'opposition demande à peu près la même question. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour et bienvenu à cette commission. D'entrée de jeu, dans votre mémoire, vous exprimez des inquiétudes quant à la lourdeur du processus qui est suggéré et aussi, peut-être par le manque de ressources humaines et financières, que, s'il n'y a pas un ajout à cet égard-là, vous laissez sous-entendre que, finalement, on se dirige peut-être vers un échec. Hier, un groupe nous disait qu'actuellement, dans les centres Travail-Québec, les agents sont tellement débordés qu'ils ne consacrent que 15 % de leur temps au développement de l'employabilité et que si le gouvernement allait vers... rendre ces agents-là des conseillers en emploi, on devrait investir dans la formation, une vraie formation, une formation pertinente, pour vraiment faire avec les agents des CTQ des vrais conseillers en emploi. Il y a toute la question actuellement des restrictions budgétaires, des compressions. Vous avez parlé beaucoup, beaucoup d'inclure un nouveau concept dans les écoles au niveau de l'entrepreneuriat, de l'entrepreneurship. Je vous rappelle toutes les compressions qu'il y a à l'éducation actuellement, toute la situation économique. On connaît les problèmes budgétaires du gouvernement. Et vous, vous dites que, si vous allez dans cette direction-là sans attacher le fil avec une politique de création d'emplois et de soutien à l'entreprise, c'est comme se tirer dans le pied. J'aimerais vous entendre davantage sur ça.

(10 h 50)

M. Fortin (Paul-Arthur): Bien, écoutez, merci beaucoup pour votre question. En fait, nous, ce qu'on croit... On est conscients qu'il y a beaucoup moins de ressources maintenant, si vous voulez, qu'il y en avait il y a quelques années. La Fondation existe depuis 17 ans. Ça fait 17 ans, si vous voulez, qu'on dit à peu près... qu'on se répète. Et Mme Harel nous connaît très bien; c'est vrai qu'on se répète depuis 17 ans. C'est pour ça que je disais tantôt qu'on a la tête dure au Québec. On a la tête dure. Ce qui nous console, c'est qu'on a un bon estomac, c'est-à-dire que, quand on a compris, ça va vite après. Sauf qu'en termes d'entrepreneurship on n'a pas compris encore. Et je pense que ce qui va arriver, c'est que, l'an prochain, on va être un peu plus pauvres que cette année encore, puis, dans deux ans, on va être encore un peu plus pauvres, de sorte que, si on ne met pas en marche la machine à créer de la richesse le plus tôt possible avec les ressources limitées qu'il nous reste, c'est qu'on va être de plus en plus dépourvus pour faire le virage qu'il faut faire.

Pour nous, si vous voulez... je dois dire qu'on avait une espérance très forte. On a investi, la Fondation de l'entrepreneurship, six mois à temps plein, en ce qui me concerne, pour la préparation du Sommet et, dans les rêves fous qu'on faisait, on se disait: Au Sommet, on sort avec l'entrepreneurship comme une priorité au Québec et là il y a des alignements, il y a des colorations qui vont se faire dans les différents ministères pour s'ajuster à ça. Évidemment, on a été très déçus, on est très déçus des résultats du sommet économique touchant le développement de l'emploi. On comprend, mais on est déçus. Et on revient à la charge en disant, si vous voulez, qu'il faut, comme gouvernement, comme société – même plus que le gouvernement, comme société – reconnaître que, si on veut de la richesse puis si on veut de l'emploi, il faut travailler sur cette partie-là de l'équation. Et là il y a différents ministères qui ont des petites choses à faire. Il y a des gouvernements locaux qui ont des choses à faire. On dépense 866 000 000 $ au niveau municipal pour les loisirs puis on dépense 50 000 000 $ pour le développement économique. Évidemment, quand on dit ça aux municipalités, elles disent: Écoutez, la loi nous défend de se mêler de développement économique; on demande au gouvernement de nous habiliter. Alors, nous, on dit au gouvernement: Pourquoi vous ne les prenez pas au mot? Les élus locaux veulent avoir des responsabilités en matière de développement de l'emploi, qu'est-ce qui vous empêche de les prendre au mot puis de leur dire: Oui, on va vous donner les habiletés légales pour faire des choses puis, en même temps, vous allez payer pour?

Donc, il y a des ajustements, et à l'Éducation, et au MIC, et au ministère du Développement des régions qui s'en vient, mais aussi aux Affaires municipales puis ailleurs, qu'il faut faire. C'est mineur, ça ne coûte pas des fortunes, mais ça suppose, si vous voulez, un virage important au niveau des orientations. Et ce virage-là, on ne sent pas qu'il est enclenché. Et tant qu'il ne sera pas enclenché, puis qu'on va avoir encore un peu d'énergie, on va le répéter, à moins que les gens nous convainquent qu'on peut régler les problèmes d'emploi au Québec et les problèmes de budget autrement que par l'entrepreneurship. Si quelqu'un me convainquait, je vous promets, je vous promets sur mon honneur d'arrêter de parler d'entrepreneurship puis d'arrêter de parler tout court, puis de rentrer dans mes quartiers et de demeurer silencieux.

Mme Loiselle: Vous parlez du – c'est une idée quand même très intéressante – transfert de tout le développement de l'employabilité vers les élus locaux. Vous venez d'en discuter, vous en avez discuté tantôt avec la ministre. C'est parce que vous dites que, déjà, sur le terrain, il y a des partenaires importants qui ont l'expertise et qui ont toute l'efficacité pour mettre en place un tel plan. Vous parlez des CDEC, les corporations de développement de l'emploi. Il y a aussi l'autre structure qui a été implantée récemment par le gouvernement, les carrefours jeunesse.

Il y a aussi une structure très, très importante, la SQDM. La SQDM, comme vous le savez, est en train de se vider petit à petit. Le gouvernement la dirige tranquillement vers son abolition. Hier, M. Camil Bouchard, dans sa présentation, disait qu'il y avait une absence régionale dans ce qui est suggéré par le gouvernement dans son livre vert. La SQDM, elle, dit que le rôle consultatif qu'on lui donne, petit rôle, limité, consultatif, qu'on lui donne dans le livre vert, pour elle, ce n'est pas suffisant. Et un rôle de figurant, mais ils ne sont pas très intéressés à ça. M. Bouchard, lui, suggère que la SQDM dirige un comité régional de soutien, de supervision et de coordination. J'aimerais vous entendre sur ça.

M. Fortin (Paul-Arthur): Bon, écoutez... enfin, il y a deux éléments. C'est que, nous, on a une certaine inquiétude de voir la SQDM disparaître, puis, par ailleurs, je voudrais dire qu'on comprend peut-être aussi. L'inquiétude nous vient qu'on avait commencé, si vous voulez, un petit peu par les complicités puis par les fréquentations, à convaincre un certain nombre de personnes, dans la SQDM, de faire des choses au niveau du développement de l'entrepreneurship, travailler sur l'autre partie de l'équation. Et je pense qu'il y avait des budgets qui s'en venaient, enfin, qui étaient consacrés, un petit peu à la marge, mais il y avait des choses qui se faisaient, et ça, ça nous fait toujours de la peine de voir qu'on avait gagné du terrain puis qu'on risque de le perdre. Par ailleurs, comme j'ai participé aussi au comité dans le cadre du sommet économique qui touchait les municipalités puis le développement régional, je me suis permis de poser la question à chacune des régions qui ont paradé devant nous: leurs relations avec la SQDM puis la participation avec la SQDM. Et, à ma grande stupéfaction, je n'ai pas entendu des échos très positifs par rapport à la place qu'a occupée la SQDM. Je ne sais pas si c'était une question d'image, je ne sais pas si c'était une question d'information, mais je pense que... Évidemment, c'était relativement neuf aussi comme structure, mais c'est comme si la SQDM n'avait pas réussi à prendre sa place harmonieuse dans le décor. Il y a eu pas mal de critiques. Donc, je suis à la fois inquiet, mais à la fois, si vous voulez... Je me dis: Bon, bien, c'est peut-être pour le mieux, à condition, évidemment, de ne pas perdre le bébé en faisant couler l'eau du bain.

Mme Loiselle: Je pense que vous avez marqué le point, justement: la SQDM était nouvelle, il fallait qu'elle se fasse sa place.

M. Fortin (Paul-Arthur): Voilà.

Mme Loiselle: C'est tout à fait normal que ça prenne un temps. Mais maintenant qu'on a cette structure-là, que les partenaires s'entendent et veulent travailler, qui font leurs preuves, vous ne trouvez pas que c'est un peu comme indécent que le gouvernement dise: Bien, vous, on vous met de côté, on vous donne un rôle, c'est seulement pour garder la face, un rôle consultatif, et on met en place de nouvelles structures? Ne trouvez-vous pas que c'est un peu irrationnel et pas logique, dans le fond?

M. Fortin (Paul-Arthur): Bien, en tout cas, une chose certaine, ce qui nous inquiète, et là je reviens un petit peu à ce que je disais, étant donné que la SQDM, en partie... on avait convaincu la présidente, les partenaires qui sont au conseil d'administration et beaucoup de bureaux de conseil d'administration régionaux de faire des actions ou de faire des interventions pour augmenter justement le nombre d'emplois dans le milieu en travaillant à développer l'entrepreneurship. Donc, ça, c'était acquis et ça s'en allait en progressant. En intégrant le ministère, et surtout si Mme Harel, dans son mandat de ministre, n'a pas à s'occuper formellement de cette partie-là, nous, on risque, si vous voulez... en tout cas, on craint de perdre cette contribution-là qui nous venait de la SQDM sans nécessairement que quelqu'un d'autre, qu'un autre ministère l'assume ou qu'un autre ministère qui a des ressources pour l'assumer... Donc, c'est certain que ça nous inquiète énormément. Ça nous inquiète. Si Mme Harel nous disait: Écoutez, M. Fortin, non seulement on va continuer à s'occuper de travailler à développer des entrepreneurs, mais on va accélérer le processus... enfin, je pense qu'on passerait une meilleure fin de semaine.

Mme Loiselle: J'aimerais aborder un autre sujet parce que le temps file. Au niveau des régimes d'apprentissage en entreprise qu'on retrouve dans le livre vert et aussi de la formation permettant l'alternance travail-études, j'aimerais vous entendre sur ça et vous entendre également sur la proposition, hier, de M. Pierre Fortin en ce qui a trait aux stages, aux stagiaires, qu'on devrait amender la Loi sur les normes du travail pour s'assurer qu'ils soient rémunérés seulement à 40 %. Parce qu'il y a deux pensées, hein. Il y a des gens qui disent: Bon, un stagiaire, ce n'est pas un travailleur à temps plein, disons, ou un vrai travailleur, alors il doit être rémunéré moindre. Il y a l'autre école de pensée qui dit: Un stagiaire, finalement, est quand même un travailleur et doit être rémunéré de façon décente. J'aimerais vous entendre sur ça.

M. Fortin (Paul-Arthur): Peut-être, pour la première partie, je vais demander à mon collègue, Yvon, qui connaît mieux cette facette-là, et je répondrai à la deuxième partie de votre question.

M. Gasse (Yvon): Oui, effectivement, je pense qu'il n'y a pas juste deux écoles de pensée, il y a plusieurs écoles de pensée concernant les stages. C'est évidemment quelque chose qu'il va falloir regarder parce que, de plus en plus, on va parler du concept de compétence et non pas le seul concept de la formation, par exemple, en milieu scolaire, en classe. O.K.? Parce qu'il faut bien comprendre que non seulement les gens doivent avoir des connaissances, des savoirs ou des savoir-faire, mais il faut aussi qu'ils aient ce qu'on appelle, nous, des savoir-être et même des savoir-vivre, jusqu'à un certain point. Ça veut dire quoi? Ça veut dire d'être capable d'utiliser de façon efficace, si vous voulez, vos savoirs dans des situations particulières. C'est ça, être compétent.

(11 heures)

Alors, ce qu'on a comme réaction, entre autres, des employeurs, des entrepreneurs, évidemment, qu'on côtoie, c'est de nous dire: Écoutez, vos étudiants – et ils ne parlent pas seulement, évidemment, des diplômés universitaires, collégial aussi – ils ont des bonnes connaissances, ils ont un certain nombre d'approches, pour ne pas dire de recettes, de procédures et de méthodes, mais ils ne savent pas les utiliser. Fondamentalement, c'est ça qu'ils veulent dire. Ils ne savent pas travailler. Hein, c'est de même qu'ils nous renvoient ça. Alors, c'est là que l'idée de stages doit être intégrée.

Par contre, ça ne peut pas se faire n'importe comment, ça. Si vous regardez l'expérience européenne des stages, vous allez vous apercevoir qu'ils ont mis en place, si vous voulez, je dirais, des méthodes, avec les employeurs, avec les entrepreneurs, justement pour intégrer ces gens-là de façon un petit peu différente à l'intérieur de l'entreprise, et ils ont développé, je dirais, des formules adaptées. Alors, ce n'est pas seulement de recevoir à un moment donné un étudiant puis de dire: Bien, regarde, on va te mettre avec Jos Bleau, là, puis regarde-le faire, là, sur la machine, puis, après ça, bien, quand tu te sentiras à l'aise, tu pourras peut-être essayer ça, O.K.? Ça ne marche pas comme ça. Il faut que les gens soient préparés pour intégrer ces étudiants-là à l'intérieur des entreprises et ça prend un certain temps pour le faire. Il faut aussi que les employeurs voient ça comme étant, si vous voulez, non pas une dépense pour eux, mais un investissement que d'intégrer ces stagiaires-là. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Puis je dirais, troisièmement, il faut aussi que les stages qu'on donne à ces gens-là soient des stages utiles où, effectivement, il y a de l'apprentissage qui se fait. Parce que, moi, j'ai regardé des études qui ont été faites sur l'évaluation de certains stages au niveau, par exemple, universitaire et puis, bon, quand on intègre... C'est-à-dire, quand on reçoit, par exemple, un diplômé universitaire, puis on dit: Bon, bien, regarde, là, il y a un bureau qui est libre là, puis une petite étude qu'on voulait faire, fais donc ça. Et là on le campe là pendant quatre mois puis on dit: Bon, bien, tu nous remettras un rapport à la fin. C'est quoi, son apprentissage là-dedans? Bon, c'est ça qu'on veut dire. Alors, ça ne se fait pas, ça... Il faut que ce soit pensé. Il faut que ce soit préparé et que les employeurs comprennent bien c'est quoi, l'enjeu de tout ça, et je ne suis pas convaincu qu'il y en a beaucoup qui savent de quoi ils parlent actuellement là-dessus.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Peut-être un complément de réponse, si j'ai bien compris?

M. Fortin (Paul-Arthur): Oui, sur la deuxième partie, touchant la proposition de Pierre Fortin, d'avoir une rémunération...

Mme Loiselle: À 40 %.

M. Fortin (Paul-Arthur): ...de 40 %. Moi, je pense, compte tenu de ce que vient de dire Yvon Gasse... si vous voulez, c'est tout à fait justifié. C'est-à-dire, si les entreprises sont pour y mettre du temps puis des efforts, si les étudiants sont en apprentissage – bon, je ne pense pas qu'on paie les étudiants quand ils sont à l'école – bon, déjà, on donne 40 % s'ils sont en entreprise, qui est un moyen terme. Moi, je trouve ça raisonnable. Enfin, peut-être que c'est prématuré. Ce n'est pas une chose qu'on a fouillée beaucoup. Mais ça m'apparaîtrait raisonnable d'avoir quelque chose de ce type-là.

Mme Loiselle: Merci. Il y a mes collègues qui ont deux petites questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Robert-Baldwin, il vous reste deux minutes maximum, questions et réponses.

M. Marsan: Très rapidement. D'abord, je veux vous remercier et vous faire le commentaire qu'à travers votre mémoire ça nous permet aussi de mieux connaître votre Fondation. Je voudrais vous entendre sur deux points très précis.

D'abord, dans votre conclusion, vous nous dites: «Cependant, la Fondation ne croit pas en l'efficacité des moyens proposés par le projet de réforme pour atteindre cet objectif», l'objectif étant de réinsérer les prestataires de la sécurité du revenu sur le marché du travail, et vous ajoutez «parce qu'ils procèdent d'un mauvais choix de priorités». Alors, je voudrais vous demander quel serait le bon choix de priorités.

Le deuxième point, c'est à partir de ce que vous nous avez dit: Une petite déception au Sommet économique où vous auriez aimé que l'entrepreneurship soit vraiment la priorité du Sommet, puis à travers tout le Québec, à travers toutes les agences, les ministères, etc., et vous avez dit: Il faut partir la machine à créer de la richesse.Alors, je voudrais vous demander: Pourquoi la machine à créer de la richesse n'est pas encore partie?

M. Fortin (Paul-Arthur): Peut-être pour répondre à la deuxième partie, puis je reviens à la première. Effectivement, nous, on a été déçus. Parce que, au mois de mars, à la Conférence, ici, de Québec, il y a plusieurs intervenants qui avaient parlé d'entrepreneurship, puis là c'était la partie sur les finances publiques. Mais on disait, au mois d'octobre: C'est le développement de l'emploi. Or, nous, si vous voulez, on s'est frotté les mains, puis on a dit: Écoute, là, c'est vrai qu'on va en parler pour vrai, hein, et on a participé aux différents groupes. Et le mot, hein, le thème a été prononcé moins souvent à la Conférence du mois d'octobre qu'il ne l'avait été au mois de mars. Et, deuxièmement, si tu veux, c'est que, nous, on ne comprend pas, et là je m'excuse si on est peut-être fermés, mais on ne comprend pas comment on pourrait développer de l'emploi de façon importante au Québec sans développer l'entrepreneurship, le mot «entrepreneurship» étant pris dans le sens large que mentionnait Mme Harel tantôt, hein: culturel, communautaire, individuel, coopératif, collectif, enfin, peu importe. Mais il faut, quelque part, qu'on relève les manches et qu'on commence à faire des choses. Puis, quand tu fais des choses, normalement tu réponds à des besoins puis, bon, tu fonctionnes.

La première partie de votre question. Pour nous, les priorités, bien, c'est ça, c'est-à-dire que, pour nous, l'emploi, c'est la fusion, enfin, c'est la conjonction de deux... Il y a une offre puis il y a une demande. Et, comme il y a plus d'employés aptes au travail disponibles qu'il y a, si vous voulez, d'emplois disponibles, on dit: Travaillons sur la partie de l'équation qui est plus en demande, qui est plus faible, pour essayer d'augmenter cette demande-là, de sorte qu'à un moment donné on puisse atteindre un certain équilibre. Donc, nous, ce qu'on pense, sans complètement négliger ce que propose Mme Harel, bien sûr, c'est qu'on n'oublie pas de travailler sur cette partie de l'équation qui ferait qu'on aurait 80 000 entreprises de plus au Québec. Avec 80 000 entreprises de plus au Québec à 10 emplois chacune, on règle notre problème de chômage, et ça, c'est possible. Je ne dis pas que c'est possible demain matin, mais, nous, on a fait des propositions au Sommet où, sur une période de cinq ans, c'était possible d'aller chercher ce nombre d'entreprises là. Et quand on remettra le document que vous nous avez demandé, M. le Président, vous pourrez en prendre connaissance et voir un peu ce qu'on propose.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Au nom de tous les membres de la commission, merci d'avoir présenté votre mémoire et d'être venus nous rencontrer.

M. Fortin (Paul-Arthur): Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite maintenant immédiatement les représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, FTQ. Si on veut respecter notre horaire, on a un problème...

Mme Harel: M. le Président, vous allez me permettre...

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

Mme Harel: Vous allez me permettre de m'excuser auprès de M. Gasse, n'est-ce pas, puisqu'il s'agissait, en fait, de M. Gasse, et je l'ai tantôt appelé, je pense, Lafrance. Alors, je m'en excuse.

M. Gasse (Yvon): Vous êtes tout excusée, madame.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je demande maintenant aux représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, FTQ, Confédération des syndicats nationaux, CSN, et Centrale de l'enseignement du Québec, CEQ, de prendre place immédiatement.

Pour l'information de tous les membres de la commission, les trois groupes ont tenu à faire une présentation ensemble au lieu de séparément. Alors, on a accordé une heure et demie. Donc, il y a 30 minutes de présentation et 30 minutes de questions chaque côté. Est-ce que je peux savoir qui est le porte-parole officiel? Est-ce que c'est vous, M. Massé, qui commencez, ou quelqu'un d'autre? Est-ce que c'est vous qui commencez?

M. Massé (Henri): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'apprécierais que vous présentiez toutes les personnes, avec leur titre, de façon à ce que l'enregistrement soit bien fait, et vous pouvez commencer votre présentation.


Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Confédération des syndicats nationaux (CSN) et Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)

M. Massé (Henri): Oui, à ma gauche, M. Robert Guay, vice-président de la FTQ; à l'autre bout, c'est M. Lamarche, de la CSN; Mme Carbonneau, aussi de la CSN, vice-présidente; Daniel Lachance, de la CEQ; et M. Langlois, de la CEQ. Y a-t-il une chaise de libre? Il doit être capable de... Est-ce qu'on peut prendre l'autre chaise pour mettre...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pas de problème.

M. Massé (Henri): Oui? Bon.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On est très flexibles, toujours en autant qu'on reste dans le raisonnable.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Massé (Henri): Écoutez, d'entrée de jeu, on voulait vous dire que... D'abord, M. le Président, Mme la ministre et messieurs et mesdames de la commission, on vous remercie de l'opportunité de nous faire entendre. D'entrée de jeu, on voudrait vous dire que nous pensons que la réforme est un pas dans la bonne direction, c'est une bonne réforme sur papier, et on voudrait vous entretenir ce matin des chances de réussite. On pense que, si on veut vraiment qu'il y ait des chances de réussite, il va falloir y ajouter des ressources humaines, il va falloir y ajouter des ressources financières et surtout, surtout, il va falloir prendre des initiatives vigoureuses en matière d'emploi. Nous, on pense qu'il n'y a pas de réforme possible sans création d'emplois et sans baisse significative du taux de chômage.

(11 h 10)

On partage plusieurs objectifs qui sont dans la réforme, mais, ce matin, permettez-nous de partager aussi nos inquiétudes, nos craintes, nos appréhensions. On a été échaudés au cours des dernières années, sinon des derniers mois, par d'autres exercices qui se voulaient au départ tout aussi prometteurs. Je voudrais juste vous rappeler toute la grande réforme de l'assurance-emploi au niveau du fédéral, on a transformé l'assurance-chômage en assurance-emploi. On avait sensiblement en dessous de cette réforme-là à peu près les mêmes objectifs. Et je voudrais vous souligner qu'aujourd'hui dans nos rangs, un peu partout au Québec, un peu partout au Canada, il y a des milliers d'hommes et de femmes qui souffrent de cette réforme-là, et on a vu comment c'est venu amplifier le problème de la sécurité du revenu au Québec. Et pourtant le discours était beau. Le discours était, au départ, assez accrocheur, sinon cajoleur. Je ne voudrais pas faire un parallèle douteux avec cette réforme-là, mais on veut juste vous indiquer nos appréhensions et, si on veut que cette réforme-là réussisse, je pense qu'au Québec il faut faire les affaires un peu autrement que c'est fait ailleurs.

Notre mémoire est divisé en trois parties. La première partie, c'est le parcours individualisé et les mesures d'insertion. La deuxième partie, c'est les familles face à la pauvreté. La troisième partie, c'est les mesures de contrôle.

D'entrée de jeu, je voudrais vous dire qu'on est d'accord sur le parcours individualisé et les mesures d'insertion, car, selon nous, donner aux individus la possibilité de choisir leurs propres mesures de formation ou d'insertion, ça ne peut qu'accroître la portée ou l'efficacité de ces mesures. Mais encore faut-il permettre un choix réel. Et je vous dirais que rien dans le document gouvernemental, on ne voit rien, nous, en tout cas, dans le document gouvernemental, à ce stade-ci, sur le profil ou la diversité des mesures. Et ça, ça nous inquiète. Nous, on pense que la clé – et je sais que c'est un terme qui est cher à la ministre – de toute cette réforme-là, ça devrait être le pragmatisme, l'emploi et la mise en place de ressources pour soutenir cette réforme.

Je voudrais conclure ma partie juste sur deux exemples. Lorsqu'on parle, par exemple, de formation, c'est-à-dire, bon, les jeunes devraient avoir un parcours pour continuer, compléter leur formation, je voudrais juste vous rappeler que, de 1994 à 1995, le programme de l'alphabétisation ou l'analphabétisation, les programmes pour les jeunes décrocheurs, du ministère de l'Éducation est passé de 55 000 000 $ à 36 000 000 $. Nous, on est pour le programme personnalisé. Mais, si on prend un exemple, les jeunes qui ont décroché en secondaire I ou secondaire II et qu'on veut qu'ils finissent ou qu'ils terminent leur secondaire V pour avoir des chances d'employabilité, avoir des chances de se trouver un emploi dans la vie – on sait qu'en bas de secondaire V, à peu près toutes les entreprises exigent ça, il n'y a pas grand chance de se trouver un emploi – ça, ça veut dire un parcours qui dure deux, trois, quatre, cinq ans même. Est-ce qu'on aura les ressources pour l'appuyer? Il y a beaucoup de programmes de cinq, six mois, d'expérience de cinq, six mois, on voit beaucoup d'individus, d'hommes, de femmes, se promener d'un petit programme à un autre et souvent se décourager parce que, au bout de chacun de ces programmes, ils n'ont pas l'impression d'avoir amélioré leur employabilité. Ils ont même souvent l'impression d'être diminués parce qu'ils ne trouvent rien en bout de ligne. Peut-être qu'il faudra augmenter de façon très importante la longueur de ces programmes-là. Ça veut peut-être dire aussi moins de programmes. Donc, ce qui veut dire qu'il faut regarder, consacrer des ressources nécessaires, avoir des emplois disponibles aussi et être très pragmatique là-dedans. Je pense qu'il n'y a pas de place pour l'idéologie et il n'y a pas de place surtout pour des politiques budgétaires restrictives à ce moment-ci si on veut que la réforme ait des chances de succès.

Le dernier point que je veux toucher, c'est toute la question des lois de travail, du travail, qui devraient s'appliquer. On sait qu'il y a des subventions salariales dans ces différentes options. On est pour ça, mais à condition qu'on ne crée pas d'autres exclusions, qu'on ne fasse pas disparaître des emplois existants, à ce moment-là, qui se trouveraient à être compétitionnés de façon très importante. Donc, les lois du travail devraient s'appliquer.

Et on vous félicite, Mme la ministre, pour votre modification, hier, autour de l'allocation de disponibilité de 120 $, parce que c'est un des points qu'on aurait voulu soulever en disant: Bon, ça, c'est beaucoup de contrôles bureaucratiques qui, probablement, vont coûter plus cher que la mesure qu'on vise. Et on salue ça et on pense que, dans le reste de votre réforme, on devrait regarder toute cette question-là et faire en sorte de donner plus de chance aux hommes et aux femmes qui sont pris dans cette insécurité-là à ce moment-ci.

Claudette Carbonneau va continuer avec la question des obligations.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, sur cette question précise des obligations, et j'insiste bien pour dire des obligations, puisque c'est justement en termes de réciprocité que le livre vert tente cette orientation, eh bien, pour les centrales syndicales, cette question des obligations appelle le plus grand pragmatisme dans la conjoncture sociale et économique difficile que nous connaissons, sans quoi tout effort positif pour réorienter notre dispositif social risque de sombrer dans une polarisation improductive, devenir source d'incompréhension et, pire encore, entretenir des préjugés qui, loin de solidariser davantage la société québécoise, la disloque toujours un petit peu plus.

Sans nul doute, on peut affirmer que les prestataires aptes au travail ont des responsabilités à assumer face à leur réinsertion sur le marché du travail. Droits et devoirs sont très clairement indissociables au niveau des individus. Cependant, l'ampleur de la crise actuelle du chômage et de l'exclusion, son caractère structurel, les mutations profondes et complexes qui sont en cours imposent de se poser la question: De quel côté sont réellement les obligations?

Au coeur du problème, Henri l'a souligné, il y a un manque flagrant d'emplois et d'organisation de l'activité économique, de redistribution du revenu, qui interpelle d'abord la responsabilité collective du social et du politique. À cette dimension s'ajoute aussi la responsabilité collective d'offrir aux personnes les moyens concrets pour s'adapter aux exigences accrues du marché du travail.

Or, dans ce sens, nous sommes d'avis que, si l'on parle de responsabilité, la balle est actuellement dans le camp du gouvernement. Et, de façon très pragmatique, rappelons que, en 1994, 50 000 personnes prestataires de la sécurité du revenu étaient inscrites dans les mesures d'employabilité et presque autant de personnes étaient en attente pour accéder à une mesure d'employabilité. La clientèle visée par la réforme, comme étant la première qui, au sens du livre vert, devrait être contrainte et, à défaut, pénalisée, à savoir les jeunes et les chefs de familles monoparentales... eh bien, ces deux clientèles-là s'élèvent à 135 000 personnes, soit, au fond, 85 000 personnes de plus qu'on a été capables de dégager de places disponibles.

Certes, on est très sensible, comme organisation, au caractère cruel de l'exclusion des jeunes, au risque de chronicité que cela entraîne, comme nous sommes fortement préoccupés du sort des mères chefs de familles monoparentales et des effets dévastateurs qu'entraîne une absence prolongée du marché du travail. C'est pourquoi nous insistons pour que soient accentués les efforts auprès de ces clientèles, notamment pour soutenir leur processus d'insertion. Cependant, en raison de ce que nous sommes en mesure d'offrir comme société, comme collectivité, nous nous opposons fortement à la prescription d'une obligation et aux pénalités qui s'y rattachent et nous en exigeons le retrait. Les personnes dans la société seront infiniment mieux servies par des modèles positifs de réussite en termes d'insertion, et nous croyons que, comme société, nous devons mettre tous les efforts pour suivre de très près l'évolution du nombre de places favorisant l'insertion et aussi les besoins exprimés par les clientèles qui y ont recours, et c'est la direction que nous privilégions à l'égard de tout ce débat concernant les obligations.

(11 h 20)

Maintenant, pour ce qui est des modifications annoncées à l'allocation de disponibilité, nous exprimons des réserves concernant les modifications proposées. Dans le cas des chefs de familles monoparentales, nous sommes en accord avec le statut de disponibilité lorsque les enfants ont cinq ans. Toutefois, il nous apparaît essentiel de reporter l'entrée en vigueur de cette mesure à septembre 1998 afin de donner le temps aux maternelles plein temps d'être instaurées partout sur l'ensemble du territoire et de s'assurer aussi que les services de garde en milieu scolaire, qui sont des mesures nécessaires à la conciliation des responsabilités travail-famille, soient aussi largement en place.

Par ailleurs, nous nous opposons énergiquement à la proposition de changer le statut des prestataires de 55-59 ans pour les considérer comme étant désormais disponibles. C'est, de notre point de vue, jouer à l'autruche par rapport aux difficultés concrètes que rencontrent les travailleuses et les travailleurs âgés en regard de l'emploi et c'est aussi lancer un message contradictoire par rapport au discours gouvernemental qui incite à une prise de la retraite plus hâtive pour faire de la place aux jeunes.

Pour ce qui est des frais de participation aux mesures d'insertion, je ne reprendrai pas les commentaires qui ont été faits par Henri Massé à cet égard-là. On salue l'initiative annoncée par la ministre, hier, à l'ouverture de la commission.

Maintenant, en ce qui a trait au revenu de travail permis, eh bien, on constate que le livre vert est assez peu éloquent à ce chapitre-là, et cette absence de recommandation très percutante à ce chapitre-là nous apparaît d'autant plus injustifiée dans un projet de réforme qui prétend favoriser l'autonomie des personnes et faciliter le passage vers le statut de salarié. Alors, à cet égard-là, ce qu'on constate, c'est que les dispositions actuelles du régime de sécurité du revenu «désincite» au travail. Nous croyons que le revenu de travail permis doit être revu à la hausse et qu'il est nécessaire de réduire les taux de récupération et d'en aplanir le plus possible les variations. Par ailleurs, à l'instar de plusieurs groupes, nous insistons pour pouvoir relever le salaire minimum au Québec. C'est, à notre point de vue, un des meilleurs outils pour affranchir les petits salariés du problème de la pauvreté.

Pour ce qui est du volet «mesures de protection sociale», nous sommes en accord avec la proposition de confier à la Régie des rentes du Québec l'administration de l'allocation des aînés et de l'allocation d'invalidité. Toutefois, nous insistons sur le droit au travail pour les personnes handicapées, de pouvoir passer de l'allocation d'invalidité aux mesures d'insertion, et vice versa. Nous revendiquons depuis nombre d'années pour les personnes handicapées le droit de s'intégrer à la vie sociale, notamment par l'accès au travail, et c'est très clair qu'il y a des changements qui interviennent dans les milieux de travail. Donc, il nous apparaît absolument essentiel que la décision prise par une personne handicapée puisse être réversible dans le temps.

Pour faciliter la sortie de l'aide sociale, il nous apparaît aussi essentiel que les mesures d'insertion en emploi s'adaptent aux nécessaires réalités des familles. En ce sens, nous demandons que ces mesures permettent des formules souples de participation, par exemple à temps partiel, afin de favoriser la réinsertion des mères ayant de jeunes enfants. La nécessaire conciliation travail-famille passe nécessairement par cette exigence-là. J'en profite pour saluer le volet «services de garde à la petite enfance» de la nouvelle politique familiale, mais nous insistons aussi pour que les enfants dont les parents ne sont pas inscrits soit au travail, soit dans un parcours d'insertion aient pleinement accès à des services de garde de qualité. Je pense qu'il en va là de l'avenir des jeunes citoyennes et citoyens de notre pays.

Pour ce qui est de l'allocation unifiée pour enfant, nous appuyons l'idée d'instaurer une telle allocation unifiée, d'une part parce que ça a le mérite de sortir les enfants de l'aide sociale et, d'autre part, parce que ça établit plus d'équité entre les prestataires d'aide sociale et les petits salariés. Cependant, cela ne doit pas se faire en diminuant le revenu disponible des familles les plus pauvres. Les garanties offertes par le livre vert à cet égard ne suffisent pas. Il ne suffit pas seulement de garantir qu'il n'y aura pas une baisse du revenu disponible pour les clientèles déjà inscrites à l'aide sociale ou celles qui pourraient l'être dans la prochaine année. On pense que ça devrait se poursuivre aussi dans le temps que cet engagement-là.

Par ailleurs, il nous apparaît nécessaire de revoir les seuils à partir desquels une forte récupération s'opère. Si on veut être clairs, on s'aperçoit que, pour une famille monoparentale ayant un enfant, à 19 428 $, c'est déjà considéré comme étant un seuil de revenu acceptable à partir duquel il n'y a aucune aide supplémentaire de la part de l'État. C'est une analyse qu'on ne partage pas. Je pense qu'il faut reconnaître qu'avec un enfant, 19 000 $, c'est encore un revenu nettement insuffisant pour répondre adéquatement aux besoins des enfants.

Enfin, nous dénonçons la disparition du principe d'universalité des allocations familiales qui va frapper les familles ayant un revenu familial de 53 000 $. Je rappelle que le principe d'universalité doit demeurer, parce que c'est ce principe-là qui consacre la reconnaissance de la responsabilité de la société à l'égard de l'ensemble des familles.

En conséquence, nous exigeons que l'échelle de l'allocation unifiée pour enfant soit revue de façon à être plus généreuse à l'égard des faibles revenus, en demeurant beaucoup plus progressive pour ce qui est des taux de récupération applicables, et surtout que la disposition concernant l'universalité des sommes actuellement versées à titre d'allocation familiale soit maintenue pour l'ensemble des familles. Daniel.

M. Lachance (Daniel): Alors, sur la question des mesures de contrôle, les membres de la commission auront peut-être noté – oui, je procéderai à un sprint, M. le Président – auront peut-être noté que le livre vert passe sous silence une question qui nous apparaît fort importante, le test d'actifs. On sait en effet que c'est à partir d'un test d'actifs qu'est déterminée l'admissibilité à la sécurité du revenu. Or, nous croyons qu'il faut l'ajuster aux réalités actuelles. Les principales composantes du test d'actifs sont les suivantes: les liquidités, les régimes de retraite et l'habitation. Nous croyons que le traitement des deux dernières composantes aux fins du test d'actifs est basé sur des principes mal fondés ne tenant pas compte de la réalité actuelle.

Dans le premier cas, il est clair que le traitement fait à certains véhicules d'épargne pour la retraite est discriminatoire. En effet, dans le test d'actifs, on ne tient pas compte des régimes de retraite qui sont immobilisés jusqu'à la retraite, alors qu'on demande, par contre, aux personnes qui disposent de régimes non immobilisés, surtout les REER, de les épuiser avant de recourir à l'aide sociale. Nous croyons qu'il est injuste de pénaliser les détenteurs de REER qui ont investi de bonne foi en prévision de leur retraite.

Dans le deuxième cas, l'emphase mise sur la valeur de l'habitation dont est propriétaire un éventuel prestataire de la sécurité du revenu est, à notre avis, illogique. Se loger n'est pas automatiquement moins coûteux parce qu'un prestataire est locataire, au contraire. Nous considérons qu'il est inacceptable d'obliger des prestataires de la sécurité du revenu à vendre leur maison afin de bénéficier d'une pleine prestation. Nous recommandons donc que tous les véhicules d'épargne pour la retraite, REER inclus, ainsi que l'habitation, soient retirés du test d'actifs.

(11 h 30)

Sur la question du partage du logement, ceci nous amène à une autre pratique non remise en question dans le livre vert et qui a fait l'objet d'une promesse électorale, qui a fait aussi l'objet d'un rappel à l'ordre du Protecteur du citoyen, M. Jacoby. Nous voulons parler de la coupure de prestation qui survient lorsqu'une personne partage son logement avec une autre personne autre que son conjoint. Nous nous opposons à cette mesure, et ce, tant pour des raisons économiques que sociales, que la ministre a reconnues elle-même à un moment donné. Les prestataires de la sécurité du revenu, lorsqu'ils vivent seuls, doivent consacrer une part démesurée de leurs revenus au logement, ce qui leur laisse très peu d'argent pour l'alimentation, l'habillement et le reste, et tout cela sans oublier que dans leur cas le partage du logement est souvent le seul moyen d'avoir un toit sur la tête, les logements sociaux se faisant rares. La question que nous posons au gouvernement est celle-ci: Doit-on pénaliser les prestataires qui, en partageant leur logement, font preuve de débrouillardise et de solidarité? À notre avis, poser la question, c'est y répondre. Voilà pourquoi nous demandons l'abolition des coupures de prestations lorsqu'il y a partage du logement.

Discrimination envers les femmes. Sur cette question, nous voulons souligner devant cette commission le caractère discriminatoire envers les femmes de certaines pratiques administratives visant l'identification d'un conjoint. C'est dans les armoires de salles de bain et dans les garde-robes que les boubous macoutes – expression consacrée maintenant – se paient des safaris aux supposés conjoints de femmes prestataires. À notre connaissance, les hommes prestataires n'ont jamais été soumis à ces pratiques humiliantes et injustes. L'admissibilité à la sécurité du revenu doit, selon nous, être identique tant pour les femmes que pour les hommes, pas seulement en théorie, mais aussi en pratique. Nous estimons donc nécessaire que des modifications soient apportées aux pratiques administratives afin que cesse toute discrimination systémique envers les femmes.

La saisie du loyer à la source. Malheureusement, la discrimination que subissent les prestataires de la sécurité du revenu prend également d'autres visages. Les relations entre les locataires et les propriétaires en sont teintées. Sans remettre en cause les résultats du sondage cité dans le livre vert, il faut cependant les nuancer. Si près de 70 % des non-paiements de loyer sont le fait de prestataires de sécurité du revenu, il faut en revanche dire que seule une minorité d'entre eux sont en situation d'irrégularité. Nous mettons donc en garde le gouvernement de ne pas se lancer dans une chasse aux sorcières et, par conséquent, nous nous opposons au fait que la Régie du logement puisse décréter la saisie de la portion logement de la sécurité du revenu.

En conclusion, nous sommes venus devant cette commission avec la conviction qu'une réforme de la sécurité du revenu est devenue non seulement souhaitable, mais impérieuse. En témoignent la pauvreté endémique qui sévit aux quatre coins du Québec et l'échec lamentable du système actuel à servir de tremplin pour la très grande majorité des bénéficiaires qui n'aspirent finalement qu'à une chose, trouver un emploi. Or, le livre vert comporte des éléments intéressants. Sous certaines conditions, le projet de réforme proposé pourrait assurément constituer un certain pas dans une bonne direction. Toutefois, il faudra d'abord s'assurer du respect du droit de toute personne à un revenu décent, et ce, quelle que soit la cause de son exclusion. Le gouvernement devra aussi résister aux pressions de plusieurs milieux qui le poussent à s'engager sur la voie du «workfare». Cette approche actuellement en vogue chez plusieurs de nos voisins ne correspond pas au type de développement auquel nous aspirons.

Il faudra par ailleurs éviter de compromettre les chances de succès de la réforme en la soumettant à un carcan budgétaire trop rigide. À cet égard, nous croyons que les vagues de coupures successives auxquelles ont été soumis les bénéficiaires de la sécurité du revenu s'appuyaient strictement sur des motifs budgétaires et ne s'inscrivaient nullement dans une stratégie globale de réforme du dispositif. En outre, nous croyons que le succès de la réforme dépendra pour une large part des ressources qui y seront consacrées. Le gouvernement devra se donner les moyens de ses ambitions. Mais surtout – et je termine là-dessus – la lutte contre l'exclusion ne pourra être gagnée sans la mise en oeuvre d'une politique en matière de développement de l'emploi. À cet égard, nous souhaitons fortement que le gouvernement du Québec respecte aussi scrupuleusement ses engagements qu'il entend le faire dans le cas des finances publiques, d'autant plus que nous demeurons convaincus que ces deux questions sont intimement liées.

En terminant – et je termine vraiment – nous invitons les membres de la commission à examiner attentivement notre stratégie intitulée «Pour une forte réduction du taux de chômage», contenue en annexe du mémoire. Cette stratégie repose sur deux grands axes: premièrement, contrôler l'évolution du taux de participation au marché de l'emploi, d'une part, en contrant le décrochage scolaire et en encourageant la poursuite des études et, d'autre part, en favorisant la prise de retraite anticipée; deuxièmement, en relançant l'emploi par la mise en oeuvre des projets annoncés au dernier sommet, mais aussi par des formules de réduction et de partage du temps de travail ainsi que le blanchiment du travail au noir. À notre avis, cette stratégie est suffisamment prometteuse au chapitre de la création d'emplois, quand vous voyez ce graphique, pour réduire progressivement le taux de chômage à 8 % d'ici l'an 2002, ce qui augmenterait les chances de réussite du projet de réforme de la sécurité du revenu qui nous est soumis.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse de vous avoir presque obligé à lire rapidement. J'avais compté sur 25 au lieu de 30 minutes. Alors, il reste quatre minutes. Maintenant, pour les deux tableaux qui sont là, je comprends que, pour la télévision, c'est très important, mais, si j'ai bien compris, vous les apportez pour les membres de la commission. Alors, je vous suggérerais – je vous permettrais même – de le faire, tranquillement, ici, là, passer avec le tableau de façon à ce que les gens le voient, et, si vous avez encore des remarques pour quatre minutes, je vous permettrais de les faire.

M. Massé (Henri): On est prêt pour la période des questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse encore une fois. Mme la ministre.

Mme Harel: Bon. Alors, je vous salue tous et je compte bien sur l'opposition pour vous poser des questions sur la SQDM. Moi, je vais essayer de vous les poser sur le mémoire que vous nous présentez ce matin. D'abord, je souhaiterais que tous mes collègues lisent ce mémoire. Dans le peu de temps qui nous est quand même laissé, je voudrais presque revenir avec vous sur le résumé de chacune de vos positions, qui se trouve aux pages 39 et suivantes. Peut-être, juste avant, inviter les membres de la commission, vraiment, à relire attentivement à la page 4 ce que vous appelez les éléments de contexte et, dans ces éléments de contexte, le deuxième paragraphe où on dit: «Les sommes en jeu sont par ailleurs très importantes. On parle d'environ 4 000 000 000 $ de budget, ce qui représente 2,3 % de notre PIB et 10 % des dépenses du gouvernement du Québec. Mais le plus inquiétant est l'augmentation faramineuse – de l'ordre de 55 % – qu'a connue l'enveloppe de la sécurité du revenu depuis 1990. Ce gonflement des coûts, presque entièrement imputable à l'explosion des clientèles, apporte de l'eau au moulin aux adversaires des programmes sociaux et aux mouvements anti-taxes – souvent les mêmes – ce qui fragilise davantage l'appui déjà faible dont bénéficie l'assistance sociale au sein de la population.»

Et je pense que cette mise en contexte, ça mérite aussi d'être associé à ce que vous nous rappelez aux pages 7 et 8 de votre mémoire, dans ce qui se passe chez nos voisins du sud et puis de l'ouest, juste à côté, puis, pour une fois, personne, j'espère, ne va nous proposer de nous inspirer du Nouveau-Brunswick, parce que, là, c'est encore pire que ce qui se passe en Ontario même si on n'en parle pas. Alors, vous nous rappelez qu'aux États-Unis, depuis cet été, c'est finalement une limite à vie de cinq ans pendant laquelle un individu peut recevoir de l'aide sociale puis une obligation pour tout adulte de travailler au plus tard deux ans après avoir reçu le premier chèque parce que, après, c'est fini. Et, en fait, en Ontario, j'imagine que votre mémoire était fait avant la nouvelle série d'annonces qui amènent un financement à 50 % des municipalités, en se rappelant que ça ne coûtera peut-être pas cher à Mississauga, même si ça coûtera cher à Toronto, et que ça serait exactement l'équivalent entre Verdun et Westmount, pour prendre des exemples québécois.

Alors, ce contexte, là... Il y a aussi... parce qu'on ne vit pas sur une autre planète. Même si parfois l'opposition a l'air de penser que l'aide sociale, le régime actuel est arrivé avec le gouvernement, c'est un héritage qu'on a et qu'on essaie de changer. Le virage, c'est justement pour changer cet héritage-là. Mais il se complique depuis deux ans, et là je veux rappeler un fait d'évidence. Encore une fois, l'opposition n'aime pas ça qu'on en parle. L'an passé, c'est 680 000 000 $ de moins dans les transferts fédéraux au titre de l'aide sociale, de l'éducation et de la santé et, cette année, c'est 1 200 000 000 $. Ça veut dire, en deux ans, que c'est 1 800 000 000 $. Alors, après, on peut bien venir nous reprocher de faire des compressions, mais on est mis en situation de faire les compressions du fédéral pendant qu'il dépense notre argent. Alors, c'est... En même temps, si je reprends vos conclusions rapidement – je pense que j'y reviendrai parce que c'est surtout là-dessus, dans le fond, que j'aimerais qu'on ait un échange – vous dites: Il faut résister aux pressions du «workfare», et je pense que vous avez complètement raison. Le «work for welfare», c'est-à-dire travailler pour rester assisté, ça, je pense qu'il n'y a personne au Québec... On l'a vu cet été, tous les éditorialistes, même ceux dont on ne s'attendait pas à des dispositions fermes, ont dit non. Le «work for welfare», c'est non. Et c'est d'autant plus important que c'est un débat qui est venu suite à une résolution du comité des jeunes libéraux.

(11 h 40)

Mais, en même temps, vous nous dites cependant qu'il faudrait que ce soit un revenu qui soit comme garanti, sans réciprocité. C'est même à défaut, disons, d'accepter. Je ne vous parle pas d'une mesure d'employabilité et je vous donne raison sur le fait qu'il n'y en avait pas assez. Moi, je vous parle d'un parcours, d'une démarche dans laquelle une personne s'inscrit, et ça peut même, dans le fond, être une implication sociale qu'elle va avoir pour sortir aussi de son exclusion. Mais ça, j'aimerais qu'on revienne à cela, sur le fait aussi... Vous parlez avec raison dès le début de ressources humaines, de ressources financières, d'initiative en matière d'emploi. Et, vraiment, votre proposition, qui est en annexe, pour la réduction du taux de chômage, je pense que, dans chacun de ses éléments, elle mérite aussi le suivi que le sommet entreprendra à partir de vendredi. Mais je comprends également dans ce que vous nous recommandez... Par exemple, l'allocation des aînés, vous dites oui à l'allocation des aînés administrée par la Régie des rentes, mais je comprends que, ce que vous nous dites, c'est pas à 60, à 55 ans. Est-ce que ce serait cela?

Ensuite, vous nous dites oui pour les chefs de familles monoparentales dont les enfants ont cinq ans, mais vous avez des réserves. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur celles dont les enfants ont quatre ans et moins. Vous nous parlez de 135 000 jeunes. En fait, ce dont il s'agit, ce sont 44 000 18-24 ans qui n'ont pas d'enfants ni de handicap, qui n'étudient pas, qui ne travaillent pas et qui sont présentement sur l'aide sociale – en fait, c'est un peu moins que le chiffre, que contient... Je ne vous en fais pas grief, mais c'est le fait – et 8 000, en fait, chefs de familles monoparentales dont les enfants de cinq ans commenceront à la maternelle. Ce que vous nous suggérez, c'est d'attendre un an, je pense, hein? C'est ce que je dois comprendre dans vos recommandations.

Sur les REER en particulier, je dois vous dire qu'il n'en est pas question. Actuellement, le REER ne fait partie du test d'actifs. Le test d'actifs, c'est en fait jusqu'à 60 000 $, et puis dans la moyenne. Je l'ai déjà fait sortir, mais jamais, jamais – mon intention est claire, et j'ai eu l'occasion de le dire dans bien d'autres forums – à mon point de vue, il ne faut toucher à ce que des gens ont péniblement mis de côté. La moyenne des REER, pour certaines personnes à l'aide sociale, c'est, je pense, autour de 6 000 $ ou 8 000 $ ramassés, souvent, dans une vie en mettant de côté du vieux gagné. Ce n'est pas du monde qui a gaspillé, ça. Alors, il n'est pas question de toucher à ça.

Pour la maison, dans le fond, vous nous dites: Il ne faudrait pas y toucher non plus ou bien, à défaut, un délai minimum d'un an. Je pense que ça se regarde, moi, ce délai minimum, mais c'est difficile. Ce serait difficile de penser qu'un actif peut valoir beaucoup, beaucoup d'argent et qu'en même temps la personne recevrait de l'ensemble des travailleurs, qui sont des contribuables, une aide, si vous voulez, qui ne correspondrait même pas à la propriété que les travailleurs eux-mêmes, locataires, auraient pu se gagner. Je pense que, dans le test d'actifs, qui est de 60 000 $, si vous me dites qu'il est trop bas, ça, je pense que ça peut se discuter. Si vous me dites qu'il faut que ça dure un an pour ne pas que, justement, les travailleurs devenus chômeurs, et chômeurs parfois autonomes, donc n'ayant pas droit, pour toutes sortes de raisons dues au resserrement de l'admissibilité, à l'assurance-emploi... Ça aussi, c'est un autre élément du contexte, l'arrivée de 30 000 ménages de plus à cause des critères resserrés à l'assurance-emploi. Alors, je comprends qu'on pourrait sûrement regarder la question des tests d'actifs à l'égard, disons, de la propriété, mais on ne peut pas la mettre de côté parce qu'il pourrait se glisser une véritable inéquité sociale à ce chapitre-là.

Alors, sur l'ensemble de ce que vous nous dites. Finalement, vous dites qu'il faut que le marché du travail soit incitatif au travail, mais vous nous rappelez que le régime actuel désincite au travail. J'aimerais vous entendre aussi. En quoi considérez-vous, à la page 41, que le régime désincite au travail? Et je reviendrai, je pense, sur une question importante, qui est celle: Faut-il ou pas... Je ne vous dis pas du jour au lendemain, n'est-ce pas? Il y a 350 000 personnes qui, avec la proposition: allocation des aînés, allocation d'invalidité, prestation pour enfants... Ce sont 300 000 personnes aînées, invalides ou âgées qui se retrouvent administrées par la Régie des rentes, et il ne s'agit pas qu'un parcours s'implante pour toutes les autres en même temps. Mais est-ce que graduellement, progressivement, on ne doit pas commencer, comme il est proposé, notamment avec les 18-24 ans, et ensuite leur demander une réciprocité, celle à laquelle ils s'attendent, d'ailleurs, et celle à laquelle la société s'attend d'eux également? Une réciprocité pour en sortir, pas pour y rester à l'aide sociale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je comprends qu'il y a plusieurs questions à répondre.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, pour ce qui est précisément de cette question de la réciprocité, je pense qu'on doit comprendre de notre position que nous ne nions pas le fait qu'il y ait une responsabilité individuelle à vouloir s'insérer correctement sur le marché du travail. Cependant, ce que nous dénonçons, c'est le couple, au fond, obligation-pénalité comme étant le moyen privilégié pour rencontrer cet objectif-là. Il y a ça, d'abord, comme réalité. D'autre part, ce que nous constatons, c'est qu'il y a parmi les personnes prestataires d'aide sociale nombre d'entre elles, si on tasse un peu la question des préjugés, qui, déjà, ont manifesté un intérêt de s'inscrire dans des programmes – qu'on critique par ailleurs, qui étaient inadéquats – d'employabilité et que ce nombre-là était même largement supérieur à notre capacité collective, comme société, de soutenir ces personnes-là qui décidaient de prendre des initiatives. Or, en ce sens-là, on ne voudrait pas qu'une orientation intéressante, qui vise à prendre acte de nos responsabilités collectives en matière de soutien concret aux personnes face à l'insertion, que toute la notion de parcours individualisé, qui peut être une notion riche, soit en quelque sorte pervertie parce qu'on éviterait, comme société, de prendre acte de nos propres difficultés à soutenir un aussi grand nombre de personnes et que, à travers une mesure qui vise davantage sur la contrainte, les pénalités, on pervertisse en quelque sorte cette orientation qui, en quelque sorte, est intéressante.

Pour ce qui est de la question des enfants de quatre ans, encore là, je pense que ce qui nous guide dans nos choix, c'est d'abord et avant tout une approche très, très, très pragmatique. Cinq ans, dans la mesure où les nouvelles maternelles à temps plein sont largement installées sur l'ensemble du territoire, qu'on a permis aux femmes chefs de familles d'être adéquatement informées, on pense que c'est une norme raisonnable et on insiste davantage, au fond, sur le fait de se responsabiliser collectivement pour suivre l'évolution des places potentielles dans les mesures de disponibilité puis faire une évaluation des besoins concrets des clientèles.

C'est clair qu'on peut se dire que, ces dernières années, la présence des femmes, par exemple, sur le marché du travail, il y a eu une explosion, là, et importante chez, notamment, les mères de jeunes enfants. Mais il faut décortiquer cette statistique-là et d'abord se rappeler que l'explosion a eu lieu chez les familles biparentales. Et, pour ce qui est des familles monoparentales, qu'elles soient prestataires de l'aide sociale ou non, il y a des difficultés objectives, il y a des difficultés concrètes. On a beaucoup à faire encore en termes de mesures de conciliation travail-famille. Or, en ce sens-là, nous avons plutôt retenu comme seuil de non-disponibilité l'âge de cinq ans pour les enfants.

(11 h 50)

M. Massé (Henri): Il y aurait peut-être quelques précisions. Au niveau du test d'actifs, par exemple au niveau de la maison, vous posez la question. On a beaucoup de difficultés avec le fait de garder la maison dans le test d'actifs. Ce n'est pas des maisons de 350 000 $ puis de 400 000 $ comme à Westmount. Et on a vu beaucoup de monde, de prestataires être obligés de vendre leur maison, de s'en aller à loyer – des loyers, souvent, qui leur coûtent aussi cher, des fois même plus cher que l'hypothèque qui leur restait à payer – être obligés de déménager de quartier dans certains cas, et on ne pense pas que ça soit ça qui aide à la réinsertion au niveau du travail. Ça, on pense qu'il faut que ça soit retiré. On l'a vu à d'autres niveaux, d'autres programmes gouvernementaux ou d'autres programmes dans la société et, habituellement, de plus en plus, on retire ces éléments-là.

Vous posiez la question sur toute la question du parcours individualisé: Est-ce que ça peut être une situation évolutive dans le temps? Oui, on pense que ça peut être évolutif dans le temps. Si le taux de chômage diminue à 7 %, 8 %, 5 %, 6 % à travers les années, je pense qu'il faudra toujours garder ce débat-là ouvert et voir comment on peut mieux s'occuper des finances publiques et des ressources publiques dont on dispose. Mais, dans le moment, on pense que c'est des questions théoriques, c'est des questions hypothétiques. Il y a tellement de monde qui est prêt à aller dans un parcours individualisé, tellement peu de ressources disponibles que, quand on pose toute la question de l'obligation, je pense qu'on la pose pour rien. Et, si on veut que ce programme-là réussisse, je pense que, quand on parle de mesures volontaires, de mesures incitatives, on a beaucoup plus de chances d'avoir l'adhésion à un programme comme ça. Donc, moi, je pense qu'on ne devrait pas verser dans les théories à ce moment-ci, juste dans la pratique. Et, juste à voir le monde qui est prêt à aller dans un parcours individualisé, il y en a beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lachance.

M. Lachance (Daniel): Oui. Je voudrais juste souligner deux éléments, sur la question de la maison, ajouter que, dans le contexte actuel, quand on sait le nombre de personnes qui sont frappées par le chômage, toutes catégories sociales confondues, on se retrouve dans la situation où une personne qui aurait besoin d'un coup de pouce, qui a besoin de quelques mois, souvent, ou d'une année pour se retourner de bord se voit pénalisée sur un élément aussi important qu'une maison qui a été, dans plusieurs cas, durement et chèrement acquise et cette personne se retrouve à être obligée de vendre cette maison dans un marché que je ne vous décrirai pas. Alors, il faut aussi tenir compte de la conjoncture actuelle quand on parle de ça, et Henri a bien souligné, je dirais, les facteurs sociaux, environnementaux qui sont aussi des éléments à tenir compte dans ce contexte-là.

Je voudrais réagir à ce que Mme la ministre soulevait quand elle nous parlait du fait que nous disions qu'il fallait résister, que le gouvernement résiste au «workfare». En comparant l'attitude du gouvernement du Québec actuel à ce qu'on retrouve en Ontario, dans l'ouest du pays ou chez nos voisins de l'est, écoutez, sans parler de «workfare», je pense qu'il faut quand même se dire qu'il y a une vision qui sous-tend le «workfare». Alors, on ne dit pas qu'ici c'est le «workfare», mais ce qu'on dit, c'est que, à partir du moment où l'aide de dernier recours, le niveau de prestations, tel qu'on le connaît actuellement, après les multiples coupures que les bénéficiaires de l'aide sociale ont subies, à partir du moment où cette aide de dernier recours, qui fait en sorte que la majorité des prestataires se retrouvent sous le seuil de la pauvreté, devient conditionnelle à un parcours de réinsertion, conditionnelle à la formation, conditionnelle à un stage, etc., ce qu'on remet en question, c'est le fondement même de ce type de régime dont le Québec s'est doté, c'est-à-dire qu'on remet en question l'aide de dernier recours.

Et il faut appliquer la logique qu'il y a dans le livre vert: un jeune qui refuserait une première fois, moins 150 $; un jeune qui refuse une deuxième fois, moins 150 $; et un jeune qui, en plus, se voit appliquer la pénalité pour le partage du logement – faites le calcul – se retrouve finalement avec pas très loin de 100 $ par mois pour vivre. Bien, c'est la question que nous posons au gouvernement: Est-ce que nous sommes toujours, si on applique la logique, sur le terrain de l'aide de dernier recours? Et c'est une question qui est posée au gouvernement et qui est posée aussi à la société québécoise, et c'est pour ça qu'on pense qu'il ne doit pas y avoir ce genre de condition, en plus des autres éléments qui ont été énumérés par Claudette et par Henri tout à l'heure.

Finalement, c'est un débat sur le revenu décent aussi que nous faisons. On pense que le fardeau de la preuve, si je peux m'exprimer ainsi, ou les obligations, actuellement, quand la très vaste majorité des personnes qui se retrouvent en situation de détresse économique, parce que c'est ça, l'aide sociale... Le fardeau de la preuve, il appartient au gouvernement, il n'appartient pas aux prestataires de l'aide sociale. Et bravo pour le parcours individualisé! Bravo pour une politique active! Mettons en place des mesures de qualité avec les moyens qui sont nécessaires pour ces mesures, puis on verra à un autre moment, si les programmes sont disponibles et accessibles, s'il y a tant de monde que ça au Québec qui ne veut pas travailler. Même si je sais que ce n'est pas le propos que la ministre a tenu, on a déjà entendu ça ailleurs. Mais on le prend sur le terrain de la logique même de l'économie générale qu'on retrouve dans le livre vert.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Madame, vous voulez compléter?

Mme Carbonneau (Claudette): Oui. Alors, je voudrais revenir sur une question qui a été formulée puis qui est restée sans réponse, à savoir pourquoi on considère que le régime actuel de sécurité du revenu désincite au travail. Bien, c'est assez simple, ça tourne essentiellement autour de deux raisons. Pour une personne qui n'a pas de contrainte à l'emploi, le recours à un revenu de travail permis s'avère essentiel pour satisfaire ses besoins de base essentiels. Or, on sait que, après 202 $ par mois, le taux de récupération de ce revenu de travail, il est énorme. C'est 100 %. Il n'y a plus un seul dollar pour la prestation de travail fournie qui peut être conservé par le bénéficiaire de l'aide sociale. Or, de ce côté-là, on n'a pas de formule technique de remplacement à soumettre, mais on y va de principes directeurs. On pense que, un, le seuil de 202 $ doit être rehaussé et que, deux, le taux de récupération doit être beaucoup plus progressif qu'une règle de récupération à la hauteur de 100 %.

Par ailleurs, l'autre question qui désincite au travail, c'est tout le débat du salaire minimum puis qui n'est pas sans lien non plus avec le premier élément de la réponse, l'historique du salaire minimum au Québec, malheureusement gelé pendant nombre d'années. Il y a eu, depuis, une reprise. Il y a eu quelques augmentations du salaire minimum, notamment ces deux dernières années, mais on reste quand même dans un contexte de précarité de l'emploi, avec un salaire minimum qui est ridicule par rapport au coût de la vie, par rapport à la capacité des personnes de s'affranchir à partir de leur travail du cercle vicieux de la pauvreté.

Et je voudrais juste, très rapidement, revenir sur le débat des obligations, le débat de la réciprocité. Notre position de fond, c'est qu'on considère que la première responsabilité du gouvernement, c'est de mettre en oeuvre les mesures qui favorisent le parcours d'insertion, après quoi, on fera des évaluations, on fera des ajustements. Mais on risque, au fond, de s'embourber et d'être tout à fait contre-productif avec de débat d'obligation, de contrainte.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Une dernière question.

Mme Harel: J'ai l'impression qu'on va être un peu «frus», comme disent les enfants. Vous connaissez l'expression, n'est-ce pas?

M. Gobé: Crus?

Mme Harel: «Frus»: frustrés. On va être un peu «frus» de ne pas avoir pu aller jusqu'au bout de l'échange étant donné que, malgré que c'est un peu plus long que les autres présentations, il reste que ça va être trop court. Mais, dans le fond, tout de suite, parce que ça peut donner l'impression qu'une personne, avec le test d'actifs, doit vendre sa maison, il y a une exemption de 60 000 $. C'est-à-dire que cette exemption est peut-être insuffisante et qu'il faut peut-être la hausser, mais de dire qu'il n'en faut pas du tout, entre les deux, il doit y avoir moyen de trouver une formule qui puisse être satisfaisante.

(12 heures)

Je pense que l'autre aspect aussi important... Quand vous parliez, par exemple, de rattrapage scolaire... Vous voyez, même s'il y a moins d'argent, moi, ce qui m'inquiète aussi, c'est que, quand l'argent était dépensé, c'était un deuxième échec pour 60 % de ceux et celles qui essayaient de recommencer. Donc, les mesures d'employabilité n'étaient pas adéquatement envisagées et uniformément appliquées comme elles l'étaient avec le statut d'assisté. Moi, j'attire votre attention parce que ce n'est pas un élément qui a été développé dans votre mémoire puis, dans le fond, c'est sans doute, cependant, l'élément le plus innovateur, parce qu'il y avait la mauvaise nouvelle des coupures fédérales dont je vous ai parlé, mais la bonne, c'était que le Régime d'assistance publique du Canada était abrogé. Ça, ça reste que, depuis le 1er avril, on peut convertir de ce qu'on appelait les mesures passives en mesures actives. Ça, c'est l'élément, si vous voulez, le plus nouveau qui permet d'aller au-delà des mesures d'employabilité qui gardaient les gens au statut d'assisté. Là, on peut très bien, par exemple, convertir le 500 $ pour un jeune de 20 ans en bon d'apprenti, ou en bourse de formation, ou en subvention salariale dans des cadres plus balisés pour qu'il n'y ait pas d'exploitation, mais d'entreprises d'insertion ou d'économie sociale. Il est possible d'envisager autre chose que la manière dont on faisait les choses jusqu'à maintenant, et j'ai l'impression – peut-être que je me trompe – que vous n'en avez pas vraiment tenu compte. Je vous comprends, ça faisait 28 ans que ça marchait autrement, mais là on a quand même la capacité de modifier ça, et le fardeau de la preuve... Justement, dans le recours, vous nous dites: Pas de «workfare», je pense, que, vraiment, moi, j'abonde, et, en même temps, vous dites: Il faut que ce soit inconditionnel, absolument inconditionnel. Je pense que, entre les deux, il y a moyen de trouver une manière, pour ne pas qu'il y ait d'abus de droits, où les recours pourraient être les mêmes que, par exemple, pour les chômeurs prestataires de l'assurance-emploi. On dit qu'il va y avoir égalité de traitement dans les services offerts. Il pourrait y avoir égalité de traitement dans les recours offerts, mais, en même temps, si les chômeurs de l'assurance-emploi, comme c'est le cas maintenant, sont entièrement coupés – hein, vous le savez? – avec la loi C-112, là, si tant est qu'ils ne participent pas activement et, si tant est qu'ils sont entièrement coupés et que l'assistance-chômage, c'est peut-être ça – je termine là-dessus – oui, il y a une différence, je pense, importante. C'est que c'est un nouveau postulat. C'est qu'il y a des protections sociales qui sont nécessaires, et il y a l'assistance-chômage qui est nécessaire, mais l'assistance-chômage, ça suppose une responsabilité collective, mais aussi individuelle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la ministre. Ça termine l'intervention ministérielle. Vous aurez sûrement l'occasion d'y revenir. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, madame, messieurs, bonjour. Moi, j'aimerais revenir sur l'allocation unifiée pour enfants. Vous faites la démonstration que, pour une famille monoparentale, à partir de 19 000 $, ça descend énormément, il n'y a presque plus d'aide quant à l'allocation unifiée pour enfants. Hier, un groupe nous disait que, finalement, ce qu'on fait avec l'allocation unifiée pour enfants, c'est qu'on redistribue la pauvreté, qu'on enlève aux familles de l'aide sociale pour donner aux familles à faibles revenus. Le tableau qu'on retrouve dans le document du gouvernement, ça donne les exemples de comparaison pour des familles avec enfants, mais partant de sept ans à 10 ans. Le Conseil de la famille, lui, s'est posé la question pourquoi le gouvernement n'avait pas donné, finalement, un tableau comparatif aussi pour les enfants en bas âge, et on comprend, avec les chiffres qu'il nous a donnés, par le tableau qu'on retrouve dans le Conseil de la famille, qu'une famille monoparentale avec un enfant de six mois, à l'aide sociale, se retrouve avec une perte de 720 $ par année avec l'allocation unifiée pour enfants. Une famille biparentale, avec deux enfants de six mois et quatre ans, se retrouve, elle aussi, avec une perte, finalement, de 59 $ par mois, un montant d'environ 720 $ par année. Il est clair que l'allocation unifiée, elle s'est faite sur le dos des enfants les plus pauvres du Québec. Il y en a 255 000 à l'aide sociale. Moi, j'aimerais vous entendre sur cette question-là, s'il vous plaît. Vous, est-ce que vous avez fait l'exercice aussi à cet égard-là? On pourrait peut-être obtenir vos résultats si vous l'avez fait.

Mme Carbonneau (Claudette): Non, il faut être conscient qu'il y avait, d'une part, le livre vert, d'autre part, la politique familiale, et les détails sur l'allocation unifiée n'ont été rendus publics que...

Mme Loiselle: Récemment.

Mme Carbonneau (Claudette): ...tout, tout, récemment. On ne les avait même pas au moment où, conjointement, nous avons rédigé notre mémoire. Mais, néanmoins, sur la question des principes, notre position de fond c'est: Oui, l'orientation de procéder par une allocation unifiée, c'est une initiative intéressante. Nous avons beaucoup de sensibilité à l'égard des familles les plus pauvres, les plus démunies et voilà pourquoi, d'ailleurs, nous exigeons que l'échelle de l'allocation unifiée soit revue pour garantir que, en aucun cas, en aucune circonstance, les plus démunis de la société bénéficient d'un soutien qui soit moindre. Ceci étant dit, je pense qu'il faut éviter aussi de poser ce débat de la pauvreté un petit peu, là, comme des dames patronnesses – pour parodier la chanson de Brel – qui s'arrachent chacun leurs pauvres à elles. Je pense que la situation des bas salariés sur le marché du travail, eu égard à des responsabilités d'enfants, trouve quand même une amélioration intéressante dans la formule qui est proposée en termes d'allocation unifiée pour enfants.

Ceci étant dit – et nous le critiquions tantôt dans notre présentation – il est très clair que les seuils où il n'y a pas une nouvelle aide additionnelle offerte aux parents à faibles revenus indépendamment de leur statut, qu'ils soient bénéficiaires de l'aide sociale, qu'ils soient en emploi, que situer ce seuil-là, à titre d'exemple, à 19 000 $ pour une famille monoparentale avec un enfant, c'est ne pas être connecté sur les réalités des besoins pour vivre décemment dans la société québécoise. Et, de ce côté-là, on pense qu'il faut revoir les seuils, qu'il faut retravailler l'échelle, mais on ne remet en cause l'orientation qui est derrière l'allocation unifiée. Il y a des problèmes d'échelle, il faut s'y attaquer. Il faut un engagement plus profond que celui qui est pris à l'intérieur du livre vert à l'égard des plus, plus, plus démunis et il faut aussi revoir l'échelle pour les familles qui ne seraient pas parmi les plus, plus démunies, mais qui demeurent quand même des familles à trop faibles revenus pour répondre adéquatement aux besoins des enfants.

Mme Loiselle: Parce qu'il faut bien comprendre actuellement... Parce qu'il y a plein de mesures, dans ce livre vert là, qui appauvrissent davantage les personnes à l'aide sociale qui, déjà, ont fait une part qu'elles n'étaient pas capables de faire, mais que le gouvernement les a obligées à faire au cours des deux dernières années, des coupures, des compressions, là, très dures sur les bénéficiaires de l'aide sociale.

Il faut comprendre que, pour les familles monoparentales, en retirant le barème de non-disponibilité, on coupe à la mère 100 $ par mois et que, du même coup, avec l'allocation unifiée pour enfants, on ne donne pas le montant que l'aide sociale reçoit actuellement pour l'enfant. Alors, vous comprenez qu'il y a un autre appauvrissement qui se fait, surtout pour les familles monoparentales, et c'est ça, je pense, que le gouvernement devra au moins rétablir pour ces familles-là, parce que, je suis d'accord avec vous, c'est peut-être plus de l'équité que d'aider les familles à faibles revenus, mais en prendre dans les poches des familles les plus pauvres pour donner à d'autres familles pauvres, c'est une équité qui est questionnable.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, je vous rejoins. Nos solutions ne sont pas de l'ordre de déshabiller Paul pour habiller Pierre.

Mme Loiselle: Exact.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, Mme la Présidente, quand on est député, qu'on fait du bureau de comté, ce qu'on rencontre c'est des êtres en chair et en os et qui cherchent comment s'en tirer à travers les complications, les complexités du système. Ici, à la commission parlementaire, on aborde les questions sous leur grand angle: Combien d'eau on va mettre dans le réservoir? Qu'est-ce que le monde va faire avec l'eau? Mais il y a toujours une réalité, c'est qu'il faut que les robinets fonctionnent pour avoir accès à cette eau-là. Il faut que ça fonctionne, il faut que les gens sachent où se présenter et puis qu'ils aient le sentiment qu'on s'occupe d'eux en tant qu'êtres humains au complet, et non pas rien que par tranches.

Vous avez choisi, d'après la page 13 de votre mémoire, de ne pas parler de la structure des services. Pour faire plaisir à la ministre, pour ne pas la décevoir, je vais vous en parler. Nous n'avons pas l'intention, dites-vous, d'aborder cette question qui doit faire l'objet d'un débat et d'une consultation spécifique. Je vous prierais de noter ma première question: Est-ce que ce «doit faire», c'est une assurance que vous avez obtenue qu'il va y avoir un débat particulier là-dessus? Est-ce que c'est l'assurance que vous avez obtenue que ça va être un débat public ou si c'est un souhait que vous émettez qu'il y ait un tel débat? Parce que ça mérite d'être expliqué, ça. Vous dites que vous n'allez pas en traiter, mais, en même temps, vous avez cru bon, hier, d'émettre un communiqué, vous et l'ensemble des partenaires du marché du travail, en plus de votre communiqué de fond sur le régime de sécurité du revenu, un communiqué spécial, particulier sur les structures et sur vos appréhensions quant à l'avenir de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Comme on le sait, et à travers des questions que nous avons posées, même si les réponses du ministre ont toujours été négatives, il n'en reste pas moins que la manoeuvre de fond consiste à faire disparaître la SQDM pour l'essentiel de ce qu'elle était, c'est-à-dire une structure décisionnelle mise en place pour réunir les partenaires du marché du travail dans la conception et la gestion des services, et à réduire cette structure-là, ni plus ni moins, à un forum de consultation et à quelques mesures particulières dans le meilleur des cas.

(12 h 10)

On sait aussi que vous avez présenté une formule de remplacement: Emploi Québec. Vous dites dans votre communiqué que vous n'acceptez pas d'être relégués à un simple rôle de figurant. Vous voulez le maintien d'un organisme autonome, géré par les partenaires du marché du travail et vous dites que ce serait plus souple et moins cher que ce qu'envisage la ministre. Vous avez préparé une contreproposition qui s'appelle Emploi Québec, un organisme décisionnel en ce qui a trait à la programmation, aux plans d'action, aux opérations. Il me semble que ce serait très important de vous donner l'occasion à ce moment-ci de quand même préciser votre pensée, la nature profonde de vos appréhensions par rapport à ce que vous pressentez être les desseins de la ministre. Et puis je reviens avec ma question: Est-ce que vous souhaitez vraiment un débat public? En avez-vous l'assurance? Parce que vous dites ici, dans votre communiqué, que vous avez écrit à la ministre ainsi qu'au ministre Chevrette pour les rencontrer, discuter de la question. Est-ce que c'est la seule consultation que vous espérez ou si vous voulez un débat public sur la question?

M. Massé (Henri): Si ce sont des assurances, moi, je vous dirais qu'on est d'une prudence de Sioux. On a appris au cours des dernières années qu'on n'avait jamais d'assurance avec les gouvernements en place, et il est clair qu'on souhaite un débat sur toute cette question-là. Maintenant, nous, ce matin, on ne voulait pas soulever ce débat-là. Je pense qu'il y a des objectifs à travers toute la réforme de la sécurité du revenu qui nous préoccupent, beaucoup de monde qui est dans une misère assez importante, mais, puisque vous soulevez la question, on ne peut pas non plus ne pas y répondre. Il y a une divergence assez profonde à l'heure actuelle entre le gouvernement et les partenaires, soit du milieu du travail, communautaire, au niveau de la façon dont on doit envisager cette réforme-là. J'écoutais tantôt nos intervenants précédents. Il y a eu beaucoup de questions sur la SQDM. Bien évidemment qu'on ne veut pas défendre de long en large la SQDM. C'est une jeune structure – elle a trois ans – qui a encore ses défauts, qui a encore des améliorations à apporter à son fonctionnement, et je dirais que, au cours des dernières années et des derniers mois, il y a eu beaucoup de choses faites dans ce sens-là. Nous, on ne veut pas s'accrocher nécessairement à la structure actuelle de la SQDM. On dit qu'il y peut-être des affaires à changer. C'est pour ça qu'on parlait d'Emploi Québec, de quelque chose qui est un petit peu large.

Mais il faut rappeler que la SQDM a été créée justement dans tout le contexte de transfert des mesures actives de l'assurance-emploi du fédéral vers le Québec. Il y a eu de longs arbitrages entre les parties. C'est un débat qui a duré deux, trois ans avant qu'on crée la SQDM; des débats entre les régions, entre le national, entre les différentes organisations. Ça a été fort long, fort préoccupant. Mais l'approche privilégiée à ce moment-ci par le gouvernement, qui est une approche ministérielle, c'est bien clair que ça enlève beaucoup d'importance aux partenaires du marché du travail, et il y a une divergence profonde. L'ensemble des intervenants, l'ensemble des partenaires sont très clairs là-dessus en souhaitant qu'on continue dans la même forme de partenariat qu'on avait auparavant, et le projet gouvernemental, à l'heure actuelle, selon nous, ne va certainement pas dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Et est-ce que vous souhaitez que la ministre permette un débat public, genre commission parlementaire, particulièrement sur cette question? Parce qu'on sait que, à travers l'ampleur du débat sur la sécurité du revenu, cette question en est une parmi tant d'autres, mais c'est le robinet qui permet d'avoir accès. C'est quand même assez stratégique. Est-ce que vous souhaitez un débat public sur cette question ou si vous allez vous satisfaire de rencontres en privé avec les deux ministres mentionnés dans votre lettre hier?

M. Massé (Henri): Bon, on n'a pas encore arrêté la forme du débat. C'est un débat qui va se faire à plusieurs niveaux. Ce n'est pas un débat qui est juste privé non plus. M. Chevrette a déjà annoncé qu'au niveau des régions, par exemple, il y aurait un espèce de livre vert. Mais les partenaires auront à faire le point dans les prochains jours pour arrêter leurs positions là-dessus

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci. Mesdames, messieurs, je voulais aborder avec vous, très courtement peut-être, la question des personnes ayant une allocation d'invalidité et la possibilité de faire le choix entre un parcours d'insertion personnelle et l'allocation d'invalidité. Je pense que Mme Carbonneau avait insisté beaucoup sur la possibilité que ces décisions soient réversibles et, moi, je trouve ça tout à fait pertinent et même essentiel. La dernière chose, je pense, qu'il faut faire, c'est de cantonner les personnes dites handicapées soit dans l'un ou dans l'autre régime potentiel sans avoir la possibilité de changer à un moment donné à cause des circonstances d'emploi ou autres. Et je crois que c'est la première fois que j'entends ce genre de commentaire, et je pense qu'il est très important, et on va le suivre. Et j'espère que vous allez être là pour nous aider à convaincre la ministre, s'il y a lieu, de modifier ou d'assurer cette possibilité de changer de voie à un moment donné, dans la vie d'une personne handicapée. D'ailleurs, quand la ministre faisait le calcul des personnes qui seront éligibles au parcours d'insertion, elle a, par faute, simplement, j'imagine, mis les 110 personnes inscrites dans le soutien financier dans l'autre catégorie. Vous l'avez fait. C'est une erreur, là, peut-être, mais j'ai cru comprendre, dans le calcul de vos chiffres, déjà, peut-être, une petite erreur qui s'est glissée. La ministre me dit non. Si c'est le cas, c'est magnifique.

L'autre point que vous avez soulevé, je pense, qui est important, c'est, en transférant vers la Régie de rentes du Québec, l'importance que l'allocation d'invalidité ne soit pas tirée de la caisse de la RRQ. On sait à quel point la RRQ est dans des mesures de difficulté présentement. La ministre travaille à une réforme là-dessus. On a eu une commission parlementaire là-dessus, et je pense que ça méritait d'être soulevé, que vous souhaitez que, évidemment, ces sommes-là soient tirées du fonds consolidé et non pas de la caisse de la RRQ.

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, peut-être, rapidement, un commentaire à cet égard-là. Notre compréhension du livre vert, en ce qui concerne les mesures dites de protection sociale, c'est d'une part que, pour les personnes handicapées, le choix existe. Cependant, nous, on insiste beaucoup sur la nécessaire réversibilité de cette mesure-là parce que, bon, le marché du travail est en profonde mutation. Alors, ce qui peut sembler inaccessible maintenant pourrait très bien le devenir demain, et, compte tenu des impacts que ça a sur l'orientation de vie de ces personnes-là, il nous apparaît nécessaire d'insister sur le caractère réversible. De la même façon, je dirais que notre compréhension du livre vert, c'est à l'effet que, pour les personnes nouvellement inscrites à la Régie des rentes en fonction de cette réforme-là, il nous apparaissait évident que l'orientation retenue était déjà de prendre les sommes dans le fonds consolidé, idée que nous appuyons.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, M. Lachance, je pense.

M. Lachance (Daniel): Je voudrais revenir sur les propos de la ministre, tantôt, qui faisait référence à un programme d'employabilité qui existait et qui s'appelait «Rattrapage scolaire». Pour la coupure ou le contingentement de ce programme, la raison invoquée était à l'effet qu'il y avait un deuxième échec. Moi, je veux juste vous signaler – et c'est important pour comprendre comment devront être articulés les prochains programmes et les parcours individualisés, et là je parlerai de la formation très, très brièvement – que, s'il y a eu tant d'échecs, c'est probablement pour deux raisons: premièrement parce qu'il y avait inexistence de services d'orientation pour ces gens, pour établir vraiment quels étaient les besoins de formation de ces gens, absence de suivi; et, deuxièmement – et ça, peut-être qu'on va commencer à régler le problème par ce qui est sur la table en matière de formation professionnelle, parce que c'était l'autre dimension. Et ça, je pense que c'est un élément positif qui est dans le portrait actuellement – tous ces jeunes, leurs besoins n'étaient pas nécessairement de compléter, dans ce cadre-là, une formation de base générale. Ça pouvait être les deux, et maintenant il y a peut-être des mesures qui permettront de réajuster un peu le tir. Mais ce que je veux dire par là, c'est que, pour les prochaines mesures, au-delà de la mesure, il faudra s'assurer des moyens en périphérie de ces mesures, et, quand on parle de formation, c'est-à-dire des services d'orientation, des services pédagogiques qui permettent aux jeunes de faire les bons choix. Et, moi, je trouve ça important que la ministre puisse retenir cet élément-là.

(12 h 20)

Et j'ajoute l'élément suivant: on pourra avoir beaucoup de programmes de réinsertion qui ne visent que l'emploi, alors que beaucoup de jeunes ou de femmes, en particulier, ont besoin d'un autre type de programme pour être en mesure de se situer dans un réel parcours d'insertion. Mais la tentation va être grande de mettre l'emphase juste sur les programmes qui permettent de réinsérer en emploi. Votre propre objectif de 100 000 personnes – en tout cas, déclaration que vous avez faite à un moment donné – nous montre que c'est la priorité. On comprend que ce soit la priorité, mais ça ne devrait pas amener à marginaliser les autres bénéficiaires de l'aide sociale qui doivent, dans ce parcours de réinsertion, avoir accès à d'autres types de mesures.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci. C'est très clair et même dans votre mémoire et dans vos propos, aujourd'hui, que vous êtes tout à fait contre le caractère punitif, coercitif et obligatoire qu'on retrouve dans le document présenté par le gouvernement. Hier, M. Camil Bouchard nous a donné une panoplie de raisons, les effets pervers d'une telle proposition au niveau de la motivation, au niveau du climat de méfiance et de menace qui pourrait s'installer, tout le comportement de soumission et aussi le fait de donner deux chapeaux aux conseillers en emploi: celui qui aide, qui accompagne, qui fait le suivi et celui aussi qui donne le coup de masse finalement, qui applique la pénalité. Vous allez un peu plus loin. Vous dites même, vous, qu'il y aurait peut-être même des abus administratifs de toutes sortes. Un, j'aimerais que vous nous donniez des exemples. Et, de deux, M. Lachance, tantôt, vous disiez, particulièrement pour les jeunes, que, avec les pénalités et le maintien de la coupure du partage du logement qu'on retrouve dans le livre vert, il y a des jeunes qui pourraient se retrouver avec 100 $ en poche. Moi, je vous demande, avec l'expérience que vous avez, si vous ne croyez pas que finalement de telles mesures pourraient même amener certaines personnes qui ont un passé difficile, qui viennent de familles désaxées, qui ont vécu la violence, pourraient les amener à décrocher complètement.

La Présidente (Mme Barbeau): M. Lachance.

M. Lachance (Daniel): Écoutez, il est clair pour nous qu'il n'y a aucune vertu pédagogique à toute mesure coercitive. Il n'y a aucune vertu de stimulation ou d'émulation pour les jeunes ou pour toute autre personne, parce qu'il y a des clientèles cibles, mais l'objectif, c'est l'élargissement de cette vision à l'ensemble des prestataires d'aide sociale. Il n'y a aucune stimulation à s'inscrire dans un parcours de réinsertion par la coercition, mais c'est important qu'on revienne sur le fait que la responsabilité gouvernementale, à ce moment-ci, c'est de mettre sur la table une politique active, pas juste sur papier, mais qui se concrétise dans des programmes qualifiants, intéressants, stimulants, et vous verrez que, comme par le passé, pour ce qu'on appelait des mesures d'employabilité, les jeunes seront au rendez-vous, les femmes seront au rendez-vous.

Quand une entreprise offre 80 ou 100 emplois et qu'il y a des milliers et des milliers de personnes qui se présentent pour travailler, c'est un signe très clair que les Québécoises ou les Québécois, qu'ils soient chômeurs ou personnes assistées sociales, veulent travailler, et la responsabilité du gouvernement, c'est donc de mettre sur la table ces programmes. Si, dans une situation de croissance économique importante, de baisse notable du taux de chômage et d'existence réelle de ce type de programmes, on se retrouvait dans une situation où, non, les gens n'y participent pas, les gens ne s'y inscrivent pas, on se reparlera. Mais ce n'est pas ça, la conjoncture. Ça, c'est la conjoncture des années soixante et du début des années soixante-dix. Alors, mettons sur la table des programmes intéressants et qualifiants, et nous n'aurons que des effets bénéfiques. Ce qu'on ne comprend pas, c'est que le gouvernement s'évertue, je dirais, à se tirer dans le pied. Des éléments très positifs de cette réforme comme les parcours de réinsertion, comme une politique active du marché du travail très bien articulée, mais avec à côté ce qu'on pourrait appeler donc une vision sociale-démocrate de la question, mais avec à côté une mesure conservatrice qui est celle de l'obligation.

On dit au gouvernement: Si vous voulez qu'il y ait des effets positifs à cette réforme-là, appliquez donc, mettez donc en place des programmes, et, pour la suite, on verra. Mais, à notre avis, il y a un effort substantiel à faire sur ce terrain-là de même que sur celui de l'emploi parce que c'est principalement ça qui va stimuler l'implication des jeunes et des femmes dans la société québécoise. L'implication dans des parcours de réinsertion, c'est s'il y a une lumière au bout du tunnel, et cette lumière-là s'appelle l'emploi.

M. Massé (Henri): En bref, s'il y a des bons programmes, on pense que le monde va y aller à la course. Il faudrait lâcher les petits programmes de familiarisation, qu'on appelle, au lieu de réinsertion en disant: Bien, si on retourne quelqu'un dans une expérience quelconque, ça va lui donner le goût, peut-être, de... Il y en a trop, de ça à l'heure actuelle, puis on est en train de décourager du monde. Mettez des bons programmes, puis vous allez voir que ça va venir tout seul.

La Présidente (Mme Barbeau): Il vous reste à peu près trois minutes.

Mme Loiselle: J'aimerais revenir... Au niveau des stages en entreprise, vous dites au gouvernement, vous le mettez en garde parce que vous dites qu'il y a eu un exemple d'un ministère du gouvernement qui avait un étudiant stagiaire et qui, finalement, s'est retrouvé, après son stage, ni formation, ni entraînement, ni supervision. Tantôt, M. Gasse, de la Fondation de l'entrepreneurship, nous disait qu'il y a des études qui démontrent très bien qu'on peut avoir des inquiétudes si les employeurs n'ont pas la formation, s'ils ne sont pas prêts, finalement, à recevoir des stagiaires. J'aimerais vous entendre sur ça et vous entendre sur la proposition d'hier de M. Fortin d'inclure dans les normes du travail que les stagiaires, dans ces mesures-là, reçoivent une rémunération d'environ 40 % du salaire.

M. Massé (Henri): Là, je pense que, encore là, c'est le réalisme politique qui doit nous guider. Il y a eu un programme d'apprentissage de mis sur pied à travers la SQDM puis les partenaires, et la priorité, on a dit: Ça va être les jeunes qui décrochent du milieu scolaire à l'heure actuelle, qui ont une bonne intelligence manuelle, mais qui, des fois, ont de la difficulté dans une matière, le français, les mathématiques ou d'autres, puis qui ne voient plus la lumière au bout du tunnel puis qui décrochent, alors que, s'il y avait des bons stages après le secondaire III, en entreprise, complétés avec une bonne formation théorique à l'école, on serait probablement capable de les garder dans le système. On prévoyait à peu près 1 000 places pour partir ça puis peut-être un 2 000, 3 000 l'autre année d'après, mais je pense qu'il faut être réaliste et laisser les parties, dans le monde du travail, dans le milieu du travail aussi, s'accoutumer puis s'apprivoiser avec ça.

La deuxième priorité, quand on va avoir fini avec ces jeunes-là, c'est qu'il va falloir penser au monde qui est dans le milieu de travail à l'heure actuelle aussi, où il y a des systèmes d'apprentissage, mais où la scolarisation n'est pas transportable. On a beaucoup de programmes d'apprentissage internes, c'est reconnu à l'interne, mais, si l'homme ou la femme est mis à pied, il ne peut pas aller se placer ailleurs, il n'a pas de diplôme, alors qu'on va diplômer des jeunes avec les mêmes systèmes d'apprentissage. Ça fait qu'il va falloir penser à notre monde qui est en milieu de travail, après ça réouvrir pour les chômeurs de longue durée, les chômeuses de longue durée, le monde sur la sécurité du revenu. Mais il n'y a pas de solution miracle. Il va falloir y aller graduellement. Et, quant aux salaires, c'est déjà prévu sur trois années, 40, 60, 80, les considérer comme des salariés avec les bénéfices, puis tout ça. Mais, encore une fois, moi, je pense que, si on peut penser à 25 000, 30 000 places sur un horizon de six, sept ou huit ans, ça va être ça. Mais il n'y a pas de solution miracle. Il faut mettre un pied devant l'autre.

Et c'est là, je pense – je conclus là-dessus – que toute la question de la SQDM puis du partnership, la place des partenaires dans le milieu de travail, des mesures actives, puis tout ça est fort importante. Et c'est avec ça qu'on a bâti le système d'apprentissage. C'est avec ça que, autour du 1 %, on a été capables, les partenaires, par exemple, de bâtir toute la question de la réglementation, alors que les employeurs étaient opposés au départ, puis qu'on est capables d'avoir des sommes pour bâtir un système véritable. Mais, si on s'en va sur des pistes ministérielles et que, dans le milieu du travail, on se sent imposer des solutions, moi, je pense qu'on court-circuite toutes ces questions-là. Donc, dans le sens de la question posée par le député de tantôt, effectivement, ça va mériter des débats fort importants, cette question-là, et je pense que le succès de tout ça, c'est vraiment d'intégrer puis de continuer à intégrer les partenaires du milieu de travail dans la définition de ces politiques-là parce que c'est dans les milieux de travail que ça va se passer. Ce n'est pas ailleurs. Ce n'est pas de la théorie, ça. Il faut que ce monde-là rentre dans nos entreprises, il faut que ce monde-là vienne vivre avec les travailleurs puis les travailleuses qui sont en place, puis je pense que, si les partenaires sont absents de cette opération-là, ça ne fonctionnera pas.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, brièvement, en conclusion.

Mme Loiselle: Bien, j'avais le non-paiement des loyers. Vous n'adhérez pas du tout à la proposition gouvernementale. J'aurais voulu vous demander si vous aviez une avenue à nous suggérer étant donné que vous n'étiez pas d'accord avec ce qui était proposé.

La Présidente (Mme Barbeau): Bien, là, il ne nous reste plus de temps.

Mme Loiselle: Ah bon!

La Présidente (Mme Barbeau): C'était la petite conclusion. Alors, Mme la ministre aussi, il vous restait peut-être une minute pour faire votre conclusion.

Mme Harel: D'accord. Alors, écoutez, je reprends, en fait, une chose bien importante. C'est que, en aucun cas, en aucune circonstance, l'instauration de l'allocation unifiée pour enfants ne doit diminuer le revenu disponible des familles les plus pauvres. C'est dans le mémoire, et soyez convaincus que, moi, je transmettrai cela à la ministre responsable des politiques familiales et que j'entends bien, évidemment, m'en assurer également.

(12 h 30)

Quant aux partenaires, je crois qu'il est important qu'on sache que mon intention est vraiment de leur faire jouer un rôle aussi important dans les années qui viennent que celui que j'ai, en fait, tenté de faciliter depuis les deux dernières années. Et je suis convaincue qu'on va trouver une façon d'y arriver à ce rôle prépondérant, qu'il soit aussi important que celui que vous souhaitez. Je comprends qu'il y a juste une structure porteuse d'un partenariat et je pense que ça peut évoluer, mais je suis assez convaincue, je suis assez certaine qu'on va y arriver.

Je vous dirais peut-être que ce débat est important sur la question des obligations puis qu'en même temps, si vous voulez, c'est comme si on en mettait trop pour ce que ça peut représenter, pour la bonne raison que la seule façon de mettre fin à toutes ces pénalités, c'est d'accepter une démarche. On ne dit pas une mesure, là, qui n'existe pas. On dit, dans le fond, d'accepter un parcours personnel pour dire: Voilà, moi, comment je vais tenter de sortir de mon isolement. Alors, est-ce qu'on doit aménager des recours? Je pense que oui. Recours qui permettraient d'avoir une égalité de traitement. Mais est-ce qu'on doit totalement, comme vous le recommandez à ce stade-ci... En tout cas, dans un sondage fait, même les 18-24 ans, eux-mêmes, se disent: Obligez-nous. Puis ils sont très favorables à une obligation pour eux-mêmes.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, Mme la ministre. Je dois terminer, on a déjà dépassé le temps. Alors, je remercie les intervenants et je suspends à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 14 h 15)

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, la commission reprend ses travaux.

Nous étions rendus à rencontrer le Conseil du statut de la femme. Alors, je demanderais aux gens qui viennent nous expliquer leur point de vue de s'avancer, s'il vous plaît.

En attendant qu'ils s'installent, je voudrais rappeler aux membres de la commission et aux intervenants qu'ils disposent de 20 minutes pour présenter leur mémoire et de 40 minutes pour les échanges avec les deux côtés de la commission.

Alors, madame, j'imagine que c'est vous, Mme Lemieux, qui allez nous présenter ça. Alors, je voudrais que vous nous présentiez les gens avec vous, s'il vous plaît.


Conseil du statut de la femme (CSF)

Mme Lemieux (Diane): Tout à fait, Mme la Présidente, merci. Alors, à ma gauche, Chantal Martel, agente de recherche au Conseil; à mon extrême gauche, Monique des Rivières, directrice du service de recherche et d'information, et, à ma droite, Mme Francine Lepage. Je vous remercie, Mme la Présidente.

Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, nous aimerions vous entretenir de sept éléments – et on a fait des choix, je pense que vous avez eu l'occasion de voir notre mémoire qui est, je pense, assez substantiel.

D'abord, sur les défis qui, à nos yeux, sont importants dans le cadre de cette réforme; les éléments forts; les paris, par ailleurs, sur lesquels s'appuie la réforme; certaines contradictions; la situation des femmes qui sont sur l'aide sociale; les barèmes; et quelques commentaires préliminaires sur le livre blanc sur la politique familiale.

Comme remarque d'introduction, je dirais que c'est important de se rappeler que le régime d'aide sociale tel qu'on le connaît maintenant a été dessiné il y a quelques années dans un contexte précis et qu'il n'est visiblement plus adapté à la situation d'aujourd'hui.

Le Conseil du statut de la femme, vous comprendrez, a bien des raisons de se pencher sur les enjeux du régime actuel, il y a près de 300 000 femmes qui sont sur l'aide sociale et un grand nombre d'entre elles le sont avec des enfants. Nous nous sommes donc demandé si on pouvait espérer, avec ce projet de réforme, permettre à un plus grand nombre de femmes de s'inscrire dans la production sociale, de vivre de leur travail, d'améliorer leur situation et d'éviter la marginalisation et l'exclusion.

Bien entendu, aucune réforme ne peut avoir pour ambition de régler tous les problèmes, surtout dans le contexte difficile dans lequel nous sommes. Mais le Conseil ne se montre pas défaitiste, il désire s'avancer dans un débat dans le but de développer une politique de soutien du revenu progressiste. À nos yeux, le défi est à la fois de concilier le désir de favoriser la sortie des prestataires vers l'emploi tout en ne perdant pas de vue la mission première de ce programme, qui est de garantir aux personnes et aux familles des revenus pour répondre à leurs besoins alors qu'ils ne peuvent le faire elles-mêmes.

Le Conseil a donc examiné les propositions de cette réforme à la lumière de l'efficacité, de la simplicité, de l'équité. Évidemment, nous nous sommes demandé – un peu à l'instar, je dirais, de la conférence de Beijing – dans quelle mesure cette réforme pouvait contribuer à accroître l'autonomie des femmes, à réduire les inégalités entre les hommes et les femmes et à améliorer les conditions de vie des Québécoises.

Il y a des éléments très forts dans cette réforme, j'en signale quelques-uns. D'abord, la philosophie d'accompagnement des prestataires qui met l'accent sur l'individu et ses caractéristiques, ses intérêts, ses difficultés propres. Il s'agit là d'un recentrage que nous saluons. C'est une approche extrêmement pertinente, notamment pour les femmes qui ont peu travaillé à l'extérieur du foyer, à tout le moins celles qui sont prestataires de la sécurité du revenu, qui ont consacré beaucoup de temps à leur famille, qui ont de la difficulté à concilier le travail et la famille et qui se retrouvent dans des conditions du marché du travail qui leur fait peu de place.

(14 h 20)

Nous saluons aussi le fait que l'accent est placé sur la stimulation de la demande de main-d'oeuvre par le développement de véritables emplois et non seulement sur le développement de l'employabilité des prestataires. Le livre vert remet en cause la prémisse des années quatre-vingt, à l'effet que toute personne pouvait trouver un emploi rémunéré; toute personne de bonne volonté pouvait le faire. Adapter la main-d'oeuvre, c'est bien sûr important, mais sans emploi au bout du processus de formation ou de qualification, c'est tourner à vide. C'est pourquoi le Conseil recommande que la politique active du marché du travail doit comporter des mesures visant les prestataires de la sécurité du revenu et incluant toute autre personne, avec ou sans chèque, tout en, évidemment, mettant un accent sur le développement de l'emploi. Nous saluons l'intérêt de regrouper les services d'emploi qui sont actuellement dispersés, fragmentés, cloisonnés.

Nous saluons le fait que nous fassions appel à une tierce partie, c'est-à-dire la collectivité, dans ce projet de développement de l'emploi. La perte d'un emploi n'est plus un simple signe d'un problème d'employabilité. On ne met pas les gens en chômage à cause de leur qualification. Nous saluons le fait que cette responsabilité-là soit étendue, notamment au monde des affaires, aux milieux syndicaux. Il s'agit là d'une stratégie prometteuse.

Nous saluons aussi la reconnaissance de l'apport du secteur communautaire dans cette responsabilité collective.

Finalement, l'autre élément fort à nos yeux, c'est cette volonté de vouloir créer de l'emploi en développant des activités à finalité sociale. Donc, dans le fond, en voulant accroître l'activité économique dans une perspective de développement social, accroître le type d'activité qui est reconnu. Nous recommandons donc, en ce sens, le développement de l'économie sociale ou le développement économique communautaire, que ces zones soient encouragées, accentuées, sans évidemment substitution d'emplois; on ne va pas détruire des emplois déjà existants, ils sont tellement peu nombreux. Alors, c'est pour nous, là, un intérêt de favoriser des formules moins habituelles pour créer de l'emploi et de l'activité économique.

Maintenant, s'il y a des éléments forts dans cette réforme, la réforme se base aussi sur un certain nombre de paris. Et cela soulève des craintes. On fait le pari que le volume d'emplois sera suffisant, sera assez élevé. On fait le pari que les salaires seront suffisamment élevés pour permettre de vivre décemment. Or, non seulement, au Québec, on a une pénurie d'emplois, mais on a aussi une pénurie de bons emplois. Le meilleur rempart contre la pauvreté demeure l'emploi de qualité. On fait le pari aussi que les changements institutionnels et organisationnels vers des services publics vont se faire plutôt aisément. On est en train de dire à un système qu'il doit passer d'une culture de contrôle à une culture d'accompagnement. Ce n'est pas simple, ces opérations-là. On fait le pari aussi que les structures locales proposées vont se mettre en oeuvre sans trop de difficulté, sans trop de heurts, sans trop de délais. La réforme repose un peu sur des structures à établir. Il y a encore beaucoup de négociations à compléter avant que ces structures-là soient minimalement fonctionnelles.

Et je vous mettrais en garde aussi d'instituer un réseau de multitude de structures locales qui négligeraient la planification régionale et nationale. Je vous mettrais en garde aussi sur le fait que ces structures nouvelles, changées, améliorées laissent actuellement peu de place aux femmes. Les femmes doivent y être. Elles n'occupent pas la place qui correspond à leur importance démographique, sociale, économique et politique.

La réforme fait aussi le pari que le secteur communautaire aura les ressources pour absorber un certain nombre de nouvelles responsabilités. Nous croyons que les organismes doivent avoir le support financier pour pouvoir jouer ce rôle, que les groupes de femmes, par exemple ceux qui ont développé une expertise en intégration socioprofessionnelle pour les femmes, y soient tout aussi présents.

Le projet comporte un certain nombre de contradictions. Nous vous soulignons la plus importante à nos yeux – je sais que vous en avez discuté passablement depuis le début de vos travaux: c'est le fait qu'on parle de parcours obligatoire alors qu'il y a des milliers de prestataires actuellement qui sont en attente d'une place pour participer à des mesures de formation de développement des compétences ou d'acquisition d'expérience.

D'entrée de jeu, nous vous disons que le Conseil a longuement réfléchi à la recommandation suivante: tout au moins pour les trois premières années de l'implantation de la réforme, que l'obligation aux prestataires de s'inscrire à un parcours individualisé soit suspendue; qu'on se donne trois ans de rodage; qu'on évalue la situation en pleine période normale de rodage pour tester si la demande de participation à ces mesures ne dépasse pas l'offre, et de voir s'il y a une nécessité de stimuler la participation des prestataires.

Je dirais qu'il y a bien des motifs qui justifient cette proposition, nous pourrons en parler au moment de la période d'échanges. Mais, essentiellement, il y a une raison fondamentale: l'approche volontaire n'a pas encore donné tous ses fruits. Il faut aller jusqu'au bout de l'approche volontaire.

Je veux vous glisser un mot sur la question de la situation des femmes qui sont sur l'aide sociale. Deux éléments: un, la question des mères seules. Il y a là, à notre avis, une certaine contradiction en choisissant les mères seules comme cible prioritaire des parcours obligatoires sans que les services de soutien essentiels soient garantis. Les deux tiers des femmes prestataires avec enfants sont des mères seules. Bien évidemment, le Conseil est conscient de l'importance de permettre aux mères de retourner, dans les meilleurs délais, en emploi ou d'enrichir leur formation, mais il nous faut saisir les obstacles auxquels ces femmes sont confrontées. La charge assumée par un parent unique des enfants explique une plus longue durée sur l'aide sociale. Les responsables de familles monoparentales sont moins scolarisés, encore moins que l'ensemble des bénéficiaires de l'aide sociale.

Une mère qui décide de se former et de retourner en emploi et qui est seule est toujours en situation d'arbitrage entre ses responsabilités familiales et son désir d'avoir une certaine autonomie économique, si bien qu'il faut donc adapter les services eu égard à la situation. À notre avis, il est illusoire de penser qu'une femme ayant des enfants d'âge préscolaire puisse s'engager avec quelque succès que ce soit dans une démarche l'amenant en emploi si elle ne reçoit pas le support et les services nécessaires.

Et que dire des services de garde? La réforme fait le pari qu'il y aura des services de garde en quantité, en qualité et adaptés à la situation des mères. L'Office des services de garde nous dit qu'il y a des besoins actuellement pour 95 000 places – on nous parle de 73 000 places d'ici l'an 2001 – il manque donc 22 000 places.

Pour ces raisons, on recommande que dans le cas des familles monoparentales, plus particulièrement les mères seules, on favorise des parcours qui incorporent une progressivité dans la démarche sans perdre de protection sociale.

Un mot sur les femmes âgées de 55 ans et plus. L'intégration en emploi des femmes de 55 ans est une utopie. Comment penser que les femmes de cette génération, généralement peu scolarisées, sans véritable expérience du marché du travail, qui se retrouvent à l'aide sociale suite à la perte d'un conjoint, puissent combler un manque à gagner, parce qu'on aura aboli l'allocation liée à la contrainte à l'âge? Nous croyons qu'il faut maintenir les dispositions de la loi actuelle.

Sur la question des barèmes, il faut être conscients... Je pense que, socialement, nous devons nous dire que la grille des besoins essentiels telle que définie est faible, que le niveau des prestations proposé ne satisfait pas tous les besoins. Le Conseil croit qu'aucune coupure additionnelle ne doit intervenir, qu'il faut même garantir le même niveau de financement pour permettre à la réforme de fonctionner, qu'il faut s'assurer d'une garantie minimale de ressources permettant de répondre à des besoins de base.

Nous soulignons aussi le fait qu'il y a, quant à nous, certains problèmes qui causent un manque de marge de manoeuvre pour les prestataires de la sécurité du revenu. Par exemple, ce test, l'exigence de zéro liquidité. Il faut regarder certaines règles administratives pour faire en sorte que les prestataires puissent rebondir, aient un certain coussin, aient un peu d'oxygène pour pouvoir se sortir de l'aide sociale. Alors, nous pensons qu'on doit être attentifs à cette question-là.

Par ailleurs, le traitement de la pension alimentaire eu égard à la prestation, vous faites le choix, le gouvernement fait le choix de sortir les enfants de l'aide sociale. Et ça doit être fait. Mais comment expliquer que, au-delà de la partie exemptée de la pension alimentaire, la pension alimentaire versée pour l'enfant puisse réduire la prestation d'aide sociale reçue par la mère? À notre avis, la pension alimentaire est reçue pour assurer la subsistance de l'enfant, alors que la prestation d'aide sociale doit tenir compte des seuls besoins de la mère, si bien que cette portion de la pension alimentaire ne doit pas affecter la prestation d'aide sociale, mais affecter, éventuellement, davantage l'allocation unifiée.

(14 h 30)

Un dernier mot maintenant sur l'allocation unifiée, l'aide sociale et la fiscalité. Nous plaidons ici pour une vision intégrée. Le livre vert faisait une allusion à cette question de l'allocation unifiée. Il y a quelques jours, un livre blanc sur la politique familiale a été rendu public. Des informations sont dans le livre vert; d'autres sont dans le livre blanc. Nous allons en quelques mots donner nos premières impressions sur ce livre blanc, mais nous tenons à vous dire que tous les morceaux ne sont pas sur la table, que ça nous oblige, nous et bien d'autres, à avoir un regard sur un sujet substantiel alors que nous sommes dans une consultation sur un autre sujet tout aussi substantiel. Tous les morceaux doivent être mis sur la table.

Par ailleurs, nous manifestons deux appuis importants à l'orientation générale sur la politique familiale, sur la volonté de favoriser une meilleure conciliation travail-famille en misant sur des services collectifs, services à la petite enfance, services de garde, l'instauration d'un congé parental. Pour nous, ça, c'est un plus.

Deuxièmement, on supporte aussi l'intention de mieux soutenir les enfants appartenant à des familles en emploi à faibles revenus, même si on n'est pas sûr que les objectifs seront atteints.

Nous avons trois réserves – je vous les dis rapidement, mais je tiens à vous les dire. Nous avons la nette impression que ce sont les familles avec enfants, principalement celles qui ont des revenus au-dessus de 25 000 $, qui sont appelées à contribuer à cette politique familiale. Ce n'est donc pas une politique qui vise à soutenir les familles, mais une politique qui s'adresse à des familles à faibles revenus. Ce n'est pas la même chose.

Deuxième réserve. Nous appuyons l'idée d'une allocation unifiée, l'idée de visibilité, de simplifier les sommes versées aux enfants, mais nous avons la nette impression qu'on s'est arrêté en cours de route dans le réaménagement de la politique familiale. Il faut avoir une vision qui englobe à la fois les allocations, l'aide sociale et la fiscalité pour avoir devant nous un tout cohérent. Nous allons, sur ce dernier élément, jusqu'à dire qu'il faudrait, par exemple, intégrer le crédit non remboursable pour enfant à l'allocation unifiée.

Troisièmement, nous ne devons pas imposer à l'adulte qui est partie à une union des obligations envers des enfants qui ne sont pas les siens. Et ça, c'est le Code civil qui le dit: ce sont les pères et les mères qui sont responsables des enfants. Alors, à notre avis, on ne doit pas imputer la responsabilité financière des enfants à un partenaire. Dans le cas précis de l'allocation unifiée, on ne doit pas tenir compte du revenu du conjoint de fait. Ça ne doit pas être considéré, quant à nous.

Je conclus en disant trois choses: Il y a des éléments forts dans cette réforme, mais il y a quand même là des paris. Je pense qu'il faut mettre en place des garanties.

Deuxièmement, le gouvernement doit remplir sa partie de contrat en s'assurant que les besoins essentiels sont couverts, en s'assurant que les services seront en place pour que les gens s'inscrivent dans les parcours et en s'assurant qu'il y ait des débouchés, qu'il y ait une lumière au bout de ce tunnel.

Et, finalement, sur la politique familiale, je crois que le dossier, quant à nous, n'est pas clos. On ne peut pas faire une consultation dans une autre consultation. On en apprend tous les jours. Ce n'est pas mis bout à bout. Quant à nous, il faut une transparence dans cette question-là. Ce n'est pas banal de décider socialement que nous réallouons autrement l'argent aux familles. C'est des gestes extrêmement importants. Quant à nous, le dossier n'est pas clos. Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, Mme Lemieux. Alors, Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, Mme Lemieux, Mme des Rivières, Mmes Lepage et Martel. C'est un mémoire substantiel, j'ai l'impression que dans les 20 minutes qui me sont imparties on aura peut-être juste le temps d'effleurer certains sujets.

Je reprends immédiatement ce que vous nous donnez comme réflexion, à la page 15, concernant le travail rémunéré comme norme sociale. Vous citez un certain nombre d'auteurs sur cette question et vous dites: «Aujourd'hui, autant pour les femmes que pour les hommes, il semble bien que le travail rémunéré soit l'indicateur de référence pour mesurer la valeur sociale.» N'est-ce pas? Donc, dans ce contexte-là, il a été beaucoup question du libre choix des mères assistées sociales, parce que les autres mères, en fait, n'ont pas le libre choix. Les travailleuses doivent souvent retourner après une grossesse sans un congé de maternité, ou un congé de maternité qui est écourté. Mais on plaide beaucoup, dans certains milieux, ici même à l'Assemblée, l'opposition plaide beaucoup en faveur du libre choix des mères assistées sociales de se consacrer, disons, à l'éducation de leur enfant avant que ce dernier ne soit à l'école.

Vous savez que le gouvernement a adopté une loi, avant Noël, et le règlement est publié présentement et vraisemblablement sera appliqué à l'effet que, lorsque les enfants auront cinq ans, d'ici le 30 septembre prochain, les chefs de familles monoparentales à l'aide sociale perdront leur statut de non-disponible, et le 100 $ afférent, et pourront s'inscrire à un parcours – et on y reviendra – avec la possibilité soit d'un salaire, si tant est qu'elles puissent participer à un emploi rémunéré, soit, par exemple, d'un supplément qui atteint 120 $ par mois.

Ceci étant posé, comment vous voyez ça? Vous avez, là-dessus, certainement examiné ça de long en large, au Conseil du statut de la femme, puis j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.

Mme Lemieux (Diane): Évidemment qu'on a examiné cette question. Ce que nous disons par rapport à ça, c'est que, probablement, le débat est un peu mal posé lorsqu'on le pose en termes de libre choix, c'est-à-dire de le poser un peu bêtement à savoir si on peut rester à la maison ou si on doit aller travailler, etc. Ce que nous disons, c'est que c'est un libre choix qui est extrêmement risqué et que ce ne serait certainement pas de l'ordre du progrès social que de faire en sorte que les femmes n'aient pas un peu plus de chances d'avoir une certaine autonomie économique. Ce n'est pas un progrès social, ça. Un.

Deuxièmement, il faut constater qu'une des principales raisons – et ça, c'est une caractéristique très importante pour les femmes... La monoparentalité, c'est une caractéristique très féminine à l'aide sociale. À part la perte d'un emploi, le motif pour lequel les femmes se retrouvent sur l'aide sociale, c'est la rupture d'un couple ou la perte d'un conjoint. Ça, ça fait basculer des femmes à l'aide sociale. Ce n'est pas un progrès social que des femmes n'aient pas une certaine autonomie économique pour parer à ces coups-là. Vous savez comme moi que la famille a changé, la durée des unions a changé, on ne peut plus prévoir à quel moment on sera seule ou, en tout cas, on ne sera plus deux adultes pour subvenir à nos besoins et aux besoins d'une famille. Alors, il faut faire tout en notre pouvoir pour que les femmes aient une plus grande sécurité économique.

Par ailleurs, sur la question du travail norme sociale, on a eu de belles discussions là-dessus, parce que c'est vrai que la valeur suprême, c'est d'occuper un emploi. Mais on dit deux choses par rapport à ça. La première – déjà je ne me souviens plus de la deuxième, mais je vais au moins vous dire la première – c'est que l'emploi, tel qu'on le conçoit, ce qu'on entend quand on dit le mot emploi, on entend un travail 35 heures semaine ou à peu près, à temps plein, avec un lien d'emploi clair avec un employeur. L'emploi avec une définition comme celle-ci est de plus en plus rare. De moins en moins de gens peuvent se reconnaître à travers cette définition-là; il faut élargir cette notion-là. Il faut élargir ce qui est considéré comme une activité. Quand on a dit qu'on était favorable à des manières nouvelles d'ouvrir le marché, quand on dit qu'il faut transformer des activités pour lesquelles il y a peu de reconnaissance et les faire devenir des emplois, c'est aussi une manière de reconnaître là où sont les femmes, là où les femmes ont beaucoup contribué. Le jour où on sera capable de transformer en de véritables emplois tout ce petit travail, ces petits travaux à droite et à gauche que les femmes font, qu'elles ont investi là-dedans, on fera d'une pierre deux coups: on augmentera le bassin d'emplois et on reconnaîtra aussi la part des femmes dans ce type d'activité.

(14 h 40)

Dernier élément. La notion de progressivité est extrêmement importante à nos yeux. Nous n'avons pas le droit, comme société, de dire, tout d'un coup, qu'il faut aider les familles monoparentales, les femmes chefs de familles monoparentales à accéder à un emploi. Nous allons donc avoir des incitations, ou alors des punitions, sans en contrepartie donner les services en conséquence. Être une femme seule sur l'aide sociale et vouloir se sortir de l'aide sociale, c'est beaucoup d'obstacles. Et ça, là-dessus, il doit y avoir une progressivité.

Quand on dit, par exemple, qu'on va abaisser de six ans à cinq ans le nombre d'années où on va considérer les femmes disponibles et non disponibles, il se pourrait que, par exemple en Gaspésie, on dise: On le maintient à six ans encore parce qu'on n'est pas prêt, puis qu'à Montréal on dise: O.K. Ça va, on est prêt. Il faut des services de garde adaptés. Des horaires d'emplois typiques... travailler quelques heures par jour ou travailler le soir, il faut que les services de garde soient adaptés à ça. On n'a pas le droit de lancer les femmes dans ce type de cheminement là, dans ce type de parcours là si on n'a pas livré les services en conséquence.

Enfin, j'ai été un peu longue, j'en conviens, mais...

Mme Harel: Écoutez, vous nous rappelez dans votre mémoire que... Attendez, j'essaie de retrouver, c'est à la page 21 et suivantes, la réalité des femmes à l'aide sociale. Il faut que vous ajoutiez une autre dimension, c'est celle qui consiste à amener environ 400 familles monoparentales, à chaque mois, à l'aide sociale, mais, en fait, d'ex-conjoints de fait, tandis qu'il y a à peu près une quinzaine de familles qui demandent de l'aide sociale, toujours pour le motif – vous l'invoquez avec raison – qui distingue la demande à l'aide sociale d'un homme d'une femme. Si le motif, pour la moitié des hommes et seulement pour le tiers des femmes, c'est la fin de l'assurance-chômage ou la perte de l'emploi, un des motifs principaux après la fin de l'assurance-chômage ou la perte de l'emploi, c'est la perte d'un conjoint. Mais ça, c'est invoqué par les femmes. Encore faut-il ajouter que c'est 400 femmes qui l'invoquent qui étaient conjoints de fait, par mois, et 15 qui étaient époux. Donc, on voit là quelque chose qui est incontournable. On voudrait que ce soit autrement.

Quand on regarde les chiffres – c'est évident pourtant – ce sont les conjoints de fait qui, après la naissance d'un enfant, lorsqu'il y a rupture d'union de fait, demandent finalement de l'aide sociale. Dans le contrat de mariage, il doit y avoir quelque chose de l'ordre de la pension alimentaire pour le conjoint, parce qu'on ne peut pas dire qu'il n'y a pas, pourtant, de divorces. Il y en a un sur deux. On dit qu'il y a un mariage sur deux – 40 %, pas tout à fait mais pas loin – qui se termine par une rupture, mais ça n'a pas les mêmes conséquences sur l'assistance.

Alors, moi, je me dis qu'il faudrait vraiment fouiller cette question-là dans la mesure où on se rend compte que la relation de conjoints de fait semble, à l'évidence, ne pas introduire l'assistance mutuelle requise, si vous voulez, lorsqu'il y a présence d'enfants. Alors, on peut dire que le Code civil est venu régler le sort des enfants en leur allouant une pension alimentaire, quel que soit le statut marital de leurs parents. Mais entre ex-conjoints, comme il n'y a pas d'assistance mutuelle, c'est finalement l'aide sociale qui va suppléer. Alors, sur les 60 000 familles monoparentales au Québec dont les enfants ont moins de six ans, 75 % de ces familles sont sur l'aide sociale.

Alors, la grande question est: Si le barème de non-disponibilité de 100 $ était maintenu, est-ce qu'il y aurait tout ce tollé de protestations qui nous est venu, par exemple, comme un principe, d'un peu partout, en particulier de l'opposition? Est-ce qu'on invoquerait toujours le principe du libre choix? Est-ce qu'on invoquerait toujours, comme un sacro-principe, si vous voulez, le fait d'être femme au foyer si tant est qu'il y avait maintien du barème? Moi, je pense que la question se pose parce qu'on voit à ce moment-là que c'est lié avec le niveau de prestation et non pas lié avec une sorte de choix de vie. Je m'interroge vraiment là-dessus compte tenu de toutes les études... Je relisais les études du Conseil scolaire de l'île de Montréal, et, à l'évidence, ces études démontrent que ce sont les enfants issus de familles monoparentales qui, pour toutes sortes de raisons, sont le plus en difficulté, surtout quand leur mère est sous-scolarisée. La scolarisation des mères est déterminante sur la scolarisation, la fréquentation scolaire des enfants. On le voit d'ailleurs dans tous les travaux menés sur le plan international, c'est un facteur de développement pour l'enfant que la scolarisation de la mère.

Alors, je ne sais comment vous l'envisagez, mais... D'abord, pensez-vous que la réalité, qui est que ça se passe entre conjoints de fait, vous obligerait à réexaminer notamment les obligations alimentaires entre conjoints de fait? Croyez-vous qu'il y ait lieu, par exemple, de faire un débat de principe si, ce qui est en cause, c'est finalement une question de barème?

Mme Lemieux (Diane): Je pense qu'on ne l'a pas exploré sous cet angle-là, j'en conviens. La réaction que j'ai à votre propos, c'est que ça témoigne, pour moi, de l'importance de miser sur les besoins essentiels des individus. On ne peut pas de temps en temps dire: Bon, bien, on va compter sur le fait qu'elle a un conjoint, et là, oups, on... Ça ne peut pas fonctionner de cette manière-là. Il faut s'assurer, guider les gens, et les amener à une certaine autonomie. Ça n'a aucun sens que des femmes soient un peu sous les aléas de «j'ai-tu» un conjoint ou je n'ai pas un conjoint pour répondre à mes besoins essentiels. En tout cas, pour moi, c'est une réaction minimale.

Quand vous posez clairement la question: Est-ce qu'on doit examiner l'obligation alimentaire entre les conjoints de fait? À ce moment-ci, je n'ai pas de réponse, si ce n'est que... C'est quelque chose que, par exemple, on a dit à la Commission sur la fiscalité: Il faut que notre fiscalité soit aussi basée sur les individus. De temps en temps, on va considérer le revenu familial pour décider quelques affaires, et là, oups, on... On a un problème de logique actuellement. Ce n'est pas un investissement, donc, de suivre que les femmes soient un peu selon les aléas de leurs amours, si vous me permettez l'expression, d'où toute la symbolique autour de la question de disponibilité. Je pense que, effectivement, ça s'est cristallisé beaucoup autour de ça. Est-ce que la réaction serait différente? Bon, là, je ne prétends pas avoir le pouls de tous les Québécois et Québécoises, mais il est possible. Parce que, en même temps, peut-être qu'en enlevant cette allocation on mise sur le fait que cette femme-là a une certaine haute solidarité avec une autre personne, et on ne la considère pas comme une individu qui doit au mieux subvenir à ses besoins, quelquefois avec du support de l'État, mais quelquefois...

Mme Harel: Là, on la considère comme, si vous voulez, étant en situation de chômage, en situation d'assistance chômage. Quand ça a été introduit, il y a déjà huit ans maintenant, c'est beaucoup pour compenser le fait qu'il n'y avait pas de service de garde. C'est beaucoup pour compenser le fait qu'il n'y avait pas la maternelle cinq ans. Dans le fond, c'était moins coûteux à 100 $ par mois que d'installer des services de qualité accessibles financièrement. Quand on regarde ça, c'est moins coûteux de dire: Bon, bien, restez donc chez vous pour 100 $ par mois, c'est bien moins coûteux que d'installer des services. Mais est-ce que c'est le bon choix de société? Je pense que c'est inévitable qu'on se pose la question.

Mme Lemieux (Diane): Oui. Nous, là-dessus, on l'a dit à différents moments, le fait qu'on fasse le choix de collectiviser la réponse à ce type de besoin là, donc qu'on investisse dans un système de service qui bénéficiera, bien sûr, aux prestataires de la sécurité du revenu mais plus largement à ceux à faibles revenus qui sont en emploi, c'est un plus, mais dans la mesure où on le fait par exemple. Il ne peut pas y avoir d'hésitation, c'est-à-dire d'un côté, on enlève cette allocation de disponibilité là, mais les services sont cahin-caha. On n'a pas le droit de faire porter ce poids-là aux individus parce qu'on décide d'orienter notre système autrement. Il faudra que les services soient là.

Ça peut vouloir dire qu'il va falloir développer un certain nombre d'indicateurs aussi. Dans quelle mesure on peut dire, dans une région, un territoire de MRC, de région administrative, peu importe, qu'on a un minimum qui nous permette décemment de dire à quelqu'un: On te retire cette allocation-là?

(14 h 50)

Mme Harel: Vous dites dans votre mémoire, à la page 27: «Il ne faut pas se le cacher, les mesures de développement de l'employabilité ont mauvaise presse.» Ces mesures de développement de l'employabilité ont peut-être mauvaise presse parce qu'elles étaient exclusivement, si vous voulez, réservées aux prestataires de l'aide sociale, ce qui pouvait les stigmatiser finalement. À partir du moment où on dit qu'on met fin à l'isolement, à l'exclusion introduite avec la loi 37 en 1988, les prestataires deviennent, comme l'ensemble de la main-d'oeuvre, des chômeurs qui vont avoir accès aux mêmes services. L'employabilité, dans ce contexte-là, peut être utile indépendamment du statut. Moi, j'ai vu des chômeurs à l'assurance-emploi qui regrettaient beaucoup de ne pas avoir droit à des cours d'alphabétisation, à qui l'entourage disait d'attendre d'être sur l'aide sociale pour avoir droit à du rattrapage scolaire, parce qu'ils ne pouvaient pas finir leur secondaire, etc.

En fait, ce qui a mauvaise presse, est-ce que ce n'est pas, finalement, qu'il y ait un certain genre de programmes selon l'étiquette que l'on porte plutôt que le programme lui-même?

Mme Lemieux (Diane): C'est effectivement un ensemble de choses, dont cet élément-là. Je pense que, ça, on salue le fait qu'on décide d'avoir des services publics d'emploi, peu importe la couleur du chapeau sur notre tête, qu'on ait un chèque, ou pas de chèque, ou je ne sais trop. Alors ça, c'est un élément.

L'autre élément par ailleurs – parce que je dois le dire, et ça, il y a eu des discussions autour de ça au Conseil... Les mesures d'employabilité, ce n'était pas une mauvaise idée. Ce qui a été problématique, c'est qu'on n'a pas été... Je veux dire, c'est une bonne idée de dire: On va aider les gens à être plus formés, à être plus compétents, etc. Là où il y a un problème de mauvaise presse, où il y a mauvaise réputation de ces mesures-là, c'est que, d'abord, on s'est rendu compte – puis là, il faudra bien comprendre pourquoi – que ça n'a pas été très performant, c'est-à-dire le fait que des gens soient passés dans ce corridor-là n'a pas nécessairement été très significatif sur leur degré de sortie.

Mme Harel: C'est pour ça, je dirais, que l'omission de votre mémoire, c'est sur la conversion. C'est pourtant l'élément le plus innovateur qui nous permet de bouger. Avec l'abolition en avril dernier du Régime d'assistance publique du Canada, le RAPC, vous avez comme envisagé l'ensemble de ce qui est proposé dans le livre vert dans le cadre des mesures d'employabilité telles qu'offertes maintenant en supplémentant le barème de base tel que, disons, appliqué maintenant, donc en gardant le statut d'assisté tel que c'était le cas jusqu'à maintenant. Et ça l'était, parce qu'à défaut de quoi ce statut d'assisté, cette supplémentation de barème de base, il n'y avait pas le financement à 50 % du fédéral. Mais maintenant que le RAPC est abrogé, il y a donc possibilité de convertir. Je sais que vous aviez travaillé sur ces questions-là, notamment dans le cadre de l'économie sociale.

Mme Lemieux (Diane): Oui, tout à fait.

Mme Harel: Et ça, c'est peut-être l'élément, dans le fond, sur lequel il faut travailler pour justement développer des façons différentes de faire qui accordent un statut autre qu'assisté aux personnes. Est-ce que ça ne vient pas profondément aussi changer la place de l'employabilité, en ne l'évacuant pas mais en la remettant dans un contexte où il y aura beaucoup plus de choses à côté?

Mme Lemieux (Diane): Écoutez, moi, je suis heureuse de savoir que vous avez une vision par rapport à ça. Évidemment, nous, le livre vert, c'est bien évident – je pense que, ça, il y a quelque chose d'un peu légitime – on le fait à la lecture du présent et du passé. Alors, on l'a un peu faite, cette analyse-là, à partir du présent et du passé. Maintenant, s'il y a des possibilités d'aménager différemment, il faut aller dans ce sens-là. Dans le fond, on a fait un peu une analyse à partir de ce qui s'est passé jusqu'à maintenant et quels changements proposent cette réforme-là. Si ça donne lieu à une autre manière de le voir, bien, je le salue.

Par ailleurs, on peut avoir cette vision-là, on peut le vouloir avec une très grande volonté, mais il ne faut pas sous-estimer l'impact des changements que ça suppose pour une machine, passez-moi l'expression. Ce n'est pas péjoratif quand je dis ça, mais cette vision-là, pour y arriver, ça suppose de grands changements dans nos façons de faire par rapport aux prestataires de la sécurité du revenu.

J'ajouterais aussi, l'autre chose extrêmement importante, c'est que, oui, probablement il faut convertir, il faut transformer ce type de mesures là, mais il faut que, de plus en plus, elles débouchent sur quelque chose. À moins que je ne me trompe, il y a une très grande proportion de prestataires qui sont passés par le corridor des mesures et qui n'ont pas atterri sur un emploi. Et ça, c'est un contrat difficile dans la conjoncture actuelle – d'ailleurs, on aborde cette réforme-là dans une conjoncture extrêmement difficile. Mais c'est une autre condition: il faut que ça débouche. Et ça, bon, je sais qu'il y a toutes sortes d'engagement, il y a tout un climat suite au sommet socioéconomique, mais il va falloir socialement aussi livrer marchandise; il va falloir qu'au bout de la ligne il y ait des emplois.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme Lemieux, malheureusement, le temps imparti est terminé. Alors, je dois passer la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, je continuerai dans la même lignée et préciser à la ministre que le libre choix est une valeur fondamentale du Parti libéral du Québec. On l'a toujours défendu et on le défendra toujours. Ce n'est pas relié au retrait du barème de non-disponibilité. Pourquoi on s'objecte à votre retrait du barème de non-disponibilité pour les mères monoparentales? C'est que vous faites une économie sur le dos des femmes et des jeunes enfants de l'aide sociale les plus pauvres du Québec. C'est une mesure d'économie, et vous la faites sur le dos des femmes et des enfants du Québec.

J'aimerais dire également qu'on retrouve dans votre mémoire, Mme Lemieux, vous le précisez très bien, qu'il y a tout le caractère obligatoire avec pénalité pour les femmes monoparentales. Vous dites très bien que les mères seules ont le désir d'améliorer leur situation et le développement de leur potentiel. «C'est ainsi qu'elles participent de façon relativement importante aux mesures de développement de l'employabilité.»

Mme Lemieux (Diane): Oui.

Mme Loiselle: Vous le dites très bien que c'est les mères monoparentales qui, de façon volontaire, participent actuellement à des mesures d'employabilité. Alors, je ne vois pas pourquoi on les obligerait, avec l'obligation, la pénalité et la diminution du barème, à les forcer.

Aussi, on regarde ce qui a été dit dans le mémoire du Conseil de la famille, il y a plusieurs mères pour lesquelles la plus belle chose qu'elles ont réalisée depuis qu'elles sont au monde, parce qu'elles ont vécu des difficultés depuis leur naissance, elles ont vécu dans des familles de violence, dans des familles désaxées où elles ont connu échec par-dessus échec, c'est de mettre un enfant au monde et qu'avec sa mesure le gouvernement retirerait et déstabiliserait ces femmes-là, parce qu'elles sont valorisées dans leur rôle de mère, elles se sont faites une place dans la société. Je vous demande de prendre connaissance du Conseil de la famille à cet égard-là, c'est quand même assez pertinent, leur opinion à cet égard.

Mais, étant donné qu'il y a eu beaucoup de discussions sur cet aspect du livre vert, j'aimerais revenir, dans votre mémoire, à la page 15. Vous dites, en bas de page, qu'étant donné la rareté de l'emploi – tout le monde est d'accord avec ça – le régime de la sécurité du revenu devrait s'ouvrir à des participations différentes, non rémunérées où les femmes ont toujours été actives. Alors, vous parlez de l'implication communautaire ou sociale, du travail de bénévolat des femmes dans des groupes de femmes, des choses comme ça. Vous suggérez que ce soit transformé en emploi avec, j'imagine, quand vous parlez protection sociale, l'assujettissement aux normes minimales. Est-ce que c'est ça?

Mme Lemieux (Diane): Vous allez un petit peu vite, là. C'est-à-dire, je pense qu'il y a carrément des domaines d'activité qui pourraient être transformées en emplois. Par ailleurs, dans le fond, ce qu'on dit, c'est que la reconnaissance du travail des femmes, bien, ce n'est pas toujours par un emploi traditionnel. Je donnais mon image, 35 heures-semaine, etc. C'est une manière aussi de reconnaître la contribution. On peut donc trouver une manière de reconnaître la contribution des femmes qui s'occupent de leurs enfants à la maison de cette manière-là.

Dans le fond, ce qu'on dit, c'est que, oui, il faut une certaine progressivité. Deuxièmement, les femmes ne font pas défaut, je pense que vous l'avez souligné, de participer à toutes sortes de mesures. Mais, pour bien des raisons, si la seule manière d'évaluer si on a eu un succès comme système avec des femmes chefs de familles monoparentales, c'est de voir si elles ont un emploi de 35 heures, bien, là, c'est sûr qu'on va répondre souvent non. C'est une activité, ça, d'être impliqué dans sa communauté; c'est une manière d'être inséré socialement. On est en train de parler d'inclusion et d'exclusion dans notre société. Alors, c'est un peu ce sens-là. Je ne dis pas que tout le bénévolat, etc., doit être transformé, mais je dis que... Par exemple, pensons à tous les services de garde au noir, il y a plein de femmes qui comblent leur fin de mois en gardant les enfants dans leur quartier. Si ces personnes-là avaient une espèce de statut, elles pourraient se regrouper en petites coopératives – là, écoutez, c'est un peu à titre hypothétique, mais je veux illustrer un peu mon propos – de quelques femmes dans un quartier x qui s'organisent puis qui organisent les services dans leur quartier parce qu'il n'y a pas un bassin qui justifie une garderie avec toute l'infrastructure, donc une petite infrastructure souple... Ça, c'est une manière de transformer des activités là où les femmes sont dans quelque chose qui est un peu plus reconnu, qui rentre dans un système de reconnaissance important pour les femmes.

(15 heures)

Mme Loiselle: Il y a sûrement des coûts reliés à cette transformation-là d'activités en emplois véritables.

Mme Lemieux (Diane): Il y a des coûts à ne pas les reconnaître non plus.

Mme Loiselle: C'est ça que je vous demande, là.

Mme Lemieux (Diane): C'est ça, le débat aussi que suppose l'économie sociale; c'est ça, l'intérêt du débat de l'économie sociale.

Écoutez, quand je dis: Il faut à la fois des parcours, il faut à la fois que ça débouche sur quelque chose, si la seule manière que ça débouche sur quelque chose, ce sont les emplois de manière traditionnelle, tels qu'on les voit, on n'y arrive pas. On n'y arrive pas, au Québec, actuellement. Donc, il faut élargir les activités économiques. Comment élargir les activités économiques? C'est là que l'économie sociale est intéressante. C'est de rendre, de donner une valeur à des activités qui ont aussi le mérite d'être dans le domaine du socialement utile. C'est un peu ça qu'on dit. Il faut élargir la tarte. Ce n'est pas au nombre d'emplois «straight», entre guillemets, qu'on a actuellement qu'on va l'élargir. C'est en reconnaissant d'autres types d'activité, en donnant une valeur économique qu'on risque d'élargir la tarte des emplois.

Mme Loiselle: Vous avez mentionné l'économie sociale. Dans votre mémoire, vous en parlez et vous dites au gouvernement d'être vigilant, qu'il y a des enjeux de substitution d'emplois. Hier, la Coalition nationale sur l'aide sociale avait les mêmes appréhensions. Peut-être qu'avec toutes les pertes d'emplois que l'on connaît, les coupures dans les ministères et dont les femmes sont beaucoup touchées, au ministère de la Santé et des Services sociaux, elle disait au gouvernement de faire attention à ce que les emplois perdus soient finalement récupérés par l'économie sociale et à moindres coûts. Alors, j'aimerais vous entendre sur ça.

Mme Lemieux (Diane): C'est un débat extrêmement pertinent, effectivement, qu'on voit encore davantage dans le domaine de la santé et des services sociaux, parce qu'il y a une grande transformation dans le système, etc. Je pense que ça suppose que, socialement, il faut se poser une question: Qu'est-ce qui est du domaine des services publics et qu'est-ce qui ne l'est pas? Je vais prendre une image – c'est un débat qui est complexe – on pourrait dire que, par exemple, les services de santé, c'est du domaine public; le soutien à domicile, ça pourrait être à mi-chemin. Première chose.

Deuxième chose, c'est bien évident que, si on fait de la substitution pure d'emplois déjà existants, on n'est pas beaucoup en avance. D'abord, on substitue des emplois qui sont déjà des emplois qui ont une certaine qualité, donc on perd des emplois qui ont une certaine qualité. Et ça, c'est extrêmement dommageable.

Maintenant, la ligne est très mince, ça, j'en conviens. Il faut faire preuve d'imagination et il faut dépasser un peu les barrières, ça, j'en conviens. Mais je dirais qu'il y a probablement une règle de bon sens. Les services qui sont déjà dans le système public, ce sont donc des emplois existants. Je pense qu'il faut avoir un peu l'attitude de dire: On ne touche pas à ça. Mais tous les nouveaux besoins auxquels on n'est pas capables de répondre, donc où il n'y a pas déjà des emplois, là, il y a un terrain de jeux qui peut être intéressant.

C'est très complexe comme débat et c'est très pertinent, effectivement, comme question.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Premièrement, est-ce que je peux demander la permission, je ne suis pas membre de la commission, de poser une question?

La Présidente (Mme Barbeau): Il semblerait qu'il y ait consentement, à voir les têtes. Alors, allez-y.

M. Kelley: Merci beaucoup. Je veux revenir sur un point parce que, effectivement, vous avez soulevé la question de l'arrimage entre cette réforme, la réforme sur les services de garde et la réforme qui s'en vient sur l'éducation. Je veux féliciter la ministre pour sa grande disponibilité à tenir des audiences publiques. Je trouve ça dommage que cette tendance, ce réflexe démocratique ne soit pas partagé par sa collègue la ministre de l'Éducation, parce que, effectivement, les choses qui sont dans le document publié la semaine passée, «Les enfants au coeur de nos choix», ont un impact direct sur ce qu'on est en train de regarder ici.

On prend, par exemple, le tableau dans le document de la semaine passée, on veut bonifier l'allocation familiale unifiée par les mesures qui sont dans le livre vert, mais, dans le document publié la semaine passée, on va enlever une grande partie de ce même argent. Alors, on donne avec une main et on enlève de l'autre. Est-ce que les familles à faibles revenus sont beaucoup plus avancées si on fait des trucs de même? Pour une femme monoparentale qui gagne 14 000 $ par année, les services de garde vont coûter 786 $ de plus par année; pour une famille qui gagne 75 000 $ par année, les services de garde vont être de 1 788 $ moins cher. J'essaie de trouver où est la logique. Comment on peut arrimer la logique avec la réforme qu'on est en train de regarder ici?

Également, j'ai souri lorsque vous avez parlé, dans votre présentation et également à la page 34 de votre mémoire, des services, surtout pour les femmes en milieu défavorisé, pour aller au travail, et tout ça. Un des outils qui est intéressant, c'est effectivement les services de garde en milieu scolaire. Je trouve ça troublant que le document publié la semaine passée soit muet.

J'ai souri aussi comme parent avec plusieurs enfants dans une école publique de voir qu'il y a quelque chose qui sera offert gratuitement dans nos écoles publiques. Honnêtement, on a une bonne formation donnée dans nos écoles publiques, mais il n'y a pas grand-chose qui est gratuit aujourd'hui, avec les frais de surveillance le midi, avec les frais pour garder les enfants à la fin de la journée d'école, avec tous les autres matériaux, et tout ça. Une école gratuite, c'est vraiment chose du passé.

Alors, j'aimerais savoir, au niveau du Conseil, si ça vous pose des difficultés d'essayer... Moi, j'essaie avec ma calculatrice de voir, pour une famille qui gagne 25 000 $ avec deux enfants, un à l'école et un de l'âge préscolaire, j'ai le livre vert de Mme la ministre, j'ai le livre blanc de Mme la ministre de l'Éducation, j'aurai bientôt une réforme de l'éducation, avez-vous de la misère à me faire un montage financier? Ça va coûter quoi? Est-ce que ça va avancer et aider les femmes et les familles québécoises ou non?

Mme Lemieux (Diane): Eh bien, je dois dire que, oui, nous avons de la misère. Je dois le dire. Je pense que le livre vert apportait certains éléments; le livre blanc en apporte d'autres. Ce qui est clair, c'est que – vous avez le titre de ce petit bout-là, dans mon texte, on l'a appelé... Il faut une vision intégrée, et je pense qu'elle ne l'est pas actuellement.

Quand on a à développer, en tout cas à nos yeux, une politique de soutien des familles, c'est un peu comme une courtepointe – je me permets de reprendre l'expression de Mme Lepage. Une courtepointe, bien, il faut décider ce qui est le centre de notre oeuvre et, après ça, y greffer des morceaux pour mettre en évidence le centre de notre oeuvre.

Or, là, ce qu'on en comprend, c'est qu'on a identifié les sommes sous forme d'allocation, on les a toutes mises ensemble et on a dit: Comment on va repartager ça entre les familles? On n'a pas tenu en compte les sommes, par exemple, qui soutiennent les familles via la fiscalité. Alors, là, il manque des morceaux, puis quand on en déplace un, on ne sait plus l'impact sur l'ensemble.

Ce que j'ai compris – là, c'est une profane qui vous parle, je ne suis pas une fiscaliste, il a fallu que je comprenne pour me présenter ici aujourd'hui – ce qu'il faut avoir comme raisonnement, au Québec, c'est de se demander quels sont les besoins essentiels aux familles. C'est ça. Quand le gouvernement dit: On sort les enfants de l'aide sociale, je pense que c'est un geste extrêmement important. Et là, ce qu'on doit se demander, c'est: Quels sont les besoins essentiels qui doivent couvrir les besoins des enfants. Première question.

Deuxième question: Peu importent leurs revenus, leur situation, qu'est-ce que l'État est prêt à donner à tout le monde?

Troisièmement, quelles sont les ressources dont l'enfant dispose? Le revenu du père, le revenu de la mère. Dans le cas où il y a rupture, revenu, par exemple, de la mère – dans le cas où c'est elle qui a la garde – du parent gardien, et pension alimentaire. Dans le cas où il en manque, de l'argent, pour couvrir les besoins des enfants, comment l'État va venir en ajouter? Alors, la partie sélective.

Là, actuellement, on a le sentiment que tout ça n'est pas intégré. Moi, je le répète, c'est des changements extrêmement importants. Les gens devront comprendre. J'espère qu'on va mettre tous les morceaux sur la table. J'avoue que je risque d'être un petit peu achalante là-dessus. C'est notre travail, on représente les femmes au Québec. Il faut que tous les morceaux soient mis sur la table, justement pour qu'on puisse atteindre les objectifs de simplicité, de transparence, de rejoindre bien les gens qu'on veut soutenir.

À la question combien une famille de 25 000 $ aurait en allocation unifiée? Je pense qu'actuellement personne ne peut donner de réponse claire.

(15 h 10)

M. Kelley: Ici, je peux ajouter ça, une des données que vous avez utilisées, c'était un estimé de l'offre nécessaire faite par l'Office des services de garde à l'enfance. Mais il faut rappeler que, ça, c'était dans le contexte où l'État donne un crédit d'impôt pour les frais de garde pour les parents qui décident autrement. Mais du moment où on enlève ça – et on va commencer à le faire à partir de cette année – il y a environ 500 000 enfants en bas de cinq ans au Québec. Alors, je pense que le marché potentiel pour la garde à 5 $ par jour n'est pas loin de 500 000. Et, comme vous l'avez dit, on aura, toutes les façons confondues, peut-être 100 000 places après la réforme. Alors, il y a 400 000 autres enfants dans l'air, quelque part. Alors, je pense que ce chiffre que vous avez utilisé est dans un contexte complètement différent. C'est impossible, à mon avis, d'évaluer l'impact de l'enlèvement du crédit d'impôt pour les frais de garde que les familles paient pour embaucher quelqu'un pour venir à la maison par exemple.

Mme Lemieux (Diane): Ce qui est clair, c'est qu'il y a beaucoup de femmes qui ont des inquiétudes, et je pense qu'elles sont légitimes, sur notre capacité de développer ces services de garde là. Vous savez comme moi que – je ne fais pas de politique ici – dans à peu près tous les partis politiques des gouvernements des pays occidentaux, la promesse ultime et suprême, c'est des services de garde. C'est ça ici, c'est ça en Europe, c'est ça au États-Unis et ça a été ça au Canada. Est-ce que quelque part quelqu'un a été capable de livrer marchandise? Parce que là on met la barre haute. On dit aux femmes: Écoutez, on va réduire un montant d'argent de votre prestation parce qu'on va vous donner des services. Mais il faut les livrer ces services-là. Et ça, les femmes ont des inquiétudes, et je pense qu'elles sont légitimes.

Ceci étant dit, ce n'est pas impossible de le faire, mais il faut les livrer, ces services-là. On n'a pas le droit d'abandonner les femmes par rapport à ça.

M. Kelley: Et, finalement, ne pas oublier qu'il y a des femmes qui préfèrent des modèles autres qu'une garderie. Je souligne l'étude qui a été faite par le Conseil supérieur de l'éducation sur les enfants en bas de deux ans, 65 % des familles québécoises préfèrent soit garder elles-mêmes ou faire garder leur enfant à la maison. C'est juste à partir de deux, trois ans qu'ils cherchent des amis, qu'ils cherchent des lieux de socialisation pour leurs enfants. Mais pour nos tout-petits, les services de garde à l'extérieur de la maison, ce n'est pas la préférence des familles québécoises. Il faut tenir compte de ça aussi.

D'abord, c'est une réforme très, très compliquée avec des enjeux pour les femmes. Je pense que l'État a tout intérêt à respecter les choix de toutes les femmes, tous les citoyens et citoyennes du Québec au lieu d'imposer juste un modèle. Alors, c'est ça, un autre volet de la réforme avec l'abolition du crédit d'impôt qui risque de soulever beaucoup d'incertitudes. Encore une fois, on va être obligés de plaider pour la liberté des choix. Merci, madame.

La Présidente (Mme Barbeau): Il vous reste deux minutes. Il n'y a pas d'autres question? Non. Alors, en conclusion, Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce... Excusez, j'ai mélangé les comtés, de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Pas de problème.

La Présidente (Mme Barbeau): Est-ce que vous avez un petit mot à dire en conclusion?

Mme Loiselle: Oui, seulement pour vous remercier. L'échange a été très intéressant, comme d'habitude. Merci beaucoup, mesdames, de votre participation.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme la ministre, un petit mot.

Mme Harel: Un petit mot, Mme la Présidente, je ne veux pas que vous me chicaniez. Alors, merci. D'autant plus que vous nous rappelez – et j'en prends l'engagement – qu'il n'y a pas d'implantation à l'égard des monoparentales, en tout cas à l'aide sociale, de l'abolition du barème de non-disponibilité tant qu'il n'y a pas des services adéquats de garde qui sont disponibles et accessibles. Alors, on commence juste avec les enfants à l'âge de cinq ans, parce que les maternelles plein temps débutent.

Mais, en même temps, vous nous avez recommandé une série de choses sur lesquelles on n'a pas pu échanger, mais soyez bien convaincues que, sur la question des conjoints de fait en particulier et aussi sur la question du délai, avant de mettre le parcours obligatoire, on va réfléchir à ce que vous nous proposez.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci, Mme la ministre. Alors, je remercie Mme Lemieux, Mmes des Rivières, Lepage et Martel.

Je demanderais aux représentants du Conseil du patronat, s'il vous plaît, de rapidement prendre place.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je rappelle aux membres de la commission que nous devons ajourner tout à l'heure pour permettre à celles et ceux qui le veulent d'assister à l'assermentation de la lieutenant-gouverneur, ici, au salon rouge. Je vous rappelle que l'assermentation est à 16 h 30. Donc, étant donné l'heure où on commence, on devrait être capables de faire la rencontre au complet, à la condition, évidemment, qu'on soit très disciplinés.

M. Dufour, je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent.


Conseil du patronat (CPQ)

M. Dufour (Ghislain): Alors, merci, M. le Président. M. le Président, Mme la ministre, Mme Loiselle, mes deux collègues, Jean Tremblay, qui est président de l'Association des industries des portes et fenêtres du Québec, et, à ma droite, Jacques Garon, qui est directeur de la recherche au Conseil du patronat.

Alors, rapidement, M. le Président, c'est avec beaucoup d'intérêt qu'on a pris connaissance du document de consultation sur la réforme de la sécurité du revenu. D'entrée de jeu, je dois dire qu'on appuie le principe de la réforme, bien que nous nous interrogeons sérieusement sur certains aspects, bien sûr, des aspects pratiques de sa mise en oeuvre.

Allons-y d'abord au niveau des accords de principe, sur les constats. Je pense qu'on doit tous dire que le régime actuel est non seulement fort complexe et coûteux, mais il place tous les assistés sociaux sur le même pied, il crée des situations de dépendance réelle à l'égard de l'État-providence et il n'incite pas au retour au travail. Il doit donc être complètement repensé, comme il a été repensé sous des gouvernements précédents.

À cet égard, le document de consultation est fort éloquent, comme en témoignent quelques données qu'on a prises dans le document synthèse et dans le document de consultation: plus de 80 % des adultes à la sécurité du revenu seraient aujourd'hui des personnes aptes au travail, bien que l'on s'interroge, nous, sur ce pourcentage; 28 % des adultes aptes au travail et dépendant de la sécurité du revenu sont âgés entre 18 et 29 ans; qu'ils soient aptes ou non au travail, les adultes à la sécurité du revenu sont aujourd'hui étiquetés du vocable d'assistés sociaux, tous cantonnés dans le même régime, qu'ils veuillent ou non s'en sortir – on entend tous des gens réagir très négativement à cette étiquette qu'on leur plante quand ils veulent vraiment se sortir de leur situation difficile; les mesures proposées à ceux qui sont aptes au travail et qui veulent s'en sortir sont nombreuses – le document de consultation parle de 117 – mais également complexes, éparpillées dans l'appareil gouvernemental, donc, pour plusieurs, peu efficaces; le taux de chômage demeure élevé et n'est pas susceptible de diminuer, tout au moins à court terme.

Quant au coût du régime, le document de consultation en parle peu, sauf pour dire, et je cite: «Les attentes de la population demeurent élevées à l'endroit du filet de protection sociale alors que les capacités financières de l'État s'amenuisent.» Un constat avec lequel nous sommes totalement d'accord.

Si on va un peu plus loin dans le document intitulé «Fiscalité et financement des services publics» publié en 1996 par le gouvernement du Québec, on est un peu plus explicite, et on dit, à la page 94 de ce document: «Le Québec consacre à l'aide sociale une part plus importante de son PIB que la moyenne canadienne, 2,1 % contre 1,9 % en 1994-1995.»

(15 h 20)

Le Québec, à la face même des statistiques en tout cas, ne lésine pas pour venir en aide aux plus démunis. Il faut pleinement par ailleurs reconnaître que les capacités financières de l'État s'amenuisent. Il est donc devenu essentiel de redéfinir complètement le régime afin de le moderniser et de le rendre plus efficace.

Les objectifs que propose le gouvernement dans son document de consultation, il y en a plusieurs et beaucoup sont tout à fait louables. Je voudrais en commenter quatre.

Réduire les coûts du régime. D'abord, on doit être d'accord avec cet objectif, pour autant bien sûr – et le deuxième membre de la phrase est important – que tous les moyens soient mis en oeuvre pour aider ceux qui sont incapables de se prendre en main ou ceux qui sont capables de se prendre en main. Nous donnons également notre accord à toute mesure équitable de recouvrement et de contrôle – qui, d'ailleurs, a été démarrée bien avant le gouvernement actuel – qui vise à s'assurer que les fonds publics sont utilisés aux fins pour lesquelles ils sont versés. Qu'il y ait 7 % des fonds de la sécurité du revenu qui soient utilisés à d'autres fins nous amène d'ailleurs à faire appel à plus de diligence en ce domaine.

Le deuxième objectif avec lequel bien sûr on ne peut qu'être d'accord, c'est retourner les gens au travail. Nous souscrivons pleinement à cet objectif, même si nous sommes bien conscients qu'il s'agit ici d'un défit de taille. Ce que propose en somme le document de consultation, c'est d'offrir à chacun la possibilité de définir lui-même, avec l'aide d'un conseiller, le cheminement le plus susceptible de le conduire à un emploi. C'est peut-être important de dire que le document ne l'oblige pas à se trouver un emploi, mais l'oblige à cheminer pour essayer de s'en trouver un. Nous sommes d'ailleurs de ceux qui reconnaissent que la vaste majorité des assistés sociaux sont des chômeurs involontaires qui ne demandent pas mieux que de se trouver un emploi. Nous sommes donc d'accord avec l'objectif d'intégrer les prestataires aptes au travail à l'ensemble de la main-d'oeuvre, mettant ainsi fin, selon les mots du document de consultation, «à la catégorisation des personnes selon leur admissibilité ou non au programme de la sécurité du revenu».

Enfin, nous sommes d'accord avec l'imposition d'une pénalité financière – un paragraphe qui échappe peut-être dans notre mémoire, mais je tiens à dire qu'il est là – à ceux qui refuseraient d'établir un parcours individualisé vers l'emploi. Il n'y a aucune raison que la société prenne en charge des personnes qui sont physiquement et mentalement capables d'occuper un emploi éventuel et qui refusent non pas d'occuper un emploi, mais de s'engager dans une démarche qui pourrait leur ouvrir la porte à un tel emploi.

Finalement, les prestations. Nous prenons acte du fait que le gouvernement entende faire le grand ménage dans les prestations consenties aux assistés sociaux, pour reprendre l'expression de l'éditorialiste Agnès Gruda, de La Presse . Nous n'entendons cependant pas nous prononcer sur les quanta ici en cause faute d'expertise en la matière. Nous ne pouvons que souscrire cependant, entre autres, aux quatre propositions suivantes: un, que l'on consacre davantage d'argent aux mesures actives d'aide à l'emploi. Tout le débat entre mesures actives et mesures passives, c'est évident que, nous, on va toujours supporter toute orientation qui est axée sur les mesures actives. Deux, que le régime de prestations soit simplifié. On vient de parler de 117 mesures, mais je ne sais plus combien il y a de programmes là-dedans. Trois, que le régime comporte une allocation unifiée pour enfants et, finalement, que l'on maintienne le programme APPORT, même si on le modifie.

Alors, voilà, c'étaient les fleurs. Des interrogations, maintenant. Je tiens bien à dire qu'on utilise le mot «interrogation» et non pas le mot «opposition», les mots «je ne veux rien savoir». Ce sont des interrogations, parce que, je le répète, on est d'accord avec le principe de la réforme et les objectifs poursuivis.

Quatre grandes interrogations au départ. Les plans individualisés. Selon le document de consultation, plus de 80 % des assistés sociaux sont aptes au travail. Je l'ai dit tout à l'heure, 80 %, nous autres, on interroge ça. On a toujours parlé de 50 %. On a beau faire tous les calculs possibles et imaginables, 80 %, on n'arrive jamais à ça. Mais, simplement, que ce soit 50 % ou 80 %, est-il réaliste de penser qu'ils pourront être assistés dans leur démarche par un conseiller individuel? A-t-on mesuré les coûts d'une telle politique si on veut vraiment répondre à ces 80 % qui embarqueraient dans la proposition et qui voudraient justement qu'on leur identifie leur cheminement personnel? Je pense que, là, on a vraiment un problème s'il faut arrimer l'offre et la demande.

Deuxièmement, les emplois disponibles. L'un des obstacles auxquels feront face les conseillers sera le manque d'emplois disponibles. S'il est exact que certains emplois ne trouvent pas preneurs sur le marché du travail, il n'y a tout au plus que quelques dizaines de milliers d'emplois qui sont disponibles. D'ailleurs, je réfère à une récente recherche de la SQDM et, si je me rappelle bien, puis sous toutes réserves, il y en avait à peu près 30 000 ou 35 000 qui étaient disponibles, puis ils étaient disponibles dans la vente ou dans la haute technologie. Alors, je ne suis pas sûr que c'est le marché, ici, dont on parle. Bien sûr, il est souhaitable d'accroître les compétences de plusieurs assistés sociaux aptes au travail, mais, je le répète, les postes éventuellement disponibles pourront faire défaut pour les absorber. Nous sommes d'accord avec la ministre de l'Emploi qui suggère de ne pas être défaitiste à cet égard et de regarder l'avenir avec des lunettes teintées d'optimisme plutôt que de pessimisme. Tout de même, nous ne saurions par ailleurs oublier les réalités du marché du travail.

Troisième question. Aptes ou inaptes au travail. C'est une question où, dans le fond, on se retrouve avec les regroupements proches des assistés sociaux, qui posent plusieurs questions. Celle-là, on trouve qu'elle est bonne: Est-il si simple de départager les assistés sociaux aptes au travail ou ceux qui ne le sont pas? Ça devient assez facile au plan des handicapés physiques assistés sociaux, mais quand on tombe dans les assistés sociaux avec handicaps mentaux, c'est beaucoup plus difficile.

Apprentissage. Le document de consultation – ça, ça nous a surpris un peu d'ailleurs – propose que l'apprentissage et l'alternance études-travail fassent parties des possibilités de parcours individualisés vers l'insertion en emploi. Nous devons dire, d'entrée de jeu, M. le Président, qu'on ne saisit pas exactement le sens de la proposition qui suggère que soient développés des projets de formation par alternance travail-études pour les assistés sociaux. Nous rappelons à ce sujet que la véritable expérience menée à cet égard au Québec l'est au niveau collégial et qu'elle a été à ce jour financée par un programme du gouvernement fédéral, et celui-ci vient de décider de s'en retirer. Nous avons été informés que le gouvernement du Québec n'entendait pas prendre le relais pour assurer le financement de ce programme, à moins qu'on nous dise autre chose aujourd'hui. S'il l'abandonne pour les étudiants du collégial, le reprendra-t-il pour les assistés sociaux aptes au travail? Trouvera-t-il facilement des places de stages pour cette clientèle?

Quant au développement du régime d'apprentissage rémunéré pour les assistés sociaux aptes au travail, aucun problème de principe, mais, en pratique, nous y souscrivons très difficilement. On vient de donner notre accord à un régime d'apprentissage pour les jeunes ayant terminé une troisième année du secondaire. On ne prévoit pas, à court terme, plus de 1 000 places de stages. Puis là, je vais vous dire qu'on est très optimistes avec 1 000 stages. Mme la ministre le sait. Ce n'est pas facile de vendre l'apprentissage à nos entreprises. C'est donc dire qu'il y aura peu de places disponibles pour cette catégorie de clientèle dont on parle, qu'on évalue dans les 300 000 à 350 000, d'autant que – et c'est important de le dire – à la SQDM, il a toujours été convenu entre les divers partenaires que s'il y avait ouverture un jour pour une autre clientèle que nos jeunes du secondaire, après une troisième année, ce serait pour des travailleurs en emploi. Donc, on est devant un débat qui ne sera pas facile. Ce n'est probablement pas de ce côté-là qu'il faut voir un placement des assistés sociaux aptes au travail.

(15 h 30)

M. le Président, nous ne pouvons pas échapper à la question des structures, et c'est notre point 5, comme vous voyez. Ça a peut-être évolué depuis qu'on a fait notre mémoire puis depuis la publication du document de consultation. Nous, on est obligé de prendre le document de consultation, les mémoires devaient être déposés le 20. Ce qu'on a fait. On est toujours respectueux des délais.

Signalons notre accord avec la nécessité de réunir en un même milieu les nombreux services d'aide à l'emploi aujourd'hui dispersés et cloisonnés. La complexité, la fragmentation des services d'aide à l'emploi, la multiplicité des mesures offertes rendent actuellement l'intervention gouvernementale en matière d'emploi mais absolument peu efficace. Puis il y a consensus là-dessus. Il y a consensus aussi sur le fait que la situation doit être corrigée et nous sommes de ceux qui croient qu'il conviendrait de réunir au sein d'un guichet unique, proche du milieu local, des agents gouvernementaux chargés d'administrer les mesures actives et passives destinées à la main-d'oeuvre.

Nous nous interrogeons cependant sur deux éléments majeurs de la proposition gouvernementale concernant les services d'aide à l'emploi. Première interrogation: Pourquoi, à toutes fins pratiques, faire disparaître la SQDM pour placer les CLE sous la responsabilité d'un ministère de l'Emploi à créer? L'expérience de la SQDM, engagée depuis plusieurs années, s'est révélée fort heureuse et il y aurait lieu de maintenir à la fois la forme actuelle de l'organisme et les responsabilités qui lui sont confiées. Il y a fort à parier qu'en confinant éventuellement l'actuelle SQDM au seul rôle de gestionnaire de la loi 90 sur le développement de la formation de la main-d'oeuvre, une loi qui, soit dit en passant, n'est pas encore reçue plus positivement qu'il le faut dans un milieu comme le mien, donc qui n'appelle pas nécessairement une image positive d'une SQDM centrée sur l'application de la 90. Bon. En plus, régime d'apprentissage à des activités des associations sectorielles. En confiant la responsabilité exclusive des centres locaux d'emploi à un éventuel ministère de l'Emploi, on y perdra en expertises et en engagements des grands partenaires nationaux à l'égard de toute la question de la main-d'oeuvre.

Il nous apparaît en effet, M. le Président, qu'en matière de mesures actives de main-d'oeuvre, c'est-à-dire, en fait, en matière de réorganisation des services publics d'aide à l'emploi, il est essentiel d'associer étroitement les partenaires du marché du travail, tant au niveau national que régional, sur une base – le mot clé de la phrase – décisionnelle et non purement et strictement consultative. Autrement, on reviendra à une situation qui existait avant la création de la SQDM: les partenaires ne seront aucunement intéressés à s'engager dans un système normalisé et bureaucratique – et ça, ça n'a rien à voir avec la ministre, c'est la structure qui conduit automatiquement à ça – où ils auront l'impression de n'être là que pour ratifier des décisions prises par l'État en leur nom, sans consultation véritable.

Deuxième réflexion. Nous pensons, par ailleurs, qu'il est tout à fait possible de créer des conseils locaux de partenaires représentatifs du milieu. Nous voyons cependant mal comment ces conseils, relevant du ministère de l'Emploi, seraient en contact avec les partenaires nationaux du marché du travail et comment les différents plans concertés pour l'emploi à l'échelle locale seraient coordonnés et harmonisés dans le cadre, rappelle le document, d'une politique active du marché du travail.

Au regard de ces deux questions, M. le Président, disons finalement que la ministre d'État actuelle responsable de l'emploi a réussi un coup de maître en amenant tous les partenaires qui boycottaient la SQDM, dont le Conseil du patronat, à s'y engager. Puis vraiment – je pourrai déposer ma feuille de temps – et lui ont fait pleinement confiance. En tout cas, je parle pour moi, pour le CPQ, c'est moi que la ministre a convaincu d'aller à la SQDM, puis j'y suis allé. Il serait dommage de détruire ce qui est en voie d'être construit pour tout reprendre à zéro.

En conclusion à mes deux minutes, M. le Président, on appuie les principes à la base de la réforme: on est totalement d'accord avec l'objectif de diminuer les coûts du régime, de retourner les gens au travail, de consacrer davantage d'argent aux mesures actives d'aide à l'emploi. On s'interroge, comme on l'a vu, sur la faisabilité de la proposition qui consiste à offrir à tous les assistés sociaux un plan individualisé, d'autant, on le sait, que les emplois ne sont pas légion; il ne faut surtout pas donner aux assistés sociaux de faux espoirs.

Nous nous interrogeons finalement – je conclus là-dessus – sur les structures que propose le document. À moins que cet après-midi on nous en propose de nouvelles. Pour le CPQ, il est essentiel que les structures mises en place, pour être efficaces, reposent davantage, comme on le propose dans le document, sur l'engagement des partenaires nationaux du marché du travail au lieu de les remplacer par une structure ministérielle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. Dufour. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Dufour, M. Tremblay et M. Garon. M. Dufour, c'est d'autant plus intéressant de vous entendre justement que vous avez cette expertise en gestion de main-d'oeuvre développée avec des partenaires du marché du travail. Je comprends que le mémoire que vous nous présentez cet après-midi, en fait, a saisi le principe de la réforme qui est déposée – et c'est un sujet de débat important, on a ouvert là-dessus hier puis je pense bien que ça va se poursuivre aussi comme débat jusqu'à Pâques en commission parlementaire – à savoir: Est-ce qu'il faut maintenir un régime où finalement la personne a droit à un minimum de revenu quelle que soit sa situation ou bien acquiescer à la proposition du livre vert qui repose sur le postulat qu'il y a des mesures de protection sociale qui dorénavant seront administrées par la Régie des rentes pour les personnes invalides, les personnes de plus de 60 ans et les enfants, ce qu'on appelle l'allocation d'invalidité, l'allocation des aînés et la prestation unifiée pour enfants?

Et ça, ça totalise environ 350 000 personnes, à savoir 250 000 enfants; à savoir 8 000 personnes hébergées en institution présentement, qui relève des statistiques de l'aide sociale; environ 60 000 personnes sur les 120 000 qui bénéficient du programme de soutien financier et qui se partagent pour la moitié vraisemblablement, là, entre personnes qui pourraient réclamer un statut d'invalidité et personnes dont le handicap n'est pas une invalidité si tant est qu'on aménage les postes de travail. Donc, 60 000 personnes sur les 120 000 qui pourraient réclamer un statut d'invalidité ou à peu près.

Alors, c'est donc avec les 30 000 aînés de plus de 60 ans. Vous voyez, 250 000 enfants, 30 000 aînés de plus de 60 ans, 60 000 personnes qui pourraient réclamer un statut d'invalidité, 8 000 personnes hébergées, autour de 350 000 qui, dans le fond, dorénavant seraient administrées à la Régie des rentes. On nous fait instamment la recommandation d'associer aussi les 55 ans et plus à l'allocation des aînés en nous faisant valoir qu'au moment où la société québécoise se dirige vers une accélération de la retraite progressive il n'est pas indiqué de faire faire des démarches ou un parcours d'insertion à des personnes de 55 ans et qu'elles devraient aussi joindre les rangs de l'allocation des aînés. Je ne sais pas quel est votre point de vue là-dessus, mais c'est autour donc, si tant est que c'est à 60 ans ou à 55 ans, de 350 000 à 400 000 personnes. Donc, on parle de mesures de protection sociale pour elles et, dans le fond, d'assistance-chômage pour les autres.

Et vous avez raison quand vous dites: 80 %, on ne sait pas à quoi ça réfère. Ça réfère finalement aux adultes seulement, n'est-ce pas, mais par rapport au programme de soutien financier. Vous savez, c'est dans les catégories actuelles, là, les catégories de soutien financier, ça va chercher environ 116 000 ménages. On les appelle «inaptes» dans le régime actuel, un nom que les personnes récusent, et les ménages aptes vont chercher environ 350 000. Alors, c'est en regard de ces catégories qui, de toute façon, sont proposées pour être mises de côté.

(15 h 40)

Mais, si on reprend vraiment la réalité des personnes à l'aide sociale, c'est autour de 350 000 à 400 000 qui sont soit aînés, invalides ou des enfants et environ 400 000 également qui, selon nous, devraient relever d'un programme d'assistance-chômage, en prenant pour acquis que le chômage est involontaire évidemment, mais qu'il faut se responsabiliser comme collectivité pour offrir un parcours d'insertion ou de formation. On ne dit pas juste «emploi salarié», vous l'avez compris. J'ai compris que vous aviez compris quand vous avez dit que ce n'était pas de ça dont il s'agissait également.

Alors, c'est cela. Et là on nous critique beaucoup de remettre en question le principe selon lequel il devrait y avoir un minimum de revenu, en fait, quelle que soit la situation des personnes. Je ne sais si vous avez regardé de près, durant toutes les années où vous avez quand même discuté ces questions-là, du revenu minimum garanti. Sans que ça soit dit, c'est de ça, dans le fond, dont il s'agit là. Ça traîne un peu dans le décor, ce n'est pas vraiment posé, mais, quand on nous reproche de vouloir introduire les concepts d'assistance-chômage, dans le fond, ce qu'on nous dit, c'est qu'il n'y en a pas d'ouvrage et puis on devrait se résigner et introduire une sorte de revenu minimum garanti qui s'appliquerait sans qu'on ait besoin de changer finalement le marché du travail pour qu'il puisse recevoir des gens qui n'y sont pas ou qui en sont exclus. Vous pensez quoi de ça, vous, du revenu minimum garanti?

M. Dufour (Ghislain): Ah, il y a beaucoup d'affaires dans votre réflexion, Mme la ministre. D'abord, les chiffres, c'est important, parce que, selon qu'on parle de chiffres ou d'autres, tout le document prend ou perd de la crédibilité. Quand on parle de conseil individuel, si on s'adresse à une clientèle plus large ou pas, je demanderais à Jacques de répondre à ça. Moi, je vais juste reprendre rapidement trois éléments pour répondre après à votre question. Oui, le débat qui était fait, d'ailleurs, depuis longtemps: Est-ce qu'on doit carrément couper l'aide sociale à des gens qui refusent toute mesure d'aide ou les pénaliser comme le suggère le document? Évidemment, dans un milieu comme le nôtre, les gens disent qu'on devrait au départ être d'accord avec la thèse de Pierre Fortin, sauf que, non, on ne va pas aussi loin que ça, on pense que l'approche de pénaliser des gens qui ne veulent rien savoir, qui sont en bonne santé... Il ne s'agit pas qu'ils se trouvent un emploi, là, il s'agit qu'ils participent à se trouver un emploi. Alors, cette thèse-là, on est d'accord, parce que ce n'est pas une thèse de priver de façon automatique quelqu'un d'un revenu.

Deuxième réflexion sur le revenu minimum garanti: on a toujours été, nous, de ceux qui étions d'accord pour regarder ça. Il n'y a pas eu beaucoup d'expériences au Canada. Il y en a eu une en Alberta, elle ne s'est pas révélée plus positive qu'il fallait; elle remonte à quelques années. On ne peut pas, je pense, se lancer là-dedans sans refaire des expériences-pilotes, compte tenu de l'expérience qui a eu lieu dans ce domaine-là en Alberta.

Sur la question carrément des chiffres, c'est important, là, de savoir à qui on va donner du support, parce qu'on peut comprendre que des gens disent: Ils nous imposent du support mais ils ne pourront pas nous le donner. Ou: Le support va être factice, dans le fond. Je vais demander à M. Garon de...

Juste avant ça, parce que, comme j'ai la parole, je la garde, c'est vous qui m'avez amené, Mme la ministre, sur la question du rôle que jouera dorénavant la Régie des rentes dans ce dossier-là. Je vous pose une question puis j'aimerais ça que vous trouviez le moyen d'y répondre. Vous venez d'établir que beaucoup de personnes se retrouveront dorénavant sur la Régie des rentes. Or, on sait tous, la Régie des rentes, c'est payé par une cotisation patronale-syndicale, les travailleurs. Est-ce que vous allez assumer les coûts de ça ou si, dorénavant, c'est nous qui allons encore assumer ça? Alors, voilà pour la question.

M. Garon (Jacques): Oui, juste un point, M. le Président. Mme la ministre, quand vous avez dit: Bon, grosso modo, c'est à peu près la moitié des assistés sociaux, 400 000, qui seraient considérés comme ayant un statut de chômeur. C'est vrai qu'on ne peut pas être contre le principe du fait de dire: il faut se débarrasser un petit peu de cela et, au fond, toutes les personnes qui sont aptes au travail devraient être considérées comme éventuellement pouvant faire partie du marché du travail. Mais, il y a une grosse difficulté avec ça, c'est que d'assimiler ça au statut de chômeur, c'est oublier la grande différence à laquelle font face une très grande partie des assistés sociaux actuels, c'est-à-dire un manque d'éducation de base qui fait en sorte qu'ils auront extrêmement de difficulté à trouver du travail face aux autres 400 000 chômeurs qui, eux, ont le statut de chômeur et qui reçoivent des prestations d'assurance-chômage.

Et quand on a parlé aux deux coprésidents de l'étude, on leur a posé la question: Est-ce que cet aspect d'éducation de base est important? Ils nous ont dit: Oui, à 75 %. Et ça, je pense qu'il faut faire attention là-dessus parce que les besoins ne sont pas les mêmes dans les deux cas.

Mme Harel: Vous avez d'autant plus raison qu'il est bien dit en plus, dans la proposition contenue au livre vert, qu'il ne s'agit pas du jour au lendemain de faire un parcours qui est implanté avec les 400 000 personnes concernées. C'est proposé que cela soit graduel, en commençant avec les 18-24 ans. Et je pense qu'il faut voir que parmi ces 18-24 ans il y en a aussi qui sont des retours aux études après un décrochage adolescent et ce sont des retours aux études qui rencontrent souvent un deuxième échec, puisque c'est la formule académique souvent qui ne leur convient pas, étant compris que beaucoup n'entrent pas dans le monde des adultes en étudiant mais en voulant travailler.

Dans la mesure où vous nous dites que le régime d'apprentissage, c'est pour les étudiants qui auront fini le secondaire III, mais il n'en reste pas moins qu'il y en a beaucoup qui ont décroché et qui reviennent. C'est à 20 ans maintenant souvent qu'on finit son secondaire. Alors, j'imagine que ceux-là, vous ne les écartez pas même si vous prenez pour acquis qu'en priorité ce seront des étudiants continus.

L'alternance travail-études, moi, je la vois plus liée aux voies qu'on appelle diversifiées mises en place à l'éducation entre autres par mon collègue le député de Lévis, qui est avec nous aujourd'hui, et qui a introduit des voies dans les emplois semi-spécialisés. Il y a présentement l'implantation de ces formations sous forme d'alternance travail-études. Ça a l'air, en tout cas, de recevoir un certain appui dans les milieux concernés, dans les milieux locaux.

Évidemment, moi, je ne peux pas terminer mon tour sans aborder avec vous la question des structures. Bien évidemment, l'objectif – on se comprend sur l'objectif – c'est d'offrir des services actuellement dispersés, disons, dépareillés, qui sont éparpillés. Et c'est d'autant plus urgent de le faire qu'il y a plus de chômeurs qu'avant qui sont à l'aide sociale. Je comprends qu'un des problèmes auxquels ils ont à faire face, c'est leur sous-scolarisation. Ça c'est, disons, une des priorités. Mais, en même temps, la sous-scolarisation, ce n'est pas automatiquement sur les bancs de l'école qu'on peut la corriger. Il y a d'autres façons, il y a d'autres voies aussi qui sont à être développées.

Vous me rappelez de bons souvenirs, notamment lorsque j'ai pris contact avec vous pour vous demander de siéger sur le conseil d'administration de la SQDM. Et là je viens de signer, aujourd'hui d'ailleurs, une lettre vous invitant de faire partie du groupe de travail qui va être composé des principaux partenaires, l'exécutif national, et des représentants des présidents régionaux – donc trois présidents régionaux – qui vont examiner le rôle prépondérant que les partenaires doivent continuer à jouer.

(15 h 50)

Moi, mon objectif, c'est de maintenir – j'appelle ça une valeur ajoutée – le partenariat dans la société québécoise. Quand on regarde les expériences ailleurs dans les provinces canadiennes, on se rend compte que ce qui avait été entrepris a comme été négligé et abandonné. Je crois que c'est une valeur ajoutée importante à ce qui se passe au Québec et je suis tout à fait décidée à m'assurer que cette valeur ajoutée est maintenue avec enthousiasme par ceux qui y participent maintenant. Alors, moi, je suis convaincue que ce n'est pas juste une structure qui peut être porteuse de ça. On va voir s'il est possible de trouver un terrain d'entente, mais soyez convaincus que je suis toujours aussi certaine que, sans le partenariat, le 1 % aurait piqué du nez, que l'apprentissage n'aurait pas débuté, que l'intervention sectorielle, qui est un bel héritage de Gérald Tremblay, n'aurait pas fructifié. Alors, j'y crois aussi, au partenariat.

M. Dufour (Ghislain): Je n'ai pas reçu votre lettre.

Mme Harel: Non? Je vais essayer de vous en avoir copie.

M. Dufour (Ghislain): Je ne sais pas comment j'y réagirai.

Mme Harel: Je suis certaine que vous allez à l'intronisation du lieutenant-gouverneur. Je vais vous l'apporter.

M. Dufour (Ghislain): Ah! oui. Je pense que je ne peux pas dire plus que ce que l'on dit dans notre mémoire sur le fondement de la question qui est soulevée, à savoir consultatif versus décisionnel, hors structure ministérielle par rapport à interne à une structure ministérielle. Et c'est là qu'est le débat, dans le fond. Et, nous, nous n'aurions pas pris les engagements qu'on a pris, on n'aurait pas donné le temps qu'on a donné dans une structure ministérielle par rapport à la structure qui existe, étant bien entendu que c'est toujours la ministre de l'Emploi qui est responsable de la SQDM, située en dehors d'une structure ministérielle. Ce n'est pas face à la ministre qu'on a des problèmes, parce qu'on sait très bien qu'elle va demeurer notre ministre, mais des problèmes de structure, de fonctionnarisme.

Moi, je le sais, je siège sur un paquet d'organismes, puis quand on n'est pas assujetti à la fonction publique, c'est bien différent. Quand on n'a pas à référer aux structures des ministères – puis, tout le monde ici le sait – c'est très différent. C'est ça qu'on plaide, dans le fond, et on plaide l'engagement des partenaires face à des structures.

Je répète ce que j'ai dit d'entrée de jeu, M. le Président, qu'en ce qui nous concerne, nous ne serions pas allés à la SQDM. D'ailleurs, on n'était pas allé. Vous vous rappelez, avec nos amis libéraux, à l'époque, on a refusé d'y aller parce que... c'est-à-dire on ne trouvait pas que... les structures, c'était trop centralisé. Puis ça a été décentralisé, à un moment donné, puis on a redonné du pouvoir aux régions, etc., c'est pour ça qu'on est allé. Là, on refait l'inverse, pas dans l'idée de la ministre, dans les structures; par définition, on ne peut pas se retrouver autrement.

Alors, je prends note de cette petite phrase en ajout à la grande phrase de la ministre qui dit: On est ouvert à en discuter, on est ouvert à en débattre, puis, bon, là, il y a un comité où on pourra en débattre. Sauf que j'ai vu une lettre qui a été adressée à certains de mes collègues, où on dit qu'on est prêt à en débattre, mais à l'intérieur des structures éventuelles d'un ministère; j'ai vu ça aussi. Mais ce n'est pas la mienne, là, j'ai vu celles des autres; peut-être que la mienne a changé.

Mais là, c'est évident qu'on aura un problème. Je termine parce que vous me faites des signes, mais je voudrais bien que Mme la ministre réponde aussi à ma question sur la Régie des rentes.

Mme Harel: Oui, oui. Sur la Régie des rentes, c'est déjà bien entendu que tous les services rendus vont être facturés...

M. Dufour (Ghislain): O.K.

Mme Harel: ...au gouvernement, mais je vous rappelle, pour le bénéfice de tous les membres de la commission et de ceux qui nous accompagnent, que ça reste toujours, ces allocations dont j'ai parlé, d'invalidité, de prestation pour enfant...

M. Dufour (Ghislain): Oui, oui.

Mme Harel: ...etc., ça reste toujours afférent au budget du fonds consolidé. La Régie des rentes, c'est contributoire, mais la Régie gère aussi, administre, comme les allocations familiales et autres types d'allocations, sous une formule d'assistance. Alors donc, c'est juste les frais d'administration. Vous nous rappelez, et le président de la Régie l'a fait d'ailleurs lui aussi, que ces frais devaient être facturés au coût réel.

Il y a peut-être juste un élément qui m'apparaît, en tout cas, important, là, c'est peut-être de revenir sur la question du parcours individualisé, d'autant plus qu'on est dans une situation... depuis 1990, on a vu l'arrivée d'environ 90 000 nouveaux ménages à l'aide sociale. Vous savez qu'en cinq ans il y a eu, suite à la récession de 1989, 90 000 nouveaux ménages, 205 000 personnes, environ 1 000 000 000 $; ça, c'est les cinq dernières années. On sait bien que normalement, avec une croissance d'autour de 3 % – le professeur Fortin, d'ailleurs, l'a répété très souvent – avec une telle croissance, si tant est qu'il se produisait l'équivalent de ce qui s'est passé après la récession du début des années quatre-vingt, c'est 100 000 personnes de moins. Quand je dis qu'il y a 100 000 personnes qui n'ont pas de problème d'employabilité à l'aide sociale, c'est effectivement vrai que c'est 100 000 personnes que la récession de 1989-1992 a mis sur le carreau. Et si ça ne tarde pas trop, parce que vous êtes conscients comme moi sûrement que plus longtemps ça dure et plus, à ce moment-là, ça détériore nos qualifications, n'est-ce pas?

Donc, il y a 100 000 personnes qui peuvent trouver à travailler sans avoir de problème d'employabilité. Mais, en même temps, elles ont parfois besoin d'un club de recherche d'emploi, elle ont parfois besoin d'encouragement. Il y a aussi des chômeurs de longue durée qui ont besoin d'un plus grand accompagnement.

Le parcours individualisé, je pense qu'en main-d'oeuvre on ne peut pas faire dans le gros oeuvre, ça peut juste se faire un par un. Je ne vois par comment on peut réussir, si vous voulez, à se sortir de l'exclusion ou de l'isolement en groupe. Est-ce que, dans ce contexte-là... Bon, la proposition, vous la connaissez, c'est quand même beaucoup de monde. Vous savez, au total, ça reste 11 000 personnes qui travaillent sur la question de la main-d'oeuvre au Québec; 11 000 personnes qui sont soit dans le réseau fédéral, soit dans le réseau québécois. Et, sur ces 11 000 personnes, il y en a certainement 3 500 qui, chacune de leur côté, travaillent sur ce qu'on peut appeler de l'aide à l'emploi. Mais, ça reste pas actuellement intégré.

Alors, la proposition – je comprends que vous y souscriviez – c'est vraiment de faire en sorte que ce ne soit plus en fonction de la catégorie à laquelle on appartient, que ce soit en fonction finalement d'un statut de chômeur qu'on puisse recevoir de l'aide et qu'on puisse rencontrer un conseiller en emploi. Mais, on ne sera pas nécessairement à court de monde. Ce n'est pas l'argent qui nous manque, c'est la manière différente dont il faut la dépenser. On en dépense plus que la moyenne des pays industrialisés et on n'a pas de résultats. Il y a de quoi qui ne marche pas là!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Dufour, est-ce que je peux vous demander de faire ça le plus rapidement possible? On a déjà dépassé largement.

M. Dufour (Ghislain): Ce qu'on soulève purement, ce n'est pas une objection, c'est une interrogation. Compte tenu du peu d'emplois disponibles actuellement au Québec, il ne faut pas que cette nouvelle vision des choses – qui peut être correcte, de conseiller des gens – soit vue... Parce qu'on le sait, les gens vont s'imaginer que parce qu'ils on vu un conseiller en placement... Ça peut être personnalisé, soit dit en passant, on le sait, et ça peut être en groupe. La formation professionnelle, tu peux carrément la donner en groupe là. Si chacun a son conseiller, on a un problème. On va créer des postes et on sait lesquels.

Il faut vraiment qu'on soit conscient qu'il ne faut pas donner des faux espoirs. On en connaît tous des gens qui, parce qu'ils ont des appels de conseillers de Québec-Travail ou d'autres, s'imaginent qu'ils vont avoir une job parce qu'ils participent à des cours d'entraînement. C'est ça qu'on vous soulève. Et on dit: Faites attention aux coûts parce que l'analyse coûts-bénéfices... Vous pouvez donner du conseil à tout le monde, mais, dans le fond, on en place 3 000 ou 5 000. Alors, l'analyse coûts-bénéfices n'a pas d'allure. C'est aussi bien peut-être de laisser aller les choses telles qu'elles sont. Ce ne sont pas des objections de principe, c'est notre réalisme d'affaires qui revient à la surface.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. Dufour. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui, merci. Messieurs, bonjour. Un peu avant de commencer notre échange, je me posais la question tantôt, M. Dufour: On approche du début février, je ne sais pas si c'est votre dernière commission parlementaire à titre de président du Conseil du patronat aujourd'hui?

M. Dufour (Ghislain): Si le président à venir était malade, je le remplacerai.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: On va lui souhaiter bonne santé et bonne chance à vous.

M. Dufour (Ghislain): Merci.

Mme Loiselle: Peut-être, au nom de ma formation politique, en profiter pour vous remercier de tout le temps pendant... je ne sais pas trop, peut-être 20 ou 25 années, je ne sais pas...

Une voix: Minimum.

Mme Loiselle: Peut-être et plus.

M. Dufour (Ghislain): J'ai connu Yvon!

Mme Loiselle: Ah, bien, mon Dieu! je vais aller jusqu'à 30 ans. Tout le temps, toute l'énergie et la détermination que vous avez mis.

M. Garon (Lévis): ...influencé que vous l'avez influencé.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: Bon!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous êtes sur le 10 minutes, je vous ferai remarquer, de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Je vais récupérer mon temps? Je voulais seulement vous remercier pour l'énergie et la détermination que vous avez mises à bâtir le Conseil du patronat et à lui assurer la crédibilité à toute épreuve qu'on lui connaît aujourd'hui. Je vous souhaite bonne chance dans vos nouvelles fonctions.

M. Dufour (Ghislain): Merci, madame.

(16 heures)

Mme Loiselle: Peut-être revenir avec les derniers propos de Mme la ministre quant aux inquiétudes au niveau des coûts qui ne semblent pas avoir été calculés par le gouvernement pour la réforme que nous avons devant nous actuellement. À date, tous les groupes qui se sont présentés en commission ont les mêmes préoccupations que vous: Si le gouvernement n'a pas l'argent à investir pour augmenter les ressources financières et investir dans les effectifs, plusieurs ont même dit que sa réforme serait vouée à l'échec. Parce qu'on sait qu'actuellement dans les centres Travail-Québec les agents qui y travaillent sont tellement débordés, ont tellement de dossiers à faire qu'ils consacrent environ 15 % de leur temps dans le développement de l'employabilité. Et on veut faire de ces gens-là des conseillers en emploi qui vont devenir des aides, des soutiens, de l'accompagnement et en même temps vont faire toutes les demandes aussi qui vont entrer; ça sera divisé en deux. Alors, c'est sûr qu'il faut augmenter les effectifs et c'est sûr qu'il va y avoir des coûts financiers apportés à ça.

Il y a mon collègue de Bourassa qui aimerait vous poser des questions. Quand vous parlez des apprentissages – parce que la ministre mise beaucoup sur l'apprentissage en entreprise et sur l'alternance études-travail dans sa réforme – c'est très inquiétant, ce qu'on lit dans votre mémoire. C'est très inquiétant parce que je pense que la ministre fait face à un dilemme, si ce qu'on lit actuellement... parce que vous dites que c'est clair que actuellement vous êtes en accord pour des régimes d'apprentissage pour les jeunes ayant terminé une troisième année de secondaire, que vous ne prévoyez pas à court terme tout au moins que les entreprises accueilleront plus de 1 000 stagiaires par année et que finalement il n'y a pas de places disponibles pour les personnes prestataires de l'aide sociale au niveau des entreprises actuellement. Alors, j'aimerais vous entendre davantage parce que ça, c'est une mesure importante qu'on retrouve dans le document du livre vert.

M. Dufour (Ghislain): On est d'autant plus à l'aise d'en débattre que ce n'est pas une question d'ordre politique, c'est purement une question réaliste. Le marché du travail, on le sait tous, on a tous vécu ça, les entreprises ne sont pas de façon automatique ouvertes aux stagiaires. Elles ne le sont pas au niveau secondaire, elles ne le sont pas nécessairement au niveau collégial, et là on arrive avec un tout nouveau régime qui est le régime d'apprentissage, apprentissage à l'européenne où là on va payer le stagiaire, on va payer les compagnons, une toute nouvelle structure. On s'est entendu là-dessus. Mais, on a eu un problème, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, à la SQDM: il y a eu une espèce de scission entre les groupes. Ça, la ministre a bien vécu ça, elle aussi, avec la ministre de l'Éducation. Des groupes comme nous, des groupes comme la CEQ, des groupes qui disaient: Nous privilégions un système d'apprentissage pour nos jeunes du secondaire, pour les sortir du banc de l'école quand ils veulent faire un métier au lieu d'aller se perdre dans la brume sur l'assurance-chômage.

Du côté syndical, ce n'était pas ça leur approche. Ils disaient: Nous autres, il faut faire des apprentis avec nos gens qui sont déjà en entreprise, qui ont 40 ans, qui veulent un métier, qui ne vont pas être contents de voir que dans l'entreprise c'est le jeune qui arrive et qui a un métier. Nous autres, notre monde, au plan syndical, on va avoir un problème avec ça. On a fait un consensus: qu'on donnait priorité aux jeunes du secondaire et qu'éventuellement on ouvrirait au monde déjà en entreprise.

Quand on arrive avec la dimension des assistés sociaux qui ne sont pas à l'école, puis qui ne sont pas en entreprise – vous voyez le problème – je dois dire que 1 000, c'est optimiste. C'est nos négociations au moment du Sommet, ça. Nous autres, on était à 500, d'autres étaient à 2 000 et on a fait 1 000. Mais, ce n'est pas beaucoup, ça, 1 000. Tu sais, 1 000 jeunes en stage au Québec, en apprentissage, c'est très peu. Alors, c'est ça la problématique que l'on a, d'autant qu'il n'est même pas démarré, le régime d'apprentissage. Et là, comme on ne sait pas ce qui va arriver avec la SQDM, il va peut-être démarrer moins vite aussi parce qu'il va falloir que, nous autres, on soit d'accord en arrière du régime pour la formation des compagnons et vendre ça aux entreprises, etc. Mais, si on est dans une structure consultative au lieu de décisionnelle, il pourrait peut-être y avoir des frais. Alors, vous campez un problème vrai mais qui sort de la sécurité du revenu pour aller chez nos jeunes, chez nos travailleurs en entreprise, etc., mais il est bien posé à l'occasion de ce débat-ci.

Mme Loiselle: Merci. Il y a mon collègue de Bourassa qui voulait...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Bourassa.

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Moi, j'ai une préoccupation particulièrement concrète à travers ces échanges que nous avons en commission parlementaire sur le livre vert, la réforme de la sécurité du revenu. On sait l'ampleur de cette question, il y a plusieurs milliards en jeu et peut-être un million de personnes visées, finalement, toutes catégories confondues. Ça traverse toutes les formations politiques, ça traverse toutes les organisations qui ont une implication sociale et économique, c'est un débat très, très vaste. Moi, j'ai la préoccupation concrète de savoir comment les services vont s'organiser pour les personnes visées. Comment ils vont rejoindre les personnes visées, comment cela va être harmonisé, mieux intégré, comment ça va être administré, qui va prendre des responsabilités dans la prestation de ces services.

Dans le document de consultation, force nous est de constater que cet aspect est abordé de manière très, très, très mince. Pages 46 et 47. J'inviterai les députés, qui ne l'auraient pas encore constaté ou qui auraient parcouru le document trop rapidement, à le regarder. Ça se peut qu'ils ne l'aient pas vu, il y en a tellement peu long là-dessus. Pages 46 et 47, c'est les CLE, les centres locaux de l'emploi. Il y a des préoccupations qui sont exprimées par les groupes qui ont publié un communiqué. Vous êtes signataire, comme Conseil du patronat, de ce communiqué aussi, qui a été rendu public hier. Vous avez été signataire, comme les autres partenaires du marché du travail, d'une lettre adressée à la ministre le 27 janvier exprimant votre préoccupation, votre appréhension quant à la l'organisation du réseau. Vous affirmez certains principes, mais vous dites: Nous, partenaires du marché du travail, nous voulons aller au-delà d'un rôle consultatif. Et vous avez eu la lucidité de le reprendre dans vos propos aujourd'hui, formellement dans votre mémoire.

Je pense que c'est une préoccupation très réaliste, ça vous honore et je pense que la ministre devrait trouver moyen, à travers ce débat qui va se poursuivre pendant un certain temps, de répondre vraiment aux questions, aux appréhensions qui lui sont exprimées. Quand elle dit «je ne peux pas éviter d'aborder la question des structures», vous mesurerez, dans la transcription des débats, combien de temps ça a duré, cet échange-là portant sur les structures; ce n'est rien du tout par rapport au reste. Il faudrait, à un moment donné, aborder cette question et je demanderais à la ministre de recevoir cette suggestion de façon positive.

Elle a dit, lors de la journée du 17, le vendredi 17 janvier, où il y eu une vaste rencontre de tous les partenaires du marché du travail, conseils régionaux et tout le reste, plusieurs ministres, elle a dit: «Mon intention, c'est de transformer la SQDM, de lui confier seulement des mandats, genre interventions sectorielles, 1 %, etc.» Mais, il n'y a pas d'argumentation, même dans la transcription de ces textes-là: «Mon intention, c'est...» Pourquoi trouve-t-elle nécessaire, indispensable de soustraire à la responsabilité des partenaires réunis jusqu'à maintenant, vous l'avez rappelé tout à l'heure, au sein du C.A. de la SQDM, pourquoi ça lui semble nécessaire de soustraire aux partenaires les responsabilités que la loi créant la SQDM leur a confiées? Responsabilités à l'amont et à l'aval des prises de décisions. À l'amont, c'est-à-dire lorsque l'on conçoit des mesures et des programmes et, à l'aval, lorsqu'on les gère. La loi de la SQDM prévoit que, de toute façon, les budgets de la SQDM sont sous réserve d'approbation de la ministre. Donc, elle garde le contrôle là-dessus, le gouvernement aussi; donc, ce n'est pas un argument que le contrôle financier n'est pas possible à travers une société comme la SQDM. On n'a qu'à lire la loi de la SQDM.

Je voyais les propos de la présidente de la SQDM à l'occasion du même colloque du vendredi 17 janvier. Elle dit: «Au nom de l'organisation que je représente – donc, les partenaires syndicaux et patronaux – je voudrais apporter un commentaire. Les partenaires ont goûté à la concertation et ils pensent que, pour eux, c'est comme un acquis. Des partenaires sont des partenaires et ce ne sont pas des adversaires et, dans le domaine du marché du travail, les partenaires doivent être impliqués au premier chef, en amont des législations et en aval des législations.»

(16 h 10)

La ministre, ici, nous parle des CLE, elle ne nous dit pas clairement ce qui arrive de la SQDM. Il faut la questionner, il faut lire entre les lignes, il faut pousser à travers les questions pour avoir une bribe d'information par-ci par-là. Mais, je présume, lorsqu'on arrivera à la phase suivante avec un projet de loi, elle dira: Écoutez, c'était dans mon livre vert. Vous n'aviez qu'à comprendre. La réforme de la SQDM ou sa disparition, elle était écrite, vous n'aviez qu'à le lire. La consultation a eu lieu.

Moi, je m'attends à ce qu'elle nous serve cet argument-là à un moment donné. Moi, je lui offre une meilleure occasion de respecter les partenaires et également l'intelligence de tous ceux qui s'intéressent à ces questions et respecter leur contribution possible aussi. Moi, je lui demande de dire ici, à la commission parlementaire, qu'elle va organiser un débat de type public sur cette question en particulier, qui n'est pas une question secondaire, même si elle touche juste une page, ici, dans son document de consultation. C'est le robinet, c'est la clé d'accès pour les personnes, comment ça va s'organiser. Les partenaires ont investi des centaines et des milliers d'heures à essayer de donner un certain élan à la SQDM. C'est un modèle qui est proposé dans nombre de pays et ceux qui l'ont mis en oeuvre s'en félicitent. On a eu un départ pénible de ce côté-là ici, mais, quand même, on a construit et maintenant on sabre, on recule.

Vous l'avez soulevé dans votre mémoire. La ministre, si elle a des arguments de poids autres que de dire «j'ai décidé ci, j'ai décidé ça», s'il y a des arguments qu'on ne connaît pas, elle est au pouvoir, elle a charge de l'ensemble de la situation, est-ce qu'une commission parlementaire ne pourrait pas être l'occasion d'en faire état, de ses arguments? Si elle convainc les partenaires du marché du travail, qui n'ont plus rien à dire ni à faire dans la conception et la gestion des mesures actives du marché du travail, puis si les partenaires, après l'avoir écoutée, avoir discuté avec elle, finissent par dire «bien, ça a du bon sens, Mme la ministre; c'est vrai, on s'était aventuré un peu loin, on comprend que c'est différent», bien, les affaires auront été clarifiées.

Alors, j'inviterais la ministre, quand elle en aura l'occasion, aujourd'hui ou plus tard, à revenir là-dessus et à dégager l'horizon un peu, à se décrisper sur cette question et à nous dire quels sont ses arguments de fond, d'autant plus – c'est mon dernier point là-dessus – que, quant aux CLE, aux soi-disant CLE, quand on regarde la transcription des propos et des échanges entre elle et le ministre du Développement des régions, le 17 janvier, c'est la plus grande confusion à savoir si ça sera la même chose, les CLE et les centres locaux de développement dont parle le ministre Chevrette. C'est la plus grande confusion puis ils ont des intentions divergentes, les deux ministres, et ce sera réconcilié on ne sait quand. Donc, il faut que ça sorte de l'ombre, cette question-là, puis il faut que ce soit discuté sur la place publique. M. le président du Conseil du patronat, que pensez-vous de ma suggestion?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): Je ne vous demanderai pas de reprendre le préambule...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour (Ghislain): ...mais je dis que, pour l'essentiel, la question est bien posée à la ministre. Nous, on n'est pas allé jusqu'à la suggestion d'une commission parlementaire, là, dans la lettre d'hier, et je n'ai pas vu de réaction négative à la demande pour l'instant. On souhaiterait rencontrer la ministre de l'Emploi, accompagnée de son collègue, M. Chevrette, parce que, là, j'avoue très honnêtement qu'il n'y a plus personne qui sait où on s'en va avec les structures régionales. Même le vocabulaire, M. le Président: régionalisation, décentralisation, déconcentration, UMRCQ, UMQ, etc.

M. Charbonneau (Bourassa): CPQ.

M. Dufour (Ghislain): On ne sait plus. Alors, pour l'essentiel, c'est simple, ce qu'on demande, en première étape, M. le député de Bourassa: en première étape, une rencontre avec la ministre et le ministre Chevrette, et on est sûr qu'ils vont accéder, et là on prendra bonne note de la proposition du député de Bourassa, on demandera une commission parlementaire si ça ne nous satisfait pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Autres questions? Ça va?

Mme Loiselle: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Conclusion, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Je veux seulement vous remercier, messieurs, de votre participation, et au plaisir de vous revoir en commission parlementaire peut-être pour le débat demandé par mon collègue.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Conclusion, Mme la ministre.

Mme Harel: Oui. J'ai reçu un petit mot de mes collègues qui me disaient: Est-ce que tu vas le remercier pour son départ? Alors, ça signifiait évidemment que d'aucuns s'attendaient à ce que j'ajoute aux propos de ma collègue, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, mes propres souhaits. Mais, en même temps, je ne souhaite pas votre départ. Alors, je comprends que vous serez là, en tout cas, si ça a lieu, pour le débat sur la suite de la réorganisation des services publics d'emploi, et je m'en réjouis.

M. Dufour (Ghislain): Si c'est la commission parlementaire à la demande de M. Charbonneau, je vais venir.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Je comprends que vous allez être là même si on s'entend, de toute façon, c'est bien le cas?

M. Dufour (Ghislain): De toute façon, M. le Président, la ministre...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous venez d'avoir la réponse.

M. Dufour (Ghislain): ...sait très bien que je quitte mon siège de président, elle signe une lettre le 30 m'invitant à siéger sur son comité. Elle vient de me la donner.

Mme Harel: Mais on m'a dit que même si vous quittiez votre siège...

M. Dufour (Ghislain): Ah oui.

Mme Harel: ...vous restiez...

M. Dufour (Ghislain): Je sais tout ça, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: ...président du...

M. Dufour (Ghislain): Je sais tout ça, mais ce n'est pas une raison pour embarquer dans tous les comités! Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie au nom de tous les membres de la commission. Je suspends les travaux jusqu'à 17 heures et j'appelle les députés à beaucoup de rigueur pour 17 heures précises.

(Suspension de la séance à 16 h 16)

(Reprise à 17 h 22)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La récréation est terminée. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je vous invite, Mme Neamtan, à présenter les gens qui vous accompagnent et à commencer votre présentation.


Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre

Mme Neamtan (Nancy): O.K., alors, moi, c'est Nancy Neamtan, pour la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Je suis accompagnée par Claude Bégin, de l'Association des clubs de recherche d'emploi du Québec, de Gaétan Beaudet, de l'Institut canadien de l'éducation des adultes, et de Lise Fortin, de l'Association des services externes de main-d'oeuvre.

La Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre est heureuse de présenter son mémoire sur la réforme de la sécurité du revenu et remercie la commission de son invitation. Le mémoire que nous soumettons traduit la volonté des réseaux et regroupements nationaux membres de la Coalition de contribuer de façon positive à la réforme de la sécurité du revenu. Plusieurs des membres de notre Coalition sont appelés à intervenir devant la commission. C'est pourquoi, au-delà de leur mission respective, nous avons choisi de vous livrer une lecture générale du livre vert. Le livre vert suscite certains espoirs quand nous considérons ses principes. Toutefois, le livre vert nous laisse perplexes, sinon sceptiques, quant à l'atteinte des objectifs visés. En situant d'emblée la réforme dans le cadre budgétaire, l'obsession du déficit zéro projette son ombre sur une réforme pourtant nécessaire si nous voulons lutter contre l'exclusion et la pauvreté.

Le mémoire comprend quatre sections. Nous présentons d'abord la Coalition puis nous amenons quelques commentaires généraux. Ensuite, nous exposons les enjeux relatifs au développement de la main-d'oeuvre et à l'action communautaire. Nous abordons enfin les aspects de la réforme qui nous interpellent particulièrement: la citoyenneté, l'intégration et l'harmonisation des services d'emploi, l'expertise du communautaire et le partenariat dans le développement de la main-d'oeuvre.

La Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre est composée de plus d'une vingtaine de réseaux et regroupements nationaux impliqués de diverses façons dans le développement de la main-d'oeuvre et la relance de l'emploi au Québec. Mise sur pied en 1991, la Coalition s'est donné comme objectif la prise en compte des besoins des populations marginalisées ou exclues du marché du travail, notamment par la SQDM, et la pleine reconnaissance des réseaux et organismes communautaires comme partenaires socioéconomiques à tous les niveaux, national, régional et local.

Au regard de l'élaboration et de l'application des politiques et programmes de formation et de développement de main-d'oeuvre, les objectifs de la Coalition visent donc à ce que soient définies et mises en place les conditions de réussite de l'insertion sociale et professionnelle des sans-emploi et de développement de la main-d'oeuvre marginalisée du marché du travail par les phénomènes comme l'analphabétisme, la précarité d'emploi, les handicaps, bon, la méconnaissance du français dans le cas des immigrants, etc.

Au regard de leurs activités, les réseaux membres de la Coalition couvrent un large champ d'intervention, de la formation professionnelle au développement de l'employabilité, en passant par l'alphabétisation, l'intégration à l'emploi, la défense des droits des personnes et le développement économique communautaire local. Ces réseaux et organismes rejoignent chaque années des dizaines de milliers de personnes vivant diverses situations d'exclusion ou de marginalisation socioprofessionnelle.

En ce qui concerne les commentaires généraux, la Coalition exprime un accord général avec les principes exprimés, les objectifs, à notre avis, louables du livre vert et l'idée-force la réforme de la sécurité du revenu, la mise en place de parcours individualisés. D'une part, l'arrimage du régime de la sécurité du revenu à une stratégie large de développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi située dans une perspective de développement local agrée la Coalition en fonction de ses propres objectifs. D'autre part, certains principes de base du livre vert correspondent à ceux qui ont inspiré la mise sur pied de la Coalition, à savoir la lutte contre l'exclusion, la marginalisation de franges importantes de la main-d'oeuvre et la promotion d'une responsabilisation des collectivités dans cette lutte.

On se rappellera à cet égard que la Coalition a, depuis toujours, dénoncé le cloisonnement des programmes et l'exclusion des personnes assistées sociales du dispositif de mesures actives établi par la main-d'oeuvre en emploi. Par ailleurs, l'application de la loi 37 n'a pu rejoindre qu'un faible pourcentage de personnes aptes au travail. Le problème est moins celui de la participation des prestataires aux mesures d'employabilité que le manque de place pour les recevoir. Aussi, ces mesures ne débouchent pas, en général, sur de vrais emplois et ne permettent pas aux personnes de se voir reconnaître le statut de travailleurs. Ce processus a été bien saisi lorsqu'il a été décrit comme le carrousel de l'employabilité.

Toutefois, malgré les propositions généreuses que nous retrouvons dans le livre vert, nous sommes convaincus que plusieurs mesures et les structures proposées ne permettront pas d'atteindre les objectifs visés et pourraient, à certains égards, constituer un certain recul. Nous pensons particulièrement au maintien de l'obligation de participer à des mesures en contrepartie des prestations, le refus entraînant des pénalités. Les prestations de la sécurité du revenu sont un minimum vital. On ne peut pas couper dans ce minimum. Ainsi, la concentration des actions préventives sur certaines populations, tels les jeunes et les familles monoparentales, induit en sourdine une discrimination, voire des risques de dérapage dans l'accès réel et universel aux divers types de parcours pour les personnes peu scolarisées et démunies. Selon nous, le parcours visant l'insertion sociale et professionnelle des sans-emploi sur une base volontaire, dans un contexte de développement local, comporte ses effets d'entraînement positifs et demeure un gage de succès contre la coercition individuelle.

Un autre recul serait la fragilisation accrue ou la disparition d'organismes communautaires par la mise en place des centres locaux d'emploi. Notre scepticisme s'explique largement par les effets sur le Québec des réformes menées par le gouvernement fédéral, mais la situation n'est pas plus encourageante du côté québécois lorsque nous voyons le gouvernement mettre le cap sur le déficit zéro en exigeant des plus démunis des efforts qui dépassent le simple bon sens. L'annonce d'une nouvelle coupure à la sécurité du revenu ne peut que justifier nos craintes de voir se transformer les plus généreuses orientations en une forme de gestion de l'exclusion et de la pauvreté. De plus, la Coalition s'inscrit en faux contre l'intégration des mesures actives et passives. Ces dernières doivent être gérées au niveau ministériel et garantir l'équité entre tous les prestataires de la sécurité du revenu.

M. Beaudet (Gaétan): Nous voulons aborder quelques enjeux que soulève la réforme. La transformation du marché du travail au Québec que décrit le livre vert s'inscrit dans un processus de restructuration industrielle visant à accroître la compétitivité des États et des entreprises face à une économie mondialisée. Ce que nous disons, c'est que la crise de l'emploi ne se résorbera pas dans les prochaines années. Plusieurs ne trouveront pas d'emploi, et la réforme doit voir à ce que tous et chacun puissent avoir un revenu minimum décent.

(17 h 30)

Par ailleurs, l'évolution des interventions étatiques depuis plusieurs années nous autorise à parler d'un État-providence minimal. En évoquant ici la forme de l'État au Québec, nous entendons seulement signifier que les principes d'équité, d'universalité, de solidarité et de droit qui caractérisent l'État-providence prennent des allures étriquées à la faveur d'une approche de plus en plus individualisante, sélective et contrôlante des politiques sociales. En outre, depuis les années soixante, le développement du Québec a été défini à partir d'une conception centralisatrice et bureaucratique, mais les mutations en cours et les initiatives issues des régions et des collectivités locales viennent questionner ce développement par le haut. C'est cette vision du développement que nous critiquons et que nous refusons de confondre avec les dimensions de démocratie et de solidarité que porte l'État-providence.

Les principaux enjeux reliés au développement de la main-d'oeuvre renvoient aux tendances du marché du travail. La première a trait à la segmentation accrue du marché du travail et à la polarisation des emplois. L'enjeu est l'adoption d'une véritable politique de l'emploi au Québec. La seconde a trait à l'importance des technologies de l'information et des communications dans le développement économique et social. L'accès démocratique au savoir et à la formation continue des adultes constitue l'enjeu majeur pour la main-d'oeuvre sous-scolarisée. La troisième est la crise chronique de l'emploi dans un contexte de resserrement politique et social. L'enjeu, c'est la relance de l'emploi, bien sûr, mais aussi la lutte à la précarisation de l'emploi, le partage du travail, une conception autre du travail selon une perspective où économie et développement sont étroitement liés. Bref, l'enjeu consiste à renverser ce processus de dualisation de l'économie du marché du travail et le développement injustifiable d'une société à deux vitesses.

Le gouvernement a développé, depuis plusieurs années maintenant, des programmes visant à contrer l'analphabétisme et le manque de compétences de base, à répondre aux besoins spécifiques de certains groupes cibles, à soutenir le développement des collectivités. Ils ont fait appel aux organismes communautaires pour assurer l'implantation des mesures et la qualité des services. Dans bien des cas, les milieux n'ont pas attendu le soutien de l'État pour agir: défendre les droits des plus démunis, chercher à améliorer la qualité de vie des personnes et le dynamisme des collectivités. S'il est inimaginable d'envisager l'élaboration et l'application de politiques de développement de main-d'oeuvre et de sécurité du revenu sans l'apport du secteur communautaire, ça n'a pas empêché les gouvernements de chercher à harnacher ces organismes à leurs objectifs de contrôle social et de compressions budgétaires. Cette façon de les considérer comme autant d'entreprises sous-traitantes ne peut conduire qu'à l'occultation de leur rôle et de leur place dans la lutte contre l'exclusion et la pauvreté. L'enjeu pour les organismes communautaires, c'est leur autonomie d'action, leur capacité de maintenir et de développer des approches de prise en charge, d'expérimenter de nouvelles façons de faire qui correspondent aux besoins des sans-emploi et des collectivités.

Mme Fortin (Lise): Les positions spécifiques de la Coalition pour une réforme fondée sur une citoyenneté pleine et entière. La Coalition reconnaît que le livre vert marque, du moins en apparence, un virage majeur quant à la philosophie de base devant définir et animer le régime de la sécurité du revenu. La réforme envisagée prend largement appui sur le principe de responsabilité réciproque impliquant les personnes, les collectivités et l'État. Elle suppose une vision positive de la citoyenneté qui contraste, il faut bien le dire, avec celle qui a présidé à l'instauration de la loi 37 et, plus récemment, de la réforme de la sécurité sociale au Canada. Dans les deux cas, la situation des personnes y est décrite en termes de responsabilité individuelle et de relation de dépendance à l'égard de l'aide de l'État.

Sur le fond de la question, la Coalition souscrit au principe de responsabilité réciproque dans la mesure où l'on reconnaît aux personnes prestataires la même citoyenneté qu'à l'ensemble de la population québécoise, dans la mesure aussi où les conditions de réussite du parcours individualisé sont réunies, la première étant, comme le recommande le rapport Bouchard, qu'un parcours cohérent vers l'emploi ne peut être défini que par la personne concernée sur une base volontaire, une autre étant que les collectivités locales et régionales s'assurent que la stratégie de développement élaborée conduise à la création d'emplois de qualité, décemment rémunérés et en nombre suffisant, mais aussi à la formation qualifiante, transférable et répondant aux besoins des personnes, mais aussi à des parcours d'insertion qui prennent en compte et respectent la situation et le rythme des personnes.

L'État a aussi sa part de responsabilité en garantissant les conditions d'équité entre les citoyens et entre les régions, en accordant un revenu décent aux personnes prestataires, en allouant les ressources budgétaires suffisantes aux collectivités. Enfin, si les employeurs privés ont des droits reconnus, le premier étant celui de faire des profits, ils ont aussi des responsabilités à l'égard des collectivités, notamment par le maintien de l'emploi et la création d'emplois. À terme, toutefois, malgré la possibilité qu'auront les personnes de se construire des parcours personnalisés, nous sommes persuadés que, sous la pression des contraintes budgétaires et le maintien potentiel des pratiques actuelles, le risque est grand de voir se perpétuer, même se renforcer le système de «workfare» en place avec ses contrôles abusifs et l'obligation pour les prestataires de s'engager dans des mesures en échange d'un bonus de participation. Enfermer les personnes dans une logique de contraintes et de sanctions ne peut que saper à la base, selon nous, le climat de confiance indispensable pour assurer un accompagnement de qualité. Ainsi, la séparation prévue entre les modules de services d'emploi et de contrôle devient peu crédible au regard des contraintes budgétaires imposées à la réforme.

Enfin, la réforme doit prévoir explicitement la reconnaissance d'un droit d'appel permettant aux personnes d'avoir recours à un mécanisme de révision. Elle doit aussi comprendre la reconnaissance et le financement adéquat des groupes de défense des usagers pour en assurer la présence dans les instances partenariales et supporter les personnes qui utiliseront le droit d'appel.

L'intégration et l'harmonisation des services d'emploi. Le livre vert propose d'inscrire la réforme de la sécurité du revenu dans un double processus d'intégration: à l'intérieur de la politique active du marché du travail et dans une stratégie de développement des collectivités locales. Par ailleurs, la réforme se concrétiserait autour d'un centre local d'emploi.

La Coalition a toujours dénoncé le fait que l'accès aux programmes et mesures actives était défini à partir de la couleur du chèque. Enfin, nous revendiquons depuis notre création le décloisonnement des programmes et mesures de développement de l'employabilité et, plus largement, la prise en compte par la SQDM des besoins des sans-emploi. En ce sens, nous soutenons pleinement l'orientation énoncée dans le document ministériel d'intégrer la main-d'oeuvre prestataire de la sécurité du revenu à l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise.

Lors du dernier sommet sur l'économie et l'emploi, nous avons manifesté notre adhésion à l'implantation d'une politique active du marché du travail arrimée à une stratégie pour l'emploi. Son implantation sous-tend l'harmonisation des programmes de développement de la main-d'oeuvre et l'instauration d'un seul réseau ou guichet unique de services d'emploi intégrant les trois réseaux existants de la SQDM, les CTQ et les centres d'emploi Canada. Bien qu'en accord avec l'instauration d'un guichet unique, nous croyons qu'il existe encore beaucoup de zones grises qu'il faudra clarifier, particulièrement en ce qui a trait à l'articulation nécessaire entre les niveaux régional et local.

Par ailleurs, le livre vert est loin d'être clair quant à l'élaboration d'une cohérence à établir entre la façon de répondre aux besoins des groupes cibles et la dynamique que la réforme tend à instaurer entre les parcours individualisés et le développement local. Comment s'articuleront les services d'emploi qui n'ont de viabilité qu'à un niveau régional et des parcours qui n'ont de sens dans la réforme que dans un contexte local? Comment s'effectuera par ailleurs, lors de l'Accord Canada–Québec, l'intégration des organismes communautaires et financés par le gouvernement fédéral? Comment les mesures actives seront-elles développées au niveau local? Comment l'offre et la demande des services s'articuleront-elles entre elles? Quelles seront les passerelles entre l'emploi et le développement régional et local? Autant de questions laissées en suspens et auxquelles il faudra apporter des réponses si l'on cherche réellement à mettre en place un réseau cohérent et décentralisé.

Mme Bégin (Claude): Alors, moi, je vais vous parler un peu de la reconnaissance de l'expertise des organismes communautaires. En insistant sur la reconnaissance de l'expertise des organismes communautaires au moment où le livre vert fait référence à leur présence aux instances partenariales et les considère comme des partenaires privilégiés, la Coalition veut attirer l'attention sur le principe de complémentarité qui vient circonscrire le rôle et la place qui seront réservés à ces organismes dans le développement de la main-d'oeuvre. Mais, avant de poursuivre, il nous faut alerter la commission sur le risque de voir bientôt disparaître plusieurs organismes communautaires actuellement financés par le gouvernement fédéral. En effet, pendant que se poursuivent les négociations entre les gouvernements fédéral et québécois, les contrats qui les lient au gouvernement fédéral viennent bientôt à échéance. La Coalition ne peut que dénoncer une telle situation et invite les deux niveaux de gouvernement à agir rapidement pour empêcher leur démantèlement et l'éparpillement d'équipes entières expertes dans l'encadrement de parcours individualisés.

(17 h 40)

Quant au principe de complémentarité, il ne cesse de nous inquiéter dans la mesure où les CLE ou d'autres réseaux publics pourront livrer des services d'emploi offerts actuellement par les organismes communautaires. Par ailleurs, comment seront définis les services dits complémentaires à l'accompagnement, qui sera du ressort des conseillers des CLE? C'est une question qu'on pose. Qui aura la responsabilité d'identifier ces services? Quelles seront les conditions qui viendront encadrer l'approche communautaire et qui les établira? Le livre vert n'apporte pas de réponses à ces questions.

En ce qui concerne les liens avec le réseau de l'éducation, nous croyons que le milieu communautaire dispose des outils et ressources nécessaires pour effectuer un partenariat efficace avec les commissions scolaires. Ce que nous disons en réalité, c'est que les besoins sont tels qu'il vaut mieux miser sur l'expertise de chacun des réseaux et travailler à définir des partenariats plutôt que de s'inscrire vainement dans une perspective de concurrence. Par sa participation dans les instances nationales et régionales de la SQDM, la Coalition et les organismes communautaires veulent faire connaître les besoins des sans-emploi et l'apport des organismes communautaires au développement de la main-d'oeuvre, mais aussi affirmer l'importance du partenariat et de la concertation. Cette dynamique partenariale est d'autant plus cruciale actuellement que nous en sommes au Québec à l'implantation de la politique active du marché du travail et à l'accélération du processus de régionalisation et de décentralisation.

Nous voulons par ailleurs souligner la fragilité des avancées pourtant notables concernant la participation et la reconnaissance des organismes communautaires au sein des instances partenariales de la SQDM: deux sièges nous sont réservés dans les instances nationales et régionales, mais sans reconnaissance formelle jusqu'à aujourd'hui; des comités aviseurs femmes et jeunes ont été formés; et, depuis peu, il existe également deux comités d'insertion et de maintien en emploi pour les personnes handicapées et immigrantes. Beaucoup de travail reste toutefois à faire, ces progrès demeurant conjoncturels, dépendants des ressources humaines et financières qui se raréfient d'année en année. Nous demandons que les organismes communautaires soient reconnus formellement dans la loi qui statuera sur leur rôle et la place des partenaires socioéconomiques dans le domaine du développement de la main-d'oeuvre au Québec, et ce, dans toutes les instances nationales, régionales et locales.

En conclusion, la Coalition demeure très réservée face au projet de réforme, sinon sceptique. Elle la trouve intéressante à certains égards, tels l'instauration des parcours individualisés, le fait de miser sur les collectivités, de prendre appui sur le développement local, l'intégration de la main-d'oeuvre prestataire à l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise, le lien entre les parcours et la politique active du marché du travail, le principe qui refuse de considérer les prestataires de la sécurité du revenu comme des citoyens de seconde zone. Elle contient donc des principes et des objectifs qui seraient éminemment louables si elle s'appliquait dans une phase plus propice à la création d'emplois et au développement social et économique.

Mais nous ne voulons pas laisser croire que la réforme donnera les résultats souhaités. Elle s'avère truffée de pièges. En effet, dans le contexte difficile du Québec d'aujourd'hui, elle comporte beaucoup de risques de dérapage, comme nous l'avons souligné tout au long de ce mémoire, notamment parce qu'elle est soumise au cadre budgétaire que le gouvernement s'est donné. Nous réitérons donc la nécessité de demeurer très vigilant face aux mesures et aux structures que la réforme propose. Il nous est notamment difficile de souscrire à la mise en place des CLE, du moins dans la version que nous donne le livre vert, aussi de souscrire à la multiplication des guichets uniques, encore de souscrire à la façon dont s'appliqueront les principes de complémentarité pour les organismes communautaires.

Donc, pour finir, la Coalition veut affirmer clairement que les parcours individualisés doivent se faire sur une base volontaire. Nous voulons aussi affirmer que l'une des conditions de réussite des parcours consiste à assurer un revenu décent à toutes les personnes qui s'engagent dans ces parcours. Enfin, il faut que les personnes prestataires de la sécurité du revenu puissent avoir un droit d'appel en cas de litige. Cela suppose que les organismes de défense participent aux instances partenariales et qu'ils puissent avoir la reconnaissance et les moyens de supporter les personnes qui en font appel. De plus, il faut éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain en procédant notamment à une rationalisation comptable lors de l'intégration des services d'emploi. Les organismes communautaires risquent d'en faire les frais. De plus, l'expertise du milieu communautaire doit être reconnue tant au niveau de la formation que des services d'emploi, de l'insertion par l'économie que dans le cadre du développement local. Et ceci termine. Merci beaucoup, M. le Président, de votre écoute.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, bienvenue à la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Vous avez signalé à bon droit que, depuis deux ans, j'ai réussi à faire en sorte que ayez deux sièges au C.A. de la SQDM nationale et régionale également pour chacune des 12 régions et que vous souhaitez évidemment que, à l'occasion des modifications qui interviendront dans la loi de la SQDM, on puisse formaliser cette participation du communautaire pour le développement de la main-d'oeuvre. Écoutez, la Coalition, elle était au Sommet, n'est-ce pas? Je crois que c'était Mme Fortin qui la représentait. Je ne me rappelle pas, là, vraiment, est-ce que vous avez souscrit ou pas à l'atteinte du déficit zéro comme coalition? Parce que je me rappelle le débat où la SFPQ, le Syndicat de la fonction publique, s'est inscrit en désaccord avec l'atteinte du déficit zéro, mais je ne sais pas quelle était la position de la Coalition.

Mme Neamtan (Nancy): Moi, j'étais là, à la Conférence socio-économique et je dois dire que...

Mme Harel: Mais pas en tant que porte-parole de la Coalition?

Mme Neamtan (Nancy): Oui. À ce moment-là, oui.

Mme Harel: Ah bon! Ah oui?

Mme Neamtan (Nancy): Et c'est là où je me suis ramassée avec un autre mandat.

Mme Harel: Et puis, Mme Fortin, elle était porte-parole de la Coalition aussi?

Mme Neamtan (Nancy): Elle était là, au Sommet.

Mme Harel: Au Sommet. Mais, disons, il y a eu quand même un débat et à la Conférence et au Sommet.

Mme Neamtan (Nancy): Je pense que vous êtes conscients que ce débat-là, c'était beaucoup entre eux. Je pense qu'il ne faut pas se leurrer, c'est une négociation qui a eu lieu beaucoup entre les présences patronales et syndicales. On était un peu spectateur à ce moment-là en exprimant nos inquiétudes. Ça, c'est la première chose. Je pense, la deuxième chose – et c'est la même chose qui est exprimée par d'autres – c'est qu'il faut voir que ça dépend comment on atteint le déficit zéro puis qui paie les frais. Alors, c'est dans ce contexte-là que notre inquiétude et ce qu'on exprime, c'est que... parce qu'on a aussi exprimé notre appui à la clause de l'appauvrissement zéro au Sommet.

Mme Harel: D'accord.

Mme Neamtan (Nancy): Alors, peut-être que ça permet de contexter notre prise de position.

Mme Harel: Oui, parce que, en fait, il y a même eu une loi adoptée ici, avant Noël, à l'Assemblée nationale, qui est, je pense, la loi antidéficit, et l'opposition a même trouvé que la loi n'était pas suffisamment énergique, qu'il en aurait fallu plus, en fait, parce qu'on ouvrait la possibilité conjoncturelle à ce que, s'il y avait vraiment des événements hors de notre responsabilité, ça puisse amener à reporter l'atteinte, si vous voulez, de cet objectif, et on nous l'a reproché.

Bon, écoutez, j'ai pris connaissance de plein de choses, là, puis je suis convaincue que les personnes qui m'accompagnent vont vraiment prendre note, notamment, de vos recommandations à la page 13, en particulier, sur le droit d'appel. Soyez certaines et certains qu'on va regarder de très, très près cette question des recours en cas de litige entre les conseillers au centre local d'emploi et les demandeurs d'emplois. Mais, vraiment, la seule question que j'avais le goût de vous poser immédiatement après l'avoir relu, en même temps que vous nous le présentiez, c'est: À choisir entre la situation actuelle et les orientations qui vous semblent, dans le fond, trop contenir d'incertitude, préféreriez-vous la situation actuelle?

Mme Neamtan (Nancy): On va prendre deux minutes pour se consulter et on va revenir.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Neamtam (Nancy): En tout cas, je pense qu'on ne peut pas trancher, c'est-à-dire que, sur beaucoup de choses, on préfère la... En tout cas, je pense qu'on l'a dit clairement, c'est qu'il y a beaucoup de choses qui sont des progrès, qui sont des choses... L'intégration de la main-d'oeuvre, des gens qui sont prestataires d'aide sociale dans une politique active du marché du travail, je pense qu'il n'y a aucun doute, on l'appuie. D'ailleurs, ça a été la raison d'être de la création de la Coalition à l'époque, c'est-à-dire qu'il fallait... Donc, c'est sûr que c'est un grand pas en avant. Je pense que le contexte et l'inquiétude qu'on a, c'est que, avec la proposition, entre autres, des centres locaux d'emploi... En tout cas, on pose des questions parce qu'il y a peut-être lieu à l'amélioration. Aussi, on a beaucoup d'inquiétudes sur toute la question du volontariat, où on a peur que les gens paient les frais et les paient lourdement, et on travaille quotidiennement sur le terrain – et je pense que les autres peuvent en témoigner – avec les gens qui doivent avoir la base minimale. On est inquiet, et, on l'a dit, c'est des choses qu'on a amenées au Sommet et à la Conférence au mois de mars, c'est une question de dire que, si les gens ne peuvent pas se nourrir, ou sont inquiets de voir comment ils vont nourrir leurs enfants, ou comment ils vont payer leur loyer, ce ne sont pas des conditions pour faire de l'insertion à l'emploi. Ce sont des défis importants, souvent, avec les gens sous-scolarisés, et c'est le minimum pour pouvoir avoir les conditions de se former, de faire ces efforts-là. On est inquiet par rapport à ça et on est inquiet par rapport à la question du contrôle. Alors, encore une fois, je pense qu'on ne peut pas trancher au couteau. Il y a des choses qui sont des avancées et des choses qui, pour nous, pourraient constituer des reculs. On est ici, en commission parlementaire, je pense, pour qu'on puisse bonifier la proposition du gouvernement.

(17 h 50)

La dernière chose où on pense que ça pourrait poser un recul important, c'est toute la question au niveau des organismes communautaires et de l'autonomie des organismes communautaires. Nous, notre lecture de ce qui est écrit dans la réforme et qui est une lecture – et je pense encore que les gens peuvent en témoigner aussi – de certaines parties de la machine gouvernementale, c'est que, en quelque sorte, le rôle des organismes communautaires dans le développement de la main-d'oeuvre change radicalement. Est-ce que c'est l'intention du gouvernement ou non? Ça, c'est une autre question, mais, dans la vraie vie, dans la lecture qu'on peut en faire, on ne peut pas faire autrement qu'être extrêmement inquiet. Et, comme on le mentionne, particulièrement aujourd'hui, il y a une urgence en ce qui concerne les groupes qui sont financés par le fédéral, parce que le retrait du fédéral fait en sorte qu'il y a tout un pan de services... Et pourtant ce sont ces organisations... Si on parle du parcours individualisé aujourd'hui, je pense qu'on peut donner crédit à la ministre, mais je pense qu'il faut aussi donner crédit à toute la pratique des organismes qui sont devant vous aujourd'hui.

Mme Harel: Je suis tout à fait d'accord. Je me suis entièrement inspirée des expériences qui sont menées notamment dans mon quartier. Ceci dit, moi, je n'ai pas de prise sur le contexte. Je n'ai pas de prise sur le fait que, cette année, c'est 1 200 000 000 $ de moins dans les transferts fédéraux à l'aide sociale, à la santé et à l'éducation. L'an passé, je n'ai pas de prise sur le fait que ça a été 680 000 000 $, et je n'ai pas de prise sur le fait que les resserrements à l'éligibilité à l'assurance-chômage, ça entraîne directement des chômeurs vers l'aide sociale, et je n'ai pas de prise sur le fait que les jeunes... Il y a 20 ans – je regardais les chiffres – des jeunes de 18-24, ils étaient inversement à l'assurance-chômage et à l'aide sociale. Il y a 20 ans, 11,5 % étaient à l'assurance-chômage, c'est-à-dire qu'ils «jobinaient». Quand on commence à travailler, souvent, ce n'est pas pour la vie, mais on commence, et puis ils se retrouvaient à l'assurance-chômage et ils revenaient travailler, tandis que maintenant ils sont 4 % à l'assurance-chômage. Compte tenu des resserrements d'éligibilité, ils sont à 12 % à l'aide sociale. Alors, ce n'est pas parce que les jeunes sont plus à l'aide sociale, c'est parce qu'ils sont moins à l'assurance-chômage. Et ce n'est pas parce qu'ils veulent être moins à l'assurance-chômage, c'est parce que les resserrements sont tels que ça les renvoie à l'aide sociale.

Mais, tout de suite, je veux vous indiquer que, concernant les organismes communautaires qui oeuvrent dans les services d'employabilité financés par le gouvernement fédéral, il y a un problème, et ce n'est pas à la table de négociation. À la table de négociation, c'est un gros compromis que Québec a fait. Ce sont seulement les mesures actives financées par la caisse d'assurance-emploi. Donc, c'est seulement la loi C-112, là. Alors, les autres mesures actives, celles financées par le fonds consolidé du ministère du Développement des ressources humaines Canada de M. Pettigrew, ça, il n'est même pas question de les transférer. Si vous voulez, ça, c'est comme une fin de non-recevoir. Alors, dans le fond, ça serait vraiment un peu injuste que, si vous voulez, vous nous renvoyiez les deux gouvernements dos à dos en disant: C'est à vous de vous en occuper, alors que, finalement, on n'a pas réussi à même obtenir en s'assoyant à la table que ce soit l'ensemble des mesures actives dépensées par Ottawa qui soient transférées à Québec.

Alors, ceci dit, moi, je ne sais pas si ça va vous rassurer, mais je peux vous dire une chose, c'est que les services de deuxième ligne – je les appelle comme ça, je pense à Mme Fortin avec les services SEMO en particulier – ou que j'appellerais plus les «services pour les chômeurs de longue durée»... Parce que, si, oui, il faut simplifier nos 116 programmes en cinq interventions, si, oui – et j'y reviendrai – il faut que ces interventions se fassent avec des fonds plutôt qu'avec des programmes normés et si, pour avoir ces fonds, il faut des objectifs de résultat identifiés dans des plans locaux, à défaut de quoi c'est des chèques en blanc, si tout ça est vrai, il faut reconnaître que tout le monde n'est pas égal et que les chômeurs de longue durée ont plus besoin d'accompagnement plus longtemps, avec des services plus spécialisés. Ça, j'ai eu l'occasion, en vous rencontrant, en tout cas, de le comprendre et, en l'ayant compris, je l'ai transmis au ministère. Alors, ayant fait une ministre de moi-même, bien, je peux vous dire que je crois que vous pouvez vous rassurer sur le fait qu'il va y avoir des services de deuxième ligne qui ne seront pas nécessairement locaux, mais plus à caractère, si vous voulez, disons, peut-être pas régional, parce qu'il est possible, dans des régions, qu'il y en ait, disons, plus qu'une ressource, mais des services plus spécialisés. Prenons le terme, peut-être, spécialisé.

Et, en même temps, je crois qu'il est important que vous compreniez qu'il y a de la place pour tout le monde. Personne ne va se piler sur les pieds avec l'ouvrage qu'on a à faire en matière de parcours. Le plan local. Dans le livre blanc, il y a bien des questions auxquelles je ne peux pas, moi, répondre aux pages 13 et 14, mais qui sont répondues par mon collègue M. Chevrette dans son livre blanc sur le développement local et régional, puisque les partenaires et le plan local vont dépendre du développement local et régional. Moi, ce que je peux vous dire, cependant, c'est mon intention d'arriver à ce qu'on formalise que, dans le plan local, les mesures actives du CLE se réalisent, si vous voulez, s'opérationnalisent, que les dépenses s'effectuent en fonction du plan local, et ça, je pense qu'il faut en arriver à ce que ce soit formalisé, là, non pas au bon vouloir de chaque localité.

Je ne sais pas si cela vous indique que, oui, je pense qu'il faut des services spécialisés, que, oui, il faut des services communautaires d'employabilité, que, oui, il faut un plan local qui concerne aussi ce que vont faire la commission scolaire puis le CLSC, puis qu'il y a d'autres acteurs aussi, hein, sur le terrain. Mais, en même temps, dans la partie des mesures actives du CLE, c'est sûr et certain que ça doit vraiment opérationnaliser le plan local de développement.

Mme Neamtan (Nancy): Bien, moi, en tout cas, je pense qu'on peut expliquer nos inquiétudes encore une fois. Et, justement, quand vous parlez du contexte que, vous, en tant que ministre, vous ne contrôlez pas, du budgétaire, etc., encore moins nous puis encore moins les prestataires avec qui on travaille, et c'est pour ça que... En tout cas, une des choses qui sème effectivement de l'inquiétude au sein de la Coalition, c'est que, quand il va falloir choisir, que, après avoir développé finalement l'approche et l'expertise, que, tout d'un coup... Et je pense que, par exemple, dans certaines régions, on le voit déjà, on se fait dire: O.K., on a compris, on va faire comme vous autres. Et on ne croit pas que les services publics et les fonctionnaires qui sont dans une situation de contrôle – et ça touche la question du lien entre les mesures actives et passives – puissent nécessairement avoir la même approche et la même relation avec les prestataires qui peuvent avoir les organismes autonomes qui sont issus et contrôlés de la collectivité. Alors, quand il va falloir faire des choix budgétaires, nous, notre inquiétude, compte tenu que les choix, ils vont être faits – en tout cas, dans le plan qui est devant nous – d'une façon ministérielle, c'est qu'on choisisse toujours le public, par exemple, ou les secteurs... en tout cas, le rôle et la responsabilité du fonctionnaire versus les responsabilités et le rôle des organismes communautaires issus de la collectivité. Alors, c'est une inquiétude qu'on a dans un contexte où, vous comme moi, on ne contrôle pas nécessairement les compressions budgétaires.

Mme Harel: Mais, vous, vous pouvez siéger là où les décisions vont se prendre sur les choix budgétaires.

Mme Neamtan (Nancy): Mais en autant que ces lieux soient décisionnels.

Mme Harel: Oui. Ha, ha, ha!

Mme Neamtan (Nancy): O.K. Ce qui nous rapporte à un autre débat.

Mme Harel: Mais, en même temps, on se comprend. Décisionnel, c'est décisionnel comme ça l'est maintenant, c'est-à-dire que ce qui est décisionnel maintenant, c'est quand même entériné par le gouvernement. Il n'y a rien qui est décisionnel dans les choix qui se font là où vous siégez, à la SQDM. Les choix, vous savez où ils se font? Ils se font au salon bleu quand on vote le budget puis les crédits. C'est là où ils se font les choix ultimement. Alors, je veux bien que ce soit... Quand vous dites décisionnel, il faudrait le voir dans le contexte, dans le fond, parce que ça restera toujours au salon bleu que ça va se voter, ça.

(18 heures)

Mme Neamtan (Nancy): Oui, mais je pense que, dans le fond, ça permet d'avoir au moins un débat ouvert sur ces questions-là, et on espère qu'il va pouvoir se continuer. La deuxième chose – et ça revient encore à la question dans un contexte où on ne contrôle pas l'ensemble des problèmes budgétaires du gouvernement du Québec, de votre ministère et des éventuels centres locaux, et tout le reste. Ça revient toujours à notre questionnement – c'est la capacité qu'on a d'offrir des parcours individualisés de qualité qui vont avoir des résultats pour tout le monde. Puis, à partir de ce moment-là, on revient toujours à la question du volontariat. Quand on parle de réciprocité, sur la notion, on est d'accord, mais ce qu'on est en train de se dire – et je pense qu'il faut être honnête – c'est que la collectivité ne peut pas exercer ces responsabilités, on le sait. En tout cas, on a vu tout à l'heure quelqu'un qui travaille à Sherbrooke qui a dit: Bon, le bureau de l'aide sociale vient de nous dire qu'on ne peut plus avoir des allocations de formation jusqu'au 1er avril parce qu'il n'y a plus de budget. Alors, à quel moment, comment on va trancher et qui va payer les frais de ça? Dans le fond, si nous, en tant que collectivité, on n'est pas capables d'assumer nos responsabilités, pourquoi on doit punir les gens qui, eux, au bout de la ligne, sont en situation, en tout cas, de difficulté? C'est un peu ça, la question. Je pense qu'il faut être réalistes. Je pense que les organismes et tout le monde vont travailler d'arrache-pied. On va essayer, mais on ne sera jamais capables de répondre à la demande. Nos organismes sont débordés, et en même temps le financement est menacé, et avec ça on n'arrive pas. Alors, comment on peut penser à commencer à pénaliser des gens au moment où on sait que, en collectivité, on voudrait bien, on a des bonnes intentions, mais qu'on n'est pas, à court terme, capables de livrer toute la marchandise et d'assumer toute la responsabilité qu'on leur doit en matière de formation, de soutien et d'emploi.

Mme Harel: Bien, écoutez, je pense que, au départ, je vous donne entièrement raison. Ce n'est pas à tout le monde, justement. Ce serait complètement aberrant de le dire. Ce serait irréaliste de penser que ça va être à tout le monde. C'est un peu comme les mesures d'employabilité. «À tout le monde», ça voulait dire à personne ou presque, là; c'était 10 %. Mais on a dit: Ça va se faire graduellement et progressivement et en commençant, entre autres, par les 18-24 ans. Ceci dit, prenons l'exemple de Sherbrooke que vous venez de me donner. Vous me dites que quelqu'un s'est fait dire, je pense, par son centre Travail-Québec – c'est bien ça? – qu'il n'y avait plus d'argent pour les allocations de formation. Donc...

Mme Neamtan (Nancy): Participation. C'est-à-dire que c'est la personne de l'organisation d'employabilité qui a été obligée d'arrêter son cours ou de le former parce qu'il n'y avait plus d'argent.

Mme Harel: Bon, regardez, moi...

Mme Neamtan (Nancy): Ça arrive régulièrement, on le sait.

Mme Harel: Évidemment. Vous savez ce que je vais faire avec cette information-là? Je vais me retourner de bord puis, comme je retourne au cabinet tantôt, je vais leur dire: De quoi s'agit-il? Alors, là, ça va être de haut en bas. Ils vont appeler, puis ils vont vérifier, puis ils vont me donner une note, et là je vous donnerai la réponse. Je vous la promets, là, hein? On va vous donner la réponse.

Mais, ceci dit, qu'est-ce que c'est qui s'appliquerait avec la réforme? La personne qui vous a parlé, c'est une personne d'un organisme communautaire, j'imagine, en développement, bon, d'employabilité. Cette personne-là, vraisemblablement, elle ou son organisme, va siéger au conseil local des partenaires, et le directeur du CLE va être assis à la même table et va lui demander... parce que, vous savez, ça a déjà été dit, d'ailleurs, par M. Chevrette ici, au salon rouge que c'est entendu que le directeur du CLE serait membre du conseil des partenaires. Et là il va, lui, avoir à présenter, dans les mesures actives, dans l'année, son budget. Ce n'est jamais illimité. Il n'y a pas de budget de gouvernement. En tout cas, il n'y en a pas que je connais, moi, où les budgets sont illimités. Puis on ne peut pas, nous, comme d'autres, prendre les cotisations à l'assurance-chômage pour réduire notre déficit artificiellement. Mais, ceci dit, il va donc présenter son budget, et il va y avoir une discussion sur les priorités, et, en fonction des priorités du plan local, il va y avoir définitivement des budgets qui vont être faits sur l'argent à dépenser. Est-ce qu'il est possible que, en cours d'année, il en manque, si vous voulez, dans un domaine plus qu'un autre? Vraisemblablement, mais au moins le milieu va avoir prise sur ce qui doit se faire en priorité et la manière dont il peut le faire pour que ça ait un effet de levier avec l'effort que chacun, dans son milieu ou dans son ministère, va pouvoir faire.

Le développement, on n'en a jamais fait vraiment au Québec. On avait des programmes puis on avait de la concertation. Mais dites-moi quand on a fait du développement. On avait toujours confié le développement à la croissance économique seulement. Ça devait se faire tout seul. Là, on dit: On va mettre en place, si vous voulez, ce qu'il faut pour faire du développement local – ça, ça appartient, si vous voulez, à M. Chevrette – et, pour faire une gestion concertée du marché du travail, ça, c'est du côté de la politique active. Et on va essayer de conjuguer ça pour que, au niveau local, les gens concernés puissent vraiment avoir une prise puis plus qu'un mot à dire, puisque c'est eux qui font le plan.

Bon, vous allez me dire: Il y a encore des incertitudes. J'en conviens puis, en même temps, s'il n'y en avait pas, ce serait inquiétant. Ça voudrait dire que ça serait mur à mur puis uniformisé entre, si vous voulez, des quartiers de grandes villes et puis des régions qui n'ont pas nécessairement en commun d'avoir le même modèle. Alors, on verra. De toute façon, j'imagine que vous allez être, au premier plan, interpellés avec le livre blanc sur le développement local. Mais, moi, je prends, en tout cas, bonne note d'une chose qui est la reconnaissance de l'organisme communautaire comme partenaire à part entière dans la politique active, ensuite un recours indispensable, recours pour qu'il n'y ait pas d'abus, finalement, dans ce parcours individualisé qui doit être un tremplin et non pas un filet qui se referme sur les gens. C'est déjà terminé?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre, on a déjà dépassé largement, même. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Ça passe tellement vite.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, bienvenue à cette commission. Vous avez parlé à quelques reprises du régime actuel avec la formule «workfare», aussi, qu'on retrouve dans le livre vert. Vous avez dit aussi qu'il y a une approche insidieuse du «workfare». Moi, je vous dirais que c'est peut-être pire parce que c'est beaucoup plus pénalisant pour les prestataires ce qu'on retrouve dans le livre vert parce que les pénalités s'appliquent sur le barème de non-participant et pour toute mesure d'employabilité. Alors, c'est pire que ce que les gens peuvent vivre actuellement.

J'aimerais échanger avec vous au niveau du caractère obligatoire et accompagné de pénalités qu'on retrouve dans le document qui nous est proposé par le gouvernement. La majorité des groupes, à date, nous ont dit que le gouvernement devait changer de cap parce qu'il fait une erreur, que tout ce qu'il va faire, finalement, c'est de démotiver les gens et qu'il y a des gens non motivés qui vont aller pour se présenter pour un parcours seulement pour éviter la pénalité, qui enlèvent la place à quelqu'un qui est déjà très motivé, et que ça va installer un climat de méfiance, même peut-être de menace, et que ça va mettre les conseillers en emploi dans une drôle de situation où ils devront accompagner les gens puis, en même temps, leur appliquer les pénalités. Alors, c'est assez difficile pour le prestataire qui fait face à son conseiller en emploi de fonctionner comme ça.

Il y a des gens qui ont dit ce matin... les groupes syndicaux nous ont dit que ça va susciter des abus administratifs. Vous, je pense que vous parlez d'effets pervers, et M. Camil Bouchard, lui, a dit que, si le gouvernement va dans ce sens-là, il se tire dans le pied puis que ça va être voué à l'échec. Alors, j'aimerais vous entendre davantage sur le caractère obligatoire de la réforme.

Mme Bégin (Claude): Oui, on est d'accord avec ça, mais j'aimerais ça revenir aussi sur l'approche individualisée, là. C'est de ça qu'on parle. Je pense que les organismes communautaires, depuis les 20 dernières années, ont développé une approche de parcours d'insertion vers l'emploi parce qu'ils ont développé une relation de confiance avec la personne qui veut prendre le chemin vers l'emploi. L'attitude que les organismes ont développée, l'établissement d'une relation de confiance avec le client et l'intervenant, l'évaluation de la problématique qui tient compte de tous les aspects de la personne, cet élément-là, les organismes l'ont développé, ils l'ont raffiné au cours des années. C'est évident que, pour nous, une approche individualisée, ça se situe beaucoup dans cette relation-là avec la personne avec qui tu vas faire ton cheminement.

J'aimerais ça aussi revenir sur ce que Mme Harel a dit tantôt sur le service de deuxième ligne. Dans un parcours individualisé, il y a aussi des services de première ligne: rencontrer la personne, évaluer ses besoins. Il n'y a pas toujours des personnes qui sont en situation critique. Il n'y a pas toujours des personnes que ça peut faire cinq ans, 10 ans qu'elles ont quitté le marché du travail. Il y a aussi des personnes qui viennent de perdre un emploi pour la première fois de leur vie et qui ont besoin de réintégrer. Je pense qu'on a aussi, les milieux communautaires, développé des services de première ligne auprès des personnes à la recherche d'un emploi. Ça, c'est important aussi. Dans un parcours, on part d'une personne et de l'ensemble de ses besoins. Dans ce sens-là, je trouvais ça important qu'on parle des services de première ligne et de deuxième ligne également.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): D'autres commentaires?

(18 h 10)

Mme Neamtan (Nancy): En tout cas, je ne sais pas si c'était suffisamment clair, mais la Coalition souscrit tout à fait à cette approche de volontariat, et, effectivement, je pense qu'on peut en faire une question morale et qu'on peut aussi en faire une question d'efficacité. Et, bon, vous connaissez l'expérience Sud-Ouest. On connaît l'expérience de beaucoup d'organismes à partir de ce lien de confiance. C'est là que les choses bougent, que les vrais problèmes sortent et qu'on est capable, vraiment, d'aider. À partir du moment où on est dans un contexte de contrôle, tout le jeu change. C'est tout à fait humain. Je pense que ce n'est pas une question de volonté ou autre, ça fait partie de la «game». Si vous savez que la personne qui est là peut couper votre chèque, ce n'est plus la même relation d'aide, et je pense que, pour aider vraiment dans un parcours individualisé, il faut que toute l'information soit sur la table et que le lien de confiance soit là. Et c'est ça, l'autonomie des organismes communautaires, et c'est ça qui nous inquiète dans la réforme quand on parle du danger de sous-traitance. À partir du moment où on devient simplement des sous-traitants d'un centre local, bien, là, on est toujours en relation de livrer la marchandise, et la marchandise n'est pas nécessairement ce qui est le mieux pour l'individu. Ça peut être le résultat le plus vite et le plus court. Encore une fois, on peut avoir de bonnes intentions, mais on sait que, quand c'est une grosse machine qui touche les mesures passives et actives, c'est ça qui arrive inévitablement, je crois.

Mme Loiselle: D'où l'importance, durant nos échanges, que le gouvernement définisse bien votre rôle au sein de cette réforme-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y.

Mme Bégin (Claude): En parlant de ce rôle-là aussi, c'est important pour nous de savoir ça va être quoi, la place et de quelle façon on va occuper cette place-là au sein des conseils locaux pour l'emploi, parce que c'est sûr... On nous dit que, bon, on va avoir notre place, qu'on va siéger avec le directeur du CLE, etc., mais c'est important pour nous autres de savoir si ça va être inscrit en quelque part, de quelle façon on va se retrouver là, au conseil des partenaires. Parce que c'est extrêmement important pour nous de savoir. Est-ce qu'on va être présents et de quelle façon peut-on nous en assurer que nous serons présents, nous qui avons développé depuis 20 ans l'expertise en développement économique communautaire et en intégration en emploi des personnes? Ça, c'est une question, aussi, qui est primordiale pour nous autres.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée.

Mme Loiselle: Oui, j'aimerais... Les 55-59 ans, dans le livre vert, on leur retire le barème de non-disponibilité parce qu'on dit que ces gens-là ont toutes les chances du monde de réintégrer le marché du travail. Connaissant la conjoncture économique, connaissant les pertes d'emplois qu'a subies Québec, surtout au cours de la dernière année – on en a perdu plus qu'on en a créé; on en a perdu environ 46 000 – connaissant le taux de chômage, surtout dans la région de Montréal, qui est alarmant, inquiétant, dans la grande région de Montréal, moi, je voudrais vous entendre... Et aussi, quand on compare ce que le gouvernement fait au sein même de sa machine – il favorise la politique des départs assistés avec des gains financiers – moi, j'aimerais vous entendre à savoir comment vous voyez la vision du gouvernement à penser que ces gens-là peuvent réintégrer le marché du travail, ou si vous croyez que c'est plutôt une mesure d'économie qu'on fait de façon déguisée, mais sur le dos, finalement, de ces gens-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Beaudet, oui.

M. Beaudet (Gaétan): La situation, je pense qu'il faut regarder quels sont les secteurs qui sont particulièrement touchés par les fermetures d'usines, par les mises à pied massives, et c'est souvent les secteurs où la main-d'oeuvre est peu scolarisée ou sous-scolarisée, et, à ce moment-là, les mises à pied correspondent souvent à du chômage qui sera de long terme à moins de mettre en place toutes les mesures appropriées, et ça, souvent, les entreprises n'ont pas eu des attitudes préventives en termes de formation de leur main-d'oeuvre, et notamment au niveau de l'alphabétisation et de l'acquisition de compétences de base. Et, dans ce sens-là, il y a des compétences qui sont perdues parce que, effectivement, il n'y a pas eu suffisamment d'attention portée sur ces questions-là. Donc, les personnes, les travailleurs et les travailleuses qui perdent leur emploi en haut de 50 ans – et, parfois même, on dit maintenant en haut de 45 ans – c'est souvent des personnes qui vont avoir de la difficulté à se replacer si on n'agit pas très rapidement pour soutenir le développement de leurs compétences et aussi, souvent, leur permettre d'acquérir des outils qui vont leur permettre d'acquérir de nouvelles compétences, et notamment en termes d'alphabétisation ou de compétences de base. Je crois, ça, que c'est des préalables importants. Le livre vert y fait allusion, mais on aurait aimé, on souhaiterait que ce soit davantage développé parce que c'est à peine esquissé.

Mme Loiselle: D'accord, merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'étais inquiet tantôt parce que ça faisait à peu près 24 heures que la ministre n'avait pas blâmé le fédéral pour la situation dans laquelle on se trouve. Elle a réglé cette inquiétude de ma part en mettant sa cassette traditionnelle: la faute du fédéral, la thèse du déficit du fédéral. C'est toujours paradoxal que, quand le fédéral tente de réduire son déficit, c'est mauvais et que, quand le Québec le fait, c'est louable. Déficit zéro au Québec, c'est louable. Déficit zéro au fédéral, c'est le méchant fédéral qui tape sur les pauvres Québécois. Ceci étant dit, M. le Président...

Mme Harel: ...les cotisants à l'assurance-emploi.

M. Copeman: M. le Président, ceci étant dit, j'ai envie de demander à la Coalition si, pour vous autres, mesdames, messieurs, le livre vert représente une véritable politique de l'emploi au Québec, comme vous le souhaitez dans votre mémoire.

Mme Neamtan (Nancy): Mais, en tout cas, je ne pense pas que c'était l'objectif de ce livre vert. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut situer l'ensemble dans une politique d'emploi au Québec et que c'est un débat qui est à un autre niveau. C'est sûr que c'est un enjeu qui est important, c'est pour ça qu'on est ici, mais il faut en tenir compte et il ne faut surtout pas faire en sorte qu'une absence de politique ou une politique qui n'est pas suffisamment costaude ou performante ne puisse pas... que, dans le fond, les personnes sur l'aide sociale en paient les frais.

Mais je veux revenir sur la question du fédéral. Je pense qu'on ne peut pas faire abstraction de l'impact du fédéral, et ce n'est pas une question de relation. Nous, on est une coalition non partisane, mais ça a fait mal. Je pense que personne ne peut le nier. Le fait aussi que le fédéral se retire des fonds, tu sais, de ce qu'on appelle des fonds de revenus consolidés, donc des fonds... ça touche, parce que le fédéral était impliqué au niveau des organismes pour les populations fortement défavorisées, etc. Ça fait mal, je pense qu'on ne peut pas le nier. On n'en ferait pas un enjeu politique ou partisan, mais je pense que c'est une réalité, et c'est une réalité qu'il y a du monde qui tombe plus rapidement sur le chômage, et c'est une réalité que l'accès à des programmes de formation au niveau du fédéral... Parce que, dans le fond, ce qu'on a revendiqué depuis longtemps, c'est que les personnes sur l'aide sociale puissent avoir accès à de la formation qualifiante, de la formation professionnelle, et, maintenant, avec les réductions des budgets des deux bords, on atteint un objectif de dire: Il y a une intégration, mais, tout d'un coup, il n'y a plus d'argent. Alors, c'est un peu décevant. Mais, en tout cas, moi, je veux juste dire que ça nous fait mal. Ça nous rentre dans le corps, les coupures du fédéral. Je pense qu'il ne faut pas le nier, sans en faire un enjeu partisan ici.

M. Copeman: Je comprends que le livre vert n'est pas en soi une politique globale de création d'emplois au Québec malgré le fait qu'un des cinq volets essentiels de la politique, c'est la création d'emplois, mais, ceci étant dit, êtes-vous capable d'identifier une politique de création d'emplois au Québec? Si ce n'est pas le livre vert, ça doit être autre chose. C'est tellement important. Tout le monde nous dit depuis le début de nos commissions que la création d'emplois, c'est essentiel, que, oui, il faut miser sur le parcours individualisé, oui, il faut miser sur la réinsertion, l'employabilité, mais êtes-vous capable d'identifier une politique de création d'emplois au Québec?

Mme Neamtan (Nancy): Écoutez, moi, je pense qu'on n'a pas à se prononcer. En tout cas, ce n'est pas un enjeu qu'on a discuté au niveau de la Coalition. Je ne voudrais pas dépasser notre mandat par rapport à ça. Si quelqu'un a des solutions miracle, par exemple, ici, on aimerait bien les avoir. Peu importe le gouvernement, là, je pense qu'on pourrait tous s'entendre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui, merci. J'aimerais revenir... Quand vous parlez de la SQDM dans votre mémoire, vous êtes très clair, vous revendiquez la prise en charge par la SQDM des besoins des sans-emploi. Je ne sais pas si vous étiez ici cet après-midi, quand nous avons discuté avec le Conseil du patronat, et je ne sais pas si vous êtes signataires du communiqué qui a été publié hier. Il est clair que la SQDM n'acceptera pas un rôle de figurant, un rôle consultatif au sein de la position gouvernementale. C'était encore plus clair cet après-midi quand le Conseil du patronat nous a dit que, si le gouvernement allait dans cette direction-là, il devrait peut-être repenser sa collaboration auprès du gouvernement. Et je vais vous lire du mot à mot du Conseil du patronat, qui est assez troublant et qui devrait être très troublant pour le gouvernement en parlant que, si le gouvernement allait de l'avant avec ses CLE tout ça, là: «Il y a tout lieu de croire qu'aucune association patronale nationale ne serait intéressée à coordonner les quelque 600 représentants patronaux que la démarche implique. Ainsi donc, il n'y aurait plus d'association patronale nationale vraiment intéressée à s'engager dans la mise en oeuvre d'une véritable politique active du marché du travail.» Il y a une scission qui est en train de se faire avec les partenaires du marché du travail et le gouvernement, et, moi, je pense que c'est au détriment, finalement, des sans-emploi et j'aimerais peut-être vous donner la chance d'exprimer davantage aux ministériels l'importance de reconnaître toute l'importance de la SQDM au sein de cette démarche-là actuellement, les partenaires essentiels pour le marché du travail.

(18 h 20)

Mme Neamtan (Nancy): Écoutez, moi, je dirais premièrement que la Coalition, moi et Pierre Paquin, on a signé cette déclaration-là parce qu'on croit effectivement à l'importance des rôles des partenaires. On croit à l'importance des rôles des partenaires à tous les niveaux par ailleurs, autant au niveau local, ce qui est peut-être moins la préoccupation de M. Dufour. Mais il reste que, dans cette déclaration, vous pouvez le lire, le local est reconnu comme un lieu où on dit que même les partenaires du milieu pourraient être maîtres d'oeuvre, donc avoir un rôle décisionnel au niveau local. Donc, il y a une évolution en ce qui concerne les partenaires. C'est un débat de fond sur ces questions-là, mais c'est évident pour nous, pour avoir siégé à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qu'il y a une dynamique qui est fort intéressante qui est établie et que l'expérience de pouvoir avoir des partenaires qui ont un rôle décisionnel, je pense que... En tout cas, on voit que les partenaires, pour eux autres, c'est important.

En tout cas, là, je vais sortir un peu du rôle de la Coalition en disant que, même sur le plan local, c'est la même chose. C'est que, quand les partenaires s'impliquent, ils veulent sentir qu'ils peuvent prendre des décisions puis que ça va avoir une portée. Alors, c'est un peu une condition de partenariat. Quand on parle de partenariat, ça veut dire que tout le monde a une participation aux décisions, et, dans ce sens-là, on a adhéré à la déclaration de la SQDM. On trouve ça important et on trouve ça même salutaire et intéressant de voir que les associations patronales, les grandes centrales syndicales, que l'ensemble de la main-d'oeuvre adhère à l'idée que les assistés sociaux soient partie de la main-d'oeuvre et se battent aujourd'hui pour s'en occuper. Je pense que c'est un grand progrès, et, si ce débat-là nous amène à ça, c'est évident qu'on est contents parce qu'il faut rappeler que, au moment de la SQDM, on était les seuls à dire qu'il fallait intégrer et on était inquiets parce que...

Mme Harel: Avec l'opposition.

Mme Neamtan (Nancy): Quoi? Avec l'opposition.

Une voix: De l'époque.

Mme Neamtan (Nancy): Parce qu'on voulait absolument que cette main-d'oeuvre soit partie de la main-d'oeuvre et ait accès aux mêmes opportunités de formation d'emploi. Aujourd'hui, on arrive, et là les partenaires disent qu'ils veulent s'en occuper. Nous, on adhère à ça tout en disant... Et je pense que, dans les débats, on évolue à la SQDM pour dire que, même au niveau local, il faut permettre que ce partenariat s'exprime aussi d'une façon décisionnelle.

Mme Loiselle: Mon collègue de Bourassa a présenté aujourd'hui une requête à la ministre quant à mettre en place un débat public en commission parlementaire sur la question. Alors, si la ministre va de l'avant, j'espère que vous ferez part de cette participation à ces échanges-là. Alors, merci beaucoup de votre participation à nos échanges. C'était très intéressant de vous entendre. Merci.

Mme Neamtan (Nancy): Nous allons revenir avec nos organismes respectifs.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: Oui, c'est ça, individuellement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Alors, au nom de la commission, merci beaucoup. Je suspends les travaux à 20 heures, ce soir. 20 heures exactement, et non pas 20 h 5.

(Suspension de la séance à 18 h 23)

(Reprise à 20 h 9)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous reprenons nos travaux en recevant le Mouvement ATD, Aide à toute détresse Quart Monde. Je pense que c'est Mme Vanier qui est la première. Ah non, c'est monsieur. O.K.

Mme Vanier (Louise): M. Hamel.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît. Vous aurez 20 minutes tout de suite après.


Mouvement ATD Quart Monde

M. Hamel (Philippe): Bonsoir. La délégation Quart Monde se compose de: Denis Roberge, de Sherbrooke; Micheline Ciarlo, de Montréal; Philippe Hamel, de Montréal; Gaétane Guénette, de Thetford-Mines; Sylvie Hébert, de Sherbrooke; et Marcel Beauregard, de Lavaltrie.

(20 h 10)

Bonsoir. Beaucoup de groupes que vous allez recevoir vont vous parler des orientations de cette réforme qui veut briser la discrimination entre personnes assistées sociales et celles au chômage, vont parler aussi de la responsabilité de l'État pour développer l'emploi et assurer un véritable partage des richesses et du travail. Aussi, de l'impossibilité de faire porter aux plus démunis le poids de la réduction d'un déficit dont ils ne sont pas responsables. Et enfin de l'urgence de soutenir les organismes communautaires et de défense des droits pour qu'ils soient en mesure de jouer pleinement leur rôle.

Il y a d'autres propositions que vous allez recevoir très certainement; nous sommes en accord avec eux. Mais, aujourd'hui, nous avons choisi de vous parler des plus pauvres, des personnes exclues, ces hommes, ces femmes, ces familles que l'on n'entend pratiquement jamais. Ce n'est pas pour faire une catégorie de plus. Depuis 40 ans, le Mouvement international ATD Quart Monde a fait l'expérience dans de nombreux pays que, si les plus pauvres peuvent bénéficier d'une réforme d'un programme, c'est l'ensemble de la population qui va en profiter. Vous trouverez, en page 2 de notre mémoire, une présentation plus complète de notre mouvement.

Beaucoup de personnes appauvries, de toutes les régions du Québec, se sont mobilisées pour étudier ce livre vert. Elles ont osé dire les conséquences du projet de réforme dans leur vie, et certaines pour la première fois. Mais, vous le savez, un mois, c'est bien trop court pour gagner la confiance de personnes rarement consultées et qui ont le sentiment que d'autres décident en permanence de leur vie.

Mme Ciarlo (Micheline): Nous sommes six délégués devant vous, des personnes appauvries et des personnes alliées, toutes solidaires. Nous venons vous partager ce que vivent et ce que pensent des centaines de personnes appauvries de nos groupes et de nos régions, et tout particulièrement le point de vue de ces personnes tellement brisées par la misère qu'elles restent enfermées chez elles et ne croient plus en rien. Nous savons ce que c'est, certains d'entre nous sont déjà passés par là. C'est donc à travers nos yeux et à travers leurs yeux que nous voulons regarder avec vous la réforme que vous nous proposez.

Pour que les personnes exclues puissent se sentir concernées et profiter d'une réforme de l'aide de dernier recours, nous pensons qu'il y a des conditions préalables: être convaincu que personne ne choisit d'être pauvre; être convaincu que nous, les personnes pauvres, nous agissons déjà pour nous en sortir et que notre expérience est indispensable pour bâtir une vraie lutte contre la pauvreté et l'exclusion; reconnaître nos efforts, notre implication dans nos familles, dans nos groupes ou dans notre quartier comme une contribution essentielle à l'ensemble de la société; assurer une sécurité financière sans aucune condition pour pouvoir vivre dignement et pour pouvoir être libre de s'investir dans des projets dont les résultats ne seront pas immédiats, sinon la lutte pour la survie restera la priorité; proposer du support et des programmes fondés sur la confiance de part et d'autre, et donc sur une démarche volontaire, ce qui élimine d'emblée la suspicion, les sanctions et la pénalité; procéder par étapes pour se donner les moyens d'avoir des réussites visibles qui vont motiver les personnes les plus découragées et pour mettre en évidence les difficultés et les changements nécessaires.

Après avoir lu le livre vert, nous nous sommes posé de nombreuses questions, dont celles-ci: À qui s'adresse réellement cette réforme? Est-ce une réforme de la sécurité du revenu ou est-ce un programme contre le chômage et pour l'emploi? Dans les mesures proposées, nous voyons plus une façon de s'attaquer au déficit que de donner de véritables chances aux personnes appauvries. De plus, ces mesures concernent avant tout des personnes assistées sociales qui ont des qualifications et qui pourraient retourner plus ou moins rapidement sur le marché du travail. En même temps, tout le monde sait qu'il y a et qu'il y aura de moins en moins d'emplois disponibles.

Qu'est-ce qui va se passer avec nos jeunes qui ont vécu tant d'échecs scolaires et qui sont tellement découragés devant leur manque d'avenir? Qu'est-ce qui va les empêcher de se détruire ou de se retrouver à la rue? Qu'est-ce qui va leur redonner le goût de continuer ou de recommencer à apprendre et le courage de se former. Comment peuvent-ils s'intégrer dans des formations obligatoires si la pédagogie et le projet d'insertion ne sont pas repensés en fonction d'eux et avec eux?

Qu'est-ce qui va se passer avec ces hommes et ces femmes entre 40 et 60 ans, qui n'ont pas de maladie reconnue et qui sont jugés aptes, alors qu'ils sont tellement usés physiquement et moralement par leur vie de misère? Qu'est-ce qui va se passer pour les réfugiés et les immigrants dont l'expérience et la formation ne sont pas reconnues? Que deviendront ceux et celles qui n'ont aucune formation et aucun réseau de soutien? Comment les personnes exclues depuis tellement longtemps de la vie sociale et économique, dont plusieurs n'ont même pas complété leur primaire, pourront-elles bénéficier des mesures mises en place alors qu'il y a beaucoup de coupures dans l'éducation aux adultes et dans l'alphabétisation? Comment des parents de familles monoparentales et biparentales, qui se battent pour l'avenir de leurs enfants avec très peu de moyen, pourront-ils croire que les services de garde vont être une chance pour leurs enfants alors qu'ils se sentent trop souvent jugés incapables d'assumer leur éducation?

Qu'est-ce qui, dans cette réforme, va empêcher certaines de ces personnes d'être détruites ou d'être poussées à la rue? Tout orienter sur les parcours vers l'emploi risque de maintenir les préjugés et les jugements en direction de ceux et celles qui ne pourront pas rentrer sur le marché du travail. Le risque est grand alors de séparer les pauvres en deux catégories: les bons pauvres, qui arrivent à avoir du travail, et les mauvais pauvres qui n'en ont pas et qu'il faut pénaliser.

(20 h 20)

Après avoir lu le livre vert, beaucoup d'entre nous se demandent si les personnes qui proposent cette réforme connaissent réellement ce que nous vivons. Un exemple: le projet de réforme considère que c'est possible d'amener la prestation de base à 500 $ au niveau de la satisfaction des besoins essentiels de 667 $. Il y aurait déjà beaucoup à dire sur le calcul de ces besoins essentiels qui sous-estiment le montant réel des loyers, des frais de transport, la non-gratuité de nombreux services, en particulier au niveau des écoles.

De plus, dans nos milieux, nous voyons très peu de personnes qui peuvent gagner de l'argent en offrant leurs services. Bien souvent, les personnes que nous pourrions aider pour du gardiennage, par exemple, sont elles-mêmes pauvres. De plus, beaucoup d'entre nous n'ont pas la formation ou les relations nécessaires pour trouver ces travaux rémunérés. Cela est encore plus vrai dans les régions isolées où l'absence d'une voiture, parfois du téléphone et l'éloignement des villes rendent très difficile l'accès à des ressources.

Avec 500 $ par mois pour vivre, comment une personne peut-elle se loger, se nourrir et participer à un minimum de vie sociale? Les solutions que nous avons trouvées pour vivre mieux et sortir de l'isolement, comme le partage de logement, nous pénalisent encore plus. Nous serons obligés de dépendre davantage des organismes de dépannage. Nous serons encore plus contrôlés et écartés des lieux où se retrouvent l'ensemble des citoyens. De plus, est-ce que vous savez qu'aujourd'hui encore beaucoup de personnes se retrouvent sans ressources pendant de longs mois à cause de changements dans leur situation familiale ou administrative?

Mme Guénette (Gaétane): Nous voulons maintenant présenter quelques-unes des propositions que vous trouverez dans notre mémoire. Elles demandent surtout une volonté politique d'agir avec les pauvres contre l'exclusion sociale et économique.

Première proposition: le conseil des partenaires doit rassembler tous les partenaires. Nous vivons dans notre quotidien les conséquences des mesures prises à l'aide sociale. Nous avons aussi une expérience des étapes à prévoir, des efforts que chacun peut fournir pour sortir de l'isolement, se former et participer à la société, c'est pourquoi nous pensons que nous avons notre place avec les associations engagées avec nous dans le conseil des partenaires pour enrichir les discussions et influencer les décisions. Un conseil consultatif des usagers différent du conseil des partenaires n'aura pas du tout la même influence. Par notre présence, nous pouvons orienter l'effort d'évaluation pour qu'elle reflète les difficultés et les avancées pour les prestataires les moins favorisés.

Deuxième proposition: mettre la réforme dans un programme de lutte globale contre la pauvreté. Dans notre quotidien, nous savons que tous les problèmes sont liés entre eux: on veut que nos enfants apprennent à l'école et on n'arrive pas à payer les factures scolaires; on n'a pas d'argent pour continuer un traitement médical et ça a des répercussions sur la vie familiale; on vit dans de mauvaises conditions de logement, on n'a pas les moyens de faire des recours au propriétaire et de prendre des assurances; on veut participer à la vie sociale ou faire du bénévolat mais on n'a pas les moyens de payer le transport.

Quand on est humilié tous les jours, quand on vit trop souvent des échecs, quand on doit chercher en permanence de l'argent ou de la nourriture, quand on ne trouve personne pour faire garder ses enfants ou être encouragé dans une formation, on est parfois tenté d'abandonner et on va se retrouver encore pénalisés jusque dans la survie de notre famille.

Troisième proposition: reconnaître l'implication sociale des personnes exclues. Certains d'entre nous ne peuvent pas espérer retourner sur le marché du travail pour des raisons de santé, d'âge, de manque de scolarité, de responsabilité familiale ou d'éloignement. Pourtant, nous faisons un travail utile dans des organismes communautaires. Le gouvernement devrait reconnaître dans le parcours d'insertion un grand nombre d'activités que nous faisons au sein de nos groupes comme, par exemple, l'accueil et l'information des personnes qui ne vont pratiquement pas dans les organismes, l'accompagnement des personnes isolées, malades ou âgées, l'animation des cuisines collectives ou d'activités culturelles avec des enfants, car ces activités sont de véritables contributions au développement de la société.

Quatrième proposition: l'accompagnement des personnes dans un parcours d'insertion. Quand nous avons été longtemps exclus, sans possibilité de faire vraiment confiance à une structure ou à une administration, nous avons besoin de nous faire accompagner par une personne ou une association de notre choix, par une personne qui connaît nos forces, nos rêves et pas seulement nos problèmes. Nous pourrons nous appuyer sur elle pour bien faire comprendre le potentiel que nous avons et les projets que nous portons. À cet accompagnement indispensable il faut ajouter une formation et une supervision des agents qui leur permettront de mieux connaître ce que nous vivons et de mieux dialoguer avec nous. De plus, nous pensons que le fonctionnaire chargé de suivre notre insertion ne peut pas être à la fois un conseiller, un formateur et un juge qui va décider si nous avons fait tous les efforts nécessaires.

M. Hamel (Philippe): Pour terminer, les personnes les plus pauvres ne pourront pas bénéficier de la réforme si elles continuent à vivre dans l'insécurité permanente, sans revenu minimum garanti et sans perspective d'avenir pour elles et pour leurs enfants. Si le gouvernement n'envisage pas une politique de lutte contre l'extrême pauvreté et l'exclusion en même temps que cette réforme, de nombreuses dépenses publiques vont augmenter dans d'autres secteurs: santé, justice, lutte à l'itinérance, à la violence, au suicide, à la toxicomanie, au décrochage scolaire, etc. Et, finalement, c'est toute la société qui va y perdre.

Vous l'avez senti, beaucoup d'entre nous regardent cette réforme avec beaucoup d'inquiétude. Il vous faut retrouver notre confiance. La manière dont la réforme sera mise en place, brutalement ou par étapes, avec la participation ou non des personnes exclues, sera absolument déterminante. Nous espérons que la façon de présenter cette réforme au public permettra de diminuer un grand nombre de préjugés qui pèsent aujourd'hui sur nous.

Pour terminer, nous voulons vous lire cette phrase du père Joseph Wrésinski, fondateur de notre mouvement, une phrase qui est reprise dans de nombreux pays et qui vient d'être gravée devant les Nations unies à New York: «Là où des hommes et des femmes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de la personne sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré.» Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, bienvenue. En vous écoutant, je me suis rappelé la présence que vous aviez eue au caucus des députés ministériels au Manoir Montmorency, certains d'entre vous. Pas tous, mais, en fait, certains d'entre vous.

(20 h 30)

Alors, je vous écoutais avec d'autant plus d'intérêt que vous manifestez beaucoup, beaucoup d'inquiétude et je me suis dit que la première question que j'allais vous poser était simplement la suivante: entre la situation actuelle et celle qui est proposée dans le livre vert, dois-je comprendre que vous souhaiteriez le statut quo actuel?

Mme Ciarlo (Micheline): Excusez, je n'ai pas entendu.

Mme Harel: Le statut quo actuel.

Mme Ciarlo (Micheline): Le statut qu'on a présentement, vous voulez dire?

Mme Harel: Oui.

Mme Ciarlo (Micheline): À comparer à ce que vous nous offrez?

Mme Harel: Oui.

Mme Ciarlo (Micheline): Bien, c'est sûr que oui. Parce qu'on en arrache déjà, on est dedans puis on a de la misère.

Mme Harel: Parce que, ce que vous me décrivez, c'est ce que vous vivez présentement. Le 500 $, par exemple; le barème de base est 500 $. La couverture des besoins essentiels, c'est la même; elle n'a pas changé ni avec le livre vert ni dans la situation actuelle. Ce qui change de la situation actuelle dans la proposition du livre vert, c'est la distinction qui est faite maintenant entre les mesures de protection sociale, avec l'allocation des aînés, la prestation pour enfant et l'allocation d'invalidité qui va être administrée par la Régie des rentes. Ça, c'est environ 350 000 à 400 000 personnes, c'est-à-dire 250 000 enfants, environ 60 000 personnes invalides. Je ne dis pas handicapées, on y reviendra, mais c'est à peu près la moitié des personnes actuellement dans un programme qui s'appelle «soutien financier» et qui, dans le fond, concerne les personnes qu'on appelle, dans le régime actuel, «inaptes». La moitié puis, en plus, environ 8 000 personnes qui sont hébergées en institution et à peu près, si vous voulez, 30 000 qui ont plus de 60 ans. C'est environ 350 000 à 400 000.

Je comprends que, dans le mémoire que vous nous présentez, vous dites: les agents sont débordés. Justement parce qu'il y a entre 350 000 à 400 000 personnes qui sont finalement des personnes qui sont en besoin de protection sociale leur vie durant. Et, c'est évident qu'il y a un changement important avec le livre vert, parce qu'on dit: il y a des chômeurs aussi, à l'aide sociale. Il y a des gens qui sont en besoin de protection sociale, ceux que je vous décris, et puis il y a des chômeurs. Alors, en besoin de protection sociale, c'est administré par la Régie des rentes, et puis il y a des chômeurs qu'on doit traiter comme des chômeurs. Un chômeur, ce n'est pas responsable de son chômage. Le chômeur est la victime du chômage, ce n'est pas le coupable du chômage.

Alors, la proposition, c'est d'intégrer les prestataires de l'aide sociale qui avaient été isolés dans des programmes d'employabilité dans l'ensemble de la main-d'oeuvre et leur offrir les mêmes services. Vous dites: oui, mais ils n'ont pas nécessairement les mêmes besoins. Les chômeurs de longue durée peuvent avoir des besoins différents; en même temps, les chômeurs de longue durée peuvent avoir de l'accompagnement spécialisé. C'est déjà acquis, on en a parlé cet après-midi et ça avait été aussi déjà acquis que tout le monde n'est pas égal de la même façon dans une société. Alors, ceci dit, les besoins spécialisés vont l'être indépendamment de l'étiquette que la personne porte. Elle peut être chômeur de longue durée puis ne jamais avoir été sur l'aide sociale parce que son conjoint travaille ou pour toutes sortes d'autres raisons, elle est à la maison. Alors, actuellement, les programmes dépendent de l'étiquette que vous portez. Si vous êtes sur l'aide sociale, vous avez droit à certains programmes; si vous êtes à l'assurance chômage, c'est d'autres programmes; puis si vous n'êtes sur ni l'un ni l'autre des deux chèques, vous avez le droit quasi à rien.

Alors, ce qui est proposé, c'est d'amener... il y en a 110 programmes, c'est tout éparpillé, c'est de les amener à cinq: la préparation à l'emploi, l'insertion, le maintien, la stabilisation, la création. Mais, ça, ça s'adresse à des demandeurs d'emploi quelle que soit leur source, si vous voulez, la couleur de leur chèque, qu'ils en aient un ou pas. Alors, je comprends que c'est ça, cette distinction-là, que vous n'aimez pas, si j'ai bien compris?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Beauregard (Marcel): Alors, je suis organisateur communautaire dans un CLSC et je travaille avec des groupes de personnes très pauvres. La réforme a sûrement des éléments positifs. Maintenant, je pense qu'on n'est peut-être pas venus ici pour les souligner au complet mais peut-être pour souligner davantage certains points qui nous préoccupent.

Il est évident que cette réforme, entre autres pour les petits salariés, représente des avantages certains. Je pense que ça a été souligné à travers différentes mesures, on n'a qu'à penser à l'allocation familiale plus importante dans plusieurs cas et même l'assurance-médicaments. Par contre, si on regarde depuis près d'un an, pour les personnes assistées sociales, on a assisté surtout à des coupures. On pourrait mentionner, que ça soit l'allocation au logement, les médicaments qui étaient gratuits qui coûtent maintenant quelque chose; il y a eu l'allocation de participant qui a été coupée aussi et on parle maintenant d'une coupure au niveau des personnes qui étaient considérées non disponibles: les parents qui avaient des enfants jusqu'à l'âge de six ans. Maintenant, on parle jusqu'à deux ans. C'est sûr qu'il y a d'autres mesures, mais on pourra aussi y revenir. Et on parle aussi des 55 à 60 ans qui également se voient avec une coupure de 100 $.

Maintenant, en termes de préoccupation – et c'est aussi un questionnement – quand on parle de parcours d'insertion à l'emploi, la première réflexion, c'est que j'ai vu beaucoup de gens s'impliquer dans des programmes EXTRA ou embarquer sur les PAIE, qui, d'une certaine façon permettaient aux gens de sortir pour des périodes de six mois de l'aide sociale, et j'ai vu des gens qui effectivement arrivaient découragés, arrivaient sans connaître toujours leur potentiel dans des groupes communautaires et, avec le temps, reprendre confiance, retrouver des habitudes au travail, s'impliquer dans des emplois de conducteur de minibus dans un organisme de personnes âgées, s'occuper de maintenance, de secrétariat, travailler dans des comptoirs de vêtements, cuisines collectives, etc., donc des gens qui ont repris confiance et qui, à travers ça aussi, ont reçu des formations pour une période de 12 mois, 15 mois avec une prolongation, pour se rendre compte, au bout de 12-15 mois qu'ils devaient s'en retourner chez eux. Et là on assistait à ce moment-là à un découragement, à une démotivation.

Après avoir connu ça – parce que des gens ont connu deux ou trois de ces programmes sur quelques années – c'est sûr que les gens n'y croyaient plus. Alors, la question que je me pose, c'est: En quoi le parcours d'insertion à l'emploi va-t-il être différent, entre autres, pour des personnes qui ont peu de chance de se retrouver un travail à temps plein pour de multiples raisons dont certaines ont été mentionnées? Alors, ça peut être des gens qui sont effectivement usés par l'âge à 45 ans et qui sont incapables, qui ont des problèmes de santé. Ça peut être la question de l'instruction: retourner à l'école à 50 ans ou réussir à se retrouver un emploi. Mais ils sont utiles dans des groupes communautaires. Alors, est-ce qu'on a pensé à une possibilité... Je sais qu'on mentionne qu'il y a peut-être des possibilités que certaines mesures passives soient transformées en mesures actives et que des gens puissent se trouver des emplois subventionnés par l'État. J'aimerais comprendre un peu plus ce qu'il en est à ce sujet-là.

Il y a des gens actuellement, par exemple, qui sont sur des projets EXTRA et qui aimeraient bien continuer, au bout de 12 ou 15 mois, qui sont devenus utiles pour l'organisme où ils travaillent, pour la communauté, pour leur famille. Ils ont repris confiance. Est-ce que ces gens-là ont des chances de pouvoir continuer dans certains organismes communautaires sur des périodes suffisamment longues? Pour certains, ça peut être deux ou trois ans ou quatre ans. Pour d'autres, il y a peu de possibilité compte tenu de multiples facteurs. On représente, je pense bien ici, vous le savez, Mme Harel, une clientèle qui aura le plus de difficultés à retourner sur le marché du travail. C'est ma première grande préoccupation et je pense qu'elle est partagée par beaucoup de groupes. D'ailleurs, vous la retrouvez dans le document qui vous a été remis peut-être davantage encore que dans ce qu'on vient de vous présenter.

Je ne sais pas si je dois aborder la deuxième, et après ça je laisserai peut-être la place. La deuxième, pour moi, elle est au niveau des coupures de 300 $. Et là je trouve qu'on touche quelque chose de vraiment inacceptable, en ce qui me concerne, quand on parle de plancher. Dans une société où on souhaite justement avoir un filet de sécurité sociale, on ne peut absolument pas penser couper et descendre en bas du 500 $. On n'a qu'à s'imaginer concrètement ce que ça peut impliquer. On peut parler de statistiques, on peut dire que 500 $ ce n'est pas suffisant, on peut imaginer que la personne qui passe de 500 $ à 350 $ et ensuite à 200 $, elle va facilement trouver chez ses parents ou chez des amis la possibilité d'emprunter ou de se faire héberger ou de se faire nourrir, mais il faut faire attention.

Quand on pense à la révolte qui existe déjà chez de nombreux jeunes, on risque de se retrouver avec des conséquences dont on a parlé tantôt et on peut se retrouver dans une société où les problèmes de délinquance vont aller en augmentant. Il me semble que ça, c'est une question de sens commun. On n'a qu'à regarder des sociétés où il n'y a pas de filet de sécurité sociale et où la violence se développe justement parce qu'il n'y a pas cette base-là. Des études ont été faites là-dessus. Comment on peut penser retourner vers ça? Moi, c'est ma deuxième grande préoccupation.

(20 h 40)

Je travaille aussi avec des groupes de jeunes et des groupes de travail de rue. C'est sûr que, vers quoi on va avec ça, il faut y penser concrètement. Il y a ce que j'appelle le court terme, et malheureusement souvent on gère en fonction du court terme. Quelqu'un qui se retrouve en prison, c'est beaucoup plus coûteux. Alors, je pense qu'il y a des coûts beaucoup plus importants sur le moyen et le long terme. Je ne sais pas jusqu'où on a analysé et où on a été chercher des études pour en arriver à proposer ça, parce que ce n'est pas tout le monde qui va pouvoir retourner sur le marché du travail. On a eu des statistiques dernièrement sur la création d'emplois pour la dernière année au Québec et sur l'arrivée sur le marché du travail des étudiants, et sans compter ceux qui ont quitté le marché du travail. C'est évident qu'il n'y a pas de possibilité là de trouver des emplois pour tout le monde.

Mme Harel: Écoutez, il n'y a pas de recette miracle. S'il y avait des solutions évidentes, je vous jure qu'elles auraient été appliquées depuis longtemps. D'abord, elles seraient connues et, ayant été connues, elles auraient fait évidemment un consensus. Alors, si je pars avec l'idée qu'il n'y a pas de recette miracle ni de solution simple à la pauvreté ou à la pénurie d'emplois, puis qu'en même temps je suis obligée, moi, de constater que depuis cinq ans, entre 1990 et 1995, à cause de la récession de 1989, il y a quand même eu 205 000 personnes de plus à l'aide sociale, 90 000 ménages en cinq ans. Ça, ça coûte 1 000 000 000 $ de plus.

Mme Ciarlo (Micheline): Est-ce qu'il y a eu plus de violence depuis cinq ans dans la rue, vous pensez? Vous êtes-vous posé la question de ça?

Mme Harel: Écoutez, si vous voulez, on peut faire un échange, mais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, on apprécierait l'échange.

Mme Harel: Ça peut vous surprendre, mais la criminalité n'est pas en hausse dans notre société. Heureusement. Ça, c'est à cause de l'entraide, à cause de la solidarité. Mais il ne faut pas attendre non plus que cet indice-là... C'est pire que la criminalité. Ce n'est pas ça qui est en cause dans notre société. Il y a plus de suicides et les suicides ne se passent pas nécessairement dans les milieux pauvres, les suicides se passent aussi dans des milieux où il n'y a pas d'affection, pour toutes sortes de raisons. Il y a de l'isolement, il y a de la solitude, mais c'est dans les classes moyennes puis c'est souvent dans les banlieues que ça se produit. Donc, tout n'est pas lié complètement non plus, là, il faut faire très, très, très attention. Je vous le dis, c'est bien surprenant, mais c'est en diminution la criminalité dans notre société. Ceci dit, ça n'empêche pas la détresse que les gens vivent, là.

Alors, bon, on reprend ce que vous me mentionniez. D'abord, l'objectif premier, c'est de garder en activité des personnes. C'est évident qu'il y a des personnes qui sont en besoin de protection sociale et, ce que ça introduit, c'est l'idée que c'est des chômeurs pour une bonne partie et que ces chômeurs ne doivent pas être traités autrement que les autres chômeurs. Ça, c'est la première chose. Puis l'autre, c'est qu'il faut créer des réseaux. Je vais vous lire, moi, un texte qui m'a beaucoup inspirée, qui est d'une dame qui est décédée maintenant, Lise Poulin-Simon, qui a vraiment été celle qui a mis sur pied le Forum pour l'emploi et qui a vraiment été à l'initiative de la mobilisation pour l'emploi au Québec, et qui a dit ceci: «En raison de la proximité des problèmes, les organismes locaux sont les premiers interpellés par les risques de désintégration du tissu social que fait pourrir le chômage de longue durée. Il développe l'entrepreneurship social nécessaire à l'identification de solutions novatrices.»

Ce qui est sûr et certain, c'est que les solutions, on ne va pas les trouver ailleurs. Si ça vous apparaît être le revenu minimum garanti, il faut la mettre sur la table, la solution, le revenu minimum garanti. Mais, vous savez, le revenu minimum garanti, il y avait quelqu'un à l'Université du Québec qui y croyait beaucoup et qui a fait faire des simulations pour se rendre compte que ça coûterait au bas mot à peu près 1 000 000 000 $ pour avoir l'équivalent à peu près des revenus qui sont actuellement versés par l'aide sociale. Finalement, ça va chercher bien, bien, bien du monde, le revenu minimum garanti. Ça ne s'adresse pas qu'aux personnes qui sont actuellement, si vous voulez, sur l'aide sociale. Le revenu minimum garanti est un revenu minimum garanti pour tout le monde aussi.

On est donc à la recherche de comment on pourrait au-moins avancer, à défaut de pouvoir réaliser complètement les rêves qu'on peut caresser. Comment on peut avancer? Vous m'avez parlé de conversion et vous avez parlé aussi d'activités communautaires, en fait, et bénévoles qui pourraient être reconnues dans un parcours d'insertion. Dans votre mémoire, j'ai aussi trouvé une idée importante, à savoir qu'il doit y avoir des recours indépendants, plus accessibles que les mécanismes existants, donc des recours pour qu'il n'y ait pas des abus lorsque le prestataire, par exemple, est en situation où il n'est pas en autorité par rapport à son agent. Bon. Moi, je me dis: On est mieux de travailler sur des questions comme celle-là, parce que je ne pourrai pas en trouver un, 1 000 000 000 $. Je ne pourrai même pas trouver le 200 000 000 $ que ça coûterait pour abolir le partage du logement, parce que c'est à cet ordre de grandeur, 127 000 000 $ exactement. Et puis si on voulait le rendre équitable pour que ce soit quand même pareil quand on est conjoint, qu'on soit marié ou pas, c'est 200 000 000 $. Alors, ce 200 000 000 $, je ne l'aurai pas. Donc, je me dis: Comment on peut procéder?

Ce que j'ai pu avoir, c'est 20 000 000 $ pour indexer les personnes du soutien financier. Vous voyez, le petit chèque qui va être augmenté avec 1,5 % d'augmentation, ça a coûté 20 000 000 $. Alors, dans cet ordre de grandeur, en tout cas, ce qu'on peut voir, puis je le retiens de votre mémoire, c'est l'allocation des aînés. Vous nous dites, dans le fond: pas à 60, à 55 ans. Ça, moi, je m'engage à regarder ça vraiment attentivement.

Ensuite, vous dites aussi: Le parcours, reconnaissez les travaux qui se font, les travaux utiles qui sont faits pour la communauté sur une base bénévole. Et la conversion, bien, c'est la possibilité effectivement, comme vous l'avez décrit, c'est la possibilité de transformer sa prestation en subvention salariale, ou en bons d'apprentissage ou en bons de formation. Ça aussi, c'est possible, et ça ne l'était pas avant le 1er avril, comme vous le savez sûrement. Ça l'est devenu parce que le Régime d'assistance publique du Canada a été abrogé au 1er avril passé, puis, auparavant, si la personne n'avait pas le statut d'assistée, le financement à 50 % n'était pas donné.

M. Hamel (Philippe): Il y a un certain nombre de facteurs monétaires très importants, de contraintes liées au déficit, liées au budget; ça, il y aurait beaucoup de discussions à faire là-dessus. Mais il y a des mesures qui vont avoir un impact très, très important sur la manière dont les gens vont dire: Ça nous concerne ou pas. Et des mesures qui ne demandent pas nécessairement des argents. La question de l'accompagnement, la question de savoir si les personnes appauvries vont être réellement partenaires dans le processus et pas seulement invitées à s'asseoir à la chaise, mais, en même temps, écouter et pouvoir définir des mesures pour eux et pour d'autres est quelque chose qui, dans les pays européens, a été accepté. La dernière loi sur l'exclusion sociale, en France, a été menée de cette façon-là et a produit des résultats très, très intéressants, dans la mesure où les personnes qui sont le plus à l'écart de ces parcours-là peuvent aider à mettre des balises et des repères pour que ça puisse profiter à d'autres personnes.

C'est la question des CLE que vous voulez mettre en place. Cette question du partenariat est très, très importante. C'est évident que les personnes appauvries, que les personnes sur l'aide sociale, si elles sont uniquement consultées de temps à autre dans un comité d'usagers, seront dans l'impossibilité d'évaluer l'effet réel des mesures dans leur vie, les conséquences. Il y a des mesures, dans de nombreux pays, qui sont censées lutter contre la pauvreté et qui appauvrissent encore plus les gens parce qu'on n'a pas pris les moyens d'évaluer avec les personnes elles-mêmes. Et ça, je crois, ce sont des mesures qui ne demandent pas énormément d'argent, mais qui traduisent, aux yeux des personnes appauvries, si réellement on veut les rejoindre, on veut les associer et puis bâtir autour d'un mot très important qui est la confiance. Est-ce qu'on est des gens qu'on veut culpabiliser, pénaliser ou est-ce que réellement on veut nous associer pour changer et bâtir l'avenir avec nous? Je ne sais pas si vous comprenez, mais...

Mme Harel: À ce moment-là, je pense que, ce qu'on va faire, c'est qu'on va faire venir la loi dont vous parlez, la loi sur l'exclusion sociale en France?

M. Hamel (Philippe): Oui.

Mme Harel: Et, dans les comités, l'idée qui est introduite nous vient du rapport Bouchard, un rapport qui a été publié au printemps passé sur la réforme de la sécurité du revenu. Alors, l'idée du comité des usagers, cette idée est finalement importante, mais je pense que l'idée du conseil des partenaires est beaucoup plus porteuse, si vous voulez, disons, de citoyenneté, parce que des partenaires, c'est égaux, c'est égaux autour d'une table et ça réunit finalement d'une façon représentative les gens du milieu. Alors, je pense qu'il y a intérêt à travailler autour de la composition du conseil des partenaires. Il est déjà acquis et il ne relèvera pas de moi, il va relever du développement local, donc de mon collègue Guy Chevrette. C'est déjà terminé?

(20 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est déjà terminé, Mme la ministre.

Mme Harel: Mais, en même temps, j'ai déjà acquis pour lui en tout cas que le communautaire autonome va être là. Il s'agit de savoir comment il va être là. Et, moi, ce à quoi je m'engage, c'est peut-être à lui transmettre ce que vous pouvez m'en dire peut-être à l'occasion de l'échange qui se poursuivra.

M. Hamel (Philippe): Et pas seulement le communautaire autonome, qui est déjà très important, mais vouloir que les personnes qui sont même en dehors des réseaux, d'une façon ou d'une autre, soient présentes. C'est ce qui existe dans de nombreux pays et c'est très très important pour l'avenir.

Mme Harel: Mais, si elles sont en dehors des réseaux, elles sont isolées. Comment peuvent-elles être présentes?

M. Hamel (Philippe): Elles sont souvent en lien quand même avec des organismes ou avec des groupes qui arrivent progressivement... Et, si on veut, comme vous le faites aujourd'hui, que les personnes exclues et appauvries soient là, leur donner une voix, leur donner les moyens d'évaluer les mesures, elles ne sont pas obligées nécessairement de siéger mais elles peuvent transmettre des éléments d'évaluation, comme on essaie de le faire aujourd'hui. Et ça, ce n'est pas forcément tous les jours que vous avez la chance d'entendre des voix et des personnes qui sont très, très rarement écoutées.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie et je passe maintenant la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mesdames, messieurs, bonsoir. Bienvenue à cette commission. Tout de suite, d'entrée de jeu, je vous dirais, madame, que vous avez répondu la bonne réponse à la question de la ministre, que c'est préférable pour vous, même si vous vivez sous le seuil de la pauvreté avec le régime actuel, de demeurer dans le régime actuel, parce que, ce qu'il y a devant nous actuellement, si ce n'est pas modifié, si ça reste tel quel, ça va vous appauvrir davantage.

Je vous rappelle des mesures qu'on retient dans le livre vert, qu'on a dans le livre vert: les pénalités. Les pénalités maintenant, avec le livre vert, s'appliqueraient sur le barème de base pour tout refus de mesure d'employabilité. Monsieur parlait tantôt qu'on brisait le filet de sécurité sociale; ça, c'est un exemple. Il y a aussi le barème de non-disponibilité qu'on enlève aux mères de famille monoparentale avec jeune enfant. Ça, c'est un montant de 100 $ qu'on leur enlève par mois. Et la même chose pour les personnes de 55 à 59 ans qui vont aller faire une demande d'aide sociale; dorénavant, avec le livre vert, elles vont perdre le barème de non-disponibilité, c'est une perte de 100 $ par mois. Et l'allocation unifiée, dont le gouvernement s'est beaucoup gargarisé au cours des dernières semaines, au niveau de la politique familiale. Mais, quand on regarde les chiffres correctement, l'allocation unifiée, ce sont les enfants les plus pauvres du Québec qui sont perdants, ce sont les enfants de l'aide sociale. Le Conseil de la famille a pris les chiffres qui nous sont donnés par le gouvernement actuellement, il a fait une étude et c'est les familles monoparentales, les familles biparentales, c'est les enfants de l'aide sociale qui sont perdants avec l'allocation unifiée.

Et le fait aussi de maintenir la coupure pour le partage du logement avec les pénalités. On a donné un exemple aujourd'hui qu'il y a des gens qui pourraient se retrouver avec 100 $ en poche. Ça revient peut-être à votre pensée tantôt de dire qu'il y a des mesures tellement appauvrissantes dans cette proposition gouvernementale que ça va mener au décrochage, ça va mener à la délinquance et ça peut mener à d'autres maux encore plus graves que ce qu'on peut voir actuellement dans notre société. Et puis quand on se gargarise de dire qu'actuellement, au Québec, la violence, le taux de violence n'est pas à la hausse, il ne faut pas oublier que le taux de suicide, lui, est à la hausse.

J'aimerais revenir à la page six, vous poser une question au point 3.3: Comment vivre avec 500 $ par mois. Moi, très sincèrement, je vous rends honneur parce que, vraiment, je ne sais pas comment vous faites. Puis là je vous le dis très sincèrement: je ne sais pas comment vous faites. Quand on regarde, à part de ça, tout ce qui s'est passé au cours des 18 derniers mois au niveau de l'appauvrissement, le gouvernement s'est acharné sur les prestataires de l'aide sociale: l'allocation au logement; la loi n° 115 qui est allée récupérer près de 145 000 000 $ dans les poches vides des prestataires de l'aide sociale; l'accès restreint avec la nouvelle mesure des avoirs liquides, d'arriver avec rien en poche. Zéro dans votre compte de banque pour aller faire une demande d'aide sociale, l'aide de dernier recours. Dénuement total. Ça, c'est dans loi n° 115. Il y a tous les efforts aussi, l'effort inhumain qui est demandé aux prestataires de l'aide sociale de faire une contribution financière pour se procurer leurs médicaments avec le nouveau système d'assurance-médicaments.

On nous dit: Cette fois-ci, avec la réforme, il y a les besoins essentiels. Il y a un tableau dans le document qui dit que pour les besoins essentiels reconnus pour 1996, tout ce qui touche l'alimentation, le logement, l'entretien, pour une personne seule, c'est environ 667 $. On nous dit dans le livre vert: Les gens pourront compenser avec les revenus de travail permis pour arriver à essayer d'aller chercher leurs besoins essentiels. Vous, qui travaillez de très très près avec les prestataires de la sécurité du revenu, pensez-vous que c'est possible de combler cet écart-là avec des revenus de travail permis?

Mme Ciarlo (Micheline): Impossible, impossible, à moins qu'on choisisse la rue. Ce n'est pas compliqué. On n'a pas d'argent dans nos poches, nous autres. Ceux qui en ont, c'est ceux qui dirigent mal... ce qui se passe dans la rue...

Des voix: ...

Mme Loiselle: Pouvez-vous écouter!

Mme Ciarlo (Micheline): ...ou bien c'est les employeurs. Vous pensez souvent que c'est les assistés sociaux qui fraudent mais on le sait tout le monde que c'est tout le monde dans la société qui fraude. C'est sûr que, si vous empêchez des femmes puis des hommes de manger, ils vont être obligés d'embarquer dans l'idée des autres. Ce qu'on essaie de vous faire comprendre aujourd'hui, c'est qu'on voudrait embarquer avec nous si vous embarquez aussi. Sinon...

M. Hamel (Philippe): Est-ce qu'on peut-être demander à Denis, qui vit en permanence avec des personnes qui, pendant des fois des mois, se sont retrouvées sans revenu, de dire simplement un ou deux éléments par rapport à ça?

M. Roberge (Denis): Oui. Je suis d'accord avec ce que vous avez mentionné. Puis, nous autres, on soupçonne qu'en arrière de ça – Mme Harel l'a dit aussi – c'est une question de budget. Nous autres aussi, c'est une question de budget à 500 $ par mois, là. On aurait peut-être une bataille à faire avec le gouvernement pour aller chercher plus d'argent. Il y a eu des problèmes fédéraux qui ont dumpé, qui ont fait du dumping, puis là tout le monde fait du dumping. Nous autres, on a de la misère à en faire sur le dos des autres, là. Il n'en reste pas épais, là, à dumper.

Ici, ça va assez bien, on n'a pas de trouble. Moi, je n'ai pas de trouble ici, je suis assez riche. Vous autres aussi, là, vous n'avez pas de trouble avec votre loi; ça va assez bien. Même si l'opposition dit des si et des ça, ce n'est pas la grosse bagarre. Tout à l'heure, ça va l'être parce que c'est impensable, c'est impossible. Le premier gars qui va recevoir une punition de 150 $ à partir de 500 $... En tout cas, si c'est moi qui la reçoit, vous allez me connaître plus que vous me connaissez là. Ça n'a aucun sens. Je sais que ça ne sera pas moi, je suis trop vieux, là, mais... Je suis chanceux.

M. Hamel (Philippe): Je crois que ce qu'on a voulu dire à travers le document, c'est aussi qu'il faudrait faire attention. On n'a surtout pas dit qu'on voulait retourner en arrière. C'est clair qu'on reconnaît que dans l'esprit, dans les intentions il y a des procédés, des manières d'aborder les choses qui sont intéressantes: d'être considérés comme participants à la société, travailleurs, etc. La seule chose qu'on dit, c'est que si on veut être juste et équitable, il faut regarder ça au niveau des personnes. C'est clair – et c'est toutes les questions que vous avez vues dans le mémoire – que si on regarde réellement ce que vivent aujourd'hui les personnes, si on veut que des gens puissent retourner sur un parcours d'insertion, si on veut que les personnes soient considérées comme utiles et ne soient pas pénalisées, ça demande un accompagnement, une durée et une volonté de dire: Tu t'engages dans une démarche volontaire. Le seul fait de dire: Attention, si tu ne fais pas ce qu'on te dit quelque part ça va se passer de telle ou telle façon... Ce n'est pas ça qui est écrit, mais on sait très bien que c'est souvent comme ça que ça se passe. C'est très, très difficile pour des gens qui sont à l'écart de dire: On va avoir confiance dans les gens qui nous proposent. C'est ça qu'on veut dire.

Et, c'est vrai, quand on parle de revenu minimum, il faut quand même se dire que, si on n'a pas un minimum de sécurité pour s'engager dans un tel processus, c'est évident que la priorité des priorités, ce sera ce que les enfants vont pouvoir manger, c'est notre survie. S'engager dans un processus d'insertion, aller dans des lieux qui ne sont pas habituels, suivre une formation, etc., ça demande de prendre des risques et on n'a pas de résultats garantis au bout de six mois, mais est-ce que les enfants vont avoir à manger et est-ce qu'on va pouvoir les soutenir pour aller à l'école et qu'ils puissent grandir à peu près dignement? C'est ça aujourd'hui. Et, la formation, toutes les démarches sont très intéressantes peut-être, mais doivent tenir compte d'un minimum de sécurité. Si on n'a pas cette sécurité-là, c'est impossible.

Mme Loiselle: Merci. Je voudrais revenir aussi à une section qui me touche beaucoup dans votre mémoire, au sujet des mères monoparentales, des mères, finalement, parce qu'on a beaucoup parlé... Moi, je m'oppose beaucoup à ce qu'on enlève le libre choix aux mères avec des jeunes enfants, les mères monoparentales avec des jeunes enfants, à l'aide sociale, qu'on leur enlève le libre choix de décider d'élever leurs enfants, de rester quelques années à la maison et d'éduquer leurs enfants et qu'on les oblige, avec pénalité, à retourner dans un parcours individualisé d'insertion en emploi. Aujourd'hui, on me demandait, la ministre me demandait si mon opposition à ça était reliée au barème de non-disponibilité, qu'on retirerait le barème de non-disponibilité. Je lui disais que non, les deux ne sont pas attachés. Moi, je voyais le retrait du barème de non-disponibilité comme une mesure d'économie que le gouvernement fait sur le dos de ces femmes-là, mais que, pour moi, le libre choix, c'était important.

(21 heures)

Alors, j'aimerais peut-être lire la section où vous parlez des mères, parce que ça rejoint beaucoup ma pensée. Vous dites: «Beaucoup de mères souhaitent avoir les moyens de retourner sur le marché du travail, mais pourquoi en faire une obligation uniquement pour les mères de familles monoparentales sur l'aide sociale? Beaucoup d'adultes très pauvres considèrent leur enfant comme leur plus grande richesse, même s'ils sont souvent dépossédés de leur rôle de parents. Si les mères sont obligées de retourner sur le marché du travail lorsque leur enfant aura atteint l'âge de deux ans, elles auront le sentiment qu'on les juge incapables d'assumer l'éducation de leur enfant et que d'autres devaient prendre le relais.» Aujourd'hui, le Conseil du statut de la femme nous disait justement que, d'après les statistiques, les mères de familles monoparentales à l'aide sociale participent de façon relativement importante aux mesures de développement de l'employabilité, davantage que les mères de familles biparentales et que l'ensemble des aptes au travail.

Alors, moi, ce que dis à Mme la ministre et au gouvernement, c'est de retirer pour les mères de familles monoparentales cette obligation, avec pénalité, d'aller à un parcours, de laisser sur la base du volontariat et de remettre le barème de non disponible. J'aimerais vous entendre sur ça.

Mme Hébert (Sylvie): Par rapport à ça, au nom des femmes que, moi, je connais qui vivent cette situation, ou qui l'ont vécue quand leur enfant est arrivé à cinq ans, six ans, d'être obligées d'aller chercher du travail, sinon elles sont coupées, que je vois ces autres femmes qui ont aujourd'hui des jeunes enfants et qui ont envie, oui, de le faire, le trip de mères à la maison, je dis: Pourquoi les femmes qui ont de l'argent, elles, peuvent faire ce trip et pas les femmes qui n'ont pas d'argent? Être mère, c'est être mère. On entend de beaux discours sur la dénatalité au Québec, et parce que, nous autres, on veut faire des enfants, on n'a pas le droit ou on n'a pas le droit de s'en occuper. Ce que, moi, j'ai entendu, c'est: On va faire un enfant aux deux ans – ça va augmenter la natalité, peut-être – pour rester à la maison, parce qu'il faut faire le trip d'être mères aussi.

Je vois aussi ces mères qui se sentent tellement dévalorisées dans leur rôle de mères. Même si elles restent à la maison, elles se sentent comme pas capables – ou elles sont le reflet des autres – de montrer à leurs enfants comment dessiner, comment écrire, comment faire ci, comment faire ça, alors que, elles, elles peuvent le faire. Elles se font toujours dire: Ah non! Il faut que tu ailles suivre un cours pour être capable de montrer ça à ton enfant; il faut que tu ailles voir des sessions de formation de parents efficaces, etc., alors que ces mères ont peut-être juste besoin d'être valorisées en tant qu'êtres humains.

Le fait d'aller mettre son enfant en service de garde à deux ans, ce n'est pas mauvais en soi pour ces femmes si elles sentent que c'est bon aussi pour leur enfant. Souvent, elles le voient comme si on leur disait: Tu n'es pas une bonne mère, on le met en service de garde, eux autres vont savoir l'élever, toi, bien, trouve-toi une job. C'est là où ces mères ne peuvent pas accepter non plus. Je pense qu'aucune des personnes ici ce soir n'aimerait se faire dire: Tu n'es pas une bonne mère, moi, je vais l'élever à ta place, ton enfant. Personne ne peut accepter ça. Des mauvaises mères, il y en a partout, hein, on ne se le cache pas; il y en a dans tous les milieux. Chez les gens pauvres, il n'y en a pas plus et pas moins qu'ailleurs. C'est la même chose. On veut avoir cette possibilité de choisir, oui, d'élever nos enfants à la maison, mais de les élever en ayant la possibilité de leur donner trois repas par jour, d'acheter du papier construction et de beaux crayons feutres aussi qui vont nous permettre de leur donner ce plaisir de jouer et de développer – les psychologues le disent – toute la motricité, pour qu'ils soient capables, quand ils vont arriver à l'école, de savoir tenir un crayon, de savoir faire leurs boucles, de savoir faire la même chose qu'un enfant dans les écoles dites pour les riches.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Beauregard, vous aviez des commentaires additionnels?

M. Beauregard (Marcel): Oui. Je vais un petit peu dans le même sens. Je pense que la mesure, par exemple, de garderies à 5 $ n'est sûrement pas une mauvaise mesure en soi. Maintenant, derrière tout ça, il faut voir qu'on arrive avec des décisions. Quelle est la possibilité pour le parent de choisir? Je pense qu'il y a toute une question de relation de confiance. C'est un peu la même chose pour les autres éléments. Si on dit: Bien, si tu ne t'embarques pas ou si tu échoues dans un parcours d'insertion, tu as une coupure. Il y a comme là un aspect punitif.

Et même au niveau financier – c'est peut-être une autre interrogation que je me pose – une mère de famille avec deux enfants qui enverrait ses deux enfants à la garderie durant cinq jours, est-ce que c'est la même chose pour le deuxième enfant? Donc, 5 $, donc 10 $, 50 $ par semaine, 200 $ par mois. Et si elle se fait couper son 100 $ en plus. Donc, elle pourrait dire: Je veux profiter de cette mesure-là, mais je n'ai pas de travail. Et ça, j'ai l'impression qu'on va en rencontrer énormément qui, même après avoir suivi un parcours d'insertion, vont continuer d'être pénalisés de 100 $ mais ne se seront pas trouvé d'emploi. Même s'il existe une garderie à 5 $, ce n'est pas parce que la garderie à 5 $ existe qu'il est possible de trouver un emploi.

Derrière tout ça, moi, c'est aussi la manière de faire, le fait de dire: On a des catégories de citoyens, on pénalise en partant. Avant d'être assuré que la personne va se trouver un emploi, la pénalisation, elle est prévue, peu importe que la mère se trouve de l'emploi ou non. À ce moment-là, si on dit: Bien, oui, mais elle peut envoyer son enfant à la garderie. Bien, elle ne l'enverra pas si elle a des coûts de 200 $ par mois si elle a deux enfants ou de 100 $ par mois si elle en a un. Alors, pour moi, il y a donc une question d'incitation. Je pense que les parents peuvent en arriver à savoir ce qui est bon pour leur enfant. Puis, encore une fois, la garderie à 5 $, ça peut être excellent parce les parents souhaitent le meilleur pour leurs enfants. Mais si c'est vu comme une obligation... Et, actuellement, ça risque d'être perçu comme ça, de dire: Pour vous autres, la solution, elle est là, trouvez-vous de la job. Alors, là, ça risque de fausser peut-être, par la manière de faire, les objectifs positifs, réels à cette loi. De la même façon, le parcours d'insertion pour les jeunes – je ne veux pas me répéter – là encore, on risque de fausser tout l'aspect positif, parce qu'on a un sentiment que l'espèce de respect de base, il n'est pas là, tu sais, si tu n'embarques pas...

La grande crainte derrière tout ça – je pense qu'on l'a mentionné à quelques reprises, mais, moi, j'ai le goût d'y revenir – c'est la manière que tout ça va être géré. Ce n'est pas simple, hein. Entre deux agents, il y en a un qui peut être plus ouvert, plus compréhensif, puis avant d'en arriver à donner une coupure de 150 $, bien, ça peut prendre beaucoup plus de temps. Il y en a qui sont excédés, fatigués aussi – il y en a chez les assistés sociaux, mais il y en a aussi chez les fonctionnaires – qui peuvent être beaucoup rapides plus sur le couperet. Et ça, ça existe. Tout le monde le sait que ça existe. Les gens les connaissent, à un moment donné: Il y a tel fonctionnaire, lui, j'espère que ce n'est pas lui que tu as parce que, moi, c'est lui que j'ai. Alors, quels mécanismes de recours, quels mécanismes de protection les gens vont avoir? Ça risque d'être discriminatoire. Et comment faire pour solutionner ça?

Alors, moi, c'est donc toute l'approche, cette approche qui doit être à la base positive et respectueuse des gens. Et qu'il y ait le libre choix. Qu'on encourage, qu'on stimule, mais que les gens y aillent parce qu'ils y croient, pas parce que, s'ils n'y vont pas, ils seront punis.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Hamel (Philippe): Une des choses, très, très courte que je voulais dire – on l'a dit tout à l'heure dans la présentation: Est-ce que ce n'est pas plus facile et plus réaliste de procéder par étapes? Et là, on pense à l'image que les gens peuvent avoir. Si, près de chez soi, quelqu'un a réussi un parcours d'insertion, a réussi à se trouver une job, il est dans son milieu un signe que les choses peuvent changer. Et ça, de pouvoir évaluer par étapes, avec expérimentation, que les choses sont possibles, de pouvoir faire des ajustements avec les gens, cette manière de procéder introduira l'idée que c'est possible. Pour que les gens réellement embarquent, se sentent fiers et soient en confiance dans le processus, c'est très, très important que les choses soient faites par étapes. Si les choses sont faites très globalement alors que les budgets, alors que les gens ne sont pas nécessairement prêts et formés, les préjugés ne vont pas changer du jour au lendemain. Ça fait quand même énormément de facteurs à gérer pour pouvoir bâtir une réforme qui est ambitieuse, mais qui, en arrière de ça... Ce n'est pas évident du tout que les personnes qui sont les plus exclues puissent trouver vraiment leur place.

Mme Loiselle: Un dernier point que j'aimerais discuter. Vous parlez, au niveau des paiements, du versement préautorisé pour les paiements, pour le loyer. Mais j'aimerais attirer votre attention sur le fait qu'on pourrait... Ce qu'on propose, dans le document, c'est, pour les mauvais payeurs, qu'on puisse conférer un pouvoir d'ordonnance à la Régie du logement qui, de concert avec le ministère de la Sécurité du revenu, irait chercher la portion loyer sur le chèque d'aide sociale. J'aimerais vous entendre sur ça.

Mme Ciarlo (Micheline): Ça me fait plaisir de te répondre, parce que je peux te dire que ce n'est pas qu'on ne paie pas notre loyer parce qu'on ne veut pas payer notre loyer, c'est souvent qu'on arrive dans des places, des situations où le logement n'est pas convenable. On n'a pas les moyens d'aller à la Régie du logement. Ça fait qu'on essaie de discuter à long terme avec ces propriétaires-là... Puis, entre parenthèses, il y en a qui ont même des maisons neuves, ils nous font rentrer dedans, puis ce n'est jamais fini. On paie des prix exorbitants sur notre chèque de loyer pour vivre dans des logements de même, puis, au bout de ça, bien, on ne peut pas se défendre. On n'arrive pas à se payer des assurances, on n'arrive pas à avoir l'argent pour aller à la Régie du logement non plus, ça fait qu'on se retrouve dans une situation comme ça. Ce n'est pas nécessairement les propriétaires qui ont des beaux logements qui les réparent. Ça, ce n'est pas vraiment évident. J'aimerais savoir combien il y en a qui gagnent, à la Régie, et combien il y en a qui perdent.

(21 h 10)

M. Beauregard (Marcel): À la page 24 du résumé du livre vert, j'avais souligné cette partie-là en jaune, parce que, moi, elle m'a beaucoup frappé, en ce sens que j'ai eu un sentiment personnel – je n'ai pas fait de consultation – qu'il s'agit là d'un paragraphe sûrement discriminatoire. Naturellement, il faudrait faire vérifier au niveau de la Commission des droits de la personne. Quand on dit: «Est aussi envisagé, de concert avec le ministre des Affaires municipales, de conférer – ce que vous venez de mentionner – à la Régie du logement du Québec un pouvoir d'ordonnance lui permettant d'enjoindre le ministre de la Sécurité du revenu de verser directement...» Alors, moi, j'ai le sentiment que, si on le fait au niveau des assistés sociaux, on en constitue une catégorie. Est-ce qu'on le ferait au niveau des petits salariés? Est-ce qu'on irait voir l'employeur du petit salarié, en disant: On ne reçoit pas le paiement de notre loyer, donc on va prendre à même... on demande à l'employeur d'envoyer directement l'argent au propriétaire. Alors, moi, j'ai le sentiment...

Très récemment, il y a deux ou trois semaines, au niveau du Tribunal des droits de la personne, il y a eu un cas où on a parlé de l'aspect discriminatoire face à un assisté social qui avait travaillé au niveau d'un stage en milieu de travail, et le Tribunal lui a donné raison. J'ai l'impression qu'on est face, un peu, à un même genre de situation, où le fait d'être assisté social constitue l'appartenance à une catégorie. Il y a là, à mon sens, carrément discrimination. Je ne veux pas me prononcer sur le fait qu'il y en a plus chez les assistés sociaux ou qu'il y en a moins, mais sur le fait qu'on a un facteur de discrimination, puisqu'il y a aussi, sûrement, des chômeurs, des retraités et des petits salariés.

Moi, j'ai vécu quelque chose où c'était quelqu'un qui avait de l'argent, qui était président de compagnie, à qui j'avais sous-loué. J'étais rendu à l'extérieur du pays, puis il ne payait pas son loyer. Bien, je n'avais pas de possibilité, moi, de le saisir parce que c'était une sous-location. Donc, enfin, je m'interroge beaucoup sur cet aspect-là.

Mme Loiselle: Quelqu'un soulevait aussi l'idée que ce que ça pourrait développer si on allait de l'avant avec une telle proposition, c'est que ça deviendrait... Quelqu'un, un prestataire, va faire une demande pour un loyer, pour une location, automatiquement, le propriétaire serait tenté de demander le versement direct préautorisé. Ça deviendrait, finalement... Oui?

Mme Guénette (Gaétane): D'ailleurs, c'est une des questions que, nous autres, nous nous posons. Ce qui devient dangereux, c'est que tous les propriétaires vont exiger le paiement direct de tous les locataires qui vont louer un logement. C'est ça qui fait peur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça termine, malheureusement, notre rencontre. Un dernier commentaire, madame? Je vais vous accorder ça.

Mme Ciarlo (Micheline): C'est quoi un mauvais payeur de loyer? C'est ça que je me posais comme question. Celui qui a décidé de ne pas payer son loyer au propriétaire, c'est peut-être parce qu'il vit des situations face à ça. Tout le monde essaie d'arriver à payer son loyer comme il peut. Parce qu'il y en a qui sont, entre parenthèses, sur l'aide sociale, mais ils reçoivent de l'aide sociale, de la CSST, du programme APPORT, puis ils sont rémunérés. Comment vous voulez que cette personne-là réussisse à payer son loyer le premier du mois si elle reçoit de l'argent à toutes les semaines dans le mois pour arriver? C'est impossible.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Malheureusement, ça termine cette rencontre. Au nom de tous les membres de la commission, merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire et le travail qui vous y avez mis.

J'invite maintenant les représentantes et représentants du Conseil québécois de la recherche sociale à se présenter.

Alors, nous recommençons nos travaux. Je vous invite, je pense, M. Renaud, à présenter les gens qui vous accompagnent, avec les titres, et vous pouvez débuter votre présentation de 20 minutes.


Conseil québécois de la recherche sociale (CQRS)

M. Renaud (Marc): Parfait. Mme Harel, mesdames, messieurs, bonsoir. Je vais commencer par présenter les gens par ma droite. Pour commencer, Guy Lacroix, qui est professeur en économie à l'Université Laval. Guy est l'un de nos meilleurs experts, de réputation internationale, sur les grandes banques de données en matière de chômage, de travail au noir, d'aide sociale, de sécurité du revenu.

Immédiatement à ma droite, Suzanne D'Annunzio, directrice du Conseil québécois de la recherche sociale. Elle était antécédemment directrice de l'évaluation au ministère de la Santé et des Services sociaux. À ma gauche, Alain Noël – je pense que je n'ai pas besoin de vous le présenter parce qu'il a passé une partie de l'après-midi avec vous hier – professeur de science politique à l'Université de Montréal et spécialiste des études comparées, en particulier dans le domaine des transferts de sécurité du revenu. À sa gauche, Deena White, professeure de sociologie à l'Université de Montréal. Deena est une spécialiste des politiques dans le domaine de la santé mentale qui, depuis quelque temps, s'intéresse aux questions de sécurité du revenu.

À l'autre bout, Céline Mercier, professeure au Département de psychiatrie de l'Université McGill. Céline est une de nos meilleures expertes au Québec en matière de recherche évaluative. Elle a travaillé beaucoup dans le domaine de la santé mentale, de l'itinérance et de la réadaptation en emploi.

Voilà donc les gens qui font la présentation. Mais il y a d'autres gens qui nous accompagnent que je voudrais vous présenter. Je ne sais pas s'ils sont là. Christian Dagenais, qui est un des boursiers, étudiant du CQRS au département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal. D'ailleurs, Christian est celui qui a poussé le crayon pour le mémoire pour la plus longue période.

Finalement, il y a toute sorte de monde du CQRF: Charlotte Poirier, Lise Legros, Nicole Roy, que je vous présente également.

Ce que j'aimerais faire avec vous très rapidement... J'ai la mauvaise habitude – M. le Président, vous me corrigerez si je dépasse mon temps – d'être trop long. Je suis un professeur d'université, moi, quand on part, on part.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le président commence à connaître ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Renaud (Marc): Ce que j'aimerais faire, c'est de vous lire certains passages du mémoire – pas tout, parce que vous avez sans doute eu l'occasion de le regarder – qui me semblent plus importants. Mais, avant de faire ça, il me semblerait important de bien expliquer pourquoi nous avons décidé de nous présenter ici.

Vous avez pu le remarquer. On est des chercheurs, au fond, de disciplines très différentes les unes des autres, de quatre universités. Plusieurs d'entre nous d'ailleurs ne nous connaissions même pas avant de se mettre à écrire ce mémoire. Plusieurs d'entre nous également ne sommes pas des experts en matière de sécurité du revenu. Ce qui nous unit, ce qui nous a mobilisés à travailler ensemble autour de ce mémoire, c'est la conviction extrêmement profonde qu'on a que la recherche, c'est vraiment une clé de l'avenir, et plus spécifiquement que la recherche sociale peut contribuer de manière extrêmement concrète, extrêmement utile, au développement de notre pays.

Autant, vous savez, la recherche en science naturelle, en génie, en biomédecine nous aide à développer des technologies, à conquérir des parts de marché, à assurer notre niveau de vie, à assurer la compétitivité, autant la recherche sociale est fondamentale, parce que c'est un des outils tout au moins qui permet l'évolution des institutions et l'adaptation des institutions aux conjonctures nouvelles. Ça, c'est notre conviction extrêmement profonde et ce qui, au point de départ, nous a mobilisés à venir ici.

Plus concrètement, ce qui nous a amenés, c'est l'évolution du Conseil québécois de la recherche sociale, que je préside jusqu'au mois de juin. J'achève. Je suis aussi professeur de sociologie à l'Université de Montréal.

(21 h 20)

Ce Conseil est un conseil qui a été créé en 1979 dans la foulée des réformes de la santé pour, au fond, dire: Au Québec, est-ce qu'on ne pourrait pas utiliser la recherche de nos universitaires de la manière la plus utile possible? Le défi, donc, qu'on a au Conseil, c'est d'essayer de mobiliser les chercheurs de sciences humaines et sociales pour qu'ils fassent de la recherche qui soit utile. Nous, on appelle ça faire de la R & D sociale.

Quand, moi, j'ai pris la présidence de ce Conseil-là, il y a maintenant cinq ans, on m'a conseillé d'adopter la politique de santé et de bien-être comme toile de fond des activités du Conseil. La politique de santé et de bien-être – je devrais vous en dire un mot, Mme Harel, vous allez sans doute vous en rappeler – c'était une idée qui a été faite par le ministre Côté mais appuyée par l'ensemble du gouvernement libéral de l'époque. Et ça avait été fait parce qu'on disait à M. Côté, précisément en commission parlementaire: Pourquoi on fait tant de réformes de structures? Donnez-nous un peu des objectifs. Où est-ce qu'on veut aller avec toutes ces réformes-là? Donc, la politique de santé et de bien-être avait dit, au fond: Le MSSS, c'est le ministère des conséquences. Il s'occupe des gens quand ils sont malades puis quand ils ont des problèmes sociaux, mais la recherche que finance le MSSS devrait, elle, s'intéresser aux déterminants de la santé et aux déterminants du bien-être. Donc, ce qui est bien en amont des problèmes.

Donc, on nous a dit, au CQRS: Arrêtez d'étudier juste les clientèles de malades, etc., et remontez en arrière. Essayez de stimuler la recherche à l'extérieur, sur les causes des problèmes. Donc, ça nous a amenés à financer des projets de recherche sur le travail, sur l'école, sur les milieux de vie, sur les jeunes, sur les personnes âgées, etc. D'ailleurs, cette année, on finance au moins 1 000 000 $ en projets de recherche dans le domaine de la sécurité du revenu, de l'insertion professionnelle et de la réadaptation au travail.

Ça nous a amenés aussi, cette politique-là, à développer des actions concertées avec toutes sortes d'organismes: la Société de l'assurance automobile, le Conseil scolaire de Montréal et le ministère de la Sécurité du revenu. D'ailleurs, Deena et Guy sont les récipiendaires des subventions de cette action concertée.

On dépose très bientôt un plan triennal où on s'est dit: C'est important de valoriser la recherche et on va profiter de toutes les tribunes qui se présentent à nous pour pouvoir le faire.

Dans le cas présent, je pense que le titre de notre mémoire résume bien ce qu'on a à dire. Et ce qu'on dit, comme titre: «Pour optimiser l'impact de la réforme: joindre nos efforts d'évaluation». Ce qu'on veut dire par joindre nos efforts d'évaluation, c'est joindre les efforts de la recherche interne du ministère avec ce qu'il y a comme masse critique en recherche externe possible pour les questions d'emploi et d'insertion professionnelle.

Vous savez, au Québec, il y a 45 % de nos professeurs d'université qui sont des spécialistes en recherche sociale. Ça représente 3 500 personnes. C'est une énorme masse critique. Nous, ce qu'on souhaite, au CQRS, c'est de les mobiliser pour que cette masse critique, cette matière grise aide au développement du Québec.

Soyons bien clairs. On n'est pas ici pour vous vendre le CQRS comme modèle – bien que, nous, évidemment, on pense que c'est un modèle qui a fait ses preuves – on est ici pour vendre l'idée de la recherche. On n'est pas ici non plus – ça va peut-être vous sembler paradoxal – pour parler d'argent. Il me semble que c'est trop tôt pour parler d'argent. On est tous conscients que le Québec est en train de traverser un tunnel, budgétairement parlant, et, pendant qu'on est dans le tunnel, il faut que tout le monde se penche la tête, que les accroissements subits de revenus ne se produiront pas facilement.

Par contre, ce qu'on se dit, nous, au Conseil, et les chercheurs qui nous entourent, c'est que, si on veut arriver un jour à se doter d'une société encore meilleure qu'aujourd'hui, il faut, pendant qu'on est dans le tunnel, se mettre à réfléchir pour l'avenir. Donc, ce dont on aimerait vous convaincre, c'est qu'il faudrait associer cette réforme à une programmation de recherche qui permettrait au Québec de faire un suivi serré de l'évolution de cette réforme qui est, reconnaissons-le, une réforme extrêmement difficile et complexe. On n'est donc pas ici pour – et là, je rentre dans le coeur du mémoire – nous prononcer sur le fond de la réforme, mais plutôt pour exprimer le souhait d'associer cette réforme à une démarche qui permette d'en assurer un suivi évaluatif serré, sur la base d'un programme de recherche bien défini, concerté, ouvert aux apports de la recherche scientifique indépendante et complémentaire à la recherche interne du ministère de la Sécurité du Revenu. Nous croyons qu'il faut suivre à la trace les impacts réels des mesures introduites par la réforme pour procéder, le cas échéant, au «fine tuning», aux ajustements qui pourraient être nécessaires. On pense, nous, qu'un programme concerté de recherche évaluative constitue le principal outil qui pourrait permettre de témoigner de la qualité, de l'efficacité, de la pertinence et de l'impact de cette réforme.

Le mémoire a quatre parties. Encore une fois, je ne lirai pas tout. La première partie, c'est des considérations générales mais importantes sur les politiques de transfert du revenu, ici et ailleurs dans le monde. La seconde partie explique un peu notre perception de l'importance de la recherche sociale pour le devenir de notre pays. La troisième parle brièvement du genre d'initiative que le Conseil québécois de la recherche sociale essaie de mettre de l'avant et, finalement, la quatrième partie est une première esquisse encore un peu vague de ce que pourrait être un programme de recherche associé à cette réforme.

Le premier point: les politiques de transfert du revenu. On vit dans une société qui est en très profonde mutation, à un point tel que les intellectuels les plus prestigieux de la planète soutiennent que nos sociétés sont dans un état de vulnérabilité qui fait beaucoup penser au début de l'industrialisation au XIXe siècle.

Comme le souligne un sociologue allemand du nom de Ralf Dahrendorf, qui a aussi été ministre des Finances sous Willy Brandt et président du London School of Economics, les pays développés sont aujourd'hui confrontés au défi colossal d'arriver à trouver un équilibre entre la création de richesse, la compétitivité, etc., la cohésion sociale, donc les transferts de revenu et le partage de la richesse, et la liberté politique. Dans ce contexte d'équilibre forcément précaire, la plupart des sociétés expérimentent des mesures afin de contrer la progression des inégalités sociales et d'améliorer la situation des plus défavorisés.

Jusqu'à présent, au Québec, on ne s'en est pas trop mal sorti. Les programmes de transfert ou de soutien du revenu ont assez bien compensé la tendance au marché du travail à voir les inégalités s'accroître. Les données statistiques de 1994 montrent, au Canada, l'importance de ces transferts. Et c'est des chiffres absolument renversants. Moi, je les ai fait vérifier trois fois par Statistique Canada pour être sûr que c'était vrai. C'est incroyable.

Avant impôts, avant taxation, l'écart entre le quintil le plus riche et le quintil le plus pauvre est de 22 fois. En d'autres mots, si on est en haut de la hiérarchie, on fait 22 fois plus d'argent qu'en bas. Après impôts et transferts, l'écart est réduit à cinq. Le problème cependant, c'est que les gens se disent, et en particulier les gens qui suivent l'évolution des tendances, c'est qu'actuellement on constate – c'est incontestable, on pensait que c'était juste aux États-Unis, mais c'est aussi vrai ici – un élargissement des écarts. Les gens disent: Le filet de sécurité sociale, il ne tiendra pas le coup. Par conséquent, il faut vraiment avoir l'oeil sur les politiques de transfert de revenu.

Nous sommes tous d'accord sur la nécessité et l'urgence de réformer la sécurité du revenu. Nous croyons que des mesures telles que l'allocation unifiée pour enfants, l'assurance-médicaments, des services de garde et des services à la petite enfance plus adéquats, de même que des ressources intégrées pour les personnes sans emploi vont contribuer à briser les barrières entre les prestataires de la sécurité du revenu, les autres personnes en recherche d'emploi et les travailleurs. Ces mesures, comme va bientôt le montrer, mardi soir, le Forum national sur la santé, à Ottawa, vont aussi, sans doute, conduire à améliorer la santé des Québécois. Mais, pour réussir cette réforme, il nous semble absolument capital de l'accompagner d'un examen extrêmement minutieux, suivi, serré.

Le deuxième point du mémoire, c'est l'importance de la recherche sociale et de la recherche évaluative en particulier. Je n'ai pas le temps de tout lire. Mes collègues me font signe que je suis déjà trop lent et qu'il faut que...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il reste 10 minutes.

M. Renaud (Marc): Il me reste 10 minutes. D'accord. Ce qu'on essaie d'expliquer là-dedans, fondamentalement, c'est que la recherche peut et doit être un outil de changement social et doit contribuer à déterminer des solutions novatrices.

On sait, après avoir lu votre propre document, que le ministère de la Sécurité du revenu, à la page 52 en particulier, c'est clair, est tout à fait convaincu de la pertinence de telles études. Le problème cependant vient de ce que le ministère ne peut pas, à lui seul et de façon isolée, faire toute la recherche. Il doit miser sur les ressources et sur l'expertise de l'ensemble de la communauté scientifique intéressée par l'emploi, le travail, la formation professionnelle et l'aide sociale.

Je n'ai pas le temps de l'élaborer. On peut l'élaborer pendant la discussion, mais la recherche, on peut en faire la preuve, a toutes sortes de conséquences et toutes sortes d'impacts. D'ailleurs, la recherche évaluative est maintenant reconnue un peu partout à travers le monde comme une démarche essentielle pour arriver à guider les réformes. Vous savez, aux États-Unis, la loi de 1988 – comment ça s'appelle, – Family Support Act, a été introduite avec l'obligation de soumettre régulièrement la réforme à évaluation. Le ministre fédéral des ressources humaines, quand il a introduit le bill C-12 sur l'assurance-emploi, a aussi prévu que ces programmes-là seraient soumis régulièrement à évaluation. Pour nous, c'est quelque chose d'extrêmement important, pas pour valoriser les chercheurs ou pour leur donner plus de revenus, ce n'est pas ça qui est la question, mais pour arriver à bien guider cette réforme extrêmement compliquée de l'associer à de la recherche.

Il y a un éclaircissement qui s'impose ici cependant entre le rôle respectif de la recherche qu'on appelle la recherche interne, qui se fait, disons, à l'intérieur du ministère, et la recherche externe, celle qui peut se faire dans les universités ou qui peut se faire dans les compagnies privées. À nos yeux, chacune de ces démarches-là est importante parce que chacune répond à des finalités différentes et complémentaires. La finalité de la recherche interne, c'est de développer des outils d'aide à la décision; quant à la recherche externe, son but premier, c'est le développement des connaissances. Chacune fonctionne suivant des logiques distinctes. L'univers de la recherche externe est régi par l'évaluation par les pairs. En d'autres mots, pour avoir des fonds, il faut compétitionner, il faut que vos collègues vous examinent, disent que c'est bon ou pas bon, vous êtes hiérarchisé, et ainsi de suite. Et vous êtes obligé également de publier dans les meilleures revues, d'avoir une présence internationale, autrement les patates sont cuites: vous n'aurez pas vos subventions. La recherche interne, elle, répond à une autre logique. Elle répond à la logique politique d'action. Et la recherche interne, c'est un outil fondamental à la décision. Donc, on est devant deux univers différents, et notre plaidoyer, c'est de dire qu'il faut arriver absolument à les arc-bouter les uns avec les autres.

(21 h 30)

Évidemment, chacun a ses effets pervers. La recherche externe est une recherche qui peut comporter le risque d'être un peu déconnectée, comme les Québécois le disent, de faire du pelletage de nuages. Mais, à mon avis, c'est moins souvent le cas que ce qu'on dit. La recherche interne, elle, à l'inverse, peut s'enfermer dans le mimétisme bureaucratique, parce qu'elle n'est pas soumise à la compétition et à l'obligation de publication. Donc, on est devant deux univers, et notre plaidoyer, c'est qu'il faut arriver à trouver le moyen de les unir les uns avec les autres.

On a toutes sortes d'exemples de ça. Les compagnies pharmaceutiques qui ont le mieux réussi sont celles qui l'ont fait; Les ministères les plus performants à travers le monde sont ceux qui réussissent à le faire. Et, nous, notre souhait le plus ardent, c'est qu'on arrive à le faire également dans le domaine de l'aide sociale, de la sécurité du revenu et de l'insertion professionnelle.

Je voulais vous parler du modèle CQRS et de son impact. Je n'ai malheureusement pas le temps d'aller dans les détails. Ce qu'on a essayé de faire au Québec, avec le CQRS, c'est d'amener les chercheurs en interface plus directe, en partenariat plus direct avec les intervenants dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Ce qu'on a essayé de faire également, c'est de développer des actions concertées, comme je le disais tout à l'heure. Au fond, on a développé un certain nombre d'outils. On est une machine pour essayer de mobiliser la recherche externe, pour être capable de trier avec transparence entre les projets, suivant leur qualité. Également, on est une machine capable d'arriver à définir des appels d'offres, définir des programmations de recherche et d'amener les gens là-dessus. On pense que notre expérience est intéressante. S'il y a des gens parmi vous ou parmi les hauts fonctionnaires qui seraient intéressés à en parler, on est extrêmement ouverts.

Le dernier point de notre mémoire vise à commencer à parler d'un programme de recherche sur la sécurité du revenu, la réinsertion professionnelle et l'emploi. L'évaluation de la réforme de la sécurité du revenu requiert un programme de recherche intégré, à notre avis, qui devrait démarrer dès le lancement de la réforme. Ce programme devrait se pencher sur chacune des mesures adoptées dans le cadre de la réforme et en mesurer les effets sur les personnes, sur les familles, sur les communautés, sur les conseillers, sur les organisations, sur les institutions.

Il y a toutes sortes d'éléments qui doivent être retenus dans cette programmation de recherche là, qu'on explique dans le mémoire. On pense qu'il est important de faire de la recherche sur des grandes banques de données. On pense également qu'il est important de documenter des «success stories». On s'est fait raconter, en écrivant ce mémoire, que le RESO, dans le sud-ouest de Montréal, avait réussi à avoir un taux de succès incroyable de 80 % avec ses mesures d'insertion professionnelle, alors que la moyenne québécoise est de 40 %. C'est des choses qu'il faut absolument rechercher. Il faut comprendre ça. Il faut voir ce qu'il y a en arrière, pour généraliser les expériences heureuses.

On pense également, et on le présente dans le mémoire avec une série de points, qu'il y a une série d'actions ponctuelles qui devraient être faites. Relance I et II, c'est fondamental. Il faut bonifier; il faut aller plus loin. On pense également qu'il faut utiliser l'expertise internationale autour des grands suivis longitudinaux d'entrée et de sortie du marché du travail. On pense qu'il faut développer des études comparées entre pays, pour arriver à nous comprendre nous-mêmes. On pense qu'il faut faciliter l'accès aux banques de données aux chercheurs qui pourraient être intéressés, évidemment dans le respect de la loi sur la protection des renseignements personnels. Vous pourrez lire le mémoire pour le détail de tout ça. Mais, encore une fois, notre intention derrière tout ça, c'est de dire: Il faut que cette réforme-là s'appuie, s'arc-boute sur de la recherche.

Un autre point peut-être important: les provinces canadiennes, hormis le Québec, se préparent à mettre en oeuvre un vaste programme de recherche portant sur la dynamique de l'aide sociale. Elles vont mettre en commun tous leurs fichiers administratifs afin d'étudier les nombreuses facettes de la dynamique, dont la migration interprovinciale. Les avantages d'une telle stratégie sont immenses, puisque l'on crée en quelque sorte un immense laboratoire social, caractérisé par une grande diversité de conditions et de programmes. Il nous semble souhaitable, indépendamment de toutes considérations politiques, que le Québec en fasse partie. Moi, je m'en vais pour plusieurs mois à l'Union européenne parce que je suis fasciné de voir comment les Européens ont appris à mettre leurs choses ensemble, tout en se respectant les uns les autres, pour arriver à mieux comprendre puis mieux agir pour le futur. L'OCDE fait des travaux, l'Union européenne fait des travaux, il faut que le Québec soit partie de tout ça.

Je conclus. Oui, on est confrontés aujourd'hui à des changements majeurs et urgents. On croit qu'il faut accompagner ces changements-là d'un examen minutieux qui soit l'oeuvre conjointe des chercheurs internes au ministère de la Sécurité du revenu et des chercheurs universitaires avec leurs étudiants. Cet examen va assurer la population du Québec que les mesures mises en oeuvre provoquent les effets souhaités et il permettra de bien identifier les causes des changements observés. L'élaboration d'un programme de recherche concertée devrait, à notre avis, être une priorité à l'agenda du ministère. On est prêts à vous aider là-dedans.

On croit également qu'il serait souhaitable que le ministre titulaire de la Sécurité du revenu se sente l'obligation, à chaque année, de faire une espèce de grand discours, à l'Assemblée nationale, sur l'état de la nation en matière de transfert de revenus et de sécurité du revenu; que le ministre fasse ce discours-là en s'appuyant sur les données des recherches sur lesquelles il pourra être informé.

Ça nous semble important tout ça parce que, vu de l'extérieur, quand on le compare au secteur de la santé – que, moi, je connais bien – ce qui est frappant, c'est que le domaine de la sécurité du revenu est perçu comme le domaine des pauvres. Il y a des groupes d'intérêts là-dedans, mais c'est des groupes d'intérêts qui n'ont pas la puissance des médecins, des pharmaciens, des compagnies pharmaceutiques, etc. Donc, le ministre responsable de la sécurité du revenu n'est pas appelé à s'expliquer à toutes les 30 secondes comme le ministre de la Santé qui, lui, on l'attend au coin de la rue avec une brique et un fanal. Donc, il nous semble que, pour contrer cet effet de manque de puissance des groupes d'intérêts, le ministre devrait, à chaque année, avoir l'obligation de faire un grand discours sur l'état de la nation en matière de sécurité du revenu, en s'appuyant sur les travaux de recherche.

Voilà le message qu'on voulait vous donner, nous, au CQRS. On est prêts à vous aider. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci pour cette offre. Bienvenue à vous tous, et à vous en particulier, M. Renaud.

Alors donc, la recherche, c'est majeur. Ça l'est d'autant plus que, si tant est qu'il y ait eu un tel programme de recherche, ça nous aiderait, par exemple, dans ce débat sur la question de ce que certains appellent le libre choix, en fait, le libre choix des mères monoparentales d'être sur l'aide sociale pour élever leur enfant versus ce choix que les travailleuses, elles, n'ont pas, qui doivent retourner au travail souvent même sans congé de maternité.

Mais la question, finalement, qui est posée l'est peut-être dans un contexte d'abolition de barème, qui la détourne peut-être, d'une certaine façon, de son sens. Mais j'y reviendrai parce que, je pense, dans la série des recherches que vous formulez, aux pages 7 et 8 – vous le dites vous-même brièvement – il ne s'agit pas d'une programmation mais il s'agit aussi, dans ce que vous présentez, de sujets sur lesquels il y aurait lieu d'avoir un regard plus approfondi. Je pense, par exemple, à la question de la fusion des réseaux. Avez-vous idée que l'on s'en va un peu comme pour la fusion de la Banque Laurentienne avec Desjardins? Imaginez, on s'en va vers la fusion de réseaux qui sont des univers complètement différents entre la SQDM, le MSR, une partie des RHC.

Je pense à la question de la monoparentalité. Est-ce qu'on est un cas unique ou si c'est finalement répandu, le fait que les familles monoparentales se retrouvent sur les programmes d'aide sociale, dans les pays auxquels on peut se comparer? Je pense à l'absence du père, pas absence physique, mais absence totale. Depuis que je suis à ce ministère, il y a vraiment une question qui m'interpelle beaucoup, c'est celle de savoir qu'à peu près 37 % à 40 % des enfants à l'aide sociale n'ont pas de père. Je ne parle pas d'un père qui ne paie pas la pension alimentaire, ou d'un père qui ne les visite pas, ou qui ne s'en occupe pas, je parle d'enfants qui n'ont pas de père sur leur registre.

Dans la moyenne, j'ai fait sortir les chiffres du Bureau de la statistique du Québec, et on me dit, à chaque année, que c'est à peu près 5 % des enfants qui naissent de père inconnu, même si, au-delà de presque 48 %, il y a deux ans, les enfants naissaient de conjoints de fait. Mais les conjoints étaient connus; l'enfant avait un père et une mère, sauf dans 5 % des cas, alors que c'est 37 % selon les dernières vérifications à l'aide sociale. Il y a là un phénomène, nécessairement, qui est un phénomène de société important. Est-ce que c'est un choix? Est-ce qu'il est possible que le désir d'enfants, en dehors de la possibilité de l'actualiser dans un couple stable ou, enfin, dans une union de couple, se réalise de cette façon-là dans notre société?

(21 h 40)

En fait, c'est des questions auxquelles, moi, je n'ai pas de réponse mais qui me semblent pourtant extrêmement importantes. D'autant plus importantes que, dans la situation de rareté des ressources dans laquelle on est, on n'a plus vraiment les moyens de faire semblant, comme on n'a pas les moyens de faire semblant – moi, je considère ça comme ça – que c'est une bonne chose pour les enfants qu'ils restent avec leur mère chef de famille monoparentale à la maison. Parce que, quand je regarde les statistiques, je me rends compte qu'il y a là un risque tellement aggravé d'échec scolaire, de problème d'apprentissage ou de comportement, d'abandon scolaire, etc., que je me dis: Est-ce que peut-être la dynamique consiste à soutenir les mères? C'est peut-être ça, dans le fond, aussi, là. On fait peut-être faux bond en pensant mettre sur pied des structures, par exemple, de services de garde. C'est peut-être dans un programme très, très énergique de soutien parental que l'on pourrait peut-être penser que se trouve une solution pour améliorer le sort des enfants et des mères.

Alors, vous voyez que j'en ajoute, moi, à votre liste. Ha, ha, ha!

M. Renaud (Marc): Vous faites bien. C'est là-dessus qu'il faudrait arriver à s'entendre. Je vais juste prendre quelques illustrations pour vous montrer comment la recherche peut être utile.

Vous avez mentionné le problème de la monoparentalité. Quand on compare les pays à l'échelle de la planète on s'aperçoit que le Canada – il n'y a pas de statistiques propres au Québec mais ça doit être pareil – est au dernier rang, juste après les États-Unis. On a 45 % de nos familles monoparentales sous le seuil de la pauvreté. Par comparaison, c'est 15 % en France et 20 % en Grande-Bretagne. Qu'est-ce qu'on a fait de pas correct, là? Ça pose de maudites bonnes questions. Hein. Comment ça se fait? Qu'est-ce qu'on a fait dans nos politiques pour faire en sorte que la moitié des familles monoparentales soient sous le seuil de la pauvreté, que trois enfants sur cinq dans les familles monoparentales soient sous le seuil de la pauvreté? Trois sur cinq de nos enfants; un sur cinq en général. Donc, la recherche ne donne pas toutes les solutions évidemment, mais ça permet de poser les bonnes questions.

Mme Harel: C'est ça. M. Renaud, je vais vous en poser une tout de suite. En France et aux États-Unis, les familles monoparentales sont beaucoup moins nombreuses qu'ici. Pourquoi?

M. Renaud (Marc): Non, elles ne le sont pas tellement. Il y a un phénomène de société, mais les données...

Mme Harel: Elles le sont assez substantiellement. Aux États-Unis – je regardais les chiffres cet été – les familles monoparentales sont quasiment la moitié du nombre des familles monoparentales québécoises. Les enfants nés dans des unions de fait, aux États-Unis, c'était 33 %, et ça les inquiétait. On était rendus à 48 %. Alors, il y a des phénomènes qui sont différents.

M. Renaud (Marc): Oui. Le Québec jette le bébé avec l'eau du bain souvent, hein. Non, mais, c'est peut-être vrai, ça, mais le taux de divorce est identique entre les pays.

Mme Harel: Ah! Le taux de divorce est identique. Je pensais qu'on avait un problème de nuptialité plus grave que les autres. Alors, non.

M. Renaud (Marc): Bien, c'est à peu près pareil. Oui, vas-y, Alain.

M. Noël (Alain): Je pense qu'on a plus d'unions de fait, mais c'est des unions de fait qui sont des vraies unions quand même, là. Des gens vivent ensemble, c'est des familles avec deux parents qui ne sont simplement pas mariés.

Mme Harel: Oui, mais ça fait une grande différence. Vous voyez, par exemple, il y a, chaque mois, 400 demandes à l'aide sociale de chefs de familles monoparentales qui invoquent la perte d'un conjoint de fait, puis il y a 15 demandes à l'aide sociale, par mois, de chefs de familles qui invoquent la perte d'un époux, suite à la rupture dans les deux cas. Pourtant, comme vous le mentionnez, il y a quand même des divorces. Alors donc, le divorce entraîne moins à l'aide sociale que l'union de fait, que la rupture de l'union de fait. Vous comprenez? Il y a un phénomène là. Ceci étant dit, il y en a beaucoup d'autres phénomènes, mais je...

M. Renaud (Marc): Mais il y a un autre point que vous avez fait qui est important. Quand vous avez parlé de l'enfance, c'était une maudite bonne question, ça, hein. Est-ce qu'il faudrait stimuler des mères à rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants ou s'il faut les mettre dans des services de garde? Cette question-là, c'est une question qui peut avoir l'air idéologique, mais qui ne l'est pas du tout. Moi, la littérature qui me séduit par les temps qui courent, c'est la littérature en neurologie. Ce qu'on apprend, c'est que le cerveau d'un enfant ça se développe avant cinq ans. Pas pour des raisons à la Freud, là. Le filage entre les neurones, ça se produit avant cinq ans. Si vous êtes stimulé avant cinq ans, vous allez être capable de faire face à la musique de la vie par la suite; si vous ne l'êtes pas, vous avez un problème. La question, c'est: Dans le contexte actuel, quels sont les meilleurs mécanismes de stimulation? Est-ce que ce sont les programmes d'enrichissement préscolaires? Est-ce que c'est la présence de la mère à la maison? Ça, on ne le sait pas encore vraiment. Je ne sais pas si vous avez des commentaires.

Mme Harel: En tout cas, il y a un aspect extrêmement important que vous avez mentionné tantôt, c'est celui de la politique de transfert de revenus. N'eût été de cette politique de transfert de revenus, on n'a pas idée à quel point, au cours des 20 dernières années, les écarts se seraient accrus dans notre société. Il y a eu un excellent papier là-dessus, que j'ai fait circuler et distribuer à tous mes collègues, qui nous vient du Mouvement Desjardins, dans le cadre d'un de ses bulletins, qui fait un bilan à un moment donné, et les chiffres que vous nous donnez pour le Canada, c'est encore accentué pour le Québec en matière d'importance des transferts pour réduire les écarts.

Ceci dit, comment on fait? Vous avez tout à fait raison de mentionner que c'est finalement la question de l'exclusion qui va devenir de plus en plus au coeur des préoccupations... peut-être pas des préoccupations, mais des défis d'une société. Avant, c'était la question ouvrière, hein. On n'a pas idée de tout ce qui pouvait s'écrire sur la question ouvrière auparavant. Puis on voit très bien que l'antagonisme n'est plus entre les patrons et les syndicats. L'antagonisme est beaucoup plus entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Alors, c'est plus, disons, la question de l'exclusion avec, évidemment, en corollaire la question de comment fait-on pour... Je regardais l'étude qui est menée, à la page 6, par Mme White sur l'impact des réseaux sociaux sur l'insertion sociale et professionnelle des prestataires. Auparavant, on n'aurait jamais imaginé que l'insertion sociale et professionnelle des prestataires se faisait autrement que dans l'entreprise privée. Puis là, on est à réfléchir sur l'impact des réseaux sociaux qui, je comprends, auraient une influence – j'imagine que c'est votre postulat de base – sur l'insertion sociale et professionnelle.

Mme White (Deena): C'est ça. Nous savons déjà que, pour la plupart des personnes, les réseaux sociaux sont la manière dont ils trouvent des emplois, dont ils s'insèrent en emploi. Nous ne savons pas comment ça se joue au niveau des personnes assistées sociales, surtout que nous savons aussi qu'il y a un effritement des réseaux sociaux des personnes assistées sociales qui y restent longtemps. Alors, il y a des questions là-dedans, je pense, qui peuvent nous éclairer sur l'insertion en emploi de ce groupe de personnes par rapport aux autres.

Mme Harel: Écoutez, vous avez tellement raison. Je regardais à la page 7, l'expérience de RESO, n'est-ce pas, dans le sud-ouest de Montréal, ça devient quasi une question clé, aussi, dans la distribution budgétaire. Parce que des échos des milieux institutionnels nous disent: Ce n'est pas vrai, RESO, ça ne performe pas. En même temps, RESO dit: Regardez nos résultats, notre taux de succès est de 80 % en rattrapage scolaire comparativement à des taux de 40 % ailleurs. Finalement, il serait intéressant de valider ces chiffres-là, parce que, en même temps, ça nous permettrait de mieux nous instrumenter dans la voie où on devrait s'engager.

Cependant, il y a à la fois un paradoxe. Vous l'avez mentionné. Dans les ministères comme l'Éducation et la Santé, la relation des ministres, c'est avec des établissements, non pas avec des personnes. Un malade, ça n'appelle pas au cabinet du ministère de la Santé. Dites-vous bien qu'une personne en difficulté – il y en a aujourd'hui qui sont venues, puis on va s'occuper de leur cas individuel... Ça veut dire que la relation est immédiate avec un chômeur de Sainte-Anne-des-Monts qui avait fait une grève de la faim, qui ne pouvait pas acheter ses bottes de travail, même s'il y avait un programme PAIE, travail que son curé était prêt à lui donner pour faire nettoyer son cimetière. Comme le CTQ lui refusait ses bottes, bien, il m'a appelé. Alors, on est à ce niveau, si vous voulez, immédiat. C'est immédiat. Il n'y a pas d'établissements, il n'y a pas de régies régionales, il n'y a pas de commissions scolaires. Présentement, ça se joue à ce niveau-là. Donc, il faudrait peut-être penser à des recours. Il n'y a pas de recours non plus, il n'y a pas de commission arbitrale comme à l'assurance-chômage. Finalement, c'est un peu un domaine qui, pour un chercheur, j'imagine, est un terrain vierge. C'est encore, en partie, inexploré.

(21 h 50)

M. Noël (Alain): C'est un terrain vierge, mais, en même temps, ce qui est mentionné dans le mémoire, c'est que – et c'est important de le souligner... Parce que, en venant présenter un rapport sur la recherche, on peut donner l'impression qu'on ne reconnaît pas qu'il y a de la très bonne recherche qui est faite au ministère. Quand on travaillait sur chacun sa part, on a beaucoup utilisé les recherches qui ont été faites au ministère. Dans le fond, la recherche qui est faite est très bonne, et de plus en plus disponible aussi, parce que le ministère a un bon site Internet, c'est facile d'obtenir les résultats.

Cependant, il y a des choses qui sont difficiles à connaître; il y a des données qui sont plus difficilement accessibles. C'est de ça qu'on parle un peu. Parfois, c'est des banques de données; parfois, aussi, c'est des informations. Tout ce qui se rapproche de la gestion – évidemment, ça ne relève pas véritablement du domaine des chercheurs – c'est plus difficile d'obtenir des informations là-dessus. Aussi, de par leur mandat, les chercheurs à l'interne vont souvent privilégier des indicateurs qui sont plus pertinents pour la gestion, notamment les entrées et les sorties à l'aide sociale par exemple, et négliger certains aspects. Tantôt, on parlait des cas comme RESO; il y a aussi le Chic Resto Pop, qui fonctionne très bien à Montréal. Je pense qu'il faudrait, entre autres sujets, réfléchir sur les gains et les pertes qui ne sont pas des sorties de l'aide sociale, des augmentations de revenus ou des diplômes obtenus, mais des gains qui sont... Parce que les parcours, c'est ça aussi. Si on dit: Bon, c'est le parcours et il y a l'emploi au bout, les gens risquent d'être déçus, mais, si on valorise l'alphabétisation, on aide des gens à régler des problèmes psychosociaux qui sont importants pour eux, si aussi on aide les gens à être utiles dans leur communauté et qu'ils en retirent une grande satisfaction... Les gens qu'on rencontre quand vous allez au Chic Resto Pop ou au RESO sont très heureux d'être là-dedans et sont très motivés. C'est vraiment enthousiasmant de voir ce qui est fait avec très, très peu d'argent. La recherche doit porter là-dessus aussi: le développement local, les bonnes pratiques. Ce qu'on peut apprendre, finalement, de ces cas-là. Donc, ça, c'est un aspect, je dirais, micro, c'est-à-dire voir un peu comment ça se... pas juste valider les chiffres du RESO, mais voir c'est quoi, leur secret, s'il y en a un; ce qui fait que ça marche.

À un niveau plus large, il faut être capable de se comparer avec ce qui se fait. Il y a beaucoup, beaucoup de choses qu'on essaie qui ont déjà été essayées ailleurs, et on ne le réalise pas toujours, parce que c'est très difficile de tenir la carte de tout ce qui se fait actuellement. C'est un grand domaine d'innovation, l'aide sociale, la sécurité du revenu. Partout dans le monde, il y a des gens qui essaient des choses. Étonnamment, on connaît très peu de choses, au Québec, sur la Grande-Bretagne, et c'est un système qui ressemble beaucoup au nôtre, parce qu'ils ont une tradition avec une aide sociale qui est structurée un peu de la même façon. Et, encore plus proche, on connaît finalement assez peu de choses sur comment on se compare aux autres provinces au Canada. Donc, il y a beaucoup, beaucoup de domaines où il y a des collaborations à établir avec la recherche interne, des sujets qui sont, comme vous le disiez tout à l'heure, complètement vierges, inexplorés.

Dernier élément que je voudrais mentionner. On parlait tout à l'heure du revenu minimum garanti – vous parliez de ça – on en connaît encore peu. Il y a beaucoup, beaucoup de réflexions actuellement, partout dans le monde, qui se font sur, sinon le revenu minimum garanti, en tout cas, les suppléments aux revenus de travail, ce qu'on peut faire. Le Québec d'ailleurs – quand on lit les rapports de l'OCDE, on le mentionne à part – est un des modèles dans le monde de programme qui a réussi dans ce domaine-là, et il y a plein de gens qui essaient, et tout ça. Ça aussi, c'est un domaine de recherche qui est très important.

Mme Harel: D'autant plus qu'on ne peut pas dire que c'est un programme qui a réussi. Quand vous pensez que ce n'est même pas la moitié, si vous voulez, des 44 000 familles auxquelles il était destiné qui s'y sont inscrites. Et une partie importante, sinon le tiers, sont obligés d'en rembourser aussi une partie chaque année. Donc...

M. Noël (Alain): C'est parce que au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Comme il y a très peu de gens qui ont avancé dans ce domaine-là... C'est quand même une des grandes innovations, dans les années récentes, qui a été faite. Il y a des éléments très positifs là-dedans aussi.

Mme Harel: La question qui se pose, c'est: Comment assurer une sorte de relation suivie – parce qu'il y a d'excellentes équipes en place, vous l'avez dit vous-même, au ministère – une sorte de fluidité, d'une certaine façon, entre l'état de la recherche... J'apprends qu'il y a une évaluation qui est en train de se faire du projet de formation du Chic Resto Pop avec l'organisme Resto et la commission scolaire Jérôme-Le Royer. En même temps, il y a des conditions de réussite. Moi-même, je suis très surprise... Par exemple, vous savez tous qu'il y a une intense critique sur les mesures d'employabilité. Cette critique-là est amplifiée, véhémente et s'exprime. Essayez, n'importe lequel d'entre vous – j'en ai fait l'expérience, moi – de retirer un programme d'employabilité, vous allez avoir un tollé de protestations. Des gens vont vous écrire, dans tout le Québec, en disant: Pourquoi? Ça me rend service, ou ça m'a rendu service, ou ça a rendu service, puis je veux le garder. Même dans EXTRA – qui à mon point de vue n'est pas vraiment une expérience de travail – il y a plein de gens qui ont trouvé des conditions où EXTRA a donné des résultats très satisfaisants pour eux. Donc, si on est à la recherche d'un certain nombre de ces conditions-là, je pense qu'il faut être capable non pas d'avoir des jugements ex cathedra, mais justement d'aller vérifier sur le terrain.

Il me reste une minute, imaginez, et là on n'a pas encore dit comment on allait procéder, et je pense que vous voulez parler.

M. Lacroix (Guy): Bien, peut-être simplement en disant ceci: Avec la réforme, vous vous apprêtez finalement à implanter un paquet d'expériences assez particulières et assez uniques au Québec. Je vous lisais, ce matin ou hier, dans Le Devoir . On vous citait, en disant: Finalement, ce qu'on fait, on adopte le modèle suédois. Bien, pour connaître le modèle suédois, à ce que je sache...

Mme Harel: Il n'est pas vraiment suédois.

M. Lacroix (Guy): Pardon, danois, je m'excuse.

Mme Harel: D'accord.

M. Lacroix (Guy): Il y a toutes sortes de modèles. Vous avez dit danois.

Mme Harel: Là, danois, en tout cas, je me suis redocumentée. J'en ai pour M. Noël.

M. Lacroix (Guy): Bon, bien, voilà! Mais, n'empêche, le modèle danois... Le Danemark est un petit pays à peine plus gros que le Québec, et tout le monde le connaît.

Mme Harel: Plus petit, 5 000 000, c'est vrai.

M. Lacroix (Guy): C'est vrai, j'ai encore la Suède en tête. Donc, c'est un modèle qu'on connaît. Pourquoi? Parce que ces systèmes-là ont été étudiés, scrutés, analysés par des chercheurs internes. Évidemment, la littérature interne danoise, personne ne l'a lue de ce côté-ci de l'Atlantique. Mais, par contre, c'est un modèle qui fait un peu référence. Je pense qu'on a l'opportunité, au Québec, avec la réforme que vous vous apprêtez à implanter, à devenir un peu – je peux relancer la balle à Marc, dans le cas des CLSC apparemment que c'est une structure assez connue et documentée dans le monde... Vous vous apprêtez à implanter une structure qui pourrait finalement être très utilisée et devenir une espèce de repère. Un peu comme, vous, vous avez eu le réflexe de parler du modèle danois; beaucoup vont parler du modèle suédois. Ce ne serait pas mauvais que le Québec devienne un modèle, une référence, parce qu'il est particulier et qu'il est implanté dans un contexte nord-américain, très différent du reste en fait.

La Présidente (Mme Barbeau): Malheureusement, le temps imparti à la partie gouvernementale est terminé. Vous pourrez continuer avec l'opposition. Alors, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Vous comprendrez que la décision de votre collaboration avec des chercheurs du ministère, je n'ai pas un grand mot à dire dans ça. C'est plutôt à la ministre et au gouvernement de décider à cet égard-là.

Vous avez beaucoup parler du RESO. Moi, c'est un regroupement que je connais bien depuis sa création. Je dois vous dire, un, que l'équipe en entier est très, très performante. Ce que le RESO a été capable de faire dans l'ouest de Montréal, c'est de rassembler tous les intervenants du milieu qui avant ne se parlaient pas, le milieu communautaire, le milieu syndical, le milieu patronal, et de leur inculquer une culture de partenariat, avec le même but de relancer le sud-ouest de Montréal. C'est ça qui est arrivé dans le sud-ouest de Montréal. Moi, j'en suis native, je connais très, très bien ce coin-là. Depuis que le RESO a été mis en place, le sud-ouest de Montréal revit. Parce que, nous, nous avons connu dans les années quatre-vingt près de 20 000 pertes d'emploi en très peu de temps. Il y a eu un déclin très, très marqué, d'où sont venus tous les chômeurs. C'est pour ça que, un, la population s'est regroupée et a demandé de l'aide aux trois paliers de gouvernement. D'où est venu le RESO. C'est l'outil, c'est le moteur, actuellement, du développement et de la revitalisation du sud-ouest de Montréal. Nous, actuellement, on ne peut pas s'en passer. C'est un outil essentiel pour qu'on puisse continuer à s'en sortir dans le sud-ouest de Montréal.

(22 heures)

Je voulais revenir à la page 3, étant donné qu'on parle beaucoup, dans la proposition gouvernementale, du caractère obligatoire pour les prestataires de l'aide sociale. Vous parlez qu'il y a des travaux qui ont été effectués tant en Europe qu'en Amérique du Nord sur l'impact de différentes politiques en programme d'insertion en emploi. Vous dites même qu'il y certaines études qui ont démontré qu'il était préférable d'aller sur une base volontaire. Je me demandais si vous pourriez nous donner quelques grandes lignes de ces travaux-là, ça pourrait peut-être nous éclairer davantage.

M. Noël (Alain): Je vais vous donner un exemple qui va poursuivre un peu la discussion qu'on avait avec Mme Harel aussi, puis qui a trait, dans le fond, qui ressemble un peu à l'exemple du RESO. En France, il y a un organisme qui relève du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, qui est indépendant mais qui est associé. C'est un organisme de recherche qui s'appelle le Centre d'études de l'emploi. C'est des chercheurs indépendants qui travaillent là, qui ont essayé de comprendre, au niveau micro, si on veut, sur le plan local, comment ça fonctionne, la relation entre les différents acteurs sur le terrain, entre les agents qui conseillent les personnes, les entreprises, le communautaire, les personnes elles-mêmes, la fonction publique. Parmi les conclusions qui ressortent, ce qu'ils disent, finalement, ce qui est important de comprendre, c'est que le conseiller joue un rôle – eux, ils appellent ça un rôle de passeur ou d'intermédiaire – entre tous ces mondes-là, qui sont des mondes très différents et qui, normalement, communiquent peu. C'est un rôle d'intermédiaire qui établit des communications. C'est donc évidemment très important que ce conseiller-là établisse des liens de confiance entre tous ces mondes-là et établisse principalement aussi des liens de confiance avec la personne qui doit être aidée. Parce que cette personne-là doit un peu mettre sa vie sur la table finalement, doit dire: Oui, voilà, j'ai fait ça jusqu'à maintenant, voici mes expériences de travail, voici comment je pourrais repartir. Et, dans ce sens-là, ce que le Centre d'études de l'emploi concluait, c'est que, un, la qualité de la relation est très importante. Donc, il faut que ce soit volontaire. Mais, en plus, ce qu'on disait aussi, c'est qu'il fallait aussi que la personne qui vient utiliser le service-conseil puisse aussi s'appuyer sur un organisme, un organisme de défense dans le fond, qui est reconnu institutionnellement, un comité d'usagers – c'est le terme qu'on a utilisé dans le livre vert. En France, on parle d'autres formules. Donc, on insiste non seulement sur le volontariat, mais sur l'aspect, si on veut, organisation institutionnelle, défense des usagers pour faire en sorte que la relation soit relativement équitable. La plupart des études, de façon générale, concluent que les pénalités sont contre-productives.

M. Lacroix (Guy): Est-ce que je peux rajouter un point par rapport à ça? Je peux vous donner un exemple. Aux États-Unis, dans le cadre du fameux Support Act de 1988, il est prévu l'abolition d'un barème de disponibilité, au même titre que celui qui est proposé ici. Alors, dans certains États, on a imposé, en fait, aux gestionnaires du réseau d'imposer une pénalité – l'équivalent en quelque sorte de l'abolition du barème de disponibilité – aux mères monoparentales après trois ans ou après un an, à la discrétion des États. Aucun État n'a accepté. Certains États ont implanté la mesure et l'on retirée immédiatement. Donc, on peut apprendre de ça. Il faudrait aller voir pourquoi. Alors, beaucoup de propositions dans la réforme qui sont présentées ici ont été testées dans différents contextes, ont été évaluées dans différents contextes, et ont connu plus ou moins des échecs, plus ou moins des succès. Alors, je pense que c'est important de bien comprendre pourquoi ça a marché et pourquoi ça n'a pas marché. Entre autres, la réticence des États à ne pas enlever ce barème-là ou à ne pas imposer une pénalité après trois ans à une mère monoparentale ou, dans un autre cas, à un an. Donc, il y a eu une réticence très nette sur le terrain à faire ça. C'est des exemples qu'on peut...

Mme Loiselle: Est-ce que qu'on peut mettre la main sur ce document?

M. Lacroix (Guy): Il y en a beaucoup.

Mme Loiselle: Pour les faire parvenir au gouvernement tout au moins. Vous parlez un peu plus loin que, à la Chambre des communes, il y a un rapport annuel qui fait état de l'évaluation d'un certain projet de loi, dont le projet de loi C-12 en particulier. Est-ce que vous seriez enclin à proposer au gouvernement, dans des projets de loi aussi importants que le projet de loi que, finalement, le document vert va nous amener, d'inclure une clause crépusculaire, une disposition qui oblige le gouvernement à faire un bilan, une évaluation de son projet après un certain laps de temps, trois ans, cinq ans, afin justement de réparer les effets pervers, des fois, d'une nouvelle réforme comme ça, de bonifier, d'améliorer sa réforme?

M. Renaud (Marc): Ce qu'on propose, ce n'est pas une clause crépusculaire. Dans mon vocabulaire à moi, une clause crépusculaire, c'est qu'on crée quelque chose qui meurt automatiquement si ce n'est pas ressuscité par l'État.

Ce qui nous semble important dans ce cas-ci, c'est de s'assurer que l'opinion publique, que le public en général soit informé de manière extrêmement régulière de l'impact d'une réforme, de son évolution, du «fine tuning» qui peut être nécessaire. Autrement, on l'oublie, puis ça nous semble... Encore une fois, c'est pour ça que je comparais à la santé, un secteur que je connais mieux, où là, par définition, on le sait, parce qu'il y a toutes sortes de mouvements qui font en sorte que l'information circule. Il y a une énorme masse critique de chercheurs autour. Dans ce cas-ci, il n'y a pas ça. C'est d'autant plus important de rendre obligatoire, pour le gouvernement, de rendre des comptes, nous, on dit de manière annuelle, mais ça peut être tous les deux ans. Mais, l'idée de l'annuel, du grand discours sur l'état de la nation en matière de redistribution de la richesse au pays, il y a quelque chose d'important derrière ça qu'il faut faire.

Mme Loiselle: Ce serait peut-être une façon aussi de... une nouvelle pratique à développer, finalement, parce qu'on ne le fait pas.

À la fin, je pense, vous parlez qu'on est en train de faire une grande recherche dans les provinces canadiennes, un vaste programme de recherche sur la dynamique de l'aide sociale. Vous dites que le gouvernement du Québec n'en fait pas partie, pourquoi?

M. Lacroix (Guy): En fait, ce n'est pas à moi à y répondre, là. C'est moi qui... le petit paragraphe est de moi. En fait, ce qui préoccupe peut-être davantage les autres provinces canadiennes que Québec, c'est la mobilité interprovinciale. Alors, Québec, on a une mobilité peut-être un peu réduite. Avec les réformes dramatiques qu'ils ont vécues en Alberta, en Ontario, ils ont vraiment le sentiment qu'il y a une espèce de compétition fiscale. Lorsqu'on change un système dans une province, on pellette les problèmes ailleurs. Bon. Mais, quand même, ils ont la sensibilité. En fait, ils comprennent très bien que d'une province à l'autre les systèmes ne sont pas les mêmes, les barèmes ne sont pas les mêmes. Il y a une grande variabilité dans la structure des systèmes provinciaux. Ils veulent exploiter ça justement pour essayer de comprendre l'impact de tous ces systèmes-là. Il n'y a rien de tel que d'avoir une variété de systèmes pour être capable de comprendre un petit peu ce qui se passe, l'impact, finalement, de tout ça.

Pourquoi le Québec n'est pas partie intégrante? Je ne le sais pas. On a une note en bas de page qui dit que le Québec souscrit à un autre protocole de recherche avec le gouvernement fédéral. Mais, dans ce cas-ci, c'est vraiment une fusion de toutes les banques administratives de toutes les provinces. Et ça débute à peine.

Mme Loiselle: Ça débute.

M. Lacroix (Guy): Ça débute.

M. Renaud (Marc): Nous, ce qui nous inquiète profondément, c'est que le Québec jette le bébé avec l'eau du bain. Encore une fois, je parlais de l'Union européenne tantôt, il y a quelque chose d'important à apprendre d'eux: de respecter la subsidiarité, le pouvoir des États-nations et, simultanément, d'apprendre à mettre en commun sur certains dossiers, pour voir clair. L'idée de ce projet de recherche, c'est d'utiliser, au fond, chacune des provinces comme un laboratoire, et on compare les uns avec les autres l'effet des différentes mesures. On peut apprendre beaucoup de ce genre de démarche là.

Il y a au niveau fédéral une expertise assez impressionnante qui s'est développée sur un projet, qui s'appelle SLID en anglais, sur les entrées et les sorties du marché du travail. Ils ont développé des outils, ils ont emprunté aux Américains, ils sont allés voir en Europe. Nous, il faut récupérer ça comme expertise au Québec puis l'utiliser nous-mêmes dans nos projets comme Relance I et II, de rajouter ce genre de données là pour faire des suivis longitudinaux.

Donc, l'idée de ce paragraphe là, ce n'est pas de dire qu'il faut dire grand-papa au fédéral, mais que, parfois, ça peut être utile de collaborer avec eux sur les dossiers de recherche.

Mme Loiselle: D'accord. Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): C'est terminé? Est-ce qu'il y a un petit mot en conclusion, rapide?

M. Renaud (Marc): J'aimerais peut-être dire... Est-ce que je peux dire un mot?

La Présidente (Mme Barbeau): Oui.

Mme Harel: Vous nous l'offrez, alors...

La Présidente (Mme Barbeau): Un petit mot rapide, si on peut finir plus de bonne heure, on ne criera pas. Mais, peut-être... Vous, c'est terminé? Plus rien à dire. M. Renaud, qui voulait dire un petit mot.

M. Renaud (Marc): Il y a mes deux collègues à l'autre bout qui n'ont pas eu le temps de parler, leur laissez-vous une minute chaque?

Mme Harel: Oui, oui, oui, avec plaisir.

Mme Mercier (Céline): En fait, moi, je voudrais aussi revenir quand même au propos fondamental du mémoire qui est... Quand on parlait de récupérer des expertises, je pense qu'il y a une expertise de recherche qui s'est développée dans le milieu académique dont on aimerait faire profiter. Entre autres, les exemples auxquels on se référait étaient beaucoup des exemples qui faisaient appel à des études qui sont davantage des études de processus que des études de résultat; des études sur les composantes de programmes qui sont efficaces par rapport à des composantes qui ne le sont pas, et non pas c'est tout l'un ou c'est tout l'autre; aussi des éléments de contexte qui font qu'il y a des éléments favorables et des contraintes, dans la mesure où on entend décentraliser et se fonder beaucoup sur ces conseils locaux de partenaires. Donc, ici, il y a des possibilités immenses d'études de terrain qui sont extrêmement difficiles à réaliser depuis un ministère, simplement parce qu'on s'appelle centre de recherche de ministère et que les partenaires vont être éventuellement méfiants, alors qu'un chercheur universitaire, académique, en fait, a un point de vue, du moins au niveau théorique, peut être plus neutre. Donc, je voudrais simplement rappeler la complémentarité des expertises que le milieu académique peut offrir.

(22 h 10)

Mme Harel: Quel est votre lien avec les chercheurs du ministère?

Mme Mercier (Céline): En fait, moi, je n'ai pas de lien, puisque je suis pour le moment vraiment plus associée au ministère de la Santé. Mais, dans ce cadre-là, on a vraiment fait des recherches complémentaires où on a justement travaillé sur des études de processus, alors que, eux, ils avaient davantage des données de suivi opérationnelles, donc des données de monitoring, et on travaillait davantage sur des études de cas, donc plus approfondies, incluant aussi du matériel qualitatif et aussi ce qu'on appelle une recherche qui tient en compte le point de vue des différents groupes d'intérêts pour essayer d'expliquer les phénomènes.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, est-ce qu'il a d'autres personnes qui voudraient parler?

Mme D'Annunzio (Suzanne): Oui.

La Présidente (Mme Barbeau): Une petite minute.

Mme D'Annunzio (Suzanne): J'aimerais peut-être revenir sur la question du comment faire cette alliance-là. En fait, c'est qu'on en fait déjà; on est déjà avec vous. On a fait une action concertée, on s'est installé avec le service de recherche pour dire sur quoi on pourrait travailler, et ça a donné lieu à deux recherches. L'exercice que j'ai fait, moi, c'est que j'ai pris toutes les recherches, à part de ces deux-là, j'ai regardé votre politique, les cinq volets, pour constater que, dans le volet I, la préparation à l'emploi, notamment toutes les actions préventives, et le volet II, l'aide à l'intégration à l'emploi, notamment qui touche certaines clientèles, on finance beaucoup, beaucoup de choses déjà. En fait, comment je vois ça, moi? C'est que, déjà, on peut s'asseoir sur des choses. C'est toutes des choses en cours. Mais là, ce que j'offre, c'est de faire un pas de plus et de dire: Au lieu de laisser venir les chercheurs – je pense que c'est tout pertinent, je peux vous donner des exemples: compétences parentales ou partenariat famille-garderie, nouvelles compétences par rapport à l'apprentissage de technologies, l'évaluation des services à la petite enfance, etc., il y en a aussi au niveau de l'intégration sociale de différentes clientèles... Moi, ce que je pense que le CQRS et les gens du ministère peuvent faire, c'est de dire comment on peut plus cibler sur quoi les chercheurs peuvent travailler. Et ça, on peut le faire juste ensemble.

Mme Harel: Moi, je voudrais être là aussi.

Mme D'Annunzio (Suzanne): Par rapport à la réforme, autrement dit, il y a déjà des choses qui s'en viennent superintéressantes pour vous autres. On finance plus de 1 000 000 $. Et là on se dit: Comment être encore plus utile? Ça, on peut le faire juste avec vous autres. C'est un peu les moyens qu'on voyait.

La Présidente (Mme Barbeau): Je pense que M. Noël voulait dire un petit mot de la fin.

M. Noël (Alain): Juste un petit mot sur la tradition, les rapports qu'on a avec les chercheurs au ministère. Il y a eu des progrès très importants dans les années récentes, et c'est une anecdote que je veux rappeler. Quand j'ai commencé à travailler sur l'aide sociale il y a quelques années, j'avais beaucoup de difficultés à obtenir de l'information. La meilleur source d'information que j'avais trouvée, c'était au bureau de Mme Harel, dans votre comté. C'est Réal Ménard, à ce moment-là, qui avait dit, à moi et à mon assistant de recherche: Voici nos classeurs, ouvrez-les, passez la journée là si vous voulez, vous pouvez prendre tout ce que vous voulez. C'était comme ça qu'on trouvait de l'information. Donc, on a quand même fait des progrès.

Mme Harel: Là, je vais vous ouvrir le ministère, c'est ça?

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Barbeau): M. Renaud, est-ce que vous voulez dire un petit mot rapide, ou madame?

M. Renaud (Marc): Deena aussi. Moi, j'aurais 10 secondes à la fin.

Mme White (Deena): Moi, je voudrais juste rejoindre ce que Mme Harel a dit sur les partenariats, ce qui veut dire que les partenaires sont égaux – je l'ai entendu pendant la dernière séance – et rejoindre aussi la dernière chose que Céline avait mentionnée. Je pense que la façon dont la réforme propose de réorganiser le champs de l'assistance sociale au Québec, l'idée des conseils locaux et ses différentes instances au niveau local, c'est très, très intéressant. Mais je pense que ces instances-là, ou ces conseils, vont aussi avoir leurs propres besoins de recherche. Comme maintenant, par exemple, nous faisons de la recherche en collaboration avec le Front commun des personnes assistées sociales qui ont leurs propres besoins en termes de recherche, ils ont besoin d'une source d'information assez crédible. Je pense que, ça, c'est quelque chose que les chercheurs autonomes ne peuvent faire, comme Céline l'a mentionné, qu'en travaillant à l'intérieur du ministère. Structurellement, c'est presque impossible de pénétrer ces milieux-là. Je pense qu'il va y avoir de plus en plus de besoins de ce genre de recherche aussi.

M. Renaud (Marc): Juste un mot. Les grandes réformes qui ont réussi au Québec ont pour la plupart été associées à des mesures pour stimuler la recherche. Je pense à la réforme Castonguay au début des années soixante-dix; je pense à la réforme Marois dans la santé et sécurité du travail à la fin des années soixante-dix. Les réformes qui ont eu le plus de problème sont des réformes qui souvent ne l'ont pas été. Prenez le domaine de l'éducation, si, au moment où on a fait les réformes de l'éducation dans les années soixante, on avait juste lu la recherche, on n'aurait jamais construit les polyvalentes qu'on a. On n'aurait probablement pas non plus construit les cégeps qu'on a. Donc, le point qu'on veut faire ici, c'est que, si on veut que cette réforme-là porte, il faut l'associer à de la recherche.

La Présidente (Mme Barbeau): Mme Harel, une minute.

Mme Harel: Ah, mon Dieu!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Barbeau): Je vous «time», là.

Mme Harel: Bien, écoutez, je vais en profiter pour vous dire qu'on va se préparer un rendez-vous – peut-être à la fin de la commission, on siège jusqu'à Pâques, mais immédiatement après – et on va faire en sorte qu'on regarde, de part et d'autre, quel est le mode de collaboration réciproque qui peut se mettre en place. Moi, je crois aux chercheurs autonomes, et je pense que, vraiment, la vérité est toujours révolutionnaire. C'était Gramsci qui disait ça. C'est un souvenir d'université.

Non, mais plus sérieusement, je pense qu'il est très, très utile d'avoir ces sources autonomes, parce que l'information qui en résulte devient quasi indiscutable. Et ça, je crois que ce caractère-là, il faut vraiment le préserver. Alors, en même temps, je comprends que c'est là un terrain, en tout cas, pour lequel il peut y avoir assez rapidement des ententes. Je ne comprendrais pas qu'on ne donne pas suite à votre offre de collaboration.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci beaucoup à tous. Alors, j'ajourne les travaux au mardi 4 février, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 17)


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