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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 15 mai 1998 - Vol. 35 N° 121

Interpellation : La réforme de la santé mentale


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Bonjour à chacune et à chacun d'entre vous. Nous assistons ce matin à une interpellation, et je rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit dans le cadre de l'interpellation de Mme la députée de Bourassa au ministre de la Santé et des Services sociaux sur le sujet suivant: La réforme de la santé mentale. On sait qu'une interpellation dure deux heures. Alors, j'ai besoin de votre accord pour qu'on respecte notre deux heures, ce qui nous mettrait à midi et cinq minutes. Ça va? Alors, merci beaucoup.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Dion (Saint-Hyacinthe) sera remplacé par M. Paré (Lotbinière); Mme Malavoy (Sherbrooke), par Mme Charest (Rimouski).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Je vous rappelle quelques règles. Le député qui a donné l'avis d'interpellation, Mme la députée de Bourassa intervient la première pendant 10 minutes. Ensuite M. le ministre intervient pendant 10 minutes et nous procédons à une alternance de cinq minutes entre les députés de l'opposition et ministériels, incluant, évidemment, M. le ministre. À la fin, j'accorderai un temps de conclusion à M. le ministre, 10 minutes, et ce sera Mme la députée qui est l'interpellant qui fera la conclusion.


Exposé du sujet

Alors, ceci étant fait et étant dit, Mme la députée de Bourassa, vous pouvez commencer votre 10 minutes.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, bonjour, merci. M. le ministre, depuis 1994, le ministre de la Santé, dans la foulée de ses orientations en santé mentale, a annoncé la fermeture de 3 000 lits, la fermeture d'établissements à vocation psychiatrique – il suffit de penser à l'hôpital Saint-Julien – malgré ne nombreuses études, analyses et rapports – et je peux vous les montrer, M. le Président. Alors, vous avez eu La prévention et la promotion en santé mentale , Recommandations pour développer et enrichir la politique de santé mentale , Orientations pour la transformation des services en santé mentale , Bilan d'implantation de la politique en santé mentale . Le ministre n'en est rendu qu'à mettre en place des comités d'étude des rapports, des analyses.

Pendant ce temps, M. le Président, on désinstitutionnalise sans qu'il y ait eu pour autant des transferts des ressources nécessaires dans la communauté. Et le Bilan d'implantation de la politique en santé mentale l'évoque précisément à la page 94. On pousse donc les personnes qu'on désinstitutionnalise vers les familles et vers les organismes communautaires qui croulent littéralement sous la charge de travail et qui n'ont pas tout le soutien qui leur est nécessaire pour assumer ces responsabilités qui sont énormes. Les recherches démontrent que le soutien est assuré globalement par les femmes dans une proportion de 70 à 80 %.

Le ministre, est-ce qu'il sait ce qu'il veut faire en santé mentale? Et, s'il le sait, peut-il nous le dire précisément? Après quatre ans de pouvoir de ce gouvernement du Parti québécois, on ne sait toujours pas s'il y aura une mise à jour de la politique en santé mentale ou une nouvelle politique en santé mentale. On n'a toujours pas le texte.

Le rapport du Vérificateur général rapporte que, dans les établissements hospitaliers, on a fermé les yeux sur la promiscuité et la surmédication. M. le Président, le Curateur public a failli à sa charge. Il a failli à sa mission première qui était de protéger et de défendre les personnes les plus fragiles et les plus vulnérables de notre société, des personnes qui sont sans défense, des personnes qui sont captives et qui sont sans voix dans notre système.

J'aimerais plus particulièrement, M. le Président, reprendre quelques extraits. Deux. On dit: Par surcroît, en ce qui a trait au Curateur public, on a relevé, dans 73 % des établissements visités et 41 % des dossiers médicaux examinés, des déviations possibles, telles que le surdosage, le mauvais usage de médicaments, l'absence de contrôle médical et la non-administration de vaccin antigrippal.

J'aimerais également reprendre un autre passage – on est toujours en train de regarde le rôle du Curateur quant aux établissements hospitaliers: On a fermé les yeux sur la promiscuité évidente et sur la surmédication. Les plans d'action portaient davantage sur la transmission d'information et la visibilité du Curateur sur place.

Évidemment, l'action, encore une fois, était accentuée sur l'image et non pas sur les personnes, la qualité des soins et des services auxquels ils étaient en droit de s'attendre et, évidemment, les services qu'ils n'ont jamais reçus conformément à leurs attentes, conformément à leurs besoins, avec les plus hauts standards de qualité qu'il soit possible. Rappelons que ce sont des gens qui sont extrêmement vulnérables et qui méritent la plus grande protection. Rappelons également qu'ils étaient sous la tutelle de l'État.

Est-ce que le ministre de la Santé sait que, dans des établissements de santé, les personnes les plus vulnérables, encore une fois, les personnes sans aucun moyen de défense ne jouissent pas des mêmes conditions de vie et possibilités de traitements que les autres personnes qui sont traitées dans des établissements hospitaliers? Le ministre a-t-il lu ces passages du rapport du Vérificateur général et d'autres passages qui l'interpellent et qui interpellent ses responsabilités spécifiques à titre de ministre de la Santé et des Services sociaux?

(10 h 10)

Le ministre entend-il prendre toutes les mesures qui s'imposent? Entendez-vous, M. le ministre, comme le Curateur public, reléguer ces personnes aux oubliettes? Malgré de nombreuses études, des rapports, des analyses et des comités d'étude, des problèmes prioritaires demeurent tout entiers et aucune mesure précise et concrète n'a été à ce jour annoncée par le ministre de la Santé.

M. le Président, il n'y a pas de politique en santé mentale. Encore une fois, on ne sait pas si la politique va être mise à jour, on ne sait pas si on aura une nouvelle politique en santé mentale. Depuis quatre ans, il y a eu des rapports – rapport sur rapport sur rapport – il y a des comités qui se sont rencontrés, il y a eu des discussions, des nouveaux rapports, des comités qui étudient ces rapports-là. Mais on ne sait pas où on s'en va. On ne sait toujours pas où on s'en va. En quelque part, il y a de l'incohérence. Depuis 1994, plus de 1 000 lits ont été désinstitutionnalisés. Il n'y a pas de politique claire et précise qui a été arrêtée au sujet de la désinstitutionnalisation. Le Protecteur du citoyen a demandé – parce que les conditions nécessaires au succès de cette opération-là, les conditions nécessaires à l'intégration ou à la réintégration dans le milieu, mais dans le respect de la primauté de la personne, ne sont pas présentes, il n'y a pas eu de transfert de ressources – le Protecteur du citoyen a donc demandé qu'il y ait un moratoire.

On regarde dans les crédits. On peut dire que le ministre est avare de chiffres. C'est difficile de comprendre précisément et d'avoir une idée juste d'où on s'en va, du chemin qui est parcouru et du chemin qui reste à parcourir mais surtout de quelle façon ce chemin-là va être parcouru et surtout recevoir l'assurance du respect des droits des personnes et surtout du respect de leur dignité. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, Mme la députée de Bourassa. Maintenant, M. le ministre.


Réponse du ministre


M. Jean Rochon

M. Rochon: Merci, M. le Président. Comme on sera encore presque deux heures ensemble, je voudrais présenter les gens qui m'accompagnent. Il y a mes collègues qui ont été présentés tout à l'heure, Jean-Guy Paré et Solange Charest, qui vont intervenir sur des points particuliers, de même que Mme Jeannine Auger, Chantal Ouellet et Martin Caillé, pour être assurés de vous fournir toute l'information qui pourrait être demandée.

Comme première présentation, en réponse à ce qu'a soulevé la députée de Bourassa, je voudrais d'abord lui dire qu'on est assez d'accord sur les points qui ont été soulevés par le Vérificateur général lorsqu'il a, à la demande du ministère et parallèlement à une évaluation qui était faite aussi par le ministère de l'application qui avait été faite de la politique de santé mentale, laquelle politique avait été adoptée en 1989... En 1994, on a demandé ces évaluations-là pour voir exactement où on en était.

La députée dit: Où va le ministre? Alors, on a pensé qu'il était bon de faire un peu le point sur ce qui avait été fait pendant cinq ans, et effectivement le rapport du Vérificateur général était assez précis pour nous dire qu'il y avait eu, comme le proposait la politique de 1989, un certain degré, assez important, de désinstitutionnalisation, c'est-à-dire de gens qui étaient dans des établissements, qui étaient internés, qui avaient été graduellement réintégrés dans leur communauté. Par ailleurs, l'application de la politique avait failli terriblement en assurant que ces gens-là aient des ressources dont ils ont besoin dans la communauté, que leur famille et les groupes de soutien qui pouvaient les aider aient les ressources suffisantes. Et aussi, je pense qu'on faisait ressortir qu'il y avait encore des gens, dans des établissements dits de santé mentale, qui n'étaient pas à la bonne place, qui devraient être dans d'autres genres d'établissement ou se retrouver, peut-être aussi, dans la communauté.

Ce que la députée omet de dire ou semble oublier par une amnésie sélective, c'est que cette évaluation portait sur la mise en oeuvre que le gouvernement précédent avait faite, ou n'avait pas faite, de sa propre politique, politique qui avait été adoptée en 1989 et en 1994, cinq ans après; ça avait été sous le précédent régime. Alors, une bonne partie des critiques, des commentaires que soulève la députée de Bourassa, tout en étant très vrais, sont plus le constat de l'état dans lequel on a retrouvé la mise en oeuvre de la politique.

Cette évaluation qui a été faite indiquait que le problème n'était pas quant à la politique elle-même et ses orientations, qui demeuraient toujours d'actualité et assez à jour pour que ça nous serve encore de document de base, mais que le problème était au niveau d'une bonne stratégie de mise en oeuvre de cette politique et de mise en oeuvre, au niveau de chacune des régions, de mise en oeuvre localement, de mise en oeuvre en impliquant tous ceux qui devaient concourir, soit le réseau, les groupes communautaires et les familles, l'entourage de tous ceux qui peuvent apporter, fournir un réseau d'entraide aux personnes qui retournent dans leur communauté.

Ce qui se passe quand on dit: Où va le ministre? C'est assez clair. Il y a un document d'orientation, pour la transformation des services qui reste donc dans la suite de ce qu'était la politique, qui tient compte de l'évaluation qui a été faite, d'une part, par le ministère et, d'autre part, par le Vérificateur général et qui vise justement à développer cinq types de services, spécialement pour s'assurer que des gens qui n'ont plus à être internés, qui peuvent vivre et développer tout ce qui est leur potentiel, malgré une maladie. On dit bien qu'on vise spécialement les gens qui ont une maladie psychiatrique sévère et persistante qui ne peut en général pas vraiment se guérir mais qui, avec les moyens thérapeutiques que l'on a présentement, peut être contrôlée et contrôlée assez bien pour que la personne puisse fonctionner à peu près normalement et se réintégrer dans la communauté.

Les types de services qui sont visés par ces orientations, c'est d'abord tout ce qui regarde le logement et les besoins de subsistance. Pour que quelqu'un s'installe et vive, il faut d'abord avoir un gîte et un couvert régulier, à tous les jours.

Deuxièmement, il y a des services de crise avec des équipes qui existent graduellement partout au Québec, qui sont des équipes multidisciplinaires et qui savent intervenir rapidement et de façon intensive s'il y a une crise qui survient, ce qu'on appelle un peu dans le jargon, si quelqu'un qui a une maladie psychiatrique pour une raison ou pour une autre «décompense», comme on dit, soit que la personne, pour une raison ou pour une autre, n'a pas bien pris ses médicaments ou soit qu'il est arrivé quelque chose de changement dans sa vie qui bouscule la personne – on sait que les gens dans cette situation peuvent être très, très, très vulnérables et fragiles – et si l'intervention est rapide, est intensive dès le début, ça fait toute la différence. Souvent ces gens-là vont éviter de devoir être hospitalisés ou s'ils doivent l'être, le séjour hospitalier est beaucoup plus court et est vraiment en soutien à quelqu'un qui retourne dans sa communauté. Donc, les services de crise.

Troisièmement, il y a tous les services possibles de traitement dans la communauté même, et ça, ça réfère entre autres à une meilleure collaboration, à une meilleure continuité de services entre le psychiatre, le médecin de famille, les équipes du CLSC, pour s'assurer que tous les traitements qui peuvent être disponibles sur une base ambulatoire en évitant de sortir quelqu'un de son milieu puissent être là.

Aussi des services de réadaptation, des gens qui retournent dans leur milieu après un certain nombre d'années d'absence ou des gens qui ont subi certaines séquelles d'une maladie psychiatrique qui les afflige depuis un grand moment ont besoin de services de réadaptation pour recouvrer le plus possible une capacité de fonctionner.

Enfin, le cinquième type de services, c'est les différents services de soutien aux familles et aux proches justement pour s'assurer, contrairement à ce que disait la députée, que le fardeau n'est pas donné aux familles, ce qui pourrait surtout impliquer des femmes, de renoncer à leurs activités, par ailleurs, ou à un emploi pour aider, s'occuper, soutenir une personne qui a un problème de maladie mentale.

Alors, c'est ça, les services qui auraient dû suivre, qui auraient dû être développés depuis 1990, qui devraient être suffisamment en place dans la communauté et qui ne le sont pas.

Maintenant, ces orientations qui ont été données et sur lesquelles il y a une consultation, c'est important de bien se rappeler que cette consultation-là, elle est faite de façon très active. Ce n'est pas une consultation pour se demander ce qu'on va faire, ce n'est pas des comités qui font des études, c'est des équipes techniques du ministère qui s'offrent comme consultants, dans les régions et avec les équipes locales, pour s'assurer qu'on fasse ce que j'appelle un peu une fertilisation croisée des expériences faites en différents endroits au Québec, qu'on fasse profiter les uns les autres de ce qui se fait dans différentes régions du Québec et qu'on vienne donner tout l'appui technique pour que les gens réalisent le développement des cinq services dont j'ai parlé. Et ce qu'a permis de faire cette façon d'orienter une politique, de la mettre en oeuvre, ça a été d'abord de valider le contenu de cette politique et de l'ajuster, au besoin, partout. Ça, on peut dire que, quant au contenu des orientations ministérielles maintenant, c'est validé, ça repose sur un consensus et ça donne vraiment les orientations à tous les gens.

(10 h 20)

Le ministère et les régies régionales ont vraiment pris un leadership pour aider les gens, localement, à faire les choses, mais en ayant des façons de faire qui assurent une équité à travers tout le Québec, peu importe où seront les gens, graduellement. Tout ça n'est pas encore réalisé à 100 %, là, on le fait de façon de plus en plus intensive depuis 1995 mais, dans la majorité des régions, on a déjà amélioré – et je reviendrai, tout à l'heure, pour donner des exemples – on a déjà commencé à améliorer sérieusement la situation. En plus de ce que le réseau fait, ce que la mise en oeuvre de cette politique par la consultation quant aux modalités d'application fait présentement, c'est de créer des ponts beaucoup plus fonctionnels avec deux autres secteurs d'activité qui ne dépendent pas du réseau de la santé et des services sociaux mais qui, de façon intersectorielle, doivent être bien coordonnés au niveau des politiques, bien sûr, mais au niveau de l'application localement. Ça, c'est tout le domaine, dans le secteur municipal, de la Société d'habitation du Québec pour tout ce qui est du logement qu'on veut assurer aux gens, un logement qui est à leur portée et qui satisfait à leurs besoins, de même que le ministère de l'Emploi et de la Solidarité pour tout ce qui est des expériences et des passerelles d'insertion au travail.

Parce que, si on dit que l'objectif est que les gens reviennent à une vie la plus normale possible, un des grands moyens d'insertion dans une vie, dans une communauté, c'est d'avoir une activité socioéconomique utile pour la communauté, c'est d'avoir un emploi, d'avoir un travail, et on a besoin de la collaboration des autres secteurs pour ça. Et tout ça vise... et c'est pour ça que ça ne peut pas être en place d'un coup sec demain matin, c'est un processus d'amélioration constante, c'est un changement de pratiques professionnelles, de pratiques cliniques et de pratiques de gestion, et ça, ça se passe de façon très intensive dans tout le réseau présentement, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, M. le ministre.


Argumentation

Nous débutons maintenant notre période de 16 interventions de cinq minutes chacune, et Mme la députée de Bourassa, vous pouvez débuter.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Moi, je pense qu'on ne peut pas tout bonnement mettre des personnes à la rue sans avoir l'assurance qu'elles auront les services auxquels elles ont droit et qu'elles auront des services de qualité.

Moi, j'ai le bonheur de prendre l'autobus entre Montréal et Québec et Québec et Montréal, et, quand j'arrive au terminus Voyageur, à chaque fois, soit à l'aller ou soit au retour, je rencontre des personnes qu'on dit «le syndrome de la porte tournante». Et chaque fois – et ça, c'est à toutes les semaines, faites le calcul, et depuis que je suis à l'Assemblée nationale – je suis interpellée par des gens qui ont des problématiques en santé mentale, par des itinérants, et le coeur me manque. Je vois des jeunes, je vois des gens dans la trentaine, dans la quarantaine qui quêtent pour avoir des chevreuils, pour manger de la poutine. Je regrette, je ne pense pas qu'on peut mettre tout bonnement des personnes à la rue sans qu'on ait une idée claire de ce qu'on veut.

À la page 147 du bilan d'implantation de la politique en santé mentale, le document d'orientation, c'est un document de travail, c'est un document de consultation, à ma connaissance, il n'y a pas eu de synthèse de ce document-là, on n'a jamais su ce qu'avait donné cette consultation. Moi, je ne l'ai pas, la synthèse, je ne sais pas si elle existe et qui l'a mais, dans la mesure où elle existerait, j'aimerais l'avoir.

À la page 147 du bilan d'implantation de la politique en santé mentale – et ça, c'est mai 1997 – on dit: «Au terme de notre bilan, nous sommes à même de constater que la situation est quasiment identique à ce qu'elle était depuis quelques années auparavant: les plans de désinstitutionnalisation se font attendre, le mouvement vers l'intégration sociale ne s'est pour ainsi dire pas concrétisé.»

Moi, je veux bien que le ministre me ramène aux années passées, mais moi, je suis tournée vers l'avenir. Tout ça, ça s'est fait pour l'avenir dans le respect de la personne, pour s'assurer que les orientations tiendraient compte de leurs besoins. J'aimerais, M. le ministre, que vous me parliez de l'avenir et que vous me parliez des mesures concrètes que vous entendez prendre pour éviter que je rencontre de plus en plus de personnes.

Je ne sais pas si on veut faire de la transinstitutionnalisation, trimbaler tout bonnement les gens de l'hôpital aux CLSC, qui sont largement débordés et qui n'ont pas les ressources, qui n'ont pas le personnel formé pour répondre; des centres de crise, c'est des expériences, à ce stade-ci, qui sont fragmentaires.

Le municipal, je trouve ça un bel exemple, à Montréal, selon une déclaration que M. Pierre Bourque faisait, il y a 90 logements, dont 30 à Montréal, qui sont prévus pour la clientèle particulière des personnes souffrant de maladie mentale et sorties des établissements psychiatriques, c'est-à-dire désinstitutionnalisées. Montréal, ils n'ont pas d'argent. Pierre Bourque annonçait, le 11 mars 1998, qu'il mettait fin, pour cette année, au programme AccèsLogis pour la clientèle institutionnalisée. Pierre Bourque déclarait: «La ville ne doit pas participer au financement des formules de remplacement des hôpitaux psychiatriques. Québec ne doit plus nous donner cette responsabilité, de la même façon que les familles, que les organismes communautaires et les femmes.» Le Vérificateur général, dans son rapport 1995-1996, souligne: «La réintégration sociale exige la conjugaison des efforts de plusieurs secteurs telles les municipalités.» Évidemment, il parle du scolaire et d'autres secteurs; ce n'est pas pertinent.

M. le ministre, suivant la recommandation du Vérificateur général, est-ce que vous avez pris position à ce sujet-là et est-ce que vous vous êtes doté d'un plan d'action visant à associer les différents secteurs de l'État qui sont concernés par la santé mentale, dont les municipalités? Allez-vous mettre en place un comité interministériel pour promouvoir et coordonner l'action gouvernementale en matière de santé mentale?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie et, avant de passer la parole à M. le ministre, je veux simplement vous rappeler, à chacune et chacun des intervenants, de toujours vous adresser au président, et non entre vous directement. M. le ministre, pour votre période de cinq minutes.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Oui, M. le Président. Alors, je répète que le document où sont les orientations auxquelles a fait référence la députée, De la transformation en santé mentale , est un document de consultation, est un outil de travail, comme elle l'a bien dit, qui permet au ministère, aux régies régionales et aux gens sur le terrain de bâtir des plans d'action et des programmes qui se développent au moment où on se parle, régulièrement. Ce n'est pas un groupe qui se demande quoi faire, c'est un groupe qui applique ce qui a été une politique qui n'avait été que très partiellement appliquée et qui, maintenant, va beaucoup plus loin dans ce sens-là. On prévoit que, vers la fin de juin, on pourra rendre publique une synthèse de ce travail fait dans les régions et que cette synthèse sera annexée à ce qui sera le plan d'action national, qui sera bien ancré sur les plans d'action qu'il y a dans chacune des régions. Donc, encore une fois, je le répète, ce n'est pas un groupe qui fait des études pour déterminer sur quoi on va vouloir travailler; ça vient dans la foulée d'une évaluation qui a déjà été faite et ça va rendre compte de l'état où on en est rendu.

Et nous aussi, on veut garder la perspective en se rappelant d'où on vient. C'est bon, ça aide à voir où on est rendu et où on s'en va. On est très tourné vers l'avenir et on vit beaucoup dans le présent, pour ne pas manquer d'occasions de faire tout ce qu'on peut faire présentement.

On avait dit, quand ces orientations ont été lancées, que globalement on évaluait qu'on pouvait faire beaucoup plus, beaucoup mieux avec les budgets qu'on avait en santé mentale si on les utilisait mieux et que ces budgets seraient protégés, qu'il n'y aurait pas de transfert de ressources ailleurs; et ça, je peux le confirmer, parce que tout ça a commencé en 1994-1995, avec 1 120 000 000 $ – 1 120 000 000 $, c'est quand même à peu près un dixième du budget du réseau de la santé qui est consacré à la santé mentale – et aujourd'hui, on a toujours 1 140 000 000 $ dans ce secteur-là, et déjà, des réallocations ont été faites de façon importante.

Les groupes communautaires qui oeuvrent en santé mentale, entre 1995 et 1997, ont vu s'ajouter à leurs ressources des ressources de l'ordre d'à peu près 5 000 000 $. Dans les CLSC, c'est plus de 37 000 000 $ qui ont été rajoutés pour la santé mentale. Dans les hôpitaux qui travaillent en appui avec le CLSC et la communauté pour s'assurer qu'ils interviennent, au besoin, sur une base soit en services ambulatoires ou autrement, l'hôpital général, c'est 24 000 000 $ qui ont été ajoutés. Alors, au total, sur la première ligne, le réseau a réalloué à peu près 66 000 000 $, sans compter qu'il y a plus de médicaments qui ont été consommés aussi, pour plus de 3 000 000 $, et que les médecins ont consacré aussi pour à peu près une valeur de 16 000 000 $ de leur travail en santé mentale. Alors, c'est donc un maintien de l'ensemble des ressources et des réallocations très importantes quand même qui ont été réalisées sur une base de deux ans.

(10 h 30)

Dans toutes les régions, on a non seulement consolidé, mais on a ajouté à ce qui était des ressources consacrées à la santé mentale. Je vais donner quelques exemples de régions les plus populeuses, des régions urbaines où on retrouve des phénomènes d'itinérance plus qu'on avait avant dans nos grandes villes, comme un peu partout dans le monde, et pour donner une idée de l'effort qui a été fait. Si on prend la région de Montréal-Centre, où on consacrait en 1996 à peu près 12 000 000 $ au secteur de la santé mentale, spécialement dans les organismes communautaires, on a augmenté ça à 19 000 000 $. Québec, un autre secteur urbain important, on est passé de 1 600 000 $ à 4 000 000 $ pour les organismes communautaires en santé mentale. La Montérégie, au sud de la région de Montréal-Centre, où là aussi il y a des problèmes importants, on est passé de 6 000 000 $ à 7 000 000 $.

Alors, c'est sûr que c'est quelque chose qui se bâti avec le temps. On parle de changement de pratiques, de changement de comportements, de consolidation. Il n'y a pas de baguette magique, ça ne se fait pas automatiquement. Je veux juste rappeler quelques chiffres pour montrer qu'il y a un consensus qui permet aux gens de bouger, qu'il y a des ressources, que l'argent s'utilise autrement, et que cette consolidation de la première ligne, quand même 66 000 000 $ dans un contexte de construction budgétaire, il faut le faire. C'est après se faire. Et je suis confiant, moi, qu'à mesure qu'on sort de cette période financière qui a été très difficile pour le réseau, sur une base solide comme ça, on va être capable d'accélérer encore plus qu'on le fait, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Rimouski.


Mme Solange Charest

Mme Charest: M. le Président, vous savez, dans le contexte de la réforme de la santé mentale, je pense que nous avons toujours été préoccupés d'être le plus près possible des besoins et des demandes à la fois de la personne aux prises avec un problème mais aussi des intervenants, qu'ils soient du domaine communautaire ou des professionnels de la santé comme tels. Et un des éléments importants de cette réforme, c'est l'adoption de la loi n° 39 par le gouvernement actuel.

Et, en faisant un bref historique, je pense que c'est important de le dire, la Loi sur la protection du malade mental a été adoptée pour la première fois par la législation du Québec en 1972. On l'a amendée, naturellement, en 1974, 1979 et 1982. Et, en 1989, on a aussi eu la politique de la santé mentale – je ne reviendrai pas sur les commentaires qui ont été faits tout à l'heure – et de cette loi, en 1997, est issue la loi n° 39 qui, elle, s'attarde à des éléments bien précis. C'est toute la question qui concerne la garde d'une personne sans son consentement. Je pense que là-dessus il faut rappeler que la loi n° 39 intitulée la Loi sur la protection du malade mental, c'est une loi d'exception, en réalité. Et cette loi peut entraîner l'hospitalisation involontaire d'une personne, c'est-à-dire de l'hospitaliser parce qu'elle est inapte à décider par elle-même. Donc, c'est une loi qui porte atteinte directement au droit fondamental de la liberté individuelle qui est reconnu par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Mais, vous savez, dès les années 1978, la révision de la loi actuelle a été souhaitée, non seulement par les personnes qui étaient aux prises avec le problème de santé mentale, mais par les membres de leurs familles, par tous les partenaires, les organismes communautaires qui s'occupaient de la défense des droits des personnes, et également par les professionnels de la santé.

Il faudrait rappeler que, dans le fond, ce que nous avons remplacé dans la loi actuelle par la loi n° 39, c'est pour se mettre à jour, en quelque sorte, entre la révision du Code civil qui a été faite et la Charte comme telle. Et je pense que là-dessus le titre de la loi est très significatif par rapport à la perspective que l'on veut donner et à la vision qu'on a par rapport à la protection des droits des personnes aux prises avec le problème de santé mentale.

L'objectif principal qui est visé par le projet de loi n° 39, dans le fond, c'est d'assurer un juste équilibre entre, d'une part, le respect des droits individuels des personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale et, d'autre part, la sécurité de la population. Je pense que, là-dessus, c'est important de s'assurer que c'est bien compris, cette loi, parce que ce qu'elle confirme, c'est que, dans cette loi-là, il n'est pas question de cure fermée. Il est question plutôt de garde en établissement, et ce, sans obligation de traitement.

Dans le fond, cette nouvelle perspective qui transparait à travers ce changement, c'est celle du respect des droits de la personne. Il faut souligner que, si une personne est jugée inapte à consentir aux soins, il y a quand même le Code civil du Québec qui prévoit des mesures spécifiques à cette situation, qui peut permettre le traitement sans consentement de la personne. Mais ça ne se fait pas n'importe comment et de façon aléatoire. Il y a des règles à respecter.

Je pense que le projet de loi proposait au départ, lorsque nous l'avons étudié en commission parlementaire, de passer de deux examens psychiatriques à un. Et ça, c'était pour se conformer aux dispositions du nouveau Code civil. Par contre, à la lumière des commentaires et des revendications, nous avons maintenu deux examens psychiatriques pour la mise sur garde d'une personne devant être autorisée par le tribunal. Et je pense que ces deux examens psychiatriques permettent qu'on soit certain que l'état de santé de la personne a été considéré à deux reprises, parce qu'il peut y avoir évolution de l'état de santé entre le premier et le deuxième examen, et que, pour le médecin traitant, le deuxième examen fournit quand même une garantie, au niveau de l'évaluation des risques potentiels.

Et, de façon unanime ou quasi unanime, les groupes et les associations se sont prononcés en faveur du maintien de deux examens psychiatriques. Et c'est pour répondre à leurs attentes que nous avons maintenu les deux examens psychiatriques. C'est une protection de plus pour le malade.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la député de Rimouski. J'invite maintenant Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. M. le Président, je pense qu'il faut éviter de mettre les institutions dans la communauté, donc de prendre les patients qui sont hospitalisés ou psychiatrisés et de les remettre tout bonnement à la rue en demandant au CLSC de les prendre en charge, sans qu'il y ait eu une réflexion importante qui se fasse. Et j'aimerais savoir, M. le Président, si le ministre de la Santé peut nous dire quel modèle de pratique il souhaite en santé mentale au Québec, en ce qui a trait aux CLSC? J'aimerais savoir plus particulièrement s'il est d'accord avec le principe d'une pluri... pluralité – pardonnez-moi, je me suis couchée à 3 heures – des services dans la communauté. Donc, quelle est la position du ministre à l'égard de l'approche biopsychosociale?

On regarde la répartition des dépenses totales en santé mentale pour la période 1994-1995 et 1996-1997: il est flagrant, si on enlève évidemment les montants pour les médicaments et les montants pour la rémunération des médecins, que la majorité des subsides, plus de 90 %, sont majoritairement concentrés dans l'aspect curatif, donc dans le bio. Alors, j'aimerais encore une fois dire qu'on ne peut pas passer tout bonnement d'une institution au CLSC sans qu'on ait revu l'approche, sans qu'on ait une idée du modèle que l'on souhaite en santé mentale pour la pratique en CLSC. Encore une fois, quel est le type? Le ministre est-il d'accord avec le principe d'une pluralité de services dans la communauté?

M. le Président, M. le ministre a évoqué la situation de la Montérégie. La Montérégie dénonçait... établissements publics, groupes communautaires, syndicats, parents, usagers, usagères et organismes de défense des droits, ils se sont associés au sein d'une coalition pour le droit à des services de santé mentale en Montérégie pour dénoncer la situation chronique de sous-financement de la Montérégie qui continue, près de 10 ans plus tard, d'être au dernier rang per capita pour les dépenses en santé mentale. J'aimerais savoir quelle est la situation actuelle de la Montérégie. Est-ce qu'elle obtient toujours le meilleur score? Est-ce qu'elle continue, près de 10 ans plus tard, d'être au dernier rang quant au per capita pour les dépenses en santé mentale?

(10 h 40)

M. le Président, le ministre a parlé, dans la même foulée, des organismes communautaires, disant qu'il y avait eu une augmentation. Oui, en termes de pourcentage, on est passé, selon les chiffres à tout le moins, de 3,1 % à 3,5 %. Mais, au-delà des chiffres, le regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal a récemment – ça date d'avril 1998 – effectué un sondage auprès de plus de 100 organismes – qui sont tous dénombrés là-dedans – de la même façon que le mémoire sur la transformation du réseau de la santé et des services sociaux du Québec du regroupement des organismes communautaires de la région de Québec – donc ce sont deux outils récents qui émanent du domaine communautaire – et j'invite encore une fois le ministre à lire ces documents-là. Il va y voir qu'il y a un déséquilibre extraordinaire qui est vécu par les organismes, par les communautés et par les organismes communautaires qui en ont plein le dos et qui sont rendus le dévidoir ou le déversoir des établissements publics qui n'assument pas leurs responsabilités, qui n'ont pas les ressources nécessaires, qui n'ont pas le personnel et qui n'ont pas la formation.

Si on regarde toujours la répartition des dépenses totales en santé mentale et le tableau-synthèse de l'enveloppe budgétaire allouée aux ressources alternatives en santé mentale dans chacune des régions, on s'aperçoit que l'enveloppe budgétaire au total, pour 401 ressources alternatives, c'est 52 100 000 $. Si on regarde le salaire qui est attribué aux médecins, aux psychiatres – et M. le Président, j'avais fait précisé à M. le ministre qu'il s'agissait de 800 – on a 187 200 000 $. Alors, c'est bien évident que les ressources alternatives et le secteur communautaire, dans la mesure où ils vont devoir se substituer au réseau public, comme ça semble être le cas, n'ont pas les ressources pour y faire face.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la députée. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Bien sûr, M. le Président que, si on avait commencé à faire ces rééquilibres de ressources entre les régions et entre les différents organismes communautaires et établissements du réseau, si on avait commencé ça plus tôt, au moment où on a mis la politique en application en 1990, et si on avait été vigilant pendant les années où il se dépensait de l'argent pour nous amener à des déficits toujours plus grands... Je ne sais pas où est l'argent, on dépensait 1 000 000 000 $ de plus que le déficit prévu, puis il n'y a rien de ça qu'on retrouvait sur le terrain pour améliorer ces situations-là. Je leur mentionne parce qu'on a une situation de déséquilibre qui était chronique et profonde, et ça, quand on est pris dans une situation financière comme celle qui nous coince présentement, on est obligé de travailler à la marge pour rétablir et ça va moins vite qu'on le souhaiterait. Ça, c'est acquis. Je veux juste qu'on comprenne bien qu'il n'y a pas de baguette magique là-dedans, mais il y a tellement une grande volonté des gens et un consensus solide que c'est après se faire, malgré les conditions très, très difficiles.

Mais là je le rappelle quand même: sur un budget de plus de 1 000 000 000 $, il y a quelque chose de l'ordre de 66 000 000 $ qui ont été retransférés sur ceux qui travaillent en première ligne, comprenant les organismes communautaires, les CLSC et l'hôpital général, qui appuient cette action-là, pour assurer une meilleure continuité, et on continue dans ce sens-là.

Entre les régions, la Montérégie, quand on veut parler de problèmes chroniques, c'est un bel exemple parce que c'est là une région où la population s'est développée rapidement, où il y a eu ce à quoi on réfère généralement sous le titre de l'«étalement de population» et la population est sortie de Montréal-Centre, est allée de plus en plus en Montérégie, et les ressources n'avaient pas suivi. Et c'est ce qu'on est en train de faire actuellement, ces transferts de ressources là.

Mais ça, c'est du monde, 80 % de notre budget étant du personnel, c'est du monde en chair et en os qui se déplace et qui s'oriente autrement. Alors, c'est une gestion de personnel qui est complexe et qui se fait, qui s'accélère et qui va graduellement, au cours des prochaines années, corriger la situation.

Voilà pour l'équilibre. C'est quelque chose d'important, c'est quelque chose qui se fait, qui n'avait pas été commencé assez vite et, à partir de cette année et de l'an prochain, on devrait être capable d'accélérer le rythme un peu.

La députée se demande quel modèle est appliqué cliniquement. Moi, je pense que les intervenants cliniques – je ne suis pas un spécialiste du domaine, je ne saurais pas comment... je ne pourrais pas le définir en détail – mais la consultation qui se fait, sur le terrain, avec des gens, c'est des gens qui sont des professionnels du domaine ou des gens de ressources communautaires qui sont impliqués depuis très longtemps et qui travaillent dans un contexte de multidisciplinarité et à partir des organismes communautaires, du CLSC et de l'hôpital pour assurer une continuité pour chaque personne qu'on souhaite intégrer plus et mieux dans sa communauté.

Dans le cadre du plan d'action, il y a des plans de services qui sont faits. Il faut bien comprendre qu'il n'y a pas de gens qui sont sortis de l'hôpital comme ça, comme ça s'est fait avant, mais on ne fait plus ça. Les gens ne sortent pas de l'hôpital, ne sont pas renvoyés chez eux, espérant que le monde va pouvoir s'occuper d'eux.

Il y a un plan de services précis qui est fait, qui identifie ce dont la personne a besoin et qui identifie ceux qui vont devoir fournir des services et qui précise comment ces gens-là vont travailler ensemble – encore une fois, que ce soient des gens du réseau, les gens des organismes communautaires – et c'est à eux ensemble de voir comment ils font le meilleur équilibre.

Je peux comprendre que, d'une région à l'autre, la façon de se répartir des responsabilités entre organismes communautaires et CLSC par exemple peut varier. Ce n'est pas un standard rigide mur à mur ça. Il y a des normes, il y a des balises qui sont données, et les intervenants locaux, s'ils travaillent vraiment dans un contexte de multidisciplinarité et d'interétablissements, bien c'est à eux qu'on laisse la possibilité d'ajuster. Les contraintes graduellement vont être soulagées.

Moi, j'admire le courage des gens qui ont accepté, on le voit par la collaboration qui est donnée aux équipes du ministère et des régies régionales, de s'embarquer là-dedans, qui ont une vision très claire de ce qu'ils doivent faire et qui, à chaque jour, contribuent à améliorer un petit peu la situation et à mieux aider les gens qui retournent vivre dans la communauté, même si c'est dans des conditions parfois encore difficiles; je pense qu'on a assez de témoignages qui nous confirment que c'est beaucoup mieux pour ces gens-là que d'être internés. Il y en a qui ont passé deux ans, cinq ans, 10, 12 ans internés, coupés de la vie et qui recommencent à vivre présentement. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le ministre. J'invite maintenant M. le député de Lotbinière.


M. Jean-Guy Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Mme la députée. Moi, je vais vous décrire un peu, en débutant, la situation des services de santé mentale en Chaudière-Appalaches. Un, c'est bien sûr, je vais brosser l'état de situation en 1990 et aussi lors du plan que M. le ministre demandait justement à la Régie de produire, en 1994, et bien sûr la transformation et la consolidation.

L'état de situation en Chaudière-Appalaches. Vous connaissez la région ici au sud du Saint-Laurent, une grande région composée de 11 MRC à partir du littoral jusqu'aux frontières américaines. Au début des années quatre-vingt-dix, la région Chaudière-Appalaches investissait 98 % de ses budgets en santé mentale dans cinq centres hospitaliers. Donc, deux sur le littoral, Lévis et Montmagny; dans les Appalaches, il y en avait trois, dont un centre à vocation auxiliaire, le sanatorium Bégin au Lac-Etchemin; et aussi la région de l'Amiante et Saint-Georges-de-Beauce ont un centre hospitalier où il y avait des services de santé mentale.

Les constats qu'on y faisait en 1990 étaient que le nombre d'hospitalisations était plus élevé que dans l'ensemble du Québec. Le deuxième constat: la durée des séjours dépassait de 30 jours par hospitalisation – la plus élevée au Québec. Le troisième constat: le nombre de lits de longue durée était le plus élevé au Québec. Aussi, le nombre de places d'hébergement de longue durée, dans des ressources de type familial ou en pavillon, était le plus élevé. Bref, en Chaudière-Appalaches, la santé mentale était institutionnalisée. Il n'existait aucun programme structuré en prévention, peu de services spécialisés dans les troubles transitoires et enfin aucun service de crise sur le territoire de Chaudière-Appalaches.

Donc, première étape, en 1994 – je me rappellerai toujours, M. le ministre, j'étais avec vous, j'étais délégué régional de la région – en fin octobre, on a rencontré la Régie. M. le ministre a rencontré la Régie. Il leur a demandé de faire un plan et, en 1995, de mettre ce plan-là en oeuvre; donc deux mois pour faire un plan. La mise en oeuvre s'est faite en 1995. En 1996, il y avait la transformation; en 1997, la consolidation. C'est bien sûr que c'est très rapide, mais le plan était précis.

La première phase, le plan. Qu'est-ce qu'il en est résulté? Les premières équipes ont été mises en oeuvre dans la moitié des CLSC du territoire par des ressources que nous avons rapatriées de la région de Québec vers le littoral et des ressources du Lac-Etchemin vers les autres CLSC. Sur le terrain, ça s'est traduit comme suit: donc, dans les CLSC, il y a eu 11 groupes d'entraide personnes. Chez moi, dans Lotbinière, ce groupe s'appelle L'Oasis. On a instauré quatre groupes d'entraide parents, un groupe de défense des droits de ces personnes, un groupe pour l'association justement au niveau du Québec. On a donné des services à 11 CLSC sur les 11 et on a aussi un programme prévention, pour un budget de 1 867 000 $ que nous avons rapatrié principalement de la région de Québec.

(10 h 50)

La deuxième phase, la transformation. Ça s'est fait en 1996. Donc, du budget de 1 867 528 $, on est passé à un budget de 3 691 534 $ au niveau des CLSC principalement et des groupes qui étaient dévolus à la santé mentale; on a aussi créé un centre de travail adapté de 21 places pour ces gens-là. Donc, sur le terrain, voici, Mme la députée, ce qui se passait.

Aussi, M. le Président, la troisième phase, la consolidation de ces activités-là. Donc, on est passé, comme je le disais tout à l'heure, de 1 867 000 $ en 1997 à 3 751 000 $, dans notre région, pour des services au niveau des CLSC. Dans chacun des territoires des CLSC, des groupes de parents se sont formés pour l'encadrement ainsi que des groupes de répit pour donner justement du répit à ces gens-là; il a aussi été introduit dans la consolidation les groupes en pédopsychiatrie. Donc, encore là, de la Rive-Nord, nous avons rapatrié un budget de 1 650 000 $ dans notre région pour donner des services à nos plus jeunes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Le ministre évoquait tout à l'heure l'ajout d'une somme 66 000 000 $, je crois, pour les régions à travers le Québec. Au Québec, il y a 16 régions administratives, à l'exclusion des deux dernières, le Grand Nord et je ne sais pas trop quoi, là. Si on fait une équation rapide, ça revient donc approximativement, sous réserve de validation des chiffres, en moyenne, à 4 000 000 $ par région. En contrepartie, on a pu voir une publicité, en de nombreuses occasions, à la télévision et, si ma mémoire est bonne, la publicité, qu'on a convenu de résumer à la «publicité du raisin», avait coûté 10 000 000 $ et plus, une publicité qui était destinée à convaincre la population que tout allait bien, quand cette population-là passe à travers les services et qu'elle peut constater une dégradation au niveau de l'accessibilité et au niveau de la qualité.

En réponse, M. le Président, à la question que j'ai formulée à M. le ministre en ce qui a trait à sa position – quel modèle le ministre de la Santé veut-il en santé mentale en CLSC au Québec? – M. le ministre a parlé d'un modèle de multidisciplinarité. Oui, effectivement, au sein des CLSC et ailleurs, il y a du personnel, des professionnels qui se rencontrent, soit en inter ou en multidisciplinarité. Il a également parlé des plans de services individualisés. À cet égard, j'aimerais porter à l'attention du ministre un bilan, une conclusion, un constat que l'on retrouve dans le bilan d'implantation de la politique en santé mentale. Ce que l'on dit, c'est: Est-ce qu'on va passer de l'hôpital au CLSC sans qu'on ait repensé, revu le modèle qu'on souhaite en CLSC comme pratique en santé mentale? Alors, à la page 140, une recommandation est faite eu égard aux plans de services individualisés: on suggère très fortement, évidemment en ce qui a trait à la santé mentale, «d'explorer et d'évaluer de nouvelles façons de faire, comme le suivi communautaire, l'accompagnement personnalisé et l'intervention en réseau, en faisant appel à la participation de l'ensemble des partenaires concernés, y compris les usagers et les familles, en vue d'assurer la continuité des services dans le respect du principe de la primauté de la personne et de ses droits.»

Et la primauté de la personne, ça veut dire respecter son point de vue, s'en référer à elle, obtenir sa participation, ça ne veut pas dire passer par-dessus elle, ça ne veut pas dire convenir sans la consulter ou sans consulter les membres de sa famille; et le bilan évoque à plus d'une reprise, à plusieurs endroits, l'absence de consultation. Parce que, vous savez, il y a bien des choses qui demeurent lettre morte, hein. Le plan de services individualisés, oui, mais, en théorie puis en pratique, c'est deux, et les personnes qui ont été interviewées lors de ce sondage-là – et ça a pris du temps puis ils en ont vu du monde – les usagers ont déploré qu'on ne les consultait pas. On ne leur demande pas leur point de vue, on convient sans obtenir leur consentement ou leur participation. Les familles ont également dit ça. Moi, je veux bien qu'on réduise la durée de séjour, mais réduire une durée de séjour sans qu'il y ait une prise en charge adéquate pour la personne qui va avoir besoin de services, sans qu'il y ait coordination, ça ne peut pas permettre d'assurer la continuité des soins, et il faut vraiment qu'on s'arrête à penser à ça. Accessibilité, qualité, ça va avec continuité, mais ça va aussi avec partenariat, et il faut qu'on se parle.

Quant à la situation, M. le Président, de Chaudière-Appalaches, je vais transmettre la galée de l'intervention du député de Lotbinière à ma collègue la députée de Beauce-Sud. Moi, ce qui me reste en mémoire, c'est de l'avoir entendue décrier, en de nombreuses occasions et encore cette semaine, la situation terrain déplorable dans cette région-là. Alors, je vais lui transmettre avec un très grand intérêt.

M. le Président, le ministre parlait de gens lésés. Je vous inviterais à aller visiter la résidence Chez Lise à Longueuil; si elle existe encore, allez-y. Moi, j'y suis allée, puis vous allez voir que c'est un choc, mais c'est un choc qui est utile pour retenir des orientations, encore une fois, dans le respect de la primauté de la personne.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, Mme la députée. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Parlant de cohérence, je veux bien suivre ce que la députée nous dit, puis retenir toutes les bonnes idées qu'elle a, mais il faudrait comprendre aussi. Au début, si j'ai bien saisi, la députée nous reprochait beaucoup de faire des comités puis des études puis des rapports, puis j'ai tenté d'expliquer que les documents étaient des documents de travail qui témoignaient de ce que les gens font sur le terrain, ce qu'on réalise. Par contre, j'ai l'impression qu'elle nous demande de tout revoir et de réévaluer des façons de faire des interventions cliniques et de se relancer dans des études, dans des évaluations et des rapports.

J'ai peut-être mal compris, mais ça dit ce qui se fait, que les gens ont évolué, ont des pratiques qui évoluent et qui changent, et c'est une des parties de la difficulté de ce qui se passe; ce n'est pas facile de changer des comportements et des façons de faire. Et ça, c'est fait dans un contexte où les gens améliorent le suivi de leurs actions, évaluent mieux l'impact de leurs nouvelles façons de travailler, pour les améliorer constamment avec une rétroaction.

On n'a donc plus besoin, je pense... on ne dit pas, en tout cas présentement, que ce dont on a besoin, c'est de remettre en question les façons de faire, mais c'est de continuer de les faire évoluer sur la base d'un suivi rigoureux et d'évaluation de l'impact de ce qu'on fait.

Et tout ça se fait – c'est un grand principe avec lequel tout le monde travaille, présentement, me confirme-t-on dans ce domaine – avec la personne qui est d'abord la plus impliquée dans tout ça, qui est le patient, qui est la personne qui est institutionnalisée. C'est avec elle que les décisions se prennent, c'est avec elle que le suivi se fait et que le travail est fait de façon intensive.

Encore une fois, c'est des changements de pratique qui se font. Ce n'est sûrement pas fait avec la même intensité puis la même perfection, présentement, dans toutes les régions et dans tous les territoires de CLSC du Québec; mais l'orientation est très claire, elle est partagée, il y a un consensus là-dessus, il y a de la formation qui doit se faire, encore plus, du personnel, et les gens travaillent dans ce sens-là.

Je prendrais un peu, peut-être, l'exemple de ce qu'on prépare pour les jeunes, parce qu'en plus du travail de l'équipe qui agit directement en santé mentale on a d'autres groupes qui ont des problèmes particuliers, pour lesquels on a mis des groupes de travail aussi, pour renforcer des consensus encore plus spécifiques. Les jeunes: on aura, dans quelques semaines, un plan d'action qui va rejoindre, pour les aspects de santé mentale, le plan d'action général pour la santé mentale et qui travaille sur ce même principe, qui part d'un principe fondamental que le jeune, l'enfant même, est le premier agent de son propre développement; que son milieu naturel, sa famille et le milieu où il vit, c'est le premier milieu qui peut aider l'enfant et soutenir l'enfant dans son développement et qu'à partir de là on travaille pour mieux synchroniser le travail de ceux qui doivent intervenir pour aider l'enfant, le jeune et sa famille.

Il y a le CLSC et le centre jeunesse, à l'intérieur du réseau de la santé et des services sociaux, qui apprennent à travailler plus localement et de façon plus cohérente ensemble. Il y a un lien plus intensif qu'on est en train de développer avec la partie médicale, santé médicale, et surtout tout le secteur de la pédopsychiatrie, par exemple, pour qu'ils travaillent mieux avec les équipes de terrain – ces gens-là partagent la même information sur l'enfant, sur sa famille – pour qu'on évite des incidents malheureux qui se sont produits dans le passé, parce que chacun intervenait de son côté en n'ayant pas du tout le portrait global de ce qu'était la situation de l'enfant et du milieu dans lequel il vivait.

(11 heures)

Il faut voir ce qui se fait aussi dans d'autres secteurs d'activité pour renforcer ces actions qu'on prépare pour le jeune, par exemple en éducation et avec l'application de la politique familiale du Québec, où là il y a tout le développement du réseau de centres à la petite enfance, de garderies et d'implication de l'école. Parce que l'enfant, si on veut l'aider pour prévenir le plus possible les problèmes de santé mentale ou pour aider des jeunes à se réintégrer dans une communauté, le secteur de l'éducation a un rôle très important à jouer. Donc, en plus du centre jeunesse, du CLSC et des pédopsychiatres, c'est un autre groupe qui est mis à contribution et qui, avec leur décentralisation aussi de ce côté-là, travaille de plus en plus localement.

Je mentionnerais juste un autre secteur qui est de plus en plus actif et qui intègre ses actions avec ces équipes locales: c'est tout le secteur municipal et les groupes communautaires, qui offrent à ce niveau, en ce qui regarde par exemple les loisirs qui sont organisés pour les jeunes, d'autres genres d'activités qui peuvent être de nature préventive par leur action, toujours en aidant le jeune dans son développement et en aidant celui qui a un problème de santé mentale, qui a un début de symptôme, de signe de ce qui peut être une maladie mentale, en aidant ces gens-là de façon plus intensive. Et le mot clé, c'est l'intégration de ce travail-là des gens autour d'un plan d'action personnalisé précis où le jeune, la personne est le premier joueur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le ministre. Mme la députée de Rimouski.


Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci, M. le Président. Alors, moi, j'aimerais quand même souligner que, dans la foulée des orientations pour la transformation des services de santé mentale, l'organisation des services de psychiatrie et de santé mentale dans le Bas-Saint-Laurent, c'est une réalité, et elle vise à offrir des services mieux adaptés aux besoins des personnes.

Alors, dans cette foulée, je pense que les objectifs que la région Bas-Saint-Laurent s'est donnés, dans le fond, c'est de mettre des services accessibles, qui soient des services continus dans le temps, complémentaires et efficients, et ça, je vous dirais que ces objectifs-là sont les mêmes autant pour la santé physique que pour la santé mentale et que ça correspond tout à fait aussi dans la politique de régionalisation des services et des soins de santé.

Dans le fond, on démarginalise en quelque sorte tous les services offerts en psychiatrie ou en santé mentale. La démarche des partenaires du réseau de la santé et des services sociaux du Bas-Saint-Laurent est une démarche de concertation, et j'aurais comme image de vous dire qu'on passe d'une vision d'établissement à une vision de services intégrés, et ça, c'est très important, ce n'est pas une lubie. Ça veut dire qu'en quelque sorte on décloisonne à la fois les services et les ressources – les ressources humaines, les ressources financières – et qu'on adapte les services et les pratiques, mais axés sur la personne dans son milieu, parce qu'on veut répondre autant à un besoin de logement, de recherche de travail, de scolarisation de la personne qui est atteinte de problèmes de santé mentale.

En passant d'une pratique axée sur des services en établissement à une pratique axée sur des services offerts dans le milieu, je pense qu'on donne une toute autre orientation, et ça fait partie d'une vision totalement différente de ce qui existait dans le passé. Dans le fond, ce que l'on demande à tous les partenaires, que ce soient les membres de la famille, que ce soient les organismes communautaires, les professionnels de la santé, c'est d'avoir un projet commun autour de la personne, pour la personne aux prises avec les problèmes de santé mentale.

On veut aussi que cette démarche qui est entreprise dans le Bas-Saint-Laurent soit une démarche de responsabilités partagées. Il n'y a pas qu'une personne qui prend en charge un citoyen ou une citoyenne aux prises avec le problème de santé mentale. Autant les organismes communautaires, les parents et les personnes atteintes que les professionnels ont chacun un type de responsabilité, et ces responsabilités-là sont étroitement reliées et les partenaires sont étroitement associés.

Alors, je pense que, là-dessus, l'organisation des soins et services, elle est centrée avant tout sur les besoins de la personne. Quand on parle que nos objectifs, c'est de rendre les services de santé mentale, par territoires de MRC, accessibles et continus, c'est parce que, dans des régions comme la nôtre, les distances sont très importantes et il faut que les personnes aux prises avec des problèmes puissent les recevoir le plus près de chez eux possible.

Je voudrais aussi souligner que cette façon de faire, c'est-à-dire une démarche de concertation, une démarche de responsabilités partagées et une vision intégrée de services, ça a obligé tout le monde à changer ses façons de faire et sa vision des services et à offrir aux personnes aux prises avec des troubles de santé mentale, que ce soit des organismes communautaires, que ce soit des intervenants de CLSC – et chez nous, il y a huit CLSC parce qu'il y a huit MRC – et des centres hospitaliers, il a fallu que tous ces gens-là s'assoient ensemble et questionnent les changements qu'ils devaient faire pour s'assurer que les services soient bien orientés sur la personne aux prises avec les problèmes de santé mentale. Alors, je pense que, là-dessus, c'est un plus.

Et je voudrais rappeler aussi que, en ce qui a trait à l'organisation des services médicaux, il a fallu revoir le redéploiement des ressources humaines, pas seulement en établissement, mais aussi hors établissement. Et il a fallu aussi revoir et s'assurer de la réallocation des ressources financières. Tout le monde le sait, si on veut faire des choses, ça prend des sous. Et je pense que, là-dessus, il a fallu que les partenaires non seulement partagent les sous, mais partagent leur expertise. Ce projet de réaménagement des services et des soins en santé mentale est bel et bien amorcé dans la région Bas-Saint-Laurent, et les gens connaissent mieux leur champ d'intervention et poursuivent dans la foulée des orientations ministérielles par rapport à la politique de santé mentale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. Maintenant, c'est le tour de Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Ce que je soulevais à l'intention de M. le ministre de la Santé, c'est le risque qu'on passe de l'hôpital au CLSC sans s'interroger sur le modèle de pratique que l'on souhaite en santé mentale en CLSC. C'est donc une inquiétude très importante au niveau des groupes de promotion et de défense des droits, de même que des groupes pour les parents et les amis du malade mental. Donc, ce que je veux savoir, c'est s'il a pris position à ce sujet-là et, encore une fois, quel modèle de pratique souhaite-t-il en santé mentale en CLSC? Et ça, il faudrait qu'on décide de cette question avant que les gens passent de l'hôpital au CLSC. Il ne faudrait pas que l'on fasse de la transinstitutionnalisation, donc, qu'on passe de l'hôpital dans la communauté sans qu'il y ait eu une réflexion qui se fasse à ce sujet-là. Dans le respect de la primauté de la personne, ce que l'on veut assurer, c'est une intégration véritable dans la communauté. Encore une fois, pour atteindre une intégration véritable dans la communauté, ça prend des conditions préalables qu'on a évoquées, donc, je ne reviendrai pas là-dessus.

On a parlé des enfants. Encore une fois, le regroupement intersectoriel des organismes communautaires de Montréal – tout comme le regroupement de Québec, dont j'ai parlé tout à l'heure, j'ai montré leur document – quant à Montréal, c'est Leur équilibre, notre déséquilibre qui évoque à la page 71 une pénurie de ressources spécialisées. On dit: «Il faut palier à ce qu'eux ne peuvent plus donner.» On parle des institution spécialisées pour enfants qui ont réduit considérablement leurs services et les enfants sont maintenant référés vers des organismes communautaires et vers des familles. Donc, ces organismes-là sont appelés à palier à ce qu'eux, les établissements, ne peuvent plus donner.

(11 h 10)

Et voici l'explication que fournit une intervenante communautaire: «On reçoit des familles qui sont en grande difficulté et qu'on ne recevait pas avant. Elles sont pauvres économiquement. Elles sont pauvres parce qu'elles n'ont pas accès à des ressources spécialisées pour leur enfant. On a reçu deux enfants qui n'auraient jamais dû être référés à une halte-garderie parce qu'ils ne savent pas quoi faire, parce que ces enfants autistiques ne sont pas intégrables nulle part. On nous les réfère en nous disant que c'est juste le temps qu'on leur trouve une place.» Antérieurement, les organismes communautaires, les familles s'en référaient au réseau public qui avait l'obligation et qui l'a toujours, parce que la Loi sur les services de santé et services sociaux n'a pas changé... Donc, avant, les organismes communautaires s'en référaient au réseau public.

Actuellement, on assiste à un renversement. Ce sont les établissements publics qui réfèrent, qui dumpent, pour reprendre une expression qui a été utilisée à boire à ne plus avoir soif, donc ad nauseam... Ce sont maintenant les organismes qui sont les déversoirs du réseau public, et encore une fois, la Loi sur les services de santé et services sociaux n'a pas changé les missions, les responsabilités des établissements, ni des professionnels. Ce n'est pas aux parents, ce n'est pas aux enfants, ce n'est pas aux personnes en santé mentale d'avoir à magasiner des services. Vous savez, ce n'est pas quand un patient quitte l'hôpital qu'on doit lui dire: Tu appelleras à ton CLSC. Pas du tout. Il y a des prises en charge qui doivent être faites avant. Et le réseau de la santé doit être organisé de façon cohérente pour dispenser des services de qualité à l'ensemble des clientèles.

M. le Président – le ministre s'en souviendra – on avait évoqué qu'à l'heure actuelle les organismes communautaires reçoivent des patients en jaquette et en pantoufles de papier. On trouve des patients en santé mentale qui sont complètement égarés, qui sont hagards sur le trottoir. On réfère par taxi à des organismes communautaires des patients qui sont encore sous médication. On ne sait pas ce qui se passe. Et ces gens-là vivent les incertitudes du réseau de la santé. Et je pense que c'est tout à fait incorrect.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la députée de Bourassa. J'invite maintenant M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Oui, M. le Président. La députée de Bourassa est revenue à quelques occasions sur cette question: Quel est le modèle qui est appliqué? Est-ce que les gens savent quoi faire et comment faire sur le terrain avec ceux qui ont une maladie psychiatrique?

Je vais essayer de résumer comment ça se passe dans la réalité. D'abord, on a affaire à des professionnels. Dans les organismes communautaires aussi, souvent, c'est des professionnels ou des gens qui ont une longue expérience. Et c'est des gens qui savent comment faire. L'évolution de la façon d'intervenir auprès de gens qui ont une maladie psychiatrique s'est faite régulièrement dans différents pays. Et les professionnels ont évolué dans leur pratique.

Le ministère travaille beaucoup, les équipes du ministère, avec les associations professionnelles, avec les collèges professionnels, que ce soient des médecins, des infirmières, des travailleurs sociaux, des étiqueteurs, tous ceux qui peuvent intervenir dans ce domaine. Et c'est à partir du travail de ces gens-là, avec les gens sur le terrain, avec leurs professionnels, que les guides des meilleures pratiques se développent. Le ministère a un rôle plus particulier d'assurer une information plus générale des synthèses ou des méta-analyses qui donnent les grandes orientations à l'ensemble de ceux qui prennent en relais le développement des pratiques sur le terrain. Et je donnerai juste, à titre d'exemple, pour être très concret, ce qui s'est fait dans les dernières années, au ministère.

D'abord, l'année dernière, le Comité de la santé mentale du Québec, qui est un comité très technique qui a fait beaucoup de travaux au cours des 20 ou 25 dernières années, a produit un document, Les défis de la reconfiguration des services en santé mentale . Je pense que la députée prendrait plaisir à lire ce document. Il y a des chapitres importants: par exemple, sur les alternatives à l'hospitalisation, comment sont-elles devenues efficientes et efficaces; un aperçu des connaissances en matière d'insertion et de maintien dans le milieu culturel; de l'hôpital à la communauté; et des modèles de transition. Alors, c'est un des exemples de document de base qui donne des fondements très importants basés sur la connaissance de ce qui se fait partout dans le monde et d'expériences concrètes.

Plus récemment, en avril 1998, le ministère a aussi rendu public, dans sa collection des études et analyses, un document sur L'organisation des services de santé mentale dans la communauté avec, en sous-titre: Les enseignements à tirer de la recherche évaluative . Et ça, c'est une analyse de ce que les spécialistes dans le domaine ont trouvé de ce qui se fait de mieux ayant été évalué. Vraiment, une recherche évaluative de ce qui a été évalué et qu'on peut connaître maintenant comme se faisant de mieux, bien sûr, au Québec, mais ailleurs au Canada et ailleurs dans le monde.

Alors, à partir de ceux qui doivent encadrer la pratique des professionnels et assurer la qualité des services des professionnels, soit les collèges professionnels ou les associations avec qui on est en très étroite collaboration, avec le travail de mécanismes comme le Comité de la santé mentale du Québec et des équipes techniques du ministère, il y a régulièrement du matériel de synthèse et d'orientation qui est donné aux gens. Je pense qu'il faut que la population soit confiante. Il faut savoir que ces équipes sur le terrain, ce n'est pas des gens qui font ce qui leur passe par la tête un matin ou qui n'ont pas trop idée comment intervenir. Il y a des méthodes de travail, il y a des guides de pratique pour chacun des individus et il y a des protocoles pour que ces gens-là travaillent plus en cohésion ensemble. Et je le répète: ça, c'est fait avec un outil parmi les autres qui est très important là-dedans, c'est ce plan de services individualisés pour chaque personne, qui amène chacun des professionnels ou des gens d'organismes communautaires de différents secteurs, même en dehors de la santé et des services sociaux de plus en plus, non seulement à intervenir au meilleur de sa connaissance et de sa compétence, mais à s'articuler avec les autres, à partager l'information et, ce faisant, comme individu, professionnel et comme groupe, en impliquant beaucoup la personne qui reçoit les services, en ayant toujours cette notion d'évaluation et de suivi d'évaluation pour qu'on apprenne et qu'on ajuste à mesure qu'on avance, d'abord pour la personne qui est visée comme patient, mais qu'on ajuste et qu'on apprenne aussi sur nos façons de faire. Alors, c'est un domaine qui est en évolution constamment, qui a beaucoup évolué dans les dernières années et qui fait sentir des changements de pratique qui sont devenus de plus en plus bénéfiques pour les patients.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le ministre et je vous invite, M. le député de Lotbinière, à faire votre dernière intervention.


M. Jean-Guy Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Ma deuxième intervention portera sur l'hôpital Saint-Julien qui est aussi dans ma région, parce que mon comté est à cheval sur deux régions administratives, la 12 et la nouvelle, Centre du Québec. Et, bien sûr, l'hôpital Saint-Julien est dans le comté de Frontenac, de la collègue Mme la députée de Bourassa, et aussi dans la région administrative dans laquelle j'ai la moitié de mes commettants.

Donc, je voudrais différencier en premier chef la santé mentale versus la déficience intellectuelle, donc la croyance populaire que les personnes déficientes intellectuelles sont différentes des personnes ayant des troubles mentaux. L'Association américaine pour le retard mental est reconnue comme un des chefs de file dans la compréhension, la définition et la classification du retard mental. Voici pourquoi, M. le Président, je vous donne leur définition au profit de celles et de ceux qui nous regardent: par déficience intellectuelle, on entend un état de réduction notable du fonctionnement actuel d'un individu. La déficience intellectuelle se caractérise par un fonctionnement intellectuel d'une façon significative inférieur à la moyenne, associé à des limitations dans au moins deux domaines de fonctionnement adaptatif: communication, soins personnels, compétences domestiques, habilité sociale, utilisation des ressources communautaires, autonomie, santé et sécurité, aptitudes scolaires et fonctionnelles aux loisirs et au travail. La déficience intellectuelle se manifeste avant l'âge de 18 ans ordinairement.

Par opposition, la santé mentale d'une personne s'apprécie à sa capacité d'utiliser ses émotions de façon appropriée dans des actions qu'elle pose – donc au niveau affectif – d'établir des raisonnements qui lui permettent d'adapter des gestes aux circonstances – donc d'une façon cognitive – et de composer de façon significative avec son environnement relationnel. Tout en reconnaissant cette spécificité, il demeure fondamental d'agir à la fois sur les dimensions biologiques, psychologiques, sociales et, ainsi, élargir l'action en santé mentale.

(11 h 20)

Maintenant, voici comment se fait la démarche d'intégration à Saint-Julien. On sait que le député de Frontenac, quelquefois, ne fait pas ces nuances-là, donc ça me fait plaisir de lui expliquer comment ça fonctionne. La démarche de l'hôpital Saint-Julien, c'est celle retenue depuis 20 ans. Donc, on peut dire aussi que l'hôpital Saint-Julien est le dernier des Mohicans au niveau du Québec, dans le sens que ça ne s'est pas fait dans cette institution-là. Ça s'est fait avant, dans les autres institutions de même type. Mais, ayant une triple mission, c'est-à-dire déficience intellectuelle, santé mentale et aussi gériatrie, mais principalement 90 % de la clientèle est de déficience intellectuelle à Saint-Julien, donc, il s'agit d'un ensemble de règles à respecter dans toute la démarche d'intégration sociale.

Ces règles: un, s'assurer que chaque personne possède un plan de services – ç'a été fait à Saint-Julien, deux fois plutôt qu'une; deuxièmement, établir des plans d'intervention basés sur les besoins de la personne et en assurer le suivi; troisièmement, s'assurer de la participation de l'adulte ou son représentant – comme vous le disiez d'entrée de jeu tout à l'heure, si cette personne-là a un représentant ou est en curatelle ou ainsi de suite; s'assurer de l'implantation de tous les groupes constitués de l'établissement – j'ai fait partie justement des rencontres avec M. le ministre, avec mon collègue aussi d'Arthabaska – donc, conseil d'administration, équipe de gestionnaires, syndicats, travailleurs, comités de bénéficiaires au processus de changement; s'assurer qu'un réseau de services et de ressources diversifiés fondé sur les besoins des personnes soit présent et accessible dans la communauté; ensuite, maintenir la permanence des services de base, le gîte, le couvert, l'encadrement, à l'égard des personnes non autonomes en besoin de protection sociale et assurer le suivi de ces gens; prévoir des programmes de mise à jour des connaissances des travailleurs en vue de les impliquer davantage dans le processus d'intégration sociale et d'en assurer la réussite; en collaboration avec la régie régionale, préparer la communauté, principalement les groupes communautaires, par des activités de sensibilisation et d'information afin d'accroître la réceptivité du milieu et de changer les attitudes négatives envers les personnes ayant une déficience intellectuelle; enfin, arrêter des modalités d'évaluation qui permettront à l'établissement de mesurer la qualité de vie des personnes en milieu communautaire et d'apporter des correctifs nécessaires.

Ça se fait par deux organismes dans cette région-là: le CSDI et, dans la région Chaudière-Appalaches, qui est tout juste à côté, dont les clientèles se croisent, à L'Estran. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le député de Lotbinière. C'était malheureusement votre dernière intervention. Maintenant, Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. M. le Président, à chaque fois que... D'abord, je dois dire que je remercie M. le ministre de porter à mon attention l'existence de deux documents. Je n'ai pas le bonheur d'être sur votre liste d'envois. Je sollicite, par les présentes, le privilège que vous m'inscriviez à la liste d'envois du ministère de la Santé et des Services sociaux pour que je reçoive toute publication, toute circulaire, ou tout document, toute petite feuille de papier qui représente un intérêt. Vous connaissez mes préoccupations.

Je vous demande spécifiquement, je vous ai demandé des document, M. le Président, j'ai demandé des documents à M. le ministre de la Santé, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 39, je ne les ai jamais reçus. Alors, je profite de l'occasion pour lui soulever que je ne les ai jamais reçus, lui confirmer mon intérêt à apprendre le plus possible de façon à représenter la population du Québec de la meilleure façon, m'inscrire sur sa liste d'envois et j'apprécierais recevoir Les défis de la reconfiguration des services en santé mentale et également, recevoir L'organisation des services de santé mentale dans la communauté . Je ne les ai jamais reçus. Je n'étais pas au courant que ça existe.

J'ai pris bonne note des commentaires que le député de Lotbinière a formulés. Encore une fois, je transmettrai la galée à mon collègue de Frontenac et je suis assurée que ça va l'intéresser.

J'aimerais porter à l'attention du ministre de la Santé le cas de la Résidence du Boulevard à Granby. M. le Président, 90 personnes vivent à la Résidence du Boulevard à Granby. C'est une résidence privée sans permis. 90 % des personnes qui y sont hébergées, soit 75 personnes, sont diagnostiquées comme souffrant de problèmes de santé mentale et certaines d'entre elles présentent des troubles sévères et persistants. Le propriétaire de cette résidence, selon les informations qui me sont transmises par l'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec, vient tout bonnement de décider de fermer la résidence.

M. le Président, vous n'êtes pas sans savoir, tel que le rappelle le Vérificateur général dans son rapport spécial à l'Assemblée nationale, rapport portant sur le Curateur public, qu'une personne en résidence privée sans permis et qui est en perte d'autonomie, donc, qui ne peut plus accomplir ses activités de vie quotidienne sans avoir l'assistance ou l'encadrement requis, une personne qui requiert des soins et des services réguliers doit être hébergée, comme le rappelle le Vérificateur général, dans un établissement qui est régi par la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Vendredi, le 28 novembre 1997, M. le Président, vous vous souviendrez que j'interpellais le ministre en Chambre au sujet de ces questions et, en réponse à des questions que j'adressais à M. le ministre concernant les résidences sans permis, M. le ministre me répondait, et je le cite: «Ça serait bon qu'elle nous en parle puisqu'elle nous aide à voir un peu comment on peut corriger cette situation-là.» Eh bien, M. le Président, j'aimerais informer le ministre que non seulement je lui en parle mais je lui demande quelle action il entend prendre à l'issue de cette rencontre pour éviter que ces personnes se retrouvent tout bonnement à la rue

M. le Président, le Protecteur du citoyen dénonçait dans son rapport Le curateur public et les droits de la personne inapte , rapport du 21 novembre 1997: «Tant le ministère de la Santé et des Services sociaux que l'ensemble des régies régionales ont maintes fois dû réagir aux dénonciations portées par un grand nombre de personnes intéressées et de groupes de pression. Manifestement, on n'est pas pour le moment disposé à agir et tout traîne d'études en analyses en rapports.» Je cite la page 49.

M. le ministre, avez-vous l'intention de continuer d'accepter que des personnes totalement sans défense soient orientées et maintenues dans ces ressources qui opèrent sans permis gouvernemental? M. le ministre, tel que vous le recommandait le Protecteur du citoyen, entendez-vous une fois pour toutes adopter une politique de contrôle des ressources privées opérant sans permis du gouvernement?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la députée de Bourassa. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, d'abord, dans un premier temps, je vais répondre directement à la question posée sur l'hébergement. Mais je voudrais d'abord dire à la députée que l'accès aux publications, aux travaux qui sont faits par le ministère lui est possible. On me confirme que, sur le site Internet du ministère, il y a entre autres la liste de nos publications. Il faut bien s'en assurer. En passant, c'est bon de dire, à la gloire des fonctionnaires du ministère, que ce site Internet a gagné des prix comme étant un des meilleurs sites Internet d'information dans le domaine de la santé qui puisse exister présentement. Sincèrement, il y a vraiment une équipe qui a fait un travail formidable.

Mme Lamquin-Éthier: ...

M. Rochon: On va s'en assurer. Mais dans la mesure où on entretient encore une liste d'envois plus traditionnelle peut-être pour tous ceux qui ne sont pas encore complètement, qui n'ont pas fait tout le virage technologique de l'information, on pourra aussi l'envoyer. Mais je ne doute pas que, sur l'Internet, la députée va trouver ça et à mesure que les documents sortent, ils sont sur cette liste-là.

La question de l'hébergement est un secteur où il y a encore beaucoup d'amélioration à faire. On en est très conscients. Depuis deux ans, il y a énormément de travail qui a été fait au ministère pour débroussailler ce secteur-là. C'est loin d'être évident et ça comprend différents aspects, y compris évidemment ce qu'on appelle les réseaux de résidences privées, même pas des réseaux, ce n'est même pas en réseau, des résidences privées qui fonctionnent actuellement. Il y a un groupe qui sont agréées par le ministère. Il faut bien faire attention. Il y a tout un groupe de résidences mais il y en a un autre groupe qui sont complètement libres dans la nature. Ça, ce n'est pas une chose qu'on peut laisser aller.

Il ne faut pas attendre d'intervenir quand il y a des incidents malheureux. Avec assez de confiance, je peux dire à la députée que d'ici quelques mois on devrait être capable d'avoir quelque chose qui va être assez bien campé, comme orientation du ministère, en ce qui regarde l'hébergement, le lien avec les soins et les services et jusqu'à la limite où l'hébergement comprend très peu les soins de services par rapport à des interventions très intensives de soins de services dans des centres hospitaliers de longue durée, par exemple, avec toute la gamme allant jusqu'aux résidences privées.

Alors, ça, là-dessus, je partage la même préoccupation que la députée de Bourassa. On en a beaucoup parlé. On a beaucoup travaillé là-dessus au ministère, mais ça s'est avéré être une jungle pas facile à comprendre pour voir ce qui se passait là-dedans. Là je pense que... Mme Auger me confirme que d'ici quelques mois on devrait être rendu à un niveau de clarification pour être capable de produire quelque chose qui va nous permettre de bouger dans ce secteur-là.

(11 h 30)

Je voudrais, dans le temps qui me reste présentement, juste donner quelques indications pour démystifier un peu les chiffres. Quand on parle de ce fameux 3 000 lits où on a essayé d'expliquer que c'était une conséquence de toutes ces nouvelles approches qui ferait qu'on aurait besoin de moins de lits, des fois, ça laisse l'impression aux gens qu'on va commencer par fermer des lits. Ce n'est pas comme ça que ça se passe. Je vais prendre l'exemple de ce qui s'est passé depuis que la consultation et ses nouvelles orientations se mettent en place. Il y a un peu plus de 1 200 de ces lits-là, sur les fameux 3 000, qui sont déjà disparus. Maintenant, la première chose qu'il faut réaliser, c'est que ça ne correspond pas à plus de 1 200 personnes, ça, parce que, d'abord, il y a un taux d'attrition normal, il y a des gens très âgées dans ces établissements-là qui décèdent, et ça peut correspondre, sur une période de trois ans, peut-être à peu près à la moitié de personnes par rapport au nombre de lits. On parle peut-être d'à peu près 600 personnes qui étaient dans des lits et qui ne sont plus dans ces lits-là.

Maintenant, allons plus précis pour voir ce que ça peut vouloir dire. Pour une année, en 1996-1997, c'est 230 personnes qui ont quitté les établissements. Il y en avait 83 qui étaient là depuis deux à cinq ans, 90 depuis cinq à 12 ans et un groupe de 56 qui étaient là depuis plus de 12 ans. Prenons juste ce groupe de 56 là. Il y en a seulement six qui sont retournés dans leurs familles, il y en a une vingtaine qui sont maintenant dans des centres hospitaliers de soins de longue durée parce que c'est de ça dont ils besoin, et les autres sont maintenant dans différents types de résidences mieux adaptées à leur façon de vivre; donc, ce n'est pas des gens qui ont été envoyés dans la nature comme ça, là. Ceux qui avaient été là le plus longtemps, 12 ans – ça, je les prends comme exemple – ils sont ou bien dans des résidences de différents types qui les intègrent mieux dans la communauté ou ils sont dans des soins de longue durée parce qu'ils avaient besoin d'une grande intensité de soins de longue durée qu'on ne leur donnait pas autrement, puis il y en a six qui sont dans leur famille. Alors, ça démystifie un peu, je pense, ce qu'on peut vouloir dire quand on transfère les gens ailleurs.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le ministre. Mme la députée de Rimouski, pour votre dernière intervention.


Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais quand même attirer votre attention sur un des éléments de la politique en santé mentale en parlant du suicide. Parce qu'on sait très bien qu'un des facteurs du suicide, c'est les troubles mentaux; ce n'est pas le seul, mais c'en est un parmi d'autres. Le suicide est quand même un problème majeur, ce n'est pas seulement un phénomène social qui nous préoccupe tous, les Québécoises et les Québécois, c'est avant tout un problème important de santé publique et c'est également et surtout une tragédie personnelle, c'est une tragédie qui peut toucher la famille et qui touche toute la collectivité. Et on sait très bien qu'au Québec, depuis le début des années soixante-dix, les décès par suicide ont connu vraiment une hausse importante. Cette hausse nous inquiète, et je pense que c'est très important de se préoccuper de cette question et d'intervenir.

J'aimerais donner une idée de l'ampleur du problème en citant seulement quelques chiffres. Entre autres, pour l'année 1995, il y a eu 1 442 personnes qui sont décédées au Québec par suicide; sur ce nombre, 1 144 étaient des hommes et 298 étaient des femmes. C'est vrai que les hommes au Québec se suicident quatre fois plus que les femmes, alors que les femmes vont, quant à elles, plus faire des tentatives de suicide, mais elles ne réussiront pas nécessairement leur acte comme tel; mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas un problème là. On a déjà fait des enquêtes, au Québec et un peu partout à travers le monde, et on se rend compte entre autres que, pour le Québec, environ cinq femmes sur 100, au cours de leur vie, font une tentative de suicide, ce qui est très très important comme prévalence, et on sait qu'il y a trois hommes sur 100 qui font des tentatives. Par contre, on connaît les taux réels; alors, les hommes sont très susceptibles d'avoir, à un moment ou l'autre de leur vie, des intentions suicidaires.

Et ce problème touche des personnes qui sont souvent encore très actives dans la société, parce que trois décès par suicide sur quatre vont survenir avant l'âge de 50 ans. Et le suicide des jeunes, tout le monde le sait au Québec parce qu'on en a beaucoup parlé, c'est une des premières causes de mortalité, surtout chez les jeunes hommes de 15 à 29 ans. Alors, je pense que, là-dessus, on se devait, comme gouvernement, et que le ministère de la Santé devait se préoccuper de cette problématique de santé, et c'est comme ça qu'en 1998, en février dernier, on a pris connaissance de la Stratégie québécoise d'action face au suicide . Cette stratégie, elle a été rendue publique sous la Stratégie québécoise d'action face au suicide , sous le thème de S'entraider pour la vie.

Le titre, pour moi, est très révélateur parce que «s'entraider pour la vie», c'est quelque chose qui met l'accent à la fois sur la solidarité, la concertation et vers l'espoir, et ça valorise en quelque sorte l'importance de la vie. Et cette stratégie définit des pistes d'action concrètes et, dans le fond, ça vient renforcer des mesures qui étaient déjà en place en termes de prévention du suicide. Dans le fond, ce qu'on veut faire, c'est accentuer les points forts et tenter de pallier, peut-être, aux faiblesses que nous avions développées, au cours des années, dans nos façons de faire. Et je pense, là-dessus, que le ministère de la Santé et des Services sociaux assure le leadership et la coordination des actions, démontre jusqu'à quel point le gouvernement entend intervenir pour diminuer le taux de suicide au Québec.

Et ça, ça s'appuie sur un large consensus, parce que je pense qu'au Québec nous avons de l'expertise, nous avons de l'expérience et nous sommes bien outillés pour mener une action concertée partout à la grandeur du Québec, région par région, territoire de MRC par territoire de MRC, parce qu'on peut se reposer, en quelque sorte, sur l'expertise à la fois des professionnels de la santé, mais des organismes du milieu. Les objectifs qui ont guidé l'adoption de la stratégie reposent, en quelque sorte, sur la valorisation de la vie; c'est un des objectifs, et je pense que, là-dessus, c'est important d'insister sur cet élément. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. C'était pour vous aussi la dernière intervention, alors merci beaucoup. Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. J'aimerais, si vous me le permettez, vous dire que, bon, moi, je n'internaute pas, je ne compte pas voyager sur Internet; je pense que ça serait préférable, vu mes limitations, que tel que demandé je reçoive les deux publications, de même que toute publication qui serait d'intérêt, et je vous en remercie d'avance.

Je sollicite, M. le Président, l'attention du ministre pour la question relative à la Résidence du Boulevard, à Granby, en Montérégie, et surtout la prise d'action, à l'issue de notre rencontre, pour éviter que 90 personnes se retrouvent tout bonnement dans la rue. Et, encore une fois, le propriétaire de cette ressource privée sans permis vient de décider de fermer la ressource, donc, du jour au lendemain, les personnes risquent de se retrouver sans prise en charge adéquate, sans suivi, sans continuité.

M. le Président, plus de 10 % des jeunes, dans nos écoles, prendraient du Ritalin. Selon une étude de Statistique Canada, de 10 % à 30 % des personnes âgées hospitalisées le seraient à cause de problèmes directement causés par l'absorption de médicaments. Par ailleurs, les recherches des dernières années, selon Guyon, ont fait valoir que l'absorption de certains tranquillisants, pris trop longtemps ou de façon inappropriée, peu aggraver des symptômes dépressifs existants ou même en provoquer qui s'apparenteraient à des états dépressifs. Toujours selon Guyon, les problèmes de santé mentale des personnes âgées sont rarement diagnostiqués et traités par des équipes spécialisées en santé mentale. Il semble qu'on tende plutôt à psychiatriser l'expression de certains comportements.

D'autre part, des problèmes importants de dépression passent inaperçus. M. le Président, l'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec et le Rassemblement des ressources alternatives en santé mentale du Québec souhaitent que la politique en santé mentale intègre le principe de la gestion autonome de la médication.

(11 h 40)

Comme je vous le demandais, M. le Président, comme je le demandais au ministre, dans le cadre des études des crédits, le 3 mai 1998, pouvez-vous nous confirmer si vous avez pris connaissance de l'avis que le Comité d'actualisation de la politique en santé mentale vous a soumis à ce sujet, donc au sujet de la gestion autonome de la médication? M. le Président, le ministre de la Santé peut-il nous préciser s'il a l'intention d'inclure dans son plan d'action en santé mentale la gestion autonome des médicaments? Le ministre peut-il nous préciser si la politique sur le médicament est enfin disponible et peut-il nous en transmettre copie?

M. le Président, Sylvie Dillard, alors sous-ministre adjointe à la planification et à l'évaluation au ministère de la Santé et des Services sociaux, déclarait dans L'actualité médicale du 11 février 1998 qu'un comité du ministère réfléchissait à la question des centres de sevrage aux psychotropes. M. le Président, le ministre a-t-il pris connaissance de l'état de la situation que ce comité lui a transmis à ce sujet? M. le Président, les centres de sevrage aux psychotropes feront-ils partie du plan d'action du ministre en santé mentale du Québec?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup, Mme la députée de Bourassa. Ça termine vos six interventions de cinq minutes.


Conclusions

M. le ministre, vous débutez votre période de conclusion de 10 minutes.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Alors, merci, M. le Président. D'abord, rapidement, quelques retours d'ascenseur à des questions pointues soulevées par la députée. La politique sur le médicament, j'ai eu l'occasion de le dire à quelques occasions déjà, je pense, est en élaboration. Présentement, il y a des consultations qui se font, il y a un comité de concertation. On se rappellera que la loi qui a créé le régime d'assurance-médicaments prévoyait le rôle d'un comité d'évaluation, de révision de l'utilisation des médicaments, prévoyait aussi un rôle pour le Comité consultatif de pharmacologie et un groupe de concertation avec des gens, des professionnels dans le domaine de la santé et du médicament, singulièrement, des gens qui sont des consommateurs de médicaments, qui avisent le ministère, entre autres, présentement, de façon spéciale sur l'élaboration de cette politique qui devrait être disponible à l'automne en regard du médicament.

La question des centres de sevrage, c'est aussi, je pense, ce qu'on désigne, comme secteur de préoccupation, par la gestion autonome du médicament. Il y a eu effectivement un groupe de travail qui a été mis sur pied et qui n'a pas produit son rapport encore – on me dit que c'est incessamment – un groupe de travail où des thérapeutes, des psychiatres, des consommateurs de médicaments ont travaillé ensemble, et on me dit que je devrais recevoir sous peu le rapport de ce comité-là, qui n'a pas complété encore son travail.

En concluant, M. le Président, j'aimerais peut-être redonner une vision de la toile de fond sur laquelle on travaille, parce que tout ça a commencé avec les questions de la députée de Bourassa: Est-ce qu'on sait où on s'en va? Qu'est-ce qui se passe dans le domaine de la santé mentale? Alors, il faut se rappeler qu'on est dans une situation où on a dû faire un rattrapage important. Qu'est-ce qu'on a fait comme politique? Il y avait déjà une politique qui était en place depuis 1989; on en a fait une évaluation au ministère. On a demandé au Vérificateur général de faire une évaluation externe, pour être bien sûr qu'on aurait un portrait complet et juste de la situation, qu'il n'y aurait pas de complaisance qui pourrait risquer de s'y glisser.

Les principales conclusions ont été les mêmes pour le groupe interne du ministère et du réseau et pour le Vérificateur général, qui disaient essentiellement: Cette politique, elle est bonne, l'orientation est bonne. La désinstitutionnalisation, ça a été fait en bonne partie. Où il y a des problèmes énormes, c'est qu'on n'a pas suivi la désinstitutionnalisation. On n'a pas développé les services dans la communauté, et il faut agir maintenant localement. Ça a donné lieu, donc, à une opération, pas de refaire une autre politique, elle était essentiellement bonne, c'est un problème d'application de la politique, on a préparé des orientations pour la transformation des services.

Ces orientations-là, c'est un document qui précise donc à partir de la politique ce qu'on doit faire avec un focus local, maintenant, d'implantation de services. Il y a un groupe de travail du ministère qui est partout dans les régions, avec les régies régionales et les intervenants sur le terrain, et c'est une consultation sur le comment appliquer. Et, à la fin de cette consultation, on aura presque toutes les régions dans quelques mois qui seront déjà engagées dans une mise en oeuvre de transfert de ressources et de développement d'équipes multidisciplinaires, de travail entre les différents secteurs et d'une plus grande cohésion autour de la personne qui est le patient qui retourne dans sa famille et dans la communauté et en intégrant nos actions.

Parallèlement à cette activité, ces orientations qui se mettent en place, pour des problématiques plus spécifiques, pour différents groupes, il y a d'autres travaux qui ont été faits pour s'assurer que cette mise en oeuvre serait renforcée et que la politique qu'on avait au début serait renforcée par des éléments de politique plus spécifiques. Alors, on se rappellera par exemple qu'il y a une politique et un plan d'action interministériels importants sur la violence conjugale qui est reliée à différentes situations qui peuvent exister. Ça, ça existe déjà depuis un moment, ça a déjà été publié. En plus du ministère de la Santé, le Secrétariat à la condition féminine, le ministère de l'Éducation, le Secrétariat à la famille, le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Justice sont impliqués. Et, depuis 1995, ce qui regarde la violence conjugale a été mis en oeuvre avec une politique et un plan d'action.

Pour les enfants et les adolescents, regardant l'ensemble de la situation des jeunes, y compris la santé mentale, on a un groupe de travail qui termine et qui, d'ici quelques semaines, nous donnera un document de cette nature, un plan d'action, une mise en oeuvre de la politique pour les jeunes dans les régions, sur les territoires des CLSC.

Un autre groupe, Mme la députée y a fait référence, les femmes. Et, pour s'assurer que cette politique tiendrait compte de la situation particulière, de risques particuliers qui peuvent être ceux des femmes, on a demandé à un groupe de gens du milieu, de femmes, de faire une révision des orientations, d'en faire une analyse et de nous faire des recommandations pour s'assurer que, quand on va terminer ces orientation, on tienne bien compte de la situation des femmes. Le rapport a été publié sous le titre Écoute-moi quand je parle ; et d'ailleurs ce groupe de femmes ont elles-mêmes fait une conférence de presse pour dire ce qui a été souligné au ministère, qu'on va bien prendre en compte pour terminer nos orientations et tenir compte de ce qu'est la situation des femmes.

Une autre action qui a été faite et qui a été rendue publique il y a quelques mois, qui retouche la santé mentale, c'est le problème du suicide. Ce n'est pas que la santé mentale, mais on sait que les gens qui ont un problème de santé mentale sont beaucoup à risque et que, parmi les gens qui se suicident, il y a souvent derrière ça un problème quelconque de santé mentale ou de maladie mentale. Alors, il y a vraiment maintenant une stratégie québécoise, S'entraider pour la vie , qui a été rendue publique, et on se rappellera qu'en plus des ressources qui avaient été mises à la disposition des gens pour développer plus d'approches innovatrices avec un 700 000 $ qui avait été tout de suite rendu possible dans ce domaine-là, le dernier budget a mis à la disposition du réseau un fonds de 20 000 000 $ sur deux ans qui va nous permettre, pour l'ensemble de la situation des jeunes en difficulté, pour les problèmes reliés au suicide de façon générale, mais singulièrement chez les jeunes, d'agir dans ce domaine. Alors, voilà donc un autre des documents d'orientation, de stratégie, qui viennent toujours pour répondre à cette question: Qu'est-ce qu'on fait? La politique est là. Elle a été évaluée. Il y a des orientations. Et, en plus, pour des problématiques particulières, il y a des documents qui sont des plans d'action, des stratégies d'action, qui viennent encadrer l'action locale.

Finalement, un autre qu'on aura de disponible bientôt aussi, c'est tout le domaine des problèmes reliés à la santé mentale et aux toxicomanies. On sait que ce sont des gens qui ont des problèmes de santé mentale – pas tous mais certains – qui ont eu avant, ou qui ont eu pendant, ou qui sont plus à risque de toxicomanie ou de pathologies et de problèmes multiples qui peuvent impliquer un problème de toxicomanie. Et là aussi on aura un document qui sera disponible bientôt comme plan de travail, plan d'action.

Alors, ça couvre donc le secteur de la violence, de façon plus générale; les femmes avec une consultation qui a été faite, les enfants, le suicide, la toxicomanie. Il faut se rappeler aussi qu'il n'y a pas longtemps – et on a eu une très bonne collaboration, je pense, à cet égard, de nos collègues de l'opposition – la Loi sur la protection du malade mental a été refaite de façon importante. Et on a maintenant une loi qui permet de protéger les droits des gens qui ont un problème de santé mentale, et surtout, de les protéger dans des conditions où leur état, leur comportement pourrait présenter des situations de danger pour eux ou pour leur entourage.

Alors, en concluant, M. le Président, je pense qu'on peut dire que le ministère et le ministre ont tenté de jouer le mieux possible un rôle de mobilisateur de l'action du réseau pour s'assurer que cet immense réseau de plus de 200 000 personnes, autour de 400 établissements, tous les groupes communautaires, puisse se mobiliser et travailler avec beaucoup plus de concertation.

(11 h 50)

On avait réalisé effectivement que l'éparpillement des efforts entraînait souvent une perte d'énergie, et surtout une perte d'impact et de résultat réel. Alors, avec une mobilisation, des orientations précises qui relèvent des meilleures connaissances qu'on a présentement, une application locale qui est faite de ça en impliquant l'ensemble des gens, c'est ce que ça nous a permis de faire dans les dernières années, encore là, malgré un contexte de constrictions budgétaires terriblement difficile. Ça a permis de nous donner une base solide sur le plan de nos connaissances, établie sur une évaluation rigoureuse de ce qu'on avait fait jusqu'ici. Et la santé mentale, qui est une des priorités qu'on a retenues, va continuer de l'être.

Moi, je suis très confiant que cette mobilisation est une vague qui va prendre de l'ampleur et qu'au cours des prochaines années on va être capable de faire des pas très significatifs pour améliorer la situation de gens qui sont parmi les plus précaires, les plus fragiles dans notre société, puisqu'on sait maintenant qu'il y a moyen de les intégrer pour qu'ils fassent une vie normale et qu'ils développent au maximum tout le potentiel qu'ils ont encore. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le ministre. C'est maintenant à vous, Mme la députée de Bourassa, de conclure cette interpellation.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le président. De la même façon que le ministre de la Santé portait à mon attention la disponibilité sur Internet de la liste des publications, j'aimerais savoir s'il y a, sur Internet, une liste des travaux qui sont présentement en cours, de même que la date de la disponibilité soit des politiques, des orientations, des plans d'action, parce que je crois comprendre – tantôt à la fin de juin, tantôt dans quelques mois – que des orientations précises devraient être disponibles. Alors, s'il y avait une liste cumulant les travaux en cours et une liste cumulant les échéances et la disponibilité des documents, des plans d'action, des orientations, des actions précises, des mesures concrètes qui vont être prises pour assurer à la population du Québec et à toute personne qui est en droit de recevoir des soins et des services de qualité qu'elle les aura au bon endroit, de la bonne personne... C'est ça notre préoccupation. L'opposition officielle a dénoncé ces préoccupations en de nombreuses occasions.

On sait qu'il existe de nombreux documents, mais ce qu'on constate, en parallèle de tous ces beaux écrits, de toutes ces belles théories allant en faveur de la primauté de la personne, du respect de sa dignité, de l'obligation de la consulter, de la faire participer à l'ensemble des interventions, c'est que, dans la réalité, ça se passe autrement. Et c'est regrettable. Je pense qu'on doit se préoccuper de ce qui se passe dans la vraie vie, pour le vrai monde et orienter les bonnes actions en écoutant les bonnes personnes.

Le réseau public... Et ça a été dit encore une fois, récemment, par un ensemble d'organismes communautaires de la région de Montréal et par un ensemble d'organismes communautaires de la région de Québec, ces documents-là, c'est du vécu, c'est du terrain, c'est du quotidien. Ce sont des gens qui récoltent et qui assument les responsabilités que le réseau public déverse actuellement sur les familles, les femmes, les organismes et les aidants naturels. Je ne pense pas qu'on pourra apporter les bonnes solutions si on ne convient pas d'abord de reconnaître minimalement – câline! – que ça ne va pas si bien que ça et qu'il y a des choses à faire. Le réseau public a des obligations. La loi n'a pas été changée et les établissements non plus. Je pense qu'il importe de se concerter, mais en faveur du respect des droits, en faveur du respect des besoins de la personne, en faveur d'une accessibilité et d'une qualité de services. Il faudrait que tout le monde convienne d'un seul objectif, soit celui d'assurer les meilleurs services qui soient.

On a évoqué en de nombreuses occasions un épuisement qui est réel de la part des femmes, de la part des aidantes naturelles. On a évoqué aussi que les organismes communautaires, malgré une bonne volonté, une très grande générosité de leurs bénévoles, n'ont pas toute l'expertise nécessaire, n'ont pas la formation requise et ne sont pas entourés des spécialistes qui leur permettent de réagir correctement face à une situation alarmante d'une personne qui est en besoin. Alors, je pense qu'il faut, le plus rapidement possible, prendre des mesures qui s'imposent pour que ces organismes-là reçoivent, dans le concret, le soutien financier et puissent avoir les ressources humaines qui vont dans le même sens.

La désinstitutionnalisation, encore une fois, tous conviennent de consulter la personne et, dans le respect de sa volonté, dans le respect de ses choix, de s'assurer qu'elle pourra vivre là où elle le souhaite, qu'elle pourra y recevoir des soins et des services qui sont adéquats.

Notre préoccupation, c'est qu'actuellement on désinstitionnalise sans qu'on ait mis en place l'ensemble des ressources nécessaires. Encore une fois, je veux reprendre la recommandation du Protecteur du citoyen voulant que le ministre de la Santé et des Services sociaux s'organise pour suspendre temporairement la désinstitutionnalisation des personnes psychiatrisées jusqu'à ce qu'il se soit assuré de la suffisance et de la compétence des ressources alternatives en santé mentale.

On ne souhaite pas des ratés, on ne souhaite pas que les personnes ne reçoivent pas les bons services. Donc, il faut prendre les bons moyens. Les collègues ministériels, à la fois de Lotbinière et de Rimouski, ont dressé des portraits idéaux, dirais-je, des situations qui se passent respectivement dans leur comté. Je pourrais répondre à ça que mes collèges de l'opposition officielle, d'autre part, nous ont représenté en de nombreuses occasions des situations tout à fait autres. Je ne pense pas qu'il s'agit d'avoir raison. Encore une fois, ce qui est important et ce que nous ne devons jamais perdre de vue, c'est de prendre les meilleurs moyens pour assurer la primauté de la personne, le respect de sa volonté, le respect de ses besoins. C'est ça notre mission à l'égard des personnes. Et c'est pour ça que les gens font appel à nous et nous demandent d'intervenir pour bien représenter leurs besoins, pour s'assurer que les bonnes mesures vont être prises. On n'est pas là pour gagner. Ce n'est absolument pas, en tout cas, notre préoccupation.

Les femmes, en santé mentale: selon un bilan d'implantation de la politique en santé mentale et selon Santé Canada, la surmédication demeure toujours plus élevée chez les femmes. 70 % d'entre elles prennent des médicaments. C'est une proportion alarmante. Marie-France Léger rapportait dans un article qu'elle signait dans l'édition du vendredi 8 mai du Journal La Presse que le Québec traîne à l'arrière quant à la reconnaissance des besoins des femmes en santé mentale. Il y a un groupe de travail, encore une fois, qui a été chargé par le ministère de la Santé en 1994 de faire des recommandations sur cette question. Il a déposé son rapport mais, un an après, il n'y a toujours pas d'engagement. Encore une fois, il y a des situations qui sont dénoncées et qui appellent des actions.

Le Vérificateur général, dans son rapport, reprend des éléments ou cible ou énonce ou dénonce des éléments extrêmement importants qui vont chercher une ou des responsabilités du ministre de la Santé et des Services sociaux. J'espère que M. le ministre prendra connaissance du rapport, qu'il le lira attentivement et qu'il pourra faire les arrimages nécessaires pour éviter que des situations non souhaitées et non souhaitables se reproduisent.

Dans la déclaration ministérielle – elle est quelque peu lapidaire – on dit: «Le Conseil des ministres a confié un mandat à un fonctionnaire d'expérience, soit M. Thomas Boudreau, fonctionnaire qui est respecté des deux côtés de cette Assemblée.» Le mandat serait triple soit faire des recommandations au Curateur public pour évaluer et réparer des pertes financières, conseiller le Curateur public et enfin recommander au ministre, s'il y a lieu, des modifications législatives.»

(12 heures)

Je ne veux pas dire que ces aspects-là ne sont pas importants mais rappelons que la curatelle publique, selon un rapport qui est accablant, qui est extrêmement sérieux, a failli à sa tâche. Elle a failli à sa mission première qui est de protéger et défendre les droits des personnes vulnérables. Je veux bien qu'on parle de chiffres, je veux bien qu'on parle de pertes, mais qu'est-ce qu'on fera pour s'assurer du respect des droits des personnes? Je n'ai pas trouvé dans cette déclaration ministérielle d'annonce ou d'intention précisée.

Je pense que c'est important, d'autant plus que l'opposition officielle a demandé la tenue d'une commission parlementaire ad hoc qui permettrait à des parents, à des amis, à des conjoints, à des organismes de promotion et de défense des droits, à des comités d'usagers et à toute personne intéressée par le sort, les conditions de vie et le respect des droits des personnes les plus vulnérables, de venir se faire entendre, de dire ce que ça a été, pour ces personnes-là, ces parents-là, ces membres de familles, les organismes de promotion depuis les dernières années, ce que ça a pu signifier au niveau de la protection des droits, du respect de la primauté de la personne. Ça, c'est un point de vue qui est extrêmement important et c'est une question qui ne sera pas abordée, et ça devrait être une priorité. Le gouvernement a refusé la tenue d'une commission spéciale ad hoc qui aurait permis de faire la lumière sur les préjudices moraux vécus par ces personnes-là.

Alors, je pense qu'on doit convenir que la primauté de la personne, tel qu'on le souhaitait dans la politique de santé mentale, tel que c'était énoncé, ça doit demeurer plus qu'un beau principe, ça ne doit pas être une lettre morte, ça doit se traduire de façon concrète, et une des façons, c'est d'accorder l'occasion à des parents, à des familles, à des conjoints, à des organismes de promotion et de défense, des comités d'usagers et des personnes intéressées de venir rendre compte, témoigner de leurs insatisfactions pour qu'on puisse prendre les bons remèdes pour y remédier. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la députée, ça termine cette interpellation. Alors, voudrais féliciter et remercier M. le ministre, les députés, pour la qualité de leurs interventions. Je remercie nos collaboratrices et nos collaborateurs et, la commission ayant rempli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 2)


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