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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 21 mai 1998 - Vol. 35 N° 124

Consultations particulières sur le projet de loi n° 186 - Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Louise Harel
M. Russell Copeman
M. Léandre Dion
Mme Marie Malavoy
M. Rémy Désilets
Mme Lucie Papineau
*Mme Françoise David, FFQ
*Mme Claudette Bédard, idem
*Mme Claudette Mainguy, idem
*M. François Saillant, FRAPRU
*Mme Lucie Poirier, idem
*Mme Denyse Lacelle, idem
*M. Carlos Borgès, idem
*M. Jacques Couture, APQ
*M. Martin Messier, idem
*M. Jean Côté, CORPIQ
*M. Louis Masson, idem
*M. Claude Gelderblom, FLHLMQ
*Mme Claude Majeau, idem
*M. Robert Pilon, idem
*Mme Joanne Barabé, SFPQ
*Mme Lucie Martineau, idem
*Mme Denise Boileau, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, tout le monde. Nous recommençons nos rencontres.

Mme la secrétaire, est-ce que le quorum a été constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous rappelle le mandat. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

(9 h 40)

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne) est remplacée par M. Kelley (Jacques-Cartier); et M. Paradis (Brome-Missisquoi) est remplacé par M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Je vous rappelle que nous allons garder le principe de l'alternance.


Auditions

J'invite maintenant les représentantes de la Fédération des femmes du Québec, représentée par la présidente, Mme David. Si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre mémoire, s'il vous plaît.


Fédération des femmes du Québec (FFQ)

Mme David (Françoise): Bonjour. Mon nom est Françoise David. Je suis la présidente de la Fédération des femmes du Québec et je suis accompagnée ce matin de Mme Claudette Bédard, qui est à ma gauche, qui est présidente du Regroupement des centres de femmes du Québec, L'R des centres de femmes, et de Mme Claudette Mainguy, qui est travailleuse à la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec.

Notre présentation va se faire en trois temps. D'abord, Claudette Bédard et Claudette Mainguy vont vous parler de ce que ça signifie pour les femmes la pauvreté au quotidien et quels sont les effets pervers de la situation actuelle de la loi et des coupures qu'il y a eu à l'aide sociale, suite à quoi je vais livrer un texte qui va donner une image plus globale de la situation. Alors, je passe tout de suite la parole à Claudette Bédard, du Regroupement des centres de femmes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Bédard.

Mme Bédard (Claudette): Bonjour. Je suis travailleuse dans un centre de femmes qui est logé dans un HLM composé d'un quadrilatère d'environ 210 logements, dans une petite municipalité à Lachute, dans les Basses-Laurentides. Et j'aimerais personnaliser ce que ça veut dire, l'aide sociale. Qui sont ces assistées sociales?

Alors, chez nous, évidemment c'est la majorité des participantes qui sont assistées sociales. Ça pourrait être Nicole, qui a 49 ans, qui est assistée sociale depuis trois ans, qui avait une vie productive et qui était impliquée comme bénévole durant son mariage. Elle avait des petits emplois très honorables de vendeuse de lingerie, etc. Divorcée depuis sept ans, elle tente de survivre, de réorganiser sa vie avec deux ados qui frôlent la toxico. Elle vit avec 490 $ par mois. Ses ados ont plus de 18 ans. Elle a subi une mastectomie il y a quatre ans. Elle ne se sent plus la capacité de travailler, elle est fatiguée, inquiète, mais à l'aide sociale on la considère apte au travail. On la harcèle maintenant. C'est des programmes EXTRA dans une école, des programmes PAIE. Et j'ai bien dit: Dans une école. Les écoles ont subi des coupures; on les remplace par des programmes PAIE. C'est un programme PAIE, c'est une mesure EXTRA, c'est le retour à l'aide sociale, c'est l'obligation de participer maintenant à un programme de transition au travail. Elle est venue chez nous chercher un stage en milieu de travail, mais il n'y a pas de développement d'emploi dans les centres de femmes.

Ça peut être France, qui a 36 ans, qui a sombré dans l'alcool après un divorce difficile et la perte de garde de ses trois filles, qui fait des programmes depuis maintenant quatre ans, parce qu'elle garde espoir que ça débouche sur un vrai emploi. Elle travaille à l'heure actuelle à 6,80 $ de l'heure en programme PAIE dans un centre d'alphabétisation. Mais la subvention se termine en juin. Ça veut dire un retour au chômage et, possiblement, encore à l'aide sociale, parce que dans ce groupe-là aussi les subventions manquent.

Ça peut être Paulette, qui a 40 ans, mariée, un homme dysfonctionnel, alcoolique, deux jeunes enfants, pleine de toutes sortes de talents, qui veut travailler à tout prix maintenant que les enfants sont un petit peu plus vieux. Elle se voit offrir un travail de cuisinière. C'est une cuisinière hors pair. Elle est heureuse comme une reine parce qu'enfin ses talents vont être reconnus. On l'appelle, c'est une entreprise privée, une entreprise de désintox, une grosse entreprise: les voyages en Europe, la grosse maison dans le Sud, trois grosses bagnoles. Elle est heureuse, Paulette. Elle va avoir une vraie job. Le salaire qu'on lui offre: un programme PAIE, à 6,80 $ de l'heure, en autant qu'elle puisse le faire comme bénévole durant l'été parce que le programme commence en septembre. Elle se sent trahie, pauvre et humiliée.

La pauvreté s'appelle aussi Francine, qui est seule. Après avoir payé son loyer de 350 $, il lui reste 32,55 $ par semaine pour survivre. C'est soeur Rita, qui a 59 ans. Après une vie de religion de 24 ans au Liban, revient vivre au Québec et se voit refuser la protection et le respect d'un couvent. Elle vient manger maintenant de la soupe à tous les jeudis et chercher son sac d'épicerie chez nous. C'est Élisabeth qui, après avoir tenté de sauver sa boulangerie en travaillant 70 heures semaine, fait faillite et se retrouve, à 41 ans, sur l'aide sociale, épuisée, diminuée et honteuse.

C'est Manon, qui a 36 ans, artiste, victime d'inceste et d'abus sexuel. Hospitalisée pour dépression, elle perd la garde de ses deux fils, se retrouve sur l'aide sociale. En psychiatrie, on tente le traitement au lithium sans succès. On lui donne un congé en diagnostiquant des troubles de comportement. C'est une femme meurtrie, profondément blessée dans son âme maintenant. Son coeur d'artiste n'a pas retrouvé l'espoir, et c'est maintenant au suicide qu'elle pense.

C'est ça, la pauvreté: C'est la maladie, c'est le désespoir, c'est les programmes qui mènent à rien. C'est des jobs, programme PAIE, qui durent un an, quand elles durent un an, payées à 6,80 $ de l'heure. C'est la non-reconnaissance du travail des femmes à la maison et le bénévolat. Faire croire aux femmes que c'est en faisant des parcours, des stages d'insertion en emploi qu'elles vont s'en sortir, ce n'est pas totalement honnête, et c'est surtout utopiste. La création d'emplois pour ces femmes est beaucoup plus virtuelle que réelle, et c'est donc l'esprit même de la loi qu'il faut remettre en question. La coercition, c'est la privation de la liberté, c'est antidémocratique. Les femmes et les personnes appauvries ne sont pas responsables du manque d'emplois, de la mondialisation, des crises économiques, etc. Alors, l'État n'a pas le droit moral de leur faire porter l'odieux de la culpabilité. Merci.

Mme Mainguy (Claudette): Dans les organismes communautaires, on reçoit beaucoup de téléphones de personnes. Avant, c'était majoritairement au niveau des besoins ponctuels, les téléphones qu'on recevait. Avec l'aide des organismes communautaires des régions, un peu partout, on arrivait à combler ces besoins-là. Maintenant, c'est tout à fait différent. Les gens démontrent une forme de désespoir, et on doit reconnaître plus souvent qu'autrement notre impuissance à combler les besoins des personnes. Pour vous faire comprendre ce qu'on veut dire, je vais vous donner quelques exemples.

D'abord, une femme monoparentale qui réside dans le Bas-du-Fleuve et qui a quatre enfants à charge. Elle me demande si c'est normal que ces enfants la fassent vivre. De votre point de vue, oui, c'est normal. De notre point de vue, ce ne sera jamais normal. Sauf que nous n'avons pas de solutions à lui proposer. On ne peut que constater sa détresse. Cette personne est victime du transfert des enfants à la Régie des rentes. Non seulement les enfants sont-ils sortis de l'aide sociale, mais leur mère aussi.

Voici ce qui est arrivé à cette mère. Après avoir obtenu un jugement de pension alimentaire pour ses enfants, elle s'est vu retirer l'aide sociale qu'elle recevait pour elle-même. Avec des moyens similaires à ceux qu'elle reçoit sur l'aide sociale, elle voit maintenant sa contribution à l'assurance-médicaments augmenter, puis évidemment elle n'a plus droit à aucun programme ou parcours, que ce soit d'insertion, formation ou autre. Elle vit dans la grande misère, mais, par contre, elle n'est plus dans vos statistiques. Cette situation, nous la devons au transfert des enfants à la Régie.

Tous les groupes, sans exception, étaient d'accord avec le principe de l'allocation unifiée, même si elle était jugée insuffisante, puisqu'ainsi tous les enfants québécois étaient traités de la même manière. Jamais nous n'aurions pensé qu'une situation comme celle de cette femme pourrait se produire, et elle n'est pas la seule dans ce cas. Cette situation touche principalement les familles nombreuses, puisque les pensions alimentaires sont souvent au moins égales ou dépassent celles de l'aide sociale. Conséquemment, cette famille de cinq personnes doit vivre avec environ 17 000 $ par an. La mère est excessivement mal à l'aise de devoir vivre avec l'argent qui ne lui est pas destiné. Elle est découragée et demande comment s'en sortir.

Et cette autre femme, mère de deux enfants, qui vient de perdre son emploi, elle était elle aussi sur un programme, elle pleure au téléphone, car elle sait ce qui l'attend dans quelques mois: c'est le retour à l'aide sociale. Et elle ne veut pas. Elle a déjà dû recourir à l'aide sociale, il y a moins d'un an, puis elle a peur encore de ce qu'elle a subi, c'est-à-dire l'humiliation. Quand elle était à l'aide sociale, elle avait insisté pour suivre un cours d'anglais à l'intérieur des formations qui pourraient être offertes, mais on le lui a refusé. Puis, comme c'est en finance, elle, qu'elle a ses compétences, en fait, ça lui prend absolument de l'anglais pour s'en sortir, mais on ne veut pas lui donner le cours d'anglais. Alors, ça ne fait pas partie des formations disponibles, semblerait-il, puis, pourtant, elle est en mesure de démontrer qu'elle pourrait avoir un emploi bien rémunéré si elle possédait l'anglais, même au ministère du Revenu.

Et cette autre mère, encore, qui a aussi deux enfants et qui gagne un maigre 20 000 $ annuellement pour faire vivre sa petite famille. Elle a téléphoné, avant le 10 janvier, au programme APPORT. Et elle est de ce groupe, il faut le dire, de personnes pénalisées par les garderies à 5 $. La personne à qui elle a parlé, au programme APPORT, lui a dit qu'elle n'y avait pas droit, au programme APPORT, sauf que, moi, en regardant le dépliant qui est produit par votre ministère, il m'apparaît pourtant qu'elle aurait dû recevoir une aide de 873 $. C'est peu, mais c'est mieux que rien. Malgré ça, elle n'a pas pu l'avoir, et c'est en désespoir de cause qu'elle nous a téléphoné.

Des appels comme ça, il y en a plein d'autres: toutes des personnes désespérées qui ne savent plus comment joindre les deux bouts; des personnes qui avant souffraient de ne pouvoir offrir à leurs enfants tous les jouets que la télévision leur montrait, les vêtements ou souliers que les autres enfants portaient et qui maintenant se demandent comment faire pour arriver à les nourrir convenablement.

Mme David (Françoise): Avant de livrer mon texte, je voudrais dire que, si nous sommes habillées de sombre, ce matin, c'est parce que nous considérons que la réforme qui est proposée à l'aide sociale ne marque pas d'améliorations réelles à la situation des personnes mais va continuer à détériorer leur situation.

(9 h 50)

En décembre 1996, lorsque le livre vert a été publié, nous avons comparu en commission parlementaire et nous vous avons dit ceci: «Finalement, une critique majeure que nous adressons à cette réforme, c'est qu'elle continue d'appauvrir une grande partie des personnes assistées sociales. Le mot "indignation" n'est pas trop fort pour exprimer ce que nous ressentons devant ce déni d'un droit élémentaire à la vie, tout simplement.»

Nous n'étions pas seules. Tour à tour, des dizaines de groupes travaillant au quotidien avec des personnes assistées sociales sont venus à l'Assemblée nationale exprimer leur désenchantement devant une réforme aux accents punitifs. Plusieurs se sont dits outrés par la lecture d'un livre vert qui crée plus d'obligations aux citoyennes qu'à l'État. Des experts et expertes ont expliqué pourquoi l'idée même de la contrainte était antipédagogique. Mais, bien sûr, nous avons entendu d'autres voix, la ligne dure, des voix de droite qui trouvent chez les éditorialistes des relais bienveillants. Ils sont peu nombreux, mais il faut croire qu'ils sont puissants, parce que vous les avez écoutés, eux, et ils n'étaient pas nombreux. Maintenant, on vit avec le dépôt du projet de loi n° 186 depuis le 18 décembre. On voit bien qui a remporté la bataille des chiffres mais aussi celle des idées. L'aile sociale-démocrate au sein de la députation et du Parti québécois devient soudain silencieuse. Elle a arraché 80 000 000 $ et s'en contente, même si la marge de manoeuvre du ministère de l'Emploi et de la Solidarité était plus du double, même si – nous l'apprendrons au budget 1998-1999 – il y a un surplus de 233 000 000 $ dans ce même ministère au 31 mars, dû en bonne partie à la baisse importante des prestataires.

Et, même si on lui commande encore pour 50 000 000 $ de coupures, nous nous demandons que sont devenus ceux et celles qui, au moment de la réforme libérale de l'aide sociale – je tiens à rappeler cette réforme aussi à la fin des années quatre-vingt – se battaient à nos côtés avec les mêmes mots que nous et avec la même colère? Savent-ils que la pauvreté a gagné du terrain depuis 10 ans et que les gens font la queue devant les banques alimentaires? Quoi que disent les éditorialistes sur les statistiques de Statistique Canada, est-ce qu'on pourrait au moins convenir que, oui, la pauvreté a gagné du terrain au Québec? Il s'agit simplement de vivre dans des quartiers pauvres pour s'en apercevoir. Est-ce que nous savons que les prêteurs sur gage pullulent maintenant dans les quartiers pauvres des villes?

«Et, pourtant, il n'y a pas que les militants et militantes, ce puissant lobby de la pauvreté, écrivait un éditorialiste, qui s'objectent.» Le 12 décembre 1997, dans une lettre adressée à vous, Mme la ministre Harel, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec dénonce avec emphase les mesures qui ne feront que contribuer à l'appauvrissement des personnes assistées sociales. Le 30 mars 1998, Alain Noël, professeur agrégé au département de sciences politiques de l'Université de Montréal, écrit dans Le Devoir : «Le projet de loi n° 186 oublie ce constat, celui d'un marché du travail qui crée peu d'emplois bien payés, et il substitut la vieille logique de la chasse aux comportements déviants. Ce faisant, il rompt avec un droit social établi dans le passé récent et perd de vue une approche plus positive et plus porteuse pour l'avenir. C'est en ce sens que le projet marque à la fois la fin d'une époque, celle de la sécurité du revenu, et l'incapacité de s'engager dans une nouvelle voie, celle de l'insertion et de la contrepartie véritable.»

Et, pour finir, cet avertissement du Dr Richard Lessard – tous ces gens-là ne sont pas exactement des gauchistes – directeur de la santé publique à Montréal: «Il n'y a pas de décisions neutres. Ce sont à ceux qui prennent des décisions de se demander quel impact auront leurs décisions sur les inégalités sociales?» Le Dr Lessard mentionnait explicitement à ce sujet les pénalités prévues à la sécurité du revenu. C'était le 6 mars dernier dans Le Devoir .

Il n'y a donc pas de décisions neutres, et votre gouvernement a choisi la voie des compressions brutales depuis deux ans, condamnant ainsi les plus pauvres d'entre nous à la misère, quitte à appuyer financièrement une industrie de la charité en pleine expansion. La voie de l'obligation dans les démarches d'insertion, lançant ainsi le message que les pauvres sont des paresseux et paresseuses qu'on doit contraindre pour leur bien, cela sans obligation gouvernementale d'injecter des sommes suffisantes pour créer les milliers de places en rattrapage scolaire ou dans des milieux de stages, qui permettront aux personnes assistées sociales de se qualifier pour un emploi.

Où est l'argent? Cela aussi, alors que vous connaissez bien la situation du marché du travail, un marché caractérisé par la pénurie d'emplois durables, par la pauvreté, le harcèlement, les difficultés d'accès à la syndicalisation... Vous avez choisi la voie du double standard, lorsque vous instaurez la mise en tutelle des personnes assistées sociales en défaut de paiement de loyer. Alors, pourquoi ne pas retenir une partie du chèque de paie des salariés en défaut de paiement à la banque, à l'Hydro ou au proprio? À ce compte-là, pourquoi ne pas remplacer la prestation entière des assistés sociaux par des bons? Un pour le loyer, un pour l'épicerie, un autre pour le chauffage, et ainsi de suite. Et parions que certains contribuables, peu et mal informés sur la situation réelle des personnes assistées sociales, seraient d'accord, oubliant ainsi les principes élémentaires de justice sociale et de redistribution de la richesse.

Voilà comment on s'appuie sur les préjugés populaires tout en les renforçant, dans une réforme aux dents longues, malgré des propos ministériels bienveillants. Toute l'hypocrisie de la loi n° 186 est là. On affirme vouloir le bien des gens. Curieusement, les premiers concernés ne sont pas d'accord. Ils l'ont répété 100 fois. Qu'à cela ne tienne, notre gouvernement décide pour les gens, parce que, lui, il sait.

Pourquoi des compressions infâmes, sinon à cause du dogme du déficit zéro? Est-ce le peuple qui a vraiment décidé ça? Est-ce que c'était dans votre programme? Ou, alors, est-ce que ce sont des marchands et spéculateurs qui l'ont décidé, eux qui sont bien à l'abri de notre colère dans leur tour fermée? Pourquoi l'obligation? Le peuple sait-il que déjà les pénalités sont comptabilisées, que ça sert à réduire le déficit zéro, les pénalités, et que l'on sacrifie la santé, voire parfois la vie de jeunes désespérés sur l'autel des impératifs budgétaires. Le gouvernement est-il conscient que ses coupures dans l'éducation – il fallait lire La Presse , la fin de semaine dernière – sont dévastatrices en ce qu'elles contribuent tout autant au décrochage scolaire que les vendeurs de pot et les arcades?

Vous prétendez, par ailleurs, que l'obligation de parcours ne s'applique qu'aux jeunes. En termes stricts, c'est vrai. Pourtant, tout est là, dans le projet de loi n° 186, pour étendre éventuellement à l'ensemble des prestataires les obligations que vous dites réserver aux jeunes.

Alain Noël nous dit aussi: Ce qui est donc en jeu, ce n'est pas tant une pénalité réservée aux jeunes qui ne se conforment pas, que la consolidation d'un régime qui, par la seule voie réglementaire, pourrait laisser un grand nombre de personnes dans une grande pauvreté ou dans le dénuement total. C'est d'ailleurs déjà commencé. Des agents de bien-être coupent des mères assistées sociales qui ont déclaré candidement recevoir un peu d'aide de leur famille. On surveille les ménages qui auraient trop souvent recours aux banques alimentaires. On menace de couper des jeunes qui refusent un suivi psychosocial dans un CLSC. Vous êtes parfaitement au courant de cette entente signée entre des centres Travail-Québec et des CLSC de la région des Basses-Laurentides et qui font en sorte que des jeunes qui refuseraient de suivre un traitement ou de se présenter à des entrevues seraient sujets aux pénalités des centres Travail-Québec. On coupe un adulte qui n'a pu se présenter à une entrevue. Voilà où nous entraîne la logique de la punition. Plutôt que de construire pour l'avenir, on préfère labourer et semer au profit du premier populiste de droite venu, et on n'est jamais à l'abri de ça, au Québec.

Il aurait pourtant été simple d'agir autrement, simple et efficace. Mais, pour cela, il aurait fallu imaginer un véritable programme de lutte contre la pauvreté, avoir une vision des principes et s'y agripper, au lieu d'invoquer constamment notre supposée impuissance collective, une vision d'équité et de justice, de solidarité aussi en combattant la mesquinerie et les préjugés.

Vous nous dites: Nous créons de l'emploi. Et c'est vrai. C'est vrai, mais c'est peu. Il y a au Québec des milliers de personnes qui n'ont pas accès à ces emplois: dans les 300 000, peut-être? Nous avons le devoir de penser à elles, qui demeurent pauvres et n'osent plus espérer. Ce devoir, c'est celui de la redistribution de la richesse et non d'une charité bien intentionnée qui se permet souvent de juger.

Je termine en vous disant qu'à moyen terme il faut donc viser la couverture des besoins essentiels des personnes, qu'elles aient ou non accès à l'emploi. Mais, à court terme, il est urgent de redonner aux prestataires un peu d'espoir, et notre mémoire vous donne tous les moyens nécessaires pour le faire. Quelques exemples seulement: il faut le faire par des injections de sommes qui permettent immédiatement aux prestataires d'améliorer leur sort. Faut-il rappeler que leur chèque n'a pas été indexé depuis 1993 et qu'il est passé récemment de 500 $ à 490 $ par mois. On n'était pas supposé toucher aux prestations.

(10 heures)

Il faut mettre en place des milliers, des dizaines de milliers de mesures d'insertion qualifiantes pour répondre aux demandes formulées par les personnes pauvres qui veulent accéder à l'emploi, avec des garanties raisonnables d'emploi au bout des mesures, et il faut tenir compte du cheminement de chacun et chacune, en particulier de la situation des mères de famille monoparentale. Il faut ajouter des ressources à l'école et dans les milieux de vie des jeunes pour enrayer le décrochage scolaire, articuler la réforme de l'aide sociale à d'autres politiques, par exemple, la politique familiale qui n'a en rien amélioré la situation des familles à l'aide sociale, faudra-t-il le répéter. Il faut aussi revenir à la gratuité des médicaments pour que les pauvres n'aient plus à choisir entre les pilules et la nourriture. Ce sont là seulement quelques exemples de la réforme dont nous rêvions. Elle n'avait rien de punitif et faisait confiance aux gens. Elle s'appuyait sur leur potentiel et leur expérience, sur leur volonté de sortir de la trappe de la pauvreté. Ça n'aurait pas été difficile. Il aurait seulement fallu une volonté politique réelle de penser et de faire autrement, et il est encore temps.

Je termine là-dessus. Pour corroborer mes propos, tout simplement, il y a beaucoup de femmes qui sont venues ici nous accompagner ce matin. Elles ne prendront pas la parole, ce n'est pas dans les règles. Mais l'une d'entre elles voudrait vous remettre un bouquet de fleurs où les femmes ont écrit sur les pétales des fleurs, lors d'une activité collective, tout ce qu'elles voudraient, tout ce qui pourrait améliorer leurs conditions de vie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je veux juste vous rappeler – parce que vous en êtes probablement à votre première expérience – qu'on ne peut accepter aucune manifestation dans nos audiences. Et vous rappeler aussi de toujours s'adresser au président.

Mme David, merci. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je voudrais me servir du document qui est intitulé Mémoire présenté à la commission des affaires sociales par la Fédération des femmes du Québec. Il y a bien des choses qui ont été dites, des situation inacceptables ont été dénoncées. Mais le procédé de généralisation me semble assez inquiétant. Je vous le dis bien simplement. Par exemple, on fait valoir que le programme APPORT ne serait pas accessible alors qu'il est à entrée continue. On peut, aujourd'hui, demain, la semaine prochaine, s'inscrire au programme APPORT. Je l'ai encore vérifié, d'ailleurs, hier.

On parle de cours d'anglais qui n'ont pas pu être suivis, et on fait le procès du programme EXTRA, des programmes PAIE, des programmes comme il existait avant le 1er avril de cette année, où, grâce à une réforme importante en matière de services publics d'emploi, les chômeurs à l'aide sociale ne sont plus maintenant confinés, cloisonnés, stigmatisés dans leurs mesures d'employabilité qui tournaient en rond depuis 10 ans, puisqu'ils ont dorénavant accès, comme l'ensemble des autres demandeurs d'emplois au Québec, indépendamment de leur étiquette, à l'ensemble des services offerts par Emploi-Québec.

On fait fi complètement, M. le Président, de ce qui s'est passé d'important dans la mise en place d'Emploi-Québec dans le décloisonnement des services, dans le décloisonnement des personnes aussi, puisque, auparavant, les chômeurs à l'aide sociale étaient, comme je l'ai dit, confinés à des mesures qui tournaient en rond, dont on a fait le procès ce matin, mais qui, à partir du 1er avril, sont modifiées dans quelque chose qui est remplacé par une cogestion des mesures actives d'aide à l'emploi à la fois par des partenaires syndicaux, patronaux et communautaires, cogestion qui s'incarne dans un plan d'action annuel, dans des budgets qui sont répartis aux niveaux local et régional.

Je voudrais juste reprendre le mémoire. Première page. On dit: «Le projet n° 186 n'apporte aucune amélioration significative aux conditions de vie des hommes, des femmes et des enfants.» Bon. C'est faire fi que, la semaine prochaine, pour la première fois depuis aussi longtemps qu'on puisse se rappeler, au 1er juin, les familles dont les enfants ont moins de cinq ans pourront conserver jusqu'à 100 $ de la pension alimentaire versée – jusqu'à maintenant, chaque dollar versé était déduit; elles pourront conserver jusqu'à 100 $ – sans que ce soit, contrairement à ce qui est dit ici, à la fin du premier paragraphe, considéré comme un revenu de travail. Ça va s'ajouter. Donc, il peut y avoir revenu de travail, plus allocation d'aide sociale, plus pension alimentaire jusqu'à 100 $, sans qu'on tienne compte, par exemple, que les chefs de familles monoparentales, le 1er juin, vont pouvoir bénéficier de l'abolition de la coupure du partage du logement qui a été introduite il y a déjà 10 ans.

Alors, je continue: «Bien qu'il prétende reconnaître que beaucoup de prestataires sont sans emploi à cause de la situation économique actuelle, il les traite en paresseux.» Non. En chômeurs. Pas en fraudeurs, pas en paresseux, mais en chômeurs. Pas tous, évidemment. On a aussi, comme vous le savez, des personnes qui ont des contraintes à l'emploi telles que ça leur occasionne un statut d'invalidité. Ou on sait très bien aussi qu'à partir de 55 ans il y a un fait d'évidence, que vous aviez mentionné dans le mémoire présenté au moment du livre vert – et qui a été retenu, puisque dorénavant il y aura une allocation à partir de 55 ans. Comme chômeurs, mais en tenant compte en même temps de la réalité des personnes qui ont des contraintes temporaires à l'emploi. Je pense en particulier à celles qui ont des certificats médicaux ou encore à celles qui ont des obligations familiales, et en considérant qu'elles auront droit à une allocation pour contrainte temporaire à l'emploi, en tenant compte aussi qu'il y a des personnes qui ont des contraintes permanentes à l'emploi. Et je vous rappelle aussi qu'il y a une allocation pour contrainte permanente qui n'exige plus, comme avant, d'être considéré comme inapte, n'est-ce pas. Alors, les personnes pourront, à part entière, se considérer comme participant à la main-d'oeuvre, mais en considérant que ces contraintes permanentes liées à un handicap ou à une déficience doivent être compensées.

Alors, voilà. Oui, en chômeurs, parce qu'il a de plus en plus de chômeurs qui ont recours à l'aide sociale du fait des resserrements d'admissibilité à l'assurance-emploi. Je vous rappelle qu'en l'espace de huit ans les chômeurs qui cotisent à la caisse d'assurance fédérale et qui bénéficient à 100 % ne sont plus que 47 % à bénéficier des prestations d'assurance-emploi. Alors, ces chômeurs, qui ne sont plus prestataires d'assurance-emploi, n'ont pas tous recours, mais un bon nombre, comme on le sait, des dizaines de milliers ont dû avoir recours à l'aide sociale.

Et vous ajoutez «les traite en paresseux – non, en chômeurs – qu'il faut contraindre – non, non – à suivre des parcours décidés par les fonctionnaires». «Contraindre à suivre des parcours décidés par les fonctionnaires.» «Décidés par les fonctionnaires», je vous rappelle que ça, c'était dans la loi actuelle tant que la nouvelle n'est pas adoptée, mais, dans le projet de loi n° 186, on peut dorénavant avoir des recours. Il n'y en avait aucun dans les mesures désignées auparavant. C'était ça ou la pénalité. Dans le projet de loi n° 186, article 54, je crois: recours possibles pour des motifs valables. On n'a pas utilisé «motifs sérieux». C'est encore plus rigoureux: «motifs valables». Motifs valables, ça peut être parce que les déplacements occasionnent trop de difficultés. Ça peut être toutes sortes de raisons, motifs valables. Donc, ce n'est pas décidé par les fonctionnaires. Ça peut être aussi parce que ça ne convient pas aux caractéristiques socioprofessionnelles ou au choix individuel.

«Ce projet de loi renforce les préjugés courants à l'égard des personnes assistées sociales par des mesures comme la saisie de la part de la prestation qui va au loyer.» Non. Les préjugés courants existent déjà, comme vous le savez, du fait que 95 % des prestataires qui paient leur loyer – 95 % paient leur loyer – sont justement victimes des préjugés du fait du défaut de payer le loyer d'à peine 5 %. Et je sais qu'il y en a peut-être même dans cette salle qui ont eu de la difficulté à trouver un logement. Pas parce qu'on leur a dit: Vous êtes assisté social. Non. Pour d'autres motifs, bien évidemment...

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît.

Mme Harel: ...mais parce qu'il y a des préjugés à l'effet qu'une personne assistée sociale peut ne pas payer son loyer et qui a une immunité. C'est ça qui est pensé dans la population. Et ce qui est proposé, ce n'est pas de se transformer en collecteur des loyers échus – on y reviendra, on passera la journée là-dedans, de toute façon – ce n'est pas de ça dont il s'agit. S'il y a maintien dans les lieux. Je vous rappelle que n'importe quand, en vertu des lois actuelles appliquées depuis toujours, un propriétaire va à la Régie et peut obtenir l'éviction, puis c'est fini, alors que ce qui est proposé, «s'il y a maintien dans les lieux», pour le loyer à venir, à ce moment-là il y a la portion du logement qui s'en va au propriétaire, par une ordonnance de la Régie, dans la mesure où il y a maintien dans les lieux.

Et puis on dit: «Il est discriminatoire envers les mères assistés sociales puisqu'il considère la pension alimentaire, dans leur cas, comme un revenu de travail.» Et là je voudrais revenir à l'exemple que vous donniez de cette mère qui a une pension alimentaire de 17 000 $, dites-vous. Alors, pour 17 000 $, elle va recevoir d'allocation familiale 3 212 $ et elle va recevoir de prestations fiscales 6 883 $, pour un total de 10 095 $.

(10 h 10)

Vous savez sûrement qu'on a introduit aussi un correctif, dans le projet de loi n° 186, qui prévoit que et la prestation fiscale fédérale et l'allocation familiale québécoise ne seront pas comptabilisées aux fins de l'établissement du droit à la pension pour le parent. Ça se retrouve dans le projet de loi n° 186, et je comprends qu'il y a une partie de la loi dont vous n'avez pas pris connaissance encore.

Alors, pour toutes ces raisons... Aussi, il y a une généralisation. Tantôt, vous parliez de surplus, Mme David, de 236 000 000 $. J'apprécierais qu'il y en ait eu autant. L'an dernier, le total a été de 90 000 000 $, parce qu'il faut bien comprendre que les ménages de moins à l'aide sociale, ce n'est pas sur 12 mois de l'année tout en même temps, ça peut s'échelonner aussi au cours des deux dernières années. Donc, on ne peut pas calculer comme si, sur 12 mois de l'année depuis deux ans, il y avait eu un nombre de ménages qui, petit à petit, mois après mois, se trouvent à sortir de l'aide. Et l'ensemble de ces sommes ont été dédiées à un soutien accru aux familles.

Quand vous dites, à la fin de votre mémoire: «Bien sûr, une réforme de la sécurité du revenu ne peut à elle seule éliminer la pauvreté. La création d'emplois durables et de qualité...», je rappelle le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Ce sera 100 000 000 $, cette année, plus exactement 103 000 000 $, qui seront injectés dans la création soit d'emplois ou de formations qualifiantes et qui vont mener à l'emploi durable et de qualité.

La hausse substantielle du salaire minimum, je rappelle que cette hausse ne le fut peut-être pas suffisamment, mais elle a quand même été de 13,5 % depuis les deux dernières années.

Un soutien accru aux familles et l'ensemble de ce qui a été, finalement, si vous voulez, dégagé par, entre autres, la croissance économique – parce que le chômage et l'aide sociale sont intimement liés, comme vous le savez, à la croissance économique qui est associée à la croissance de l'emploi – bien, l'ensemble de ces sommes dégagées ont été en totalité injectées dans la politique familiale, soit la maternelle plein temps, soit la garderie quatre ans à 5 $ par jour, soit la garderie trois ans à 5 $ qui s'en vient, également.

Alors, ce n'est pas assez, nous dites-vous à la page 2. Vous nous dites: Il faut viser plus – je pense que vous avez raison aussi – il faut viser notamment, graduellement, dites-vous... Et, à court terme, vous nous faites un total de choses à faire immédiatement.

Il y a aussi, comme vous le savez, un débat de société. Il va y avoir des choix importants avec l'atteinte du déficit zéro, au printemps, et les surplus qui pourront s'en dégager. J'ai posé la même question à celles des personnes qui représentaient des organismes qui vous ont précédés. Ce débat de société sur la répartition de la richesse, il va falloir le faire aussi avec des organisations syndicales qui réclament des augmentations salariales; il va falloir le faire avec les organisations d'affaires qui réclament des réductions d'impôts; il va falloir le faire aussi avec le milieu communautaire qui a cette liste qui n'est pas aussi longue que celle que vous nous présentez ce matin, mais qui, habituellement, inclut l'indexation des prestations et qui inclut aussi la coupure du partage du logement. Ces deux mesures-là additionnées coûteront annuellement 150 000 000 $.

Alors, ce que vous nous présentez, au total, c'est quelque chose qui va chercher 1 500 000 000 $. On peut reprendre chaque item si vous le voulez, mais c'est de cet ordre-là, à peu près, 1 500 000 000 $, si vous voulez, pour le total de ce qui est présenté à la page 2. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. En attendant que vous répondiez, je voudrais juste faire remarquer que Mme la députée de Sherbrooke veut intervenir, M. le député de Saint-Hyacinthe. Alors, je vais essayer de vous garder du temps en conséquence. Mme David.

Mme David (Françoise): Oui. Je dois m'adresser à vous, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, madame, s'il vous plaît.

Mme David (Françoise): Alors, j'aimerais que vous rassuriez pour nous Mme la ministre, nous avons lu le projet de loi. Et je voudrais tout de suite passer la parole à Mme Mainguy qui va rectifier une situation par rapport aux cas qu'elle a soulevés.

M. Mainguy (Claudette): Oui. Par rapport aux 17 000 $ de la mère de famille, ça inclut les prestations pour enfants. Les 17 000 $ incluent les prestations fédérales et l'allocation unifiée. Elle a juste, juste, juste ce qu'elle avait, ou à peu près, à l'aide sociale, sauf qu'elle n'est plus sur l'aide sociale.

Mme Harel: Bien, écoutez, il y a eu la prépublication, la semaine passée, d'un projet de règlement, dans la Gazette officielle , qui modifie le règlement de façon à ce qu'on ne tienne pas compte ni des allocations familiales, ni de la prestation fiscale fédérale pour établir l'éligibilité ou l'admissibilité à l'aide sociale.

Mme David (Françoise): Bon. Tant mieux si ça va pouvoir apporter des choses. Moi, je voudrais répondre sur le fond. On ne niera pas, évidemment, qu'il y a certaines améliorations très relatives par rapport à la situation actuelle. Évidemment, on a salué l'abolition de la coupure de partage de logement pour familles monoparentales. Je voudrais faire remarquer aux personnes qui ont notre mémoire qu'on parle d'un projet de loi qui n'apporte aucune amélioration significative. Le mot «significative» est important. Si je n'avais pas voulu l'écrire, je ne l'aurais pas écrit. Alors, ce que ça veut dire, c'est que, oui, à certains égards, il y a des miettes. Il n'y a pas du pain, il y a des miettes. Il y en a. Et bravo pour celles qu'il y a. C'est toujours important parce que, quand on n'a tellement pas d'argent, chaque dollar compte.

Cela dit, moi, je voudrais aller sur le fond de la question. Si vraiment le projet de loi n° 186 traite les personnes à l'aide sociale en chômeurs et chômeuses qui auront exactement les mêmes droits, qui auront accès exactement aux mêmes services, moi, je suis désolée, mais je vous dis que vous allez devoir faire vos preuves. Si, vraiment, vous traitez ces personnes-là en personnes qui n'ont pas choisi leur situation, qui sont, dans le fond, dans une situation de chômage de longue durée, pourquoi les traitez-vous différemment des chômeurs? Les chômeurs, eux, qu'ils aient 21 ans ou qu'ils en aient 34, il n'y a pas pour eux d'obligation de parcours. À 21 ans, il n'y en a pas plus. Une fois qu'ils ont accepté d'aller dans un parcours, ils doivent le faire jusqu'à la fin sous peine de pénalité, mais il n'y a pas d'obligation de parcours pour un chômeur à l'entrée. Un chômeur ne se fera pas refuser sa prestation de chômage ou ne se la fera pas couper de 150 $ par mois s'il refuse d'aller sur un parcours d'insertion.

Alors, moi, je me dis que le minimum, c'est qu'il faudrait être logique, à ce moment-là. Deuxièmement, un chômeur non seulement doit pouvoir avoir accès à un emploi convenable, mais doit pouvoir accès à un emploi, dans un premier temps – et là il y a toutes sortes d'étapes – qui correspond à son expérience, qui correspond à ses capacités et à sa scolarité. Vous n'avez pas les mêmes règles, à l'aide sociale. Alors, à tout le moins, il faudra, si vous allez dans cette voie-là, être équitables. Premièrement.

(10 h 20)

Deuxièmement, vous dites: Les personnes à l'aide sociale vont avoir accès aux mêmes guichets et aux mêmes services. Oui. Bravo! Mais ce n'est pas ça qu'on a voulu soulever ce matin. Évidemment, on aurait pu saluer la naissances des CLE, bon. Mais le vrai problème, il n'est pas là. Le vrai problème, c'est que vous allez avoir, par exemple, des personnes sans chèque ou des chômeurs et chômeuses ou des étudiants qui vont aller à ces guichets recevoir des services, mais qui, eux, n'auront pas sur la tête l'épée de Damoclès des pénalités, par exemple, et qui, eux, ne se feront pas offrir des petits programmes «cheap» comme ce qu'on a déjà, les EXTRA, les PAIE qui, peut-être, vont changer, mais je dois vous dire que, pour le moment, ça continue à plein. Les téléphones dont les dames parlent et les contacts quotidiens que Claudette a dans son centre, on ne parle pas d'il y a deux ans, on parle de la situation actuelle.

Que ça doive changer, que les parcours d'insertion doivent devenir vraiment des lieux d'insertion véritables, bravo. Nous, dans le fond, ce qu'on dit, c'est: Commencez par faire vos preuves. Ça fait 10 ans qu'il y a des mesures d'employabilité au Québec et que, 80 % du temps, ça ne mène à rien. Ça ne mène à rien d'autre qu'au découragement parce que les gens recommencent tout le temps. Vous faites un programme PAIE; ça dure un an, on vous slaque, on en prend un autre. Et le Fonds de lutte contre la pauvreté, je siège dessus. Je suis plutôt fière de ce qui se passe là, mais, en même temps, on ne se pétera pas les bretelles, là. En ce moment, le Fonds de lutte contre la pauvreté, je sais pertinemment, pour être à la bonne place, qu'on crée des emplois d'un an – un an – mieux payés, en général, que les programmes PAIE. C'est toujours ça de pris. Et on va faire la bataille pour faire en sorte que ces emplois-là soient plus durables. Donc, on n'a pas jeté la serviette. Il faut essayer d'aller plus loin. Mais on a créé 4 000 emplois jusqu'à présent. Il y a à peu près 300 000 personnes qui en ont besoin, au Québec. Alors, nous, ce qu'on essaie de dire, dans le fond, c'est deux choses: Oui, mettez-les en place, vos parcours d'insertion, on en a immensément besoin. Oui, créons des emplois durables. Pas au salaire minimum, cheap, à temps partiel, le soir, à 50 km. Des emplois, des vrais emplois que, vous et moi, on voudrait garder. Les personnes pauvres, elles aussi, voudraient garder des emplois plus d'un an. Et faisons-le, tout ça. Donnons-nous le temps.

Je lisais dans les journaux que les CLE ont de la misère avec leur informatique. Je n'ai pas tout compris la patente. Mais c'est normal que ça commence difficilement, c'est normal que ça prenne un temps de rodage. Alors, faisons-le. Faisons appel à toutes les personnes à l'aide sociale, qu'elles soient jeunes ou moins jeunes, pour aller dans des parcours d'insertion qualifiants. Vous allez déjà en avoir trop pour vos capacités. L'obligation, on en rediscutera. Nous, ce qu'on propose, c'est d'en rediscuter dans trois ans, quatre ans. Le Front commun propose quatre ans. Nous autres, on est tout à fait prêts à acheter ça. On fera une bonne évaluation. On verra si, vraiment, vous avez offert tellement de parcours puis il n'y a pas de gens qui veulent aller dessus. Moi, ça ne m'inquiète pas. Alors, c'est ça qu'on vous dit: Commencez par faire vos preuves. Ça, ça coûte de l'argent et il faut l'investir, cet argent-là, parce que, à moyen terme, c'est rentable pour tout le monde. C'est rentable pour les personnes concernées, puis c'est rentable socialement, puis c'est rentable pour l'État parce que, évidemment, des gens qui travaillent rapportent aussi plus de taxes et plus d'impôts.

Je veux aller rapidement sur une couple d'autres questions. On n'attendra pas le déficit zéro pour vous dire qu'il faut faire des mesures immédiatement, et je sais très bien qu'il va y avoir un débat de société autour de ça. J'espère, là-dessus, que le gouvernement et l'opposition vont lancer des messages clairs à la classe moyenne qui, évidemment, aimerait bien voir baisser ses taxes et ses impôts. Il va falloir qu'on envoie des messages de solidarité sociale, et, moi, je ne les entends nulle part. Des deux côtés de la Chambre, je ne les entends pas, ces messages-là pour dire, essayer de donner une direction, prendre un leadership dans ce débat-là et dire: Ce qu'il faut faire au Québec, ce n'est pas diminuer les taxes et les impôts – d'ailleurs, M. Landry l'annonce déjà. Ce qu'il faut faire, c'est réinjecter de l'argent dans les programmes sociaux. C'est ça qu'il faut faire.

Un mot seulement sur la question des loyers. Je voudrais dire à Mme la ministre que, si son raisonnement se tenait, si c'était si bon que ça pour les personnes pauvres, pour les locataires, la mesure qu'elle propose, ce que je demande, c'est: Pourquoi ils s'y objectent tous? Si c'était si bon que ça, ils ne sont pas fous, ces gens-là, ils diraient oui. Probablement que, s'ils disent non, c'est parce qu'ils ne croient pas l'argumentation et qu'ils voient et elles voient – et nous sommes d'accord avec eux – dans cette mesure-là une mesure qui est discriminatoire, une mesure qui ne peut pas s'appliquer. On ne peut pas saisir ne serait-ce qu'une partie d'un chèque où il n'y a déjà rien. Ça n'a pas de sens et ce n'est pas conforme à la Charte des droits qui dit que tout le monde doit avoir un revenu décent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je suis convaincu que, par inadvertance, la ministre n'a pas souhaité la bienvenue, Mme la présidente de la Fédération. Oui?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît. Vous serez exempté de...

M. Copeman: Non, non, mais j'ai dit «par inadvertance». J'imagine.

Une voix: Elle les a saluées personnellement.

Mme Harel: Vraiment!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît!

Mme David (Françoise): Est-ce qu'on peut aller sur le fond des questions?

M. Copeman: Oui, Mme David. Ne vous inquiétez pas, on va y arriver.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît!

M. Copeman: Moi, je tiens, pendant que la commission siège, à vous souhaiter la bienvenue, Mme David, Mme Bédard, Mme Mainguy, à cette commission.

Mme David, la Fédération des femmes du Québec a fait la marche Du pain et des roses , il y a presque trois ans maintenant. Je pense que c'est une démarche qui avait été marquée de beaucoup de succès, d'une certaine façon. Je me demande si c'est ça que ça nous prend, peut-être, une autre marche Du pain et des roses , pour faire avancer d'autres dossiers. Parce que je pense que vous avez réussi à faire avancer certains dossiers avec cette marche-là. Moi, je constate qu'il y a un autre dossier qu'il faut faire avancer au Québec, et c'est celui auquel vous faites référence ce matin.

Quelques questions très précises. Mme Mainguy a soulevé la question – et je suis très content qu'elle l'ait fait – de l'impact, moi je dirais, pervers d'avoir sorti les enfants de l'aide sociale dans le calcul des barèmes, et l'impact combiné avec des pensions alimentaires. Ça a été soulevé également par l'Association des familles monoparentales et recomposées, lors d'une présentation précédente. Nous, on avait soupçonné que ce serait le cas. On avait jeté un regard hypothétique sur ce qui peut arriver avec la question des pensions alimentaires. On n'a pas eu de réponse à date de la ministre. Ça vaut la peine, je pense, de revenir là-dessus.

Antérieurement, quand les enfants étaient calculés dans le barème de l'aide sociale, un adulte avec deux enfants non disponibles, des jeunes enfants, était éligible à un barème de 975 $. C'est vrai qu'une pension alimentaire, s'il y avait lieu, a été déduite dollar par dollar. Mais mettons que la pension alimentaire se situait autour de 600 $, 650 $, 700 $, même en la déduisant dollar par dollar, la mère monoparentale était, dans un premier temps, éligible à l'aide sociale, et recevait quand même, si on soustrait 600 $ de 975 $, 375 $. L'effet, je pense, le plus important dans tout ça, c'est que maintenant, selon vous, il y a des femmes qui sont rendues inéligibles. Point. Pas qu'on déduit dollar par dollar, ce n'est pas ça, l'enjeu, mais qui sont rendues inéligibles à l'aide sociale.

Avez-vous des cas concrets? Parce que, nous, on est accusés de soulever quelque chose qui est hypothétique. Avez-vous chiffré? Est-ce que vous entendez souvent parler de ça? Et quel est l'impact de ça? Parce que j'imagine que la mère perd également les besoins spéciaux, allocation-logement, et tous les avantages qui en découlent.

Mme Mainguy (Claudette): L'allocation-logement, je pense qu'elle demeure, par exemple. On sait qu'à peu près... en tout cas, selon les statistiques, la moyenne des pensions alimentaires, c'est environ 500 $ par mois. Donc, en enlevant la portion enfants de l'aide sociale, c'est bien évident qu'on rejoint un paquet de monde. En tout cas, on en rejoint plus que si on les laisse là, c'est sûr. Mais ça, c'est récent. C'est tout récent, ce cas-là qu'on a constaté l'effet pervers de cette situation-là. Puis la femme est plus pauvre que jamais, puis elle est vraiment dans une impasse, elle, là, parce qu'elle en moins qu'elle n'en avait. Elle a sa pension alimentaire qui correspond à ce qu'elle recevait de l'aide sociale, puis elle a les prestations pour enfants puis l'allocation familiale. C'est tout. Ça lui fait 17 000 $ à cinq. Ce n'est pas beaucoup pour vivre.

(10 h 30)

M. Copeman: Moi, je pense que c'est un effet inattendu qu'il faut corriger. Mme la ministre, hier, en réponse à ce genre de question, a soulevé le cas: Oui, mais qu'est-ce qui arrive dans le cas de quelqu'un qui reçoit une importante pension alimentaire en raison d'un mode de vie plus élevé et que ce ne serait pas équitable de ne pas en tenir compte dans le calcul de l'aide sociale. Mais là on est à la marge...

Mme Mainguy (Claudette): L'exemple d'hier présentait une pension alimentaire de 30 000 $. Je pense que ce n'est pas tout à fait réaliste, parce que, pour une pension alimentaire de 30 000 $, si on se fie aux tables de fixation, ça voudrait dire, dans les pires cas, un revenu de 300 000 $ par année. Donc, si Monsieur a 300 000 $ par année, en quelque part, il est peut-être capable de payer une pension alimentaire pour Madame. Puis, d'autre part, Madame, elle a peut-être suffisamment de biens qu'elle n'est même pas éligible à l'aide sociale, parce qu'il y a quand même un partage qui se fait un moment donné, en quelque part. Ça fait que ce n'est pas des situations réalistes, ça.

Mme Harel: Je voudrais juste faire un correctif. L'exemple n'a jamais été celui de 30 000 $. C'était un revenu total de 30 000 $ qui incluait à la fois les allocations familiales, qui incluait à la fois la pension alimentaire et qui pouvait inclure à ce moment-là aussi l'aide sociale. Alors, c'était la totalité. J'ai compris moi aussi par le traitement qui en a été fait par Robert Houle, de Radio-Canada, qu'il y avait vraiment extrait simplement une partie de ce que j'avais dit, hors contexte complètement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Bien. Madame, continuez.

Mme Mainguy (Claudette): Nécessairement, des pensions alimentaires, ça ne peut pas être si gros que ça. C'est pour ça qu'on a toujours demandé que les pensions alimentaires versées pour les enfants restent aux enfants.

Quand les personnes se retrouvent sur l'aide sociale, c'est qu'en quelque part, elles n'étaient pas millionnaires avant. Même si elles vivaient en couple, elles n'étaient quand même pas millionnaires. Parce que, si ça avait été le cas, elles auraient trop d'avoirs et elles ne seraient pas éligibles. C'est aussi simple que ça. Donc, ce n'est pas des montants qui sont si importants que ça. Mais, quand on tombe dans des grosses familles, et c'est de ça qu'on s'est rendu compte avec cette femme-là qui a quatre enfants, ça peut arriver. Puis c'est ces gens-là, en plus, ont été pénalisés. On ne peut pas dire qu'on était nécessairement d'accord avec la politique nataliste qu'il y avait avant, mais il y avait quand même une progression dans les allocations familiales, qui n'est plus là. Le quatrième enfant, il est le même prix que le deuxième, maintenant. Alors, elle, elle a comme... Elle a été pénalisée. Avec ces montants-là, elle est à nouveau pénalisée par la politique actuelle.

M. Copeman: Ce qu'on prétend depuis qu'on a commencé à étudier cette question de ce côté de la table, c'est que ça va rendre les femmes monoparentales inéligibles à l'aide sociale en raison du calcul de la pension alimentaire. On n'a pas eu une réponse claire. Et, moi, je tiens à tenter de clarifier cette situation-là et de la corriger, parce que je pense honnêtement que c'est un effet inattendu. Si c'est un effet attendu, ça, c'est autre chose. Mais qu'on ait le courage politique de le dire: Oui, c'est ça qu'on veut faire. Si on ne veut pas le faire, si c'était inattendu, qu'on le corrige. C'est ça que je souhaite.

Mme Mainguy (Claudette): Il ne faut pas oublier non plus qu'à partir de septembre les gens vont déjà être encore plus pauvres à l'aide sociale, parce qu'il y a encore des ajustements qui étaient maintenus pour les personnes déjà inscrites mais qui vont être enlevés. Il ne faut pas oublier ça, ce bout-là, non plus.

M. Copeman: Vous avez devancé ma deuxième question, qui portait sur les majorations temporaires pour les familles monoparentales et pour les jeunes enfants des personnes qui sont présentement sur l'aide sociale. On sait bien que ces majorations sont maintenues comme droit acquis pour tous ceux qui sont sur l'aide sociale présentement. Mais pour les nouveaux demandeurs, après le 1er septembre, ça fait plusieurs semaines qu'on soulève le cas qu'on peut avoir des pertes allant jusqu'à 746, 25, 53 – malheureusement, de temps en temps je me perds dans les chiffres – mais au-delà de 700 $ pour une femme avec deux enfants, deux jeunes enfants, le maximum.

Encore une fois, on nous dit, Mme la ministre de l'Éducation, Mme la ministre de la Famille et de l'Enfance nous dit: C'est comme ça, ça va rester comme ça. Quand, moi, je parle des pertes, elle me répond: Ce n'est pas une perte, on ne peut pas perdre quelque chose qu'on n'a jamais eu. Peut-être. Et Mme la ministre responsable de la politique familiale a également échappé cette malheureuse phrase comme quoi ça représente une surcouverture des enfants, l'aide sociale. Elle l'a dit. Très malheureux, parce que je ne pense pas... Personne peut constater une surcouverture des enfants à l'aide sociale au Québec. C'est toute une chose.

Moi, je fais le plaidoyer devant la ministre, devant vous autres, pour qu'on maintienne ces majorations-là. Et j'aimerais vous entendre là-dessus. Moi, je trouve ça inconcevable. On l'a soulevé avec le Conseil du statut de la femme, qui n'avait pas regardé la question. Je vois, Mme Mainguy, que vous l'avez regardée. On vous donne l'occasion, encore une fois, de faire votre plaidoyer à Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme David (Françoise): J'aimerais quand même souligner que le Conseil du statut de la femme, qui a fait une excellente présentation dont nous nous inspirons en partie, va même plus loin que nous en ce qui concerne, en passant, la pension alimentaire. Il propose qu'elle soit conservée entièrement par le parent gardien, pour ne pas dire la mère, puisque c'est de l'argent qui est versé pour les enfants et que les femmes à l'aide sociale, de ce point de vue là, sont discriminées par rapport à toutes les autres femmes qui ne sont pas prestataires de l'aide sociale depuis les nouveaux règlements sur la défiscalisation.

Mais sur le point que vous soulevez, dans notre mémoire, au point 1.5, nous avons effectivement une recommandation qui parle d'augmenter les prestations familiales pour toutes les familles à faibles revenus et de s'assurer, en particulier, que les nouvelles familles qui vont arriver à l'aide sociale, le 1er septembre, puissent avoir les mêmes montants pour les enfants que les familles qui sont là en ce moment. Je trouve qu'il y a des euphémismes extraordinaires, de dire: On ne perd rien parce qu'on ne l'avait pas avant. Bien, oui, évidemment elle arrive à l'aide sociale, donc, bien sûr, elle a le montant qu'elle a, hein, puis... Mais c'est drôle, parce que la famille qui vit dans le logement d'à côté, dans le même HLM, elle, elle va avoir un petit peu plus parce qu'elle s'adonnait à être là la veille. Alors, on va avoir des catégories de familles pauvres, maintenant. Moi, je trouve ça surréaliste comme raisonnement et je suis très fatiguée d'entendre ce genre de réponses à des questions pourtant simples.

Si cette année on considérait que les familles à l'aide sociale devaient avoir un montant d'argent x pour les enfants, leur permettant de nourrir ces enfants-là, voulez-vous bien m'expliquer pourquoi après le 1er septembre d'autres familles en auraient moins besoin? Ça n'a pas de sens. Et j'en profite pour dire que je ne veux pas discuter du chiffre de 1 500 000 000 $ ou 1 000 000 000 $ par rapport à nos demandes. Évidemment, on n'a pas calculé point par point, précisément tout ce que ça demandait, c'est vrai, et on est très conscientes qu'on n'aura pas 1 500 000 000 $ de plus à l'aide sociale demain matin, quand même. Mais on dit simplement qu'il y a un certain nombre de mesures qui doivent être mises en opération à très court terme. À très court terme, c'est demain. Il y en a d'autres qui pourraient être mises en opération le 1er janvier. Il y en a qui pourraient être mises en opération, par exemple, au prochain budget. Mais on pourrait déjà s'engager à le faire, pas attendre que tout le monde tripe sur les baisses d'impôt. Déjà on pourrait envoyer des messages clairs, et je compte sur les deux côtés de la Chambre pour ça, les deux côtés, pour dire à la population du Québec: Si on veut que les pauvres soient moins pauvres, on va arrêter de multiplier à l'infini les banques alimentaires, les guignolées puis les collectes puis la charité du XIXe siècle. On va faire de la justice sociale. C'est ça qu'on va faire.

Alors, on va faire des choses parfois simples: annualiser les gains permis. Ça, ça ne coûte pas cher. C'est juste de dire: On va mettre les gains permis sur une base annuelle plutôt que mensuelle, parce qu'il y a des gens qui peuvent faire un peu plus d'argent l'été, oups! bon, là, ils sont coupés, puis ils ne font presque rien l'hiver. Ça serait intelligent de mettre ça sur une année, combien les gens à l'aide sociale ont le droit de garder, par exemple. Ça, c'est une mesure administrative qui serait juste intelligente. Laisser la TVQ dans la prestation, ça ne coûte pas cher, ça non plus, plutôt que de la donner deux, ou trois, ou quatre fois par année, parce que les gens, ils en ont besoin chaque mois. On le fait, là, en ce moment, c'est dans le chèque. Pourquoi changer ça? Il y a des mesures qu'on propose qui ne sont pas si coûteuses que ça, et pour celles qui le sont plus, on est prêtes à discuter, pas trop longtemps, puis pas pour l'an 2010, mais évidemment on est prêtes à discuter.

Mais le message qu'on essaye d'envoyer, c'est: Où est la volonté politique pas seulement de réduire la pauvreté des gens au niveau des prestations, au niveau de ce qui entoure les prestations, mais de mettre de l'argent dans les parcours, d'en mettre vraiment? Camil Bouchard, Alain Noël et Vivian Labrie l'avaient dit. Oui, ça coûte de l'argent, une réforme de l'aide sociale, si on est décidé à sortir les gens de la pauvreté. Si on est moins décidé ou qu'on pense qu'il n'y a pas moyen, moi aussi j'aimerais ça qu'on le dise. Si on est vraiment décidé, qu'on veut vraiment offrir des parcours qualifiants à plein de monde, je suis désolée, mais il va falloir mettre de l'argent dans les écoles, puis il va falloir mettre de l'argent dans des stages puis dans de la formation professionnelle. Oui, ça coûte de l'argent. Qu'est-ce que vous voulez, c'est la vie.

M. Copeman: Ce qui me rend encore plus perplexe, la décision du gouvernement de périmer des dizaines de millions de crédits...

Mme David (Françoise): Voilà.

(10 h 40)

M. Copeman: ...dans l'aide sociale. L'année passée, ça aurait été 100 000 000 $ retournés au Trésor, n'eût été le verglas qui a réduit les crédits périmés à 75 000 000 $. C'est ça que je plaide depuis un an. De temps en temps, vous savez, et je suis très conscient, je rencontre quotidiennement des gens qui me disent: Vous savez, M. Copeman, votre crédibilité comme parti dans le dossier n'est pas forte. Je sais ça, moi. Je sais qu'il y a des gens qui pensent ça. Tout ce que je vous dis, c'est que, depuis un an, ce qu'on plaide comme minimum, publiquement, c'est qu'on n'aurait pas dû périmer ces crédits-là. Le strict minimum aurait été de conserver ces dollars-là soit pour augmenter les prestations, carrément, au montant qu'ils étaient en 1994, ou de le réinjecter dans les parcours. Alors, on est très sensible surtout à la question que ça coûte de l'argent pour faire des parcours, pour donner des mesures d'insertion en emploi. Ça, toutes les études de l'OCDE à travers le monde démontrent que ça coûte cher. Et je pense que votre question est tout à fait pertinente. Est-ce qu'on veut, comme société, investir ou pas? On verra la réponse.

Mme la ministre nous dit qu'il n'y aura pas de places contingentées avec la nouvelle formule. C'est ça qu'elle nous a dit. La seule façon de vérifier, c'est dans un an. Quand on fera l'étude des crédits. On va être là. On va le faire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Oui, madame, vous pouvez y aller.

Mme Mainguy (Claudette): Il y a quelque chose que j'aimerais clarifier avec Mme Harel au sujet du 100 $ de plus pour les enfants de moins de cinq ans. Il y a quelque chose que je ne comprends pas tout à fait, ou, en tout cas, si je le comprends, ça ne marche pas, mon affaire. Si on prend, pour faire un chiffre rond, une personne qui reçoit 500 $, mettons, par mois, pour l'aide sociale – mettons 500 $, pour faire un chiffre rond, c'est plus facile à compter – si elle a un enfant de moins de cinq ans, elle a droit à 100 $ de plus. C'est correct, ça? Jusque-là, je ne me trompe pas? Là, avec la pension alimentaire, elle va avoir droit à un autre 100 $ de plus: 700 $, c'est ça?

Mme Harel: Oui.

Mme Mainguy (Claudette): Là, à la minute où l'enfant a cinq ans, la journée où l'enfant a cinq ans, madame tombe à 500 $ par mois. C'est 200 $ qu'elle va perdre.

Mme David (Françoise): Parce qu'elle perd son allocation de non-disponibilité et qu'elle perd aussi le maintien de la pension alimentaire.

Mme Mainguy (Claudette): Le 100 $ qui était le privilège qui lui était accordé jusqu'à l'âge de cinq ans. Si on pense à avant. Avant, on perdait la disponibilité, mais il y avait 120 $ d'accordés pour les personnes qui décidaient de faire un parcours ou quelque chose comme ça, quand il y en avait de disponibles, bien entendu. Donc, ils pouvaient récupérer, en fait, être à peu près au même seuil. Dans le cas présent, avec l'instauration de ça, la femme va perdre 200 $. Si elle suit un parcours, elle va regagner 120 $, mais elle va être encore à moins 80 $. Avec ces seuils-là, on ne peut pas avoir moins 80 $.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Mainguy...

Mme Harel: Il n'y a rien de changé par rapport à l'allocation familiale, la pension alimentaire et l'aide sociale sur la situation antérieure en termes de revenu disponible. Et tout le débat qui s'est tenu m'amène à penser qu'il y a quelque chose de très précis à mettre sur un tableau pour qu'une personne qui administre ça m'informe correctement. Mais c'est la même situation qui s'est améliorée du fait que maintenant la famille va pouvoir garder jusqu'à 100 $ de pension alimentaire, alors qu'auparavant chaque dollar de pension était diminué du chèque, alors que maintenant elle va pouvoir garder par mois jusqu'à 100 $.

Mme David (Françoise): Oui, jusqu'à ce que l'enfant ait cinq ans.

Mme Harel: Oui, oui. Jusqu'à ce que l'enfant ait cinq ans.

Mme David (Françoise): Pourquoi pas après?

Mme Harel: Bon, ça, c'est une bonne question. Pourquoi pas après?

Mme David (Françoise): Très bonne question.

Mme Harel: Exactement. Et je la pose moi de même, parce que je pense que c'est graduellement. Mais admettons qu'avant c'était rien du tout et qu'au 1er juin qui vient ça va être 100 $ par mois jusqu'à ce que l'enfant ait cinq ans. Et souhaitons qu'on arrive à ce que ça puisse ensuite de ça s'extensionner. Mais je ne sache pas que tout ce que le député de Notre-Dame-de-Grâce a soulevé est différent, étant donné que c'est le revenu disponible. Il y a peut-être moins d'argent dans le chèque d'aide sociale, mais l'argent vient du chèque d'allocation familiale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, je suis obligé de clore là-dessus. Très courtes conclusions, M. le député et Mme la ministre.

M. Copeman: Oui, parce que, de temps en temps, on permet un peu d'échange, là, puis même à l'intérieur des 20 minutes des autres.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, mais c'est moi qui préside, M. le député, puis j'ai d'autres groupes qui attendent. Alors, s'il vous plaît.

M. Copeman: Oui, je comprends, M. le Président. On va prendre le temps qu'il faut pour expliquer à la ministre, pas aujourd'hui, là. Mais vous êtes le deuxième groupe, la Fédération des femmes du Québec, qui prétend qu'avec des changements...

M. Dion: M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, M. le député.

M. Dion: Moi, je veux bien faire preuve de toute la tolérance qu'il faut, prendre tout le temps qu'il faut, mais je rappelle seulement ceci: C'est que, si on dépasse le temps, moi, j'ai un droit de parole depuis longtemps, que j'ai accepté de sacrifier parce que je sais qu'il y a d'autres groupes qui attendent. Alors, ou on met, tout le monde, de l'eau dans notre vin ou on dit que c'est strict et on arrête là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et je demande à tout le monde de mettre de l'eau dans son vin. On a encore beaucoup, beaucoup de groupes à recevoir jusqu'à la fin de la journée aussi. Ça n'empêche pas les échanges, après, pour les informations.

Mme Harel: Moi, ce que je propose, c'est que les recherchistes...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Voilà.

Mme Harel: ...des formations se rencontrent puis mettent ça par écrit, puis on vous le fera parvenir, et vous verrez s'il y a un problème ou pas.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, pour votre conclusion, s'il vous plaît.

M. Copeman: Oui. Il s'agit de la question que j'ai soulevée, de l'éligibilité à l'aide sociale, c'est ça qui est le noeud de la question, là, et je n'ai pas eu de réponse satisfaisante. Peut-être qu'on va en avoir une à un moment donné, mais à date il y a deux groupes qui prétendent qu'on rend des femmes inéligibles à cause de la pension alimentaire, potentiellement, si elles dépassent le barème d'une adulte seule, qui est le seul barème qui existe, de 490 $. Si ce n'est pas le cas...

Mme David (Françoise): M. le député, ce n'est pas seulement à cause de la pension alimentaire, c'est surtout, en fait, à cause du fait que les prestations pour enfants, maintenant, sont sorties de l'aide sociale.

M. Copeman: C'est ça.

Mme David (Françoise): Et, moi, je propose effectivement, si vous devez discuter de la question, qu'on y soit associé. La Fédération des familles monoparentales a des cas très précis là-dessus, mais, effectivement, il y a des femmes qui tombent dans le no man's land...

M. Copeman: Oui. Très bien.

Mme David (Françoise): ...qui ne sont plus à l'aide sociale, qui ne sont pas non plus travailleuses, qui sont des femmes sans chèque, qui n'ont plus droit à aucun des programmes d'insertion à l'aide sociale. C'est le cas qu'on a tenté de soulever.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très, très courte conclusion. Merci, M. le député.

Mme Harel: J'avais promis à Mme la députée de Sherbrooke de la faire conclure parce qu'elle voulait vous remercier. Mais, ce que je vais conclure, c'est que ça ne peut plus se produire à partir du moment où il va y avoir application du règlement qui a été prépublié la semaine passée, dans la Gazette . Bon. Moi, je suis tout à fait d'accord pour qu'on associe la Fédération des familles monoparentales et recomposées, l'opposition aussi, puis on va mettre au clair cette question-là, avec évidemment l'application du nouveau règlement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie tout le monde. Maintenant, je suis obligé de demander la collaboration de ceux qui sont dans la salle, parce que les gens du Front d'action populaire en réaménagement urbain sont un bon groupe aussi. Alors, je me suis entendu pour qu'il y ait un échange. Je suspends donc les travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 49)

(Reprise à 10 h 53)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Avant de commencer, étant donné qu'il y a plusieurs personnes qui en sont à leur première présence dans ce genre de commission, simplement pour rappeler à tout le monde, premièrement, de s'adresser toujours au président, pour ceux et celles qui ont la parole en avant. Et, deuxièmement, dans la salle, on n'a pas le droit à des manifestations, comme applaudissements ou autre chose, de façon à s'assurer que tout se passe correctement.

Alors, bonjour aux représentantes et représentants du Front d'action populaire en réaménagement urbain. M. Saillant, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent, avant de débuter votre présentation.


Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU)

M. Saillant (François): Bonjour. Mon nom est François Saillant. Je suis coordonnateur du FRAPRU. À ma gauche, Carlos Borgès, qui est du Comité de logement social de Châteauguay, qui est membre du conseil d'administration du FRAPRU. Juste à côté, Denyse Lacelle, qui est du Projet Genèse de Côte-des-Neiges, qui est un groupe membre du FRAPRU. Et, finalement, à ma droite, Lucie Poirier, qui est organisatrice au FRAPRU et qui est juriste, avocate qui n'a pas les moyens de payer son Barreau.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous pouvez y aller. Je ne sais pas qui commence. C'est vous?

Mme Poirier (Lucie): Oui. Merci. Bonjour. Le 3 mai dernier, au moment d'une bruyante manifestation du FRAPRU devant une assemblée d'investiture du Parti québécois, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Louise Harel, qui s'était défilée par la porte d'en arrière, a déclaré à la presse qu'elle était disposée à apporter des amendements au projet de loi n° 186 sur le problème du non-paiement de loyer par certaines personnes assistées sociales. C'est cette volonté que le Front d'action populaire en réaménagement urbain est aujourd'hui venu tester sans grandes illusions, mais en nous disant qu'on aura au moins tout essayé pour faire tomber ce qui nous paraît être une mesure honteuse: verser directement au propriétaire une partie du chèque des personnes assistées sociales reconnues coupables de non-paiement de loyer. Nous sommes venus ici dans une seule intention: demander au gouvernement de retirer purement et simplement les articles du projet de loi imposant cette mesure, soit les articles 31, 180 et 181. C'est l'amendement que nous voulons, le seul qui soit acceptable à nos yeux.

Voici les trois grandes raisons pour lesquelles nous exigeons ce retrait. Première raison: le gouvernement propose une saisie déguisée, hypocrite, des chèques. Le projet de loi n° 186 accorde à la Régie du logement le pouvoir d'ordonner au ministre de l'Emploi et de la Solidarité de verser au locateur la partie de la prestation reliée au logement, selon le montant et les conditions prévues par règlement, pour tout loyer à échoir pendant le mois pour lequel une telle prestation est accordée.

Oublions le verbiage et tenons-nous-en à l'essentiel. Quand vous n'avez plus le contrôle sur votre revenu, quand une partie de votre chèque est versée directement au débiteur sans même que vous en voyiez la couleur, bien, c'est parce que vous êtes l'objet d'une saisie, même si celle-là est limitée au loyer à venir. Alors, pourquoi la ministre de l'Emploi et de la Solidarité ne parle-t-elle pas franchement, ouvertement de saisie? Tout simplement parce que ça lui permet de contourner les règles établies pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec. Le Code de procédure civile du Québec stipule qu'en cas de saisie une portion du revenu est insaisissable, soit 120 $ par semaine ou 516 $ par mois. Avec son projet de loi, Mme Harel, elle, se donne le pouvoir de piger dans les prestations qui, pour la majorité des personnes assistées sociales, sont d'environ 490 $ ou moins. Le gouvernement réussit même à contourner sa propre loi, l'article 30 dans le projet de loi n° 186, en stipulant que la prestation est incessible et insaisissable. En n'utilisant pas le terme «saisie», en utilisant les technicalités, en faisant en sorte que la mesure soit techniquement différente d'une saisie, ce que Mme Harel et le gouvernement Bouchard font, c'est qu'ils tournent en dérision une règle de base maintes et maintes fois répétée par les tribunaux. Ils sont en train d'essayer de faire indirectement ce qu'ils ne peuvent pas faire directement.

(Applaudissements)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vous ai demandé votre collaboration. J'espère l'avoir. C'est ça, les règles, pas d'applaudissements.

Mme Poirier (Lucie): Nous, ce qu'on demande, c'est le retrait des article 31, 180 et 181, parce que la saisie des chèques d'aide sociale, ce serait une atteinte aux droits des personnes assistées sociales. O.K. Le gouvernement imposerait une tutelle, une curatelle. Nous demandons leur retrait, parce qu'ils créeraient aussi un brèche. Ça permettrait éventuellement la saisie aussi bien de la totalité des loyers à venir que de ceux à échoir, et qui pourrait même s'étendre à d'autres types de prestation, par exemple: Commission de la santé et de la sécurité du travail, Régie des rentes du Québec, Société de l'assurance automobile du Québec.

M. Saillant (François): Seconde raison, la saisie ne réglera en rien le vrai problème, celui de l'incapacité de payer. On ne nie pas, au FRAPRU, qu'il existe un problème de non-paiement de loyer, un problème qui est loin d'être limité aux seules personnes assistées sociales.

Le nombre de demandes déposées à la Régie du logement pour résiliation de bail dans les cas de non-paiement de loyer est passé de 14 101, en 1983, à 35 482, en 1996-1997. En tout et partout, sur les 100 000 recours exercés devant la Régie du logement en 1996-1997, 88,5 % des recours avaient directement trait au mauvais paiement de loyer, contre 2 % pour les cas de fixation de loyer. C'est ce qui fait dire à plusieurs, dont le FRAPRU, que la Régie du logement s'est graduellement transformée en agence de recouvrement de loyer. Ce n'est pas pour rien si les associations de propriétaires ont cessé de réclamer son abolition à la Régie du logement, comme elle faisait au début des années quatre-vingt, à l'époque où elles imploraient encore l'État de ne pas se mêler des relations privées entre locataires et propriétaires. Autre temps, autres moeurs . Qui osera affirmer, devant cette commission, que c'est parce que les locataires sont plus mauvais payeurs, plus fraudeurs qu'auparavant, si la situation s'est aggravée à ce point-là? Le problème du non-paiement de loyer s'est détérioré essentiellement parce que la situation économique de nombreux ménages s'est elle aussi détériorée. Ce qui est vrai pour l'ensemble des personnes et des familles pauvres l'est encore plus dans le cas des personnes assistées sociales, surtout si on regarde ce qui est arrivé dans les dernières années.

Est-ce qu'il faut répéter que les prestations des personnes assistées sociales, aptes au travail, n'ont pas été indexées, dans les cinq dernières années. Est-ce qu'il est nécessaire de faire la longue litanie des coupures qui ont été imposées par ce gouvernement-ci, depuis décembre 1995? Bien sûr, le gouvernement péquiste n'est pas le seul responsable de cette situation-là. Le fédéral a contribué, lui aussi, à la baisse dramatique des prestations, avec ses compressions dans les transferts aux provinces. Bien sûr. Mais, pour les personnes assistées sociales, il n'y a pas de différence: le chèque a baissé. Qui sera assez inconscient pour croire ou affirmer que ça n'a aucun impact sur la capacité de payer des personnes? La prestation de base d'un adulte apte et disponible au travail est présentement de 490 $ par mois. Or, le loyer payé par une personne seule à l'aide sociale est, quant à lui, de 372 $ par mois, électricité et chauffage inclus, selon un sondage du ministère lui-même. Et ça, c'est une moyenne à l'échelle du Québec. Si la personne habite en Outaouais, comme c'est le cas de gens avec nous autres, ou si cette personne-là habite dans la grande région de Montréal, son loyer risque même d'être plus élevé encore.

(11 heures)

Mais tenons-nous-en au 375 $ pour le calcul. Payer un loyer de 375 $ quand on a un revenu de 490 $, ça veut dire consacrer 76 % de ses revenus au loyer, alors que la norme généralement admise est de 30 %. Ça veut dire aussi, puis surtout, qu'il reste juste 118 $ par mois pour vivre. Or, le ministère, encore là, le ministère lui-même évalue que la somme mensuelle qu'une personne seule doit consacrer pour se nourrir est de 161 $ par mois. Ça veut dire qu'en partant il manque 43 $ pour manger, et là il reste encore à payer une partie des médicaments – merci au Dr Rochon – il reste à payer l'habillement, il reste à payer le transport, il reste à payer le téléphone, il reste à payer ne serait-ce que le minimum de loisirs.

Le calcul serait encore plus laborieux, évidemment, dans le cas des familles monoparentales, mais, même si on additionnait la prestation de base, l'allocation unifiée pour enfants, l'allocation-logement et les 100 $ de pension alimentaire désormais exemptés, les familles restent tout de même condamnées à consacrer plus de 40 % de leurs revenus en loyer.

Qu'il n'y ait pas plus de personnes et de familles assistées sociales qui se rendent coupables de non-paiement de loyer dans des circonstances comme ça, ça ne tient peut-être pas du miracle, mais ça tient des sacrifices inacceptables, inimaginables, scandaleux auxquels notre société, qui est pourtant riche, astreint les plus pauvres d'entre elle. S'il y a une minorité de personnes qui, dans ce contexte-là, n'arrivent pas à payer leur loyer ou arrivent mal à payer leur loyer, ce n'est sûrement pas nous autres, au FRAPRU, qui allons les blâmer. Ceux et celles que nous blâmons, c'est les gens qui ont le pouvoir de changer les choses et qui ne le font pas. Si jamais ces gens-là n'ont pas ce pouvoir-là, on leur demanderait d'imiter le député bloquiste Stéphane Tremblay et de s'en retourner chez eux avec leur siège pour y rester, cette fois.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît. S'il vous plaît.

Mme Lacelle (Denyse): Troisième raison: la saisie ne permettra même pas d'atteindre les objectifs mis de l'avant par la ministre. C'est au nom de l'aide aux mal logés que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité justifie les articles 31, 180 et 181 de son projet de loi, comme c'est au nom de l'aide aux jeunes qu'elle veut leur imposer l'obligation de participer à des parcours. Mme la ministre veut bien nous aider. Qui aime bien châtie bien , dit-on. Nous faudra-t-il bientôt implorer la ministre de nous aimer un peu moins?

Dans le cas du non-paiement de loyer, Mme Harel justifie le recours à la saisie en affirmant que celle-ci permettra le maintien dans les lieux des prestataires fautifs et qu'elle facilitera l'élimination de la discrimination dont sont victimes l'ensemble des personnes assistées sociales au moment de la location d'un logement. Nous doutons fort, quant à nous, que le projet de loi n'assure bien longtemps le maintien dans les lieux, même s'il précise que la mesure proposée est conditionnelle à la renonciation par le locateur à demander la résiliation du bail pour les loyers échus. Ainsi, dans une fiche accompagnant la présentation du projet de loi, le ministère explique que la totalité du montant du loyer doit toujours être versée, à défaut de quoi le propriétaire pourrait demander à la Régie du logement l'éviction du locataire.

Les propriétaires ne renoncent donc à aucun de leurs droits sur les loyers à échoir. Comme la retenue d'une partie de leur chèque ne réglera en rien le problème d'incapacité de payer rencontré par les prestataires, ces derniers risquent fort de connaître les mêmes difficultés qu'auparavant à rencontrer l'entièreté du paiement de leur loyer. Rien n'empêchera alors les propriétaires de réclamer leur éviction, sur la base d'un simple retard.

Rappelons que la législation sur le logement locatif prévoit que le locateur peut obtenir la résiliation du bail si le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement de son loyer ou encore s'il subit un préjudice sérieux si le locataire retarde fréquemment le paiement.

Par ailleurs, le projet de loi n° 186 va beaucoup plus loin que le livre vert présenté en décembre 1996, en stipulant que, dans les cas de récidive à l'intérieur d'une période de deux ans, la saisie proposée s'étendra à tout locateur futur. C'est bien le contraire du maintien dans les lieux.

Passons maintenant à l'argument de la discrimination. Selon la ministre, l'adoption du projet de loi n° 186 ferait en sorte de rassurer les propriétaires sur le paiement futur de leur loyer, réduisant de ce fait les dangers de discrimination à l'égard des prestataires de l'aide sociale lors de la location d'un logement. Difficile de ne pas être sensible à cet argument quand on connaît l'ampleur grandissante que prend, au niveau de l'habitation, la discrimination fondée sur la condition sociale et, principalement, sur le statut de prestataire de la sécurité du revenu.

Mme Harel se fourvoie, cependant, si elle croit – et le croit-elle vraiment? – qu'elle convaincra les propriétaires de louer plus facilement à des personnes assistées sociales en les assurant de recevoir une partie de leur loyer. Elle ne fait, au contraire, que conforter les propriétaires dans leur croyance que les prestataires de la sécurité du revenu représentent des mauvais payeurs potentiels dont le gouvernement ne garantit même pas le paiement complet du loyer.

Quant à nous, nous croyons, comme la Commission des droits de la personne, qu'il faudra bien plus pour lutter contre la discrimination dans le logement. La Commission, en effet, affirme que la suppression de la discrimination fondée sur la condition sociale, qui compromet de façon substantielle l'accès à des logements décents pour les personnes et les familles pauvres, nécessite des remèdes de nature systémique. Ces remèdes, en plus de s'attaquer aux préjugés et aux stéréotypes relatifs aux personnes pauvres, doivent aussi porter sur la lutte contre la pauvreté, qui entraîne, pour une partie importante de la population, de graves difficultés dans l'accès au logement.

Non seulement, donc, la saisie d'une partie de la prestation ne permet-elle pas de lutter contre la discrimination, mais elle est elle-même discriminatoire. Elle porte, à notre avis, directement atteinte à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne parce qu'elle s'adresserait à un groupe défavorisé sur le plan social et serait donc fondée sur la condition sociale, et parce qu'elle aurait un effet préjudiciable pour ce groupe de personnes en permettant au gouvernement de s'ingérer dans la gestion de leur budget personnel lors de non-paiement de loyer et en les privant au moins partiellement de recours pourtant accessibles à tous les autres locataires, ce qui pourrait être notamment le cas des demandes en diminution de loyer ou encore du dépôt de loyer, qui sont des mesures utilisables lorsque les propriétaires ne s'acquittent pas de leurs obligations.

Lors d'une rencontre tenue en septembre 1995 avec le comité de travail sur le non-paiement du loyer – dont faisait partie, à l'époque, le FRAPRU – l'avocat du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, M. Jean-Pierre Roy, affirmait qu'une saisie indirecte d'une partie de la prestation de la sécurité du revenu porterait probablement atteinte aux droits à l'égalité des chartes canadienne et québécoise. Mme Harel a de toute évidence décidé d'outrepasser ce conseil. Nous devons, quant à nous, informer cette commission que, si le gouvernement va de l'avant avec la mesure prévue, nous avons la volonté ferme de la contester et de la faire invalider devant les tribunaux, en vertu des chartes tant canadienne que québécoise.

M. Borgès (Carlos): Qu'avons-nous donc à proposer? Ce qu'il faut, c'est lutter contre l'incapacité de payer. Jamais, au grand jamais, l'Assemblée nationale ne résoudra le problème du non-paiement de loyer en pénalisant ceux et celles qui sont les premières victimes de la situation actuelle. Jamais, au grand jamais, l'épiphénomène du non-paiement de loyer ne sera résolu tant que le gouvernement ne se sera pas attaqué au problème autrement plus fondamental de l'incapacité de payer.

C'est dans ce sens que le FRAPRU propose les mesures suivantes: premièrement, l'abolition de la coupure pour partage de logement...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Si vous m'obligez à suspendre les travaux, tout le monde va être perdant. S'il vous plaît! Allez-y, monsieur.

M. Borgès (Carlos): Le gouvernement doit abolir la coupure de 100 $ par mois pour partage de logement pour l'ensemble des personnes qui en sont victimes. Du temps que Mme Harel était sur le banc de l'opposition, elle ne manquait pas de mots pour qualifier cette coupure imposée par l'ancien gouvernement libéral: taxe à la solidarité, taxe à l'entraide, taxe à la débrouillardise.

Durant la campagne électorale de 1994, le Parti québécois s'était engagé à l'abolir en commençant par les familles monoparentales. Presque quatre ans après avoir fait cette promesse, le gouvernement vient tout juste – ça sent les élections – de confirmer que 16 000 familles monoparentales échapperont dorénavant à la coupure. Le projet de loi n° 186 la maintient, par contre, intégralement pour les 90 000 personnes qui en sont toujours victimes. En voilà qui auront mal compris l'engagement électoral du Parti québécois.

Notons en passant que la CORPIQ demande elle aussi l'abolition complète de la coupure pour partage de logement. Enfin, une demande sur laquelle locataires et propriétaires font consensus! Il faut dire qu'il y a là une évidence: si le gouvernement ne décourageait pas les personnes assistées sociales de cohabiter pour arriver à payer le loyer, il y en a un plus grand nombre qui y parviendraient.

(11 h 10)

Deuxièmement, nous demandons une prestation permettant au moins de répondre aux besoins essentiels reconnus. Il faudra cependant aller plus loin encore. Le gouvernement devra aussi assurer à chaque personne et à chaque famille un revenu un peu plus décent, lui permettant de rencontrer par ses propres moyens ses besoins de base: se loger, se nourrir, se vêtir, se soigner. Le gouvernement ne peut, d'un côté, reconnaître en principe des seuils de besoins essentiels et, de l'autre, faire en sorte que les prestataires aient un revenu de loin inférieur à ces seuils. Il ne peut pas, d'une part, affirmer qu'une personne assistée sociale a besoin de 667 $ pour vivre et ne lui donner que 490 $ comme prestation de base. Il ne peut encore moins aller en bas de ce seuil déjà indécent, en imposant des coupures ou des pénalités de toutes sortes qui ont pour effet de réduire le revenu presque à néant.

Troisièmement, et dans la tradition de FRAPRU, ce que nous demandons, c'est un grand chantier de logement social. Toutefois, même en disposant d'une prestation égale aux seuils de besoins reconnus, c'est au-delà de 40 % et même 50 % de leurs revenus que les prestataires de la sécurité du revenu devront continuer à consacrer au loyer. Ils n'auront alors accès, comme présentement, qu'aux logements de moins bonne qualité, les plus inadéquats, les plus vétustes, les plus insalubres, sur lesquels ils ne pourront exercer aucune espèce de prise en charge. C'est pourquoi le gouvernement doit à tout prix financer le développement d'un plus grand nombre de logements sociaux.

Contrairement à ce qu'affirment sans preuve les associations de propriétaires, l'expérience démontre que le problème du non-paiement de loyer est marginal en logement social parce que les locataires paient un loyer adapté à leur capacité de payer, soit 25 % de leurs revenus, plus services.

Un relevé récent réalisé par la Société d'habitation du Québec, à l'aide des états financiers de 1996 des offices municipaux d'habitation, démontre jusqu'à quel point la situation vécue en HLM est différente de celle décrite pour leur propre secteur par les propriétaires de logements locatifs privés. À l'échelle de tout le Québec, le taux de mauvaises créances n'y est en effet que de 0,5 %. Pourtant, les prestataires de la sécurité du revenu comptent pour 44 % de l'ensemble des locataires. Ceci démontre que même les prestataires les plus mal pris peuvent arriver à payer leur loyer quand celui-ci est abordable, comme c'est le cas en HLM et dans les autres formules de logement social comme les coopératives ou des unités gérées par des organismes sans but lucratif.

Le gouvernement québécois doit aller bien au-delà des 1 325 logements coopératifs et sans but lucratif qu'il a accepté de financer à chaque année, dont à peine 40 % sont accessibles à des personnes et à des familles à très faibles revenus et, encore là, pour une période limitée à cinq ans. C'est pourquoi le FRAPRU réclame la mise en place d'un grand chantier de logement social permettant d'offrir une alternative véritable aux personnes et aux familles qui ne trouvent et ne trouveront jamais leur place sur le marché privé de l'habitation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Un court commentaire, oui.

M. Saillant (François): Une remarque brève, parce qu'on ne veut quand même pas s'en tenir uniquement à l'aspect de la saisie. On avait présenté un mémoire plus complet en janvier 1997. On avait exprimé plusieurs critiques de fond sur les orientations contenues dans le livre vert. Ce qu'on doit aujourd'hui constater, c'est que les mêmes orientations reviennent souvent en pire dans le projet de loi: par exemple, l'obligation imposée aux jeunes de participer à un parcours, le transfert des personnes dites inaptes – comme s'il y avait des gens inaptes ou invalides dans notre société – à la Régie des rentes, le fait que tout, pour le gouvernement, passait par le travail salarié. On s'était prononcé contre l'appauvrissement des personnes assistées sociales. On doit constater qu'il y a eu encore des mesures, cette année, qui ont appauvri les personnes. On s'était prononcé pour que le projet de loi s'inscrive dans une stratégie à plus long terme d'élimination de la pauvreté, on nous dit aujourd'hui, au gouvernement, que ce n'est pas l'objet du projet de loi que de lutter contre la pauvreté – je ne sais pas ce que ça devrait être.

Bref, ce qu'on s'est dit aujourd'hui, c'est: Dans le fond, ce n'est pas un mémoire qu'on aurait dû vous présenter, c'est un aide-mémoire. On comprendra, dans cette situation-là, qu'on ne peut d'aucune façon endosser un projet de loi qui est contraire à tout ce qu'on a défendu il y a un an. On comprendra que le FRAPRU ne peut que rejeter un projet de loi qui va tout à fait à l'opposé de ce pourquoi il se bat depuis 20 ans cette année. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue aux gens du FRAPRU – avant que le député de Notre-Dame-de-Grâce me fasse grief de ne pas le dire avec assez d'enthousiasme. Un grand chantier de logements sociaux, je crois que le FRAPRU est suffisamment bien informé pour savoir que c'est l'actuel gouvernement du Québec qui a repris, n'est-ce pas, la construction de logements sociaux qui avait été interrompue par le gouvernement précédent et qui l'a été totalement par le gouvernement fédéral depuis cinq ans maintenant; que le gouvernement du Québec, dans un contexte qui est celui qu'on connaît, avec toutes les coupures qui nous sont reprochées, a quand même dégagé 43 000 000 $ pour le développement de 1 325 unités de logements sociaux dans le cadre du fonds d'habitation sociale. Et je comprends que, dans le secteur de l'habitation, le fonds d'habitation sociale va être maintenu et, me dit en tout cas mon collègue des Affaires municipales, consolidé avec l'appui de plusieurs partenaires dont les partenaires communautaires, également.

Alors, ce n'est pas peu, quand même, quand on pense qu'on a juste la moitié des impôts puis que c'est maintenant à 100 % qu'on doit se payer du logement social. C'est comme l'équivalent de quelqu'un qui serait obligé, chaque fois qu'il reçoit sa paie, d'en donner la moitié à son voisin, mais qui continuerait d'être obligé, avec la moitié qu'il lui reste, de payer l'épicerie, puis le loyer, puis tout le reste. Alors, on comprend que, à un moment donné, on peut aussi se retrouver ensemble dans des dossiers où on peut réclamer la totalité de nos impôts.

Ceci dit, vous savez, des fois ça passe vite. Si tantôt vous y étiez, quelques-uns d'entre vous, puis vous avez vu qu'on avait parlé des chefs de famille monoparentale, des allocations familiales, des pensions alimentaires... J'avais les chiffres qui m'étaient communiqués, par exemple, d'une famille monoparentale avec un enfant de six ans. Je le choisis délibérément parce que, à six ans, finalement, l'école a commencé puis l'allocation de non-disponibilité n'y est plus. Mais avec un revenu de pension alimentaire de 15 300 $ par année – par le passé, c'était 83,33 $ au total, l'allocation familiale puis la prestation fédérale pour enfants, alors que, maintenant, c'est, au total, 262 $, l'allocation familiale puis la prestation fédérale pour enfants – c'est une augmentation, par mois, de 179 $. Ça, c'est pour des montants similaires de pension alimentaire. Alors, je pense que ce sont là des informations qui valent la peine d'être communiquées, en tout cas je les fais mettre sur écrit puis ça va être distribué.

Alors, dans la mesure où vous nous dites: Il y a un problème de non-paiement de loyer, n'est-ce pas, vous dites: Ce problème de non-paiement de loyer il existe, vous avez cité les chiffres des ordonnances de la Régie, le nombre de dossiers traités... Moi, les chiffres que j'ai pour 1996-1997, le nombre de dossiers au total atteignait 67 237, alors que 53 980 étaient liés à des recours de non-paiement, ce que vous ne contestez pas, également. Donc, ça veut dire que 80 %, ou à peu près, des recours devant la Régie le sont pour recouvrement de loyer, pour résiliation de bail. Donc, il y a un problème, ça s'est intensifié.

Il y a un recours en éviction, nos lois sont ainsi faites depuis toujours qu'il y a un recours en éviction. Si un propriétaire loue puis que le loyer n'est pas payé, il peut aller devant la Régie puis dire à son locataire de s'en aller. Il y a aussi pas mal de locataires qui, parfois, déguerpissent sans avoir payé. Mais c'est 80 %. Vous dites: La situation économique s'est détériorée, et il faut voir que les statistiques le démontrent également, entre 1990 et 1995, en particulier pour la classe moyenne.

(11 h 20)

Ceci dit, il y a encore 95 % des prestataires qui paient leur loyer. Donc, c'est autour de 5 % maximum, vous le savez. Ce 5 %, c'est à peu près 20 000, autour de 20 000 ménages. C'est 20 000 sur 400 000, 20 000. Alors, il y a 400 000 qui paient et autour de 20 000 qui ne paient pas. Ceux qui ne paient pas, ils ne paient pas... ce n'est pas des familles avec enfant. Ça fait qu'il faut faire attention. Même si, dans les loyers modiques, c'est autour... Ça peut dépendre des offices municipaux, comme vous le savez. Des offices municipaux, ça peut faire plus de 1 % de non-paiement de loyer; d'autres, c'est 0,5 %. Mais vous savez bien que le logement à loyer modique, c'est pour des familles principalement ou des personnes âgées qui ont l'allocation, la pension de vieillesse, hein. Mais c'est pour des familles alors que l'expérience est à l'effet que les récidives en matière de non-paiement de loyer, et les recours, d'ailleurs, la jurisprudence l'indique bien, sont de personnes seules.

Donc, c'est embêtant de prendre l'échantillonnage, si vous voulez, des offices à loyer modique parce que c'est essentiellement un échantillonnage de ménages qui ont des enfants et qui ne font pas partie principalement – je ne vous dis pas qu'il n'y a pas d'exception – des personnes qui ne paient pas leur loyer. Principalement, ce sont des personnes seules qui ne paient pas, pas juste une fois, mais qui ensuite ne paient pas une deuxième fois et ne paient pas une troisième fois.

Peut-être juste un mot, parce que vous n'étiez pas dans la salle. Et là vous me citez comme si j'avais fait des déclarations aux journalistes. C'était dans votre communiqué, mais vous l'avez repris ce matin. Vous étiez dans... mais il y a 800 personnes. C'était aux 800 auxquelles je me suis adressée pour leur dire: Il y a un problème. On ne fera pas semblant, là, qu'il n'y a de problème de non-paiement de loyer. C'est 80 % des recours devant la Régie. Il y a un problème de non-paiement de loyer. Bon, ce n'est pas un problème juste pour les prestataires. Il y a 95 % qui paient, mais ce problème est accentué parce qu'il y a un effet, à mon point de vue, dévastateur, parce que ceux qui ne paient pas, ils invoquent une sorte d'immunité en disant que, dans la loi, n'est-ce pas, la loi de la sécurité du revenu, il y a l'insaisissabilité. Alors, c'est répandu, l'idée que ne pas payer son loyer, de toute façon, ce n'est pas comme si tu étais à faible revenu et que tu étais assujetti au Code de procédure civile. C'est comme si tu avais le droit de ne pas le payer, vu que c'est insaisissable. Il y a quelque chose de malsain en tout cas là-dedans.

Est-ce que c'est l'application uniforme du Code de procédure civile pour qu'il y ait un traitement qui soit un traitement égal entre les citoyens? Vous dites du logement social, j'en conviens, etc., mais vous êtes conscients aussi qu'il y a des gens qui ne paient pas, même dans les loyers modiques, même si c'est moins important. Ça fait, à Montréal, jusqu'à plus de 1 %. Il y a des gens qui ne paient pas parce qu'ils ont d'autres sortes de problèmes, n'est-ce pas? Je reçois même des lettres de coopératives où des gens disent: Ça n'a pas de bon sens. On a des coopérateurs qui ne paient pas parce qu'ils invoquent l'insaisissabilité en disant: Évincez-nous si vous voulez; de toute façon, vous ne pourrez jamais vous faire payer.

Alors, ce qui est proposé, moi, ce que j'ai dit, puis je le répète ici, là, il y a un problème, hein? Il y a un problème. On a une solution. Si des gens en ont une meilleure, il va y avoir une commission parlementaire, et puis on va leur demander: Quelle est la meilleure solution maintenant en regard de ceux qui ne paient pas? Si vous en avez une, là, c'est le temps.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Saillant (François): Si ce que vous voulez, c'est une patch. On n'en a pas, de patch, à vous proposer, parce que ce que vous voulez, là, c'est un diachylon pour mettre sur un cancer. On n'en a pas à vous proposer. Pour nous autres, il y a un problème fondamental qui est l'incapacité de payer et jamais on ne résoudra le problème du non-paiement de loyer tant qu'on ne résoudra pas ce problème fondamental là.

Pour nous autres, si vous vous attendez à ce qu'on vous propose une petite mesure partielle qui punirait un petit moins les gens que là, non, on ne le fera pas. Ce qu'on vous dit, c'est qu'il y a un problème de fond, et ce qu'on vous propose, c'est des solutions pour s'attaquer à ce problème de fond là. Le reste, pour nous autres, ça ne nous intéresse pas parce que ça ne résoudra pas le problème. Ça va aggraver le problème. Ça va encore plus systématiser les personnes assistées sociales. Ça va encore plus les pointer du doigt. Ça va encore plus véhiculer le point de vue que c'est des mauvais payeurs. C'est bien de valeur, mais, avec 490 $ par mois, je serais curieux de voir qui parmi vous autres serait un bon payeur, je serais curieux de le voir.

Mme Lacelle (Denyse): En complément, par ailleurs, je ne sais pas trop, Mme Harel, d'où vous sortez les données à l'effet que...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Veuillez vous adresser au président, s'il vous plaît.

Mme Lacelle (Denyse): À M. le Président. M. le Président, je ne sais pas trop d'où Mme Harel a sorti les données à l'effet qu'on parle principalement de personnes seules quand on parle de personnes qui réussissent peu ou pas à payer leur loyer. Moi, dans le quartier où je travaille, on voit de nombreuses familles nous arriver complètement découragées, en larmes face à un avis d'éviction. C'est des choses qui se produisent malheureusement trop souvent. Et je me permettrai de rappeler au gouvernement que c'est des situations qui sont souvent provoquées par les décisions du gouvernement.

Quand on loue un logement, qu'on s'attend à payer un loyer précis en fonction du revenu dont on dispose et que diverses mesures adoptées par le gouvernement font diminuer ce revenu, bien sûr, on est pris avec un problème de budget qui ne balance plus. Puis ça, ce n'est pas la faute du monde si d'autres gens, à Québec, décident que ce n'est pas grave si on diminue leur revenu.

M. Saillant (François): Si on parlait juste sur la question du logement social, que Mme Harel a soulevée au départ, on en est. Ça fait au moins un an qu'on offre au gouvernement de dire: Face au gouvernement fédéral, y «a-tu» moyen de se tenir debout? Nous autres, n'importe quand, on est prêts à faire front commun avec vous autres pour faire en sorte de ravoir la part que le Québec n'a pas pour faire plus de logements sociaux avec ça. À chaque fois que vient le moment de nous dire oui, le gouvernement nous dit: Là, les fonctionnaires sont prêts à se rasseoir avec nous autres; là, le ministre, il se montre un peu plus ouvert. Ce n'est pas nous autres qui ne bougeons pas, c'est le gouvernement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de souhaiter la bienvenue...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: ...aux représentants du FRAPRU, avec mon enthousiasme habituel pour tous les groupes qui se présentent devant une commission parlementaire.

Cette mesure, je pense, risque de se heurter contre plusieurs difficultés. J'aimerais que vous nous en parliez un peu plus, de ces difficultés. L'aspect légal: je pense qu'il n'y a personne autour de la table qui souhaite faire adopter un article dans un projet de loi qui sera jugé incompatible avec soit la Charte canadienne ou la Charte québécoise. Il n'y a personne qui souhaite ça. Il y aura peut-être des opinions différentes. Avec beaucoup de respect pour Mme Poirier, mon expérience à date, c'est qu'on peut faire dire quasiment n'importe quoi à un avocat...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: ...si on paie assez.

Mme Harel: Elle n'est pas encore membre.

M. Copeman: Non. Je sais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: J'aurais dû dire: Avec grand respect pour Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité...

Mme Harel: Qui est avocate.

M. Copeman: ...qui est avocate, qu'on peut faire argumenter les avocats longuement. Je ne veux pas être disgracieux contre les avocats, mais on sait fort bien que, comme clients, quand on prend un avocat, on lui demande d'argumenter dans un sens. Mais, normalement, il y a une autre partie qui engage un autre avocat qui donne le mandat d'argumenter dans un autre sens.

Êtes-vous capable de nous éclairer sur l'incompatibilité possible entre la mesure proposée et les chartes canadienne et québécoise? Et c'est surtout à la lumière – à laquelle vous faites référence – d'un avocat du ministère d'alors; j'imagine que c'était le ministère de la Sécurité du revenu.

Mme Poirier (Lucie): Oui. Premièrement, je ne m'étendrai pas sur ce que les avocats font et ne font pas. Je pourrais peut-être, par exemple, m'étendre un peu sur ce que le gouvernement prétend faire, et je pense que ce que vous avez dit, c'est un bon exemple.

(11 h 30)

On parle toujours de «saisie indirecte». Bien, c'est ça, jouer avec les mots. C'est dire que ce n'est pas une saisie parce que ça ne va pas aux mains de la justice et que c'est pour les créances futures. Sauf qu'une saisie, c'est quoi? Une saisie, c'est quand la justice va dire à un débiteur: Je t'enlève ton argent pour donner à ton créancier. Que ça ne passe pas par un huissier et que ce soit pour un créancier futur ou un créancier passé, à notre avis, c'est une saisie pareil, et c'est ça qui est jouer avec les mots, et, effectivement, on n'est pas pour ça, et, effectivement, à notre avis, c'est faire, comme je l'ai dit plus tôt, indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement. Et ça, c'est une des choses qu'on va contester devant les tribunaux si, malheureusement, la mesure va de l'avant.

La deuxième chose, au niveau de la discrimination, au niveau beaucoup plus légal, au niveau de la Charte canadienne, la Charte québécoise, on l'a mis en bloc dans le mémoire tout simplement parce qu'on ne voulait pas faire une grande argumentation légale là-dedans. On n'a pas fait une grande recherche jurisprudentielle non plus; quand ça va être le temps de le faire, malheureusement, on le fera.

Ceci étant dit, dans la Charte québécoise, il y a une position dans laquelle les droits à l'égalité incluent la condition sociale. Et, au niveau de la Charte canadienne, lorsqu'on parle de droit à l'égalité, on aurait tendance à penser, à cause des différentes jurisprudences de la Cour suprême, que la condition sociale est là-dedans. Cette mesure-là, en ce moment, ce qu'elle ferait, c'est qu'elle imposerait un traitement particulier à un certain groupe de personnes, qui sont les personnes défavorisées. Donc, là, on parle de l'égalité à cause de la condition sociale, et le deuxième pendant de ça, c'est que cette mesure-là serait préjudiciable à ces personnes-là, parce qu'on enlèverait leur chèque.

Donc, c'est ça, un peu, le test de la discrimination. On va appliquer une mesure à un groupe particulier qui est dans les chartes canadiennes et québécoises et ensuite on leur impose une mesure préjudiciable. On pourra peut-être nous dire qu'en vertu de la Charte canadienne, ça pourrait peut-être être considérable dans une société libre et démocratique; on pense que ce n'est pas le cas. Comme on vous a dit, on pense que la mesure n'a pas de liens, n'est pas justifiable en termes du problème, parce que le problème, c'est l'incapacité de payer, et ça ne nous résoudra pas ce problème-là. Donc, à ce niveau-là, nous, on croit que la mesure n'est pas justifiable et ne sera pas justifiable. Et on espère sincèrement, et je suis d'accord avec vous, ne pas aller devant les tribunaux. Mais, si on n'a pas le choix, on n'aura pas le choix.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît.

M. Borgès (Carlos): Moi, je ne suis pas un avocat, je ne suis pas un juriste, je suis rien, je travaille avec du monde et j'attire votre attention, M. le Président et Mme la ministre, sur ce qu'il faut retenir de cette histoire du bien-être social et de saisir le chèque, vous êtes en train de couper. Nous sommes en train de couper l'espoir. Et quand on est pauvre, c'est qu'on manque d'argent. Mais, plus grave que ça, on est pauvre quand on n'a plus d'espoir. Et ce qu'on est en train de faire avec ces mesures comme ça, c'est qu'on est en train de perdre tout le contrôle, le petit peu de contrôle qui reste encore à ces gens-là. Où est-ce qu'on va se ramasser, comme société? Après, on va faire la première page du Journal de Montréal avec la madame qui s'est suicidée ou qui a suicidé son enfant. Il y a un lien direct entre la pauvreté et la perte de contrôle, la perte d'espoir. Le jour où on aura compris ça, on fera des mesures qui s'imposent et on s'arrêtera de parler pour rien dire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député.

M. Copeman: M. le Président, je ne veux pas éterniser le débat ni de le rendre trop technique, mais vous comprendrez, messieurs dames de la FRAPRU... Et c'est entièrement votre droit d'aller en cour après une mesure. J'essaie de vous donner l'occasion aujourd'hui de faire valoir vos arguments un peu techniques et juridiques avant que ça se fasse. Après, c'est vrai que tout le monde a des droits, mais on embarque dans une série de contestations judiciaires qui vont prendre, comme vous le savez, probablement des années à régler. Ça peut aller jusqu'à la Cour suprême du Canada, ça peut prendre cinq ans avant que ça soit réglé par les cours, après. Là, on est avant, et c'est le temps. Alors, si vous avez de la jurisprudence, si vous avez une argumentation sans être trop technique mais un peu plus étoffée que celle que vous mettez de l'avant maintenant, ce n'est peut-être pas le temps de le faire dret-là, mais de grâce, faites nous savoir avant qu'on se rende à l'article 31 du projet de loi.

M. Saillant (François): Si on peut essayer de faire un bout là-dessus, je maintiens par contre que notre argumentation... D'abord, je veux dire que je maintiens la demande qui est faite que ça n'arrive pas, qu'on n'ait pas à faire ça devant les tribunaux, ce n'est pas ce qu'on souhaite, ce n'est pas notre genre de traîner devant les tribunaux, ce ne sera surtout pas un plaisir pour nous autres. Si le gouvernement nous oblige, on va le faire, mais on ne voudrait surtout pas se rendre à ce pas-là.

Ce qu'on aimerait, par contre, c'est que le gouvernement se rende compte qu'il y a un problème beaucoup plus fondamental derrière tout ça et que, tant qu'on ne s'attaquera pas au problème plus fondamental, bien, à ce moment-là, on va continuer à multiplier ce type de mesure là, qui infantilise le monde, qui punit, qui les tasse mais qui ne les aide surtout pas.

M. Copeman: M. Saillant, je ne veux pas négliger cet aspect de l'argumentation, ça je le comprends, mais je vais réitérer pour une dernière fois ma demande: Si vous avez des études un peu plus étoffées sur la question de la compatibilité de telles mesures avec la Charte québécoise et la Charte canadienne, faites-nous savoir avant qu'on arrive à l'étude détaillée de cet article-là. Peut-être pas le faire maintenant, parce que c'est technique – je ne suis pas avocat moi-même – mais, à un moment donné, il va falloir... C'est une préoccupation de l'opposition, je vous le dis: On ne veut pas adopter un article de projet de loi qui va à l'encontre des deux chartes.

Dernière question là-dessus, et ça, d'ordre général, là. On va laisser la technicalité. À plusieurs reprises, maintenant, Mme la ministre dit à plusieurs groupes, des jeunes, etc.: Parcours obligatoire, c'est pour vous aider. La réaction n'est pas tout à fait pareille avec des groupes de jeunes qui disent: On ne veut pas être aidés comme ça. J'ai entendu la ministre dire, de bonne foi, qu'elle pense que ça va aider les personnes assistées sociales, pour deux raisons. Ça va les aider parce que ça va les maintenir dans leur logement et ça va faciliter la location des unités à des personnes assistées sociales. Elle prétend que c'est pour aider les assistés sociaux.

Vous, qui représentez en partie des personnes assistées sociales, surtout en matière de logement, vous avez l'air de nous dire: Nous, on n'est pas d'accord, ça ne nous aidera pas. Là, il y a un problème en quelque part, un problème grave de compréhension. Si le gouvernement veut aller de l'avant pour vous aider là-dedans, puis, vous, vous dites que ça ne vous aidera pas, il y a comme un mur qui sépare les deux côtés. Si le gouvernement veut aller de l'avant pour résoudre d'autres problèmes, pour d'autres raisonnements, ça, c'est une chose. Mais vous semblez nous dire, très carrément, que ça n'aidera pas. Qu'est-ce que la ministre sait que, vous, vous ne savez pas?

M. Saillant (François): D'abord, moi, je pense, personnellement, que la mesure vise d'abord et avant tout à aider d'autre monde que les prestataires d'aide sociale. La mesure vise d'abord à aider le lobby des associations de propriétaires qui, depuis cinq, six ans crient au meurtre, comme ils criaient au meurtre auparavant parce que la Régie du logement se mêlait d'affaires privées. Les associations de propriétaires, leur rôle, c'est de crier au meurtre. Un peu comme nous autres. On ne crie pas pour la même chose, par exemple. C'est d'abord et avant tout ça qu'on veut faire: on veut faire taire les associations de propriétaires. On ne réussira pas. On ne réussira pas parce qu'on donne un petit bout qui va permettre aux associations de propriétaires de demander plus encore. Et il y en a déjà qui le font. Les suivants, les gens qui vont nous suivre, vont le faire. Même la CORPIQ, qui veut avoir un discours plus modéré, va aller plus loin. Eux autres, tout ce qu'ils veulent, c'est un précédent, c'est une petite brèche. Donnons-leur cette petite brèche là, ils vont demander beaucoup plus.

Bon. Ceci dit, sur la question du maintien dans les lieux, nous autres, on pense que ça ne permettra pas plus le maintien dans les lieux que maintenant, tout simplement parce que, c'est très clair dans les textes qui accompagnaient le projet de loi, tous les recours portant sur l'autre partie de la prestation, la partie qu'on ne saisira pas, vont être encore ouverts aux propriétaires. Quel propriétaire va se contenter d'une partie de son loyer? Je n'en connais pas beaucoup. Je ne sais pas si vous en connaissez. Moi, je n'en connais pas beaucoup. Donc, le maintien dans les lieux, compte tenu qu'il est lié à un problème d'incapacité de payer, le problème va se reproduire, et, à ce moment-là, les gens vont être évincés. En plus de ça, on lit ça, dans le cas de récidive, la mesure peut suivre le locataire. Ce n'est pas du maintien dans les lieux, ça.

Par ailleurs, sur la question de la discrimination, je pense qu'on est complètement à côté des raisons pour lesquelles les prestataires d'aide sociale sont discriminés à la location d'un logement. Et ça, il n'y a pas juste nous autres qui le disons, on cite un grand bout de la Commission des droits de la personne et on pourrait citer un paquet d'avis sur la question. Il y a un paquet de raisons autres que le fait que les prestataires sont des mauvais payeurs, parce qu'ils sont très généralement des gens qui paient bien. Il y a un paquet d'autres raisons qui font que tu ne loues pas à un prestataire de l'aide sociale. Et je pense tout simplement qu'en prenant la peine d'écrire dans un projet de loi: Regardez, on a quelque chose pour vous autres, mais on ne vous assure pas avec ça le montant plein du loyer, tout ce qu'on va faire, c'est confirmer aux yeux des propriétaires, que, oui, les prestataires de l'aide sociale sont des mauvais payeurs; ce qui n'est pas vrai.

(11 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président, et je veux partager le temps avec mon autre collègue, de Saint-Hyacinthe, qui a aussi des questions, je pense. J'aimerais d'abord dire que je reconnais comme vous qu'il y a des solutions qu'il faut trouver à moyen et long terme, je reconnais ça très bien, par exemple, qu'il faut un chantier de logement social. Peut-être qu'on n'a pas les moyens de faire tout ce qu'on voudrait dans l'immédiat, mais que ce soit une piste, moi, je le reconnais sans aucun problème. De penser qu'il faut, d'une certaine façon, trouver des moyens de lutter contre la pauvreté, trouver des moyens d'augmenter les revenus des gens, je reconnais ça aussi comme étant certainement la meilleure des solutions mais comme étant aussi quelque chose qui ne peut pas forcément régler le problème demain matin. Donc, il me semble, moi, qu'il faut de toute façon travailler bien sûr sur le long terme, et, moi, je vais m'employer à défendre ça aussi, mais travailler aussi sur les problèmes auxquels on fait face dans l'immédiat.

Or, dans l'immédiat, il y a des personnes qui se font mettre dehors parce qu'on considère que... Ne pouvant pas payer, on les met tout simplement dans la rue. Vous pouvez me dire qu'il faut leur donner plus d'argent puis que ça les aidera peut-être, mais il faut aussi trouver une solution à ce problème-là. Or, j'ai l'impression que dans votre approche il n'y a que le long terme qui compte ou il n'y a que l'approche de dire: Augmentons les revenus des gens qui sont pauvres. J'aimerais que vous me disiez si vous ne croyez pas qu'il y a, dans l'immédiat, des mesures à prendre. Parce que notre objectif n'est certainement pas de taper sur la tête des gens ou d'augmenter les préjugés. Notre objectif, c'est de trouver des solutions réelles à des problèmes très concrets que des personnes vivent aujourd'hui et qu'ils vivront encore demain. Quand bien même, nous, on dirait que la solution, c'est d'augmenter de tant pour cent leur chèque de sécurité du revenu, il reste que, dans l'immédiat, ces familles ou ces personnes vivent les problèmes. Et, moi, j'aimerais trouver une solution à ces problèmes-là demain matin, que ce soit par une saisie de la portion logement dans le chèque de prestation de la sécurité du revenu ou autrement. Mais il faut quand même avoir une certaine dose de réalisme dans nos approches et travailler à la fois dans l'immédiat et à des mesures qui, à plus long terme, règlent les problèmes. Et, là-dessus, je vous suis: il faut aussi que l'on fasse ça. J'ai d'autres questions, mais je vais lancer celle-là pour commencer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

Mme Lacelle (Denyse): M. le Président, en réponse aux questions de Mme la députée, je pense que ce qu'on vous dit depuis tantôt, outre le fait que, oui, ça prend des solutions qui ont beaucoup plus d'ampleur que ce qui est proposé là, c'est que par ailleurs la mesure proposée n'est pas une solution à court, moyen ou long terme qui va avoir quelque impact positif que ce soit sur le problème. Ça ne va rien régler dans les cas de maintien dans les lieux et ça va empirer les choses en termes de discrimination. Si c'est vrai que vous voulez aider les ménages locataires qui ont de la misère à payer le loyer, rendez-vous compte que vous faites le contraire.

Mme Malavoy: Mais, M. le Président, je regrette, mais vous ne faites que me dire ce que j'ai parfaitement entendu depuis tout à l'heure, c'est-à-dire que vous répétez que nous sommes sur la mauvaise voie. Moi, ce que j'aimerais, c'est que vous m'aidiez à trouver une voie pour l'immédiat. Si vous me dites simplement: Nous avons des idées pour le long terme, je les reconnais, elles sont importantes. Mais ne me dites pas simplement: Vous vous trompez. Dites-moi ce que, selon vous, on doit faire pour répondre à ce problème, qui est un problème d'aujourd'hui et encore de demain matin.

M. Saillant (François): Il y a des choses immédiates, pour nous autres, qui doivent être faites. On n'espère surtout pas que, ce qu'on demande, ça va être dans 10 ans. Quand on dit l'abolition pour la coupure partage de logement, ce qu'on avait compris de l'engagement pris par le gouvernement du Parti québécois, c'est qu'on allait le faire durant ce mandat-là, on allait commencer par les familles monoparentales, et le reste allait suivre. Pour nous autres, c'est immédiat, ce truc-là, on veut que ça soit aboli immédiatement. C'est un scandale qu'on ait encore ce type de mesure là, donc, ce n'est surtout pas du long terme.

Quand on dit: Augmentez les prestations, j'espère que vous ne comprenez pas que ce qu'on veut c'est que vous les augmentiez dans 20 ans. Quand on dit que, ce qu'il faut, c'est rencontrer les besoins essentiels, quand le ministère lui-même dit que ça prend tant pour vivre, bien, c'est dans l'immédiat qu'il faut donner les moyens aux gens de vivre, pas dans 20 ans. Donc, pour nous autres, ce n'est pas du long terme quand on parle comme ça. Mais chercher une mesure partielle qui, sans s'attaquer au problème de fond, va résoudre le problème du non-paiement, ce qu'on vous dit, c'est que celle que vous proposez n'est pas bonne et qu'on n'en voit pas d'autre, parce que, pour nous autres, ce n'est pas des mesures partielles qui vont résoudre le problème. Alors, ne nous demandez pas de vous les trouver, on ne les a pas. On dit que ce n'est pas comme ça qu'on va résoudre le problème.

Mme Malavoy: Moi, je veux juste vous dire que je suis députée et je défends un certain nombre de choses. Mais relever le barème juste un petit peu, c'est 782 000 000 $ que ça coûte. Abolir la coupure du partage du logement, pour tout le monde, ce qui peut être en soi une chose tout à fait légitime, ce n'est pas si facile que ça dans le concret, quand on doit assurer l'équité entre des couples et deux personnes, par exemple, qui partageraient un même logement.

Et, moi, j'ai la responsabilité d'être réaliste, d'avoir des choses que je peux vendre, que je peux plaider, qui sont aussi dans l'ordre de l'équité. Je comprends que vous disiez: Faites ceci, faites cela. Moi, je vous dis que ce n'est pas si simple que ça d'avoir des mesures pour demain matin et qui soient justes pour tout le monde.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui, M. le Président. Je serai très bref. Je veux dire une chose préalable à mon intervention. Je veux vous dire ceci: C'est que les députés qui sont ici ont choisi d'être ici. On n'est pas ici parce qu'on nous a obligés à venir ici. Mais ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'obligations. Vous autres, vous n'avez pas beaucoup parlé de l'obligation des gens de suivre un parcours. D'autres en ont parlé. On en parlera avec d'autres. Mais, nous aussi, on a des obligations. Tout le monde a des obligations dans la société. Mais on a choisi d'être ici plutôt que dans une autre commission. Donc, si c'est ça, c'est parce que ça nous intéresse, ce que vous avez à dire.

Moi, mon problème, c'est que vous dites que le problème fondamental, c'est une question d'incapacité de payer. Peut-être. Moi, je dirai plutôt que c'est un problème de difficulté de payer, de grande difficulté de payer, de très grande ou de très, très grande difficulté de payer. Mais les gens, généralement, qui sont à l'aide sociale, la plupart ont ces très, très grandes difficultés de payer. Or, 95 % paient leur loyer. Et ceux qui ne paient pas leur loyer, généralement, le font de façon habituelle.

Et le problème qu'on a pour défendre les intérêts que vous défendez, c'est parfois le problème de la légitimité face à l'ensemble de la population. Vous ne pouvez quand même pas dire qu'on a fait des choses sciemment et systématiques, nous, pour discréditer les gens qui sont à l'aide sociale. On a essayé de faire le contraire depuis qu'on est là. Ça ne veut pas dire qu'on a fait juste des bonnes affaires, puis ça ne veut pas dire que je suis en désaccord avec tout ce que vous avez dit. Loin de là. Mais le problème qu'on a, c'est la légitimité.

Si ce que vous nous demandez, vous êtes capables de démontrer que c'est légitime, sans doute qu'on pourra vous suivre. Mais, vous savez, si 5 % ou 4 % des assistés sociaux nuisent à votre image, nuisent à votre réputation et que, vous autres, au lieu de défendre vos intérêts, vous défendez les intérêts de ce 4 %, je ne suis pas sûr que vous nous aidez à vous aider. Vous comprenez? Alors, c'est le problème qu'on a. C'est pour ça qu'on vous dit: Vous avez peut-être raison de dire que ça ne règle rien. Le fait d'abord que ça ne paiera pas tout le logement, bon. Tout ce que vous avez dit, je l'ai bien compris. Vous avez peut-être raison.

Est-ce qu'il faut conclure... Parce qu'on vous demande: Avez-vous d'autres solutions? Vous n'en avez pas. C'est bien certain, parce que, si vous en aviez, vous auriez répondu affirmativement. Vous dites: Remontez l'aide sociale. Bien, oui, sans doute. Sauf que ça ne règle pas le problème des 4 % qui ne paient pas. Alors, en avez-vous d'autres solutions? Si vous n'en avez pas et que celle-ci n'en est pas, bien, peut-être que, oui, peut-être qu'il faut l'enlever. Je ne sais pas. Mme la ministre vous a dit: On est prêt à regarder tout. Mais voyez-vous, le problème qu'on a, c'est ça. C'est que si vous ne nous aidez pas... Nous autres, on essaie, on tente, par une politique active qui va encourager les assistés sociaux à trouver leur place dans la société, à en faire des sujets dans la société. Si tout ça on le fait pour rien, dans le sens qu'on n'avance pas et qu'on ne réussit pas à accréditer le bien-fondé de vos demandes, en particulier celle-là, on n'ira pas loin avec ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernière intervention, M. Saillant.

M. Saillant (François): Je vous dirais que le problème avec le gouvernement, à l'heure actuelle, c'est qu'il restreint, comme si, pour lui, le problème, c'était uniquement le non-paiement de loyer. Pour nous autres, le non-paiement de loyer, c'est un épi-phénomène. On est aussi préoccupés du sort de 100 % des personnes assistées sociales, y compris les 95 % ou 96 % qui paient bien leur loyer, parce que, à quel prix, ils le paient bien, ce loyer-là?

Moi, je trouve aussi honteux et peut-être beaucoup plus honteux que des gens doivent faire la file à la porte de banques alimentaires parce qu'ils n'ont pas d'argent pour se nourrir, que des gens doivent couper dans la bouffe parce que le loyer mange l'ensemble de leurs revenus. Ça, pour moi, c'est ce problème-là qui est beaucoup plus important que les petites pertes subies par les propriétaires qui vont rattraper, de toute façon.

Moi, je considère personnellement que la voie que le gouvernement adopte à l'heure actuelle, c'est une voie honteuse. Vous nous faites honte avec ce type de mesure là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup.

M. Saillant (François): Et vous savez ce qu'on fait quand on a honte?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. La commission termine ses travaux. Je suspends.

(Suspension de la séance à 11 h 50)

(Reprise à 11 h 56)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je suis obligé, encore une fois, de vous demander votre très grande collaboration pour finir dans un temps raisonnable, parce que tout le monde a des obligations tout à l'heure. Je demande à M. Couture, qui représente l'Association des propriétaires du Québec, de présenter peut-être la personne qui l'accompagne et de débuter sa présentation de 20 minutes.


Association des propriétaires du Québec (APQ)

M. Couture (Jacques): Merci. M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés et Mmes les députées, je vous présente Me Martin Messier, avocat à l'Association des propriétaires. Je suis le président de l'Association des propriétaires du Québec. Mon nom est Jacques Couture. Nous avons transmis une copie de notre communiqué à l'instant même. Donc, si vous permettez, je vais le lire.

L'Association des propriétaires du Québec désire dans un premier temps remercier la commission qui lui permet de présenter ses opinions et commentaires sur la réforme de la sécurité du revenu, et plus particulièrement sur la partie qui propose des solutions au non-paiement des loyers par certains bénéficiaires de la sécurité du revenu.

Problématique. L'Association des propriétaires du Québec existe depuis environ 15 ans et regroupe plus de 4 500 membres, principalement dans la région métropolitaine. Une grande partie de ses membres sont de petits propriétaires de logements. Les propriétaires perdent des dizaines de millions de dollars annuellement, dont une très forte proportion provient de certains prestataires de la sécurité du revenu. Les résultats révélaient des pertes en non-paiement de loyers seulement de l'ordre de 123 000 000 $, dont près de 70 %, c'est-à-dire 86 600 000 $, étaient attribuables à des prestataires, et ceci, en 1993.

L'APQ, au cours des dernières années, a été largement impliquée dans la recherche de solutions pour tenter de régler ce phénomène de plus en plus grandissant. C'est avec un grand intérêt que nous suivons le dossier de la réforme de l'aide sociale, et plus particulièrement l'adoption de la disposition qui permettrait à la Régie du logement d'enjoindre le ministère de la Sécurité du revenu de verser aux propriétaires la composante logement de la prestation destinée à couvrir le logement pour les loyers à échoir.

Quelles sont les solutions que nous proposons? La solution envisagée aux termes du livre vert est de conférer un pouvoir d'ordonnance à la Régie du logement du Québec lui permettant d'enjoindre le ministère de la Sécurité du revenu de verser aux propriétaires la composante logement de la prestation destinée à couvrir le logement pour les loyers à échoir. La solution retenue n'est qu'un minimum, puisque cette mesure n'est que dissuasive. Cette mesure n'est applicable que lorsque le propriétaire obtient un jugement de la Régie du logement et qu'il ne demande pas la résiliation du bail.

(12 heures)

Il me semble que la revendication des propriétaires n'est aucunement abusive, puisque ceux-ci perdront, dans un premier temps, les arrérages de loyers accumulés jusqu'à la date du jugement, et, dans un deuxième temps, puisque la partie versée par la sécurité du revenu n'équivaudra seulement qu'à une partie du loyer et non à la totalité, par conséquent, la balance de loyer risque de ne pas être couverte par le prestataire. Par contre, si l'adoption de cette mesure a pour unique conséquence de dissuader les mauvais payeurs de déguerpir à répétition, nous croyons que cette solution devrait être adoptée sur-le-champ.

Les opposants à la réforme de l'aide sociale estiment que l'autorisation de saisir une partie de la prestation pour cause de non-paiement de loyer risque d'ouvrir la porte à des saisies pour d'autres motifs. Si l'opposition est tellement forte devant l'adoption d'une telle mesure doit-on conclure que c'est parce que plusieurs assistés sociaux ne paient pas leur loyer et s'opposent à toute mesure pour les y contraindre?

L'Association des propriétaires du Québec, dans son mémoire qu'elle vous présentait en janvier 1997, vous informait des précisions quant à l'application de cette mesure. Dans un premier temps, cette mesure doit être conditionnelle à ce que soit identifiée clairement à l'intérieur de la prestation la portion destinée au logement et que celle-ci soit fondée sur le coût réel du logement. Cette précision permettrait au prestataire de savoir exactement le montant qu'il peut allouer à son logement et faciliterait la gestion de son budget, tout en permettant de limiter les cas de prestataires qui louent un logement à un montant supérieur à ce qu'ils peuvent réellement payer. La composante logement devrait refléter le marché locatif.

Perte des arrérages de loyer. La solution présentée ne fait aucunement mention des arrérages de loyer. Solution proposée initialement par l'Association des propriétaires. L'APQ propose que, sur preuve de non-paiement de loyer, si le locateur renonce à demander la résiliation du bail et l'expulsion du locataire, le tribunal puisse, par ordonnance, enjoindre le ministère de la Sécurité du revenu d'émettre, pour le versement de la prestation, deux chèques: un, totalité du prix du loyer stipulé au bail qui serait libellé à l'ordre du locateur actuel ou du ou des futurs propriétaires si le locataire déguerpit du logement ou ne renouvelle pas son bail pour le paiement du loyer à échoir; et l'autre, pour la différence, serait libellé à l'ordre du locataire seulement, et ce, pour une période de deux ans.

Cependant, la solution retenue aux termes du projet de loi ne vise qu'une partie du loyer appelée la «composante logement» et non la totalité du loyer et les arrérages dus. Néanmoins, l'APQ est disposée à accepter cette solution comme compromis, puisqu'elle serait tout de même susceptible d'améliorer grandement la situation.

Les avantages des solutions. Ces solutions permettraient l'identification de la composante logement; auraient pour effet de décourager les prestataires de louer un logement supérieur à leur capacité de payer; assureraient que la prestation serve pour une des fins pour lesquelles elle est versée, du moins pour l'avenir; ne viseraient que les prestataires en défaut et ne porteraient pas préjudice aux prestataires qui s'acquittent de leurs obligations; seraient susceptibles de faciliter l'accès au logement pour un prestataire grâce à cette sûreté, tout en prévenant des attitudes discriminatoires et tensions sociales possibles entre propriétaires et locataires; auraient un effet dissuasif certain au comportement de non-paiement en réduisant ainsi l'impunité actuelle; répondraient au principe du maintien dans les lieux, diminueraient les risques de déguerpissement; auraient l'effet de générer une sanction en relation directe et proportionnelle avec le manquement.

En conclusion, nous croyons que les solutions ci-avant proposées auraient pour effet de poursuivre les objectifs suivants: rendre plus harmonieuses les relations locateur-locataire en adoptant une procédure qui permettra aux propriétaires de faire exécuter une décision rendue en sa faveur par la Régie du logement; éviter des problèmes de discrimination; faire en sorte que la prestation soit utilisée aux fins pour laquelle elle est versée; responsabiliser les prestataires de la sécurité du revenu par des mesures coercitives qui sont présentement inexistantes et qui favorisent et encouragent certains prestataires à ne pas payer leur loyer. Les solutions proposées rencontrent tous ces objectifs ainsi que les critères applicables aux propositions de solution servant de grille d'analyse.

En voici quelques-unes: être une alternative à l'éviction, c'est-à-dire permettre le maintien du locataire dans son logement; être réaliste et tenir compte des impacts administratifs et financiers pour le gouvernement; ne s'applique qu'après jugement de la Régie du logement; ne pas porter préjudice à une majorité de prestataires qui sont bons payeurs; être juste et équitable pour les deux parties; générer des sanctions dont la sévérité est proportionnelle à la gravité du comportement; être défendable face aux chartes québécoise et canadienne; pouvoir être intégré, si nécessaire, aux réformes qui doivent être apportées à la sécurité du revenu.

Nous espérons que la mesure proposée ne sera pas retranchée par le gouvernement en guise de monnaie d'échange pour faire avaler l'adoption du projet de loi aux groupes concernés. Pourquoi s'acharner à possiblement faire tomber cette mesure alors qu'elle n'est que dissuasive, alors qu'elle ne concerne que les mauvais payeurs, ceux qui font défaut de respecter leur obligation locative? Y aurait-il plus de mauvais payeurs que les sondages ne l'ont laissé entendre, d'où l'acharnement constant à faire disparaître cette mesure? Permettez-nous de vous rappeler que les propriétaires se battent depuis plusieurs années afin que justice soit faite, afin de régler le problème récurrent des mauvais payeurs qui abusent du système et que leurs efforts ne doivent pas servir les intérêts du gouvernement à faire adopter son projet de loi auprès des assistés sociaux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Couture, président de l'Association des propriétaires du Québec et Me Messier. Vous avez raison de mentionner que ça fait plusieurs années. J'ai retrouvé la correspondance qui avait été échangée avec l'actuel député de Laporte, M. Bourbeau et Mme Trépanier, qui était à l'époque la députée de Dorion, sur cette question. C'était au début des années quatre-vingt-dix, et, déjà, on vous assurait d'une solution à l'égard de ce problème.

Vous aviez raison, dans votre mémoire, de dire: «L'assisté social qui paie son loyer n'est aucunement visé par cette mesure.» Vous savez, ça a l'air évident, mais il faut le répéter parce que je me suis rendu compte, dans mon quartier d'Hochelaga-Maisonneuve, que les gens s'étaient, à tort, fait dire que c'était une mesure qui allait s'appliquer à tout le monde inconsidérément, alors que la personne qui paie son loyer, d'aucune façon, n'est visée par ce qui est proposé. C'est finalement le défaut de paiement de loyer, et c'est un défaut de paiement de loyer qui suppose que tout ça soit encadré par la Régie du logement, donc qu'il y ait une ordonnance et que la Régie évalue la pertinence de l'ordonnance.

Vous le mentionnez, d'ailleurs, dans votre mémoire que ce n'est pas suffisant, vous aimeriez avoir plus, mais, je l'ai toujours dit, ça, c'est comme un compromis. C'est, d'une certaine façon, faire en sorte que les gens ne se retrouvent pas sur le trottoir quand ils sont de bonne foi. Parce que des gens de mauvaise foi, dans n'importe quoi, ce n'est pas dans nos lois régulières... Les gens de mauvaise foi, vous le savez, c'est finalement des gens qui essaient d'échapper, alors que, là, ça s'applique à des personnes qui, pour toutes sortes de raisons... Parce que ça peut être de problèmes de toxicomanie, des problèmes d'alcoolisme. Ça peut être aussi des problèmes d'administration parce qu'il y a quand même, on le sait, des personnes qui ont été désinstitutionnalisées, et c'est des personnes qui, même, nous disent: Administrez mon chèque. Moi, je discutais avec des pharmaciens qui me racontaient que, avant que ça soit mensualisé, la franchise, des gens arrivaient avec de l'argent en disant au pharmacien: Je vous le laisse, puis administrez-moi l'argent pour trois mois. Parce que ce n'est pas simple, ce n'est pas évident, comme ça peut l'être pour bien des gens, pour certaines personnes.

(12 h 10)

Donc, je crois que c'est important que ce soit dit parce que ça repose aussi sur la bonne foi. Ça, ce sont des personnes qui ont d'autres difficultés, qui ont des problèmes et qui s'avèrent en état de non-paiement de loyer, mais qui seraient désireuses de... qui n'ont pas déguerpi la nuit, n'est-ce pas, et qui sont donc toujours locataires et qui ont un locateur aussi avec lequel ils ne s'entendent pas si mal. Parce que le locateur a toujours le droit d'éviction, ça, ce n'est pas moi qui le dis, puis ce n'est pas le projet de loi qui l'introduit. C'est ainsi, finalement, que les choses sont dans toutes les sociétés, dans tous les pays. Je ne crois pas qu'il y ait aucun pays où un locateur est obligé de garder un locataire qui ne le paie pas. Je ne sache pas que ça existe nulle part dans le monde entier. Mais, si le locateur, finalement, maintient dans les lieux pour les mois à venir, il peut être assuré. Bon, c'est un compromis, vous le dites. Et puis vous dites que vous aimeriez en avoir plus, mais vous savez bien que, ça, c'est déjà beaucoup pour certaines personnes qui vous ont précédés. Je pense que vous y étiez, alors vous avez un peu entendu les expressions de désaccord.

Mais, en fait, il y a peut-être juste une chose qui me rassure, c'est notamment le sondage qui avait été réalisé au mois de décembre dernier, avec une question très, très claire, qui disait notamment... Que je vous en fasse lecture. La question était adressée... C'était par SOM dans un sondage omnibus. C'était effectué auprès de 1 300 résidents au Québec, et ça portait sur deux sujets: le parcours pour les 18-24 ans et le non-paiement de loyer. Et la question sur le non-paiement de loyer disait: «Si une personne assistée sociale ne paie pas son loyer et à condition qu'elle puisse conserver son logement, seriez-vous d'accord avec le fait que le propriétaire puisse demander à la Régie des loyers d'obliger le ministère à verser une partie du chèque d'aide sociale directement au propriétaire?»

Et, vous voyez, c'était un pourcentage très élevé dans la population en général qui était favorable, mais c'était le même pourcentage, 71 %, chez les chômeurs et les prestataires eux-mêmes qui se disaient soit fortement en accord ou plutôt en accord avec cette question. Alors, on voit que même les personnes concernées sont, dans la même proportion que la population en général, favorables à une mesure comme celle-là.

Alors, c'est évidemment moins que ce que vous recommandez dans votre mémoire, à la page 6, je crois, ou 7 plutôt. C'est une solution – celle que vous proposez – qui est, je pense, appliquée en Ontario, hein? Est-ce que c'est...

M. Couture (Jacques): C'est une solution qui était plus globale, mais on a minimisé cette solution-là pour abonder dans la solution que le gouvernement veut bien mettre de l'avant. Nous, ce qu'on disait, c'est: Le loyer au complet devrait être payé. Alors que notre solution était celle-là, entre autres, là, on dit: La composante logement, maintien dans les lieux, ça va bien avec nous. Dans le contexte actuel, on est prêt à faire cette marche-là.

M. Messier (Martin): Il faut bien se rendre compte, M. le Président, Mme la ministre, qu'il s'agit pour nous, propriétaires, d'un plancher. Il s'agit vraiment d'un minimum absolu. Quand on présente cette solution-là, il faut la démontrer, il faut la vendre, si vous me permettez l'expression, comme étant le début du respect du principe contractuel. Quand on signe un bail, on s'engage à respecter des obligations, et, présentement, le prestataire qui désire, qui veut abuser de la situation est en mesure de le faire, est en mesure de ne pas payer son loyer, et cette situation-là, pour les propriétaires, elle est intolérable.

Permettez-moi d'ajouter que cette situation-là, elle noircit de façon générale le portrait des locataires prestataires de la sécurité du revenu. On le sait, vous le savez, nous le disons, nous le répétons: La majorité des locataires prestataires paient leur loyer. Mais le nombre d'appels qu'on reçoit de propriétaires qui s'enquièrent non seulement de l'avancement de cette disposition-là qui permettrait de faire respecter une partie du principe... Ce n'est même pas le loyer complet, c'est conditionnel au maintien dans les lieux. On ne parle pas des loyers échus ni des dommages causés au logement, c'est vraiment le début du commencement pour un propriétaire, mais cette solution-là, elle permet à un propriétaire qui veut louer un logement d'être moins préoccupé par le fait que le locataire soit prestataire de la sécurité du revenu. Il sait que ce locataire-là sera peut-être plus enclin à respecter son logement, à demeurer dans les lieux, ce qui favorise également le maintien dans les lieux parce qu'il y a au moins une portion de la prestation qui, soulignons-le, est dédiée au logement qui sera versée pour les fins auxquelles elle a été prévue. C'est un minimum pour les propriétaires, c'est un plancher.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. C'est à mon tour, également, de souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des propriétaires du Québec, à son président, à M. Messier. J'ai deux petites questions pour vous. Les réponses risquent d'être plus complexes et plus longues que poser la question, mais c'est ça, la vie. Vous dites de façon assez directe, mais courte que cette solution, cette proposition peut résister aux contestations possibles en vertu des chartes canadienne et québécoise. Sur quoi vous vous basez quand vous dites ça? Ça m'apparaît un peu court dans votre mémoire.

M. Messier (Martin): Ce n'est pas une opinion juridique, évidemment, c'est un mémoire qui représente la position des propriétaires. Mais également je pense que, d'un point de vue juridique, actuellement, la discrimination, elle est effectuée à l'inverse. À l'encontre de ce qu'on peut penser, ce sont les gens de la société en général qui sont victimes de discrimination versus les prestataires de la sécurité du revenu. Je vous donne l'exemple du travailleur au salaire minimum qui gagne sa croûte à la sueur de son front et qui, lui, peut se voir saisir une portion de son revenu, qui, lui, doit assumer le respect des obligations qu'il a contractées. Actuellement, le prestataire de la sécurité du revenu bénéficie d'une immunité, d'une impunité – j'oserais appeler ça comme ça – qui l'avantage en fonction du travailleur normal.

Et puis, quand on parle de prestation de la sécurité du revenu, c'est une prestation qui maintenant détermine les besoins pour lesquels la prestation doit être utilisée. Alors, je vois mal, M. le député, M. le Président, comment on peut se plaindre que le gouvernement veille à ce que la portion de la prestation qui doit être utilisée au logement... après une décision rendue par la Régie du logement qui constate un défaut de paiement, donc la mauvaise utilisation ou, peu importe, la non-utilisation de la portion logement pour payer le logement, que le gouvernement prenne les mesures appropriées pour rétablir la justice, pour rétablir les choses et faire en sorte que la portion de logement soit utilisée pour les fins auxquelles elle a été prévue et qu'elle soit acheminée pour le logement.

(12 h 20)

Je vois mal comment un locataire qui signe un bail, qui s'engage à respecter des obligations contractuelles, qui connaît à l'avance le montant de sa prestation... Je vois mal comment ce locataire-là pourrait dire: Moi, la portion logement, je veux l'utiliser à d'autres fins, je veux faire autre chose avec ça. T'as signé un bail, t'as pris des engagements qu'il te faut maintenant respecter. Et je vois mal comment on peut me dire: Non, moi, aujourd'hui, je choisis de ne pas payer mon propriétaire, de faire, peu importe, ce que je veux avec cette prestation-là. Qui est versée, rappelons-le, pour ce besoin-là, contrairement à d'autres prestations, et qui doit être utilisée à ces fins-là, tout simplement.

M. Copeman: Vous me donnez une argumentation, Me Messier, qui est plus générale que la question que je vous ai demandée. Je comprends que vous faites le plaidoyer, la défense de cette mesure-là. Nous allons, rendu à l'article 31 du projet de loi, entamer la discussion générale sur l'opportunité d'ainsi procéder. Nous avons entendu le FRAPRU, qui a fait référence à une contestation possible devant la cour. Je ne suis pas avocat, ils n'ont pas fait leur plaidoyer comme si on était devant la Cour suprême du Canada, mais ils ont soulevé des questions quant à la nature discriminatoire d'une telle mesure, et vous nous dites simplement, à la page 9, qu'elle est défendable face aux chartes québécoise et canadienne. Je ne vous ai pas demandé si elle est équitable face aux travailleurs, là, ça, c'est une autre question, une question importante qu'il faut aborder. Mais sur quoi est-ce que vous vous basez pour affirmer que ces mesures sont défendables face aux chartes québécoise et canadienne? Avez-vous de la jurisprudence en quelque part? Est-ce qu'il y a des expériences similaires?

M. Messier (Martin): Non. Je vous le disais, ce n'est pas une opinion juridique, c'est un mémoire dans lequel on fait part de représentations des propriétaires et je n'ai pas l'intention, ici, non plus de faire un exposé à teneur juridique. Qu'on s'attache au principe de base, par contre, pour bien comprendre que cette mesure-là ne saurait être considérée comme discriminatoire. On a une prestation qui est prévue pour être versée à des fins de logement et on s'assure tout simplement qu'elle sera versée à des fins de logement. Est-ce de la discrimination? Certes, non.

M. Copeman: Qu'est-ce qui vous distingue, les propriétaires, de Bell Canada? Je prends un exemple, Bell Canada, une entreprise privée. Il y a une partie de la prestation de l'aide sociale pour la communication. Qu'est-ce qui vous distingue? Est-ce qu'on n'ouvre pas la porte, possiblement, à toute une série de demandes de dédier une partie de la prestation à d'autres groupes et non seulement, uniquement les propriétaires?

M. Messier (Martin): Je ne le crois pas. Écoutez, pour Bell Canada, puisque vous le mentionnez, et peut-être Hydro-Québec également, qui sont des fournisseurs de services qui ont à traiter quotidiennement avec aussi les prestataires de la sécurité du revenu, premièrement, ils sont dans une situation autre que les propriétaires, hein? Quand on parle de propriétaires, au Québec, c'est une situation, là, qui n'est pas comme en Ontario ou aux États-Unis où on a des propriétaires de plusieurs milliers ou dizaines de milliers de logements. Ce sont des propriétaires, les propriétaires qu'on représente, pour la plupart, des propriétaires de «plex», hein? C'est des gens qui investissent, des propriétaires qui ont, quoi, six, quatre logements et qui ne sont pas en mesure d'assurer un refus comme dans une situation monopolistique. Si un locataire veut faire affaire avec Hydro-Québec et qu'il n'a pas payé son électricité, c'est relativement facile pour Hydro-Québec qui ne permettra pas la distribution du service à moins que le compte soit en règle ou qu'une entente soit prise. C'est la même chose pour Bell.

Le propriétaire n'est pas dans cette situation-là aujourd'hui. Le propriétaire est face à un problème criant, dans une situation où la loi rend difficile... La sélection des locataires, on ne se le cache pas, est très difficile. On a même des problèmes avec la prise d'informations, semble-t-il, de plus en plus. Le propriétaire, lui, par contre, doit respecter ses obligations et n'est pas dans une situation où il peut faire un blocage, où il dispose de l'information qui lui permet de faire un blocage systématique des locataires n'ayant pas payé leur loyer. Et ce n'est pas du tout la même chose pour Bell ou Hydro-Québec qui refusent simplement la distribution du service.

M. Copeman: Oui. Vous me permettrez de ne pas partager nécessairement cette argumentation-là.

M. Messier (Martin): Je vous le permets.

M. Copeman: Non, non. Dans le sens que les propriétaires peuvent bloquer leurs services de la même façon que Bell peut le faire, en évinçant le locataire.

M. Messier (Martin): C'est une situation pour les propriétaires qui est irréaliste. Ce que vous me dites, c'est vrai dans un monde juridique où l'exécution des jugements est possible. Dans le monde juridique actuel, face à une prestation qui est insaisissable, intouchable et où la portion logement ne serait pas distribuée, cette situation-là, elle est impossible. Elle est impossible à tenir, elle est impossible à exécuter.

Un jugement de la Régie du logement, ça me permet, M. le Président, d'évincer un locataire. Ça me donne droit, oui, techniquement, à la récupération de ces sommes-là. Pratiquement, c'est impossible. Et, c'est ce qui vient noircir de plus en plus et compliquer l'accès au logement pour les prestataires de la sécurité du revenu, il n'y a rien à faire contre eux. Et, on se le fait dire, nos propriétaires se le font dire par les prestataires: Tu ne peux rien faire contre moi. Vas-y, prends le jugement, mets-moi dehors. Le temps que tu aies le jugement, tu vas payer pour me sortir dehors. Tu vas avoir ton jugement, moi, je vais partir ailleurs. Tu ne peux rien faire contre moi. Cette impunité-là permet, je dirais même, dans certains cas – peut-être de rares cas, mais quand même dans certains cas qui, au niveau du principe, sont intolérables – permet à ces gens-là, incite ces gens-là à commettre ce qu'on appelle la «récidive».

M. Copeman: Oui. Si c'est le cas, qu'on ne... Je vais me reprendre. Comme député de Notre-Dame-de-Grâce, j'ai beaucoup de petits propriétaires. Je connais très bien leurs difficultés, on a eu plusieurs rencontres publiques. J'ai eu plusieurs rencontres publiques avec eux. Je ne suis pas insensible, mais loin de là, à toute cette question. J'ai beaucoup plus de sympathie pour les petits propriétaires que pour les grandes corporations qui administrent des édifices à 200 unités de location qui, pour eux autres, c'est une vraie business. Parce que, quand on est en affaires, normalement, on met de côté un certain pourcentage de nos profits pour les mauvaises créances. Ça, ça se fait tout partout, là. Mais j'ai beaucoup plus de sympathie pour les petits propriétaires de duplex, de triplex qui se heurtent contre ces difficultés-là.

Mais, si vous dites qu'on ne peut pas... L'exécution des jugements en ce qui concerne la récupération des loyers non payés, ça, je suis parfaitement d'accord avec vous, je comprends cette problématique. Mais, si vous me dites qu'on ne peut pas exécuter le jugement de mettre dehors un locataire, ça, c'est un grave problème, un problème qui mérite l'attention du ministre des Affaires municipales. Si c'est aussi répandu que vous le prétendez qu'on ne peut pas faire évincer un locataire après jugement de la Régie du logement du Québec, ça, c'est un nouvel élément. Parce que les petits propriétaires de Notre-Dame-de-Grâce me parlent de la difficulté de faire exécuter un jugement pour la réclamation du non-paiement de loyers, à ma connaissance, dans ma mémoire, ils n'ont jamais dit: On ne peut pas faire évincer des locataires.

M. Messier (Martin): Effectivement, on peut faire évincer un locataire. Par contre, l'efficacité ou l'effet de dissuasion de cette mesure-là, elle n'est pas pressentie dans le monde locatif. Je vous donne... Juste pour vous illustrer la gravité du problème pour un propriétaire, un propriétaire, comme vous l'avez dit, d'un triplex ou d'un quadruplex qui, lui, n'a pas les moyens, n'a pas un fonds de roulement qui lui permet d'avoir un loyer vide pendant six mois, un propriétaire qui voit son loyer cesser d'être payé doit entreprendre des démarches à la Régie du logement, qui, avouons-le, est un tribunal administratif relativement rapide. Mais ce n'est jamais assez rapide quand on n'a pas l'argent pour payer son hypothèque à la fin du mois, M. le Président. Et, quand on arrive dans une étape comme ça, le propriétaire, avant d'obtenir le jugement qui permettra l'éviction de son locataire, perd régulièrement quatre, cinq ou six mois de loyer, et c'est insoutenable, ça, pour un petit propriétaire.

Et, de surcroît, quand vous parlez de l'éviction, oui, c'est possible d'évincer. Évincer un logement, il faut d'abord retenir les services d'un huissier, voir à l'émission de ce qu'on appelle un «bref de mise en possession des lieux», payer des déménageurs, M. le Président, pour s'assurer de l'éviction. On parle, en plus de cette perte de plusieurs mois de loyer, de frais qui, pour un quatre et demi, vont varier de 800 $ à 1000 $, 1 200 $. C'est des propriétaires, ça, M. le Président, qui perdent leur immeuble, qui perdent leur investissement, qui se désintéressent, de façon plus générale, de l'investissement dans l'immobilier au Québec, ce qui est de nature à affecter le parc immobilier au complet. On est moins intéressé à investir dans un immeuble quand on sent la fragilité du marché, quand on a moins confiance dans le marché.

(12 h 30)

Alors, pour toutes ces raisons, vraiment, cette solution-là, elle permet de rétablir un non-sens à l'heure actuelle. Un non-sens, car il y a un non-respect des obligations qui demeure impuni, et ça, c'est intolérable, et ça, ça requiert l'attention du gouvernement immédiatement.

M. Copeman: Une dernière question, M. le Président. On a parlé d'à peu près 5 % des prestataires qui sont fautifs. C'est le chiffre avancé par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. Ça ferait 20 000 ménages au Québec dans une année donnée, semble-t-il. Avez-vous idée de combien, sur ces 20 000 ménages, sont fautifs de façon répétitive? Est-ce que c'est un problème de récidivisme, ou est-ce que c'est un problème qui arrive de temps en temps, une fois pendant l'année, ou est-ce qu'on parle vraiment d'un petit groupe de prestataires qui manipulent le système, tel que vous l'avancez un peu?

M. Messier (Martin): Je ne suis pas en mesure de vous fournir la répartition des deux, mais, quand vous dites que ça arrive peut-être une fois dans une année, ça, c'est énorme, et ça, pour moi, ça serait une grave récidive que, une fois dans une année, un locataire qui décide de cesser de payer trois, quatre, cinq, six mois de son loyer. Moi, je m'attache plutôt au principe, et je pense que c'est ce qui gouverne notre système actuellement. Et ne serait-ce qu'un locataire... Peut-être qu'on ne serait pas ici aujourd'hui avec un locataire, mais, au niveau du principe, je maintiens et nous maintenons, les propriétaires, que c'est un non-sens, le fait qu'une prestation prévue pour assumer un logement ne soit pas utilisée à ces fins-là et que le locataire demeure insensible, dans certains cas, à ce non-paiement là. Parce qu'il n'y a rien à faire. Il n'y a rien à faire pour le propriétaire, et on se le fait dire. On se fait rire au nez et à la barbe. On se le fait dire: Tu ne peux rien faire contre moi. Et c'est vrai.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Une dernière intervention par Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Ma question va aller un petit peu dans le sens de la précédente. On se fait dire que c'est une atteinte grave aux droits de la personne et que, si on maintient cette position, il faudra éventuellement être capable de la défendre devant les tribunaux. Bon, on se fait dire ça. Moi, je ne peux pas en juger à ce moment-ci, mais je l'apporte simplement pour dire que ce n'est pas anodin, quand même, comme mesure que d'introduire cette idée d'une saisie de la portion logement sur le chèque. Et, donc, si on doit utiliser un moyen comme celui-là, il faut être sûr que c'est la meilleure chose à faire et que ça vaut le coup compte tenu du problème auquel on a à faire face.

Vous avez dit en introduction qu'il y avait tant de millions de dollars qu'on pouvait imputer aux mauvaises créances des prestataires de la sécurité du revenu. Vous avez dit aussi, si j'ai bien entendu... Ça n'est pas écrit, mais, si j'ai bien entendu, vous avez dit que c'était une tendance qui s'accentuait, et, moi, j'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que c'est un phénomène qui devient plus important qu'il ne l'était? Les chiffres que vous nous apportez dans votre mémoire datent de 1993. Est-ce que c'est, autrement dit, quelque chose qui prend de l'ampleur comme phénomène ou pas? Parce qu'il faudra que notre solution soit appropriée au phénomène lui-même et aux tendances qui se dégagent.

M. Messier (Martin): Je ne suis pas en mesure de vous apporter de chiffres quant au phénomène, mais ce que je peux vous dire, c'est qu'il est de plus en plus criant chez les propriétaires et que, en 1993, on ne recevait pas le nombre d'appels qui nous parlent de problèmes puis de préoccupations. Puis, je vais vous dire, il y a même des propriétaires qui nous demandent: Est-ce que c'est possible de ne pas louer aux prestataires de la sécurité du revenu? Je n'en veux pas, moi. Je n'en veux pas de prestataires de la sécurité du revenu. J'en ai eu un, j'ai connu une mauvaise expérience et je n'en veux plus. Est-ce que c'est possible? Quand les gens sont rendus à cette étape-là, que le portrait des prestataires de la sécurité du revenu est noirci au point que les propriétaires sentent qu'il y a un risque...

Et, quand vous me parlez du fait que ça augmente, bien, nécessairement, ce qu'on a l'impression, c'est que c'est un phénomène qui est de plus en plus connu, que cette impunité-là, les gens la connaissent, et que, aux premières difficultés, ils sont peut-être tentés d'en profiter ou d'en abuser. Appelez ça comme vous le voudrez, mais, peu importe, oui, c'est un problème qui est de plus en plus criant. Nos propriétaires nous relatent de plus en plus ce problème-là, ils sont de plus en plus insécures face à la location d'un logement envers un prestataire de la sécurité du revenu.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Couture (Jacques): Permettez-moi de rajouter, s'il vous plaît, à madame. Concernant l'assurance-emploi, on nous dit que l'assurance-emploi est réduite comparativement à 1993 et que le degré de pauvreté au Québec et au Canada a augmenté. Donc, automatiquement, ça a un effet ou ça va avoir un effet sur ces gens. Donc, ça va avoir un effet beaucoup plus accentué dans le temps.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup au nom des membres de la commission.

M. Couture (Jacques): Merci.

M. Copeman: Une petite conclusion.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, une petite conclusion.

M. Copeman: Trente secondes. De façon très amicale à la ministre, avec mon sens de l'humour habituel: Enfin quelqu'un qui appuie le projet de loi!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre, petite conclusion?

Mme Harel: M. le Président, j'ai hâte de voir où l'opposition se loge, n'est-ce pas? J'ai hâte de voir parce que ça va faire bientôt deux ans, maintenant, que j'ai la responsabilité de ce dossier, et toutes les manifestations qui me sont exprimées du côté de l'opposition sont en faveur de ces dispositions de non-paiement de loyer. On m'en réclame. On m'a même écrit. Tous les collègues qui m'ont écrit, là, les collègues du député de Notre-Dame-de-Grâce m'ont écrit pour réclamer des mesures en matière de non-paiement de loyer. Mais, un jour, sans doute, la vérité de leur position sera-t-elle obligée de s'exprimer au moment de l'étude article par article du projet de loi.

Bon, moi, ce que je veux que vous sachiez, c'est qu'on est conscient qu'il y a un problème de non-paiement de loyer. Il y a une disposition du Code de procédure civile qui, comme vous le savez, prévoit un traitement dans les matières de saisie. Cette disposition du Code de procédure civile ne s'applique pas à diverses prestations, et ça donne ce sentiment d'immunité dont vous avez parlé tantôt. Est-ce qu'il faut égalité de traitement ou faut-il, comme ce qui est proposé dans le projet de loi n° 186, une façon de procéder qui puisse minimalement faire en sorte qu'il y ait maintien dans les lieux et qu'en même temps il y ait une certaine garantie d'une partie du loyer qui est versée?

Quoi qu'il en soit, je crois qu'il y a une amélioration de la situation économique. Les chiffres dont on parle tant sont des chiffres des années quatre-vingt-dix, quatre-vingt-quinze. C'est le pire, là, de ce qu'on a pu traverser. Durant ces cinq années, pas un seul emploi n'a été créé au Québec. On est quand même à la création de 110 000 emplois depuis maintenant un an et demi. Il y a quelque chose quand même sur le strict plan, là, si vous voulez, des indicateurs qui sont vérifiables qui s'est produit. Il y a création d'emplois, croissance économique et aussi il y a des interventions qui ont été faites pour que ça soit plus payant qu'avant de travailler, d'autant, quand on a des revenus maintenant, qu'on peut avoir l'allocation-logement.

Ça, c'est peut-être un élément qui est à prendre en considération, que l'allocation-logement n'est pas versée qu'aux personnes assistées sociales seulement. Maintenant, vous le savez, avec des revenus de travail, l'allocation-logement est possible. Jusqu'à 17 000 $ de revenus de travail pour une monoparentale et 25 000 $ pour une famille biparentale. Alors, c'est un début modeste, mais il y a, de ce côté-là, donc, des améliorations possibles. Et, moi, je ne veux, d'aucune façon, penser qu'on ne puisse pas trouver une solution qui va en même temps être gagnante pour les locataires et pour leurs propriétaires. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

(Reprise à 15 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Nous recommençons nos travaux en recevant les représentants de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec. Et, avant de vous donner la parole, M. Côté, Mme la ministre a une petite intervention à faire.

Mme Harel: Oui. M. le Président, j'ai reproché, ce matin, à Robert Houle, de la radio de Radio-Canada, de m'avoir mal citée, et j'ai eu tort. Alors, l'exemple que j'ai utilisé, relecture des galées à l'appui, était bien celui d'une pension alimentaire de 600 $ par semaine, ce qui totalisait 30 000 $. Cet exemple était mal choisi, et je le regrette. On dit que faute avouée est à moitié pardonnée . Mais je le regrette d'autant plus que ça fait du tort à la démonstration que je pense toujours la bonne, parce que je crois que cette démonstration repose sur la notion de revenu familial qui est utilisée en matière d'établissement des allocations familiales, fédérales ou québécoises, et en matière d'admissibilité à l'aide de dernier recours.

Alors, ceci dit, je le regrette. Et je le fais d'autant plus que je crois qu'il faut le faire quand on est vraiment dans la situation où je suis. Et je l'avais fait de bonne foi ce matin, mais, le sachant maintenant, je crois qu'il fallait que je le dise publiquement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): La rectification est faite.

Mme Harel: C'est ça. J'ai fait préparer les tableaux sur les pensions alimentaires, compte tenu de la nouvelle allocation familiale et compte tenu de l'aide de dernier recours. Alors, j'en aurai tantôt à distribuer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Vous m'aviez demandé, les membres, hier, d'essayer de trouver une heure convenable et acceptable pour tout le monde pour la Coalition nationale sur l'aide sociale. Alors, en fin de journée hier, j'ai été capable de suggérer un autre temps, qui a été communiqué ce matin. Donc, pour vos agendas, si vous voulez prévoir ça, mardi midi au lieu de 14 heures pour... Comme arrêt, on n'aura pas plus d'une demi-heure, trois quarts d'heure parce qu'on recevra la Coalition nationale à 14 heures, le mardi 26. Alors, tel que vous me l'aviez demandé, ça a été fait, exécuté et accepté.

M. Côté, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre présentation.


Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ)

M. Côté (Jean): Merci, M. le Président. D'abord, à ma gauche, M. Michel Riverin, qui est directeur général de la Corporation; à ma droite, Me Louis Masson; et, à la droite de M. Masson, M. François Des Rosiers, économiste et professeur à l'Université Laval et auteur de nombreux rapports dans le domaine de l'habitation.

D'abord, je voulais vous dire que je ne lirai pas le mémoire qu'on vous a déposé, mais je vais plutôt faire le tour d'un certain nombre de notes qu'on a préparées à cet effet-là, pour peut-être laisser un peu plus de place à la période des questions.

Alors, en mars 1997, nous avons eu le privilège de venir vous rencontrer ici même, pas nécessairement en ces lieux, mais au parlement, afin de vous présenter notre position et de déposer un mémoire. Nous désirons vous remercier de nous offrir l'occasion d'apporter quelques commentaires au projet de loi n° 186 et, peut-être de façon plus spécifique, les articles qui concernent le non-paiement de loyer, c'est-à-dire les articles 30, 31, 180 et 181 que, d'ailleurs, nous avons pris la liberté de rassembler en annexe 2 du mémoire que nous déposons cet après-midi.

Cet après-midi, nous n'avons pas vraiment l'intention de prendre les minutes qui nous sont allouées pour, d'une part, vous présenter notre organisation – je pense que vous nous connaissez un peu mieux maintenant – ni pour vous démontrer que le logement au Québec, c'est quelque chose d'assez particulier. À ce sujet, je vous invite simplement à consulter le document que nous vous présentons cet après-midi, aux pages 5 à 8 où, je pense, on fait clairement état qu'au Québec le logement locatif est effectivement fort différent du reste du Canada. Disons brièvement qu'on parle d'un très grand nombre de petits immeubles, et il en découle un nombre important de petits propriétaires, des coûts très raisonnables de loyer, des taux d'inoccupation élevés qui proviennent du fait que le marché locatif au Québec est très compétitif. Et donc, qui dit une occupation élevée laisse entendre qu'il y a une certaine disponibilité dans le marché du logement.

Sans faire de petit jeu de mots, on pourrait dire que, oui, effectivement, nous sommes une société distincte, unique, différente. Quel que soit le qualificatif que vous voulez utiliser, ce qui est clair, c'est que le logement, l'habitation à loyer au Québec, c'est vraiment différent du reste du Canada, et je vous réfère au document qu'on a déposé.

On voudrait plutôt, cet après-midi, assez brièvement vous entretenir de certains aspects qui nous apparaissent importants. Quoique nous ne soyons pas encore au courant du contenu des règlements qui vont découler du projet de loi, on doit vous dire qu'on accepte volontiers la proposition gouvernementale à cet effet-là, et soyez assurés que nous ferons tout en notre pouvoir pour favoriser non seulement l'application harmonieuse, éventuellement, mais surtout la diffusion afin que tous les gens concernés comprennent bien ce dont il s'agit.

Évidemment, je suis sûr que vous avez eu d'autres groupes de propriétaires qui vous ont dit que ce n'était pas assez, que ça n'allait pas assez loin, mais, nous, à la Corporation, après en avoir discuté avec non seulement les membres du conseil d'administration pendant presque trois ans, sur une base mensuelle, parce que c'était un problème sérieux, et, en plus, avoir véhiculé dans nos assemblées, pendant encore trois ans, tous les aspects du problème et avoir essayé de présenter ça de la façon la plus simple possible, je pense qu'on a fait un bout de chemin de ce côté-là. Nos membres, maintenant, considèrent très sérieusement qu'il s'agit d'un mécanisme, d'une procédure qui, éventuellement, va mettre fin aux pertes de plus ou moins 85 000 000 $ par année, autant pour les propriétaires privés que publics.

Je pense que vous comprenez que, dans ce dossier, ce n'était pas nécessairement facile de rencontrer les propriétaires et de leur expliquer le problème. Il y avait énormément de frustration d'accumulée, de rancoeur, jusqu'à un certain point, bref, de trucs très négatifs, mais, au fil du temps, à force d'expliquer la procédure, le fonctionnement de cette opération-là, et en leur disant que finalement c'était pour l'intérêt du plus grand nombre, que ce soient les bénéficiaires ou les propriétaires, nos membres ont fini par accepter le projet qui est compris dans les articles de loi auxquels on a fait référence tantôt.

Il faut quand même que je vous dise que, pour une bonne partie de nos membres, les articles du projet de loi qui traitent du non-paiement de loyer représentent un plancher sûrement qui, comme je le disais tantôt, va permettre de mettre fin à une situation délicate, je pense, autant pour les bénéficiaires d'aide sociale que pour les petits propriétaires.

Dans un autre ordre d'idées, on trouve un peu regrettable l'attitude de certains regroupements de locataires dont le principal discours s'articule souvent autour du manque d'argent: manque d'argent pour rencontrer leurs obligations quotidiennes ou mensuelles, manque d'argent surtout de la part du gouvernement pour construire d'autres habitations à loyer modique. On connaît tous bien la réalité des finances tant au Canada qu'au Québec; on connaît aussi l'implication du gouvernement canadien au niveau de l'aspect du logement à loyer modique. Mais on ne pense pas qu'avec une approche semblable on va mettre fin à une situation qui, au fil des ans, je pense, a horripilé beaucoup de monde au Québec et fait une mauvaise réputation, possiblement, à une partie des bénéficiaires et aussi aux propriétaires qui souvent, pour des motifs économiques, refusent l'accès de leurs logements à des bénéficiaires.

Je pense que le projet de loi va permettre ou va faciliter, à tout le moins, un plus grand accès aux logements privés pour l'ensemble des bénéficiaires et aussi faciliter une certaine forme d'intégration sociale, ce qui est non négligeable.

En ce qui concernes les articles proprement dits du projet de loi, nous désirons attirer votre attention sur les points suivants. Nous sommes tout à fait d'accord avec l'article 30 qui dit que la prestation est incessible et insaisissable.

Malgré ce qui a été véhiculé par beaucoup de gens, on reconnaît que la solution proposée est une mesure d'acception et cela va en appui de notre position, je pense, depuis les tout débuts. Les mesures proposées s'appliqueront uniquement à des citoyens dont le comportement répond, en fait, à deux événements: premièrement, qu'il y a non-paiement de loyer, malgré le fait que le Code civil stipule que le loyer est payable le premier du mois, et, deuxièmement, que cette entorse au contrat qu'est le bail soit confirmée par un tribunal indépendant et impartial, c'est-à-dire, en l'occurrence, une décision de la Régie du logement.

Je pense qu'il est clairement établi, et ce, de toutes les manières possibles – et je répète encore une fois – que les mesures ne vont s'appliquer qu'à quelqu'un qui aura clairement démontré son défaut de payer et même son défaut de payer, souvent, de façon chronique, et que tout ça aura été reconnu par la Régie.

(15 h 30)

Alors, si on essaie un peu de ficeler tout ça, on pourrait terminer en posant les questions suivantes: S'agit-il d'une mesure d'exception? Oui, tout à fait – on se réfère au principe d'insaisissabilité et d'incessibilité de l'article 30 et de l'article 31 qui crée une mesure d'exception. S'agit-il d'une mesure qui s'applique à tous les bénéficiaires? Absolument pas. Elle s'applique uniquement à des bénéficiaires dont on reconnaît qu'ils ont de la difficulté ou, plutôt, qu'ils n'ont pas payé leur loyer. S'agit-il d'une mesure arbitraire? Non, parce que c'est le tribunal qu'est la Régie du logement, tribunal impartial, qui va statuer là-dessus. S'agit-il d'une mesure temporaire? Oui. On parle d'un maximum de deux ans, et il faudrait aussi tenir compte de la discrétion du régisseur, dans ces causes-là, qui va avoir à apprécier. Donc, ce n'est pas nécessairement deux ans. Bref, on pense très sincèrement qu'il s'agit de mesures justes et équitables, qui ne s'adressent qu'à ceux qui ne paient pas, et, pour plusieurs, de façon chronique, sans aucune forme de pénalité ou de sanction pour les autres.

Maintenant, peut-être en terminant, de quelle façon ces mesures seront-elles bénéfiques pour l'ensemble des gens impliqués? D'abord, pensons aux bénéficiaires fautifs. Ils pourront rester dans les lieux, évitant ainsi d'avoir à se trouver un autre logement et, le cas échéant, d'essuyer d'autres refus par des propriétaires. Donc, on revient au principe fondamental du droit au maintien dans les lieux, et ça, je pense que tout le monde est très largement d'accord avec ce principe-là.

Pour les propriétaires, dont la grande majorité, je le répète, sont de petits propriétaires soit de «plex» ou de petites conciergeries, ils n'auront plus à supporter les pertes engendrées par une minorité et, pour ceux qui auront été échaudés, ils seront peut-être, je pense, incités à louer plus facilement à des bénéficiaires d'aide sociale même si, dans le passé, ils ont eu des expériences négatives.

Il faudrait aussi penser que le seul fait de véhiculer le message qui est contenu dans le projet de loi, à savoir que dorénavant il peut y avoir des conséquences pour un bénéficiaire à ne plus payer son loyer, je pense que ça peut avoir un effet dissuasif qui est non négligeable à moyen et long terme. Ce qui est peut-être le plus important dans tout ça, c'est que 95 % des bénéficiaires d'aide sociale qui, eux, respectent à chaque mois le contrat qu'ils ont signé, c'est-à-dire le bail, ne seront plus marginalisés à cause d'une petite minorité quand ils seront à la recherche d'un logement. Ils vont être considérés au même titre que tous les autres citoyens.

En terminant, en tant que représentants de plusieurs milliers de propriétaires partout au Québec, nous avons l'intention de collaborer, d'être invités ou, à tout le moins, de travailler à la confection des règlements qui suivront l'adoption de la loi. Nous espérons que ces règlements seront rédigés dans le plus grand respect des principes inscrits au projet de loi n° 186. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Côté et les personnes qui vous accompagnent, M. Riverin, M. Des Rosiers et Me Masson.

Dans le mémoire que vous nous présentez, vous faites un portrait du logement locatif au Québec en mentionnant que la taille moyenne des immeubles locatifs privés s'établit à 8,5 logements, au Québec, comparativement à 24 logements, dans les autres provinces, c'est-à-dire trois fois plus. Donc, il y a une réalité surtout à Montréal où, nous dites-vous, les deux tiers des logements locatifs se retrouvent dans une multitude de petits immeubles de moins de 20 unités qui sont surtout la propriété de petits épargnants.

À partir de ce constat, vous faites valoir qu'il s'agit d'un marché de l'immobilier... Je crois que vous citez, dans le fond, une conférence que l'économiste Pierre Fortin a prononcée, je crois, devant vos membres, au Palais des congrès, et à l'occasion de laquelle il rappelait que la motivation première, souvent, d'un placement de propriétaires immobiliers était plus à long terme que de faire de l'argent à très, très, très court terme. Il est très répandu maintenant qu'il n'y a plus d'argent à faire dans l'immobilier au sens où cet argent pouvait se faire rapidement, dans les années quatre-vingt, et ce n'est plus le cas, semble-t-il. J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus.

Vous êtes conscient – je le sais puisque vous l'avez exprimé – que c'est un compromis qui a un effet dissuasif, un effet aussi de rétablissement de relations plus harmonieuses, mais, en même temps, vous êtes conscient que, pour ce qui est de la mauvaise foi et du déguer7pissement, alors là, il n'y a pas de disposition parce que ça reste un bien qui, dans le fond, est un bien privé. Et, dans les cas de mauvaise foi, dans ces cas précis, sans doute vos membres seraient-ils bien avisés de se mobiliser pour aller y compris devant la Régie même, lorsqu'il y a déguerpissement, parce que vous êtes conscient que, dans les cas de mauvaise foi, bon débarras, qu'il aille en bâdrer un autre, mais, très souvent, comme il n'y a pas de suite ou de suivi devant la Régie, le prochain propriétaire locateur va finalement vivre le problème, et ainsi de suite. J'aimerais aussi vous entendre là-dessus. Puis peut-être juste vous signaler qu'il y a une réflexion sur le fait que ce soit une mesure d'exception, n'est-ce pas.

Est-ce que cette mesure d'exception est juste et raisonnable, et justifiée au sens de l'article 1 de la Charte québécoise des droits? Je sais que ça préoccupe, à juste titre, bon nombre de personnes. Ce matin, ici même, en commission, des porte-parole d'organismes qui vous ont précédés nous ont dit qu'ils allaient aller devant les tribunaux pour invoquer, lors de l'application d'une telle disposition, son caractère de discrimination interdite par les chartes. Moi, je pense que, en fait, dans la mesure où le moyen choisi est un moyen juste et raisonnable et justifié, il peut l'être dans la mesure où le prestataire est en défaut de payer son loyer; que ce défaut soit constaté, vous l'avez signalé, par un tribunal compétent; que ce tribunal ait la discrétion pour apprécier l'opportunité ou non d'appliquer une telle ordonnance. S'il y a eu défaut de la part du propriétaire, la Régie, qui est un tribunal administratif, va l'évaluer. De plus, le locateur doit renoncer à demander la résiliation du bail, et donc, maintenir dans les lieux. L'ordonnance, comme vous l'avez signalé, ne peut excéder une période de deux ans. Le locateur bénéficie d'une partie garantie seulement de la prestation pour payer le loyer pour les mois à venir.

(15 h 40)

Donc, toutes ces dispositions, évidemment, seront invoquées au moment où éventuellement – ça reste hypothétique encore – dans l'éventualité où ça pourrait être contesté, et c'est ce caractère raisonnable et justifié au sens des articles des chartes qui pourront, à ce moment-là, être appréciés. Alors, j'imagine que Me Masson qui vous accompagne doit avoir un point de vue là-dessus sûrement. Si vous permettez, on pourrait profiter de votre présence pour lui demander de s'en expliquer.

M. Côté (Jean): M. le Président, je demanderais à Me Louis Masson de s'adresser à Mme la ministre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Me Masson.

M. Masson (Louis): Oui. Merci, M. le Président. Il est clair que la préoccupation exprimée par Mme la ministre est tout à fait fondamentale pour la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec qui n'aurait jamais donné son appui ou son aval à un texte de loi qu'elle aurait estimé être contraire à nos chartes et à la protection des droits fondamentaux garantis à tous les citoyens et à toutes les citoyennes de l'État québécois.

Donc, lorsque l'on aborde la question des chartes et lorsque l'on parle de discrimination, comme, semble-t-il, il en a été question ce matin, et que, toujours décodant ce qui s'est produit ce matin, on s'attaque déjà à la justification qui pourrait être requise par l'article 1, eh bien, je crois, M. le Président, que, pour répondre à la préoccupation de Mme la ministre, la loi, telle que je la comprends et telle qu'elle est libellée, est peut-être plus à l'abri des attaques constitutionnelles qu'on ne peut le croire. En effet, avant de se poser la question si la mesure est justifiable ou pas, il faut d'abord se demander si nous sommes en présence d'une forme de discrimination, et d'une forme de discrimination prohibée par les chartes.

Or, quelles sont les discriminations qui sont prohibées par les chartes? Eh bien, ce sont, en substance, des discriminations à caractère personnel. Il faut que la personne ou le groupe qui prétend être discriminé mette d'abord en évidence une discrimination à caractère personnel. Or, dans la présente affaire, tel que l'on comprend le fondement de cette loi, le cheminement, l'historique de la loi, nous sommes en présence d'une distinction non pas personnelle – ça ne tient pas à la personne, ça ne tient pas au statut de la personne – c'est une distinction purement économique. La motivation de cela repose sur des motifs économiques que, quant à moi, je me permettrais d'exprimer ainsi: assurer un mécanisme de protection dans les cas de mauvais payeurs. Donc, moi, c'est ainsi que je comprends la loi; c'est ainsi que j'en comprends l'assise. Quant à nous, nous ne croyons pas que se pose – en tout cas, de façon évidente – la question de la discrimination.

Donc, la distinction dont on parle, elle est et elle repose sur des motifs économiques, et ce genre de distinction là, bien sûr, n'est pas jugé discriminatoire par les tribunaux. Donc, ce n'est même pas évident – parce que je n'ai pas entendu l'argumentation qui vous a été présentée ce matin – que nous soyons en présence d'une discrimination.

Quant aux précédents, maintenant, bien sûr, il y a quelques années, une telle loi aurait peut-être pu être plus inquiétante parce que, bon, les chartes en étaient à leurs premiers balbutiements. J'ai, quant à moi, une référence particulière qui me semble pertinente aux fins de notre exposé, c'est la décision rendue dans l'affaire Clark – C-l-a-r-k – contre Peterbourg – P-e-t-e-r-b-o-u-r-g – Utilities Commission . Ça a été rendu en 1995 par la Division générale de la Cour de l'Ontario. C'est rapporté, donc, dans les recueils comme étant 1995–24 Ontario Report, 3e division, n° 7, Division générale, où on a décidé, en résumé, qu'«une politique d'un service public – et je cite le résumé de l'arrêtiste – exigeant le paiement d'un dépôt de garantie de la part de certains utilisateurs faisant preuve d'une situation économique précaire ou d'une mauvaise réputation, tels les assistés sociaux, comme condition pour leur fournir l'électricité ne crée pas de discrimination sur la base d'une caractéristique personnelle. La différence de traitement est imposée dans le seul but de protéger contre le risque de certains utilisateurs.»

Donc, premier volet, c'est loin d'être évident que nous sommes en présence d'une discrimination autre que... pardon, d'une distinction à caractère personnel. Donc, c'est loin d'être évident qu'il s'agisse d'une discrimination. Et, quand on compare la situation proposée par la loi avec celle de l'Ontario, eh bien, il y a une garantie additionnelle qui est offerte au citoyen, c'est que cette distinction n'est pas appliquée de façon automatique par l'administration ou par l'autorité en question, elle est soumise à un processus quasi judiciaire, par un tribunal dont l'indépendance et l'impartialité sont assurées par la Cour suprême du Canada, de sorte que le citoyen est assuré d'une protection quasi judiciaire face à un tribunal dont le statut est reconnu par la Cour suprême du Canada.

Donc, en termes de garantie, ce n'est pas une mesure qui est d'application automatique, mais le citoyen peut la contester, selon des critères établis par la jurisprudence, dans un processus quasi judiciaire et, enfin, la mesure est déjà à durée limitée. Donc, même si on en arrivait à la... Et je ne suis même pas prêt à entrer dans cette dialectique-là, avec égard pour l'opinion de Mme la ministre, parce que, à nos yeux, il n'y a même pas de discrimination. Donc, on n'a même pas à justifier la mesure. Mais, si jamais quelqu'un prétendait que ce fardeau-là doive être assumé par l'État éventuellement, bien sûr, on peut certainement affirmer que la mesure est, dans les circonstances, juste et raisonnable, elle est limitée dans le temps. La Régie a un pouvoir non pas arbitraire, mais discrétionnaire, balisé par un règlement et par des principes quasi judiciaires, et je vous épargne la nomenclature de ça.

Donc, je pense qu'aller plus loin, ce serait abuser du temps de cette commission-là, mais je répète que la préoccupation exprimée par Mme la ministre est partagée par la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, que jamais on ne se serait présentés devant cette commission si nous n'avions pas eu l'intime conviction, quant à nous, que nous ne participions pas à une démarche discriminatoire. Nous avons, quant à nous, la conviction que cette démarche est conforme à nos chartes, que la mesure est raisonnable. Maintenant, bien sûr, on ne peut empêcher les débats judiciaires, mais je pense que les précautions doivent être raisonnables et je crois que cette loi est entourée de balises raisonnables. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour, je souhaite la bienvenue aux représentants de la CORPIQ. Tel que je l'ai exprimé ce matin avec l'Association des propriétaires du Québec, une préoccupation qu'on a de ce côté de la table est reliée à toute la question précédente, la possibilité qu'une telle mesure soit en contradiction avec soit la Charte canadienne ou la Charte québécoise.

Je ne suis pas avocat, mais je tiens à remercier Me Masson pour sa référence. Nous avons certaines expertises. J'ai quelques collègues de notre côté de la table qui sont des avocats. On va aller regarder Clark versus The Peterbourg Utilities Commission parce que c'est une préoccupation majeure pour nous autres. Peut-être quelques petites questions de clarification juste en ce qui a trait à cette cause-là. J'imagine qu'il s'agit d'une... on dirait en anglais «a public utility», l'équivalent d'Hydro-Québec, à peu près, en Ontario, un vendeur de... un réseau de distribution d'électricité en Ontario, de nature publique. Oui. Alors, la question que je me pose immédiatement sans avoir même pris connaissance de la cause en question, c'est: Est-ce que, quelque part dans la décision, on tient compte de la différence entre des individus ou des compagnies qui fournissent un service sur le marché privé, de nature privée, comme le logement, versus un «public utility»? Est-ce que cette distinction est faite dans la cause, Me Masson, à votre connaissance?

M. Masson (Louis): Ce serait présomptueux de vous répondre. Ça nécessite une analyse plus en profondeur. Mais ce que je peux faire, sans doute, c'est en obtenir un exemplaire intégral, puisque j'ai eu un résumé, et vous le transmettre.

(15 h 50)

M. Copeman: Très bien.

M. Masson (Louis): Ça m'apparaîtrait plus approprié. J'hésiterais beaucoup à m'aventurer au-delà de cela, ainsi que je l'ai fait tout à l'heure. Je vous l'ai indiqué, c'est un résumé de l'arrêtiste que nous avons, auquel j'ai référé. C'est le résumé qui est disponible, parce que, bien sûr, tous les arrêts de la General Division de l'Ontario ne sont pas toujours aisément accessibles. Donc, c'est le résumé de l'arrêtiste tel qu'il est. Et même pas. J'ai dit de l'arrêtiste, c'est le résumé du texte de l'auteur. O.K.

M. Copeman: Comme je vous ai dit, M. le Président, on va examiner la question de très près. L'autre question que j'ai reprend un peu la question que j'ai formulée ce matin à l'Association des propriétaires du Québec. Il y a une composante logement dans la prestation d'aide sociale. Si on se fie, à l'annexe 12 du livre vert, à la façon dont la prestation est calculée, elle est basée sur d'autres éléments, évidemment – il n'y a pas juste le logement – il y a l'alimentation, entretien ménager, les soins personnels, communication, etc. Est-ce qu'il y a un danger, selon vous, que, si on ouvre la porte à cette pratique ou on ouvre la possibilité à cette pratique, ça puisse s'étendre à d'autres corporations, à d'autres gens d'affaires ou femmes d'affaires, à d'autres niveaux que juste le logement?

J'ai pris l'exemple de Bell Canada. Là je prends l'exemple – j'ai hésité ce matin à prendre l'exemple d'Hydro-Québec parce que c'est une société d'État – avec l'arrêt que vous mentionnez, on peut se poser la même question: Qu'est-ce qui empêcherait Hydro-Québec de demander le même traitement que vous demandez? Qu'est-ce qui empêcherait Bell Canada, Bell Québec de demander le même traitement que vous demandez? Est-ce qu'il n'y a pas un danger là? Je vous pose la question. Il n'y a peut-être, selon vous, pas de danger. Peut-être que, selon nous, il n'y a pas de danger non plus. Mais je pense que la question se pose. À un moment donné, si on ouvre la porte à cette pratique-là, on peut décortiquer la prestation jusqu'au point où le prestataire est laissé à gérer 20 $ pour son alimentation parce qu'il y a une partie dédiée à Bell, Hydro-Québec a une autre partie, etc.

M. Côté (Jean): Je demanderais à Me Masson, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Me Masson.

M. Masson (Louis): Oui. Merci. Bien sûr, il m'est difficile de répondre pour des organismes dont je n'ai qu'une connaissance, comment dirais-je... Mais ma réponse serait la suivante, avec les risques que cela comporte devant une assemblée de ce calibre. C'est que j'ai l'impression que, lorsque les fournisseurs de services publics sont en présence de mauvais payeurs, quel que soit leur statut, ils bénéficient déjà de moyens assez draconiens qui vont jusqu'à la coupure de service. Donc, je ne suis pas certain – et je le dis avec beaucoup d'égards – que cette crainte-là de la part de ces fournisseurs-là soit justifiée et je me demande – et c'est spontané, parce que je n'ai pas analysé la question – si déjà ils ne bénéficient pas de protections bien plus efficaces et peut-être plus draconiennes que celle qui est proposée par Mme la ministre, parce que, quelle que soit l'origine du défaut de paiement, eh bien, ils peuvent avoir recours à des moyens passablement draconiens. Donc, c'est la coupure de service et, dans ce cas-là, il n'y a pas d'accès à la Régie du logement, il n'y a pas d'accès nulle part. C'est le fournisseur lui-même qui décide. Il n'y a pas d'ombudsman. Il n'y a pas, si on me pardonne l'expression, de «buffer» ou d'intermédiaire. Quand le fournisseur de services publics dit: Je coupe le service, il n'y a pas d'organisme de contrôle, alors que, dans le présent cas, ce que propose Mme la ministre, c'est qu'avant d'en arriver à la solution draconienne – parce que, évidemment, c'est une solution de dernier recours – eh bien, un organisme indépendant l'examine.

Donc, si vous me permettez, il me semble que cette appréhension, à première vue légitime, ne se soulève pas dans la présente affaire. Mais je ne sais pas si j'ai répondu à votre question. Et j'espère que mes propos, également, ne sont pas contraires à la réalité, mais c'est mon impression.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Copeman: Peut-être une dernière, M. le Président.

M. Masson (Louis): Mais, si vous permettez, on a déjà tenté d'examiner la légalité de certains règlements d'Hydro-Québec qui donnent des moyens pas mal plus avancés que cela, et ils ont tous passé le test des tribunaux, à ma surprise, à l'époque. Mais ça remonte à une lointaine époque, déjà. J'étais dans la ouate.

M. Copeman: Peut-être une dernière, M. le Président. Je suis toujours sensible à la problématique de la diffusion de l'information nominative de nature très sensible sur la place publique. Là je vous le demande en toute honnêteté; je n'ai pas examiné la question assez attentivement avec les articles 180 et 181 de la loi.

Je comprends que l'ordonnance de transmettre pour composante logement à un propriétaire peut suivre la personne assistée sociale même si elle déménage. Si j'ai bien compris, je pense que c'est 180. Mettons qu'il y a une cessation normale de bail à la fin de la période de bail, la personne assistée sociale déménage à un autre lieu, si j'ai bien compris, il y a la possibilité de continuer le même arrangement avec le nouveau propriétaire. Et ça m'apparaît un peu logique, dans le sens que, si on accepte le principe, on ne veut pas non plus encourager des personnes assistées sociales à déménager à chaque 1er juillet pour tenter d'éviter de continuer d'être assujetties à la loi. Si on accepte le principe, il me semble que c'est logique.

Ce que je vous demande simplement, c'est que, en ce qui concerne les arrérages... Parce que avec la composante logement, comme on a dit, c'est un compromis que la CORPIQ fait. Il y a toujours les arrérages auxquels le propriétaire ne renonce pas, si j'ai bien compris. Est-ce que vous souhaitez continuer à avoir accès à des informations qui vont vous permettre d'aller chercher les arrérages si jamais une telle situation se produit? Est-ce que c'est parmi vos revendications?

M. Côté (Jean): M. le Président, pour répondre à la question de M. Copeman, je dirais que, techniquement, le propriétaire va possiblement souhaiter un arrangement avec le locataire qui a été trouvé en défaut par la Régie. Maintenant, dans quelle mesure le locataire en question va être capable de rencontrer cet arrangement-là, compte tenu, des fois, qu'il s'agit de sommes de trois ou quatre mois de loyer d'arrérages? Et c'est peut-être difficile d'en venir à un arrangement, sinon, qui s'étende sur une période de 10 ans, ou quelque chose comme ça, ce qui est tout à fait irréaliste. Mais il est clair que les propriétaires, dans nombre de cas, vont tenter de faire des arrangements de cette nature-là.

Ce qui préoccupe beaucoup plus les propriétaires, c'est de s'assurer que le bail, le montant nominal qui apparaît au bail, soit respecté dans le futur, en ce sens que la portion logement, qui ne correspond pas nécessairement au montant nominal du bail, soit respectée dans l'avenir. Je pense que, oui, techniquement, les arrérages vont faire partie d'arrangements. Dans quelle mesure les propriétaires vont nécessairement s'accrocher à ça, ça, c'est une autre question.

(16 heures)

M. Copeman: Un petit commentaire en terminant, M. le Président. J'ai pris connaissance de votre résolution qui émet le souhait que vous aimeriez participer à la confection du ou des règlements issus de ce projet de loi. Je vous dis simplement: Nous aussi, on souhaite la même chose. Moi, je vous souhaite bonne chance.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui. Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais connaître, de votre corporation, c'est quoi les motifs que vous trouvez intéressants là-dedans. Parce que ce matin j'écoutais aussi l'Association des propriétaires du Québec. Ils nous disaient qu'ils perdent un six mois de loyer. Puis le six mois, c'est crucial pour la plupart de leurs membres, parce que c'est des propriétaires uniques qui ont un ou deux blocs assez petits, et six mois, c'est crucial. Ce que je comprends, vous le perdez de toute façon, ce six mois là, à peu près, et, lorsque vous récupérez, les gens vont ne payer que la portion de leur loyer. Il y a un problème économique important, des motifs importants. Je ne vois pas le gain important pour votre part. Par contre, il y a peut-être une perte importante de l'autre côté. J'essaie de voir, de balancer, où sont vos gains là-dedans.

M. Côté (Jean): D'abord, six mois de loyer, ça signifie souvent qu'on a affaire à un propriétaire qui n'agit pas très rapidement, parce que les délais peuvent être plus courts que ça.

Deuxièmement, vous dites qu'il ne va recevoir que la portion logement, le propriétaire, qui est payée par le ministère, mais, ça, ce n'est pas vraiment le cas. Le locateur, le propriétaire va recevoir cette portion-là directement, mais le reste de la prestation va parvenir au bénéficiaire qui, lui, va devoir assumer la différence entre la portion logement, s'il y en a une, et le loyer nominal. D'accord?

Si la portion logement – et je donne ça sous toutes réserves– de la prestation est de 300 $ et que le bail, le loyer nominal, est de 425 $ ou 450 $, il va suivre une première partie par l'aide sociale de 300 $, mais le bénéficiaire locataire va devoir assumer la différence, sinon, pour nous, ça signifie tout simplement de nationaliser les loyers. C'est le gouvernement qui va fixer les loyers des assistés sociaux, et ça, jamais les propriétaires n'accepteront ce type de situation là.

Quels sont les gains pour nous, maintenant? Il est clair qu'au niveau des pertes, qu'elles soient de trois mois ou de quatre mois de loyer, il va y avoir des difficultés pour récupérer ces sommes-là. Mais dans la mesure où l'ensemble des propriétaires déposent à la Régie, même si c'est un cas de déguerpissement, même si c'est un cas vraiment de mauvais payeur, de mauvaise foi, et demandent une décision à ce niveau-là, il va donc exister une décision sur monsieur ou madame x.

Si, dans les deux ans qui suivent, un autre propriétaire dépose une autre fois une demande pour obtenir une décision à cet effet-là, ce n'est qu'à ce moment-là que la roue va se mettre à tourner, à savoir que, comme c'est la deuxième fois que ça se produit ou peut-être même la troisième, là, le régisseur va avoir la discrétion de dire: Je pense qu'on devrait émettre une ordonnance au ministère afin que dorénavant la portion logement de monsieur ou madame x soit assumée directement par l'aide sociale et qu'elle suive les locateurs ou les propriétaires futurs.

Il y a donc deux dépôts, et c'est là, de notre côté, que ça va être important de bien sensibiliser les propriétaires et de leur dire: Écoutez, même s'il y a déguerpissement, même si vous êtes frustrés ou qu'il y a toutes sortes de choses, vous devez, pour que le système fonctionne, déposer et obtenir une décision pour qu'éventuellement si cette personne-là a un problème à ce niveau-là, que c'est comme une espèce de mauvais payeur chronique, bien, qu'on puisse l'aider à régler son problème. Ce n'est pas à court terme que cette situation-là va fonctionner, c'est en autant que tout le monde met l'épaule à la roue et collabore, parce que le système il est complexe, il n'est pas simple. Il faut déposer une première fois, il faut déposer une deuxième fois. Tu sais, les propriétaires, ça a été compliqué, leur expliquer ça, et ça a été émotivement très difficile de leur faire accepter. Mais ils comprennent que, sur le moyen puis sur le long terme, peut-être que la situation va éventuellement se régulariser. Est-ce que vous saisissez bien...

M. Désilets: Un peu plus. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Je vous remercie. Pas d'autre interventions? Alors, je vous remercie beaucoup, au nom des membres de la commission. Et j'invite maintenant la représentante et les représentants de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec à se présenter.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons les représentants de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec, et, M. Gelderblom, vous pouvez présenter les gens qui vous accompagnent et qui vont nous faire la présentation.

M. Gelderblom (Claude): Bonjour, M. le Président, Mme la ministre...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'espère que j'ai bien prononcé.


Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec (FLHLMQ)

M. Gelderblom (Claude): Ah oui, c'est parfait. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre. Je m'appelle Claude Gelderblom, je suis le président de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique. J'ai avec moi Mme Claude Majeau et M. Robert Pilon.

Au nom de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec, qui représente 65 000 ménages à faibles revenus dont plus de 26 000 vivent des prestations de la sécurité du revenu, nous vous remercions de nous donner encore une fois la possibilité de venir critiquer les aspects les plus inacceptables du projet de loi n° 186 avant qu'il ne soit malheureusement adopté. Même si nous sommes d'accord avec l'objectif du gouvernement de favoriser la réinsertion sociale et économique de nos membres – nous sommes d'ailleurs impliqués dans différents comités de travail avec le gouvernement pour essayer de développer des emplois pour les locataires de HLM – nous n'en désapprouvons pas moins plusieurs aspects importants de la loi n° 186, suffisamment pour vous demander de renoncer à l'adoption de cette loi sous sa forme actuelle.

Si, Mme Harel, vous vouliez vraiment être à la hauteur de vos beaux discours et de vos prétentions progressistes...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous rappelle tout de suite de toujours vous adresser au Président, s'il vous plaît.

M. Gelderblom (Claude): ...minimalement, vous n'adopteriez que des bonifications financières au règlement actuel et la mise en place de programmes d'insertion intéressants et volontaires. Vous laisseriez tomber le reste de votre réforme qui n'en fait qu'une addition de mesures bêtement coercitives, qui n'auront pour seuls effets que de couper inutilement le chèque de milliers de ménages pour les priver encore plus du minimum vital. Nous ne voyons qu'une seule raison pour laquelle vous agissez ainsi, c'est pour faire plaisir à ceux qui souhaiteraient voir les personnes assistées sociales au pic et à la pelle comme le président de l'UMQ et maire de Val-des-Bois, et surtout pour faire des économies en coupant des milliers de personnes, particulièrement les jeunes.

(16 h 10)

Des trous énormes où un gouvernement malveillant pourra nous enfoncer. À plusieurs niveaux, le projet de loi ouvre des portes énormes par lesquelles un gouvernement malveillant pourrait plus tard s'engouffrer par simple voie réglementaire. Prenons des exemples. L'article 63 permet à la ministre de déléguer l'administration du programme de protection sociale à un organisme. Quel organisme? Pour le moment, nous pensons qu'il s'agit de la Régie des rentes, mais ne vaudrait-il pas mieux le nommer pour éviter de mauvaises surprises, au moins spécifier qu'il s'agira d'un organisme public et non pas privé.

L'article 52 et les précédents ouvrent toute grande la possibilité de refuser partiellement ou totalement des prestations de la sécurité du revenu à une personne pour des motifs qui seront définis par règlement. Il n'est probablement pas dans l'idée de la ministre de profiter de motifs technocratiques, tel que manquer un rendez-vous avec un fonctionnaire ou ne pas se chercher activement un emploi, pour couper complètement un ménage – quoique cela se fait déjà dans le cas des jeunes – mais il sera peut-être dans l'idée d'un autre gouvernement, disons, plus conservateur, de profiter de cette possibilité servie sur un plateau d'argent par la ministre.

De nombreux articles mentionnent la composante logement, mais aucun ne la fixe. Est-ce 325 $ ou 139 $? Combien pourra-t-on, par exemple, saisir au nom de cette fameuse composante logement? C'est la réglementation, encore une fois, qui le dira.

Permettez-nous de revenir sur ces cinq points précis de la loi que nous désapprouvons.

Mme Majeau (Claude): Le premier: assurer un minimum vital. La principale critique que nous devons faire au projet de loi n° 186, c'est qu'il n'assure pas le versement d'une prestation de base suffisante pour vivre à tous ceux et celles qui en auront besoin. Le gouvernement doit, dans la loi, indiquer clairement qu'aucun citoyen et aucune citoyenne dans le besoin ne sera privé du minimum vital. De plus, le gouvernement devrait fixer ce montant minimalement au niveau des besoins essentiels qu'il reconnaît lui-même dans l'annexe 12, soit 667 $ par mois pour une personne. Il doit y avoir une limite claire aux coupures que des fonctionnaires en mal de quota pourront faire grâce aux différents règlements mis à leur disposition, sinon notre système deviendra digne des Américains, et nous aurons des milliers de nouveaux itinérants ou «squeegees» qui arpenteront nos rues et qui voleront pour manger. Aucune opinion publique ne souhaite cela. Un simple geste? Commencez donc par maintenir les majorations temporaires pour enfants qui prendront fin, pour certains graduellement, dès le 30 août prochain. Au nom de quel principe de justice votre gouvernement peut-il s'opposer à ce qu'on affirme qu'il y a un minimum en deçà duquel aucun humain ne peut survivre dans notre société riche et civilisée? N'y a-t-il aucune limite à votre volonté de couper les pauvres?

Le deuxième point: La réinsertion à l'emploi ne doit pas être le seul objectif. Le projet de loi, sous prétexte de réciprocité naturelle, comme vous dites, se propose de réduire ou de ne plus accorder d'aide à ceux et à celles qui refuseront d'entreprendre les démarches appropriées à leur situation afin de trouver un emploi convenable. Cette approche est totalement illusoire et ne peut donner que des résultats négatifs. Pourquoi menacer de couper le minimum vital aux gens en difficulté, alors que c'est le marché du travail qui n'offre pas tous les emplois nécessaires et qui rejette les personnes qui ne sont pas suffisamment performantes à leur goût? Dans bien des cas, les personnes qui sont depuis plusieurs années hors du marché du travail. Ou bien les jeunes décrocheurs ont besoin, avant même de s'engager dans un programme de formation ou un stage, de pouvoir se loger et se nourrir convenablement. Ensuite, ils ont besoin de développer leur confiance en eux, d'apprendre à mieux se connaître et à vivre des expériences valorisantes.

Nous croyons que l'implication bénévole et totalement volontaire dans son milieu est assurément un pas vers la réinsertion sociale et aussi vers le marché du travail pour les personnes qui en ont la capacité de le faire, et pour ceux et celles qui ne le pourront peut-être jamais, une contribution utile à la société. Les parcours devraient donc offrir, selon la capacité des individus, des cheminements qui permettraient à une personne sur l'aide sociale de contribuer à la société autrement que par l'emploi; entre autres, par le bénévolat.

Troisième point. Les parcours individualisés vers l'emploi et la formation ne doivent pas être imposés. Nous serions heureux d'applaudir le gouvernement dans son projet de développer et de rendre accessibles et intéressants des parcours. C'est cependant un énorme défi pour votre gouvernement que d'essayer de fournir 62 000 places qui conviendront aux jeunes en se basant sur leurs champs d'intérêts, sur leurs compétences et où ils ne seront plus simplement parqués contre leur gré au profit des statistiques. C'est un défi tellement énorme que vous savez déjà qu'il est insurmontable. Au mieux, seulement 46 % des jeunes pourront être traités convenablement.

Vous en êtes encore à chercher à mettre de l'ordre dans ce vaste secteur où fonctionnaires provinciaux et anciennement fédéraux ne savent plus qui est leur patron, où est leur bureau, quels seront les programmes, et, malgré tout, vous persistez à vouloir appliquer des coupures de 150 $. Avez-vous si peur de ne pouvoir être à la hauteur que vous devez déjà prévoir utiliser la menace pour qu'on traîne les gens à participer aux programmes? Pourquoi devoir menacer de couper deux fois 150 $ sur un chèque de 490 $, alors que les jeunes font du camping pour s'inscrire dans de bonnes écoles pour décrocheurs? L'efficacité de programmes à participation obligatoire n'a jamais été démontrée. C'est même contre-productif. Au contraire, nombreux sont les spécialistes dans l'aide à la réinsertion qui sont intervenus pour expliquer que la participation volontaire à des programmes est gage de meilleur succès. Votre entêtement s'explique d'une seule façon. Idéologiquement, vous n'avez jamais accepté la parité de l'aide sociale accordée par le très social-démocrate André Bourbeau. Vous voulez accorder moins aux jeunes parce qu'ils ont le malheur d'être jeunes et que cela permettrait à votre gouvernement d'économiser peut-être 100 000 000 $ sur le dos des populations facilement marginalisées.

Le quatrième point, la coupure pour partage de logement. Vous avez finalement tenu votre promesse électorale de supprimer la coupure pour partage de logement pour les familles monoparentales. Eh bien, bravo! Mais pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez attendu trois ans pour le faire? Combien de temps attendrez-vous maintenant pour supprimer cette taxe à la débrouillardise, comme vous le disiez si bien vous-même, Mme la ministre, pour les 90 000 autres ménages qui sont injustement pénalisés pour avoir fait preuve de solidarité? L'abolition de cette coupure serait une mesure positive qui aiderait les locataires à payer leur loyer. N'est-ce pas beaucoup plus intéressant que de les saisir? Cette mesure inhumaine est également une absurdité dans le cas des ménages vivant en HLM. Comment peut-on chaque mois se faire amputer notre chèque de 104 $, sous prétexte qu'on réalise une économie en partageant un logement, alors qu'aucune économie de ce genre n'est possible en logement social, puisque le loyer est calculé en fonction des revenus de tous les occupants? Il n'existe aucune économie à partager un HLM. Si vous êtes deux, le loyer est le double.

M. Pilon (Robert): Le dernier point, la saisie des chèques, c'est le plus long. Suite aux nombreuses pressions des groupes de propriétaires concernant le non-paiement de loyer par les personnes assistées sociales, vous recommandez que la Régie du logement puisse ordonner le versement de la composante logement directement au propriétaire pour les mois de loyer à venir. C'est totalement scandaleux que vous nous demandiez de nous prononcer sur cette mesure sans daigner nous préciser les montants qui pourraient être saisis. Un locataire pourrait voir son chèque diminuer de combien pour assurer le paiement de son loyer: 139 $, 275 $, 450 $? Savoir ce qui lui restera pour se nourrir n'est pas une préoccupation théorique ou secondaire.

(16 h 20)

Avant de parler des nouveaux moyens extraordinaires qu'il faudrait à tout prix – quitte à faire des entourloupettes avec la Charte des droits et libertés – mettre en oeuvre pour solutionner les grands malheurs du secteur privé locatif, permettez-nous de vous rappeler que ça fait 25 ans que les propriétaires nous disent fonctionner à perte et être sur le bord de la faillite, cela, malgré le fait que notre régime fiscal leur permet de ne déclarer que 200 000 000 $ de revenus imposables sur les 6 000 000 000 $ qu'ils font chaque année en revenus de location. C'est donc dire, messieurs dames, que le gouvernement les aide déjà passablement beaucoup.

Il faut peut-être aussi rappeler à ces messieurs qu'ils sont eux-mêmes les artisans de leur propre malheur. Dans les années quatre-vingt, le coût des loyers a augmenté deux fois plus vite que les revenus des ménages locataires, en bonne partie à cause de la spéculation dans l'immobilier. Il ne faut donc pas se surprendre si plus de 400 000 ménages aujourd'hui doivent consacrer 30 %, 40 % et même 50 % de leurs revenus pour se loger et, par conséquent, doivent couper dans d'autres besoins tout aussi essentiels.

Un vent de malhonnêteté n'a pas tout d'un coup soufflé sur le Québec pour nous rendre mauvais payeurs. Il suffit de regarder le logement social pour s'en convaincre. Alors que sur le marché privé, les propriétaires parlent avec exagération d'un problème touchant de 20 % à 40 % de leurs locataires, les organismes sans but lucratif qui fournissent des logements respectant la capacité de payer des locataires déclarent des pertes de moins de 1 % de leurs revenus de loyer. C'est 1 % de mauvaises créances. C'est un chiffre très minime quand on sait que les HLM accueillent les locataires les plus démunis. En passant, si vous vouliez avoir le détail sur le 1 % en question de mauvais locataires dans les HLM, j'aimerais juste vous dire que, dans les HLM familles, la moitié des logements sont occupés par des personnes seules et l'autre moitié est occupée par des familles avec enfants. Donc, il serait trop de penser, par exemple, que c'est seulement parce que les HLM sont occupés par des familles avec enfants que ça explique le si bas taux de mauvaises créances. Le logement social fait donc la preuve que, lorsqu'on demande un loyer raisonnable aux personnes assistées sociales, que ce soit des familles ou des personnes seules, celles-ci se font un devoir de le payer.

Dans le cas du 1 % des locataires qui ne paient pas leur loyer dans les logements sociaux, nous avons commencé à obtenir des protocoles des Offices municipaux d'habitation, des CLSC ou d'autres organismes communautaires, afin de fournir un encadrement particulier à ces ménages en difficulté. Comme ce n'est pas une incapacité financière qui est la cause du problème, c'est plutôt une désorganisation sociale, donc, on a commencé à passer des protocoles avec ces organismes-là pour fournir un encadrement aux ménages en question ou aux personnes en question pour éviter que des organismes publics mettent à la rue des personnes, et ça fonctionne. Si les propriétaires veulent diminuer leur taux de mauvaises créances, ils n'ont qu'à baisser le coût de leur loyer. Les HLM le prouvent. C'est le meilleur moyen pour s'assurer que le locataire va payer son loyer. Construisez de nouveaux HLM, et le non-paiement de loyer deviendra un problème marginal au Québec.

Le gouvernement n'a surtout pas à devenir agent de recouvrement pour un secteur privé de l'économie qui n'arrive pas à ajuster ses prix à la capacité de payer de ses clients. Ça aussi, il ne faut pas l'oublier. Les compagnies de chars qui n'arrivaient plus suffisamment, dans les dernières années, à vendre leurs chars, ils ont changé leurs produits. Ils en louent, maintenant; ils les vendent moins cher. Bien sûr, ça a joué sur la qualité, c'est évident, sauf qu'ils ont quand même trouvé le moyen d'ajuster leur marchandise pour en vendre aux différentes brackets de clientèles. On pense que dans le logement, qui est une marchandise... Malheureusement, ce n'est pas un droit social, au Québec, d'assurer un droit à tout le monde, c'est une marchandise. On dit que les propriétaires ont aussi cette part-là de responsabilité d'ajuster le coût de leurs produits à ce que les gens sont capables de payer. Il ne faut pas l'oublier, n'est-ce pas? On est dans un pays de libre entreprise. Alors, ils ont aussi une part de responsabilité là-dedans.

Si votre gouvernement persiste toutefois à vouloir autoriser la saisie partielle des chèques, ce que nous désapprouvons, vous l'aurez deviné, alors, vous devriez au moins avoir la décence de respecter vos propres principes. On voudrait vous en rappeler deux. Il est faux de prétendre que les ménages assistés sociaux bénéficient d'un régime de faveur qui les encourage à ne pas payer leur loyer et que c'est injuste pour les ménages travailleurs qui, eux, peuvent voir leur salaire saisi à la source. Le Code de procédure civile autorise les saisies, mais seulement après qu'un montant de 516 $, pour une personne seule, à titre de prestation de subsistance, en a été soustrait. Appliquons le même principe sans discrimination à la sécurité du revenu, si vous le voulez.

Dans les logements sociaux dont le gouvernement est propriétaire, si vous reconnaissez que les locataires à faibles revenus n'ont pas à consacrer plus de 26 % de leurs maigres revenus pour se loger, vous n'avez pas le droit d'imposer une règle plus dure aux locataires pauvres contraints d'habiter dans le secteur privé. Il est totalement inadmissible que vous proposiez de pouvoir remettre directement aux propriétaires d'immeubles locatifs 40 % ou même 50 % d'un chèque d'aide sociale qui, vous le reconnaissez vous-mêmes, ne couvre pas tous les besoins essentiels.

Selon nous, la mesure proposée n'atteindra pas ses objectifs. Pourquoi? Premièrement, aucun propriétaire ne se contentera de la saisie d'une partie seulement du loyer, il voudra la totalité de son dû, à défaut de quoi il continuera d'aller à la Régie pour obtenir la résiliation du bail et l'éviction du locataire. Cette mesure n'assurera donc pas le maintien dans les lieux du locataire, à moins que la composante logement du barème mensuel – cette fameuse inconnue dont vous nous réservez la surprise – ne soit énorme.

Tantôt, quand des gens de la CORPIQ disaient qu'ils souhaitaient que le montant nominal du bail soit respecté, je pense que c'est leurs attentes, justement, que la partie saisie corresponde le plus possible à ce qui est écrit sur le bail, sinon ils ne seront pas contents. Et qu'est-ce qu'ils vont faire? Ils vont aller à la Régie et en résiliation.

Si la partie que vous autorisez de saisir est grande et satisfaisante pour que le propriétaire accepte de garder le locataire en place, ce que ça veut dire, c'est que c'est votre gouvernement qui choisira d'assurer le paiement du loyer au propriétaire plutôt que de permettre à un ménage de se nourrir ou d'habiller ses enfants. Quant à eux, les locataires pauvres préféreraient devoir quitter le logement, car, entre faire attendre le propriétaire quelques mois et avoir un peu d'argent pour nourrir les enfants, le choix se fait sans hésiter. Qu'est-ce que vous pourriez conseiller à une personne qui a 490 $ de revenus et un loyer de 372 $? Ce n'est pas des chiffres hypothétiques, c'est le loyer moyen payé par les personnes assistées sociales vivant seules au Québec. Et c'est une moyenne, hein, Donc, à Montréal c'est plus cher; dans l'Outaouais, c'est plus cher. Qu'est-ce que vous conseilleriez à ces gens-là? Paie ton propriétaire et ne mange pas?

En rien votre mesure ne va changer quoi que ce soit à ce dilemme. Au contraire, vous allez plutôt l'aggraver en prenant ouvertement parti en faveur des propriétaires. Pourquoi ne pas prendre parti en faveur du paiement de l'épicier? Ça assurerait au moins un peu de nourriture. Avant d'assurer à M. Jean Côté, de la CORPIQ, ou à d'autres le paiement de leurs profits, on préférerait que vous preniez parti pour Métro, l'épicier, pour assurer que les gens puissent manger. Et, selon nous, ce n'est pas au gouvernement de décider comment la maigre prestation de subsistance sera dépensée. Loin de diminuer la discrimination, cette mesure marquera au fer rouge les locataires contre qui une ordonnance aura été prononcée et qui les suivra ensuite partout dans leurs recherches de leur logement. Quel locateur futur voudra louer à un ménage récidiviste? Les corporations de propriétaires sont d'accord avec cette mesure, peu importe le montant de saisie que vous autoriserez, car ils savent que c'est un pas décisif vers la saisie complète du chèque d'aide sociale à la seule fin de payer le loyer. Peu importe que ce soit votre intention ou non, c'est assurément ce qui arrivera dans les prochaines années, si vous décidez d'ouvrir cette porte. Une fois ouverte, les propriétaires auront le pied dans la porte et vous ne pourrez plus la refermer.

Pour terminer, messieurs dames, si vous êtes malgré tout sensibles aux revendications des propriétaires et que vous cherchez une mesure utile qui fera consensus pour les aider, très bien, alors abolissez la coupure pour partage de logement – même la CORPIQ, qui nous a précédée, vous l'a déjà demandé – vous permettrez ainsi positivement aux gens d'avoir un tout petit peu plus les moyens de payer leur loyer.

Et, pour finir, si jamais cette loi-là est adoptée et qu'on doit passer à l'étape des règlements, c'est clair qu'on souhaite très fortement, et on vous en supplie, que les associations de propriétaires ne soient pas associées à la rédaction des règlements.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. J'inviterais maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: Alors, Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Pilon, Mme Majeau. Je crois que, Mme Majeau, vous êtes organisatrice à la Fédération. M. Gelderblom, c'est ça, vous en êtes le président. Vous êtes de Montréal, je crois, hein?

M. Gelderblom (Claude): Non, de Rivière-du-Loup.

Mme Harel: De Rivière-du-Loup.

M. Gelderblom (Claude): C'est ça.

(16 h 30)

Mme Harel: Alors, si vous voulez, on va reprendre – je sais que j'ai peu de temps puis que j'ai des collègues aussi qui veulent échanger avec vous – le mémoire, par exemple, page 2: «Des trous énormes où un gouvernement malveillant pourra nous enfoncer.» L'article 63. Vous dites vous inquiéter du fait que la Régie des rentes n'est pas spécifiée; il y a déjà un amendement qui a été annoncé à l'effet que ce sera définitivement un organisme du gouvernement du Québec.

Ensuite, l'article 52. Vous dites que cet article ouvre toute grande la possibilité d'exclusion. N'est-ce pas? Alors, déjà, également, il y a... Étant donné que ce n'était pas du tout ça l'intention et qu'il ne faut pas donner lieu non pas seulement à – attendez, comment dites-vous – un gouvernement malveillant mais à des interprétations malveillantes, alors, il va y avoir aussi un amendement pour clarifier l'ensemble de ce dispositif de manière à ce qu'il soit bien dit qu'un manquement à une obligation reliée aux démarches d'intégration à un parcours ne peut conduire à une suspension. Alors, ça va être clairement exprimé, parce que ce n'était d'aucune façon l'intention.

D'autre part, je veux vous rappelez... Parce que vous faites une comparaison avec le système américain... Vous dites: Notre système deviendra digne des Américains. Alors, là, vous savez que les États-Unis, je ne sais pas, vous êtes sans doute informé qu'aux États-Unis une personne seule n'a aucune aide sociale, une personne seule, elle a des «food stamps», rien d'autre, quel que soit l'âge. On n'a pas de ça, on n'est pas là, hein. Puis imaginez-vous qu'un ménage avec enfants, aux États-Unis, c'est quelque chose d'inouï, c'est une durée continue maximale de deux ans. Ça a commencé en juillet 1996 – je ne sais pas comment ils vont s'organiser, là – mais ça se termine en juillet de cette année. Après, c'est fini. Avez-vous idée de ce que ça signifie? Puis au plus tard, dans toute une vie, c'est cinq ans. Cinq ans, au plus tard, dans toute une vie.

M. Copeman: C'est financé par le fédéral. L'État peut faire autre chose.

Mme Harel: Mais mon adjointe, ici, est allée aux États-Unis en mission avec la sous-ministre pour vraiment vérifier comment ça se passait, puis elle est même allée dans des États riches, l'Oregon, je crois, l'Oregon, la Californie, puis il n'y a rien d'autre que ce que je vous décris. Alors, disons que ce n'est pas de ça dont il s'agit. Alors, il faut se replacer dans le contexte. Puis je maintiens que ce n'est pas non plus le «workfare» de Harris. D'abord, du «workfare», ça ne marche pas. Le «workfare», nulle part où ils l'ont essayé ça a marché. Le «workfare», c'est une patente, excusez-moi, qui met en place énormément de système bureaucratique pour finalement faire en sorte que les gens n'en sortent pas.

Ce qui est derrière ce qu'on propose, c'est finalement une loi qui a été adoptée l'an dernier et qui décloisonne les mesures d'employabilité, les abolit, en fait, parce qu'elle les intègre à un ensemble de mesures d'aide à l'emploi qui vont être offertes par Emploi-Québec à tous les demandeurs d'emploi. Donc, il faut... On a le droit d'être en désaccord, mais en même temps il faut aussi faire attention pour que le désaccord soit dans un contexte. Je pense en particulier, à la page 4, aussi, concernant le bénévolat. C'est déjà une directive qui est écrite, qui est dans tout le réseau et qui prévoit qu'on ne doit pas pénaliser personne qui fait du bénévolat. Et, en plus de ça, il y aura aussi un amendement apporté à l'article 5 du projet de loi, qui va prévoir la possibilité pour un prestataire qui réalise certaines activités à titre de bénévole de pouvoir bénéficier d'une aide financière à titre de frais de subsistance ou de frais supplémentaires. Ça va se lire ainsi: «Un prestataire peut demander au ministre de reconnaître une activité qu'il réalise à titre de bénévole auprès d'un organisme sans but lucratif.» Bon. Ça, c'est, je pense, à la page 4 de votre document.

Bon. Là, vous nous dites: 62 000 places. Vous avez en tête, sans doute, 62 000 jeunes de moins de 30 ans, mais la mesure qui concerne les 18-24 ans, c'est 36 000 d'entre eux, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas d'enfants, ceux et celles qui n'ont pas d'enfants et pas de handicap. C'est un total de 36 000. Le 46 %, c'est un chiffre qui circulait sur le 60 000 et qui correspond exactement au parcours des jeunes, si vous voulez, de 18-24 ans, pas de handicap, pas d'enfants. Mais, de toute façon, le plan d'action annuel que le gouvernement va signer avec les partenaires du marché du travail – patrons, syndicats et milieux communautaires – dans l'employabilité et main-d'oeuvre, c'est un plan d'action qui va avoir des cibles de résultats. Là, il ne s'agit pas de mettre du monde pour le faire participer à des mesures qu'ils ne veulent pas. C'est un parcours individualisé avec des cibles de résultats, pas de cibles de résultats de combien de monde a participé, des cibles de résultats pas seulement de combien de monde est sorti, mais des cibles de résultats de combien de monde est rentré en formation, est rentré en emploi. Ça va être ça les cibles de résultats du plan d'action annuel.

Alors, tout ça pour vous dire que, dans les cibles de résultats, le pourcentage qui est prévu pour rejoindre les jeunes, puisque chaque cible suppose une stratégie qui se décline au niveau régional local, c'est le même pourcentage que ce que les jeunes occupent comme poids au niveau du chômage dans notre société, puis c'est à peu près 23 %. Donc, sur les 300 000 participations prévues, c'est autour de 69 000, si vous voulez, la participation qu'on se fixe. Mais, en même temps, vous êtes conscients que, s'il n'y a pas de proposition de parcours, il n'y a pas de pénalité. Il faut qu'il y en ait une puis que cette proposition-là, d'un parcours, soit une proposition qui agrée, n'est-ce pas? Vous savez qu'il y a un dispositif avec des recours. Et le recours est même un recours, si vous voulez, plus large, puisque le fait d'invoquer un motif valable... Vous avez dans la jurisprudence: motif valable, motif sérieux. Tout ça a des poids différents. Puis motif valable, c'est celui qui est le plus large, finalement.

Bon, ensuite de ça, on parle beaucoup de pénalités. Vous savez, le budget, c'est 4 200 000 000 $, je pense, parce que toute la partie allocations familiales, la couverture des besoins essentiels des enfants a été transférée à la Régie des rentes qui relève du ministère de la Famille et de l'Enfance. Savez-vous que, sur ce budget de 4 200 000 000 $, il y a à peu près 3 500 000 000 $ pour la sécurité du revenu. Et 3 500 000 000 $, c'est 0,33 % de ce budget. Les pénalités, toutes les pénalités, c'est 15 000 000 $, celles qui s'appliquent, dont on parle beaucoup, n'est-ce pas, toutes les pénalités additionnées. N'est-ce pas? C'est bien ça, hein? Toutes les pénalités additionnées dans une année, c'est 15 000 000 $. Je ne vous dis pas que ce n'est rien. Mais, si vous pensez que c'est ça qui est appliqué pour les compressions, on ne parle pas de la même affaire, là. Le budget, c'est 3 500 000 000 $, c'est 0,33 % du budget au complet. C'est comme si on parlait du 99,7 %, puis après on parle du 0,3 %, si vous voulez, trois, c'est bien ça.

Alors, on n'est pas dans le même ordre de grandeur. Je peux comprendre qu'il y ait des questions de principe, etc., mais de là à faire peur au monde, surtout des gens qui sont souvent fragiles, avec raison aussi, parce qu'ils ont un budget à administrer, puis c'est serré. Mais, je le dis, je crois vraiment... D'abord, je veux vous féliciter, aussi, par exemple, avant de terminer, pour ce que vous avez mis en place avec les offices municipaux d'habitation et les CLSC, je pense que c'est une façon vraiment positive de procéder. Mais, moi, je pense que, dans les circonstances, ce qui nous est proposé, c'est un moratoire. Vous savez que ça a été souvent invoqué ici depuis le début de la commission, un moratoire sur l'application du parcours obligatoire pour les jeunes, en disant: Prouvez-nous que vous l'offrez, puis on verra. Mais, dans le fond, tout le monde dit oui au parcours.

(16 h 40)

D'autre part, je comprends aussi que vous avez beaucoup mobilisé contre le dispositif qui est proposé dans les cas de non-paiement de loyer, mais vous êtes conscients que c'est quand même un compromis, tout ça. C'est un compromis. Je ne sais pas si vous avez assisté aux présentations des associations de propriétaires. Je crois vraiment que ça n'a pas dû être simple d'amener leurs membres à convenir – ce n'était pas ce qu'ils demandaient, il était loin de la coupe aux lèvres – mais que finalement ça exigeait de leur côté aussi, là.

Alors, pour toutes ces raisons, je crois qu'on va continuer, en tout cas, de regarder attentivement tout ce qu'on peut faire de mieux, mais il faut faire quelque chose.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...est-ce que ça vous amène à commenter?

M. Pilon (Robert): Je trouve intéressants les quelques amendements que Mme Harel a apportés. On aime bien prendre des amendements et on aimerait en avoir beaucoup. Ils sont tous plaisants à prendre.

Deux choses. La première. Sur l'article 51 et l'obligation d'être actif pour se trouver un emploi sous peine de se faire couper partiellement ou totalement sa prestation, Mme Harel tient des propos – je peux dire Mme Harel maintenant...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En vous adressant au président, ça s'en va vers là.

M. Pilon (Robert): ...O.K. en tout cas – rassurants, sauf que cette loi-là, à ce que je sache, elle va rester. Les gouvernements peuvent passer, heureusement, malheureusement, ça dépend des cas, mais les gouvernements peuvent changer. La loi, elle, va être là. Et notre crainte, c'est clair, c'est que d'autres gouvernements ou d'autres ministres moins bien intentionnés que la ministre actuelle en profitent au maximum. Et ce qu'on pense, c'est qu'il y a là, servies sur un plateau d'argent, des dispositions qui pourront être utilisées de façon beaucoup plus réactionnaire. Ça, ça ne nous plaît pas du tout. Donc, malgré des paroles rassurantes qu'on croit, qu'on ne demande pas mieux que de croire, on n'est pas plus d'accord avec cet article-là. Sur les coupures, ce qu'on dit, c'est qu'il devrait y avoir des limites, et, dans le projet de loi, il n'y en a aucune. Coupures partage de logement: deux coupures parce que tu refuses d'embarquer pour x raisons dans des parcours. On dit qu'il n'y a pas de limite dans le projet de loi. On voudrait qu'il y en ait.

Troisième chose, c'est ma dernière. C'est sur la saisie des chèques. La raison pour laquelle les associations de propriétaires ont réussi à faire accepter par l'ensemble des propriétaires ce compromis-là, il n'est pas compliqué, c'est que localement ils se sont fait dire que, ça, c'était le premier pas, puis qu'ensuite quand viendrait la bataille du règlement, c'est là que ça se jouerait, puis que dans le règlement, le montant saisi ne serait pas petit, il serait gros. Ça, c'était la première période, puis que la deuxième période allait venir. Bien, nous, c'est bien de valeur, mais on n'en veut pas de deuxième période. On veut fermer la porte maintenant. On pense qu'il y a d'autres méthodes plus civilisées que de saisir la prestation de subsistance des personnes. Encore là, on est craintifs par le fait que le gouvernement peut être très rassurant, et on peut penser que le règlement qui va suivre ne prendra pas le... Pour reprendre l'exemple qui a été donné tantôt par M. Côté, de la CORPIQ, qui disait: On va peut-être avoir 325 $, mais notre loyer en coûte 425 $, et on tient au 425 $. On craint que, même si dans la première version du règlement, on met effectivement 139 $, ou 275 $, ou 325 $ que, dans les versions futures du règlement – et c'est facile à changer un règlement pour un gouvernement; c'est plus difficile de changer un gouvernement qu'un règlement – on se retrouve en bout de ligne avec le montant total et qu'effectivement il ne reste plus rien en prestation pour manger. C'est notre crainte, puis c'est pour ça qu'on ne veut pas jouer ce jeu-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. C'est à mon tour de souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique: M. le président Gelderblom, M. Pilon, Mme Majeau.

Je vais tenter immédiatement de prendre quelques minutes simplement pour faire un commentaire. Je pense que Mme la ministre a fait un lapsus tantôt. Ça se peut, encore. Je pense, peut-être pas... Mais, si elle n'a pas fait un lapsus, nous avons une nouvelle interprétation du 46 %. C'est parce que ça a été fort clair, il y a 10 jours, à une réunion, semble-t-il, de la Commission nationale des partenaires du marché du travail que, quand on a sorti le chiffre 46 %, en tout cas, c'était très clair pour M. Larose, peut-être pas clair pour tout le monde, mais l'interprétation donnée par Denis Lessard dans La Presse , repris par beaucoup de monde, c'est que l'État ne sera pas capable d'offrir que 46 % des places sont déjà visées par le parcours obligatoire. Là, Mme la ministre a dit tantôt: c'est 46 % de tous les 60 000 jeunes. Le parcours obligatoire ne s'applique pas, effectivement, à 60 000 jeunes. Il faut soustraire de ça les gens qui sont considérés avec des contraintes sévères à l'emploi ou qui ont des enfants à charge. Quand on fait cette soustraction-là, on tombe dans un bassin de 36 000.

M. Larose, qui, à ma connaissance, est membre de la Commission nationale des partenaires du marché du travail a compris que l'État serait en mesure d'offrir 46 % des 36 000 parcours. Et même, voyez-vous, je suis obligé de me fier un peu sur le titre de presse, je n'étais pas là. Si Mme la ministre veut dire autrement, elle va corriger les faits. Mais, je cite l'article, selon la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, quand on dit qu'il y a des places pour seulement 46 % des bénéficiaires, on ne parle que, citation, «des parcours individualisés». Alors, même là, Mme la ministre a laissé entendre qu'effectivement il n'y aura de la place que pour à peu près la moitié des gens visés dans le parcours obligatoire. Si ce n'est plus le cas, on va tous se réjouir. Ça va prendre des crédits supplémentaires en quelque part. On va faire le débat à un moment donné, et ça serait très intéressant. Mais, effectivement, une de nos raisons majeures pour lesquelles on ne comprend pas l'entêtement du gouvernement de procéder avec un parcours obligatoire, c'est que, selon toute notre compréhension, l'État ne sera pas capable de l'offrir à tout le monde qui est visé. Alors, pourquoi mettre quelque chose qui est obligatoire dans la loi quand l'État admet d'avance qu'on ne peut même pas satisfaire tout son monde. Ça, c'est à part de la philosophie de si c'est bon ou pas bon d'avoir un parcours obligatoire. Il faut se poser la question aussi. Il y a beaucoup d'études qui démontrent que, quand quelque chose est obligatoire, il est moins efficace que quand il est incitatif et volontaire. On va faire ce débat-là à un moment donné pendant le projet de loi.

Pour la première fois, Mme la ministre a très clairement annoncé quelques amendements qui vont dans le sens souhaité. Je pense que c'est une bonne chose. On souhaite comme vous qu'il y en ait d'autres. Il y en a d'autres à venir, je le sais. On va en prendre connaissance au fur et à mesure. C'est très intéressant.

Vous parlez de quelque chose qui, quant à moi, est fort intéressant au niveau de la saisie de la composante du loyer. Il y a toute la question de la réglementation, qui est majeure, pour nous aussi. Mais vous soulevez le fait... Parce que, là, on parle d'équité, souvent. On dit que, si on n'est pas une personne assistée sociale, on peut avoir un jugement d'une cour qui donne lieu à une saisie ou à une perception, même automatique, sur le chèque. Vous soulevez le Code de procédure civile qui indique qu'en bas d'un certain montant on ne peut pas, même suite à une ordonnance d'un tribunal, faire une saisie en bas de 516 $ par mois. À ma connaissance, la prestation de base est de 490 $. Là, j'avoue que pour la première fois, quand je le vois noir sur blanc, on propose d'aller plus loin, en termes de saisie, avec la composante logement, que ce qui est permis dans le Code de procédure civile. J'allume, là! Ça m'a pris un peu de temps. Ça m'a pris des chiffres noir sur blanc, sur papier, mais c'est fort intéressant, votre argumentation.

(16 h 50)

Comment est-ce qu'on peut faire la saisie d'une composante logement pour une personne assistée sociale, quand le Code de procédure civile empêche une saisie de n'importe quel montant en bas de 516 $, quand la prestation de base est de 490 $? Ça, il faudrait que la commission se penche là-dessus au moment de l'adoption de l'article 31. Je ne sais pas si vous avez des commentaires additionnels à faire là-dessus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Pilon (Robert): Un commentaire. C'est que, dans le cas d'une personne qui travaille au salaire minimum, effectivement, ça s'applique. Tu ne paies pas ton loyer; le propriétaire va à la Régie. La Régie passe son jugement. Ensuite, tu vas en Cour du Québec, et, avec la décision de la Régie, tu peux obtenir une saisie sur salaire, et c'est un fait que, dans le cas d'une personne seule, le premier 512 $ ne sera pas touché. Ensuite, on peut prendre – il y a différentes procédures – 30 % du reste... Bon, grosso modo.

Il faut voir aussi qu'est-ce qui peut... Si on disait: On est contre la saisie des chèques, mais, si vous vouliez faire ça, ne touchez pas à la prestation de base de subsistance... Il y a d'autres montants. Prenons un exemple: la nouvelle allocation pour enfants. Selon nous, elle ne devrait pas non plus être considérée dans ce qui pourrait être saisissable, parce que ce n'est pas de l'argent – et on en est très heureux – qui est donné aux parents, c'est de l'argent qui est donné aux enfants. Ce n'est pas, selon nous, avec cette prestation-là, donnée dorénavant aux enfants, qu'on devrait saisir pour payer le propriétaire. On est d'accord avec cette démarche-là du gouvernement; on l'applaudit. C'est de l'argent pour les enfants, ce n'est pas de l'argent pour le père ou la mère de famille. Donc, ça ne devrait pas être considéré dans ce qui devrait être saisissable.

Selon nous, c'est... Juste faire attention. Quand on cherche des solutions, bien, ce qu'on dit, c'est: Il ne faudrait pas être plus... Puis, quand on parle de discrimination, on dit: Il existe déjà des règles – il en existe une concernant les saisies – bien, on ne devrait pas être plus durs dans le cas des bénéficiaires de l'aide sociale qu'on l'est pour quelqu'un qui travaille au salaire minimum.

Peut-être juste une autre chose, en passant, par rapport à des commentaires que j'ai entendus tantôt sur le fait que les propriétaires étaient mal couverts par la loi, tout ça. Si j'achète un frigidaire chez Woodhouse Légaré puis que je ne le paie pas, je ne suis plus capable de le payer, Woodhouse Légaré, ses recours, c'est quoi? C'est qu'il reprend le frigidaire. Si j'ai une voiture pour travailler, que je ne suis plus capable de la payer, c'est quoi, le recours? La Ford reprend la voiture. Bien, il y a le même recours avec la marchandise, qui est le logement. Si je ne suis pas capable de payer mon loyer... Je l'ai payé pendant 10 ans, mon loyer, pendant 20 ans, je ne suis plus capable de le payer, bien, le recours, il y en a un. Le propriétaire, M. Jean Côté, de la CORPIQ, peut reprendre le logement. C'est un énorme recours. Ça fait mal. Je veux dire, te faire expulser de ton logement, ce n'est pas rien. Donc, il existe un recours pour les propriétaires. Il ne faut pas dire qu'il n'y en a pas du tout.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Je laisse la ministre compléter une information; je reviens après.

Mme Harel: C'est que l'intervention de M. Pilon m'amène à une question: Dans la mesure où le locataire, justement, est sujet à cette éviction – vous dites que ça fait mal, là – le droit est là, et ça, ce n'est pas en cause, n'est-ce pas, parce que c'est comme ça. Alors, dans la mesure où le locataire dit: Moi, j'aimerais mieux rester dans le logement... Parce que, contrairement à la saisie du Code de procédure civile, vous savez, c'est juste pour les choses échues. Une créance qui donne lieu à une saisie, c'est pour quelque chose qui est dû, ça s'appelle une créance antérieure. Ce n'est pas ça dont il s'agit ici, là, il n'y a personne qui collecte pour quelque chose qui est dû, c'est tout simplement pour quelque chose à venir, c'est-à-dire dans la mesure où il y a maintien dans les lieux. C'est bien différent, là. Parce que, vous voyez, si c'était pour payer la créance échue, je crois qu'à ce moment-là on aurait une situation similaire à celle du Code de procédure civile. Et le Code de procédure civile ne s'applique pas du tout quand ce n'est pas dû. C'était ça d'ailleurs le problème des pensions alimentaires, parce qu'il y avait défaut de paiement. Puis, à chaque fois, il fallait que la chef de famille retourne se chercher une saisie ou il fallait qu'elle attende de ne pas avoir le versement.

Mais je dis tout ça parce que, dans la mesure, justement – vous ne pensez pas – où, dans la vraie vie, il y a des gens qui vont préférer, mais préférer, là, ne pas être évincés, ne pas être mis sur le trottoir, ne pas être dans la rue, vont préférer de loin rester dans les lieux. J'ai la part du barème qui est versé. Tantôt, vous sembliez craindre que, dans un règlement, ça soit augmenté. Mais n'oubliez pas: Si ce montant-là était augmenté, c'est parce que l'ensemble des prestataires verraient leurs prestations augmenter. C'est la part du barème consacré au logement qui serait versée.

M. Copeman: Ce n'est pas ça que ça dit dans la loi.

Mme Harel: Ah, bien oui! c'est...

M. Copeman: Non.

Mme Harel: ...c'est la part du barème. C'est la composante logement, la portion logement.

M. Copeman: Non, ce n'est pas ça que ça dit dans la loi, à l'article 31, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le temps qu'on vérifie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, auriez-vous une intervention à faire?

Mme Harel: Bien, écoutez, quand on sera rendu, c'est ça, l'idée...

M. Copeman: «Lui verser une partie de la prestation au locataire.»

Mme Harel: C'est la composante logement, puis on le précisera. C'est ça, l'intention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça, on débattra ça article par article.

Mme Harel: C'est ça. Mais comprenez ce que je veux dire: c'est que la composante logement, si elle augmente, bien, ça améliore le sort des gens.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On reviendra article par article. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, est-ce que vous voulez revenir?

M. Copeman: Non, en autant... En tout cas, à la lecture, à sa face même, à l'article 31, ça ne dit pas «la composante logement». Ça dit: «...verser une partie de la prestation au locateur, selon le montant et les conditions prévues par règlement.»

Si la ministre veut l'amender pour que ça reflète la composante logement, bien, là, on est dans une autre dynamique, parce que, effectivement, la composante logement est connue à l'intérieur du ministère, et on saura de quoi on parle. Ça serait un amendement qui pourrait clarifier la situation, peut-être, effectivement.

Voyez-vous, M. le Président, l'utilité d'avoir ces amendements avant qu'on commence l'étude détaillée pour dissiper la confusion et éviter des argumentations stériles, n'est-ce pas?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On continue?

M. Copeman: Très bien. Oui.

Mme Harel: Je pense que le député de Notre-Dame-de-Grâce le sait. Je le lui ai proposé...

M. Copeman: Oui.

Mme Harel: ...et j'ai proposé même une séance – je la proposerai aux membres de la commission aussi, évidemment – avec les légistes, pour tout connaître les amendements avant qu'on commence à discuter, pour qu'on le fasse intelligemment.

M. Copeman: Oui. Une dernière petite question, M. le Président, avant de terminer. Avec votre expertise, je comprends que votre situation est légèrement différente de celle de la FRAPRU ou d'autres organismes, parce que vous représentez des gens qui sont sur l'aide de dernier recours, qui vivent déjà dans des habitations à loyer modique dont le maximum de loyer est fixé. Il me semble, en tout cas j'espère, que vos relations avec vos propriétaires sont possiblement plus harmonieuses que dans le parc général de logements, parce que, effectivement, il y a ce maximum.

L'argument qui nous est servi, de temps en temps, et par la ministre et par les représentants des propriétaires, c'est que cette saisie va aider les prestataires de l'aide sociale dans le marché public de location pour deux raisons: ça va rassurer les locateurs, les propriétaires, qui vont toujours être capables de percevoir une partie de leur chèque et, par la suite, ça va diminuer, même, la discrimination qui se fait contre des personnes assistées sociales quand elles sont à la recherche de logements.

Moi, j'ai une difficulté à évaluer ces prétentions. Qu'en pensez-vous, de cette argumentation? Est-ce que vous pensez que ça a une certaine logique, cet argument-là?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Pilon.

(17 heures)

M. Pilon (Robert): Écoutez, ce qui m'a frappé tantôt, je le répète, c'est quand M. Côté, de la CORPIQ, a dit qu'il tenait à avoir, et je cite: «...le montant minimal du bail soit respecté.» Pour moi, c'est clair que ces propriétaires n'ont pas le montant pour lequel ils ont signé des contrats avec les locataires, qui vont continuer d'aller à la Régie du logement en résiliation de bail, qui ne renonceront pas à percevoir 100 $, 150 $, 200 $, 250 $. Ça dépend du montant de la saisie qu'on va autoriser. Je suis convaincu que les propriétaires n'abandonneront pas cette volonté-là d'avoir leur plein montant et que, donc, il va y avoir, l'an prochain puis dans deux ans, autant de requêtes à la Régie en résiliation de bail.

Dans le cas que Mme Harel soulevait tantôt, c'est-à-dire des mères de familles sur l'aide sociale qui ont... Tu sais, le frigidaire pète, là. C'est ça qui arrive dans la réalité, hein? Le frigidaire lâche, il faut que t'en rachètes un autre. T'as juste ton chèque, c'est la rentrée scolaire, qu'est-ce que tu fais? Et, donc, ça arrive que des gens retardent le paiement parce que ça... Et heureusement qu'il n'y a pas de saisie. T'as ton chèque. Ça fait longtemps que tu l'attends. Le premier du mois, là, tu sais, ça fait déjà deux semaines que tu l'attends, ton chèque. Là, tu l'as, tu peux toi-même le gérer puis dire: Bon, bien, là, le propriétaire, il va attendre. Je vais lui en donner juste la moitié puis je vais lui dire: Le reste va suivre la semaine prochaine. Puis je vais me servir de ça pour payer les frais scolaires, pour payer la nourriture, pour payer... Tu sais, la liberté de gestion, ce n'est pas grand-chose, c'est gérer le chèque, la misère.

Donc, les gens ont marge de manoeuvre, puis, effectivement, ce qu'ils font attendre, c'est les créanciers. Et c'est une bonne chose qu'ils les fassent attendre parce que, sans ça, ils seraient dans le trouble. Et ces gens-là qu'ils font attendre, eux autres, ils vont manger, alors que, toi, si tu les paies – puis, encore pire, si c'est pris à la source – c'est tes enfants que tu ne pourras plus faire manger. Donc, moi, j'ai l'impression que ça ne réglera pas le problème des propriétaires à avoir le plein montant, et ils vont continuer à aller à la Régie du logement. Par contre, ça va mettre en tutelle puis ça va mettre dans le trouble les mères, le premier du mois, qui, actuellement, ont la possibilité de faire attendre un créancier et qui, là, ne l'auront plus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

Mme Harel: ...je pense que vous l'avez dit tantôt que, avec l'allocation familiale, le premier du mois, il y a une partie qui est incessible et insaisissable.

M. Pilon (Robert): Ces deux chèques, vous avez raison.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, est-ce que vous me donneriez la permission de prendre de votre temps? J'ai trois interventions, trois députés qui voudraient intervenir, et il me reste deux minutes du côté ministériel.

M. Copeman: Ça dépend lesquels.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je suis persuadé que, avec votre gentillesse habituelle, vous allez dire oui. Mme la députée de Sherbrooke, et encore en vous rappelant que, en tout et partout, on a environ sept minutes pour trois interventions. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bon, alors, je vais aller à ce qui m'intéresse le plus pour ne pas abuser de la générosité de notre collègue d'en face. J'aimerais que vous parliez un peu plus des protocoles entre les offices municipaux d'habitation et les CLSC. Ma collègue y a fait référence tout à l'heure, mais je comprends qu'il s'agit, donc, de protocoles particuliers dans le cas de locataires qui ont des difficultés. Vous soulignez que ça peut être des problèmes sociaux. Vous évoquez l'alcoolisme, la toxicomanie, la violence conjugale, etc. Donc, je suppose que ça peut recouper une partie des gens auxquels nous aussi, on pense quand on dit: Il y a un pourcentage de gens qui n'arrivent pas à payer. Et un protocole, c'est toujours une forme d'entente avec des engagements réciproques. Peut-être que ça pourrait être intéressant pour nous de savoir un peu plus précisément ce que ces protocoles contiennent.

Mme Majeau (Claude): Bien, ce n'est pas très compliqué, c'est des ménages qui ont de la difficulté à payer leur loyer en HLM. C'est 25 % du revenu qui est consacré pour le loyer, et il arrive un moment où des ménages prennent des retards de loyer. Les offices ont les mêmes procédures qui existent pour les offices municipaux que pour le marché privé. La plupart du temps, ils se rendent à la Régie du logement en résiliation de bail. Au lieu de mettre le monde dehors un coup qu'ils ont le mandat de résiliation de bail, ce qu'ils font, ils vont voir le CLSC avec la personne si la personne est volontaire et ils signent une entente qui a pour objectif de faire en sorte que la personne soit accompagnée – prenons le cas d'un CLSC – pour gérer son budget sur une période déterminée – les deux institutions et la personne – ce qui fait que l'office s'assure que, en gardant la personne, il y a un suivi pour qu'elle arrive à payer son loyer, mais un suivi intelligent et non une tutelle, dans le sens où la personne apprend à gérer son loyer autrement, apprend à prendre ses responsabilités et non se décharger comme la saisie le ferait, dans le sens où une saisie, ça ne rend pas les gens plus responsables, qui ont des problèmes, ça fait juste leur dire: Bien, t'es pas capable de le faire tout seul, on va le faire à ta place.

Mme Malavoy: Mais, dans le protocole, j'imagine qu'on peut en venir, de façon intelligente, comme vous dites – je ne mets pas ça en cause – par exemple, à identifier qu'il faut arriver à mettre de côté tant d'argent pour payer le loyer...

Mme Majeau (Claude): Bien, tout à fait.

Mme Malavoy: ...et donc ensuite répartir les dépenses en conséquence.

Mme Majeau (Claude): Tout à fait.

Mme Malavoy: Ce sur quoi vous mettez l'accent, vous, c'est sur le fait que c'est une démarche volontaire.

Mme Majeau (Claude): Volontaire. La personne constate qu'elle va perdre son HLM si elle ne se prend pas en main, donc décide: Je le «veux-tu» ce logement-là ou je le veux pas? Je le veux. Bon, qu'est-ce que je suis prête à faire?

Mme Malavoy: C'est volontaire, mais, en fait, si on ne fait rien, on est dehors, là. Donc...

Mme Majeau (Claude): Tout à fait. Le droit de mettre la personne dehors existe, et les personnes qui ne se prennent pas en main, elles sont mises dehors parce qu'elles ne paient pas leur logement. Et même les locataires vont jusqu'à rembourser leurs dettes, leurs arrérages par des ententes comme ça, et ça donne des résultats intéressants. Ça règle le problème.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe. Je m'excuse, je suis obligé de procéder rapidement.

M. Dion: Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous assurer que, si on est ici, c'est parce que ce que vous avez à dire nous intéresse beaucoup. On y est volontairement, bien que je ne dirais pas complètement volontairement, on y est aussi obligé. On a des obligations comme parlementaires, imaginez-vous. C'est rare, hein? Mais on a des obligations. Et c'est justement sur cette question-là que je veux vous parler. Bien que vous soyez de la Fédération des locataires, vous vous êtes intéressés à l'ensemble du projet de loi, et, moi, je voudrais m'intéresser plutôt à l'aspect de l'obligation.

Et très rapidement... Je veux sauter par-dessus beaucoup de choses. Vous dites: Bon, c'est un défi qu'on lance à l'État d'avoir suffisamment de parcours, et tout ça. Moi, je pense que c'est des faux problèmes, tout ça, parce que, en fait, l'obligation, c'est de ne pas refuser quand il y en a. Donc, dire qu'il n'y en a pas assez pour tout le monde, ça ne change rien. Sauf que le fait affirmé qu'il n'y a pas assez de parcours ou qu'il n'y a pas assez d'emplois pour tout le monde, c'est une affirmation d'ordre général et qui ne pénalise en rien les assistés sociaux de moins de 24 ans parce que, s'il n'y en a pas, ils ne seront pas obligés de les refuser. Ils ne les refuseront pas. Bon.

Mais la réalité, elle, elle n'est pas générale, la réalité, elle est locale, et, dans le processus de transformation de tout le régime qu'on est en train de travailler, il y a justement un transfert relatif de l'obligation de création de parcours et de création d'emplois vers les régions. Et il y a des régions au Québec où il ne manque pas de parcours puis où il manque encore moins d'emplois, ils sont obligés d'importer des employés. Donc, la situation est différente selon les endroits. L'obligation de ne pas refuser, dans ce cas-là, pourrait être très intéressante dans un processus de stimulation pour développer les emplois.

Ce qui me préoccupe et ce sur quoi j'aimerais que vous réagissiez, c'est ceci: c'est que le droit à être logé, nourri, et tout ça, personne ne met ça en cause. Le droit d'avoir un emploi et un parcours, personne ne met ça en cause. Mais quand est-ce qu'on pense à ce qui est le pendant du droit? Le pendant du droit, c'est la responsabilité. Est-ce que de dire à un jeune de moins de 24 ans – puis on devrait peut-être le dire à tout le monde – vous devez accepter un parcours réaliste, là, comme l'a développé la ministre... Il me semble que c'est un hommage à leur citoyenneté et non pas une pénalisation. Et, s'il y a là-dedans une discrimination, elle est positive. Et, si elle est positive en faveur des jeunes, c'est parce qu'on pense que, là, on peut aider encore plus. Alors, moi, je ne comprends pas l'opposition qu'il y a à l'obligation. Il me semble que l'obligation, ça fait partie de la vie réelle. Comme moi, j'ai des obligations, vous, vous avez l'obligation d'être là aujourd'hui, vous n'êtes pas libre de dire: Je pense que ça ne me tente pas trop, j'aimerais mieux peut-être d'autres choses. Alors, c'est sur la question d'obligation que je ne comprends pas votre démarche.

M. Pilon (Robert): C'est une réaction spontanée, là, mais je vous comprends. Moi aussi, je suis père de famille, j'ai deux jeunes garçons. Ils sont encore à l'école, au secondaire. Dans les quartiers populaires, pas juste de Montréal, mais des grands centres-villes, il y a 50 % des jeunes garçons qui décrochent au secondaire. C'est énorme. Bon. Puis – corrigez-moi si je me trompe, je suis peut-être en dessous de la réalité – ces jeunes garçons là décrocheurs, ils décrochent même si l'école est obligatoire. C'est obligatoire. Ça fait que la notion d'obligation... C'est obligatoire, l'école, au secondaire, et ils décrochent pareil. La réalité a la tête dure, puis mes enfants ont la tête dure, puis ces jeunes-là ont la tête dure. Donc, la solution, ce n'est pas l'obligation. La solution, c'est de rendre l'école secondaire intéressante, valorisante, pour qu'ils y restent, et on réglerait beaucoup... Et, si on faisait ça – mais je sais que ce n'est pas l'objet de la discussion – si on réglait ça, on n'aurait pas à jaser de qu'est-ce qu'on fait avec ces jeunes-là qui ont décroché du secondaire, puis qui ont 18, 19, 20 ans, puis que, là, on est pogné avec, qui sont «squeegees». Bon, ils hantent les rues, puis, là, on se dit: Comment on pourrait les forcer à rentrer? On pouvait les forcer il y a deux ou trois ans auparavant, puis on n'a pas réussi. Mais c'est l'école qui n'a pas réussi, c'est le gouvernement, c'est la société, c'est moi, bon, c'est tous nous autres.

Bien, c'est pour ça que je vous dis que l'argument de l'obligation, si ça n'a pas marché quand ils ont 14, 15, 16 ans, ça ne marchera pas plus quand ils en ont 18, 19, 20. Il faut prendre d'autres solutions, et, malheureusement, elles sont beaucoup plus exigeantes, ces autres solutions-là: c'est réformer notre système d'éducation, c'est réformer aussi les stages, les cours de formation, les cours pour décrocheurs. Il faut réformer ça pour être à la hauteur. Moi, je ne crois pas, personnellement, que l'obligation va solutionner le problème. C'est la solution facile, et ce que je crains, c'est qu'un gouvernement de droite au Québec – pas nécessairement le PQ – l'enfourcherait, ce projet de loi là en allant beaucoup plus loin.

(17 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Pilon, c'est très intéressant, je vais permettre une dernière question – sa première question, en plus – à Mme la députée de Prévost, et nous allons devoir terminer là.

Mme Papineau: Oui, bonjour. Ce sera très court. Je vais me référer à votre mémoire, à la page 4, le dernier paragraphe de l'item 2, la dernière phrase en fait, où vous dites que «les parcours devraient donc offrir, selon les capacités des individus, des cheminements qui permettraient à une personne sur l'aide sociale de contribuer à la société autrement que par l'emploi, entre autres par le bénévolat». Comme M. le Président l'a dit, ça ne fait pas longtemps que je suis sur la commission, mais c'est la première fois que j'entends ce genre d'énoncé. Est-ce que je dois comprendre que vous seriez d'accord avec des parcours où on déterminerait des habilités, chez certaines personnes prestataires, à travailler bénévolement? Est-ce que je dois comprendre ça?

Mme Majeau (Claude): Ce qu'on veut dire, c'est que quelqu'un qui s'implique dans son milieu, il y en a plein. Nous, on regroupe des associations de locataires en HLM, les gens, ils sont totalement bénévoles. Parfois, ils y mettent 80 heures par mois dans l'association, et il y en a d'autres qui y mettent 10 heures par mois. Ils y vont avec leur coeur puis ils mettent ce qu'ils peuvent pour améliorer leurs conditions de vie et leur qualité de vie. Pourquoi on ne reconnaît pas le travail de ces gens-là puis qu'on ne leur dit pas qu'ils sont actifs dans la société? C'est un peu ça, il n'y a pas juste l'emploi, là. De toute façon, l'emploi, on le sait, il n'y en aura jamais pour tout le monde, on n'est pas en période de plein emploi. Donc, reconnaissons que, dans la société, tout le monde n'a pas à occuper un emploi puis qu'il y a des gens actifs autrement, et ne les obligeons pas, ces gens-là, à faire des démarches d'emploi, à...

Mme Papineau: Oui, mais vous dites qu'il faut offrir des parcours, vous parlez des parcours, là.

Mme Majeau (Claude): Bien, si on me convoque et on me dit: «Y "a-tu" un parcours qui t'intéresse?» puis que la femme s'implique en quelque part, dans un organisme sans but lucratif, qu'elle y met du temps puis qu'elle est reconnue dans son environnement pour le faire, ça peut être ça, elle, son parcours, puis elle peut fixer des objectifs avec son conseiller en emploi là-dedans. Ça ne veut pas dire que ça va déboucher un jour sur un emploi, peut-être que ça...

Mme Papineau: Sans rémunération?

Mme Majeau (Claude): Bien, ça pourrait être très intéressant que l'aide sociale les considère comme participant à un projet.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Majeau, je vous remercie beaucoup. Je vous remercie, chacune et chacun d'entre vous, au nom de toute la commission. J'invite maintenant les représentantes du Syndicat de la fonction publique du Québec à venir.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît.

Nous recevons les représentantes du Syndicat de la fonction publique du Québec. Et, Mme Barabé, j'aimerais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent pour fins d'enregistrement et que vous commenciez votre présentation.


Syndicat de la fonction publique du Québec inc. (SFPQ)

Mme Barabé (Joanne): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, je me présente, Joanne Barabé, secrétaire générale du Syndicat de la fonction publique. À ma droite, Lucie Martineau, vice-présidente du syndicat; et, à ma gauche, Denise Boileau – ça exprime bien sa position politique, d'ailleurs – vice-présidente aussi au Syndicat de la fonction publique. Et nous sommes toutes les trois agentes d'aide socioéconomique à l'origine. Alors, nous parlerons ici en connaissance de cause pour avoir vécu de l'intérieur.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

Mme Barabé (Joanne): Ça va? Alors, nous venons au nom du Syndicat de la fonction publique, comme je l'indiquais tantôt, qui représente le personnel qui travaille dans le réseau, donc qui a à appliquer la loi qui est en cause ici, les agents d'aide socioéconomique notamment. Et, interpellé aussi par un certain volet de la loi, le personnel qui travaille à la Régie du logement sont également des gens qu'on représente. Alors, nous avons donc une connaissance très concrète des difficultés, tant administratives que sociales, qu'auront à vivre et les personnes qui appliquent les lois et les personnes auxquelles s'appliquent les lois.

Le projet de loi... Solidarité sociale, c'est le bout qu'on retient, nous, de l'appellation de ce projet de loi là, le projet de loi favorisant la solidarité sociale, et on tient à ce que l'appellation du projet de loi reflète réellement ce qu'il doit être, c'est-à-dire une solidarité entre les riches et les moins riches de la société. Quand je suis arrivée à l'aide sociale, en 1977, j'ai compris assez rapidement que l'aide sociale, ce n'était pas de la charité pour des gens qui étaient démunis, c'était une façon pour les gens les mieux nantis de s'assurer une paix sociale. Alors, c'est un investissement qu'on fait dans la paix sociale et non pas une façon gratuite de donner de l'argent à des gens qui sont dans le besoin.

Notre mémoire – celui-ci, puisque ce n'est pas le premier qu'on dépose dans le cadre des réformes de l'aide sociale – porte sur trois points en particulier: le revenu suffisant, l'assistance-emploi et le logement.

Le parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi comporte plusieurs obligations. Les intervenants qui sont passés avant nous y ont fait référence, et certaines, selon nous, sont discriminatoires. On vous l'exposera un peu plus à fond tantôt.

Deuxième aspect sur lequel on veut approfondir les choses, la taxe à la débrouillardise, qui a été unanimement dénoncée par la population du Québec, par les groupes sociaux, y compris par le Parti québécois, sur lequel on va revenir plus tard.

Mais d'abord le revenu suffisant. Depuis l'entrée en vigueur... Depuis l'élection du Parti québécois, il y a eu plusieurs mesures qui ont eu pour effet d'appauvrir les personnes assistées sociales. Il y a eu la gratuité des médicaments, avec le plan Rochon, qui a disparu, et, en pratique, les personnes assistées sociales ont maintenant à défrayer 8,33 $ de franchise par mois, possiblement 8,33 $ de coassurance quand elles vont chercher des médicaments, ce qui leur fait encore une diminution sur leur chèque d'aide sociale.

Les prestations sont maintenant imposables. On sait qu'il y a un déductible de 5 900 $, sauf que, si la personne, en cours d'année, réussit à sortir de l'aide sociale pour se trouver un emploi et dépasse les seuils d'exemption, on se trouvera, par la bande, à imposer sa prestation d'aide sociale.

Au niveau des enfants qu'on a soustraits du calcul de base en enlevant le 100 $ qui était octroyé aux personnes non disponibles qui avaient charge d'enfants de moins de cinq ans, on a encore là amputé la prestation d'aide sociale de 1 200 $, et ça, c'est depuis la politique familiale de Mme Marois. On va la redonner à la miette par la mesure qui va s'appliquer aux familles monoparentales ayant une pension alimentaire – un 100 $ qui va revenir par la bande – mais on comprend que, très largement, les personnes seront effectivement pénalisées.

Mme Malavoy, d'ailleurs, dans une entrevue récente, faisait état du fait que c'est un choix politique qui avait été fait. Le fait de redonner 100 $ aux monoparentales ayant pension une alimentaire représentait un coût de 10 000 000 $, le fait de le redonner à tout le monde représentait un coût de 20 000 000 $, et on n'avait pas les moyens de se payer cette qualité de justice là. On a beaucoup de difficulté, effectivement, avec les demi-mesures ou les demi-justices. On est juste ou on ne l'est pas. On s'entend, on ne peut pas être à moitié juste ou à moitié injuste.

(17 h 20)

Ce 100 $ là, comme les autres pénalités – 150 $ pour les personnes qui se voient dans une situation de quitter un emploi ou qui sont congédiées sans motif sérieux – est peut-être anodin pour quelqu'un qui gagne 50 000 $, 60 000 $, 80 000 $ par année, mais, pour quelqu'un qui réussit à peine à subvenir à ses besoins essentiels... Et, encore, on fera la démonstration tantôt, les besoins essentiels ne sont pas assumés par la prestation d'aide sociale. Alors, 100 $, c'est vraiment quelque chose d'important, c'est une partie de la bouffe, c'est une partie du loyer ou c'est les médicaments. Et on a vu des cas baroques où les gens se sont privés de leurs médicaments parce qu'ils n'avaient pas les moyens. Et, en coûts sociaux – pensez au bûcheron du golfe, là, dans le bout de Québec – ça représente des sommes assez faramineuses. On vous met même, Mme la ministre, au défi d'essayer de vivre un mois ou deux avec la prestation d'aide sociale pour voir si vous pensez que ça subviendrait à vos besoins essentiels.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous n'oubliez pas de vous adresser toujours au président.

Mme Barabé (Joanne): Oui, M. Bertrand.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, madame.

M. Barabé (Joanne): Nous, comme travailleuses et travailleurs du milieu, nous sommes à même de constater que les assistés sociaux vivent dans des conditions pénibles et humiliantes. Ce n'est pas rose d'être à l'aide sociale, c'est les droits fondamentaux qui sont compromis, et notre pays, notre province, notre État du Québec a adhéré à des pactes et à des chartes qui reconnaissent le droit à toute personne à un niveau de vie suffisant. Or, si on fait le parallèle, la prestation d'aide sociale va entre 490 $ et 1 256 $ par mois, dépendant de la composition, et les besoins essentiels – et ça, ce n'est pas moi qui le dis, ça, les statistiques, c'est les chiffres du ministère – varient normalement, dépendamment de la composition de la famille, entre 667 $ et 1 387 $. On voit déjà qu'il y a presque 200 $ par mois d'écart pour satisfaire les besoins essentiels pour une personne seule. Et le seuil de faibles revenus par Statistique Canada – et c'est la pauvreté encore, là – ça, ça va entre 1 106 $ et 2 195 $. Ça veut dire qu'un prestataire d'aide sociale est à 40 % du seuil de faibles revenus. C'est 40 % en bas du seuil de la pauvreté, ça. C'est assez sérieux comme situation.

Alors, on pense que les gens devraient avoir un revenu suffisant. Je pense que la société moderne qu'est la société québécoise devrait être capable de respecter ce type d'engagement là qu'elle a pris à la charte et aux pactes internationaux et que M. Bouchard a réitéré lors du sommet socioéconomique en disant qu'il ne profiterait pas du déficit zéro pour appauvrir les plus pauvres encore. Je cède donc la parole à Lucie Martineau qui va aborder le parcours.

Mme Martineau (Lucie): Alors, notre deuxième point: Le parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi. Comme on vient de l'expliquer, nous réitérons le fait que la prestation doit être augmentée. Vous comprendrez que nous nous opposons au type de parcours prévu au projet de loi. Lors des dernières auditions, dernièrement, quand nous sommes venus l'an dernier, nous nous étions également opposés au parcours sur la forme. Malgré ça, l'article 53 n'a pas connu de changement, il prévoit que les prestataires âgés de moins de 25 ans ne présentant pas de contraintes doivent se soumettre à un parcours.

Pourquoi notre opposition? Bien, pour plusieurs raisons. La première, l'obligation. Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité a même tiré les conclusions suivantes suite à une expérience d'intégration à l'emploi réalisée en 1996 au centre Travail-Québec de Saint-Laurent. Alors, je vous réfère au volume, au livre du ministère de l'Emploi et de la Solidarité qui s'appelle Le Chroniqueur , de janvier et février 1997, qui cite l'expérience: «Notre expérience a montré que les résultats étaient meilleurs dans le cas des personnes qui se présentaient volontairement. On a donc décidé de ne plus obliger les gens à venir, mais de fonctionner uniquement sur une base volontaire.» C'est le ministère qui le dit.

La deuxième raison, la discrimination. Le fait de réserver la possibilité de bénéficier d'un parcours à un groupe basé sur l'âge – les moins de 25 ans – distingue clairement ce groupe en vertu de son âge et, même s'il pouvait être offert par la ministre aux plus de 25 ans, il crée un effet d'exclusion chez ceux qui ont plus de 25 ans. De plus, nous nous questionnons sur la pertinence de l'offrir systématiquement aux moins de 25 ans quand le ministère de l'Emploi et de la Solidarité lui-même admet, dans son rapport statistique de 1994-1995, que la progression du nombre de jeunes à l'aide de derniers recours est fortement influencée par le contexte économique et les modifications des règles d'attribution de l'assurance-emploi. Tous ces facteurs font en sorte que les jeunes ménages arrivant à l'aide sont plus scolarisés – on dit 12 années et plus – et plus mobiles. Donc, s'ils ont moins de problèmes majeurs à l'employabilité, pourquoi à eux l'obligation du parcours? À moins que l'objectif premier soit de réduire les prestations de dernier recours ou bien d'améliorer les statistiques de placement. Nous considérons que le parcours doit être offert à l'ensemble des prestataires de l'aide de dernier recours, et ce, sur une base volontaire.

Le troisième, le non-dit. Sous un libelle louable que la ministre peut conclure une entente écrite avec la personne devant se soumettre à un parcours, on prétend que le parcours est un acte volontaire entre deux parties librement contractantes, alors qu'il s'agit d'une proposition. Il ne s'agit ni d'une entente, mais plutôt d'une entente sous la menace des contraintes où l'une des parties n'a simplement pas les moyens de refuser, même avec une possibilité de recours sur des motifs valables. Et si on appliquait des pénalités à tous nos dirigeants politiques qui divergent du parcours.

Le parcours, s'il est offert à tous et volontaire, est en soi un bon outil pour permettre la réinsertion au travail, mais, pour cela, il faut qu'il y ait tout pour rencontrer une chance de succès. Et, pour qu'il y ait une chance de succès, il y a des conditions essentielles. Pour éviter que le parcours ne soit qu'une route circulaire ou un jeu d'échelles et de serpents qui ramène la personne continuellement au point de départ, qui contribue bien plus à la décourager, des conditions doivent être mises de l'avant. La création d'emplois est nécessaire. On l'a dit l'an dernier et on le répétera, de vrais emplois, pas seulement des emplois qui te permettent de retirer l'assurance-emploi et revenir à l'aide de dernier recours.

Deuxième condition, la disponibilité des programmes et des mesures nécessaires aux parcours intégrés. On n'a qu'à se rappeler la réforme de 1989 au ministère de la Sécurité du revenu du temps créant le programme des personnes aptes et du barème de disponible. Nous vous rappellerons que, à l'époque, le nombre de personnes disponibles était supérieur aux mesures que le ministère pouvait leur offrir. Également, dans certains programmes, tel le rattrapage scolaire, des quotas ont été imposés étant donné le nombre de volontaires à ces programmes. Donc, une autre condition de succès du parcours est la disponibilité des mesures. Et, comme le passé est garant de l'avenir, en 1990, au lieu de créer des mesures, on a mené une lutte à l'interne pour mettre les gens «non participants» au lieu de «disponibles», ce qui créait des économies également pour l'État.

Troisième condition, des ressources suffisantes dans les CLE pour répondre aux demandes. Il ne saurait être question, pour contourner le problème des ressources humaines insuffisantes, qu'un glissement des activités s'effectue en faveur du secteur privé, comme les carrefours jeunesse-emploi. À cet égard, nous sommes inquiets parce que, à l'article 3.1 du projet de loi, il est indiqué que les mesures, les programmes et les services peuvent soutenir les organismes qui offrent des services d'aide à l'emploi. Au Syndicat de la fonction publique, on ne s'oppose pas à ce que des services complémentaires soient offerts, et c'est pour ça que nous exigerons que l'article 3.1 soit modifié afin d'y inclure que les organismes qui offrent des services complémentaires d'aide à l'emploi... Et M. Boudreau, qui est sous-ministre chez vous, est ici, il sait très bien ce que le Syndicat sait et entend par «complémentaires», c'est-à-dire que les services ne se dédoublent pas, ne se substituent pas aux services offerts par l'État. Sur ce, ma consoeur Denise.

Mme Boileau (Denise): Oui. En ce qui concerne le logement, nous avons été heureux d'apprendre que la pénalité pour le partage du logement, qui a été qualifiée de taxe à la débrouillardise, a été abolie pour les familles monoparentales, mais nous demandons que cette pénalité soit abolie pour l'ensemble des personnes prestataires. Nous trouvons inadmissible que la portion du logement puisse être annulée jusqu'à 72 % pour le partage du logement. Selon les normes du ministère, par le test de logement, la portion de loyer pour un adulte sans enfant à charge est établie à 139 $ par mois. Donc, si cet adulte partage un logement avec une autre personne prestataire, sa coupe globale s'élèverait à 200 $, ce qui laisserait en réalité 78 $ dans le montant accordé pour le loyer pour payer le logement.

(17 h 30)

À l'égard des articles visant la cession de loyer, le projet de loi stigmatise encore plus les personnes assistées sociales qui pourraient avoir des difficultés à payer leur loyer. D'une part, on soumet cette catégorie de citoyens et de citoyennes à un traitement particulier basé sur leur condition sociale, enfreignant ainsi clairement le principe de l'égalité devant la loi. D'autre part, les modalités d'application prévues au projet de loi supposent une mise en oeuvre qui ne pourra pas respecter le droit à la vie privée des personnes concernées. On sait que la Régie du logement va pouvoir aller vérifier, chaque fois qu'elle va recevoir une demande, au niveau du ministère de l'Emploi pour savoir si cette personne-là est prestataire de l'aide sociale, et, une fois que l'audience va avoir eu lieu, les gens vont pouvoir aller vérifier dans les dossiers de la Régie, et donc de mettre en cause toute la question de la confidentialité quand tu reçois de l'aide sociale.

Dans ce cas-ci, la condition sociale de l'article 180 prévoit que la Loi sur la Régie du logement sera modifiée pour permettre à la Régie d'ordonner le versement de la portion de logement de la prestation directement au propriétaire, et ce, pour les loyers à échoir pour une période ne pouvant excéder deux ans. À cela s'ajoute une forme de probation à laquelle peut être soumis le locataire prestataire de l'aide sociale qui a fait défaut de paiement. En effet, si une demande est faite par le locateur dans les deux ans suivant une première décision favorable, la prestation peut être saisie préventivement, y compris dans le cas d'un nouveau locateur.

Donc, les modifications proposées à la loi sur la Régie établissent donc une claire distinction entre le locataire prestataire de l'aide sociale et les autres types de locataires, puisque ces mesures ne s'adressent qu'aux locateurs. Non seulement les personnes assistées sociales pourraient se faire saisir une partie de leurs prestations à la source en dépit d'un revenu ne couvrant même pas les besoins essentiels... Comme nous l'avons démontré, il est prévu qu'une personne seule, il y a une moyenne de coût de logement de 372 $ par les associations qui travaillent au niveau du logement social. Donc, la prestation, qui est de 139 $, est déjà insuffisante au point de départ.

Donc, nous ne pouvons adhérer de quelque façon que ce soit aux modifications proposées qui sont, à notre avis, discriminatoires. Elles ne visent qu'à stigmatiser encore plus les personnes assistées sociales. Il a été démontré que la vaste majorité des personnes prestataires de l'aide sociale répondent à leurs obligations. Il semblerait que c'est à peine 3 % qui ne respectent pas les paiements. Ce n'est pas plus que dans la population pour les citoyens qui ne reçoivent pas de prestations d'aide sociale. Donc, il peut arriver que certaines puissent le faire, sauf que la question à se poser, c'est peut-être parce qu'elles n'ont pas le revenu suffisant pour être capables de répondre à cette obligation-là. Et, à titre du Syndicat représentant le personnel devant administrer ces lois, nous ne pouvons accepter que nos membres soient appelés par la loi à enfreindre des droits fondamentaux.

Mme Barabé (Joanne): En conclusion, vous aurez compris, premièrement, qu'on demande que les barèmes d'aide sociale soient augmentés de façon à ce que l'État du Québec puisse respecter la parole donnée au Pacte international relatif aux droits économiques et à la Charte des droits et libertés, à savoir: «...reconnaît le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant.» Alors, à tout le moins, que les barèmes soient augmentés à un niveau suffisant pour satisfaire les besoins essentiels, faute de les augmenter au seuil de faibles revenus. Et, encore, c'est un compromis important.

Deuxièmement, on demande que Lucien Bouchard respecte immédiatement la parole donnée au sommet socioéconomique de ne pas appauvrir les plus démunis de notre société. On faisait référence à un 10 % au sommet socioéconomique. Or, la population de l'aide sociale, ça tourne à peu près autour de ça, et je pense qu'on n'a pas un gros effort à faire pour pointer que ça risque d'être les plus démunis de notre société.

On demande aussi que les conditions autres qu'administratives soient retirées du projet de loi et on réfère ici aux conditions qui sont liées notamment au parcours vers l'insertion.

On demande évidemment que l'article 53, qui est discriminatoire vis-à-vis des moins de 25 ans et qui aura un facteur d'exclusion vis-à-vis des plus de 25 ans parce qu'on sait qu'il n'y aura pas assez de mesures pour tout le monde, soit retiré;

Que des ressources humaines soient embauchées pour qu'on puisse satisfaire aux demandes;

Qu'on ajoute des programmes et des mesures pour pouvoir réellement offrir un parcours;

Qu'il y ait des emplois qui soient créés pour ne pas que ce soit une échappatoire pour couper des chèques et non pas pour réintégrer les gens sur le marché du travail;

Qu'on ajoute le mot «complémentaire» à l'article 3.1 pour reconnaître la volonté et la responsabilité d'assumer des services publics uniformes et égaux à travers la population de l'ensemble du Québec, pour toutes ses régions;

Que les pénalités pour partage de logement soient immédiatement abolies, comme M. Parizeau s'y était engagé lors de la campagne électorale du Parti québécois;

Que les articles 31, 180, 181 de la Loi sur la Régie du logement soient retirés pour éviter qu'on stigmatise les assistés sociaux.

Et je fais un appel à Mme la ministre et je fais un appel aux femmes parlementaires présentes. Dans la société québécoise, on sait très bien que ce sont les femmes qui sont les plus pauvres, qui sont les moins syndiquées, qui ont les taux de rémunération, à traitement égal, les moins élevés, qui, quand elles sortent de l'école, sont les moins rémunérées, qui sont le plus souvent chefs de famille monoparentale, et c'est elles aussi qu'on retrouve à l'aide sociale. Et c'est encore sur les plus démunis qu'on frappe pour réussir à atteindre le déficit zéro. Non, je pense que c'est un choix social qu'on ne peut pas se permettre. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Harel: M. le Président, Mme Barabé, Mme Martineau, Mme Boileau. Vous nous parlez, Mme Barabé, du Pacte international, puis-je vous rappeler que, de tous les pays sans exception, de tous les pays qui ont un régime se sécurité sociale – comme vous savez, ce ne sont pas tous les pays, c'est une partie seulement de ces pays – aucun d'entre eux n'a un régime inconditionnel, sans contrepartie pour la catégorie des personnes qui, sur la sécurité sociale, sont en situation de chômage. Autant tous ces pays – j'ai fait faire une revue systématique – ont pour les personnes invalides, pour les personnes qui ont des charges, des obligations parentales, familiales et autres... Un tel système inconditionnel, nulle part, il n'existe. Vous, vous le posez comme un droit humain, celui d'être sur la sécurité sociale toute sa vie sans contrepartie. C'est un choix.

Je vais vous demander, d'ailleurs, de faire un choix aussi tantôt parce que vous nous dites que c'est dans les priorités, si je comprends bien, pour vous, prioritaires que de relever des barèmes immédiatement, que d'abolir le partage du logement immédiatement et que d'indexer les prestations immédiatement. Est-ce que je comprends que c'est prioritaire?

Une voix: Oui.

Mme Harel: Oui? Bon. Vous savez que juste relever les barèmes à la hauteur du soutien financier pour l'ensemble des barèmes, c'est 782 000 000 $, l'indexation, 40 000 000 $, et le partage du logement, l'abolition de la coupure, 100 000 000 $, c'est-à-dire 922 000 000 $. Alors, pour vous, je comprends, quand il se dégage des surplus, c'est là où ça doit aller en priorité. C'est bien le cas?

Mme Barabé (Joanne): Dans une loi favorisant la solidarité sociale, oui.

Mme Harel: Et je comprends que c'est là où vous considérez que le gouvernement en premier devrait mettre toute marge budgétaire qu'il peut dégager?

Mme Barabé (Joanne): Si le gouvernement est cohérent avec ses choix et qu'il crée effectivement de l'emploi, il y aura des gens qui quitteront l'aide sociale parce qu'ils iront travailler.

Mme Harel: Attendez, je vous demande, vous, d'être cohérente avec vos choix.

Mme Barabé (Joanne): Oui. Mme Harel, je ne peux pas répondre à une partie de la question si ça ampute l'autre volet, il faut que je vous réponde honnêtement dans l'ensemble. Moi, je pense, la gageure que je fais, c'est que, s'il y a plus d'emplois et s'il y a plus de mesures qui permettent aux gens d'intégrer l'emploi, le nombre d'assistés sociaux va baisser puis la facture globale va baisser.

Mme Harel: Mme Barabé, s'il n'y en a pas plus puis qu'on est au printemps prochain, dans l'état où pourtant il y en a eu 110 000 emplois de plus depuis le sommet... C'est la création nette d'emplois au Québec, et la majorité, pour ne pas dire la totalité, ce qui est un phénomène important par rapport au passé, ce sont des emplois à temps complet. Mais, dans la situation où on est avec le taux de chômage que l'on sait qui ne va pas, malgré tous nos efforts... D'ici les mois qui viennent, là, moi, je vous parle pour dans les huit ou neuf mois. C'est là où, en priorité, vous considérez qu'on doit mettre les marges, tout ce qu'on peut dégager?

Mme Barabé (Joanne): Oui. Avec la réserve que je vous fais, oui.

Mme Harel: Quelle réserve est-ce?

Mme Barabé (Joanne): D'assortir une série...

Mme Harel: De mettre l'argent dans l'emploi ou de mettre de l'argent dans ce que vous nous proposez à la page... Attendez, je crois que c'est à la page 13.

Mme Barabé (Joanne): D'assortir d'une série de mesures. Si vous voulez m'amener sur le terrain de la négociation, j'espère que ce n'est pas ça parce que vous ne récupérerez pas vos 782 000 000 $ dans les poches des fonctionnaires. Sinon, ils vont tous être en congé sans solde.

Mme Harel: Bon, regardez, si ce n'est pas ceux des fonctionnaires, ça va être la fonction publique ou parapublique. Vous savez très bien qu'on n'a pas de machine...

Mme Barabé (Joanne): À imprimer.

Mme Harel: À imprimer. Donc, en même temps, concilier à la fois... Il va falloir des choix de société. Moi, je souhaite qu'on se réunisse pour les faire, ces choix de société, hein, et qu'on en fasse ensemble, mais il va falloir des choix de société. D'autre part, j'aimerais aussi avoir votre collaboration, je vous le dis bien simplement, parce que, à la page 4, vous parlez de conditions pénibles, parfois humiliantes.

Mme Barabé (Joanne): Pardon?

Mme Harel: J'ai dit: À la page 4, vous parlez de conditions pénibles, parfois humiliantes, auxquelles les personnes assistées sociales ont à faire face. L'une de ces conditions pénibles et humiliantes qui me sont rapportées par mes propres concitoyens avec qui je vis dans mon quartier, c'est d'être reçus dans les bureaux, d'être reçus de telle façon qu'ils sont presque exclus. Alors, moi, ce que je vous demande, c'est ceci: Êtes-vous favorables avec mon intention de décloisonner l'accueil de telle façon que les prestataires puissent être accueillis aux postes de travail des conseillers en emploi et des agents, qu'ils puissent être accueillis, aussi sans vitre blindée, qu'ils puissent être accueillis sans ces mesures derrière lesquelles, souvent, semblent être retranchées les personnes? Mon intention, c'est non seulement de décloisonner les programmes, les mesures et les ressources, c'est aussi de décloisonner la façon dont les services sont rendus. Est-ce que je vais pouvoir compter sur le SFPQ?

Mme Barabé (Joanne): On a un CMOT qui travaille à l'organisation du travail, qui est assez actif dans le ministère. On a, dans nos demandes syndicales, une demande sur une politique visant à contrer la violence. On pense qu'il y a une série de mesures qui peuvent être prises en compte. C'est un tout ça, là. C'est comme votre question précédente, on ne peut pas isoler les événements par rapport aux autres.

Mme Harel: Donc, c'est à tort...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...Mme Boileau aurait un commentaire additionnel.

(17 h 40)

Mme Boileau (Denise): J'aimerais compléter, Mme Harel, parce que, moi, je pense que les agents d'aide socioéconomique qui rendent des services à la population sont confrontés... C'est nous qui subissons le premier contrecoup des coupures qui se passent au niveau de cette loi-là, et puis je pense que, effectivement, il y a des mesures de sécurité qui ont été prises... Effectivement, moi, je pense qu'elles pourraient être revues, certaines mesures de sécurité qui ont été mises en place pour assurer la sécurité du personnel.

Mais, moi, je pense qu'il faut comprendre aussi d'où vient la violence qui se vit dans les centres Travail-Québec, puis c'est souvent directement relié au nombre de coupures auxquelles on doit répondre. Quand des gens à l'aide sociale, ils nous arrivent puis ils viennent de subir une coupure de 100 $, une coupure de 90 $, bien, c'est bien sûr qu'ils ne nous arrivent pas avec une rose quand ils viennent nous rencontrer. On en réfère, des gens aux députés, mais les députés ne savent pas tellement, souvent, qu'est-ce que c'est, les nouveaux points dans la loi et ils nous les retournent. En tout cas, c'est notre pratique.

Mme Harel: Écoutez, moi, j'ai un bureau de comté sur la rue Ontario, il n'y a pas plus passant que ça, et, encore aujourd'hui, hier, puis demain, il y aura mon personnel qui va recevoir des gens directement dans leur bureau, et je pense que c'est la façon de rendre service à des gens. Et c'est aussi dans la manière qu'on les traite qu'on peut susciter des réactions – comment vous dire – de rejet. Alors, je suis contente de savoir qu'il y a une ouverture pour réviser ces méthodes qui, jusqu'à maintenant, cloisonnaient les prestataires puis qu'il y a donc une ouverture pour qu'on puisse, comme on le fait dans nos bureaux de comté... Si vous pensez que c'est si menaçant, comment imaginer que ce ne le serait pas pour nous qui les avons adoptées, ces mesures-là ? Toutes les personnes autour de cette table, de ce côté-ci, on en reçoit un à un, des gens. On les voit en groupe puis on les voit un à un.

Et puis, d'ailleurs, à cette page 4 toujours, ça me permet de vous mentionner que vous reprenez des affirmations, dites-vous, du front commun que vous êtes en mesure... Étant les personnes qui administrez et qui avez les informations, vous êtes en mesure de savoir que le chèque aux prestataires est passé de 6,41 $ par mois à 6,21 $ par mois. C'est ça, la diminution. Alors, je ne comprends pas que vous qui êtes au coeur des informations qui arrivent avec des relevés mensuels à chaque mois, vous référez à des affirmations de groupes qui n'ont pas accès aux mêmes informations que vous et là vous brandissez, imaginez, 865 $, annuellement, par ménage. 865 $, annuellement, par ménage, vous savez ce que ça signifie? Mettez ça à 800 $ par ménage et mettez 400 000 ménages, hein? Puis, vous savez, c'est à la baisse tout ça. Alors, vous savez combien ça ferait, ça, là? C'est quelque chose d'incroyable, ça nous ferait quelque chose de l'ordre de... je crois que c'est 3 000 000 000 $. Vous voyez, c'est impossible. Alors, il n'y a pas eu 865 $, annuellement, par ménage pour 400 000 ménages. Dire une chose comme ça, c'est regrettable dans un mémoire, là, je vous le dis sincèrement.

Mme Barabé (Joanne): Si on avait utilisé l'exemple d'une famille monoparentale... Je prends l'exemple d'une jeune fille de 20 ans qui est enceinte, dont le père potentiel a levé les feutres au moment où...

Mme Harel: Excusez-moi, c'est 320 000 000 $.

Mme Barabé (Joanne): Vous avez vous-même parlé de 385 000 000 $ tantôt.

Mme Harel: 385 000 000 $?

Mme Barabé (Joanne): Oui. Vous avez mentionné 385 000 000 $ tantôt en disant que l'ensemble... Non, pas tantôt, dans une...

Mme Harel: Non. Puis je vais vous dire...

Mme Barabé (Joanne): En tout cas, oubliez ça, là, on va prendre mon exemple, Mme Harel.

Mme Harel: Si, en même temps, on met ensemble ce qui a réduit les prestations et puis on additionne à ça aussi ce qui est recouvré parce qu'il y avait des trop-payés, là, il y a un problème. Et c'est ça, finalement, le chiffre du 400 000 000 $ qui circule dans les milieux, mais vous êtes en mesure, vous, de savoir que ce chiffre-là n'additionne pas ce qui, véritablement, a fait mal aux gens. Parce qu'il y a des choses qui ont fait mal aux gens, mais ce n'est pas de cet ordre-là, c'est de l'ordre de 225 000 000 $.

Mme Barabé (Joanne): Bon. On va prendre un exemple concret, Mme Harel. On va prendre l'exemple d'une jeune fille qui est enceinte, 18, 19 ans. Son chum, quand il a su qu'elle était enceinte, a levé les feutres. Il ne reconnaîtra vraisemblablement pas la paternité puis il ne paiera jamais de pension alimentaire. Elle a quitté l'école au secondaire, au début du secondaire, ça fait que, si elle travaille, c'est au salaire minimum. Puis ses chances de se trouver une job ne sont pas bien, bien bonnes. Elle va perdre, sur son chèque, le 100 $ qui était prévu jusqu'à la politique familiale de Mme Marois pour les personnes non disponibles qui ont un enfant de moins de cinq ans. 100 $ par mois, ça fait 1 200 $ par année. Elle va avoir à payer...

Mme Harel: Non. Excusez-moi, l'allocation de non-disponibilité pour les enfants de moins de cinq ans n'est pas abolie, elle est toujours versée.

Mme Barabé (Joanne): Pour les monoparentales qui ont des enfants de moins de cinq ans, qui reçoivent une pension alimentaire.

Mme Harel: Plus maintenant. Ni l'allocation de non-disponibilité n'est abolie, le 100 $... Et, maintenant, avec un enfant de moins de cinq ans va s'ajouter une partie de la pension alimentaire jusqu'à 100 $.

Mme Barabé (Joanne): Oui, mais pour quelqu'un qui a une pension alimentaire. L'exemple que je vous donne, c'est quelqu'un qui n'a pas de pension alimentaire, qui ne va pas la chercher, cette exemption-là de 100 $ par mois, O.K.? Alors, c'est une perte de 1 200 $ au bout de l'année.

Mme Harel: Mais qu'est-ce qu'elle perd? Elle ne perd pas. Rien ne lui est enlevé. La pension alimentaire qui ne lui est pas versée, dites-vous, mais qui ne lui est pas versée par le père de l'enfant qui ne s'est pas déclaré. Mais elle ne perdra pas d'allocation de non-disponibilité.

Mme Barabé (Joanne): L'allocation de non-disponibilité a été abolie avec la politique familiale.

Mme Harel: Non. L'allocation de non-disponibilité est toujours versée jusqu'à ce que l'enfant ait cinq ans. Et, à cet âge-là, l'enfant va en maternelle plein temps.

Mme Barabé (Joanne): En tout cas, il y a un problème de communication.

Mme Harel: C'est l'article 13.1 du règlement de la sécurité du revenu. Mais l'allocation de non-disponibilité, elle est versée intégralement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Barabé (Joanne): On va le revérifier, madame.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Je souhaite la bienvenue aux représentants du Syndicat de la fonction publique du Québec. J'ai un peu l'impression que j'assiste à une chicane de famille. Bon, ça m'embête un peu. Mais, quand ça arrive, je me retire. Alors, c'est une façon de régler la chicane ou au moins de la déplacer à un autre moment.

(17 h 50)

Quelques questions pour vous, Mme Barabé. À la page 6 de votre mémoire, vous parlez de l'impact possible du parcours obligatoire pour d'autres clientèles pour lesquelles il n'est pas obligatoire. Nous, on dit, dès le début du processus, que, si l'État va investir plus de ressources dans les parcours obligatoires, à un moment donné, c'est fort simple, les places vont être contingentées pour d'autres groupes, les gens de 25 ans et plus. Et, nous, on maintient, un peu comme vous, que, à la lumière de l'étude faite par le CTQ Saint-Laurent, à la lumière d'autres études de nature académique qui indiquent que des choses qui sont volontaires sont même plus efficaces que des choses qui sont obligatoires... La crainte qu'on a, de ce côté de la table, c'est que c'est une épée à double tranchant. En les rendant obligatoires pour les jeunes, il y a même une possibilité qu'on les rende moins efficaces. Et, en les rendant obligatoires, on peut vouloir assurer qu'il y ait plus de ressources pour des parcours obligatoires et, de facto, moins de ressources pour le reste de la clientèle, dont un certain pourcentage brûle d'avoir accès à des mesures, brûle de vouloir être capable de succéder à ces mesures-là. Pouvez-vous nous en parler un peu plus de cette préoccupation? De temps en temps, j'ai l'impression que je crie un peu seul dans la forêt, moi.

Mme Martineau (Lucie): Le parcours, ce qu'on dit, nous, c'est que tel qu'il est conçu... L'obligation est plus un parcours à obstacles, c'est-à-dire que ceux dans la tranche des 18-25 ans sont ceux qui, statistiquement parlant, ont le plus de facilité à se trouver un emploi. Donc, la scolarité, les nouveaux arrivants, et tout ça. Donc, ils auraient, si on était logique, moins besoin d'un parcours spécialisé avec un soutien d'un agent pour arriver à se décrocher un emploi. Mais, il y a plein de contraintes, c'est pour ça qu'on l'appelle «à obstacles». Ce n'est pas qu'on est contre un parcours. On est contre, premièrement, qu'il soit obligatoire, évidemment, parce que, en le rendant obligatoire pour les 18-25 ans, c'est sûr qu'il n'y aura pas de mesures, de ressources pour les autres. Et, même si on pouvait l'offrir, un jour, à quelqu'un de 32 ans qui, je pense, est encore très employable, il n'y aura ni mesure, ni emploi, ni ressources suffisantes pour l'offrir à cette clientèle-là. Donc, il est un peu à double tranchant, comme vous dites, évidemment.

Et le rendre volontaire, c'est vrai, et même le CTQ Saint-Laurent a fait la... Ils arrivent bien plus à leur objectif. Et, si on le rend volontaire, j'imagine qu'il y aura autant de gens que 18-25 ans, mais dans toutes les tranches d'âge, qui participeront volontairement à des mesures. Et, on le sait, là, on a vécu dans le réseau, on le sait que le monde, il ne veut pas rester là à vie. Puis ce n'est pas parce que tu as 54 ans que tu ne veux plus travailler, surtout si tu as travaillé toute ta vie. Ils rentrent en pleurant pour dire: Trouvez-nous en emploi.

M. Copeman: À partir du décloisonnement, avec le transfert des responsabilités, transfert des ressources, Emploi-Québec, DHRC... Est-ce que c'est...

Mme Barabé (Joanne): DRHC.

M. Copeman: DRHC. Mme la ministre nous dit qu'il y aura un changement profond dans la nature des programmes, que le tout va être décentralisé, dans un premier temps, et que les CLE vont être capables de choisir, à partir d'une table d'hôte de mesures, les mesures qui sont les plus appropriées pour leur quartier quasiment. Ce n'est même pas des régions, c'est des quartiers.

Dans un premier temps, est-ce que la situation a beaucoup changé depuis le 1er avril? Sur le terrain, là. J'imagine que vous représentez du monde qui est sur le terrain. Est-ce que la situation a changé depuis le 1er avril, pratico-pratique? Et, dans un deuxième temps, qu'est-ce que vous en pensez de cette volonté de vouloir tout décentraliser et de transformer de façon très dramatique tous les programmes qui, jusqu'à maintenant, étaient disponibles soit à des prestataires d'aide sociale ou à l'assurance-emploi? Moi, je ne vous dis pas qu'il faut revenir au cloisonnement, ce n'est pas ça du tout. Le décloisonnement comme tel est une bonne chose, mais c'est vos expériences, actuellement, là, qui m'intéressent. Puis qu'est-ce que vous pensez de cette volonté de vouloir tout décentraliser jusqu'au point que les CLE vont choisir des mesures à partir d'une table d'hôte déterminée par le CLD?

Mme Martineau (Lucie): Sur le terrain, depuis le 1er avril, vous comprendrez que l'intégration, elle est faite, sauf que c'est graduellement où les gens, bon, dépendamment des baux, et tout ça, vont être sous le même CLE un jour, et c'est prévu sur une assez longue période. Les gens sont un petit peu dans le vague. Qui va faire quoi? Et, d'ailleurs, j'ai écrit à Mme la ministre il y a deux semaines parce que le Comité d'organisation du travail du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, ça fait un an qu'il ne s'est pas réuni, donc on croit qu'il faut, pour que l'intégration soit harmonieuse – premièrement, c'est notre voeu – que les gens se parlent et s'organisent pour bien offrir les services aux gens qui se pointeront aux CLE.

Le fait de décentraliser... Vous me dites drastiquement, ça me surprend parce que, dans les anciens centres Travail-Québec, on avait également à référer à des services spécialisés en région quand il y en avait, mais ce n'est pas toutes les régions qui ont tous les mêmes. Bon. J'entendais nos précédents qui parlaient d'une association où faire un budget, et tout ça, on référait. Il y avait des organismes comme l'ACEF qui était spécialisés là-dedans. Donc, les gens, avant, référaient également, donc je ne pense pas que c'est très drastique. Le fait qu'il n'y ait pas des mesures universelles et que ce soient les CLD qui donnent la brochette, je ne peux pas comparer, on n'a pas encore vécu ça. On voit ce qui se passe dans les journaux avec les CLD, et, nous, le Syndicat de la fonction publique, ne faisons pas partie de la table des partenaires.

M. Copeman: En termes de programmes pour les bénéficiaires, moi, je suis confus là-dedans. De temps en temps, la ministre laisse entendre que le tout est déjà changé ou que ça va bientôt changer. C'est peut-être mon propre manque de compréhension, c'est fort possible, mais est-ce qu'il y a toujours des programmes PAIE? Est-ce qu'il y a toujours des programmes EXTRA? Est-ce qu'il y a toujours AGIR? Qu'est-ce qui se passe présentement sur le terrain? Est-ce qu'on a...

Une voix: ...

Une voix: Peut-être plus Denise.

Mme Boileau (Denise): Je sais que le programme AGIR fonctionne encore. Les EXTRA, c'est qu'ils ont moins de disponibilité à l'heure actuelle pour aller voir les employeurs. Peut-être, pour poursuivre la réponse de Mme Martineau, moi, je pense que, à l'heure actuelle, ce qu'on est en train de vivre, c'est un peu l'harmonisation des trois réseaux. Je ne vous dis pas que c'est quelque chose de facile parce que c'est quand même trois cultures, et, nous, on avait déjà émis au ministère une des craintes dans le cadre des comités sur l'organisation du travail, que, par l'intégration des trois réseaux, il faudrait faire bien attention de ne pas stigmatiser la clientèle des prestataires d'aide sociale. Parce que, dans les faits, c'est sûr que, si tu as quelqu'un à proposer qui a six mois d'assurance-emploi à un employeur par rapport à une personne à l'aide sociale, qui, ça fait déjà huit mois, 10 mois qu'elle reçoit des prestations d'aide sociale, tu peux être tenté d'envoyer la personne qui est sur le chômage plutôt que sur l'aide sociale parce que je pense qu'il y a des gens qui ont des préjugés. Ça fait que c'est dans ce sens-là.

Mme Harel: Rectifiez, le programme AGIR est aboli. Je viens de me le faire confirmer par le sous-ministre qui est ici.

Mme Boileau (Denise): Bien, ça ne fait pas longtemps, là, hein?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? D'autres interventions?

(18 heures)

M. Copeman: Oui, M. le Président. Honnêtement, moi je suis un peu mystifié. Je vous le dis en toute honnêteté, je suis très, mais très mystifié. On a des représentants du Syndicat de la fonction publique du Québec qui travaillent... À moins que je vous comprenne mal et que je ne saisisse pas bien, mais il y a beaucoup de vos membres qui travaillent pour le ministère dans le domaine, Emploi-Québec, etc., puis vous ne vous entendez pas avec la ministre à beaucoup, beaucoup, beaucoup d'égards. Je suis, honnêtement, très mystifié. Qu'est-ce qui se passe, là, dans le ministère de l'Emploi et de la Solidarité?

Mme Harel: La seule explication que je puisse trouver, c'est que ce sont des personnes qui sont libérées pour des activités syndicales, donc qui ne sont pas sur le terrain.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Sur ce, il est 19 heures...

Une voix: 18 heures.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): 18 heures, je m'excuse. Et, sur ce, je vous remercie au nom de tous les membres de la commission et j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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