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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 26 janvier 2005 - Vol. 38 N° 92

Consultation générale sur le document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle notre mandat: nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Auclair (Vimont) est remplacé par M. Dubuc (La Prairie); M. Bachand (Arthabaska) par M. Descoteaux (Groulx); Mme Lefebvre (Laurier-Dorion) par Mme Marois (Taillon); M. Marsan (Robert-Baldwin) par Mme L'Écuyer (Pontiac). Mme Caron, pour la durée du mandat, est remplacée.

Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle simplement, chers collègues, comme je le fais à chaque début de séance, et ainsi aux membres du public ici présents dans la salle, que l'utilisation des téléphones cellulaires est strictement interdite et de bien vouloir, pour ceux qui en font usage, les mettre hors tension.

Nous avons, aujourd'hui, une autre journée chargée. Nous allons entendre et échanger avec sept groupes. Je vais simplement lire l'ordre du jour de ce matin: nous débutons dans quelques instants avec le Collectif masculin contre le sexisme; il sera suivi par la Conférence régionale des élus des Laurentides; et nous allons terminer avec l'AFEAS. Il y aura une suspension évidemment à 12 h 30, et nous allons reprendre nos travaux à 14 heures.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, en souhaitant la bienvenue aux deux représentants du Collectif masculin contre le sexisme ? M. Dufresne, M. Roy, bonjour ? je vous explique rapidement nos façons de faire: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de 20 minutes avec des parlementaires de chaque côté de la table. Sans plus tarder, nous sommes à l'écoute.

Collectif masculin
contre le sexisme (CMCS)

M. Dufresne (Martin): Bonjour. Je m'appelle Martin Dufresne et je vous présente d'abord le Collectif masculin contre le sexisme. Mise sur pied en 1979, notre organisation sans but lucratif est composée d'hommes qui travaillent, de façon entièrement bénévole, à contrer les diverses formes d'oppression sexiste, dont la résistance à l'instauration de droits égaux à ceux des hommes pour les femmes et pour les enfants. Nous le faisons par un travail d'intervention sur le terrain. Plus d'une centaine de militants proféministes ont collaboré au Collectif masculin contre le sexisme depuis 1979.

Ce travail, mené de concert avec les organisations féministes québécoises et en lien avec le Conseil du statut de la femme, nous a permis de développer une expertise des privilèges masculins et surtout des stratégies mises en oeuvre pour nier ces privilèges et pour les mettre à l'abri du projet collectif d'affirmation des droits et de l'égalité des femmes, fondateur, entre autres mesures, de la création du Conseil du statut de la femme et du Secrétariat à la condition féminine.

n (9 h 40) n

Notre pratique nous a également renseignés sur l'idéologie de la condition masculine ? aussi appelée masculinisme par les observateurs de cette mouvance ? qui oppose aux mesures égalitaires prises par l'État la notion d'une discrimination que subiraient les hommes en tant qu'hommes, une vielle notion qui date déjà du début du XXe siècle.

Nous espérons que ces quelques notes, qui résument 26 ans de pratique active de la participation masculine souhaitée dans la vie du CSF, alerteront la commission aux dangers très réels d'accréditer et d'endosser plus avant ce discours essentiellement réactionnaire en le substituant à l'objectif édicté dans la Loi sur le Conseil du statut de la femme: l'égalité et le respect des droits et du statut des Québécoises. Cela équivaudrait à paralyser et à mettre au rancart des instances et des mesures plus que jamais nécessaires à notre avis, en période de crise économique, pour instaurer et protéger les droits et une véritable égalité des femmes, car, quoi qu'on en dise, cette égalité est loin d'être acquise, surtout face au «backlash» antiféministe venu du lobby masculiniste.

Bienvenue aux hommes? On se pose la question. Si l'État québécois voulait améliorer la qualité de ses interventions pour contrer le racisme, il serait inimaginable qu'il aligne sa politique sur les propos de certains démagogues des ondes radio ou sur ceux de certains microgroupes de Blancs qui dénoncent les prétendus privilèges des nouveaux arrivants ou des autochtones. Il serait encore plus inacceptable qu'il désigne les moins pires d'entre eux comme représentants des Blancs et qu'il les nomme à une instance chargée d'établir plus d'égalité, dans notre société, pour les populations discriminées. Ce serait leur permettre de dérouter une telle instance.

Et c'est pourtant ce que l'on propose en envisageant de nommer d'office des hommes en tant qu'hommes à un conseil au mandat transformé. Il est clair pour nous que des hommes dissidents des privilèges masculins ne pourraient accepter un tel mandat et que ce serait donc à des idéologues masculinistes que l'État permettrait de dérouter le Conseil du statut de la femme et la démarche de l'État vers plus de justice pour les femmes. L'endossement du rapport Rondeau par le ministère de la Santé et des Services sociaux est très inquiétant à cet égard.

Pour notre part, nous comprenons et acceptons qu'une majorité politique comme celle que constituent les hommes n'a pas besoin d'autres représentants que l'État et que la définition des problématiques d'oppression et de discrimination revient de plein droit aux membres des groupes discriminés et non aux groupes privilégiés sous prétexte d'une discrimination symétrique.

Je vous présente maintenant Jean-Michel Roy, qui est membre du collectif, qui est étudiant en informatique à l'Université Laval et qui pourra témoigner de l'interaction qu'il a avec des hommes dans son milieu.

M. Roy (Jean-Michel): Donc, bonjour. Ce que je vais tenter de vous présenter assez rapidement, c'est un portrait de ce que j'ai pu observer dans mon milieu d'études, qui est la Faculté des sciences et génie à l'Université Laval. J'ai pu constater que c'est un milieu qui est à mon avis très sexiste puis très macho aussi. Donc, on peut observer ça dans les diverses manifestations culturelles des activités étudiantes. Par exemple, les affichages qui servent à annoncer les partys et les autres activités sont souvent, là, garnies d'images de femmes soit inspirées de la pornographie ou soit suggérant, là, toutes sortes de choses comme ça qui sont sexualisantes.

Puis je vais vous présenter aussi immédiatement, là, quelques exemples concrets de ces manifestations-là. Donc, je vais commencer par un petit journal qui a été distribué, cet hiver, à la cafétéria, qui s'intitule Info AESGUL, qui est un journal d'information de l'Association étudiante de sciences et génie. Donc, dans ce journal-là, on annonce des activités, des partys, puis on prend des positions. Je vous lis un extrait. Dans une rubrique qui s'intitule Saviez-vous que..., on dit ici: «Saviez-vous qu'une des sélections du "dream team" se fera au Vachon Party et que ton rêve va se réaliser de voir des filles en string dans ta café?» Donc, c'est une formule d'invitation, là, pour amener les gars à participer aux activités étudiantes qui se font souvent en collaboration avec les bars ou avec d'autres groupes comme ça qui font, là, de la sexualisation des femmes leur commerce.

Je vous présente aussi un autre journal de l'Association étudiante, qui est celui-ci de janvier 2005, donc très récent, qui a pour titre Sexe, scandale et décadence, donc qui manifeste, là, l'intérêt des gars pour ces choses-là, puis j'attire votre attention à la page 10 de ce journal-là où on a carrément une rubrique qui s'intitule Culture porno, où on fait la critique et la description de films, là, un petit peu comme on pourrait le retrouver, par exemple, dans le journal Voir, sauf qu'ici il s'agit, là, de films pornos. Donc, voilà.

Puis enfin je vais vous présenter aussi un autre exemple qui à mon avis est un exemple de solidarité des autres gars par rapport à ceux de notre milieu de sciences et génie, donc une solidarité qui vise à défendre ces gars-là, à défendre la position du statu quo dans ça. Donc, pour vous faire une petite mise en contexte, ce sont les gars de génie électrique et génie informatique qui ont organisé une activité qui s'intitule le Porn Tour, qui consiste à louer un autobus, puis à faire une tournée des bars, là, puis à aller justement comme ça dans les bars de danseuses, puis à vendre des chandails, là, à l'effigie de vedettes pornos pour, entre autres, financer leur activité, puis tout ça, puis ensuite prendre des photos de l'événement, placer ça sur le site Web de l'Association étudiante.

Évidemment, là, il y a des étudiantes qui se sont opposées à ça puis qui ont écrit dans les médias pour s'opposer à ça, puis on a eu droit à deux articles, dans le journal Le Soleil, de M. Alain Bouchard pour venir à la défense de ces gars-là, pour dire que finalement le site Web qu'ils avaient monté était techniquement très bien fait, pour arriver à la conclusion que ce sont des étudiants très prometteurs.

Donc, je vais laisser Martin continuer.

M. Dufresne (Martin): Qu'est-ce qu'on peut déduire d'une observation sur le terrain comme ça? Que les choses n'ont peut-être pas autant changé qu'on le dit et que les hommes ne sont peut-être pas si discriminés et si écrasés par le féminisme que ce que certains groupes veulent faire croire.

Depuis ses débuts, le collectif observe un travail d'agitation antiféministe mené par quelques hommes qui prétendent parler au nom de tous les hommes et qui opposent à toute conscience de la condition féminine la notion d'une condition masculine, et ce, au mépris de l'évidence, rappelée dans l'avis du CSF, d'une discrimination systémique qui privilégie encore les hommes et qui marginalise encore les femmes dans une inégalité non seulement de fait, mais également de droit chaque fois qu'une nouvelle loi vient ajouter à l'oppression des femmes.

Nous avons été à même de vérifier, tant par notre travail auprès des petits groupes d'étudiants que par de vastes appels à une mobilisation proféministe, que les idéologues et militants de la condition masculine ne sont aucunement représentatifs des hommes et que l'État ferait une grande erreur en les intégrant à une instance de recherche de l'égalité.

Plus particulièrement, la lutte systématique que mènent beaucoup de ces militants contre les plus égalitaires des politiques de l'État québécois en matière de genre ? la perception des pensions alimentaires, par exemple, qui rassemble la plupart des militants auprès de ces organisations, ou la protection des femmes et des enfants contre les maris agresseurs ? cette lutte systématique est loin de représenter la volonté générale des hommes du Québec.

Le démontrent les quelque 700 signatures masculines recueillies en quelques semaines, au printemps dernier, face au projet d'abolir ou de réorienter radicalement le mandat du Secrétariat à la condition féminine et du Conseil du statut de la femme. Le démontre la solidarité croissante de ces hommes avec des femmes de tout âge dans la quête d'une fin de la violence sexiste et d'une véritable égalité entre femmes, hommes et enfants. Et, cette solidarité croissante là, nous la reconnaissons dans notre travail communautaire, nous la voyons dans la collectivité progressiste, mais elle a besoin d'instances féministes à l'État qui ne sont pas envahies et sapées par le travail des masculinistes.

Notre collectif avait déjà pu vérifier l'ampleur de ce soutien il y a 15 ans, lorsqu'il a recueilli des centaines d'appuis masculins à Mme Chantale Daigle contre les prétentions masculinistes d'un homme qui souhaitait lui imposer des droits du père.

Enfin, comme vous le savez, de plus en plus d'hommes, dont plusieurs ministres du présent gouvernement, prennent ouvertement position, chaque année, contre la violence sexiste. C'est dire que la politique masculine et masculiniste de diffamation et de harcèlement des femmes et des féministes ? y compris des députées et des ministres de l'Assemblée nationale, vous le savez ? n'est pas le fait d'un nombre significatif de Québécois, malgré les courriels dont vous êtes quotidiennement harcelés, et que ce serait une erreur de donner voix à ces revendications.

n (9 h 50) n

Le gouvernement ferait injure aux Québécois de bonne foi en traitant ces pressions comme représentatives de la moitié de la population ou en intégrant à son analyse de l'égalité des prétentions masculinistes qui ne résistent pourtant pas à une analyse objective des réalités des hommes. En fait, selon nous, ce discours nuit particulièrement aux hommes en les déresponsabilisant et en les braquant contre les femmes ? et on pourra en parler tantôt, en période de questions ? comme en témoigne une analyse critique du document Les hommes: s'ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si ce document est diffusé et vanté sur au moins deux sites de propagande haineuse masculiniste. Nous réclamons donc du gouvernement québécois qu'il procède à une telle analyse critique avant d'accorder encore plus de crédibilité au discours masculiniste. Nous l'invitons même à repenser la place présentement concédée à cette idéologie et à ces pratiques uniformément déresponsabilisantes des hommes dans les interventions et services de l'État.

Garder le cap sur la véritable égalité. Nous réitérons la volonté exprimée, au printemps dernier, par ces centaines d'hommes pour qui il est essentiel de maintenir le leadership international du Québec et sa démarche de mise en oeuvre de l'égalité pour les femmes en rétablissant un ministère chargé des droits des femmes, en rétablissant la fonction cruciale du Secrétariat à la condition féminine comme garant des droits des femmes dans les choix de l'État et en protégeant la loi et l'instance du Conseil du statut de la femme contre les projets d'abolition ou d'appropriation masculiniste.

Nos recommandations sont donc les suivantes: ne pas intégrer le discours sur la condition masculine au mandat de la Loi sur le Conseil du statut de la femme; ne pas intégrer d'hommes à l'instance dirigeante du Conseil du statut de la femme; procéder sans délai à une analyse critique des prétentions du document Les hommes: s'ouvrir à leurs réalités et repenser la place présentement concédée à l'idéologie et aux pratiques masculinistes dans les interventions et services de l'État; et enfin rétablir sans délai un ministère chargé des droits des femmes, la fonction cruciale du Secrétariat à la condition féminine comme garant des droits des femmes et protéger la loi et l'instance du Conseil du statut de la femme. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, messieurs. Alors, pour le début de l'échange avec nos invités, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et responsable de la condition féminine.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. Dufresne, M. Roy, merci d'être présents parmi nous en cette deuxième journée. Je vous avoue que j'ai écouté attentivement, j'ai lu, je me suis renseignée aussi sur votre action, votre raison d'être, et vous me permettrez de faire quelques remarques après avoir écouté attentivement ce que vous nous livrez. Puis, c'est évident que j'aurai des questions pour éclaircir, parce que j'apprécie tout à fait le fait que vous nous dites que nous vivons encore dans une société très sexiste, et, M. Roy, vous le démontrez dans votre milieu universitaire, qui est un milieu jeune où on véhicule encore des stéréotypes beaucoup trop marqués et sur lesquels je crois sincèrement que nous devrons agir, c'est bien évident.

Donc, ce que vous nous dites, messieurs, c'est que ce sexisme a des effets bien sûr sur l'ensemble de la société, mais ce que vous nous dites, c'est qu'effectivement il faut poursuivre ce travail féministe. Et, croyez-moi, je veux vous dire, et je vais le répéter aussi souvent que ce sera nécessaire en cette commission, qu'il est évident qu'il faut poursuivre et que le gouvernement, l'État, doit poursuivre la démarche féministe pour s'assurer que nous continuons d'augmenter l'atteinte à une égalité de fait pour les femmes.

Ce qu'on constate par ailleurs, c'est que... Et la raison pour laquelle nous avons ce débat sur l'égalité, c'est qu'à peine une journée plus tard nous constatons quand même qu'il faut continuer à se parler, à dialoguer pour bien comprendre ce que nous voulons dire par «aller vers cette atteinte de l'égalité» et quel est vraiment le sens de cette égalité.

Ce que vous faites ce matin, c'est que vous nous mettez en garde, vous nous mettez en garde contre la montée des groupes masculinistes. Je veux aussi être très, très, très claire et je le répéterai aussi souvent qu'il faudra durant cette commission, pour moi, pour nous, il est évident qu'il ne s'agit pas de donner prise à des groupes masculinistes qui effectivement, au cours des derniers mois ? on en a tous reçu sur nos courriels ? ont des propos qui sont totalement inacceptables, dans la société d'aujourd'hui, à l'égard du féminisme et à l'égard des femmes. Et je ne pense pas que cette commission, s'il y a l'existence de cette commission ou si nous parlons de l'approche sociétale, si nous parlons de l'ouverture du débat aux hommes, ça veuille dire que le gouvernement veut donner prise aux groupes masculinistes, et à leur approche, et à leurs idées.

Et là où je voudrais que vous me précisiez votre pensée, c'est que vous nous dites: Écoutez, on ne vous recommande pas... Puis, dans le document du Conseil du statut de la femme, nulle part je n'ai lu ou n'ai vu qu'on recommandait que des hommes soient dorénavant membres du Conseil du statut de la femme ou même d'un conseil d'égalité. On ne va pas aussi loin que ça. Et, croyez-moi, je n'ai aucune intention dans ce sens-là. La commission, actuellement c'est une commission pour écouter, pour ensuite rédiger une politique. Donc, on est dans un mode écoute. Mais personne n'a dit et je n'ai pas dit que telle serait la finalité. Sauf que vous nous dites: N'invitez pas d'hommes parce que ça pourrait donner prise à... et le gouvernement pourrait donner comme signal qu'il donne prise à la montée des groupes masculinistes, et il ne faut pas que cette montée-là devienne plus importante; au contraire, il faut la contenir parce qu'il y a des dangers.

Mais là certainement que je me trompe, certainement que je vous ai mal compris, les hommes ne peuvent pas tous être dans le même paquet. Je vais vous faire un aveu. Ce matin, j'ai donné une entrevue à un journaliste, qui n'avait rien à voir avec la condition féminine, qui avait à voir avec complètement une autre question de mon mandat, mais pas du tout, sauf qu'il a ouvert là-dessus parce qu'il est citoyen et qu'il lit les journaux, et tout ça, et il m'a dit: Écoutez, moi, j'ai élevé mes deux filles et je partage votre idée sur l'égalité. Mais j'ai dit: Dites-le. Mais il dit: Je ne peux pas le dire parce que, il dit, dès qu'on parle, on se fait taxer de masculinistes. Alors, moi, je vois le danger inverse. Je vois le danger que, si on n'associe pas davantage les hommes qui veulent participer à la démarche de l'égalité, on va se retrouver avec des acteurs sociaux, des intervenants qui ne voudront plus parler parce qu'ils vont avoir peur de se faire taxer de masculinistes. Or, ce n'est pas ça, le but de notre démarche. Ce n'est pas ça, le but de notre travail.

Alors, est-ce que j'ai mal compris? Pourquoi doit-on aller aussi loin que ce que vous semblez nous recommander? Ou alors je n'ai pas du tout saisi le coeur de vos propos.

M. Dufresne (Martin): Bien, je prends acte avec satisfaction de l'intention que vous manifestez de ne pas intégrer d'hommes au Conseil du statut de la femme, et je pense qu'on est d'accord sur ce point-là...

Mme Courchesne: Je n'ai pas dit ça. J'ai dit que j'étais en situation d'écoute, mais nulle part dans les... Actuellement, on se prononce sur le document du Conseil du statut de la femme, et, dans ce document, on ne nous recommande pas une telle chose. On ne mentionne pas qu'il faut qu'il y ait des hommes au Conseil du statut de la femme. C'est pour ça que je vous dis: Je suis dans un mode d'écoute. Mais il ne faut pas conclure non plus qu'on va mettre des hommes partout. L'approche spécifique pour défendre le féminisme et défendre la cause des femmes au Québec, cette approche spécifique, je le répète, elle est très, très, très importante pour moi et nous n'allons pas la délaisser.

M. Dufresne (Martin): Je suis d'accord pour ce qui est de cette approche spécifique. Ce qui nous inquiète et qui inquiète beaucoup d'intervenantes et d'intervenants, c'est de voir cette approche spécifique devenir seulement un des volets de l'action des instances qui ont pour mandat de préserver les droits et l'égalité des femmes selon la loi de 1973, qu'il serait catastrophique à mon avis d'abroger.

Pour revenir à l'essentiel de votre question, je ne pense pas et je n'ai pas constaté que tout homme qui s'exprime sur les enjeux d'équité entre les sexes est taxé de masculinisme. Personnellement, je n'ai jamais été taxé de masculiniste et je parle sur ces questions-là depuis 30 ans.

Par ailleurs, il y a effectivement des hommes qui disent: Oui, les femmes, mais, et qui, à ce moment-là, commencent à mettre sur la table des résistances qu'on a cataloguées, depuis le temps qu'on fait ce travail-là, et qui se regroupent effectivement sous le chef de la condition masculine. En ce sens-là, je pense que, oui, effectivement c'est inquiétant de voir des hommes résister, mais c'est tout à fait prévisible, et, en ce sens-là, la question, c'est: Quel pouvoir donner à ces discours-là dans les décisions qui vont être prises pour établir plus d'équité dans une société qui est encore aussi inéquitable?

n (10 heures) n

Et, lorsqu'on nous dit ? et bien des gens le disent: Les choses ont été assez loin, il faut maintenant écouter les hommes, ou en tout cas: Les femmes n'avanceront pas tant que les hommes ne les soutiendront pas ? il y a toutes sortes de discours en ce sens-là ? c'est inquiétant. Parce que la situation des Noirs ou des autochtones ne s'est pas améliorée lorsqu'on leur a dit: Bien, maintenant, il va falloir que vous écoutiez les Blancs. On comprend que, lorsqu'on n'a pas atteint un véritable niveau d'égalité, c'est du côté des opprimés qu'il faut mettre les énergies.

Lorsqu'on entend les discours, qu'ils soient masculinistes ? mais ils sont souvent repris par l'État; c'est le cas du rapport Rondeau qui reprend explicitement... c'est un rapport qui a été rédigé, rappelons-le, par quelqu'un du ministère de la Santé et de la Sécurité sociale ? et qu'on voit les groupes les plus extrémistes cités comme étant les gens ayant contribué à ce rapport-là, des sites où Marc Lépine est présenté comme un activiste des droits humains, je trouve ça extrêmement inquiétant et je pense qu'effectivement il y a un danger que l'idéologie masculiniste va se diluer dans un discours humaniste général, subventionné amplement par l'État, pour étaler des conceptions si méprisantes, qui suggèrent que les hommes comme les femmes souffrent du sexisme, les hommes comme les femmes ont droit à avoir leurs revendications et leur réalité, entre guillemets, accréditées par l'État et soutenues amplement par le réseau psychosocial.

Il y a un problème très réel là, et je pense qu'il y a un recul que des gens réclament à hauts cris et qu'ils vont venir d'ailleurs réclamer devant vous pendant les prochains mois. Vous allez être en mesure de voir à quel point ces discours-là sont peu soucieux d'une véritable égalité pour les femmes.

Mme Courchesne: J'entends très, très bien puis je peux vous dire que cet aspect-là que vous... Et, dans une société, vous avez raison de mentionner qu'il y a, quand on fait des débats, il y a des positions extrêmes constamment. Et je pense qu'effectivement un gouvernement doit toujours se prémunir contre les positions extrêmes. Mais actuellement, en toute bonne foi, toute bonne volonté, en toute sincérité, si on tient cette commission parlementaire, c'est pour essayer justement de définir ensemble comment on peut poursuivre cet effort d'égalité.

Puis, ce matin, dans Le Devoir, il y a un article qui dit Quand le féminisme change de visage, et il y a une féministe de très, très, très longue date, qui s'appelle Judy Rebick, qui est une féministe canadienne qui oeuvre pour la cause des femmes depuis des décennies, qui est très reconnue, qui dit que «le mouvement ? le mouvement féministe ? ne peut plus se limiter à se battre pour la place des femmes à l'intérieur du patriarcat. Cela doit devenir une cause commune avec les hommes qui ne veulent pas d'une société où tout le monde travaille des heures de plus en plus longues pour nourrir la machine capitaliste.» Elle explique, cette militante, que les féministes doivent penser et agir globalement.

Alors, j'essaie de départager entre une position comme celle-là, qui nous a été exposée, hier, par différents groupes, et un peu ce que vous nous dites en disant: Au fond, ce débat doit rester entre les féministes et cette lutte doit se poursuivre entre féministes pour les femmes. Mais comment allons-nous... Parce que j'essaie de me mettre dans une position gouvernementale, là. On s'entend? Je ne suis pas, moi, un organisme communautaire, je ne suis pas un mouvement de femmes, là. On fait une politique qui va devoir être gouvernementale, donc elle devra, et ça nous est demandé aussi, elle devra, à un moment donné, s'adresser à tous les ministères et organismes. Donc, oui, on va se prémunir, puis comptez sur moi pour me prémunir et prémunir le gouvernement de cette montée masculiniste qui va à mon sens trop loin, mais que par ailleurs il faudra...

Comment allons-nous faire pour faire en sorte que tous puissent s'y retrouver? Et est-ce qu'on ne peut pas aussi penser, comme Mme Rebick, agir plus globalement et essayer de voir comment, dans un gouvernement, on peut avoir toujours ce rôle rassembleur?

M. Dufresne (Martin): Ce travail collectif, ce travail de liaison et de collaboration avec d'autres organismes progressistes, d'autres luttes finalement est effectivement fondamental, et c'est la base de notre travail, entre autres, au collectif, parce que nous travaillons avec des féministes depuis 30 ans, sauf que nous acceptons de le faire dans une optique de reddition de comptes où on laisse les femmes définir les luttes.

Je pense que, lorsque Mme Rebick parle de faciliter des collusions entre les luttes antiracistes, anticapitalistes et antisexistes, c'est tout à fait dans la même optique que nous travaillons, par exemple avec des jeunes anarchistes féministes ou avec des luttes qui tendent à ébranler le racisme au Québec, et ces collusions-là existent. Mais, lorsque nous travaillons avec des femmes et des hommes qui travaillent contre le racisme, nous laissons les victimes du racisme définir la problématique. Or, la question qui est posée actuellement à l'État par les groupes dominants, c'est-à-dire les groupes qui représentent les intérêts des hommes et qui nient l'existence d'une discrimination contre les femmes... La proposition qu'ils font, c'est de créer un conseil de l'égalité où hommes et femmes siégeraient.

Je ne pense pas que Mme Rebick va suggérer qu'on doit créer des comités où capitalistes et anticapitalistes vont siéger. Elle parle d'une collusion entre les groupes de lutte contre l'oppression mais non d'une réduction de la perspective de l'oppression par alignement, symétrisation des conditions des groupes dominants et dominés. C'est très différent et c'est malheureusement ce qui nous vient des gens, des adeptes de la condition masculine, qui semblent beaucoup plus «soft», beaucoup plus conciliants que les masculinistes purs et durs, mais qui tiennent exactement le même discours à l'effet que les hommes ne sont pas dominants, mais ils sont, eux aussi, victimes du sexisme. C'est très séduisant comme thèse parce que ça suggère qu'on vit dans un vaste malentendu où un sexe ne prime pas l'autre, et il suffit de se mettre ensemble puis s'asseoir à une table. Mais c'est pratiquement donner un droit de veto aux hommes sur l'avancée des femmes. Je pense que vous en êtes consciente.

Mme Courchesne: Très.

Le Président (M. Copeman): M. Dufresne, vous avez indiqué qu'en ce qui concerne une relation ? vous avez utilisé le terme «victime», ou que ce soit minoritaire ? dans n'importe quelle relation de groupe, il y a toujours un groupe qui est plus dominant que l'autre, presque. Moi, j'apprends beaucoup à cette commission, des approches spécifiques, approches sociétales. Vous semblez rejeter un peu l'approche sociétale. Je suis d'accord avec vous qu'il faut laisser aux groupes féministes puis aux femmes le soin de définir la problématique. Mais n'est-il pas vrai, en ce qui concerne la quête des solutions, qu'il va falloir associer la société en général, il va falloir associer des groupes qui sont formés majoritairement d'hommes?

Il y a un groupe, hier, qui a indiqué, à un moment donné, dans un mémoire, qu'il reste à démontrer qu'il y a un groupe, majoritairement un groupe d'hommes, prêt à aller de l'avant pour donner plus à la requête de l'égalité des hommes-femmes, laissant entendre que les hommes ne veulent pas ou que ça va se faire à leur détriment. Moi, j'avais dit à une collaboratrice que j'avais le goût de répondre: Oui, il existe un groupe majoritairement d'hommes qui est intéressé à initier des telles choses, ça s'appelle l'Assemblée nationale.

L'Assemblée nationale est formée majoritairement d'hommes. Le Conseil des ministres est formé majoritairement d'hommes. Mais ça ne veut pas dire que, comme institution, ni l'un ni l'autre n'est pas intéressé à promouvoir l'égalité, une meilleure égalité entre les hommes et les femmes. Alors, moi, je pense qu'il y a une nuance à apporter dans tous ces éléments-là.

M. Dufresne (Martin): Je pense qu'on peut s'entendre sur le fait que l'État a la responsabilité de nous amener, comme société, vers plus de justice sociale. C'est une dynamique qui appelle habituellement que les personnes discriminées mettent sur la table la discrimination qu'elles subissent et que le groupe, comme vous dites, qui représente l'ensemble de la société, et donc le groupe politiquement dominant, soit responsabilisé de cette situation-là et adopte des solutions pour y remédier.

Je pense que c'est dans cet esprit que la société québécoise a adopté, en 1973, la Loi sur le Conseil du statut de la femme et reconnu qu'elle avait un travail à faire pour créer l'égalité pour les femmes, pour assurer les droits des femmes. Or, lorsqu'apparaissent des discours qui tendent à symétriser la situation des hommes et des femmes et à prêter aux hommes un statut de victimes qui devraient, eux aussi, être entendus et aussi faire valoir une discrimination qu'ils subiraient en tant qu'hommes, c'est là qu'effectivement on a, comme société, à dire oui ou non, à dire: Oui, c'est vrai ou: Non, ce n'est pas vrai.

Si des propriétaires, de riches propriétaires viennent vous dire que les locataires les discriminent et les oppriment, je pense que vous pouvez faire la part des choses et arbitrer en protégeant, comme l'État le fait jusqu'à maintenant, les droits des locataires qui sont en situation effectivement minoritaire politiquement. La situation est encore celle-là pour les femmes et, dans bien des cas, elle s'aggrave.

n (10 h 10) n

Là-dessus, je dois sonner un son de cloche un peu attristant, mais une des recherches auxquelles le collectif travaille régulièrement depuis 12 ans déjà, c'est le décompte des femmes et des enfants qui sont tués par des hommes au Québec. Eh bien, on constate malheureusement que, alors qu'il y a une baisse générale de la criminalité, la criminalité à l'égard des femmes et des enfants, commise par des hommes, se maintient. C'est dire qu'il y a de plus en plus de femmes et d'enfants qui meurent dans des conditions de meurtre sexiste, et c'est grave. Ça veut dire que cette soi-disant ouverture à l'égalité que la société connaîtrait et qui permettrait de relâcher notre veille n'est pas vraie. Ce n'est pas vrai dans certains cas, en tout cas.

La pauvreté, même problème. Le fossé entre les pauvres et les riches se creuse, et on sait que, dans notre société, ce sont surtout les femmes qui sont pauvres, donc une autre situation qui s'aggrave et qui donne à penser que le CSF doit demeurer guidé par les analyses féministes plutôt que par des analyses plus floues qui laissent entendre qu'hommes et femmes doivent, puisqu'ils doivent participer à la solution, par quelque fausse logique, ils devraient participer à la définition du problème. Oui, les hommes peuvent et doivent participer à la solution, mais on est obligé de tenir compte des résistances actives, organisées, entre autres, par le Mouvement de la condition masculine, contre une perspective qui reconnaît la situation discriminée des femmes.

On est ici simplement pour vous dire ça, parce que notre pratique... Nous, quand on a lu l'avis du Conseil du statut de la femme, on a dit: Bien oui, c'est ça. Voilà, il y a une ouverture à ce que les hommes peuvent apprendre et peuvent faire dans la collectivité. Bien, à ce moment-là, ayez aussi une ouverture à notre expertise, qui est celle de rencontrer un mur, celui de la résistance des hommes qui attendent simplement que les femmes se découragent et celui de la résistance des jeunes hommes pour qui il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Copeman): Mme la ministre.

Mme Courchesne: M. Dufresne, je veux que vous sachiez, là, que, ce que vous venez tout juste de dire, je le partage. Je veux que vous sachiez ça, surtout quand on parle de dossiers comme la violence, la pauvreté, je dirais même l'inéquité salariale. Je pense qu'on a encore beaucoup, beaucoup à faire pour convaincre nos entreprises de régler cette question-là rapidement. Donc, je partage ça. Et, dans des dossiers comme ceux-là, parce que je pense qu'il y a des priorisations à faire aussi, là, quand on parle de la vie et de la mort, moi, je suis très, très sensible, et très préoccupée, et très dérangée par tout ce phénomène de violence dans notre société. Puis, je vais aller plus loin, je suis très, très dérangée aussi dans l'évolution de certaines relations amoureuses chez les jeunes. J'ai des préoccupations pour ça très grandes parce qu'il y a de la violence qui commence vraiment à un très jeune âge et qu'il faut agir à ce niveau-là.

Par contre, ne croyez-vous pas que... Puis je ne veux pas... Quand je vous dis «prioriser», là, ne me prenez pas au mot, au sens de dire que je vais catégoriser ou sectorialiser, ce n'est pas ça. Quand on parle de violence, c'est une chose, on parle de pauvreté, c'en est une autre, d'inégalité économique, c'en est une autre, mais, quand on parle, par exemple, de conciliation famille-travail, ne croyez-vous pas qu'il y a là effectivement un niveau de partage à établir dans notre société, où, vous l'avez dit vous-même, il faut responsabiliser les hommes? Est-ce que, dans le dossier conciliation famille-travail, il n'y a pas là des moyens à mettre en place pour effectivement responsabiliser les hommes à jouer leur rôle, à prendre leur place au sein de la famille et à voir ce partage plus égalitaire entre les rôles sociaux au sein de cette problématique et de cet enjeu?

Puis ma deuxième question, très brièvement. Vous savez qu'on fait ça pour rédiger une politique. Est-ce que vous pouvez me résumer ? je comprends qu'il n'y a pas beaucoup de temps ? mais me dire les aspects sur lesquels vous insisteriez, dans l'élaboration d'une politique, pour faire suite à vos propos de ce matin?

Le Président (M. Copeman): De façon la plus concise possible, M. Dufresne, s'il vous plaît.

M. Dufresne (Martin): Oui. J'avoue que la deuxième question dépasse de loin mes possibilités. Pour ce qui est de la première, j'irais d'un commentaire assez simple. La conciliation travail-famille est souvent traitée comme étant un problème où les hommes sont empêchés d'exercer des responsabilités que par ailleurs ils se précipiteraient à exercer s'ils en avaient l'occasion. Je pense qu'on peut être un peu plus réaliste et reconnaître que, si les hommes partagent peu ou pas les tâches domestiques et parentales, c'est d'abord parce que ces tâches-là ne sont pas payées, c'est ensuite parce que leur choix de carrière les amène souvent à privilégier l'avenir plutôt que le quotidien, c'est ensuite parce que les femmes, elles, étant moins payées, étant tenues dans un rapport affectif particulier, vont «pick up the slack», comme on dit en anglais, c'est-à-dire vont faire le travail si les hommes ne le font pas.

Alors, même s'il est encourageant de penser qu'on va inciter les entreprises à faciliter la conciliation travail-famille, par exemple par les horaires flexibles ? qu'on appuie entièrement, c'est une excellente idée ? il reste qu'il y a quand même une question de privilèges fondamentaux. Tant que les hommes vont être mieux payés que les femmes, tant que les hommes vont avoir l'occasion d'aller vers un choix de carrière beaucoup plus diversifié que celui auquel notre système d'enseignement conduit les femmes, on va continuer à voir les femmes effectivement faire les tâches non salariées parce que ça va être plus payant pour le couple que monsieur exerce les tâches.

Pour ce qui est d'un plan, d'un programme, je vous inciterais simplement à écouter ce que les femmes amènent sur la table. C'est ce qu'on fait. Ce sont les femmes qui en première ligne vivent ces problèmes-là, et le travail que les hommes peuvent et doivent faire, à mon avis c'est celui d'une reddition de comptes aux analyses féministes.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, M. Dufresne, M. Roy. Je vous remercie de vos prises de position très réalistes. Je pense que vous nous tracez un portrait très réaliste de ce qui se vit au Québec actuellement.

M. Roy, il faut particulièrement être courageux, comme jeune qui vit dans un milieu universitaire, de venir dénoncer certaines pratiques qui vont à l'encontre d'une égalité de fait pour les femmes. Il faut un courage certain, et je vous le reconnais. Et j'apprécie énormément que vous ayez pris le temps de venir nous apporter des exemples très concrets.

Je pense que vous avez bien fait de rappeler l'importance de maintenir les structures et de préciser que vous souhaitez que ces structures-là soient composées exclusivement de femmes. La ministre nous a dit tantôt qu'effectivement la commission, ce n'est pas une proposition, mais il va arriver une proposition. Alors, vaut mieux prévenir que guérir, donc, d'autant plus qu'hier il y a eu des questions posées aux groupes de femmes, à savoir pourquoi elles ne voulaient pas qu'il y ait des hommes sur les structures. Donc, je pense que c'est important que vous précisiez tout de suite quelle sorte de structures vous souhaitez et qui doit composer ces structures-là. Je pense que c'est important de le faire avant.

Petite précision aussi sur la citation présentée par la ministre. Le féminisme québécois est un féminisme bien particulier, il y a des ramifications régionales, locales, etc., mais c'est un féminisme qui a toujours pensé et agi globalement. Je refuse de dire que le féminisme québécois doit maintenant penser et agir globalement. C'est ce qu'elle nous dit: Le féminisme doit penser et agir globalement. Le féminisme québécois a toujours pensé et agi globalement, et les mesures qu'elles ont défendu ont toujours amené des progrès pour la société. Donc, ça a eu des effets globaux. Elles ont toujours collaboré avec toutes les instances. Que je pense aux syndicats, que je pense aux instances régionales et avec vos groupes, vos groupes de chercheurs proféministes, elles ont toujours collaboré, et même au niveau des groupes qui dénoncent une mondialisation sauvage et ses effets au niveau de l'environnement. Le féminisme québécois n'est pas un féminisme isolé.

Je ne partage pas non plus lorsque la ministre nous dit: Le masculinisme va trop loin. Le masculinisme, avec ce qu'il représente, ce n'est pas acceptable, vous le dites très bien. Et je veux que vous le reprécisiez. Vous dites: «Notre pratique nous a également renseignés sur l'idéologie de la condition masculine ? aussi appelée masculinisme par les observateurs de cette mouvance ? qui oppose aux mesures égalitaires prises par l'État la notion d'une discrimination que subiraient les hommes en tant qu'hommes.» Alors, moi, je veux que vous reveniez là-dessus parce que c'est important de clarifier les choses.

n (10 h 20) n

Et je sens, puis vous l'avez confirmé aussi dans votre texte, dans vos propos, qu'il y a des masculinistes avec des propos haineux, très radicaux, mais ils ont des ramifications de groupes qui tiennent les mêmes propos, défendent les mêmes objectifs avec un discours beaucoup plus modéré donc comparativement aux autres, un discours que les gens peuvent avoir une tendance à adopter, à cause du ton, mais les idées sont exactement les mêmes et c'est encore plus dangereux et sinueux.

M. Dufresne (Martin): Absolument. Et les uns font passer les autres. C'est la technique du bon flic et du méchant flic. Nous, on a commencé à observer les antiféministes dans les années quatre-vingt. Il y avait une revue qui s'appelait Hom-Info, où sévissaient la plupart des idéologues qui sont, aujourd'hui, logés dans le réseau psychosocial, et ce qu'on a vu, c'est qu'alors que, d'une part, on attaquait les féministes, d'autre part, on offrait soi-disant une aide aux hommes, et on s'est logé dans le réseau des CLSC et ailleurs pour offrir à des hommes en détresse un encadrement qui à notre avis n'a pas du tout servi ces hommes.

Il y a des histoires assez tragiques d'hommes qui ont été amenés à une attitude jusqu'au-boutiste face à leurs ex-familles, par exemple, et qui ont même été poussés jusqu'au suicide par des hommes qui menaient leur guerre par adeptes interposés. Il faudrait, à un moment donné, une investigation de tout ça. C'est très inquiétant que, dans des soi-disant points d'aide, on offre à des hommes essentiellement un discours qui les déresponsabilise entièrement de leur violence et qui les détourne souvent de ressources qui pourraient les aider.

Je vais vous donner un exemple. Il existe un organisme d'aide aux hommes, entre guillemets, qui dit à ces hommes-là: Ne reconnais pas que tu as frappé ta conjointe pour avoir droit à des cours adressés aux conjoints agresseurs parce qu'à ce moment-là ça va te faire un dossier, ça pourrait être utilisé contre toi, ça pourrait nuire à tes droits du père. Mais, si cet homme-là a vraiment besoin d'un soutien thérapeutique, si cette femme-là a besoin de voir la violence exercée contre ses enfants reconnue, pour protéger ces enfants-là et elle-même contre la violence de cet homme-là, comment ça se fait que l'État va subventionner un organisme comme ça qui donne ce genre de conseil là? C'est un scandale.

Et est-ce qu'il faut attendre les enquêtes du coroner sur les meurtres qui vont avoir lieu à cause de telle filière? J'espère que non. Et j'espère que les discours qui facilement suggèrent que tout agresseur a souffert, ou tout agresseur a perdu le contrôle, ou tout agresseur a de la misère à dealer avec la montée du féminisme vont être marginalisés par l'État au lieu d'être encouragés par des subventions et même par une inscription dans des instances décisionnelles.

Il est clair qu'il y a une solution de continuité entre tous les éléments de la mouvance condition masculine, que ce soit à l'université, dans le réseau psychosocial, dans les organismes communautaires, chez les idéologues qui publient des livres, qui organisent des colloques subventionnés par l'État québécois. C'est toujours le même discours où on suggère que les hommes ne sont pas des dominants, ne sont pas des privilégiés qui exercent ces privilèges et qui exercent une répression pour protéger ces privilèges contre le changement, mais sont au contraire des victimes et même des victimes des femmes et du féminisme.

Il y a vraiment une analyse là qui doit être prise en compte par l'État, entre autres ? et je vous le recommande par une analyse critique du rapport Rondeau, ce fameux rapport qui est un tissu de contrevérités où on va présenter, par exemple, la surreprésentation des hommes en prison comme une preuve de la discrimination que subiraient les hommes. Attention! Si les hommes sont à 95 % les auteurs d'agressions sexuelles et à 90 % les auteurs d'agressions violentes, c'est normal qu'ils soient plus nombreux en prison, et ce n'est surtout pas une preuve qu'ils sont discriminés et que ce sont eux, les victimes. Alors, il ne faut pas charrier. Quand on lit des articles dans les journaux disant: Je n'ai pas vu mes enfants depuis deux ans, et que c'est censé être une preuve de la discrimination masculine, mais qu'on lit, dans le texte de l'article, que monsieur est en prison, depuis deux ans, parce qu'il avait agressé ses enfants, à un moment donné il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes.

Mme Caron: Merci beaucoup, M. Dufresne. On a parlé beaucoup, au cours des années, des gains qui avaient été réalisés par le mouvement féministe, des législations, des lois, des programmes, et ce qu'on sent toujours, quand un groupe opprimé, un groupe dominé commence à faire des gains... Les premiers gains, ça va, mais, dès que ça augmente un peu, comme quand la représentation dans les différentes instances s'approche, là, du 30 %, 33 %, ça commence à déranger, et c'est là qu'on sent les forces de résistance qui viennent et qui se mobilisent de toutes sortes de façons, vous l'avez bien dit, façon radicale, façon modérée, parce que ça passe mieux. Et ça a une influence dans le discours, ça a une influence dans les médias, et finalement les gens commencent à se remettre en question.

Mais les gains, s'ils arrêtent, l'inégalité, elle est toujours là, et l'écart agrandit parce que les autres continuent à progresser, et ça, je pense que c'est important de le dire. Dans le fond, au niveau des gains, on ne ramène toujours que la réussite scolaire puis des professions qui sont maintenant occupées par des femmes, qui étaient jadis occupées par des hommes. On l'a dit hier, quand on regarde, là, concrètement qu'est-ce qui leur arrive avec leurs diplômes, comment ça se passe, bien il y a toujours un écart, il est toujours là.

Je veux que vous reveniez ? puis après ça je vais passer la parole à ma collègue de Taillon ? sur la question de la criminalité parce qu'effectivement les chiffres sont aberrants, et, de ce côté-là, malgré nos plans d'action ? et le nouveau plan d'action va dans la même ligne que celui qu'on avait mis en 1995; malgré nos plans d'action ? il y a une réalité qui est là, et, moi, j'aimerais vraiment vous entendre là-dessus.

M. Dufresne (Martin): Il y a différentes formes de criminalité. Souvent, la criminalité...

Mme Caron: Violence, agression, là.

M. Dufresne (Martin): Oui. Mais, si on regarde la criminalité en général, souvent la criminalité est associée aux défavorisés. Ce sont souvent les défavorisés qui vont se retrouver devant les tribunaux. C'est eux qui vont être poursuivis, c'est eux qui vont écoper des peines de prison, et souvent c'est un reflet d'une inégalité sociale. Mais il y a une autre criminalité qui est celle des dominants. Si on pense, par exemple, aux agressions racistes qui se produisaient dans le sud des États-Unis il y a 40 ans, il y avait là une criminalité qui était structurelle, organisée et qui tendait à protéger des privilèges.

J'ai beaucoup travaillé sur le dossier de la violence conjugale à partir de ce que disent les femmes des situations où elles sont progressivement intimidées, violentées psychologiquement, violentées sexuellement, violentées par des coups et blessures. Et vous savez que ça peut aller jusqu'au meurtre, et malheureusement on le documente dans notre travail. Bien, ça, c'est la violence d'un pouvoir menacé, comme disait Micheline Carrier en parlant de la pornographie il y a 20 ans. C'est une violence instrumentale. Or, tout le travail des gens de la condition masculine a été de définir la violence masculine exercée dans la famille comme étant une violence expressive, c'est-à-dire une violence qui échappe au contrôle, et c'est malheureusement le fondement de beaucoup d'approches thérapeutiques: apprenons à l'homme à contrôler sa violence. Or, justement la violence conjugale, c'est un contrôle, c'est un outil. Ça sert, ça apporte des bénéfices. Et, pour nous qui travaillons à essayer de dissuader des hommes des conduites sexistes, c'est très difficile à affronter, cette question-là qui est celle d'une violence instrumentale payante.

Le sexisme, c'est malheureux à dire, mais c'est payant pour les hommes. L'homme qui ne partage pas les tâches domestiques, il en retire un bénéfice. L'homme qui viole parce qu'il ne veut pas négocier un rapport sexuel égalitaire avec une conjointe, pour lui il fait l'économie d'un effort et d'un respect qui ne l'intéressent pas, et ça, les hommes le savent inconsciemment, ils ne veulent pas le reconnaître, mais c'est à mon avis l'ancrage de leur conduite sexiste et ça appelle un travail intraitable par rapport à toutes les idéologies qui suggèrent que justement monsieur est irresponsable de sa violence dès qu'elle dépasse un certain seuil d'intolérabilité sociale.

On voit trop malheureusement, beaucoup trop facilement les procureurs de la couronne accepter de réduire à des accusations d'homicide involontaire ce qui était clairement des actes prémédités. Un homme qui tue sa femme de 25 coups de couteau après avoir coupé le fil de téléphone, à l'extérieur de la maison, puis s'être trouvé un alibi pour ce soir-là, ce n'est pas quelqu'un qui a échappé... Mais, parce qu'il tue sa femme, on va très facilement lui concéder un plaidoyer coupable d'homicide involontaire et il va s'en tirer avec quelques années de prison au lieu des 25 ans qu'il mérite. Ça, pour moi c'est un problème, et je pense qu'il faut faire, à partir de la criminalité, à partir d'une analyse de la criminalité, une analyse du sexisme comme n'étant pas un malentendu entre hommes et femmes mais la protection d'un rapport inégalitaire qui appelle une prise de position très ferme ? et je suis content d'entendre Mme Courchesne nous annoncer sa fermeté dans ce dossier-là ? à l'effet qu'il y a là une discrimination qui doit cesser, et elle ne cessera que lorsque l'égalité sera atteinte, pas lorsque les hommes seront satisfaits de la situation.

Et les hommes nous disent actuellement: Ah! bien, on est insatisfaits, donc écoutez-nous. Donc, les choses ont été assez loin. Non, les choses n'ont pas été assez loin. Il y a de plus en plus de femmes qui sont tuées, les femmes sont de plus en plus pauvres et il y a plusieurs autres dossiers, indicateurs qui nous montrent... Lorsque des doyens universitaires commencent à dire: Bien, là, on reçoit un peu trop de diplômés femmes, il faudrait que le système change pour qu'autant d'hommes soient diplômés que des femmes, c'est extrêmement inquiétant pour la réputation de nos diplômes puis de notre système d'enseignement quand des discours comme ça sont tenus sur la place publique, et il faut tenir tête.

Mme Caron: Merci beaucoup, M. Dufresne.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Taillon.

n (10 h 30) n

Mme Marois: Merci, M. le Président. Bien, je vous souhaite la bienvenue à mon tour et je vous remercie pour vos prises de position très claires et très cohérentes aussi.

Je vais venir sur un aspect que vous avez abordé en particulier, M. Roy, à savoir l'existence de manifestations de sexisme, d'expressions de sexisme à l'intérieur, entre autres, de vos activités universitaires ? comme le monde de l'éducation m'intéresse particulièrement ? que ce soit dans les médias universitaires ou dans des activités dont la promotion est faite par les associations étudiantes.

Dans la proposition d'orientations gouvernementales et d'axes d'intervention, je pense qu'il y a une orientation qui est intéressante à cet égard-là, qui est la première orientation, qui propose la transformation des rôles sociaux par la lutte aux stéréotypes féminins et masculins et par la promotion de valeurs et de comportements égalitaires, et on vient, entre autres, dans les différents axes d'intervention, sur le fait qu'on devrait amener les milieux de la culture, du sport, des loisirs ainsi que les médias ? et pour moi ça comprend aussi les médias communautaires et les médias sur nos campus ? à évaluer leur conduite par rapport à la diffusion de stéréotypes sexuels et sexistes et à la promotion de valeurs égalitaires. Ça, ça va pour le principe.

Est-ce que vous avez imaginé concrètement des moyens pour empêcher tel type de comportements, ou tel type de prise de position, ou tel type d'actions par des organismes qui sont quand même issus du milieu étudiant, par exemple? J'aimerais vous entendre sur ça parce qu'on a souvent en principe des principes très solides ? c'est-à-dire, on a souvent une bonne volonté manifeste ? mais après il faut agir concrètement. Moi, c'est toujours ce qui me préoccupe, c'est comment, hein, on va changer les choses, comment on va amener à ce que ces comportements se transforment ou n'existent plus ou que l'égalité apparaisse concrètement et justement dépasse simplement un niveau de satisfaction ? parce que maintenant on est à 30 % dans les fonctions, par exemple, de responsabilité au niveau politique. Alors, voilà, je vous pose la question.

M. Roy (Jean-Michel): Je dirais que, dans les moyens, je sais qu'il y a des jeunes féministes, là, sur le campus qui en ont déjà imaginé puis qui en ont déjà mis en oeuvre. Par exemple, là, les féministes du groupe Salvya, à l'Université Laval, ont organisé une exposition visant à dénoncer les affichages sexistes qui ont lieu partout sur le campus ainsi que sur Internet puis dans les médias, disons, à l'extérieur du campus. Donc, ici, je pense que ces féministes-là ont choisi de se mettre dans une position, là, de dénonciation.

Puis je pense que les hommes, à ce moment-là, ont le choix soit d'accepter de se remettre en question puis de reconnaître l'expérience que ces femmes-là vivent lorsqu'elles sont exposées à ces affichages-là, ou il y a d'autres hommes qui choisissent d'aller piger dans les arguments machos, qui disent que c'est ordinaire, il y en a partout, ça fait que pourquoi on s'en ferait avec ça, ou d'aller piger dans les arguments masculinistes qui vont essayer de poser les hommes en victimes en disant, par exemple: Ah! mais il y a tel groupe de pompiers qui a aussi fait un calendrier, alors c'est pareil pour les hommes.

Mme Marois: Oui, c'est vrai. Bien, c'est justement... En fait, je pense que vous illustrez bien là les propos que vous... c'est-à-dire les orientations que vous défendez ici en disant: Il ne faut pas se laisser berner finalement par une approche qui nierait l'existence des stéréotypes sexistes.

Est-ce qu'il y a un support particulier qui devrait être apporté par le gouvernement dans cette lutte contre les stéréotypes, au-delà des campagnes que l'on fait, par exemple, de publicité ou de promotion?

M. Roy (Jean-Michel): Moi, ce que je pense par rapport à ça, c'est que c'est toujours bon de reconnaître les organisations féministes déjà existantes, autant les jeunes féministes que les féministes plus aguerries. Donc, je pense que ce serait intéressant que le gouvernement soutienne directement ces groupes-là puis reconnaisse leur autodétermination puis que, dans ce sens-là, le gouvernement ait une politique qui ne va pas nécessairement orienter directement les actions de ces groupes-là mais plutôt reconnaître leur expertise puis les soutenir là-dedans.

Mme Marois: Oui. O.K. C'est intéressant. Moi, je crois toujours aussi à l'action par les pairs ou par les gens qui sont au coeur des activités, là, concrètes, et c'est toujours préférable, je crois, d'appuyer ces actions-là que d'imposer peut-être des façons de faire qui parfois ne passent absolument pas la rampe. Oui, M. Dufresne?

M. Dufresne (Martin): Pour relancer ce que Mme Goupil disait, on a développé au Québec une expertise, justement dans l'analyse des représentations sexistes dans les médias, qui contribue au rayonnement du Québec sur la scène internationale, ce qui faisait d'ailleurs partie du mandat du Conseil du statut de la femme, et, en ce sens-là, on peut aller chercher beaucoup de productions locales. Moi, je suis toujours fasciné par la qualité des productions qui sont faites souvent dans des régions isolées du Québec. Ce matériel-là pourrait être diffusé à la grandeur du Québec et même jouir d'une diffusion dans la francophonie, et ça contribuerait beaucoup à la reconnaissance de cette avancée exceptionnelle que les femmes québécoises ont offerte à l'ensemble de la société.

Mme Marois: Merci. Une dernière question. Sur le fameux rapport Rondeau, vous suggérez de procéder, là, à une analyse critique. Qu'est-ce que vous attendez formellement à cet égard? Une action immédiate? Une action qui va mener ensuite à publier les résultats? Qu'est-ce que vous attendez concrètement de cela?

M. Dufresne (Martin): Ce que j'avais compris, c'est que ce rapport-là avait été commandé à des personnes comme pour informer le gouvernement. J'ai été très surpris de voir ce document-là présenté comme issu en fait ? parce qu'il a été rédigé par quelqu'un du ministère de la Santé et des Services sociaux ? comme issu du gouvernement et même utilisé pour justifier des politiques gouvernementales alors qu'il n'a pas été soumis à un examen par ses pairs. Il existe beaucoup d'autres spécialistes des questions des rapports de genre qui sont en mesure de montrer les amalgames absolument irrecevables. M. Jean-Claude St-Amant, entre autres, a fait une analyse. Ne serait-ce que la bibliographie démontre à quel point il s'agit essentiellement d'un ramassis d'opinions de gens issus de la mouvance de la condition masculine et qui tentent à donner une crédibilité à leurs conclusions. Mais je pense que l'État a la responsabilité de confronter ces faits-là à d'autres faits, et de les mettre en contexte et de juger, par exemple, si c'est vrai que les hommes souffrent plus de maladie mentale que les femmes. Il y a beaucoup d'indices qui démontrent le contraire.

On a monté en épingle le suicide masculin sans tenir compte de l'ensemble des suicides. On ne peut pas tenir compte seulement des suicides complétés. Si on tient compte de l'ensemble des suicides, c'est encore les femmes qui sont plus nombreuses que les hommes à attenter à leurs jours, c'est encore les femmes qui vivent plus de détresse, plus de pauvreté, plus de maladie mentale. En ce sens-là, c'est déjà un peu obscène de profiter de la détresse des gens pour essayer d'avancer des pions sur l'échiquier politique, mais au moins qu'on tienne compte véritablement de la détresse qui amène des gens à attenter à leurs jours. Je pense qu'une analyse différenciée selon le sexe va démontrer que ce sont des raisons différentes et des conjonctures différentes qui amènent différentes populations d'hommes et de femmes à attenter à leurs jours.

Par exemple, si on tient compte de l'homophobie, du racisme, on s'aperçoit que beaucoup des hommes qui attentent à leurs jours sont amenés à le faire parce que justement ils sont tenus à l'écart d'une culture viriliste, et, en ce sens-là, ce n'est pas une condition d'homme qui amène les hommes au suicide mais justement une condition d'homme exclu de la condition d'homme. Et, pour ce qui est des femmes, on s'aperçoit que c'est beaucoup plus la pauvreté, la violence, la marginalisation, des images de soi qui ne correspondent pas aux stéréotypes. Toutes ces raisons-là sont des raisons qui amènent les femmes à la détresse. Donc, ça appelle non seulement une analyse différenciée, mais une intervention différenciée et surtout qu'on ressorte ce champ-là du champ de la revendication politique des antiféministes. Moi, je trouve ça irrecevable.

Mme Marois: Alors, nous recevons très positivement vos commentaires, et j'imagine que l'ensemble des membres de la commission aussi. Merci. Merci beaucoup, messieurs.

Le Président (M. Copeman): Vous pouvez imaginer, moi, je dois vous remercier, M. Dufresne et M. Roy, d'avoir participé à cette commission au nom du Collectif masculin contre le sexisme. J'invite les représentants du prochain groupe, c'est-à-dire la Conférence régionale des élus des Laurentides, de prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 39)

 

(Reprise à 10 h 41)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues! Alors, nous reprenons nos travaux. C'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Conférence régionale des élus des Laurentides. M. Poirier, Mme O'Sullivan, bienvenue. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de débuter votre présentation.

Conférence régionale des élus des Laurentides
(CRE des Laurentides)

M. Poirier (Robert): Merci à vous de nous permettre de vous présenter... D'entrée de jeu, je voudrais préciser que le Conseil régional des élus des Laurentides n'est pas ici à titre d'organisme revendicateur mais plutôt un organisme qui va mettre en application possiblement la politique que vous voulez mettre en place. Alors, on est un organisme d'application, et notre mandat de concertation a fait en sorte qu'on vous a déposé, aujourd'hui, un projet... pas un projet mais notre mémoire sur l'avis de votre demande.

Et d'entrée de jeu je vous explique un peu comment notre Conférence régionale des élus est bâtie, pour nous permettre de vous déposer un document aujourd'hui. La CRE des Laurentides est représentée par 56 membres, en majorité des hommes, parce que la loi nous oblige à présenter les maires ou mairesses des villes de plus de 5 000 habitants. Alors, à partir de ce moment-là, de façon statutaire, les hommes sont en majorité dans les Laurentides, même si les Laurentides sont l'endroit au Québec où il y a plus de femmes mairesses au Québec en pourcentage.

La structure: nous avons créé 12 comités sectoriels, et ils ont le plein pouvoir, aussi bien budgétaire que d'orientation. Un de ces comités est le développement social, présidé par Mme O'Sullivan, et Mme O'Sullivan a été la présidente et aussi la responsable de la concertation pour le dépôt du mémoire aujourd'hui. Alors, la majorité des interventions vont être faites par elle.

Permettez-moi de vous parler aussi que vous n'avez pas, entre les mains, la composition des gens qui ont écrit ce mémoire-là ensemble. En plus de Mme O'Sullivan, nous avons eu Mme Danielle Demers-Thérien, mairesse et vice-présidente du développement social de la CRE et mairesse de Sainte-Anne-des-Plaines, qui en faisait partie, Jean-Paul Cardinal, maire aussi, de Sainte-Adèle, ensuite Monique Lafrance, conseillère municipale de Saint-Colomban, Line Chaloux du Coffret, point de vue immigration, Mme Thaïs Dubé, du forum jeunesse, Huguette Dumay, du TRAL ? c'est le parti des aînés ? ensuite Richard Paquin, des agences de santé et services sociaux, Robert Laliberté, du CLSC des Pays-d'En-Haut, M. Patrick Kearney, de Loisirs Laurentides et aussi du centre jeunesse, Benoît Trudel, Coopérative de développement Outaouais-Laurentides, pour une moyenne d'âge de 40 ans et un comité à parties égales hommes-femmes. L'introduction est faite.

Alors, le 3 décembre dernier, nous avons mandaté le comité présidé par Mme O'Sullivan pour écrire une position, que la CRE a adoptée ensuite en comité exécutif. Si vous permettez, d'entrée de jeu, au début, on dit: La Conférence régionale des élus des Laurentides désire rappeler quelques grands principes fondamentaux qui doivent guider toute action visant la mise en place d'un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Ces principes se lisent comme suit: la démarche de mise en place de ce nouveau contrat social doit s'inspirer de valeurs humanistes; cette démarche doit avoir pour objectif plus que la simple égalité, plus que la notion quantitative, mais viser l'équité, la notion qualitative; les mesures et les programmes d'accès à l'égalité doivent s'adresser à la fois aux hommes et aux femmes; il importe en tout temps de garantir la liberté de choix des acteurs sociaux; la notion de complémentarité entre hommes et femmes, tombée en disgrâce au fil des années, devrait être réhabilitée, en ce sens que l'égalité entre les genres ne suppose pas que les femmes et les hommes soient identiques.

La CRE des Laurentides croit fermement que l'égalité entre les femmes et les hommes bénéficie à l'ensemble de la société. Pour employer une expression empruntée au vocabulaire des sciences économiques, l'égalité représente un gain social net. Alors, quand vous nous posez la question...

La proposition de stratégie: l'approche pour concrétiser l'idéal d'égalité. L'avis du Conseil du statut de la femme formule une stratégie en trois approches ou en trois paliers afin d'atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes. Parmi celles-ci, l'approche transversale, par sa nature intersectorielle, apparaît nécessaire dans la mise en place de mesures visant l'égalité entre les hommes et les femmes. La CRE des Laurentides estime que cette approche transversale commande le maintien d'un organisme, tel que le Conseil du statut de la femme, afin de s'assurer que l'ensemble des lois, et des politiques, et des programmes mis de l'avant par l'État québécois aillent dans le sens de l'égalité de fait entre les femmes et les hommes. À cet égard, la production de données découlant d'une analyse différente selon les sexes doit respecter deux critères: être un outil neutre, non discriminatoire envers quelque genre que ce soit, et, deux, ne servir que pour des fins auxquelles ils sont destinés, c'est-à-dire la promotion et la mise en place d'une égalité faite entre les femmes et les hommes.

Maintenant, quand on tombe dans la position, je vais passer la parole à Mme O'Sullivan.

Mme O'Sullivan (Lysane): Merci beaucoup. Suite aux propos que M. Poirier vient de tenir, la discussion s'est faite, il y a une première chose qui a été reconnue, c'est qu'il y a une égalité de droit, mais il n'y a pas d'égalité de fait. Et c'est pour ça que pour nous le Conseil du statut de la femme doit demeurer, doit demeurer avec une composition femmes. Tantôt, on va parler des tables de l'égalité qui pourraient être mixtes, mais pour nous le Conseil du statut de la femme, tant que l'égalité dans les faits ne sera pas atteinte, doit demeurer femmes.

Et, au niveau de l'analyse différenciée selon les sexes, je vous donnerai juste un exemple qui pourrait montrer notre vision de l'analyse différenciée. On croit que c'est extrêmement important pour prendre une connaissance des décisions en toute connaissance de cause. Par contre, pour nous c'est un outil qui peut aussi être très dangereux s'il est mal interprété. Et à cet effet je prends, par exemple, les jeunes garçons à l'école. O.K.? Les jeunes garçons décrochent, les jeunes garçons sont en problème, c'est catastrophique. Quand on pousse l'analyse différenciée beaucoup plus loin, on s'aperçoit que les jeunes garçons décrochent, oui, mais qu'ils raccrochent, qu'ils peuvent aller dans des métiers non traditionnels et qu'ils vont finir, en bout de ligne, comme des adultes responsables et bien outillés, avec de bons revenus. Les jeunes femmes décrochent, elles restent décrochées et elles se retrouvent plus pauvres. Donc, si on prend l'analyse différenciée à son premier niveau, on met toutes nos actions au niveau des jeunes garçons, mais on vient de faire un vice monumental, dans le sens que c'est les jeunes femmes qui en ont le plus besoin.

Concernant la troisième position de la CRE des Laurentides, relativement à certaines propositions d'orientations gouvernementales formulées dans l'avis du Conseil du statut de la femme, promouvoir l'égalité économique entre les femmes et les hommes et corriger les inégalités qui persistent dans le contexte d'une économie ouverte et mondialisée, on n'a pas été plus loin dans ça parce que pour nous c'est toute la notion de la Loi sur l'équité salariale, et, comme, autour de la table, nous n'étions pas experts, nous savons qu'il y a des démarches en cours et on n'a pas poussé plus loin notre discussion.

Au niveau de la troisième orientation, susciter la reconnaissance de la parentalité et du soutien aux personnes dépendantes et mettre en place les conditions pour une meilleure articulation des temps sociaux, un petit peu plus tard, le ministre Béchard va aller en commission parlementaire, lui aussi, au niveau de la conciliation famille-travail, et là vous allez voir que notre position est cohérente avec ce qu'on a pris comme position au niveau de la politique familiale.

La CRE des Laurentides estime que les mesures de conciliation travail-famille doivent être considérées comme un outil à privilégier afin d'atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes. L'État québécois doit donc renforcer ses mesures à cet effet et mettre en place une véritable politique familiale globale, transversale, couvrant tous les aspects de la conciliation de la famille et du travail, les congés parentaux, les garderies, l'aménagement des horaires, les aînés, etc., plutôt que des programmes à la pièce qui s'articulent face à des problématiques mais qui ne sont pas reliés ensemble dans une grande perspective. Cependant, la CRE des Laurentides souligne que la mise en place de mesures de conciliation travail-famille en entreprise est plus problématique pour les petites PME que pour les grandes entreprises, car elles disposent de moyens nettement plus limités. Aussi, afin d'atteindre l'objectif d'égalité femmes-hommes qu'il s'est fixé, le gouvernement du Québec devrait tenir compte de cette donnée et prévoir à cet effet des mesures d'aide s'adressant spécifiquement aux entreprises, du moins y avoir une certaine sensibilité.

n (10 h 50) n

Par ailleurs, l'avis du Conseil du statut de la femme met de l'avant une conception de l'individu qui passe principalement par le travail salarié. Consciente que l'occupation professionnelle constitue, aujourd'hui, le principal marqueur d'identité sociale, la CRE des Laurentides souhaite cependant une revalorisation du travail non salarié, soins des enfants, soins des parents. En effet, la valeur du travail non salarié souffre d'une non-existence méthodologique. Elle n'est pas quantifiée et n'est donc pas prise en compte dans le calcul de la production de la richesse.

Ça, ça a été soulevé par nos jeunes, qui disent: Bon, vous, Mme O'Sullivan, vous étiez plus vieille, ça faisait votre affaire que les portes se rouvrent puis que parce qu'il y a des perceptions, dans le milieu, entre les générations... Donc, nous, aujourd'hui, on n'a même plus le choix. Aujourd'hui, si je fais le choix de rester à la maison, d'élever mes enfants, qui est le plus beau métier du monde... Et la jeune femme qui me parle, elle a deux bacs puis une maîtrise. Elle me dit: Je n'ai pas le choix de rester chez nous puis d'élever mes petits, je vais être perdante au niveau de ma carrière. Donc, c'est dans ce contexte-là que ça nous est amené. Pourtant, la contribution de ce travail non salarié au mieux-être de l'enfant ou de la société ne doit pas être mésestimée.

Sixième orientation: soutenir l'exercice du pouvoir et de la participation sociale en toute égalité pour les femmes et les hommes sur les plans national, régional et local. La CRE des Laurentides croit que les organismes à qui l'État délègue des pouvoirs, comme la conférence régionale des élus, les municipalités, les écoles et les services de santé, ont la responsabilité d'appliquer des mesures visant l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il apparaît également essentiel que ces divers organismes obtiennent les ressources leur permettant d'acquitter leur responsabilité à cet effet. La CRE des Laurentides soutient également l'objectif visant à augmenter la présence des femmes au niveau des instances locales régionales. À cet effet, nous soulignons que notre organisme a déjà adopté les principes d'une politique d'égalité. Ainsi, nos 12 comités sectoriels sont présidés à égalité par des hommes et des femmes.

Assurer l'ancrage et l'égalité entre les femmes et les hommes au sein du gouvernement. La CRE des Laurentides souscrit à la mise en place de mesures favorisant l'égalité entre les femmes et les hommes dans les sphères politique et économique ainsi que dans la sphère de l'administration publique. À ce propos, mentionnons que les femmes constituent, aujourd'hui, 53 % de l'effectif régulier de la fonction publique québécoise, proportion en hausse constante depuis quelques années. On remarque toutefois de grandes différences entre divers corps d'emplois. Ainsi les femmes et les hommes sont présents en proportion presque égale au sein des postes de niveau technique, soit respectivement 54 % et 46 %, mais 86 % des postes de personnel de bureau sont occupés par des femmes et 97 % des emplois de catégorie ouvrier sont occupés par des hommes. La grande question qui se pose ici est de savoir si ces différences, pour certains types d'emplois, sont le fait de choix librement consentis par les personnes mais qui traduisent des préférences marquées selon l'appartenance à un sexe plutôt qu'à un autre, ou si ces différences résultent véritablement d'une discrimination systémique.

La CRE des Laurentides désire toutefois inciter à la prudence face à certains effets pervers d'une politique d'égalité qui ne serait centrée que sur une égalité strictement quantitative. En effet, l'expérience enseigne que les politiques de quotas, que ce soit ici ou ailleurs dans le monde, ont parfois pour effet de reléguer au second plan la nécessaire compétence des personnes. Dans l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes, les principes d'équité, de justice et d'égalité des chances pour tous doivent continuer de s'appliquer. Une entorse à ces principes a trop souvent pour effet de discréditer l'ensemble du processus. Dans tous les cas d'espèce, la CRE des Laurentides est d'avis qu'il faut éviter de biaiser les divers processus de mise en place de l'égalité femmes-hommes au nom d'une certaine rectitude politique et invite donc le gouvernement et les organismes concernés à la prudence et au discernement.

M. Poirier (Robert): Alors, en conclusion, dans son avis, le Conseil de statut de la femme propose la création d'une table de partenaires de l'égalité qui aurait pour objectifs la mobilisation, le partage d'expériences et la concertation entre divers intervenants des milieux gouvernementaux, syndicaux, des affaires ainsi que les regroupements régionaux et municipaux. La CRE des Laurentides endosse les objectifs visés par une telle table mais aussi propose ce qui suit. En vertu des principes de subsidiarité et de proximité, les instances sectorielles de la CRE peuvent se charger de la mobilisation et de la concertation entre les acteurs du milieu, et ce, de manière beaucoup plus efficace que peut le faire une table nationale située au Québec. La création de tables régionales de partenaires de l'égalité devrait être laissée à la discrétion des CRE. Ce serait alors aux acteurs du milieu, actifs sur le terrain, à juger de la pertinence de créer de telles structures. Par ailleurs, si le gouvernement décidait de donner suite à cette proposition du Conseil de statut de la femme, la CRE des Laurentides estime que cet organisme ne devrait pas relever de l'autorité dudit conseil mais plutôt du ministre responsable de la Condition féminine. En effet, nous estimons que seul un élu, ou une élue, possède l'éligibilité politique nécessaire pour procéder à la nomination des membres d'une telle table nationale et lui confier des mandats.

En résumé, dans une pensée positive, lorsqu'on parle d'égalité, on parle souvent de quantité. Nous allons vers ce processus de quantité, nous voulons amener la société à arriver au niveau de la qualité des représentants pour arriver à une société qui fait des choix libres, des choix de goût, des choix d'implication et où la notion de différence n'existe plus. Dans combien de temps on va y arriver? L'objectif est là, il est mis sur la table. Allons-y par étapes.

Nous, dans les Laurentides, nous avons fait ce débat d'égalité en disant: Prédominance féminine. Nous avons fait un débat de plus de quatre heures entre tous les acteurs, au niveau du CRD, à ce moment-là. Nous sommes arrivés à une conclusion, que la maturité des Laurentides était rendue à l'équité entre les genres. Et on n'est pas rendus encore à définir la qualité des représentants pour arriver à une politique de représentation qui ne suppose pas qu'un sexe, lorsqu'il est élu par la majorité de gens, représente simplement un côté de la médaille mais est assez formé et a une vision sociale, à cause de ses antécédents, qu'il est capable d'aussi bien défendre les droits des hommes que des femmes dans une position de pouvoir aussi bien d'un élu ou d'un représentant d'un groupe social.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Alors, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et responsable de la condition féminine.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mme O'Sullivan, M. Poirier, merci beaucoup d'être présents, d'avoir parcouru la distance. Je trouve votre présentation extrêmement intéressante.

D'abord, je veux vous féliciter, je veux vous féliciter parce que vous êtes une région qui n'avez pas attendu, vous êtes extrêmement proactifs, ou une région très proactive, dans différents débats. Mais je suis très sensible au fait que vous ayez rapidement abordé cette question de la représentation des hommes et des femmes au sein de vos instances et aussi à travers certaines suggestions que vous nous faites ce matin. Et, à travers votre présentation, on sent très, très bien que vous y accordez beaucoup d'importance.

M. Poirier, je vais même vous dire que le fait que vous ayez tenu à être présent à titre de président de la Conférence régionale des élus, pour moi c'est extrêmement encourageant, c'est un signal important, et j'espère que ce sera un signal important pour toutes les conférences régionales des élus du Québec. Et là-dessus je tiens à vous exprimer certainement ma reconnaissance et mon appréciation à cet égard-là. Cela dit, je vous reconnais bien aussi, vous êtes très présents dans des dossiers où il y a des enjeux qui sont importants.

Je vais commencer d'ailleurs par la fin de votre présentation. Quand vous nous suggérez de créer des tables régionales des partenaires de l'égalité, je veux vous dire tout de suite que j'aime ça beaucoup, que j'apprécie ça beaucoup. Je trouve que ça rejoint aussi la volonté d'accorder aux régions la capacité de décider pour elles-mêmes tout en respectant leurs spécificités et la capacité d'exercer un réel pouvoir, tout en respectant leurs spécificités et en respectant leurs acteurs qui sont réunis.

n (11 heures) n .

Alors, cette table-là, disons qu'elle existerait, vous nous dites, elle réunirait donc un peu le reflet de ceux et celles qui agissent à différents niveaux dans votre région. Est-ce que vous iriez aussi loin... Bien, deux questions, en fait. Quand on aurait cette table-là, quels seraient ses principaux objectifs... ou plutôt sa principale mission? Est-ce que l'objectif serait d'élaborer une politique de l'égalité? Ou alors comment concrètement cette table pourrait... Et dans quels domaines spécifiquement cette table-là pourrait agir pour faire avancer la cause de l'égalité? Pouvez-vous me préciser davantage, là, ce que vous aviez en tête? Et à quel titre et dans quel secteur est-ce qu'elle agirait? Par exemple, dans des dossiers, j'imagine, de conciliation travail-famille, puisque vous en parlez dans votre mémoire. Mais est-ce que vous allez aussi loin que d'établir une politique? Comment aussi, sur le plan politique, M. Poirier, on peut réussir à mobiliser des forces pour qu'il y ait des résultats concrets? Parce que, tu sais, faire des tables, faire des politiques, c'est une chose, mais, en région particulièrement, ce qu'on veut, c'est d'obtenir des résultats sur le terrain. Alors, je vous écoute.

M. Poirier (Robert): Si on suit la logique de l'établissement de conseil régional des élus et de tout l'effort gouvernemental, au cours des cinq dernières années, pour responsabiliser les régions, que ce soit avec un gouvernement ou un autre, on voulait donner de plus en plus de pouvoir aux régions, l'objectif de mettre en place ce type de responsabilité sociale dans une région, et c'est pour ça qu'on dit: Quand on parle d'une table régionale, on parle vraiment des propositions d'actions concrètes pour régler qu'est-ce qui est le plus près possible de la citoyenne ou du citoyen. Alors, c'est une table qui réfléchit suite à une politique nationale, mais qui réfléchit à des moyens concrets, et ayons la latitude d'implanter des choses dans une région. Et je sais que pour le gouvernement c'est très difficile d'accepter que, dans une région... c'est très difficile d'accepter, aujourd'hui, dans une région, d'accepter des projets pilotes, qui est très différent d'une région à l'autre, la mentalité... Et, aujourd'hui, on en parle, mais on ne peut pas agir encore. On va peut-être y arriver. Alors, je dis juste qu'une politique nationale d'égalité ferait que la table...

Exemple, chez nous, on mandaterait notre comité de développement social de créer une table, de nous faire des suggestions, mais avec un pouvoir, au-delà de suggestion, d'implantation de projets pour vraiment concrétiser et faire avancer ces choses-là. Et on vise toujours la première étape, c'est quantitatif, on n'est pas rendus encore à l'étape de qualitatif, et ça, quand on prend cette notion-là, c'est qu'on change aussi la façon de penser de nos futurs dirigeants, nos futurs politiciens, et aussi les réflexes que le monde médiatique nous amène à avoir, comme un réflexe naturel que la publicité sexiste, ou peu importe, les films à 10 heures le soir, c'est des choses qu'on n'a pas besoin, mais c'est un réflexe qui est rendu naturel.

Alors, je reviens en disant: La table régionale doit aussi être accompagnée d'une politique d'équité, mais d'une politique familiale. Si on n'a pas ça, si on ne vise pas le noyau de réussite de la famille, on n'atteint pas l'objectif, parce qu'on va toujours tourner en rond. Il faut avoir un idéal québécois de valoriser la famille, mais dans la réussite familiale et pas juste la réussite dans le monde politique ou la réussite d'une vie, d'atteindre juste un diplôme ou d'atteindre une certaine richesse. La richesse de la famille doit être mise à l'avant-plan, et ça va être, pas difficile, mais ça prend des années de concertation et de sensibilisation pour arriver à avoir un projet, pas pour une minorité de gens, des élites, mais pour la majorité des Québécois qui, aujourd'hui, réfléchissent, à tous les jours, dans le trafic, qu'on va dire. S'il y a 45 % de la population qui est prise dans le trafic à Montréal, bien, quand ils prennent le temps d'y penser, bien, eux, ils veulent avoir une politique qui les rejoint, qui va les aider à avoir une réussite familiale.

On sait qu'il y a des drames des deux côtés, qu'il y a des exagérations au niveau de nos élites, richesse, peu importe, mais aussi une exagération au niveau... Quand on dit qu'il y a des drames familiaux, oui, mais, quand on vise une société... Si on veut changer une société, il faut toucher au coeur de la société pour que celle-ci embarque tout le monde. Alors, quand on parle d'une table régionale, c'est d'être le plus près possible des citoyens et des citoyennes pour essayer de modifier leur quotidien, pour que plus tard on ait un réflexe et on arrive au quantitatif, le réflexe d'avoir des représentations quantitatives.

Mme O'Sullivan (Lysane): Si je peux me permettre, Mme la ministre, lors de cette petite consultation que nous avons faite au niveau de ce comité ad hoc, on s'en est parlé, de qu'est-ce qu'on pourrait faire avec la table régionale, et la première des choses qu'on s'est dites, c'est que, quand on va vers une égalité de fait, on s'en va vers des changements sociaux qui sont intégrés dans le «day-to-day», et pour ça malheureusement on pense que ça prend encore de l'éducation populaire auprès des familles, auprès des jeunes, auprès de l'école. Donc, il y aurait une réflexion à faire sur celle-là.

Une concertation des acteurs, asseoir ensemble, à une même table, les groupes de femmes, les groupes masculinistes, les groupes famille, parce qu'encore là tous ces gens-là... Souvent, on a encore le réflexe de travailler en silo parce qu'on va chercher des subventions par projet. Et, dans les Laurentides, on est convaincus que c'est le travail dans une approche globale qui va faire qu'on va être capables d'emmener notre région où on veut qu'elle soit, à l'image de ce qu'on veut qu'elle soit dans 20 ans. Ça va être des actions sur le terrain qui vont aller dans le respect de la spécificité des Laurentides et qui vont valoriser énormément la complémentarité homme-femme. C'est assez, d'opposer l'homme et la femme, il faut vraiment y aller dans une complémentarité, valoriser l'individu quel que soit son sexe, avec ses forces, et, de cette façon-là, on va sortir du discours victimiste, on va sortir du discours dominant et là on va être capables d'intégrer les changements sociaux que l'on souhaite depuis de nombreuses années.

Les féministes de première ligne ont dû aller à l'extrême pour faire bouger les choses. Nous, nous pensons qu'on a le devoir de continuer dans l'équilibre cette complémentarité-là pour qu'elles n'aient pas travaillé pour rien. Parce que, si on continue la guerre des sexes, ce n'est pas payant pour personne, ni pour nos enfants ni pour la société. Donc, dans ce cadre-là, bien entendu, étant d'origine communautaire, vous comprendrez que je finirai par dire que, pour arriver à tout ça, ça va prendre des ressources humaines et des ressources financières adéquates. Parce que, comme je suis à l'exécutif de la CRE, quand on délègue des responsabilités aux régions, on doit y déléguer les ressources humaines et financières qui vont de pair, s'il vous plaît.

Mme Courchesne: Votre dernier message, Mme O'Sullivan, je peux vous dire: Message reçu. Mme O'Sullivan, vous venez, en trois minutes, même pas, de résumer le coeur du débat. Vous mettez sur la table, là, tout à fait... En fait, à peine après une journée et demie, là, même pas, vous venez de résumer très, très, très, très bien quel est l'enjeu de la problématique et là où il y a des divergences d'opinions très, très fortes par rapport justement à la capacité de notre société de trouver les bons moyens pour continuer à faire avancer cette égalité de fait, je veux dire, pour les femmes tout en continuant aussi, pour les générations futures, à bâtir une société où nous aurons une égalité entre les femmes et les hommes. Tous ceux qui ont assisté depuis une journée et demie, là, on voit la subtilité des nuances, la difficulté de bien se comprendre sur l'ordre des moyens, parce que je pense qu'on reconnaît qu'il y a encore trop de problèmes de violence, trop de problèmes de pauvreté, trop de problèmes de discrimination systémique, trop de problèmes. Mais là, sur l'ordre des moyens et sur qui doit participer non seulement à trouver les solutions, mais à les mettre en oeuvre, c'est là qu'on sent qu'il y a effectivement des difficultés de compréhension.

Je ne veux pas aborder cet aspect-là trop longtemps, mais je veux vous remercier pour avoir donné votre point de vue avec autant de précision, de clarté et de franchise, parce que vous êtes dans le milieu depuis longtemps et vous avez osé dire clairement ce que vous pensiez par rapport à cet aspect-là, et je vous en remercie.

M. Poirier, je reviens à l'aspect un peu plus politique, parce que vous dites, dans votre mémoire, deux choses. Vous dites, dans votre mémoire: On voudrait qu'il y ait la création de tables régionales des partenaires de l'égalité, mais il ne faudrait pas les imposer, il faudrait que ces tables-là se créent là où il y a une volonté. Et vous nous dites avec justesse ? et je vous dis que je suis d'accord avec ça: Une fois qu'elles sont créées, ces tables-là, les régions devraient avoir toute la latitude de proposer... en fonction de, moi, ce que j'appelais les spécificités, mais en fonction de ce que vous voulez faire. Vous nous dites: Nous, on veut valoriser la famille, on veut pouvoir permettre à nos citoyens, à travers ? vous dites, dans votre document ? des valeurs humanistes... On veut être capables de faire en sorte que nos citoyens puissent avoir les bons outils face à des préoccupations familiales. Mais, hier, toute la journée, il y a bien, bien des intervenants qui sont venus nous dire: Écoutez, là, vous, le gouvernement, si vous n'avez pas des mesures coercitives, les choses ne se passeront pas, parce que ça fait des années qu'on attend pour justement faire avancer la cause des femmes, et c'est à travers les lois, les politiques et les programmes et à travers le rôle de l'État qu'on va y arriver. Pour ça, il faut que ce soit coercitif.

n(11 h 10)n

Ma question: Est-ce qu'on ne pourrait pas demander, de façon plus ferme, sans utiliser le mot «coercitif» ? je ne veux pas rentrer dans le détail des technicalités ? aux régions d'avoir ces tables régionales d'égalité, si on pense que c'est un enjeu de société important, mais qu'à travers ces tables là les régions auraient la latitude de pouvoir définir avec qui elle travaillent, quels sont les dossiers plus prioritaires sur lesquels on devrait bâtir l'égalité? Et, je vais vous dire, un peu rapidement, parce que je voudrais laisser la chance aux députés de poser une question.

M. Poirier (Robert): Rapidement, simplement que, lorsqu'on dit «le choix de l'implanter ou non», c'est que vous allez avoir les élites qui vont débuter, ceux qui ont le goût de le faire. Et, moi, je crois beaucoup à essais-erreurs. Je vous donne un exemple concret. Dans le développement économique, on subventionne un jeune qui a 25 ans à partir son entreprise, 5 000 $ une fois, puis, s'il fait faillite, on ne le fait plus une deuxième fois. Pourtant, ça prend quatre, cinq fois. Alors, moi, je crois beaucoup que, dans un premier temps, la politique devrait, dans un laps de temps, laisser les gens qui ont le goût d'en implanter une de le faire, et eux vous serviraient de modèle, de quelle façon suggérer fortement ensuite les autres conseils régionaux des élus, comment les implanter pour ne pas faire les mêmes erreurs, etc. C'est une façon de voir les choses.

Prenons l'exemple de l'équité d'emploi. On l'a implantée dans les municipalités à un certain rythme, et ça a eu un succès, puis on reconnaît, aujourd'hui, que, malgré certains qui ont parti en retard, on s'est concerté pour savoir de quelle façon le faire, et là on a tout fait les exemples, les villes. Maintenant, ça reste au gouvernement à la compléter. C'est une petite craque en passant. Alors, maintenant, qu'est-ce que je veux dire, c'est que, oui, il faudrait trouver un laps de temps pour laisser les gens le faire, et vous allez avoir vos exemples et la façon de le faire, une expérience, au lieu que tout le monde parte en même temps et c'est la panique, et c'est souvent des gens qui vont être contre, à ce moment-là, au lieu d'avoir des partenaires.

Mme Courchesne: Je comprends.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Groulx.

M. Descoteaux: Merci, M. le Président. Mme O'Sullivan, M. Poirier, bienvenue devant notre commission. Et je dois dire que je joins ma voix à celle de la ministre lorsqu'elle souligne le dynamisme de la région des Laurentides, mais j'irais un peu au-delà de ça: si les Laurentides sont dynamiques, c'est surtout à cause des citoyens des Laurentides qui sont dynamiques. Et, lorsque M. Poirier est ici comme président de la CRE, eh bien, il est aussi maire d'une ville de mon comté, il est aussi préfet, donc ça démontre un peu ce dynamisme-là.

J'ai une toute petite question, premièrement, sur la question des tables d'égalité. Plus à Mme O'Sullivan, peut-être. Que ce soit sous le couvert d'une politique nationale ou régionale, ça importe peu, à mon sens; mais, lorsqu'on parle d'égalité, lorsqu'on parle d'organismes neutres, et peut-être à la lumière... Je sais que vous étiez ici pendant la première présentation. Est-ce qu'il n'y a pas un danger justement, lorsqu'on est peut-être un peu trop neutre, qu'il y ait cette discrimination latente qui remonte à la surface, dans le sens qu'on devrait poursuivre quand même le travail proactif au niveau du féminisme, je pense?

Et j'ai trouvé vos propos rafraîchissants lorsque vous avez mentionné que le Conseil du statut de la femme devait demeurer tel quel. Est-ce que justement il n'y a pas un danger à cet effet-là? La neutralité, à mon sens ça existe difficilement. Et, lorsqu'on tombe dans la neutralité, nécessairement les forces se remettent à jouer, les forces en présence se remettent à jouer.

Mme O'Sullivan (Lysane): C'est la page 4 de notre mémoire, où, quand on parle de neutralité, on parle de l'outil d'analyse différenciée selon le sexe. Donc, on doit utiliser cet outil-là de façon neutre et non pas s'en servir sous forme de propagande. Et, étant des Laurentides, vous savez qu'on est rarement neutres, on n'est pas beiges et on s'assume. Donc, dans ce cadre-là, je vous dirais que, non, la table d'égalité ne sera pas neutre, elle va être proactive dans la complémentarité des genres, donc elle ne sera pas en opposition hommes-femmes. Et le grand défi, c'est d'asseoir justement les gens qui n'ont pas l'habitude de se parler, qui sont en silo, d'établir des bases de consensus. Je n'appelle pas ça neutre. Mais tout le débat va rester à faire, et personnellement je sais bien que, si on en a les ressources... Parce que, quand on a formé la CRE...

Le Conseil régional de développement social, qui s'est formé rapidement suite à la dissolution du CRD, est un organisme bénévole, sans structure permanente, sans financement, et on opère, là, mais on ne le fera pas à cette vitesse-là puis à ce rythme-là pendant bien, bien des mois encore, là. Mais ce qu'on a fait, c'est qu'on a défini ensemble que c'est sous le chapeau du développement social, qui a sa place à la conférence régionale des élus, que se retrouvent les aînés, les jeunes, les femmes, et ça a déjà été tout un défi d'asseoir ces trois-là sous le chapeau du développement social. Donc, on se dit: Première étape faite.

La deuxième étape, c'est d'asseoir les groupes ensemble, de travailler en action sur les spécificités chez nous, avec les outils qui vont nous ressembler, de ne pas imposer aux élus la mise en place d'une table parce qu'on sait que, quand ce n'est pas imposé, que l'idée semble venir d'eux, ils ont beaucoup plus de passion puis ils s'impliquent beaucoup plus, puis, quand nos maires veulent quelque chose, ça y va, aux toasts, autrement que quand c'est nous autres, le communautaire, qui poussons dessus.

M. Descoteaux: Surtout celui qui est à votre droite.

Mme O'Sullivan (Lysane): Oui. Je commence à savoir travailler avec un petit peu, là. Donc, dans ce cadre-là, je vous dirai que c'est extrêmement important. Et le message que la CRE a aussi envoyé par rapport à tout le développement social chez nous...

Je vous dirai que le développement social est représenté à l'exécutif de la CRE aussi, donc c'était peut-être une façon de faire amener une femme à l'exécutif. Mais il y a des volontés, il y a des actions qui sont entreprises actuellement à petite échelle puis qui vont nous amener vers des grandes choses si on en a les outils. Ce que je m'attends du gouvernement, c'est d'avoir des grandes orientations claires, des moyens de l'appliquer, mais, les moyens, on va en discuter chez nous. Et, dans la reddition de comptes à un financement régional, si l'impact n'est pas là, le budget sera réduit parce qu'il ne sera pas dans l'orientation gouvernementale.

M. Descoteaux: M. le Président, j'ai un peu de temps?

Le Président (M. Copeman): Très brièvement.

M. Descoteaux: Je vais revenir sur la question... bien, question peut-être à deux volets, justement sur le masculinisme, qu'on a vu tantôt ou dont on a entendu parler: Est-ce que justement vous êtes en mesure... Et je vais tester non seulement votre dynamisme, mais le fait que vous êtes en mesure d'y répondre, là, pour prévenir ce discours-là. Qu'est-ce que c'est concrètement que vous envisagez?

Mme O'Sullivan (Lysane): Bien, je pense que, quand on voit des vidéos... Quand je travaillais au Réseau des femmes, à un moment donné on est tombés sur un site Internet où on voyait des femmes connues du Québec, dans un vidéo qui défile avec du son, et on entendait le son d'une arme à feu. Il ne faut pas que ça, ça se reproduise. Mais l'arbre qui est tout croche, qui est rendu à 40 ans, qui a fait ça, là, je ne peux pas rien faire, moi, contre lui, c'est la loi qui peut faire quelque chose contre lui. Mais, mon tout-petit qui va vivre dans un milieu équilibré puis qui va apprendre que sa petite soeur, ce n'est pas sa chose parce que l'éducation qui est donnée va en fond de la complémentarité des individus, bien on va finir par détruire ça. Moi, quand on va à des extrêmes comme ça...

Puis je vous dirais que malheureusement je me suis aperçue aussi, parce que j'ai évolué dans le monde familial de nombreuses années puis dans le monde féministe, là, pour la Marche des femmes puis quatre ans au Réseau des femmes des Laurentides chez nous, qu'il y a des extrémistes des deux côtés et qu'il y a des femmes qui sont extrémistes parce qu'elles ont vécu des violences qui font qu'elles ont complètement perdu confiance dans les hommes et que c'est le système patriarcal. Puis il y a des hommes qui se sentent tellement menacés qu'ils sont à l'extrême. Mais il ne faut pas regarder cette pointe-là, il faut travailler avec la majorité, et la majorité sont centristes. Donc, c'est par la majorité qu'on va faire le changement. Ce n'est pas en les oubliant, mais c'est en faisant une éducation qui va être efficace puis qui va porter chez les tout jeunes qu'on va venir à bout de... Ça, je pense que c'est réaliste.

Le Président (M. Copeman): Merci. C'est tout le temps, malheureusement. Alors, Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme O'Sullivan, M. Poirier, bienvenue. Vous avez effectivement rappelé que le fondement même de la loi 34 ne vous permet pas d'arriver à une atteinte d'égalité de fait au niveau de vos structures, même si vous êtes une région où vous avez le plus de mairesses. Je vais vous demander de nous dire la composition. Vous avez combien de femmes et combien d'hommes sur la CRE? Et vous nous dites ? c'est intéressant ? qu'au niveau de vos comités sectoriels ils sont présidés également... six sont présidés par des femmes, six sont présidés par des hommes. J'aurais aimé aussi connaître la composition des comités. Est-ce qu'au niveau de la composition des comités on garde cette parité-là?

n(11 h 20)n

Et mon autre question, mais je pense que la réponse, c'est non. Dans Lanaudière, on a une table des partenaires de développement social, mais on a aussi une table, un comité aviseur en condition féminine, et on a aussi un siège en condition féminine.

M. Poirier (Robert): Nous, c'est un souhait. On n'a pas de siège pour, exemple, les jeunes, pour les femmes. On a décidé qu'au niveau de la clientèle on ne met pas de siège à la CRE. Quand tu viens à la CRE, tu représentes un ensemble de population. En fin de compte, on veut dire qu'on est passés du mode de quantité... on travaille sur maintenant qualitatif. On essaie de dire aux gens: Maintenant que vous comprenez bien l'équité entre les gens, ça fait cinq ans qu'on travaille au... du CRD, maintenant vous savez c'est quoi, avoir une bonne composition de comité. Ça veut dire que, dans les 12 comités, on suggère fortement d'avoir une mixité, mais, au-delà de ça, on dit plutôt: Mettez sur papier c'est quoi, l'objectif de votre comité, quelles sont les ressources nécessaires que vous avez besoin d'avoir alentour de la table pour atteindre vos objectifs et allez chercher, dans le milieu, les personnes les plus compétentes ? et c'est là qu'on est rendus, nous, au niveau de la qualité des gens qui représentent la table ? mais toujours avec un souci d'essayer d'avoir des points de vue de différents milieux. Quand on dit «différents points de vue», on ne veut pas avoir alentour de la table quatre hommes ou quatre femmes qui ont le même vécu, le même background, le même âge. Alors, il y a une mixité là-dedans, là.

On laisse présentement libre à chacun des présidents de développer sa table, et, à la reddition de comptes, il va être obligé de nous expliquer de quelle façon il a fait la composition. Et l'effet levier là-dessus, c'est que, si, dans sa composition, exemple dans le loisir, dans la culture ou dans le développement social, on a été chercher des gens avec les mêmes backgrounds, les mêmes références, etc., bien l'enveloppe budgétaire peut être affectée, parce qu'on a demandé comme objectif de bien représenter les Laurentides dans toutes les sphères. Ça, c'est le moyen de s'assurer qu'on passe de l'égalité entre les genres jusqu'à la qualité entre les genres.

Et, pour répondre à votre question, nous avons six mairesses sur 26, à ma souvenance, rapidement, là.

Mme O'Sullivan (Lysane): Si je peux me permettre, Mme Jocelyne...

Mme Caron: Caron.

Mme O'Sullivan (Lysane): ...Mme Caron, j'ai regardé à chacune des réunions du conseil d'administration, et il y a à peu près une participation de 30 % de femmes à l'ensemble du conseil d'administration où l'ensemble des villes sont invitées, parce que souvent il y a des conseillères municipales qui vont se joindre au groupe. Au niveau des commissions, non, les commissions ne sont pas toutes basées sur la fonction d'équité, et je prends notamment le développement social qui est encore à tendance de participation et d'implication hautement féminine. Mais on travaille fortement pour s'y adjoindre des hommes qui ont un impact sur le milieu. On y va beaucoup avec la liberté de choix puis d'aller chercher les acteurs qui veulent construire la région avec nous, à notre image.

Mme Caron: Oui. Merci beaucoup. J'espère qu'il y a autant d'efforts, dans les autres comités où les hommes sont fortement représentés, d'essayer, eux aussi...

Mme O'Sullivan (Lysane): Oui. Je vous dirais que le message a été très atteint. Et ce que M. Poirier ne vous dit pas tantôt, c'est que, si les femmes, les jeunes et les aînés se retrouvent sous le volet du développement social, ça ne nous a pas été imposé par la CRE. Parce que, quand les maires faisaient des discussions, les 28 membres de société civile qui étaient autrefois au CRD, on s'est dit: On n'aura pas 28 postes, et on a travaillé quatre avant-midi ensemble pour définir quels seraient les personnes et les lieux les plus importants à se retrouver là, et c'est en groupe socioéconomique qu'on a décidé que les femmes, les jeunes et les aînés se retrouvaient sous le chapeau du développement social. Ça ne nous a pas été imposé par les élus.

Mme Caron: Mais je trouve important de faire une nuance. Tantôt, M. Poirier... Et d'ailleurs je vous le dis, là, c'est fréquent qu'on me dise ça: les clientèles. Alors, c'est bien, bien important de dire que les femmes ne sont pas une clientèle, parce qu'on est femmes toute notre vie. C'est la moitié de la population, hein? Qu'elles soient jeunes, ou aînées, ou entre les deux, ce n'est pas une clientèle, et je pense que c'est important de faire cette différence-là.

Et, moi, j'avoue, oui, la compétence, mais je m'aperçois toujours qu'on ramène ce critère de compétence là quand on veut parler de parité. Parce que, quand on regarde au niveau, par exemple, des élections municipales, et tout ça, on ne se pose jamais la question quand il s'agit... sauf si on parle de parité. Là, on vient nous parler un peu plus de compétence. Moi, je pense qu'il y a au Québec autant de femmes que d'hommes compétents, et donc on peut en retrouver dans tous les secteurs et dans tous les domaines. Ça, je crois ça profondément. Par contre, je sais qu'on connaît moins bien les compétences et les talents des femmes, pour toutes sortes de raisons. Parce qu'elles ont été moins dans la société, on les connaît moins bien. Et, quand on pense à quelqu'un de compétent pour former un comité, ce n'est pas nécessairement leurs noms qui vont venir. Et ça, pour avoir siégé à différents comités, je peux vous dire que le réflexe, il n'est pas automatique. Donc, il faut qu'il y ait quelqu'un qui, à un moment donné, s'en assure.

J'étais très, très contente, Mme O'Sullivan, tellement que je disais à mes collègues: Est-ce qu'elle a écouté mon explication sur l'analyse différenciée et l'exemple du décrochage scolaire d'hier? Parce que c'étaient à peu près les mêmes mots et les mêmes termes. Et c'est très vrai, c'est très important qu'on ne fasse pas juste des données ventilées, hein ? ce n'est pas juste les chiffres ? mais qu'on regarde, qu'on fasse une véritable analyse différenciée, parce qu'autrement on passe à côté des solutions et on maintient les discriminations, puis ça, il ne faut pas le faire. Donc, oui, ça, c'est bien perçu, puis très peu connaissent vraiment la différence. Je pense qu'il faudrait de la formation un peu partout pour y arriver.

J'aimerais peut-être, par contre, dire que pour moi, là, les féministes n'ont pas créé une guerre des sexes. Et, si le mouvement féministe n'avait pas existé au Québec, il n'y aurait pas eu des pressions sur le gouvernement, il n'y aurait pas eu des structures gouvernementales, on n'aurait pas adopté des lois, on n'aurait pas adopté des programmes. Puis on ne peut pas juste se fier à la bonne volonté. L'équité salariale, la bonne volonté, là, malheureusement, même avec la loi, il faut travailler pour y arriver. Donc, on ne peut pas juste aller avec la bonne volonté.

Petite question sur... Vous souhaitez l'approche transversale, qu'on maintienne l'organisme... le maintien d'un organisme, tel que le Conseil du statut de la femme, pour s'assurer que l'ensemble des politiques, des programmes qui sont mis de l'avant aillent dans le sens d'une égalité de fait. Mais c'est parce que ? puis c'est normal que vous y alliez, dans ce sens-là normalement les recommandations des orientations d'un axe, ça aurait dû venir de l'organisme gouvernemental, le Secrétariat d'État à la condition féminine, et non du Conseil du statut de la femme, qui en fait n'est pas l'organisme qui s'assure de l'approche transversale dans le gouvernement, c'est un organisme-conseil. Alors, est-ce que vous pensez qu'au Québec on a encore besoin d'un organisme-conseil autonome qui donne les avis, qui fait de la recherche et qui a des bureaux régionaux, des antennes dans chacune des régions? Nous avons partagé longtemps la même responsable. D'ailleurs, nous la repartageons depuis quelques mois parce que l'autre est en congé de maladie. Et donc est-ce qu'on maintient ce système-là d'appui? Et vous avez l'air à penser qu'il faut effectivement avoir une structure gouvernementale pour s'assurer de l'approche transversale.

Mme O'Sullivan (Lysane): Bien, effectivement, quand on dit: Le Conseil du statut de la femme pour nous est un organisme de réflexion, c'est un organisme qui appuie la ministre dans ses orientations, et pour nous la méthode transversale demande que chaque ministère ait, dans son ministère, un représentant de la condition féminine.

Je me rappelle, dans le temps, quand j'étais agricultrice puis qu'au MAPAQ il y en avait. Ça nous a aidées. Quand il n'y en a plus eu, on est retombées la femme de. Donc, dans ce contexte-là, pour moi, oui, effectivement... Puis c'est la même chose en politique familiale: tant et aussi longtemps que le gouvernement n'a pas la volonté d'intégrer à l'ensemble de ses ministères les priorités de ses grandes orientations sociétales, on va, excusez l'expression, toujours avoir un pansement sur la gangrène. Donc, ça prend énormément de courage d'appliquer cette méthode transversale là, qui est bien entendu appuyée des deux autres leviers, là.

n(11 h 30)n

Mme Caron: Mme O'Sullivan, vous l'avez vraiment démontré par l'exemple que vous avez vécu. Effectivement, si, dans une instance, il n'y a pas une personne qui a le chapeau condition féminine, on passe à côté souvent, pas par mauvaise volonté, parce que le réflexe naturel, il n'est pas encore développé. Et c'est sûr que la personne qui occupe ? là, je prends le temps de le dire ? la personne qui occupe ce chapeau-là ? ma collègue l'a occupé longtemps, je l'occupe depuis longtemps dans les différents ministères, dans les instances, dans les sièges des anciens CRD ? la personne qui occupe le chapeau condition féminine, ce n'est pas une tâche facile parce que tu es toujours celle qui vient rappeler qu'il ne faut pas oublier. C'est toujours toi qui viens ramener ça, puis ce n'est pas facile. C'est vrai que ce n'est pas facile. Mais il faut que quelqu'un le fasse parce que, si personne n'est là pour le faire, on oublie. Puis ce n'est pas de la mauvaise volonté, ce n'est vraiment pas ça. C'est les réflexes naturels qui s'appliquent, puis les habitudes, puis les connaissances des gens, puis les réseaux qui sont en place. Donc, il faut qu'il y ait quelqu'un qui soit responsable pour qu'on puisse aller plus loin.

Dernière question: Vous, votre table régionale, vous verriez ? y avez-vous réfléchi? ? comment, sa composition? Je sais que, dans Laurentides, vous avez une table de concertation des groupes de femmes extrêmement dynamique. D'ailleurs, la présidente est la présidente du réseau de toutes les tables régionales, Mme Paradis. Donc, est-ce que vous avez... Puis est-ce que vous les avez consultées? Est-ce qu'il y a eu des liens avec elles?

Mme O'Sullivan (Lysane): Mme Paradis est la directrice générale. La présidente du Réseau des femmes des Laurentides est Mme Savoie. Mais effectivement Blanche est présidente des tables de femmes. Parce qu'à certaines places ça s'appelle réseau de femmes, à d'autres places, ça s'appelle table de concertation, mais, dans toutes les régions, il y en a.

Effectivement, Mme Paradis a été invitée à se joindre à notre groupe et à nous présenter la vision du Réseau des femmes des Laurentides, et ça a influencé la réflexion de notre groupe. Mais elle a été invitée à titre de personne-ressource au niveau de la table, comme on s'est servis de l'avis du Conseil du statut de la femme comme ressource. Mais on avait le mandat... Ce n'était pas un mémoire du Conseil de développement social, c'était un mémoire pour la Conférence régionale des élus, donc on a aussi réfléchi à la perception des élus et comment eux pouvaient aussi le voir, et effectivement ça a été adopté à l'unanimité, par la suite, par nos élus.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue à mon tour. Ça me fait plaisir de vous revoir, l'une et l'autre. Juste pour confirmer ce que disait ma collègue la députée de Terrebonne, en fait ça prend un empêcheur ou une empêcheuse de tourner en rond dans les lieux de décision ministérielle. Et une des perspectives, c'est toujours d'avoir souhaité que la personne responsable du dossier condition féminine soit liée au bureau du sous-ministre, par exemple, pour qu'à chaque fois qu'il y a un mémoire qui se prépare, une décision à prendre, quelqu'un quelque part se préoccupe du fait qu'on tienne compte de la place des femmes ou de l'impact sur les femmes dans les décisions qui sont prises.

Je veux revenir sur des choses très, très concrètes et précises. Peut-être y avez-vous répondu, mais il ne me semble pas vous avoir entendus. Dans votre mémoire, vous rappelez que votre organisme a adopté les principes d'une politique d'égalité: «Nos 12 comités sectoriels sont présidés à égalité par des femmes et des hommes.» Comment vous avez procédé pour vous assurer que ces comités allaient être présidés à parts égales?

M. Poirier (Robert): Par concertation. Ils se sont rencontrés un peu, puis on leur a dit: Vous connaissez la politique, allez. Ils ont travaillé et ils sont revenus avec moitié hommes, moitié femmes au niveau des présidents de comité. C'est par concertation, tout simplement.

Mme Marois: Donc, les partenaires, si on veut, là, ou les participants se sont réunis et ont réussi à arriver à cela.

Je vais vous dire, je fais une relation entre ça et plus loin dans votre document. Quand vous craignez cette notion de politique de quotas, hein, vous y faites référence, vous dites: «En effet, l'expérience enseigne que les politiques de quotas, que ce soit ici ou ailleurs dans le monde, ont parfois pour effet de reléguer au second plan la nécessaire compétence des personnes», etc. Bon. Alors, moi-même, j'ai toujours un petit peu de difficultés avec la question des quotas, mais par ailleurs il faut que ce soit remplacé par autre chose si ce n'est pas les quotas. Et c'est pour ça que je posais la question, je crois qu'il faut qu'il y ait des politiques, des mesures, des actions concrètes qui permettent de dire: Il y a une volonté politique de corriger la situation d'inégalité, et, tant qu'on n'y sera pas arrivé, on a le droit d'appliquer des mesures d'action positive ? je vais les appeler comme ça ? ou des mesures d'accès à l'égalité. On a trouvé toutes sortes de façons de les nommer, ces mesures-là, mais je crois qu'il faut qu'il y en ait. Je ne sais pas si vous avez réfléchi à ça, là.

Mme O'Sullivan (Lysane): Il y en a une. Suite à la formation de la Conférence régionale des élus et du comité exécutif, il y a eu un comité de travail sur différentes politiques qui a été mis en place, dont j'étais partie prenante, et on a réadopté la politique d'équité, telle que débattue précédemment au niveau du CRD. Et, quand on a formé les 12 comités sectoriels, le mandat que nous avions, c'est un mandat d'aller vers l'équité. Et, le 17 mars, nous devrons déposer nos rapports, notre reddition de comptes, parce qu'on a eu des budgets de près de 100 000 $, chacun des organismes, 88 000 $, 94 000 $, dépendant des créneaux d'excellence, et, dans cette reddition de comptes là, la notion d'atteinte de l'égalité est importante. Est-ce qu'il y a eu des efforts? Et, si on ne l'a pas atteint, c'est pourquoi?

Mme Marois: Des critères d'évaluation.

Mme O'Sullivan (Lysane): La politique d'équité, elle est en place puis elle a des mesures, là.

M. Poirier (Robert): C'est ça. C'est un des critères les plus importants. Exemple, prenons le tourisme. C'est le comité des 12, le comité... Un des 12, c'est le tourisme. Et, s'ils sont huit et il n'y a pas quatre hommes, quatre femmes... Les arguments pour nous convaincre qu'ils n'ont pas réussi doivent devenir au niveau qualitatif, et ça doit vraiment convaincre le comité, sinon il y aura réduction du budget alloué dans l'année suivante. C'est ça qui est la reddition de comptes chez nous.

Mme Marois: C'est ça, oui. Bien, c'est ça. La reddition de comptes a des conséquences...

M. Poirier (Robert): Monétaires.

Mme Marois: ...en vertu des... c'est ça, en vertu des critères que vous aviez fixés ou des objectifs fixés, de telle sorte que ça a des conséquences qui peuvent être punitives, dans certains cas.

M. Poirier (Robert): Qui peuvent être punitives.

Mme Marois: C'est ça que je comprends, là. D'accord. Ça va. Merci, M. le président.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Alors, M. Poirier, Mme O'Sullivan, merci d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Conférence régionale des élus des Laurentides. J'invite les représentantes de l'AFEAS à prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 37)

(Reprise à 11 h 42)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes de l'AFEAS. Mme Gilbert, Mme Cornellier, bienvenue. Vous n'en êtes pas non plus à votre première expérience devant une commission parlementaire, tout le monde le sait. Je vous rappelle simplement les règles de fonctionnement: vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de plus ou moins 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Alors, à vous la parole.

Association féminine d'éducation
et d'action sociale (AFEAS)

Mme Gilbert (Mariette): M. le Président de la Commission des affaires sociales, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, mesdames et messieurs de la commission, je tiens à vous remercier, au nom de l'AFEAS, de nous donner l'occasion de participer aux discussions dans le cadre de la consultation générale sur le document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Avant de débuter la présentation de notre mémoire, je vous présente la personne qui m'accompagne: Mme Hélène Cornellier, coordonnatrice du plan d'action et des communications à l'AFEAS.

D'entrée de jeu, je tiens à vous dire que les discussions avec nos membres de plusieurs régions nous ont permis de constater leur intérêt face à la présente consultation. Elles comptent donc sur nous pour faire valoir leur point de vue sur la question.

Si l'égalité de droit entre les femmes et les hommes n'a cessé de progresser au cours des dernières décennies, il faut convenir que la pleine égalité de fait reste à atteindre, et ce, dans de multiples sphères de la société québécoise. Les exemples où l'égalité entre les femmes et les hommes n'est pas réalisée ne manquent pas.

Compte tenu du temps alloué ce matin, nous ne présenterons pas tous les points de vue développés dans notre mémoire mais pourrons répondre à d'éventuelles questions. Dans cette présentation, après avoir présenté l'AFEAS, nous commenterons les balises d'une éventuelle politique sur l'égalité entre les femmes et les hommes, certaines des orientations qui pourraient soutenir un plan d'action pour la mise en oeuvre de cette égalité, et en conclusion nous rappellerons les préoccupations majeures de l'AFEAS face à l'élaboration d'une politique québécoise de l'égalité. Par notre réflexion ici aujourd'hui, nous poursuivons notre collaboration à l'avènement d'une société québécoise égalitaire et juste pour toutes ses citoyennes et tous ses citoyens.

Rappelons que l'AFEAS, organisme sans but lucratif fondé en 1966, regroupe 14 000 Québécoises qui travaillent bénévolement au sein de 350 groupes locaux à travers la province. L'AFEAS a pour mission de défendre les droits des femmes et de travailler à l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Par l'éducation et l'action sociale, elle concourt à la construction d'une société fondée sur des valeurs d'égalité, d'équité, de solidarité, de paix, de justice et de respect. Dans ses multiples actions et prises de position, l'AFEAS vise l'autonomie des femmes sur les plans social, politique et économique afin qu'elles participent de plain-pied à la vie démocratique du Québec, et ce, à tous les paliers.

Pour faire avancer ses revendications, l'AFEAS travaille en collaboration avec des organismes québécois, canadiens ou internationaux et participe régulièrement à diverses consultations gouvernementales. Au fil des années, l'AFEAS a largement contribué aux changements de mentalité, en ce qui a trait au rôle des femmes, grâce à sa présence et au réalisme de ses interventions.

Dans un premier temps, nous commenterons les balises qui permettraient d'élaborer une politique de l'égalité entre les femmes et les hommes qui réponde aux besoins du Québec. Dans son avis Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes, le Conseil du statut de la femme présente un bilan bien documenté et réaliste de l'évolution des conditions de vie des femmes au Québec. Nous en partageons le constat. De plus, l'AFEAS adhère à la définition de l'égalité, présentée à la page 33 de l'avis du conseil, que nous ne relirons pas ici.

Par ailleurs, dans les trois objectifs qui en découlent, nous constatons qu'aucun d'eux ne vise spécifiquement la correction des inégalités qui perdurent entre les femmes et les hommes. Cette absence suscite notre inquiétude, et nous recommandons qu'il y ait un quatrième objectif qui prenne en compte le rattrapage à faire pour que l'égalité de droit devienne une égalité de fait. À cet égard, depuis les années quatre-vingt-dix, conscientes que les inégalités entre les femmes et les hommes ne seront pas résolues tant que la participation spécifique des femmes à la société ne sera pas reconnue, les membres de l'AFEAS ont orienté leurs actions vers la reconnaissance du travail non rémunéré, dit invisible, effectué principalement par les femmes auprès des enfants et des personnes en perte d'autonomie. Pour nous, l'atteinte de l'égalité, le recul de la pauvreté chez les femmes et de la discrimination envers elles passe obligatoirement par cette reconnaissance sociale et économique de même que par un meilleur partage de ce travail entre les femmes et les hommes au sein de la famille.

Quant aux trois approches définies dans l'avis, soit l'approche spécifique, l'approche transversale et l'approche sociétale, nous croyons qu'elles sont toutes essentielles, une à la fois ou simultanément. Toutefois, en ce qui a trait à l'approche spécifique déjà implantée, nous recommandons de privilégier son utilisation, compte tenu des inégalités qui prévalent toujours actuellement, notamment la pauvreté plus grande des femmes, la violence conjugale et sexuelle envers les femmes, le recul des femmes dans certaines instances décisionnelles et la dégradation des emplois. Cette approche est en lien direct avec le rattrapage qu'il reste à faire entre les femmes et les hommes.

Par ailleurs, considérant la recherche de l'égalité entre les femmes et les hommes au Québec, nous admettons que les hommes éprouvent des difficultés particulières. Cependant, nous réaffirmons que ces difficultés sont liées à la transformation des rôles sociaux et non à des discriminations basées sur le sexe. La source de ces problèmes étant fort différente de celle des femmes, l'analyse et les correctifs à y apporter doivent être propres à ces situations. Il convient donc de les traiter dans les différents domaines concernés, tels que santé, éducation ou travail. Les hommes doivent avoir le soutien et les outils nécessaires à leur évolution, mais pas au détriment de ce qui se fait pour les femmes, dont le rattrapage n'est pas encore complété.

Par ailleurs, dans son avis, le Conseil du statut de la femme présente l'approche intégrée de l'égalité, AIE, comme équivalente à l'analyse différenciée selon les sexes, ADS. Selon nous, elles ne peuvent se substituer l'une à l'autre. Selon nos recherches, la spécificité de l'AIE se situe au niveau de la décision, balisée par un cadre législatif et réglementaire. C'est une stratégie d'organisation, de mise en place et d'évaluation des processus globaux de prise de décision dans une perspective d'égalité entre les femmes et les hommes, et ce, à tous les niveaux de la société. Elle concerne toutes les organisations, tant gouvernementales que publiques et privées, ainsi que les groupes de pression, dont elle reconnaît l'importance comme acteurs de changement.

D'autre part, la spécificité de l'ADS se situe au niveau de l'analyse. Cette stratégie, plus pointue, vise davantage à discerner, de façon très concrète, au cours de l'élaboration d'une loi, d'une politique ou d'un programme, les effets sur les femmes et les hommes. Elle est aussi utilisée à des fins d'évaluation, de révision, de reconduction de programmes ou de politiques parce qu'elle révèle les conséquences différentes, les disparités et les discriminations pouvant en résulter. Nous croyons que son utilisation est d'autant plus importante qu'il faudra une grand vigilance face aux impacts sur les femmes de l'implantation des partenariats public et privé et de la mondialisation. Nous recommandons donc que les objectifs de chacune de ces deux approches, AIE et ADS, soient clairement documentés et définis pour s'assurer de la pertinence et de la qualité du processus à mettre en place.

n(11 h 50)n

Nous recommandons que l'ADS soit systématiquement appliquée et, si un choix devait s'imposer entre l'AIE et l'ADS, que l'on privilégie cette dernière. Concernant ce point spécifique, nous avons déposé, ce matin, à la secrétaire de la commission, Me Lamontagne, un tableau montrant les différentes composantes de l'AIE et de l'ADS, qui sera remis à chacun des membres de la commission.

Le Président (M. Copeman): C'est déjà fait, madame.

Mme Gilbert (Mariette): Merci. À partir d'ici, nous commenterons cinq des sept orientations présentées dans l'avis du CSF.

En regard de la première orientation, portant sur la transformation des rôles sociaux par la lutte aux stéréotypes féminins et masculins et par la promotion de valeurs et comportements égalitaires, nous soulignons que des changements de mentalité de cet ordre demandent une intégration constante, étalée sur plusieurs décennies. Les bouleversements sociaux se butent à d'importantes résistances aux changements et entraînent des réactions conservatrices.

Encore aujourd'hui, malgré l'accès à tous les programmes de formation, les filles manquent de modèles pour choisir des métiers et professions non traditionnels et scientifiques. Il en va de même pour les garçons, qui manquent de modèles pour les emplois traditionnellement occupés par les femmes.

Plusieurs questions restent à analyser: L'accroissement du nombre de femmes dans les emplois traditionnellement masculins provoque-t-il la dévalorisation de ces emplois? Est-ce que l'augmentation du nombre d'hommes dans les emplois traditionnellement féminins accélérerait l'équité? Certaines recherches concluent que les emplois ne sont pas dévalorisés parce que les femmes les investissent, mais que les femmes les investissent lorsqu'ils sont dévalorisés. Qu'en est-il vraiment?

Plus spécifiquement, l'axe 2 concerne l'apprentissage du rôle parental dans une perspective égalitaire. Ici aussi, des questions se posent: Comment rejoindre les hommes? Comment les impliquer sans les prendre en charge? Quel type de mesures les motiverait suffisamment? Une chose est certaine, les filles et les garçons doivent apprendre à reconnaître les comportements, attitudes et manières de penser qui freinent les rapports égalitaires pour pouvoir les modifier. De plus, leur participation aux tâches domestiques et aux responsabilités familiales doit commencer dès le jeune âge pour s'ancrer dans leur comportement.

En lien avec l'axe 6 visant à soutenir les groupes par ailleurs en faveur de l'égalité, nous convenons que l'ensemble des femmes et des hommes ont une responsabilité commune pour parvenir à l'égalité entre les sexes. À cet égard, nous recommandons de maintenir le soutien aux groupes de femmes parce qu'ils ont développé une expertise indéniable en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Il faut aussi valoriser le rôle d'organismes comme l'AFEAS qui, par l'éducation et l'action, rejoignent des femmes et des hommes de tous les âges, de tous les milieux et agissent positivement sur l'évolution des mentalités. De plus, nous recommandons que des nouvelles ressources soient trouvées pour des groupes d'hommes qui travaillent à promouvoir l'égalité, sans diminuer les ressources accordées aux groupes de femmes. Nous demandons qu'une attention particulière soit apportée pour éviter qu'il y ait détournement vers des groupes masculinistes aux visées rétrogrades.

Dans la deuxième orientation traitant de l'égalité économique entre les femmes et les hommes, l'AFEAS soutient que la non-reconnaissance économique et sociale du travail non rémunéré, dit invisible, effectué surtout par les femmes dans la famille crée un fossé économique persistant entre les femmes et les hommes. Il est injuste, inéquitable et discriminatoire qu'on continue à occulter cet apport à la fois social et économique des femmes à la société.

D'autre part, le fait, pour les femmes, d'être les premières responsables de la famille, ajouté à la lenteur du marché du travail à s'adapter aux réalités des familles, ne leur a pas encore permis, en dépit des lois sur l'équité salariale, d'atteindre l'égalité avec les hommes en matière d'accès à l'emploi et de revenus. Avec des emplois à temps partiel ou à statut précaire ? atypique ? et souvent un salaire moindre, ce sont elles qui s'absentent le plus souvent pour répondre aux exigences de la vie familiale, que ce soit à titre de parents ou d'aidantes. Cela augmente leur vulnérabilité sur le plan professionnel et financier. Et, comme elles occupent souvent des emplois offrant de moins bonnes conditions de travail, entre autres au plan des assurances collectives et des régimes de retraite, elles ne cessent de s'appauvrir au moment où elles élèvent leurs enfants, aident un proche et plus tard au moment de leur retraite.

Les recommandations de l'avis à l'axe 3 de la deuxième orientation sont particulièrement importantes pour protéger les acquis des femmes et pour poursuivre la progression vers l'égalité. Tant que le revenu des femmes sera inférieur à celui des hommes, le principe d'individualité doit être conservé tant pour l'impôt sur le revenu que pour les mesures touchant le rôle parental ou le rôle d'aidante. Il ne faut pas que les mesures fiscales ou financières annulent les avantages consentis au soutien aux familles.

Les recommandations de l'avis du conseil touchant le plan international nous semblent particulièrement importantes pour la protection des valeurs en matière d'égalité entre les sexes, d'autonomie économique et de services publics, tels que santé, éducation et services sociaux. Pour y arriver, le Québec doit toutefois se doter d'organismes qui documentent objectivement les enjeux et les impacts, sur les femmes et les hommes, de tout accord qui dépasse les juridictions québécoise et canadienne.

En regard de la troisième orientation sur la reconnaissance de la parentalité et du soutien aux personnes dépendantes pour une meilleure articulation des temps sociaux, nous reprenons un extrait du mémoire déposé par l'AFEAS, en septembre 2004, au ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille du Québec, dans le cadre de la consultation visant l'élaboration d'une politique gouvernementale sur la conciliation travail-famille. En voici les éléments clés liés à l'égalité entre les femmes et les hommes: la contribution sociale et économique des parents et des aidantes et aidants est majeure au sein de la société et doit être reconnue à sa juste valeur; le travail rémunéré est un gage d'autonomie sur le plan économique et un des facteurs majeurs de l'intégration des personnes à la société, tant pour les femmes que pour les hommes; le continuum conciliation famille-travail-études constitue une responsabilité à partager entre les différents secteurs de la société, pas seulement les acteurs socioéconomiques; l'accès égalitaire aux mesures doit être favorisé tout en tenant compte de la spécificité des femmes, entre autres la grossesse, l'accouchement et l'allaitement.

En ce qui concerne la sixième orientation sur le soutien à l'exercice du pouvoir et à la participation sociale pour les femmes et les hommes, nous constatons que les récentes transformations d'organismes régionaux, comme la création des conférences régionales des élus, les CRE, ont éloigné plusieurs femmes des instances décisionnelles. Nous appuyons et recommandons la mise en oeuvre des propositions de la sixième orientation tout en insistant sur l'importance de maintenir un appui aux initiatives visant à intéresser les femmes à la politique et à accompagner les candidates et les élues, par exemple en rendant permanent le programme À égalité pour décider.

Finalement, la septième et dernière orientation visant à assurer l'ancrage de l'égalité entre les femmes et les hommes au sein du gouvernement. L'égalité, cette valeur partagée par les Québécoises et les Québécois et portée par l'État, doit se traduire par une volonté politique qui ne puisse être remise en question, peu importe le parti au pouvoir. Ici, nos recommandations touchent principalement les mécanismes et les ressources nécessaires au sein du gouvernement. Cependant, pour assurer la poursuite de l'égalité entre les femmes et les hommes, il faut avant tout une réelle volonté politique et un engagement constant de tout le gouvernement. Nous avons des craintes à cet égard, considérant que, dès l'arrivée au pouvoir du présent gouvernement, force nous fut de constater l'absence de ministre responsable de la condition féminine, fonction dont la première titulaire, dans les années soixante-dix, avait été mise en place par un gouvernement libéral. Et les représentations faites par les groupes de femmes, dont l'AFEAS, à cet effet n'ont pas porté fruit à ce jour.

De plus, nous avons constaté aussi l'absence du langage inclusif dans la plupart des documents publiés par le gouvernement du Québec depuis son élection. Des détails, pourraient dire certains, mais des détails qui attisent l'inquiétude de nos membres face à l'importance accordée à l'égalité. En effet, il semble ne rester au Québec que des citoyens, des travailleurs et des Québécois. Les fonctions établies au sein du gouvernement, tout comme le langage et les mots utilisés, reflètent notre pensée et transmettent nos convictions et nos valeurs.

Nous recommandons que notre gouvernement exprime clairement sa volonté politique d'atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes par des actions claires et cohérentes avec les objectifs établis dans une politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Pour ce faire, puisque nous sommes encore loin d'une réelle égalité de fait, nous croyons essentiel et nous recommandons le retour du mandat de ministre responsable de la Condition féminine et de l'Égalité.

n(12 heures)n

Dans le processus de modernisation de l'État, nous recommandons la mise en place, dans l'organigramme gouvernemental, d'au moins deux organismes voués à l'égalité. Un premier organisme, indépendant des partis au pouvoir, voit à documenter, analyser, critiquer, recommander et conseiller sur toute politique ou mesure pouvant avoir un effet sur l'égalité. Les travaux d'un tel organisme soutiendront aussi les actions des groupes de femmes visant l'égalité et dont les ressources sont très limitées. Un deuxième organisme, sous responsabilité ministérielle, voit à coordonner l'implantation d'une politique de l'égalité et à s'assurer que toutes les approches, spécifiques, transversales et sociétales, soient bien intégrées, suivies et évaluées dans les lois, politiques et programmes gouvernementaux. De plus, comme le propose l'avis, cet organisme devrait faire rapport, à tous les cinq ans, à la ministre responsable, avec dépôt à l'Assemblée nationale et étude en commission parlementaire. L'AFEAS demande toutefois le dépôt d'un rapport intérimaire portant sur des aspects particuliers du plan d'action.

Quelles que soient les politiques mises en place, sans outil ni ressource pour suivre le processus depuis l'élaboration jusqu'à l'évaluation, les changements sont aléatoires. Nous recommandons que des ressources humaines, matérielles et financières suffisantes soient mises en place pour assurer la mise en oeuvre, le suivi et l'évaluation de la politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes et de son plan d'action.

À notre avis, la justice sociale passe par la responsabilisation de chaque individu, et les hommes doivent être partenaires de la progression des femmes vers l'égalité et l'équité. Toutefois, nous le répétons, il est essentiel qu'une véritable volonté politique se manifeste pour atteindre l'égalité. Nous craignons que la présente démarche ne se limite à un exercice de rhétorique. En effet, l'inquiétude nous gagne en lisant, à la page 71 de l'avis du Conseil, et je cite: «Pour l'heure, l'essentiel du débat doit porter sur les orientations et les axes d'intervention. Une fois cette étape franchie, il appartiendra à chacun des ministères et des organismes de retenir les mesures qui semblent les plus porteuses pour contribuer à la politique gouvernementale d'égalité entre les femmes et les hommes.» Fin de la citation. Qui, au sein du gouvernement, adhérera à ce nouveau contrat social? Quelles seront les suites données aux travaux de la commission? Y aura-t-il une obligation, à tout le moins morale, sinon légale, pour faire avancer l'égalité entre les femmes et les hommes?

Quoi qu'il en soit, l'AFEAS sera toujours présente pour débattre des enjeux qui affectent les conditions de vie des femmes et continuera à prendre une part active dans tous les débats qui en découleront. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Gilbert. Alors, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mme Gilbert, Mme Cornellier, sincèrement, merci pour la qualité de votre mémoire. C'est un mémoire qui est très exhaustif. Vous avez pris la peine de bien argumenter chacune de vos positions. Je dois vous dire que j'apprécie le fait que vous ayez aussi pris tout le temps de nous dire ce que vous pensiez des axes et des orientations. Vous avez fouillé et documenté. C'est très apprécié.

Je dois aussi profiter de cette occasion pour vous remercier et féliciter d'avoir accepté ? parce que vous êtes le seul groupe de femmes qui avait accepté de le faire ? d'avoir participé au Forum des générations. Et je tiens à le dire publiquement, aujourd'hui, parce que vous nous dites que le gouvernement libéral a été le premier gouvernement à nommer une ministre responsable de la Condition féminine. Je vous dirai, aujourd'hui, que, même si je n'ai pas le titre, bien c'est la première fois qu'un gouvernement convoque une commission parlementaire sur les enjeux qui touchent la cause des femmes. Et à escient je n'utilise pas le mot «égalité», cette fois-ci, parce que je considère que ce débat sur l'égalité est aussi un débat sur les moyens que nous devons déployer pour faire avancer la cause des femmes. Alors, merci à toutes les deux et merci à l'AFEAS de leur engagement, de leur participation qui est toujours constante, très proactive. Et, comme vous représentez tellement de femmes à travers toutes les régions du Québec ? et c'est ça aussi, l'importance de votre mouvement ? et vous réunissez toutes les générations...

J'ai assisté, pas uniquement depuis que je suis ministre, dans d'autres vies j'ai assisté à vos congrès, à vos colloques, et je pense que vous êtes des pionnières, mais je pense aussi que vous êtes là pour encore longtemps et que votre expertise est importante pour les femmes du Québec. Alors, merci beaucoup.

Cela dit, comme j'ai des collègues qui souhaitent aussi vous poser des questions et que je veux leur laisser ce temps précieux, j'irai, de façon très pointue, au coeur de votre mémoire. Peut-être vous dire par ailleurs... Vous vous posez la question, à la toute fin: Est-ce que cet exercice est rhétorique? Parce que, dans l'avis du conseil, on dit que chaque ministère devra... Vous savez, je le répète, cet exercice, il n'est pas que théorique, parce que cet exercice doit conduire le Secrétariat à la condition féminine à la rédaction d'une politique, une politique qui sera gouvernementale et qui s'adressera à l'ensemble des ministères et organismes, bien sûr. Mais je veux vous dire d'emblée que cet exercice, il n'est pas vain, il n'est pas théorique parce que la volonté du gouvernement d'adopter cette politique-là va devoir se manifester, se concrétiser avec un échéancier aussi que je souhaiterai très précis et qu'on annoncera à la fin de la commission.

Moi, ce qui m'intéresse, dans votre mémoire, à cette étape-ci, c'est lorsque vous nous parlez, surtout dans la première orientation, dans la transformation des rôles sociaux puis des luttes aux stéréotypes... Vous abordez justement... Vous posez des questions sur l'accroissement du nombre de femmes dans les emplois qui sont traditionnellement masculins. Vous vous demandez si cet accroissement-là va entraîner une dévalorisation des emplois. Puis à l'inverse vous vous demandez si l'augmentation du nombre d'hommes dans les emplois qui sont plus traditionnellement féminins va véritablement accélérer la pente de l'égalité. Est-ce que, parce qu'il y a des hommes qui exercent des métiers féminins, ça veut dire qu'on va améliorer les conditions d'emploi? Est-ce qu'on va aller davantage vers une égalité? Mais vous citez des recherches qui concluent que les emplois ne sont pas dévalorisés parce que les femmes les investissent, mais l'inverse, et je suis d'accord avec vous que les femmes les investissent parce qu'ils sont dévalorisés, et ça, c'est une question qui est soulevée par bon nombre de groupes.

Moi, ce qui m'intéresse, c'est l'ordre des moyens. Comment pouvons-nous prévenir plus efficacement ces tendances? Parce qu'on veut tous accroître le nombre et la place des femmes dans les métiers qui sont non traditionnellement féminins. Est-ce que vous jugez qu'on progresse? Est-ce qu'on a les bons moyens? Est-ce qu'on a les bonnes façons de faire? Qu'est-ce que vous suggéreriez? Ou avez-vous des réponses plus concrètes à cette problématique-là?

Mme Gilbert (Mariette): Bien, d'abord, je dirais que, pendant plusieurs années, l'AFEAS a travaillé à promouvoir... On avait d'ailleurs fait une recherche ? dans le mémoire complet, on le cite, d'ailleurs, qu'on avait une recherche ? justement pour la formation des filles. Malheureusement, ce qu'on constate, c'est qu'il y a comme un plafonnement. Autant les filles manquent de modèles dans le non-traditionnel, autant les garçons aussi manquent de modèles dans le choix de faire... Au niveau de, par exemple, les services de garde, travailler dans les services de garde ou des choses comme ça, il y a très peu d'hommes. Je pense qu'il y a certainement quelque chose à faire, au niveau de l'éducation, quand les enfants sont jeunes, pour développer des modèles plus valorisants que... Mais je pense qu'il y a aussi beaucoup de recherches à faire, à ce niveau-là, pour savoir qu'est-ce qui cause ce phénomène-là, parce que c'est quelque chose qui dure et la progression est vraiment très, très lente. Comment on pourrait faire pour accélérer la progression? Quels moyens pourraient être...

n(12 h 10)n

Mme Courchesne: Est-ce qu'on a véritablement aussi abordé cette problématique-là de front? C'est-à-dire, est-ce qu'on a véritablement déployé des moyens mordants, pour utiliser l'expression d'un groupe d'hier, pour justement améliorer ou intéresser les filles? Je comprends que le ministère de l'Éducation a un programme qui s'appelle Chapeau, les filles!, bon, qui est excellent, d'ailleurs, qui est vraiment reconnu, mais est-ce que, de votre perspective, on a fait ce qu'on devait faire? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres moyens, qui vont donner des résultats plus significatifs, qui devraient être déployés? Puis quels seraient ces moyens?

Mme Gilbert (Mariette): Moi, je pense qu'il faut commencer beaucoup plus jeune avec les enfants. Quand c'est rendu à l'adolescence, les modes de pensée, les modèles, et tout ça, c'est déjà ancré. Il faut commencer beaucoup plus jeune, avec les enfants, et je pense qu'il faudrait leur donner à voir... qu'ils puissent aller sur le terrain ou rencontrer...

Quand l'AFEAS a travaillé sur le dossier des formations non traditionnelles, dans la région où j'étais à ce moment-là, nous avions organisé des activités avec des étudiantes en techniques non traditionnelles pour rencontrer les jeunes, et ça, c'est très efficace quand... Parce que les jeunes femmes qui étudient, elles viennent de quitter le secondaire, quand elles sont en techniques non traditionnelles, et elles s'adressent à des filles du secondaire, de première à cinquième secondaire, et elles ont une crédibilité qu'un adulte, un orienteur de 40 ou 50 ans n'aura pas face aux jeunes. Alors, si on pouvait rejoindre les enfants encore plus jeunes que ça...

Il y a quelques années ? je ne sais pas si le programme existe encore ? au niveau du gouvernement fédéral, il y avait un programme, qui existait. Les femmes amenaient leurs filles... Comment c'était? C'était un programme mère-fille en tout cas qui amenait leurs filles au travail pour leur montrer ce qu'elles faisaient. Alors, c'est aussi une manière de faire voir... À Ville-Marie, au Témiscamingue, d'où je viens, il y a une usine, Temlam, où il y a vraiment eu un très, très gros travail de fait au niveau de l'intégration des femmes au niveau des métiers, au niveau de la gestion, au niveau des syndicats. C'est vraiment l'égalité dans cette usine-là, et ils reçoivent des élèves aussi, et c'est de très bons modèles parce que les jeunes voient sur place ? ce n'est pas de la théorie ? ils voient vraiment ce qui se passe. Je pense que les jeunes ont besoin de modèles concrets, mais des modèles, ça commence très jeune.

Mme Courchesne: Je serai très, très brève parce que je veux vraiment laisser la parole à mes collègues. Quand vous me parlez de l'Abitibi et de Ville-Marie, ça me dit que...

Tantôt, la Conférence régionale des élus des Laurentides nous proposait des tables et possiblement des politiques régionales de l'égalité. J'imagine que l'AFEAS serait favorable à ça ou... Est-ce que c'est une question sur laquelle vous vous êtes penchées? Est-ce qu'on doit aborder l'égalité d'un point de vue régional?

Mme Gilbert (Mariette): Je dois vous avouer qu'on ne s'est pas penchées sur cette façon de faire là, ce n'est pas une question qu'on a étudiée. J'ajouterai qu'on a quand même une certaine crainte face à la multiplication des instances et des tables.

Mme Courchesne: D'accord. Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci pour la présentation de votre mémoire.

Je vais vous parler un petit peu du mouvement féministe, là. Le groupe précédent nous a fait mention qu'il serait intéressant maintenant de passer à une autre avenue ou d'agir en complémentarité avec les stratégies du mouvement féministe qui ont été élaborées précédemment. Et on a été jusque... Si je me rappelle vos propos, Mme la députée de Terrebonne, vous avez dit: Bien, le mouvement féministe n'a pas créé la guerre des sexes, et je suis en accord avec vous là-dessus. Et non seulement il n'a pas créé la guerre des sexes, mais il a contribué à faire progresser la cause des femmes et à tendre vers une égalité. Je me demande, à ce moment-ci ? je voudrais avoir votre vision là-dessus ? s'il ne serait pas bien d'agir différemment, c'est-à-dire pas perdre les acquis et pas perdre les méthodes, là, avec approche spécifique, et tout ça, mais si vous êtes favorables aussi avec l'approche sociétale.

Mme Gilbert (Mariette): Comme nous l'avons mentionné, nous croyons que bon les trois approches sont très importantes, qu'il faut s'en servir, et aussi, on le mentionnait, les hommes doivent être aussi partenaires dans l'atteinte de l'égalité. Mais il ne faut jamais perdre de vue que les femmes ont encore un rattrapage énorme à faire pour atteindre l'égalité de fait. Il doit donc y avoir un travail qui se continue de manière très accentuée, de ce côté-là, parce qu'il faut qu'on puisse faire ce rattrapage-là pour pouvoir après dire: Il y a vraiment... on parle... on est d'égal à égal, on aborde... Et il y a, je pense, certains groupes, au niveau de la société, il y a certaines couches de la société où la progression se fait un peu plus rapidement, il y a d'autres couches où c'est plus lent, et je pense qu'il faut être très, très, très attentif pour faire ce rattrapage-là et il ne faut pas le perdre de vue.

Mme Charlebois: Je vais peut-être vous dire quelque chose qui va vous choquer ou qui va choquer certains de mes collègues, mais c'est ce que j'ai entendu sur le terrain, à force de discussion avec des gens. On me dit, surtout les jeunes femmes ? c'est ce qui me frappe et me préoccupe en même temps: Je ne veux pas être cataloguée féministe parce que je ne suis pas une féministe à outrance. C'est grave. Et je leur dis: C'est quoi pour toi, être féministe, etc.? C'est pour ça que je vous dis que l'approche sociétale pour moi amènerait probablement des changements de pensée, parce qu'on dirait que les jeunes femmes ont peur d'être catégorisées féministes et de se sentir comme exclues, et je n'aime pas ça, moi.

Mme Gilbert (Mariette): Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est un discours que j'ai entendu, que j'entends autour de moi, que j'ai même entendu dans ma famille et que j'ai eu à découdre. Je ne sais pas pourquoi, même les jeunes qui ont 20 ans aujourd'hui, la seule chose sur laquelle ils accrochent, c'est sur certains événements du féminisme qui se sont passés en 1968 et 1970, et ils n'ont...

Mme Charlebois: ...qu'on n'a plus besoin d'agir comme ça.

Mme Gilbert (Mariette): Bon. Mais ce que j'ai expérimenté, par contre, pour l'avoir vécu dans nos groupes d'AFEAS, pour avoir rencontré des jeunes femmes: lorsqu'on leur explique vraiment ce que ça veut dire, le féminisme, elles s'y reconnaissent. Mais actuellement c'est ça, il faut pouvoir parler directement avec elles. Le discours ne passe pas si c'est de l'information générale qu'on dit. Le terme est trop porteur pour elles de choses négatives. Mais, quand on discute avec elles, elles n'ont pas le choix de comprendre. D'ailleurs, comme Mme la présidente de la FFQ, hier, le mentionnait, et Mme Descarries, je pense que, quand on prend la vraie définition du féminisme, il n'y a pas une femme qui peut passer à côté. Mais il faut prendre le temps de le leur expliquer.

Mme Charlebois: Moi, je pense que, tout en maintenant l'approche spécifique et l'approche transversale, ce qui est très important: l'approche sociétale va changer les perceptions dans le public et, par le biais, les filles vont mieux comprendre ce qu'est le féminisme parce qu'il va y avoir comme de la pédagogie qui va se faire autour.

Le Président (M. Copeman): Mme Cornellier.

Mme Cornellier (Hélène): Juste préciser. Si je prends l'exemple, tout à l'heure, qui a été soulevé par Mme Caron, M. le président du CRD, qui était ici, disait qu'il y avait des clientèles qu'ils savaient cibler, jeunes, aînés, femmes, bon, la même chose que Mme Caron a soulevé... ma vice-présidente. Femmes, sommes-nous une clientèle? Pas vraiment, merci. Donc, l'approche spécifique à mon avis doit continuer parce que, cette déconstruction-là, cette analyse-là, ce n'est pas l'approche sociétale qui va l'amener, c'est l'approche spécifique. La discrimination est là, le rattrapage n'est pas fait. Quand on sera rendus là, on se félicitera puis on verra à maintenir l'égalité pour ne pas qu'il y ait de discordance d'un côté comme de l'autre. Mais on n'est pas rendus là. Alors, à ce moment-là, il faut soulever ça.

Et je pense que la commission... Ce que j'ai vu, hier, ou entendu ? pendant que je travaillais, j'écoutais d'une oreille ? toutes les notions de discrimination par rapport à quand on dit: Il y a des problématiques particulières chez les hommes qui ne sont pas de l'ordre de la discrimination, il y en a peut-être qui le sont, mais souvent non. Il faut comprendre et s'approprier les concepts. On a parlé, nous... on a soulevé l'AIE, l'ADS, etc. Il faut travailler sur les concepts, il faut travailler sur le langage, et après ça on peut le transposer dans les autres approches et aider la société, l'approche sociétale à s'approprier ça.

Alors, si le CRE a fait de la politique de l'équité une de ses priorités, il faut qu'ensemble, autour de la table, on comprenne bien de quoi on parle et comment on le veut. Parce que, le discours, vous pouvez dire une chose, je dis la même chose mais on ne s'entend pas du tout, et on peut dire deux choses différentes puis on s'entend. Donc, il faut vraiment savoir de quoi on parle. C'est une, je dirais, des commissions qui est délicate, en ce sens-là, et difficile parce qu'on charrie beaucoup de choses. Les jeunes femmes, effectivement la majorité sont féministes. Beaucoup d'hommes sont féministes et s'occupent d'eux-mêmes mais en même temps ont à coeur cette égalité-là des femmes. Ils ont des femmes, des mères, des filles, et je pense qu'ils ont à coeur que ça se passe. Donc, il faut nourrir ça, et ça, ça commence, là, vraiment... les parents, les enfants, et ce n'est pas juste l'école. La question des emplois, ce n'est pas juste l'école, c'est aussi dans la société, le discours véhiculé, les parents. On n'a pas fini cette éducation-là, les stéréotypes.

n(12 h 20)n

Le Président (M. Copeman): Il reste quelques minutes, Mme la députée de Pontiac. Il faudrait être assez concise.

Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Je vais tenter d'être brève, je n'ai pas le choix. Hier et aujourd'hui, ce matin, au niveau des mémoires, on parle beaucoup de promouvoir l'égalité économique. On a parlé beaucoup, dans l'ensemble des mémoires, jusqu'à date, du travail invisible, non reconnu, ou dit invisible, non reconnu. On a aussi abordé, au niveau des revenus, l'écart entre les revenus des hommes et des femmes. Ce que je n'ai pas vu ni entendu nulle part dans les mémoires, ou lu: quand on parle du travail des femmes dans les organismes communautaires.

J'ai fait la tournée de mon comté, avant les Fêtes, et je dirais que, la plupart des organismes communautaires financés par le gouvernement ou autres, c'est les femmes qui sont à la direction. Et ce qu'on a réalisé en jasant avec les autres: c'est des femmes qui ont un salaire très petit, aucune sécurité, aucun fonds de pension, mais nulle part on ne parle de ce groupe de salariées là.

Je voudrais savoir si l'AFEAS a déjà fait soit une recherche sur ce groupe de travailleuses ou si c'est quelque chose qui est là mais qu'on prend pour acquis, qu'elles sont là.

Mme Gilbert (Mariette): Nous n'avons pas fait de recherche sur ce sujet-là. Par contre, je vais vous amener autre chose. D'autres groupes de femmes qui s'appauvrissent en donnant beaucoup à la société, c'est toutes les femmes qui s'impliquent dans le bénévolat qui touche l'éducation, la santé et la culture. Et, à chaque fois qu'il y a des coupures dans ces domaines-là, en général les choses qui sont essentielles vont finir par être assumées par des femmes qui vont le faire bénévolement. Et, ces femmes-là, tout le temps qu'elles donnent, il ne leur rapporte rien.

J'ai eu connaissance de femmes qui travaillent de 28 à 35 heures, dans les bibliothèques scolaires, bénévolement. Et, dans ce qui vient de sortir concernant les bibliothèques scolaires, le ministre disait: Ce n'est pas nécessaire de mettre de l'argent pour du personnel, c'est le rôle des parents et des enseignants de le faire bénévolement. Le problème, c'est que le bénévolat, dans ces domaines-là, est assumé à 80 % par des femmes. Alors, les femmes, autant par le travail invisible fait à la maison que par cet engagement-là, elles s'appauvrissent.

Je ne sais pas si Mme Cornellier veut ajouter quelque chose.

Mme Cornellier (Hélène): Oui.

Le Président (M. Copeman): Très brièvement, Mme Cornellier.

Mme Cornellier (Hélène): Oui, très brièvement. Il y a eu une recherche de Relais-femmes sur cette question-là, à travers les groupes de femmes, parce qu'effectivement c'est une préoccupation ? je ne pourrais pas vous citer le nom, mais elles pourraient vous le dire ? où on voit effectivement que les groupes n'ont pas de contrat d'assurance collective, etc. Bon, certaines se sont donné... Je pense que Naissance-renaissance avait gagné un prix comme organisme de conciliation travail-famille. Je pense que c'est l'ISO... je ne sais pas quelle année, le premier. Donc, ils avaient fait un peu du quatre jours-semaine. Mais il y a peu de chose. Et, en comparant les organismes où ce sont des hommes à la tête, eh bien, les salaires sont en conséquence quand c'est un directeur plutôt qu'une directrice.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Oui, puis effectivement, ma collègue de Pontiac, il y a des recherches au niveau de la Fédération des femmes du Québec. Ça fait partie des revendications puis aussi du comité aviseur des groupes communautaires, là. Il y a un comité aviseur pour la politique autonome des groupes communautaires, et ça faisait partie aussi des revendications.

Mme Gilbert, Mme Cornellier, toujours très heureuse de vous revoir. Écoutez, c'est un mémoire d'une qualité exceptionnelle, puis même la présentation. Réussir en 20 minutes à faire le tour des enjeux majeurs comme vous l'avez fait, il faut le faire, et c'est ce que je disais à ma collègue, c'est extrêmement impressionnant. Vous touchez à tous les aspects, vous ramenez des éléments que les gens oublient souvent. C'est très bien fait, puis on sent bien votre assise régionale partout, on sent votre mode de structures très organisé, et c'est extraordinaire. Vraiment, là, bravo!

Vous rappelez des évidences, hein, mais qu'on oublie: il y a plus de femmes actives, plus de femmes salariées, plus de femmes instruites, mais il y a aussi plus de chômeuses, plus de salariées précaires, plus de femmes en sous-emploi. Les inégalités professionnelles et familiales s'incrustent, et c'est vrai. Et, au niveau professionnel, hier, on a reçu une représentante d'une association au niveau des sciences, et il y a même un recul. Non seulement on plafonne, mais, dans des domaines percutants, là, on recule, en plus.

Vous avez souligné à juste titre l'absence du langage inclusif dans plusieurs documents récemment publiés par le gouvernement du Québec, puis c'est vrai qu'il n'y en a pas beaucoup qui l'ont rappelé. Mais le langage, les mots utilisés sont le reflet de la pensée, le moyen de transmettre des convictions et des valeurs. J'y crois profondément. Nous croyons que notre gouvernement doit exprimer clairement sa volonté politique d'atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes en utilisant, dans toutes ses communications, le langage inclusif pour les rendre visibles, et c'est vrai. Et vous ferez le test de présenter des communications en les mettant exclusivement au féminin, et vous allez avoir une réaction dans la salle. Moi, c'est comme ça que j'avais eu gain de cause avec mon caucus.

Vous avez fait une recherche très, très, très solide sur l'ADS puis l'AIE, donc l'analyse différenciée selon le sexe puis l'approche intégrée de l'égalité. Ça, là, on n'a pas beaucoup de groupes qui l'ont fait. On va avoir quelques chercheurs féministes. Mais je veux que vous étoffiez davantage là-dessus parce que je pense que c'est extrêmement important. Je considère, moi aussi, que c'est deux concepts qu'on ne peut pas substituer l'un à l'autre. Alors, moi, je veux que vous preniez la peine de bien expliquer ça. C'est très, très important.

Mme Gilbert (Mariette): D'abord, en tout cas, dans toute la documentation que j'ai pu ramasser...

Le Président (M. Copeman): Excusez-moi, Mme Gilbert. Excusez-moi. Je présume qu'il va y avoir consentement pour dépasser 12 h 30? Merci. Excusez. Allez-y, Mme Gilbert.

Mme Gilbert (Mariette): L'approche intégrée de l'égalité relève vraiment de la structure d'un gouvernement. Ça agit au niveau législatif et ça s'implante à travers le gouvernement, les ministères, les organismes gouvernementaux, mais aussi ça implique les organismes privés et même les groupes de pression. Alors, de ce côté-là, c'est très large et ça permet, je pense, de... quand on dit que le rôle des hommes dans l'égalité, ça peut rejoindre ça.

Par contre, l'approche intégrée de l'égalité, si elle n'est pas supportée par l'analyse différenciée selon les sexes, elle peut devenir simplement... Comment je... Bon, le mot qui me vient à l'esprit, c'est une «parure». C'est dans le sens que ça devient quelque chose qui est là, mais on utilise des mots pour le contourner. On a quelque chose à faire puis on utilise des mots, mais il n'y a pas d'implantation réelle. Il faut que ça aille plus loin. Et, les expériences qui ont été faites en Europe actuellement, il y en a qui dérapent parce qu'il manque certaines portions d'analyse ou d'étude pour aller vraiment en profondeur et documenter ce qui se fait.

On n'est pas des expertes dans le domaine. Sans doute que, parmi les chercheuses qui vont se présenter, il y en a qui vont pouvoir vous expliquer ça beaucoup plus clairement que je peux le faire, mais je pense... Et d'ailleurs, on l'a dit dans le mémoire, nous recommandons une recherche, une étude vraiment de ces deux aspects-là, l'AIE et l'ADS, pour pouvoir bien savoir à quoi ils servent, comment les utiliser et comment bien les utiliser.

Alors, je termine là-dessus, mais j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au début, concernant notre mémoire, qu'il y avait même des reculs. J'ai eu, pendant le temps des fêtes, un document qui m'est arrivé comme ça, qui parle du pourcentage des sans-emploi touchant des prestations d'assurance-emploi, et on donne la statistique de 1996 et celle de 2001. En 1996, il y avait 51 % des hommes qui touchaient de l'assurance-emploi lorsqu'ils étaient sans emploi, et 48 % des femmes, un écart de 3 %. En 2001, 53 % des hommes ont accès à l'assurance-emploi lorsqu'ils sont sans emploi et 39 % des femmes y ont accès, pour un écart de 14 %. Alors, quand on dit qu'il y a une progression du travail atypique, des emplois où les femmes ne sont pas protégées, je pense qu'on a là une évidence assez importante.

n(12 h 30)n

Et, quand les femmes se retrouvent sans emploi et sans assurance chômage, un gros zéro de salaire dans la famille pour beaucoup, beaucoup de personnes, c'est vraiment terrible. Et je pense que c'est terrible aussi au niveau des gouvernements parce que, les gens à faibles revenus, les femmes qui sont beaucoup à faibles revenus, dès qu'il y a un 50 $ ou un 100 $ de plus qui rentre dans la maison, cet argent-là, il est dépensé. Il n'est pas mis dans des abris fiscaux, il ne sert pas à essayer de sauver de l'impôt, il est dépensé et il est utilisé immédiatement.

Alors, je pense que, voir à ce que les femmes atteignent le même niveau que les hommes, l'égalité au niveau des emplois, au niveau des revenus, toute la société serait extrêmement gagnante, et en plus on utiliserait tout ce potentiel-là que les femmes ont. Il y en a une bonne part qui est sous-utilisée actuellement. Alors, je pense qu'on a vraiment à gagner de travailler à ce que les femmes fassent tout leur rattrapage, un, pour donner à la société ce qu'elles ont à donner, et en même temps, si elles gagnent de meilleurs salaires, elles vont en redonner aussi à la société. Et je ne suis pas fiscaliste, là, mais il me semble que tout le monde serait gagnant, vraiment tout le monde.

Mme Caron: Vous n'êtes pas fiscaliste, Mme Gilbert, mais vous êtes très réaliste et vos exemples sont très, très percutants. Puis je rappelle, parce que, c'est ça, je voulais ramener aussi votre recommandation concernant les deux approches... Je pense qu'il faut que ce soit clairement documenté, bien défini, et vous avez... Oui, certaines chercheures féministes vont présenter... mais l'intérêt de votre présentation, c'est le petit tableau, parce que, moi, j'aime beaucoup ça travailler avec des tableaux. Je l'ai dit hier, c'est...

Mme Gilbert (Mariette): On le doit à Mme Cornellier.

Mme Caron: Oui, Mme Cornellier. C'est clair, c'est très agréable de travailler avec ça.

L'autre élément que je voulais ramener: toute la question du féminisme, tantôt. Si on remonte même au début du féminisme, c'est loin d'être une majorité de femmes qui se disaient féministes. Si on remonte au début du droit de vote des femmes, est-ce qu'elles se disaient majoritairement suffragettes? Bien non. Ça fait partie de l'empêchement de l'égalité des femmes de démoniser les mots pour qu'elles ne s'y reconnaissent pas et qu'elles n'adhèrent pas, et ça fait partie des stratégies de maintenir... Et c'est pour ça que c'est tellement important que les gens connaissent la véritable définition des mots. Mais autrefois non plus elles ne le connaissaient pas plus.

Moi, à 20 ans, là, je ne me disais pas féministe. On ne nous enseignait pas...

Une voix: ...

Mme Caron: Tu es plus jeune que moi. Ha, ha, ha! On ne nous enseignait pas l'histoire du mouvement des femmes. Moi, j'ai découvert les écarts quand je suis arrivée attachée politique au bureau du député puis que les gens entraient puis ils me regardaient, ils disaient: Il n'y a personne à matin? Ah! Moi, j'étais dans l'enseignement, avant. Donc, j'avais moins vécu. Puis, dans ma famille, des femmes très autonomes, et tout ça... Donc, le choc était là, et je suis devenue très rapidement féministe. Mais c'est évident que les jeunes femmes aussi ne la savent pas, la définition, et je pense qu'on a un travail pédagogique à faire là-dessus. Puis on devrait même enseigner dans nos écoles, au niveau de l'histoire... Parce qu'on enseigne l'histoire des patriotes, mais, l'histoire du mouvement des femmes, quelques écoles le font, mais c'est très, très, très rare. Donc, je pense qu'il y a un travail à faire là-dessus. L'AFEAS, dans son travail quotidien, fait ce travail-là.

Alors, moi, je vais, M. le Président, juste résumer un petit peu les moyens d'action que vous ramenez pour être sûre qu'on ait des résultats, finalement. Donc, une ministre, un organisme indépendant, un organisme d'État, une politique, un plan d'action puis les ressources qui vont avec, c'est la proposition?

Mme Gilbert (Mariette): Oui, c'est la proposition que nous faisons. Nous croyons que ces instances-là sont essentielles pour pouvoir continuer le rattrapage et arriver à une réelle égalité au Québec. Et aussi ça, c'est en lien aussi face à la mondialisation et aux accords actuellement qui existent, parce que le Québec doit être capable d'avoir de la poigne pour dire: Au Québec, c'est ça, nos valeurs, au Québec, c'est comme ça qu'on veut vivre, et vendre ce que nous sommes, pas dire: Bien, si vous venez ici, bien, là, il va y avoir ça, il va y avoir ça. Il faut dire: Nous, on est comme ça, c'est ça qu'on valorise, c'est comme ça qu'on est, et vous allez avoir cette qualité de vie là lorsque vous allez venir ici. Et, pour ça, il faut se donner des moyens, et les moyens, c'est d'avoir ces instances-là pour légiférer, pour contrôler puis aussi pour analyser, étudier puis voir les impacts. On ne peut pas passer à côté de ça.

Mme Caron: Merci. Je vais laisser ma collègue de Taillon...

Mme Marois: Merci, M. le Président. Bienvenue. Ça me fait plaisir de vous revoir. On rappelait, tout à l'heure, qu'il y avait eu une première ministre responsable de la Condition féminine qui avait proposé la création du Conseil du statut de la femme, et il y a une ministre qui a suivi, dans notre gouvernement, qui a proposé l'adoption d'une très grande politique, la première grande politique gouvernementale en matière d'égalité, et qui s'est appelée d'ailleurs Égalité et indépendance, et c'était, à ce moment-là, Lise Payette qui l'avait proposée. Ça n'avait pas été facile, je m'en souviens, parce que je collaborais avec elle à ce moment-là, et puis il y avait quelques résistances, mes amis.

Bon. D'abord, bravo pour votre mémoire, il est effectivement une excellente synthèse, à mon point de vue, de beaucoup de débats et de discussions que nous avons eus jusqu'à maintenant et que nous aurons dans les semaines qui viennent. Votre présentation en tableau de la différence entre l'approche intégrée de l'égalité et l'analyse différenciée selon les sexes est un petit bijou de synthèse.

Bon, je viens maintenant sur deux choses. D'abord, une première, j'aime bien que vous souligniez le fait que c'est conciliation famille-travail-études, et vous l'avez introduit... D'autres l'ont fait aussi, mais vous le faites nommément ainsi. Je pense qu'il ne faut pas perdre cela de vue.

Une question très pointue. Dans la page 11 de votre mémoire, vous soulevez des questions. Vous dites: «Plusieurs questions restent à analyser. L'accroissement du nombre de femmes dans les emplois traditionnellement masculins provoque-t-il la dévalorisation de ces emplois? [...] Certaines recherches concluent que les emplois ne sont pas dévalorisés parce que les femmes les investissent, mais que les femmes les investissent lorsqu'ils sont dévalorisés. Qu'en est-il vraiment?» Est-ce que vous souhaitez une action particulière ou une recherche particulière sur ces questions-là? Est-ce que, vous-mêmes, vous vous êtes penchées sur ces questions?

Mme Gilbert (Mariette): Non, nous ne nous sommes pas penchées tel quel sur ces questions-là, mais par contre, effectivement, c'est des questions que beaucoup de chercheurs se posent aussi actuellement, qui reviennent. Et je pense que ce serait à, entre autres, un organisme comme le Conseil du statut de la femme de faire des recherches là-dessus parce que c'est quand même des recherches qui demandent beaucoup de travail, c'est très large, et un groupe comme l'AFEAS n'a pas les moyens de faire une recherche exhaustive et d'aller chercher les informations et toute la méthodologie. On n'a pas les moyens de pouvoir faire ça. On peut constater autour de nous, mais on ne peut pas documenter, approfondir une recherche comme celle-là.

Mme Marois: C'est ça. Et ce qui est intéressant, dans le fond c'est que, si on pouvait les faire, ça ferait tomber sûrement un certain nombre de préjugés ou ça éclairerait en tout cas certaines situations nous permettant d'intervenir concrètement pour soit corriger le tir ou soit, je dirais, véhiculer une information plus objective et qui tienne compte des faits.

Mme Gilbert (Mariette): Comprendre le phénomène. Ne serait-ce que de comprendre le phénomène. Je vais laisser compléter par Mme Cornellier.

Le Président (M. Copeman): Mme Cornellier.

Mme Cornellier (Hélène): Oui. Le dossier principal de l'AFEAS, vous devez le savoir maintenant, actuellement, depuis 10 ans, c'est la reconnaissance du travail non rémunéré, dit invisible. Donc, nous en avons déjà plein les mains parce qu'on n'a pas encore réglé cette situation-là. L'assurance parentale s'en vient. On espère que le 1er février, date butoir de la signature de l'entente, va être bien celle-là et, le 1er janvier 2006, que les parents à qui on parle, qui nous disent: Est-ce qu'on se retient? on ne se retient pas? on a un enfant, etc., vont pouvoir en profiter. Bon, déjà, on aura un pas fait...

Le Président (M. Copeman): ...selon un calendrier gouvernemental m'apparaît très douteux.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Cornellier (Hélène): C'est ce que je leur réponds toujours.

Le Président (M. Copeman): Tous les cas.

Mme Cornellier (Hélène): Allez-y d'emblée dans votre canevas, et on verra la suite, puis vous verrez si vous en faites un autre après ça, quand il y aura quelque chose qui est là. Et, le dossier des aidantes que vous avons rerentré, parce qu'on le traitait à part avec le virage ambulatoire, nous l'avons rentré dans le travail... parce que dans le fond c'est ça. Et donc c'est ça.

n(12 h 40)n

Par contre, si on regarde les questions qui sont là, la question du traditionnellement féminin, masculin, le changement, les femmes dans un, les hommes dans l'autre, c'est aussi lié à cette non-reconnaissance-là sociale. Oublions tout de suite l'économique, là. Ça, on va vous en reparler. Dans tous nos mémoires, l'année passée, l'année d'avant et les années qui viennent, vous allez nous entendre. Et on fait une tournée des députés sur ces questions-là, alors tous les députés de l'Assemblée nationale vont être interpellés sur ces questions-là. Ça fait partie de ça.

Quand les rôles des femmes sont dévalorisés, quand être mère, ce n'est bon à rien, quand être professeur du primaire, ça n'a pas une signification dans la société puis c'est le discours, comment veut-on que les choix de nos jeunes soient faits sur quelque chose de valorisant? Qu'est-ce qu'on va chercher? Quelque chose qui est valorisant. Là, je n'ai pas d'exemple en tête, mais, bon, technique en je ne sais pas quoi, d'auto, etc., ce ne sera pas CPE nécessairement. Bon. Il y en a qui ont cet intérêt-là, mais c'est plus difficile. Même dans l'étude de ça, il y a les stéréotypes en arrière, il y a les craintes d'aller d'un côté ou de l'autre.

Moi, je me rappelle, jeune, mon père voulait me pousser à des carrières masculines: médecin, etc. Moi, j'étais bloquée par la peur. Je m'en suis aperçue plus vieille, et peut-être que mon père n'a pas vu ça, et ce n'est sûrement pas les orienteurs, ni de l'époque ni actuellement, qui étaient pour dire: Ma fille, tu peux faire ça. Ils auraient dit «infirmière», mais pas «docteur». Et ce n'est pas terminé, ça, même si on a des femmes... Donc, tout ça, c'est important.

Moi, j'ai des groupes qui aident les femmes immigrantes, qui sont souvent à la maison, ne sortent pas, me disent: Mme Cornellier, vous avez ce dossier-là, c'est intéressant, on voudrait éventuellement faire quelque chose avec vous. Les jeunes enfants qui vont à l'école, qui viennent de familles immigrantes, qui voient que les mères de leurs petits amis travaillent, leur mère est une moins que rien. Imaginez ce que ça fait dans la maison. Déjà, il y a un niveau très grand, souvent, dans ces communautés-là, entre le rôle du père et de la mère. Donc, tout ça est très, très important. Donc, on revient toujours aux termes, au concept, comment on va nourrir le positif d'un homme, une femme, tu sais, ce qui est beau, ce qui est important, le rôle de parent, de mère, d'aidante, le valoriser. Ça ne l'est pas, hein? C'est: faites des enfants, mais occupez-vous-en, puis la mère s'en occupe. En tout cas. Donc, c'est dans ce discours-là. Je pense que c'est aussi important dans des questions d'emploi aussi.

Mme Marois: Oui. J'imagine que c'est terminé, mais bravo encore. Et, votre relation aussi avec la mondialisation, là, et les partenariats public-privé, je pense qu'il y a quelque chose là qu'il ne faut surtout pas négliger. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Gilbert, Mme Cornellier, merci beaucoup d'avoir accepté de participer à cette commission parlementaire au nom de l'AFEAS. Et je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 43)

 

(Reprise à 14 h 10)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Nous accueillons maintenant les représentants de l'organisme L'Après-rupture. M. Boucher, bonjour. Vous êtes le bienvenu à la commission.

J'explique brièvement nos règles de fonctionnement: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui est suivie par une période d'échange avec les parlementaires d'une durée maximale de 20 minutes de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

L'Après-rupture, Ateliers pour
les liens père-enfants

M. Boucher (Jean-Claude): Oui. Alors, Gilbert Claes, directeur général de L'Après-rupture, et André Gélinas, qui est un bénévole qui a prêté sa plume gentiment à L'Après-rupture pour la rédaction du mémoire. Il est aussi l'auteur d'un livre sur l'équité salariale, et le titre du livre, c'est L'équité salariale et autres dommages collatéraux du féminisme. Alors, ça positionne à peu près où on va.

On s'était entendus ici pour que je présente L'Après-rupture, qu'est-ce qu'on fait et de quelle façon on intervient auprès des hommes qui sont en difficulté après un divorce ou une séparation. Et puis, en m'en venant, j'ai pensé que, l'an dernier, à la même date, à l'heure du souper, j'ai reçu un téléphone d'un homme qui avait des difficultés, qui ne trouvait pas très facile d'expliquer son cas et qui, après s'être assuré qu'il avait bien identifié L'Après-rupture, et tout ça, qu'il avait trouvé notre numéro de téléphone sur le site Internet, etc. Et il m'a demandé tout simplement d'écrire deux lettres pour ses enfants, pour ses deux garçons de six ans et de huit ans.

Alors, bon, on est des bénévoles, on n'est pas des saints. J'ai dit: Mon souper est sur la table. Écoute, écrire des lettres, ce n'est pas vraiment notre fonction. C'est quoi, le problème? Et, après explication, il m'a dit qu'il fallait que j'écrive des lettres pour lui parce qu'il n'avait pas de facilité d'écriture puis qu'il voulait que j'écrive à ses enfants à sa place parce qu'il ne les reverrait pas, parce qu'il avait l'arme de son frère dans les mains, et que c'était son dernier téléphone, et qu'il ne téléphonerait pas à ses enfants. Finalement, j'ai commencé à écouter sérieusement puis j'ai oublié mon souper qui a refroidi sur la table.

Ce gars-là avait eu une discussion autour de la période des fêtes, une discussion assez difficile avec son épouse, et, au cours de la discussion, son épouse, pour avoir absolument raison, avait signalé le 9-1-1. Dans les cinq minutes qui ont suivi, il y a eu cinq policiers qui sont venus dans sa maison, qui sont venus l'arrêter devant ses deux enfants, menotté, emmené en prison, et il a passé trois jours à attendre que le juge lui fasse une ordonnance qui lui interdisait d'approcher de sa maison, qui était son bien héréditaire, d'approcher de ses enfants, d'approcher de son épouse. Et, quand il est sorti de la cour... Et le juge lui a aussi dit qu'il ne méritait pas d'avoir des enfants parce qu'il était un méchant batteur de femmes.

Le gars m'explique qu'il pèse à peu près 250 lb, mesure 6 pi 3 po, sa femme pèse 120 lb, puis il dit: Écoute, si je l'avais frappée, c'est elle qui ne serait plus de ce monde, puis bon... Alors, il est complètement écœuré et il me dit: Je vais étamper mon cerveau sur le mur de ma chambre de façon à ne plus jamais me souvenir. On a fini par réussir à discuter, discuter, discuter, puis, au bout de trois heures, il a fini par me dire bon qu'il essaierait d'arranger ça tout seul, puisque je ne voulais pas participer.

Ce que je sais, c'est que le gars s'appelait Eddy, et je n'ai jamais su qu'est-ce qui est arrivé de lui. Il m'avait promis de rappeler, il n'a jamais rappelé. J'ai essayé de le convaincre qu'il était un des 10 000 hommes qui va faire son tour en prison pour rien du tout, que c'est pour ça qu'on se battait, qu'il devrait nous aider. Je n'ai jamais su qu'est-ce qui était arrivé de lui.

C'est un peu le travail qu'on fait à L'Après-rupture. Heureusement, ce n'est pas toujours à ce point-là. C'est extrêmement difficile à vivre, et, ces cas-là, on s'en rappelle. Un an après, je me rappelle les mots qu'il utilisait, je me rappelle tout ce qu'il m'a dit et je ne sais toujours pas s'il en est sorti. Alors, je pense que ça, ça explique la première partie du travail que fait L'Après-rupture.

La deuxième partie, je pense qu'on va vous la faire ici. On est ici pour essayer de faire des pressions politiques pour que ces choses-là n'arrivent plus, pour que des hommes qui ont des enfants ne soient pas acculés au suicide, pour que les enfants ne soient pas orphelins de père dans 80 % des jugements de cour. C'est un peu le travail qu'on vient faire ici, auprès des députés, convaincre que les enfants ont besoin aussi de leur père. C'est pour ça que le nom au complet de notre corporation, c'est L'Après-rupture, Ateliers pour les liens père-enfants.

Je laisse la parole à Gilbert. Gilbert va lire l'intro qui était prévue, et on continuera de là.

M. Claes (Gilbert): Mme la ministre, M. le Président, Mmes les députées, MM. les députés, je vous remercie malgré l'étiquette qu'on nous a donnée et qu'on nous donne injustement, nous, en tant que pères et hommes qui défendent la cause des hommes principalement pour leur donner une place dans notre société avec autre chose que certaines étiquettes qu'on nous donne.

L'essentiel du mémoire, puis je veux prendre le temps de le lire... Puis il y a bien une chose importante dès le départ que je veux mentionner, nous faisons une nette distinction entre le féminisme, qui est une doctrine qui a ses bons et moins bons aspects, le mouvement féministe, c'est-à-dire le groupe de pression qui, comme tout groupe de pression, cherche à influencer en fonction de ses propres intérêts et à ce titre doit s'attendre à être contesté par d'autres groupes, et les femmes, avec lesquelles nous entretenons généralement des rapports cordiaux. C'est bien important pour nous de faire une distinction entre ces trois aspects, comment on reconnaît la position des femmes, le féminisme et le mouvement.

D'entrée de jeu, nous remettons sérieusement en cause la démarche entreprise par la ministre Courchesne pour six raisons. Globalement, nous sommes déçus que le gouvernement ait raté l'occasion de réviser sa politique en instituant un processus qui place vraiment les hommes et les femmes sur un pied d'égalité. Nous avons cru, à un moment donné, que cela était l'intention de la ministre alors que circulait la rumeur de la création d'un conseil de l'égalité, une instance forcément paritaire, mais nous avons rapidement constaté que le lobby féministe l'a fait reculer au point où toute opération ne semble devoir conduire qu'à la consolidation de ce lobby.

La démarche proposée par la ministre appelle six critiques. La première: la structuration de la démarche proposée est franchement biaisée parce qu'elle est articulée uniquement par des femmes au Secrétariat à la condition féminine, au Conseil du statut de la femme et à son comité externe, malgré sa prétention de présenter une vision intégrée de la réalité vécue par les femmes et les hommes.

La deuxième critique: l'orientation de la démarche est à sens unique parce qu'elle est axée sur l'égalité des femmes par rapport aux hommes et non aussi sur l'égalité des hommes par rapport aux femmes, mais tout en affirmant vouloir obtenir l'adhésion des hommes. Les avis remis par le Conseil du secrétariat de la femme à la ministre, en mai et novembre 2004, ont confirmé nos appréhensions par leur manque flagrant d'ouverture à la réalité vécue par les hommes.

Troisième critique: la prémisse à partir de laquelle la réflexion sera conduite est inacceptable. Selon le Conseil du secrétariat de la femme, «l'idéal d'égalité entre les femmes et les hommes qui est recherché suppose la correction des inégalités selon le sexe et l'élimination de toute discrimination sur cette base». Il dit encore: «Tout en étant conscient que des siècles de discrimination ne peuvent être effacés en quelques décennies d'action...» Il n'y a rien comme une bonne dose de culpabilisation pour s'assurer que les hommes vont consentir à être intégrés dans ces démarches, seront pleinement repentants et être prêts à toutes les concessions. Pour nous, c'est un très mauvais départ parce que nous rejetons absolument cette prémisse voulant que les femmes en Occident aient été soumises à une discrimination séculaire de la part de l'homme. Nous constatons, une fois de plus, que la victimisation de la femme est l'article n° 1 de la doctrine féministe, la culpabilisation de l'homme, son article 2 et le rejet des rôles traditionnels et complémentaires ? je souligne «complémentaires» ? de l'homme et de la femme, son article 3.

n(14 h 20)n

Quatrièmement, quatrième critique: l'intégration des hommes à la démarche sera aléatoire, en dernier ressort et sous condition. En effet, le conseil propose au gouvernement une stratégie qui repose sur trois approches. Or, on comprend de ce document que c'est seulement lorsque les femmes auront obtenu la correction d'inégalités perçues par elles seules, grâce à l'approche spécifique, ou encore lorsqu'elles auront pu influencer la mise au point des politiques et programmes à leur seul bénéfice, par l'approche transversale, qu'elles consentiront, dans le cas de certains enjeux appelés sociétaux, tels que conciliation travail-famille, à demander le concours des hommes, mais en prenant soin de créer en même temps des alliances avec les instances municipales, commissions scolaires, etc., où elles disposeront d'alliées pour contrer au besoin l'opposition des mêmes hommes.

Cinquième critique: le processus donne l'impression que les acteurs sociaux y participent sous d'égales forces, alors que la réalité est tout autre. Reconnaissons que le mouvement féministe n'a pas vraiment d'égal du côté masculin. En effet, ce mouvement est organisé à tous les paliers de gouvernement, y compris le palier international. Il bénéficie du support de plusieurs instances gouvernementales dédiées spécifiquement à la condition féminine, et ces diverses associations reçoivent plusieurs millions de dollars en subventions annuelles qui servent, entre autres, à la préparation de documents qui sont déposés à cette commission parlementaire. Au gouvernement du Québec, il y a un organisme-conseil de la propagande et de la mobilisation qui est le Conseil du secrétariat de la femme, deux organismes de régulation, la CES, la DPI, etc. ? j'en nomme, et vous les connaissez très bien ? et d'autres organismes administratifs de coordination et d'encadrement qui sont voués, totalement ou en grande partie, à la promotion des intérêts articulés par le mouvement féministe. Aucun autre lobby n'est institutionnalisé à un tel degré.

À la différence, les groupes d'hommes sont dispersés et entretiennent peu de rapports entre eux. Non seulement ne sont-ils pas encadrés par des instances gouvernementales propres, mais ils ne reçoivent aucune aide financière de la part du gouvernement, qui d'ailleurs conduit fort peu de recherches pour les besoins des hommes, car ces derniers ne sont pas appuyés par un groupe de pression. S'ils recevaient un appui égal, les hommes seraient certainement aussi capables d'organiser une marche du vilebrequin et de l'andropause, qui serait donc la fameuse réplique à la marche Du pain et des roses, et de tenir un congrès international, Atlanta ou tout autre endroit, pour arrêter une liste de revendications pour les cinq prochaines années. Tu continues, André?

M. Gélinas (André): Sixième critique: la réorientation de la politique de l'égalité de droit à l'égalité de fait n'est qu'apparente. En effet, nous connaissons depuis plusieurs années, au Québec, des mesures d'égalité de résultat prises par le gouvernement dans le but de corriger des soi-disant inégalités de fait. Nous pensons à la Loi sur l'équité salariale, à la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi, à la Politique en matière de violence conjugale, au programme À égalité pour décider. Or, les effets de ces mesures d'égalité de résultat sont déjà suffisamment déplorables pour que nous nous objections fortement à leur maintien.

Si, malgré toutes ces critiques, nous avons demandé de pouvoir déposer ce mémoire, c'est parce que nous croyons devoir clarifier les problématiques de base de la nouvelle politique et de l'intervention de l'État et parce que nous pensons que les parlementaires doivent entendre, au moins une fois, un autre son de cloche que celui que leur donnent régulièrement ces nombreux et très présents groupes de femmes. En effet, en deuxième lieu, nous déplorons que ni le Conseil du statut de la femme ni la ministre n'aient pris la peine de rédiger la problématique de la nouvelle politique de l'égalité de droit à l'égalité de fait ou de résultat. D'abord, ni l'une ni l'autre de ces instances ne définissent les concepts clés que sont l'égalité des droits, l'égalité de fait, l'égalité de résultat et l'égalité de moyens. Dans notre mémoire, nous proposons des définitions de ces concepts. En bref, selon nous, une égalité de fait se produit naturellement. Une égalité de résultat est une égalité de fait que l'on prétend atteindre à la suite d'une intervention de l'État. Alors, ces interventions d'égalité de résultat impliquent des lois, des règles préférentielles proactives pour les femmes, donc des inégalités de droit et de fait. En somme, ce que le CSF propose, c'est un ensemble de mesures qui vont inévitablement être défavorables aux hommes, l'autre composante de l'équation que l'on oublie généralement.

Deuxièmement, les documents ministériels établissent de fausses relations entre ces divers types d'égalité. Contrairement à ce que ces documents semblent croire, l'égalité de fait ne découle pas nécessairement ou logiquement de l'égalité de droit. Le mouvement féministe devrait le savoir, lui qui réclame des lois proactives. L'égalité de fait ne découle pas nécessairement ou logiquement non plus de l'égalité de moyens collectifs, car une éducation gratuite ne hausse pas le QI uniformément ni ne fait disparaître les disparités entre les encadrements familiaux, c'est-à-dire les moyens personnels qui font généralement la différence. Par contre, les lois, les règles, les normes gouvernementales et les services gouvernementaux peuvent créer des inégalités de droit et de fait lorsque ces moyens collectifs favorisent certains groupes aux dépens des autres. L'égalité de fait peut découler d'une égalité de moyens personnels, mais cela est tout de même assez rare entre deux individus, a fortiori entre deux groupes.

Bref, un gouvernement qui prétend réaliser une égalité de fait entre une multitude d'individus et même entre des groupes d'individus qui ont des moyens personnels très différents, prétendument par des moyens collectifs qui privilégient une clientèle aux dépens des autres, crée des attentes injustifiées chez cette clientèle et agit au détriment des autres clientèles. C'est exactement ce qui se produit, parce qu'on entend régulièrement les groupes de femmes dire: Ça s'en vient, l'égalité salariale. Vous avez créé des attentes avec une mesure totalement injuste et inéquitable, et j'espère qu'on aura l'occasion d'en parler.

Troisièmement, la finalité de la nouvelle politique demeure indéterminée. La première finalité proposée ? c'est l'élimination de la discrimination sexiste dont les femmes seraient victimes ? n'est pas valable d'après nous parce que cette prétendue discrimination n'a jamais existé, de la manière dont la doctrine féministe le présente. L'incapacité juridique de la femme ne faisait que correspondre à un partage des rôles dans la famille traditionnelle pendant 20 siècles. Or, cette organisation familiale traditionnelle a fait en sorte que la race humaine s'est développée de manière considérable sur tous les plans, alors que les organisations familiales que l'on préconise aujourd'hui s'accompagnent visiblement d'une chute dramatique de la natalité.

La deuxième finalité proposée, la libération de la société de la hiérarchisation des rapports sociaux entre les hommes et les femmes et le fait que le sexe ne soit plus un marqueur des rôles sociaux, n'est pas recevable non plus parce que l'on ignore sciemment la contribution des hommes aux tâches domestiques, parce que l'on voudrait que les hommes exercent des tâches pour lesquelles ils n'ont pas nécessairement les aptitudes requises et enfin parce que le CSF lui-même reconnaît, dans une de ses publications, que les pères consacrent presque autant de temps que les mères aux soins des enfants de moins de 12 ans. Alors, il y a des contradictions assez flagrantes.

La troisième finalité, qui paraît découler de la deuxième, c'est assurer la croissance démographique. C'est une duperie parce que les Québécoises ne font plus d'enfants depuis plusieurs décennies. Alors, la question demeure donc posée, de savoir: Concrètement, quels bénéfices supplémentaires la société va-t-elle retirer lorsque, par exemple, il y aura autant de femmes que d'hommes ingénieurs, autant d'infirmiers que d'infirmières, de bûcherons que de bûcheronnes, d'éboueuses que d'éboueurs? Faut-il souhaiter que la femme ait le même taux de criminalité que les hommes? Ça s'en vient, semble-t-il. Faut-il se réjouir de ce que 56 % des fumeurs soient des filles? Certaines femmes devront-elles renoncer à la prime de 26 % sur leur salaire que leur donne leur beauté? Une étude de Christine Forget. Qu'y a-t-il de si déterminant, dans cette égalité de fait, qui veut que l'on soit prêt à faire abstraction des goûts et des préférences des individus? Comment peut-on se résoudre à imposer et à maintenir cette égalité de résultat, même si cela signifie, par exemple, que certains hommes ne pourront jamais être ingénieurs parce qu'il a fallu faire de la place aux filles? Faut-il que toutes les femmes soient aussi riches que tous les hommes? Pourquoi pas d'abord tous les individus entre eux?

En somme, il n'y a pas d'objection à l'égalité de fait naturelle, mais il en va tout autrement de l'égalité de résultat imposée par l'État. Si cette dernière est légitime, qu'arrivera-t-il quand il y aura plus de femmes que d'hommes médecins? Cette situation, hypothétique il y a à peine cinq ans, est devenue une réalité. Pourtant, aucune femme au Québec ne s'est levée pour dire que l'égalité de résultat avait été atteinte conformément à la convention internationale et que conséquemment il fallait maintenant que les hommes aient préséance sur les femmes et contingenter l'entrée des femmes dans les facultés de médecine. Je n'en ai entendu aucune.

Troisièmement, il est inadmissible selon nous que les instances ministérielles ne se soient pas interrogées sur la problématique de l'intervention de l'État visant à établir une égalité de fait, ni sur sa mécanique, ni sur l'idéologie qui devrait normalement la sous-tendre. Si elles l'avaient fait, elles se serait rendu compte que des inégalités de fait entre divers groupes qui composent la société sont innombrables et à des niveaux variables dans le temps et l'espace, qu'il est contraire à l'idéal démocratique que quelques groupes, parce que dominants, comme le mouvement féministe, puissent se faire octroyer des privilèges par l'État, qu'il y a des inégalités de fait qui ne sont pas mesurables ? les rapports amoureux dans un ménage, ça ne se mesure pas ? des matières où l'égalité mathématique, 50-50, ne peut pas être atteinte ? le partage des tâches dans un ménage, la décision d'avorter ? des inégalités de fait qui sont satisfaisantes ou acceptables ? la prestation de certains services gouvernementaux sur le plan territorial ? des inégalités de fait que l'État ne peut vraisemblablement pas corriger ? l'espérance de vie des hommes qui n'est pas la même ? des inégalités de fait qui ne commandent pas nécessairement des interventions égales de l'État ? la prestation de certains services aux hommes et aux femmes ? des inégalités de résultat qui ne sont pas souhaitables ? l'uniformisation des salaires ? alors des inégalités de résultat qui créent des inégalités de droit et des inégalités de fait ? la Loi sur l'équité salariale, la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi, la Politique en matière de violence conjugale.

n(14 h 30)n

Observons enfin que ni l'idéologie libérale ni l'idéologie socialiste ne soutiennent une égalité de résultat entre les femmes et les hommes. Le féminisme est tout simplement une doctrine d'exclusion développée par un groupe de pression pour promouvoir ses intérêts particuliers et doit être perçu comme tel. En d'autres termes, l'intervention de l'État en vue d'établir une égalité de fait entre des groupes est une opération très complexe qui donne aisément lieu à des dérapages et produit des effets aussi contestables que la situation qu'elle est censée corriger.

Quatrièmement, nous sommes tous conscients que le mouvement féministe...

Le Président (M. Copeman): Excusez-moi, M. Gélinas, mais on est déjà rendus dépassé 20 minutes. Je vous invite à conclure.

M. Gélinas (André): Bien, je vais laisser le président conclure.

M. Boucher (Jean-Claude): Bien, il reste deux pages. Ce ne sera pas long. Continue, André.

M. Gélinas (André): C'est curieux parce que, ce matin, il y a eu une extension de délai, hein, pour un groupe. J'ai assisté, moi, à toutes les séances, ce matin, et on a donné un quart d'heure de plus, puis il n'y a pas eu de problème.

Le Président (M. Copeman): M. Gélinas, si vous croyez que je ne mène pas les travaux de la commission comme il faut, vous pouvez toujours soulever une plainte. Là, on est rendus à 20 min 42 s. C'est vrai qu'il y a des extensions parfois d'une à deux minutes. Je vous ai invité à conclure. Si vous ne voulez pas conclure, on va aller à l'échange. Mais, je vous le dis, on a dépassé la limite. Je vous ai indiqué que vous devrez conclure, je vous réitère que vous devrez conclure.

M. Gélinas (André): Ça ressemble à un débat qui a eu lieu sur l'équité salariale à Radio-Canada. On m'a empêché de l'exposer, mais on a permis à la présidente, Rosette Côté, de parler pendant un quart d'heure. C'est merveilleux, ça ressemble... C'est évidemment la trame qui se poursuit. Je ne comprends pas. Vous avez fini à 12 h 45 ? j'étais là, j'étais présent ? et vous avez permis à ce groupe-là de continuer un quart d'heure après. Et là, moi, il me reste deux petites pages et vous refusez.

Le Président (M. Copeman): M. Gélinas, je n'ai pas refusé. Il y a 20 minutes pour l'exposé de chaque groupe. Il est vrai que nous avons terminé en retard. On a terminé en retard parce que parfois il y a des échanges qui dépassent légèrement le 20 minutes, il y a des présentations qui dépassent légèrement les 20 minutes. Je n'ai pas accordé à un seul groupe, à ma connaissance, plus d'à peu près 22, 23 minutes pour faire leur exposé. On est maintenant rendus à 22 minutes. Si vous persistez à vouloir me contredire, on va mettre fin à la présentation. Mais je vous invite maintenant à conclure, sinon je vais mettre fin à votre exposé.

M. Claes (Gilbert): Bon. Écoutez, M. le Président, je vais conclure pour pouvoir continuer le processus démocratique de cette commission.

Point 7. Cela nous amène, en septième lieu, à conclure que, parmi les quatre options qui s'offrent à lui quant à l'organisation requise pour la mise en oeuvre d'une véritable politique de l'égalité entre les hommes et les femmes, le gouvernement devra retenir la suivante: le maintien des organismes actuels de la condition féminine et la création parallèle d'instances semblables, chargées de la condition masculine, disposant de ressources humaines et financières égales et composées de représentants autres que les quelques compagnons de route qu'on connaît déjà, qui endossent la doctrine féministe. Il n'a vraiment pas le choix s'il veut que la nouvelle politique de l'égalité soit crédible. C'est évidemment une solution onéreuse, mais les questions d'argent ne doivent pas intervenir lorsqu'il est question d'établir l'égalité, comme le disait récemment la juge Carole Julien dans son jugement en matière d'équité salariale. Il y va aussi de la vie démocratique, comme le soutenait le Conseil du statut de la femme dans son avis 2004.

Dernier paragraphe. Il va sans dire qu'entre-temps le gouvernement doit surseoir à la mise en application de l'avis de novembre 2004 du conseil, du CSF, jusqu'à ce que les nouvelles instances de la condition masculine aient donné leur accord. Un jour, je crois, particulièrement lucide face à un fractionnement de plus en plus prononcé de la société québécoise, il se rendra compte qu'il n'est pas judicieux d'institutionnaliser des groupes de pression au sein même de l'appareil administratif et abolira le Secrétariat à la condition féminine et ainsi que le Secrétariat à la condition masculine, si jamais il vient à exister. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Messieurs, vous me permettrez d'amorcer cet échange par certains commentaires et certaines réactions à vos propos. D'abord, j'irai dans un aspect plus technique des choses.

Il faut bien comprendre le rôle de cette commission parlementaire qui réunit justement des députés, des parlementaires de tous les partis. Et cette institution... Et j'ai toujours considéré, bien avant d'être ministre, que... Et c'est pour ça que j'ai demandé une commission parlementaire, parce que pour moi c'est le lieu d'échange, d'écoute, de partage qui soit le plus démocratique et le plus neutre.

Cette institution reflète et ce lieu qu'est la commission parlementaire reflète et doit refléter pour moi les valeurs du Québec et les valeurs auxquelles nous, comme parlementaires qui représentons notre population, c'est-à-dire tous les hommes, toutes les femmes de toute origine, peu importe la race, la couleur, l'âge, la religion... On nous donne cette responsabilité, et, croyez-moi, chaque personne autour de cette table aborde cette responsabilité avec le plus grand respect et avec la plus grande écoute parce que, toutes et tous que nous sommes, malgré nos divergences d'opinions, malgré nos appartenances politiques, nous sommes motivés par un seul but, c'est bien sûr bâtir des institutions, adopter des lois, des programmes, des politiques qui tendent vers une plus grande justice sociale. Je crois que fondamentalement en nous c'est ce qui nous pousse à devenir candidats, faire une élection et, lorsque nous sommes élus, avoir le plus grand privilège qui soit, c'est-à-dire de se retrouver autour de cette même table.

J'ai lu votre mémoire, j'écoute votre propos, mais tous et toutes aussi, au cours de l'année, nous avons reçu par courriel des remarques extrêmement dures et violentes, et je vous dirais que, dans l'esprit de nos chartes et de nos lois, ces remarques extrêmement dures et violentes sont difficilement acceptables. J'apprécie, aujourd'hui, le ton, j'apprécie, aujourd'hui, le choix des mots et du vocabulaire. Mais une chose est certaine, je suis, et ça, il faut le comprendre, je suis la ministre responsable de la condition féminine. Ça fait partie de l'évolution historique de l'histoire des femmes au Québec et, je vous dirais, pas seulement au Québec. Vous en avez parlé vous-mêmes, la plupart des pays occidentaux ont cru nécessaire, à un moment de leur histoire, de doter les institutions politiques de ministres responsables de la condition féminine, de doter les institutions politiques de politiques, de programmes qui permettraient aux femmes d'accéder à l'égalité.

On ne refera pas, aujourd'hui, l'histoire parce que, si on refaisait l'histoire, c'est sûr qu'on n'aurait pas suffisamment de temps. Mais il est très, très, très clair que, dans l'histoire de l'humanité et dans l'histoire du dernier siècle, la place des femmes, qu'elles occupent dans une représentativité juste et équitable, elle est très, très récente si on regarde sur les 100 dernières années. Il y avait donc là un besoin incontournable pour que les femmes soient reconnues à part entière pour ce qu'elles pouvaient contribuer dans notre société.

Donc, je ne suis que la ministre de la condition féminine. Oui, j'ai voulu ouvrir le débat de l'égalité, et, croyez-moi, ce n'est pas facile de vouloir ouvrir le débat de l'égalité pour essayer justement d'élargir à l'ensemble de la société ce débat et d'essayer de mesurer où nous en sommes. Aujourd'hui, on est ici pour écouter, on n'est pas ici pour déposer la politique de l'égalité, s'il y a une politique de l'égalité. Je ne me prononce pas là-dessus. On est ici pour en recevoir les points de vue et on décidera, le gouvernement décidera, dans les semaines et les mois futurs, quelles seront les orientations, et nous redéposerons cette politique. Et, quand vous critiquez qu'on n'a pas écrit, mais ce n'était pas le but, d'écrire.

n(14 h 40)n

Oui, le Québec a une institution comme le Conseil du statut de la femme qui a contribué tellement à faire en sorte que les femmes occupent la place, la juste place qui leur revient dans notre société. Moi, je crois qu'en 30 ans on a évolué, on a fait des progrès. Il y a des nouvelles réalités, il y a des nouveaux enjeux, des nouvelles problématiques, c'est normal. Une société, ce n'est statique; une société, ça bouge tout le temps. Et je dis: Est-ce que, dans une approche plus large, on ne devrait pas s'associer effectivement avec les hommes pour trouver des solutions qui vont nous permettre, comme société, d'aller véritablement vers une notion d'égalité?

Alors, quand j'écoute vos propos ? et j'aurai une question par rapport à ça ? quand j'écoute... Et je ne suis pas certaine que... Je comprends qu'on est pressés par le temps, mais, que voulez-vous, ça fait partie des règles aussi. Vous nous dites: Bah! dans le fond chaque individu, homme ou femme, a des moyens individuels, et puis, à partir de ces moyens individuels, donc des capacités aussi, hein, des expériences... On provient tous de milieux différents, on a des chances qui ne sont pas toutes les mêmes dans notre société. Mais vous dites: À partir des moyens individuels, bien les femmes peuvent faire cette place-là sans nécessairement qu'il y ait des lois qui, selon votre point de vue, sont par essence discriminatoires.

Mais, si j'écoute votre raisonnement, monsieur, ça voudrait donc dire que... Et je ne peux pas reprendre, là, mot à mot les propos que vous avez cités, mais, dans la logique, c'est comme si au fond on est tous égaux, donc pourquoi on devrait s'occuper des gens qui sont plus démunis? Pourquoi devrions-nous nous occuper de ceux qui vivent cette pauvreté ou ces femmes pauvres monoparentales? Celles-là, pourquoi faudrait-il s'en occuper? Vous allez me dire qu'il y a des hommes qui sont pauvres et monoparentaux. Bien, justement, je suis d'accord avec vous, je suis d'accord avec ça. Mais, en même temps qu'on se dit ça... Et c'est pour ça qu'on a voulu l'élargir, ce débat-là, mais pas en accusant les féministes de tous les maux, parce que, ça, je n'accepterai jamais, jamais que le sort de notre société soit tout de la faute des féministes, alors que ces féministes ont justement permis aux femmes d'arriver là où elles sont.

Quand il n'y avait pas une femme à l'Assemblée nationale, est-ce que c'était normal? Quand il n'y a aucune femme dans des conseils d'administration ou dans des pouvoirs décisionnels, est-ce que c'est normal? Est-ce que vous pensez vraiment que c'est parce qu'on est femme que ça va arriver tout seul? Il y avait donc un retard à rattraper, et les féministes ont fait un grand pas là-dessus.

Ma question, c'est: Pourquoi y a-t-il des hommes... Puis je comprends que vous avez une position que je vais dire plus extrême. Mais pourquoi y a-t-il des hommes qui sont venus, dès ce matin, défendre la position des féministes? Pourquoi vous avez cette position-là et pourquoi on ne pourrait pas travailler ensemble pour bâtir cette égalité-là? Et pourquoi y a-t-il des hommes qui... Pourquoi êtes-vous si diamétralement opposés et pourquoi le faites-vous en oubliant toute cette histoire du Québec, cette histoire des institutions, mais en oubliant l'histoire des femmes du Québec surtout et la difficulté qu'elles ont eue et que certaines ont toujours à pouvoir vivre dans cette société juste et égalitaire? Est-ce que le fait de reconnaître ça fait en sorte qu'obligatoirement on vous discrimine, qu'obligatoirement on vous enlève quelque chose, qu'obligatoirement vous êtes... J'allais dire «menacés». Ce n'est peut-être pas le bon mot. Mais est-ce qu'obligatoirement vous êtes exclus? Est-ce que c'est ce que ça veut dire?

Écoutez, j'arrête là parce que je ne veux pas m'étendre, mais je voulais quand même que vous sachiez où je me situais par rapport à vos propos.

M. Gélinas (André): Si vous permettez...

Le Président (M. Copeman): M. Gélinas.

M. Gélinas (André): ...ce matin, Mme Marois était tout heureuse, toute réjouie d'entendre les représentants du groupe des Laurentides dire qu'il y avait des comités paritaires. Regardons la commission actuelle sur l'égalité, regardons la composition. Est-ce que vous avez le sentiment que c'est paritaire?

Mme Courchesne: Un, deux...

M. Gélinas (André): Bien, il y a deux hommes... trois hommes. Ce matin, il y en avait juste deux.

Une voix: ...

M. Gélinas (André): Non. Le président est neutre. Je m'excuse, il ne compte pas, là, hein? Il est censé être neutre.

Mme Courchesne: Il est député puis il écoute.

M. Gélinas (André): Oui, mais n'empêche que tous les travaux qui ont été faits, qui devaient mettre en cause l'égalité homme-femme, ont été construits par des groupes de femmes seulement. Le Conseil de la famille actuellement a un homme ou deux puis 12 femmes. La famille, comment ça se fait que la famille, c'est une affaire de femmes maintenant uniquement? Au secrétariat, il y a un homme.

Mme Courchesne: M. Gélinas.

M. Gélinas (André): Et, quand vous avez la maîtrise d'une situation, on a l'impression que vous évacuez les hommes. La violence conjugale, c'est devenu une affaire de femmes seulement. Pourtant, les auteurs de cette soi-disant violence, ils doivent être concernés, mais ils ne sont pas là. Vous avez reconduit la Politique sur la violence familiale, mais il y avait trois hommes et 12 femmes ou 14 femmes. Ils ne sont pas là.

Et pourtant, ici, vous avez des gens qui essaient de s'occuper des hommes violents, qu'on dit violents. Mais, dans les documents que vous avez produits dans votre reconduction de la politique, il n'y a aucune référence à l'étude de Denis Laroche sur la violence conjugale, la plus grande étude jamais menée au Canada et au Québec sur la violence conjugale, qui dit que ce n'est pas ce qu'on dit depuis des années, que ce n'est pas vrai que ce sont uniquement les hommes qui sont cause de violence conjugale. Jamais il n'en est mention dans vos documents. Alors, c'est pour ça que je vous dis: On peut après être exacerbés à l'occasion parce que c'est...

Aujourd'hui, c'est une des rares occasions où des hommes qui ne sont pas comme ceux de ce matin... Je m'excuse, là, mais toutes les statistiques que le charmant Dufresne a produites ont été contredites. Alors, il invente puis il fabule. Mais ça, ce n'est pas de notre faute, là. Mais il n'est même pas capable de lire Denis Laroche. Puis ça, c'est produit ici, là, la plus grande étude sur la violence conjugale, et il n'y a personne qui la mentionne. Alors, à un moment donné, c'est exacerbant. On dit: Il n'y a personne qui nous écoute.

Et il y a des gens qui prennent... qui utilisent des mots... bien, je veux dire, violents, oui, durs. Au Québec, on a eu des trucs, sur des réseaux féministes, qui n'étaient pas plus gentils. Les mots n'étaient pas plus gentils envers les hommes, hein? Alors, il y a des excessifs de tous les côtés, ça, on le reconnaît. Mais on ne peut même pas passer dans les journaux.

Ça fait 30 ans que le discours féministe est dominant au Québec, vous devez le reconnaître. Il n'y a jamais eu de position d'hommes, hoministe. Avez-vous un groupe de pression d'hommes? Il n'y en a pas. Il y a quelques petits sites Internet. On leur tape dessus en disant: C'est effrayant, ce qu'ils disent là-dedans. Il n'y a même pas de groupe, il n'y a même pas d'encadrement, il n'y a pas d'organisme gouvernemental qui s'occupe des hommes. Alors, vous avez un guichet unique depuis 1973, avant même les entreprises, puis, nous autres, on n'a rien. Alors, à un moment donné, les gens disent: Bien, écoutez, ils ne nous écoutent pas. Les journaux non plus n'écoutent pas.

Le Président (M. Copeman): Mme la ministre.

Mme Courchesne: M. Gélinas.

M. Claes (Gilbert): Moi, je me permets...

Mme Courchesne: Oui.

Le Président (M. Copeman): M. Claes.

M. Claes (Gilbert): Je veux souligner quelque chose qui m'interpelle profondément. M. le Président, la ministre qui parle est responsable de la condition féminine, et je lui ai posé plusieurs fois des questions dont je n'ai jamais obtenu une réponse. Mais là j'ai vu, ce matin, que nous avons une ministre qui représente la condition féminine et qui a un titre: ministre des Relations avec les citoyens. Si j'ai bien compris ce qui se dit ici, en commission, c'est qu'on a une ministre qui ne veut pas représenter l'autre moitié des citoyens, qui sont les hommes. Parce qu'elle a bien dit: Je suis ministre représentant la condition féminine. Les hommes sont exclus. Et cette forme d'exclusion là, ça nous irrite énormément, puis j'ai le droit.

Et permettez-moi. Je vous ai entendue deux fois lors des introductions, ici, depuis que la commission siège. Moi, je vais vous rappeler à l'ordre quelque chose même si ça peut être irritant. Dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, à l'article 3, ils disent: «Toute personne est titulaire [de] libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.» Écoutez, vous m'interpellez deux fois. On sait très bien... On s'est déjà rencontrés, on a eu une conversation, je vous ai laissé la porte ouverte qu'on est prêts à dialoguer. Invitez-nous. Les groupes de femmes ont... Vous avez échangé avec les groupes féminins. Je comprends, c'est une institution, elles sont très bien financées, elles sont bien supportées. On fait des échanges avec vous, on bâtit des documents. Qu'en est-il? Est-ce qu'on a été invités, nous autres, pour construire cette société?

n(14 h 50)n

Pas juste pour nous autres. Nous, les pères, notre chemin est fait. Pour nos enfants, quelle société qu'on va léguer? Si on regarde juste une partie de la société, parmi mes pairs, là, que j'aide, il y a des pères qui ont des filles, mais il y a des pères qui ont des garçons aussi, puis nous sommes exclus. Cette exclusion-là est intolérable et non justifiable.

Le Président (M. Copeman): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Messieurs, je veux juste préciser, M. Claes, que la partie relations avec les citoyens, toujours dans cette perspective gouvernementale, a un mandat très défini. J'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer, et ce mandat très défini ne veut pas dire que la ministre des Relations avec les citoyens est responsable de tous les types de relations avec tous les types de citoyens. Cet aspect de relations aux citoyens regroupe, par exemple, les services de Communication-Québec, les services de curatelle publique, d'Office de protection du consommateur, de Commission des droits de la personne, de Commission d'accès à l'information, du Directeur de l'état civil. Le vocable «relations avec les citoyens», là, ce n'est que ça que ça veut dire. Oui, dans la défense des droits, et c'est pour ça que vous êtes devant nous, sous ce vocable de liberté d'expression. Oui, vous avez entièrement... et c'est le lieu pour vous exprimer, et ça, c'est évident.

Mais je vous ai dit aussi, et je l'ai dit publiquement: Quand on est ministre responsable de la condition féminine, ça ne veut pas dire qu'on peut être responsable aussi de la condition masculine. Mon choix a été de dire: Est-ce que nous pouvons élargir le concept de l'égalité? Est-ce qu'on peut mieux le définir? Et ce que je souhaiterais sincèrement, c'est qu'au lieu qu'on le fasse... Puis là je ne parle pas que de vous, je ne personnalise pas à votre groupe, je le dis pour tous. Est-ce qu'on ne peut pas améliorer l'égalité et des uns et des autres dans une perspective de concertation, de collaboration qui va se traduire par des lois, des programmes et des politiques? Moi, je ne crois plus, messieurs, je vous le dis, je ne crois plus que l'affrontement entre les sexes soit la bonne voie et je pense que le Québec a dépassé ce stade-là. Je pense que nos institutions sont rendues beaucoup plus loin et je pense que nos populations sont rendues beaucoup plus loin.

Je conclurai en parlant du dossier de la violence conjugale. Parce que je vous invite à relire le plan d'action sur la violence conjugale, où effectivement on ne sexualise pas et on donne les... On ne sexualise pas du tout sur les actions à prendre ou en catégorisant les uns ou les autres. On donne les statistiques et des femmes violentées et des hommes violentés. Si vous relisez attentivement le plan d'action, vous allez voir que les statistiques et les données sont à l'intérieur de ce plan d'action. Et je crois qu'il faut le dire, que, l'an dernier, 1 million de dollars a été investi pour les centres qui s'occupent des hommes violentés; cette année, 1 million de dollars. Vous allez me dire...

Une voix: ...

Mme Courchesne: Oui. Attendez, je vais terminer, monsieur, et le président vous laissera la parole. Vous allez me dire: Comparativement à ce qu'on donne aux femmes violentées? C'est vrai, il y a un écart immense. Mais, vous savez, il y a 30 ans, il y a 40 ans, il y a 50 ans, les femmes, quand elles n'étaient pas ici, quand elles n'étaient pas en fait nulle part, qu'elles ne gagnaient pas de salaire, qu'elles ne pouvaient même pas signer un contrat, un bail, ne pouvaient pas avoir aucun engagement juridique, n'étaient pas constituées comme une personne légale dans notre société, elles n'en avaient pas, d'argent non plus.

Je ne suis pas en train de vous dire... mais je trouve qu'il y a un pas dans la bonne direction. Et, s'il y a des groupes qui ont un rôle à jouer, c'est de nous sensibiliser positivement, constructivement, sans jugement à faire en sorte que, oui, si les hommes ont des problèmes spécifiques dans notre société, oui, un gouvernement a la responsabilité de s'y attarder. Mais l'objet de cette commission, c'est, dans l'évolution de nos rapports sociaux, autour du thème de cette égalité, et, oui, on part de la cause des femmes parce que l'égalité, l'égalité n'est pas là.

Est-ce qu'il y a de la discrimination à l'égard de certains hommes? Certainement, j'imagine. Il n'y a pas de société absolument non discriminatoire. Je ne pense pas que ça existe nulle part au monde. Mais je pense que nous sommes, tous ensemble, autant du côté de la population que des élus, suffisamment responsables pour avoir toute l'énergie, toute la combativité pour améliorer le sort de nos institutions, bien sûr, mais, à travers nos institutions, le sort de notre population.

M. le président, je m'arrête là. Et merci de votre présence. Vous avez raison qu'il fallait que votre point de vue soit écouté. C'est pour ça que vous avez été invités, parce que, malgré des échanges douloureux, on a convenu que la libre expression, elle était là pour vous et que c'était le meilleur lieu pour vous de l'exprimer. Alors, merci.

M. Gélinas (André): M. le Président, l'ennui, voyez-vous, c'est que le suivi de ça, là... Vous, vous avez des suivis des propositions des groupes de femmes, vous êtes responsable, la ministre de la condition féminine, vous allez vous intéresser à ce qu'il y ait un suivi de ce que ces groupes de femmes vont dire. Mais vous venez de nous dire que vous n'êtes pas responsable des propositions véhiculées par les groupes d'hommes. Alors, qui est-ce qui va s'en occuper, des propositions des groupes d'hommes? Nous avons écrit 45 pages, dans notre mémoire, qui traitent des inégalités subies par les hommes. Et je n'ai pas eu le temps de les énumérer, bien sûr. Mais qui est-ce qui va s'en occuper, de ça? Alors, je veux bien que la structure du gouvernement, là...

Je ne vous mets pas en cause, madame. Vous avez beaucoup de mérite d'ailleurs d'avoir tenté d'élargir le débat puis vous avez vu, par les réactions des groupes féministes, que vous avez une petite bagarre à mener. Bon. Mais imaginez-vous du côté des hommes qui n'ont pas de table d'écoute du tout et qui n'ont personne, à l'intérieur de l'appareil gouvernemental, qui va dire: Bien, ce n'est peut-être pas majeur, mais ce serait bon qu'il y ait quelqu'un qui s'occupe de la condition masculine aussi. Il n'y en a pas et ils ne parlent pas.

Nos chers députés, j'attends encore. J'attends un député se lever pour dire: Bien, écoutez, les hommes ont des petits problèmes, puis on aimerait qu'on s'en occupe. Ce matin, vous avez eu quelqu'un qui a déblatéré sur le rapport Rondeau pendant une demi-heure. On l'a écouté longuement, et c'était le premier rapport, au gouvernement du Québec, qui s'intéressait à la condition masculine. Et puis tout de suite vous avez un zigoto qui vient dire: Non, non, il ne faut pas écouter ça, c'est dangereux pour vous autres. Alors, mettez-vous dans notre peau et dites-nous ce que nous devons faire pour obtenir un correspondant comme, vous, vous en avez un depuis 30 ans. Vous avez un guichet unique, je me répète. Avant même que les entreprises en aient eu un, vous avez eu un guichet unique pour les femmes, les problèmes des femmes. Mais il n'y a pas de guichet unique pour les hommes non plus.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Aucune question, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Très bien. Messieurs, je voulais vous signaler deux petites choses. Dans un premier temps, M. Gélinas, pour répondre un peu, vous avez laissé entendre que, comme président, je dois rester neutre. C'est en partie vrai et en partie pas vrai, dans le sens suivant. L'article 138 du règlement de l'Assemblée nationale prévoit très clairement, par opposition au président de l'Assemblée nationale, que «le président d'une commission organise et anime les travaux de sa commission, prend part à ses délibérations et a droit de vote». Et ceux qui suivent les travaux de la commission savent que je prends part aux délibérations, ce que j'ai l'intention de faire dans les quelques minutes qui suivent. Ça ne remet pas en question l'application du règlement, qui est essentiellement une application en partie de chronométrage, de s'assurer que les travaux de la commission se déroulent bien. Alors, je tenais à faire cette mise au point.

n(15 heures)n

Deuxièmement, en ce qui concerne le suivi, la commission parlementaire, moi-même comme président, le vice-président, le comité directeur, en collaboration avec mes collègues et avec la collaboration de la ministre, on s'est entendus à faire des recommandations à la suite de cette consultation. C'est une procédure qui est relativement rare, dans le sens suivant: normalement, après une consultation générale, la commission remet simplement une liste des gens qui ont été entendus, avec les mémoires, et elle est présentée en Chambre à l'Assemblée nationale. Mais nous avons décidé de faire des recommandations à la fin de cette commission. Alors, nous allons évaluer toutes les présentations qui ont été faites devant cette commission et nous allons par la suite travailler à faire des recommandations à l'Assemblée nationale, à l'Assemblée nationale parce que c'est le lieu de présentation de telles recommandations.

Moi, j'ai une question à vous demander. J'ai reçu, comme beaucoup d'autres parlementaires, des communications de L'Après-rupture, incluant celle datée du 5 décembre 2004, qui est une lettre ouverte signée par Jean-Claude Boucher, de Saint-Pie ? je ne sais pas si c'est M. Boucher, président de L'Après-rupture ? dont le titre est La grande fête du 6 décembre, dont l'objet cité en titre était Le féminazisme et le 6 décembre. Cette communication se terminait avec une citation d'Adolph Hitler, de Mein Kampf, qui, j'imagine, est utilisée selon vous pour illustrer votre point de vue sur la propagande.

Tout ce que je peux vous dire, messieurs: en tant qu'homme et en tant que parlementaire, en tant que Québécois et Canadien, je trouve assez ironique que vous vous présentiez ici, devant cette commission parlementaire, à la veille du 60e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz où, et on le sait fort bien, pendant cette période 1939-1945, plus de 30 millions de personnes ont perdu leur vie, incluant 6 millions de civils qui ont été tués exclusivement et uniquement à cause de leur appartenance religieuse. Vous pouvez peut-être trouver l'utilisation du mot «féminazisme» et des citations d'Adolph Hitler importantes pour vous. Je vous dis: Ça me dégoûte, ça me révolte. Et malheureusement ? je ne parle que pour moi-même ? ça discrédite beaucoup votre organisation.

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Bien sûr!

M. Boucher (Jean-Claude): Alors, c'est évident que, M. le Président, vous sortez une lettre. Il y en a eu 49. O.K.? Dans ces 49 lettres là, je pense que les députés qui ont pris la peine de les lire ont sûrement appris beaucoup de choses qui sont camouflées par le mouvement féministe, beaucoup, beaucoup de choses. Et on passe à travers de, par exemple, la réussite des femmes dans les facultés d'université, où elles sont majoritaires à presque 75 % dans toutes les facultés, sauf en sciences appliquées. Mais là on a vu, hier, par exemple, là, qu'il faut mettre plus d'argent pour les sciences appliquées pour les femmes. Est-ce qu'on va mettre aussi plus d'argent pour toutes les autres facultés où les hommes sont minoritaires? C'est l'égalité, qu'on recherche. L'égalité.

Et, quand on est un père de famille et que l'épouse, à tort ou à raison, O.K., téléphone le 9-1-1, le père de famille est traité exactement comme un Juif, par Adolph Hitler, l'était, exactement la même chose. Il est étampé, il n'a pas de droit à la présomption d'innocence, absolument pas. Il est arrêté souvent illégalement, devant ses enfants, sans la présomption d'innocence, et il va faire un petit séjour en prison, et, suite à ça, dans 10 000 cas par année ou proche, là, on abandonne les poursuites et on dit: Bien non, il n'y a pas de raison, va-t'en chez vous.

Le Président (M. Copeman): Vous trouvez, M. Boucher, que cette analogie avec ce que vous venez de dire est pareille avec la mort, dans des camps de concentration, par gaz de Zyklon B? Et vous trouvez que c'est apte comme analogie?

M. Boucher (Jean-Claude): Je ne trouve pas que c'est la même chose. Je dis que le principe qui est sous-jacent au nazisme était de marquer les Juifs d'abord ? parce qu'ils n'ont pas commencé par les envoyer dans les camps ? de d'abord les marquer pour pouvoir les expulser de la société allemande. Bon. Le reste, c'est d'autre chose. Les Israéliens sont en train de faire exactement la même chose aux Palestiniens et... Bon, ce n'est pas ça. Je soulignais quelque chose qui est extrêmement grave dans notre système, c'est qu'un père de famille n'a pas droit à la présomption d'innocence, et ça, c'est épouvantable, et ça, ça n'apparaît jamais dans le discours féministe. Et, comme le discours des hommes n'est jamais publié, nous n'avons jamais de représentant à l'intérieur du gouvernement, bien, là, on utilise les méthodes qu'on a pour se faire entendre.

Autre chose que je veux noter. Ces 49 lettres ouvertes là, M. le Président, représentent ce que la démocratie a de meilleur. Il n'y a aucun des gens qui ont écrit dans ça qui est payé, ils ne représentent aucun intérêt financier, contrairement aux groupes de lobby qui viennent ici, qui veulent avoir des subventions, qui ont toutes sortes de raisons financières pour... On a exagéré le nombre de victimes de violence conjugale, exagéré d'une façon absolument folle. On était ? et ça, c'est le ministère de la Justice ? à 300 000 femmes battues par année, ce qui fait qu'en quatre ans on les avait toutes battues. Écoutez, Mme Courchesne est venue nous dire combien il y en avait en réalité: il y en a 5 000 ou à peu près. Je sais que c'est trop, mais c'est ça.

Le Président (M. Copeman): C'est tout le temps qu'il nous reste. Alors, j'invite les représentants du Conseil des Montréalaises à prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 6)

 

(Reprise à 15 h 13)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. Souhaitons la bienvenue aux représentantes du Conseil des Montréalaises. Mme Boily, Mme Thibault, bonjour. Mme Boily, vous avez un certain vécu, hein, dans les commissions parlementaires, en tant que parfois participante, parfois témoin, mais je vous rappelle simplement nos règles de fonctionnement, qui n'ont pas beaucoup changé, hein, depuis votre dernière comparution: vous avez 20 minutes à faire pour votre exposé, qui sera suivi par un échange de plus ou moins 20 minutes de chaque côté de la table. Nous sommes à l'écoute.

Conseil des Montréalaises

Mme Boily (Nicole): Merci, M. le Président. Alors, nous vous remercions, et en toute sérénité, de nous avoir invitées à venir présenter quelques-uns de nos commentaires cet après-midi.

Alors, le Conseil des Montréalaises, c'est un tout nouveau conseil, conseil consultatif à la ville de Montréal, puisque c'est en avril dernier que ce conseil-là a été créé, et c'est le 26 septembre que les nominations des membres ont été faites, ce qui veut dire qu'aujourd'hui ça fait quatre mois que nous existons. Donc, nous sommes tout jeunes, nous sommes encore dans l'enfance de la mise en place de ce conseil. Même si nous étions tout récemment nommées, on a quand même voulu, au moment de l'annonce de la commission, on a voulu se joindre à cette consultation. Nous avons cru que son objet était particulièrement important pour les femmes de Montréal, les femmes du Québec mais aussi la société québécoise tout entière. Nous nous sommes senties interpellées, car, si notre attention se porte davantage sur la situation montréalaise, nous participons du même mouvement, qui est celui de l'amélioration de la condition de vie des femmes et de l'établissement de politiques menant à l'égalité entre les hommes et les femmes.

Nos membres, qui sont de 15, sont représentatives de l'ensemble de la société et de la communauté montréalaise, à la fois des toutes jeunes femmes ? ça part de 23 ans ? jusqu'à l'âge vénérable de la mi-soixantaine, aussi de tous les milieux ethnoculturels. Il y a une proportion importante venant de milieux ethnoculturels, aussi de champs d'activité très différents, soit milieux associatifs, universitaires, administratifs. Même le milieu des affaires est représenté parmi ces membres du conseil. Et je pense que c'était important de présenter toute cette représentativité pour ce nouveau corps qui existe à Montréal.

Alors, le conseil agit en tant qu'instance ? si vous me permettez, je vais vous donner un peu en quoi il consiste, puisqu'il est tout nouveau; agit en tant qu'instance ? consultative auprès de l'administration municipale, en ce qui a trait à l'égalité entre les hommes et les femmes et à la condition féminine. Il a donc pour fonctions, comme beaucoup de conseils, de conseiller, donner des avis au conseil de ville, au comité exécutif, aux conseils d'arrondissement, à la demande de ces derniers, sur tout dossier qui peut avoir un impact sur la condition de vie des femmes, mais il peut aussi fournir, de sa propre initiative, des avis sur des questions aussi relatives au même sujet et pouvoir soumettre des recommandations. Il aussi peut contribuer à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une politique-cadre d'égalité entre les hommes et les femmes à la ville de Montréal et aussi solliciter des opinions, recevoir et entendre des requêtes, des suggestions de toute personne ou de tout groupe sur des questions relatives à l'égalité entre les hommes et les femmes et la condition féminine. Et enfin il a aussi la possibilité d'effectuer des études et des recherches que le conseil juge nécessaires.

Avec la création du Conseil des Montréalaises, la ville de Montréal a marqué une étape importante dans ses actions à l'égard de la population féminine et de la collectivité tout entière. La création du conseil vient donc s'inscrire dans l'optique de favoriser une plus grande place aux citoyennes dans une perspective de participation active à la vie publique montréalaise. Le conseil, donc, à l'instar de d'autres conseils, constitue un précieux outil démocratique et offre un espace d'expression distinct et dégagé des limitations et des contingences administratives. Il est à l'affût des idées, des courants de pensée, attentif aux tendances et à l'expression des citoyennes et des citoyens. Alors, voilà pour ce qui est notre conseil et nos grandes orientations.

Notre propos, aujourd'hui, visera d'abord à mettre en relief la situation montréalaise et ses spécificités, qui doivent à notre avis impérativement être prises en compte, puisqu'on y trouve, à Montréal, une part importante de la population québécoise. Et par la suite, après cette mise en contexte, nous présenterons quelques commentaires sur la stratégie gouvernementale et les approches proposées, de même que les orientations.

D'emblée, on aimerait saluer le travail qui a été accompli par le document de consultation préparé par le Conseil du statut de la femme, et cela, même si nous exprimerons certaines réserves sur certaines questions. Nous sommes, avec le Conseil du statut de la femme, d'accord sur la nécessité de réaffirmer la vision d'égalité entre les hommes et les femmes, qui doit servir d'assise à l'action gouvernementale. Alors, c'est vraiment une citation de ce document. Nous considérons, avec le conseil et avec la ministre ? et j'entendais, tout à l'heure, ses propos ? qu'il y a eu beaucoup de chemin qui a été parcouru. Et, si je peux me permettre, mon âge vénérable me permet de dire que j'en ai vécu une bonne partie, de ce cheminement et des progrès qui ont été accomplis, mais ça ne doit pas nous masquer le fait qu'il reste encore beaucoup à faire.

n(15 h 20)n

Alors, quelques faits saillants sur la population féminine montréalaise. Le portrait de la réalité des femmes québécoises, tel que présenté dans la première partie de l'avis du conseil, campe les avancées des femmes dans la société québécoise, au cours des trois dernières décennies, dans différents domaines. Toutefois, également, comme le reconnaît le document, les obstacles persistent, les inégalités demeurent très présentes. L'égalité entre les hommes et les femmes, au Québec tout comme à Montréal, compte... si l'on tient compte des conditions de vie. Le Conseil des Montréalaises aurait souhaité voir, dans ce document, cette autre réalité qui est la pauvreté des femmes québécoises, montréalaises, certaines doublement discriminées et qu'on trouve plus absentes du document ou présentées de façon assez sommaire. Nous nous inquiétons des retombées qu'aurait toute analyse ou action en vue de l'égalité des femmes et des hommes sur celles-ci si leur réalité n'est pas prise en compte dans cette démarche. Nous parlons notamment des femmes des communautés ethnoculturelles et des minorités visibles, des femmes immigrantes, des femmes aînées ou encore des femmes prestataires de l'assistance-emploi. Donc, cette question de la pauvreté est pour nous un enjeu majeur.

La pauvreté au féminin à Montréal. Montréal doit faire face à d'importantes problématiques socio-urbaines. En dépit de la croissance économique des dernières années, les conditions de vie d'une partie importante de sa population ne se sont pas améliorées. Le phénomène de la pauvreté à Montréal est bien présent, particulièrement chez les femmes. La ville compte une proportion importante de personnes vivant en situation de pauvreté et de précarité. Selon le recensement de 2001, 29 % des Montréalais vivaient sous le seuil de faibles revenus. La proportion des femmes vivant sous ce seuil de faibles revenus est de 30 % par rapport à 26 % des hommes. Montréal compte la plus forte proportion de prestataires de l'assistance-emploi au Québec, soit 35 %, dont 45 % sont des personnes immigrantes. En 2001, des 4 666 familles que nous retrouvons à Montréal, 21 % étaient des familles monoparentales, et de celles-ci 84 % sont dirigées par des femmes. Des 66 000 femmes adultes prestataires de l'assistance-emploi, 49 % sont des personnes seules et 26 % dirigent une famille monoparentale.

De plus, le revenu médian des familles montréalaises est de 47 700 $, soit 5 % de moins que pour l'ensemble des familles du Québec, dont le revenu médian s'établit à 50 200 $. Le revenu annuel des familles monoparentales est 29 000 $ à Montréal comparativement à 30 700 $ dans l'ensemble du Québec. Le revenu total pour les hommes est de 33 900 $, beaucoup plus élevé que celui des femmes, qui est de 23 000 $, et ce, pour toutes les catégories d'âge. Le revenu d'emploi des hommes: 36 300 $ comparativement à 25 400 $ pour celui des femmes.

Par ailleurs, le document fait aussi très peu référence à la condition de vie des femmes aînées. Le vieillissement est campé par rapport surtout aux préoccupations liées aux questions démographiques et aux coûts que peut entraîner le vieillissement de la population. Cependant, à l'âge de la retraite, on remarque que les revenus des femmes demeurent inférieurs à ceux des hommes, qu'elles aient été actives toute leur vie au foyer ou sur le marché du travail. Le document Rapport sur la pauvreté à Montréal, que vient de publier le Forum régional sur le développement social de l'île de Montréal, nous indique que les personnes âgées pauvres vivent une situation particulièrement difficile. Des prestataires du supplément du revenu garanti, 80 % sont des femmes.

De plus, les femmes des communautés ethnoculturelles et plus particulièrement celles des minorités visibles connaissent des difficultés particulières d'accès au marché du travail. Ces difficultés, elles peuvent être liées à la reconnaissance et la non-reconnaissance des diplômes ou à la méconnaissance du français, mais aussi et peut-être surtout à la discrimination systémique et au racisme, et pour certaines en raison du statut d'immigrante, statut qui perdure parfois même lorsqu'on est devenue citoyenne.

La lutte contre la discrimination et le racisme doit constituer une priorité gouvernementale, selon le Conseil des Montréalaises. Pour les femmes immigrantes, on constate un revenu annuel plus faible par rapport aux femmes nées au Québec. Les femmes des communautés ethnoculturelles et des minorités visibles, immigrantes ou pas, sont très peu représentées au niveau des instances décisionnelles.

Montréal pluriel. On continue dans cette présence des communautés culturelles et des minorités visibles. En tant que ville cosmopolite, la diversité ethnoculturelle est une de ses caractéristiques, et je préciserais que, des quelque 433 985 personnes issues de minorités visibles que compte le Québec, soit 12 % de la population totale, la grande majorité vivent sur le territoire montréalais et représentent 21 % de la population montréalaise. Le groupe des Noirs est le plus important de ces minorités visibles et représente 30 % auprès des minorités visibles.

L'immigration, c'est un atout important pour Montréal et a été de tout temps un facteur reconnu de sa croissance. Le dynamisme, le travail, l'expertise, la compétence des immigrants et des immigrantes ont façonné la métropole, en ont fait une ville prospère et ouverte sur le monde. Aussi, l'immigration a également un impact positif sur le développement économique du Québec, car Montréal est au coeur des enjeux économiques reliés au développement de la société québécoise. Toutefois, tout en constituant un apport dans le développement de Montréal, l'intégration des personnes immigrantes à la vie montréalaise pose des défis majeurs quant à la participation au marché du travail et à la participation sociale et citoyenne. Le Conseil des Montréalaises porte à l'attention du gouvernement les spécificités montréalaises et souhaite que le gouvernement puisse prendre en considération le caractère particulier de Montréal dans tous ses programmes ou mesures visant l'atteinte de l'égalité entre les femmes et les hommes. La participation et la représentation des femmes dans les sphères administratives à la ville de Montréal. J'irai rapidement en citant un texte où on dit: «Expertes de la vie quotidienne, la majorité des femmes doivent concilier les tâches familiales et domestiques aux exigences de leur vie professionnelle. Elles ont conséquemment moins de temps que les hommes pour s'occuper de politique, et participer aux consultations, et prendre part aux décisions.»

La présence des femmes au sein des instances. Simplement pour vous donner quelques exemples, au sein des instances décisionnelles politiques de la ville de Montréal, ça se traduit ainsi: pour l'ensemble des élus, 30 % sont des femmes; au comité exécutif, 25 %, trois sur 12; dans les comités stratégiques, 22 %, quatre sur 18; dans les présidences des comités stratégiques, 0 %; en tant que mairesse d'arrondissement, 33 %; et, dans les commissions permanentes du conseil, 34 %. Quant aux postes de haute direction, à la direction générale et dans les services centraux, 18 % sont comblés par des femmes, deux sur 12; et, pour les directions d'arrondissement, c'est encore pire, 7 %. Alors, on voit que la parité hommes-femmes pour nous, au Conseil des Montréalaises, est quelque chose d'extrêmement important, et ça doit être au coeur des priorités gouvernementales. Au moment où les institutions politiques québécoises, en particulier le mode de scrutin, sont questionnées, le Conseil des Montréalaises est d'avis que le momentum est propice à mettre de l'avant la question de la représentation des femmes dans les instances décisionnelles et politiques.

n(15 h 30)n

Le Conseil pense également qu'il ne saurait y avoir de véritable réforme de nos institutions démocratiques sans la mise en place de mesures visant à corriger les situations d'inégalité auxquelles les femmes sont confrontées. Plusieurs raisons militent en faveur de la représentation paritaire. Sans les nommer toutes, nous retenons celles-ci, puisqu'elles constituent le fondement d'une étape de droit: les femmes doivent être en mesure d'influencer profondément ce droit de participer à l'édification des normes sociales et à la définition des priorités.

Quelques mots sur... des commentaires sur les approches retenues au plan de la stratégie gouvernementale. Le conseil reconnaît d'emblée la nécessité de réaffirmer, comme je l'ai dit tout à l'heure, la vision d'égalité entre les femmes et les hommes et l'importance de maintenir et de renforcer les interventions à différents niveaux en vue de l'atteinte de cette égalité. Nous partons du principe que l'égalité des sexes présuppose que tout être humain est libre de développer ses propres aptitudes et aussi de procéder à des choix, indépendamment des restrictions imposées par les rôles réservés aux hommes et aux femmes.

Je reviendrai sur les trois approches. L'approche spécifique d'abord. L'approche spécifique est présentée comme le premier levier de trois approches interreliées et complémentaires. Elle a l'avantage de répondre aux besoins spécifiques des femmes, de s'attaquer à la discrimination systémique à laquelle celles-ci ont à faire face dans notre société. Les interventions s'inscrivant à l'intérieur de cette approche sont largement soutenues sur le plan légal ? que l'on pense, par exemple, à la Charte québécoise des droits de la personne ? mais sont aussi largement portées par les femmes et les groupes de femmes et bien sûr par le Conseil du statut de la femme. D'ailleurs, le travail fait à ces niveaux a largement contribué au rayonnement du Québec sur la scène internationale, comme vous l'aviez mentionné, Mme la ministre. Ceci dit, il faut aller encore plus loin pour véritablement connaître, dans toutes ses dimensions, la réalité des femmes. La question de la pauvreté, touchant particulièrement les femmes dans notre société, doit, dans ce cadre, être sérieusement considérée.

L'approche spécifique, dans son application, doit s'appuyer sur l'utilisation de l'approche différenciée selon les sexes, ce qui pose la nécessité de la disponibilité d'espace et de lieu tout autant spécifiques pour la réflexion et l'action.

L'approche transversale. Il est bien de constater que l'État, dans son rôle régulateur des rapports sociaux ? ici, des rapports sociaux de sexe ? veuille apporter, tel que présenté dans le document de consultation, une stratégie gouvernementale repensée et élargie, visant l'égalité entre les femmes et les hommes. Pour ce, il s'appuie essentiellement sur l'approche transversale en vue de s'assurer d'une cohérence des interventions à l'intérieur de l'appareil gouvernemental de même qu'entre ce dernier et ses partenaires. L'analyse différenciée, qui souvent est difficilement... qui offre très souvent des résistances, alors que dans le fond c'est quelque chose de très simple, c'est de tenir compte de la réalité de chacun des sexes à la fois dans les données et dans l'analyse de ces données pour avoir des solutions qui conviennent à chacun, autant aux femmes qu'aux hommes...

Le Président (M. Copeman): Mme Boily, dans la plus grande équité, je dois vous aviser qu'on s'approche de 20 minutes. Alors, je vous invite à conclure.

Mme Boily (Nicole): O.K. Très rapidement. Donc, l'approche transversale, c'est extrêmement important.

L'approche sociétale, je dirais que c'est quelque chose qui n'est pas nouveau. On nous présente ça comme quelque chose de nouveau, alors que c'est quelque chose que l'on vit depuis très longtemps. C'est simplement que ça a été peut-être plus ramassé. Moi, il y a une chose, je pense qu'il faut continuer. Il y a des choix qui seront à faire. Il y a des gens qui préfèrent aller travailler dans davantage une approche spécifique, d'autres qui préfèrent une approche de mixité, et je pense qu'il est dangereux de pouvoir les mettre en opposition. Il y a une complémentarité, mais il faut faire attention que l'approche sociétale ne soit pas celle qui soit dominante parce qu'elle peut diluer la réalité des femmes d'aujourd'hui. Et donc je pense qu'il faut avoir une complémentarité des trois approches, mais en attachant beaucoup d'importance à l'approche spécifique.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Mme Boily. Alors, afin de débuter l'échange avec les parlementaires, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mme Thibault, Mme Boily, quel plaisir de vous revoir, premièrement, et que vous ayez accepté de venir nous rencontrer! Je vous ai écoutées avec beaucoup, beaucoup d'attention, beaucoup d'intérêt. Je vous salue, toutes les deux, à travers votre expérience et votre expertise. Ça nous est très précieux.

Et je dois vous dire que j'ai suivi de près, sans que vous le sachiez peut-être, la création et la mise sur pied du Conseil des Montréalaises. J'ai beaucoup questionné, j'ai beaucoup... On ne s'est pas rencontrées dans ce contexte-là, mais j'ai suivi ça de très, très près. Je trouve que c'est une initiative qui est très, très prometteuse pour Montréal, je vous le dis comme je le pense. Vous avez une formidable mission, mais vous avez aussi une lourde tâche, une bonne responsabilité pour obtenir... Parce que j'imagine que, si vous acceptez d'y être, c'est parce que vous souhaitez, et je vous connais, avoir de bons résultats, hein? Je suis convaincue de ça, je connais votre engagement. Et, à travers cet engagement-là, vous n'êtes pas là pour rien, je suis persuadée de ça.

Un des aspects de votre rôle... Et mettez-moi à jour, cela dit, parce que j'aimerais ça savoir les derniers, derniers développements sur la possibilité justement que le conseil adopte ou fasse adopter, parce que j'ai eu la chance de discuter avec les élus de Montréal, cette politique de l'égalité. Et est-ce que c'est toujours vers ça que vous souhaitez aller? Et, si oui, est-ce qu'il y a eu du travail de fait, là, il y a eu déjà des amorces et du terrain de déblayé par rapport à ça?

Et, dans votre mémoire, vous campez bien les sujets, et je pense que ce qui est intéressant... J'aime beaucoup quand vous parlez que vous mettez au coeur la pauvreté. Je pense que ça correspond à une réalité, je ne dirai pas que montréalaise, hein, parce que je ne tomberai pas dans ce piège-là ? la pauvreté, elle est partout au Québec ? mais, de votre lorgnette, vous avez raison de dire qu'il y a là un enjeu important.

Et je reviendrai tantôt sur les aînés et les communautés culturelles parce que j'ai beaucoup de préoccupations à cet égard-là. Mais avant je voudrais juste, pour nous situer, savoir si le conseil va toujours faire du travail dans le sens de cette politique de l'égalité.

Mme Boily (Nicole): Oui, c'est dans notre mandat. Maintenant, on a besoin de faire au départ le tour de la question. De mettre sur pied quelque chose à partir de zéro fait qu'on va se donner le temps aussi de bien examiner... Et il y a des problématiques, à Montréal en particulier, avec la décentralisation des pouvoirs au niveau des arrondissements. Pour nous, il va être très important de regarder la disparité, entre autres, dans la participation des femmes, aussi dans l'offre de service, donc, à plusieurs égards, d'éviter qu'il y ait une disparité. Donc, nos premiers pas vont aller aussi vers ça, mais toujours en s'alimentant pour nous permettre à moyen terme, disons, de participer. Et la politique ne sera pas élaborée par nous, c'est à la ville à faire les travaux, mais nous nous alimentons en vue d'avoir une opinion sur cette politique d'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Courchesne: Et ce n'est pas l'inverse, ce n'est pas vous qui allez suggérer à la ville le contenu de cette politique-là, dans un premier temps.

Mme Boily (Nicole): Non.

Mme Courchesne: Vous, vous allez réagir à ce qu'ils vont vous proposer. C'est ça?

n(15 h 40)n

Mme Boily (Nicole): C'est ça, oui, parce que pour nous on a considéré... Et on a eu des discussions d'ailleurs avec des élues municipales, et pour nous c'est à la ville à déjà élaborer... Comme vous le savez, il y a un programme qui s'appelle le programme Femmes et ville et qui, depuis maintenant plus d'une dizaine d'années, a travaillé sur toutes ces questions, soit de sécurité urbaine, d'égalité entre les hommes et les femmes à l'intérieur de l'appareil municipal, donc il y a eu un certain nombre de travaux, et nous croyons que la ville doit faire les premières démarches. Ce sera la politique de la ville, et nous considérons que notre rôle conseil sera de pouvoir émettre des avis, des commentaires pour essayer de bonifier ce que la ville aura pu élaborer, à la lumière aussi du fait qu'à partir de notre autonomie on est comme un peu au-dessus de la mêlée. Un conseil, à mon avis c'est quelque chose qui est un peu au-dessus de la mêlée, où les membres viennent de partout et donc apportent et alimentent... et on s'alimente aussi auprès des groupes de femmes et aussi des milieux institutionnels pour nous permettre de faire des avis. Donc, nous allons collaborer, nous trouvons que c'est dans notre mandat de collaborer, mais la première étape viendra de la ville de Montréal.

Mme Courchesne: Mme Boily, Mme Thibault ? en fait, M. le Président, excusez-moi ? à la page 14 de votre document, vous avez bien élaboré sur les sept orientations et les axes et vous vous posez un certain nombre de questions, et, si vous me permettez, très, très brièvement j'aimerais y répondre. Est-ce dire que le gouvernement les a faits siens, les orientations et les axes, et a décidé de les mettre en consultation auprès de la population? La réponse, c'est non. C'est sûr qu'elles m'intéressent, elles m'interpellent, de même que les membres du gouvernement, mais est-ce que tout est... Tu sais, je lis ça. Est-ce que tout est canné d'avance? La réponse, c'est non. Je veux vous rassurer là-dessus. Je suis ici vraiment dans un mode d'ouverture et d'écoute, et effectivement, après cette commission, je crois qu'il sera très important... Parce que, si c'est véritablement un enjeu de société, et qu'on en fait un débat de société, et que 108 groupes prennent la peine de venir, et que, nous, on prend aussi la peine d'échanger avec ces groupes, je pense qu'il faudra qu'effectivement, par la suite, cette politique s'élabore aussi sous une forme de consultation et avec d'autres.

Je ne vous donnerai pas les modalités aujourd'hui, mais je veux juste vous dire que, dans mon esprit, s'il y a un sujet qui ne doit pas être... En fait, aucun, de mon point de vue, ne devrait être fait en vase clos. Mais je vous dirais que cet enjeu-là et... Parce que, comme on le disait ce matin, nous ne sommes pas une clientèle, nous sommes la moitié de la population, je pense que ça va être important qu'on puisse effectivement avoir une bonne participation dans l'élaboration de la politique et, je le dis, y compris avec les membres de l'opposition, y compris avec ma critique de l'opposition, M. le Président.

Dernière chose. Vous nous posez la question aussi, ce qu'il en est du bilan. C'est une question très importante, intéressante, qu'on a omise, et je l'ai omise aussi dans l'ouverture, je n'aurais pas dû. Parce que, comme on a reporté d'un an cette politique, nous sommes en train actuellement de colliger ce qu'on a demandé à tous les ministères, de nous faire part de leur évaluation et de leurs résultats, alors on croit que, d'ici la fin mars, là... Je n'aime jamais mettre les dates, mais, pour la commission parlementaire, tiens, sur les crédits, on devrait avoir en main ce bilan. Je le dis pour votre bénéfice parce que vous posez la question, mais je le dis aussi pour les membres de la commission.

Dans votre mémoire, vous... Et j'irai aux aînés et aux communautés culturelles. On n'a pas beaucoup parlé des aînés, mais ça ne fait que deux jours, cela dit. Mais je pense que vous touchez un point important, et c'est un bon lien avec la pauvreté, l'isolement, beaucoup de... pour une population qui est vieillissante. Dans une politique que nous élaborerions, est-ce que vous voyez la nécessité d'avoir des moyens pour chaque âge de femme, chaque situation spécifique de femme ? ce que je veux dire, c'est... parce que vous parlez aussi des communautés culturelles ? ou si on l'aborde carrément, comme vous le mentionnez, par le biais de la pauvreté? Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. Parce que ça va être ça... Vous le savez, vous en avez fait, vous avez fait des travaux de recherche toute votre carrière, vous savez exactement que, quand il s'agit de définir... Et, parce que vous êtes devant moi, je voudrais que vous nous éclairiez sur le biais par lequel on devrait structurer cette politique-là, non pas au sens précis, là...

Comprenez-moi bien, je ne veux pas que vous la fassiez à notre place. Ce n'est pas ça, le but. Mais, comprenez-vous, vous insistez beaucoup sur la pauvreté et sur d'autres inégalités. Mais comment le voyez-vous dans son ensemble?

Mme Boily (Nicole): Ce que je vous dirais: si on est revenues à comme deux enjeux importants, la diversité et la pauvreté, c'est qu'on doit dégager, dans une politique, à mon avis et à notre avis ? et c'est pourquoi on l'a mis en relief ? un certain nombre d'enjeux majeurs. La lutte à la pauvreté est un enjeu majeur, et, dans cette pauvreté, je pense qu'il y a des spécificités selon les conditions, que c'est des jeunes familles monoparentales, que ce soient... les aînés. Je pense que bien sûr il ne faut pas que ce soit un catalogue, une liste.

Mme Courchesne: Non. C'est ça que je veux dire.

Mme Boily (Nicole): Il n'est pas question d'une liste d'épicerie. Mais je pense qu'on peut quand même mieux caractériser des solutions, des avenues vers lesquelles on doit aller pour certains types de pauvreté.

Comme on a besoin de l'analyse différenciée pour mieux connaître quels sont véritablement la réalité des femmes et les besoins des femmes, je pense qu'il y a aussi une analyse qui peut être faite selon les types de pauvreté pour pouvoir développer des avenues, mais tout cela sans tomber... Et ce n'est pas de dire: Il faudra exactement telle mesure ou telle mesure où on arriverait à une liste d'épicerie ? ça, je pense qu'il faut éviter ça ? mais d'évoquer des avenues qui permettront de tenir compte d'un certain nombre de situations.

Mme Thibault (Charlotte): Moi, j'ajouterais là-dessus, Mme la ministre, que, si on regarde, par exemple, des organismes comme les Nations unies avec le plan d'action de Beijing et le suivi qui a été fait, on a identifié un groupe d'âge, entre autres, on a identifié les petites filles, et bien sûr il y a des thématiques particulières comme la pauvreté, et tout ça, mais on s'est rendu compte qu'il y avait des groupes particuliers qui auraient besoin qu'on les traite d'une façon spécifique. Probablement que, si la plateforme de Beijing était réouverte au plan international, d'après les études qui ont été faites à la Commission du statut de la femme, les sujets qui ont été discutés, les femmes âgées seraient sans doute une des thématiques qui viendraient. Donc, ça veut dire qu'il faut en tenir compte quand on parle de pauvreté et il faut en tenir compte aussi d'une autre façon si on se rend compte qu'il faut faire comme, je dirais, une politique d'ensemble pour un groupe d'âge particulier ou pour une clientèle particulière, comme par exemple les femmes des communautés culturelles ou les femmes autochtones. Alors, c'est un peu des deux.

Mme Courchesne: Est-ce qu'au conseil vous avez eu l'occasion de parler, d'échanger? Parce que, quand je regarde la liste des membres, il y a des membres au conseil qui ont une très, très bonne expertise au niveau des communautés culturelles et de l'intégration. Vous savez que, dans le plan d'action... Le plan d'action sur l'intégration et l'immigration, je vous dirai qu'on a fait une amorce. Ce n'est qu'une amorce, hein, je n'ai jamais pensé que tout était à l'intérieur, mais j'ai une grande, grande préoccupation, puis qu'on retrouve territorialement à Montréal. Est-ce que vous avez pu échanger sur les meilleurs moyens pour briser l'isolement de ces femmes, pour les amener à mieux défendre leurs droits et faire valoir leurs droits, à mieux les faire participer à... en fait à résoudre un peu les problématiques que vous soulevez?

Mme Boily (Nicole): On est trop jeunes. Quatre mois, vous savez, c'est très peu dans la vie d'une organisation. C'est certain cependant que c'est une préoccupation et que les femmes qui sont d'origine tamoule, haïtienne, portugaise, guatémaltèque, bon... Donc, on a vraiment... et elles l'ont portée. Parce que, dès nos premières rencontres, on a voulu savoir quel était l'ordre de préoccupation, et c'est venu sur la table.

n(15 h 50)n

Nous allons certainement... Il va y avoir des élections municipales à Montréal, en novembre prochain. Il est certain que des actions vont être faites pour favoriser la participation des femmes venant des groupes ethnoculturels, et on va mettre un accent sur les minorités visibles parce que c'est elles qui sont davantage encore dans l'isolement et qui subissent le plus de discrimination. Donc, c'est une double discrimination. Et donc on n'est pas arrivées encore aux solutions, mais on va y arriver, on va y arriver pour donner des avenues. Certainement, au printemps, qu'on va commencer à explorer de ce côté-là.

Mme Courchesne: Mesdames, je voudrais laisser la parole à une collègue, mais, juste comme dernière question, vous avez bien mentionné, Mme Boily, que vous croyiez que les trois approches proposées par le Conseil du statut de la femme peuvent être complémentaires. Je veux vous dire que je crois ça aussi, très sincèrement. Depuis deux jours, tous les groupes ont leur opinion, et c'est correct. C'est pour ça que les groupes sont devant nous. Certains groupes croient que ce n'est pas possible, d'autres disent plus ou moins oui à une ou à deux, mais pas toujours à trois. Je réitère que l'approche spécifique pour moi est absolument fondamentale et je prends l'engagement de dire que, dans une politique, il y aura une approche spécifique sur des enjeux incontournables de notre société pour lesquels il faut vraiment poursuivre.

Mais je veux savoir de vous. Quand vous dites que, oui, elles peuvent être complémentaires, je voudrais vous entendre. Pourquoi l'affirmez-vous? Qu'est-ce qui vous indique ou vous motive à croire que nous serions rendus là, que, oui, on pourrait travailler ces approches concurremment, sans les opposer, mais en... Moi, j'aime bien quand vous dites «en complémentarité», je pense que c'est un mot qui est bien important, et c'est, il me semble, une voie à explorer.

Mme Boily (Nicole): Je vous dirais que, comme je l'ai exprimé tout à l'heure, pour moi ce n'est pas nouveau. On l'emploie avec des mots qui sont... peut-être avec des mots qui sont différents, on ramasse les choses de façon un peu différente, mais pour moi c'étaient des façons de faire qui... On n'avait peut-être pas théorisé là-dessus. Et je vous dirais que, nous autres, au Conseil des Montréalaises, on a envie d'être très pragmatiques. On est un peu terre à terre, proches du terrain, et on se dit: Une approche spécifique, c'est que les femmes, elles ont des besoins spécifiques. On a commencé à les reconnaître, et il faut qu'on les approche. Par ailleurs, c'est sûr qu'il faut faire de la coordination. On a toujours dit: Le dossier de la condition de vie des femmes, c'est un dossier horizontal. C'était une autre façon de le dire. Mais on est allées de façon un peu plus précise dans l'opérationalisation maintenant en se dotant de moyens pour avoir cette approche-là.

L'approche sociétale, pour moi c'est quelque chose qu'on a toujours vécu dans les partis politiques, dans les syndicats. On avait des comités de condition féminine, mais qui pouvaient contaminer l'ensemble avec difficulté, parfois. Et c'est là que je me dis: On va continuer, on va continuer à le faire.

Là où j'ai peut-être des réserves par rapport... et c'est ça qui me... je crains certains effets pervers dans cette volonté d'ouvrir, d'ouvrir complètement. Je pense qu'on a encore besoin de lieux spécifiques et que le Conseil du statut de la femme... Est-ce qu'il prendra un autre nom? Moi, ce n'est pas ça. Mais ce n'est pas un conseil mixte sur l'égalité. Ça, c'est autre chose. Il peut y avoir une table, ça peut être autre chose, mais il nous faut conserver à la fois un conseil puis à la fois un secrétariat. Un conseil, comme je disais tout à l'heure, on est un peu au-dessus de la mêlée, on reçoit toutes sortes de choses. Pour le secrétariat, c'est normal, il fait partie de l'appareil gouvernemental. Donc, il est aux prises avec des difficultés qui sont parfois des contraintes administratives. Mais c'est important, c'est lui, c'est un pivot à l'interne de l'appareil gouvernemental. Pardon.

Le Président (M. Copeman): Il restait une seconde.

Mme Boily (Nicole): C'est ma passion qui déborde. Et une des choses auxquelles je crois, c'est le maintien du conseil et une approche spécifique en complémentarité avec les deux autres.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Boily, Mme Thibault, c'est toujours intéressant de vous entendre, de vous recevoir. Et, votre passion, ne vous gênez pas pour l'exprimer, elle donne des résultats dans l'action.

J'aime beaucoup votre mémoire parce que, ce nouveau conseil, je pense qu'il est important, d'autant plus que l'instance municipale est celle ? et vous le démontrez bien ? où il y a le moins de représentation des femmes. Donc, quelques villes se sont dotées d'un conseil pour apporter des éléments comme vous le faites, et je pense que c'est extrêmement important.

Votre composition de conseil aussi est intéressante. Au niveau des âges et des milieux, les différents secteurs, je pense que ça aussi, c'est un plus. Puis, votre mémoire nous permet d'aborder une problématique ? et vous l'avez dit ? qui était peu soulignée dans l'avis du Conseil du statut de la femme. Et j'ai même dit, hier, qu'on n'a pas réussi à se doter d'outils solides, de cohérence au niveau des doubles discriminations, et j'ajoute des discriminations multiples aussi. Parce que, pour avoir rencontré à quelques reprises, à Montréal, des groupes de femmes qui vivaient des multiples discriminations, il faut effectivement qu'on apporte des solutions précises dans le plan d'action. Mais votre expérience, votre expertise, à ce niveau-là, va pouvoir être utile, et je suis contente que vous l'ayez abordé.

J'ajouterais peut-être aussi qu'au niveau des aînés, oui, c'est une réalité. Quand on a travaillé sur la lutte à la pauvreté, c'était très clair, on l'avait relevé, et l'avis du Conseil du statut de la femme sur les aînés était très, très éclairant à ce niveau-là. On a eu l'avis Des nouvelles d'elles pour les jeunes, mais on a eu l'avis sur les aînés et on le voyait. D'ailleurs, on avait ajouté, dans la loi n° 112 sur la lutte à la pauvreté, l'analyse différenciée selon les sexes. Nous l'avons bel et bien intégrée à la loi. Ce n'est pas toujours appliqué, mais on l'a bel et bien intégrée à la loi, et je pense qu'il nous reste à l'appliquer véritablement.

J'aime aussi, dans vos deux premières recommandations... Vous l'appelez autrement, là, vous parlez de la lutte à la pauvreté. Vous parlez de la participation et de la représentation paritaire, mais vos deux premières propositions, recommandations correspondent parfaitement à l'avis du Comité Condition féminine en développement régional de la Montérégie, qui appuie le centre de son action sur le pouvoir économique et le pouvoir politique. Vous le dites en d'autres mots, mais c'est la même chose. On se parle de la même réalité, et c'est parfaitement réel que ce sont les deux axes principaux.

Je vais, moi aussi, vouloir donner la parole à mes collègues puis je voudrais y arriver, alors je vais poser une seule question. Dans votre... Oh! puis j'aime que vous ayez dit, là: L'approche sociétale, on ne l'appelait pas comme ça, mais, c'est vrai, on le faisait, on le vivait. Puis d'ailleurs la cinquième orientation sur la place des femmes dans le développement régional, c'était de l'approche sociétale, donc on s'en allait directement dans les structures.

Vous faites comme quatrième recommandation: «Que le gouvernement fasse un débat plus large quant à une loi constitutive d'un organisme voué à l'égalité, de même qu'il soumette à la consultation publique tout projet de politique en matière d'égalité.» Un débat plus large, vous le voulez entre la future proposition de la politique de la ministre ou... J'aimerais vous entendre sur cette dernière proposition là.

Mme Boily (Nicole): Alors, c'est qu'il y avait une... Si, par exemple, on voulait créer un conseil de l'égalité, c'est créé par une loi constitutive, et, avant que se fasse l'établissement de cette loi, c'est de savoir: Est-ce qu'il y a lieu d'avoir un conseil spécifique pour l'égalité entre les femmes et les hommes ou est-ce qu'il peut y avoir une table où est-ce qu'il n'y a ni un ni l'autre, ou l'un et l'autre? Nous considérons que c'est un sujet qui est suffisamment sérieux pour faire en sorte qu'il y ait un débat plus large sur cette question-là. Pour le moment, ce n'est pas suffisamment élaboré pour que l'on puisse poser un jugement là-dessus. Alors, c'est pour ça qu'on demande un débat plus large puis une consultation, s'il y avait lieu.

n(16 heures)n

Mme Caron: Et, indépendamment de ce débat-là, vous souhaitez le maintien du statut actuel du Conseil du statut de la femme puis du Secrétariat à la condition féminine.

Mme Boily (Nicole): Oui. C'est pourquoi on a fait la distinction entre les deux, parce qu'on a considéré qu'actuellement, dans cet avis... ou dans ces orientations qui sont présentées, il nous apparaît majeur qu'on puisse maintenir un secrétariat et un conseil du statut de la femme. Et, si on a à élaborer, un jour, un autre projet, bien il devra être soumis à une consultation et à un débat.

Mme Caron: Merci beaucoup, Mme Boily. Je vais laisser la place à mes collègues.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à mon tour.

Une question très précise. C'est sur la sixième orientation. Elle va être en deux volets, par ailleurs. Bon, vous faites référence à l'orientation qui consiste à soutenir l'exercice du pouvoir et de la participation sociale en toute égalité pour les hommes et les femmes, sur le plan national, régional et local. Premièrement, vous dites: «Il serait préjudiciable de mettre dans une seule et même orientation le soutien à l'exercice du pouvoir et le soutien à la participation sociale en toute égalité pour les» hommes et les femmes. Ça, j'aimerais avoir, sur cela, un peu plus d'explications, même si vous en donnez quelques-unes dans votre mémoire.

Et vous recommandez: «Que le gouvernement soutienne la municipalité montréalaise dans ses actions en vue de la participation et la représentation paritaire des femmes et des hommes dans les instances décisionnelles et politiques, sur le plan local et régional, en tenant compte des réalités propres à la ville de Montréal.» Je veux vous entendre sur ça, concrètement ce que vous entendez par là.

Mme Boily (Nicole): Bon, je vais commencer, puis Charlotte viendra apporter certaines autres précisions. Ce que je voudrais dire, c'est qu'on s'est rendu compte d'une chose, c'est que des fois il y a la participation, les femmes veulent bien participer, mais c'est les conditions de participation qui... D'abord, par exemple, les femmes ont moins d'argent. Elles n'ont pas toujours les réseaux qui peuvent les soutenir, les aider, que ce soit en termes financiers ou que ce soit aussi en termes de soutien. Donc, il y a des conditions. Même si les femmes sont prêtes, que les ouvertures sont là pour le faire, elles n'ont pas toujours les conditions. Donc, c'est pourquoi on a voulu faire la distinction entre les deux.

Puis, pour l'autre point, le soutien, c'est qu'il y a quand même des lois qui régissent... il y a la loi pour la charte de la ville de Montréal, donc il y a des éléments qui pourraient être inclus à l'intérieur de ça. Il y a toute la question des modes de scrutin pour les municipalités. Donc, c'est des éléments sur lesquels on peut avoir besoin du... Ce n'est pas de la simple responsabilité de la ville ou de la municipalité, mais on a besoin aussi que ce soit pris en compte à Québec aussi, donc au niveau gouvernemental. Que ce soit pour Montréal d'ailleurs ou dans la Loi des cités et villes, pour l'ensemble des municipalités, je pense qu'il y a du travail à faire pour donner davantage de possibilités. Charlotte.

Mme Thibault (Charlotte): Ça va. Non, je trouve qu'elle a bien répondu. Ça suffit.

Mme Marois: Parfait. Donc, c'est sous cet angle-là que vous souhaiteriez que Québec se préoccupe de soutenir la ville de Montréal.

Mme Boily (Nicole): La ville de Montréal. Parce que, nous, que ce soit le Conseil des Montréalaises ou que ce soient les groupes de femmes, la Table des groupes de femmes ou autres, je pense qu'on va faire notre bout de chemin. On a un bout de chemin à faire aussi auprès des femmes et on va le faire, mais il y a les conditions générales qui, là... À ce moment-là, ça dépasse les responsabilités de la ville.

Mme Marois: Ça va. Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Vous soulevez, dans votre mémoire, toute la question de la pauvreté, notamment et, j'imagine, légitimement, là, parce qu'en effet la pauvreté chez les femmes est un phénomène qui est certainement très prégnant. Vous dites que le gouvernement devrait en faire une priorité, faire une vraie lutte.

Quelles seraient les dispositions eu égard à la population féminine de Montréal? Quelles seraient les premières dispositions que vous verriez comme les plus prometteuses et celles qui auraient le plus d'impact et à partir desquelles on pourrait avoir une vraie différence dans la qualité de vie des femmes et notamment sur l'intensité de la pauvreté qu'on rencontre dans certains groupes et sur aussi le pourcentage de femmes qui vivent en état de pauvreté? Est-ce que vous avez déjà eu l'occasion de discuter de priorités à cet égard-là?

Mme Boily (Nicole): Non, je ne vais pas... Je pense que le conseil, comme je le donnais tout à l'heure, le conseil a quatre mois d'existence. On commence à apprendre à travailler ensemble, à commencer à dégager un certain nombre de priorités. Ce qui pour nous a été important, on l'a fait, on a commencé à le faire, parce qu'une de nos premières choses, ça a été ce mémoire-là, puisqu'il a fallu le faire à la fin novembre, début décembre. Alors, on a identifié que la lutte à la pauvreté pour les Montréalaises était pour nous un enjeu, un enjeu majeur, et devait être une priorité dans nos activités. Mais nos analyses...

Il y a les analyses qui ont été faites, il y a plusieurs documents, il y a le document du Forum de développement social qui est sorti, il y a aussi un document qui est fait par le comité femmes de l'ancien CRDIM, alors on commence à avoir des instruments. Mais vous dire, là, que nos avenues, que nos solutions... non. Je pense que c'est ça qui va venir. C'est ce sur quoi on va travailler dans les prochains mois. Donc, on pourra faire part à mesure de nos conclusions.

M. Bouchard (Vachon): Mais est-ce qu'on serait d'accord pour dire que, dans l'agglomération urbaine de Montréal, il y a quand même deux phénomènes importants, là, qu'on observe? Il y a certainement une concentration plus grande de familles pauvres immigrantes, donc de femmes immigrantes qui se retrouvent dans un état de pauvreté et qui rencontrent pas mal d'obstacles dans leurs efforts pour en sortir, et aussi beaucoup de familles monoparentales à Montréal, une surreprésentation, par rapport à d'autres régions du Québec, des familles monoparentales. On est d'accord pour dire qu'il y a certainement là deux dimensions importantes à considérer?

Mme Boily (Nicole): Bien sûr! D'ailleurs, on les a mises de l'avant, à la fois ? c'est ça ? les familles monoparentales et toute la question des femmes immigrantes ou même des femmes des communautés ethnoculturelles, même une fois qu'elles sont citoyennes, et elles peuvent être citoyennes depuis très longtemps et peuvent même dans certains cas être nées à Montréal. Donc, il y en a qui sont doublement ou triplement discriminées. Mais il est certain que c'est deux pôles. Ce n'est pas pour rien qu'on a mis en relief la spécificité montréalaise autour de deux enjeux majeurs, soit la lutte à la pauvreté et aussi la diversité culturelle qui entraîne discrimination et pauvreté dans la majorité des cas.

Ce que l'on n'a pas fait encore, c'est de dire: Vers quelle avenue... Qu'est-ce qu'on serait prêtes à mettre de l'avant? Est-ce qu'il y a des mesures? Et comment arriver exactement à avoir des mesures? Parce qu'on veut y aller d'une façon très concrète et très sur le plancher des vaches, là, pour permettre d'améliorer la situation. Donc, on va se donner le temps de regarder les avenues nécessaires à partir aussi de toutes les études et aussi du feed-back qui nous vient du terrain, avec beaucoup de ces femmes, autour de la table, qui viennent et qui travaillent avec les femmes les plus démunies, à la fois dans les milieux ethnoculturels ou dans les milieux plus francophones et québécois.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Ça va?

Mme Caron: ...

Le Président (M. Copeman): Si vous insistez.

Mme Caron: Peut-être juste une petite question, parce que vous ne l'avez pas clairement dit, mais habituellement les groupes qui nous demandent le maintien du Conseil du statut de la femme puis le Secrétariat à la condition féminine nous ajoutent qu'ils souhaitent une ministre en titre.

Des voix: ...

Mme Caron: Alors, je vous pose la question: Même si ce n'est pas clairement inscrit, est-ce que...

Mme Boily (Nicole): Pour nous, ça nous apparaissait dans la voie. Si on a un conseil du statut de la femme, un secrétariat, il faut qu'on ait une ministre pour s'en occuper.

Le Président (M. Copeman): Je pense que c'est un oui, ça. Alors, Mme Boily, Mme Thibault, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Conseil des Montréalaises. J'invite les représentants de la Fédération étudiante universitaire du Québec à prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 10)

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Fédération étudiante universitaire du Québec. M. Bouchard St-Amant et M. Vikander, c'est bien ça? Bonjour. Je vous rappelle simplement nos règles de fonctionnement: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie d'un échange d'une durée plus ou moins maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Alors, sans plus tarder, je vous prierais de débuter votre présentation.

Fédération étudiante universitaire
du Québec (FEUQ)

M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Merci. Alors, comme on nous a présentés, Pier-André Bouchard, je suis président de la FEUQ, et Nick Vikander, vice-président aux affaires universitaires de la FEUQ, et peut-être se joindra à nous Valérie Gilloteau, étudiante à la maîtrise en philosophie à l'Université Laval, également mère monoparentale.

La Fédération étudiante universitaire du Québec ? FEUQ ? regroupe 19 associations étudiantes sur tous les campus québécois. Prenons la peine de souligner qu'à partir de janvier dernier nous représentons désormais 170 000 étudiants et étudiantes partout à travers le Québec, avec l'affiliation d'un nouveau membre, le Concordia Student Union, ce qui en fait certainement le plus important groupe jeunes au Québec, le plus entendu certes et possiblement le plus influent. La FEUQ défend une éducation humaniste, une éducation de qualité et surtout ? c'est dans l'air ? une éducation accessible à tous les niveaux d'études, postsecondaire, primaire et secondaire également, et c'est justement pour ça que nous sommes ici aujourd'hui.

Si deux hommes devant vous représentent la fédération, c'est malheureusement un mauvais portrait de la population étudiante, puisque 57,9 % des femmes composent la population étudiante universitaire, et nous nous attarderons justement sur la question de l'accès à l'éducation postsecondaire pour les femmes et plus particulièrement dans le cas des mères monoparentales en regard justement de l'aide financière aux études. Et évidemment il nous sera très difficile... En fait, il ne sera pas difficile du tout, mais il va falloir justement discuter de la question de la récente décision du gouvernement à l'effet de couper 103 millions dans la réduction des prêts et bourses, au dernier budget.

M. Vikander (Nick): La FEUQ a toujours reconnu le rôle important du gouvernement, entre autres, pour diminuer les écarts entre les gens plus pauvres et en fait les gens plus riches de la société québécoise. C'est, entre autres, à cause de ça qu'on est heureux d'être ici, cet après-midi, pour vous parler. Entre autres, le document du Conseil du statut de la femme, on rejoint les parties, d'une façon importante, qui parlent en fait du rôle important du gouvernement, entre autres pour réduire et diminuer les écarts entre les hommes et les femmes au niveau social, au niveau économique.

Dans le document qu'on a soumis, on mentionne la troisième orientation du rapport qui parle de susciter la reconnaissance de la parentalité, entre autres, pour une meilleure articulation des temps sociaux. C'est bel et bien spécifié «temps sociaux». On parle de temps... Pour nous, notre expertise d'éducation, éducation supérieure, éducation universitaire... alors question de conciliation études-famille.

Une deuxième orientation qui est tout à fait pertinente pour la discussion et qu'on aimerait aborder, c'est la deuxième, qui parle de promouvoir l'égalité économique entre les hommes et les femmes au Québec. On doit aussi rejoindre ce qui est mentionné en termes d'importance de la démocratisation de l'éducation supérieure au Québec, entre autres l'importance de l'accessibilité aux études et l'importance de l'aide financière aux études pour promouvoir cette égalité-là.

Et aussi il faut mentionner rapidement que plusieurs des choses qui sont écrites, qu'on va mentionner, viennent d'un autre rapport du Conseil du statut de la femme, extrêmement intéressant, nommé Étudiante et mère: un double défi ? Les conditions de vie et les besoins des mères étudiantes.

M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Donc, nous vous présenterons d'abord quelques statistiques, bref résumé de la mécanique de calcul des prêts et bourses, appliquée justement aux cas de mères monoparentales, statistiques, datant de 2002, également sur la dette étudiante, bref survol des conséquences également, et bref, par la suite, nous vous laisserons le plancher pour nous poser des questions qui, souhaitons-le, seront nombreuses.

M. Vikander (Nick): Pier-André a déjà mentionné que c'est 57,9 % des étudiants qui sont des femmes dans les universités québécoises. En parlant plus précisément des prêts et bourses et de l'aide financière aux études, on va donner quelques statistiques parce qu'en termes de mères monoparentales on a juste les statistiques pour les femmes qui sont sur les prêts et bourses, et on ne sait pas nécessairement combien ne sont pas sur les prêts et bourses mais fréquentent quand même les universités au Québec. Alors, d'à peu près 130 000 étudiants sur l'aide financière aux études, il y en a 18 700 à peu près qui sont des parents, mais ce n'est clairement pas une division égale hommes-femmes. De ces 18 700 qui sont parents, il y en a 13 400 qui sont des femmes et à peu près 5 300 qui sont des hommes, alors entre deux et trois fois le nombre de femmes que d'hommes qui sont parents et qui sont étudiants universitaires. Alors, c'est clair, il y a un visage féminin qui est important, qui est là.

De ces gens-là, pour garder ceux qui ont encore un plus grand défi, ceux qui sont parents d'une famille monoparentale et étudiants universitaires, globalement, pour tous ces étudiants, il y en a 30,9 % qui sont chefs d'une famille monoparentale. Alors, c'est à peu près un tiers. Pour les hommes, c'est juste 7,7 %. Alors, la plupart des hommes pères sont en couple ou ont une conjointe. Pour les femmes, c'est 40 %. Alors, à peu près six fois le nombre de femmes, en pourcentage de femmes et d'hommes, dans la catégorie des parents, sont là comme chefs de famille monoparentale. Globalement, qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire à peu près 408 hommes, selon les statistiques, qui sont pères d'une famille monoparentale et étudiants universitaires, 408, et à peu près 5 400 femmes. Alors, c'est à peu près 13 fois plus. Alors, pour spécifier aussi, selon les informations de la CSF, la majorité de ces étudiants ou étudiantes là, majoritairement des étudiantes, ont un ou deux enfants.

M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Donc, bref rappel au niveau de la mécanique de calcul d'attribution des prêts et bourses. On se souvient que le gouvernement du Québec évalue d'abord le niveau de dépenses admissibles pour un étudiant ou une étudiante évidemment passible d'avoir des prêts et bourses. À ça on soustrait la contribution évidemment par la mécanique gouvernementale, la contribution étudiante, et à ça on soustrait la contribution évaluée des parents. Dans le cas des mères monoparentales, la contribution des parents est exemptée, c'est-à-dire qu'on la considère comme nulle. Le résultat de cette soustraction-là constitue le montant octroyé aux étudiants et étudiantes en matière de prêts et bourses. Et, de ce montant calculé, par exemple...

n(16 h 20)n

Prenons un exemple concret. Supposons qu'on évalue les dépenses admissibles à un niveau de 10 000 $ pour une étudiante et qu'on soustrait de ça sa contribution étudiante de 2 000 $. Il y a 8 000 $, en montant total en prêts et bourses, qui sera octroyé. De ce 8 000 $ là, il y a 4 630 $ qui sera octroyé en prêts et la balance qui sera octroyée en bourses. Et c'est là que la récente décision du gouvernement a eu un impact, puisqu'auparavant on parlait de d'abord 2 460 $ octroyés en prêts, et la balance donnée en bourses. Donc, on parle d'une augmentation, là, du montant de dette, montant donné en prêts, de 88 % pour justement ces étudiants-là.

Ce qu'il est important de comprendre, c'est que, dans le cas d'une mère monoparentale ? on suppose, pour l'exemple ici, qu'elle est en appartement, qu'elle a évidemment un enfant, mais un seul ? les dépenses admissibles se situent à un niveau de 13 968 $ par année, grosso modo, 14 000 $, sans compter, là... Ça, c'est les frais, les dépenses admissibles minimums. Donc, il pourrait y avoir d'autres dépenses admissibles qui pourraient être validées, par exemple des frais pour une orthèse visuelle ou des dépenses ponctuelles. Ceci étant dit, soyez assurés que toute mère monoparentale a des dépenses admissibles de 13 968 $.

Rappelons que le seuil de la pauvreté, selon Statistique Canada, pour deux personnes est de 18 513 $ dans les régions comme Montréal ou Québec, et il se situe entre 15 000 $ et 16 000 $ pour les régions où il y a d'autres universités, par exemple... Bien, en région, là, vous me comprenez. Bon.

Contribution de l'étudiant. Dans le cas des mères monoparentales, c'est pratiquement nul lorsque la personne est étudiante à temps plein. Donc, on retire très peu d'argent des dépenses admissibles qui sont calculées pour ces personnes-là. Et puis, comme je vous dis, bien la contribution parentale, dans le cas d'une mère monoparentale, ce n'est tout simplement pas calculé. Donc, dans les faits, le montant de 14 000 $ qui est octroyé à titre de dépenses admissibles est relativement près de ce qu'une personne, une mère monoparentale peut recevoir, à titre d'aide financière, pendant justement ses études lorsqu'elle est à temps plein.

Ce qu'il est important de comprendre, c'est que ça dépasse de loin le montant du plafond de prêts qui a été modifié, et par conséquent ce sont ces personnes-là qui sont, à chaque année, le plus susceptibles d'avoir le maximum de dette à chaque année. En fait, même si on varie un peu le montant total d'aide qui leur est octroyé, on parle d'une variation entre 9 000 $ et 13 000 $, donc qui demeure de bien loin supérieure au 4 600 $ en prêts qui est octroyé comme première tranche d'aide financière, ce qui veut dire que nous sommes donc sûrs que ces personnes sont les plus affectées par la récente décision du gouvernement, c'est-à-dire ceux qui sont le plus dans le besoin, les plus démunis, qu'elles sont le plus affectées par la décision du gouvernement et qu'à chaque année elles s'endettent du montant maximal que le ministre de l'Éducation, M. Reid, a modifié lors du dernier budget.

Donc, cas concret, une étudiante qui était sur les prêts et bourses depuis le début de son cégep, mère monoparentale encore, accumule une dette de 20 190 $ à la fin de son baccalauréat. Justement, bon, supposons une finissante en éducation, environ 30 000 $, 32 000 $ de revenus à terme, en commençant, en supposant évidemment qu'elle se place, là ? on fait abstraction de la précarité de l'emploi. On se rappelle qu'elle est donc automatiquement exclue de l'annonce du Programme de remboursement différé bonifié que le ministre de l'Éducation a annoncé la semaine dernière. C'est donc 200 $ par mois ? ici, là, c'est un estimé à partir d'un taux d'intérêt fixe ? mais un 200 $ par mois sur 10 ans qui est à rembourser pour son prêt étudiant. Le montant après impôts et puis après soustraction du 200 $ par mois de dette que cette personne-là doit s'acquitter s'élève donc à 16 000 $ par année pour subvenir aux besoins de son enfant et de sa propre personne. Alors, selon la FEUQ, on est bien loin, là, des grands mérites de la rentabilité individuelle de l'éducation que M. Reid nous promet à tous et toutes, et c'est un élément important qu'on tient à sensibiliser sur cette question-là.

Maintenant, par rapport à la dette, Nick va présenter davantage d'éléments.

M. Vikander (Nick): Pour vous partager quelques statistiques et informations qu'on a, entre autres, du ministère de l'Éducation. Il y a en fait l'information sur le niveau d'endettement des parents étudiants, parents de famille monoparentale, entre autres, qui sont très majoritairement des femmes, comme ça a été expliqué avec la division statistique. Le niveau d'endettement sur les prêts et bourses pour majoritairement ces femmes-là, c'est 17 % plus élevé que l'endettement moyen pour une étudiante universitaire. Au cégep, c'est 39,5 %. Alors, c'est nettement plus élevé, entre autres à cause de ce que Pier-André a mentionné, les niveaux de besoins, les niveaux d'aide, alors plus de prêts sont octroyés. Il y a aussi la question de dette privée, parce que ce n'est pas seulement l'endettement public des prêts et bourses, il y a aussi des gens avec l'endettement privé. Pour ça, c'est 15,8 % plus élevé pour les étudiantes universitaires dont on vous parle maintenant.

En termes de travail, effectivement il y a moins du tiers de ces étudiantes-là qui sont capables... ou finalement qui travaillent pour un travail rémunéré pendant l'année. Qu'est-ce que ça veut dire? C'est à peu près la moitié du pourcentage normal d'étudiants. Alors, 63 % des étudiants travaillent pendant l'année, parce que ce n'est pas toujours facile de joindre les deux bouts, on peut dire, mais seulement 31 % pour les mères monoparentales étudiantes. Des gens qui travaillent, 60 %, selon les informations de la CSF, 60 % de ces gens-là, c'est simplement pour la subsistance de la famille ? logement, nourriture ? alors des besoins de base.

Dernière chose sur le travail, c'est que, de ces 30 % qui travaillent, presque la totalité, 93 %, disent que c'est difficile ou très difficile de concilier travail-études-famille. C'est presque 100 %, en fait, en réalité, et c'est nettement plus élevé que le 64 % pour le reste des étudiants qui ne sont pas parents. Alors, c'est simplement pour souligner que c'est des défis quand même assez importants pour ces femmes. Le rapport du CSF sur les mères monoparentales dit, entre autres, que les enfants dont les parents sont sur les prêts et bourses sont en général les plus exposés de la société à la pauvreté. Alors, c'est une situation assez sérieuse.

Je crois que Pier va parler un petit peu de l'abandon des études. Merci.

M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Pier-André. Conséquence claire, dette d'études, bien la première, et c'est justement ce qui nous a incités à venir nous présenter devant cette commission, c'est l'abandon justement causé par la dette d'études accumulée. On voit généralement ça de manière plus probante à la maîtrise et au doctorat, étant donné que la dette s'additionne. Elle prend des proportions plus grandes à la maîtrise et au doctorat. Pour vous en convaincre, le Comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études en avait fait mention en 2003. Ça a été répété dans son avis de juin, suite à la décision du gouvernement de retrancher... 103 millions de bourses en prêts. Et puis on n'a qu'à, je dirais, mesurer au «benchmark» nord-américain pour constater que le taux d'abandon justement à des endroits où il y a uniquement des prêts, bien le taux d'abandon est beaucoup plus élevé qu'au Québec. En fait, c'est dans une proportion du double dans le reste du Canada puis du quadruple aux États-Unis, donc des gens qui s'inscrivent à l'université et qui décident d'abandonner pour des raisons financières, et là c'est tous sexes confondus.

Donc, évidemment, nous, ce qu'on voit, c'est que cette décision-là accentue le clivage entre hommes et femmes. On pense justement que ce n'est pas le rôle du gouvernement, on pense que ce n'est pas non plus l'initiative du CSF en fait de faire une telle consultation, de lancer un tel avis sur cette question-là, et c'est justement pour ça qu'on vous sensibilise à cette question-là aujourd'hui.

Maintenant, les statistiques ne demeurent que des chiffres, ne demeurent évidemment que des mesures ou des tendances générales, mais c'est toujours bien de répertorier ça ou de retraduire ça par ce qui se passe dans la vraie vie, sur le terrain, et c'est justement pour ça qu'on a invité Valérie à venir présenter avec nous, puisque c'est une mère monoparentale qui est à la maîtrise en philosophie à l'Université Laval...

Mme Gilloteau (Valérie): Bonjour. Donc, je suis venue avec ma fille, que vous avez peut-être aperçue et qui découvre les planchers de l'Assemblée, qui sont très beaux. Je m'appelle Valérie Gilloteau, donc je suis étudiante en maîtrise en philosophie. En fait, je suis à l'UQAM, mais là j'étudie à Laval pour l'instant. Je suis mère de Jasmine, qui a un an et demi, je l'élève seule et je ne reçois pas de pension alimentaire.

Cette année a été très difficile pour moi. En plus de subir la hausse des frais d'électricité, du transport en commun, des frais de garde, dans ma situation, les coupures à l'aide financière aux études ont eu des effets vraiment dramatiques. En un an, on m'a enlevé près de 6 000 $ de bourses et permis de m'endetter de 7 000 $ en plus, donc ce qui fait que, pour ma maîtrise seulement, je m'endette de 20 000 $ à peu près ? bien, 19 700 $ ? parce que j'ai un enfant, et que je veux terminer mes études, et que je n'ai vraiment pas le temps de travailler en plus. Vous pouvez, j'imagine, le comprendre.

En plus, j'ai dû quitter Montréal, entre autres raisons, parce que c'était devenu impossible de trouver un appartement décent à des prix accessibles à mon budget. Les propriétaires préfèrent choisir des couples de professionnels sans enfants qu'une mère monoparentale étudiante sans emploi et surendettée.

n(16 h 30)n

C'est vrai que, grâce aux récentes annonces du ministère de l'Éducation, je pourrais rembourser mes prêts peut-être en 30 ans au lieu de 10 si je n'ai pas un salaire très gros, parce que je risque, moi aussi, la précarité. Ça m'a soulagée un peu, mais ça ne vient en rien régler le problème. Et le réinvestissement dans les allocations familiales du Québec me donne 56 $ de plus par mois, ce qui fait peut-être 500 $ ou 600 $ par année de plus. Ça ne vient en rien compenser tout ce qu'on m'a enlevé durant cette année. Donc, c'est très peu finalement pour me rassurer.

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le document qui avait émané du Conseil du statut de la femme, qui date d'août 2004, intitulé Étudiante et mère: un double défi. Tout ce qui est dit là-dedans est très, très pertinent, mais malheureusement les actes récents du ministère de l'Éducation sont en complète contradiction avec ces belles paroles. Et j'ai lu avec intérêt ce document, mais malheureusement, dans ma réalité, ça n'a aucune implication. Je veux seulement dire qu'aujourd'hui une mère dans ma situation a le choix entre étudier et s'endetter, ou avoir des enfants, vivre au salaire minimum, ou être sur l'aide sociale. Si vous avez des questions, je suis prête à y répondre.

M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Peut-être terminer. Évidemment, on ne s'attend pas à ce que Mme Courchesne ou n'importe quel membre du gouvernement puisse acquiescer à notre discours aujourd'hui, bien qu'on le souhaite ardemment, on comprend que ce n'est pas son rôle. Ceci étant dit, je m'adresse particulièrement aux membres du gouvernement à l'effet que vous évidemment avez un rôle, autant dans les débats à l'intérieur de votre parti, à l'intérieur de vos caucus. Nous, ce qu'on espère, c'est vous présenter un discours ici qui vous permet de répondre à ces interrogations-là ou à un autre discours qu'on peut vous servir. Et puis on espère sincèrement que vous serez en mesure de faire ces débats-là au moment opportun et qu'on puisse voir, je dirais... on puisse revenir sur la décision antérieure, la coupure étant ce qui est à peu près la pire décision que le gouvernement a faite, en coupant... en fait la pire décision financière que le gouvernement a faite depuis le dégel des frais de scolarité en 1989. Et donc on souhaitait vous sensibiliser sur cette question-là. Cela étant dit, on va prendre vos questions avec plaisir.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Mme Courchesne: Merci. Alors, madame, messieurs, bienvenue, d'abord. Je suis très heureuse que vous ayez accepté l'invitation et que vous soyez devant nous pour défendre ce point de vue. Je vous le dis comme je le pense.

D'ailleurs, Valérie... Vous me permettez de dire «Valérie»? Je ne sais pas si j'ai le droit, M. le Président, de dire «Valérie». On ne se connaît pas, mais je trouve que vous êtes bien chanceuse d'avoir deux collègues comme ça, masculins, qui défendent aussi éloquemment et avec détermination un point de vue, une situation surtout très, très féminine. Moi, ça m'encourage énormément. Ça m'indique qu'effectivement il y a de l'amélioration dans notre société, et, croyez-moi, je ne suis pas naïve, j'ai suivi ça de très près au cours des dernières années. Mais je pense que ça démontre qu'effectivement il y a beaucoup, beaucoup d'espoir pour arriver plus fortement à ce que tous et tous les acteurs de notre société, tous les leaders de notre société... Parce que vous en êtes. La fédération, représentée par ses dirigeants et par ses membres, joue un rôle important dans la défense des étudiants mais joue un rôle important auprès du gouvernement, même si on n'est pas toujours d'accord, même si on ne partage pas toujours les mêmes idées, les mêmes opinions, les mêmes convictions. Je pense qu'il faut reconnaître le rôle que vous exercez à cet égard-là.

Je veux aussi vous dire que je ne suis pas du tout indifférente à la démonstration que vous faites. M. Bouchard a bien raison par ailleurs de dire que ce n'est pas aujourd'hui qu'on va régler cette situation ou ce n'est pas la ministre responsable de la condition féminine qui va prendre des engagements au nom du gouvernement. Mais je pense que vous abordez cette question-là, qui est une question importante, et on ne peut faire fi de la démonstration que vous faites.

On a beaucoup insisté, depuis deux ans, sur la conciliation famille-travail. Je ne parle pas des personnes qui sont très au fait ou qui... Je ne vous dis pas qu'on n'a jamais parlé de la conciliation famille-études, je ne dis pas ça, le ministre de l'Emploi, de la Solidarité l'a fait, mais ce que je dis, c'est que publiquement je pense qu'on a intérêt à ne pas que dire «famille-travail». Je pense qu'à chaque fois on devrait dire «famille-travail, famille-études». On devrait insister davantage sur cet aspect-là de la question parce que, vous avez raison, c'est très, très, très difficile d'être une mère monoparentale, d'être aux études et de pouvoir rencontrer les obligations. Ça, je n'ai aucun doute là-dessus.

Donc, je veux que vous sachiez que j'ai une sensibilité par rapport à ça, et que je pense que votre point est apporté, et que, oui, on devra regarder cette question-là, on devra la réexaminer. Je le répète, je ne prends pas d'engagement au nom du gouvernement, mais ce que je dis, c'est qu'il y a une démonstration que les femmes sont nettement pénalisées, dans cette situation-là, parce qu'il n'y a personne d'autre que les femmes qui peuvent les porter, ces enfants, et qui peuvent vivre toutes les semaines et les mois qui suivent à cet égard-là. Puis, quand on est monoparentale, bien c'est évident que le poids est extrêmement sur les épaules des femmes et le poids est extrêmement lourd à cet égard.

Donc, je veux vous le dire simplement, mais vous dire que je pense qu'on peut certainement poursuivre le dialogue à cet égard-là, sur ce sujet-là, et voir comment tout ça pourra être pris en compte. Parce que, comme ministre responsable de la condition féminine, je ne peux pas accepter que des femmes, peu importe l'âge... Parce qu'on peut être étudiante à différents âges, là. Ce n'est pas qu'à 20 ans, ça peut être à 30 ans, 35 ans, ça peut être plus jeune, peu importe, dans notre système scolaire. Mais je ne pense pas, comme ministre responsable de la condition féminine, que les femmes doivent être et pénalisées et surtout doivent abandonner parce qu'elles vivent une maternité. Ça, je vous le dis comme je le pense. Et, ce point de vue là, je peux le défendre. Quand je dis quelque chose, c'est parce que je suis très à l'aise pour le défendre.

Par contre, vous faites bien aussi de mentionner, dans votre mémoire, qu'il y a une forme de responsabilité aussi de la part des maisons d'enseignement. En tout cas, moi, je le vois comme ça. Il doit y avoir aussi une prise de conscience de la part des maisons d'enseignement, il doit y avoir aussi des gestes très concrets, des décisions très concrètes qui soient prises pour faciliter un certain nombre de services connexes, certainement des services de garde, mais toutes les mesures que vous énumérez pour donner une flexibilité aux programmes d'enseignement qui vous permette de reporter des cours, qui permette certains travaux, certains examens, qui permette d'avoir une adaptation par rapport à cette situation-là.

Ma question, c'est: Est-ce que... J'imagine que vous abordez ces questions-là avec les maisons d'enseignement. J'imagine que ce n'est pas qu'à nous. Vous l'avez mis sur la table. Moi, j'aimerais connaître les réactions que vous rencontrez, j'aimerais que vous nous disiez davantage, là, quels sont les obstacles que vous rencontrez par rapport à des mesures autres que financières.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Bouchard St-Amant.

M. Bouchard St-Amant (Pier-André): C'est toujours drôle d'entendre «des raisons autres que financières», puisque...

Mme Courchesne: Non, non, je ne veux pas... Prêtez-moi pas d'intentions, là. J'ai dit ce que j'avais à dire par rapport à ça.

M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Non, non. Loin de moi, loin de moi...

Mme Courchesne: On ne pourra pas régler ça aujourd'hui, l'aspect financier, j'ai dit ce que je pouvais dire. Mais je ne veux pas les opposer ou je ne veux pas banaliser ou minimiser l'importance de la situation financière. Il ne faudrait pas interpréter mes propos de cette façon-là.

M. Bouchard St-Amant (Pier-André): On se comprend...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Bouchard St-Amant, la parole est à vous.

M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Merci. Désolé. On se comprend, et ce n'était pas le sens de mon intervention, vous verrez.

Vous avez raison de mentionner qu'on n'est pas toujours d'accord sur un certain nombre d'éléments. D'ailleurs, sur cette question-là, il y a beaucoup de gens qui sont en désaccord avec le gouvernement sur sa décision. On se rappelle qu'il y a environ trois Québécois sur quatre qui trouvaient que la décision n'avait pas de fondement autre qu'évidemment comptable.

n(16 h 40)n

On a fait nos représentations également auprès du ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale sur la question études-famille. C'est très clair qu'à travers ça la décision qui avait été prise au dernier budget a été mentionnée à plus d'une reprise, justement sur la difficulté... Parce que c'est un élément qu'on n'a pas abordé directement lors de notre présentation, mais il y a également un lien aussi entre justement le passif inscrit au dossier d'un ex-étudiant et sa capacité économique à fonder un projet familial, évidemment qu'il soit de sexe masculin ou féminin.

Vous avez également raison de mentionner la responsabilité des maisons d'enseignement. Sur cette question-là, bien on peut clairement affirmer que les associations étudiantes font un travail d'équipe avec les établissements universitaires. On peut penser, par exemple, à l'Université de Montréal qui a mis en place une garderie à heures d'ouverture atypiques justement pour favoriser l'accessibilité aux études universitaires. Même chose à l'Université Laval, il y a un projet de résidence notamment pour mères monoparentales ou personnes avec enfants qui est en train de se faire, élaboré par la CADEUL, c'est-à-dire l'Association de premier cycle en place.

Évidemment, des cas concrets, il y en a des millions où justement il y a des contraintes entre l'établissement d'enseignement universitaire et l'agenda ou la vie d'une personne, particulièrement avec un enfant à sa charge. L'exemple le plus concret, celui que je peux vous donner, c'est celui où j'ai étudié, moi, dans ma faculté, à l'Université Laval, où on avait des cours qui commençaient de 6 h 30 le soir à 9 h 30 en soirée, où justement on avait ? cours obligatoires, on s'entend; on avait ? 200 à 300 personnes dans la même salle pour suivre des cours d'ingénierie mathématique. Alors, évidemment, une personne qui a un enfant à sa charge entre 6 h 30 et 9 h 30 le soir doit trouver des disponibilités dans une garderie, et ce n'est pas toujours le cas, ce n'est pas toujours accessible. D'un autre côté, bien, l'établissement universitaire peut soit mettre en place cette garderie-là ou changer l'horaire de cours. Mais, croyez-moi, s'ils le font, ce n'est pas par gaieté de coeur mais bien par manque de plages horaires, manque de... ce qui se traduit, au bout du compte, là, par manque de financement. Je veux dire, on ne veut pas ouvrir ce débat-là ici, ce soir, mais, si on fait, je dirais, on fait la suite logique jusqu'au bout, au bout du compte c'est ça que ça représente.

Donc, effectivement, il y a une responsabilité, à ce niveau-là, de la part des maisons d'enseignement, qui évidemment doit s'accompagner de ressources. Mais, sur la question justement des personnes... Bref, sur le cas des mères monoparentales, ce sont évidemment les cas, je dirais, les plus probants.

(Consultation)

Mme Gilloteau (Valérie): Bien, la question du financement...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Guilloteau.

Mme Gilloteau (Valérie): ...la question du financement revient toujours. Comme à l'UQAM, pour un exemple précis, il y a trois ans d'attente avant d'avoir une place à la garderie. Donc, c'est pratiquement impossible d'avoir une place là. C'est tout ce que je peux dire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Autre question?

Mme Courchesne: Bien, juste pour... Oui? Il reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, oui.

Mme Courchesne: En fait, dans les mesures prioritaires par rapport à, moi, je dirais, cette organisation famille-études, je comprends l'aspect financier, encore une fois, mais, parmi ces mesures prioritaires, ce seraient donc les garderies que vous... les garderies et l'organisation des programmes d'études, ou est-ce qu'il y a d'autres choses que vous n'avez pas mentionnées ou qui ne sont pas à l'intérieur de votre document? Ce que j'essaie de dire, c'est: Quelle est la réalité actuelle à l'ensemble du Québec? J'imagine que ce n'est pas égal. Est-ce que c'est plus facile à Montréal, moins facile en région? Est-ce qu'il y a des difficultés ou des obstacles qui sont plus évidents dans certaines régions où est-ce qu'il y a une réalité différente?

M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Qu'on se comprenne bien.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Bouchard St-Amant.

M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Excusez. Effectivement, j'ai pris l'habitude... Qu'on se comprenne bien, là. En matière de priorités, nous, ce n'est pas les plages horaires de cours ou, je dirais, les services de garderie, à ce niveau-là. Je veux dire, on est venus ici justement présenter une décision qu'on calcule irrationnelle sur le Programme de prêts et bourses. À notre sens, c'est ça qui constitue l'obstacle majeur, pour les étudiantes sur les prêts et bourses ? on précise encore pour les mères monoparentales ? à leur poursuite et la réussite de leur chemin d'études, de leur cursus universitaire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, il nous reste du temps pour une très courte question. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci. Bonjour à vous trois. Ma question s'adresse à Valérie. Je veux juste voir si j'ai bien entendu. La prime de soutien aux enfants, depuis janvier, vous donne seulement 56 $ de plus par mois?

Mme Gilloteau (Valérie): Oui, exactement. On m'a donné 650 $, en décembre, pour trois mois, donc ce qui fait 212 $ par mois, et je recevais 161 $ par mois, le mois précédent, donc ça fait 56 $ de plus par mois.

Mme Charlebois: Bien, j'aimerais ça prendre vos coordonnées par la suite, parce que ça ne cadre pas avec ce que je...

Mme Gilloteau (Valérie): C'est en fait les familles qui ont des plus grands revenus qui reçoivent plus.

Mme Charlebois: Mais pas selon les échelles que j'ai. Mais de toute façon ce n'est pas le but de la commission, là, alors j'aimerais ça pouvoir m'entretenir avec vous pour voir...

Mme Gilloteau (Valérie): Bien, je reçois le maximum, à ce que je sache, là.

Mme Charlebois: Oui. C'est ça. On va vérifier ça ensemble, si vous voulez.

Mme Gilloteau (Valérie): D'accord.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, vous pourrez communiquer, après la commission, les coordonnées en question.

Je passerais du côté des membres de l'opposition. La députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, très brièvement parce que nous avons la chance d'avoir la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation, donc je vais lui laisser la grande partie du temps, mais je tiens à faire quelques commentaires.

Alors, merci beaucoup, Mme Gilloteau, de votre présence, compte tenu de toute la difficulté de conciliation études-famille. Merci beaucoup, M. Bouchard St-Amant, M. Vikander. Je pense que ce qui est intéressant, c'est que vous apportez des exemples concrets. D'ailleurs, j'aurais aimé avoir le petit tableau, là, des chiffres que vous nous avez donnés, qu'on n'a pas dans le mémoire, là. Ça, j'aimerais ça les avoir. Et en plus vous nous amenez une personne qui le vit, donc c'est toujours encore mieux. Et, vous avez parfaitement raison, lorsque vous parlez de tout le problème au niveau du logement, hein, c'est un des éléments importants.

Et vous êtes au bon endroit parce que, si on se parle d'une politique en condition féminine, d'un plan d'action... Et d'ailleurs, l'avis, auquel vous avez référé, du Conseil du statut de la femme, Étudiante et mère: un double défi, il faut que ça se traduise dans les autres ministères. On l'a dit, les difficultés, les discriminations systémiques, les analyses différenciées doivent nous amener à... C'est sûr que ça ne se passe pas juste au Secrétariat de la condition féminine, c'est dans les différents ministères, et il faut que ça suive après, il faut que ce soit logique, et que ça se tienne, et que ce soit une stratégie complète. La lutte à la pauvreté, c'est la même chose. Une lutte à la pauvreté, elle doit se traduire aussi à l'éducation, et ça, pour moi, ça m'apparaît très, très clair. Donc, vous êtes au bon endroit et vous défendez les bons objectifs, ça fait partie d'une politique en condition féminine. Alors, je laisse à ma collègue...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous recevoir à notre commission. Nous avons souvent des échanges, et c'est normal, et c'est heureux d'ailleurs parce que ça me permet de mieux assumer ma responsabilité comme porte-parole en matière d'éducation.

Bon, d'abord, une première chose que certains groupes, aujourd'hui, ont retenue aussi, et évidemment vous en faites état, c'est qu'on ne parle plus maintenant seulement de conciliation famille-travail, mais c'est vraiment conciliation famille-travail-études et parfois c'est famille-travail-études-études-travail. Et cette sensibilisation est maintenant beaucoup plus grande, je crois, à cette réalité, et j'imagine que la ministre éventuellement et les différentes institutions concernées pourront en prendre conscience et surtout agir en conséquence en ce sens-là.

Je veux saluer d'une façon particulière Valérie qui m'a autorisée, à l'automne dernier, à soumettre son cas lors d'une question à l'Assemblée nationale, ce que nous n'avons pas l'habitude de faire, c'est-à-dire de prendre des cas individuels. Nous le faisons très exceptionnellement. Mais, dans le cas présent, c'était tellement éclairant quant à l'impact des décisions du ministre sur une étudiante en particulier. C'était son cas. Alors, je veux la remercier parce que ça m'a permis d'illustrer une situation qui est vécue par sûrement des dizaines, pour ne pas dire des centaines d'autres jeunes, jeunes hommes, mais d'autres jeunes femmes en particulier.

n(16 h 50)n

Et, si, aujourd'hui, on a eu des gens qui sont venus plaider pour dire que c'était un peu derrière nous, les problèmes de discrimination systémique ? remarquez qu'il n'y en a pas beaucoup mais au moins un groupe qu'on a entendu et qui avait tout faux, à mon point de vue, à bien des égards ? par les simples chiffres que vous avez présentés sur les chefs de famille monoparentale répertoriés, qui sont, si j'ai bien compris, là ? Nick, vous allez me contredire ou pas, on dit ? 408 chefs de famille monoparentale gars par rapport à 5 400 chefs de famille monoparentale femmes, hein, répertoriés par rapport à un programme d'aide, on voit bien qu'il y a là discrimination systémique à sa face même et c'en est sans doute la plus belle illustration.

Bon. Moi, jusqu'à aujourd'hui, jusqu'à maintenant, je n'ai pas plaidé, mais là je vais plaider, M. le Président. Je vais plaider parce que j'ai dit à moult reprises au ministre de l'Éducation qu'il faisait fausse route en prenant la décision qu'il a prise de transférer en prêts 103 millions qui étaient autrement versés en bourses. L'un de mes arguments principaux était de dire que c'étaient les plus démunis, ceux qui avaient les plus grands besoins, qui allaient être les plus lourdement touchés. Il ne me croyait pas ou me faisait la démonstration... ou tentait de me faire la démonstration que ce que j'avançais n'était pas exact. Or, aujourd'hui, je crois qu'on en fait encore la preuve, que non seulement cela est exact, mais ce sont des situations très pénibles que l'on fait vivre à un certain nombre de jeunes, dont en particulier de jeunes parents, dans le cas présent, et de jeunes femmes pour un nombre important de ces jeunes parents, puisqu'elles sont là et elles sont chefs de famille monoparentale. Et donc, dans les faits, cette décision, elle demeure inacceptable et elle vient toucher les plus démunis et ceux dont les besoins sont les plus grands.

Et je m'excuse, mais je le redis et je plaide. Et, puisque nous avons une membre du Conseil exécutif avec nous à la table et des membres de l'équipe gouvernementale et de la majorité parlementaire, je veux le redire à nouveau, que cette décision est une mauvaise décision et qu'elle devrait être corrigée pour la suite des choses. Et, malgré ce que l'on nous a annoncé sur l'arrivée d'un nouveau programme de remboursement proportionnel aux revenus, encore là on voit bien que ça ne couvrira pas correctement les gens qui risquent de se retrouver avec des dettes considérables à la fin de leurs études, une dette d'abord liée à leurs études directement, une dette privée parce qu'ils ont d'autres besoins, et qu'ils doivent les combler, et que le projet qui est présenté par le ministre n'évitera pas qu'un bon nombre d'étudiants se retrouvent avec des remboursements sur une période de 10, 20, 30 ans et ne seront pas même couverts par le fait qu'on plafonne le niveau de leurs remboursements. Alors donc, on continue à les maintenir dans une situation de précarité et dans une situation difficile. Et, si on pense que c'est comme ça qu'on va soutenir le choix des jeunes familles de donner naissance à des enfants, je ne suis pas convaincue et ça ne m'apparaît pas évident que c'est la meilleure stratégie. Et je suis même convaincue de l'inverse. Alors donc, je me permets donc, M. le Président, de plaider en ce sens-là.

Je crois que c'est le président qui disait, tout à l'heure, le président de la FEUQ, qui disait que les recommandations du Conseil du statut de la femme qui avaient été faites à l'égard de la situation des mères étudiantes étaient complètement contredites par les gestes posés par le ministre de l'Éducation. Alors, à cet égard-là, je me dis: Bon, c'est important qu'on continue d'avoir un chien de garde, on le voit bien, parfois qui est plus qu'un chien de garde mais qui parfois est aussi un chien de garde. Ses fonctions sont importantes dans nos institutions. Et j'espère que cela amènera l'équipe ministérielle à reconsidérer les décisions qui ont été prises jusqu'à maintenant parce que je pense qu'on est complètement à contre-courant par rapport aux objectifs que l'on poursuit d'une meilleure reconnaissance de l'égalité, d'un meilleur soutien aux familles, d'une meilleure reconnaissance de la conciliation famille-travail-études, la démonstration en a été largement faite aujourd'hui.

Bon. Maintenant, pour venir à une question précise et pointue sur les services de garde, est-ce que ce que vous constatez, dans certaines universités, que, moi-même, j'ai constaté aussi parce que je suis allée visiter quelques services de garde, entre autres à McGill, est-ce que c'est le cas à peu près partout, sur tous les campus, qu'il y a des manques de places actuellement? Et est-ce que, dans les sommes que l'on verse par l'intermédiaire des bourses ou que l'on reconnaît dans l'évaluation des besoins, on tient en compte réellement les besoins de garde en dehors des services à 5 $ ou maintenant à 7 $ que l'on retrouve dans nos centres de la petite enfance?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Alors, M. Bouchard St-Amant? Oui.

M. Bouchard St-Amant (Pier-André): Donc, bien, pour les demandes en matière de tableaux et de statistiques, ça nous fera plaisir de les faire suivre à tout membre intéressé.

Pour ce qui est en fait de la contribution gouvernementale, là-dessus on tient à rappeler l'importance, je dirais, d'une statistique qui est rarement mentionnée, lorsqu'on parle d'éducation postsecondaire, mais bien de la rentabilité sociale associée justement à l'investissement en éducation postsecondaire, et là je parle d'investissement en matière d'accessibilité. On a toujours eu une réponse très courte sur cette question-là. S'il en coûte entre 30 000 $ et 40 000 $, selon les diplômes ou selon les domaines de formation, pour s'assurer qu'un étudiant ou une étudiante puisse avoir accès aux études postsecondaires, il en rapporte, par rapport à un diplômé collégial, 430 000 $ de plus en impôts, évidemment si on continue à taxer les riches, mais en impôts supplémentaires par rapport à un diplôme d'études collégiales. Et puis là on laisse de côté évidemment toute la contribution sociale en matière de culture, en matière de développement à la recherche avancée, en termes de société, de progrès, bref qui est associée à cette décision-là.

Et puis, nous, on juge que ce n'est pas... bon, Mme Marois le disait très bien, ça ne doit pas être une question d'argent, à savoir si on devrait laisser la chance à ces gens-là d'accéder à l'éducation, aux études postsecondaires, mais ça devrait plutôt être une question justement d'intellect. Et c'est dommage parce que le message qu'on est en train d'envoyer, de la part du gouvernement du Québec, en ce moment, c'est: Bien, écoutez, pour nous, ce n'est plus une question de mérite, ce n'est plus une question d'intellect, mais c'est une affaire de gros sous, et puis, bien, passez votre tour, on ne vous supporte plus.

L'annonce de la semaine dernière nous a bien fait rire, à la fédération, parce qu'on trouve vraiment ironique de voir le ministre, je dirais, soudainement se préoccuper du fait que les étudiants deviennent de bons payeurs. D'une part, on se questionne à savoir si c'est le rôle du gouvernement; d'autre part, on sait qu'il y a un lien évident entre l'augmentation de la dette d'études et la proportion de personnes qui sont en difficulté de remboursement. Par conséquent, s'il y avait eu une réelle volonté gouvernementale de régler cette question-là, on aurait plutôt axé les efforts, les argents investis dans la réduction de la dette d'études et non dans une mesure, je dirais, un simulacre, une mesure, je dirais, une mesure pour bien vendre, là, une mesure marketing. Voilà ce que je cherchais.

Pour ce qui est des places en garderie, c'est une situation qui diffère d'un campus à l'autre. C'est un enjeu bon relativement complexe pour l'ensemble du réseau universitaire. Ceci étant dit, on peut mesurer des disparités importantes entre justement, par exemple, le nombre de personnes qui en ont besoin et le nombre de places disponibles. On peut également mesurer une disparité entre les besoins en termes de disponibilité d'horaire et de, je dirais, genre de places disponibles en termes de plage horaire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Vikander.

M. Vikander (Nick): Simplement pour ajouter: on peut essayer de vérifier en fait les montants qui sont... de prêts et bourses. On n'a pas les statistiques devant nous. Cela dit, en termes d'efforts des associations étudiantes là-dessus, simplement pour un peu répéter ce à quoi Pier-André a fait allusion avant, entre autres mon expérience à l'Université McGill, ça fait à peu près depuis 1996 qu'il y a une cotisation étudiante, chaque année, de tous les étudiants de l'université, en fait pour payer ? étudiants de premier cycle, en passant; mais pour payer ? pour cette garderie-là à l'université. Alors, ce n'est pas, je dirais... Le projet, l'idée et l'argent, au moins pour les premières années, quand même plusieurs années, depuis à peu près 1996, ça vient des étudiants de l'université; pas nécessairement de l'université comme telle, pas nécessairement du gouvernement du Québec. Alors, c'était jugé un effort important à faire pour en fait aider les étudiants sur le campus qui ont des difficultés, entre autres, de garderie d'enfants.

Jusqu'à très récemment, je crois, à peu près un an, cette garderie-là n'avait pas accès au fonds pour être à 7 $ ? à 5 $ auparavant, mais 7 $ maintenant ? par journée. Alors, il y avait des difficultés techniques. Alors, il y avait un nombre d'heures limité pour ces parents qui envoient leurs enfants là, et aussi le montant a dû être beaucoup plus élevé que le 5 $ ou 7 $ parce que, même s'il y avait une cotisation étudiante, ça ne couvrait pas nécessairement tous les coûts de la garderie. Heureusement, la situation locale est améliorée et maintenant c'est à tarif réduit là-bas. Mais à notre vue ce n'est pas le seul endroit, mais on voit ça, l'importance que les étudiants sur le terrain, sur les campus mettent sur ces idées-là. Et, même s'il n'y en a pas d'autres qui font des grands efforts de temps en temps, il y a un effort des étudiants eux-mêmes d'aider à réussir à éviter ces problèmes ou amoindrir ces problèmes-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci.

Mme Marois: Merci beaucoup, Nick.

n(17 heures)n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Excusez-moi, c'est tout le temps dont nous disposons.

Mme Marois: Oui, ça va pour l'instant. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je vous invite à faire parvenir les tableaux dont vous parlez au secrétariat de la commission. Ça fera plaisir d'ensuite distribuer les documents en question aux membres de la commission. Alors, merci beaucoup, M. Bouchard St-Amant, Mme Gilloteau et M. Vikander.

Si vous voulez bien vous approcher. Je pense qu'il y a un seul représentant. Table de concertation des groupes de femmes de la Gaspésie et des Îles, s'il vous plaît, approchez-vous pour votre...

Des voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): O.K. Alors, nous suspendons les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

(Reprise à 17 h 3)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la commission reprend ses travaux. Nous entendrons la Table de concertation des groupes de femmes de la Gaspésie et des Îles, représentée par Mme Marie-Thérèse Forest. Bienvenue, Mme Forest. Alors, vous aurez à votre disposition, comme la coutume le veut, 20 minutes pour exposer les vues de la Table de concertation. Ensuite, chaque groupe parlementaire disposera de 20 minutes pour des échanges, questions et commentaires. Alors, allez-y, s'il vous plaît.

Table de concertation des groupes
de femmes de la Gaspésie et des Îles

Mme Forest (Marie-Thérèse): Bon, allons-y. J'imagine que je suis assez proche, là, vu ma... Bon.

Alors, finalement, la Table de concertation des groupes de femmes de la Gaspésie et des Îles, c'est 10 groupes de femmes qui composent la table en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine. Il y a trois groupes qui proviennent des Îles, et le reste, de la Gaspésie. C'est une table qui existe depuis très, très longtemps. On était avant ça jumelés avec nos soeurs du Bas-Saint-Laurent et on a dû se scissionner, à notre grand malheur, en 1997. Mais c'est une table qui a 25 ans d'existence, donc qui, dans le milieu, a ses lettres de noblesse, en ce sens où elle est connue et reconnue par les différentes instances régionales.

On travaille à différents niveaux et particulièrement, je vous dirais, en développement local et régional, où on a beaucoup de travail, avant ça avec le CRCD, maintenant avec la CRE qui est en place et qui, vous en avez peut-être pris compte, mais compte moins de femmes qu'elle en comptait à l'origine du CRCD.

On travaille aussi beaucoup au niveau de la santé. On a un comité aviseur en santé des femmes et on a travaillé, auparavant avec la régie régionale et maintenant avec l'agence, à des données très spécifiques, là, concernant la santé des femmes. On a publié plusieurs avis, dont un sur le dépistage, le programme de dépistage du cancer du sein, le virage ambulatoire et ses impacts sur les femmes et aussi les femmes et leur santé mentale, où on a travaillé avec un grand nombre de femmes des différents coins de la région, parce que vous savez très bien que c'est une région immense.

Au niveau du développement local et régional, on travaille vraiment avec beaucoup de partenaires. On a été nommées officiellement comité aviseur de la structure qu'est Emploi-Québec. On travaille aussi avec la CRE, avec ce qu'on appelle maintenant des mandataires-conseils. Dans notre région, chaque secteur qui était autrefois représenté à la table décisionnelle du CRCD, on est devenu des mandataires-conseils. Alors, on est appelé à conseiller la CRE, en tout temps et en tout lieu, sur les questions touchant dans mon cas la condition féminine.

Ce que notre mémoire présente, finalement, c'est d'abord insister bien sûr sur l'importance de maintenir une politique en condition féminine parce que l'égalité n'est pas atteinte, c'est de toute évidence, et on a besoin de cette approche spécifique pour travailler sur une discrimination qui est basée sur le sexe. J'imagine que c'est un discours que vous avez entendu, depuis hier, assez fréquemment. Et je pense que, le rôle de leader que le Québec a pris depuis 30 ans, au niveau de tout son travail pour ce qui est finalement de l'avancement des conditions de vie des femmes, je pense que c'est vraiment très important de maintenir ce rôle de leader là.

Quand on regarde la situation à travers le monde, quand on regarde les femmes dans les maquiladoras au Mexique, quand on regarde le trafic sexuel Internet, quand on regarde l'excision, qui est encore un problème très grave ? bon, bien, je pourrais vous en nommer durant une heure ? je crois que le Québec a besoin de conserver ce rôle de leader qu'il a eu et que sa politique en condition féminine lui a donné et doit continuer de lui donner. Et, au niveau de la Marche mondiale des femmes, qui, en 2005, aura de nombreuses activités, nombreuses répercussions, je pense que ce rôle-là devrait être assis par notre gouvernement, qui devrait prendre une conscience on ne peut plus importante de ces faits-là.

Ce qu'on dit aussi, c'est que bon cette politique, et cette approche-là, est nécessaire, mais on peut parler... Nous, on l'a appelée, un peu en badinant, une approche transversociétale parce qu'on arrivait mal à faire la différence entre la transversalité et la sociétalité, dans le sens où, si je regarde le travail terrain que le mouvement des femmes de la Gaspésie et des Îles fait, on travaille constamment en transversalité et en bonne sociétalité avec l'ensemble des intervenants.

n(17 h 10)n

On fait, la semaine prochaine, un très gros lancement pour semer la graine dans l'esprit des femmes pour qu'elles se présentent candidates aux élections municipales, en novembre, et on lance ? et je vous donne un scoop aujourd'hui; on lance ? un merveilleux guide de la candidate et un vaste programme. Et le président de la CRE, M. Bertrand Berger, va être assis à ma gauche ou à ma droite, je ne sais pas, mais il sera là, au moment de la conférence de presse, pour lancer notre offensive.

Alors, c'est sûr que pour nous cette approche fait déjà partie des moeurs et du travail qu'on effectue en région. Je pense qu'il y aurait peut-être lieu effectivement de ramasser les différents... et on en parlera probablement tantôt, mais de faire en sorte que les différents ministères assument vraiment leur rôle dans cette approche sociétale et fassent en sorte qu'il y ait des mesures, qu'il y ait des prises pour que et les femmes et les hommes, on puisse travailler.

Par exemple, je ne sais pas, moi, je regarde tous les nouveaux couples qui ont des enfants à Carleton, à New Richmond, à Maria, bon, qu'on rencontre un peu partout, que ce soit dans les organisations plus formelles, ou au cinéma, ou au théâtre, et il y a vraiment, au niveau des rôles sociaux, une réflexion qui se fait et qui transforme les valeurs de certains parents au niveau des soins qui sont attribués aux enfants. Sauf que, je me dis, si le ministère de l'Éducation prenait vraiment au sérieux cette approche sociétale, il ferait en sorte qu'à l'école primaire il y ait une sensibilisation des jeunes sur ces nouveaux rôles sociaux, sur les stéréotypes autant masculins que féminins qui peuvent intervenir sur éventuellement une nouvelle redéfinition de nos rôles. Mais pour ça il faudrait que l'ensemble des ministères prennent en charge cette approche.

Le mémoire vous faisait état de plusieurs inégalités qui sont vécues en Gaspésie et aux Îles à plusieurs niveaux. Il y a des inégalités qui touchent et les hommes et les femmes, il y a des inégalités qui touchent spécifiquement les femmes. Je voudrais juste vous rappeler que les deux tiers des femmes en Gaspésie et aux Îles occupent des emplois à temps partiel. Elles font 70 % du salaire des hommes. Il y a une hausse de la violence conjugale, de la victimisation en violence conjugale sans cesse. Dans les lieux de pouvoir, on ne retrouve pas nécessairement plus de femmes qu'on en retrouvait en 1995, mais c'est un changement de mentalité, hein, et vous savez comme moi que les changements de mentalité, ça ne se mesure pas du jour au lendemain.

Et là aussi où on doit intervenir en termes d'inégalité, c'est toute la diversification des choix scolaires des filles et l'intégration des filles dans les métiers d'avenir, ou ce qu'on a appelé les créneaux d'excellence, ou je ne sais plus comment on les appelle, mais qui sont, en Gaspésie, l'éolien, la mariculture et la biotechnologie marine, qui sont le tourisme d'aventure et qui sont pris d'assaut d'emblée par les gars. Alors, il y a un travail à faire et il y a un travail conjoint qui se fait actuellement avec différents intervenants et différentes intervenantes de la région pour allumer l'étincelle encore une fois, et faire en sorte que les femmes choisissent ce type de programmes scolaires, et faire en sorte aussi que les employeurs vont les employer, les garder, là, à leur emploi longtemps.

Qu'est-ce que je dirais, dans le cinq minutes qu'il me reste, de plus primordial...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Forest, si vous permettez, il vous reste plus que cinq minutes. Il vous reste certainement 10 minutes.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Ah! Fiou! O.K. Non, ça va aller. Merci. Ce qu'il est important de dire, je pense, et ça, c'est la réflexion qui l'a amené au sein des groupes de la table, c'est que, si on parle de politique en condition féminine, on doit parler d'objectifs assez précis, des objectifs qu'on retrouve dans le document de réflexion du conseil. On a vraiment mis quatre orientations, sous cette politique, qui nous semblaient indissociables d'une politique en condition féminine parce que les changements auxquels on veut amener les femmes doivent venir, d'abord et avant tout, des femmes elles-mêmes. On a beau dire: On voudrait bien qu'il y ait plus d'élues municipales et qu'il y ait plus de mairesses en Gaspésie et aux Îles, mais c'est les femmes elles-mêmes qui doivent faire ce choix et qui doivent s'impliquer dans le développement de leur région et c'est un changement de mentalité précis auquel on doit travailler d'abord avec les femmes. Alors, bref, on a... le nombre de femmes qui siègent aux instances décisionnelles qui font partie de cette politique en condition féminine.

Il y a toute la question d'atteinte de l'autonomie économique des femmes. On ne dit pas «promouvoir l'économie», comme on disait dans le document, parce qu'on ne peut pas promouvoir une égalité qui n'est pas atteinte. En tout cas, pour nous, ça ne faisait pas de sens de la promouvoir. Donc, on doit encourager la diversification et on doit, dans le contexte de mondialisation que l'on vit, on doit poursuivre les écarts... c'est-à-dire poursuivre les efforts pour éliminer les écarts entre les hommes et les femmes.

Il y a une autre orientation aussi qui d'après nous fait partie d'une politique en condition féminine, qui est d'éliminer toutes les violences, les atteintes à l'intégrité ou à la dignité subies en raison du sexe ? ça, ça nous semble tout à fait important de le laisser sous la politique en condition féminine ? et finalement d'améliorer la santé et le bien-être des femmes en s'assurant que les services soient adaptés à la réalité. Ça, on le voit... Nous, en région, en travaillant au comité aviseur, on voit comment on a besoin d'avoir des mesures spécifiques aux femmes pour arriver à différents changements.

Et, sous l'égide de la politique d'égalité des femmes avec les hommes ? c'est comme ça qu'on l'a appelée ? on avait deux orientations, la première qui était d'assurer l'ancrage de cette égalité-là par l'ADS ou l'AIE, là. Vous avez vu, dans le mémoire, où on a écrit: Is it the question, ADS ou AIE? En tout cas, nous, c'est l'ADS qu'on commence à se partager. Il y a plusieurs personnes qui commencent à vraiment connaître ce qu'est l'ADS et à pouvoir tranquillement l'utiliser à des fins autant... en tout cas pour améliorer le bien-être de tout le monde, autant les hommes que les femmes.

Juste entre parenthèses, je vous dirais qu'il y a eu, en ADS, une étude, en Haute-Gaspésie, sur le décrochage scolaire des garçons et où la première cause de décrochage scolaire chez les filles, c'est la grossesse précoce. Alors, hein, il y a vraiment tout à faire au niveau de cette analyse différenciée.

n(17 h 20)n

L'approche d'égalité, bien c'est un concept plus nouveau. On recommencerait la roue alors qu'on commence à vraiment s'approprier ce qu'est l'ADS. Bien, en tout cas, je ne sais pas. Comme on disait, est-ce que c'est vraiment la question? Ça ne nous semblait pas primordial, là, d'intervenir là-dessus.

Et la deuxième orientation qu'on retrouverait dans cette politique de l'égalité des femmes avec les hommes, c'est de favoriser la transformation des rôles sociaux par la lutte aux stéréotypes, puis ça, je vous en ai un peu parlé au début en disant que tout le monde doit apprendre son rôle, en particulier quelles structures on mettra pour en arriver à favoriser cette égalité. On ne s'est pas rendues là dans la réflexion, on pourra la poursuivre avec vous, si vous le désirez, tantôt. Mais je pense qu'il y a vraiment une alliance qui se fait, qui existe et qui est à favoriser, je dirais, par différentes campagnes de sensibilisation, différentes actions à l'école pour vraiment, là, ancrer ? et encore là c'est un changement de mentalité; mais ancrer ? dans la mentalité cette transformation des rôles sociaux.

Et ce qu'on dit, bien sûr, c'est que pour nous, là, le Conseil du statut de la femme en région, on en a un, mais il n'y a même pas de secrétaire. Le Bas-Saint-Laurent et Gaspésie?Les Îles se partagent un bureau administratif, et il est à Rimouski. On a une agente qu'on a réussi à avoir. On a écrit, pendant à peu près sept ans, des lettres, et Mme Lavallée pourrait... C'est d'ailleurs sous le règne de Mme Lavallée qu'on a finalement réussi à avoir une répondante du Conseil du statut de la femme dans notre région, et c'est un apport essentiel, essentiel, je veux dire, pour l'amélioration des conditions de vie des femmes. En Gaspésie, aux Îles, si on retire la répondante régionale du conseil, là on se retrouve vraiment, ouf! très perdantes, je crois.

Alors, bref, on a étudié aussi le Secrétariat à la condition féminine. Je pense que c'est tout à fait impensable aussi, à un niveau administratif, de ne plus avoir cette structure qui nous permet d'avoir une prise sur les différentes actions. Donc, ce qu'on a retenu comme recommandation, c'est, d'abord et avant tout, une politique en condition féminine avec un plan d'action très clair puis qui viendrait le plus rapidement possible.

On veut aussi travailler à une politique d'égalité qui fait appel à cette approche transversociétale parce que ça nous semble aussi, en 2005, tout à fait important de mettre des bases un peu plus précises au niveau de l'action des différents ministères. On demande que le gouvernement maintienne les missions du conseil et du Secrétariat à la condition féminine. Et une ministre en titre, pour nous ça va de soi si on a un secrétariat avec des balises précises.

Et finalement on se disait: Oui, peut-être que, Conseil du statut de la femme, peut-être qu'on pourrait changer le nom. Ça ne nous dérangerait pas. On rit bien, nous, parce que, notre répondante du Conseil du statut, on l'appelle notre statue. C'est notre statue de la condition féminine. Alors, ce qu'on propose comme changement de nom, c'est le Conseil des femmes du Québec, au lieu du Conseil du statut de la femme, pour inclure toutes les femmes et les femmes autochtones avec qui on travaille dans plusieurs actions précises. Je reviens, on ne peut pas parler de Québécoises parce que, nous, on n'est pas Québécoises. Alors, ce n'est pas le Conseil des Québécoises, c'est le Conseil des femmes du Québec. Voilà. Je pense que c'est l'essentiel.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie, Mme Forest. Je suis persuadé que les membres de cette commission me permettront de vous dire combien c'est réconfortant d'avoir, à la fin d'une longue journée de travail comme celle que nous avons connue, une personne qui est capable de nous faire une présentation aussi généreuse, aussi bien informée, aussi sereine et aussi souriante. Alors, merci beaucoup. Alors, voilà.

Période de questions pour les membres de l'aile parlementaire. Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et responsable de la condition féminine.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Le président m'arrache les mots de la bouche, Mme Forest. Ça a été vraiment très, très, très agréable de vous écouter. Mais non seulement ça a été agréable, mais convaincant aussi, au sens où ce qui est intéressant, c'est que d'abord vous dégagez un tel amour de la Gaspésie et des Îles. Je veux que vous le sachiez. Je ne vous connais pas, c'est la première fois que je vous rencontre, mais honnêtement, juste à travers ça, on voit à quel point vous partagez toute la beauté et la richesse pour la Gaspésie et les Îles. Alors, merci beaucoup.

J'aimerais quelques précisions par rapport à votre exposé et votre mémoire. Vous parlez d'une politique de condition féminine, et je crois bien comprendre que, dans cette politique de condition féminine, on rejoint l'approche spécifique, c'est-à-dire tous les sujets pour lesquels les femmes continuent de subir la discrimination systémique. Ça, c'est évident pour moi, c'est ce que je crois comprendre. Et vous dites: On pourrait aussi, dans l'approche sociétale, avoir une politique de l'égalité, dans laquelle vous incluez l'ADS ? je suis un peu d'accord avec vous, là, ADS, AIE, mais, pour bien se comprendre, on va parler de l'ADS ? et dans laquelle vous rajoutez la lutte aux stéréotypes. Et c'est intéressant de voir évidemment la lutte aux stéréotypes qui sont aussi, à bien des égards, la base d'une discrimination ou de la création des inégalités quand on entretient et qu'on ne transforme pas les rôles sociaux. Alors, vous, vous dites: Ces deux aspects-là pourraient être dans une politique d'égalité.

J'ai deux questions: Est-ce qu'il y aurait d'autres sujets dans une politique d'égalité? Et est-ce que, le fait d'avoir ces deux politiques-là, on ne sèmerait pas plus de confusion? Est-ce que, là, on ne serait pas un petit peu en porte-à-faux, justement en train de diluer un peu trop les objectifs à atteindre? Et je voudrais savoir. Ou peut-être que je n'ai pas bien compris votre explication.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Non, vous avez très bien compris.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Forest, oui. Allez-y.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Vous avez très bien compris l'exposé. En tout cas, d'après nous, d'avoir une politique d'égalité, comme je vous disais tantôt, on n'est pas allées très loin dans la structure qu'on pourrait lui donner, mais ça pourrait être une structure très légère où il pourrait y avoir des gens de différents ministères, particulièrement le ministère de l'Éducation. Si on veut agir pour changer les mentalités, qu'on veut agir pour transformer les rôles sociaux, qu'on veut agir pour que les stéréotypes ne soient plus femmes soumises et hommes violents ou hommes agressifs, moi, je crois qu'il faut qu'on agisse en bas âge. Il faut qu'on puisse, avec les enfants, travailler au soin des enfants, qu'on puisse travailler, c'est ça, au niveau de redéfinir ces rôles sociaux là avec les jeunes. Et il y a des campagnes de sensibilisation qui pourraient être aussi tout à fait pertinentes, tout à fait intéressantes.

n(17 h 30)n

Moi, je pense qu'on peut agir sur l'égalité en l'appelant politique de l'égalité parce qu'il y aurait vraiment une cohésion gouvernementale pour agir au niveau de la transformation des rôles sociaux, et, à ce moment-là, on pourrait, je crois, arriver à des résultats peut-être plus rapidement que ce à quoi on arriverait.

Mme Courchesne: Je trouve ça bien intéressant, de la façon dont vous l'abordez, au sens où un des objectifs, c'est effectivement d'arriver peut-être plus rapidement... Je suis consciente qu'on ne peut pas tout bousculer, parce qu'en même temps, vous l'avez dit, il y a des changements qui prennent plus de temps, ça, je suis consciente de ça aussi et je suis d'accord avec ça. Mais, dans une région comme la vôtre, où... En tout cas, dans votre mémoire, ce qui est très intéressant, d'abord, vous donnez des exemples concrets de situations de femmes qui ont tout récemment vécu des situations de discrimination. Mais c'est intéressant de voir que ces situations-là... Par exemple, avec l'exemple du travail de la mère, c'est intéressant de voir ça. Puis en même temps vous donnez des illustrations aussi de votre dynamisme en région. D'adapter des programmes... ou des projets plutôt qui sont proches de votre réalité dans cette région, je trouve ça important.

Et je voudrais vous parler d'À égalité pour décider. Je voudrais vous en parler pour vous dire qu'on va le garder.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Nous en sommes ravies.

Mme Courchesne: Ça, c'est sûr. J'y crois beaucoup. Mais j'aimerais qu'on en fasse peut-être une petite analyse critique aussi parce que je suis convaincue que ce que vous allez annoncer prochainement, là... Corrigez-moi, peut-être que je me trompe, là, mais est-ce qu'il n'y a pas un peu d'Égalité pour décider à l'intérieur de ça?

Mme Forest (Marie-Thérèse): Oui, il y a sûrement le tiers d'Égalité pour décider.

Mme Courchesne: C'est ça. Mais, moi, ce programme-là, je l'épluche à chaque année, puis je prends la peine de lire les projets, puis je prends la peine de... parce qu'encore là ce qui m'intéresse, c'est le résultat.

Votre guide, je suis convaincue qu'il est super intéressant puis qu'il est bien fait. Mais est-ce qu'il y a autre chose ou une autre façon, toujours à travers Égalité pour décider, là... Mais est-ce que ça ne prend pas encore trop de temps? Est-ce qu'il y a une façon de travailler ce programme, une façon d'aller encore plus loin? Je ne vous dirai pas de façon plus convaincante, je suis convaincue que les femmes qui oeuvrent sont convaincantes. Mais qu'est-ce qu'on peut améliorer ou pousser plus loin pour...

Puis, Mme la députée de Taillon, ce matin ? je crois que c'est ce matin ? vous disiez que bon on croit aux mesures incitatives. Moi, je crois à ça aussi. Je ne pense pas que seul le programme À égalité pour décider va changer la représentativité ou la capacité de convaincre des femmes de se présenter en politique ou dans des postes de décision. Mais j'aimerais ça vous entendre là-dessus, là.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Bien, je crois que, le programme À égalité pour décider, ça fait cinq ans qu'il existe, hein? Ça ne fait pas des millénaires. En tout cas, nous, on a beaucoup, en Gaspésie, aux Îles, travaillé avec l'approche médiatique pour rejoindre à la fois les hommes et les femmes pour signifier ce déficit démocratique dans lequel on se retrouve ? on ne le disait pas comme ça, là, mais c'est ce que ça voulait dire ? avec plein de femmes et d'hommes qui ont fait des entrevues. Vous l'avez peut-être vu, à ce moment-là, ça a été comme une réussite qui a traversé le Québec, et on en était bien fières. Mais tout ça pour dire qu'on reste convaincues que ce changement-là doit venir des femmes elles-mêmes.

Mme Courchesne: Ça n'arrive pas beaucoup. Ça n'arrive pas bien vite.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Bien, moi, je laisserais la chance à la coureuse. Je pense qu'on est beaucoup à courir, et des hommes et des femmes, actuellement, dans les régions, pour travailler justement à ces changements-là. C'est sûr que, ce qui est arrivé au niveau de la structure, avec la loi n° 34 et les CRE, on a perdu des plumes sérieusement, nous. On s'est retrouvées avec quatre femmes qui siègent à la CRE dont trois proviennent de la société civile parce qu'on a travaillé très fort pour influencer toute la société civile gaspésienne et des Îles pour faire en sorte que des femmes soient présentes, mais...

Il y a peut-être là des mesures spécifiques, oui, à mettre en place. Et je pense que le réseau des tables en tout cas veut travailler vraiment avec Mme Normandeau et avec vous, Mme Courchesne, pour faire en sorte qu'il y ait des mécanismes qui... par exemple que des conseillères puissent siéger à la CRE, que ce ne sera pas uniquement des maires. Parce que, là, on vient d'attendre un autre 10 ans. Mais en tout cas, moi, je pense qu'il faut laisser le temps aux mentalités de changer, il faut permettre à ces mentalités de changer et il faut aussi permettre aux femmes de prendre conscience de cette ? comment je dirais ça? ? cette responsabilité qu'elles ont de faire partie du développement de leur région.

Mme Courchesne: M. le Président, je voudrais laisser ma collègue poser une question. Mais, en vous quittant, je veux vous dire, et vous rassurer, que vous ne la perdrez pas, votre agente professionnelle en Gaspésie. Je vous l'assure, vous ne la perdrez pas.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Fiou! O.K. Je vous prends au mot.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, après cette promesse...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Courchesne: Engagement.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée de Soulanges, vous avez une question?

Mme Charlebois: Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue à la commission. Effectivement, c'est rafraîchissant et très positif de vous avoir entendue parce que vous faites votre présentation, comme le disait M. le président, avec le sourire, mais aussi ce sont des propos qui sont faits avec sérénité et objectivité, je pense, dans votre mémoire.

Pour faire suite aux propos que vous teniez avec la ministre, moi aussi, j'aimerais bien voir s'activer les choses. Et je vous entends quand vous dites qu'il faut laisser le temps aux femmes d'intégrer et de prendre conscience de leurs responsabilités. Mais est-ce qu'on ne devrait pas, avec les trois approches qu'on propose, là, garder l'approche spécifique, transversale? Je sais que vous faites un petit jeu de mots avec «transversale» et «sociétale». Mais, moi, je pense que prendre les trois approches de front... Et l'approche sociétale, c'est parce qu'on va faire intervenir plusieurs acteurs sociaux et il y aura une... Il faut toucher toutes les couches de la société et tous les âges.

Hier, j'expliquais, en commission... C'est un exemple banal, mais il n'en demeure pas moins que ça part de l'enfance d'un enfant et jusqu'à la vie d'adulte, peu importent les sexes. J'ai un fils de 22 ans, puis à l'époque c'étaient les bébés Bout d'chou, là, pour les enfants. Je ne sais pas si vous vous souvenez. Et je me rappelle très bien ? mon enfant avait un an ou deux ? avoir acheté un bébé Bout d'chou qui s'appelait Harvey. Je me disais: Autant qu'une petite fille peut avoir un petit bébé Bout d'chou... Vous auriez dû voir les commentaires que j'ai eus. Ça a été... Mais, s'il y avait une approche sociétale où on assied plein d'intervenants qui se questionnent justement à partir de l'enfance aller jusque... sans négliger les deux autres approches, hein...

Mme Forest (Marie-Thérèse): Mais je pense qu'on dit exactement la même chose. C'est-à-dire que, dans la mesure où on travaille à la transformation des rôles sociaux, de là va découler une responsabilisation et une volonté ferme des femmes de faire partie de la structure décisionnelle. Parce qu'on vient travailler sur les rôles sociaux, on vient travailler sur la conciliation travail-famille, on vient travailler sur la responsabilisation, on vient travailler sur les petits gars qui ont tout à fait le droit d'avoir des Bout d'chou, autant que des petites filles.

Mme Charlebois: Qui vont avoir des enfants.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Alors, je pense qu'on va arriver à un... Mais d'après moi, si...

n(17 h 40)n

Ça fait juste cinq ans qu'on a vraiment, dans les régions, cette confiance, grâce au programme À égalité pour décider, cette confiance de travailler concrètement à l'accès des femmes aux postes décisionnels. Alors, je me dis, laissons le temps... Et je pense qu'il y a mille et un moyens d'inventorier. On fait de la magie avec rien. Moi, je pense qu'il y a là en tout cas une approche spécifique tout à fait importante, convenable, qu'on doit maintenir. Mais je suis d'accord avec vous qu'à l'école, là, il doit y avoir un changement de mentalité qui doit se faire, et ce, de la part de tous les intervenants et intervenantes, particulièrement des ministères.

Mme Charlebois: C'est là que je pense que l'approche sociétale peut faire une différence. Parce que, même si on dit qu'il y en avait une partie déjà en oeuvre, de l'approche sociétale, créer une table, je pense que ça pourrait faire une différence. Ce serait un plus, à tout le moins, sans négliger les deux autres approches. Ça, j'y tiens, là.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Moi, je vous dirais que, les tables, en Gaspésie, aux Îles, on a toujours eu un peu peur de ça parce que c'est toujours compliqué pour nous de siéger à des tables qui se passent à Québec ou à Montréal. Mais je ne voudrais pas qu'on mette non plus une structure tellement lourde à cette approche sociétale qu'à un moment donné on y mette des bâtons dans les roues puis qu'on l'empêche d'être efficace.

Mme Charlebois: Mais il faudrait que ça se fasse dans chacune des régions justement, là, pour ensuite ramener le tout à Québec.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Il y a déjà plein de tables dans nos régions avec différents intervenants au niveau de l'éducation, au niveau...

Mme Charlebois: Qui traitent spécifiquement de la condition féminine?

Mme Forest (Marie-Thérèse): Non, mais on pourrait l'intégrer si ces tables-là avaient un mandat précis qui leur donnait...

Mme Charlebois: C'est ça que je veux dire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Ça vous convient?

Mme Charlebois: Oui.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci bien. Alors, je pense, en termes de problèmes que peuvent poser les interventions et les conversations aux femmes qui sont assignées à la transcription, que je vous demanderais de faire attention lorsqu'il y a des transitions entre les conversations, pour être bien sûr qu'on a un petit temps de pause pour qu'on puisse aider ces personnes-là.

Mme Charlebois: C'est parce qu'on est trop passionnés.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, oui. Très bien. Alors, merci. Alors, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Forest. Je vous revois avec beaucoup de plaisir et je vois que vous avez toujours la même ardeur et que vous défendez... Moi, quand je pense à la condition féminine en Gaspésie-Les Îles, je pense à Marie-Thérèse Forest, c'est automatique.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Mais il y en a beaucoup d'autres.

Mme Caron: Mais par contre on s'est parlé plus souvent quand j'ai occupé d'autres fonctions et dans les différentes rencontres. Et, particulièrement le programme À égalité pour décider ? puis là, je le dis publiquement, là ? la Gaspésie?Les Îles, c'est une région qui a produit des outils extraordinaires: vidéos, guides, vous avez fait des rencontres, vous êtes allées partout, êtes allées rencontrer les dirigeants ? c'étaient surtout des dirigeants, quelques dirigeantes ? qui étaient déjà dans les postes décisionnels pour expliquer aussi. Donc, vous avez fait un travail extraordinaire.

Oui, le programme À égalité pour décider, je pense que c'est important de le maintenir. Cette année, on a ajouté un volet national, puis c'était aussi dans nos intentions, là, d'apporter des modifications. Mais c'est sûr qu'en ajoutant un volet il faut rajouter des budgets, sinon c'est les groupes qui en bénéficiaient déjà dans les régions qui sont pénalisés. Alors, je pense que, ça, il faut apporter la cohérence, là, de nos décisions et une certaine ouverture, je pense, à ce que les projets puissent être travaillés en continuité, hein, qu'on n'ait pas à toujours reprendre, recommencer, puis qu'on puisse s'asseoir sur le travail qui a été commencé.

L'autre élément qu'il nous reste à faire de ce côté-là, je pense, c'est des mesures spécifiques. Parce que vous travaillez au changement des mentalités, autant chez ceux qui sont en poste que chez les femmes que vous souhaitez voir participer, mais, pour qu'elles participent, il manque l'autre bout, c'est que l'État, il doit avoir des mesures spécifiques pour les soutenir. Je donne juste un exemple en politique municipale. Bien, en politique municipale, là, pour participer, le coût d'une campagne électorale, aller chercher du soutien financier puis tout l'aspect services de garde, soutien qui n'est pas là, puis, dans les régions, le transport, parce que les distances sont extrêmement longues, donc c'est une réalité, je pense, qui peut aller dans les mesures spécifiques.

Vous avez très bien défini que, l'approche, là, transversociétale, comme vous l'appelez, vous la vivez vraiment. Et c'est vrai que vous l'avez vécue et c'est vrai que ça se fait comme ça dans les régions du Québec. Les gens ont travaillé de cette façon-là. Il s'agit de le reconnaître. Puis passer... Je ne peux pas ne pas le dire, là. Je l'ai dit beaucoup, je le sais, mais, dès que j'ai vu le dépôt de la loi n° 34, au caucus, je suis intervenue. Pour moi, c'était clair, là, qu'on venait de reculer au niveau de la représentation, et ça venait défaire des efforts importants. Passer de personnes qui siègent sur un conseil d'administration ? et, dans beaucoup de régions, avec un poste en condition féminine à un mandataire-conseil, là, ce n'est pas pareil, on s'entend.

Vous avez aussi extrêmement raison de préciser qu'il faut, pour l'implantation de l'ADS, il faut des délais d'adaptation puis il faut des budgets de formation, parce que souvent, quand on ne réussit pas bien, c'est qu'on confond analyse différenciée selon les sexes et juste des données ventilées. Et là, là, on peut faire les plus grandes erreurs, les plus grandes gaffes parce qu'on va interpréter tout à l'envers.

J'aimerais que vous me disiez. Puisque vous nous avez précisé que vous êtes sur le comité aviseur santé, comité aviseur Emploi-Québec, moi, j'aimerais savoir: Dans votre région, qu'est-ce qui arrive avec la stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine, qui est entrée... en 2001? Je n'ai pas vu de bilan. J'ai certains échos que, dans certaines régions, la stratégie n'est pas vraiment appliquée, les groupes spécifiques qui donnaient de la formation aux femmes sont coupés, sont moins là. Chez vous, qu'est-ce qui se passe?

Mme Forest (Marie-Thérèse): Alors, chez nous, il n'y a pas de groupe spécifique qui travaille dans la formation des femmes. Il n'y en a pas. Et, s'il y en avait, on rit toujours en disant: Est-ce que le bureau serait à Cap-aux-Meules, à Gaspé ou à Carleton, tu sais? Bon. Alors ça, il n'y en a pas, mais on est en train actuellement de monter un projet, conjointement avec la CRE de la Gaspésie et des Îles, pour avoir une personne qui serait engagée, et qui serait porteuse des métiers non traditionnels ou traditionnellement masculins, et qui pourrait faire bénéficier de tous ces outils qui existent au Québec, et qui pourrait travailler de concert avec les différents intervenants, intervenantes.

Mais, pour revenir à votre question sur la stratégie de la main-d'oeuvre féminine, on pose beaucoup de questions, on est très fatigantes, sauf que c'est un dossier qui passe en dessous de la fermeture de la Gaspésia, de la fermeture de la mine à Murdochville. Et même pour nous toutes les conditions de travail des travailleuses du crabe, ça passe avant la stratégie de main-d'oeuvre féminine. Je pense qu'on va comme à l'essentiel.

Puis, ce que Marie-Josée Noël, d'Emploi-Québec, et Marc Groleau nous disent très souvent, c'est: On a l'impression d'éteindre des feux tout le temps. Puis, nous aussi, par ricochet, tout le mouvement des femmes, on a l'impression d'éteindre des feux quand les travailleuses du crabe sont en grève ou quand il y a des questions qui touchent plus spécifiquement les femmes.

Mme Caron: Effectivement. Et tantôt vous nous parliez qu'il y avait des nouveaux créneaux, des créneaux d'excellence, de possibilité d'emplois qui sont davantage occupés par les hommes, et je pense que c'est là que la stratégie d'intervention, à l'égard de la main-d'oeuvre féminine, devrait intervenir. Puis votre idée, là, d'avoir une personne qui serait sur le non-trad ? parce que souvent c'est du non-trad pour ces... ils ne vont pas dans ces créneaux-là ? donc pourrait essayer de les amener dans les différents créneaux d'excellence, je pense que c'est une excellente idée.

n(17 h 50)n

Mme Forest (Marie-Thérèse): Bien, on a eu l'assurance qu'Emploi-Québec régional serait partenaire d'un projet de ce type-là. On a eu l'engagement tantôt qu'on ne perdrait pas notre répondante au CSF puis on a eu l'engagement la semaine dernière qu'Emploi-Québec serait partie prenante d'un tel projet parce que ça tombe sous le sens.

Mme Caron: Oui. Oui. D'ailleurs, nos répondantes du Conseil du statut de la femme, nous étions en attente, votre région et la mienne, n'est-ce pas? Vous avez eu la vôtre avant, et j'en étais très contente pour vous. Et je pense que, oui, on vient de les avoir, donc c'est important qu'on puisse les garder.

Une dernière question avant de passer la parole à ma collègue. Au niveau de la Marche mondiale des femmes, je pense que vous avez fait un point important: le suivi. Cette année, c'est une année importante, et je pense... Et là je plaide, moi aussi, auprès de la ministre ? j'ai déjà plaidé en privé, je replaide publiquement ? sur l'importance d'accorder les budgets nécessaires pour le suivi de la Marche mondiale des femmes. J'ai encore vu un petit texte sur mon bureau, ce matin, à l'effet que le besoin est toujours là et qu'on est toujours en attente d'une réponse parce que c'est une année charnière. Elle est importante. C'est une année où il va y avoir des événements, là, à partir du mois de mars, partout dans les pays qui ont fait la marche. Donc, merci de l'avoir rappelé.

Puis, grossesses précoces, importance au niveau de l'éducation, c'est vrai. Il y a des conséquences à très long terme. Il y avait un plan de prévention des grossesses précoces qui était prêt, qu'on avait travaillé avec l'Éducation, Justice, Santé. On avait choisi la photo. C'est important qu'on puisse le mettre en application. Et, dans votre région, je sais que c'est important, le nombre est très élevé et c'est des facteurs de pauvreté à long terme. Alors, je laisserais...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, Mme la députée de Terrebonne. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Très brièvement. Je vous félicite aussi pour la qualité de votre mémoire et de votre présentation aussi qui était très pédagogique. On a besoin d'être nourris aussi comme décideurs politiques, et je pense que vous le faites très bien.

Je vais venir sur le débat que vous avez eu déjà, là, sur la question d'À égalité pour décider, le projet À égalité pour décider, et les statistiques auxquelles vous faites référence dans votre document, et les recommandations que vous faites. Je ne sais pas si je fais des liens qui sont un petit peu étirés. Vous me le direz. Vous allez voir à partir de mes affirmations.

Alors, d'abord, dans les statistiques, vous dites: Les femmes ne sont globalement pas plus présentes dans les lieux de pouvoir qu'en 1997 ? nous sommes en 2005, hein? ? et vous avez dit à quelques reprises, bon, qu'il faut laisser le temps au temps finalement et pas nécessairement forcer la note. Par contre, vous dites, à la page 13, sur la troisième orientation quant à l'augmentation du nombre de femmes siégeant aux instances décisionnelles: «L'État doit être volontaire et prêcher par l'exemple.» Qu'est-ce que vous suggérez concrètement? Et est-ce qu'il y aurait... Et, moi, je vais y aller de façon pointue: Est-ce qu'il n'y aurait pas des amendements à apporter, par exemple, à la loi n° 34 sur la constitution des CRE, qui a non seulement évacué la société civile, mais qui a évacué aussi le monde de l'éducation, hein? C'est simplement si les conférences décident d'introduire le monde de l'éducation qu'on comptera sur leur présence. Alors, je voudrais vous entendre sur cette question en particulier, sur l'État qui doit être volontaire et prêcher par l'exemple. Je vous amène à la loi n° 34, mais peut-être aviez-vous en tête d'autres idées.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Bien, je peux aller du côté de la loi n° 34, vous expliquer une réalité dans laquelle on patauge quotidiennement. Comme je disais tantôt à Mme Courchesne, il y aura peut-être lieu d'avoir des amendements en termes d'avoir des conseillères qui puissent siéger en lieu et place des maires pour favoriser, bon, la parité. En tout cas, nous, on partirait de quatre pour se rendre à plusieurs, mais enfin c'est peut-être plus...

Mme Marois: Autrement dit, vous en êtes très loin actuellement? C'est ce que je comprends. D'accord.

Mme Forest (Marie-Thérèse): Actuellement, on est très loin de la parité. Mais il y aurait moyen de favoriser une meilleure égalité en ayant des mesures comme celle-là qui permettraient à des femmes de siéger. Sinon, bien, on attend les élections municipales, peut-être 2009, parce que 2005... On espère avoir davantage de conseillères, mais des femmes qui se présentent directement à la mairie sans passer par le poste de conseillère, souvent elles sont très mal vues dans le milieu, comme un homme d'ailleurs qui se présenterait à la mairie sans avoir été au conseil municipal au moins durant un mandat. Bref, ça veut dire qu'on reporte encore la présence des femmes dans cette structure fort importante de gouvernance régionale qui a de plus en plus d'importance.

En tout cas, je vous inviterais à écouter les nouvelles régionales pendant une semaine et à compter le nombre de fois que le mot «CRE» est prononcé, et vous verriez que c'est assez énorme. Tu sais, c'est un gouvernement régional qui est mis en place; bien, on doit en tout cas repenser une forme de structure pour à la fois y intégrer davantage la société civile, parce que quelle lourde perte! Et même les élus municipaux en ont convenu chez nous. Je veux dire, quand même... et aussi ? c'est ça ? augmenter le nombre de femmes, définitivement.

Mme Marois: Je vous remercie beaucoup de votre témoignage et de vos commentaires.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Je comprends qu'il n'y a plus de question du côté de l'opposition. Alors, ceci met un terme à votre témoignage, Mme Forest. Je vous remercie beaucoup. Vous étiez le porte-parole de la Table de concertation des groupes de femmes de la Gaspésie et des Îles. Merci beaucoup. J'ajourne les travaux la commission jusqu'à demain matin, 9 h 30, même salle. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 57)

 


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