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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 24 août 2005 - Vol. 38 N° 147

Consultation générale sur le document intitulé Politique du médicament


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, s'il vous plaît, si vous voulez prendre place. Je constate qu'on y est. Alors, il me fait plaisir d'ouvrir cette nouvelle séance de la Commission des affaires sociales qui est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Politique du médicament.

Je rappelle, pour celles et ceux qui feraient usage de téléphones cellulaires ou de téléavertisseurs, de bien vouloir mettre ces appareils hors tension pour la durée de la séance, s'il vous plaît.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Charbonneau (Borduas) remplace Mme Champagne (Champlain).

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Merci. Alors, à l'ordre du jour, ce matin, nous allons rencontrer le groupe Familiprix, ensuite Diabète Québec, ensuite le Collectif pour un Québec sans pauvreté, et nous allons suspendre les travaux vers 12 h 30 pour les reprendre vers 2 heures, heure à laquelle je donnerai l'ordre du jour pour la deuxième partie de cette séance.

Auditions (suite)

Alors, la commission accueille M. Albert Falardeau, président de Familiprix, Claude Gariépy et M. Richard Nadeau. Alors, je reconnais M. Falardeau au centre, parmi nos invités, M. Gariépy à ma gauche et M. Nadeau à ma droite. Alors, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire et que suivra une période d'interaction avec les parlementaires. Alors, nous vous écoutons, et je cède la parole à M. Albert Falardeau.

Familiprix inc.

M. Falardeau (Albert): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, mesdames messieurs, permettez-moi, même si M. le président nous a présentés, de présenter mes collègues de Familiprix: à ma droite, Claude Gariépy, vice-président exécutif et chef de la direction; à ma gauche, Richard Nadeau, pharmacien, vice-président à la commercialisation et aux services professionnels. Pour ma part, je suis président de Familiprix, mais je suis aussi un pharmacien et j'exerce ma profession en milieu rural, dans l'Est du Québec.

Nous voulons d'abord vous remercier de nous donner la possibilité de vous présenter notre point de vue sur le projet de la politique du médicament et plus particulièrement sur certaines propositions ministérielles.

Qui est Familiprix? Familiprix est distributeur de produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques, propriété de ses pharmaciens affiliés à la bannière Familiprix et de ses employés. L'entreprise a démarré ses activités à Rivière-du-Loup. Le siège social est maintenant situé à Québec et emploie directement et indirectement 250 personnes. Le réseau de ses 268 pharmacies s'étend à la grandeur du Québec, à l'exception de la région de l'Abitibi où nous ne sommes pas encore implantés. 123 de ces pharmacies sont situées en milieu rural. Quand je dis «en milieu rural», j'exclus le principe régional. Pour moi, Rimouski, c'est régional. Squatec, Saint-Paul-de-Montminy, c'est rural. Et, pour 89 d'entre elles, ces pharmacies représentent la seule ressource pharmaceutique accessible dans leur milieu, et dans plusieurs cas le pharmacien est le seul professionnel de la santé à prodiguer les services à la population du village.

À titre de premier grossiste à se présenter devant la commission parlementaire, permettez-nous d'exprimer notre surprise et notre questionnement au sujet de la publication, dans la Gazette officielle du Québec, le 27 juillet 2005, d'un projet de règlement visant à modifier la limite maximale de la marge bénéficiaire qui régit les grossistes en médicaments, et ce, avant même notre présentation d'aujourd'hui. Nous comprenons cependant de l'exercice de ce matin que la décision du ministre n'est pas finale et qu'il est toujours dans son intention d'apporter, s'il y a lieu, des modifications à ce projet de règlement, compte tenu des travaux de cette commission.

Nous voulons d'abord réitérer notre appui à l'égard de cette Politique du médicament et de ses quatre axes de développement. Nous croyons cependant que, dans le premier chapitre concernant l'accessibilité aux médicaments, il manque certainement un aspect important à cet accès, celui d'avoir le médicament nécessaire au bon moment et au bon endroit, et ce, partout au Québec, autant en milieu rural qu'en milieu urbain. C'est précisément le rôle que nous jouons actuellement à titre de grossiste distributeur, lequel rôle a d'ailleurs été reconnu dans le passé par plusieurs intervenants du monde de la santé devant le Conseil consultatif de pharmacologie qui, en novembre 2002, écrivait, et je cite: «Il y a aussi des avantages pour la population à ce que le gouvernement utilise les services des grossistes pour la distribution des médicaments. Ainsi, les gens ont la garantie d'avoir accès, partout et en tout temps, à la gamme complète de médicaments dont ils ont besoin par l'entremise du réseau des pharmacies. Les clients des régions éloignées du Québec ont aussi l'assurance qu'ils ne sont pas pénalisés par des coûts additionnels de transport, des délais de livraison et des minimums de commande trop élevés. En utilisant les services des grossistes en médicaments, le gouvernement voit aux intérêts de la population.» Fin de la citation.

En ce qui concerne les autres chapitres inclus à ce projet, nous soutenons également l'énoncé concernant l'établissement d'un prix juste et raisonnable sans souscrire à la façon de faire qui est suggérée à la proposition ministérielle n° 16 et à laquelle nous reviendrons. Nous offrons notre pleine collaboration pour participer à l'utilisation optimale du médicament et nous avons d'ailleurs déjà mis en place des programmes en pharmacie qui visent ce même objectif. Nous voulons cependant noter au ministre que, dans le quatrième chapitre, soit de maintenir une industrie pharmaceutique dynamique, celui-ci doit inclure à cette industrie un réseau de distribution équilibré et en santé, car c'est ce réseau qui procure à la population un accès à la médication sur une base régulière et constante dans toutes les régions du Québec.

Nous tenterons par nos commentaires d'éclairer la commission sur quelques points importants de cette politique et d'apporter nos recommandations concernant certaines propositions de cette Politique du médicament.

J'en suis rendu à la proposition ministérielle n° 16 et je demanderais à mon collègue M. Gariépy de vous entretenir sur la proposition.

M. Gariépy (Claude): Tout d'abord, M. le Président, permettez-moi d'exprimer notre désaccord sur deux points qui sont contenus dans l'énoncé de cette proposition. Le premier point, c'est la limite maximale de la marge bénéficiaire permise, soit fixée à 6 %. Le deuxième point, c'est l'énoncé qui dit que la disparité, dans la marge bénéficiaire des grossistes, ne correspond pas nécessairement à un niveau différent de services. Ce sont les deux points dont je vais traiter dans les prochaines minutes.

Commençons par la limite de la marge bénéficiaire. Tout d'abord, il est important de noter que la marge bénéficiaire de 7,15 % est une marge brute, avant toute dépense, et non un profit. Alors, dans le monde des affaires, normalement, quand on utilise la marge bénéficiaire, c'est un profit. Ici, on parle d'une marge brute, avant toute dépense pour l'entreprise. Cette marge de 7,15 % ne s'applique qu'aux médicaments novateurs, ce qui représente 80 % des ventes médicaments pour Familiprix. Pour ce qui est de l'autre 20 %, l'entreprise retire une marge de 5 %, toujours une marge brute, pour les médicaments génériques, et cette marge-là, en passant, n'est pas défrayée par le gouvernement mais plutôt par les compagnies de médicaments génériques. De plus, l'entreprise retire 20 $, soit un frais fixe, qui représentent à peine 2,25 % des ventes, pour tous les médicaments de plus de 400 $. Donc, au total, la marge brute réelle qui est attribuée à Familiprix pour distribuer les médicaments n'est pas de 7,15 % mais plutôt de 6,1 %. Cette marge est constamment en baisse, année après année, avec la croissance plus rapide des produits à faible marge, c'est-à-dire ceux que je viens de nommer, les génériques et les médicaments de 400 $.

Je vais vous donner un exemple très concret. Je sais que je suis un peu théorique, ce matin, je vais vous donner un exemple très concret. En février 2005, le médicament générique qui remplace le médicament Losec a été approuvé. Je vais vous donner un exemple de ce que ça fait chez un grossiste. Auparavant, Familiprix vendait 5 millions de Losec pour lesquels il retirait 7,15 % de marge. Depuis février, le 5 millions de Losec est rendu 1 million, et la différence a été comblée par un médicament générique pour lequel on retire 5 %, qui s'appelle l'Omeprazole, et donc on a perdu 4 millions de ventes à 7 % puis on a gagné 2 millions de ventes à 5 %.

Pour le gouvernement, c'est encore plus une bonne nouvelle, parce que non seulement la marge a baissé, mais, chez le Losec, le gouvernement payait la marge du distributeur, alors que, chez l'Omeprazole, c'est la compagnie générique qui paie la marge du distributeur. Donc, la réalité de la vie, c'est que pour le grossiste les revenus qui étaient générés par une molécule qui s'appelle le Losec sont passés de 350 000 $ l'année passée à à peine 180 000 $ cette année. Pour le gouvernement, c'est encore mieux parce que le revenu de 350 000 $ était payé par le gouvernement puis le 180 000 $ va être payé par la compagnie générique. Alors donc, c'est ce qui illustre que notre marge est constamment en baisse et qu'elle atteint 6,1 % et non pas 7,15 %. À ce titre, nous réitérons que la marge actuelle est loin d'être démesurée, compte tenu de l'ampleur des dépenses croissantes à assumer.

n (9 h 40) n

À la page 11 de notre mémoire, nous détaillons ces dépenses et nous démontrons que le profit net qui découle de la distribution de médicaments, chez Familiprix, est largement inférieur au profit qui est généré dans les industries similaires de distribution de biens essentiels et même au profit des autres grossistes qui ont un modèle d'affaires qui est très différent, lequel sera abordé un peu plus tard dans notre allocution. Depuis plusieurs années, les coûts d'opération n'ont cessé d'augmenter, alors que la marge bénéficiaire des différents produits, elle, était gelée.

Permettez-moi de noter que, dans le projet de règlement, à la page 34, on affirme que la marge bénéficiaire est demeurée la même au fil des ans. Cet énoncé n'est pas véridique, car, même si la marge par produit est demeurée la même, le résultat global, tel que déjà expliqué, est constamment à la baisse parce qu'il est poussé par des produits à faible marge, qui sont les génériques et les 400 $.

Un autre exemple à vous donner: dans les 12 derniers mois se terminant en juillet 2005, au Québec, les dernières données d'IMS nous disent que les médicaments génériques ont augmenté, en dollars, de 14 % alors que les novateurs ont augmenté de 1,5 %. Alors, une très bonne nouvelle pour le gouvernement, puisqu'ils viennent sauver de la marge aux grossistes. Mais pour les grossistes ça veut dire que le 14 % de ces ventes-là est fait à 5 % alors qu'auparavant on faisait ça à 7,15 %. Donc, on est constamment tirés par le bas par des médicaments qui procurent une marge inférieure.

Il est vrai que, ces dernières années, la forte croissance du nombre de prescriptions ainsi que l'inflation des nouveaux médicaments avaient permis à Familiprix de continuer à assurer un service adéquat dans les régions desservies. Au cours de la dernière année, ces conditions ont largement changé. De nouvelles demandes onéreuses de Santé Canada concernant la distribution des médicaments, alliées à des coûts d'opération qui explosent avec les prix de l'essence, font en sorte que les coûts montent très rapidement.

Du côté des revenus, les dernières données encore une fois d'IMS Health Canada nous démontrent que la croissance du nombre de prescriptions, au Québec, est passée de 8,6 %, dans les 12 derniers mois qui se terminaient en juillet 2004, à 3 % dans les 12 mois qui se terminent en juillet 2005. De plus, l'inflation est maintenant presque nulle avec la générisation accélérée des molécules et aucune introduction de nouvelles molécules novatrices importantes. Fixer un plafond de marge avant dépenses ? et je recite, avant dépenses ? de 6 % sans tenir compte des conditions de marché qui évoluent rapidement est arbitraire, inéquitable et inacceptable pour nous. Accéder à la demande du ministre de réduire notre marge brute compromettrait grandement le niveau de services qui est offert par les grossistes aux pharmacies du Québec et plus spécialement pour celles situées en milieu rural, soit l'essentiel de la clientèle de Familiprix.

Familiprix n'opère qu'au Québec et à ce titre elle se voit privée de revenus de ristourne ou rabais de compagnies pharmaceutiques qui sont permis à l'extérieur du Québec. De plus, la vente de médicaments, chez Familiprix, ça représente 78 % de nos ventes totales, contrairement à 50 % pour d'autres grossistes. Pourquoi? Encore une fois, parce qu'on a la particularité de servir de petites pharmacies dans des localités rurales. Accepter une telle mesure mettrait en péril la viabilité de ses opérations et des 250 emplois générés par Familiprix à Québec. De plus, cela pourrait favoriser une concentration indue de la distribution des médicaments au Québec, ce qui ne servirait sûrement pas les intérêts des citoyens. La concentration de la distribution entre les mains de quelques entreprises ayant leur centre de décision hors Québec est déjà une réalité dans d'autres domaines, exemple celui de l'alimentation d'où je proviens. Tous les intervenants du milieu s'accordent à dire que ce n'est souhaitable pour personne. Est-il du désir du gouvernement de créer une telle situation dans le monde de la santé? C'est à bien y penser.

Je veux maintenant aborder la disparité. La disparité, on dit dans l'énoncé que la disparité dans la marge ne correspond pas à un niveau différent de services. Avec respect, nous sommes en désaccord avec l'énoncé. En raison des créneaux de chacun et des modes d'opération et de rémunération de leurs services, il existe des disparités importantes entre les grossistes qui sont présents au Québec. Les différences sont basées sur les zones de distribution qui sont couvertes, tant en milieu rural qu'en milieu urbain, la fréquence des livraisons, la variété des produits en inventaire, le volume des livraisons, qui est relié au genre de pharmacies desservies, ainsi que la mission des entreprises, qui génère des formes de rémunération autres que celles procurées par le taux de distribution. Exemple, certains grossistes touchent également des revenus de franchiseurs en sus de leurs revenus de grossistes.

En 1992, lors de l'adoption de ce règlement, la volonté gouvernementale était d'accorder une marge bénéficiaire équitable qui corresponde aux coûts réels d'opération, et ça, c'est les dires du ministre libéral de l'époque. Les disparités que je viens de vous énoncer, basées sur les différents critères que je vous ai cités, généraient des coûts d'opération différents, et cela était reflété dans les propositions qui ont été soumises par les grossistes en 1992. Dans notre mémoire, à la page 6, nous indiquons qu'il existe selon nous quatre groupes de grossistes qui ont des caractéristiques fort différentes. Familiprix fait partie de ceux qui offrent un service complet, à chaque jour, de l'ensemble des produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques, et ce, à tous les clients, qu'ils soient situés en milieux urbains ou ruraux, sans distinction de niveau de services. C'est ce qui procure, M. le ministre, un réel accès à la médication. Mais cela a un coût.

Il est évident que ce coût, tel qu'expliqué à la page 11 de notre mémoire, est supérieur à ceux qui ne livrent qu'une variété limitée de produits ou qui ne sont intéressés qu'à desservir des succursales à fort volume à Montréal, à Québec, à Trois-Rivières, à Sherbrooke mais qui n'ont pas nécessairement l'intérêt de se rendre à Squatec, dans le Bas-du-Fleuve, à Ham-Nord, dans les Bois-Francs, ou à Chute-aux-Outardes, sur la Côte-Nord, pour desservir la pharmacie, et souvent l'unique pharmacie de cette localité, qui a un petit volume. Familiprix dessert 123 pharmacies dans cette situation. Ces coûts d'opération plus élevés nécessitent un revenu adéquat. Il est dans l'intérêt des citoyens du Québec de voir à ce que ces médicaments soient disponibles dans ces régions comme aux centres-villes, d'autant plus que ces revenus n'engendrent pas de profits excessifs comparativement à nos compétiteurs ou à d'autres entreprises de distribution de biens essentiels.

Quant à la disparité entre grossistes, un dernier point. La commission devrait sérieusement se pencher sur la définition d'un grossiste et se questionner sur la pertinence de permettre à ceux qui agissent à titre privé, pour seulement leurs pharmacies en propre, dans une seule région urbaine, de retirer un revenu de grossiste du gouvernement du Québec.

Pour ce qui est de la proposition ministérielle n° 16, Familiprix recommande au ministre de conserver le taux actuel de Familiprix parce qu'il est plus que justifié par les différences importantes que je viens de vous présenter. Dans l'éventualité où le ministre maintiendrait la proposition de 6 %, il met en péril le principe de l'égalité des services, peu importe le lieu de résidence au Québec, il attaque la viabilité des grossistes qui sont strictement québécois, qui n'ont pas accès à d'autres revenus, et expose ainsi le système de santé à une concentration non souhaitable de la distribution des médicaments au Québec.

Quant à notre position concernant les médicaments de 400 $ et plus, dans notre mémoire, il est important de comprendre que nous acceptons la proposition ministérielle de 24 $ seulement si celle-ci est reliée à un statu quo de 7,15 % de la marge actuelle. Alors, ce sont des vases communicants, bien évidemment. Sinon, Familiprix recommande de hausser le tarif applicable à ces médicaments à 5 % du prix, soit le même tarif que lors de l'introduction de cette mesure. Il faut comprendre que, lorsque cette mesure a été introduite, le 20 $ provenait de 5 % d'un médicament à 400 $. Aujourd'hui, le médicament à 400 $ ne coûte pas 400 $, la moyenne de ces médicaments coûte 780 $. Donc, c'est notre position pour ce qui est des médicaments à plus de 400 $.

Je recède maintenant la parole à mon collègue pour vous parler de la formation continue.

n (9 h 50) n

M. Falardeau (Albert): Merci, Claude. Pour la proposition ministérielle concernant la formation continue, M. le ministre, nous croyons que dans le passé les universités, l'Ordre des pharmaciens du Québec ainsi que les chaînes et bannières du Québec ont collaboré étroitement afin de procurer aux pharmaciens et pharmaciennes du Québec une formation continue d'une grande qualité. D'après nos sources, il semble que le grand public a toujours démontré un haut degré de satisfaction quant aux services rendus par les pharmaciens communautaires, et peu ou pas de plaintes sont émises par les patients quant à la compétence de leurs pharmaciens. Nous en concluons que les programmes de formation continue mis en place sont adéquats et procurent aux patients le niveau de conseil tant attendu de leurs pharmaciens.

Il est important de noter que, selon l'annexe 2 de notre mémoire, les sujets traités lors de nos formations ne touchent pas des produits spécifiquement mais concernent plutôt des traitements, des informations sur des pathologies ou des catégories de médicaments, et de ce fait nos formations ne sont pas teintées d'influences de fabricants ou de tout autre intervenant commercial du milieu pharmaceutique. Par conséquent, Familiprix ne voit pas la pertinence de créer une entité gouvernementale additionnelle pour des services qui sont déjà offerts, et qui fonctionnent très bien, et qui de plus répondent aux besoins du marché.

Je vais passer immédiatement la parole à mon collègue, puisque le temps nous manque, pour la proposition 26.

M. Gariépy (Claude): Proposition 26 qui concerne l'établissement des règles claires pour entourer les pratiques commerciales de l'industrie. Familiprix approuve la volonté ministérielle d'encadrer ces pratiques commerciales pour l'ensemble des compagnies pharmaceutiques. Cependant, si l'État désire que l'industrie atteigne le niveau de transparence souhaité, il est d'abord de son devoir de négocier rigoureusement afin d'obtenir et de fixer le juste prix que la société doit payer. S'il y a lieu, l'État doit permettre de recevoir des rabais volume qui seraient clairement identifiés et qui refléteraient des façons de faire plus efficaces, qui justifieraient de tels rabais.

En terminant... Excusez-moi. Alors, je vais replacer effectivement M. Falardeau pour la conclusion parce qu'on va couper un petit peu.

M. Falardeau (Albert): On va aller rapidement à la conclusion, puisque... Nous remercions le président de la commission, le ministre de la Santé et des Services sociaux ainsi que les membres de la commission parlementaire sur la Politique du médicament de considérer la position de Familiprix dans ce dossier de première importance pour la société québécoise et l'industrie pharmaceutique et des grossistes. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci beaucoup. Je suis désolé, l'horloge est impitoyable. Cependant, vous aurez l'occasion sans doute d'aborder les sujets que vous auriez aimé aborder précédemment dans les blocs suivants. Alors, je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bienvenue, MM. Falardeau, Gariépy et Nadeau. Merci pour votre présentation qui s'adresse à des points importants de la Politique du médicament, le projet de politique du médicament. C'est pour ça qu'on est ici, pour en discuter. De même que le règlement est au stade de la prépublication, il est encore très loin de son adoption définitive par le Conseil des ministres. Alors, tout ça est à relier. De la même façon qu'on a des interventions sur la politique, les interventions que vous faites sur la question des grossistes, dont je vais discuter principalement avec vous, sont également prises en considération en tant qu'interventions sur le projet de règlement tel que prépublié actuellement à la Gazette officielle.

La question de la marge des grossistes, évidemment vous présentez un point de vue qui est intéressant, et on va le développer. Cependant, je vais revenir en arrière pour peut-être aider les collègues et la population qui nous écoute à comprendre de quoi on parle, parce que j'imagine que le citoyen, là, qui écoute tout ça, il doit se demander: Mais de quoi donc ces gens parlent-ils? Alors, il s'agit bien sûr de permettre à un grossiste ? il existe des grossistes en médicaments, comme il existe des grossistes en alimentation ou dans d'autres types de ventes ? de limiter ou de définir sa marge de bénéfice. Alors, en 1993, cette marge maximale a été fixée à 9 %, et là le problème, c'est qu'en 1994, lorsque la politique de gel des prix a été instaurée ? initialement pour un an, mais on sait qu'elle s'est prolongée jusqu'à maintenant ? ça a également figé, si on peut dire, les marges bénéficiaires des différents grossistes à différents niveaux. Alors, ça varie, là, comme vous le savez, de façon importante, sur le marché québécois, actuellement: je n'ai pas les chiffres devant moi, mais disons, grossièrement, entre un peu plus de 5 % et 8 %, là, dans certains cas ou près de 8 %.

Alors, avant d'arriver à votre argumentaire, voyons l'argumentaire de vos collègues et concurrents, qui, je dois dire, ont des arguments valables, où ils disent que cette congélation des marges bénéficiaires à un niveau de disparité assez important n'a pas de relation véritablement ? et là c'est un point qui est en contradiction avec ce que vous présentez ? n'a pas de relation avec la variété du service. Ce que vous dites est logique. Vous dites que peut-être faudrait-il ajuster la marge bénéficiaire aux types de services fournis par l'entreprise. Or, on nous indique ? et nous n'avons pas vraiment d'argument pour en douter actuellement ? que peut-être que ce n'est pas le cas pour votre entreprise, mais, si on regarde le reste de la disparité, il n'est pas clair qu'il y a un lien entre le niveau de services offerts par le grossiste et la marge bénéficiaire à l'endroit où elle se situe.

Par ailleurs, il semble que ça mène à des situations difficiles de maraudage entre les différents grossistes et entreprises verticalement intégrés ? on ne les nommera pas, on les connaît tous ? et ça également, ça présente des difficultés.

Et, troisièmement, il y a le problème que vous avez avec justesse souligné à la fin de votre intervention, qui est la définition très floue du statut de grossiste. C'est quoi, un grossiste en médicaments? On ne nommera pas l'entreprise dont vous avez décrit l'activité récemment, mais il existe effectivement un très petit groupe de pharmacies, qui opère seulement dans une région du Québec, qui a eu la bonne idée de se donner un statut de grossiste en plus sans offrir aucun service ailleurs que dans cette petite région, et à un très petit nombre de pharmacies, et là ça pose un problème d'équité assez important. Alors, je crois comprendre que votre proposition est de ne pas fixer une marge bénéficiaire uniforme, comme nous le proposons dans la Politique du médicament, mais de permettre la modulation selon que l'entreprise offre ou non des services en milieu rural, selon que l'entreprise offre ou non des services à valeur ajoutée et selon que l'entreprise offre ou non l'entière gamme des services pharmaceutiques, l'entière gamme des services. C'est bien, je comprends, mais en pratique comment qu'on fait ça?

M. Gariépy (Claude): Je dois vous ramener à la structure qu'on a présentée dans notre mémoire et qui vient dire dans le fond que selon nous c'est assez facile de grouper les services, les gens selon les critères qu'on a donnés ici. C'est-à-dire, on regarde l'étendue de la distribution, c'est-à-dire qui touche et rural et urbain, on regarde également la variété complète des produits qui sont à la liste, hein? Vous avez une liste qui s'appelle le formulaire du Québec, alors donc la variété complète des produits. Et puis après ça je pense que les catégories sont assez claires. Il est assez clair qu'il existe, au Québec, des gens qui donnent un service complet, puis je pense que, dans notre document, on dit: Il y a trois grossistes au Québec qui offrent un service complet. Ils vont n'importe où puis, en plus d'aller n'importe où, ils offrent la liste au complet. Après ça, il y a deux autres grossistes qui, eux, ont décidé d'offrir seulement à leurs succursales. Fort volume, région urbaine seulement. Pleine variété, mais région urbaine seulement. Puis après ça il y a un troisième volet qui, eux, ont dit: Oui, on va partout, mais on a seulement les meilleures molécules, ce qui est toujours très agréable, en distribution, de distribuer seulement les «blockbusters».

Alors donc, je pense qu'il est assez facile, basé sur les critères que je viens de redire, là, c'est-à-dire la distribution complète... Êtes-vous prêts à aller à Squatec puis êtes-vous prêts à aller à Chute-aux-Outardes s'il y a quelqu'un qui vous appelle pour aller mener des produits là, alors la distribution complète du territoire québécois et non pas seulement faire les grandes capitales régionales? Les grandes capitales régionales, ça coûte beaucoup moins cher à livrer, puis, en plus que ça coûte moins cher, c'est que tu obtiens de meilleurs volumes par pharmacie. Alors donc, je pense que c'est assez facile d'établir des critères basés sur l'étendue de la distribution, la variété des produits et le désir de servir réellement à titre de grossiste pour donner l'accès à la médication un peu partout au Québec.

Puis, dans notre mémoire, le groupement qu'on fait là, il y a le quatrième groupement qui selon nous ne devrait même pas exister, là, qui est celui que vous venez de parler, qui contient deux grossistes maintenant, parce qu'il s'en est ajouté un. Et, en plus de s'en être ajouté un, je voudrais simplement mettre en garde la commission, à savoir que ce petit truc là, là, il peut faire boule de neige, hein? Parce qu'on a tous, dans nos chaînes, des gens qui ont huit ou 10 succursales et donc qui pourraient décider, eux autres aussi, de se dire: On va se faire un petit grossiste puis on va aller chercher le revenu de grossiste. Alors ça, c'est un danger non seulement présent, mais éventuel. Alors donc, on pense qu'il y a trois groupements, puis actuellement ces trois groupements-là reçoivent un traitement qui est assez équitable, peut-être à l'exception du premier groupement. Il y a une entreprise effectivement, là, qui pourrait se plaindre, mais ce n'est pas moi qui vais faire son débat. Mais c'est assez clair, la façon qu'on peut séparer les grossistes au Québec. Je pense que ce n'est pas si difficile que ça.

M. Couillard: Je me suis résigné, M. le Président, au fait que, quelle que soit la décision finale, il y a au moins une entreprise qui va se plaindre, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Mais, dans votre hypothèse, ce serait combien de catégories de grossistes, là?

M. Gariépy (Claude): Trois.

M. Couillard: Trois. Trois catégories. Donnez-nous un exemple des chiffres que vous attribueriez pour chacune des catégories.

M. Gariépy (Claude): Bien, nous, on pense qu'à ce moment-ci la catégorie des grossistes complets et dont nous faisons partie est justement rétribuée à 7,15 %. Et, je le redis, le 7,15 %, on accepte une baisse continuelle de notre marge, avec tout le marché qui change vers la générisation.

Et une des choses qu'on n'a pas parlé, c'est la générisation future également. Vous savez sans doute ? vous êtes plus à même, même, que nous de le savoir ? que, d'ici probablement deux ans, la molécule la plus importante du Canada sera générisée. Alors donc, pensez rien qu'à ce que ça fait dans les revenus de grossistes. Donc, sans toucher à nos revenus, sans même affecter nos revenus, notre 7,15 %, nos revenus de marge vont descendre d'une façon continuelle. Je ne sais pas si vous voulez...

Une voix: ...

n (10 heures) n

M. Gariépy (Claude): C'est de Lipitor que je suis en train de parler. Alors, d'ici deux ans, ce sera générisé. C'est à peu près de notoriété publique, là, que ce sera générisé. Alors donc, c'est la molécule la plus importante au Québec, en tout cas pour nous, comme grossistes. Et donc ce que je dis, c'est que, sans même toucher à notre taux, nous faisons un effort avec le gouvernement. On comprend qu'il y a des problèmes de coûts de santé et on fait un effort, parce que notre marge, elle baisse à chaque année, et il faut être de plus en plus efficaces pour réussir à être profitables. Alors, pour nous, on pense que le statu quo actuellement rémunère bien les entreprises qui font ce service-là... Correctement, je devrais dire. Pas bien mais correctement.

M. Couillard: Ici, fondamentalement, on discute de la façon dont on utilise l'argent de nos concitoyens pour payer les services pharmaceutiques et on voit de quelle façon cet argent peut être géré de la façon la plus efficace et équitable également. En termes globaux, est-ce que vous avez fait une évaluation pour le contribuable? Ça finit-u, votre proposition, par coûter plus cher, pareil ou moins cher que maintenant?

M. Gariépy (Claude): Actuellement, la proposition qu'on fait va coûter, au moment présent, égal mais constamment en baisse.

M. Couillard: En raison du transfert de produits vers...

M. Gariépy (Claude): En raison justement du transfert des produits.

M. Couillard: Mais pas en raison de la politique elle-même, en raison de l'ensemble du paysage des médicaments qui change.

M. Gariépy (Claude): Exactement. Exactement.

M. Couillard: O.K. La question du statut de grossiste, maintenant. On a parlé de ce quatrième groupe. Comment vous... Parce que, là, il faut être prudent, c'est des entreprises qui existent légalement. Il faut adopter une attitude qui est légalement correcte. Est-ce que vous avez réfléchi à la façon dont on pourrait définir le statut de grossiste ou les entreprises grossistes? On pourrait tourner ça également différemment, non pas définir le statut de grossiste mais définir les grossistes qui seraient reconnus comme tels par le gouvernement du Québec.

M. Gariépy (Claude): Écoutez, je pense qu'on devrait introduire deux notions. La première, c'est d'avoir la liste... Si on veut être payé pour être un grossiste par le gouvernement du Québec, on devrait, à tout le moins, tenir le formulaire du gouvernement du Québec dans nos entrepôts, hein? Alors ça, c'est le premier critère. C'est que, si on veut se qualifier comme grossiste, ils exigent déjà une liste de médicaments qui est publiée, qui est celle du formulaire. Alors, à tout le moins, on devrait demander à ces gens-là: Est-ce que vous tenez en entrepôt, de façon continue et constante, le formulaire du gouvernement du Québec? Ça, c'est la première question.

La deuxième question, c'est le nombre de clients. Si quelqu'un me dit qu'il dessert six clients, j'ai un problème avec ça comme définition d'un grossiste. À partir du moment où tu dessers plus de 200 clients, bien tu peux commencer à dire que tu as un service qui est une valeur ajoutée, parce que tes 200 clients ne peuvent pas se retrouver dans le même quartier. Alors donc, c'est sûr qu'à ce moment-là tu te déplaces puis tu vas porter les médicaments là où le consommateur éventuel du médicament en aura besoin. Quand on a six, ou sept, ou huit points de vente qu'on dessert puis qu'on peut les faire en taxi, je ne suis pas sûr que je peux appeler ça un grossiste. Ça n'a pas les notions de coûts qui viennent en arrière de ça.

Il faut se rappeler qu'en 1993, quand cette loi-là... pas la loi mais le règlement avait été mis en place, il y avait même, je crois ? parce que, moi, je n'étais pas présent et je dois marcher par ouï-dire ? mais il y avait même des gens du ministère qui, à ce moment-là, étaient venus vérifier les coûts d'opération de chacun des grossistes. Ils avaient posé la question, à ce moment-là, aux différents grossistes: Pourquoi vous avez demandé 7 %? Et pourquoi, vous, vous avez demandé 5 %? Et on devait justifier ce 7 % là. Alors donc, je pense qu'une telle justification éliminerait assez rapidement les gens qui ont trouvé une passe légale de faire un petit plus de cash.

M. Couillard: Est-ce que la notion de propriétaire grossiste devrait être conservée? Est-ce qu'on pourrait être encore propriétaire d'une pharmacie et grossiste?

M. Gariépy (Claude): Bien, écoutez, vous me posez une question qui est un peu un piège pour Familiprix parce que Familiprix est la propriété de 200 quelques pharmaciens. Alors, c'est sûr que, si j'étais un propriétaire unique qui possédait le grossiste et la pharmacie, je serais contre. Je pense que, chez Familiprix, il est vrai que les pharmaciens propriétaires sont propriétaires de leur grossiste. C'est un modèle d'affaires qui est un succès québécois d'ailleurs pas seulement dans la pharmacie. C'est ce qui a conduit à une entreprise comme Rona puis c'est ce qui a conduit à une entreprise comme Métro, hein, avec ses marchands, et Familiprix a le même modèle d'affaires. Alors, moi, je pense qu'à partir du moment où vous avez plus de 200 actionnaires, comme c'est le cas chez Familiprix, nous sommes une entreprise quasi publique, et je ne pense pas qu'il y ait un problème entre l'entreprise du grossiste et l'entreprise du pharmacien. Par contre, à partir du moment où on est un propriétaire unique des deux entités, il est évident qu'on devient une filiale à part entière.

M. Falardeau (Albert): Bien sûr, M. le ministre, je voudrais rajouter: si tous les actionnaires étaient égaux dans la société, vous pourriez vous poser la question. Un exemple, si, Familiprix, les 200 actionnaires avaient le même nombre d'actions, là on pourrait se poser la question. Mais, chez Familiprix, les actionnaires ne sont pas égaux, il y a des gens qui ont plus d'actions, d'autres moins d'actions. C'est des actionnaires différents, comme toute entreprise publique.

M. Gariépy (Claude): Et d'ailleurs on se gouverne en fonction de la loi des commissions des valeurs mobilières du Québec, étant donné qu'on a plus de 50 actionnaires. On a une structure publique qui est une entreprise publique-privée, que je dois dire, là, qui se gouverne selon les règles du public mais qui a 200 quelques propriétaires au lieu d'avoir M. le public.

M. Couillard: On va passer à un deuxième sujet, la question des pratiques commerciales. Évidemment, vous avez bien sûr, comme tous et toutes, suivi les débats médiatiques du printemps dernier sur les pratiques commerciales en pharmacie, la question des relations avec les médecins. D'ailleurs, les étudiants en pharmacie étaient présents hier et se sont déclarés inquiets de la répercussion quant à la perception de la population de la profession de pharmacien et de tous ces éléments-là. Ce qui est suggéré dans la politique, un peu en réponse à ces épisodes-là, c'est de dépouiller finalement complètement le prix facturé de toutes les ristournes, rabais, etc., pour ne facturer que le prix réel d'acquisition sans tenir compte des autres éléments qui y sont intégrés.

Ce que vous recommandez en fait est similaire à la proposition de l'Association des pharmaciens propriétaires, grossièrement. Et j'ai reçu moi-même ces représentations non seulement en commission, mais également dans d'autres circonstances, et j'aimerais que vous nous expliquiez un peu comment est-ce qu'on peut rassurer le public, que votre proposition qui vise à permettre les rabais volume ? c'est ce que j'ai compris ? ne met pas en cause la perception d'intégrité ou de, je dirais, non-connivence, là, entre l'industrie, le pharmacien et le médecin et protège le contribuable et le citoyen du Québec. Je pense que c'est important de le dire parce que l'argument sur lequel, moi, j'ai été sensibilisé, auquel effectivement j'accorde une certaine importance, c'est qu'on me dit: Écoutez, les pharmacies sont des entreprises privées ? il n'est pas question pour le Québec de nationaliser les pharmacies, du moins pas dans les prochaines années, j'espère ? et vous nous enlevez une pratique de libre marché, ou de concurrence, ou de pratique d'affaires qui est présente dans tous les milieux, la question des rabais volume. Et là on me dit: Vous faites une distorsion majeure de l'économie et du marché.

Expliquez-nous encore cette notion-là, d'une part, puis, d'autre part, comment est-ce que le fait de permettre ? on s'entend qu'il s'agirait uniquement de rabais volume et non pas ristournes, cadeaux et croisières en Caraïbes, là ? comment le fait de permettre ces éléments-là protège la perception d'intégrité de la part du public et également l'intérêt des contribuables et des citoyens du Québec.

M. Gariépy (Claude): Je vous dirais à prime abord, d'abord, qu'il faut comprendre que c'est un phénomène... On n'est pas dans un endroit où est-ce qu'il faut généraliser toutes les pratiques. Il est vrai qu'il y a eu des pratiques dans certains cas avec certaines entreprises et avec certains individus pharmaciens. Maintenant, ce n'est pas mon devoir de parler de ça, c'est plutôt à l'Ordre des pharmaciens et aux pharmaciens concernés d'en parler.

Moi, je vais vous exposer la chose suivante: dans le monde de la distribution des biens de consommation, O.K., il est de pratique courante ? sortons des médicaments quelques minutes ? il est de pratique courante que l'entreprise s'assoie avec ses fournisseurs et négocie, jusqu'à la dernière cenne, le prix juste d'acquisition. Et, un coup que ça, c'est fait, par la suite, quand on a atteint le prix juste d'acquisition, il est également de pratique courante d'ensuite faire des propositions innovatrices d'un bord ou de l'autre avec ces mêmes fournisseurs là puis dire: Écoute, sais-tu, si on faisait ça de même, on pourrait peut-être sauver de l'argent. Tu me donnerais-tu un rabais volume si je te faisais ça comme ça? Alors, nous, ce qu'on veut appliquer ici, c'est un modèle qui existe déjà dans l'ensemble du monde de la distribution des biens essentiels. Ça se passe dans l'alimentation, ça se passe dans la quincaillerie, ça se passe dans les biens de base. Je ne parle pas des biens de luxe. C'est un modèle qui existe.

On dit au gouvernement ici: Écoutez, refaites vos devoirs avec ces compagnies-là puis organisez-vous pour aller chercher le prix le plus bas. Faites tout ce que vous pouvez, puis, nous, on va vous supporter là-dedans pour que vous atteigniez le juste prix d'acquisition. On ne laisse pas sous-entendre que ça n'a pas été fait, mais on dit: Il y a encore de l'espace peut-être, parce que, s'il y a eu ce qu'on a entendu, c'est peut-être parce que la négociation n'a pas été poussée jusqu'à la dernière cenne.

Alors donc, un coup que vous aurez fait ça, si jamais une entreprise, par des façons de faire différentes, est capable de s'asseoir avec une entreprise puis d'aller chercher un rabais volume supplémentaire, laissez-nous faire, parce qu'il faut qu'à un moment donné, s'il y a des gens, à l'intérieur des grossistes ou à l'intérieur des chaînes et bannières, qui sont plus imaginatifs que d'autres, ils devraient avoir le bénéfice ? imaginatifs tout en étant parfaitement légaux et corrects ? ils devraient avoir le bénéfice de leur imagination et de leur efficacité qu'ils peuvent mettre dans le système. Mais par contre ça devrait être clair, précis qu'en tout temps le ministère peut venir chez nous puis vérifier nos livres, dire: C'est quoi, tes rabais volume? Et, si, à un moment donné, c'est rendu que le rabais volume est 40 %, bien c'est parce que je n'ai pas négocié le bon prix.

Alors, selon nous, après avoir négocié le juste prix d'acquisition et rendu public, public étant, là, par papier... Naturellement, on ne publiera pas ça dans les journaux, mais, sur simple visite du ministère du Revenu ou du ministère de la Santé, on pourrait montrer: Regardez, pour telle compagnie, l'année dernière, nos rabais volume ont été de 1 %. On ne pense pas que c'est dramatique, on pense au contraire que ça va inciter les gens à être plus productifs et inciter les gens donc à faire des gestes qui font en sorte qu'ils sont efficaces.

n (10 h 10) n

Mais on est bien clairs qu'on ne parle pas ici de rabais volume qui se montent à des montants astronomiques, parce que, si on a des montants astronomiques de rabais volume, c'est parce qu'on n'a pas négocié le bon prix. Alors, nous, on dit: Faites l'exercice comme c'est fait dans l'entreprise privée aujourd'hui, puis on ne pense pas qu'il va y avoir aucune exagération parce que de toute façon vous allez pouvoir la vérifier. La problématique du passé, c'est que vous n'étiez pas capables de vérifier qu'est-ce qui s'était passé parce que les gens ont contourné en faisant des choses qui étaient non transparentes. Nous, on dit: On veut la transparence, hein? Quand vous entrez, si vous envoyez les inspecteurs du Revenu vérifier les livres des compagnies d'alimentation, ils vont vous montrer les rabais volume parce qu'ils sont clairs, ils sont précis, ils sont sur la facture. Alors, faites la même chose, et ce que ça va faire, c'est que ça va diminuer de toute façon ces rabais volume là, parce que, comme on dit, quand vous allez vous apercevoir peut-être que notre rabais volume est trop élevé, vous allez dire à la compagnie: Reviens ici, à la table, on ne t'a pas négocié jusqu'à la dernière cenne, on en a échappé dans la négociation. Alors, pour nous, c'est un processus qui est quand même assez facile, qui existe dans d'autres domaines, et qui est clair, puis qui peut être vérifiable également.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Merci. Alors, je cède maintenant la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Est-ce que je vous ai bien compris? Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que parmi les grossistes vous êtes le moins gros des grossistes, et la proposition, qui est dans la politique, que vous questionnez, c'est celle qui affecterait le plus le plus petit?

M. Gariépy (Claude): Je vais vous dire, on est probablement deux grossistes de la même grosseur au Québec, on est parmi les plus petits ? parmi les plus petits, je dis bien ? et effectivement on est sûrement celui qui serait le plus affecté par la politique, puisqu'on vend 78 % de nos ventes en médicaments. Alors, chez nous, on trouve d'abord des médicaments, on est d'abord une pharmacie santé. Par notre localisation, comme je l'expliquais aussi, là, le fait qu'on est en région, c'est sûr qu'on vend moins de produits connexes. Alors donc, oui, la même baisse pour tout le monde arriverait à un impact plus majeur chez Familiprix que chez n'importe qui d'autre.

M. Charbonneau: Et, si je comprends bien, non seulement vous êtes moins gros que l'autre, mais vous êtes à propriété québécoise totalement...

M. Gariépy (Claude): Totalement.

M. Charbonneau: ...ce qui n'est pas le cas des autres.

M. Falardeau (Albert): C'est une de nos spécificités, c'est la spécificité dans le fond de Familiprix. C'est une propriété entièrement québécoise. Vous allez me dire: Dans le fond, c'est des pharmaciens, c'est des employés de Familiprix. Oui, les employés de Familiprix sont des pharmaciens. Écoutez, s'il y a des sous qui se font en quelque part, dans le fond ça revient à ces gens-là puis ça retourne dans l'économie du Québec. On est les seuls.

M. Charbonneau: Est-ce qu'on pourrait imaginer une marge variable en fonction du prorata du volume global? Est-ce que ça pourrait être quelque chose qui peut être intéressant?

M. Gariépy (Claude): Écoutez, la façon de fixer la marge en fonction du volume, ça pourrait être, je pense, un frein à la libre entreprise, là, parce que ça voudrait dire: Reste petit. Être petit, en soi, là, on ne vient pas ici pour faire pleurer les gens sur le fait qu'on est petits, on a rien qu'à devenir plus gros, mais il reste une chose, c'est que...

Écoutez, je pense qu'un pourcentage devrait être relié plus au niveau du service qu'à la grosseur du volume. Alors, notre prétention, c'est qu'il y a facilité à bien discriminer les grossistes selon le niveau de services qu'ils offrent. Et honnêtement on est des gens de la libre entreprise puis on pense que, même si la personne est très grosse, si elle donne le même service que moi, elle devrait être payée le même prix.

M. Charbonneau: Moi, je suis moins familier que le ministre avec ces questions-là parce que bon je suis nouveau dans le dossier. Mais j'aimerais ça mieux comprendre, là, la question des rabais dont on a parlé à la fin, là, parce que finalement c'est qu'il y a à la fois un problème d'éthique qui est soulevé puis de perception. Et dans le fond ce que vous dites, c'est que vous aimeriez que les règles qui existent dans le monde de la distribution des biens s'appliquent aussi dans le monde de la distribution des produits pharmaceutiques, mais en même temps vous êtes aussi des professionnels de la santé régis par un code d'éthique et puis un ordre professionnel, ce qui n'est pas le cas pour les autres distributeurs nécessairement de biens dans la société. Alors, comment concilier vos obligations éthiques avec vos exigences légitimes de dire: Bon, bien, écoutez, nous, on veut opérer dans un contexte où... finalement le même qui s'applique aux autres secteurs de distribution de biens?

M. Gariépy (Claude): Écoutez, je vais vous faire une distinction qui est majeure, Familiprix inc. n'est pas pharmacien. Familiprix inc., c'est une entreprise de distribution, une corporation dûment enregistrée qui n'est pas un pharmacien. Alors, pour nous, la question que vous me posez d'après moi touche beaucoup plus l'Ordre des pharmaciens et l'éthique des pharmaciens dans leur pratique. Nous, ici, ce qu'on présente ce matin, c'est un point de vue d'un grossiste qui vient dire aux gens: Écoutez, je suis une corporation dûment notée comme telle, et mon revenu est octroyé par un règlement du gouvernement, ce qui est assez spécial dans le monde de la distribution. D'habitude, le revenu est octroyé par la libre entreprise. Mais je fais affaire avec des compagnies pharmaceutiques pour lesquelles, au Québec, selon le contrat que j'ai signé, le contrat de distributeur que j'ai signé avec le gouvernement du Québec, je n'ai pas le droit de recevoir de rabais fournisseur ou de rabais volume. O.K.? Dans d'autres provinces ou dans d'autres pays, il est permis pour un grossiste ? et encore une fois je ne ramène pas ça au niveau du pharmacien, je ramène ça au niveau de l'entreprise de distribution ? il est permis...

M. Charbonneau: Grossiste en médicaments.

M. Gariépy (Claude): ... ? grossiste en médicaments ? il est permis, dans d'autres pays et dans d'autres provinces, de recevoir des rabais fournisseur. Alors donc, la seule chose qu'on dit, c'est: on n'est pas traités au pair, à partir du moment où on opère seulement au Québec, parce que je ne suis pas capable de vous dire ce que les autres reçoivent ou ne reçoivent pas, mais je sais que c'est permis d'en recevoir, tandis que, moi, le contrat que j'ai signé, que l'entreprise a signé avec le gouvernement, spécifie que je dois acheter les médicaments à un prix, placer 7,15 % de marge et les revendre à ce prix-là, et je n'ai pas le droit à d'autres rabais. Alors donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on demande simplement le fait que... Étant donné cet état de fait, on pense qu'on n'est pas traités de façon équitable. Et, si, en plus de ça, donc, on n'a pas accès à ces sources de revenus là... Et ça peut expliquer une portion de la différence, que, nous, on a 7,15 %, puis d'autres avaient ça, parce qu'à la fin de la journée mes revenus sont de nature différente.

Mais je voudrais bien dissocier Familiprix inc. des pharmaciens qui opèrent sous une bannière Familiprix. Eux autres, ils ont effectivement un code d'éthique, et c'est avec l'Ordre des pharmaciens... M. Falardeau, qui est pharmacien, peut mieux l'expliquer que moi, mais, eux autres, ils ont effectivement un code d'éthique et, à ce moment-là, ils ont des règles et procédures qu'ils doivent suivre.

M. Charbonneau: Qu'est-ce que vous répondez au citoyen contribuable qui dit: Moi, là, je veux bien encourager l'économie québécoise puis les entreprises québécoises, mais je ne veux pas faire les frais de l'enrichissement de certains? Parce que dans le fond ça émarge au budget de l'État, et, nous, en fonction de notre responsabilité publique, on représente les citoyens, et les gens se disent: Bon, bien, il y a des exigences à fonctionner dans une économie de marché, très bien, mais jusqu'où, comme payeurs de taxes ou comme contribuables, on est prêts à débourser plus pour faire en sorte que votre marge de profit soit plus intéressante?

M. Falardeau (Albert): À la page 11 de notre mémoire, on dit fort bien, dans le fond, qu'on fait moins d'argent que les autres. On ne fait pas plus d'argent, on fait moins d'argent que les autres. Et de plus, dans le fond, un exemple, on retourne, de par nos services, à nos gens cet argent-là. Puis le fait d'avoir des grossistes purement et strictement québécois, c'est un ajout à court terme, à moyen terme et à long terme. Le jour où on aura juste des grossistes hors Québec, ou détenus hors Québec, ou ce contrôle hors Québec, qu'adviendra-t-il? C'est ça qu'il est important dans le fond de voir aussi.

Familiprix ne fait pas plus d'argent que les autres, fait moins d'argent. On vous a dit qu'une des raisons, c'est notre spécificité québécoise puis la volonté d'être Québécois, puis de rester Québécois, puis d'accepter les lois québécoises. Accepter les règles du jeu québécoises fait en sorte, comme M. Gariépy vient de vous dire, qu'on n'a pas accès à des revenus qui nous permettraient peut-être, nous aussi, de passer de 1,6 % à 3,5 %.

M. Gariépy (Claude): Ce qui est bien important, c'est que la présentation de ce matin ne vise pas à demander à la société québécoise de payer plus parce qu'on s'appelle Familiprix puis qu'on est au Québec. La raison d'être du 7,15 % est la suivante et uniquement la suivante: nous allons porter des marchandises qui sont des médicaments, des biens essentiels dans des lieux qui sont éloignés, avec peu de volume, parce qu'on a 123 de nos succursales qui sont en milieu rural. Et, que ce soit n'importe qui qui aille les porter, ça va coûter plus cher. Je pense que la société québécoise doit avoir comme principe une égalité entre l'accès aux médicaments en région comme en ville, et ça, c'est la raison d'être. On ne demande pas 7,15 % pour faire plus d'argent. Et, si on est moins bons en termes d'administration et d'efficacité, O.K., ce sera notre problème, parce qu'on croit fermement à la libre entreprise, à la compétitivité des entreprises. On adhère à tout ce discours-là. La raison d'être d'une rémunération plus importante, c'est, d'abord et avant tout, parce qu'on donne un service en région rurale majoritairement.

n (10 h 20) n

M. Charbonneau: Les services coûtent plus cher parce qu'il y a...

M. Gariépy (Claude): Ils coûtent plus cher parce que...

M. Charbonneau: ...des coûts de déplacement, de transport, etc.

M. Gariépy (Claude): Exactement, pour aller porter peu. En pourcentage, c'est encore pire, parce qu'on va... Comme je vous disais tout à l'heure, quand je me rends, à Chute-aux-Outardes, porter des médicaments, c'est sûr que je n'en livre pas une demi-van, j'en livre deux boîtes, alors que, si j'allais les porter seulement à Baie-Comeau puis à Sept-Îles, ah! c'est sûr que ce serait pas mal plus rentable. Alors, c'est la raison d'être de notre demande, ce n'est pas d'avoir un traitement de faveur parce qu'on est une entreprise québécoise. On est une entreprise québécoise qui est compétitive, qui est bonne et qui est efficace, mais on a des coûts qui sont supérieurs.

M. Charbonneau: Et ce que je comprends, c'est que ça s'adonne que c'est l'entreprise québécoise... ou la plus québécoise des entreprises... des grossistes qui s'est donné comme mission et qui accomplit la mission de la distribution dans les lieux les plus reculés d'un grand territoire.

M. Gariépy (Claude): On n'est pas seuls à le faire, mais, oui, on est effectivement dans ça.

M. Charbonneau: Je voudrais revenir sur une autre chose, c'est sur...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. le député de Borduas, tout simplement pour vous informer, votre collège de Rimouski a demandé la parole, et la députée indépendante aussi.

M. Charbonneau: Il nous reste combien de temps, là?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il reste 10 minutes, mais je vous en informe, juste au cas où.

M. Charbonneau: Bon, ça va. O.K. La deuxième question, c'est sur la question de la formation, là. C'est-à-dire ? attendez une petite seconde ? vous vous opposez à ce qu'il y ait ? attendez une petite seconde, là ? la mise en place d'un fonds particulier qui pourrait être disponible autant pour les universités, pour les associations, pour les ordres professionnels. Vous dites, dans le fond: Nous autres, on s'occupe de notre formation. Ce qui m'a... en tout cas ce qui m'a allumé tantôt ou intéressé, c'est que vous avez dit: On ne tient pas à avoir l'influence des fabricants. Autrement dit, ce que vous dites, c'est que le danger dans la proposition de la politique actuelle, c'est de trop mêler les fabricants de médicaments au niveau de la formation.

M. Falardeau (Albert): Non, ce n'est pas ça. On ne dit pas que la proposition du ministre mêlerait trop les fabricants à la formation, on dit que déjà la formation est régie par les universités, puisque dans le fond on est issus des universités. Elle est régie déjà par l'Ordre des pharmaciens, qui fait très, très bien son travail là-dessus, dans le fond, qui a beaucoup de comités, et aussi elle est additionnée par des cours et des formations qu'on fait aux pharmaciens et qu'on fait aux ATP. Et ces cours-là, nous, quand on les donne chez Familiprix, entre autres, pour parler de notre exemple, ça n'a rien à voir avec l'industrie pharmaceutique ou un médicament en particulier. Mon confrère pourrait vous parler dans le fond que ça parle de diabète, que ça parle d'hypertension ou que ça parle d'asthme. Ça ne parle pas, dans le fond, d'un médicament en particulier, ce n'est pas lié à l'industrie pharmaceutique du tout.

M. Charbonneau: Ce que je comprends, c'est que vous dites... La proposition 24, qui vise à encourager la mise en place d'un fonds particulier qui pourrait être disponible autant pour les universités que pour les associations, les ordres professionnels, vous, vous dites: Ce n'est pas nécessaire?

M. Falardeau (Albert): Ce n'est pas nécessaire, puis on ne voit pas pourquoi Familiprix, qui est un grossiste, dans le fond, devrait faire partie d'un fonds pour la formation des pharmaciens. Je crois que ça relève du pharmacien lui-même. Ça, écoutez, on paie une cotisation professionnelle, comme pharmaciens, je peux bien le dire. Ça relève, dans le fond, un exemple, de notre formation à l'université, ça relève aussi de nos bannières, qui nous aident, puis ça relève aussi de l'Ordre des pharmaciens qui nous font parvenir des cours et qu'on doit faire. On croit que ce serait superflu. Si on en a les moyens...

M. Charbonneau: Sauf que dans le fond vous dites que vous n'avez pas à payer pour ça.

M. Gariépy (Claude): Non seulement on n'a pas à payer, mais dans le fond, si on résume ça dans une phrase, on dit: La formation des pharmaciens au Québec, on pense que c'est quelque chose qui fonctionne bien et qui a toujours bien fonctionné, puis il n'y a pas de plainte du public, on n'entend pas... On entend des choses, peut-être d'autres choses, mais jamais on n'a entendu dire: Écoute, mon pharmacien n'est pas capable de me donner le bon conseil. Ça fait que la formation, dans le passé elle a bien fonctionné. Pourquoi ajouter une autre structure administrative? C'est notre seule prérogative.

M. Falardeau (Albert): Et ce n'est pas à un grossiste de financer la formation.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Et bienvenue aux gens originaires de la région Bas-Saint-Laurent dont je fais partie.

Je suis très sensible à votre dossier. Cependant, ce que je constate, c'est que bon vous êtes les seuls à avoir une préoccupation de ruralité, et le Québec est constitué, en très grande partie, de régions rurales, avec une baisse démographique importante. Donc, je comprends, là, vos préoccupations et la dynamique qui peut s'installer par rapport à vos marges de profit. Ça, c'est une chose.

Mais je reviendrais sur la formation. Je vois à la page 15 que vous en faites beaucoup, hein, 136 heures de formation continue au cours des cinq dernières années. Moi, j'aimerais savoir, même si Familiprix offre de la formation non seulement aux pharmaciens, mais aux techniciens en pharmacie, c'est quoi, la proportion ? ça coûte des sous, ça ? c'est quoi, la proportion que les compagnies pharmaceutiques paient pour vous aider à supporter cette formation-là.

M. Nadeau (Richard): Dans un premier temps, il faut bien comprendre que toutes ces formations qui sont organisées sont toujours défrayées en partie aussi par le pharmacien. Donc, le pharmacien défraie pour ces formations-là un certain montant pour participer à ces formations-là. O.K.?

Mme Charest (Rimouski): Alors, frais d'inscription...

M. Nadeau (Richard): Il y a un frais d'inscription qui est comparable à ce qui se fait présentement dans le marché, autant au niveau universitaire qu'organisé par d'autres associations. Si on regarde la partie commandite, je vous dirais que c'est probablement, pour toute proportionnelle, là, aux alentours de 40 % qui est défrayé par le pharmacien, 60 % par l'industrie pharmaceutique.

Mme Charest (Rimouski): Et, quand vous parlez du pharmacien, c'est les frais d'inscription, puis c'est Familiprix, comme bannière, qui paie une partie? C'est ça qui forme le 40 %?

M. Nadeau (Richard): Le pharmacien en soi paie une portion. En moyenne, là, si on regarde... Comme on est en train présentement d'organiser un symposium, en moyenne ça coûte aux alentours de 550 $, là, pour une fin de semaine de deux jours. Familiprix en subventionne une partie et des commanditaires de compagnies pharmaceutiques viennent nous supporter.

Mme Charest (Rimouski): Et c'est quoi, la portion des commanditaires?

M. Nadeau (Richard): À peu près 60 %...

Mme Charest (Rimouski): À peu près 60 %.

M. Gariépy (Claude): ...incluant la portion par contre de Familiprix. Alors, ce qu'on dit: quand on parle de commanditaire, là, c'est le non-pharmacien. Le pharmacien lui-même va défrayer environ 40 % du prix total de sa formation.

Et je voudrais réinsister sur une portion de la réponse de Richard qui est de dire que ces formations-là sont à prix compétitif avec ce qui se fait à l'ordre, ou à l'université, ou à des choses comme ça. Alors, si quelqu'un charge 250 $ pour un cours, on est compétitifs, sauf que des fois le cours, il coûte plus cher, et la différence vient des commandites ou bien de la chaîne Familiprix.

Mme Charest (Rimouski): Je ne veux pas...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée, excusez-moi. Mme la députée de Rimouski, je dois céder la parole à la députée de Lotbinière parce que, comme vous le savez, nous avons une convention de cinq minutes de réservées pour la députée. C'est ce qu'il nous reste dans le temps. Si la députée n'utilise pas complètement son temps, on reviendra à vous.

Mme Charest (Rimouski): Je reviendrai après.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui.

Mme Charest (Rimouski): Parfait. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous permettez.

Mme Roy: Je vous remercie, M. le Président. Je vais tenter ? on a toujours une bonne collaboration ? d'aller le plus rapidement possible. Certainement que votre mémoire ici a touché quelque chose de sensible pour une députée comme moi, une députée de Lotbinière, parce que mon comté est seulement rural, puis l'accès aux médicaments qu'on a parlé... On a souvent parlé de l'accès aux médicaments en termes de liste, en termes de novateurs, génériques, mais on n'a pas abordé à date ? puis ça, c'est clair qu'on commence à le faire, là ? l'accessibilité physique aux médicaments, pouvoir avoir un médicament. Moi, je sais que, dans mon comté, on peut avoir à faire 30 kilomètres facilement pour se rendre à la première pharmacie. Mais ce n'est pas seulement l'accessibilité aux médicaments, mais c'est l'accessibilité aux professionnels de la santé. Comme par exemple, dans mon coin, ça veut dire que ça couvre à peu près six villages, le Familiprix. Ça veut dire que c'est des personnes qui vont aller, à cette pharmacie-là, poser des questions au pharmacien, qu'ils ont entretenu des liens avec ce pharmacien-là, pharmacien qui vit dans le village, puis qu'ils peuvent se parler, et puis qu'ils peuvent aussi éviter des visites, là, au seul CLSC du coin, qui est déjà débordé. Je pense que ça, c'est un acquis, pour le monde rural, qu'il faut absolument protéger.

Ce que vous avez de spécifique, c'est le fait que vous soyez seulement au Québec. Puis vous avez dit, mais je pense que vous ne l'avez pas tout dit... Ou, si j'ai compris, c'est que, si votre siège social était ailleurs, en Illinois, à Toronto, les rabais volume, vous pourriez les avoir, parce que finalement on aurait juste à déplacer ça puis vous les donner à Toronto. Puis, vous, vous ne pouvez pas parce que votre siège social est au Québec, et la loi ne le permet pas. Sans dire que les autres compagnies font ça, c'est un peu ce que j'ai senti, là, dans votre énoncé.

M. Gariépy (Claude): C'est ce que nous croyons, effectivement. Par contre, comme je vous dis, on ne connaît pas l'ampleur, on ne connaît pas si oui ou non, mais on sait une chose, ça pourrait se passer, alors qu'au Québec il faut comprendre que nous avons signé une licence de grossiste qui nous empêche de le faire.

Mme Roy: O.K. Donc, ce serait facile de comprendre que la marge de bénéfice ici peut être différente de celle qu'ils ont à Toronto, puis c'est facile d'ajuster quand tu es dans une même compagnie qui vit dans deux environnements d'affaires différents. C'est ce que vous dites?

M. Gariépy (Claude): C'est ce qu'on pense.

n (10 h 30) n

Mme Roy: O.K. Au niveau de la formation, on a parlé, à un moment donné, que la seule chose que pourraient donner, comme cadeaux ou comme avantages, les fournisseurs de médicaments génériques, ce serait la formation. Vous, qu'est-ce que vous en pensez, de ça: les journées santé que ce soient les fournisseurs de médicaments génériques qui le fassent plutôt que vous?

M. Falardeau (Albert): Bien, si les fournisseurs de médicaments génériques... Si c'est vraiment réglementé par le ministère, si c'est vraiment réglementé par l'Ordre des pharmaciens ou l'Association des pharmaciens propriétaires, moi, je n'aurais pas de problème, en autant que c'est un service qui revient directement à la population. L'important, je pense, que la population ne veut plus entendre, c'est qu'un pharmacien se soit enrichi dans le fond avec des compagnies ou quoi que ce soit et que ce ne soit pas la population qui en ait profité. Je crois sincèrement que la population doit profiter des services que son pharmacien rend. S'il y a des entreprises, que ce soit le ministère, que ce soient dans le fond d'autres entreprises qui veulent bon aider à ces formations-là, c'est bien.

M. Nadeau (Richard): On pense que c'est des... Il y a plusieurs de ces activités-là à valeur ajoutée qui sont extrêmement importantes encore une fois pour les milieux ruraux, et on pense qu'il y a des choses extrêmement bien faites qui ont été faites. D'autre part, on sait aussi qu'il y a eu une exagération dans l'autre sens, mais il ne faut pas tuer un produit, qui est à la base excellent, parce qu'il y a eu quelques exagérations. Il faut le réglementer et le régir.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Officiellement, notre temps est écoulé. La députée de Rimouski me signifie qu'elle aimerait avoir le consentement des membres de la commission pour une dernière question très courte. Est-ce que vous consentez? Merci.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le ministre, et merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Allez-y rapidement, s'il vous plaît.

Mme Charest (Rimouski): Rapidement, dans vos sessions de formation, vous avez des commanditaires bon qui participent au financement comme tel. Est-ce qu'en retour vous leur permettez d'exposer leur publicité, leurs promotions, etc.?

M. Nadeau (Richard): Souvent, ce qu'on fait, à l'intérieur des congrès et séminaires, c'est qu'on leur demande... Et c'est seulement et uniquement de travailler au niveau des projets professionnels qu'ils ont à présenter. Ça veut dire que chacune des compagnies nous présente, O.K., l'angle sur lequel ils veulent travailler au niveau professionnel. Donc, c'est souvent des outils professionnels, soit de la documentation professionnelle, soit des nouvelles thématiques de journées santé qu'ils veulent mettre en place, mais c'est toujours relié à l'aspect professionnel et jamais, lors des formations, à un produit en soi.

Mme Charest (Rimouski): Si je comprends bien ce que vous me dites, c'est que... Prenons le problème...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée, on vous a répondu.

Mme Charest (Rimouski): ...je ne sais pas, moi, de cholestérol. Vous allez avoir des commanditaires qui ont des médicaments appropriés pour contrer le cholestérol, et ceux-ci vont vous donner des informations techniques et scientifiques sur le cholestérol tout en ne négligeant pas de démontrer qu'ils sont aussi distributeurs de médicaments reliés à ça.

M. Nadeau (Richard): O.K. Sur quoi on fonctionne, là, c'est qu'on ne travaille jamais en fonction d'un produit, on travaille toujours en fonction d'une thématique, O.K.? C'est une thématique qui mène un kiosque quand les compagnies rencontrent les pharmaciens. Donc, si je prends, exemple, votre exemple de cholestérol, on va parler plutôt d'appareils, O.K., puis on va essayer de voir comment on peut faire les nouveaux «guidelines», les nouvelles lignes directives de ça. C'est à partir de ça qu'on va travailler, et non de matériel éducatif qu'on peut présenter à un patient pour qu'il comprenne comme il faut. C'est sur cet angle-là qu'on va le travailler, mais pas au niveau d'un produit en soi.

Mme Charest (Rimouski): Monsieur, merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci beaucoup. Je remercie M. Falardeau, M. Gariépy et M. Nadeau de leur contribution aux travaux de la commission. J'invite maintenant les représentants de Diabète Québec à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, si vous permettez, la commission poursuit ses travaux. Nous accueillons avec plaisir les représentants de Diabète Québec. Il s'agit de M. Serge Langlois, président-directeur général, et de M. Marc Aras, directeur des communications.

Alors, je présume que c'est monsieur... je suis informé que c'est M. Langlois qui fera la présentation. Vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous aurons deux blocs d'échange avec vous. Alors, vous êtes les bienvenus. Allez-y.

Diabète Québec

M. Langlois (Serge): Merci, M. le Président. M. le ministre, merci de cette invitation. Écoutez, Diabète Québec, nous sommes assez fiers, cette année, de célébrer notre 50e anniversaire, ce qui est habituellement une étape difficile pour tout être humain, mais, pour une organisation comme la nôtre, je pense que ça démontre le sérieux, et l'expertise, et certainement la crédibilité de l'existence même d'une telle organisation.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...fardeau à votre santé.

M. Langlois (Serge): Merci beaucoup. Ha, ha, ha! Et, au fil des années, nous avons développé un vaste réseau d'une cinquantaine d'associations régionales affiliées. Nous avons aussi développé un conseil professionnel qui regroupe près de 1 400 professionnels de la santé, dont des médecins, des infirmières, des psychologues, des pharmaciens, des diététistes et d'autres professionnels de la santé qui oeuvrent dans le domaine du diabète. Nous avons un congrès scientifique à chaque année qui assure la formation continue, et tout ça. Nous avons aussi des milliers de bénévoles qui oeuvrent au sein de ce réseau d'associations affiliées et qui offrent des services auprès de la population diabétique et de leurs êtres chers.

Évidemment, nous avons aussi été forcés, et j'ose dire forcés, de mettre en place des mécanismes d'enseignement et des mécanismes de soutien, tels que des lignes téléphoniques InfoDiabète gratuites, pour parler à des professionnels de la santé, pour informer les gens qui ont des préoccupations. Nous avons aussi un outil d'information qui est publié quatre fois par année, qui est un magazine, Plein Soleil, qui est du même type que d'autres revues, une soixantaine de pages, et qui traite évidemment de diabète. Et finalement, bien, Diabète Québec a un rayonnement qui dépasse les frontières, puisque nous sommes même au niveau international. Nous sommes actifs au sein de la Fédération internationale du diabète où, de façon plus personnelle, j'ai l'honneur de présider certains comités. Alors, c'est un rayonnement qui a dépassé les frontières du Québec, et, ça aussi, on en est assez fiers.

Le diabète au Québec. Je vais demander à M. Aras de nous donner quelques lignes un peu de l'importance de ce problème de santé au Québec.

M. Aras (Marc): Oui. Je voudrais y aller assez rapidement. Cependant, il faut comprendre que le diabète au Québec actuellement... L'Institut national de santé publique du Québec dénombre déjà plus de 325 000 personnes diagnostiquées, et, d'après tous les rapports de recherche, ce serait 500 000 personnes. Si on regarde dans l'ensemble des pays industrialisés, il semble que le diabète est en montée fulgurante, et on estime que, si la tendance se maintient, malheureusement, au Québec, on risque, avec le vieillissement de la population et, bien entendu, les problèmes de santé, bien une augmentation assez fulgurante, et on parle peut-être de doubler le nombre de personnes diabétiques. Alors, bien entendu, vous voyez à quel point c'est un problème de santé qui est extrêmement lourd, et on va le démontrer un peu au niveau des chiffres.

M. Langlois (Serge): Le diabète est un problème de santé coûteux parce qu'il est à l'origine même de multiples complications. Personne ne décède d'une diabétonite aiguë, mais par contre les problèmes sont au niveau cardiaque, au niveau de la vue, au niveau des reins, des choses comme ça. Oui?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Par respect pour votre présentation, je vais suspendre les travaux et je vais attendre que les députés reviennent.

M. Langlois (Serge): D'accord. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 39)

 

(Reprise à 10 h 41)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous permettez, nous sommes de retour en nombre suffisant pour vous écouter, messieurs. C'est en partie mon erreur, j'aurais peut-être dû suspendre les travaux antérieurement pour permettre aux gens de prendre une petite pause physiologique. Mais nous voilà de retour. Alors, allez-y, je vous en prie.

M. Langlois (Serge): Alors donc, nous terminions justement sur le bref tableau du diabète en mentionnant ? puis je pense que ça nous lance directement dans le coeur du sujet ? que le diabète est source de multiples complications, tant au niveau cardiovasculaire, au niveau de la vue, des reins, des amputations, et tout ça, donc est une source de coûts importants pour la thérapie et le traitement du diabète. C'est très habituel qu'une personne diabétique ait à recourir à sept, huit médicaments et plus parce que justement il y a des liens avec le cholestérol, avec la tension artérielle, avec différentes préoccupations liées justement à la prévention aussi, pas simplement au traitement de ces problèmes, mais à la prévention de ces problèmes pour la personne atteinte.

Alors, la Politique du médicament, écoutez, nous, on croit que c'est une bonne idée de considérer justement un cadre de cet ordre et évidemment que la personne diabétique... Il y a deux types de diabète, il y a le type 1 et le type 2. Le type 1, le pancréas ne fonctionne plus, donc on parle d'abord d'insuline, alors que, dans le type 2, il peut y avoir l'insuline, mais, d'abord et avant tout, la médication orale, et les réalités de vie sont différentes. Dans le cas du diabète, on peut parler de prévention primaire et secondaire, et même tertiaire, parce qu'on voudrait prévenir que les gens deviennent diabétiques, et donc il y a une préoccupation au niveau du médicament. Mais aussi, dès que la personne est diagnostiquée, bien il faut prévenir les complications. Or, nous croyons que la Politique du médicament devrait être sous un cadre plus générique, si j'ose dire dans le contexte, de gestion optimale du traitement.

Il y a, dans la gestion optimale du traitement du diabète, des caractéristiques liées aux habitudes de vie, par exemple, à la sédentarité, au niveau de l'obésité, entre autres, qui est une préoccupation énorme, mais aussi... de considérer toutes ces approches non médicamenteuses qui sont essentielles justement si on veut contrer toujours le recours aux médicaments, qui n'est pas nécessaire en tout cas dans le cas d'un problème de santé chronique tel que celui-ci. Et la progression est fulgurante à cause du vieillissement de la population. Donc, tout le caractère éducation aussi du patient et des professionnels de la santé traitants devient essentiel, et je souligne bien des deux côtés, parce que les traitants doivent aussi considérer d'autres avenues si on veut aller plus loin. Et c'est évident parce qu'on en a des exemples, à travers le monde, d'approches de gestion du diabète qui ont tenu compte de ces points-là et qui ont été réussies.

Le régime d'assurance médicaments, bien, écoutez, depuis son instauration, on salue ce régime parce que pour la personne diabétique il y avait des préoccupations entre manger parfois et suivre sa thérapie. Bon, bien, l'affirmation du ministre de vouloir maintenir justement l'accessibilité, bien, pour nous, c'est une excellente nouvelle. Cependant, nous avons aussi une préoccupation à l'accès des nouvelles technologies, des nouveaux médicaments et des nouvelles ressources, parce que parfois, bien que ? je vous donne un exemple ? la metformine reste le médicament qui nous semble la porte d'entrée pour le traitement, il y a des effets secondaires qui sont importants et des problèmes, au niveau des habitudes de vie de certaines personnes, qui impliquent d'avoir recours à des médicaments d'exception.

Qu'on veuille aller vers une facilité justement de formulaire en ligne et d'autres recours nous semble essentiel parce qu'il y a une barrière importante à l'accès aux médicaments d'exception pour les personnes qui en auraient besoin parfois, parce que c'est fastidieux d'avoir à remplir tous les formulaires, et tout ça. À ce moment-là, bien, on dit: Bien non, laisse faire, on va continuer, et la personne n'est pas traitée de façon idéale. Et, si on parle d'utilisation optimale, voilà un bel exemple.

Évidemment que l'âge diminue. On avait des types 2 à 50 ans; maintenant, c'est à 45 ans. Et on voit de plus en plus d'enfants. Des spécialistes de Sainte-Justine justement nous mentionnaient que maintenant ils ont 10 % à 15 % de leurs enfants qui sont de type 2, ce qu'on n'avait jamais vu auparavant. Donc, il y a une préoccupation aussi sur la durée de vie des personnes avec le diabète. Plus on vit longtemps, plus, à ce moment-là, il va falloir qu'elles soient vraiment prises en charge adéquatement si on veut éviter des complications débilitantes en bout de ligne. Alors, la durée de vie avec le diabète devient une préoccupation importante. Et évidemment, au niveau du type 1, la prévention au niveau macro et microvasculaire est importante.

Il y a une préoccupation importante, chez nous, au niveau des produits naturels. Ce n'est pas quelque chose qui est très adressé dans la politique, mais nous croyons qu'il y a une préoccupation au niveau du marketing qui est fait de ces produits-là et de la vente libre de ces produits-là sans qu'on sache vraiment ce qu'il y a là-dedans mais qu'on nous annonce et qu'on nous dit que c'est bon. Entre autres, pour le diabète, on utilise maintenant des problèmes de santé très spécifiques pour dire: Vous souffrez de ça, vous devriez prendre ça. Et, que ça aille des bois de certains cervidés à des représentants des premières nations, ça reste des techniques de marketing qui me semblent bizarrement justifiables, parce que, d'un côté, on essaie d'être rigides et rigoureux, et je pense que ça se sait, c'est de bon aloi, mais, d'un autre côté, on peut dire et prétendre relativement ce que l'on veut. Nous avons, au niveau du diabète, de graves préoccupations parce qu'il y a eu des cas nombreux de problèmes à cet égard.

Nous croyons aussi que, lorsque la personne... Il y a des cas d'ajustement aussi qui doivent être faits. Lorsque la personne est bien traitée avec le recours à certains médicaments d'exception, et qu'elle prend sa retraite, et qu'elle tombe dans le régime public, bien, là, tout à coup, bien souvent, on lui demande de retourner en arrière, vers le traitement qui n'était pas adéquat, qui ne fonctionnait pas idéalement, pour redémontrer que ça ne fonctionne pas adéquatement, et après ça, quelques mois plus tard, elle peut revenir avec le médicament. Je pense qu'il y a des ajustements qui seraient relativement simples à faire à cet égard mais qui sont importants.

Dans les cas d'hospitalisation du type 1, nous sommes ravis de voir qu'il y a une ouverture pour que la personne puisse continuer à s'automédicamenter et à s'autocontrôler en milieu hospitalier. L'insuline, c'est quelque chose qui n'est pas facile à comprendre pour tous les professionnels de la santé. La personne de type 1 en général sait très bien le faire, et je pense que ce serait souhaitable. Là, présentement, ça nous coûte plus cher et c'est plus compliqué de débalancer tout le traitement de la personne lors d'un séjour à l'hôpital.

Les complications du diabète, bien ça augmente de cinq à six fois les coûts engendrés par ce problème de santé, donc le traitement optimal s'impose. Et, les bandelettes d'analyse de glycémie, nous avons une préoccupation qu'elles soient maintenues et qu'elles soient protégées, privilégiées parce que tout passe par la connaissance de la glycémie. Et, ces bandelettes-là, bien ce n'est pas un luxe lorsque les gens ont recours à cette méthode d'autocontrôle. Et il y a un souci de transparence puis de.... Si on dit que le patient est au coeur des préoccupations, bien, au niveau du Conseil des médicaments, ce serait peut-être de bon aloi d'avoir un patient qui soit là, par souci de transparence, qui puisse au moins témoigner, et il y a des représentants d'organisations telles que la nôtre qui seraient tout à fait qualifiés pour justement travailler dans ce rôle.

n (10 h 50) n

Le rôle de l'éducation, nous croyons qu'il doit être maintenu tant au niveau de l'éducation médicale que de l'éducation patient. Nous travaillons avec l'industrie depuis fort longtemps, depuis 1979 qu'on donne de l'enseignement dans le domaine du diabète, et nous n'avons pas eu à déplorer d'ingérence de l'industrie dans le contenu de l'enseignement que nous faisons. Cependant, la ligne doit être tracée de façon très rigoureuse et claire, et je dois affirmer que je ne vois pas l'intérêt d'avoir un fonds public alors que, chez nous en tout cas, on réussit très bien à avoir cette cohabitation-là. Nous pourrons élaborer, si vous le désirez, un peu plus là-dessus.

Et on a une expérience qui l'a démontré, c'est les projets PRIISME-diabète à travers la province. Il y a 10 ans, nous sommes arrivés avec un plan, le plan Diabétaide, il y a un peu moins de 10 ans, mais à l'époque on nous disait que c'était avant-gardiste, cette approche régionale, et tout ça. Avec le projet PRIISME qui a été mis en place grâce en partie, en partie seulement, à la contribution de l'industrie, bien, là, nous sommes en train de démontrer que ça fonctionnait réellement, et il y a déjà des régions qui ont continué par elles-mêmes à faire ce genre de travail. Alors, ça démontre qu'il y a une cohabitation qui peut être favorable.

Alors, nous sommes ouverts, en terminant, à des partenariats évidemment à ce niveau, mais pas seulement avec l'industrie, avec aussi l'État, pour aller plus au niveau de l'éducation des patients, entre autres. Et je vous rappelle que nous n'avons aucune subvention statutaire, nous devons, à chaque année, retourner à l'an 1, depuis 50 ans, et survivre, et en plus réussir à trouver un peu d'argent pour la recherche, puisque la recherche est un des volets et le soutien à la recherche est un des volets que nous avons. Mais, d'abord et avant tout, nous sommes au coeur de l'éducation, de la sensibilisation, de l'information. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, M. Langlois, M. Aras. Je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Langlois, M. Aras, pour votre présence et votre présentation au sujet d'une maladie qui représente probablement la nouvelle épidémie du XXIe siècle et des prochaines années, qui est essentiellement liée, on le sait, à des facteurs externes. On met à l'écart bien sûr le diabète de type 1, qui est le diabète juvénile, mais le diabète de plus en plus prévalent, qui est celui de type 2, le diabète adulte, est étroitement lié aux habitudes alimentaires et à la sédentarité, et là il y a un travail de prévention majeure et de sensibilisation à faire. Je sais que vous participez également à ces efforts-là.

Je voudrais tout de suite vous dire que la question des bandelettes ne devrait susciter, chez vous, aucune crainte, il n'est pas du tout de notre intention de retirer la couverture publique de cet instrument de surveillance de la glycémie.

J'indique, pour fins d'information, parce que les citoyens se demandent toujours comment ça se fait que c'est rendu que ça coûte à l'État 2,5, avec les établissements, 2,5 milliards de dollars net par année, les médicaments, et ce qu'on finance, ce que les contribuables financent... Alors, juste les bandelettes, en 2004... Et je ne dis pas ça pour culpabiliser les diabétiques, là, c'est une question d'information, hein? C'est normal, il y a beaucoup de diabétiques, il y a beaucoup plus de diabétiques. C'est normal qu'il y en ait beaucoup. Mais il faut que les citoyens prennent conscience de ce que nous payons collectivement. 926 000 prescriptions, 55 millions de dollars pour les bandelettes de diagnostic. Alors, hier, je donnais l'exemple de l'Herceptin, cancer du sein: un médicament, 25 millions de dollars en coût annuel. C'est également le défi des prochaines années. Et, nous, ce que nous désirons, c'est préserver l'accessibilité à ces produits, à ces médicaments qui sauvent les vies ou qui les prolongent et qui les améliorent, mais dans un esprit de responsabilité et d'équité avec les contribuables également qui, en bout de ligne, paient la note. Ce n'est pas le gouvernement qui a l'argent, c'est de l'argent des contribuables. Je pense qu'on est tous conscients de ça ici.

Vous avez des préoccupations pour la gestion optimale du traitement. C'est quelque chose qui m'intéresse, parce que vous savez qu'on insiste beaucoup sur l'intégration, la disparition des silos. Donnez-nous des exemples concrets, peut-être dans le cas du diabète, de ce que vous entendez par la gestion optimale du traitement.

M. Langlois (Serge): Bien, vous voyez, d'une part, la personne qui est diagnostiquée ? et là on parle de type 2, parce que les types 1 ont tous accès à l'enseignement parce que c'est primordial, il faut apprendre à s'autoadministrer de l'insuline et des choses comme ça, c'est plus complexe un peu ? mais les types 2 en général ont très peu accès à l'éducation. Alors, on leur donne de la médication, malheureusement l'équipe multidisciplinaire qui devrait normalement accompagner une personne diabétique ? on parle de médecins, mais on parle aussi d'infirmières, de diététistes, de pharmaciens, de psychologues ? mais ils n'ont pas accès à ça. Alors, ils prennent des médicaments sans savoir trop pourquoi puis sans savoir trop qu'est-ce que ça va faire. Alors, évidemment qu'ils ne connaissent pas l'alimentation, c'est un exemple. Alors, n'ayant pas rencontré une diététiste, ils continuent à s'alimenter sans savoir que du pain, que du riz, que des pommes de terre, des pâtes, des choses comme ça vont se transformer en sucre, ont l'impression d'avoir une alimentation saine et équilibrée, alors qu'ils consomment beaucoup trop de sucre. Alors, ils vont être surmédicamentés... «Surmédicamentés» n'est pas la bonne façon de le dire, mais ils vont avoir plus de médication pour contrer ce problème, alors que, si on avait facilité l'accès à l'éducation, ça aurait été sans doute réglé et ça aurait été bénéfique pour tout le monde, tant pour le système de santé que pour la personne. C'est un exemple. Mais je pense qu'en Finlande il y a quelque chose que M. Aras pourrait nous donner comme exemple, qui est intéressant là-dessus.

M. Aras (Marc): Oui. Effectivement, la Finlande s'est dotée d'une stratégie nationale sur le diabète en l'an 2000 et jusqu'en l'an 2010, et effectivement il y a eu des changements importants. D'abord, on s'est aperçu effectivement de l'impact de cette fameuse maladie qu'est le diabète. D'abord, on se rend compte tout de suite qu'une personne qui doit prendre simplement un minimum de médicaments parce qu'elle n'a aucune complication due au diabète dépense annuellement environ 600 $ à 700 $ par année, alors que, une personne qui a des complications au niveau du diabète, là on parle de 13 000 $ à 15 000 $ par année, ce qui est absolument fabuleux. Alors, bien entendu, notre propos est de dire: Essayons d'éviter justement que la personne se rende jusqu'à ce fameux 13 000 $ ou 15 000 $ en faisant de la prévention. Et le médicament, heureusement pour le diabète, le... les médicaments existent. On a entre les mains une possibilité, plus le fait que, comme il s'agit souvent de personnes qui vont prendre des médicaments et pour leur diabète, et peut-être pour l'hypertension, et peut-être pour le cholestérol, dans les faits il faut absolument que cette personne soit au courant de ce qui arrive, de ce qu'elle peut faire, de comment le médicament peut contribuer à sa santé. Malheureusement, on s'aperçoit que, lorsqu'il y a un manque d'information, il n'y a pas de fidélisation, ni au traitement médicamenteux ni aux autres aspects que sont, bien entendu, l'alimentation, l'exercice et autres gestions de stress, etc.

Alors donc, notre propos est de dire: Si, dans une politique du médicament, on pousse justement à ce que les gens soient mieux renseignés sur leur maladie ? puis on prend le diabète, nous, parce que c'est notre spécialité, mais ça pourrait s'appliquer dans d'autres domaines de maladie chronique ? dans la mesure où la personne peut effectivement avoir l'information juste, à ce moment-là, on peut éviter des complications de façon très substantielle. Il a été démontré, dans les dernières années, par exemple, qu'au niveau des maladies cardiovasculaires il y a eu une diminution du nombre de problèmes de maladie cardiovasculaire dus au diabète justement parce qu'on a pu mettre en place des médicaments qui étaient mieux ajustés. Alors donc, notre propos est ce...

M. Langlois (Serge): J'aimerais ajouter un point, un bel exemple probant d'approche. Dans la région de Chaudière-Appalaches, on a réussi, avec des bénévoles, à mettre en place un programme d'exercice. Ou encore, à l'Hôpital Notre-Dame, on fait de l'aquaforme, à Montréal. Ce sont deux exemples d'utilisation de ressources bénévoles avec des professionnels qui connaissent ce sujet et avec lesquels on a monté des programmes d'exercice pour dire aux gens: C'est facile de vous dire: Perdez du poids, mais ce n'est pas évident à faire; on va vous aider, on va vous accompagner et on va faciliter cette approche-là. Vous n'aurez pas besoin de vous inscrire dans des programmes spéciaux où vous payez certains frais mensuels, on va vous accompagner là-dedans. Parce qu'il faut justement, je pense, avoir l'accompagnement. Alors, la gestion optimale du traitement passe aussi par l'information qu'on diffuse lors de tout cet accompagnement de la personne diabétique pour dire: Bien, si un pharmacien peut leur parler, si une infirmière peut leur parler, une diététiste peut les rencontrer, bien, là, on va commencer à prendre en charge... Et la personne réalise que, aïe! c'est sérieux, ce n'est pas anodin, parce que le problème du diabète aussi, c'est qu'on n'a pas de boutons de toutes sortes de couleurs qui nous poussent, on ne perd pas nos cheveux. Alors, c'est très difficile de considérer l'importance de ces problèmes de santé. Ce sont des grandes lignes, là, mais...

M. Couillard: Vous avez parlé, comme d'autres, de la question des médicaments d'exception. Peut-être corriger quelque chose. Vous avez raison de souligner ? puis vous n'êtes pas les premiers à le faire ? le problème des personnes qui doivent passer, à l'âge de la retraite, d'un régime privé au régime public. Mais cependant il n'est pas obligatoire que le médecin fasse l'essai du médicament de première ligne avant d'ordonner le médicament. Il peut d'emblée, dès la première visite, demander l'application du médicament d'exception. Je voulais juste corriger cette perception-là. Il n'est pas obligatoire de faire le réessai du médicament de première ligne lorsqu'on transfère d'un régime d'assurance à l'autre.

M. Langlois (Serge): Nous, on a vu des gens qui avaient eu ce problème-là.

M. Couillard: Bien, c'est ça. Mais je voulais juste dire que c'est la décision du médecin de le faire, mais il ou elle n'a pas à le faire. Elle peut d'emblée demander que le médicament d'exception soit continué.

M. Langlois (Serge): Je vous remercie de l'information.

n (11 heures) n

M. Couillard: Bien, c'est un domaine, le diabète, où évidemment, comme c'est une maladie répandue, il y a énormément de recherche, et de développement technologique, et de médicaments. Il y a des nouveaux médicaments qui, chaque année, sont soumis, mais ils sont soumis aux mêmes règles, comme vous le savez, que les autres, et il faut démontrer qu'il y a une valeur thérapeutique, une valeur thérapeutique ajoutée, et que les autres critères du Conseil du médicament sont également, là, en place, et ce n'est pas différent, pour les médicaments pour le diabète, de ce qu'on fait pour les autres. Je pense que c'est important de le dire.

Vous pourriez peut-être nous donner ? vous devez être au courant un peu ? un aperçu de ce que l'avenir nous réserve en termes d'avancées technologiques. On sait tout le progrès de la micro-informatique pour la gestion du diabète, également les transplantations de cellules. Où voyez-vous le traitement du diabète dans les cinq, 10, 15 prochaines années?

M. Langlois (Serge): Je vais débuter, puis je vais demander à M. Aras, qui est un physiologiste qui est très intéressé par ce genre de question... Évidemment, il y a tout le sujet des pompes à insuline présentement qui est un apport technologique, qui n'est pas un pancréas artificiel, qui n'est pas une panacée, mais qui est un apport intéressant, particulièrement chez les enfants ou chez des personnes qui ont une difficulté de contrôle importante au niveau du diabète. Il y a des gens qui, malgré les approches traditionnelles, malgré des prises en charge plus sérieuses, ont des graves problèmes de contrôle, et ces fameuses pompes à insuline ont vraiment un apport qui peut être considéré très important pour ces clientèles-là. Et évidemment que ça ira sans doute, un jour, jusqu'à un pancréas artificiel qui va s'autoréguler. La pompe est sans doute l'ouverture vers cette approche-là.

Puis je vais laisser M. Aras peut-être élaborer un peu plus sur l'avenir là-dessus.

M. Aras (Marc): Il faut dire que, le domaine du diabète, quand on parle de dépenses, on estime environ, dans tous les domaines, pour le Québec, qu'on dépenserait environ 30 millions par année. Si on couvre les compagnies pharmaceutiques, les universités, les hôpitaux, etc., c'est 30 millions. On parle, au niveau mondial, de plus de 4 à 5 milliards de dollars dépensés, chaque année, dans le domaine du diabète, et on comprend à quel point effectivement on a toujours l'espoir que les choses vont arriver rapidement. Malheureusement, souvent, ces technologies prennent de longues années.

On parle beaucoup de cellules souches, et, nous, on y croit beaucoup, effectivement, à cette avenue-là, pour répondre certainement à certains problèmes dus au diabète, et surtout de type 1, plus que le type 2, parce que le type 2 est une maladie quand même relativement différente dans la façon d'agir. Mais, au niveau du type 1, les cellules souches, on y croit beaucoup, il y a déjà des premières étapes de réussite, mais on ne peut pas espérer avant cinq à 10 ans, effectivement, que ça devienne une thérapie qui permettrait effectivement de guérir la maladie chez les types 1.

Chez les types 2, étant une maladie plus complexe, on a encore beaucoup recours aux médicaments tels qu'on les connaît maintenant, mais, bien entendu, s'ouvrent actuellement d'autres voies extrêmement intéressantes ? qu'on parle au niveau de la génétique et d'autres nouvelles technologies, de biotechnologies ? où effectivement on essaie de trouver le moyen, par des mécanismes biologiques, d'arrêter la maladie, de la déceler, là. Dans les dernières recherches faites, des équipes sont arrivées à, par exemple, dire qu'il y a moyen de prédire l'apparition du diabète de nombreuses années avant son apparition elle-même. Alors, c'est effectivement du fait qu'on puisse le déceler et qu'on puisse, par un mécanisme biologique quelconque, empêcher son apparition ou la retarder, effectivement. On va effectivement toucher des domaines extrêmement intéressants.

Alors, dans la Politique du médicament, présentement, on est limités encore à certains domaines pharmaceutiques, mais pour l'avenir on espère effectivement en arriver à pouvoir prévenir, de façon beaucoup plus efficace, l'apparition de la maladie. Il faut comprendre que le fameux type 2 était une maladie de fin de vie, et c'est peut-être pour ça souvent que le diabète a été considéré comme une maladie moins lourde que, par exemple, les maladies cardiovasculaires et le cancer. Cependant, comme ça apparaît beaucoup plus tôt...

Nous, on a reçu, au niveau de Diabète Québec, des appels de jeunes personnes, des personnes dans la vingtaine, qui venaient d'avoir un diagnostic de type 2 et qui nous demandaient: Mais est-ce que je suis condamnée à vie? Effectivement, on se rend compte à quel point, une personne qui a 20 ans et qui est déjà atteinte d'une maladie chronique importante, ça peut avoir des conséquences énormes sur le reste de sa vie. Alors, c'est pour ça qu'il est essentiel pour nous de faire avancer, le plus rapidement possible, les moyens, et tous les moyens sont bons.

Au niveau de la Santé publique, je sais qu'on commence à faire des efforts pour effectivement pousser les gens à adopter des saines habitudes de vie, puis je pense qu'actuellement c'est l'outil idéal en attendant que d'autres technologies apparaissent. Mais effectivement il faut faire un effort de ce côté-là et Diabète Québec est en première ligne pour essayer justement d'apporter le tout, parce que, nous, c'est toujours polyvalent. On parle des fameux silos. Bien, nous, on voudrait effectivement essayer de faire en sorte que ces silos communiquent ensemble.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, je cède la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Messieurs, je crois que, ce matin, par votre présentation, vous allez peut-être nous aider à faire en sorte que la politique soit un peu plus équilibrée, parce qu'il y a un volet qui à mon avis fait défaut dans la politique ? je pense que vous avez mis le doigt dessus ? c'est toute la dimension de la prévention pour éviter un usage accru de médicaments, dans le fond, pour éviter l'apparition d'un certain nombre de problématiques de santé qui, elles, commandent l'usage énorme de médicaments. Alors, on veut faire en sorte que le médicament soit accessible, on veut que le prix soit correct, on veut que finalement on utilise de façon optimale les médicaments puis on veut aussi... On parle beaucoup de l'industrie, mais on n'a pas parlé, dans la politique, de la problématique de comment on peut éviter d'en arriver à l'usage accru de médicaments, et, dans une approche de santé aussi, je pense que ce volet-là est important.

J'ai l'impression que vous nous dites aujourd'hui: Les volets qui sont sur la table sont importants, mais il y a un volet qui manque, c'est le volet... Quand vous parlez de la gestion optimale du traitement, en fait c'est le traitement, mais c'est aussi la prévention, parce qu'avant même qu'il y ait une nécessité de traitement il y a peut-être nécessité de changer des habitudes de vie et d'avoir un niveau de sensibilisation. Vous donniez l'exemple de d'autres sociétés. Est-ce que notre société met suffisamment d'accent sur la sensibilisation puis l'éducation à des styles de vie puis à des comportements ou à des habitudes de vie, soit alimentaires ou physiques, qui auraient un impact significatif? C'est toujours difficile de mesurer l'efficacité de la prévention, mais on en parle toujours comme étant une vertu, sauf qu'à quelque part on oublie souvent de la mettre là où elle devrait être mise. Le gouvernement a poursuivi dans la lancée de ce qu'on avait essayé de faire, c'est-à-dire une politique où on veut favoriser l'exercice physique, par exemple. Mais comment se fait-il que, dans la Politique sur le médicament, on n'y fait pas référence, justement parce qu'il y a un lien très direct? C'est ça que vous nous dites aujourd'hui.

M. Langlois (Serge): En fait, c'est qu'une des choses qu'on veut souligner, c'est que le médicament n'est pas la porte d'entrée mais devrait faire partie d'un continuum où on doit à un moment avoir recours aux médicaments. Évidemment, ça dépend du problème de santé. Nous, on parle de cette préoccupation de maladie chronique, de dire: Bien, si on est en mesure d'avoir des programmes justement de prévention mais aussi de prévention pour la personne qui vient d'être diagnostiquée, on pourrait, entre 10 % et 30 % des personnes de type 2 ? et là c'est une réalité qu'on sait qui existe déjà ? en changeant les habitudes de vie, en perdant du poids, en s'alimentant différemment, en ayant des habitudes qui ne sont pas sédentaires, des choses comme ça, on pourrait éviter la prise de médicaments pour ces gens-là, ce qui est énorme, et je pense que, dans la gestion optimale, c'en est, ça, un volet.

D'autre part, dans ce que vous avez mentionné, je pense que je suis optimiste vers l'avenir si on continue dans certaines voies dans lesquelles on s'est engagés. On n'a qu'à retourner il y a 10 ou 15 ans en arrière, il n'y avait pas de piste cyclable comme il y a maintenant, il n'y avait pas de réseau de pistes cyclables. Or, maintenant, au Québec, le vélo a pris vraiment un essor fulgurant. Les patins à roues alignées, vous me direz que c'est peut-être aussi, par exemple, un risque d'entrer dans le système de santé avec... mais le vélo a pris ? c'est un bel exemple ? ou la marche... Les sentiers pédestres n'existaient pas. Or, maintenant, les sentiers pédestres existent de plus en plus, hiver comme été. Ils sont balisés adéquatement, ils sont sécuritaires. Bien, il y a de plus en plus de gens qui profitent de ce genre d'accessibilité là. Alors, il faudra sans doute aller plus loin dans l'accessibilité si on veut, au niveau santé publique, prévenir, de plus en plus, des problèmes de santé, pas juste le diabète, mais au niveau général de la population. Une population plus en forme, plus active, bien ça passe par l'activité physique, il va sans dire, puis il faut qu'elle soit agréable, l'activité physique.

n (11 h 10) n

M. Charbonneau: Vous voulez dire: il faut que ce soit ludique, un peu, là.

M. Langlois (Serge): Tout à fait, sinon c'est facile à comprendre qu'on va cesser, on va abandonner tout ça parce que c'est lourd, c'est: ah! je n'ai pas envie, il ne fait pas beau, alors que justement, si c'est ludique, si c'est agréable, bien la personne va dire: Il ne fait pas beau, mais, tu vas voir, ça va être agréable quand même. La preuve, c'est qu'on joue au golf même sous la pluie, vous savez. Alors, c'est possible à faire. Ha, ha, ha!

M. Aras (Marc): Bien, je voudrais simplement mentionner qu'au niveau des chiffres effectivement il y a une mesure possible. On a mentionné depuis le début qu'on voit apparaître le diabète de plus en plus jeune, qu'effectivement les gens, à partir de 45 ans, sont souvent diabétiques. D'ailleurs, au niveau des lignes directrices, on demande que le dépistage se fasse de plus en plus tôt pour essayer de justement accrocher ces gens-là. Donc, si effectivement on arrivait à inverser cela et qu'effectivement la moyenne d'âge d'apparition du diabète soit beaucoup plus tard dans la vie, ça nous donnerait déjà une bonne mesure, et ça, pour nous ce serait effectivement une victoire.

M. Charbonneau: Avez-vous des indications de sociétés qui ont investi plus que nous dans l'activité physique, la prévention, l'éducation, par exemple, à l'activité physique à l'école, et pas juste pour faire semblant, là? Vraiment, là, on intègre, à chaque jour, une période significative d'activité physique et où on peut mesurer l'impact sur la santé des citoyens et donc aussi sur l'utilisation moins grande de médicaments.

M. Langlois (Serge): Bien, entre autres, vous savez, si on regarde juste chez nous ? et Marc pourra vous le donner ailleurs ? mais on a, au niveau autochtone, à Kahnawake, un projet qui était le Kahnawake Diabetes Schools Project, le projet de diabète à l'école, au niveau des étudiants, au niveau primaire, où on a modifié les habitudes. Dans le cadre de l'enseignement, il y a des périodes pour aller marcher ? et ils vont marcher 2 000 kilomètres dans leur période scolaire ? où on a changé aussi les habitudes au niveau des lunchs, des dîners, et tout ça, avec une alimentation où on explique: voici ce qui est sain, voici ce qui ne l'est pas. L'impact de ça, c'est un peu ce qu'on a vu au niveau de la restauration rapide, c'est que les enfants vont, dans leur milieu familial, dire: Non, il ne faut pas manger ça, ce n'est pas correct, il faut aller vers... Alors, il y a moyen de l'intégrer au niveau de la vie. Puis, ailleurs, je sais que M. Aras a des informations là-dessus.

M. Aras (Marc): Oui. Bien, moi, je dirais qu'effectivement là où on retrouve peut-être les éléments les plus intéressants, c'est dans les pays scandinaves, la Suède et la Finlande, la Finlande étant un pays qui a une population qui est un peu moindre que celle du Québec, donc qui a un système de santé qui nous ressemble aussi, avec, bien entendu, le fait d'avoir des limites au niveau des dépenses, et tout ça. Et malgré cela il y a effectivement une stratégie nationale et sur le diabète et de prévention du diabète, et là le ministère de la Santé, l'Association du diabète de la Finlande ainsi que la Fondation des maladies du coeur, parce que c'est une composante importante, travaillent ensemble à tous les niveaux. Ils ont des représentants dans chacune des régions, parce qu'ils fonctionnent aussi un peu comme nous, dans chacune des régions et mettent en place justement toute une série de services pour aider les gens à améliorer leur alimentation et effectivement à proposer l'activité physique. Et, en Suède, le même travail se fait. Les gens sont portés à faire l'activité physique. Il y a un milieu qui semble intéressant. Les gens veulent en faire, les parents vont avec leurs enfants faire du sport, etc. Il y a des infrastructures en place. Donc, il y a effectivement moyen de viser juste, et peut-être qu'on verra, au bout du compte, justement, une amélioration dans ce pays-là.

Il faut comprendre que, même aux États-Unis, le ministère de la Santé des États-Unis se rend compte à quel point le problème est énorme, et ils ont commencé à investir aussi, et il y a des ressources qui sont mises dans les écoles, dans les infrastructures publiques, et tout ça. Je pense qu'il faut mettre tout ça dans le contexte d'une des maladies chroniques évitables.

M. Langlois (Serge): Et, juste en terminant, on a mis en place, par exemple, des visites à l'épicerie avec des diététistes, au niveau de l'alimentation, pour que les gens puissent lire les étiquettes et comprendre ce qui est écrit là, comprendre que du beurre d'arachides léger contient plus de sucre que du beurre d'arachides régulier.

M. Charbonneau: Ah! Vous m'apprenez quelque chose, moi qui prenais du léger.

M. Langlois (Serge) Vous voyez la portée de ce qu'on fait, hein? Et c'est des choses essentielles à comprendre, mais ce n'est pas évident de lire ces fameuses étiquettes. Nous, ça fait déjà longtemps qu'on réclame que tout produit ait cette information, parce qu'on en a besoin si on veut comprendre ce qu'on mange. Alors, c'est des approches qui sont de masse mais qui fonctionnent bien. Je pense que présentement, je dois le souligner, notre fameux petit bonhomme bleu, là, qui... bien c'est quelque chose qui est présent dans la population. J'ai eu la chance d'aller aux Internationaux de tennis et de voir ce bonhomme bleu jouer avec les enfants au tennis, un message qui est là, qui est direct et qui est sain, et je pense que, oui, il faut aller dans ces voies-là.

M. Charbonneau: Il reste combien de temps? Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il reste cinq minutes.

M. Charbonneau: Je voudrais aborder juste une dernière chose parce que je voudrais parler de la question... Le ministre ne l'a pas soulevée. Ce n'est pas un blâme, là. Mais vous avez parlé de la problématique des médicaments naturels, en fait dits naturels, là. Mais juste avant est-ce que vous avez fait une évaluation, votre organisation, de l'alimentation dans les cafétérias de polyvalente?

M. Langlois (Serge): Ah! bien, oui! Bien, je pense que toute personne qui vit au Québec a une préoccupation à cet égard parce qu'évidemment je pense que... Je me servirais un peu d'une anecdote ou d'une boutade, je vous dirais, mais je me rappelle d'une époque où on n'avait pas le choix de manger à la cafétéria. On n'avait pas Harvey's qui était là, on n'avait pas ces choses-là. Alors, on prenait des légumes, on mangeait des patates, on mangeait... Je me rappelle, quand j'étais tout jeune, le vendredi, il fallait absolument manger du poisson, même si on n'était pas toujours heureux de ça. Mais je pense que, oui, ça commence en milieu scolaire. Mais j'irai plus loin que ça, ça commence au niveau familial, d'abord et avant tout. Mais, si ça ne commence pas au niveau familial ? c'est l'exemple des autochtones dont je parlais tantôt ? bien essayons de renverser la machine, à ce moment-là. Je veux dire, c'est ce que j'appelle souvent l'effet McDonald's. Les enfants vont nous dire: Je veux aller au gros M, je veux aller au gros M, et les parents vont finir par céder. Mais, dans le même ordre d'idées, si on faisait à l'inverse, oui. Mais évidemment, je veux dire, c'est de tout un cadre de vie qu'on doit se doter évidemment si on veut avoir une population en santé.

M. Charbonneau: Y compris l'activité physique sur les lieux de travail. Ça, ce n'est pas dans notre tradition, c'est dans la tradition plus japonaise, là, de permettre de l'activité physique sur les lieux de travail, de l'intégrer même. Dans certains cas même, c'est une obligation, ce qui n'est pas notre réalité chez nous.

Mais, comme le temps manque, je ne vous demanderai pas d'élaborer sur ça, mais j'aimerais ça que vous élaboriez, par exemple, sur la problématique des médicaments ou des produits naturels, parce que finalement il y a de plus en plus d'utilisation. On les retrouve en pharmacie, là, hein, ces produits-là, pas juste...

M. Langlois (Serge): Écoutez, moi, ce qui nous préoccupe là-dessus, c'est qu'on ne peut pas acheter des 222 ? excusez, je nomme un produit spécifique ? on ne peut pas acheter des produits comme ça en vente libre, mais on peut acheter des produits qui sont loin d'être anodins. Ils ont des effets et ils ont des contre-indications aussi, et malheureusement... Et on ne le sait pas, s'ils ont des effets. Soit dit en passant, on prend ce qu'on nous dit encore une fois. Alors, il y a toute une réglementation. Je sais que ça déborde de la carte du Québec, à ce moment-là, mais il y a quand même de l'information qui devrait nous être donnée, mais il y a aussi un encadrement, parce qu'il faut faire attention. On s'aperçoit, nous, parce que nos groupes sont directement sur le terrain, que les gens ont recours, de plus en plus, à l'automédication à cause de la communication de masse, entre autres. L'Internet, et tout ça, nous permet d'avoir accès à toutes sortes d'informations, et malheureusement c'est de tout acabit, hein? Il y a de l'information qui est tout à fait pertinente puis il y en a d'autre qui est complètement farfelue. Et qui va se retrouver? On n'a pas la formation pour ça. Qui se retrouve là-dedans? Ce n'est pas évident.

Et malheureusement on est même rendus dans une société où les gens entre eux vont se dire: Tu devrais prendre ça, et ça, c'est un phénomène nouveau, récent, mais qui ne va pas aller en diminuant. Or, avec la publicité avec des vedettes qui disent: Moi, j'utilise ça, puis ça fonctionne très bien, et ta, ta, ta, le recours à toutes sortes de formules de marketing, bien je trouve que ça fait comme une approche qui n'est pas balancée entre l'industrie pharmaceutique, qui doit démontrer, de façon scientifique, avec des données probantes... Et de l'autre côté on ne sait pas ce qu'il y a dans la bouteille. Et malheureusement nos gens se retrouvent parfois dans des situations où, entre autres, la glycémie est tout à fait débalancée parce qu'ils ont pris un produit qui fait augmenter la glycémie, ou les gens prennent des clarifiants de sang, par exemple, puis ils se retrouvent avec un autre produit qui fait la même chose ? en tout cas, c'est ce qu'on nous dit ? et qui peut créer des problèmes.

n (11 h 20) n

M. Charbonneau: Parce qu'autrement dit l'utilisation optimale du médicament peut être compromise par l'utilisation de d'autres types de produits qui finalement interfèrent.

M. Langlois (Serge): Tout à fait.

M. Charbonneau: Ça aussi, c'est un problème. C'est-à-dire qu'on n'en parle pas dans la proposition actuelle, mais c'est un document de consultation.

M. Langlois (Serge): Il y a des produits qui, à l'heure actuelle, peuvent réduire ou carrément interférer dans les médicaments que la personne prend, qui parfois sont des médicaments importants.

M. Charbonneau: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire ? puis je termine avec ça, M. le Président ? qu'il devrait y avoir une réglementation, puisqu'on réglemente... Parce qu'il y a des règles qui... On ne peut pas mettre sur le marché, en pharmacie, n'importe quel type de produit sans qu'il y ait des autorisations, des vérifications scientifiques, etc. Est-ce qu'il ne serait peut-être pas temps qu'on s'intéresse à la réglementation ou à l'encadrement puis à la surveillance des produits qui sont mis sur le marché, et qui sont mis sur le marché dans nos pharmacies, là, pas juste dans des boutiques spécialisées?

M. Aras (Marc): Oui. Bien, je voudrais simplement souligner qu'effectivement, au niveau des pharmacies, les produits dits naturels sont une partie assez importante des ventes, et malheureusement, souvent, les pharmaciens ont une connaissance très limitée des produits et des interactions qu'il peut y avoir avec les médicaments. Je sais qu'actuellement il y a un effort de ce côté-là, mais il n'en reste pas moins qu'une personne peut changer de pharmacie, le pharmacien n'être pas au courant de la liste des médicaments qu'elle prend, aller chercher ses médicaments naturels ailleurs, et ça peut avoir un impact important. Alors, moi, c'est véritablement au niveau des pharmacies et peut-être aussi au niveau des autres magasins de produits naturels, qui, eux, ne sont absolument pas réglementés... Une personne reçoit une formation d'une demi-heure pour leur dire quoi vendre à la personne, et ça peut avoir un impact important.

Alors, c'est pour ça qu'on est très sensibles à ça, parce que, de la part de nos membres, de nos associations, effectivement on voit qu'il y a de la pression pour vendre ces produits-là qui peuvent malheureusement, dans certains cas, avoir des effets très néfastes et dans certains cas... l'abandon thérapeutique que la personne devrait prendre. On a eu malheureusement quelques décès justement dus à ce genre de produits naturels et de personnes qui ont même été condamnées en justice justement pour vente de ces produits-là et abandon de la thérapie. Alors, c'est pour ça qu'effectivement on est très sensibles à ça, parce qu'on sait à quel point le nombre de gens sont affectés par ce genre de produits.

M. Charbonneau: Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie beaucoup, M. Langlois et M. Aras. Au nom des membres de cette commission, je vous remercie de votre contribution et j'invite les représentants du Collectif pour un Québec sans pauvreté à prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la commission poursuit ses travaux. Nous accueillons les membres représentants du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Mme Vivian Labrie, qui est accompagnée de Mme Micheline Bélisle et de M. Jean-Pierre Hétu. Alors, bienvenue à la commission.

Vous connaissez les règles du jeu, 20 minutes grosso modo pour présenter l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous aurons des échanges avec les membres de la commission. Alors, la parole est à Mme Vivian Labrie, je présume. Bienvenue.

Collectif pour un Québec sans pauvreté

Mme Labrie (Vivian): Alors, bonjour. Je vais commencer. Jean-Pierre Hétu, qui est organisateur communautaire au Centre de santé et services sociaux de Rouyn-Noranda, poursuivra, et Micheline Bélisle, de La Courtepointe de Québec, qui est présidente du collectif, va terminer.

Alors, vous connaissez déjà le Collectif pour un Québec sans pauvreté et son travail. On va simplement rappeler ce matin qu'on a comme membres une trentaine d'organisations québécoises majeures puis des collectifs régionaux dans la plupart des régions du Québec.

Vous avez vu notre mémoire, donc vous savez qu'on veut centrer notre intervention sur une question, l'accès gratuit aux médicaments prescrits pour les personnes en situation de pauvreté. Vous savez aussi que, si, comme bien d'autres, on préconise cet accès gratuit pour l'ensemble des personnes à faibles revenus, on demande une décision immédiate, et je dirais même pour avant-hier ? ça aurait dû se faire il y a très longtemps ? pour les personnes parmi elles qui ont un revenu de 12 000 $ et moins, ce qui supposait, au moment de notre mémoire, un coût d'environ 70 millions.

Depuis la transmission de ce mémoire, le budget 2005-2006 concrétise le rétablissement de la gratuité des médicaments prescrits pour les personnes âgées qui ont le supplément de revenu garanti complet, comme c'est prévu dans le projet de politique du médicament. Alors, c'est une bonne nouvelle qui engage un investissement d'environ 6 à 7 millions, donc il en reste encore beaucoup à faire. Et cette bonne nouvelle là pour nous est entachée d'un acte grave de discrimination parce que la gratuité qui est rétablie pour des personnes qui ont un revenu annuel de 12 389 $ environ ? et on va convenir, tout le monde, que c'est très peu comme revenu ? elle est refusée par ailleurs et remise à plus tard pour des personnes dont le revenu est moindre et même à moitié moindre.

Alors, le gouvernement utilise un euphémisme pour qualifier ça dans son projet de politique. On va dire: Dans un deuxième temps et au rythme des gains d'efficience réalisés grâce aux mesures d'utilisation optimale et aux ententes de partenariat, étendre la gratuité ou alléger les contributions selon les cas aux clientèles à faibles revenus. Ça fait très beau, mais on prétend que c'est une formulation ? on va peser nos mots ? qui est monstrueuse et trompeuse parce qu'elle couvre une injustice sociale et fiscale qui existe depuis l'instauration de l'assurance médicaments et qui doit maintenant cesser. C'est monstrueux parce que ça déforme la réalité ? c'est, je pense, le sens du mot ? ça laisse croire que la bonne nouvelle pour les personnes âgées règle le plus important et que le reste peut attendre, alors que le reste, qu'on nomme clientèle, ce sont des personnes qui ont encore moins de revenus. Donc, il y a une atteinte à la logique. C'est trompeur aussi parce que ça laisse croire qu'on n'aurait pas l'argent pour faire mieux, et ça, on le conteste, comme vous allez le voir.

En fait, une formulation comme celle-là, ça rend fou parce que ça donne l'impression de tendre d'une main et de retirer la main de l'autre côté. Ça nous fait penser à une chanson célèbre, et puis on va la paraphraser ici. Ça vient dire aux gens: Je t'aide, moi non plus. On le dit notamment au groupe qui est le plus victime de discrimination et de répression ? et même le Rapport annuel sur l'état de santé de la population le mentionne ? dans les politiques sociales et fiscales du Québec, c'est-à-dire les personnes qui reçoivent de l'aide sociale tout en étant jugées sans contraintes sévères à l'emploi.

Et pourquoi en est-il ainsi? Nous prétendons que le gouvernement québécois est atteint, comme bien d'autres gouvernements depuis des décennies, d'une grave et chronique infection aux préjugés qui lui fait perdre tout sens logique lorsqu'il est question des personnes à l'aide sociale. Cette infection, elle vient d'un argument véreux ? peut-être pas viral mais véreux ? qui n'a rien à voir avec la santé. Ça s'introduit insidieusement dans les esprits, ça inhibe le sens de la raison et de la juste mesure sur le passage. Comment ça marche? On vous persuade, et c'est souvent un économiste qui va le faire, qu'il faut inciter à l'emploi et que, pour inciter à l'emploi, il faut diminuer ou entraver les protections sociales de base. Vous croyez ça, vous faites comme on vous dit et vous vous trouvez à détruire la santé des personnes les plus pauvres, ce qui vous met en pleine contradiction avec les affirmations de votre Direction de la santé publique qui proclame partout que la pauvreté est le plus grand déterminant de la mauvaise santé et qu'il faut agir pour améliorer les revenus et les protections sociales. Les psychologues appellent ça de la dissonance.

n (11 h 30) n

Si vous regardez bien, vous allez vous apercevoir que, derrière l'idéologie économiste, il y a en fait des groupes d'intérêts en haut de l'échelle sociale qui manoeuvrent pour que le gouvernement incite les gens en bas de l'échelle à l'emploi, mais mal payé. Ce genre d'infection va rendre sourd, aveugle devant les faits et le bon sens. Il rend complice de l'aggravation des inégalités sociales et des inégalités de santé. Alors, on prétend que le gouvernement doit maintenant se soigner pour permettre aux plus pauvres de se soigner à leur tour. Nous disons donc à la commission et au ministre qu'il n'y a aucune raison qui tienne pour ne pas régler immédiatement ce problème. Les motifs n'ont pas plus de fondement que ceux qui ont servi autrefois ? on parlait de la viande ou du poisson le vendredi ? à faire que c'était un péché de manger de la viande ? on peut promouvoir le poisson sans faire de manger de la viande un péché ? ou à contrer le vote des femmes. Une fois la décision prise, les arguments, on prétend qu'ils vont s'évanouir dans leur déraison. Vous vous demanderez pourquoi vous avez déjà pensé que vous vous reteniez de faire cette décision-là, car on est dans le domaine de la déraison.

Comment on soigne une infection aux préjugés? On a apporté avec nous, ce matin, un traitement aux arguments puis une quantité massive de prescriptions. Alors, le traitement aux arguments vous donne 10 bonnes raisons de procéder. J'y viens.

Premier argument: les besoins essentiels doivent être couverts. C'est simple comme principe. Les médicaments prescrits devraient être gratuits quand on n'a pas assez pour se nourrir, se loger, se vêtir. La mesure du panier de consommation de Statistique Canada établissait pour 2003 à 11 221 $, soit 935 $ par mois, le revenu annuel qu'il fallait à une personne seule vivant à Montréal pour couvrir ses besoins de base, à l'exclusion des soins de santé et des médicaments. Alors, devoir payer des médicaments en plus, ça oblige à choisir entre manger et se soigner. Imaginez ? on parle de 11 221 $ ? un revenu de 6 400 $. Avec un revenu de 6 400 $, vous avez 537 $ par mois. Très vite, vous n'avez plus d'argent au cours du mois pour assumer le 16,67 $ de franchise qu'on pourra vous réclamer à la pharmacie si vous vous trouvez malade. Imaginez que ça vous arrive le 20 du mois. Vous ne l'avez plus. Par le cercle vicieux du déficit humain, c'est par ailleurs à ce moment-là du mois que le stress physique et mental est plus intense, et donc le risque pour la santé plus grand. Alors, sous la barre des 12 000 $, on oublie ça. Quand notre niveau de revenus est plus élevé, même juste un peu plus élevé, chaque dollar compte et se décompte dans le mois même où il est reçu.

Il m'est venu une image ce matin. C'est comme si vous aviez à faire une recette et que ça demande quatre oeufs. Si vous avez une douzaine d'oeufs dans votre frigo, ça ne vous préoccupera pas, mais, s'il vous en reste deux, vous allez rater votre recette. Alors, il y a un niveau de revenus en dessous duquel la pensée économique habituelle ne fonctionne pas parce que tout simplement l'argent n'est pas là. C'est totalement irresponsable d'imaginer à cette personne, comme le fait le ministère de la Santé et des Services sociaux, un revenu de travail potentiel pour se disculper de ne pas couvrir le besoin des personnes en question. Il faut établir la politique sociale en fonction de la réalité de la prestation.

Deuxième argument: le revenu des personnes qui ont perdu la gratuité n'a pas été compensé pour la charge qui leur était imposée de plus. Les personnes en cause, quand on a instauré l'assurance médicaments, elles ont eu à faire face à des coûts supplémentaires qu'elles n'avaient pas eu à assumer avant, et on n'a pas compensé. Pire, la prestation de base a perdu de sa valeur ensuite, par défaut d'être indexée régulièrement et complètement, et c'est arrivé encore cette année. Donc, la conclusion de ça: on a imposé sciemment un recul aux personnes les plus pauvres de la société québécoise.

Troisième argument fiscal: il y a un accroc à l'équité horizontale. Compte tenu que le revenu de base dont on parle, en bas de 12 000 $, conduit à un cercle infernal et qu'il ne permet pas d'arriver, les personnes de l'aide sociale, par exemple, ou autres qui ont besoin de médicaments prescrits sont pénalisées sur leur couverture pendant que celles qui ne sont pas malades, elles, le seront peut-être un petit peu moins. Autrement dit, à même condition, si vous êtes malade, ça devient inéquitable parce que ça vous enlève de l'argent pour les autres besoins, si vous pouvez arriver à trouver cet argent-là.

Il y a aussi un accroc à l'équité verticale. Les personnes jugées aptes au travail, à l'aide sociale, doivent payer le 16,67 $ de franchise et de coassurance. Pourtant, elles ont une prestation de 537 $, donc moindre que les personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi, qui, avec 793 $ de prestation ? et tout ça est très, très bas, là ? elles, ont la gratuité. Où est la logique qui voudrait qu'on protège moins les gens qui ont moins que les gens qui ont plus? C'est de ça dont on parle. Ce n'est pas logique. Pire, les prestataires en question, on l'a dit tout à l'heure, ont un revenu deux fois moindre que les personnes âgées qui ont le supplément de revenu garanti, à qui on vient de redonner la gratuité.

On a entendu aussi, pour justifier ça, le ministère utiliser un argument d'équité avec les travailleurs et travailleuses à faibles revenus qui ne l'auraient pas, la gratuité. Ça ne tient pas parce que les prestataires de l'aide sociale ont toujours un revenu moins élevé. Alors, au nom du principe de l'équité verticale, ils devraient être mieux protégés. Quand le revenu est comparable et que quelqu'un est travailleur ou travailleuse, nécessairement la personne a droit à l'aide sociale et donc serait protégée par le rétablissement de cette gratuité. En plus, 30 % des prestataires jugés aptes déclarent des revenus de travail, sont donc des travailleurs et des travailleuses mais très, très faiblement rémunérés. Nous, ce qu'on dit, la façon de solutionner ça, c'est de couvrir tout le monde en bas de 12 000 $ par année dès maintenant.

Cinquième argument: il y a une discrimination qui est en cause ici par rapport à un droit fondamental. La catégorisation selon l'aptitude au travail, qui sert d'argument ici pour ne pas faire la gratuité des médicaments à l'aide sociale, elle est dénoncée par la Commission des droits de la personne, par le Barreau du Québec, par un mouvement social très large au Québec qui s'est manifesté, l'an dernier, de façon très claire là-dessus, en commission parlementaire, sur le projet de loi n° 57 sur l'aide sociale. C'est une discrimination et une atteinte à la dignité. C'est inacceptable de fonder sur une base aussi contestée et aussi loin de la question de la santé une décision qui a des impacts aussi graves sur la santé des gens et ça nous conduit à une violation en cascade de droits qui devraient être considérés comme indissociables. Quand on ne respecte pas le droit aux revenus décents, après ça, ça conduit au non-respect du droit aux soins de santé. Ajoutons que, même s'il est irrecevable, l'argument de l'incitation au travail ne peut pas servir parce que, si vous êtes malade puis que vous ne pouvez pas payer les médicaments qu'on vous prescrit, en quelle condition êtes-vous pour aller vous chercher un emploi? Vous seriez bien mieux d'avoir accès à la prescription puis d'être en meilleur état. Donc, ça ne tient pas.

Sixième argument de notre traitement: la mesure de gratuité, elle est rentable, comparativement aux coûts qu'elle évite. Le gouvernement précédent, il faut l'admettre, et celui-ci ont invoqué à chaque fois la question des coûts. Mais ce n'est pas vrai que le gouvernement n'a pas l'argent pour faire ça, pas dans une société où le cinquième le plus riche des familles est allé chercher l'équivalent d'un salaire minimum, en amélioration de son revenu annuel, en 1997 et 2000 et l'équivalent d'une prestation d'aide sociale par année en baisse d'impôt depuis. C'est des chiffres qu'on peut démontrer. On a notre analyse du budget 2005-2006, et je pense que personne ne pourra contester ces chiffres-là.

Alors, quand on emploie un tel argument, qu'on n'a pas d'argent, qu'est-ce qu'on fait? On devient le complice d'une croissance effrénée des écarts dans la société québécoise, ce qui n'est pas bon pour la santé collective, dit le Rapport national sur l'état de santé. En fait, on devrait considérer comme une mesure d'économie le fait de donner l'accès gratuit aux médicaments prescrits quand on vit la pauvreté, surtout quand on dit que la pauvreté est le principal déterminant de la mauvaise santé. On agit directement dessus, ce faisant. Ce serait agir en amont en prévenant des coûts humains pour la santé non seulement de la personne et de son entourage... puis des coûts pour le système public ensuite.

On sait aussi que les études montrent qu'à ce niveau de revenus, quand on ne couvre pas ses besoins, les coûts à assumer pour payer les médicaments vont limiter la consommation des médicaments nécessaires et donc stimuler l'aggravation des situations. Alors, tout ceci, ça fait que, dans une échelle de priorités ? parce qu'on est bien conscients que le ministre est devant des priorités, tout le monde lui demande de mettre l'argent pour une chose ou pour une autre, donc il va avoir à décider où il met l'argent ? alors, dans une échelle de priorités comme celle-là, la mesure de gratuité devrait se situer en haut. Compte tenu de ce haut niveau de priorité, la question des moyens donc ne peut pas être invoquée.

n (11 h 40) n

Et, pour donner un seul exemple, je rapporte ce que disait le président du Conseil du médicament, M. Robert Goyer, il y a quelques mois. Il disait qu'on pourrait, par exemple, économiser, au Québec, 60 millions par année si seulement les médecins prescrivaient l'IPP ? si on comprend bien, inhibiteur de pompe à protons ? le moins cher plutôt que le plus cher, et ça, sans réduire l'efficacité du traitement médicamenteux de ceux et celles qui en ont besoin. Il y aurait donc là déjà ce qu'il faut pour financer ce qu'on préconise. Alors, on demande aussi au ministre, parce qu'on n'a pas une opinion publiée là-dessus: Mais que pense le Conseil du médicament de l'accès des personnes à l'aide sociale aux médicaments prescrits?

Septième argument: les personnes visées, c'est une clientèle captive. Il vaut mieux agir sur les responsables de la prescription si on veut prévenir la croissance ces coûts. Rappelons aussi qu'on ne parle pas de n'importe quel médicament, on parle d'un médicament prescrit. Alors, la situation dans laquelle sont les personnes... Eh bien, leur médecin leur dit: Prends ces médicaments-là, puis la Sécurité du revenu leur dit: Débrouille-toi. La franchise, on ne peut pas la payer. Alors, qu'est-ce qu'on fait? On remet au mois suivant, on ne les prend pas ou on emprunte? Le problème reste entier. Si le ministre veut économiser, il devrait plutôt s'occuper de la pression sur les coûts du système qu'il y a dans la façon de prescrire les médicaments et dans les pratiques de l'industrie pharmaceutique.

Ajoutons ici: Le serpent mange sa queue, puisque les médecins sont les principaux responsables donc du statut d'aptitude ou d'inaptitude au travail. C'est les médecins qui disent: Toi, je te considère apte et, toi, je ne te considère pas apte. C'est un problème d'éthique en partant. Est-ce qu'on devrait aller jusqu'à dire que le système médical en vient à générer sa clientèle en déterminant qu'il y aura toujours des plus pauvres, qu'ils seront plus malades, qu'ils devront être plus soignés et qu'ils seront encore plus malades parce qu'ils ne pourront pas payer les médicaments qu'on va leur avoir prescrits? Est-ce qu'on devrait aller jusqu'à dire que le ministère annule l'efficacité des actes médicaux à chaque fois qu'un médecin prescrit à des patients un médicament que le patient ne pourra pas payer ensuite? Et, quand les patients ne peuvent pas payer le médicament et que l'acte médical devient un non-acte, rappelons-nous que les médecins, eux, restent rémunérés. Que diraient les médecins si on arrêtait de les rémunérer quand un patient n'a pas les moyens de payer la prescription? Peut-être que la décision se prendrait plus vite.

Je passe la parole à Jean-Pierre Hétu.

M. Hétu (Jean-Pierre): Huitième argument: la mesure est urgente et la demande des mouvements sociaux et des intervenants sur le terrain est sans équivoque. C'est une des mesures urgentes réclamées par le collectif, depuis 2000, à toutes les occasions et à tous les budgets. Un large réseau y souscrit, notamment la Coalition Solidarité Santé. Une résolution sans équivoque a été adoptée dans le même sens, au terme des Journées de la santé organisées par l'Institut du Nouveau Monde le printemps dernier. Nous avons déposé au ministre, en juin, et on vient la déposer, aujourd'hui, aux membres de la commission, une lettre signée par une centaine d'intervenants du milieu de la santé. Elle est endossée par des médecins, des chercheurs universitaires reconnus par leur travail sur les inéquités de santé et le système de santé, entre autres Maria De Koninck et Michel O'Neill, de l'Université Laval, ainsi que Louise Séguin et Régis Blais, de l'Université de Montréal. Elle est également signée par le Dr Roch Bernier, directeur général de la Fondation Lucie et André Chagnon, ainsi que par Claude Gagnon, président du Syndicat des professionnels de la santé publique du Québec.

Le Rapport national sur l'état de santé de la population du Québec interpelle la responsabilité collective face à l'amélioration du revenu et des conditions de vie des personnes en situation de pauvreté. Il rappelle aussi que les sociétés plus égalitaires sont en meilleure santé. Comme organisateur communautaire, je suis à même d'observer au centre de santé que les personnes qui sont les plus susceptibles de vivre des problèmes de santé et des problèmes sociaux sont celles qui ont les moyens de payer les médicaments dont elles ont besoin. La situation économique de ces personnes ne cesse de se détériorer. Par exemple, dans une région comme l'Abitibi, où l'automobile est une nécessité, compte tenu de la faiblesse du transport en commun, la hausse du prix de l'essence frappe durement quand le budget est déficitaire. À force d'économiser sur la nourriture, les vêtements, le logement, les loisirs, c'est la santé qui en prend un coup et ça coûte très cher.

Neuvième argument: la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale impose d'agir et de tenir compte des impacts ? cette loi a été votée à l'unanimité, en 2002, par l'Assemblée nationale du Québec ? impose de lutter contre les préjugés, de protéger la dignité des personnes, d'agir en prévention, d'améliorer les revenus et les conditions de vie de l'ensemble des personnes en situation de pauvreté et d'examiner les impacts des décisions sur les revenus des personnes en situation de pauvreté.

Au niveau du dixième argument, l'espace politique est ouvert pour le faire. On a parlé d'infection aux préjugés; on pourrait parler peut-être aussi d'Alzheimer. Jean Charest et son parti se sont engagés, avant et pendant les dernières élections, dans plusieurs écrits, dans le programme du parti, à rétablir la gratuité des médicaments prescrits pour l'ensemble des personnes assistées sociales comme pour les personnes âgées recevant le supplément de revenu garanti. Ils ont même proposé à l'Assemblée nationale d'inclure cette mesure dans la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, quelques jours avant que celle-ci ne soit adoptée en décembre 2002.

Que répondrait, aujourd'hui, le ministre à son ex-collègue Christos Sirros qui disait alors, au nom de l'opposition libérale: «...je n'ai jamais compris en quoi l'introduction de la gratuité des médicaments pour les personnes recevant comme totalité de revenu autour de 6 000 $ par année, les personnes sur l'aide sociale sans contraintes à l'emploi, [...]créerait une injustice à quiconque. D'ailleurs, si ça ferait partie du filet de sécurité sociale minimal qu'on se donne, d'avoir des médicaments assurés gratuitement, ce serait une mesure équitable pour tout le monde parce que n'importe qui, à un moment donné, pourrait se retrouver bénéficiaire ou prestataire de ce programme et saura, à ce moment-là, qu'indépendamment de cette situation actuelle, si jamais il arrive par malheur à ce niveau-là, il aurait au moins cette couverture également. Ce serait une mesure universelle, universellement accessible, tout au moins universellement accessible à tous ceux qui devraient avoir ou pourraient avoir recours au programme d'assistance sociale à un moment donné. [...]Ce n'est pas une question de coût. Ça aurait été un coût total, selon les chiffres de la ministre, pas les miens, les chiffres de la ministre qui ont été validés en commission parlementaire: 16 millions pour cette clientèle. 16 millions, M. le Président, on peut les trouver à l'intérieur du budget de la ministre. [...]Alors, c'est une question de choix»?

Je passerais la parole à Micheline Bélisle.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Bélisle, si vous voulez faire rapidement, s'il vous plaît.

M. Bélisle (Micheline): Oui, d'accord. Je vais essayer de synthétiser un peu. Nous espérons que ces arguments auront aidé le ministre à prendre conscience du problème et à se remettre en face de son devoir. Sa responsabilité est engagée dans la correction d'une discrimination qui ajoute, pour les personnes concernées, le poids de l'injustice et du soupçon à celui de la pauvreté.

En matière de santé et de droits fondamentaux, il n'y a pas de catégories d'humains. C'est le devoir du ministre d'assurer l'égalité en droits. Sa responsabilité comme gestionnaire est également interpellée par le fait que le degré de priorité de cette mesure est à l'évidence très élevé et que le coût impliqué est bien moindre que le coût de ne pas le faire.

Je vais passer tout de suite... On a présenté, au bureau du ministère de la Santé et des Services sociaux, 909 bouteilles de médicaments vides contenant chacune une prescription pour soigner la préjugite aiguë envers les personnes à l'aide sociale. Nous remettons un double de ces prescriptions. On va les déposer ici.

Une voix: ...

M. Bélisle (Micheline): Vous l'avez déjà? Et nous allons maintenant rappeler quelques-uns des cris qu'il contient. Par exemple, le Dr Jacques P., Cuisine collective, Trois-Rivières: Je vous mets au défi, M. le ministre, de vivre, pendant un mois, avec 600 $ par mois en payant une franchise médicaments de 16,66 $. Êtes-vous game?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Bélisle, un deuxième cri, et je vous arrête tout de suite après.

M. Bélisle (Micheline): Bon. Alors, je vais vous donner le meilleur. Dr Surprenant, Centre d'entraide Racine-Lavoie, Saint-Eustache: Antipréjugex, 500 mg, 100 aux deux heures, sans limite journalière; aucune contre-indication, aucun remplacement; si pas de changement dans deux semaines, consultez le Collectif pour un Québec sans pauvreté.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Nous cédons désormais la parole aux parlementaires. Alors, le ministre de la Santé et des Services sociaux pour commencer.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Il ne manque que la voie d'administration dans votre prescription et le nombre de renouvellements.

Écoutez, merci pour votre présentation, Mme Labrie et vos collègues. On me demande, mon collègue de Rouyn-Noranda me demande de saluer particulièrement M. Hétu parce qu'apparemment, venant de la même région, ils se connaissent, et je m'acquitte de cette demande.

Faisons un peu d'histoire. Vous l'avez fait, mais les citoyens qui nous écoutent également doivent être informés de la question dont nous discutons. C'est à la naissance du régime d'assurance médicaments que la gratuité aux personnes recevant l'aide sociale a été retirée. Par la suite, il a fallu l'étude de la Dre Tamblyn en particulier, qui vient d'ailleurs présenter à la commission, cet après-midi... démontrant l'impact du retrait de la gratuité sur la consommation de médicaments pour que ? je crois que c'est en 2001, 2001 ? on réintroduise la gratuité pour les personnes recevant des prestations, mais avec des contraintes sévères à l'emploi.

n (11 h 50) n

Notre parti politique s'est effectivement engagé, durant la campagne récente ? c'est clair, puisque ça a été dit et écrit ? à rétablir la gratuité non seulement pour les personnes âgées avec le supplément de revenu, mais également pour les prestataires d'assistance-emploi, et nous n'avons jamais tourné le dos à cet engagement, nous n'avons jamais dit: Nous ne remplirons pas cet engagement. Ce que nous disons, c'est que nous voulons le remplir à l'intérieur du présent mandat, et nous voulons, à l'aide de cette Politique du médicament, nous donner les moyens de le faire sans aller chercher finalement le coût.

Tout le monde me dit... Vous avez raison, tout le monde vient me voir avec leurs priorités tous les jours. Tout le monde me démontre que ce qu'il demande n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan de la santé, et les gouttes d'eau réunies ensemble forment l'océan de la santé, et c'est essentiel pour nous de trouver la façon la plus équitable possible de répartir cette dépense. Et, dans la structure actuelle du régime général de l'assurance médicaments, on doit le faire soit en augmentant les contributions de ceux qui en paient, notamment les adhérents, qui sont en général les travailleurs autonomes à faibles revenus ou à revenus très moyens, soit en ayant recours à l'imposition générale. Alors, ce que nous disons, c'est: Notre choix est là.

Je comprends que sur le choix on peut être en désaccord, mais notre choix à nous, comme formation politique, c'est d'utiliser la Politique du médicament, qui était depuis longtemps attendue, comme source de marge de manoeuvre ou d'efficience qui nous permet, le plus tôt possible, de financer cette mesure. Maintenant, évidemment, on peut ne pas être d'accord sur cette façon de faire, mais c'est notre façon de faire, et la décision que nous avons prise, et ce que nous allons réaliser.

Il est clair qu'on se trouve devant un dilemme, là, important. Je suis d'accord avec vous que 17 millions de dollars sur l'ensemble du budget de la santé, ça n'apparaît pas énorme, mais je vous répète que, tous les jours, des gens viennent me présenter des demandes de cet ordre-là avec le même type d'arguments. Cependant, je conçois avec vous la justesse de vos arguments quant au degré de priorité pour les personnes qui ont des revenus très faibles. Là-dessus, je ne pense pas qu'on puisse nier vos arguments autour du caractère déterminant du niveau socioéconomique dans la santé, et là-dessus je pense que personne ne peut le discuter. D'ailleurs, vous le dites vous-mêmes, dans le Rapport sur l'état de santé de la population, c'est clairement exprimé, de sorte que nous avons vraiment le désir de compléter notre engagement.

Vous avez avec justesse souligné la bonne nouvelle, là, que les personnes âgées avec le maximum du supplément de revenu garanti disposent de la gratuité depuis juillet. On ne tourne pas le dos à notre engagement, on a l'intention de le remplir, mais on veut le faire de la façon la plus rationnelle, la plus équitable possible pour l'ensemble des contribuables, ceux qui nous écoutent, qui sont pour la plupart des gens de classe moyenne, deux enfants, qui habitent en banlieue, avec des revenus qui ne sont pas très importants, sur qui repose l'essentiel de la charge fiscale du Québec et qui disent: Bien, écoutez, trouvez donc une façon de gérer votre argent plus efficacement plutôt que d'aller toujours en chercher plus chez nous. C'est ce qu'on essaie de faire avec, d'une part, ce qu'on accomplit en général pour le système de santé et, d'autre part, avec le projet de politique du médicament. Et d'ailleurs vous avez remarqué probablement, depuis deux ans, que le rythme d'augmentation du coût, dans le régime général d'assurance médicaments, est en baisse, notamment à cause de l'insistance qu'on a placée sur l'utilisation optimale, la prescription rationnelle, tous ces facteurs que vous avez mentionnés et qui sont en fait renforcés dans le projet de politique actuel.

Alors, moi, j'ai bon espoir qu'on va pouvoir compléter donc cet engagement, et on veut tous le faire, et le premier ministre lui-même veut le faire le plus rapidement possible. Mais on croit essentiel que ceci soit précédé de l'adoption de cette politique et des dispositions législatives réglementaires qui l'accompagnent afin de nous permettre de recueillir les marges de manoeuvre nécessaires afin d'éviter de surtaxer cette grande masse de Québécois qui participent le plus fortement à l'assiette fiscale et qui ont relativement peu de représentants pour parler pour eux. Je parle de la classe moyenne du Québec. Et là-dessus je pense que notre engagement demeure bien clair.

Mais encore une fois, Mme Labrie, sur la validité de la plupart de vos arguments, je vous suis. J'ai juste un problème quand vous commencez à évoquer une conspiration du corps médical pour rendre les gens plus pauvres ou plus malades de même que... Ça, je trouve que c'est... Je pense que vous étiez dans le domaine de la caricature, là, j'ai l'impression, plus que de la réalité. Mais, sur la base de vos arguments, je vous suis bien, et nous avons l'intention, grâce à cette Politique du médicament, nous avons l'intention de nous donner les marges qu'il faut pour nous acquitter de notre engagement électoral.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Labrie.

Mme Labrie (Vivian): Alors, j'entends bien. Ça ne règle pas du tout le problème, parce que ce qu'on vient vous dire... D'abord, mettez-vous à la place de personnes qui vivent une injustice depuis 1997. Ces gens-là avaient leurs médicaments couverts par une protection sociale différente de leurs prestations d'aide sociale. On leur enlève, au nom de l'équité avec des gens qui ont des revenus quand même plus élevés...

Même le député Sirros est revenu plusieurs fois... On va vous déposer, si ça peut vous aider, une sélection des propos de Christos Sirros, en commission et en Chambre, à ce sujet-là. Et peut-être que mon collègue va vous en chercher, une citation là-dessus, pour la préciser.

Alors, on leur crée une injustice, on finance en partie le coût de l'assurance médicaments en découvrant les plus pauvres dans la société, on les fait vivre dans cette injustice-là pendant huit ans puis là on leur dit: Maintenant, vous allez attendre que le système devienne efficient, puis là on va vous le rétablir, on vous l'assure, avant la fin du mandat, et vous dites ça, là, aux personnes du Québec qui sont les plus pauvres, dans une société riche comme la nôtre, alors que les écarts de richesse augmentent de façon effrénée entre les plus riches et les plus pauvres, et vous leur dites ça.

Quand vous leur dites ça, comment les gens, vous pensez, vont recevoir ça? Elles reçoivent ça comme un message d'abandon de la part de leur société. Elles reçoivent ça aussi comme un message illogique. Vous savez, la folie, ça se construit par des doubles messages, ça se construit quand on dit une chose et une autre en même temps, et c'est ce que vous nous dites. Je vais faire attention à mes propos parce que vous allez mal interpréter, sinon.

Ce que je vous dis, c'est que, dans la manière dont vous présentez la chose, vous nous dites: Vous avez raison, mais on va attendre. Mais en même temps ce que je vous dis, moi, c'est: on a dit ça aux gens depuis le début, alors qu'on a été injustes envers eux. C'est comme, je ne sais pas, c'est... Imaginez quelqu'un qui vole une auto à quelqu'un et puis qui dirait à la personne: Je sais, je t'ai volé l'auto, mais je vais te la rendre quand j'aurai pu faire assez de travail avec pour pouvoir m'en payer une autre, puis là, à ce moment-là, je te redonnerai ton auto. Ça ressemble un peu à ça, je pense, la logique dont on parle ici. On a emprunté aux personnes les plus pauvres du Québec une protection qui leur était assurée et on leur dit: On va la leur rendre quand le système sera devenu efficient. Ça ne se peut pas, un raisonnement comme ça. Ça ne se reçoit pas quand on veut raisonner logiquement. Alors, dans le fond, ça fait plus de huit ans que la décision devrait être changée. Je pense qu'il n'y a aucun moyen d'attendre pour une décision comme celle-là qui ne demande finalement pas un si grand montant et que l'opposition libérale de l'époque était prête à voter en 2002.

Et, ce qu'on vous a dit aujourd'hui, je sais que vous allez avoir à faire toutes sortes de mathématiques, mais je pense que la mathématique qu'on vous présente, elle est assez implacable. Et, quand vous dites: Il faut faire attention, il ne faut pas peser trop fort sur les contribuables qui paient ce système-là, vous avez un choix très intéressant devant vous, c'est d'assurer l'ensemble des Québécois avec la même assurance; comme ça, les plus riches, ils souscriront aussi, puis votre système fera ses frais.

Ceci étant dit, en attendant de faire ça, vous devez considérer que vous demandez à des gens qui n'ont pas 16,97 $ par mois de plus pour payer une franchise de faire des choix entre se nourrir, se loger, se vêtir, se soigner. Voyez-vous? Est-ce qu'en conscience vous pouvez vraiment dire à une personne que, 537 $ par mois, on va attendre que le système soit efficient avant de rétablir le droit qu'on t'a enlevé? C'est de ça dont on parle. Et cette personne-là sait très bien que... Mettons, elle a 63 ans, et on lui dit ça, et, dans quelques années, là elle va devenir une personne qui est couverte par le supplément de revenu garanti, là on va le lui redonner. Et, pendant ces huit ans-là, la santé des personnes qui sont victimes de cette injustice que vous reconnaissez va s'être dégradée. Est-ce qu'on dit...

Moi, j'ai vu un film l'été dernier qui m'a beaucoup impressionnée, c'est John Q. Et c'est des Américains, hein, ça se passe aux États-Unis. Vous avez peut-être vu ce film-là. On dit à un père dont l'enfant est malade: Il faudrait remplacer le coeur de ton enfant, mais ton assurance ne le couvre pas; alors, prépare-toi à laisser ton enfant mourir. Bien, vous irez voir le film, c'est très intéressant de voir ce qui arrive ensuite. Heureusement, on n'est pas aux États-Unis, mais quelque part on ne peut pas dire à des gens: Vous avez raison, mais on va attendre; pendant ce temps-là, soyez malades. Je ne pense pas qu'un médecin puisse dire ça à ses patients.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui. S'il vous plaît.

n (12 heures) n

M. Hétu (Jean-Pierre): Comme travailleur du réseau de la santé et des services sociaux, il faut aussi regarder... Il ne faut pas oublier que l'injustice qui dure depuis plusieurs années a coûté et coûtera très cher au réseau de la santé et des services sociaux. De ne pas permettre à des gens de se soigner, c'est aussi d'accepter qu'on va payer maintenant et qu'on va payer, dans les années futures, des soins à des gens pour lesquels on n'a pas fait de prévention. Ça va aussi vouloir dire: compte tenu de budgets limités dans le réseau de la santé et des services sociaux, où le curatif prend toujours le pas sur le préventif, c'est des gens qui vont être malades, et on va dire: On va devoir les soigner et on va devoir remettre la prévention à plus tard. Ça fait aussi des personnes âgées qui sont malades.

On dit que ça coûte très cher, le vieillissement de la population du Québec. Ça coûte très cher, des gens qui ont passé 40 ans de leur vie pauvres et qui ont passé 10 ans de leur vie sans médicament. C'est des choix, et c'est pourquoi je pense qu'il faut maintenant prendre la décision pour éviter que ces coûts-là continuent de s'accumuler et fassent une ponction dans le... pas une ponction directe mais des pressions sur le réseau de la santé et fassent en sorte que la prévention ait moins de place et qu'on soit obligé de faire encore plus de curatif.

M. Couillard: Encore une fois, vos arguments sont valables, mais je veux juste vous donner une contre-perception, non pas sur le fond, parce que je répète que nous voulons nous acquitter de notre engagement. Mais vous dites, Mme Labrie: Nous sommes une société riche. Tout est relatif, hein? Au Québec, on peut faire la lecture qu'on est une société effectivement plus généreuse et plus solidaire que les autres, c'est au Québec que les écarts de revenus dont vous parlez sont parmi les plus bas au Canada. C'est également au Québec que le PIB par habitant est un des plus bas au Canada et qu'on paie le plus de programmes sociaux, les plus généreux au Canada. Il n'y a pas de quoi s'en excuser, on peut plutôt en être fiers, au Québec, de s'être dotés de ces instruments-là. Mais l'assurance médicaments dont nous parlons, qui a été créée par le gouvernement précédent, c'est objectivement une des... sinon la plus généreuse au Canada.

En termes de couverture générale de la population, on se trouve devant une situation, au Québec, où le coût des programmes par habitant est de 2 000 $ supérieur à nos voisins ontariens. On se trouve dans une situation où notre dette par habitant est une des plus élevées, où le service de la dette représente le troisième poste budgétaire. On se trouve devant une situation également de déséquilibre fiscal. Vous ne pouvez pas l'occulter, elle est là. Mais ce n'est pas la seule raison de nos difficultés économiques et financières. Alors, le devoir...

Vous parlez de ma conscience. Je peux vous assurer que ma conscience est claire. Moi, j'accomplis ma responsabilité pour le bénéfice et l'intérêt de l'ensemble des citoyens du Québec, et particulièrement pour les plus vulnérables, et je souhaite beaucoup qu'on adopte cette politique le plus rapidement possible de même que les actes législatifs et réglementaires qui vont suivre. Et notre intention, comme gouvernement et comme formation politique, c'est de nous acquitter de notre engagement, mais également dans un esprit d'équité pour l'ensemble de la population.

Mme Labrie (Vivian): Je ne sais pas si le ministre va aimer ma réplique, mais je lisais hier soir quel était le contexte des débats, en 2002, quand le député Sirros cherchait à faire inscrire, dans la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion, le rétablissement de la gratuité des médicaments, et je dois dire que j'entends, de la part du ministre, les mêmes arguments qui irritaient le député Sirros quand la ministre les lui servait. Il se faisait dire la même chose. C'est que finalement on a fait plein de choses, on fait bien les choses. Et voici la réponse qu'il apportait. Donc, 17 octobre 2002, à l'Assemblée nationale. Christos Sirros à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale du moment: «Quant à l'argumentation qu'il y a plus de gens qui sont couverts par l'assurance médicaments, effectivement il y a plus de gens qui sont couverts par l'assurance médicaments, personne n'a rien contre ça. Ce qu'on a contre, c'est que, pour faire du bien à quelqu'un, on a fait du mal à quelqu'un d'autre, et ce serait inacceptable de continuer dans ce sens-là. On ne procède pas comme ça dans une société qui se veut civilisée. On ne fait pas du mal à quelqu'un pour se vanter qu'on a fait du bien à quelqu'un d'autre. On fait du mal, à l'heure actuelle, à beaucoup de personnes très démunies. Inacceptable. Corrigeons-le.» C'est votre collègue à vous qui disait ça à la ministre du temps.

Je pense qu'à un moment donné il y a certains débats qui doivent s'élever au-dessus des considérations partisanes, et je pense qu'il devrait y avoir, dans l'Assemblée nationale, suffisamment de personnes de bonne volonté pour réentendre ce que disait leur collègue à l'époque et finir par prendre une décision sur une affaire qui n'a pas de bon sens puis qu'on doit régler rapidement. Voilà ce que j'aurais à répondre là-dessus.

M. Couillard: Bien, je terminerais juste, M. le Président, en disant que de toute évidence nous sommes au-dessus des considérations partisanes, puisque, sur huit ans d'histoire, nous en assumons deux ans et demi, et nos collègues le reste, de sorte que vous avez bien fait la filiation, la continuité, là, du processus, et je pense que c'est, comme parlementaires, en commun qu'on doit réfléchir à cette question-là. Je termine en vous réitérant notre intention et mon intention de faire tout en mon possible pour que nous nous acquittions de cette partie de notre engagement le plus rapidement possible, mais à l'intérieur d'une politique du médicament rationnelle, qui est faite dans l'intérêt de l'ensemble de la population, en pensant en priorité aux plus vulnérables.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, O.K. Je vois qu'il n'y a plus aucun membre du parti ministériel qui veut poser une question, alors je passe du côté de l'opposition, le député de Borduas.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Mme Labrie, monsieur, madame, disons d'entrée de jeu, là, qu'une erreur qui a été faite, à un moment donné, il doit y avoir un constat sur l'impact. Et, moi, je vous dis d'entrée de jeu que, si c'est vrai ? et je ne conteste pas ? on a à assumer, comme formation politique, quand on est au gouvernement, le choix d'avoir placé cette situation-là, donc d'avoir créé cette situation-là. Je crois que ça a été une erreur, et ça a été une erreur qu'on aurait dû reconnaître plus tôt, et je ne crois pas qu'une société comme la nôtre, où, c'est vrai, les écarts sont plus bas au Québec que dans le reste des sociétés nord-américaines ? mais malgré tout les écarts augmentent chez nous; ça aussi, il faut le reconnaître ? dans une société qui est capable de dépenser, dans son budget étatique, pour l'État québécois... On ne parle pas des Québécois, parce que finalement, si on prenait l'ensemble de la capacité financière des Québécois... On voit le surplus du gouvernement fédéral actuellement de 10 milliards à peu près, là, juste pour l'année dernière. On a les moyens puis on a collectivement les moyens d'assumer nos responsabilités face aux plus pauvres dans notre société.

Et, juste l'État québécois actuel fédéré, quand il dépense 55,4 milliards par année dans toutes sortes de domaines fondamentaux, je ne peux pas comprendre qu'il ne peut pas trouver 7 milliards. Je ne peux pas comprendre qu'on ne pouvait pas, nous, avant et qu'on avait une argumentation qui ne tenait pas la route, puis je ne peux pas comprendre qu'on continue de tenir cette... Et, si, nous, parce qu'on voulait être logiques aux dernières élections, on n'a pas pris d'engagement donc pour ne pas renier finalement la décision qu'on avait prise ou ne pas se placer en porte-à-faux de la décision qu'on avait prise, le ministre, qui n'était pas membre de l'Assemblée nationale à l'époque, et qui n'a pas assisté à cette époque, puis qui n'a pas eu donc à être solidaire de Christos Sirros puis des autres, savait par ailleurs très bien quelle était la portée de l'engagement politique de son parti puis de son chef lors de la dernière campagne électorale.

Jamais il n'a été question de distinguer, de faire des catégories, comme on a essayé de le faire, c'est-à-dire: on va le régler, le problème, pour à peu près 5 %, puis, 85 %, on verra plus tard. Ce n'est pas ça qu'on a dit aux gens pendant la campagne électorale. Et, le premier ministre du Québec, le 7 avril, une semaine avant les élections, ce qu'il disait, c'est: nos engagements prévoient déjà l'adoption de certaines mesures urgentes, dont la gratuité des médicaments pour les personnes âgées recevant le supplément du revenu et les personnes assistées sociales. Il ne faisait pas de distinction: l'indexation des prestations de dernier recours, l'établissement d'un seuil minimal de prestations, le barème plancher en deçà duquel aucune pénalité ne sera imposée, sauf en cas de fraude. Il n'y a pas de nuance dans ça. Il n'y avait pas de catégorie puis on ne se disait pas: Bien, on autofinancera plus tard pour une bonne partie, puis, en attendant, bien, oubliez ça, là. Ce n'est pas ça qu'on a dit. On a laissé croire que rapidement tout ça serait réglé et qu'on serait cohérent avec le discours qu'on tenait quand on était dans l'opposition.

Alors, c'est vrai que, je veux dire, en termes de longévité, on a assumé ou on a tenu la barque plus longtemps avec cette mesure-là ou ce choix-là, mais, en bout de piste, là, ça n'a pas tellement d'importance de savoir si on est huit ans, six ans, sept ans ou deux ans. Le fait est que les deux formations politiques se sont commises dans une attitude gouvernementale qui était inacceptable puis qui continue de l'être. À un moment donné, il faut être capable de le reconnaître. C'est aussi simple que ça. Il n'y aura pas d'argument de... Tu sais, il n'y a pas d'argument qui tienne par rapport à la démonstration que vous nous avez faite. Si le ministre est d'accord avec cette démonstration, ce qu'ils devraient reconnaître, lui puis ses collègues... Puis je comprends qu'il est dans une situation où il n'est pas tout seul au gouvernement puis il y a le Conseil du trésor, etc., mais, en bout de piste, une société comme la nôtre ne peut pas tenir le discours qu'elle n'est pas capable de régler cette question-là. Ce n'est pas 400 millions, là, ce n'est pas le budget qui est demandé, ce n'est pas les demandes des centrales syndicales actuelles qui sont en débat, là, c'est les plus pauvres de notre société. Et je le sais, là, je viens d'une famille qui n'était pas riche. Puis, quand il fallait... Puis on n'avait pas d'assurance médicaments à l'époque, quand j'étais jeune, là, puis mes parents, ils se saignaient en batêche pour pouvoir être capables de nous soigner puis de payer les médicaments.

n (12 h 10) n

Et je présume qu'aujourd'hui, quand tu te retrouves avec 600 $ ou 500 $ par mois, 600 $, puis que tu as à payer cette franchise-là... C'est clair, on est dans des univers... On a tous oublié souvent nos passés quand on vient d'un passé qui était plus humble puis qu'on se retrouve, aujourd'hui, à être dans les 5 % de favorisés qui gagnent 100 000 $ et plus par année. Mais, je veux dire, à un moment donné, il faut qu'on se retrempe dans nos racines du passé puis se demander comment on peut vivre avec ça par mois. Est-ce qu'on pourrait, nous? Puis qu'est-ce que ça veut dire, 16 $ ou 17 $ par mois, pour quelqu'un qui a 600 $ par mois, par rapport à nos propres revenus autour de la table? Puis les députés ne sont pas parmi les mieux payés, là, hein, par rapport aux heures qu'ils font puis aux responsabilités qu'ils assument, mais néanmoins... Alors ça, à mon sens, c'est évident.

Puis on ne peut pas dire: On va... On ne veut pas pénaliser l'ensemble des contribuables. La politique fiscale du gouvernement pourrait faire des choix différents. Elle pourrait aussi faire en sorte qu'il y en ait qui paient plus leur part dans cette société, et entre-temps elle n'est pas obligée d'attendre que la justice totale et parfaite soit en place pour aider les plus démunis. Et, dans ce contexte-là, ce qui est choquant, c'est que...

Puis il y a quelque chose de plus choquant, puis je le dis avec toute la franchise puis le respect que j'ai pour mes collègues d'en face, c'est que tu ne peux pas avoir fait du surf politique quand tu étais dans l'opposition, te retrouver en campagne électorale, laisser croire aux gens que tu vas régler le problème, puis après ça, au gouvernement, ne pas le faire puis dire: Bien, écoutez, on ne veut pas pénaliser l'ensemble des contribuables; on a des responsabilités, et puis on va le faire, mais graduellement, quand on réussira à autofinancer... Ce n'est pas ça qu'on a dit aux gens.

Le problème éthique en politique, c'est qu'à un moment donné il va falloir que la parole politique, ce soit la même avant les élections puis après les élections, quand tu es dans l'opposition puis quand tu es au gouvernement. À cet égard-là, moi, je suis très prêt... Je n'ai pas de problème à admettre qu'on n'est pas un modèle de vertu, de ce côté-ci, non plus. Il y a eu parfois des incohérences inacceptables dans différents dossiers, et ce dossier-là est un de ceux où à mon avis il y a eu une erreur d'évaluation de la portée, de l'impact dans une société qui veut mettre la justice sociale à l'avant-scène.

On ne peut pas dire qu'on était prêt à gouverner et à honorer notre propos dans l'opposition quand on a la politique qu'on a, là. Je pense qu'à un moment donné il faut simplement reconnaître qu'on s'est trompés, puis qu'on fait marche arrière et qu'on change l'approche. Et, moi, je pense que, si le gouvernement actuel décidait de changer justement la proposition dans sa politique et de donner ce qu'il s'était engagé à faire maintenant, rapidement, je veux dire, comme je le disais hier, sur une autre question, je rendrais à César ce qui revient à César. Je vous dirais: Félicitations! Je vous dirais: C'est bien. Ça vous a pris deux ans? C'est bien, mais vous l'avez fait. Mais entre-temps je pense qu'il faut lâcher, je veux dire, cet argumentaire que le ministre tient et que ses collègues tiennent parce qu'il ne tient pas la route, c'est aussi simple que ça. Il ne tient pas la route, puis je pense que vous en avez fait la démonstration.

Moi, la question que je voudrais savoir, c'est que certains ont prétendu qu'il ne fallait pas justement trop aider les assistés sociaux aptes au travail parce que ça risquerait de les amener à consommer trop de médicaments. Alors, tu sais, il y avait ceux qui disaient qu'il y avait des raisons financières, puis j'ai déjà entendu des gens dire qu'il y avait aussi ? puis il ne fallait pas trop le dire ? des raisons... Tu sais, les assistés sociaux vont se mettre à consommer trop de médicaments, puis ce ne sera pas bon pour eux autres. Est-ce que vous avez déjà entendu cet argument?

Mme Labrie (Vivian): On l'a parfois entendu. En même temps, ça ne fait pas beaucoup de sens, parce que qui est le juge de l'aptitude ou de la non-aptitude d'une personne à travailler? Quand une société se met à dire «apte», «pas apte» ? vous avez déjà vu ça dans des films, apte, pas apte ? on aboutit à d'autre chose comme société.

Alors, le critère lui-même sur l'aptitude est un peu compliqué, et c'est fort curieux, parce qu'on a rétabli la gratuité des médicaments prescrits pour les personnes à l'aide sociale jugées avec contraintes sévères à l'emploi, qui sont aussi des personnes qui aspirent à travailler et qui cherchent comment faire. Il y a de l'aide à l'emploi pour tout le monde... Non. Il devrait y avoir de l'aide à l'emploi. Donc, je suis en train de dire: Le critère lui-même n'est pas bon, il est discriminatoire. Puis, une fois qu'on dit ça, ensuite l'idée de dire: Ceux qui sont classés de telle façon, eux autres, ils vont abuser, les autres, ils en ont besoin...

On peut être malade en étant jugé apte au travail, comme on peut être malade en étant jugé avec contraintes sévères à l'emploi. On peut être jugé avec contraintes sévères à l'emploi et pas avoir vraiment besoin de médicaments parce que c'est un handicap dont il est question, et on peut très bien être en mesure de travailler puis avoir une otite. Alors, quelque part, ce genre de raisonnement là, c'est ça qu'on amène dans le mémoire qu'on a déposé. On vous dit: À chaque fois que le critère de l'aptitude au travail entre et de l'incitation au travail entre dans des considérations touchant des protections sociales, attention! vous êtes probablement devant le virus de la préjugite aiguë. À chaque fois que ça arrive, quelque part, dans notre société, on se sert de ces arguments-là pour taper systématiquement sur les mêmes personnes.

Et là je vais faire quelque chose de pas mal le fun, je vais lire un extrait du Rapport national de l'état de santé de la population du Québec. Ça dit ici: «Il faut poursuivre les efforts en ce qui concerne les mesures d'équité fiscale et de redistribution des ressources, notamment celles qui visent les personnes qui n'ont pas d'enfant, qui sont aptes au travail et qui sont sans revenu de travail; il s'agit là d'un groupe souvent critiqué et jugé.» On reconnaît le langage poli d'un document gouvernemental, mais il est quand même sans équivoque. Je pense qu'au Québec on se met dedans parce qu'à chaque fois qu'on utilise cet argument-là c'est des gens quelque part, plus haut dans l'échelle, qui regardent avec mépris, condescendance les gens plus bas dans l'échelle et qui se mêlent de juger de leurs vertus, de leurs comportements, de leurs attitudes.

Les habitudes de vie des Québécois et Québécoises, on devrait s'en occuper d'une manière générale, et après ça le revenu devrait être protégé de façon proportionnelle aux besoins ou à la réalité. Alors, moi, ce serait un peu la réponse que je ferais à votre considération.

La consommation optimale des médicaments, c'est une question qui touche tout le monde. Dans quelle société pourrait-on imaginer qu'on lui allie le fait qu'une personne jugée... Moi, je suis jugée apte au travail, je travaille, je ne consomme pas plus de médicaments pour autant, à ma connaissance, quelque part. Alors, je trouve ça bien correct d'avoir accès à une assurance médicaments. Pourquoi, ce critère-là, on va le faire quand les gens sont jugés aptes et ont de très faibles revenus, mais on ne le fera pas dans d'autres occasions? C'est un peu ça que j'amènerais comme réponse.

Puis, peut-être simplement pour confirmer ce que vous ameniez tout à l'heure, vous évoquiez des choses, puis il me venait une idée. Je ne sais pas si c'est une bonne idée, mais bon, juste pour bien placer les affaires, la promesse qu'a faite le Parti libéral, dans ce cas-ci, a été de rétablir la gratuité des médicaments à l'aide sociale. Et, pour les gens qui ont le supplément de revenu garanti, on dit: Il faut faire entre aussi, il faut s'occuper des gens qui ont entre 12 000 $ et 6 000 $. Et donc c'est la nature de notre proposition de... Ce serait discriminatoire peut-être aussi de ne pas tout le faire.

Donc, une fois que ça, c'est entendu, une fois qu'il est compris qu'il y a une erreur, qu'il y a eu une erreur et qu'on sait que ce sont les personnes les plus pauvres au Québec qui en sont les victimes finalement, est-ce qu'on ne devrait pas réparer le plus rapidement possible? Et, dans ce sens-là, il me vient que le ministre a peut-être jusqu'à la rentrée parlementaire pour prendre la décision avec son Conseil des ministres puis qu'on l'entende. Ou sinon est-ce que ça ne pourrait pas faire l'objet, je ne sais pas, d'une discussion des parlementaires, avec un accord des deux côtés de la Chambre? Mais est-ce qu'on ne pourrait pas prendre la décision rapidement? Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de régler la question? C'est un peu ça, l'image qui me vient à ce moment-ci, compte tenu qu'effectivement on est dans une société où, pendant qu'on piétine sur des décisions comme ça, les écarts augmentent entre plus riches et plus pauvres, et le dernier budget fait augmenter les écarts. Je pourrais donner des exemples.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Une dernière intervention.

M. Charbonneau: Je veux juste vous dire rapidement que bon on n'est pas au gouvernement, mais en même temps on a assumé le gouvernement. Donc, encore une fois, ce n'est plus une question, là, de gain politique, à savoir lequel des deux partis est meilleur que l'autre, et plus juste, et plus... Je veux dire, on doit tous assumer l'erreur, on l'a faite puis on l'a perpétuée. C'est vrai qu'il y en a une et c'est vrai qu'il faut qu'elle cesse. Et, moi, je le dis encore une fois, je veux dire, si le gouvernement veut rapidement régler, on va être derrière, et on va le féliciter, puis on va rendre à César ce qui revient à César. Il ne s'agit pas, tu sais, encore une fois de penser qu'un va sortir gagnants, là. De toute façon, je veux dire, on est tous perdants dans cette histoire-là. Et on est perdants, je veux dire, comme citoyens d'une société qui appelle à plus de solidarité et qui est une société qui doit mettre la solidarité et la justice sociales à l'avant-scène d'une façon fondamentale comme valeur de base de fonctionnement de la citoyenneté dans cette société-là.

Alors, encore une fois, je pense que la proposition gouvernementale n'est pas la bonne, et il y a moyen, par la fiscalité ou autrement, de régler cette question-là rapidement. C'est une question de choix politique. Ça fait assez longtemps que je suis au Parlement puis que je suis dans la sphère politique pour savoir qu'il y a des questions qui relèvent, à un moment donné, de la simple volonté de faire ou de ne pas faire rapidement ou pas rapidement, et ça, cette question-là, compte tenu finalement des coûts dont on parle, c'en est une de cette nature-là.

n (12 h 20) n

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Labrie, vous avez le dernier mot avant que je suspende.

Mme Bélisle (Micheline): O.K. Moi, je voudrais simplement ajouter, parce que M. le ministre disait tantôt: Il faut penser aux plus vulnérables, que, moi, je trouve que c'est la seule logique qu'il y a dans donner la gratuité des médicaments aux 12 000 $ plutôt qu'aux 6 000 $. C'est les préjugés que je vois, comme: ils sont jugés aptes au travail, donc ils sont paresseux puis ils n'y ont pas droit, ils n'ont pas droit aux médicaments gratuits. Alors, c'est un peu ça. Moi, je reviens sur les préjugés parce que je trouve que c'est le coeur, le coeur de la Politique du médicament.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Labrie, Mme Bélisle et M. Hétu, merci de votre contribution aux travaux de la commission. Je suspends les travaux de la commission jusqu'à cet après-midi, 14 heures. Les parlementaires, vous êtes invités à laisser votre matériel dans la salle, si cela vous agrée, la salle sera verrouillée.

(Suspension de la séance à 12 h 22)

 

(Reprise à 14 h 4)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous permettez, nous allons poursuivre les travaux de la commission. Nous accueillons la délégation du Comité des droits sociaux de la Fédération CJA. Mme Perez nous informera de ce que veut dire l'acronyme CJA.

Alors, nous avons, en partant de la gauche, Mme Élizabeth Perez, M. Michael Chervin, M. Joe Klein et Mme Kelly Castel. Alors... Ou Castiel?

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Castiel. Très bien. Alors, je cède donc la parole à Mme Perez. Vous savez les règles du jeu, 20 minutes pour résumer l'essentiel de votre mémoire, suite à quoi nous aurons quelques échanges. Alors, la parole est à vous. Vous êtes les très bienvenus.

Comité des droits sociaux
de la Fédération CJA

Mme Perez (Élizabeth): Merci. Bon, je vais commencer par nous introduire, avec nos titres. Je m'appelle Élizabeth Perez, je suis directrice adjointe du Département de planification communautaire à la Fédération CJA, qui est un organisme de la communauté juive qui chapeaute en fait d'autres organismes; à ma gauche, c'est directement Michael Chervin, qui est le président du Comité des droits sociaux de la Fédération; plus loin, c'est M. Joe Klein, qui est membre du comité également; et Kelly Castiel, qui est intervenante de première ligne des Services d'aide à la famille de l'institut Baron de Hirsch.

Juste un petit peu nous situer, qui on est un petit peu. On représente ce Comité de défense des droits sociaux de la Fédération CJA qui est en fait une table de concertation et d'action qui est formée de membres d'agences juives de services communautaires qui sont préoccupés par l'impact des politiques sociales sur les membres de notre société et plus particulièrement sur les membres les plus vulnérables de notre communauté. Ce comité se penche prioritairement sur les problématiques reliées à la pauvreté, la santé et le logement. En fait, on interagit très souvent avec d'autres coalitions afin d'émettre des actions concertées.

Qui est la communauté juive? Pourquoi c'est important qu'on soit là? Selon le recensement de 2001 ? on a recueilli certaines statistiques ? il y a à peu près 93 000 Juifs qui vivent au Grand Montréal. De ces personnes-là, 18,4 % de ces personnes vivent sous le seuil de faibles revenus. C'est un pourcentage à noter qui est à la hausse, parce qu'en 1971 c'était à seulement 15,4 %. Alors, c'est assez alarmant pour nous, en sachant que ces pourcentages de pauvreté augmentent.

Qui sont ces personnes qui vivent sous le seuil de faibles revenus de notre communauté? 21 % des personnes âgées sont pauvres, 31,8 % des mères monoparentales sont pauvres, 33 % des personnes entre 55 ans et 64 ans également. Et ce qui est aussi très alarmant pour nous, c'est qu'un quart des enfants juifs de moins de cinq ans vivent également sous le seuil de faibles revenus. Il est à noter également qu'un pourcentage de ces personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté ont aussi un emploi. Ce n'est pas tout le monde qui est nécessairement à l'aide sociale, mais quand même ils n'arrivent pas à combler leur mois.

Il est à noter que, bien que nous sommes là, aujourd'hui, pour représenter la communauté juive, c'est très important de souligner pour nous qu'on est là aussi parce qu'on pense que le problème d'accès aux médicaments concerne toute notre société, incluant les membres de notre communauté. Et nous sommes particulièrement contents d'être ici pour parler de la Politique du médicament aujourd'hui parce que c'est un sujet sur lequel on a travaillé pendant plus de 10 ans. Nous pensons que les médicaments jouent un rôle central dans une approche globale à la santé, tant au niveau des traitements des maladies qu'au niveau de la prévention des maladies ou de l'aggravation des maladies. Nous croyons qu'un des rôles fondamentaux du gouvernement, c'est en fait sa responsabilité sociale, c'est d'assurer que tous les membres de notre société aient la possibilité de vivre en santé et donc que tous les membres aient accès aux médicaments appropriés.

Il est à noter que toute politique du médicament se doit d'inclure ou au moins prendre en considération tous les items qui sont nécessaires à la prévention et au soin des maladies, incluant les médicaments non prescrits, les accessoires médicaux, les médicaments qui contrôlent la douleur et aussi la nutrition, s'il faut prendre ça dans une optique en fait globale. Il est à noter que le coût de tous ces items-là ne cesse d'augmenter, ils ne sont pas couverts par le régime public mais font partie intégrante des régimes thérapeutiques et souvent posent un grand fardeau sur ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté.

Selon plusieurs recherches, notamment une qui est d'après l'analyse statistique du National Population Health Survey de 1996-1997, les personnes sur l'aide sociale ont tendance à décrire des niveaux faibles ou moyens de santé et souvent indiquent des taux plus élevés de dépression et de détresse. Également, selon l'Organisation mondiale de la santé, qui est la World Health Organization, la pauvreté est multidimensionnelle dans ses causes et dans ses cures. La mauvaise santé est un contribuant majeur à la pauvreté, et le statut de bonne santé est une des manières de prévenir la pauvreté ou, encore mieux, de sortir de la pauvreté. C'est pour cela que la santé est déjà considérée un élément important dans la lutte internationale à la pauvreté. Donc, nous vous demandons en général de considérer que toute politique qui concerne les médicaments doit s'inscrire sous cette optique et servir à protéger les membres les plus vulnérables de notre société.

Je vais passer la parole maintenant à M. Michael Chervin qui va rentrer plus dans les détails de l'analyse de la politique elle-même.

n (14 h 10) n

M. Chervin (Michael): Bonjour. Nous croyons qu'une politique du médicament est indispensable à la santé de la population puis nous sommes très contents que le gouvernement est en train d'en élaborer une et qu'il y ait des audiences publiques sur la question. De plus, nous trouvons bon qu'au sein du document de consultation des mesures sont proposées pour une meilleure prescription et utilisation des médicaments à l'ordonnance.

Notre préoccupation principale, comme Élizabeth l'a souligné, est celle de l'accessibilité aux médicaments afin de garantir le droit de chaque personne du Québec à la santé, et ce, sans discrimination par rapport à la condition économique ou sociale. Cette préoccupation majeure nous amène tout droit au Programme d'assurance médicaments. Depuis le 1er août 1996, les personnes âgées et les personnes bénéficiaires de l'aide sociale ont dû assumer une partie significative du coût de leurs médicaments. De plus, les personnes âgées recevant le supplément de revenu garanti partiel ont subi plusieurs augmentations, depuis 1996, à leur contribution totale au Programme d'assurance médicaments.

Tout cela a entraîné des conséquences néfastes pour les personnes âgées et les personnes bénéficiaires de l'aide sociale, y compris celles de la communauté juive. Il n'est pas rare que des personnes se trouvent, après avoir payé le loyer, à choisir entre acheter tous leurs médicaments prescrits et l'alimentation. Nous croyons qu'une telle situation n'est pas acceptable. Aucun citoyen ou citoyenne québécois ne devrait faire face à un tel choix. Depuis 1996, cette question est revenue, à chaque année, comme prioritaire pour plusieurs agences ou organismes de la communauté juive, étant donné l'impact négatif significatif sur la population.

Notre préoccupation va encore au-delà des aînés et des personnes soi-disant aptes au travail vivant à l'aide sociale. Notre préoccupation reste avec toutes les personnes du Québec vivant sous le seuil de faibles revenus ou le seuil de pauvreté établi par Statistique Canada. Par exemple, les personnes travaillant au salaire minimum ainsi que plusieurs des personnes qui se trouvent au chômage se trouvent aussi dans des conditions de pauvreté, comme Élizabeth a souligné. Ces personnes ne devraient pas non plus choisir entre payer leur loyer, leur nourriture, et payer des médicaments essentiels à leur santé. Nous demandons au ministre de réviser le régime général d'assurance médicaments de façon à assurer la gratuité des médicaments pour toutes les personnes vivant sous le seuil de faibles revenus établi par Statistique Canada.

Nous sommes très déçus que le ministre n'ait même pas respecté les engagements électoraux en matière de médicaments, notamment le rétablissement de la gratuité des médicaments pour les personnes assistées sociales et les personnes âgées recevant le supplément de revenu garanti soit partiel ou complet. Jusqu'à ce jour, selon le document de consultation, uniquement les aînés recevant le supplément de revenu garanti complet bénéficient désormais du rétablissement de la gratuité des médicaments. Le gouvernement propose donc de rétablir la gratuité des médicaments à seulement autour de 46 300 personnes plutôt qu'autour de 712 000 personnes, tel que promis. Ces estimations sont faites à partir du rapport annuel de la Régie de l'assurance maladie du Québec 2003.

De plus, nous demandons au ministre de respecter les engagements électoraux à limiter les augmentations à la contribution au régime de l'assurance médicaments au niveau de l'inflation ou au coût de la vie. Quelques faits par rapport aux augmentations récentes. En juillet 2003, il y avait une augmentation à la contribution de 9,6 %; en juillet 2004, une augmentation à la contribution de 7,4 %; et puis plus récemment, en juillet 2005, une autre augmentation à la contribution de 5,4 %. Cependant, par rapport au niveau de l'inflation, c'était seulement 2,9 %, par exemple, en 2003-2004. Par ces augmentations, le gouvernement, en dépit de ses engagements électoraux, contribue à appauvrir les personnes vivant dans la pauvreté au Québec et à affaiblir leur santé. Le gouvernement a une responsabilité de contribuer à éliminer la pauvreté des Québécois et des Québécoises et à améliorer leur santé. Le fardeau de toutes les augmentations des coûts reliés aux programmes gouvernementaux de médicaments a été mis sur les individus, y incluant ceux et celles les plus vulnérables, sans chercher, de façon sérieuse, des moyens efficaces à mieux encadrer et contrôler l'augmentation considérable des coûts des médicaments.

Je passe la parole maintenant à Joe Klein.

M. Klein (Joe): The Drug Insurance Plan of Québec, as it presently stands and as it is proposed, holds negative economic and social consequences for Québec. It is also ethically questionable given that the Government can choose to avoid these consequences. The Tamblyn report of 1999 is an evaluation commissioned by the Ministry of Health and Social Services to research the impact of the Government's 1996 changes to the Drug Insurance Plan on seniors and on people existing on welfare. The Tamblyn report confirmed the extent of the negative consequences of these changes which restricted low-income people's access to prescription drugs. These consequences, according to the Government's own commission report, included 1,946 undesired effects, including hospitalization and institutionalization, were named as direct consequences within the first 10 months of the application of those changes in 1996. The changes of 1996, which restricted access to medication insurance, provoked 1,692 medical visits and 12,991 visits to emergency rooms.

These consequences affecting seniors and people living on welfare taking essential medications include people within the Jewish community. Not less than 18.4% of Montréal's Jewish population lives below the poverty line. The negative impact of the Government's drug insurance program has been a major concern within the Jewish community, both for Jews living on low incomes and for all Quebeckers living on low incomes.

Beyond the human cost, there are also the increased financial costs to the health system of making seniors and people living on welfare pay for a part of their medication insurance by the resulting increased hospitalization, medical visits and emergency room visits. Socially, the Government, in particular the Ministry of Health and Social Services, is falling short of its basic social responsibility of insuring conditions of health for all its citizens. Insuring the human right of people to health is not merely the responsibility of individuals or of individual communities. It is significantly the social responsibility of the Québec Government to insure conditions for the human right to health. The Government can and should do more to fulfill its social responsibility. Ethically speaking, it is ethically questionable for the Government to continue a drug insurance plan which contributes to ill health among its citizens when the Government can easily avoid this by an improved plan.

This is a matter of political will. The Government, since this past July 1st, has positively moved in a good direction by insuring free medication insurance to those seniors receiving the maximum guaranteed income supplement. However, this step forward is minimal. It only affects about 46,300 people of the approximately 712,000 people of Québec for whom this Government promised free medication insurance. The Government holds the means to minimally respect its election promises. Saying that the Government does not have the money to minimally fulfill its election promises is not an acceptable reason. Choices of how and where to spend Québec's annual finances are political choices. These political choices must reflect the public priorities concerned with the public good and the Government's role of social responsibility.

Regarding the goals of their proposed wider medication policy, the role of the Ministry of Health and Social Services should be to insure the health of its population. Its role should not include insuring the health of the pharmaceutical industry. However, the Government's proposed medication policy names the dynamism of the pharmaceutical industry as one of its four main goals. We believe that this goal has no place within a Québec medication policy. This goal diminishes the effectiveness of such a policy.

n (14 h 20) n

For example, as proposed, the medication policy does not sufficiently explore nor seriously provide real options to reduce the escalating costs of medication. We thus have to ask ourselves whether the support the Government is offering the pharmaceutical industry, which is already very profitable, comes at the expense of the most vulnerable in our society, in particular people living on low incomes in Québec.

And now I give you Kelly Castiel.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Allez-y, madame, s'il vous plaît.

Mme Castiel (Kelly): Oui. Bonjour. Je veux vous parler, aujourd'hui, de la pauvreté et de la santé. La pauvreté rend malade. Avoir accès à un système de santé gratuit, cela veut aussi dire pouvoir se médicamenter sans couper dans les autres besoins essentiels. La santé est une des clés du développement social et économique, de la lutte contre la pauvreté, et dans le secteur de la santé se pose la question de l'égalité des chances entre pauvres et riches, dont l'accès à la gratuité des médicaments est un des enjeux.

Je suis ici, aujourd'hui, en tant qu'intervenante de première ligne oeuvrant dans un organisme communautaire dont la clientèle en majeure partie vit sous le seuil de la pauvreté. Certains de nos clients ont à faire face constamment à des choix qui compromettent leur santé. En voici un exemple. Il y a Linda qui est une femme qui vit seule. Elle est âgée de 57 ans. Elle est prestataire de la sécurité du revenu, dont elle reçoit 668 $ par mois plus un 80 $ d'allocation-logement du gouvernement. Son loyer mensuel est de 495 $ par mois, chauffage inclus. Une fois son loyer payé, il reste à Linda donc exactement 253 $ pour payer tous ses autres besoins essentiels pour le mois. Après avoir payé son téléphone de base, son électricité, sa passe d'autobus, il reste à Linda 132 $ pour sa nourriture, ses besoins d'hygiène corporelle, ses produits d'entretien ménager et ses médicaments. Je veux aussi mentionner que Linda souffre d'hypertension et de cholestérol. Elle a des restrictions alimentaires. Tous les mois, elle est confrontée au même choix difficile: médicaments ou nutrition? Quel que soit son choix, sa santé est compromise.

Voici un autre cas que je veux vous présenter. Âgée de 43 ans, Simone, c'est une mère monoparentale qui vit avec son fils de 16 ans et son fils de 11 ans. Simone travaille et, en plus de ses revenus d'emploi d'à peu près 1 000 $ par mois après avoir payé ses taxes, elle reçoit des allocations familiales, provinciales et fédérales, l'allocation de logement, pour un total de 1 800 $ par mois. Son loyer est de 820 $ par mois, chauffage inclus. Téléphone, électricité et passe d'autobus pour elle et ses enfants lui coûtent 191 $ par mois, lui laissant 789 $ pour la nourriture, les produits d'entretien et d'hygiène personnelle, fournitures scolaires, médicaments, soins dentaires, tout ça pour elle et ses enfants. Simone aussi est diabétique et insulinodépendante. Ses coûts pour son insuline et autres médicaments d'ordonnance couverts par le régime d'assurance gouvernemental sont de 46,67 $ par mois. Ceci n'inclut pas le coût des lancettes et autres accessoires nécessaires aux diabétiques. Après avoir payé sa contribution au régime d'assurance et ses médicaments non couverts, Simone se retrouve donc avec 170 $ par semaine pour nourrir et vêtir ses garçons et elle-même si aucun autre besoin imprévu ne survient.

Et, pour finir, voici Raymond qui a 48 ans et qui vit de l'aide sociale. Il reçoit les prestations de base de 560 $ par mois. Avec ce montant, Raymond doit payer son loyer, son électricité, mais il ne peut pas se permettre un téléphone et une passe d'autobus. Du 160 $ qu'il lui reste, Raymond donne, chaque mois, 16,66 $ à la pharmacie pour ses médicaments prescrits. Il reste à Raymond, pour se nourrir, du mois, et pour ses produits d'hygiène, donc 143 $ par mois. Il y a des mois où Raymond n'achète pas ses médicaments pour qu'il puisse se nourrir un peu mieux. Raymond se retrouve exclu socialement de notre société.

Ces trois cas, que je viens de vous illustrer, ne sont pas des exceptions mais reflètent plutôt la norme chez les familles et individus que nous voyons quotidiennement. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie, au nom des membres de la commission, pour le respect du temps et la qualité de votre intervention et je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci à Mme Perez, M. Chervin, M. Klein et Mme Castiel pour cette présentation fort bien construite.

J'aurais juste quelques remarques en introduction. D'abord, je crois qu'il y a un terme qu'on devrait retirer, au Québec, de notre vocabulaire, c'est le terme «système de santé gratuit». Nous n'avons pas un système de santé gratuit, nous avons un système de santé qui coûte très cher, et il coûte très cher aux citoyens du Québec. Alors, chacun paie pour le système de santé.

Deuxièmement, la présence, dans la proposition d'une politique du médicament, d'un axe sur l'industrie est non seulement nécessaire, mais essentielle. Il s'agit d'un projet de politique gouvernementale, donc il doit intégrer l'ensemble des missions du gouvernement. On a eu trop souvent tendance, au cours des dernières années, à se renvoyer la balle, et tout le monde qui a été au gouvernement a été témoin de ces épisodes, le ministère de la Santé renvoyant l'industrie au ministère de l'Industrie, le ministère de l'Industrie renvoyant l'industrie au ministère de la Santé, lors d'une partie de ping-pong infinie et interminable, sans que les décisions se prennent. Or, il est clair que la participation, le partenariat avec l'industrie pharmaceutique, que ce soit celle de l'innovation ou celle des génériques, est une condition essentielle au succès d'une politique efficace du médicament, notamment le versant de l'utilisation optimale.

Également, réaliser qu'au Québec nous ne sommes pas une société riche, relativement parlant. Nous sommes très riches par rapport aux pays sous-développés bien sûr, mais, à l'échelle nord-américaine, nous ne sommes pas une société particulièrement riche et nous nous devons de conserver les moyens qui nous permettent de créer la prospérité et la richesse que nous pouvons redistribuer dans les programmes dont tous les citoyens du Québec, y compris ceux de votre communauté, disposent. Alors, si on ampute de nos secteurs de pointe ceux de l'avenir, du XXIe siècle, il n'y en a pas 53, il y en a trois au Québec, hein, et ça, c'est les technologies de l'information, l'aéronautique et les compagnies biomédicales ou biopharmaceutiques. La présence, et la préservation, de ce type d'industries est essentielle pour l'avenir du Québec, l'avenir de ses programmes sociaux, et c'est une grave erreur de mettre en contradiction le soutien à l'activité économique, et notamment l'activité économique de pointe, et les programmes sociaux parce que l'un ne va pas sans l'autre.

Maintenant, il est clair qu'il y a encore des améliorations à apporter à l'accessibilité ou à l'accès aux médicaments au Québec. Je voudrais quand même faire une mise au point. Il est clair que, même s'il y a des progrès à faire, le Québec se compare avantageusement à d'autres sociétés nord-américaines. Et, vous-mêmes, à l'intérieur de votre propre communauté, si vous établissez une comparaison entre l'accessibilité aux médicaments à Montréal par rapport à Toronto ou à Philadelphie, vous allez trouver que les gens de Montréal ont un accès aux médicaments très supérieur à ceux des autres communautés, notamment en raison de l'adoption de l'assurance médicaments, parce qu'à l'époque il y avait, je pense, 1,2 million de Québécois qui n'avaient absolument aucune couverture pour les médicaments, et ces histoires malheureuses que vous nous citez, elles étaient encore plus fréquentes à l'époque, puisqu'elles touchaient une large part de notre société.

Vous avez fait remarquer également, et c'est bien, qu'il y a eu, au cours des trois dernières années, une diminution progressive du rythme d'augmentation des contributions. En gros, l'augmentation des contributions est passée de plus de 9 % à 5 %, ce qui représente un succès encore incomplet mais un succès considérable dans un environnement comme celui du médicament, et particulièrement en Amérique du Nord. Je pense que ceci doit être considéré.

Il faut également mentionner ? vous parlez des contributions des citoyens ? que les contributions des personnes âgées ayant le supplément partiel de revenu garanti et celles des prestataires d'assistance-emploi aptes au travail, même si elles n'ont pas été annulées, n'ont pas été augmentées depuis les dernières années. Elles sont restées identiques en termes de franchise et, pour ceux qui en paient, de coassurance. Donc, il y a eu, de la part des gouvernements, un effort pour épargner les clientèles les plus vulnérables dans les ajustements annuels, qui sont faits, des paramètres de contribution.

Nous avons posé un premier geste ? vous l'avez également souligné ? avec les personnes âgées recevant le supplément maximum de revenu garanti. 46 000 personnes, dépendant de la façon dont on le regarde, c'est peu, mais c'est beaucoup. C'est mieux que zéro et c'est un pas dans la bonne direction. On entend, comme je l'ai dit ce matin, faire le pas suivant avec les prestataires d'assistance-emploi dès que la politique aura apporté les fruits qu'elle nous promet, et je suis très confiant que la politique va nous apporter ces fruits-là assez rapidement, étant donné qu'on a, avec cette politique et la commission, une occasion de réunir les acteurs autour d'un objectif commun qui doit être celui de tous les partenaires, incluant celui de l'industrie pharmaceutique.

Mais je suis quand même un peu intrigué par votre proposition de donner la gratuité à toutes les personnes ? je vais reprendre vos paroles ? vivant sous le seuil de la pauvreté, la gratuité des médicaments. Avez-vous fait une évaluation du coût que ça représente? Et quel serait votre mécanisme de financement de cette mesure?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Perez, M. Chervin ou M. Klein, Mme Castiel.

n (14 h 30) n

Mme Perez (Élizabeth): Bien, évidemment, on n'a pas fait une analyse parce qu'on est là pour représenter...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Perez.

Mme Perez (Élizabeth): On est là pour représenter une communauté, et je crois que ce n'est pas notre rôle de faire l'analyse globale. Mais ce qu'on estime, c'est que, si on ne fait pas attention à ceux qui vivent sous le seuil de la pauvreté pour leur offrir un système où ils ne vont pas au moins empirer leur maladie, on pense que réellement on va avoir moins de pertes dans notre système parce qu'on ne va pas les retrouver peut-être dans les hôpitaux. Parce qu'on sait très bien que les gens qui n'ont pas accès à une médication adéquate se retrouvent souvent aux salles d'urgence. Alors, c'est là où on dit: On n'a pas fait l'analyse des coûts, mais peut-être qu'à long terme on aura moins de coûts si on trouve un système adéquat de médication.

M. Chervin (Michael): Oui. En fait, j'aimerais d'abord commenter sur les commentaires, si possible. Nous sommes d'accord que des systèmes de santé, surtout des médicaments, ça coûte cher, et puis nous proposons des moyens pour mieux contrôler, encadrer ce qui représente vraiment le... Ce qui coûte cher, c'est le médicament. Donc, en mieux encadrant le coût des médicaments, je crois qu'on pourrait avoir des économies, parce qu'on est d'accord que ça coûte cher. Puis, l'intégration, mieux coordonner les politiques entre les différents ministères pour prendre des décisions plus facilement, de façon plus coordonnée, on trouve que ça pourrait être une bonne idée. Cependant, nous trouvons que, le ministère de la Santé et des Services sociaux, leur rôle, c'est d'assurer les conditions pour la bonne santé des citoyens du Québec, et puis ça doit être primordial comme rôle pour le ministère.

Quand il y a un potentiel de conflit d'intérêts entre certaines parties, comme potentiellement l'industrie pharmaceutique et la santé de la population du Québec, je crois que c'est le rôle du ministère de la Santé et des Services sociaux de prioriser la santé de la population puis le bien-être de la population. Je crois que c'est assez fondamental. Aussi, selon un cadre théorique de santé des populations, ce n'est pas nécessairement en augmentant les revenus d'une industrie ou une partie de l'économie d'un pays, par exemple, que la santé va... de la population, ce serait plus une redistribution plus équitable des ressources de la société, y incluant... Dans ce cas-ci, qui nous préoccupe beaucoup, c'est les médicaments, par exemple, pour assurer la bonne santé.

Nous sommes d'accord que la société québécoise n'est pas nécessairement si riche. C'est quelque chose qui est très relatif. Et puis, pour conserver ce qu'on a déjà, nous croyons qu'il y a des coûts humains qui sont trop importants, et puis ces coûts humains aussi ont des conséquences financières, comme M. Klein a dit. Par exemple, les personnes qui peuvent prendre leurs médicaments seulement une journée sur deux quand ils devraient prendre leurs médicaments à chaque journée, ça provoque des dépenses de l'État, du système de santé, et puis ça coûte cher au niveau financier aussi.

Aussi, est-ce qu'on a une meilleure accessibilité, au Québec, aux médicaments, parmi les personnes de bas revenus, depuis 10 ans? Je pense que ce n'est pas évident que c'est mieux maintenant. Nous, on trouve qu'il y avait du recul, et puis, dans le cas où il n'y avait pas de recul, on peut espérer qu'une société puisse se développer en 10 ans pour qu'on ait une meilleure situation d'accessibilité à la population des médicaments.

Aussi, que ce soit un effort du gouvernement de faire en sorte que les personnes âgées qui reçoivent le supplément de revenu garanti maximal, ils et elles aient les médicaments gratuitement, est-ce que c'est un pas en avant? Oui, on trouve que c'est un pas en avant. On ne peut pas se féliciter que c'est mieux que rien, parce que le gouvernement, ou avant que le gouvernement ait été élu, il y a des promesses qui ont été faites, et puis ces promesses n'ont pas été réalisées. Donc, on ne peut pas se féliciter que, ah! mais on a fait plus que zéro, 46 000 personnes, c'est plus que zéro personne, on ne peut pas l'applaudir parce qu'en fin de compte le gouvernement aurait dû faire beaucoup plus, selon ses propres engagements. Donc, je crois que c'étaient juste des commentaires sur les commentaires du Dr Couillard, en plus de ce qu'Élizabeth a...

M. Couillard: On va faire des commentaires sur les commentaires sur les commentaires. Bien, je vous remercie. Il est essentiel de réaliser qu'il est illusoire de mettre en opposition la croissance économique, l'industrie, la création de la richesse et les programmes sociaux, et c'est parfois ce que je reproche aux groupes de gauche, c'est de dépeindre l'univers où les deux existent indépendamment les uns des autres. Moi qui suis au gouvernement depuis deux ans et demi, je peux vous dire que la situation financière du gouvernement du Québec est extrêmement, extrêmement serrée. C'est même une surprise pour moi de constater à quel point c'est serré. C'est serré de façon énorme, et pas seulement à cause du déséquilibre fiscal, parce que c'est la réponse magique qu'on apporte tout de suite lorsqu'on dit que le Québec est en situation difficile, mais à cause de problèmes structurels internes résultant de nos choix à nous au Québec. Alors, il faut absolument veiller à préserver nos acquis économiques.

Parce que je vous laisse imaginer la situation où on perdrait les industries de pointe au Québec. Vous savez que ces industries sont très mobiles, extrêmement mobiles. Et, si on perd ce type d'activité économique, moi, je me demande bien comment on va faire non pas seulement pour améliorer nos programmes sociaux, mais uniquement les maintenir. Alors, c'est essentiel de lier les deux. Et c'est dans la tradition d'ailleurs de notre formation politique d'avoir toujours lié la création de la richesse et de la prospérité avec les éléments de justice sociale et de programmes sociaux, parce que ce n'est pas deux vases séparés, c'est des vases communicants.

Ça coûte 20,8 milliards de dollars par année, la santé. Il faut que ça vienne de quelqu'un. Puis l'État n'est pas une entreprise indépendante. Des fois, on entend des discours où on a l'impression que le gouvernement ou l'État est une sorte d'organisme indépendant disposant de fonds autonomes qui lui viennent d'on ne sait où. Il n'y a pas un sou du gouvernement qui n'est pas généré par des contributions des citoyens ou des entreprises du Québec. Le gouvernement du Québec, c'est une vaste organisation sans but lucratif. On ne fait pas grand profits là. Et ce qu'on veut faire pour la prochaine année, pour les prochaines années, au Québec, c'est développer notre économie, développer notre éducation, développer notre richesse collective pour que d'abord les gens soient plus en santé ? et ce n'est pas absolu, comme vous l'avez dit ? et, deuxièmement, qu'on conserve les moyens de payer pour ces programmes sociaux qui sont très chers et très généreux au Québec.

Alors, je pense qu'il est important, et ce n'est pas une contradiction pour moi, même si on est de gauche, d'accepter qu'il y a un lien essentiel à faire entre les deux. On ne peut pas vivre dans un monde, je dirais, utopique où on pourra continuer à financer tous ces éléments-là sans ajouter à la richesse collective de la société à laquelle on appartient, c'est impossible. C'est bien d'y penser, mais c'est impossible en pratique. Alors, je pense que c'est important donc d'avoir inclus cet élément-là.

Et, si vous lisez ? et vous l'avez fait avec attention, je le sais ? si vous lisez le document de politique, vous voyez que la collaboration avec l'industrie est étroitement encadrée. Vous parlez d'éléments comme l'encadrement ou le balisage des coûts; c'est présent, cet élément, dans la Politique du médicament. Vous parlez d'éléments comme l'utilisation optimale du médicament et l'engagement de l'industrie comme partenaire à l'utilisation optimale; c'est présent dans la Politique du médicament et c'est un élément essentiel. Mais on ne créera pas non plus malheureusement, au Québec, une société à part des autres en Amérique du Nord, où les médicaments ne coûtent rien. Et, comme on a décidé qu'on en payait une grande partie collectivement, on doit s'assurer d'avoir collectivement les moyens pour continuer à se les payer.

Écoutez, je répète ce que j'ai dit à vos collègues ce matin, à Mme Labrie, avec laquelle vous êtes certainement en collaboration, on a l'intention de faire le pas suivant. Là, ce que je dis, c'est déjà bien. C'est juste pour dire ça: c'est déjà bien. On veut faire encore mieux. On est en politique pour faire toujours mieux et on veut faire mieux, on veut remplir notre engagement d'ici la fin du mandat pour les personnes recevant l'assistance sociale. Ce sera une grosse réussite qu'on aura faite. Même mon collègue m'a dit qu'il nous féliciterait, le jour où on le ferait, puis je suis certain qu'il va le faire, en plus, parce que je le connais bien maintenant, et je suis certain qu'il le ferait. Et donc on a l'intention de le faire, mais on croit que ça doit se faire dans un cadre de gestion efficace et rigoureuse des médicaments. Puis, vous-mêmes, vous êtes partisans de cette gestion efficace et rigoureuse. Alors, on ne peut pas le faire de façon isolée, il faut que tous les éléments soient intégrés. On ne peut pas donner l'illusion à la population qu'on peut guérir les maux de ce système de santé ou de l'assurance médicaments en isolation complète du reste de la société, non seulement du Québec, mais de l'Amérique du Nord.

Alors, pour ça, je crois, moi, que cette intégration qu'on fait entre les... qui n'est pas une intégration totale, parce qu'il n'y a qu'un axe sur quatre, qui est celui de l'industrie, encore une fois, là, ça ne se fait pas au détriment des gens, c'est pour aider les gens à recevoir des services. Parce que, quand on voit les comptes du gouvernement mois après mois après mois, on voit bien d'où vient l'argent. Et il faut que ces gens-là puissent contribuer encore à notre richesse collective si on veut pouvoir en faire bénéficier tous les citoyens. Et ça, c'est pour toutes les communautés, incluant bien sûr celle que vous représentez.

n (14 h 40) n

Et, lorsque vous dites que l'accessibilité aux médicaments s'est détériorée, au Québec, depuis 10 ans, je dirais qu'il faut un peu colorer ce jugement-là. C'est vrai, puis on est d'accord. Ce matin, on était d'accord ensemble pour dire que, pour les populations comme les prestataires d'assistance-emploi, depuis le retrait de la gratuité à la faveur de la naissance du régime, il y a eu un recul. Mais dans l'ensemble l'accessibilité aux médicaments, incluant celle pour les personnes à faibles revenus, est très supérieure au Québec qu'elle ne l'est ailleurs. Si vous comparez les différents régimes de protection qui existent au Canada ? je ne mentionne même pas les États-Unis parce que, là, c'est un autre monde, mais restons à l'intérieur du Canada ? c'est très inégal d'une province à l'autre, le niveau de protection, le niveau d'accessibilité. Je ne pense pas qu'on ait à rougir, au Québec, de notre niveau d'accessibilité pour les médicaments. Mais je ne dis pas ça pour dire que ça ne peut pas être amélioré, ce n'est pas une façon de dire que tout est parfait puis qu'on va le laisser comme ça. On veut améliorer l'accessibilité et on pense que la façon de le faire, c'est de se doter d'une politique du médicament dans laquelle les axes, les quatre axes ici, sont bien représentés.

Par exemple, je crois également qu'il est responsable, même si vous dites que vous représentez avec justesse les citoyens de votre communauté... Si on fait une proposition à l'État puis aux contribuables du Québec de dire: Bon, je voudrais que... ou on demande que la gratuité soit assurée à tous les citoyens sous le seuil de la pauvreté, il faut quand même avoir une idée de ce que ça représente économiquement en termes d'effort. C'est important. Parce que déjà, pour les contribuables, de maintenir le système tel qu'il est, c'est un effort majeur, mais d'ajouter en plus aux bénéfices, c'est un effort encore plus considérable. Il faut donner aux citoyens qui nous écoutent un aperçu, parce que, là, on parle, je vous le dis, de centaines au pluriel de millions de dollars en coûts. Votre demande, le coût de votre demande se chiffre en centaines au pluriel de millions de dollars, et je ne sais pas si vous avez réfléchi à la façon dont on peut arriver à financer, un jour, une mesure semblable.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous avez un droit de réplique, certainement. Oui, M. Klein.

M. Klein (Joe): The fact that it's going to cost hundreds of millions of dollars is one thing. But you were elected here to do a job and I think that basically your job is to protect the most vulnerable in our society. And you did promise in your 310-page platform that you would come up with the free medication for 712,000 people. We, as electors and voters, expect that your party and your cabinet would keep that promise. Now, it's up to you to find the money. I wouldn't know where to start, and it's not my job. I'm not getting paid to look for the money. You, people, are getting paid to look for the money. So I suggest that you'll find a way of finding the money, whether it's with industry or without industry. Just find it and do it. Basically, there are 712,000 citizens of Québec that are in dire need. But that is not all, there's even more. Because when you look at the numbers and you got 20% of people living under the poverty line, it isn't just 20%, you've got another 20% living above it and that still can't afford it. But the working poor, if you take 40%, it's 2.8 million people in Québec. So it's up to you, and that's what basically our citizens are paying you for.

It's a very lovely room and it looks real nice, but people are living in poverty. They have to choose between medication, they have to choose between eating, buying fuel, heating their homes. People are cutting their medications in half. And as you would know, Minister Couillard, if a person is malnourished, the regular dose of medication does not work. It requires more than the regular dose. People, seniors especially, are going into the hospital 40% malnourished, they are coming out the same way. You know that. You've seen the report, I'm sure, because Dr Paul Saba has that information, and I'm sure he's passed it along to you.

So there is something awfully wrong with what we're doing, and I'll tell you, when I look at the social aspects of Québec... And I think Québec is a terrific place to be right now, it's a terrific province. I've done well here. I'm retired. I worked for 50 years. I don't know if I could have done as well anywhere else in Canada, I really don't know, but I did it very nicely in Québec and I love to live here. But you have an obligation and the citizens of Québec would expect you to look after that obligation. When seniors are having the problems that they're having, it's not only in the Jewish community, it's across Québec. And when we advocate on behalf of the Jewish community, it's for all Quebeckers, all 7.3 millions, and that is why we're here.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, M. Klein. Je dois maintenant céder la parole... Je m'excuse, mais le 20 minutes d'interaction avec le parti ministériel est terminé. Mais vous pourrez continuer la conversation du côté de l'opposition. Je cède la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Alors, mesdames messieurs, je ne sais pas si vous étiez ici, ce matin, lorsque j'ai tenu un propos sur une position identique qui a été présentée par la Coalition de lutte contre la pauvreté. Ce que j'ai dit, c'est que le recul dont parlait le ministre à l'instant, qui a été enregistré ou imposé à plusieurs de nos concitoyens pauvres lors de l'entrée en vigueur du régime, en 1997, ça a été une erreur que notre gouvernement a commise, je pense, et je crois que cette erreur-là, qui nous avait été reprochée de l'autre côté quand ils étaient dans l'opposition... Et vous faites référence à un engagement électoral, dans le fond. L'engagement électoral, c'était de corriger cette erreur-là, et je crois que vous avez raison de rappeler au gouvernement sa responsabilité de respecter son engagement électoral, ce qui ne nous absout pas. Et je ne suis pas ici, justement, pour chercher une absolution de notre responsabilité par rapport aux pauvres de notre société qui ont eu à encaisser ce recul-là.

Ceci étant dit, il y a une chose qu'il faut qui soit dite, c'est qu'il y a des inexactitudes. Ce n'est pas vrai qu'on n'a pas les moyens de le faire. D'abord, il s'agit de choix politiques, et je pense que vous l'avez dit, M. Klein, tantôt. À un moment donné, c'est une question de choix et d'éthique et de la façon dont on perçoit notre responsabilité publique et civique et responsabilité politique quand on est au gouvernement, quand on est au Parlement. Et, dans ce contexte-là, c'est vrai qu'on n'est pas la société la plus riche dans les Amériques, mais on est une société suffisamment riche pour d'abord régler le problème le plus crucial et le plus urgent, c'est-à-dire celui qui concerne l'aide sociale, qui coûte à peu près 16, 17 millions de dollars. Et je crois que nous sommes aussi assez riches collectivement pour être capables de faire un choix politique de société pour aller dans le sens que vous proposez, c'est-à-dire que les gens qui vivent sous le seuil de la pauvreté devraient avoir la gratuité des médicaments.

Ça, c'est mon point de vue personnel. Je n'ai pas fait une réunion de caucus pour vous dire ce que je pense, mais je pense qu'on est capables. Les chiffres, ce n'est pas des centaines de millions, à ma connaissance, c'est peut-être une centaine de millions de dollars.

Quand une société comme la nôtre génère des taxes et des impôts à deux niveaux de gouvernement et qu'un niveau de gouvernement déclare avec effronterie, d'année en année, des surplus budgétaires considérables ? il y a à peine quelques jours, c'était 10 milliards que le gouvernement fédéral annonce comme surplus budgétaire ? une partie de ces surplus-là, nous les avons payés en taxes et en impôts. Donc, notre richesse collective qu'on veut augmenter pour générer encore plus de revenus fiscaux pour l'État ou pour le gouvernement, on en génère déjà pas mal. Je crois qu'il y aurait intérêt à ce que votre groupe et d'autres groupes qui s'adressent souvent à l'Assemblée nationale, au gouvernement du Québec, quels qu'ils soient, s'adressent aussi à l'autre niveau de gouvernement pour interpeller l'autre niveau de gouvernement parce que le problème du ministre actuel, puis de son prédécesseur, puis de son successeur, ce sera, tant qu'on n'aura pas réglé ce problème-là, un problème qui est lié aussi à la disponibilité financière que l'État québécois a ou pas.

Au-delà de ça, je crois qu'on n'est pas obligés d'attendre que le déséquilibre fiscal soit réglé par une compréhension magique des autorités fédérales ou par l'indépendance du Québec. C'est pour ça que je crois que déjà, si on faisait des choix de société, on est en mesure, à cause de la richesse malgré tout relative de notre société par rapport à bien d'autres sur la planète, de supporter les plus faibles dans notre société. Mais chose certaine, c'est que je crois que des groupes, dans notre société, ont souvent la tendance de venir au Parlement ? moi, ça fait, écoutez, 23 ans que je suis député, j'ai commencé il y a 28 ans, ici, à la shop, là, à l'Assemblée nationale, pour la première fois que j'ai été élu ? et souvent les gens viennent ici faire des revendications, mais on ne les entend jamais faire des revendications, ils ne vont jamais faire les mêmes revendications à l'autre niveau de gouvernement, à l'autre Parlement où finalement une partie importante de la solution réside. Et je crois que, dans l'espace public, quand un groupe comme le vôtre...

n (14 h 50) n

Puis c'est la même chose... Si j'avais eu plus de temps ce matin, je l'aurais dit aussi à la coalition. Il faut, à un moment donné, que les citoyens acceptent puis considèrent qu'ils vivent dans un État fédéral. Il y a deux niveaux de gouvernement, ils ne peuvent pas adresser leurs revendications juste à un niveau sans penser qu'il n'y a pas un impact sur l'autre niveau puis qu'il n'y a pas une relation. Qu'on soit indépendantiste ou fédéraliste, il y a une responsabilité civique à accepter qu'il y a une situation, là, puis il y a un problème.

Moi, je peux trouver que le ministre, puis son gouvernement, n'est pas assez revendicateur par rapport au gouvernement fédéral et que dans le fond il baisse la garde un peu facilement puis il accepte trop facilement, mais, en bout de piste, le problème, il est là. On n'aurait pas besoin d'augmenter les taxes et impôts des Québécois si simplement ce qu'on payait était géré par l'État québécois en bonne partie ou en totalité et qu'on utilisait cette disponibilité, en fait cette richesse qu'on a déjà générée puis ces revenus fiscaux qu'on a déjà générés pour simplement les injecter là où actuellement ils devraient être injectés pour aider les plus faibles dans notre société. C'est un peu ce que je voulais vous dire, puis j'aimerais ça entendre votre réaction. L'autre élément sur lequel vous avez insisté puis que je voudrais que vous reveniez, moi, je l'ai dit ce matin, moi aussi, j'aurais préféré que la dimension d'aide à l'industrie ne soit pas dans cette politique. Mais en même temps, pour moi, ce n'est pas un crime de lèse-majesté puis je n'en ferai pas une guerre de religion parce que je crois qu'effectivement c'est le gouvernement dans son ensemble. La politique, ce n'est pas juste la politique du ministre, c'est la politique du gouvernement. C'est le gouvernement, et le cabinet, puis le Conseil des ministres qui ont autorisé le ministre de la Santé à présenter sa politique puis à la défendre. Sauf que ce serait intéressant de voir son collègue de l'Industrie et du Commerce ou du Développement économique assis à côté de lui pour entendre l'industrie.

Mais le problème que vous avez soulevé est réel, par ailleurs, c'est: À partir du moment où c'est simplement le ministre de la Santé qui est au bat, comment s'assurer que, lui, il va faire en sorte que, chaque fois qu'il y aura un conflit d'intérêts, ça va être le ministre de la Santé qui va être le... et c'est la santé qui va être le principal et le premier critère d'appréciation de la situation?

Et on le sait très bien, l'industrie pharmaceutique, c'est une industrie puissante qui est gourmande et qui est riche, qui voudrait l'être encore plus, et, pour des bonnes raisons, ils se disent qu'on aurait les moyens, nous autres, de les aider encore plus pour qu'ils restent ici plutôt que d'aller ailleurs. Mais c'est vrai qu'il peut se retrouver des situations de conflit d'intérêts ou en tout cas des situations potentiellement conflictuelles. Et là qu'est-ce que l'État va faire? Qu'est-ce que le gouvernement va faire? Est-ce qu'il va prioriser le développement économique, au détriment de la santé, ou la santé? Qui va défendre la santé au gouvernement? Si c'est le même ministre qui défend la santé puis le développement économique, il va avoir des arbitrages avec lui-même à faire. Peut-être que c'est plus intéressant de sentir qu'il y en a un, on est sûr, qui s'occupe juste de la santé, puis un autre qui s'occupe de l'économie, puis qu'à la limite il y a un chef du gouvernement qui va arbitrer, en espérant qu'il ait les valeurs à la bonne place. Mais c'est clair que vous avez posé un problème important qui est celui d'avoir, dans cette politique-là, une référence ou un axe qui s'occupe du développement économique puis, disons, du maintien de l'importance de cette industrie ? je suis d'accord avec le ministre ? fondamentale pour le développement économique du Québec, de la richesse collective.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous avez le choix du segment.

Mme Castiel (Kelly): Merci. Alors, je suis vraiment très satisfaite de vous entendre dire que vous avez des regrets, que votre parti a des regrets de la décision qui a été prise en 1996-1997. C'est vrai que vous avez eu au moins huit ans après ça pour corriger cette faute et que ça n'a pas été corrigé. Donc, on espère maintenant que le nouveau parti va travailler très dur sur la situation, pour redresser la situation.

Et j'ai fait un calcul rapide avec ma calculatrice pour essayer d'arriver à un chiffre de milliards de dollars. Je ne suis pas arrivée à des milliards de dollars, des centaines de millions, je suis arrivée à 20 millions. Si tout simplement on enlève le 200 $ par année que 100 000 personnes qui reçoivent de l'assistance sociale paient, alors 200 $ par année par 100 000 personnes, on arrive à 20 millions par année juste pour enlever le 16,66 $ par mois que les assistés sociaux doivent payer pour leurs médicaments. Donc, le 20 millions, moi, j'ai beaucoup confiance en vous, M. le ministre, et je pense que vous pourrez trouver une façon, dans vos budgets, de travailler avec ça. Alors, c'est ça en premier.

En deuxième, j'aimerais aussi mentionner comme commentaire que non seulement il y a la contribution que les assistés sociaux doivent payer par mois, mais que le coût des médicaments qui ne sont pas couverts par le régime d'assurance de notre gouvernement a augmenté. Non seulement, chaque année, il y a de plus en plus de médicaments qui ne sont plus sur la liste, qui sont enlevés de la liste, qui ne sont plus couverts, mais, le prix des médicaments, le prix, que ce soit vous ou que ce soit moi qui aille acheter juste même du Tylenol à la pharmacie, on sait bien que les coûts, les 10 dernières années, ont augmenté. Et tous ces médicaments-là ne sont pas couverts et ça doit être payé par les plus pauvres de la société comme pour vous et moi. Donc, on ajoute ça à tout ça. On trouve vraiment que pour les plus pauvres c'est un peu trop à payer et qu'on pourrait sûrement trouver un 20 millions pour régler au moins cette situation. Merci.

M. Charbonneau: ...parce que ce que je disais, c'est: Il y a deux éléments, là, parce qu'il y a cette question d'aide sociale ? on a dit que c'était 17 ou 20 millions, là, peu importe; on est dans ces eaux-là ? mais l'autre revendication que vous faites ajoute des coûts, c'est-à-dire que, si on veut aider tous ceux qui sont sous le seuil de la pauvreté, là on augmente la facture. Moi, les calculs que j'ai faits, c'est à peu près 100 millions. Et c'est un peu plus que 100, mais, si on enlève déjà l'aide qu'on donne, globalement ce que ça nous coûterait de plus, c'est une centaine de millions, semble-t-il. Si le ministre a des calculs différents puis qu'il nous dit que c'est 300 millions, je voudrais bien qu'on nous explique comment on arrive à ça. Mais disons que c'est une centaine de millions pour fins de discussion. Moi, je crois qu'on n'est, comme société, au Québec, pas assez pauvres collectivement pour ne pas être capables de se payer ça. Puis en plus, comme je vous le disais, l'argent, on l'a, il est ailleurs.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Klein.

M. Klein (Joe): Yes. This problem didn't start today, it started many years ago, it started even before 1996. The law 33 that established this drug problem, this drug bill, insurance... To quote from the notes directly from the bill: «This bill establishes a basic prescription plan, drug insurance plan, designed to provide all persons in Québec with reasonable and fair access to the medications required by their state of health.» This was the declaration and this to me partly shows the intent.

But you see what's been happening. If you look back to the early '90s and during the '90s, I guess, the way I look at it, that we've been making a U-turn, «virage en U». We're going back to the '30s, and this bothers me greatly because I was born in 1929 and I lived through the '30s as a child, so I really don't know... I was well protected by my parents, but I lived through the '40s and '50s and it wasn't all that much better. So we seem to be going back to the charity and the charity wards and everything else that comes out of this thing.

To say that it's the feds' problem, yes, they should come up with more money, but it's your objective and your job to go and get the money. Now, we'll tell them and we'll stay on top of them, but you're the ones that have the power to demand it, not us. We give you that power by voting for you, and that's where the power lies and that's what you should be doing. You think you can get more money out of the feds? I'm right there with you. Get as much as you can, as often as you can, but it's up to you to get it. Don't leave it to me, I can't do it.

M. Charbonneau: Attention, il y a une chose avec laquelle je ne suis pas d'accord dans ce que vous venez de dire, c'est que je crois qu'effectivement c'est la responsabilité, puisque vous avez confié un mandat à des élus de l'Assemblée nationale, donc c'est aux députés puis au gouvernement du Québec, c'est aux députés de l'Assemblée nationale à faire bien sûr le combat pour aller chercher les fonds qui sont à Ottawa, mais c'est aussi la responsabilité des citoyens. Les citoyens ne peuvent pas se laver les mains en disant: Moi, j'ai voté puis, après les élections, c'est fini, je n'ai plus de job à faire, c'est votre responsabilité. Moi, je crois que les citoyens du Québec doivent être en arrière de leur gouvernement puis en arrière de leur Parlement quand ils considèrent justement qu'il y a une situation qui est inacceptable, parce que vous payez aussi des taxes et des impôts à Ottawa, puis que vous élisez aussi des députés à Ottawa puis un gouvernement à Ottawa, et qu'eux aussi sont redevables à vous. Et à quelque part l'action d'une gang que vous élisez annule ou empêche l'autre groupe d'agir comme...

À qui vous demandez des comptes puis souvent à qui les gens viennent, en commission parlementaire, demander des comptes pour la problématique de la santé? C'est au gouvernement du Québec, au Parlement du Québec. C'est pour ça que je vous dis: Vous ne pouvez pas dire que c'est juste la responsabilité de vos élus à l'Assemblée puis du gouvernement du Québec, c'est aussi votre responsabilité, comme citoyens, de mettre de la pression, comme vous en mettez, aujourd'hui, sur nous, de la mettre ailleurs aussi. C'est ça que je vous dis.

n (15 heures) n

M. Klein (Joe): We're also visiting the federal Government one by one and in committees and we're also asking for this particular money that we need, whatever money that we should have from the surplus. We're doing our share, but you have the power here and you're the ones that should be on the front line doing it. We are on the front line dealing with people in poverty. That's where we get all this information from. We're right on the front line, we deal with the people day after day. We know what the situation is and we're bringing it here so that you know. It's very difficult to imagine poverty in this room, very difficult. It's a very ornate room and it's really... it should be, it's fine. But to walk in somebody else's shoes is extremely difficult, and that's what we're asking you to do.

Whenever you make a law, whatever party you're with, walk in the shoes of the people in poverty and then make the law accordingly for the most vulnerable. The rest of us will benefit also. But don't think that we're coming here and just making one presentation here. I've been to Ottawa, I've been to MPs offices and I've been to MNAs offices. We go from door to door looking for what we want. And I'll tell you really, Mr. Couillard, I know you stepped into a very difficult situation. The situation isn't from today, it's over 10 years, if not longer, that the situation has been brewing. And it's impossible to correct in a very short period of time, but we ask that you once again respect that 712,000. Those people are in dire trouble, big problems, and I'll tell you, would they go to the hospital rather than taking medications, I'm sure the hospitalization costs more than the medications. So one way or another, you're either paying it now or you're paying it later. But you pay less now and you pay more later, just like the ad on TV says: You change the oil in your car now for $29 or you burn out the motor and it costs you $5,000. So this is what it is, it's plain arithmetic.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Perez, s'il vous plaît.

Mme Perez (Élizabeth): Oui. Je voulais juste rajouter un petit point. Vous avez soulevé le gouvernement fédéral, mais pour moi ce que ça soulève, c'est une problématique qui est plus large. Tout est interrelié. Si on doit parler d'industrie à l'intérieur d'une politique de médicament, c'est aussi qu'on doit parler de l'aide sociale et de toutes ces autres politiques qui affectent ces personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté parce que rien n'est en isolation, je veux dire les prix de logement qui ont augmenté, les prix de tout qui ont augmenté, le fait que l'aide sociale n'a pas été indexée adéquatement par rapport au coût de la vie. Alors, je crois, tout ça est interrelié. Et, si les personnes avaient un niveau de revenus qui était adéquat, on ne serait pas là, aujourd'hui, en train de parler des contributions qu'elles auront à payer parce qu'elles auraient les moyens de payer ces contributions. Je crois qu'il faut faire attention à toute politique. Si on parle d'industrie pharmaceutique quand on parle d'une politique de médicament, il ne faut pas oublier non plus les sources de revenus de ces personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté et tous les autres aspects de leur vie qui affectent leurs revenus.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, il reste... Oui. M. Chervin voulait ajouter quelque chose.

M. Chervin (Michael): Oui. Merci beaucoup. C'est ça, j'aimerais juste rappeler que nous ne sommes pas un «lobby group», nous sommes une table de concertation des organismes de première ligne de la communauté juive. Puis effectivement, par exemple, les exemples que Mme Castiel a soulevés, c'était à partir de sa propre expérience en tant qu'intervenante de première ligne à Services à la famille juive.

J'aimerais aussi souligner que nous sommes d'accord que, le gouvernement fédéral, il faut qu'on leur dise de transférer beaucoup plus d'argent, là, de surplus aux provinces, au Québec en particulier, pour appuyer le système de santé du Québec. Nous sommes d'accord, et avec notre rôle aussi en tant que citoyens.

Aussi, je crois que c'est important de souligner que nous croyons qu'une économie forte, au Québec, est importante. On n'est pas en train de dire le contraire; ce qu'on est en train de dire, c'est qu'il y a des rôles particuliers aux différents ministres, ministères, et puis on n'est pas convaincus qu'il n'y a pas tout le temps un manque de... contradiction entre le développement économique et la santé de la population. Parce qu'on voit ça dans le document de consultation, que le gouvernement est prêt à lever le gel des prix pour les compagnies pharmaceutiques, le gouvernement est prêt de continuer les règles de 15 ans, il n'y a aucune autre province au Canada qui a ça. Donc, on trouve que déjà il y a un parti pris, il y a un conflit, là, entre les deux parce que le gouvernement n'a pas rétabli la gratuité des médicaments aux 712 000 personnes, tel que promis. Plutôt, le gouvernement a continué à subventionner l'industrie pharmaceutique, et même pas à juste maintenir les mêmes subventions, mais à proposer d'augmenter ça par le changement de politique de gel de médicaments. Donc, on trouve que déjà il y a une contradiction qui est là, dans ce qui est proposé.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je suis désolé, tout le temps dont nous disposions est maintenant écoulé. Alors, je remercie Mme Perez, M. Chervin, M. Klein, Mme Castiel de leur contribution, cet après-midi, et je demande maintenant aux personnes qui représentent le Comité des personnes atteintes du VIH du Québec de prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je vais suspendre les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 7)

(Reprise à 15 h 12)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la commission reprend ses travaux, et nous accueillons le Comité des personnes atteintes du VIH du Québec. Je reconnais... ou je ne reconnais pas. Où est M. David Williams? Il n'est pas là?

Une voix: Il a quitté pour la salle de bain, je pense.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Bon, il est à sa pause physiologique. Alors, Mme Colette Coudé, vous êtes là? Très bien. Merci d'être là. Dominic Lévesque, M. Lévesque, sur ma gauche.

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui. M. José Sousa. C'est bien comme ça qu'on prononce votre nom?

Une voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, bienvenue à la commission. Nous allons attendre donc M. David Williams, président du conseil d'administration. C'est M. Williams qui va faire la présentation?

Une voix: L'introduction.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): L'introduction. Très bien. Alors, en attendant, je peux quand même réitérer les règles du jeu. Vous lui refilerez ça à l'oreille. Vous avez 20 minutes pour résumer l'essentiel de vos propos, et suivra une période de discussion avec les parlementaires.

Je suspends les travaux jusqu'à l'arrivée de M. Williams.

(Suspension de la séance à 15 h 13)

 

(Reprise à 15 h 14)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. La commission reprend ses travaux. Alors, je cède la parole à M. David Williams, qui est président du conseil d'administration du Comité des personnes atteintes du VIH du Québec. M. Williams.

Comité des personnes atteintes
du VIH du Québec (CPAVIH)

M. Williams (David): Bonjour. Je m'appelle David Williams. Justement, je suis le président du conseil d'administration et je vous présente... On a fait les présentations? D'accord. Vous connaissez tout le monde, alors.

Je voulais juste faire une brève présentation de la situation des personnes qui vivent avec le VIH au Québec, et ensuite M. Lévesque va présenter des parties du mémoire qui répondent directement au projet de votre Politique du médicament.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Allez-y. Très bien.

M. Williams (David): Donc, il y a à peu près 18 000 personnes au Québec qui vivent avec le VIH, dont à peu près 8 000 qui sont en traitement. Comme vous le savez, être atteint, infecté du VIH, c'est une maladie chronique. Il n'y a pas de cure, il n'y a pas de remède final. Mais, depuis 10 ans, il y a des médicaments qui sont disponibles, qui aident à prolonger la maladie, à prolonger notre vie et à diminuer justement le taux de réplication du virus. Vu que c'est une maladie nouvelle, déclarée il y a 25 ans, les traitements eux-mêmes sont nouveaux et même expérimentaux. Il y a beaucoup de recherche qu'il reste à faire et il y a beaucoup d'expérimentation.

Les traitements contre l'infection coûtent très cher pour les individus, pour les compagnies d'assurance et pour l'État du Québec. C'est entre 12 000 $ et 15 000 $ par personne, par année. Donc, si nous faisons un calcul rapide, pour donner un traitement, c'est presque 100 millions de dollars par année pour à peu près 8 000 personnes. Donc, il y a une discussion et il y aura un autre forum au niveau de l'importance de la prévention de la transmission du virus, puisque le traitement du VIH, les coûts, c'est un sujet qui touche directement les intérêts de l'État et la santé publique mais aussi ceux qui vivent avec la maladie.

Et les difficultés avec les traitements, c'est: à l'heure actuelle, il y a une vingtaine de médicaments disponibles, et il faut les prendre en combinaison de trois ou plus. C'est un traitement qui est compliqué et qui provoque beaucoup d'effets secondaires pour plusieurs. Et, puisque c'est un domaine où il y a des traitements et de la recherche qui sont au courant, c'est important d'avoir accès aux nouvelles molécules, aux nouveaux traitements le plus rapidement possible.

Nous, comme organisation, nous appuyons plusieurs de vos propositions que vous émettez dans votre politique. Nous avons quelques bémols et quelques recommandations et demandes face à ça. Mais, en tant que patients, en tant que consommateurs importants de médicaments, cette politique touche notre état de santé et nos intérêts directement.

Et, comme organisation, une grande partie de notre travail, c'est la préoccupation d'avoir accès aux bons médicaments le plus rapidement possible, la promotion de la recherche au niveau des compagnies pharmaceutiques et aussi l'utilisation optimale de ces médicaments, qui est une des préoccupations principales de la politique, parce que, pour être efficace, le traitement contre l'infection du VIH, il faut avoir une adhésion de presque 95 % pour éviter le développement d'une résistance. Donc, notre travail principal, c'est justement de donner de l'information, la formation et la sensibilisation au niveau d'une utilisation optimale des médicaments. Donc, au niveau des questions précises qui sont soulevées dans le mémoire, je demanderai à M. Lévesque de vous le présenter.

n (15 h 20) n

M. Lévesque (Dominic): Bonjour. On va aller dans l'ordre du mémoire, si vous le permettez. Alors, dans le chapitre I, qui est L'accessibilité aux médicaments, comme David vient de vous le présenter, M. Williams vous a dit que l'accès aux traitements est primordial. Il a bien nommé qu'il y a plusieurs options thérapeutiques maintenant, plusieurs médicaments, une vingtaine. Par contre, il faut voir que, pour bien des personnes vivant avec le VIH, ces options thérapeutiques, ces combinaisons de traitements ne fonctionnent plus. Il y a eu résistance, et ces personnes sont donc toujours en attente des nouveaux médicaments, et chaque délai devient pour ces personnes un risque entre la vie et la mort. Pour ces raisons-là, à la proposition 2 du ministère, la communauté des personnes vivant avec le VIH est toujours préoccupée lorsque les assureurs parlent de faire des choix quant aux médicaments couverts. Il y a toujours pour nous une inquiétude que le débat se fasse sur une base exclusivement économique, sans prendre en réelle considération l'importance de la valeur thérapeutique pour nous et sur la qualité de vie.

Même si le ministère indique clairement que ? et je cite, là, à la page 12 du projet de la politique ? «la valeur thérapeutique est donc le premier critère à rencontrer, l'assise sur laquelle doivent s'appuyer toutes les recommandations», nous avons vécu l'expérience où il semble que la valeur thérapeutique pour la personne qui doit prendre le traitement ne soit pas prise en compte et que c'est plutôt le coût qui a été le critère déterminant. À la page 12 de notre mémoire, vous pourrez voir l'exemple où un médicament... Et ce n'est pas un exemple qui date de voilà très longtemps, là, c'est un exemple très récent, l'exemple d'un des médicaments qui s'appelle le Videx. Je vais essayer de le faire assez simplement, là.

Alors, le médicament avait des effets gastro-intestinaux très sévères pour bien des personnes. Ce médicament-là, il y a eu une nouvelle version, une version améliorée. Ce médicament amélioré a été mis sur la liste des médicaments d'exception. Donc, tout patient qui veut prendre ce médicament-là doit commencer par prendre l'ancienne molécule, l'ancien médicament, subir les effets secondaires, son médecin doit faire une demande de médicament d'exception pour ensuite avoir peut-être accès à ce nouveau traitement et espérer enrayer donc la nausée, la diarrhée et les effets secondaires que le patient subit, en plus de la diminution de la qualité de vie. Il a été très difficile pour nous de comprendre de quelle façon la valeur thérapeutique fut le premier critère dans une décision telle que celle-là. Ce serait important pour le gouvernement de réussir à expliquer sa vision de valeur thérapeutique aux personnes qui subissent les effets, tels que la nausée, les vomissements, les diarrhées, aux personnes vivant avec le VIH qui doivent encore prendre le Videx régulier.

Bien sûr, nous espérons qu'avec la mise en application des critères 3 et 4 d'évaluation des médicaments pour l'inscription sur la liste ces critères devraient ? et encore là je cite le projet de la politique ?«permettre au Conseil du médicament d'intégrer des valeurs sociétales dans l'appréciation de nouveaux médicaments, plus particulièrement pour les produits très coûteux». Cela permettrait, on l'espère, que d'autres erreurs, telles que l'erreur du Videx, ne se ne se reproduisent pas.

Finalement, toujours en ce qui concerne la valeur thérapeutique, nous pensons que le conseil devrait être composé... Et on ne parle pas de la composition du Conseil du médicament, mais, à cet endroit-là, pour parler de la valeur thérapeutique, pour nous il est clair que le conseil devrait être composé ou supporté par des spécialistes dans le domaine de santé pour lequel le médicament est évalué. Il a été prouvé par les études que les médecins qui traitent le VIH doivent au moins avoir 100 patients afin d'avoir une expertise pertinente en VIH. Nous ne comprenons pas de quelle façon les membres du Conseil du médicament, aussi experts qu'ils le sont, peuvent prendre des décisions aussi importantes sur la vie des personnes vivant avec le VIH sans avoir toute l'expertise nécessaire.

La proposition 3 ministérielle. Nous sommes certainement en faveur des propositions qui seraient susceptibles d'assouplir davantage le processus administratif lié à la liste des médicaments, entre autres en ce qui concerne les médicaments d'exception. Comme nous l'avons mentionné déjà, nous croyons vraiment que tous les traitements thérapeutiques acceptés devraient être disponibles et accessibles pour les personnes vivant avec le VIH, et ce, le plus rapidement possible. En effet, un accès à la gamme complète des médicaments antirétroviraux, les médicaments contre le VIH, est une nécessité thérapeutique pour les personnes vivant avec le VIH. De ce fait, nous n'avons jamais accepté que les antirétroviraux puissent être associés à la catégorie médicaments d'exception.

Nous devons d'ailleurs mentionner qu'au Forum des personnes vivant avec le VIH du Québec, forum qui s'est tenu le 27 et le 28 novembre dernier, où environ 400 personnes vivant avec le VIH se sont rassemblées et qui était organisé par la Coalition des organismes communautaires de lutte contre le sida, lors des recommandations finales mentionnées ce jour-là, nous avons retenu celle-ci concernant les médicaments d'exception: nous exigeons l'abolition du statut de médicament d'exception. En jugeant par le débat que nous avons eu, au forum, au sujet de cette recommandation, les participants perçoivent généralement le système d'exception comme un obstacle à la thérapie médicamenteuse optimale.

Au cours de la discussion, les participants ont largement critiqué la classification du Videx EC, l'exemple que je viens de vous donner, comme un médicament d'exception. Ils ont dénoncé l'expérience vécue quant à l'accès au tout dernier médicament dans la lutte contre le VIH, médicament qui s'appelle Viread et qui est aussi dans la liste des médicaments d'exception. Pour l'assemblée présente à ce forum, il leur semblait inconcevable que leur gouvernement interdise l'accès général à ces antirétroviraux, surtout lorsqu'il est reconnu comme étant un des médicaments ayant peu d'effets indésirables.

Finalement, si le ministère maintient la liste d'exception, nous serions très intéressés de voir des moyens, tels que ceux émis à la proposition 3, se réaliser afin de rendre plus aisée l'obtention de ces médicaments,

La proposition 4, la proposition ministérielle 4, maintenant. Nous nous interrogeons et nous serions intéressés d'entendre ce qu'on entend par la facturation pour remplir le formulaire requis concernant encore une fois les médicaments d'exception. Si l'intention ici est de faire payer le patient pour que le clinicien puisse remplir le formulaire requis, nous nous interrogeons de quelle façon les plus démunis de notre communauté pourront faire face à ce nouvel obstacle pour avoir accès aux traitements. Et, si cela veut dire que le clinicien ne sera pas rémunéré pour ce genre de tâche, puisque le formulaire sera disponible en ligne ou de façon rapide et facile, nous craignons de voir se poursuivre la pratique de facturation pour ce type de formulaire, donc encore une fois des obstacles à l'accès.

À la proposition 5 ministérielle, dans les moyens reliés à la proposition, il est indiqué de rendre les motifs de recommandation du conseil aux partenaires intéressés. Dans la liste des partenaires, il n'est aucunement mentionné les patients, les premiers concernés par les médicaments. Ils ont encore une fois été oubliés, et nous aimerions bien que les patients puissent également avoir accès aux motifs des recommandations du conseil.

En ce qui a trait à l'accessibilité aux médicaments dans les établissements de santé, à la proposition 9, deux points soulèvent notre questionnement. D'abord, le ministère parle «de sensibiliser les corporations et les associations professionnelles concernées aux effets des stratégies de commercialisation présentées aux cliniciens comme des études de phase IV». Nous voulons faire remarquer que notre comité soutient l'existence de vraies études de phase IV. Pour le CPAVIH, le phase IV correspond à un suivi élargi et à long terme de la population en général, celle qui ne participe pas nécessairement aux essais, conjointement avec des études d'interaction. Donc, pour nous, une étude de phase IV est très souhaitable et doit être réalisée dans l'intérêt de la population vivant avec le VIH.

Encore une fois, lors du forum tenu, que je nommais précédemment, une des recommandations a été la suivante: exiger l'implantation de la phase IV des études cliniques et la diffusion de leurs résultats au public. Par contre, nous nous opposons bien sûr à toute l'utilisation de ce concept comme une forme de commercialisation, bien que nous n'ayons pas d'expérience avec ce genre de commercialisation.

Finalement, pour ce chapitre, à la proposition 11, qui a trait à l'accessibilité financière, juste sur ce point ? et vous devez vous en douter ? nous aurions de nombreux exemples vécus et rapportés par nos membres. Il y a des gens qui ne prennent pas de médicament parce qu'ils n'ont pas les moyens. C'est encore une réalité existante au Québec. Nous pensons que d'autres groupes ont présenté des positions semblables aux nôtres quant aux difficultés d'accès pour les personnes à faibles revenus. Voilà.

Néanmoins, en ce qui a trait à la proposition n° 11, nous devons partager les objectifs ministériels et espérons fort bien que la phrase de la proposition... Et encore une fois je cite: «Dans un deuxième temps et au rythme des gains d'efficience réalisés grâce aux mesures d'utilisation optimale et aux ententes de partenariat...» Nous espérons bien que ce genre de phrase nous emmène dans un avenir qui existera et non pas un avenir qui n'en sera jamais un.

Rapidement, au chapitre 2, un point ou deux. Les personnes vivant avec le VIH, comme contribuables, sont aussi concernées par l'augmentation du coût du régime public de médicaments. Nous sommes d'accord avec le ministère sur la prise d'actions nécessaires pour maîtriser l'augmentation en ayant une approche d'utilisation plus efficace, même optimale des médicaments, mais nous sommes très inquiets par toute tentative de réduction des coûts des médicaments qui aurait comme conséquence un coût plus grand sur le plan humain.

n (15 h 30) n

À la proposition 15, il est dit que le conseil pourrait dorénavant tenir compte du potentiel d'économie du régime général d'assurance médicaments afin d'évaluer prioritairement un médicament. En notre perspective, le manque d'accès rapide aux médicaments nécessaires pour traiter le VIH implique d'énormes coûts, mais pas seulement au régime d'assurance médicaments, mais aussi des coûts sociaux et économiques dans le reste du système de santé, et pas seulement au niveau du régime d'assurance médicaments. En ce sens, nous croyons que la proposition ministérielle devrait non seulement faire référence au potentiel d'économie pour le régime général d'assurance médicaments, mais également permettre une évaluation prioritaire des médicaments lorsqu'il y a un potentiel d'économie dans d'autres sphères de l'ensemble du système de santé et de la société.

Le chapitre III: L'utilisation optimale des médicaments. Les propositions ministérielles concernant le Conseil du médicament. Aux yeux du CPAVIH, la proposition 17 est claire et souhaitable, il faut que notre système de santé bénéficie d'une promotion active de l'utilisation optimale des médicaments. En ce sens, nous vous proposons trois moyens très pratiques. Premièrement, assurer l'accès à toute innovation significative pour les médicaments contre le VIH... l'accès rapide, pardon, à toute innovation significative. Ceci est le moyen le plus simple pour nous d'avoir une utilisation optimale de ces médicaments. Deuxièmement, tout programme qui soutient l'observance et l'adhésion aux médicaments présente de bons investissements. Finalement, l'accès au test de dosage plasmatique, test qui permet d'évaluer quel est le dosage le plus efficace pour une personne. Ce type de test est en attente, malgré l'acceptation du gouvernement depuis plus de deux ans, est encore en attente pour l'utilisation, dans la réalité, pour les personnes vivant avec le VIH.

De plus, toujours pour l'utilisation optimale des médicaments, comme nous l'avons dit plus tôt, pour nous, afin de pouvoir évaluer l'utilisation optimale des médicaments, des experts dans le domaine de la santé pour lequel le médicament est évalué devraient être présents afin de supporter le conseil dans sa prise de décision. Le domaine du VIH est un domaine de santé spécialisé, il est impossible pour les membres du conseil d'être au fait de tous les problèmes de santé. Il est donc pour nous impossible de comprendre comment un groupe de personnes peut prendre des décisions sur ce qui permet ou non l'utilisation optimale sans connaître, de fond en comble, le sujet.

La proposition 18 sur la composition de la table de concertation du médicament. Il est question de revoir le mandat, le rôle et la composition de la table de concertation afin qu'elle devienne le forum privilégié en matière d'utilisation optimale des médicaments. Ainsi qu'il est clairement énoncé par le ministère, et je cite, «la responsabilité première de l'utilisation optimale des médicaments repose sur le trio patient, médecin et pharmacien». Pourquoi les patients sont-ils absents alors de cette table de concertation? Le CPAVIH propose donc que le ministère invite à cette table les représentants des patients qui ont la mission et l'expérience de travailler directement avec les personnes vivant avec le VIH, dans le cas de médicaments qui ont trait au VIH, afin de créer un réel forum d'échange ayant comme visée toujours l'utilisation optimale des médicaments.

À la proposition 20, l'intégration de l'information sur les médicaments au service d'Info-Santé CLSC, bien l'idée qui fait l'objet de la proposition 20 est primordiale dans son sens général, mais notre expérience dans le domaine des médicaments contre le VIH démontre qu'une expertise très spécifique est nécessaire à cause de la complexité des combinaisons des médicaments et parce que l'infection au VIH est elle-même très variable. De plus, les traitements anti-VIH sont presque expérimentaux. Il existe une panoplie d'effets secondaires associés à ces molécules. Pour atteindre l'objectif de l'utilisation optimale des médicaments contre le VIH, nous recommandons donc au ministère qu'il envisage, pour un tel service d'information médicaments sur le VIH, la concentration de ce service en un lieu spécifique et avec des experts dans le domaine, comme c'est peut-être le cas au secteur Info-Traitements du CPAVIH.

Finalement, deux derniers points dans ce chapitre, la formation professionnelle et continue et le programme de gestion thérapeutique. Rapidement, puisque c'est presque terminé, juste pour vous dire que le CPAVIH est en total accord avec les deux propositions 24 et 25, et nous pensons que la formation continue devrait, entre autres... Il devrait, entre autres, y avoir la présence du gouvernement pour légiférer et regarder cette formation continue.

Finalement, les propositions 26 à 30, les pratiques commerciales des fabricants. Nous avons lu avec beaucoup d'intérêt le projet du ministère. Nous sommes généralement en accord avec le texte qui dit que, malgré l'ensemble des pratiques commerciales, il semble que, malgré les codes de déontologie, les codes de pratiques commerciales et les réglementations en vigueur, certaines pratiques douteuses demeurent. Les propositions mises en avant par le ministère semblent résoudre ces problèmes.

Finalement, un mot sur le chapitre IV, Une industrie pharmaceutique dynamique. Nous n'avons pas l'expertise nécessaire pour commenter les propositions se rapportant à la stratégie du ministère sur l'épanouissement de l'industrie pharmaceutique au Québec. Par contre, il y a des aspects, dans certaines propositions, qui sont intéressants pour notre communauté. À la proposition 32 ? il n'y a que deux seules propositions qu'on commente ? la proposition 32, les ententes générales de partenariat avec les fabricants, le CPAVIH supporte l'idée de la présence du ministère, comme je viens de vous le mentionner, au... Dans le dossier des études d'utilisation des médicaments sur ordonnance et dans la formation continue, notre position sur ce sujet se résume comme suit: la formation continue devrait être administrée par un tiers parti objectif et indépendant.

Et finalement, sur la proposition 33, le partage des risques, l'important pour nous, c'est que, si ce partage des risques peut permettre un accès plus rapide aux médicaments, nous en sommes satisfaits.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, M. Lévesque. C'est tout le temps dont vous disposez malheureusement pour votre présentation. Vous avez été fort habile cependant, vous avez dit «finalement» cinq fois, ce qui a retardé la fin de la présentation d'autant. Alors, je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci à Mme Coudé, M. Lévesque, M. Williams et M. Sousa pour votre présentation.

Peut-être clarifier certaines choses au début, d'abord pour vous rassurer, il n'y a pas une seule décision du Conseil du médicament, portant sur les antirétroviraux, qui n'est pas appuyée sur la consultation d'un expert externe surspécialisé dans le traitement du VIH. J'ai expliqué à plusieurs reprises que le Conseil du médicament n'est pas un organisme qui fonctionne en vase clos, il a recours à environ 120 experts externes, dont 78 médecins spécialistes, et toutes les études d'inscription ou de décision d'inscription, de recommandation d'inscription du conseil, dans le cadre des antirétroviraux, sont appuyées par la consultation de ces experts extérieurs au Conseil du médicament, dont l'activité professionnelle est spécialisée dans le traitement du VIH. Je pense que c'est important de le mentionner parce qu'on a souvent cette impression que le conseil fonctionne un peu en secret ou en vase clos, sans consulter les gens qui sont dans la communauté.

Également, si on fait une comparaison canadienne de l'accès des personnes que vous représentez aux antirétroviraux, je ne pense pas que le Québec fasse mauvaise figure en général. Il y a même des exemples où le Québec a listé des médicaments que d'autres provinces n'ont pas listés. Par exemple, le Viread, que vous mentionniez tantôt, le Common Drug Review a refusé de lister le médicament, à l'exception de certaines indications rarissimes, tandis que le Québec l'a mis sur la liste avec critères des médicaments d'exception, mais des critères beaucoup plus larges que ce que le Common Drug Review fait. Donc, je pense qu'au niveau québécois on n'a pas à se... Je dirais, on peut toujours améliorer les choses, comme d'habitude, mais on n'est pas en situation, au Québec, où l'accès aux antirétroviraux est inférieur à ce qu'il est dans le reste du Canada.

Et d'ailleurs c'est vrai pour toute la gamme des médicaments. En général, les décisions du Conseil du médicament sont, pas toujours, mais souvent plus ouvertes que celles du Common Drug Review. Et parfois à la blague, quand je rencontre les gens de l'industrie et qu'ils se plaignent de la rigidité du Conseil du médicament, bien je dis: Écoutez, on va aller au Common Drug Review, ça va être plus simple, ça va nous empêcher le trouble d'avoir le Conseil du médicament puis de se faire critiquer. Puis là on dit; Non, non, non, c'est correct, on va rester avec le Conseil du médicament, finalement, parce que les gens savent bien que ce conseil tient compte de la réalité du Québec et des cliniciens du Québec.

Pour la question du formulaire, je ne sais pas si vous vous souvenez, il y a eu des articles, dans les journaux, sur le fait que les médecins demandaient parfois un tarif aux patients pour remplir le formulaire de médicaments d'exception. Il faut savoir que c'est légal, cette façon de faire, c'est permis, parce que remplir un formulaire d'assurance n'est pas un service assuré. Tous ceux d'entre nous qui ont eu à faire remplir des formulaires de leur régime d'assurance privé collectif savent bien que le médecin demande à l'occasion des honoraires pour remplir ce formulaire. Mais, dans le cas de médicaments d'exception, ce qu'on suggère là-dedans ? puis on attend les propositions, d'ailleurs ? c'est de faire un encadrement pour limiter cette pratique, l'encadrer au maximum, considérant du fait qu'il s'agit d'un service non assuré, essayer d'avoir une équité, là, pour ne pas que l'accès aux médicaments d'exception dépende du niveau économique de la personne et de sa capacité de payer le tarif demandé, quoique, moi, je suis convaincu, là, que la vaste majorité des médecins... Ayant été moi-même en pratique, quand tu es devant quelqu'un qui n'a pas les moyens, tu n'insistes pas pour le tarif du certificat d'assurance. Je pense que c'est une question d'humanisme et de déontologie que la plupart des professionnels du Québec pratiquent.

Je suis intéressé par votre suggestion d'impliquer les groupes de patients ou les associations, telles que la vôtre, dans la formation continue. Je pense qu'effectivement, pour les professionnels de la santé, d'avoir contact avec des gens qui vivent la maladie au cours de leur formation, ça peut être très utile. Est-ce que vous avez des expériences vécues dans ce domaine-là? Pourriez-vous nous expliquer comment ça pourrait être peut-être amélioré?

n (15 h 40) n

M. Sousa (José): Ce qu'on a, c'est: on a des groupes, compagnies pharmaceutiques qui nous donnent de l'argent, puis, nous autres, on fait des forums, quatre fois, cinq fois par année, pour les personnes atteintes. Mais ce n'est pas quelqu'un d'une compagnie pharmaceutique qui présente... et les autres n'ont pas de décision dans le contenu. C'est nous autres, le CPAVIH, qui décide qui qui va donner la conférence, et ils nous donnent l'argent juste pour mettre les conférences en place. C'est une des façons qu'on fait qu'il n'y a pas de pression des compagnies pharmaceutiques dans le contenu des informations.

M. Couillard: Pour ce qui est des études, vous avez mentionné la question des études de phase IV. Rapidement, il existe quatre phases, là, pour les études cliniques, précliniques et cliniques, sur les animaux, les études de sécurité, les études d'efficacité. Il y a plusieurs suites, là, qu'il faut suivre lorsqu'on veut faire homologuer un médicament. Les études de phase IV sont utiles, vous avez raison. Tout ce qu'on dit dans le projet de politique, c'est qu'il faut s'assurer que ce soient véritablement des études à visée scientifique et non pas une façon d'introduire dans un formulaire d'établissement un médicament. Et il faut que le conseil d'administration soit au courant de ce qui se passe. Il y a eu des cas récents pour des maladies très rares où un médicament a été introduit dans un établissement sous couvert... pas sous couvert mais à l'aide d'un projet de recherche subventionné donc par l'industrie, un produit qui n'est pas listé. Et, au moment où l'industrie se retire du projet de recherche, bien, là, on se retrouve avec le médicament, dans l'établissement, qui est non listé par le Conseil du médicament mais pour lequel il faut... On est devant la situation où il n'y a pas de financement qui est présent.

M. Sousa (José): ...besoin de ça parce que les personnes, surtout les personnes avancées qui n'ont pas d'autre choix de médicaments parce qu'ils sont résistants à tous les autres, ils ont besoin de ces études-là pour avoir accès à ces nouveaux médicaments, parce que sans ça ils vont mourir.

M. Couillard: C'est toujours possible dans ces cas-là. C'est certain que les études comme ça peuvent être utiles, mais c'est toujours possible, dans un cas comme ça, pour le médecin d'utiliser le critère du patient d'exception. Alors, il y a toujours moyen d'avoir accès.

M. Sousa (José): Mais s'il n'est pas listé comme médicament d'exception.

M. Couillard: Il faut qu'il y ait un certificat de conformité de Santé Canada, par exemple, là, on s'entend sur la première étape. Mais, lorsqu'il y a une situation exceptionnelle, il y a toujours une façon pour le médecin d'avoir accès au médicament pour son patient.

M. Sousa (José): Oui, mais des fois l'accès au médicament d'exception, ça peut prendre jusqu'à quatre mois. Dans le cas de T-20, j'ai parlé avec des personnes, puis un cas, au moins un cas que je connais, ça a pris quatre mois. Une personne qui prend la fusion, c'est quelqu'un qui est vraiment en phase terminale. Il n'a pas d'autre choix. Mais, si cette personne avait encore un peu d'autres médicaments qui marchaient, les quatre mois que ça fait pour attendre pour l'approbation d'avoir le T-20, il va être déjà résistant à l'autre qu'il prend déjà. Puis là il prend le T-20, c'est comme une monothérapie, parce que, les autres, il est déjà résistant. Puis T-20, en monothérapie, tu en as 38 semaines. Si cette personne avait pu avoir accès plus tôt, pendant que les autres marchent un peu encore, cette personne pourrait profiter du T-20 à long, long terme, pas une moyenne de 38 semaines quand tu le prends en monothérapie. Puis c'est ça, une des discussions dans les choses... Les personnes qui sont à la fin de leur vie ou aux fins d'option, ça prend trop longtemps dans certains cas, puis on tue le monde quand ils n'ont pas accès à ces médicaments-là, puis ça coûte beaucoup d'argent aux hôpitaux parce qu'ils vont avoir des infections.

M. Couillard: Mais il faut le séparer, là. On ne parle pas du médicament d'exception, on parle du patient d'exception. C'est deux choses différentes. Parce que, le médicament d'exception, ce n'est pas vrai que ça prend quatre mois, là. Ça prend quelques jours.

M. Sousa (José): Non, mais la fusion, je pense, c'est le patient d'exception.

M. Couillard: Mais c'est le patient d'exception. Là, effectivement, bien, là, ça dépend de la façon dont on fait la demande et du suivi. On a eu à faire ça, puis souvent, quand on insiste, on peut avoir le médicament rapidement, là, en autant qu'il ait le certificat de conformité de Santé Canada. C'est toujours très important.

M. Sousa (José): Non, c'était pendant le temps qu'il y avait déjà le certificat puis c'était déjà comme patient d'exception, c'était accepté à la RAMQ.

M. Couillard: J'ai vu également dans votre mémoire que vous avez des craintes pour l'intention thérapeutique quant à la confidentialité. Évidemment, on ne pense pas qu'il serait demandé d'écrire le diagnostic, mais effectivement, dans le cadre des personnes que vous représentez... D'abord, un, ce ne serait certainement pas obligatoire, il faut le dire, l'intention thérapeutique. Donc, le médecin pourrait toujours s'abstenir de la transmettre. Comment est-ce qu'on pourrait... Vous comprenez le but de la mesure? Le but de la mesure, c'est d'aider le pharmacien à collaborer avec le médecin autour du choix puis de l'ajustement de la médication.

M. Sousa (José): On trouve que c'est plus une base de données pour voir les médecins qui prescrivent trop de médicaments ou celui qui est trop cher, pour aller lui taper sur les mains. Nous autres, on trouve que c'est les docteurs qui ont l'expertise à donner les prescriptions, c'est les pharmaciens qui connaissent très bien, mieux que les docteurs, les interactions. Mais pour moi voir un pharmacien dire à un médecin qu'il ne devrait pas prescrire ça, c'est rare, le cas que ça arrive. Mais, nous autres, on préfère avoir une cohorte de personnes atteintes, comme le projet RISQUE qui a commencé comme projet... On demande de l'argent partout pour avoir cette cohorte de personnes atteintes, puis là tu peux suivre tout le monde anonyme. Tu aurais une base de données de qu'est-ce que tout le monde prennent, et les doses, puis tout ça. On trouve que ce serait une meilleure façon de cueillir ces données-là.

M. Couillard: La suggestion de l'intention thérapeutique, elle ne vient pas du gouvernement, on n'en a pas besoin, nous. Elle vient des pharmaciens puis des professionnels de la santé qui veulent améliorer la collaboration. Je veux juste replacer ça en perspective.

M. Sousa (José): C'est qui qui va avoir ces données?

M. Couillard: C'est le pharmacien. C'est pour aider le pharmacien à parler aux patients, tout simplement.

M. Sousa (José): Si les données ne vont pas au gouvernement, c'est correct.

M. Couillard: Mais le problème, c'est la confidentialité, hein?

M. Sousa (José): Bien, déjà, quand tu prescris des médicaments anti-VIH, surtout quand tu es dans une petite ville, tout le monde le sait. Il y a du monde qui vient des petites villes, à Montréal, pour remplir leurs prescriptions parce que tu ne peux pas, sinon tout le monde va le savoir dans le petit village. Ça, c'est une grande partie. Il y a même du monde qui quittent leur job quand c'est le temps de prendre des médicaments, des rétroviraux parce que les compagnies d'assurance privée vont donner leurs noms. Et ça arrive souvent, notre avocate est pleine de cas de même.

M. Couillard: Écoutez, je vous remercie de votre présentation. Elle permet de nous rappeler ? puis il faut le souligner à chaque fois que vous et vos collègues venez devant les parlementaires ? que l'épidémie de VIH n'est pas terminée. Même si on meurt moins rapidement et moins souvent grâce à ces nouvelles thérapies, l'épidémie de VIH, elle est loin d'être terminée, elle est encore parmi nous.

M. Sousa (José): Surtout dans les jeunes. Mais il y en a...

M. Couillard: Il faut donc insister et rappeler l'importance de la prévention, et vous l'avez fait tantôt également.

M. Sousa (José): C'est très important, on a besoin de plus d'argent pour la prévention. Va dans des places où le monde ont du sexe, puis il n'y a pas de condom gratuit. Puis ça, c'est le meilleur moyen de prévenir, puis il devrait y en avoir partout où le monde... Même si on n'est pas d'accord avec leur style de vie, il faut avoir une «harm reduction». Tu vas dans un sauna, ils te donnent un condom, le deuxième coûte plus cher. Tu vas dans un cinéma où que le monde ont du sexe, il n'y a pas de condom, nulle part. C'est surtout du monde qui sont cachés de leur orientation, puis ils ne sont pas ceux qui ont les messages de «safe sex». Il faut élargir ça pour aller partout.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Je cède la parole au député de Borduas.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Alors, madame messieurs, je voudrais revenir sur la question de l'intention thérapeutique. À la page 20 de votre mémoire, là, où vous en faites état, vous parlez aussi des médicaments «off-label». Qu'est-ce que c'est, le lien?

M. Sousa (José): Bien, ça, c'est dans le cas d'avoir les pharmaciens, voir qu'est-ce qui se passe avec les médecins, quand on parlait de ça. Parce qu'il y a beaucoup de médicaments qui sont... que ça va marcher. Parce que, dans le VIH, surtout quand tu es avancé, tu vas essayer quelque chose qui n'est jamais testé, ou il y a seulement une petite étude, mais, dans la monographie, ce n'est pas pour cette chose spécifique. C'est pour ça qu'on était inquiets, parce qu'on pensait que ce serait une façon d'empêcher les docteurs de donner les prescriptions qu'ils veulent, même quand c'est «off-label», pas nécessairement pour cette indication.

M. Charbonneau: O.K. D'accord. Vous avez parlé de pratiques commerciales douteuses qui demeurent. Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples qui demeurent encore, à votre avis?

M. Sousa (José): Bien, c'est le rapport du gouvernement qui disait ça. Oui, la chose, c'est que, quand les médecins ont des informations, c'est surtout des compagnies pharmaceutiques, sauf si un médecin va dans les grandes conférences. La plupart n'y vont nécessairement pas, surtout les docteurs des régions. C'est qui qui lui donne les informations? C'est Abbott qui donne les informations, Kaletra, Pfizer qui donnent les informations sur Viracept. Chaque compagnie donne de l'information, puis, dans 90 % des cas... Parce que, moi, je vais beaucoup à ces sessions-là. Tu n'as pas besoin de savoir, à la porte, c'est qui qui donne la conférence, juste en écoutant la personne qui parle, tu sais c'est qui qui l'a payée pour faire le speech.

M. Charbonneau: Autrement dit, ce que vous dites, c'est que finalement vous vous retrouvez avec des gens qui viennent faire des conférences, mais ils ont derrière la tête un médicament à vendre ou un produit à vendre et non pas une information uniquement objective à donner.

M. Sousa (José): Beaucoup de fois, ce n'est pas objectif.

n (15 h 50) n

M. Lévesque (Dominic): Il y a ça, entre autres. Et l'autre point sur lequel on est toujours un peu abasourdis, je vous dirais, c'est que la formation continue des médecins, là, celle qui permet au médecin, en sortant de l'université, de continuer à connaître son champ d'expertise, elle est, oui, par des revues, par des lectures, par des... assister à des conférences, mais principalement par des représentants, des vendeurs, des représentants des compagnies pharmaceutiques qui viennent les solliciter, les rencontrer à leurs bureaux. Et, pour parler à la majorité des personnes, là, avec le VIH ? et je suis sûr que c'est comme ça dans d'autres champs thérapeutiques ? la compréhension du choix du traitement que le médecin lui prescrit, c'est selon laquelle des compagnies lui a payé le dernier voyage pour aller au congrès. On a organisé nous-mêmes une conférence, on a invité un médecin pour lui dire: Viens expliquer aux patients de quelle façon tu fais le choix de donner tel ou tel médicament à un patient, et il nous a décortiqué l'arbre décisionnel qu'il utilise pour pouvoir choisir les médicaments. Et on a fait cette conférence-là parce que trop souvent, nous-mêmes, on entend les patients qui disent: Bien oui, mais mon médecin, il me prescrit ça parce qu'il doit être allé luncher avec le représentant ou... C'est comme ça que les patients, les personnes, les gens avec le VIH perçoivent la formation continue. Donc, quand on parle de marketing ou de pratiques douteuses, c'est un peu ça qu'on a en tête.

M. Charbonneau: En fait, ça confirme les informations qu'on a déjà eues à l'égard du marketing, là, c'est-à-dire la mise en marché agressive des pharmaceutiques auprès des médecins. D'ailleurs, semble-t-il que c'est une minorité. Tu sais, il y a un pourcentage peut-être de 20 % qui prescrivent 80 % des médicaments. C'est sur eux qu'on cible le marketing, c'est eux qui finalement sont en liens les plus étroits avec les vendeurs des pharmaceutiques, là.

M. Sousa (José): ....très rare qu'ils vont faire une présentation de même dans un beau resto à Shawinigan. C'est surtout les docteurs à Montréal, qui ont le plus grand montant de patients.

M. Lévesque (Dominic): Donc, la formation continue, tout à fait en accord, la formation continue est spécifique aux prescripteurs qui prescrivent le plus. Et là-dessus, bon, c'était dans, je pense, mon quatrième «finalement», où j'ai sauté les propositions 24 et 25 qui concernent la formation professionnelle continue et où le CPAVIH a présenté à la Chambre des communes, au Comité permanent de la santé, à la Chambre des communes...

Je vous entendais dire tantôt que les groupes ne vont pas toujours présenter aux deux paliers de gouvernement... Juste pour vous dire qu'on l'a fait...

M. Charbonneau: Très bien.

M. Lévesque (Dominic): ... ? merci ? sur l'accès aux médicaments sur ordonnance en octobre 2003, puis le CPAVIH a abordé, entre autres, cette question dans le texte suivant: Le lobbying auprès des prescripteurs et préparateurs et la commercialisation des médicaments sur ordonnance. Et vous pourrez trouver ce texte-là dans notre mémoire: «Nos observations sur la mise en marché et sur le lobbying auprès des prescripteurs et préparateurs de médicaments VIH depuis les derniers 10 ans nous amènent à penser que la commercialisation de ces médicaments pourrait être grandement améliorée.»

Je ne continuerai pas le texte, mais juste pour vous dire que nous sommes donc totalement en accord avec les propositions 24, 25 et même les suivantes après ça sur les pratiques commerciales des fabricants, de 26 à 30. Nous avons dit, même si c'était rapidement, entre deux «finalement», que nous sommes en accord avec l'intervention du gouvernement à ce sujet. Nous sommes à peu près certains qu'il y a beaucoup d'autres lobbys qui vont venir vous dire qu'ils ne sont pas en accord, dont les lobbys des compagnies pharmaceutiques, je présume, mais pour nous c'est des choses qui...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...dire eux-mêmes, hein?

M. Lévesque (Dominic): Oui. Mais pour nous c'est probablement des choses qui...

M. Charbonneau: Mais vous avez le droit à vos présomptions.

M. Lévesque (Dominic): Je ne sais pas si j'y ai droit ou pas, mais en tout cas, pour nous, c'est en tout cas quelque chose qui va nous permettre de nous assurer que les patients sont traités avec des médecins qui ont la meilleure formation continue, une formation qui sera donc objective et de l'extérieur, plutôt...

M. Charbonneau: O.K. Quand vous entendez tantôt le ministre vous rassurer en disant: Écoutez, le Conseil du médicament, il n'y a pas de problème, il fait affaire avec des spécialistes externes, puis que vous dites: Nous, bien...

M. Sousa (José): D'accord. Je m'excuse, j'ai parlé avec beaucoup de docteurs, puis Viread est considéré comme un très bon médicament, puis la plupart des docteurs veulent le prescrire. C'est le premier choix pour traitement aux États-Unis, d'après leurs lignes directrices. À Rio, où qu'il y a eu la dernière grande conférence de la Société internationale du sida, ils viennent de démontrer une étude que le standard, c'est Combivir, qui est AZT et 3TC, comparé à Truvada, qui est ténofovir plus emtricitabine, puis ils ont trouvé que l'autre était meilleur, puis ils ont déclaré que l'autre est le meilleur médicament pour débuter. Comment tu peux me dire que les experts mondiaux disent que l'autre est meilleur, puis, nous autres, ici, on le met comme médicament d'exception? Je ne suis pas d'accord, puis il y a des experts...

M. Lévesque (Dominic): Et on le sait, que, dans un cas comme les deux médicaments qu'on a présentés aujourd'hui, le Videx et l'autre qu'on vous parle, le Viread ou le ténofovir... On s'excuse, je le sais, que c'est du jargon pour certains d'entre vous peut-être ou difficile à suivre, mais on sait que ces deux médicaments-là ont un coût plus élevé que les médicaments de leur même catégorie. Mais leur efficacité est démontrée. Alors, dans la valeur thérapeutique, pour nous la valeur thérapeutique est que le premier médicament donne beaucoup d'effets secondaires et le même médicament, dans sa version améliorée, donne beaucoup moins d'effets secondaires. Nous, c'est ça, sa valeur thérapeutique.

Maintenant, il y a une différence de coûts. Donc, on se dit: Ah! il y en a un qui coûte plus cher que l'autre. On ne permettra pas le deuxième, il coûte trop cher. Mais pour nous, les coûts, il faut les voir pas seulement sur le régime d'assurance médicaments, mais sur l'ensemble du système de santé. Quand on est obligé de prendre des médicaments pour contrôler les effets secondaires, bien on vient de se rajouter des coûts de médicaments. Quand on est hospitalisé parce qu'on n'a pas le médicament, le dernier cri, qui est... Dans ce cas-ci, tous les médicaments contre le VIH sont nécessaires, ce n'est pas... Et je comprends les inquiétudes... qui peut dire: Bon, on veut toujours avoir le dernier médicament. Mais, dans le cas du VIH, tous les nouveaux médicaments sont toujours pour soit combattre des résistances, parce que le virus a accumulé des résistances et est maintenant résistant à des médicaments ? donc, tous les nouveaux médicaments, c'est pour pouvoir combattre ces résistances-là ? ou tous les nouveaux médicaments, c'est pour avoir moins d'effets secondaires que les premiers médicaments, qui datent de voilà 15 ans, 10 ans et ont des effets secondaires importants.

Parce que le ministre a entendu beaucoup parler des personnes avec le VIH justement autour du forum, là, au mois de novembre dernier, quand un comité qui s'appelle le Comité LipoAction... La lipodystrophie, c'est un des effets secondaires des médicaments: perte de gras au niveau des joues, accumulation de gras au niveau de la nuque, au niveau du ventre, perte de gras aussi à d'autres endroits du corps. Ce groupe-là a été très, très actif. Cet effet-là, c'est un effet secondaire d'un médicament. Le nouveau médicament, qu'on attend avec énormément d'impatience, on le sait, qu'il a moins d'effets sur la lipodystrophie. Et la lipodystrophie est comme un des enjeux les plus effrayants pour les personnes avec le VIH qui doivent commencer... Il y a des gens qui retardent l'utilisation des médicaments. L'utilisation optimale des médicaments n'est pas faite, là. Quand on retarde, on n'utilise pas optimalement... Mais on retarde pourquoi? Parce que le médicament qu'on sait qu'il ne nous donnera pas cet effet-là, bien il est sur la liste des médicaments d'exception pour l'instant. Alors, on attend.

M. Sousa (José): Un autre exemple de ça, c'est que le médicament d'exception... Comme le ddI EC, c'est un médicament d'exception. Mais là, 75 % des personnes qui le prennent, c'est la nouvelle formulation. Ça veut dire que tous les docteurs... En fait, toute cette paperasse est pour rien parce que la majorité des personnes le prennent quand même. Puis ça coûte du temps aux docteurs, ça coûte de l'argent au gouvernement pour avoir du monde pour faire toute cette paperasse, juste pour dire oui. Puis sinon ils vont prendre un autre médicament qui est déjà plus cher que le ddI EC. Il y a seulement le d4T que personne ne prescrit maintenant, à cause de la lipodystrophie. Mais le ddI EC, c'est un bon médicament. S'ils n'ont pas ça comme médicament d'exception ? alors qu'il y a 75 % des personnes qui le prennent, c'est un médicament d'exception ? pourquoi avoir quelque chose que 75 % du monde le prennent puis que c'est un médicament d'exception? C'est clair que ce n'est pas une exception, la plupart des médecins veulent ce médicament, la plupart des patients veulent ce médicament.

M. Charbonneau: Alors, ce que vous craignez, ce que vous dites, la mise en garde que vous faites, c'est que vous craignez que, le Conseil du médicament, s'il n'est pas suffisamment branché ? puis vous pensez qu'il ne l'est pas avec les spécialistes d'une part puis aussi avec les patients, donc avec les associations de gens qui vivent les situations ? bien, finalement, la valeur thérapeutique ne soit pas prise en compte et qu'il y ait d'autres critères qui passent avant. Parce qu'en bout de piste ce que vous dites, c'est qu'on peut être préoccupé du coût du régime d'assurance médicaments et des budgets de ce régime-là et n'avoir que ça à l'esprit, sans regarder l'impact financier, par exemple, sur l'assurance maladie, sur les coûts d'hospitalisation, sur l'autre portefeuille. Ceux qui s'occupent juste du régime d'assurance médicaments n'ont pas le regard sur l'autre portefeuille, là. C'est ça que vous dites.

Juste une autre chose. Vous avez parlé d'un test, là, que vous attendez depuis, je ne sais pas, deux ans. Pourriez-vous donner un peu de précisions sur ça?

M. Lévesque (Dominic): Le test de dosage plasmatique, c'est un test qui existe dans d'autres champs thérapeutiques, dans d'autres problèmes de santé. On peut donc doser la quantité de médicaments qui pénètre dans le sang, et, dans le cas du dosage plasmatique en VIH, ça fait plus de deux ans et demi que le ministère a dit: Oui, on va l'accorder pour le VIH. Ça fait deux ans et demi qu'il y a des problèmes administratifs d'un endroit à l'autre, ça se promène, on ne sait pas qui va prendre la décision. On doit juste décider quel hôpital va avoir le test, et ça a pris deux ans et demi...

M. Charbonneau: Mais j'aimerais ça que vous alliez plus loin, parce que ce que je comprends, c'est qu'on vous avait dit oui, puis ça niaise, là. Où est-ce que ça niaise? Puis pourquoi ça niaise?

n(16 heures)n

M. Lévesque (Dominic): Je sais que bien des... On participe, entre autres, au comité... Comment il s'appelle, le comité de...

Une voix: ...

M. Lévesque (Dominic): On participe à un comité provincial avec des médecins, avec des pharmaciens...

Une voix: ...

M. Lévesque (Dominic): ...un comité de consultation clinique sur la prise en charge. C'est un comité d'experts québécois du gouvernement, qui découle du gouvernement, et, sur ce comité-là, tout le monde a statué qu'on en avait besoin, et le test... Encore une fois, personne n'était capable de dire, même à l'intérieur du comité, à quel endroit administratif ça bloque et il y a un problème.

M. Charbonneau: O.K. Mais, si je comprends bien, c'est à ce niveau-là qu'on vous a dit oui.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...droite, une demande d'intervention parce qu'apparemment il y aurait une information, à ce sujet-là, qui viendrait...

M. Charbonneau: Moi, je n'ai pas de problème à ce que le ministre clarifie la situation.

M. Couillard: Bien, en fait, le dossier est réglé, là, la décision a été prise. C'est le CUSM, l'hôpital de McGill, qui a été désigné comme le centre pour faire le dosage des antirétroviraux.

M. Lévesque (Dominic): Avec accès à la machine?

M. Couillard: Ça a été autorisé, là.

Une voix: Quand?

M. Couillard: Il y a plusieurs semaines.

M. Charbonneau: Donc, vous ne le saviez pas, là.

M. Lévesque (Dominic): Non. Nos informations, même nos dernières informations...

M. Sousa (José): On a entendu des histoires. Il y a quelques semaines, on a entendu que c'était l'Hôpital thoracique qui l'aurait, puis là on entend que c'est Sainte-Justine qui va le faire parce qu'ils ont déjà la machine.

M. Charbonneau: Bien, écoutez...

M. Couillard: Vous viendrez voir après.

M. Charbonneau: La sous-ministre associée est là, en arrière. Après, vous viendrez vous assurer que tout est...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, s'il vous plaît, s'il vous plaît, une dernière question de la députée de Rimouski, autrement je ne pourrai pas lui donner la parole.

Mme Charest (Rimouski): Oui. Merci, messieurs madame. Je trouve que c'est important que vous vous fassiez entendre, compte tenu des citoyens et des citoyennes que vous représentez. Je pense que les personnes atteintes du VIH ont besoin plus que de grandes tapes dans le dos, mais vraiment des supports concrets, parce que j'ai aussi, dans mon comté, un regroupement communautaire qui s'occupe des personnes atteintes du VIH et j'ai eu à plusieurs occasions à travailler avec eux comme députée.

Alors, moi, je voudrais savoir. Quand vous nous parlez de ce système qui semble exister entre les prescripteurs et les compagnies pharmaceutiques, j'aimerais savoir de votre part: Parmi les personnes atteintes du VIH, est-ce que ces personnes-là reçoivent des échantillons? Est-ce que le système des échantillons que les prescripteurs reçoivent vous est transmis ou si vous ne voyez jamais ce type de chose dans la pratique des médecins que vous côtoyez, qui vous soignent?

M. Sousa (José): Ça n'arrive pas dans les antirétroviraux parce que tu ne peux pas juste donner un échantillon, là. C'est quelque chose qu'il faut que tu prennes pour la vie, puis tu ne peux pas juste donner un échantillon. Mais ils donnent des échantillons quand c'est une bactérie, mais c'est surtout aux personnes qui sont plus démunies, qui n'ont pas d'argent pour se faire payer. Ils donnent un échantillon pour un médicament que ça va prendre une semaine de traitement ou quelque chose comme ça. Je n'ai jamais entendu ou écouté quelqu'un avoir des échantillons d'antirétroviraux.

Mme Charest (Rimouski): Pour la thérapie comme telle qu'il a à suivre.

M. Sousa (José): Non, parce que ça prend bien des échantillons pour compléter un mois.

Mme Charest (Rimouski): Pour le problème du VIH.

M. Lévesque (Dominic): Exactement.

Mme Charest (Rimouski): Dans d'autres secteurs d'activité, on nous dit que les échantillons sont parfois utilisés à cette fin-là mais aussi à d'autres fins. J'y reviendrai à un autre moment de la commission, mais je voulais vérifier avec vous si, dans le cas du problème du VIH, il y avait parfois l'utilisation des échantillons par les prescripteurs auprès de votre clientèle. Je m'excuse de l'appeler de même, mais...

M. Lévesque (Dominic): Pas à notre connaissance.

M. Sousa (José): Non. Ce serait très dangereux de donner des échantillons parce que, si tu prends un médicament puis que tu arrêtes après une semaine ou quelque chose de même, tu as de grandes chances de développer des résistances. Les docteurs seraient bien fous de faire ça, puis je n'ai jamais entendu parler de donner des échantillons d'antirétroviraux.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Coudé, M. Williams, M. Lévesque, M. Sousa, les membres de cette commission vous remercient de votre contribution, et maintenant j'invite les représentants des Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada à prendre place, s'il vous plaît.

Je suspends les travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

 

(Reprise à 16 h 8)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la commission reprend ses travaux. Nous recevons donc les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada: M. André Marcheterre, et, à sa droite, M. Jean-Michel Halfon, et, à sa gauche, Mme Denise Cloutier. Alors, vous êtes les bienvenus à cette commission.

20 minutes pour présenter l'essentiel de vos propos, de votre mémoire, et ensuite une période d'interaction. Les membres de la commission saluent, en passant, l'ancien membre de l'Assemblée nationale qui veille sur votre bien-être pas très loin. Alors, allez-y.

Les Compagnies de recherche
pharmaceutique du Canada (Rx & D)

M. Marcheterre (André): Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, bonjour et merci de nous recevoir. Au nom des Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, je tiens à remercier la Commission des affaires sociales de nous donner l'occasion d'exprimer notre point de vue dans le cadre de cette consultation sur le projet de politique du médicament.

Les compagnies membres de Rx & D accueillent très favorablement la démarche entreprise par le ministre de la Santé et des Services sociaux pour doter le Québec d'une toute première politique du médicament. Nous soulignons particulièrement l'approche adoptée pour réaliser cet exercice, soit celle de considérer l'impact global de la valeur des médicaments tant du point de vue du système de santé que des retombées d'une industrie pharmaceutique dynamique au Québec. Nous croyons qu'une telle approche gouvernementale permet d'apprécier la valeur réelle du médicament au Québec, et ce, autant pour ses bénéfices sur la santé des patients et le système de santé en général que pour son apport important à l'économie du Québec et à notre richesse collective.

Comme vous le savez, Rx & D est l'association nationale représentant près de 50 compagnies de recherche pharmaceutique à travers le Canada, au sein desquelles oeuvrent près de 22 000 hommes et femmes. Ces compagnies sont pour la plupart des sociétés globales et sont responsables de la découverte d'au moins 90 % des médicaments disponibles actuellement. Les compagnies membres de Rx & D ont une très forte présence au Québec, où elles consacrent 49 % de leurs investissements canadiens en recherche et développement. De plus, on estime que le secteur biopharmaceutique dans son ensemble représente, au Québec, plus de 30 000 emplois de haut niveau. Il constitue en fait un des secteurs les plus importants de développement économique de la région de Montréal, contribuant, de façon majeure, à la richesse collective des Québécois.

n(16 h 10)n

L'environnement d'affaires et des politiques gouvernementales propices à l'investissement pharmaceutique que le Québec a mis de l'avant, au cours des ans, a contribué à cette présence importante qu'on retrouve maintenant. Ce climat a nettement favorisé les nombreux mandats mondiaux de recherche et aussi de production qui sont confiés aux filiales des entreprises pharmaceutiques installées au Québec. À un moment où la concurrence mondiale s'intensifie entre les pays qui sont désireux d'attirer chez eux une part de ces investissements internationaux en R & D biopharmaceutique, il est essentiel pour le Québec de maintenir une approche qui a si bien servi jusqu'à maintenant ses intérêts autant sociaux qu'économiques. Nous sommes confiants que le maintien de cette approche équilibrée permettra de corriger la détérioration du climat d'affaires que nous avons pu observer dans notre secteur, au cours des dernières années.

Cette détérioration, en fait elle résulte principalement des effets prolongés du gel systématique des prix en vigueur ? ce gel depuis 1994 ? d'une réduction importante du taux d'inscription des nouveaux médicaments à la liste des médicaments remboursés par le régime général d'assurance médicaments et aussi des crédits d'impôt pour la recherche et le développement moins avantageux qu'auparavant. Il s'agit là d'éléments fondamentaux d'un environnement d'affaires dans notre domaine et dont l'impact sur la capacité d'investir de nos entreprises est évidemment déterminant.

De façon générale, nous sommes en accord avec les principes soutenant chacun des quatre axes du document de consultation et nous appuyons d'emblée un nombre important des propositions ministérielles. Nous nous réjouissons d'abord que ce projet de politique repose sur la reconnaissance de la place déterminante qu'occupent les médicaments dans notre système de santé et sur la volonté d'assurer la pérennité du régime d'assurance médicaments. L'accessibilité aux médicaments, qui est le premier axe du projet de politique, est primordiale pour tous et constitue l'une des raisons d'être de la mise sur pied de ce régime général. Les médicaments représentent l'une des avancées technologiques les plus importantes du système de santé. En contrôlant et en prévenant la maladie ainsi qu'en évitant le recours à des traitements plus coûteux et invasifs, les médicaments améliorent grandement la qualité de vie des patients en leur permettant de vivre plus longtemps et en meilleure santé.

Comme toute technologie de pointe, le médicament a un coût important qu'il est nécessaire de gérer de la meilleure façon possible. Il a toutefois ceci de particulier qu'il s'avère l'une des technologies médicales les plus faciles à isoler, et ça, dans un silo budgétaire. Il peut donc être tentant de l'analyser en vase clos sans tenir compte de l'ensemble de ses retombées. La progression des coûts du régime fait souvent l'objet de débats de société beaucoup plus intenses que les autres technologies de santé. Ainsi, compte tenu des pressions budgétaires, le gouvernement a tenté de limiter les coûts du régime en diminuant le taux d'inscription à la liste des médicaments des nouveaux agents. Les plus récentes statistiques qui ont été publiées après la rédaction de notre mémoire indiquent en effet une réduction de la proportion moyenne des nouveaux médicaments innovateurs remboursés par le régime, qui est passée en moyenne de 80 % durant la période 1996 à 1998 à environ 40 % dans la période de 2003 à 2005. Il s'agit là d'une tendance qui, comme on a pu le constater à la commission, provoque beaucoup d'inquiétude non seulement chez nous, mais aussi chez les professionnels de la santé et chez les patients.

Même si la liste de médicaments du Québec demeure le formulaire canadien le moins restrictif, la tendance récente mène à une convergence vers l'accès restrictif aux nouveaux médicaments qui est observée dans le reste du pays. Si la tendance se maintient, les Québécois ne seront plus ceux qui bénéficient de la juridiction inscrivant le plus grand nombre de nouveaux médicaments sur sa liste. Cette tendance s'est reflétée lors des deux dernières mises à jour de la liste, en février et en juin derniers, qui comportaient 40 décisions relatives à l'inscription de médicaments. Lors de ces mises à jour, seuls sept produits ont été inscrits à la liste régulière, et l'un de ces médicaments est une nouvelle formulation de diltiazem, un cardiotrope inscrit à la liste depuis 1982.

Pour les compagnies membres de la Rx & D, la recherche n'a pas sa raison d'être si les patients auxquels les fruits de l'innovation sont destinés ne peuvent y avoir accès. Force est d'admettre que cet accès est de plus en plus compromis au Canada et même au Québec, où il était traditionnellement mieux garanti. Nous ne remettons pas ici en question la rigueur scientifique du Conseil du médicament. Il a été affirmé à plusieurs reprises, devant cette commission, que le conseil s'acquitte de son mandat avec rigueur et intégrité, et nous ne contestons pas cette affirmation. Toutefois, la rigueur scientifique ne peut pas expliquer à elle seule la tendance récente en matière d'inscription à la liste. Comme plusieurs, nous croyons que la situation actuelle résulte davantage du contexte prévalant en matière de finances publiques et de l'absence, au sein de la règle générale de l'assurance médicaments, des outils nécessaires à une gestion plus équilibrée de l'accès et de l'utilisation des médicaments. Néanmoins, la nouvelle politique comporte justement des mesures qui tenteront d'apporter un correctif équilibré à cette situation et de favoriser l'accessibilité optimale recherchée dans l'axe premier. C'est le cas des mesures visant, entre autres, l'assouplissement du processus administratif lié à la liste de médicaments, mentionné à la proposition 3.

Nous appuyons le maintien de la liste de médicaments d'exception, qui peut s'avérer un outil de gestion utile en certaines situations. Nous constatons cependant que cette liste est présentement utilisée à des fins pour lesquelles elle ne constitue pas un outil bien adapté, comme par exemple pour assurer l'usage en seconde ligne de nouveaux médicaments lorsque le premier choix s'avère être un médicament plus ancien et moins coûteux.

La formule actuelle du médicament d'exception selon nous est trop lourde administrativement pour permettre d'ajuster avec précision la thérapie, comme le prescrivent les lignes directives. Elle constitue plutôt un frein un peu grossier à l'usage optimal des médicaments les plus récents et, sous prétexte d'en prévenir la surutilisation, en favorise souvent la sous-utilisation, ceci sans parler de son coût administratif, qui selon nous est prohibitif ? au-delà de 100 $ par ordonnance, si on calcule les frais du médecin pour remplir le formulaire et les frais gouvernementaux pour son processus ? ce qui fait en sorte que les assureurs privés évitent, la plupart du temps, d'y avoir recours, et les mesures d'assouplissement de la formule du médicament d'exception que propose la politique constituent en ce sens un pas dans la bonne direction.

Nous souhaitons également le retour à une mise à jour trimestrielle de la liste ainsi que la diminution du délai entre le moment où la soumission est déposée au Conseil du médicament et la décision finale. Comme d'autres avant nous l'ont suggéré, nous considérons que le conseil doit consulter, de façon régulière, des cliniciens experts reconnus par leurs pairs dans les domaines thérapeutiques concernés lors de l'évaluation de nouveaux médicaments. Il importe cependant que les conclusions de ces consultations soient rendues publiques et que, lorsqu'il est en désaccord, le conseil puisse en justifier les raisons. Cette pratique, tout en augmentant la transparence du processus, ne pourra que renforcer la valeur des recommandations du conseil et sa réputation de rigueur scientifique.

Nous sommes d'ailleurs en accord avec la proposition 5 visant une plus grande transparence du processus et des décisions relativement à l'inscription d'un médicament à la liste. Nous suggérons, entre autres, la mise en place de règles claires permettant une procédure d'appel.

J'aimerais à ce moment passer la parole à mon collègue, Jean-Michel Halfon, pour la deuxième partie de notre mémoire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Allez-y, M. Halfon.

M. Halfon (Jean-Michel): Bien entendu, nous appuyons le quatrième axe du projet de politique qui reconnaît l'importance du maintien et du développement, au Québec, d'une industrie pharmaceutique innovatrice dynamique. Nous nous réjouissons, entre autres, du maintien de la règle de 15 ans dont les retombées économiques favorables pour le Québec ont fait l'objet d'une démonstration indépendante.

Nous tenons également à appuyer la décision de rejeter l'instauration d'un système de prix de référence. Cette méthode de contrôle de prix enlève aux médecins, nous le pensons, la liberté de prescrire, pour chacun de leurs patients, les médicaments qu'ils considèrent les plus appropriés au plan médical. Comme l'a mentionné le ministre en commission, cette mesure entraînerait des coûts supplémentaires à défrayer par les patients. De plus, l'expérience des autres juridictions où elle est appliquée démontre qu'elle est totalement incompatible avec le maintien d'un niveau élevé d'investissement en recherche pharmaceutique.

Nous appuyons aussi la création d'un forum permanent d'échange pour le maintien de l'équilibre entre les politiques de santé et de développement économique en rassemblant des représentants de l'industrie pharmaceutique, du ministère de la Santé et du ministère du Développement économique. Le Québec est bien avisé d'avoir recours à cette formule de plus en plus utilisée par les pays cherchant à relancer la croissance des investissements en recherche biopharmaceutique chez eux. Nous tenons d'ailleurs à souligner la nouvelle appellation de ce ministère, qui est devenu, au moment du récent remaniement ministériel, le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation. L'inclusion du terme «Innovation» constitue, pour l'industrie que nous représentons, un signal très positif de la part du gouvernement.

n(16 h 20)n

Nous nous réjouissons aussi que le projet de politique reconnaisse la nécessité d'un dégel des prix. Aucune industrie de l'innovation, de quelque secteur que ce soit, ne peut se permettre de voir ses prix gelés durant une période aussi longue et pendant laquelle l'indice de prix à la consommation a, lui, augmenté de 20 %. À notre connaissance, que ce soit dans le secteur privé ou public, une telle contrainte, de la part du gouvernement, serait sans précédent. Nous souhaitons d'ailleurs que les règles puissent permettre le dégel des prix dès cette année et qu'une décision à cet égard puisse être annoncée le plus tôt possible.

Cependant, nous nous étonnons et nous nous inquiétons des mécanismes présentés dans les propositions 12 et 13 concernant le dégel des prix et les mesures compensatoires. Nous croyons fermement que le mécanisme proposé devrait respecter au minimum le niveau de l'indice des prix à la consommation canadien. Les prix des médicaments innovateurs sont d'ailleurs déjà réglementés, nous le savons, par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, un organisme fédéral qui accorde la possibilité d'une augmentation annuelle des prix sur la base de l'indice des prix à la consommation canadien. Nous souhaitons donc qu'un tel mécanisme s'applique au Québec sans autre restriction, notamment quant à la date d'inscription des médicaments sur la liste. Cela permettrait aux entreprises d'appliquer une politique uniforme au Canada, favorisant ainsi une harmonisation interprovinciale, et constituerait en fait et surtout un atout majeur pour le maintien, au Québec, d'une industrie de recherche dynamique.

Le Québec et le Canada devraient à notre avis tendre, à plus long terme, vers un système de prix régularisé par le marché qui permettrait de refléter les coûts réels de l'innovation. Il faut en effet se rappeler que, sur 10 000 molécules découvertes, une seule sera commercialisée. L'ensemble des risques et des coûts engendrés par les efforts d'innovation sont entièrement assumés par les compagnies pharmaceutiques qui investissent dans cette recherche. Nous souhaiterions pouvoir continuer la discussion avec les ministères québécois concernés sur cette question afin de pouvoir faire évoluer avec le temps la politique en cette matière.

Nous déplorons que la proposition 13, concernant la mise en place de mesures compensatoires, annule dans les faits le dégel de prix qui pourrait être possible. De plus, cette proposition porte un regard en silo au coût du régime d'assurance médicaments. Elle ne tient aucunement compte du fait, nous le pensons, que les médicaments développés par les entreprises innovatrices créent à eux seuls des économies considérables dans le système de santé. De plus, elle fait fi des contributions importantes des fabricants pour les initiatives visant l'utilisation optimale des médicaments par le biais des partenariats, de formation continue ou bien de programmes de gestion thérapeutique. Enfin, nous croyons que le maintien de la présence massive de l'industrie pharmaceutique au Québec, qui contribue à la richesse collective en entraînant des retombées économiques majeures et des emplois de haut niveau, fait largement office de mesures compensatoires à tout dégel de prix.

Nous espérons vivement que des modifications seront apportées afin que les modalités qui seront mises de l'avant quant aux hausses de prix respectent réellement la valeur de l'innovation. Nous sommes cependant conscients des impératifs budgétaires auxquels le gouvernement est actuellement confronté et nous souhaitons continuer de travailler en partenariat afin d'optimiser l'efficience du système de santé, notamment par une utilisation optimale des médicaments, et ce, au bénéfice des patients.

Les initiatives destinées à favoriser un usage optimal des médicaments sont sans doute les réformes les plus porteuses que l'on trouve au sein de la nouvelle politique. Elles doivent être menées à terme. Ces mesures exigent un partenariat et une toute nouvelle forme de rapports entre le gouvernement et les professionnels de la santé, les différentes associations, les universités et industries du médicament. Les compagnies membres de Rx & D ont depuis longtemps été promoteurs de partenariats, et nous sommes en faveur de la poursuite de cette démarche. L'action concertée de tous les acteurs clés est essentielle pour l'atteinte de l'objectif d'une meilleure utilisation des médicaments. Les compagnies membres de Rx & D sont d'ailleurs déjà fortement impliquées dans différents programmes et initiatives visant une meilleure utilisation du médicament. Une telle approche de partenariat, pour être possible, doit s'appuyer sur des règles claires en matière d'éthique commerciale.

Cette constatation me mène à rappeler un élément fort important quant aux règles entourant les pratiques commerciales des compagnies pharmaceutiques, faisant l'objet de la proposition 26. Les compagnies membres de Rx & D sont déjà fortement encadrées par un code de déontologie strict entourant l'ensemble des pratiques commerciales. Ce code, qui est public et doit être respecté par tous les membres de Rx & D, dans son esprit comme dans sa lettre, a fait l'objet d'une mise à jour récente visant à le resserrer de façon importante afin de répondre aux besoins du public canadien. Nos compagnies se sont fermement engagées derrière ce code. Nous n'avons donc aucune objection au fait qu'il y ait une référence à ce code dans l'engagement du fabricant, pourvu qu'il s'applique à tous les fabricants reconnus par le ministre.

De plus, l'appui à la formation professionnelle continue fait, lui aussi, l'objet d'un code d'éthique conjoint entre le Conseil de l'éducation médicale continue du Québec et Rx & D. Ce code a reçu l'aval du Collège des médecins du Québec. Très peu d'industries au Canada peuvent prétendre être autant autoréglementées d'une telle façon. Nos compagnies sont conscientes de l'importance d'une telle autoréglementation afin de rassurer le public et sont prêtes à s'y engager formellement.

Voici donc un bref aperçu des commentaires et propositions que nous avons formulés dans notre mémoire. Nous sommes convaincus que nous avons la capacité de continuer à contribuer, de façon importante, à la richesse collective des Québécois et des Québécoises tout en travaillant ensemble à améliorer leur santé et leur qualité de vie. En outre, nous sommes confiants que ce projet de politique du médicament devienne le véritable moteur d'une action dynamique et concertée de tous les intervenants concernés par les questions touchant les médicaments, à laquelle, nous, Rx & D, nous souhaitons participer le plus activement possible à titre de partenaires du système québécois. Je vous remercie.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, M. Halfon. Alors, je cède la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Marcheterre, M. Halfon et Mme Cloutier, pour votre présentation, pour d'abord réaffirmer notre croyance en l'importance de l'industrie biopharmaceutique au Québec, pour des raisons de prospérité économique, de création de richesse ? on y a fait allusion à plusieurs reprises ? et notre souhait que cette politique, comme vous l'avez mentionné, M. Halfon, en fin d'intervention, qui sera une première canadienne ? nous serons le premier État fédéré du Canada à se doter d'une politique du médicament ? puisse également faire l'objet d'exemples ailleurs, puisque relativement peu de gouvernements ont établi des liens formels comme ce que nous proposons autour de cette Politique du médicament. Effectivement, je crois, vous l'avez souligné à bon escient, le Québec demeure quand même la terre d'accueil la plus favorable et la plus hospitalière pour l'industrie, et nous voulons qu'il en soit ainsi. Nous voulons qu'il en soit ainsi et que ceci demeure.

Vous avez parlé des tendances quant à la diminution du nombre de médicaments innovateurs. Ces tendances s'observent ailleurs également, comme vous le savez, de sorte que l'écart entre le Québec et les autres États canadiens demeure encore favorable. Mais nous ne nous assoyons pas sur nos lauriers et nous sommes prudents quant aux actions que nous prenons.

D'autres facteurs également, comme vous le savez, expliquent la baisse du nombre de médicaments innovateurs inscrits, notamment la fin des brevets pour plusieurs des médicaments qui étaient déjà sur la liste, également le plus petit nombre, et c'est l'objet ? ce n'est pas une observation indépendante, c'est plutôt du gouvernement ? c'est l'objet de quelques articles dans les revues économiques. Il y a un relatif fléchissement quant au nombre de découvertes à valeur thérapeutique majeure, au cours de la période la plus récente, fléchissement qui, j'en suis sûr, va s'interrompre très rapidement, si ce n'est déjà fait.

Je voudrais vous amener sur quelques points très précis pour me mettre un peu dans le rôle d'avocat du diable. C'est un peu mon rôle devant les groupes qui se présentent, et, lorsque vous avez suivi les travaux, vous aurez remarqué que, lorsqu'on nous critiquait parfois assez vertement pour le soutien que nous voulons continuer à apporter à l'industrie, nous avons joué ce même rôle d'avocat du diable que celui auquel je m'apprête à me livrer actuellement.

D'abord, vous dites: Nous voulons profiter des règles du marché libre. Je vous soumettrais que la règle de 15 ans et l'absence de mécanisme de prix de référence, c'est un accroc aux règles du marché libre, donc que nous soutenons l'industrie en partie en faisant un accroc à ces règles. Donc, l'industrie bénéficie, entre guillemets, d'un contournement des règles du libre marché grâce à la présence de la loi des 15 ans et à l'absence de prix de référence, n'est-ce pas, puisque le libre marché devrait également signifier que le fournisseur, ou l'assureur, paie en tout temps le prix le plus bas et laisse la compétition jouer son rôle libre, ce qui n'est pas le cas actuellement. Est-ce que vous partagez ma lecture de la situation?

M. Marcheterre (André): Si vous me permettez, j'aimerais bien commenter. Tout dépend de comment on définit le marché. Je crois que, lorsque la règle de 15 ans a été élaborée, on définissait le marché comme étant le marché mondial, et on se rappellera qu'à ce moment-là les États-Unis avaient établi une législation sur les brevets où est-ce qu'ils assuraient une vie effective de brevet qui pouvait aller jusqu'à 14 ans. Le Japon avait aussi déterminé, à ce moment-là, une règle de vie effective de brevet qui pouvait aller jusqu'à 15 ans, et la communauté européenne, au début des années quatre-vingt-dix, par l'entremise d'un certificat, a aussi amené la vie effective des brevets aux alentours de 15 ans.

n(16 h 30)n

Ici, au Canada, cette vie effective des brevets est d'une dizaine d'années. Le terme du brevet est 20 ans, mais le temps de la recherche, et la soumission à la Direction générale de la protection de la santé, et d'avoir une approbation consomment environ une dizaine d'années. Donc, la vie effective qu'il reste sur un produit, lorsqu'il est commercialisé, est de 10 ans. Le Québec, voulant compétitionner pour les investissements globaux avec le Japon, avec la communauté européenne et avec les États-Unis, a choisi de s'aligner, avec son terme de brevet, sur ce que les autres pays contre lesquels on compétitionnait ont fait. Donc, c'est peut-être un accroc à la loi de marché canadienne, mais c'était certainement un alignement avec la loi de marché globale, et c'était le but recherché, de pouvoir attirer des investissements qui autrement seraient allés dans ces juridictions.

M. Couillard: Et avec succès, d'ailleurs, puisque nous recueillons maintenant une large part des investissements, là, en recherche et développement au Québec.

Parlons un peu de la liste des médicaments d'exception. Vous dites: Bien, nous sommes en opposition avec le fait qu'on utilise la liste des médicaments d'exception comme instrument d'utilisation optimale. Personnellement, je trouve que c'est un bon outil d'utilisation optimale. S'il est géré correctement, c'est un bon outil d'utilisation optimale.

Alors, je vais vous amener sur un point théorique sans mentionner de nom de produit, ce n'est pas le but de l'exercice. On en a discuté hier, au cours de notre discussion. Supposons que nous sommes dans la situation où nous identifions de façon claire, et on est d'accord là-dessus, qu'il y a un problème d'utilisation optimale d'un produit qui est sur la liste régulière, où, par exemple, comme on le voyait hier, 50 % des personnes qui prennent ce produit ne le prennent que pour une période fixe très courte, sans renouvellement, ce qui est en contradiction totale avec l'indication qui est une indication chronique, à long terme, pour une maladie x. Donc, on veut amener une utilisation plus optimale du produit. Moi, je sais qu'en adoptant la liste d'exception de ce médicament, en l'espace littéralement de quelques semaines, même jours, l'impact sera rapide et le retour va se faire vers une utilisation de deuxième ligne. Ça a été démontré à plusieurs reprises. C'est un outil qui est extrêmement puissant, trop, le direz-vous, mais puissant et efficace.

Alors, quelle serait l'alternative que vous suggéreriez au gouvernement ou aux dirigeants du régime devant le constat d'une utilisation non optimale, compte tenu du fait qu'on ne peut pas attendre trois, quatre, cinq ans pour que les résultats se présentent, il faut que les résultats soient assez rapidement obtenus? Quelles seraient les alternatives que vous amèneriez sur la table?

M. Marcheterre (André): Je peux débuter avec une première partie de réponse, et Jean-Michel peut continuer. Vous savez, les objectifs poursuivis sont d'arriver à une utilisation optimale des médicaments. On croit que le statut de médicament d'exception, lorsque mal utilisé, peut changer une surconsommation ou utilisation en une sous-utilisation, ce qui n'est pas à même d'arriver à l'objectif recherché. C'est pour ça qu'on propose en fait le maintien de la partie régulière de la liste, où la majorité des nouvelles molécules devrait être inscrite, et la création de nouvelles sections d'inscription, dans cette partie de la liste, pour certaines molécules. On croit que, si les médicaments arrivaient sur la liste dans une nouvelle section basée sur une inscription avec un suivi d'utilisation, on serait bien plus à même de s'assurer qu'on ne tombe pas dans une surutilisation ou dans une sous-utilisation et on aurait les données pour apporter les correctifs nécessaires. Je ne sais pas si vous voulez...

M. Halfon (Jean-Michel): Merci. Je voudrais juste rajouter que je crois que l'idée de cette création d'une liste intermédiaire, si vous voulez, qui permet de réaliser une revue d'utilisation du médicament... Et, si la conclusion se révèle être celle que vous indiquez, à ce moment-là, réalisez un partenariat pour modifier les comportements. On peut avoir sous-utilisation, on peut avoir surutilisation, parfois on est même en position d'urgence. Il s'agit d'une question de santé du patient. On est dans une position d'urgence, parfois on est dans une décision de nature économique, et là la liste intermédiaire permet de définir ensemble un partenariat, et ce partenariat permet d'intervenir, en termes d'éducation, en termes de communication, de manière à agir rapidement. Il est beaucoup plus souple que la procédure d'exception qui, elle, entraîne, si vous voulez, un mécanisme bureaucratique.

M. Couillard: Mais c'est-à-dire que je ne suis pas certain qu'on diminuerait nécessairement l'encadrement administratif, parce qu'on conserverait la liste d'exception de toute façon, la liste régulière. On créerait cette nouvelle catégorie où également il faudrait une surveillance et un encadrement donc qui s'ajouteraient à l'encadrement actuel, non?

M. Halfon (Jean-Michel): Mais on diminuerait le nombre de médicaments qui seraient en processus d'exception, si vous voulez, et on s'assurerait, dans certaines classes thérapeutiques, lorsqu'il y a une préoccupation, si vous voulez, on s'assurerait d'un meilleur contrôle et d'un meilleur suivi de l'utilisation des médicaments.

M. Couillard: Mais seriez-vous d'accord, à ce moment-là, pour que l'État conserve cet outil, cet outil de la liste d'exception dans un cas où on constaterait un problème d'utilisation et qu'on soit devant l'alternative soit de conclure une entente de partenariat, avec des points de résultat très fixes, très définis et mesurables, soit, si ce n'est pas possible, d'avoir recours au mécanisme de la liste d'exception?

M. Marcheterre (André): En fait, j'aimerais souligner deux points à ce sujet-là. On est d'accord à maintenir une liste d'exception, mais pas avec l'administration actuelle. En fait, on croit qu'on pourrait introduire une section où est-ce qu'on aurait la transmission d'un code d'autorisation qui faciliterait beaucoup l'accès à ces médicaments d'exception là et qui réduirait certainement les coûts et les délais administratifs. Parce qu'en bout de ligne, M. le ministre, on est convaincus, nous, que la liste d'exception a un impact sur l'accès aux patients. Des études en fait ont démontré que le fait de limiter l'accès à des médicaments par des mesures administratives peut engendrer des impacts négatifs pour les malades.

Si vous me permettez, je vais vous donner un exemple. Il y a une étude qui a été réalisée par le Dr Jacques Deslauriers qui a comparé le taux de prescription des bisphosphonates durant la période où l'Alendronate était un médicament d'exception, c'est-à-dire du 1er janvier au 31 décembre 1997, avec le taux de prescription durant la première année où le médicament est passé à la liste régulière. Il a estimé que 10 184 patients fracturés n'auraient pas reçu de dispensation de bisphosphonates, en 1998, si l'Alendronate était resté un médicament d'exception. Ça démontre que les politiques du médicament d'exception ont eu, dans ce cas-là, des effets pervers sur la prévention des fractures ostéoporotiques par l'utilisation des bisphosphonates. Donc, le but est d'en arriver à une consommation adéquate, de ne pas avoir une sur ou sous-utilisation, et c'est pour ça qu'on croit qu'il y a moyen d'améliorer le processus actuel tout en conservant les objectifs que vous voulez réaliser.

M. Couillard: Malheureusement, le temps nous manque un peu, puis je veux utiliser les 20 minutes de façon correcte, mais cette étude me semble intéressante à discuter, mais on n'a pas le temps de commencer à le faire maintenant.

M. Marcheterre (André): On va la fournir avec plaisir.

M. Couillard: J'aimerais parler de l'Herceptin et des prix en général, sans parler de l'Herceptin comme produit mais, disons, de la problématique des prix, pour illustrer, à l'aide d'Herceptin, un problème qui se pose ? j'en ai fait mention, hier, aux médias ? et d'autre part parler de ce problème des ententes compensatoires que vous avez décrit. Prenons l'exemple de l'Herceptin. Encore une fois, le but n'est pas de faire le procès d'un produit, c'est un très bon produit, il va peut-être sauver la vie à des milliers de Québécoises au cours des prochaines années, et tant mieux si on peut l'offrir à notre population. Et voici une situation où l'organisme fédéral qui fixe les prix a fixé le prix en fonction d'une indication restreinte. On avait prévu, à ce moment-là, que le médicament serait utilisé pour les patientes en phase terminale, ou certaines d'entre elles, donc un nombre relativement restreint d'indications et de prescriptions, et on fixe le prix en fonction de ce volume pour que le prix soit juste et équitable pour le manufacturier. Voici que se transforme soudainement l'indication et que le nombre d'utilisatrices augmente par un facteur de 10 ou 15.

Ne serait-il par normal, à ce moment-là, qu'on puisse revoir le prix pour tenir compte de cette augmentation du bassin de prescriptions et que ça devienne plus facile? Parce que je mentionnais hier... Et on est fiers de l'avoir mis, l'Herceptin, à la disposition des Québécoises, mais c'est un fardeau, en termes de millions de dollars, que j'ai décrit hier, qui est important. Dans une situation comme ça, sans parler... Je veux m'éloigner du produit lui-même, là, parler de... Vous voyez le problème que je soulève. Comment est-ce qu'on pourrait réagir à une situation comme ça?

M. Halfon (Jean-Michel): Je peux peut-être commencer. Si l'inverse se passait, on ne poserait pas la question. Et l'inverse se passe tous les jours, si vous voulez, le spectre d'utilisation d'un produit ou l'utilisation d'un produit diminue ou diminue de manière sensible et de manière forte, et le prix n'augmente pas pour autant. Donc, effectivement, c'est pour cela que nous proposons, nous, que les prix soient fixés plus par le marché, lorsqu'il y a une offre et une demande, plus que par un organisme fédéral qui fixe les prix du marché de manière plus arbitraire. C'est pour ça que nous pensons que, lorsque le prix serait fixé par le marché, il y aurait une fixation beaucoup plus naturelle des prix.

n(16 h 40)n

M. Couillard: Pour ce qui est maintenant... Et je terminerais là-dessus, M. le Président, pour laisser la parole à mon collègue. Pour ce qui est des ententes compensatoires qui sont suggérées dans le projet de politique, évidemment, disons-le clairement, nous reconnaissons d'une part le fait que le Québec ne peut plus artificiellement se soustraire à la réalité économique nord-américaine et mondiale et continuer cette politique de gel des prix. Nous le reconnaissons, et c'est la raison pour laquelle nous proposons un dégel des prix encadré à l'intérieur de cette politique. L'encadrement vous semble trop rigide, ce qui apparaîtra pour certains une bonne nouvelle, mais vous vous opposez à la question des ententes compensatoires qui visent, disons-le encore une fois clairement, pour nous à mitiger l'effet budgétaire des augmentations de prix.

Alors, quels autres outils seraient à notre disposition pour mitiger ou compenser cet effet?

M. Halfon (Jean-Michel): Là où nous sommes mal à l'aise, si vous voulez, c'est les ententes compensatoires à l'intérieur du silo du médicament, pour la raison très, très simple que nous pensons que le médicament a un effet sur l'ensemble des dépenses de santé. Donc, si vous cherchez à minimiser le poste médicaments de manière... il y a une incidence sur l'ensemble des dépenses de santé. Autrement dit, nous, ce que nous préconisons beaucoup plus, c'est des partenariats de type gestion de la maladie qui permettent d'apporter une meilleure efficience de l'ensemble du système de santé. Les mesures compensatoires à l'intérieur du poste médicaments pour nous présentent le risque d'accroître, si vous voulez, les impacts au niveau de l'ensemble du système de santé.

M. Couillard: Là-dessus, j'aurais deux observations. D'abord, vous le savez, initialement, lors de la formation du Conseil du médicament, un des critères ? je crois que c'est le troisième critère ? l'impact sur le reste du système de santé, devait être utilisé, n'a pas été utilisé jusqu'à récemment, il va l'être. Alors, on est en train de travailler pour mettre en place tous les critères d'analyse du Conseil du médicament, dont celui que vous mentionnez, de l'impact du médicament sur le reste du système. Par exemple, l'exemple que je citais hier, un médicament pour l'ulcère d'estomac qui fait disparaître presque complètement du paysage les interventions chirurgicales a certainement un impact large sur le système de santé dont il faut tenir compte.

Cependant, je dirais qu'il faut mitiger un peu, encore une fois, cette analyse un peu optimiste des économies. En termes d'économie de la santé, c'est clair que malheureusement, parce qu'il y aura toujours des malades dans notre société, les patients qui ne seront pas opérés pour telle pathologie seront rapidement remplacés par d'autres patients opérés pour d'autres pathologies. Alors, ce que ça permet de faire en termes concrets pour la population, c'est d'augmenter le débit et d'améliorer l'accès aux soins, mais ça n'apporte pas nécessairement une économie en termes financiers. Mais par contre ça améliore certainement la disponibilité, par exemple, des salles d'opération. Les salles d'opération non utilisées pour les ulcères d'estomac peuvent maintenant être utilisées pour d'autres chirurgies. Donc, amélioration d'accès mais pas nécessairement économie, de sorte que, l'effet de silo, je comprends qu'on le regrette, mais, jusqu'à un certain point, il faut en tenir compte également.

M. Marcheterre (André): Si vous me permettez un commentaire supplémentaire, je crois que les mesures compensatoires n'atteignent pas l'objectif qui est visé non plus de réduire les coûts, et c'est pour ça qu'on croit, nous, que d'améliorer la productivité du système de santé est probablement le meilleur but à poursuivre, d'un point de vue de société, pour s'assurer que les ressources qu'on choisit de consacrer à la santé produisent l'effet maximum pour le nombre le plus grand de patients possible. Et on croit fermement que des programmes de gestion thérapeutique où les intervenants sont les travailleurs de la santé, les patients, le secteur privé et le gouvernement, c'est la formule la plus à même d'augmenter la productivité du système de santé. On pourra, dans chacun des silos, essayer tantôt d'attaquer le médicament, tantôt d'attaquer le pharmacien, tantôt d'attaquer le médecin ou les salaires de d'autres membres du système de santé, je ne pense que ça va atteindre les objectifs de productivité. Mais par contre d'amener tous ces gens à travailler ensemble à la même table pour atteindre cette productivité-là est selon moi la solution la plus porteuse.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, je cède désormais la parole au député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Alors, madame messieurs, moi, je me place dans la situation suivante: bon, vous êtes des dirigeants d'une industrie dont les grands patrons ne sont pas ici, et je n'ai aucun doute de vos intérêts, comme citoyens québécois, à voir vos entreprises rester au Québec. Quelque part, ça vous intéresse aussi de rester au Québec. Bon. La question est la suivante, c'est qu'à partir du moment où vous nous demandez, vous demandez à la société, à l'État un certain nombre d'avantages pour dans le fond améliorer votre profitabilité, améliorer votre situation financière, dans un contexte où vous n'êtes pas déjà des pauvres, quelle est la part de garantie qu'on peut avoir que, si on va dans la direction que vous nous proposez, par exemple qu'il y a un dégel des prix des médicaments puis qu'il n'y a pas les mesures compensatoires envisagées, qu'il y a des crédits d'impôt plus avantageux, qu'il y a un prix qui est plus régularisé par le marché, qu'il y a une utilisation plus adéquate, en fonction de votre point de vue, de la liste d'exception, quelle est la garantie qu'après avoir tout fait ça vous allez rester pareil au Québec, puis que vous allez consolider votre situation au Québec, puis qu'à la limite vous allez même améliorer votre situation au Québec? Parce qu'on est dans un contexte où... Est-ce que ça va être suffisant pour vous convaincre, vous, puis convaincre vos patrons américains, ou anglais, ou français, ou étrangers de ne pas aller pareil en Inde, ou en Chine, ou aux États-Unis?

M. Marcheterre (André): Si vous me permettez, trois choses. La première, la ville de Philadelphie a été l'hôte, il y a environ deux mois maintenant, du regroupement le plus important au monde dans le domaine des sciences de la vie en biopharmaceutique, BIO 2005, et on a eu l'occasion, plusieurs d'entre nous qui y avons assisté, de voir la tendance au niveau de l'industrie des sciences de la vie. La tendance mondiale actuelle est que vous pouvez dresser, au cours des 10 dernières années, une courbe ascendante linéaire pour l'augmentation des investissements, aux États-Unis, dans le domaine des sciences de la vie et vous pouvez prendre le reste du monde et créer la même courbe à l'envers sur le fait qu'à peu près toutes les autres juridictions perdent présentement, en termes de parts d'investissement, dans les sciences de la vie.

Les États-Unis sont en train de ressortir comme le marché le plus compétitif mondialement, parce que c'est le marché aussi le plus libre au niveau de cette industrie, et sont en train de s'accaparer la grande majorité des investissements. On a à choisir, nous, si on veut participer aux industries du savoir, et particulièrement aux sciences de la vie, ou si on ne veut pas y participer. Si on veut y participer, il faut s'aligner sur les conditions de marché qui existent aux États-Unis et non pas les conditions de marché qui existent ailleurs dans le monde. Ce serait une première constatation.

La deuxième, c'est qu'ici, au Canada, lorsqu'avec énormément d'influence et de leadership du gouvernement du Québec le gouvernement canadien a décidé d'aligner la Loi sur les brevets pharmaceutiques avec les juridictions où cette loi-là était la meilleure à travers le monde, ça s'est traduit, au cours des 10 années qui ont suivi, par une augmentation qui a été la plus grande de tous les pays industrialisés en termes d'investissement en recherche et développement en santé au Canada. On est passés de 100 millions à 1,2 milliard dans une période de temps relativement courte et on est passés de 4,5 % de nos ventes, investis en R & D, à environ 13 % ou 14 %. Depuis ce temps-là, à chaque année, on a perdu 1 % depuis cinq ans. On est passés de 14 % à 13 %, à 12 %, à 11 %, à 10 % et, cette année, à 9 %.

Tout est lié à la compétitivité de notre environnement d'affaires. Et ce qu'on préconise, c'est qu'en gelant les prix sur une période aussi longue on détériore l'environnement d'affaires. Ce qu'on préconise, c'est que, lorsque 80 % des produits étaient acceptés au formulaire, au Québec, et que maintenant c'est 40 %, on affecte l'environnement d'affaires. Ce qu'on préconise, c'est que les petites compagnies qui émergent souvent de la recherche qu'on fait avec les universités, les biotechnologies, lorsqu'elles avaient des incitatifs fiscaux plus importants, avaient une plus grande croissance de leur secteur que ce qu'on voit maintenant. C'est un choix qu'on a à faire. Nous, on aimerait bien... croître nos investissements, engager de plus en plus de gens, et l'environnement actuel ne supporte pas ça aussi bien.

Un dernier point que j'aimerais ajouter, c'est le rôle du Québec par rapport au reste du Canada. L'ensemble du Canada a à peu près la grandeur d'un des États américains contre lequel on compétitionne pour les investissements en recherche et développement, dans le domaine des sciences de la vie.

M. Charbonneau: La Californie, par exemple.

n(16 h 50)n

M. Marcheterre (André): Par exemple. Donc, vous comprendrez qu'au Canada, lorsqu'on fait nos affaires, une compagnie comme celle de mon collègue, M. Halfon, ou celle que je dirige, 70 % de ses affaires canadiennes sont hors Québec, bien qu'on soit basés au Québec. Et, si l'environnement d'affaires se détériore dans le reste du pays, notre capacité d'investir au Canada en souffre. Et, si cette capacité-là réduit nos investissements de 1,2 milliard à 600 millions, le Québec, qui en reçoit la moitié, va recevoir 300 millions. Mais, si par contre l'ensemble du pays est plus compétitif de par un leadership que le Québec peut exercer pour créer une stratégie d'innovation et des objectifs d'innovation, bien le 1,2 milliard peut devenir 2,4 milliards et le 50 % du Québec devenir 1,2 milliard au lieu de 300 millions. C'est un peu la dynamique à laquelle on fait face.

M. Charbonneau: Est-ce que je vous comprends bien? Ce que vous nous dites, c'est que les dirigeants... Puis ce n'est pas une question de diminuer votre importance, mais, je veux dire, les grandes décisions d'affaires, dans des multinationales, elles ne sont pas prises à Québec puis elles ne sont pas prises peut-être même à Toronto. Je veux dire, elles sont... Alors, les dirigeants qui vont décider d'investir plus au Québec, dans le fond ils vont décider d'abord d'investir plus au Canada, et ce que vous dites, c'est que, si l'environnement canadien en général se détériore, ça se détériore aussi pour nous. Même si, nous, on améliore notre situation au Québec mais que le reste du Canada ne l'améliore pas, ça ne jouera pas nécessairement en notre faveur.

M. Halfon (Jean-Michel): Je pense que c'est... Si vous me le permettez...

M. Charbonneau: Donc, je vous ai bien compris?

M. Marcheterre (André): Absolument, parce que, voyez-vous, notre grosseur fait en sorte que notre marché est restreint par rapport à d'autres États ou juridictions contre lesquels on compétitionne pour recevoir les investissements. Donc, le Québec sera toujours mieux servi par l'exercice d'un leadership canadien au niveau du développement de cette industrie des sciences de la vie. Et, pour créer un milieu favorable, je vous dirais que des mesures, par exemple, qui peuvent être prises, c'est qu'un comité de sciences de la vie, comme celui qui existe à Montréal, qui entretient maintenant des relations avec le comité d'Ottawa, avec le comité de Toronto, le comité de Vancouver et qui ensemble essaie de voir comment le Canada pourrait être plus compétitif, est bien plus porteur que l'Ontario se battant contre le Québec ou que le Québec se battant contre la Colombie-Britannique au niveau de l'environnement d'affaires. Il sera toujours temps, une fois qu'on a créé un environnement d'affaires qui permet au Canada de compétitionner mondialement, de s'assurer que le Québec reçoive plus que sa part des investissements. En tout cas, on a réussi à le faire, comme vous pouvez le constater, au cours des 15 dernières années.

M. Charbonneau: Je m'excuse, M. Halfon, là.

M. Halfon (Jean-Michel): Non, je voulais juste rajouter, en complément de ce qu'a dit M. Marcheterre, un exemple que j'ai vécu moi-même, si vous voulez, au cours des dernières années, pour répondre à votre question, qui est, à la suite des deux acquisitions que nous avons réalisées dans notre entreprise, la décision de maintenir notre siège social au Québec. Je peux vous dire que, dans ces deux cas, la décision a été extrêmement rapide, et la décision a été prise parce que le leadership du Québec et parce que l'environnement d'affaires que nous avons et qui est totalement perçu par nos sièges sociaux au niveau mondial... Et on parlait, tout à l'heure, si vous permettez, on parlait, tout à l'heure, de la Politique du médicament comme un exemple pouvant être communiqué ailleurs. C'est quelque chose de très important.

M. Charbonneau: Bon. La deuxième dimension de ce que je voudrais aborder avec vous, c'est toute la question des pratiques commerciales. Si j'ai bien compris, vous écrivez, dans votre mémoire, être favorables à une référence au code de déontologie mais non à son insertion dans la formule d'engagement du fabricant, dont la portée s'étendrait à tous les fabricants reconnus par le ministre, là. Pourquoi vous n'êtes pas favorables à l'insertion pure et simple de votre code de déontologie dans la formule d'engagement du fabricant?

M. Marcheterre (André): Je vais demander à Mme Cloutier peut-être d'y aller précisément sur ce point-là, mais je peux vous dire que je ne connais pas, comme homme d'affaires, d'industrie plus réglementée que l'industrie pharmaceutique, non seulement par tout l'environnement des différents paliers de gouvernement, mais c'est une industrie aussi qui s'autorégularise en ayant son propre code de pratiques commerciales qui est constamment amélioré. Donc, je peux vous dire qu'il y a un engagement, de la part de tous les membres de notre association d'affaires, de toujours agir dans le meilleur intérêt des patients et dans le meilleur intérêt des partenaires avec qui on fait affaire ici, au Canada et au Québec, et que c'est un engagement que les compagnies renouvellent continuellement, à chaque année.

M. Charbonneau: Parce que ? juste avant que madame réponde ? vous êtes bien conscients, j'imagine, qu'un des problèmes aussi, du point de vue politique, quand il vient le temps de décider si, oui ou non, on prend des fonds publics puis on accorde des avantages à une industrie, c'est son comportement aussi.

M. Marcheterre (André): Absolument.

M. Charbonneau: Et ce que les gens disent et craignent, c'est que... Parce qu'on voit très bien que finalement cette industrie-là a une mise en marché très agressive. Et vous avez des moyens aussi ? puis je pense juste, par exemple, à l'utilisation des données IMS ? vous avez les moyens de très bien savoir quels sont les médecins qui prescrivent vos médicaments par rapport à ceux qui prescrivent les médicaments des concurrents. Vous avez donc... tu sais, vous êtes équipés, là, pour opérer efficacement, et peut-être trop efficacement justement au goût de plusieurs d'entre nous, là, au plan de la citoyenneté. Alors, comment faire en sorte, là, que, si on donne des avantages à une industrie, on ne se retrouve pas à se tirer dans le pied en plus parce que son comportement serait, à un moment donné, exagéré par rapport à ce qui est acceptable?

Une voix: Est-ce que tu voulais ajouter quelque chose?

Mme Cloutier (Denise): Simplement pour dire: Au niveau de l'insertion du code comme référence, là, dans la Politique du médicament, c'est simplement une question de facilité, parce que l'industrie améliore le code constamment. On pense à sa révision de façon constante. Alors, c'est une question de facilité. Alors, s'il est en référence, on peut procéder à ces modifications tout simplement sans avoir le contexte législatif qui serait peut-être un peu trop contraignant, finalement. Mais ce n'est pas parce qu'on ne veut pas y adhérer, c'est simplement une question de facilité pour nous de pouvoir continuer à améliorer ce code.

M. Marcheterre (André): Si vous me permettez, je voudrais conclure sur ce point-là en vous disant que le conseil d'administration de notre association, notre comité exécutif se préoccupent continuellement du fait que, pour devenir un partenaire des gouvernements et des autres groupes avec qui on veut entrer en partenariat, on se doit d'être irréprochables et d'avoir des pratiques qui sont irréprochables, et c'était le but d'avoir le code que nous avons, de l'améliorer continuellement et de s'assurer que tous nos membres le connaissent et le mettent en pratique.

M. Charbonneau: Dans le fond, la problématique, c'est aussi le fait que tout le monde reconnaît qu'on a besoin des médicaments. Donc, d'une certaine façon, je veux dire, on vous aime, dans la mesure où vous produisez les médicaments dont on a besoin, dont on va avoir besoin, mais en même temps on vous craint pas mal aussi parce qu'on dit: Vous autres, là, vous êtes là pour faire de l'argent, alors votre intérêt, c'est qu'on en prenne, des pilules, et puis des fois la conséquence, c'est qu'on en prenne peut-être pas mal trop qu'on a de besoin d'en prendre. Alors, comment créer les conditions qui vont faire en sorte que, dans une société, on va être capable de faire en sorte, là, qu'on n'en prenne pas plus qu'il faut? On veut bien que vous fassiez de l'argent puis à la limite que vous en fassiez chez nous plutôt que de la faire ailleurs, mais, en bout de piste, il y a quelque part un équilibre, là, qu'il faut aller chercher.

M. Marcheterre (André): Il faut voir en fait qu'une des propositions qu'on a faites, c'est-à-dire d'avoir une nouvelle section basée sur une inscription, avec un suivi d'utilisation pour les nouveaux médicaments qui sont inscrits à la liste, est extrêmement à même d'atteindre l'objectif que vous voulez, c'est-à-dire que le médicament est disponible, les médecins et les patients peuvent avoir accès lorsque c'est indiqué pour eux d'avoir accès, et on fait un suivi de cette utilisation-là pour voir s'il y a sous ou surutilisation ou mauvaise utilisation, et, basés sur les données qu'on récupère, dans un partenariat encore une fois qui implique les travailleurs de la santé, les patients, le secteur privé et le gouvernement, on peut faire en sorte qu'on apporte, au gré de l'usage, les correctifs qui sont nécessaires peut-être pour déterminer dans certains cas que certains produits devraient devenir des médicaments d'exception, peut-être pour s'apercevoir que, si on gère bien l'usage et qu'on communique bien les informations sur l'usage approprié, les médicaments peuvent, dans une majorité de cas, rester sur la liste régulière. Et c'est ce partenariat qu'on propose au gouvernement et dans lequel on veut vraiment s'impliquer pour atteindre les mêmes objectifs que vous voulez atteindre, M. le ministre.

Je vois que le temps passe et, si vous me permettez un dernier commentaire, je vous dirais qu'au niveau de l'environnement d'affaires il y a une certaine urgence au niveau du dégel des prix. Et, si vous me permettez cette phrase, je vous dirais, M. le ministre, que notre industrie a besoin d'un dégel à l'automne, pas au printemps, sur les prix des médicaments.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ça aurait pu être une bonne dernière phrase, mais ce ne le sera pas parce que la députée de Rimouski a une dernière question à poser.

Mme Charest (Rimouski): Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, madame et messieurs. Y aurait-il possibilité d'avoir une copie du code de déontologie? Je pense que ça nous intéresserait de connaître les grandes lignes de votre code, et ça doit être public supposément. Alors, vous le transmettez à la commission?

Mme Cloutier (Denise): On vous l'avait remis dans notre mémoire, mais on va vous... Il est annexé à la fin.

n(17 heures)n

Mme Charest (Rimouski): Ah! O.K. Oui, ça va. Parfait. On va le regarder sérieusement.

Dites-moi, vous vous opposez également à l'interdiction de la distribution des échantillons parce que vous dites que c'est encadré, de façon très sévère, par Santé Canada, par votre code de déontologie, et que la distribution répond à des besoins réels chez les cliniciens et les patients. Selon vous, à quoi servent les échantillons, chez les cliniciens surtout? Est-ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi vous vous opposez?

M. Halfon (Jean-Michel): Ils peuvent être utiles dans certains cas.

Mme Charest (Rimouski): Pardon?

M. Halfon (Jean-Michel): Ils peuvent être utiles dans certains cas.

Mme Charest (Rimouski): À quelles fins?

M. Halfon (Jean-Michel): Par exemple, dans les cas d'urgence. Ils peuvent être utiles dans certains cas, par exemple dans des cas d'urgence, par exemple pour alléger le fardeau financier de certains patients. Nous, nous comprenons qu'il y a des préoccupations quant à l'utilisation des échantillons. Et, s'il y a des préoccupations quant à l'utilisation de ces échantillons, nous sommes prêts à nous asseoir avec les médecins, avec les pharmaciens, essayer de voir comment mieux régler les échantillons. Mais il faut savoir que dans certains cas les échantillons ont un sens.

M. Marcheterre (André): Si vous me permettez peut-être de vous donner, madame, un...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...ce sera la dernière intervention.

M. Marcheterre (André): Très bien.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Sans aucune autre après.

M. Marcheterre (André): Absolument. Je vais vous donner un exemple très précis. Certains médicaments sont utilisés de façon chronique pour traiter des maladies justement qui sont chroniques. Quelquefois, un médecin va choisir de donner deux, trois ou quatre semaines d'échantillons à un patient ou une patiente pour voir quelle va être la réaction, à savoir s'il va y avoir effets secondaires, par exemple, qui seraient intolérables et s'il devrait y avoir un changement de médicament, et souvent le médecin va donner les échantillons en plus d'écrire une prescription. Il va dire au patient: Vous remplirez la prescription si vous n'avez pas de problème avec l'usage des échantillons. Si vous avez un problème, ne remplissez pas la prescription, revenez me voir, et on pourra faire un ajustement, ce qui sauve, dans ce cas-là, des dollars au système en évitant d'avoir à faire un changement ou à jeter une prescription qui aurait été écrite pour un plus long temps.

Mme Charest (Rimouski): Ce que vous dites...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je m'excuse, Mme la députée, le temps est totalement écoulé.

Mme Charest (Rimouski): On pourrait peut-être... Je m'excuse, mais est-ce qu'on peut juste...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non, parce que... Non, il faut rencontrer notre temps, étant donné le...

Mme Charest (Rimouski): Parce que c'est une question fondamentale, hein, sur les échantillons. Il y a des problèmes soulevés là-dessus. On y reviendra. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, M. Marcheterre, Mme Cloutier, M. Halfon, merci beaucoup de votre contribution, et nous retiendrons votre souhait du dégel automnal plutôt que printanier, M. Marcheterre.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): La Commission des affaires sociales continue de siéger, et elle poursuit ses travaux, et elle accueille avec plaisir Mme Robyn Tamblyn, qui est du Groupe de recherche en informatique de la santé de l'Université McGill, et le Dr Robert Perreault, qui est de la Direction de la santé publique de l'Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux de Montréal-Centre, j'imagine?

M. Perreault (Robert): De Montréal-Centre.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): De Montréal-Centre. Alors, vous connaissez les règles de la maison. D'abord, vous êtes les bienvenus. Vous avez 20 minutes pour résumer l'essentiel de vos propos, suite à quoi nous aurons un bloc d'échange avec les membres de la commission.

Des voix: ...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, nous attendons que la salle se calme un petit brin. Alors, les gens qui veulent continuer d'assister à la séance sont les bienvenus; les autres, nous vous demandons de quitter la salle, s'il vous plaît. Merci.

Alors, voilà. Qui prend la parole?

M. Perreault (Robert): Je vais prendre la parole, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): O.K. Alors, je vous cède donc la parole, M. Perreault.

Mme Robyn Tamblyn
et M. Robert Perreault

M. Perreault (Robert): Merci. Alors, merci de nous inviter à ces débats, M. le Président, M. le ministre et distingués parlementaires. Dre Tamblyn et moi avons convenu que je ferais l'essentiel de la présentation des premières minutes, et nous ouvrirons ensuite, bien sûr, à la période de discussion, chacun selon nos compétences... mieux répondre à vos questions.

Nous vous avons soumis deux mémoires, comme vous avez pu le constater. Le premier porte sur une approche intégrée de la gestion des médicaments basée sur la sécurité, la qualité et l'utilisation optimale à partir des travaux de recherche que nous menons depuis bientôt 15 ans, qui prennent la forme d'outils intégrés, informatisés de gestion des médicaments.

Le second mémoire que nous avons soumis dit que le patient est une ressource négligée. Et, dans ce contexte-là, nous allons regarder avec vous comment la participation plus active des individus, qui sont l'objet de nos intérêts et de nos attentions, peut prendre en charge une partie des responsabilités de façon à mieux profiter des traitements pharmacologiques.

Un commentaire bref sur l'ensemble de la politique en ce qui a trait à la question de l'utilisation optimale des médicaments. Nous allons limiter nos commentaires à cette section de la politique. Je pense qu'elle fait état de ce que l'on connaît habituellement sur l'utilisation optimale mais pourrait être plus audacieuse en ce qui a trait aux outils qui sont maintenant disponibles, qui ont été mis en évidence par la recherche scientifique pour faire avancer de tels dossiers.

Si j'avais l'occasion de vous parler plus longtemps, je vous présenterais le cas d'une patiente que nous aimons bien, qui est une patiente robot dans notre équipe, qu'on appelle Mme Blanc. Elle a 77 ans. Elle a des pathologies multiples, et elle voit un premier médecin pour une infection urinaire, et elle reçoit une ordonnance de Cipro. Le lendemain, elle voit son cardiologue et là elle reçoit quatre ou cinq médicaments. Deux jours après, son rhumatologue, et là elle reçoit un anti-inflammatoire. Mais il y a, à travers tout ça, des interactions médicamenteuses qui n'ont pas été détectées parce que ces médecins-là ignorent bien sûr que leurs confrères ou leurs consoeurs ont vu cette patiente.

La patiente se retrouve à l'hôpital avec une hémorragie cérébrale. À l'urgence, tout ce qu'ils ont comme preuve de sa consommation, c'est une seule bouteille dans laquelle elle a mis tous ses médicaments et, sur la bouteille en question, l'adresse d'une pharmacie qui a dispensé un de cinq ou six médicaments, ce qui amène la patiente bien sûr à être traitée à l'hôpital sans savoir les médicaments qu'elle a consommés. C'est une situation que tout le monde connaît parce que tout le monde a, dans sa famille, une personne âgée qui correspond à un tel profil.

L'autre élément, c'est la question de l'ordonnance manuscrite, parce que, puisqu'elle faisait des convulsions, il y a un neurologue à l'hôpital qui lui a prescrit, au moment de son congé, du Dilantin. Il lui aura prescrit 200 mg, mais la lecture de l'ordonnance manuscrite à la pharmacie, à l'extérieur, une fois rendue chez elle, a été mal interprétée et on lui aura prescrit du 400 mg, ce qui l'a étourdie encore une fois, amenée à faire une chute et avec un retour à l'hôpital.

Qu'est-ce qu'on peut retenir d'un cas comme celui-là qui est un cas type dans notre société? Bien, d'abord, que plusieurs médecins ignorent ce que chacun prescrit. Deuxièmement, que plusieurs pharmacies dispensatrices ignorent ce que chacune dispense. L'étendue de la base de connaissances et le nombre des interactions qu'il faut connaître est maintenant hors de contrôle. Il y a 33 000, à peu près, plus ou moins, interactions médicamenteuses à connaître, il y a 5 000 interactions médicament-allergie, il y a toutes sortes d'interactions médicament-maladie associées, de sorte que le médecin généraliste ou le médecin spécialiste qui voit les patients travaille un peu à l'aveugle. D'abord, connaître tout ça, ce n'est pas facile.

n(17 h 10)n

Deuxièmement, le fait que les médicaments transigent selon des méthodes quasi ancestrales maintenant, parce que ça fait plusieurs générations qu'on utilise les mêmes modalités, ça pose des problèmes. Il y a des interactions non détectées, et bien sûr j'ai parlé de la difficulté de déchiffrer des ordonnances. Le cliché que les médecins écrivent mal est toujours vrai. Ce n'est pas tellement qu'ils écrivent mal, c'est qu'ils écrivent vite et beaucoup. À l'intérieur des 13 minutes que dure en moyenne une visite médicale, il y a trois minutes consacrées à la paperasse, et là-dedans il faut prescrire des analyses, il faut écrire les ordonnances rapidement, expliquer des choses au patient. Ça devient compliqué. Il y a donc un résultat, les conséquences de cette situation-là: un gaspillage de médicaments qui sont parfois très chers, des prescriptions interrompues, des médicaments jamais consommés.

Il y a un travail coûteux pour gérer les conséquences de ça. Il y a des erreurs qui se produisent. Vous savez que, dans presque 53 % des problèmes associés aux médicaments, ce sont des problèmes qui auraient pu être évités. La recherche scientifique atteste de ce chiffre-là.

Dans le cas de Mme Blanc, notre patiente, elle a eu deux transports en ambulance, deux visites à l'urgence, deux hospitalisations, dont une pour chirurgie, puis un séjour en centre d'adaptation si elle s'est cassé la hanche en tombant. Alors, vous voyez que les problèmes associés à la gestion des médicaments occupent une position presque centrale dans nos préoccupations.

On a eu des confirmations de ça sur les dossiers d'erreurs médicales qui ont été publiés, aux États-Unis, par The Institute of Medicine, et on a également des publications récentes d'études menées au Canada et au Québec, qui font état du caractère prévenable, si vous voulez, des erreurs médicales, sans parler des atteintes à la qualité de vie. C'est déjà assez difficile d'avoir une vie de bonne qualité en vieillissant que, si on est victime d'un système qui n'arrive pas à bien soutenir cette préoccupation-là, les conséquences sont très importantes.

L'information incomplète sur les médicaments utilisés au moment de prescrire une nouvelle médication, c'est le problème dont j'ai parlé, mais ça se traduit dans des chiffres: 40 % des personnes âgées fréquentent plus d'une pharmacie; 70 % des personnes âgées ? on les prend pour exemple parce que ce sont de grands consommateurs ? ont plus d'un médecin qui leur prescrit des médicaments; 5 % auront plus de six médecins qui leur prescrivent des médicaments. Alors, si on ajoute un potentiel d'erreur à chacune de ces démarches-là, vous pouvez prendre la mesure du problème. Les risques d'ordonnance inappropriée augmentent, comme vous le soupçonnez, avec le nombre de médecins prescripteurs, soit 30 % d'ordonnances inappropriées si on a deux médecins et 58 % d'ordonnances inappropriées si on a de cinq à huit médecins. Ce sont là des chiffres issus d'un projet MOXXI, qui est l'acronyme des projets que nous menons en matière de gestion intégrée des médicaments. Nous avons donc des données sur plusieurs milliers, en fait plusieurs dizaines de milliers de patients, et ces données-là sont stables.

Les erreurs de dosage. Plus du tiers des personnes âgées se voient prescrire un médicament contre-indiqué par l'âge, la maladie actuelle, une allergie ou la prise d'un autre médicament. Les erreurs de dosage sont responsables de plus de la moitié des effets indésirables.

On a parlé des ordonnances manuscrites. Bien, c'est intéressant d'avoir quelques chiffres aussi. Il y a des erreurs de transcription du papier du médecin vers le dossier de la pharmacie associées à 10 %... à 15 % ? et c'est plutôt 15 % que 10 % ? des ordonnances. 2 % de ces erreurs-là ont un potentiel de morbidité très important. Ça augmente bien sûr avec le volume, le mauvais éclairage, le niveau de formation des pharmaciens, mais l'erreur est humaine, et, dans un cas où il faut décrypter des feuilles rapidement écrites, vous pouvez soupçonner qu'il y a là un potentiel intéressant encore.

L'autre élément ? ça va déborder un peu de l'utilisation optimale parce qu'il va être question de coûts ? mais la prescription universelle de médicaments de dernière génération est un autre phénomène que l'on observe. Et pourquoi ça se produit? Bien, ça se produit parce qu'on entend parler des nouveaux médicaments, on entend moins parler des lignes directrices ou des directives consensuelles sur l'utilisation appropriée des médicaments. Je vous donne pour exemple la question du traitement des hypertensifs, des gens qui souffrent d'hypertension, nouvellement diagnostiqués. Les lignes directrices là-dessus sont claires, elles ont été publiées dans le New England Journal of Medicine, il y a deux ans, encore une fois. Le premier traitement est un diurétique, ça coûte 0,75 $ à peu près par jour, mais rares sont les patients qui reçoivent un médicament aussi simple parce que les médicaments de nouvelle génération sont très attirants, si bien qu'au Québec, pour toutes sortes de raisons, il y a 70 % des médicaments prescrits qui sont des médicaments d'innovation. Il en reste 30 % pour les génériques.

Si on compare ça au système parmi les plus performants aux États-Unis, qui est celui d'un HMO à but non lucratif, Kaiser Permanente, les chiffres s'inversent: eux prescrivent 40 % de médicaments innovation et 60 % de médicaments génériques, avec un niveau de performance certainement égal au nôtre. Or, il y a toutes sortes de déterminants qui justifient qu'on s'intéresse à la question de l'intégration de l'information quand on gère les médicaments, et je vais venir à nos recommandations, si vous permettez, après cette entrée en matière un peu longue mais néanmoins pertinente, je l'espère.

Nos recommandations, c'est qu'il ne devrait y avoir aucun professionnel de la santé qui prescrive ou dispense des médicaments sans avoir accès à l'histoire médicamenteuse du patient, donc sans savoir tous les médicaments que consomme un patient qui est devant soi. Il serait également intéressant que les patients puissent compléter cette information-là en y ajoutant eux-mêmes, parce qu'il n'y a pas de source de données dans ce domaine-là, les médicaments qu'ils achètent au comptoir, sans ordonnance bien sûr, et les produits dits naturels qui, comme vous le savez, représentent un bon morceau occulté et occulte des budgets dépensés en médicaments dans notre société.

Deuxième recommandation que nous avons adressée à la commission, c'est que toutes les ordonnances, qu'elles soient déjà dispensées, c'est-à-dire les renouvellements, ou de nouvelles ordonnances, soient examinées par un aviseur thérapeutique de manière à détecter automatiquement les duplications, les doses excessives, l'interaction médicament-maladie, médicament-allergie. Les interactions médicament-âge, j'en ai parlé également. Ça permettrait de prévenir le prescripteur des problèmes potentiels au moment de la rédaction de l'ordonnance et de la dispensation du médicament.

C'est important ici de souligner que toutes les études qu'on peut faire après le fait nous informent sur notre performance de l'année passée. Mais, si on a accès à cette information-là au moment où on prend la décision comme médecin prescripteur, on est en mesure de prendre une décision éclairée, donc d'apporter un jugement clinique, et c'est ce que nous souhaitons mettre de l'avant. Donc, le potentiel de réduction d'erreurs humaines, dans un outil intégré et informatisé de gestion des médicaments, est très, très important et permettrait d'améliorer notre performance, de ce point de vue là.

Les médecins devraient avoir également la possibilité de transmettre à la pharmacie les ordres d'arrêt ou de modification des médicaments de façon électronique pour éviter les risques d'événements indésirables dus à une communication déficiente. Ce que ça veut dire en clair, c'est que ce qui se passe actuellement, c'est que c'est extrêmement difficile pour un médecin de communiquer à la pharmacie l'ordre d'interrompre un médicament. Généralement, c'est le patient qui est détenteur de cette information-là. On sait par la recherche que les gens, nous tous, retenons 20 % à 30 % de ce qui se dit dans une visite médicale et que l'anecdote du voyage de pêche a autant d'importance pour la personne qu'une recommandation associée à la cessation d'un médicament, parce que c'est très difficile de filtrer l'information. Donc, dans ce sens, un outil électronique qui permet au médecin de dire au pharmacien d'interrompre un médicament serait un gage de non-duplication parce qu'il n'y a rien qui dit que l'autre médecin ne va pas prescrire le même médicament.

Finalement, les prescriptions devraient être imprimées et remises au patient, de même que transmises électroniquement au pharmacien. On ne souhaite pas, là, encore une fois, favoriser le dirigisme en préconisant des outils électroniques qui enverraient directement l'ordonnance à une pharmacie plutôt qu'une autre, le choix doit relever du patient. Ce qui est possible par contre, c'est, pour le pharmacien, d'aller chercher cette information-là.

n(17 h 20)n

Si on s'adresse à la qualité, pour pouvoir proposer des recommandations de traitement pertinentes, l'intention thérapeutique de chaque ordonnance doit être documentée, de même que les problèmes de santé courants et autres données cliniques. La question de l'intention thérapeutique, c'est un peu un ballon actuellement qui vole d'un côté et de l'autre du filet, mais nous pensons, comme chercheurs, qu'il est important de regarder cette question-là de façon systématique pour pouvoir apporter des réponses avec un minimum de clarté scientifique.

Je vous fais grâce des quelques autres recommandations associées à la gestion intégrée des médicaments par voie électronique pour me faire l'avocat de la participation plus active des patients dans ce dossier-là. C'est peu exploité, chez nous, la participation des patients, mais on sait que ce qui s'en vient, c'est qu'une personne sur quatre, avant 64 ans, déclare une maladie chronique et que les plus de 65 ans présentent encore plus de ces problèmes-là. On pense que la participation active des patients et de leur entourage au processus de soins devrait faire partie de nos modèles d'organisation de services, ce qu'ils ne font pas présentement.

Deuxième recommandation: créer des conditions favorables pour une meilleur adhérence au régime thérapeutique. Vous savez qu'après trois mois 70 % des gens ont cessé de prendre des médicaments dont ils ont besoin, dans plusieurs classes thérapeutiques. Ça dépend de toutes sortes de facteurs, dont la qualité de la relation avec le médecin, dont la compréhension de ce qu'il y a à faire, et on pense, là, qu'on doit approcher la question dans une approche dite d'autogestion de la maladie, surtout des maladies chroniques. Il faut développer des outils encore une fois sur base électronique, parce qu'on n'est pas capables de le soutenir avec des ressources humaines, pour aider les gens à résoudre les problèmes les plus courants associés à une pathologie ? prenons le diabète, l'asthme ou n'importe quelle autre maladie chronique ? soutenir la prise de décision de façon structurante, informer les gens sur l'utilisation des ressources de leur milieu, assurer la formation d'un meilleur partenariat entre le patient et les professionnels de la santé par un partage d'information. S'il y a un terrain commun d'information, c'est beaucoup plus facile pour un patient d'avoir l'audace d'aborder des questions avec son médecin ou son pharmacien, et, dans ce cas-là, je pense que les outils électroniques sont très intéressants parce qu'ils structurent la demande, si vous voulez, ils aident les gens à savoir ce qu'il est légitime de demander.

Et finalement, bien sûr, de stimuler la capacité d'agir, ça a des effets sur la qualité de vie, démontrés par la recherche sur la réduction de la sévérité des symptômes, sévérité de la douleur, améliore la relaxation et l'exercice, la capacité donc de faire appel à des éléments non pharmacologiques, améliore également le fonctionnement social, ce qui est un autre facteur protecteur.

Dernier élément: ça a des effets sur l'utilisation des services. On sait que les gens qui participent à des programmes de gestion comme ceux-là réduisent la quantité de médicaments qu'ils utilisent, notamment dans le cas de l'asthme ou de l'arthrite, réduisent le nombre de visites à des professionnels de la santé jusqu'à 80 %, dans certaines études, réduction du nombre de visites médicales jusqu'à 40 %, dans certaines études, réduction du nombre d'hospitalisations, réduction de la durée de séjour, nombre de visites à un spécialiste et finalement nombre d'accidents et de visites à l'urgence.

Et là la question des silos est invoquée dans la politique. On dit qu'il y a plusieurs programmes de gestion de la maladie qui sont tous en parallèle et qu'il est très difficile pour le décideur, le payeur surtout, à terme, de réconcilier ces silos-là, et nous sommes entièrement d'accord avec cette position. Nous pensons qu'au contraire on doit avoir une approche unifiée de gestion de la maladie parce qu'il y a beaucoup d'éléments communs dans les habiletés et les aptitudes qu'un individu doit développer pour prendre en charge ses problèmes de santé et que cela amène bien sûr une économie puis une manière plus rationnelle de gérer les questions de santé.

Finalement, nous pensons que le ministère, peut-être en collaboration avec le portail Citoyens du Québec, doit offrir des services d'information et d'aide à la décision, en matière de santé, selon une échelle d'intensité qui va bien sûr de la gestion des problèmes courants de santé jusqu'à la gestion autogérée des maladies chroniques. Et par autogestion on ne suggère pas d'abandonner les gens à eux-mêmes, bien sûr, mais d'assurer un environnement riche en information qui permette à tous les citoyens de participer de façon responsable, active et, soit dit en passant, plus revendicatrice parce que plus critiques au processus de soins. C'est une démarche dont on a grandement besoin parce que l'avenir nous annonce une augmentation de gens malades, de gens malades qui vont survivre longtemps, et donc, à chaque fois qu'on a le réflexe d'ajouter du personnel, de la brique ou de la formation pour prendre en charge cette problématique-là en négligeant la participation du citoyen, on vient de creuser encore un petit peu le trou du déficit en matière de santé.

Mesdames messieurs, je vous remercie, et nous sommes là pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, vous êtes sur le 20 minutes pile, Dr Perreault. Merci. Et vous avez abordé un sujet qui intéressera sans doute beaucoup le député de Borduas, puisqu'on parle dans son cas de démocratie participative et vous parlez de santé participative. Alors, vous allez vous entendre, tous les deux, c'est sûr. Mais auparavant vous allez vous mesurer au ministre de la Santé et des Services sociaux, quand même.

M. Couillard: Ah! «vous mesurer» est un grand terme. On veut plutôt échanger.

Merci beaucoup, Dr Perreault et Dre Tamblyn, pour votre présentation. Par fins de transparence, M. le Président, je dirais que Dre Tamblyn est impliquée dans le projet MOXXI dont il est question, Medical Office of the XXIst century, abréviation MOXXI, qui est actuellement à l'étude dans des régions du Québec. Et je le dis parce que vous vous souviendrez qu'hier il y a une autre entreprise qui est venue nous parler d'un projet ou d'un produit d'aviseur thérapeutique afin de démontrer que tout est bien sur la table et de façon transparente.

Votre présentation, Dr Perreault, nous rappelle quelque chose qui a été mentionné puis qu'il faut dire délicatement parce que la faute n'en incombe pas toute à la profession médicale. C'est que la simple détention d'un diplôme de médecin et d'une signature suivie du mot M.D., en bas d'une prescription, n'est pas une garantie absolue de qualité ou de pertinence, pour des facteurs qui sont internes au médecin ? formation, surabondance de l'information ou sous-abondance de l'information lorsqu'elle est présentée de façon commercialement dirigée ? également des facteurs externes ? transmission, travail interdisciplinaire insuffisant, mauvaise collaboration entre le pharmacien et le médecin. Donc, on voit, dans cet univers, énormément d'améliorations à apporter.

Comme vous le savez, le projet de loi n° 83 à l'étude va nous donner la possibilité légale de faire transiter cette information dans l'univers du système de santé. Vous avez donné l'illustration, du point de vue de Mme Blanc, tantôt, là, de ses péripéties dans le système de santé. Ce n'est pas un cas entièrement hypothétique. Peut-être que le nombre d'épisodes est un peu élevé, mais on voit quand même régulièrement, malheureusement, ce genre d'histoire là.

Du point de vue du praticien maintenant, du médecin qui suit Mme Blanc, avec un outil tel que l'aviseur thérapeutique ou des outils que vous suggérez, de quoi aurait l'air l'évolution, de quoi aurait l'air l'avis, du côté du prescripteur?

M. Perreault (Robert): Du côté du prescripteur, je vais prendre l'exemple du projet MOXXI puisque c'est le projet que nous connaissons le mieux dans notre équipe de recherche.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): C'est Mme Blanc et le docteur quelle couleur?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Allez-y.

M. Perreault (Robert): Rose.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien.

M. Perreault (Robert): Ou rouge de colère, selon que le système fonctionne bien ou pas. Mais Mme Blanc, vue du point de vue médical, se présenterait dans un bureau qui serait doté d'un outil d'intégration des informations, son cas apparaîtrait sur un écran qui mettrait en évidence le fait que d'abord le médecin en présence reconnaît les médicaments qu'il a prescrits à cette patiente-là, mais verrait aussi les médicaments ? nous utilisons un code de couleur, il y a d'autres systèmes qui utilisent autre chose ? verrait les médicaments qui sont prescrits par d'autres médecins, ne sachant pas bien sûr qui a prescrit le médicament. Mais au moins la liste des médicaments serait présente et on serait en mesure de faire une réconciliation de cette information-là.

Deuxième élément, les gens présentent des problèmes de santé multiples, et très souvent, si je vais voir un cardiologue, je ne penserai pas à lui faire part du fait que je vois aussi un rhumatologue ou un neurologue. On ne pense pas que ça va le concerner. Cette information-là relative aux problèmes de santé pourrait être présentée au médecin pour validation. C'est-à-dire, on demande au médecin d'exercer son jugement pour dire si, oui ou non, il y a présence de problèmes de santé. Nous utilisons, dans notre projet, par exemple, une table de médicaments à indication unique, de sorte que, un patient qui se voit prescrire de l'insuline, notre système va demander au médecin si le patient souffre de diabète, oui ou non. Ça relève du médecin de décider si c'est le cas ou pas, parce que bien sûr il y a des médicaments qui sont parfois prescrits «off-label», comme on dit, donc il faut que le médecin apporte son jugement.

On utilise également des sources de données indirectes pour ? excusez la pauvreté du terme ? peupler, si vous voulez, la base de connaissances à partir de la facturation. On sait que la facturation médicale n'est pas un instrument extrêmement précis. Il n'en demeure pas moins que c'est un instrument qui fournit suffisamment d'information pour que le médecin décide s'il y a ou non présence d'un problème de santé.

n(17 h 30)n

Forts de cette information-là, on est en mesure d'aider le médecin au moment où il prend sa décision de prescrire, d'allumer des alertes, de dire: Bon, étant donné que ce patient-là est asthmatique et que vous lui prescrivez tel médicament, il y a contre-indication possible. Souhaitez-vous en tenir compte ou non? Le médecin peut, pour des raisons cliniques, décider de surseoir et de prescrire quand même. Tout ça est possible, mais c'est fait à la lumière du jour, c'est fait en connaissant une situation qui est parfois fort complexe. Alors, il y a toutes sortes de fonctions qui ont été développées et étudiées avec des médecins dans les systèmes comme ceux-là pour permettre une gestion en temps réel de la prise de décision.

On peut y ajouter d'autres composantes, comme par exemple le coût des médicaments. Le coût des médicaments est un facteur important dans la décision des gens de les acheter ou pas, le copaiement, entre autres. Si le copaiement est trop élevé, nous l'avons déjà démontré dans une étude antérieure, les gens sont amenés à faire une sélection parmi les cinq médicaments qu'ils ont à prendre. Si ça coûte trop cher, ils risquent de choisir les trois qui coûtent le moins cher. On ne sait pas si c'est ceux dont ils ont cliniquement le plus besoin.

Alors, un outil de cette nature-là est en mesure de mettre devant le médecin le maximum d'information pour le minimum d'efforts de saisie de données, parce que la saisie de données, dans les 10 minutes dont j'ai parlé tantôt ou les 13 minutes, ce n'est pas particulièrement efficace. Alors, il faut trouver des solutions techniques, mais je pense que le principe sous-jacent est l'accès à l'information.

M. Couillard: Avant que j'oublie, vous mentionniez l'hypertension artérielle, pour laquelle une étude montre que des médicaments bien anciens ? puisque, lorsque j'ai fait mon cours de médecine, on me disait que c'était, à ce moment-là, le «gold standard», ou le traitement standard ? les diurétiques pour l'hypertension artérielle, qui ne coûtent presque rien ? 0,75 $ par jour ? ont le même effet que les médicaments beaucoup plus coûteux, puis il y a même d'autres études qui montrent qu'un programme de diète et d'exercice empêche même de prendre tout médicament au début d'une hypertension nouvellement diagnostiquée.

M. Perreault (Robert): Absolument.

M. Couillard: Alors, c'est des choses qu'il faut rappeler, hein, parce qu'on a toujours tendance à aller directement au médicament le plus complexe ou à la technologie la plus complexe, mais il y a d'autres méthodes plus anciennes qui ont fait leurs preuves.

M. Charbonneau: C'est pour ça que j'ai fait un gymnase à l'Assemblée nationale.

M. Couillard: Et voilà! Oui, c'est M. Charbonneau... le député de Borduas, pardon, M. le Président. Le député de Borduas, lorsqu'il était président, a créé un gymnase ici pour les parlementaires.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mais on ne peut y accéder que par ascenseur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charbonneau: C'était le seul problème d'utilisation.

M. Couillard: L'intention thérapeutique, votre comparaison est juste, hein? Durant la commission, que vous avez probablement suivie un peu, c'est un peu comme un ballon, ou une balle de ping-pong, ou un ballon de volley-ball, là: oui, non, peut-être.

Si je résume, du côté des pharmaciens puis en général les gens qui étudient le système de santé de l'extérieur, on trouve que c'est logique qu'il y ait une plus grande collaboration entre le pharmacien et le médecin, que le pharmacien, lors de l'exécution d'une ordonnance, puisse avoir une idée de ce pour quoi le médicament est prescrit pour jouer son rôle de conseiller ou d'expert. Bon. D'un autre côté, et notamment les représentants des médecins, ils nous ont dit: Attention, le diagnostic demeure le seul apanage du médecin. Il serait dangereux pour un pharmacien de prendre une décision, une recommandation, sur la seule base de l'intention thérapeutique, sans avoir accès à tout le dossier médical et à d'autres aspects qui pourraient lui être inconnus.

On est un peu, là, embêtés avec tout ça, parce que c'est oui ou non, et on ne sait jamais exactement où aller. Quelle est votre opinion sur l'intention thérapeutique?

M. Perreault (Robert): Bien, je pense qu'en ce qui concerne l'intention thérapeutique il faut se demander quelle est l'intention derrière l'intention thérapeutique, et notre perspective et notre expérience de terrain, dans le cadre des projets MOXXI depuis deux ans et demi, nous montrent que c'est apprécié et des médecins et des pharmaciens et que ce n'est pas utilisé pour porter un jugement sur le choix thérapeutique, c'est utilisé pour aider le pharmacien à mieux faire son travail d'éducation des patients. Donc, je pense qu'il faut regarder ça de près et de façon systématique, parce que l'intention thérapeutique a plusieurs facettes, et un pharmacien qui est au courant de pour quoi un médicament a été prescrit va être plus enclin à faire un travail de suivi auprès du patient, en matière d'éducation, autrement il est aveugle et il ne peut pas être aussi précis. Donc, il y a là un potentiel à explorer.

Nous avons en cours, actuellement, des études en vertu desquelles notre logiciel permet au médecin de communiquer pour quoi il prescrit un médicament au pharmacien. Il peut également, le médecin, choisir de ne pas communiquer cette information-là. Et ce que nous observons, c'est que la plupart des médecins, la plupart du temps, communiquent cette information-là, et ils ont parfois des réserves qui sont associées, par exemple, à une certaine confidentialité avec un patient, et ils ne le feront pas. Mais l'objet de la communication semble être beaucoup plus du côté d'aider pour le soutien des patients que de dire: Je ne suis pas d'accord avec la prescription. D'ailleurs, la loi à ma connaissance ne permet pas au pharmacien de modifier une ordonnance, et déjà, s'il y a doute, le téléphone agit dans les situations où les gens sont en mesure de se parler.

Ce qu'on a observé dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, dans l'étude de MOXXI-III qui est en cours actuellement, c'est que ça semble être un liant pour les relations pharmacien-médecin dans cette communauté-là. Je ne présume pas des positions adoptées par les organismes constitués, notre vision à nous en est une de chercheurs. Donc, la question pour nous a autant de valeur que n'importe laquelle. On regarde tout ce qui peut améliorer la prestation des soins de santé en matière d'utilisation des médicaments, et clairement l'intention thérapeutique tout autant que la possibilité de signaler à la pharmacie qu'on veut cesser un médicament représentent des outils très appréciés.

M. Couillard: Et en pratique comment se note l'intention thérapeutique dans votre expérience pilote? Est-ce que c'est le diagnostic qui apparaît, ou est-ce que c'est un code, ou est-ce que c'est un symptôme?

M. Perreault (Robert): Ce sont essentiellement...

Mme Tamblyn (Robyn): Tous les deux.

M. Perreault (Robert): Toutes les raisons possibles.

Mme Tamblyn (Robyn): Toutes les raisons.

M. Couillard: Le médecin choisit.

Mme Tamblyn (Robyn): Oui.

M. Couillard: Par exemple, si quelqu'un vient pour une pneumonie, il pourrait marquer «infection respiratoire», ou il pourrait marquer «pneumonie à droite», ou il pourrait ne rien écrire.

Mme Tamblyn (Robyn): Oui. Pour chaque médicament, il y a une petite liste qui présente les diagnostics, les symptômes et une autre raison peut-être que les médecins écrivent dans cette prescription.

M. Couillard: Donc, il coche une de ces...

Mme Tamblyn (Robyn): Oui, oui.

M. Perreault (Robert): C'est un menu déroulant, et il n'a qu'à cocher la raison. Il y a un espace de texte libre où il peut inscrire une raison qui ne ferait pas partie de la liste.

M. Couillard: Et vous dites que votre recherche n'est pas terminée, si je comprends, donc vous n'êtes pas en mesure de nous en donner les résultats. Mais avez-vous des idées préliminaires sur le bénéfice que ça a apporté ou les impacts que ça a apportés?

Mme Tamblyn (Robyn): L'objectif de MOXXI Québec est de faire une évaluation de l'impact pour la pharmacie et pour les patients. Maintenant, la première évaluation est avec les médecins. Est-ce que c'est acceptable pour les médecins? Et la réponse, c'était que la question est vraiment acceptable pour les médecins, dans l'étude. Pour toutes les ordonnances, il y a une intention thérapeutique...

M. Perreault (Robert): Signifiée.

Mme Tamblyn (Robyn): ...signifiée, oui.

M. Perreault (Robert): En d'autres mots, il n'y a pas de résistance au niveau du terrain.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, ça ira, du côté ministériel? Oui? Alors, je cède la parole au député de Borduas.

M. Charbonneau: Et je prie, M. le Président, de vous conserver quelques minutes. Je sais que vous vouliez poser une question, alors vous me ferez signe.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Je vous ai à l'oeil.

M. Charbonneau: De consentement, sans doute, parce que je pense que vous êtes le dernier groupe aujourd'hui.

Je vais vous dire, écoutez, la première réaction que j'ai en vous écoutant, c'est: si vous n'avez pas été consultés pour la préparation du projet de politique qui est devant nous, à partir d'aujourd'hui, vous devriez l'être. Je ne sais pas si vous avez été dans le coup, mais, si j'étais à la place du ministre, je vous dirais: Maintenant, vous allez vous brancher avec ma gang puis vous allez faire en sorte que la bonification se fasse, parce qu'il me semble que c'est le gros bon sens, là.

Moi, je suis un simple citoyen, député, patient, utilisateur de médicaments comme tout le monde, et je ne peux pas comprendre qu'on puisse questionner le fait qu'il faut avoir un portrait global pour avoir finalement la meilleure façon de me traiter, et j'ai de la difficulté à comprendre et à accepter qu'il y aurait encore des résistances et qu'on accepterait ces résistances-là pour aller là où il faut aller. Et la question que j'aurais le goût de vous poser, parce qu'il me semble que c'est tellement fondamental, tellement... Je veux dire, en quelque part, ça tombe sous le sens, et, dans ce sens-là, on a eu une entreprise qui s'appelle Visual Medical Clinical, ou quelque chose comme ça, VisualMed, qui est venue. Je ne sais pas si vous la connaissez, c'est une entreprise québécoise. Ce serait intéressant de savoir si vous avez été en contact avec cette entreprise québécoise qui nous a présenté un produit semblable. Et, si vous dites que vous n'avez pas été en contact, je ne veux pas faire l'entremetteur, mais je pense qu'au Québec les gens qui s'intéressent à cette question-là devraient se parler.

n(17 h 40)n

Moi, souvent, comme député, quand des gens viennent à mon bureau de comté, j'essaie de les mettre en contact avec d'autres. Je me dis: Il me semble qu'il y a quelque chose là. S'il n'y a pas un problème de compétition épouvantable... Je ne sais pas si vous connaissez leur... Si vous le connaissez, j'aimerais ça savoir un peu ce que vous en pensez, parce qu'indépendamment du produit, là, au plan de l'entreprise privée, c'est l'approche qui nous a été suggérée. Ça fait deux groupes, là, avec vous aujourd'hui qui venez nous dire: L'information et l'utilisation des nouvelles technologies feraient faire des progrès considérables au Québec quant à l'utilisation des médicaments et à l'amélioration aussi de la santé des personnes. Parce que ce n'est pas juste de diminuer le coût du régime, c'est de faire en sorte que les gens soient plus en santé, alors qu'on ait une meilleure utilisation des médicaments.

M. Perreault (Robert): Oui. Bien, M. Charbonneau, vous exprimez, quand vous vous demandez comment il se fait qu'on soit encore en train de penser à ces affaires-là, l'opinion publique. Les patients des médecins qui participent à nos expériences sont toujours étonnés que ces choses-là n'existent pas déjà... des commentaires du genre: Mon dentiste me téléphone quand c'est le temps que j'aie un rendez-vous, ou bien: Mon garage me téléphone, le lendemain d'une visite, pour savoir si j'ai été satisfait du service. Comment se fait-il que ça ne se passe pas dans le système de santé? On entend bien sûr ce genre de questions là.

Maintenant, pour ce qui est de VisualMed, je ne connais pas l'entreprise que c'est devenu, mais nous connaissons très bien le produit, qui est un système d'information en requête- résultat destiné au milieu hospitalier, qui a été développé à l'Hôpital Royal Victoria et qui était, à l'époque où on en a pris connaissance, un produit extrêmement intéressant. Il y a d'autres outils qui ont fait l'objet d'évaluations scientifiques, notamment à Brigham and Women's, à Boston, qui ont montré des résultats extrêmement intéressants, une capacité, par exemple, de réduire les erreurs morbides ou mortelles de 53 % à l'intérieur d'un hôpital. Nos propres études en externe ? parce qu'il faut distinguer beaucoup, hein, le milieu interne et le milieu communautaire, c'est deux environnements complètement différents ? nos propres études MOXXI-I, le premier projet MOXXI a montré des résultats de 18 % à 20 % de réduction d'erreurs morbides ou mortelles, et ce, avec un logiciel qui était, avouons-le, un peu bancal, parce qu'il avait été développé maison il y a plusieurs années. Mais malgré tout le fait de connaître les médicaments pris par un patient, le fait de pouvoir filtrer les interactions médicamenteuses sont effectivement des facteurs d'amélioration de la qualité puis de protection.

M. Charbonneau: Aujourd'hui, là, ça nous prendrait combien de temps pour éventuellement... Est-ce qu'on est prêts, aujourd'hui ou bientôt, à implanter cette approche-là? Et ça nous coûterait combien? Parce que dans le fond, moi, j'entends ça, je suis ministre de la Santé ou je suis critique. C'est pour ça que je me dis: Ça, c'est extraordinaire. Ça me coûte combien? Puis c'est-u prêt?

M. Perreault (Robert): Oui. Bien, pour est-ce que c'est prêt, la réponse à ça est oui. Combien ça coûte? Ils me font sortir de la pièce à chaque fois qu'il est question d'argent, alors je ne peux pas vous le dire, je ne le sais pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Perreault (Robert): Nous ne sommes pas, Dre Tamblyn et moi, une entreprise commerciale.

M. Charbonneau: Non, non, mais je veux dire...

M. Perreault (Robert): Mais ce n'est pas très cher. Je veux juste peut-être revenir parce que vous avez posé la question de façon tentante pour que j'y réponde maladroitement. Mais, écoutez...

M. Charbonneau: Je vais essayer d'être plus tentant, là.

M. Perreault (Robert): Non, attendez. Écoutez...

M. Charbonneau: C'est d'intérêt public, là.

M. Perreault (Robert): C'est d'intérêt public, bien sûr. Il y a actuellement, au ministère de la Santé, une politique d'informatisation du réseau de la santé, qui est une politique nécessaire, qui est exigée aussi pour participer au financement fédéral sur ces questions-là. Maintenant, c'est une politique de longue haleine, qui va peut-être prendre cinq ans, 10 ans à se déployer réellement. Il y a, en parallèle, des besoins d'assurer des fonctions à l'intérieur du système de santé. Nous sommes ici, aujourd'hui, pour faire l'apologie de la gestion intégrée des médicaments, et je pense qu'il faut arriver, et je pense que c'est en train de se faire, à ne pas tout intégrer et attendre qu'on soit rendu aux médicaments dans le déploiement de la politique d'informatisation. Et ça, je pense que, d'ici trois ans, on est capables de déployer des systèmes, comme ceux que je viens de décrire, à travers l'ensemble du territoire.

M. Charbonneau: O.K. Deuxième question qui, moi aussi...

M. Perreault (Robert): En y allant systématiquement.

M. Charbonneau: En y allant systématiquement.

M. Perreault (Robert): Oui.

M. Charbonneau: Bien, écoutez, ma job maintenant, ce sera de faire le suivi de mon côté de l'Assemblée pour voir si on va y arriver.

M. Perreault (Robert): O.K.

M. Charbonneau: Deuxième chose, c'est, bon, mon collègue le président vous l'a dit, j'ai été beaucoup intéressé, et je continue de l'être, à la participation publique, à la participation citoyenne, et je crois aussi, là, qu'il y a des progrès importants qui doivent être faits. Il y a des gens qui sont venus nous dire qu'on ne fait pas assez de place, au Conseil des médicaments, justement aux patients. Vous, ce que vous nous avez dit, c'est que les patients devraient être dans le coup dès la première ligne, c'est-à-dire au niveau de leur médecin puis de leur pharmacien.

Mais est-ce que vous pensez que les citoyens patients devraient aussi être utilisés d'une façon plus efficace pour faire en sorte qu'à un niveau supérieur, quand on a à approuver des médicaments, on doit faire... ou est-ce que ce n'est pas à ce niveau-là que vous les voyez?

M. Perreault (Robert): Je pense qu'ils doivent faire partie de ce processus décisionnel là. Comme citoyen, je souhaiterais qu'il y ait des représentants des citoyens qui s'expriment à ce niveau-là. On sent, à la lecture de la politique, une intention d'améliorer les processus au niveau du Conseil du médicament. Clairement, il y a lieu d'avoir une représentation.

Maintenant, quand on parle de représentation citoyenne, on a plusieurs niveaux. Notre niveau à nous, vous l'avez compris puis vous l'avez mentionné, c'est un niveau presque de consommateurs. On dit: On est des gens qui devront nous défendre dans un univers avec des embûches puis des problèmes de santé. Comment est-ce qu'on peut, nous, prendre en charge notre propre condition ou celle de nos proches et influencer le processus direct? Ça, c'est l'objet de ce que j'ai présenté.

L'autre niveau, le niveau de la représentation, d'autres sauraient mieux que nous probablement avoir la formule juste. Le défi, bien sûr c'est de savoir quand est-ce qu'un citoyen devient représentant d'un groupe d'intérêts particuliers et que ce groupe d'intérêts particuliers là défend des intérêts. C'est probablement vous, l'expert, là, mais, moi, je n'ai pas les compétences pour bien définir cette représentation-là pour qu'elle garde l'essentiel de ce que le citoyen, comme individu, a à traduire devant des groupes comme ceux-là.

M. Charbonneau: Alors, je vous rassure en vous disant que je ne suis pas l'expert mais que j'ai engagé, cette semaine, un expert: ma recherchiste a un doctorat dans ces questions-là.

Alors, le troisième aspect, c'est que vous avez parlé... Dans le fond, vous avez mis en garde sur l'utilisation exagérée, si j'ai bien compris, ou trop grande des médicaments novateurs. Juste avant vous, c'était l'industrie des médicaments novateurs qui venait nous dire qu'on devrait en faire plus, et dans le fond leur intérêt eux autres, c'est qu'on en consomme plus, de leurs médicaments. Comment on fait? Comment on concilie, dans une politique des médicaments, votre intervention et celle d'une industrie qu'on a voulu favoriser puis qu'on voudrait encore favoriser, parce qu'elle est de pointe, tout en ne tombant pas exagérément dans l'appel de la sirène qui nous amènerait à en consommer plus que nécessaire? C'est un peu ce que vous nous avez dit, si j'ai bien compris.

M. Perreault (Robert): Oui, tout à fait. Ce que je vous ai dit, c'est qu'il y a des indications pour les médicaments novateurs. Ils sont novateurs parce qu'ils règlent des problèmes de plus en plus pointus, et donc il y a une indication. Ce qu'il nous manque actuellement, c'est une façon d'arriver à cette décision-là pour les médecins, parce que les médecins ne disposent pas nécessairement de l'information nécessaire. Il est plus facile souvent, puis plein de monde vous l'auront dit, de prendre connaissance des publicités ou des campagnes de lancement d'un nouveau médicament que de prendre connaissance de lignes de conduite qui sont dictées par le Collège des médecins. Ça arrive dans le courrier, c'est blanc, et puis on le lit un peu, puis on le met sur le coin, puis là on est bombardés par de la publicité, on est bombardés par la demande des patients pour des nouveaux médicaments.

M. Charbonneau: Bombardés par des vendeurs efficaces des compagnies pharmaceutiques qui parfois savent exactement ce qu'on prescrit puis qui viennent nous voir parce que justement ils savent qu'on ne prescrit pas assez de leurs médicaments, qu'on prend celui du concurrent ou encore qu'on...

M. Perreault (Robert): Bien, absolument. Puis, tant que le marché est ouvert et que ça demeure un peu artisanal, tout le monde a le droit de gagner sa vie, et c'est ce que fait l'industrie pharmaceutique. Maintenant, si on systématise le processus de gestion des médicaments, au niveau du médecin et du patient et du pharmacien, on vient de régler une partie du problème, et c'est le propos que nous tenons depuis le début de la présentation. Ce n'est clairement pas une solution à l'ensemble de cette problématique-là parce qu'il y a le développement économique dont on doit tenir compte, mais en même temps, si les bons médicaments sont prescrits aux bons patients, l'industrie ne va certainement pas pouvoir être contre cette vertu-là, et en même temps il va y avoir des économies au bout de la ligne.

n(17 h 50)n

Comment on concilie ensuite l'attrait qu'on veut exercer, au Québec, pour l'industrie pharmaceutique avec ça? Bien, j'ai lu, ailleurs dans la politique, toutes sortes d'autres mesures que je ne commenterai pas, faute de compétence. Mais je pense que notre message aujourd'hui, c'est: réglons la gestion des médicaments entre le pharmacien, le patient et le médecin, et, au-delà de ça, on sera en mesure de mieux traiter des autres questions. C'est essentiellement ça qu'on veut dire.

M. Charbonneau: C'est le trio fondamental.

M. Perreault (Robert): C'est le trio fondamental, puis le patient, j'insiste encore, a besoin de participer.

M. Charbonneau: Je sais que mon président voulait...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, M. le président. Alors, deux petites questions. La première concerne votre mémoire sur le patient comme une ressource à mieux exploiter dans la gestion de ses propres démarches thérapeutiques. J'imagine que vous avez déjà travaillé sur de nombreuses expériences pilotes dans le domaine, que vous avez développé des outils. Qu'est-ce qu'on fait avec la question de l'écart technologique dans ces situations-là? C'est-à-dire qu'on peut comprendre qu'il y a des gens qui sont déjà habilités à manoeuvrer facilement sur Internet, courriel, Web, etc., peuvent profiter rapidement des avancées technologiques comme celles-là, mais comment réagissent... et comment on peut adapter l'environnement à des personnes qui seraient peut-être plus éloignées de cette culture informatique au point de départ? Est-ce que vous avez examiné ça?

M. Perreault (Robert): Tout à fait. Il y a trois composantes, je pense, à la réponse que je vais formuler. D'abord, il faut savoir que 64 % de la population de Montréal et 60 % de la population du Québec, selon les derniers sondages, montrent que les gens disent avoir fréquenté Internet au moins une fois dans la dernière semaine. Donc, c'est devenu une technologie qui n'est plus nouvelle, elle fait partie des meubles.

Deuxièmement, il y a des expériences extrêmement intéressantes, dont un numéro spécial paru il y a maintenant trois ans ou trois ans et demi dans Medical Care, une revue médicale américaine sur l'utilisation de la téléphonie interactive automatisée, où on montrait que, pour les gens qui n'ont pas de grandes compétences techniques, la téléphonie est un outil très intéressant pour avoir accès à de l'information santé. Malgré ce qu'on en pense, quand on téléphone puis qu'on tombe sur une machine, une machine bien pensée est capable d'offrir une information de bonne qualité.

Juste pour mémoire, je souligne que, dans les centres d'appel comme Info-Santé, on sait que 95 % des problèmes présentés, c'est à peu près 30 à 38 problèmes de santé, donc il y a beaucoup de redondance. On est capables d'offrir une information de base au plus grand nombre.

Le dernier élément associé à cette réponse, c'est l'expérience du National Health Service, en Angleterre, qui est partie d'un outil Web et d'un outil de type Info-Santé et a migré vers deux choses: d'abord, l'utilisation de la télévision, mais à partir toujours du même corpus de connaissances. Donc, c'est cohérent partout. Et, deuxièmement, la création de kiosques dans les bibliothèques publiques, dans les lieux où les gens peuvent avoir un accès facilité à la technologie, parfois par le biais d'une certaine aide.

Inspirés par cette démarche-là, nous avons ? et là je parle dans le contexte de la Direction de santé publique de Montréal ? amorcé un dialogue avec les nouveaux CSSS de notre région pour qu'ils créent des centres d'éducation pour la santé qui sont des endroits conviviaux et accueillants pour aider les gens de leurs communautés, qui auraient des difficultés d'autogestion de l'information, à prendre connaissance de l'information en utilisant toujours des outils technologiques ou alors des outils vidéo, mais en présence de quelqu'un qui s'assure qu'on a compris ou, si on a des questions, qui est en mesure d'y répondre. Alors, il y a une grande variété d'interventions qu'on peut moduler pour répondre à cette question-là que vous posez, qui est fort légitime, par ailleurs.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Associée à cette question, la deuxième qui vient à l'esprit, c'est les expériences qui ont été menées. Les informations dont vous nous parlez s'appliquent, il me semble, d'après ce que j'entends, davantage à la capacité du patient d'interagir avec son médecin. Est-ce qu'on a aussi examiné les mêmes outils sous l'angle de la capacité du patient à mieux gérer sa consommation de médicaments?

M. Perreault (Robert): Oui. Il y a des expériences américaines, entre autres d'un Dr David Levy, qui montrent que le patient qui dispose de l'information associée à ses médicaments mais pas uniquement de cette information-là est un patient qui va poser plus de questions, qui va poser plus de questions critiques et qui va se montrer moins satisfait des réponses simplistes qui lui seraient données. Ça, c'est en utilisant la technologie. Mais, si on remonte aux travaux de Debra Roter, à l'Université de Chicago, datant du début des années quatre-vingt, cette dame-là avait commencé à travailler sur la répétition de questions, à partir d'une salle d'attente du coeur de la ville de Chicago, essentiellement composée de femmes défavorisées, et elle s'assoyait avec ces femmes-là et leur disait: Qu'est-ce que vous voulez demander à votre médecin quand vous allez rentrer dans le bureau? Et le fait de pouvoir formuler les questions amenait ces gens-là à poser des questions beaucoup plus spécifiques et à utiliser cette information-là, parce qu'une information qui n'est pas spécifique est inutile dans ces domaines-là, et les gens peuvent s'approprier la réponse de façon beaucoup plus précise.

Alors, vous voyez, il y a toute une tradition de participation à la prise de décision en santé par le patient, qui part d'une vision artisanale et qui tranquillement intègre les développements technologiques pour la simple raison qu'ils ont un effet multiplicateur extraordinaire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Sur consentement des membres, je céderais la parole à la députée de Rimouski. On a jusqu'à 6 heures, on ne dépassera pas.

Mme Charest (Rimouski): Rapidement, à ce moment-là, si ça va? Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui. Je pense avoir obtenu le consentement.

Mme Charest (Rimouski): Oui?

M. Charbonneau: Le ministre n'oserait jamais dire non à sa collègue de Rimouski.

Mme Charest (Rimouski): Alors, merci. Merci à vous deux de nous partager votre expertise, je pense que c'est très approprié pour la réflexion qu'on a à faire.

Pour optimiser la gestion en ligne pour l'optimisation des médicaments, vous dites que la relation entre patient, médecin et pharmacien doit être très étroite. À ce moment-là, quand on parle de faire connaître l'intention thérapeutique au pharmacien, est-ce que ça va de soi pour vous qu'on puisse vraiment parler de l'optimisation ou si l'intention thérapeutique, qui est connue strictement du médecin, n'entrave en rien la qualité de l'information que l'on a besoin d'avoir pour optimiser les médicaments?

M. Perreault (Robert): Écoutez, la recherche qu'on mène actuellement va donner une réponse plus structurée à cette question-là. À titre anecdotique, c'est-à-dire sur la foi des deux ans, là, où on déploie ce projet-là dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, il semble que ce soit un facteur favorisant pour rapprocher le médecin et le pharmacien, qui jouent au chat et à la souris depuis toujours, hein? Si vous regardez le nombre de coups de téléphone qui doivent se donner pour qu'une information simple transite entre un médecin et un pharmacien, parlez à n'importe qui des praticiens, ils vont vous dire que ce n'est pas très, très efficient. Alors, les gens qui voient une meilleure source d'information plus efficace sont très intéressés à l'utiliser. L'autre participant, le patient, il doit, lui aussi, connaître l'intention thérapeutique. Alors, je pense que c'est important que l'intention thérapeutique soit traitée comme une valeur partageable.

Encore une fois, j'insiste pour dire que ce n'est pas nécessairement un outil de contrôle de qualité, c'est un outil de circulation d'une information qui est vitale pour le patient. Et un patient éduqué, généralement il va l'avoir écrit puis il va dire au pharmacien: Écoutez, je viens pour ça.

Le problème, c'est qu'il se perd beaucoup d'information. Imaginez une jeune mère qui se voit prescrire quelque chose, puis son plus jeune fait une crise en sortant du bureau, puis là elle a des sacs puis toutes sortes d'affaires, l'intention thérapeutique disparaît. Alors, le patient n'est pas le meilleur convoyeur d'une information qui peut lui être la plus utile. Il faut donc se poser la question de comment arriver à ce que cette information minimale transige entre les trois partenaires de notre trio, notre triade. Et l'outil qu'on est en train de développer est une des solutions, bien sûr.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Ce fut une fin de journée fort intéressante. Merci, Mme Tamblyn. Merci, M. Perreault. La commission ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, 9 h 30, de retour dans cette même enceinte.

(Fin de la séance à 18 heures)


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