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Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le jeudi 12 mai 2011 - Vol. 42 N° 7

Consultation générale et auditions publiques sur l'avant-projet de loi - Loi sur l’aménagement durable du territoire et l’urbanisme


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures cinquante-sept minutes)

Le Président (M. Morin): S'il vous plaît! Bonne fin d'avant-midi tout le monde. Comme je constate le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'aménagement du territoire ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir vérifier vos téléphones cellulaires.

Donc, le mandat de la commission est de poursuivre la consultation générale et de tenir des auditions publiques à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi sur l'aménagement durable du territoire et l'urbanisme.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a pas de remplacement.

Le Président (M. Morin): En ce jour, nous allons recevoir l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique. Ensuite suivra l'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts. En après-midi, on recevra le Rassemblement pour la sauvegarde du 1420 Mont-Royal, Équiterre, le Barreau du Québec. Et nous ajournerons à 17 h 45.

Donc, Mme Kim Cornelissen -- oui, Cornelissen? -- je vous cède la parole. Et vous avez une période de 15 minutes pour...

Auditions (suite)

Association québécoise de lutte contre la
pollution atmosphérique (AQLPA)

Mme Cornelissen (Kim): D'accord. Alors, M. le ministre, Mmes les députées, MM. les députés, M. le Président, l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, appelée plus communément l'AQLPA, a tenu à déposer un mémoire sur la réforme de l'aménagement durable et de l'urbanisme, le projet de réforme, parce que ça a une énorme influence non seulement sur la qualité de l'air, mais sur plusieurs principes de base de l'AQLPA.

J'imagine, comme vous l'avez lu, je ne vous le lirai pas au complet, je vais vous parler des grands mots. On a des inquiétudes au niveau de la participation citoyenne, de la façon dont elle est vue dans le projet de réforme et de la possibilité pour les citoyennes et les citoyens de s'opposer à des projets à divers niveaux. Or, ça représente, selon nous, le fondement même de la démocratie, d'autant plus que l'AQLPA est un organisme environnemental qui fait de l'éducation populaire et de la force de la participation citoyenne deux de ses grandes forces et de ses mandats.

On s'inquiète... Je vais y aller un peu, dans le fond, avec les six grandes remarques qu'on a faites. Peut-être juste, avant, vous dire l'AQLPA, c'est qui. L'AQLPA, on est connus, entre autres, pour la question du gaz de schiste, qu'on a sortie en septembre 2009 et qui continue, et tout ça, toute la recherche qu'on a faite avec les groupes citoyens. On est également... Ces jours-ci, vous avez probablement dû entendre parler du programme Faites de l'air!, qui est l'idée de sortir les véhicules de la route, et on a eu un succès de 200 %, ce qui est quand même intéressant comme bilan, donc avec le MDDEP, et ça continue. Et on est également dans les sommets, à Cancun, et tout ça, les sommets, et tout. On siège également à la... bien, on siège, dans les cas de Gaz Métro et d'Hydro-Québec, pour les dossiers à la Régie de l'énergie. Et on est également membres du Comité de gestion, entre autres, du Fonds en efficacité énergétique.

**(12 heures)**

J'ai pris la rédaction de ce document-là parce que je suis urbaniste de formation à l'UQAM, maîtrise et baccalauréat. J'ai été également élue municipale pendant huit ans, deux fois candidate à la mairie. Et j'ai dirigé un... j'ai été coordonnatrice du seul réseau d'élues municipales du Canada qui était structuré, et tout ça, le Réseau des élues municipales de la Montérégie, où on avait des succès aussi très intéressants, dont, à un moment donné, la moitié des préfètes du Québec. Et je participe de façon régulière aux travaux en soutien au développement durable de la Montérégie-Est, d'où je viens, par ailleurs.

Alors, ce qu'on a regardé, on a regardé toute la question de l'aménagement du territoire, bien sûr, en lien avec le transport. On a regardé la possibilité de développer des énergies renouvelables, la question de diminuer l'impact des énergies fossiles, les quartiers urbains durables ou le soutien à la construction énergétique. Et bien sûr on a regardé les processus de consultation publique. Et, comme on a une magnifique Loi sur le développement durable au Québec, bien, bien sûr, on l'a analysé à la lumière des 16 principes de la Loi sur le développement durable.

Alors, le premier constat -- en fait, ça... puis je pense que je pourrais même dire ça en avant-propos -- c'est que, dans le fond, la loi sur l'aménagement et le développement durable, c'est une loi qui est fondamentale parce que c'est vraiment la loi qui gère le territoire, si on peut dire. Puis, bien qu'il y ait d'autres lois, et tout ça, c'est, comment dire, l'assise de ce qui se passe au Québec. Donc, la façon dont on voit ça à l'AQLPA, nous, c'est que cette loi-là, c'est un peu la vision du Québec aussi par rapport à son territoire. Et on ne doute absolument pas des intentions de la loi par rapport au caractère durable, mais on s'inquiète de la façon dont ça se matérialise.

Par exemple, il y a la question des gaz à effet de serre, qui est mentionnée mais sans plus. Ensuite, toute la question de l'adaptation aux changements climatiques, et je pense que les événements récents, entre autres en Montérégie, sont assez clairs qu'il y a quelque chose qui se passe. Et on ne voit pas... En tout cas, nous, on pense que ça aurait dû faire partie de la loi de regarder cet aspect-là.

L'autre chose, puis là je parle à titre peut-être d'ancienne élue, c'est tout le fait que, quand une municipalité veut être plus restrictive que sa MRC ou que la MRC veut être plus restrictive que la communauté métropolitaine, d'après ce qu'on comprend, ça ne sera pas possible. Il y a comme une espèce de planification. Puis on comprend que c'est intéressant qu'il y ait une planification. Sauf que, par exemple, les villes qui sont en train de se donner des agendas 21, comme Sorel-Tracy, par exemple, et tout ça, souvent ne pourront pas être plus restrictives que ce que la MRC dit ou ce que la... et vice et versa avec la MRC, ce qui nous semble aller un peu à l'encontre du principe de subsidiarité.

La deuxième chose, c'est les zones franches d'approbation référendaire. On comprend... Un des problèmes qu'on voit dans la loi, c'est qu'il y a la réalité qui s'appelle Montréal et la communauté métropolitaine, puis il y a la réalité du reste du Québec ou en dehors des neuf grandes villes, qui est tout autre. Or, les zones franches d'approbation référendaire pour densification, ça peut être magnifique à Montréal, ça ne le sera certainement pas dans la troisième couronne de Montréal ou de Québec, où est-ce que, si on densifie des petits villages, dans le fond, on se trouve à intensifier le problème. C'est un problème qu'on voit beaucoup, beaucoup en Montérégie, entre autres, mais qu'on voit autour de Québec, qu'on voit un peu partout. Je pense que ça serait intéressant de séparer... Parce qu'on comprend tous que ce qu'on veut faire là-dedans, c'est d'éviter l'étalement urbain. Mais, si on densifie en dehors des grands centres urbains, on se trouve à recréer l'étalement urbain. En tout cas, il y a une réflexion à faire là-dessus.

On aurait aimé ça voir quelque chose sur toute la question de l'écofiscalité, sur l'obligation du 10 % de lotissement. Vous connaissez très bien le 10 %. Ce n'est pas obligatoire et ce n'est pas strictement réservé. C'est pour les parcs et espaces verts, donc on peut les employer pour différentes fonctions. Mais ça serait le fun que, un, ça devienne une obligation plutôt qu'un volontaire, et je suis pas mal sûre que ça serait assez bien vu.

La deuxième chose, les îlots de chaleur. Ça existe en ville, ça existe un peu partout maintenant. Il aurait pu y avoir des choses intéressantes là-dessus parce que, nous, on le voit vraiment dans une perspective de développement durable.

Ensuite, le deuxième constat, pour être honnête, on a été un peu étonnés de voir qu'il n'y avait absolument rien sur la production locale d'énergie, qui s'en vient un petit peu au Québec. C'est relativement nouveau que les municipalités soient confrontées, si je peux dire, avec des questions énergétiques, non seulement parce qu'on a Hydro-Québec... Il y avait bien beau... quelques barrages, là, des petits barrages, mais c'est une réalité qui va devenir de plus en plus consciente avec toute la question de l'énergie renouvelable. Je suis convaincue que c'est ça que le gouvernement... on est convaincus que c'est ça que le gouvernement veut, le gouvernement du Québec veut. Ça aurait été intéressant de le voir là-dedans.

Et là le genre de question qu'on voit apparaître, par exemple, c'est bien beau, les parcs éoliens, puis ça, c'est mieux structuré, et tout ça, mais les gens commencent à dire: Ah! je pourrais avoir une éolienne dans ma cour. Ah! je pourrais en avoir une, je pourrais avoir des panneaux solaires, des ci et des ça. Comment est-ce qu'on gère tout ça qui s'en vient? Géothermie, comment est-ce qu'on va faire ça? Comment est-ce qu'on s'assure que les gens, par exemple, qui posent des panneaux solaires n'auront pas un building un peu plus haut à côté qui va s'installer, toutes ces choses-là? Ça mériterait une réflexion qui pourrait très bien être dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. La construction des toits végétaux, c'est la même chose. Présentement, je pense que le mouvement vert est enclenché au Québec. Maintenant, on aurait aimé ça le retrouver là-dedans.

L'autre chose, c'est très certainement... on a l'impression que la préservation du couvert forestier aurait pu être plus assurée dans la loi. Ensuite, le troisième constat, et ça, je suis certaine que vous allez l'entendre beaucoup, c'est le maintien de l'article 246 qui donne préséance à la Loi sur les mines. Je pense que tout le monde va aller dans le même sens de ne pas le reconduire ou de le mettre inopérant pendant au moins la période que l'étude environnementale stratégique est faite, parce que ça serait un geste relativement, je crois, facile à faire, qui donnerait vraiment une chance aux municipalités et à tout le monde, comment dire, de... On est en pleine réflexion sur ce sujet-là. Il va y avoir beaucoup d'études sur la question des gaz de schiste. Alors, je pense que ça serait fondamental de s'assurer que l'article 246 est inopérant et surtout pas reconduit dans l'article 327.

Ensuite, une autre préoccupation qu'on a, c'est toute la question du patrimoine, parce que la question le patrimoine n'apparaît qu'en théorie, en gros, et il y a toute la question de la démolition. Et là on peut très bien comprendre que la démolition d'un bâtiment insalubre, ça peut être une bonne affaire, sauf que, de la façon dont c'est fait, les avis publics étant très courts... Je ne sais pas si vous avez déjà eu le travail de protéger des maisons anciennes, et tout ça, mais ça va devenir plus difficile, selon nous, de protéger le patrimoine, de la façon dont c'est fait, surtout que, de ce qu'on comprend, puis je vais y revenir un petit plus tout de suite après, il y a toute la question que maintenant il va y avoir une séance d'information, il va y avoir une séance de consultation publique, mais une consultation publique, ça permet aux gens de s'exprimer, mais ça ne permet pas aux gens de s'opposer vraiment. Il y a un 60 jours où est-ce qu'on peut dire des choses, mais il manque une structure qui fait comme: Non, on ne veut pas que ce bâtiment-là soit démoli. Oui, il y a la Loi sur les biens culturels, il y a plein de choses, mais, si vous avez été mêlé à des dossiers patrimoniaux, c'est pas mal plus compliqué que ça en réalité.

Et d'une façon générale aussi, puis ça, c'est peut-être une habitude à prendre en développement durable, c'est que souvent la rénovation s'avère beaucoup moins problématique pour l'environnement que la construction. Or, on n'a pas retrouvé rien qui était sur la question de la rénovation. Et il y a même des choses qui s'en viennent maintenant, qui s'appellent la déconstruction, qui mènent, par exemple, à des écocentres patrimoniaux -- je pense qu'il y en a un dans le Bas-du-Fleuve -- qui sont des idées très intéressantes, qui s'enlignent dans la question de la consommation responsable, et tout, et qui pourraient être fort, fort stimulants pour les villes. Vous savez que, quand vous rénovez un bâtiment plutôt qu'en construire un nouveau, vous bouleversez beaucoup moins le milieu ambiant, le milieu environnant.

Ça fait qu'ensuite il y a toute la question de la protection... Bien, j'en ai parlé un petit peu. Non, ça, ça va, j'en ai parlé. Et enfin ce qui nous inquiète vraiment... Puis là je vais vous dire, quand j'étais élue municipale, j'étais dans l'opposition. Alors, quand je vois un comité décisionnel d'urbanisme, ça m'inquiète un peu parce que, s'il y a seulement trois membres du conseil qui sont là-dessus, on s'entend que, l'opposition, il y a bien des chances qu'elle ne soit pas sur le comité décisionnel d'urbanisme, donc elle n'aura pas son mot à dire. Or, je pense qu'une opposition dans un conseil municipal, contrairement peut-être au mythe, c'est une bonne affaire, ce n'est pas nécessairement une mauvaise affaire. Ça permet d'amener une pluralité d'opinions.

Même chose avec le pouvoir discrétionnaire. L'impression que ça nous laisse un peu... Puis je peux comprendre que, dans certains projets qui seraient très verts, très intéressants, ça permet d'avancer malgré l'opposition, qui peut être mal informée ou qui peut être mal faite. Mais ça a également pour effet de donner l'impression qu'un citoyen, c'est un problème plutôt qu'une solution. Or, nous, on pense que... Et, pour l'avoir vécu, c'est vraiment citoyens, citoyennes et les élus ensemble qui font de quoi d'intéressant. Et bien sûr avec le gouvernement quand c'est possible. Ce n'est pas toujours possible.

Alors, l'idée qu'on a, nous, ce n'est surtout pas de réduire le pouvoir citoyen, c'est plutôt de l'augmenter. Personnellement, l'idée des consultations publiques est une très bonne idée, surtout si c'est des consultations publiques, mais ça prendrait un mécanisme, après, qui permet de s'opposer ou pas. Parce que vous savez très bien que, si on force les citoyens à accepter des projets sur lesquels ils ne peuvent pas vraiment agir, bien il va y avoir d'autres formes de pression, puis ça ne sera pas plus drôle, puis ce n'est pas ça, je pense, qui va faire avancer les municipalités.

Puis la question fondamentale qu'il y a derrière ça, puis c'est drôle parce qu'on en discutait tantôt dans le corridor, c'est l'idée: est-ce qu'on laisse tout le monde rester où est-ce qu'ils veulent vraiment, au Québec, ou est-ce qu'on regarde ça de façon globale et on... vraiment on fait une espèce de gestion du territoire? En tout cas, ça vaudrait la peine de se poser la question et, comme je vous disais tantôt, peut-être de séparer les milieux très densément peuplés, qu'on veut conserver quand même, avec les autres milieux, qui ont d'autres réalités, par ailleurs. J'ai eu la chance de lire le mémoire et de l'UMQ et de la FQM, et on voit très bien la différence, de façon générale, entre les deux.

Ça fait que c'est un peu tout ça. Oui, c'est un peu tout ça. Merci.

**(12 h 10)**

Le Président (M. Morin): Merci beaucoup, Mme Cornelissen. Vous vous êtes présentée devant nous une femme déterminée. Donc, M. le ministre, voulez-vous participer à cette conversation?

M. Lessard: Oui, oui. Bien oui, j'aimerais bien participer à cette conversation. On a combien de temps juste du côté ministériel, pour le fun?

Le Président (M. Morin): 16.

M. Lessard: 16 minutes? Donc, on va partager le temps avec mes collègues.

Alors, premièrement, bienvenue. J'apprécie. On voit que vous êtes très connaissante aussi. On comprend que ce n'est même pas un étalement. Ça nous a permis de comprendre dans quelle sphère... qui teinte bien, je pense, votre document. Hier, on a eu la chance de rencontrer Vivre en ville et les gens, donc, des conférences régionales en environnement aussi. On rencontrera Équiterre, qui ont un regard... Parce qu'on introduit la notion de développement durable dans la loi, pas parce qu'on n'en faisait pas, on le savait rien que moins. Alors, nécessairement, comme on l'a rappelé, donc, au Québec, avec la réduction des gaz à effet de serre, là, avec les objectifs qu'on a sur le Protocole de Kyoto, donc c'est nécessairement le transport qui active... et l'aménagement, nécessairement, du territoire est un volet fort important. Tout le monde a reconnu, je pense, qu'on a un pas dans la bonne direction.

Je ne sais pas si vous avez pris connaissance des plans métropolitains, parce qu'on a introduit, l'an passé, l'obligation des métropoles de faire des plans métropolitains d'aménagement au nom de huit objectifs, principalement une meilleure utilisation du territoire voué à l'urbanisation. Ce n'est pas parfait, mais il y a déjà un premier document qui a été déposé. En tout cas, je vous invite à le lire, parce que j'aimerais ça qu'on puisse se revoir éventuellement pour avoir un commentaire, parce qu'on travaille probablement dans une même direction, sur des mêmes objectifs. Et plusieurs des éléments dont vous relevez vont peut-être probablement faire partie des orientations gouvernementales. Alors, si vous avez des idées plus précises, inspirées, parce que je pense que vous avez l'air à être très ouverte sur le monde en général, de ce qui se fait, des meilleures pratiques, alors donc on va essayer...

Vous avez pu entendre un peu comment on le travaille. On a fait un avant-projet de loi. On veut tester aussi avec la réponse des différentes clientèles, parce que c'est de la responsabilité, c'est vrai, des municipalités régionales de comté mais aussi de toute la population. Et vous voyez l'effort qu'on fait de façon assez significative aussi en obligeant d'avoir des politiques de consultation et d'information, pensant qu'en amont, quand les gens sont mis dans le coup, la perte du droit ou... En général, on me disait qu'au Canada il n'y a pas de référendum dans les municipalités régionales de comté. Alors, on serait la seule province, apparemment. Ils ont d'autres formes, probablement, de tribunal spécialisé, etc., mais on essaie de trouver un équilibre entre un objectif, quand même, de densification... Parce que tout le monde nous a dit: Si vous ne passez pas à travers cet objectif-là dans un quadrilatère certain, et non pas au nom de certains objectifs de densification, donc ça veut dire que vous ne croyez pas non plus à la réduction des gaz à effet de serre, etc. Premier... Je veux vous entendre là-dessus.

Puis, deuxièmement, on comprend bien que ce périmètre-là dans lequel on peut s'affranchir au nom du développement durable et ses principes... je comprends que, dans des MRC très rurales, ce n'est pas obligatoire, c'est facultatif, alors je comprends que ce n'est pas un outil qui va être utilisé, probablement, par les élus. Ce qui veut dire que sur le système traditionnel ils seront donc là comme les règlements ordinaires parce qu'ils prévoient, sur certains volets, donc, des référendums. Donc, je veux rien que vous rassurer, ce dont on parle, sur le périmètre d'urbanisation, où est-ce qu'on peut s'affranchir, excusez, le référendum, c'est probablement pour, supposons... Les 10 grandes villes du Québec comprennent très bien ce pourquoi elles pourraient faire quelque chose. Les autres, les 25 autres peut-être peuvent les utiliser. Il faut rappeler qu'il y a près... Écoutez, il y a 1 100 municipalités au Québec. Je pense qu'il y en a 800 qui ont moins de 2 000, alors... puis, on me disait hier, il y en a à peu près 1 000 qui en ont moins de 5 000. Alors, des noyaux villageois... Le Québec est vaste, alors donc...

Mme Cornelissen (Kim): C'est un peu ça notre préoccupation...

Le Président (M. Morin): Oui, un instant.

Mme Cornelissen (Kim): Si je peux... Excusez.

Le Président (M. Morin): Oui, madame, allez-y.

Mme Cornelissen (Kim): Si je peux me permettre de répondre, c'est un peu ça notre préoccupation, parce qu'on a tendance à penser beaucoup aux grands centres, puis clairement c'est ça que ça vise. On peut le voir très bien puis on comprend très bien qu'il y a beaucoup d'exemples de quartiers plus durables, là. Puis, oui, il y a plein de choses là-dedans... au Québec. Ça va bien pour les neuf grandes villes -- 10, je ne sais pas c'est quoi, la 10e -- mais les neuf grandes villes...

Une voix: ...

Mme Cornelissen (Kim): Hein?

M. Lessard: Terrebonne.

Mme Cornelissen (Kim): Terrebonne. Mais, quand on sort de ça, puis on sort assez rapidement de ça, là, même en Montérégie, même dans Lanaudière, et tout ça, l'inquiétude qu'on a, c'est que ça permette à... bon, il y a plein d'élus qui ont du bon sens, et tout ça, mais que ça permette aussi de densifier à des endroits où est-ce qu'il n'y a pas... Parce que ça, ça pourrait être intéressant de dire: Là où il n'y a pas de transport en commun, où il n'y a pas d'infrastructure qui permette d'avoir une alternative à l'auto solo, on ne permet pas de continuer à densifier ou de continuer... de la même façon qu'on ne devrait pas permettre d'élargir les zones blanches. Et là la discussion qu'on a eue avec, entre autres... tantôt dans le corridor, c'était de dire: Oui, mais il faut que les municipalités se développent. Les municipalités ont différentes façons de se développer, d'où les demandes, souvent, qu'il y a que ça ne soit pas juste la réserve foncière qui permette de se développer. Parce que je ne pense pas qu'on ait avantage à ce que tous les petits villages de 500 personnes ou de 1 000 personnes deviennent tout d'un coup 5 000 personnes. Je pense qu'on perdrait le pari, si on faisait ça, là.

M. Lessard: Oui, c'est ça. Donc, je veux rien que peut-être compléter pour laisser la parole à mes collègues, pour utiliser le reste du temps. Je vous invite donc à faire d'autres commentaires, ce qui permettra, donc, de documenter. On est à établir la connaissance, là-dedans, pour la transmettre à travers la loi, des orientations, des guides, les meilleures pratiques, et pour rendre la vie plus facile aux utilisateurs qui ont à vivre avec une nouvelle génération de lois. Alors donc, tous vos propos seront retenus.

Puis je vais laisser, M. le Président, si vous me permettez, donc, mes collègues qui voulaient poser des questions...

Le Président (M. Morin): Oui. Merci, M. le ministre. M. le député de Rivière-du-Loup, vous voulez intervenir?

M. D'Amour: Oui. Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, madame, à ces auditions ce matin. Très heureux que vous soyez avec nous. D'abord, juste pour ma connaissance personnelle, quand vous avez fait allusion à un écocentre, dans le Bas-Saint-Laurent, qui traite les matériaux, disons, anciens ou patrimoniaux, c'est Rivière-du-Loup ou...

Mme Cornelissen (Kim): C'est ma soeur qui demeure à La Pocatière qui m'en a parlé, ça fait que ça doit être dans ce coin...

M. D'Amour: O.K. Kamouraska?

Mme Cornelissen (Kim): Je n'ai pas eu la chance de le visiter, là, mais l'idée est fort intéressante.

M. D'Amour: Parce que ça existe aussi à Rivière-du-Loup. Tant mieux si ça se multiplie parce que c'est quand même très important.

Lorsqu'on parle d'aménagement, c'est évidemment qu'il doit y avoir cet équilibre entre la volonté citoyenne... puis, dans le fond, les municipalités, les instances municipales se doivent d'être le reflet de cette volonté-là. Évidemment, dans le projet de loi, ce qu'on tente bien de faire ressortir, c'est cet équilibre, hein, qui doit exister entre les instances. Maintenant, ça arrive occasionnellement, hein... On vit au Québec, il y a le syndrome du «pas dans ma cour», on est souvent confronté à ça, et ça arrive qu'on est face à des projets intéressants qui nous amènent une dimension importante en matière de développement durable, mais ça suscite des débats. Souvent, c'est l'intérêt d'une collectivité ou d'une grande communauté, au sens général, qui est pénalisé.

J'aimerais vous entendre là-dessus, les moyens d'éviter ce type de situation là, faire en sorte que les collectivités puissent pleinement profiter de retombées positives en regard de certains projets reliés au développement durable. J'aimerais vous entendre là-dessus. Tantôt, on va revenir sur l'aspect patrimoine si vous le voulez bien.

Mme Cornelissen (Kim): O.K. Bien, en fait, sur cet aspect-là... Puis là je vais vous donner un exemple qu'on connaît bien, toute la question des éoliennes. Vous savez, la question des éoliennes... Puis là je vais prendre l'exemple du Danemark, je ne prendrai pas le Québec, puis... mais on va comprendre l'idée. Vous savez, au Danemark, ils se sont... ils ont... -- voyons! -- ils ont longtemps été ceux qui disaient: Ça fonctionne bien, on met plein d'éoliennes, et tout ça. Parce qu'à la façon dont ils le faisaient à l'époque, jusqu'en 2005, c'est qu'ils le faisaient avec les gens dès le départ. On a un projet, dès le départ on va voir les gens, on travaille avec eux autres puis on chemine avec eux autres. Et dans le cas du Danemark c'était encore plus frappant parce qu'il y avait des coopératives. Ça, c'était une autre réalité.

Or, en 2005, il y a eu un changement gouvernemental où là ils ont décidé qu'on ne fonctionnait plus comme ça. On y allait... C'est l'entreprise qui débarquait avec... et tout ça. Devinez qu'est-ce qui est arrivé. La chicane a pogné. Moi, je suis convaincue, puis spécialement au Québec, je suis convaincue que ce qu'il serait intéressant de rajouter dans la loi, c'est des processus... vraiment de pouvoir travailler ensemble les projets dès le début. Puis il y a des très bons projets verts, on s'entend là-dessus, qui vont profiter à tout le monde. Tout le monde veut plus de parcs, veut plus de... et tout ça. Mais, si on les travaille avec les gens...

C'est sur leur territoire, hein? Puis c'est un peu tout le problème de l'acceptabilité sociale au Québec. Si on débarque sur le territoire des gens, si on travaille avec eux dès le début... Les Québécois ne sont pas si... Ce n'est pas des gens bornés, mais ils veulent être impliqués dès le début. Et je pense qu'il y aurait une belle poignée, là, pour dire: Plutôt qu'on force un petit peu, parce que c'est un peu ça, qu'on force un peu les projets par des zones franches, des choses comme ça, travaillons... faisons la structure en sorte que les municipalités sont obligées de travailler avec leur monde dès le début, avec les groupes, ou en tout cas regardons la structure, et peut-être que le résultat serait intéressant. Et surtout dans des perspectives d'Agenda 21, où on doit le faire, de toute façon. C'est dans l'idée de l'Agenda 21.

M. D'Amour: Mais dans ce que vous abordez, lorsque vous parlez de l'industrie éolienne, le gouvernement a fait ce virage-là au cours des dernières années. Le principe de l'acceptabilité sociale... Je prends pour exemple... Chez nous, il y a un projet présentement et... Je ne sais pas si vous connaissez Saint-Paul-de-la-Croix, qui est une des plaques tournantes du Québec, en milieu rural...

Mme Cornelissen (Kim): Non, moi, je connais l'usine de biométhanisation de Rivière-du-Loup.

M. D'Amour: Il y a Saint-Paul-de-la-Croix, Saint-Épiphane... Tout ça pour vous dire qu'il y a des consultations présentement, et le principe de l'acceptabilité sociale, c'est un principe qui est mis en place par le gouvernement, et qui est respecté par les communautés locales, et qui donne des résultats. Ça, je pense qu'on doit... Je retiens votre propos ou votre message à cet égard-là qu'on doit pousser plus loin, hein, tout ce processus de consultation là, pour y arriver de façon plus claire. Je vous ai bien comprise?

Mme Cornelissen (Kim): Oui.

M. D'Amour: D'accord.

Mme Cornelissen (Kim): Mais on dit la même chose, là, oui.

M. D'Amour: Ceci dit, au niveau patrimonial... Puis, lorsqu'on parle de patrimoine, on a souvent surtout tendance à parler des vieux bâtiments, hein, ce qui existe au niveau des matériaux. La notion du patrimoine, vous touchez à tout dans votre proposition?

**(12 h 20)**

Mme Cornelissen (Kim): Dans ça, plus particulièrement... Il y a bien sûr le patrimoine naturel, il y a plein de patrimoines, là, mais dans ça c'était plus la question... Parce que c'était beaucoup la question de la démolition. Or, dans la question de la démolition, il y a beaucoup le patrimoine bâti ou les... comment dire, les ensembles patrimoniaux aussi, là. Puis j'incluais là-dedans le vernaculaire, vous savez, le vernaculaire, qui est toute l'architecture populaire. L'impression que j'ai, pour avoir défendu la maison Tétro-Ducharme, qui a fini par être démolie, à Saint-Marc-sur-Richelieu, c'est que, si on n'a pas des outils très, très clairs dans la loi, qui distinguent le patrimoine de la démolition, par exemple pour bâtiment insalubre, bien ça va être difficile de protéger le patrimoine en tant que tel. Et je pense qu'on aurait tout avantage à renforcer la protection du patrimoine et à séparer le côté insalubrité puis le côté patrimonial.

M. D'Amour: J'aimerais vous entendre sur le rôle de chacun en cette matière, le rôle gouvernement, le rôle municipalités. Qui fait quoi?

Mme Cornelissen (Kim): Je vous dirais qu'il y a un rôle commun de sensibilisation à la valeur du patrimoine, puis j'ai... Ça a l'air drôle à dire, je pense qu'on a besoin de le jazzer un peu, dans le sens que les gens comprennent encore ce que ça veut dire le patrimoine. Tu sais, il y a eu les années soixante, où c'était donc... Jazzer, de le rendre de nouveau, qu'on comprenne de nouveau ce que ça veut dire. Parce qu'il ne faut pas se leurrer, les... Dans les Cantons-de-l'Est, la raison pourquoi les gens ont des propriétés qui valent très cher puis s'en occupent, c'est parce que c'est le patrimoine, entre autres, qui est là et qui fait que c'est des très, très beaux milieux, là. Saint-Marc-sur-Richelieu, sans patrimoine, ça devient une petite banlieue, ce n'est pas intéressant. Même chose pour n'importe quel petit village. Ça fait que je pense qu'il y a du travail à faire là-dessus. Je pense que le gouvernement est très bien placé pour le faire. Encore là, ça peut se faire très bien en collaboration non seulement avec les municipalités, les MRC, ils sont supposés être là-dedans, mais ça peut se faire aussi, encore une fois, en collaboration avec les groupes même environnementaux, les groupes qui sont sur le territoire. On peut-u travailler ensemble? C'est un peu ça, l'idée.

M. D'Amour: Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est: Poussez plus loin. Parce que cette préoccupation-là, madame, moi, j'ai l'impression -- j'ai été maire d'une ville qui est celle de Rivière-du-Loup dans le Bas-Saint-Laurent -- j'ai l'impression que les MRC du Québec ont compris ce message-là il y a fort longtemps, que les municipalités locales aussi. Je ne sais pas si vous pouvez faire référence à des exceptions, s'il y en a tant que ça, des exceptions, mais j'ai l'impression qu'on est sur une bonne lancée. La loi va justement nous permettre d'aller plus loin en cette matière-là. Est-ce qu'on se comprend? Est-ce qu'on s'entend?

Mme Cornelissen (Kim): Ah! moi, je peux me tromper, mais j'ai vraiment l'impression du contraire. J'ai vraiment l'impression qu'on n'a pas dissocié le patrimoine des bâtiments, en général, qui peuvent avoir besoin d'être démolis. Je me trompe-tu?

M. D'Amour: Honnêtement, je pense que oui.

Mme Cornelissen (Kim): Tant mieux si je me trompe.

M. D'Amour: J'ose le prétendre, mais, écoutez, est-ce que vous avez des exemples précis qui nous permettraient de...

Mme Cornelissen (Kim): Bien, c'est plus dans la... Parce que j'ai regardé où ça parlait du patrimoine, ça fait que... puis j'ai pris la peine de citer l'avant-projet de loi, qui contient uniquement trois références: le fait que ça fait l'objet d'une «responsabilité conjointe du gouvernement et des élus municipaux en consultation avec la population», on s'entend tous là-dessus; ensuite dans le schéma d'aménagement... a pour vocation «de contribuer à la conservation», lalala; et la troisième, sur la démolition des bâtiments, avec la question du comité décisionnel d'urbanisme.

Je n'ai aucun problème avec les... il y a sûrement énormément d'élus qui veulent protéger leur patrimoine. J'ai plus de misère quand c'est des milieux où il n'y a pas de sensibilisation au patrimoine, que ça ne sera pas relativement facile... ça ne sera pas plus... certainement pas plus facile, encore plus avec un avis de 15 jours de démolition d'un bâtiment.

Puis j'ai pris la peine de parler du vernaculaire, c'est-à-dire l'architecture populaire, parce que ce qui n'est pas présentement du patrimoine, ça ne veut pas dire que ça n'en sera pas dans 50 ans, hein? On en a vu plusieurs exemples, là, je crois. Ça fait que c'est un peu ça, la préoccupation qu'on a. Entre autres, le 15 jours, le fait que l'avis de démolition disparaît, des choses comme ça, là. Je crois qu'on a tout avantage à augmenter l'information à la population plutôt qu'à la diminuer.

M. D'Amour: Vous manquez un peu de sécurité, si vous me permettez, à cet égard-là.

Mme Cornelissen (Kim): Un peu? Je dois être légèrement insécure, là-dessus, oui.

M. D'Amour: C'est bien. Maintenant, concernant le comité décisionnel en urbanisme, vous l'avez très, très rapidement abordé tout à l'heure, un citoyen qui est lésé... qui se sent lésé dans ses droits, comment vous voyez...

Mme Cornelissen (Kim): ...pensais même pas juste au citoyen, à ce moment-là, c'est plus... Comme c'est un comité décisionnel d'urbanisme... Parce que vous savez que les comités consultatifs... En tout cas, souvent, on peut même aller au... un citoyen peut aller au comité consultatif d'urbanisme expliquer son cas, puis après ça le comité consultatif d'urbanisme arrive au conseil municipal, fait une recommandation, et le conseil municipal prend la décision. On sait qu'au Québec à peu près 92 % des décisions du CCU, du comité consultatif d'urbanisme, sont acceptées par les conseils. En général, cette structure-là allait relativement bien.

Là, avec un comité décisionnel d'urbanisme où il y a trois membres du conseil qui décident, quand un conseil est uni, pas de problème. Quand, un conseil, il y a de l'opposition dedans, et Dieu sait que, les conseils municipaux, ça arrive qu'il y a des membres de l'opposition dans les conseils municipaux, bien là ça veut dire que les trois membres du conseil vont pouvoir décider sans que d'autres membres, si je comprends bien, encore une fois, alors que d'autres membres ne pourront pas décider. C'est comme une délégation de pouvoirs. Moi, je ne suis pas sûre que... on n'est pas sûrs que c'est une bonne idée de faire une délégation de pouvoirs en ce sens-là. Je comprends la question de l'allégement réglementaire, mais je ne suis pas sûre que c'est une avancée.

Le Président (M. Morin): M. le député de Rivière-du-Loup, une minute. Courte question si vous voulez avoir une courte réponse.

M. D'Amour: Vous nous dites que la formule CCU faisait le travail?

Mme Cornelissen (Kim): C'est ça. Puis le 92 %... On pourrait voir c'est quoi, les statistiques maintenant, mais c'était très, très élevé, le taux de... que le conseil l'acceptait.

M. D'Amour: Merci. Ça fait le tour, M. le Président.

Le Président (M. Morin): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. Maintenant, on va du côté de l'opposition officielle. M. le député de Blainville.

M. Ratthé: Merci, M. le Président. Et à mon tour de vous souhaiter la bienvenue et surtout de vous remercier pour votre patience, hein? Des fois, il y a des aléas, dans nos travaux parlementaires, qui nous obligent effectivement à retarder nos travaux de commission.

Écoutez, je voudrais revenir sur le point... je voudrais avoir certaines clarifications. Puis je vais citer quelques extraits de votre mémoire où vous dites... vous parliez d'allégement réglementaire mais qui se faisait probablement au détriment de l'expression du citoyen. Alors, vous dites que «les propositions du MAMROT visent plutôt à faire taire l'opposition». Vous considérez que «la création de "zones franches" où le processus référendaire est exclu, la création d'un conseil décisionnel d'urbanisme et de mise en place de pouvoirs discrétionnaires de portée individuelle constituent de facto une diminution réelle du pouvoir citoyen». Et vous constatez que, plutôt que de viser la reddition de comptes, surtout dans un contexte, là -- je regarde plus loin -- où la confiance envers le monde municipal est grandement diminuée... Vous questionnez, je pense, sur des mesures qui vont venir restreindre, je pense, l'information, le pouvoir du citoyen. Entre autres -- et ma première question va porter là-dessus -- vous parlez d'éliminer l'article sur la création des zones franches d'approbation référendaire. Et à un autre endroit dans votre... et vous en avez un petit peu parlé tantôt, vous nous avez mentionné: Bien, peut-être, pour les grandes villes, ça pourrait être correct. Alors, je voudrais avoir... Ça me semble un peu ambigu, là. Est-ce que vous voulez qu'on l'élimine, qu'on ne l'élimine pas, et dans quelles conditions, si on le garde? Je voudrais peut-être une clarification de votre part là-dessus.

Mme Cornelissen (Kim): Je pense que l'objectif... On comprend l'objectif, surtout dans les grandes villes, de densifier puis de faire des projets de quartier urbain durable. Ça, on peut comprendre. Mais, un peu ce que j'expliquais à M. D'Amour tout à l'heure, il y a la question de... je pense que ça serait plus rentable de conserver l'objectif mais de le faire avec les citoyens plutôt que de dire: Les citoyens, ça, c'est «pas dans ma cour», donc on le fait... donc on l'impose. Et je crois que le fait de l'imposer, ça ne va pas régler les choses, mais loin de là, ça va juste augmenter l'impression de bien des citoyens qu'ils n'ont rien à faire là-dedans, ils sont... de se faire imposer quelque chose sur leur territoire. Or, je crois que les municipalités, puis c'est l'ancienne élue en moi qui parle, je crois que les municipalités ont tout avantage à travailler avec leurs populations et à régler les problèmes par de l'information, par des rencontres. Il y a vraiment un travail à faire là-dessus, selon moi.

M. Ratthé: C'est intéressant que vous soyez également une ancienne élue municipale, parce que les tenants, en fait ceux qui sont en faveur de cet article-là, nous disent: Écoutez, actuellement, on n'est pas capables de faire avancer des projets. Il y a toujours des groupes de citoyens qui veulent tenir des référendums. Ça nous empêche de travailler. Et c'est le gros argument des gens qui sont en faveur de... Pour avoir été, moi aussi, sur un conseil municipal, je sais qu'à l'occasion ça arrive. Mais est-ce que, pour vous... Parce que, là, je vous entendais dire... Puis c'est, je pense, ce que le projet de loi sous-entend -- parce qu'à mon avis ce n'est peut-être pas assez clair -- on y dit: C'est dans des cas de... l'objectif, ce serait pour du développement durable, de la réhabilitation, de la densification. Mais est-ce que vous trouvez qu'effectivement c'est suffisamment précis pour qu'on accorde une zone franche? Parce que, mis à part ça, là, à mon sens, on peut construire à peu près n'importe quoi, là, dans la zone franche, là.

Mme Cornelissen (Kim): Bien, écoutez, moi, j'ai été deux ans cocoordonnatrice de l'Agenda 21 Sorel-Tracy. Si on avait fonctionné avec une zone franche d'approbation référendaire, là, on n'aurait plus d'Agenda 21 à Sorel-Tracy, parce que la façon de travailler avec les gens, ce n'est pas en opposition. Puis effectivement, la zone franche, ça peut être n'importe quoi. Et, moi, la crainte que j'ai, c'est plus dans des milieux où est-ce que le promoteur débarque puis qu'il veut densifier, parce que ça va être drôlement plus payant puis qu'il va y avoir une zone franche d'approbation référendaire. Puis je pense que la majeure... En tout cas, il y a beaucoup de gens qui vont le lire comme ça. Donc, l'objectif qu'on vise ne sera pas l'objectif atteint, selon moi.

**(12 h 30)**

M. Ratthé: Bon, écoutez, il y a eu, en contrepartie, d'autres idées qui ont été émises, par exemple en disant: Bien, si on garde les zones franches, si on garde le concept, peut-être qu'on devrait préciser davantage, par exemple... Parce que, les exemples que souvent on nous a donnés pour justifier une zone franche, on nous dit: Bien, écoutez, on ne veut pas de garderies, on ne veut pas d'hôpitaux, on ne veut pas d'écoles, on... c'est du «pas-dans-ma-cour» pour ce genre d'équipement là. Alors, nous, on se demandait: Bien, peut-être qu'on devrait être, comment je vous disais tantôt, plus spécifiques sur ce qu'il y aura dans la zone franche.

Je voulais vous entendre également à savoir: Que pensez-vous de l'idée... Il y a un groupe qui nous a apporté l'idée qu'au lieu qu'il y ait... pour compenser, qu'il pourrait y avoir une possibilité de tenir un référendum sur le plan d'urbanisme. Puisque le plan d'urbanisme contient toutes les modifications, si le plan d'urbanisme est adopté avant, puis soumis à la population, puis que c'est adopté, bien à ce moment-là, bien, il n'y a plus lieu de tenir des référendums, ce qu'on va appeler du microréférendum sur des changements de zonage, parce qu'on aura adopté le plan d'urbanisme. Ça, c'est une des possibilités. Et l'autre, on disait aussi: Bien, pourquoi ne pas augmenter le nombre de personnes obligeant la tenue d'un référendum? Parce que, souvent, on se rend compte des fois que ça prend juste huit, 12 personnes qui viennent signer un registre, puis là il y a un référendum.

Alors, je voudrais savoir, si on garde le concept des zones franches, si, pour vous, ce sont des alternatives qui viendraient sécuriser un petit peu, là, ce qui vous inquiète.

Mme Cornelissen (Kim): Bien, l'impression que j'ai de tout ça, c'est qu'on travaille en aval plutôt que de travailler en amont. Par exemple, une garderie, mettons qu'on aurait une zone franche d'approbation référendaire pour une garderie. Voulez-vous vraiment avoir une garderie dans un milieu hostile à une garderie? Pas sûre. On peut-u à la place travailler avec le monde? Est-ce qu'on peut regarder, dans la loi, comment il y aurait moyen de travailler avec les gens avant? Pas juste en consultation. Parce que la consultation, en fait, c'est de demander aux gens ce qu'ils en pensent une fois, en gros, que le projet est fait, avec ou sans référendum. Et qu'est-ce qui arrive généralement? C'est que les gens, avec les signatures de référendums, c'est qu'effectivement ils ont une information partielle généralement. Tout est canné d'avance, puis il faut dire oui ou non. Bien, on peut-u reculer un peu, voir justement les exemples qui ont bien fonctionné?

Puis l'Agenda 21 est une belle structure pour ça. Ça vaudrait peut-être la peine que les gens qui travaillent sur ce projet de loi là aillent voir ce qui s'est passé dans les villes qui ont des Agenda 21 et comment ça fonctionne. Et je peux vous recommander vraiment des gens pour ça. Puis vraiment ça change tout. Parce qu'une fois que les gens s'intéressent à leur milieu et qu'ils ont une capacité de faire bouger leur milieu, qu'ils ont une capacité de s'impliquer, c'est ce qu'on appelle l'«empowerment», là, ça amène plein d'autres choses. Ça amène entre autres, oui, de s'intéresser plus aux séances de conseil municipal, mais c'est loin d'être une mauvaise chose. Et ça amène plus de discussions puis ça amène plus de projets, ça amène plus d'adhésions. Pourquoi pas? Surtout que c'est des projets verts puis c'est des projets sociaux. On est en plein développement durable, allons-y fort.

M. Ratthé: Je pense qu'on vous entend tous bien ici. On est presque... pour la plupart, on vient du milieu municipal puis on aimerait bien, comme vous, que les gens s'intéressent plus aux conseils municipaux. Je vous entendais dire «travailler en amont». Alors là, je vais aller de l'autre côté de la clôture parce que mon idée n'est pas faite, puis je pense qu'on est là pour vous entendre. Bien, justement, l'avant-projet de loi dit: Il y aura des consultations, il y aura des séances d'information, ça va nous permettre de ne pas tenir de référendums. Pour vous, donc, ça ne vous apparaît pas suffisant?

Mme Cornelissen (Kim): Bien, c'est parce qu'«information», «consultation», selon moi, ce n'est pas de travailler avec les gens, c'est de les informer ou de les consulter, à moins qu'il y ait un processus qui fait qu'on peut vraiment travailler ensemble. Puis il existe, là, le processus entre autres de l'Agenda 21. Pourquoi ne pas faire de quoi qui favorise vraiment cette approche-là? On l'a testé au Québec, à plusieurs reprises. Amusons-nous, oui, amusons-nous, parce qu'il y a ça aussi dedans. On a tous intérêt à ce que les gens se préoccupent plus de leurs municipalités. Même si des fois ça peut être plus de trouble.

M. Ratthé: Vous avez quand même, je pense, bien expliqué tout à l'heure dans votre conversation avec mon collègue, le député dont... j'ai toujours de la difficulté, je ne suis pas très bon dans... être capable de nommer les comtés.

M. D'Amour: De Rivière-du-Loup.

M. Ratthé: De Rivière-du-Loup, voilà. Je vais m'y habituer, je vais finir par être capable d'avoir suffisamment de mémoire de ce côté-là. Vous avez, effectivement... vous vous êtes questionnée sur la création d'un comité décisionnel alors qu'il y a un CCU. Dans votre mémoire, vous allez plus loin, vous dites en plus, bien, dans ce comité d'urbanisme décisionnel, si on en faisait un, il n'y a même pas de représentants de l'opposition, c'est ce que vous, grosso modo...

Mme Cornelissen (Kim): Bien, il y a des chances qu'ils ne soient pas là, hein?

M. Ratthé: O.K.

Mme Cornelissen (Kim): C'est un peu comme les comités exécutifs.

M. Ratthé: Oui. Alors, vous, donc, vous, vous souhaiteriez évidemment qu'il y ait une voix, là, au moins une, j'imagine, vous souhaiteriez voir ça par un article dans l'avant-projet de loi, donc une obligation qu'il y ait des représentants ou un représentant de l'opposition minimalement?

Mme Cornelissen (Kim): Bien non, mais tant qu'à faire. La majorité des municipalités du Québec ont sept élus. Pourquoi descendre à trois?

Une voix: ...

Mme Cornelissen (Kim): Tout simplement. Ce n'est peut-être pas la même réalité pour Montréal ou Québec, là, mais...

M. Ratthé: Mais dans bien... C'est ça, il y a beaucoup de municipalités aussi où il n'y a pas d'opposition officielle, alors c'est...

Mme Cornelissen (Kim): ...

Une voix: Oui, voilà, oui.

Mme Cornelissen (Kim): S'il n'y en a pas, ça ne change rien.

M. Ratthé: Oui, O.K. Donc...

Mme Cornelissen (Kim): Mais, ce n'est pas ça. C'est que les comités d'urbanisme, le grand avantage qu'ils avaient, c'est qu'ils avaient la chance d'avoir des citoyens puis des citoyennes sur le comité, ils avaient la chance d'avoir des gens qui s'y connaissent en architecture, qui s'y connaissent en urbanisme, ils avaient la chance d'avoir des choses, c'est une structure qui fonctionne bien puis qui a l'air de rencontrer l'adhésion de bien des conseils municipaux. Pourquoi changer ça? On y gagne-tu?

M. Ratthé: Je vous amène sur votre suggestion d'abroger l'article 327 sur les mines. Et, ce matin, là, on ne peut pas présumer de comment va se terminer le nouveau projet de loi, il y a un nouveau projet de loi qui a été déposé ce matin justement, qui va s'appeler la mise en valeur des ressources minérales dans le respect du principe de développement durable, qui touche effectivement la Loi sur les mines et la préséance. Parce que l'article 327 dit qu'actuellement toutes les dispositions du plan d'aménagement durable et d'urbanisme, bien, la Loi sur les mines actuelle a préséance. Alors, on l'a soulevé, quelques groupes l'ont soulevé hier, vous le soulevez à juste titre d'ailleurs. Évidemment, je ne vais pas me prononcer à l'avance, il y aura une commission parlementaire, mes collègues, autant de la partie ministérielle que de l'opposition officielle, vont débattre du projet de loi. Toutefois, ce qu'on peut lire actuellement dans le projet de loi, c'est qu'effectivement on «soustrait au jalonnement, à la désignation sur [la] carte, à la recherche minière ou à l'exploitation minière tout terrain compris à l'intérieur d'un périmètre d'urbanisation au sens de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et tout territoire affecté à la villégiature suivant un schéma d'aménagement et [...] développement».

Donc, on voit là qu'il y a, à tout le moins, un article qui est différent que celui de l'avant-projet de loi et je dirai que... je voulais simplement, moi, vous en informer qu'on semble aller sur la bonne voie. Et j'imagine que, si ce projet de loi là est adopté et que l'article est adopté tel quel, je présume que la loi sur l'aménagement, la nouvelle loi va être en concordance, j'imagine ou il y aura peut-être un amendement, j'imagine, qui va être proposé, mais je pense qu'on a ici un pas dans la bonne voie. Je veux peut-être vous entendre.

Mme Cornelissen (Kim): ...d'urbanisation, on parle bien de la zone blanche?

M. Ratthé: Bien, écoutez, c'est ça probablement qui va être discuté en commission, là. Là, on lit l'article. Ce qu'on nous dit, là, on nous dit donc: «...à la recherche minière ou à l'exploitation minière tout terrain compris à l'intérieur d'un périmètre d'urbanisation au sens de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme...»

Mme Cornelissen (Kim): Bien, voulez-vous que je vous donne la réalité en Montérégie?

M. Ratthé: D'accord.

Mme Cornelissen (Kim): C'est que les trois quarts des puits où est-ce qu'ils sont en ce moment, là, sauf exception, ils vont tous être là pareil.

M. Ratthé: Parce qu'ils ne rentrent pas dans cette définition-là.

Mme Cornelissen (Kim): Parce que le périmètre d'urbanisation, c'est 1,5 km par 1 km du village. Nous autres, on a 73 km... Par exemple, il y a 57 km² à Saint-Marc, parce que je suis pas mal sûre qu'il y a 54 km² qui sont exclus de ça.

M. Ratthé: Alors, vous...

Mme Cornelissen (Kim): Ça ne règle absolument rien.

M. Ratthé: Il y a sûrement des gens à ce moment-ci qui vont peut-être se faire entendre, là, mais...

Mme Cornelissen (Kim): Oui. Et c'est le ministre délégué aux Mines, M. Ménard, qui en avait parlé à l'époque de cette idée-là, et c'est une des choses qui a vraiment fait paniquer les groupes citoyens...

M. Ratthé: O.K. Alors...

Mme Cornelissen (Kim): ...qui ont compris tout de suite.

M. Ratthé: Mais le point que je voulais soulever ce matin, c'est que, s'il y a des modifications dans ce projet de loi là, dans un sens ou dans un autre, bien, je pense que notre Loi sur l'aménagement et l'urbanisme devra être en concordance, là. Parce qu'actuellement on dit: On peut comme on veut. Ici, vous nous dites: Bien, le périmètre d'urbanisation, dans certains cas, ce n'est pas si grand que ça, là, et ça ne change rien chez nous, mais c'est un souci qu'on comprend. Vous n'êtes pas la première à venir nous dire... Et d'ailleurs c'est un souci qui est partagé, je pense, aussi par l'Union des municipalités du Québec, par la Fédération québécoise des municipalités. Alors, on verra comment ils vont réagir à cette annonce-là.

Mais je voulais vous informer des avancées, parce que c'est une des raisons pour laquelle on a été un peu retardés ce matin, c'est qu'il y avait dépôt de plusieurs projets de loi. Alors, on verra comme ça va se décliner.

Mme Cornelissen (Kim): Oui. Juste pour vous donner l'exemple, à Saint-Marc-sur-Richelieu, ça n'enlève pas la réalité que le puits qui est prévu à Saint-Marc est à 600 mètres d'une garderie. Est-ce qu'on devrait interdire les garderies en milieu rural?

M. Ratthé: Vous dites que les CCU fonctionnement bien -- évidemment, on le sait, là, il y a une implication citoyenne, dans la plupart des cas, puis c'était quand même un conseil important -- et qu'on n'a pas vraiment besoin, là, compte tenu qu'on a des CCU, de créer un autre organisme. Donc, on vient d'ajouter une nouvelle structure. La différence que je vois entre les deux, c'est que les réunions de ce nouveau conseil là seraient publiques, ce qui n'est pas le cas avec un conseil consultatif d'urbanisme.

Alors, si on suit votre conseil, est-ce qu'on devrait pousser plus loin puis dire: Bien, les séances du conseil consultatif d'urbanisme devraient maintenant être publiques pour avoir encore plus de transparence auprès des citoyens?

Mme Cornelissen (Kim): En fait, le problème que ça peut amener, c'est qu'il y a parfois de l'information qui est vraiment confidentielle dans ces questions-là, donc ce n'est pas vraiment possible, mais la question, c'est: Pourquoi...

J'ai été présidente d'un comité d'urbanisme pendant 10 ans, puis, ce qu'on se faisait nous autres, on se faisait une obligation, quand on arrivait au conseil municipal par la suite, d'expliquer qu'est-ce qui se passait puis c'était quoi le cas, et tout ça, pour permettre aux gens de comprendre qu'est-ce qui s'en venait. Et ça, je pense que c'est... bon, on s'entend que c'est volontaire, mais c'est intéressant.

La perception du comité décisionnel d'urbanisme que ça donne, c'est qu'on enlève ce pouvoir-là aux citoyens, on le donne aux élus qui sont dans... à certains élus, puis ça risque d'être comme ça que ça va être perçu de façon générale. Je ne vois pas ce que ça amène de plus en gros qu'un simple allégement réglementaire.

Le Président (M. Morin): Deux minutes.

M. Ratthé: Deux minutes? Je veux juste une clarification. Vous dites: Éliminez l'article qui élimine les droits acquis pour les végétaux. Notre interprétation de ça, puis elle va peut-être dans les deux sens, il peut arriver qu'une ville impose la plantation de végétaux sur des terrains où il y a des droits acquis qui n'en auraient pas, alors que, si on...

Mme Cornelissen (Kim): ...dans le sens contraire.

M. Ratthé: Bien, vous, je pense que vous l'avez pris dans le sens contraire. Parce que ça peut arriver qu'il y a un endroit où on dit: Bien là, ce terrain-là, il n'y a pas de végétaux, je ne sais pas, moi, il y avait un autre usage, et puis, bien, là, la personne va dire: Écoutez, on a un droit acquis. Mais vous, vous dites: Il faut faire attention parce que l'inverse pourrait probablement être applicable. C'est ce que vous nous dites.

Mme Cornelissen (Kim): Bien, minute, ça existe-tu un droit acquis sur le fait qu'il n'y a pas de végétaux?

M. Ratthé: C'est ce qu'on me dit que ça peut être possible.

Mme Cornelissen (Kim): Ah oui! ce serait...

**(12 h 40)**

M. Ratthé: Donc, en fait, à tout le moins qu'on pourrait le prétexter, dire: Écoutez, à cause de l'usage du terrain, du zonage, il n'y avait pas d'obligation d'avoir de végétaux sur notre terrain, maintenant vous nous imposez d'en avoir, on réclame des droits acquis. Vous, vous nous dites... Ça peut marcher aussi, évidemment, à l'inverse, quelqu'un qui dirait: Bien, non...

Mme Cornelissen (Kim): Oui. Bien, en gros, ce qu'on ne voulait pas, c'est ne surtout pas associer les haies, par exemple, à des clôtures. Une haie, ça remplit un rôle beaucoup plus grand qu'une clôture, donc il y avait cette question-là. Mais les droits acquis généralement sont balisés. Je n'ai jamais entendu... En tout cas, à vérifier, là.

M. Ratthé: Un exemple que mes collègues donnent: un stationnement.

Mme Cornelissen (Kim): O.K.

M. Ratthé: Alors, stationnement, il y en a qui n'ont pas de végétaux du tout et qui pourraient prétendre: Bien, écoutez, nous c'est un droit acquis, c'est un stationnement, puis, des arbres, on n'en mettra pas. Alors, je trouve intéressant que vous apportiez le point parce que... ce qui veut dire que, dans le projet de loi, on devra peut-être prévoir les deux situations ou du moins clarifier pour qu'effectivement le point que vous nous apportez, quelqu'un dise votre point de vue, donc, qui est l'inverse de celui-là, puis s'assurer qu'on ne puisse pas se servir de cette situation-là dans un cas ou dans un autre, là. Je trouve ça intéressant.

Mme Cornelissen (Kim): Parce que dans le cas du stationnement, effectivement, avec les îlots de chaleur, ça serait... Mais je trouve ça difficile à comprendre, en tout cas, qu'ils puissent dire... C'est parce que, généralement, les droits acquis sont assez balisés. Tu sais, comme il n'y a pas de droit acquis sur l'affichage, par exemple, il n'y a pas de droit acquis sur la... C'est quoi les autres, là? En tout cas, il y a toute une série de choses, là, qu'il n'y a pas... Mais, généralement, c'est balisé. Un stationnement n'a pas de droit acquis à ce niveau... en tout cas...

M. Ratthé: Stationnement public...

Mme Cornelissen (Kim): Peut-être, là, mais... Je vais fouiller moi-même...

M. Ratthé: Le point est intéressant, parce qu'on a deux points de vue différents. Moi, je pense qu'il faudra juste s'assurer que ces deux points de vue là soient couverts, là. Je pense que c'est une note qu'on va prendre, c'est un point intéressant.

Le Président (M. Morin): Merci...

Mme Cornelissen (Kim): ...

Le Président (M. Morin): Merci, merci, Mme Cornelissen. Ça termine sur ce questionnement. Donc, on a encore du travail à faire, chère madame. Merci beaucoup. Merci beaucoup de votre venue et bon retour chez vous.

Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 12 h 42)

 

(Reprise à 12 h 44)

Le Président (M. Morin): Nous sommes de retour et nous accueillons l'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts. M. Giroux, bonjour. On s'excuse du contretemps, mais ça fait partie de notre travail journalier.

Donc, si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne et, ensuite, vous avez 15 minutes pour nous dire ce que vous voulez qu'on entende.

Association québécoise pour l'évaluation d'impacts (AQEI)

M. Giroux (Éric): Très bien. Bonjour M. le ministre et les autres membres de la commission. Mon nom est Éric Giroux, président de l'AQEI. Je suis accompagné de Mme Louise Fecteau, qui est notre spécialiste en évaluation environnementale stratégique.

Alors, l'Association québécoise pour l'évaluation des impacts regroupe depuis 20 ans des professionnels du domaine de l'évaluation environnementale ou l'évaluation des impacts. On parle d'environ 200, 250 membres bon an mal an, des décideurs, des promoteurs, des gestionnaires, des consultants, des chercheurs, des organismes autochtones, mais aussi des fonctionnaires, que ce soit fédéral, provincial, municipal, qui rédigent des études d'impacts et puis qui les évaluent puis qui font des recommandations aux décideurs, dépendamment de leur niveau.

L'évaluation des impacts pour nous, c'est autant au niveau biophysique qu'au niveau socioéconomique, ça fait que c'est l'environnement au terme large. Et, pour nous, une évaluation environnementale, ou que ce soit appelé incidence environnementale, c'est un outil d'aide à la décision que les élus ont de besoin puis autant les promoteurs. Et, nous, on croit que c'est un outil important qui peut contribuer activement au virage vers le développement durable qui est souhaité par le gouvernement du Québec.

Alors, notre intervention va être très ciblée sur les articles 39 et 93 de l'avant-projet de loi, qui font référence aux modifications au schéma, puis les modifications du plan d'urbanisme qui doivent considérer une analyse des incidences significatives anticipées de sa mise en oeuvre sur l'environnement, ce que, nous, on appelle, dans notre jargon, les évaluations environnementales.

Mme Fecteau (Louise): Alors, d'entrée de jeu, ce qu'on veut souligner, c'est que ces dispositions qui ont été introduites dans l'avant-projet de loi présentent des opportunités telles qu'elles méritent premièrement d'être largement appuyées. Donc, ce qu'on s'est attardés à faire à cette étape-ci de la démarche... du cheminement de l'avant-projet de loi, on a voulu trouver les références pour se permettre de faire cette affirmation-là, donc, de s'installer sur du terrain solide. Et, ensuite, on a voulu aussi un peu vérifier quelles difficultés ou quels défis étaient susceptibles de se présenter sur le chemin pour ne pas non plus créer d'attentes démesurées puis se donner les bons échéanciers, les bons cadres pour faire ça de la bonne façon.

Donc, on a trois références principales qui ont été présentées dans le mémoire. En résumé, donc, on a une première référence importante: le Conseil canadien des ministres de l'environnement, c'est le CCME, en 2009, donc c'est récent, a publié un document d'orientation qui s'intitule L'évaluation environnementale stratégique régionale au Canada. Principes et orientations. Ce document-là a fait l'objet d'une consultation aussi à l'échelle canadienne, consultation à laquelle on a participé, entre autres. Donc, ce document d'orientation, ce qu'il nous présente, on y dresse les constats suivants, on a soulevé ici les principaux, donc, qui ont un rapport avec l'avant-projet de loi. Le premier, ça fait 35 années qu'on fait de l'évaluation environnementale au Canada, et il y a une unanimité qui émerge quant au besoin d'assujettir l'évaluation environnementale à une approche plus régionale, donc plus stratégique. Une approche, donc, qui englobe les effets environnementaux cumulatifs et qui dépasse l'évaluation des seuls projets qui sont évalués ponctuellement et pris un par un.

Deuxième constat, la nécessité de mieux évaluer et gérer les effets environnementaux cumulatifs des activités de développement humain est bien établie. Ça, c'est reconnu comme étant un fait. Cependant, les observateurs s'entendent pour dire que le processus des évaluations environnementales des effets cumulatifs dans leur gestion et dans leur processus à l'heure actuelle ne fonctionne pas. Il y a des déficiences à ce niveau-là, les méthodologies ne sont pas simples quand on est au niveau des projets. Donc, l'évaluation environnementale, traditionnellement, ça consiste à traiter des symptômes ou des répercussions associés à des projets individuels pour les atténuer jusqu'à les rendre acceptables plutôt qu'à confronter les changements environnementaux plus globaux d'envergure régionale, et donc les effets cumulatifs des actions humaines, sur les composantes valorisées de l'environnement. On présente l'évaluation environnementale stratégique régionale comme une procédure susceptible de résoudre ces problèmes-là.

Donc, ici, j'ai appelé ça l'ÉES régionale, c'est défini comme suit: C'est un processus qui vise à évaluer systématiquement les effets environnementaux potentiels, y compris les effets cumulatifs d'une diversité d'initiatives, de politiques ou de programmes stratégiques dans une région donnée. Dans ce contexte, on dit que l'ÉES régionale, ce n'est pas uniquement d'élargir un cadre géographique, ce n'est pas juste une composante d'appoint dans le processus de décision, ça doit en faire partie intégrante. En fait, l'ÉES régionale, ça a pour but de faire reposer sur une meilleure information l'élaboration des initiatives ou des plans stratégiques sur une région donnée et donc de favoriser en aval l'exécution de programmes plus éclairés, soit des évaluations d'impact sur les projets qui vont suivre ou encore sur la gestion de l'environnement, mais à l'échelle d'une région.

**(12 h 50)**

Ça, c'était la première référence. La deuxième, l'Agence canadienne d'évaluation environnementale a aussi présenté un avis, puis ils citaient, là, on pourrait dire... dans un style télégraphique, donc, les avantages qui sont présentés par l'agence canadienne sont les suivants: pour l'évaluation environnementale stratégique régionale, on dit que ça influence la planification des investissements dans une région; ça invite à adopter une perspective à plus long terme en matière de planification régionale; ça permet de recueillir et d'organiser des données sur l'environnement, mais à l'échelle d'une région; ça permet une planification globale de la surveillance, aussi du suivi; ça offre une base pour la planification et la prise de décision à l'échelle des limites administratives, ce qu'on n'a pas à l'heure actuelle; et ça aide à identifier des programmes ou des projets conflictuels et décider qu'est-ce qu'on doit faire avec ça, les améliorer ou à la limite les éviter, mais très en aval dans le processus de décision.

Troisième et dernière référence, rapidement: le Parlement européen a adopté en 2001 une directive sur l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement. Cette directive-là, à l'échelle européenne, devait être transposée en 2004. C'était dans les 25 États membres, donc dans les législations de chacun des États membres. L'aménagement du territoire urbain et rural et l'affectation des sols sont dans le champ d'application de la directive. Donc, cette directive-là prévoit nommément de quelle manière ça doit se réaliser. On dit qu'il doit y avoir un rapport qui est réalisé avec certaines thématiques qui sont abordées, on dit aussi qu'il doit y avoir des consultations sur l'évaluation en question et que ça doit être pris en compte avant que les plans soient adoptés.

Ce qui est important aussi, c'est que la directive européenne prévoit des exclusions pour les modifications mineures des plans et programmes pour des petites zones au niveau local, sauf si ces modifications-là sont susceptibles d'avoir des effets significatifs sur l'environnement. Intéressant aussi, en 2009, donc récemment, il y a une commission qui a fait un rapport sur l'efficacité et l'application de la directive en question. Puis, en fin de compte, le rapport mentionne qu'une des principales difficultés des États membres, ce qui a été rapporté par les États membres, c'est une difficulté de déterminer l'ampleur et le degré de précision qu'il faut apporter aux évaluations en tant que telles. Aussi, on dit qu'on manque d'informations fiables. Il y a beaucoup de temps qui est demandé pour la collecte des données, et on a besoin de critères homogènes pour pouvoir faire des évaluations de manière plus standard.

Autre élément important, parce qu'il se retrouve dans l'avant-projet de loi mais un peu plus dans les préambules, en ce qui a trait aux informations relatives aux changements climatiques, de nombreux États membres de l'Union européenne ont mentionné comme un problème majeur l'absence d'une méthodologie bien établie pour déterminer les incidences. Là, on était en 2009 au moment du rapport. On disait aussi que certains États membres sont en train d'élaborer des méthodes spécifiques pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre potentielles de leurs plans. Donc, il y a du travail qui se fait ailleurs qu'il pourrait être utile d'utiliser, parce que les constats sont déjà établis puis ils ont un petit peu d'avance, disons, sur ce qu'on est en train de faire ici.

M. Giroux (Éric): Ça fait qu'en fait le message qu'on veut envoyer, c'est que faire une évaluation des incidences environnementales, oui, pour nous, c'est primordial pour développer durablement un territoire, mais il faut l'encadrer. Puis, je pense, c'est notre message le plus important aujourd'hui. C'est parce que, si on parle d'évaluation environnementale stratégique, c'est très différent d'une évaluation environnementale par projet. C'est le «big picture» qu'on regarde, là, grosso modo. Mais il y a un défi, là-dedans, c'est que ça va être peut-être de se donner des guides, des directives sur à quel moment qu'on le déclenche. Il ne faut pas déclencher une évaluation environnementale stratégique pour n'importe quelle modification de plan. Il faut que ça vaille la peine, il faut que ça porte des fruits. Il faut mettre les énergies aux bons endroits.

Puis là-dessus, au Québec, puis au Canada, puis ailleurs dans le monde, on parlait des... en Europe, il y a quand même des expériences qu'on peut apprendre, qui peuvent nous guider sur comment aller produire ces directives-là. On peut prendre des lignes directrices aussi, comme il existe pour la LQE, pour les évaluations par projet, mais, là, ramener ça à quelque chose d'un peu plus large pour les territoires. C'est pour ça qu'on vous suggère de faire des essais pilotes, tu sais, deux, trois essais avec des MRC peut-être un peu différentes, pour les développer comme il faut, ces directives-là, si c'est possible, parce qu'il faut se concentrer sur les enjeux, sur ce qui est important, O.K.? Puis chaque MRC a ses propres enjeux. La Chaudière-Appalaches puis l'Abitibi-Témiscamingue, c'est deux mondes. Ça fait qu'il faut rester focussé sur ce qui vraiment interpelle les gens. Parce qu'on parle d'évaluations environnementales, mais je reviens, c'est toujours ça le point, le socioéconomique est très important. Et puis l'idée de faire ces évaluations-là en préalable, c'est d'éviter des conflits, O.K.? Puis après ça, quand on arrive par projet, le travail d'évaluation par projet, il est diminué, O.K., puis il se concentre sur des enjeux plus locaux pour le projet.

Alors, une ÉES, pour nous, viendrait combler des lacunes importantes de connaissances, entre autres, parce qu'un des enjeux qu'on a, nous, comme praticiens, pour évaluer des impacts par projet, c'est des effets cumulatifs. Parce qu'on n'a pas l'ensemble de la vision de ce qui se passe sur un territoire. Puis ça, bien, c'est les élus des MRC puis des municipalités qui l'ont. Et puis ces informations-là ne sont pas toujours disponibles pour nous qui sommes engagé, mettons, par un promoteur minier pour faire un projet, on n'a pas toute l'information. Et puis, ça, la recherche de connaissances va être importante. Puis les décideurs qui ont à gérer leur territoire auront à prendre une décision au niveau de votre avant-projet de loi. Alors, c'est ça, l'opinion des praticiens de l'évaluation environnementale du Québec.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Giroux. Merci, Mme Fecteau. Donc, M. le ministre, vous avez 13 minutes à votre disposition.

M. Lessard: 13 minutes, donc, je ne sais pas si mes collègues voulaient poser des questions, mais on va ouvrir avec ça. L'Association québécoise d'évaluation d'impacts, je veux vous saluer. Merci de votre mémoire. Vous avez vu qu'on introduit une nouvelle notion, dans le fond, dans la loi, c'est un chantier. Je veux rien que vous dire qu'en partant quand on en parle, si on introduit la notion de développement durable pour se mesurer, pour savoir si notre société avance puis pour être capable de savoir si on avance, il faut être capable d'avoir des talons de mesure, à quelque part, de l'impact.

Alors, je le rappelle souvent, aménager a des impacts sur l'environnement, sur les gaz à effet de serre, sur le milieu de vie, sur d'autres programmes de d'autres ministères même. Alors donc, quand on introduit cette notion-là, puis c'est à l'article 39, lorsqu'on est dans le schéma d'aménagement, puis à 93, je crois, c'est son pendant sur le plan de l'urbanisme. Je veux rien que vous le dire: En partant, ça fait un peu peur aux unions, hein? Parce que, quand on parle d'études environnementales stratégiques, quand on l'entend, c'est le gouvernement qui utilise ça en général pour parler, exemple, sur le gaz de shale, le pétrole.

Alors là, c'est de passer d'une approche projet à une approche planification. Et le défi est là-dedans. Évidemment, c'est établir la connaissance -- donc j'utilise les mots de notre spécialiste qui me rappelle -- donc il faut la bâtir pour éviter d'effrayer. Il faut que ça devienne un outil qui vérifie les bonnes choses, mais qu'on est capable en même temps de développer aussi de l'initiative pour ceux qui les utiliseront. Quand vous parlez du conseil canadien de l'environnement, puis qu'ils parlent d'une approche explicitement régionale, c'est sûr, dans leur jargon à eux autres, «région», ça veut dire «province» quand on est au fédéral.

Alors donc, comment se l'approprier toutefois? Je pense qu'un des défis, comme vous le dites si bien, c'est de définir les critères à quoi ça s'applique. Ce n'est pas pour n'importe quelle chose, et ce n'est pas l'étude environnementale stratégique telle qu'on la connaît. Il y a des déclinaisons à tout ça. Alors, on va vraiment travailler ensemble pour bâtir cet outil-là. Et, évidemment, je pense qu'il y avait peut-être même des propositions qui vous avaient été faites sur le fait de... Il faudra peut-être cibler quelques régions pour voir comment on l'implante, comment... le déclencheur. Il y a des municipalités régionales de comté qui ne se sentent pas concernées à cause de la nature de la région. Vous dites: Il y a des régions qui sont vraiment différentes. Le produit convient à certains groupes. Il faudra, je pense, le développer pour le rendre... et voir que ça apporte des gains de planifier en ayant mesuré ces analyses-là. Je comprends que les grandes villes en général sont déjà soucieuses de ça. Est-ce qu'elles l'utilisent? Est-ce qu'elles le développent? Peut-être pas. Mais, quand on un outil bien défini... Alors donc, on va aller de l'avant avec ça.

Maintenant, sur le plan d'urbanisme, on voit qu'on a la contrepartie. Est-ce qu'on va le garder au plan d'urbanisme? On va le garder au niveau du schéma, peut-être au niveau plus de la région. Ça n'empêchera peut-être pas... On verra, là, avec... comment ça va évoluer, nos discussions avec les villes, les grandes villes, villes-MRC, etc. Donc, je pense qu'on va essayer de voir où est-ce que le déclencheur arrive. Vous savez, on a quand même un petit défi là-dedans.

Le Président (M. Morin): Oui, monsieur...

M. Giroux (Éric): Bien, j'avais peut-être juste un point à souligner, parce que ça a adonné que j'ai déjà travaillé au fédéral, puis l'ÉES régionale, dans ce cas précis là, vraiment, on fait appel à des régions et non pas nécessairement à une province. Tu sais, le jargon fédéral visuel, c'est ça, mais, pour l'évaluation environnementale stratégique, là, tu sais, il y a comme une idée là-dedans, tu sais, de bassin versant, tu sais, de complexité spéciale dans un... Mettons, je parlais, l'Abitibi-Témiscamingue aussi, que l'enjeu minier, il est important, mais il ne s'applique pas ailleurs, tu sais. Ça fait qu'il y a cette vision-là de région, spécificité, là, et non pas... ce n'est pas coupé avec les provinces.

Le Président (M. Morin): Mme Fecteau.

Mme Fecteau (Louise): Si je peux compléter le commentaire de M. le ministre, le gain intéressant pour les élus et les professionnels qui sont, dans le fond, à l'oeuvre à temps plein dans les MRC, dans les villes, c'est que, premièrement, ils ont l'expertise en matière de recueillir de l'information qui... comment je dirais ça, pour lesquelles ils ont une habitude, des informations économiques sur leur territoire, des informations sur les catégories d'industrie qui sont présentes, les catégories de milieu agricole, et tout ça. Ici, en fin de compte, c'est de déplacer un petit peu cette expertise-là pour l'élargir à des questions qui touchent l'environnement. C'est donc, dans un premier temps, de faire vraiment un recueil de toute l'information qui est disponible, mais qui existe dans des évaluations stratégiques. On ne fait pas d'inventaire terrain comme tel. C'est vraiment de s'assurer de mettre à la disposition de la décision un ensemble d'études, de rapports ou d'informations, de travaux qui se font sur le territoire puis qui peuvent être utiles. Puis le deuxième élément, c'est qu'on va faire émerger les enjeux propres à la région, c'est là que ça devient vraiment intéressant. On va voir que les enjeux sur la Côte-Nord, comme on disait, ne sont pas les mêmes qu'à Longueuil, puis, éventuellement, c'est autour de ces enjeux-là qu'on va concentrer les efforts, puis ça va nécessairement être intéressant pour tout le monde, parce que ça va permettre de bonifier donc les propositions d'aménagement sur un territoire donné mais en étant bien solides sur la suite des choses.

**(13 heures)**

M. Lessard: D'ailleurs, quand vous utilisez la notion de territoire... d'ailleurs on nous a déjà fait des propositions en disant... Lorsqu'à 39 on dit à la fin, exemple: «...des données factuelles et prévisionnelles prises en considération dans l'établissement de son contenu et d'une analyse des incidences significatives anticipées de sa mise en oeuvre...» Au lieu de dire «sur l'environnement», ils disent «sur le territoire», parce que la notion d'environnement, on ne la veut pas aussi pointue sur l'aspect environnemental pour la distinguer dans l'étude environnementale stratégique.

Récemment, on émettait les certificats d'autorisation, exemple, pour le secteur éolien. Pouvez-vous me donner une indication de ces analyses d'incidences significatives anticipées, dont... On l'a sur l'éolien, exemple, ça peut contenir vraiment sur l'environnement, la biodiversité, les chauves-souris, les petits poissons, etc. Mais, comme on n'a pas l'occasion souvent d'entendre parler de ce genre d'analyses là qui ne sont pas la grosse analyse, l'étude environnementale stratégique, donnez-moi donc quelques points ou un...

Mme Fecteau (Louise): Bien, c'est un...

Le Président (M. Morin): Oui... oui, Mme Fecteau.

Mme Fecteau (Louise): Pardon. C'est un bon exemple. Donc, dans l'éolien, un promoteur de projet va faire l'évaluation des incidences de son projet. On va lui demander, maintenant... dans les directives, il doit faire l'évaluation des effets un peu plus cumulatifs. Souvent, dans une région qui est propre à recevoir des projets éoliens, on va additionner... Le premier projet, peut-être, ne causera pas nécessairement de problème, mais, si on est rendus à 12, 15 projets, à un moment donné, il y a quelqu'un qui va dire: Là, ça suffit, là, les éoliennes.

Mais, dans une évaluation plus de type régional, c'est qu'on va ajouter à ça d'autres types de projet. Il peut y avoir des routes à un moment donné qui étaient susceptibles de causer des problèmes de nuisance par le bruit, et tout ça. Mais là la route, plus l'éolienne, plus ceci, plus peut-être un projet agricole d'ampleur ou un projet... Parce qu'on parle des fois de conflit d'usage avec les industrielles, mais il y a le milieu agricole aussi qui va dire: Ça fait le huitième projet de toute nature qui atterrit sur notre territoire. On est en train de se demander si on n'est pas en train de saturer notre milieu.

Donc, stratégique, c'est de dire: On lève l'hélicoptère au-dessus de toutes ces dimensions-là plus spécifiques pour vraiment se demander où est-ce qu'on veut s'en aller comme qualité de vie, en fin de compte. Le mot «développement durable», ce qu'on dit souvent, c'est d'avoir une qualité de vie qui est satisfaisante pour les citoyens qui y vivent puis que l'environnement puisse y trouver son compte.

Le Président (M. Morin): M. Giroux, vous voulez compléter?

M. Giroux (Éric): Un des gains des évaluations gouvernementales stratégiques par rapport aux évaluations de projet... tu sais, je comprends la crainte des fois de... on va dupliquer ça. Mais c'est parce qu'on va être capable de peut-être éliminer certains enjeux qui sont discutés à chaque fois qu'on évalue un projet. Par exemple, celui des éoliens, c'est le meilleur. Pour nous autres, tu sais, des praticiens de l'évaluation environnementale, c'est clair depuis le début qu'une filiale énergétique comme l'éolien l'était, comme les gaz de shale l'ont été, on avait fait des représentations là-dessus, c'est un... il y a beaucoup d'énergie qui est discuté devant le BAPE par les gens sur les enjeux puis le pourquoi qu'on fait des parcs éoliens.

Alors, ce genre d'enjeu là peut être sorti au niveau stratégique, puis il est évacué après ça pour l'évaluation par projet, parce qu'on en a discuté, on s'est entendus, il n'y a peut-être pas eu un consensus, mais on a dit: On y va de ce côté-là. Il y a des pour, il y a des contre. Ça fait que, ça, on l'évacue du débat par projet après, puis on se concentre sur vraiment peut-être le biophysique, le socioéconomique qui est très local. Ça, c'est un des gains de faire une évaluation environnementale stratégique, tu sais, qui fait qu'on va perdre moins d'énergie après ça. C'est peut-être de prendre un peu plus de recul, prendre plus de temps pour le faire comme il faut, mais, une fois qu'on part après ça par projet, ça va accélérer les projets. Puis je crois qu'il va y avoir un meilleur consensus social à ce niveau-là après, au lieu qu'il soit débattu à chacun des projets qui arrivent un après l'autre.

Le Président (M. Morin): M. le ministre, il reste deux minutes.

M. Lessard: Deux minutes? Oui. La crainte des élus est tout le temps: Combien ça coûte? Puis on a-tu les moyens de faire ça? Puis c'est quoi, le gain qu'on a? Dans un patrimoine assez bâti, les municipalités régionales de comté qui n'ont pas beaucoup de croissance, je veux dire, je suis pognée avec ça. Donc, c'est pour ça les critères et les déclencheurs.

Mais donnez-moi donc une réalité voire d'un patrimoine déjà bâti qui, même en milieu rural, pourrait se voir... référence à vos conseils? Avez-vous des exemples concrets en disant aux municipalités: Ah! On est intervenus dans tel domaine, ça leur a permis de planifier une route, un rang, des maisons. Parce que les gens cherchent tout le temps à comprendre qu'est-ce que ça mange en hiver.

Une voix: Oui, exactement...

Mme Fecteau (Louise): Des exemples concrets ici, il n'y en a pas, puisque ça n'a jamais fait l'objet de normes ou de pratiques. Mais, si on prend l'exemple d'une municipalité au Centre-du-Québec qui voudrait avoir un centre de congrès, souvent on va se poser les questions économiques justement. Puis on demande aux élus, d'une manière ou d'une autre, de prendre position. Puis les informations qui sont à leur disposition vont être souvent limitées. Puis souvent c'est très tard dans le processus qu'on arrive avec des... des fois on appelle ça des «pop-up», des informations qui surgissent d'une manière inattendue sur le fait qu'on va peut-être créer un bouchon sur une bretelle d'autoroute parce qu'à un moment donné il va y avoir des événements trop importants. Là, il va falloir construire ceci et cela. Puis là ce n'est vraiment pas agréable pour personne de devoir reculer sur une position qu'on a affirmée fermement. Donc, l'idée, c'est d'avoir un élargissement un petit peu de ces questions-là, mais avant de se prononcer d'une manière formelle sur des projets.

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Fecteau. Maintenant, M. le député de Berthier, on vous écoute.

M. Villeneuve: Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Bonjour à vous deux. Et ce que j'ai compris tantôt dans votre réponse finalement, c'est que vous n'avez pas d'exemples concrets actuellement à nous soumettre, mais vous proposez justement qu'il y ait des projets pilotes qui soient peut-être mis en place, là, au Québec, pour justement qu'on en ait des exemples concrets.

Moi, je vais vous donner un exemple concret. Je vous amène dans la belle région de Lanaudière et municipalité... bien, trois MRC, entre autres, notamment, il y en a six, là, mais j'en nomme trois, là, principales... pas principales, mais concernées, donc: MRC de D'Autray, MRC de L'Assomption et MRC de Joliette où il y a, sur ce territoire, une des dernières tourbières au Québec, dans le sud du Québec. Et effectivement on s'est aperçus avec les années que, si on ne tenait pas compte justement de tous les petits gestes, tous les petits projets quels qu'ils soient, si on ne tenait pas compte finalement de l'impact ou de l'impact cumulatif, eh bien, on a un sérieux problème, parce qu'on est en train de la perdre présentement, là, elle diminue comme peau de chagrin. Et vous parlez de projet pilote. Bien, écoutez, c'est sûr que, moi, je vous entends à ce niveau-là, parce que je pense que ça pourrait être un bel endroit finalement où lancer un tel projet pilote pour justement s'assurer de la pérennité de cette tourbière-là.

Mais est-ce que vous avez en tête, vous, de votre côté d'autres projets pilotes qui pourraient... Parce que, dans le fond, on arrête où aussi, hein? C'est un peu ça, parce que, si on doit tenir compte de l'ensemble des impacts cumulatifs, eh bien, là, ça pose la question: On va jusqu'où? On arrête où? On parle d'une MRC, énoncé stratégique, qui n'est pas nécessairement la même que la MRC d'à côté, et pourtant les impacts de la MRC d'à côté, les projets qu'ils ont vont avoir un impact sur justement ce que, nous, on veut peut-être préserver ou conserver. Donc, la question, c'est: On arrête où par rapport à ça?

Le Président (M. Morin): Mme Fecteau, oui?

Mme Fecteau (Louise): Le plus important dans la procédure, là -- parce qu'elle existe ailleurs quand même, là, il y a une démarche qui est relativement bien documentée -- l'étape importante, c'est la détermination des enjeux prioritaires. Puis effectivement, par exemple, les questions de transport sont moins aiguës en Abitibi que dans les régions de la Montérégie, par exemple, dans les différentes MRC de la Montérégie.

Une fois que les enjeux sont jugés prioritaires et qu'ils ont été discutés avec la population, sont bien établis, là, c'est certain que, dépendamment, selon les enjeux, il y a des défis plus ou moins grands qui peuvent se présenter et qui devront être évalués en fonction de l'ampleur de la problématique qui sera établie aussi, là. Il y a certains enjeux qui en sont juste au stade de l'anticipation que quelque chose s'en vient, puis il y en a d'autres qui sont déjà très, très aigus, qui vont demander des actions concrètes assez rapides. Et c'est là que ça devient important d'avoir les informations pour pouvoir éclairer la planification qui va suivre pour ne pas prendre de décisions irréversibles.

L'autre affaire: quant au projet pilote... c'est sûr que, là, on est dans l'étape de l'avant-projet de loi. On se disait: Au fur et à mesure que le projet va avancer... de loi, on aimerait contribuer à faire la détermination de ces lieux-là éventuellement susceptibles d'être pilotes. C'est sûr que des régions où il y a déjà des plans de développement durable ou des problématiques qui sont apparues puis qu'il y a déjà donc un intérêt de contribuer activement à l'affaire, appelons ça comme ça, ça devient des zones intéressantes où travailler, là, parce qu'il y a des... on pourrait dire, les prémisses de départ sont déjà installées, puis ça prend deux ou trois régions qui ont des problématiques vraiment différentes pour être capable de faire un bon portrait, pour ensuite prétendre vouloir l'élargir à l'échelle de la province.

Le Président (M. Morin): M. Giroux.

Une voix: Voilà, c'est ça.

M. Giroux (Éric): Juste terminer avec un petit exemple concret, c'est toute la problématique d'érosion des berges qu'on vit présentement sur la Côte-Nord, tu sais? Là, vous en avez un enjeu, tu sais? Puis vous les connaissez, les enjeux, tu sais, parce que les gens vous en parlent à tous les jours probablement quand ils vous rencontrent. Ça fait que c'est... ils sont relativement faciles à identifier, et puis c'est là-dessus qu'il faut se concentrer, tu sais? Ce n'est pas le moment d'analyser la problématique de tel projet sur les grenouilles ou les tortues, là, tu sais? C'est vraiment, là, on se recule, là, puis, à partir de ça, on va décider ensemble qu'est-ce qu'on veut puis qu'est-ce qu'on ne veut pas sur notre territoire puis comment qu'on peut l'arranger.

**(13 h 10)**

Le Président (M. Morin): M. le député de Berthier.

M. Villeneuve: Merci, M. le Président. Selon vous, l'avant-projet de loi, tel qu'il est écrit présentement, est-ce qu'il pourrait répondre finalement au fait de s'assurer justement qu'on va tenir compte des effets cumulatifs des impacts et non pas y aller par projets? Selon vous, actuellement, dans sa forme actuelle, est-ce qu'il pourrait répondre à cela?

Mme Fecteau (Louise): Dans sa formulation actuelle, en étant... La formulation actuelle prévoit que toute modification au schéma et au plan d'urbanisme fait l'objet d'un diagnostic et d'un rapport d'anticipation des effets. S'il y a de quoi, c'est peut-être la question inverse, là. Comme c'est là, il prévoit, mais vraiment en grande, là. Je pense qu'on a les bretelles, la ceinture.

Là, la crainte que vous avez soulevée, M. le ministre, elle apparaît dans toute sa splendeur, c'est-à-dire que ça pourrait être lourd parce que ça en fait quand même des centaines par année, des modifications de toute nature. L'important, c'est probablement de trouver le bon libellé pour que la question des incidences significatives ou notables prenne tout sa place, là, puis que, quand on fait le travail, on le fasse pour les bonnes raisons. Autrement dit, qu'il n'y ait pas un découragement préalable qui fasse en sorte que les gens tentent de le contourner de toutes les façons parce que c'est trop gros, parce que ça en demande trop sur toutes sortes de modifications, du plus petit au plus gros. Vaut mieux s'assurer que celles qui le méritent le soient réellement plutôt que viser trop large puis toutes les manquer, là.

Le Président (M. Morin): M. le député de Blainville, vous voulez revenir à...

M. Ratthé: Oui, s'il vous plaît. Pour suite à ce que vous venez de dire, comment on fait pour décider, selon vous, là, qui... puis en sous-question, je vous dirais, hier, je pense ce sont, si ma mémoire est bonne, il me semble ce sont les aménagistes qui nous ont dit: Bien, le diagnostic, ils se questionnaient à savoir s'il devait être posé par des élus, hein, par la MRC, ou s'il ne devait pas être posé par des experts, des gens...

Alors, qui devrait poser ce diagnostic-là? Puis comment on fait? Parce que, là, vous dites: On devrait choisir, là. Mais ce n'est pas évident, j'imagine, là, de le faire, là.

Le Président (M. Morin): M. Giroux.

M. Giroux (Éric): Bien, je pense ça peut être une démarche concertée. Oui, les élus évidemment, mais, oui, des experts, tu sais. Je pense que ça se fait, puis la population, c'est... Dans toute évaluation environnementale, la première étape, c'est souvent une consultation, O.K.? Puis je reviens toujours, l'environnement, je ne me limite pas au biophysique, et puis je pense que c'est là que ça va nous permettre de mieux cerner nos enjeux. Vas-y.

Le Président (M. Morin): Mme Fecteau.

Mme Fecteau (Louise): Oui, je peux compléter. Ne serait-ce qu'avec toute l'information qui existe mais qu'on n'a pas de manière compilée, digestible, intégrée. Il se fait tellement de choses. Il y a des comités de bassin versant qui font des plans directeurs, des plans directeurs de gestion de matières... de ceci, de cela, là. À un moment donné, ne serait-ce que de les mettre tous uns superposés puis de voir... Il y a des techniques qui existent. On peut faire une recherche documentaire de la récurrence des thématiques des groupes de la région puis on voit, à un moment donné, émerger des thématiques principales, puis ça devient des enjeux qui sont jugés prioritaires. Ce n'est pas nécessairement un travail...

Les professionnels, en région, peuvent faire faire un grand bout de chemin là-dedans. Bien, comme je disais tout à l'heure, ils font déjà ça, mais pour d'autres types d'éléments. Là, on leur demande en fin de compte de faire quelque chose qui peut être assez mécanique, mais il y a une technique, on pourrait dire, à maîtriser par rapport à ça.

Puis ensuite il y a une confrontation par rapport au public puis aux élus, la compréhension des élus par rapport à ce qu'ils se font dire à tous les conseils municipaux, par rapport à ce que leurs professionnels leur apportent comme présentations. Là, il faut arbitrer tout ça pour voir quel est le consensus autour de ça.

Le Président (M. Morin): M. le député de Blainville.

M. Ratthé: Oui, bien, justement, je pense que le mot «consensus» est important, parce qu'il ne faudrait pas non plus que ça devienne, à la limite, un frein à certains projets. Parce qu'évidemment il ne faut pas qu'on utilise à l'inverse ce genre d'étude là d'impact pour dire: Bien, vous voyez bien, on a un nouvel outil qui empêche le développement. C'est peut-être la crainte que les élus auraient. Donc, l'idée d'un consensus de la politique, de la population, d'experts est probablement de commencer, comme vous dites, avec des plus petits projets ciblés.

Vous parlez, mon collègue en a fait allusion, de projets pilotes. Est-ce que l'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts a des ressources pour pouvoir, par exemple, si vous dites: On voudrait faire deux, trois projets, est-ce que vous proposez de vous impliquer dans ces projets pilotes là ou... Comment vous voyez, là, l'établissement d'un ou deux projets pilotes, là?

Le Président (M. Morin): M. Giroux.

M. Ratthé: Vous offrez vos services? Comment vous voyez ça?

M. Giroux (Éric): Bien, nous, on est un organisme sans but lucratif puis on est financés par différents paliers de gouvernement, on a des ressources. Puis l'évaluation environnementale stratégique, c'est un des clous sur lequel on tape depuis au moins 15 ans. Ça fait que c'est certain qu'on aimerait ça participer dans la nature de nos moyens, puis si vraiment on en a besoin, de plus d'aide, bien, on en reparlera. Mais je pense que, pour cet avant-projet de loi là, c'est dans nos priorités, là, cette année, là. Ça fait qu'on aimerait ça, oui, vous guider, vous aider, en donner le plus possible dans ce que nos membres peuvent faire, parce qu'on est apolitiques et, nous, notre objectif, c'est de faire avancer la science puis le développement durable. Ça fait que...

Le Président (M. Morin): Oui, Mme Fecteau.

Mme Fecteau (Louise): Et juste pour votre préambule à cette question-là, vous avez dit: Il ne faut non plus que ça devienne un frein, parce que, les élus, à un moment donné, il faut que les projets se réalisent, parce que c'est la vitalité économique, il n'y a rien non plus qu'on déteste le plus qu'avoir investi... Les investisseurs, là, et les élus aussi nécessairement, il n'y a rien qui devient plus désagréable que de voir freiner un projet qui a eu beaucoup d'argent de dépensé. C'est parce que, là, de plus en plus, on se rend loin dans les projets, puis ils finissent par s'arrêter. Il y a beaucoup de projets qui ne se réaliseront pas, mais qui ont fait l'objet de pas mal d'études, de discussions, de consultations, puis finalement ils ne se réalisent pas. Mais si on se met à superposer les motifs pour lesquels ils ne se réalisent pas, on finit par se dire qu'on aurait pu s'en rendre compte avant. Les investisseurs, c'est comme ça, ils vont choisir d'investir dans les projets les plus susceptibles de se réaliser. S'il ne faut pas qu'ils se réalisent là, il ne faut pas qu'ils se réalisent là, et ils vont faire un choix en fonction de ce qu'on leur présente. Mais le meilleur projet va se réaliser dans le meilleur milieu pour le recevoir si on a l'information à notre disposition.

Le Président (M. Morin): M. le député de Berthier, vous n'avez pas beaucoup de temps, mais allez-y.

M. Villeneuve: Ah, ça va être rapide parce qu'en tant qu'ex-élu aussi, moi... Quand vous me dites que, si on superposait, finalement, l'ensemble des projets qui ne se sont pas réalisés parce que justement on n'a pas fait un travail en amont qui fait en sorte que le projet ne se réalise pas, si vous aviez de quoi là-dessus, ça serait très convaincant pour les élus du Québec, dire: Bien, voyez, ça paie de faire le travail en amont, parce que, voyez-vous, tel projet, tel projet n'a pas pu se concrétiser parce qu'on ne l'a pas fait, le travail avant. Alors, belle piste, en tout cas. Comme élu, moi, si j'avais ce document-là, j'en serais fort heureux, et ça me permettrait assurément de pouvoir pousser davantage sur la suite des choses.

Le Président (M. Morin): Merci, M. le député de Berthier, pour votre côté optimiste. Donc, Mme Fecteau, M. Giroux, merci beaucoup. Ça a été un échange très intéressant, et on vous souhaite bon appétit si vous n'avez pas dîné, et bon retour chez vous.

Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 17)

 

(Reprise à 15 h 5)

Le Président (M. Morin): Bon après-midi, tout le monde. Comme je constate le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'aménagement du territoire ouverte. Comme à l'habitude, vérifiez vos téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre la consultation générale et de tenir des auditions publiques à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi sur l'aménagement durable du territoire et de l'urbanisme.

Nous recevons le rassemblement pour la sauvegarde du 1420 Mont-Royal. Donc, M. Seymeur...

Rassemblement pour la sauvegarde du
pavillon 1420 boulevard Mont-Royal

M. Seymour (Michel): Seymour.

Le Président (M. Morin): ...Seymour, est-ce que c'est vous qui prenez la parole?

M. Seymour (Michel): Oui.

Le Président (M. Morin): Si vous voulez bien nous présenter la personne qui vous accompagne, et je vous cède la parole.

M. Seymour (Michel): Très bien. Alors, M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, je me présente, moi, Michel Seymour, professeur au Département de philosophie à l'Université de Montréal. Et je suis accompagné de Denyse Vézina, qui agit comme conseillère juridique au sein de notre rassemblement.

Notre rassemblement, pour le présenter en quelques mots, s'oppose à la vente du 1420 Mont-Royal pour un ensemble de raisons, qui sont évoquées au début de notre mémoire, mais disons que nous nous opposons à une vente qui n'a pas encore eu lieu. Les gens peuvent croire que la vente du 1420 a eu lieu, mais la vente n'a pas eu lieu. Malgré les annonces qu'on voit dans les journaux, de la part du promoteur, la vente n'a pas eu lieu encore. Et nous sommes engagés dans une requête en nullité, nous estimons que le changement de zonage a été effectué de manière illégale, et nous allons être entendus le 1er juin prochain. La cause sera entendue le 1er juin prochain.

Alors, dans notre mémoire, nous voulons, d'abord et avant tout, exprimer une inquiétude à l'égard de certains aspects de l'avant-projet de loi sur L'aménagement durable du territoire et de l'urbanisme déposé à la première session de la 39e législature, en 2010. En l'occurrence, nous sommes particulièrement inquiets de la portée du concept de zone franche qu'on trouve dans cet avant-projet de loi.

À nos yeux, il ne suffit pas de faire -- je dirais trop souvent -- semblant de consulter les gens en amont d'un projet. Et là je ne parle pas de la consultation qui a lieu ici, je parle des maires, des conseils de ville qui consultent, n'est-ce pas, via parfois l'Office de consultation publique, en amont d'un projet. Il ne suffit pas d'assurer cela par la loi. Il ne suffit pas aussi de garantir de l'information continue aux citoyens. Il est vrai que ce sont là deux bonnes mesures qu'on trouve dans l'avant-projet de loi et qui déjà vont plus loin que la réalité, puisque, très souvent, les choses se font en parfaite méconnaissance des obligations de nos élus municipaux à l'égard des citoyens. Mais, à notre avis, il ne suffit pas de garantir cela. Il faut aussi que les citoyens aient l'occasion de se prononcer et de parfois décider d'un projet particulier de développement de la part d'une municipalité.

La consultation sans référendum, sans processus référendaire est trop souvent un simulacre de démocratie. Or, l'inquiétude que nous avons, c'est que le concept de zone franche permettrait d'éviter le verdict populaire, et ce, cette fois-ci, de manière parfaitement légale parce que les villes pourraient procéder à des modifications dans le zonage dans des régions qui auront été... ou des zones qui auront été déclarées zones franches.

Il faut savoir -- mais vous le savez certainement, mieux que moi, même -- que la solution souvent utilisée par les administrations municipales pour contourner l'obligation de soumettre un règlement à un processus d'approbation référendaire consiste à exploiter abusivement l'article 123 de la Loi d'aménagement et d'urbanisme. Cet article stipule qu'un règlement de zonage ne sera pas susceptible d'approbation référendaire s'il s'agit d'un règlement visant seulement à assurer la concordance avec le plan d'urbanisme.

Et alors il arrive parfois que... Même si un bâtiment se trouve dans une zone qui, par exemple dans le cas du 1420, se situe dans un arrondissement historique et naturel, parmi un ensemble d'établissements qui ont une vocation institutionnelle et éducative, qu'à cela ne tienne, il suffit de modifier le plan d'urbanisme du sol se trouvant sous le 1420, et ensuite on modifie le zonage en disant: Mais c'est un règlement de concordance. Ce truc-là a été utilisé dans le cas du 1420, mais notre examen de la situation nous a permis de constater que c'est un truc qui a été transmis à l'ensemble des maires, semble-t-il, puisqu'il est souvent utilisé. Et, lorsque le changement se fait sur le terrain se trouvant exactement sous le bâtiment concerné, on appelle ça du «spot zoning», du zonage...

**(15 h 10)**

Une voix: ...

M. Seymour (Michel): ...parcellaire. Alors, permettez-moi d'utiliser «spot zoning», puisque cette expression est consacrée. Alors, c'est ce qui s'est passé dans le cas du 1420. Et ce truc-là nous apparaît problématique, surtout lorsqu'il s'agit de bâtiments qui ont une vocation institutionnelle et éducative, surtout quand ces bâtiments se trouvent dans une région où il y a plein d'autres bâtiments à vocation institutionnelle et éducative, surtout quand le bâtiment ne se trouve pas dans une zone résidentielle, et, de surcroît, il se trouve dans une zone historique, un arrondissement historique et naturel.

La ville de Montréal ne s'est pas préoccupée de cela et a procédé, comme vous le savez, à un changement de zonage, qui nous apparaît illégal parce qu'il ne respecte pas l'esprit à la fois de l'article 89.1 de la Charte de la Ville et l'article 123, alinéa 3°, de la Loi de l'aménagement et de l'urbanisme. Cet article-là n'avait pas été pensé, à mon avis, comme un truc pour se sortir d'une obligation de soumettre un projet à un processus d'approbation référendaire.

Eh bien, c'est dans cet esprit-là que nous nous inquiétons un peu des zones franches. Certains se sont inquiétés des zones franches parce qu'ils se disent: Mais, ma foi, un conseil de ville pourrait décider de déclarer zone franche une immense région. Mais on peut s'inquiéter aussi que le concept de zone franche serve à déclarer un terrain bien spécifique zone franche, ce qui nous permet ensuite de faire ce qu'on veut, qui pourrait être considéré illégal maintenant mais qui ne le sera plus avec le concept de zone franche.

Alors, il nous est avis qu'il faudrait vraiment restreindre l'application de ce concept de zone franche, que ça ne devrait pas s'appliquer à n'importe quoi, que ça ne devrait pas s'appliquer à des bâtiments se trouvant dans un arrondissement historique et naturel. Il me semble que le concept de zone franche, qui donne toute la latitude au conseil de ville de faire ce qu'elle veut dans un certain territoire, irait à l'encontre de l'esprit du principe même de ce qu'est un arrondissement historique et naturel. Et il me semble, par conséquent, que nous devrions être vigilants pour ne pas laisser passer des... l'occasion de réduire la démocratie, alors que, comme vous le savez tous, la participation, lors des élections, des citoyens est faible. Eh bien, le contrôle par des processus référendaires constitue un moyen d'embarquer les gens dans le processus démocratique et, qui sait, éventuellement, de participer un peu plus sérieusement aux élections parce qu'ils seront familiarisés aux enjeux.

Sans le recours à des référendums pour des questions de changement de zonage concernant des bâtiments qui ont un caractère patrimonial, dans des zones historiques et naturelles, il nous apparaît que là il y a quelque chose qui non seulement va à l'encontre du principe même de ce qu'est un arrondissement historique et naturel, mais il y a quelque chose aussi qui brime le processus démocratique pour des citoyens qui commencent à s'approprier les enjeux de leur propre ville.

Vous savez certainement que le problème se pose de mille et une façons en ce moment. Le 7400 rue Saint-Laurent est un de ces lieux de combat. À la lisière du Stade olympique aussi, il y a eu des préoccupations citoyennes. Nous avons aussi, au 1420, nos propres préoccupations citoyennes. Nous recommanderions donc au gouvernement, aux commissaires aussi, de tenir compte de toutes ces remarques que nous vous faisons: limiter l'usage du «spot zoning»; accroître la démocratie plutôt que la réduire; donner des occasions aux citoyens d'avoir un recours à des référendums. Parce que là on craint qu'avec le «spot zoning» légalisé, qu'implique le concept de zone franche, nous risquons de nous retrouver avec des processus référendaires constamment avortés ou qui ne peuvent avoir lieu. Alors, c'est l'inquiétude que nous voulions exprimer.

Je recommanderais aux commissaires de s'inspirer notamment du document produit par le juge Lorne Giroux et Me Isabelle Chouinard, qui font la recension de la jurisprudence autour du «spot zoning» et qui identifient correctement les usages abusifs du «spot zoning», qui, dans certains cas, commandent l'intervention citoyenne pour que les citoyens aient l'occasion de s'exprimer.

Il me semble que, sans cette occasion de s'exprimer, les citoyens, même s'ils sont consultés... feront ce qu'ils veulent. Nous avons été consultés. L'Office de consultation publique a reçu les mémoires de plein de gens lorsque nous nous sommes opposés à la vente du 1420. La vaste majorité des mémoires s'opposaient au 1420. Les commissaires ont pris acte de cela, ont recommandé le report de la vente pour qu'on regarde d'autres sources de financement. Deux jours plus tard, l'administration de l'Université de Montréal a dit qu'elle passait outre. Alors, la consultation donne souvent très peu de résultats et elle ne nous apparaît pas le moyen par excellence pour que les citoyens puissent agir, et se prononcer, et s'approprier la démocratie. La réglementation municipale est parfois très difficile à déchiffrer. Je dirais que l'avant-projet de loi, tout en étant impeccable sans doute sur le plan juridique, constitue, pour l'humble philosophe que je suis, un casse-tête qui me pose plus de problèmes que la lecture de la Phénoménologie de l'esprit de Hegel.

Bon. Ceci étant dit, blague à part, je dirais que -- en terminent, si j'ai encore quelques instants -- le processus d'approbation référendaire offre un rempart démocratique aux citoyens et assure une vigie de la population à tous les abus des petits maires qui, parfois, ont été dénoncés ces derniers mois. Et c'est pourquoi je recommanderais peut-être, dans l'esprit de la recommandation faite par l'Ordre des urbanistes du Québec, de laisser de côté le concept de zone franche au profit de quelque chose comme un processus référendaire qui s'applique en amont lorsqu'on veut changer le plan d'urbanisme. Si je ne m'abuse, c'est ça, le sens de leur recommandation. Et je l'appuierais.

On va dire très souvent qu'il faut faire attention à ces réactions citoyennes. C'est tout le temps «jamais dans ma cour». Il y a des minorités de blocage. Je vous dirais que, dans le cas du groupe que nous représentons, la minorité de blocage, c'est non seulement 250 professeurs à l'Université de Montréal, c'est 2 000 citoyens vivant autour du 1420 Mont-Royal, c'est deux partis politiques à la ville de Montréal, qui se sont présentés avec, dans leurs programmes, la volonté de ne pas faire le changement de zonage du 1420 et représentant 60 % de la population. Et c'est la vaste majorité des mémoires soumis à l'Office de consultation publique.

Quand il y a un réveil de la démocratie comme celui-là... Imaginez qu'on déclare le terrain sous le 1420 zone franche. Eh bien, ma compréhension de ce qui est impliqué dans le projet de loi -- on me corrigera -- c'est que, bien, l'administration municipale pourrait décider, en déclarant le terrain sous le 1420 zone franche, de modifier le zonage sans engager quelque processus référendaire que ce soit, comme elle l'a fait, sauf que là ce serait en toute légalité, alors qu'en ce moment nous estimons que c'est en toute illégalité. Donc, si les commissaires décident de retenir le concept de zone franche, qu'on fasse attention de ne pas inclure les bâtiments se trouvant dans des arrondissements historiques et naturels et qu'on fasse attention aussi de réfléchir aux rapports qui existent entre cet avant-projet de loi et la charte de la ville.

La question que nous nous sommes posés en lisant l'avant-projet de loi, c'est: Est-ce que ce document ne fait que modifier la Loi d'aménagement et d'urbanisme en laissant de côté les principes affirmés dans la charte de la ville, y compris à l'article 89.1, que les bâtiments situés dans des arrondissements historiques et naturels sont susceptibles d'approbation référendaire? Est-ce que cela va demeurer prioritaire ou c'est subordonné au projet de loi... La charte de la ville est-elle subordonnée au projet de loi ou bien si elle a préséance sur la Loi d'aménagement et l'urbanisme? Voilà la question que je me pose. Merci, M. le Président.

**(15 h 20)**

Le Président (M. Morin): Merci, M. Seymour. Maintenant, nous commençons la période d'échange. M. le ministre.

M. Lessard: Alors, merci. Bonjour, M. Seymour, Mme Vézina. Je pense, c'est vous qui allez plaider votre cause devant la cour, parce qu'à vous écouter, honnêtement, vous avez l'air à avoir tous les arguments...

Une voix: ...et les réponses.

M. Lessard: Et, à vous écouter, je pense, si vous dites que vous ne connaissez pas bien la loi, ça ne paraît pas. Alors donc...

M. Seymour (Michel): Je cache mon jeu.

M. Lessard: ...on voit que vous possédez bien votre matériel, et puis c'est intéressant, merci beaucoup. Même si c'est sur un angle, ça couvre assez large, quand même, ce que vous dites, ça couvre quand même certaines pratiques.

Premièrement, un, à la question: Est-ce que la charte de Montréal a préséance ou la loi a préséance?, c'est concomitant. La loi, c'est une chose, la Charte de la Ville de Montréal, la Charte de la Ville de Québec, les... Les villes à charte ont leur propre pouvoir, et à ça s'ajoutent des outils dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Ça veut dire que, si la Charte de la Ville de Montréal a une particularité, elle la maintient, s'ajoute à ça l'environnement, parce que, dans la Charte de la Ville de Montréal, il y a des affaires qu'il y a qu'il n'y a pas dans d'autres villes au Québec, parce que c'est la métropole, probablement. Alors donc, juste pour... il n'y a pas de un sur l'autre, c'est un et l'autre.

Deuxièmement, vous dites... Puis là je veux tuer ça, quand même, dans l'oeuf tout de suite, la prétention que, s'il y a un référendum sur un... l'adoption d'un plan d'urbanisme, c'est plus clair que sur chaque projet. Avez-vous déjà lu un plan d'urbanisme? C'est les orientations générales, c'est quasiment aussi général que le schéma d'aménagement. Alors, si vous avez l'impression que c'est plus démocratique de se prononcer sur le plan d'urbanisme, c'est une fausse illusion. Je trouvais ça intéressant, moi, avoir questionné les experts ici, ils disent: Écoute, c'est tellement général que tu ne sauras jamais c'est quoi, le vrai projet.

Ce qui est la nouveauté, M. Seymour, Mme Vézina, c'est qu'on introduit que, si tu veux faire un périmètre, une zone franche, tu devras l'inscrire dans ton plan d'urbanisme. Donc, tu devras venir indiquer à la population: Voici la zone que je délimite. Au lieu de le faire par petits projets, puis en catimini, puis un jour tu te réveilles, puis tu dis: Bien, ils sont en train de le soustraire, tu devras donc annoncer tes couleurs au conseil: Voici, je vais changer mon plan d'urbanisme, voici le périmètre que je définis, voici les objectifs pour lesquels je le fais, je le fais pour... bon, il peut y avoir la densification. Puis on pourrait...

Si on écoute juste le 1420 sans savoir que c'est de l'environnement historique, on pourrait dire: Bon, un vieux bâtiment, puis on fait la densification. C'est ce qu'on veut faire aussi à Montréal, on ne veut pas qu'il s'étale. Là, votre point le plus fort est plus sur le fait que c'est un bâtiment historique. Moi, là-dessus, là, j'écoute, là, par rapport à ce que vous dites, mais on dit: Bon, on veut faire de la rénovation de quartier ou de la requalification, Angus en est un bon exemple, etc., il y en a d'autres à Montréal, ce qui va se passer à la gare d'Outremont, hein, une strippe où est-ce qu'il n'y a rien, puis on va, donc, faire des bâtiments. Alors donc, il va venir politiquement dire: Voici ce qu'on veut faire, à la population.

Et l'autre, c'est... Et là vous l'avez à Montréal, sur une politique de consultation et d'information, vous dites: Ça a ses limites, parce que, de toute façon, à la fin, une fois qu'il adopte son périmètre, on a été consultés, on a été informés, mettons qu'on est encore contre puis qu'ils ne craignent pas de se faire battre à la prochaine élection, ils pourront, donc, oui, faire... Mais le plan va être connu, et non pas en modifiant le plan d'urbanisme puis par concordance aller régler un règlement dans lequel vous avez l'impression... Votre impression, vous dites: C'est illégal, là. Je vais vous laisser votre plaidoyer là-dessus, mais je veux revenir là-dessus, c'est que, non, ce que les ordres de... des urbanistes ont dit, ce n'est pas plus de démocratie.

Donc, sur votre point, la sensibilité que j'exprime à cette étape-ci... Parce que j'ai rencontré l'Office de consultation publique, Héritage Montréal. J'ai rencontré aussi le quartier du commerce, M. Demers, donc différentes instances, enseignants. Je pense que ce qu'ils me disent: Le projet de loi va dans la bonne direction. Je comprends votre préoccupation sur: Est-ce qu'ils peuvent faire tout sans nous écouter, là? Mais juste pour vous dire que le point le plus fort, moi, c'est sur le côté historique. Alors, je ne sais pas si vous pouvez le développer un peu plus, ou est-ce que... Qu'est-ce qui vous amène, là... Je ne connais pas tout l'historique du 1420. Je l'ai lu, et c'est vrai que j'avais l'impression qu'il était vendu, mais je ne l'avais pas suivi jusqu'au bout. Alors, si vous voulez me parler, parce que ça m'intéresse, ce que vous dites sur le volet historique. Ça commence quand, l'histoire? Il y a-tu un critère dans le temps? Il y a-tu un événement du côté institutionnel ou autre? Qu'est-ce qui serait des déclencheurs dans lesquels on devrait tenir compte si on avait à aller dans le sens que vous nous proposez?

Le Président (M. Morin): M. Seymour.

M. Seymour (Michel): Oui. Merci pour votre question. Effectivement, nous avons affaire à un bâtiment qui se situe dans un arrondissement qu'on veut préserver. Et, de plus en plus, préserver les espaces, ce n'est pas seulement préserver la nature, les arbres, les écureuils, pour parler comme certains journalistes de la presse, mais aussi préserver le patrimoine culturel. Or, là, nous avons un magnifique bâtiment qui non seulement a un caractère patrimonial dans son architecture, mais qui est porteur de valeurs culturelles, puisque c'est une maison d'enseignement qui a assuré l'éducation de dizaines de milliers d'enfants depuis le début du siècle.

Alors, c'est un bien communautaire que les Soeurs du Très-Saint-Nom-de-Jésus-et-de-Marie ont accepté de transférer à l'Université de Montréal dans un contrat moral, puisque l'Université de Montréal, même si elle donnait moins de sous que d'autres offrants, assurait le maintien de la vocation éducative. Donc, on a affaire ici à un bâtiment qui a une valeur patrimoniale sur le plan architectural mais qui a une valeur culturelle sur le plan de la mission éducative, qu'il a permis de préserver. Nous sommes dans un espace, cet arrondissement, où se trouvent majoritairement des bâtiments qui ont aussi un caractère historique, bien sûr, mais qui ont une vocation institutionnelle et éducative.

C'est dans ce cadre-là que, tout d'un coup, l'idée apparaît de se départir de ce bâtiment, prétextant un manque de ressources financières. Et alors là, devant ça, toujours on se tait. Sauf qu'on croit pouvoir trouver l'argent, 1,4 milliard, pour développer la gare de triage. On ne peut pas trouver entre 50 millions et 100 millions pour rénover le 1420, il n'y a pas l'argent, mais il y a 1,4 milliard qu'on va trouver pour un deuxième campus à la gare de triage.

Alors là, il y a quelque chose qui apparaît suspect tout de suite. L'Université de Montréal a un besoin criant d'espace. 22 000 m² sont assurés... 22 000 m² nets sont assurés par ce bâtiment. Ce bâtiment est à proximité des autres bâtiments sur le campus et permet les échanges entre les gens. L'interdisciplinarité, c'est vraiment la manière de faire de la recherche à notre époque. Et alors donc on maintient... En ayant un bâtiment là, on assure l'interdisciplinarité. C'est à deux pas d'une station de métro. C'est dans le prolongement de l'Université de Montréal. Ce serait l'Université de Montréal qui assume sa responsabilité patrimoniale, comme l'Université Concordia l'a fait avec le bâtiment des Soeurs grises et comme l'Université McGill veut le faire avec l'Hôpital Royal Victoria.

La liste des arguments est dévastatrice sur le plan de la responsabilité culturelle, historique, patrimoniale, éducative que recèle ce document. C'est le patrimoine invisible, ça. C'est culturel. Mais les citoyens autour sont sensibilisés à ça, et c'est pourquoi nous n'avons eu aucune difficulté à rassembler un très grand nombre de citoyens autour de notre cause.

Alors, voilà un petit peu dans quel contexte que ça apparaît. Alors, moi, dans cet esprit-là, je dirais: Dans l'hypothèse où il y aurait une sorte d'amorce de consensus autour du concept de zone franche, ne l'appliquons pas dans des espaces qui ont été par ailleurs déclarés comme appartenant à l'arrondissement historique et naturel. Ça irait à l'encontre de cette idée d'un arrondissement historique et naturel, et ça irait à l'encontre aussi du projet de loi n° 82 sur le patrimoine culturel. Qu'est-ce que c'est que notre engagement à l'égard du patrimoine culturel si, dès qu'on a une chance sur un de ces bâtiments qui a une haute valeur symbolique, culturelle et architecturale, on le cède au profit d'un ensemble de condos pour personnes très fortunées? Déjà là, il y a une contradiction entre les engagements que l'on veut prendre à l'égard de l'arrondissement historique et naturel et a l'égard du projet de loi n° 82 sur le patrimoine culturel.

M. Lessard: Je sens que l'Université de Montréal vient de manger toute une raclée avec votre plaidoyer.

**(15 h 30)**

M. Seymour (Michel): Ah oui?

M. Lessard: Parce que je faisais allusion à la gare de triage, évidemment c'est l'Université de Montréal aussi qui a un plan de développement, mais avec d'autres. Ce n'était pas rien que 1,4 milliard de l'Université de Montréal, c'est tout un plan. Je veux rien qu'un peu décortiquer. Mais je comprends votre plaidoyer, mais, je vous le dis, moi, sur la sensibilité des arrondissements historiques, il faudrait avoir une discussion là-dessus, sur zone franche, à tout le moins, là. Parce que ce n'est pas partout, il n'y en a pas 1 000 places. Il y a à Québec et à Montréal, là, puis à Trois-Rivières peut-être, quelques villes, comme Lévis. Mais donc il y a quelque chose dans cette qualité-là, là, de bâtiment.

Une voix: ...

M. Lessard: À Saint-François, à Montmagny, oui? Peut-être que le comte de Montmagny... le seigneur de Montmagny a embarqué là. Moi, c'est ce volet-là que je voulais tester avec vous, parce que, nécessairement, quand on croit au développement durable, on croit aussi à la requalification, même de bâtiments. Puis là on peut faire la bataille sur qu'est-ce qui a une valeur patrimoniale. Ce n'est pas parce que c'est vieux que c'est patrimonial, hein? Donc, il y a des affaires qui ont été bâties quand ça fait très longtemps qui n'ont aucune valeur patrimoniale. Mais je comprends, le site historique, cette notion-là, on n'a pas documenté, on est contents de vous recevoir pour ça. Donc, on va regarder sous quel angle et de quelle façon on peut le traiter avec tout le monde qui a affaire dans la loi.

M. Seymour (Michel): Est-ce que je peux vous poser... Est-ce que je peux poser une question?

Le Président (M. Morin): Allez-y, M. Seymour. Vous êtes là pour ça.

M. Seymour (Michel): Dans la façon que vous avez eue de décrire le concept de zone franche, j'ai eu le sentiment que ça entrait non pas en contradiction mais au moins en tension avec le «spot zoning». D'après ce que vous dites, il faut à l'avance élaborer un grand schéma d'aménagement dans lequel on décide à l'avance de déclarer certains terrains, territoires zones franches. Alors, on ne peut pas, après coup, à la pièce, tout d'un coup, dire: Ah! on va changer la vocation du terrain sous tel bâtiment, puis ensuite on va changer la vocation, l'usage du bâtiment, puis ça sera encore un règlement de concordance, puis il n'y aura pas de référendum. Et je voudrais savoir en même temps, ça serait mon autre question: Quand peut-il y avoir, avec le concept de zone franche, un processus référendaire?

M. Lessard: Bien, dans la zone franche, il n'y en aura pas. Une fois que tu as délimité... Donc, c'est un plan politique qui, lui, dit: Dans la délimitation, voici dans quel corridor je vais l'appliquer. Je le laisse savoir à la... Premièrement, il faut que tu aies une politique de consultation, mais, à Montréal, vous en avez déjà une. J'avise d'avance que ce périmètre-là... et j'informe la population que je veux m'affranchir pour les raisons suivantes: densification... Puis là il faut qu'il explique son projet. Et là il lance ses informations et consultations, il rencontre les groupes, puis par la suite il y a adoption au plan. Alors, on peut dire que, dans cette façon de faire là, il n'y a pas de référendum sur l'opportunité politique de le faire.

Maintenant, est-ce que c'est statique? La réponse, c'est non. Là, on a des institutions... Exemple, on va prendre des églises. Moi, chez nous, c'est des églises. Il y en avait cinq, là ils en ont fermé trois. Une fois qu'elles sont fermées, bien, elles sont à vendre. Est-ce que... On n'a pas pensé ça. Moi, quand j'étais jeune, je pensais que j'allais vivre avec toute ma vie, les églises. Quand on était pauvres, on a fait des grosses églises de riches, puis, quand on est riches, on n'est plus capables de les garder. Mais, en tout cas, c'est un autre débat, là, c'est par rapport à la religion. Mais là il dit: Qu'est-ce qu'on fait avec l'église? On la sacre à terre, on la vend, on la convertit en condos? La même question est à Québec, elle est un peu partout. Alors donc, il pourrait redéfinir un quartier. Puis peut-être qu'il y a une usine qui a fermé, puis donc la vie a changé dans le quartier, il faut la requalifier un peu. Angus, le quartier Angus en est un exemple.

Il pourrait donc, à une étape... Même s'il avait prévu au début: voici quelle zone, il se pourrait qu'il se rajoute une zone. Et là il faudrait qu'il refasse le processus de modifier son plan et d'aviser sa population que ce quartier-là, Griffintown, exemple, est à reconvertir, à requalifier. Et je vous avise -- puis si c'est ça qu'ils veulent faire -- qu'il n'y aura pas de... Je vous le dis d'avance: Il n'y aura pas de référendum si on modifie, donc, cette zone-là pour l'introduire.

Mais il n'y a pas de catimini qu'en changeant le plan d'urbanisme, qui a l'air inoffensif... Tu regardes la modification qu'ils veulent faire, tu dis: Ça ne m'intéresse pas, tu sais. J'ai vu, elle a passé, la modification, ça a l'air... D'un coup, ils viennent changer le règlement par concordance, puis, tout d'un coup, tu te retrouves que, dans un quartier, ils vont vendre la bâtisse dans laquelle... tu n'as pas vu que le lien entre la petite modification qui avait l'air bien banale, deux mois passés... Et, soudainement, la pancarte, c'est marqué «vendu», puis là il se bâtit que je... ce n'est pas quelque chose qu'on souhaitait.

Alors donc, pour ne pas prendre les gens en surprise, donc, il y aura un débat là-dessus. Et, nécessairement, quand la salle est pleine, normalement ça a aussi un certain effet. Dans les autres provinces canadiennes, je vais vous dire, il n'y en a pas, de référendum. Je ne sais pas comment ils l'expriment. Il y a des tribunaux spécialisés, puis là tout le monde se poursuit, puis... sur l'opportunité politique. Alors, dans d'autres provinces, l'expression est plutôt de judiciariser et d'aller devant un tribunal spécialisé pour, même, demander de statuer sur l'opportunité politique d'avoir fait telle chose. On est plutôt dans le régime.

C'est pour ça que je veux garder les référendums, sur bien des aspects. Quoique... Et, à Montréal, j'ai modifié la Charte de la Ville de Montréal pour enlever même la pétition positive. C'est-à-dire que quelqu'un fait un projet, passe en porte à porte, fait signer tout le monde, pour des raisons qu'on ne sait pas, puis... Et ça évite même une tenue de référendum. Alors, on a fait changer la Charte de la Ville de Montréal pour s'assurer que ça ne peut pas arriver, alors, que quelqu'un puisse arrêter le processus d'un déclenchement des registres, etc. Vous voyez, on a essayé de trouver les deux... chercher les deux équilibres.

Le Président (M. Morin): M. Seymour.

M. Seymour (Michel): ...de revenir un petit peu à la charge. Vous avez parlé, là, cette fois-ci, de modifier le quartier, zone franche pour un quartier. Alors, ma question, je la repose avec ce vocabulaire: Pourrions-nous déclarer zone franche un terrain se situant sous un bâtiment? Donc, le concept de... Moi, je m'inquiète... Paradoxalement, certains citoyens s'inquiètent que de vastes quartiers deviennent zones franches. Étant donné ma préoccupation en tant que membre du rassemblement, j'ai une préoccupation pour un concept de zone franche qui est juste le terrain sous le bâtiment: nous allons déclarer zone franche le terrain sous le 1420.

M. Lessard: Avec le libellé tel qu'il est là, oui, vous pourriez arriver à atteindre cet objectif-là. Actuellement, ils prennent d'autres moyens pour fait du «spot zoning», mais, dans les autres moyens, ils ne vous avisent pas d'avance: Voici l'intention qu'on veut. Donc, ils ne vous avisent pas d'avance que, dans la délimitation suivante, pour les intentions suivantes, je vais faire telle chose. La nouveauté est celle-là. Quand ils veulent faire du «spot zoning», il y a toutes sortes d'autres techniques, qu'on me dit, et qu'à la fin le citoyen est surpris, il ne le sait pas. Le plan politique n'a pas été lancé, la connaissance n'a pas été établie. Et souvent c'est par... accessoire qu'on découvre que soudainement c'est vendu, ou à vendre, et on se retrouve...

Alors, on va regarder s'il y a une question de... Ce n'est pas l'objectif qu'on veut, parce que, nécessairement, nos lois essaient de combattre le «spot zoning», qui est dénoncé, même qui a fait l'objet de jurisprudence. Y a-tu quelque chose qu'on pourrait rajouter? Mais, peut-être, je vous invite... même si vous n'êtes pas un expert, il semble que vous avez beaucoup de connaissances. Et, nous autres, on va faire travailler ceux qui l'ont inventé, comment on peut éviter de faire un...

M. Seymour (Michel): Si je comprends bien, alors...

M. Lessard: ...un îlot, un immeuble, même.

M. Seymour (Michel): Voilà. Donc, je comprends bien que l'esprit de votre avant-projet de loi, en rapport avec le concept de zone franche, n'est pas de permettre de légaliser le «spot zoning», qui, très souvent, pas dans tous les cas mais très souvent, est une façon abusive d'utiliser l'article 123 de la loi d'aménagement et d'urbanisme.

M. Lessard: Je dirais, non, ce n'est pas l'intention. Deuxièmement, on pense que c'est un plan politique qui doit être connu. Puis on veut travailler en amont en disant: Quand les politiciens municipaux disent: Bien, voici ce qu'on veut faire, dans quelle zone on veut le faire, les objectifs qu'on vise, les orientations et les critères, la population, à tout le moins, même si elle n'aime pas le plan, elle sait clairement à quoi on a affaire, quelles zones ça vise, puis on veut éviter que ce soit... effectivement un bâtiment, là. On n'a pas tout fait ça pour faire en sorte qu'on répète exactement ce qu'on dénonce dans des législations puis dans les jurisprudences.

On dit: On veut que ça soit un plan politique connu par la population, pour des objectifs de développement durable, éviter le «pas-dans-ma-cour», ça, je dois vous l'avouer, mais pas n'importe quoi non plus. Alors donc, là, vous amenez une sensibilité sur les bâtiments historiques dans une zone... un secteur historique qui... je pense que la loi doit y faire référence. Parce qu'on n'en a pas tellement à... On n'en a pas de trop, de patrimoine, au Québec. Alors, c'est beau quand on va en Europe, on trouve ça bien le fun, mais, quand on revient chez nous, on trouve qu'au pied carré il peut y en avoir plus.

M. Seymour (Michel): Donc, en tout cas, j'aurais inquiétude que le projet de loi légalise la méthode du «spot zoning». Et, tel qu'on le lit là, il n'y a rien qui empêche les zones franches d'être localisées sous un bâtiment. Et c'est pourquoi j'exprimais cette inquiétude.

M. Lessard: ...mon... On n'est pas des spécialistes, vous et moi. Mais on a la même intention. On va leur confier. Je pense qu'ils ont bien enregistré comment on veut éviter d'arriver à cet aspect-là uniquement.

Le Président (M. Morin): Merci, M. le ministre. Maintenant, on se tourne vers le député de Blainville pour un échange de 21 minutes.

**(15 h 40)**

M. Ratthé: Merci, M. le Président. M. Seymour, Mme Vézina, merci d'être là. Écoutez, on va poursuivre sur le même sujet, si vous voulez bien, parce qu'évidemment je vous dirais que l'aspect zone franche est un aspect qui amène beaucoup de questionnement, de part et d'autre. Il y a des gens qui sont en faveur, il y a des gens qui sont carrément en défaveur. Vous avez une préoccupation particulière.

Mais je vais reprendre un petit peu ce que le ministre nous disait, puis je vais essayer de résumer puis savoir ce que vous en pensez. En fait, ce qu'on nous dit... Et vous avez, à juste titre, dit... Les urbanistes sont venus nous dire: Bien, nous, on serait en faveur qu'il y ait quand même un référendum, un droit de référendum sur le plan d'urbanisme. Parce qu'il faut comprendre une chose: l'avant-projet de loi proroge le droit de référendum sur le plan d'urbanisme. Il existe déjà, mais on l'enlève. Et l'avant-projet de loi, aussi, proroge le référendum sur un changement de zonage. Et tantôt M. le ministre... Et c'est pour ça que les urbanistes nous ont dit: Écoutez, on devrait à tout le moins maintenir le droit de référendum sur un plan d'urbanisme. Et ça s'est vu d'ailleurs à Sherbrooke il y a quelques années, où une population, par voie de référendum, a rejeté le plan d'urbanisme, même si c'est très, très compliqué. Effectivement, il y a des parties qui sont très techniques dans un plan d'urbanisme.

Mais je vais poursuivre dans la même veine. Parce que j'écoutais bien ce que le ministre nous expliquait, il nous disait: Écoutez, maintenant on va décréter, dans le plan d'urbanisme, ce qui sera une zone franche, on va informer et on va en même temps consulter. Donc, à mon sens, la partie technique compliquée, là on va venir expliquer au monde: Regardez, ce coin-là, là, il va être une zone franche, ou le terrain sous tel immeuble va devenir une zone franche. On vous l'explique, on vous consulte et, à la fin, on vous dit: Que vous aimiez ça ou pas, de toute façon, vous n'avez pas le droit de référendum sur le plan d'urbanisme et, de toute façon, vous n'aurez pas le droit de référendum sur la zone franche. En gros, c'est ce que l'avant-projet de loi vient nous dire. Mais on nous dit: En contrepartie, on va consulter et informer.

Alors, évidemment, il y a des gens qui nous disent, d'un côté de la médaille: Bien c'est une bonne chose parce qu'il y a plein de gens... Puis on y reviendra peut-être tantôt, ce que vous appelez les minorités de blocage, on nous dit: Bien, écoutez, de toute façon, à toutes les fois qu'on veut faire quelque chose, ou très souvent, on est bloqués par un petit groupe de gens, puis finalement, enfin, on va pouvoir enlever ces gens-là qui nous empêchent d'avancer dans nos projets.

Il y a d'autres gens qui disent un peu ce que vous avez entendu, qui est un peu le juste milieu, qui disent: Bien, O.K., pourquoi est-ce qu'on ferait des microréférendums sur des changements de zonage si on maintient les référendums sur les plans d'urbanisme puis si on informe les gens? Parce qu'on n'est pas obligés de voter. Ces gens-là nous disent: On n'est pas obligés de voter sur l'ensemble du plan d'urbanisme. Mais on peut indiquer à la population: Voici les modifications principales, et on vous explique quelles sont... Il me semble que c'est clair, si on dit à quelqu'un, bien, je ne sais pas moi: Vous avez actuellement un commerce. On va changer cette zone-là en zone résidentielle ou agricole. Et, comme vous avez un commerce, bien, vous allez avoir un droit acquis, mais vous n'aurez plus le droit d'agrandir, puis on ne construira plus d'autres commerces. C'est assez simple à...

Alors, à partir du moment où on explique, qu'on consulte puis qu'on met ça dans un plan d'urbanisme, il me semble que les gens... Les gens nous disent: Bien, il me semble que les gens sont capables de comprendre. Et c'est pour ça qu'on pense qu'il devrait y avoir une consultation référendaire là-dessus.

Ce qu'il faut comprendre maintenant, c'est que l'avant-projet de loi nous dit: Ni sur le plan d'urbanisme ni sur un changement de zonage, surtout dans le cadre d'une zone franche qui aurait été expliquée, il n'y aura de consultation. Alors, à la lueur de cette information, je voulais savoir un peu ce que vous en pensez. Parce qu'en gros je pense que, si je ne me trompe pas, là, ça ressemble à peu près à ça comme explication.

Le Président (M. Morin): M. Seymour.

M. Seymour (Michel): Quand j'ai pris connaissance de l'avant-projet de loi, j'ai eu un peu l'impression qu'il était dans le même esprit que le projet de loi sur la gouvernance des universités, que, là, j'ai étudié à fond, en me sentant directement concerné. Le projet de loi sur la gouvernance insistait fortement sur l'importance qu'il y ait, dans les universités, des sénats et des assemblées universitaires où on peut débattre des questions et où il y a de la transparence sur les projets de l'université, et de la consultation aussi. Et c'était très important.

Et je suis venu en commission parlementaire avec mes deux collègues qui à l'époque étaient avec moi au syndicat des professeurs de l'Université de Montréal pour dire à la ministre Courchesne: Bien, écoutez, là, la consultation, nous savons qu'elle a lieu, et qu'elle peut avoir lieu, et qu'il peut y avoir de la transparence. Mais le projet de loi, en même temps, affirmait qu'il y aurait une concentration des pouvoirs dans les mains du conseil de l'université. Alors, d'une part, on disait: beaucoup plus de consultation et de transparence dans les sénats et les assemblées universitaires, mais d'autre part: concentration des pouvoirs au niveau du conseil d'université. Alors, pour moi, avec des maires qui sont avides de transformer des tonnes de bâtiments culturels, et historiques, et patrimoniaux dans des édifices à condos parce que ça va rapporter des taxes, c'est du bonbon que d'avoir affaire à un concept de zone franche. On est totalement ravis parce que là on va pouvoir, c'est le cas de le dire, avoir les coudées franches. Bien, moi, j'estime que, pour plein de cas de citoyens qui sont aux prises avec une volonté de préserver leur patrimoine culturel, historique, communautaire, de maintenir les vocations éducatives, institutionnelles des bâtiments... Si on décide de changer, dans certains cas, faire un changement de zonage, qu'on le fasse, mais avec l'approbation citoyenne.

Alors, je conserve mon inquiétude profonde que ce projet de loi nous donne de la consultation et de l'information en échange pour la disparition des pouvoirs. Les citoyens qui n'auront aucun mot à dire pour déterminer le futur de leur ville ne vont pas se pointer à la séance d'information, ils vont être désabusés et désenchantés du fait de ne pas avoir aucun pouvoir qui leur est donné. S'ils ont un pouvoir d'engendrer un référendum... Et c'est déjà une mécanique extrêmement complexe, il faut signer un registre et, s'il y a suffisamment de gens qui signent le registre, il faut ensuite être une certaine proportion des gens dans l'arrondissement concerné qui vont officialiser cette demande de référendum. Et après le référendum a lieu. Donc, c'est un processus extrêmement laborieux.

Au moins, il y a ce pouvoir-là. Les citoyens se sont mobilisés en ce qui concerne le 1420 parce qu'il y avait ce pouvoir-là. S'ils n'ont pas le pouvoir de décider, eh bien, ils n'iront même pas à la séance de consultation parce que, de toute façon, ils vont se dire: C'est déjà décidé à l'avance. Quand on voit à quel point, j'allais dire, malheureusement, certains maires font à leur tête et comme bon leur semble, on imagine qu'avec le concept de zone franche, eh bien, là, ils vont y aller tous azimuts. C'est ça qui est mon inquiétude, moi.

Et alors on a déjà donné des précisions, là, il faudrait que... Dans un arrondissement historique et naturel, ça, c'est une exception, jamais de concept de zone franche dans un cas comme ça. Et je pense qu'il y a plusieurs autres cas qui devraient être exclus et pris en compte très sérieusement avant de généraliser «one size fits all» pour tout, tout ce qui concerne le patrimoine, tout ce qui concerne les bâtiments historiques. Il ne s'agit pas de dire, hein, qu'aucune église ne doit être transformée en condos, c'est la réalité, là. Mais il y a des éléments de notre patrimoine qui ne peuvent pas être abandonnés sans qu'on dise: Bien, tout le reste va y passer. Et c'est là mon inquiétude principale.

Et donc, moi, je suis pour que les citoyens aient le pouvoir au moins d'en engager un, référendum. Et là, en ce moment, j'ai crainte que ce pouvoir-là leur disparaisse des mains et que ce soit du bonbon pour les maires, là, qui savent qu'ils vont avoir plein de nouveaux immeubles à condos qui vont leur rapporter des revenus, même si c'est des grands bâtiments historiques et culturels.

M. Ratthé: Il faut... D'un autre côté, je vous entends bien, puis je ne veux pas défendre, à ce moment-ci, plus une position qu'une autre, il faut quand même comprendre que le projet de loi, aussi, nous parle de densification, de développement durable, de réhabilitation de secteurs, de quartiers, de zones. Ça, il faut en être conscients. Et la question qu'on a posée à plusieurs autres groupes, à votre avis... Puis là vous venez d'apporter un éclairage spécifique, et je pense que vous y avez quand même passablement répondu, ce que vous semblez nous dire aussi, c'est peut-être qu'on devrait être davantage spécifiques sur les raisons, sur le type de... si on déclare une zone franche, qu'est-ce qu'on va retrouver là-dedans. Les gens nous parlaient... Souvent, les gens nous ont donné des exemples. Bien, écoutez, dans le cas... Souvent, on veut faire une garderie, les gens n'en veulent pas dans leur quartier, écoles, hôpitaux. Alors, déjà, on pourrait voir... Bon, vous parlez de bâtiments dans des secteurs historiques. Déjà, on pourrait probablement nommer un certain nombre d'éléments, de zones, qui seraient permis sans qu'il y ait nécessairement un référendum.

Parce que, oui, ça arrive qu'il y a des cas où des citoyens, parce qu'une fois qu'ils sont implantés ils ne veulent plus rien avoir d'autre près de chez eux. Alors, ça, il y a cet aspect-là. Puis, je pense, c'est un peu ce que vous nous dites: Ne laissons pas les zones franches tous azimuts, venons mieux les encadrer, c'est ce que je comprends, et laissons quand même, à la toute fin, un recours aux citoyens. Parce que là ce qu'on dit, c'est: On vous informe, on échange avec vous, puis, que vous soyez d'accord ou pas, bien, on va le passer pareil. En gros, c'est ce que le projet de loi nous dit, là.

**(15 h 50)**

M. Seymour (Michel): Exactement. Et alors, dans cet esprit-là, comme j'ai dit, non seulement les arrondissements historiques et naturels feraient exception, pas de zone franche dans les arrondissements historiques et naturels feraient exception, pas de zone franche dans les arrondissements historiques et naturels, mais aussi, si l'esprit de la loi, c'est de ne pas favoriser le «spot zoning», eh bien, à ce moment-là, qu'on se serve de la jurisprudence au sujet du «spot zoning». Il y a des cas où c'est totalement illégal de faire du «spot zoning». Et je recommanderais alors aux commissaires d'étudier de près le document de maître... du juge Lorne Giroux et de maître... -- j'oublie son nom -- Isabelle Chouinard. Dans ce document, on dit précisément dans quels cas il y a du «spot zoning» qui est autorisable et dans quels cas ça ne l'est pas. Par exemple, si on est dans un espace où il y a plusieurs commerces, le bâtiment, même s'il est en zone résidentielle, on peut autoriser un changement de zonage localisé sous la forme d'un «spot zoning» sans que ce soit illégal.

Mais, lorsque le bâtiment se trouve dans un espace où il ferait exception par rapport aux vocations des autres bâtiments... et comme ça... Par exemple, le 1420, qui a une vocation institutionnelle, se trouve à côté de l'École polytechnique, de la Faculté de musique, de Marie-Victorin, du pavillon Marie-Victorin, de donc d'autres campus qui ont une vocation institutionnelle. Alors, ça, c'est un critère, dans certains cas, de rejet de «spot zoning», où le «spot zoning» est déclaré illégal. C'est des cas où la vocation qui est transformée de manière parcellaire constitue une discrimination par rapport aux vocations des bâtiments qui se trouvent dans le quartier. Dans ce cas-là, vous allez à l'encontre de la vocation qui est déjà planifiée pour le quartier.

Alors, il ne faudrait pas que le zonage... que le concept de zone franche permette du «spot zoning» illégal, qui est déjà considéré illégal. En ce moment, c'est illégal d'être discriminatoire dans le changement de vocation d'un bâtiment qui est dans un quartier où les bâtiments ont une autre vocation. C'est illégal de faire ça...

Le Président (M. Morin): Oui, mais... M. Seymour...

M. Seymour (Michel): ...alors je souhaiterais qu'on ne modifie pas... on ne fasse pas perdre la... par rapport à l'état actuel des choses.

Le Président (M. Morin): Oui, M. Seymour. Les députés de l'opposition veulent vous poser plusieurs questions, donc, si vous voulez...

M. Seymour (Michel): Pardon. Je suis philosophe et professeur. C'est deux défauts majeurs.

Le Président (M. Morin): Oui. J'ai déjà eu un professeur de philosophie comme ça.

M. Ratthé: Vous savez, M. le Président, moi, ça ne me dérange pas du tout. J'ai étudié en philosophie, alors je me retrouve très bien avec M. Seymour. C'est ma diplomation, d'ailleurs.

M. Seymour, vous parlez de «spot zoning», vous en avez soulevé le point, je pense, vous avez bien expliqué de quoi il s'agissait. Est-ce que vous pensez que, dans la loi... Dans l'avant-projet de loi, qui va nous mener à une loi éventuellement, est-ce qu'on devrait mieux encadrer, justement, pour... je veux dire, les ceintures et les bretelles, là, donc mieux encadrer, peut-être même faire référence à des cas de jurisprudence, regarder ce qui se fait? Je pense que ce que vous demandez, c'est de s'assurer aussi qu'on ait une préoccupation de ce côté-là.

M. Seymour (Michel): Oui, exactement.

M. Ratthé: Parfait. Écoutez, j'avais aussi un autre point à vous demander. On parlait de «spot zoning», évidemment on parle de zone franche. Vous avez soulevé un point, vous dites: Écoutez, c'est... Vous m'avez dit: C'est compliqué de tenir un registre, un référendum. Évidemment, dans une ville comme Montréal, quand on dit: On veut avoir un... on regarde les secteurs, les zones, les quartiers, ça prend beaucoup de personnes, souvent, pour aller déclencher un registre. Je vous dirais qu'en contrepartie il y a des municipalités où ça n'en prend pas beaucoup, hein? Il y a des endroits où on va arriver, bien, on va vouloir faire un changement de zonage dans un quartier, dans une ville, par exemple, de la couronne nord...

Moi, j'habite la couronne nord, j'ai vu récemment, dans une des municipalités, ça prenait huit signatures pour tenir un registre. Et là les tenants de ça disent: Bien, écoutez, ça n'a pas de bon sens, là. Des fois, on va avoir huit citoyens qui vont faire tenir un registre, puis là ils ameutent... Évidemment, ils vont aller donner le bout d'information qu'ils veulent aux citoyens pour qu'ils aillent signer. Et ce qui arrive souvent, c'est que les municipalités, bien, vont retirer leur projet de loi parce que c'est trop compliqué. Puis, bien, il faut le dire, il y a quand même des projets, de beaux projets, peut-être, qui sont abandonnés ou qui sont modifiés parce qu'il y a un abus de ce côté-là.

Le fait d'augmenter... Puis là c'est parce que, vous, vous êtes dans une plus... vous êtes dans une ville comme Montréal, je voudrais voir les effets. Une des suggestions qu'on faisait pour maintenir le registre et le référendum, le maintenir dans la loi, on s'est dit: Bien, on pourrait peut-être augmenter le nombre de signatures requises pour un registre, plutôt, tu sais, que de dire: Bien, ça va en prendre sept, huit. Alors, nous, on s'est dit: Bien, ça pourrait être intéressant, mais ça pourrait avoir des impacts plus importants. On nous a dit: Bien, écoutez, du côté de la ville de Montréal, ça veut dire quoi, là? Ça pourrait être beaucoup plus important, en termes de signatures, puis là ça pourrait peut-être devenir un empêchement.

Alors, je ne sais pas si ce concept-là vous apparaît intéressant, d'augmenter le nombre de signatures pour éviter justement l'abus, parce qu'il faut regarder les deux côtés, évidemment, là.

M. Seymour (Michel): Écoutez, pour ce qui est du cas particulier du 1420, pour obtenir qu'il y ait un référendum, il fallait, sur une population de 2 000 personnes, obtenir 225 signatures le 21 juin 2010. Bien, la population est tellement fâchée qu'on en a obtenu 278. Mais c'était exigeant. C'était une commande très importante.

Donc, quand on me dit: À Montréal, augmentez le nombre de signatures, je demanderais qu'en réalité, au-delà du nombre de signatures requises... Parce que le processus à Montréal, il est laborieux et il donne toutes sortes de manoeuvres de contournement. On place en plein fin de mois de juin, quand tout le monde est parti en vacances, la demande de référendum. C'est idéal pour empêcher qu'il y ait référendum, d'une part. Mais je demanderais qu'on se concentre, au fond, qualitativement sur les sortes de «spot zoning» inacceptables. Si on ne doit pas changer la vocation d'un bâtiment dans un quartier où majoritairement les bâtiments se trouvant dans ce quartier ont une autre vocation, bien, dans ce cas-là, on doit éviter... C'est discriminatoire et illégal.

Si on mesure... Et c'est un autre critère qui apparaît aux pages 23 à 26, je crois, du document Giroux-Chouinard, si on dit: Il faut tenir compte de l'équilibre entre l'intérêt collectif et l'intérêt individuel, eh bien, là, on est en train, en ce moment, de renoncer à un bâtiment qui appartient à notre patrimoine culturel pour desservir quelques centaines, une centaine de personnes qui sont très fortunées puis qui veulent avoir une fin de carrière très tranquille dans un condo. Alors, tout cet aspect culturel disparaît. Alors, ici, c'est l'aspect intérêt collectif, intérêt privé. C'est une autre dimension du «spot zoning». Quand ça sert juste les intérêts privés aux dépens des intérêts collectifs, c'est illégal. Et alors je demanderais que l'application de zone franche ne nous place pas en deçà de nos acquis par rapport au «spot zoning».

Le Président (M. Morin): Oui, M. le député de Berthier.

M. Villeneuve: Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Vous avez dit une phrase tantôt qui m'a frappé, en tout début de votre intervention, vous avez dit: «Accroître la démocratie au lieu de la réduire.» Souvent, j'interpelle mes collègues ici, dont M. le ministre et finalement l'ensemble des collègues de l'Assemblée nationale, et je dis souvent que la démocratie se décline de plusieurs façons. Elle se décline d'abord: démocratie représentative, dont les élus sont, et démocratie participative. Et, à mon avis, les deux vont ensemble et... Est-ce qu'il y en a un qui prime sur l'autre? Je ne pense pas non plus. Et je me dis souvent: Ici, à l'Assemblée nationale, où les lois sont votées, on doit s'assurer justement que cette démocratie participative là y trouve sa place et son espace.

Selon vous... Parce que la phrase, comme je vous ai dit tantôt, m'a frappé, et je ne voudrais pas conclure des choses, c'est pour ça que je vous pose la question: La portée de votre phrase, est-ce qu'elle s'adresse à l'ensemble de l'oeuvre qu'on a devant nous, l'avant-projet de loi, à savoir que la façon dont il est rédigé présentement, ce serait un recul par rapport à la participation des citoyens, finalement, au fonctionnement des communautés, fonctionnement de la démocratie, finalement?

M. Seymour (Michel): Oui, tout à fait. Et pourquoi je pense ça? C'est parce que... Est-ce que nous sommes dans une situation où il y a eu un abus de l'usage des référendums? Est-ce qu'il y a une profusion de référendums avec toutes sortes de projets qui sont bloqués par des interventions massives de minorités de blocage? Il n'y en a pas, de référendum, pratiquement jamais. Alors là, on donne un instrument qui nous en éloigne encore plus. Moi, à mon avis, il n'y a pas de danger à ce qu'il y ait des référendums à l'occasion sur un ou l'autre projet. Ce serait une nouveauté. Il n'y en a pratiquement jamais, de référendums.

Dans la ville de Montréal, quand l'OCPM annonce: Ce projet est susceptible d'approbation référendaire, c'est un projet qui a suscité zéro préoccupation de la part de la population, puis il n'y a pas de référendum parce qu'il n'y a pas d'objection. Quand c'est un projet qui suscite une levée de boucliers, eh bien, là, l'OCPM... Nous avons témoigné à l'OCPM. Nous avons dit à l'OCPM: N'est-ce pas que c'est susceptible d'approbation référendaire, c'est dans un arrondissement historique et naturel? Non, ce sera un règlement de concordance, il n'y en aura pas, ce n'est pas susceptible d'approbation référendaire, bien que c'était le cas exemplaire de ça, c'est... On nous a dit que ça ne le serait pas parce qu'on voyait qu'il y avait de la grogne.

Alors, quand il y a de la grogne, pas de référendum. Puis, quand on annonce un référendum, c'est qu'il n'y a pas de grogne. Donc, il n'y a pas de référendum, donc il n'y a pas d'abus de référendums. Alors, s'il n'y a pas d'abus de référendums, pourquoi on veut les enlever?

M. Villeneuve: Ça répond à ma question.

**(16 heures)**

Le Président (M. Morin): M. le député de Blainville, vous revenez à la barre?

M. Ratthé: Non, écoutez, moi, je pense qu'on a bien compris. Ça va, pour nous. Alors, de toute façon, il ne doit pas rester beaucoup de temps, j'imagine, M. le Président, là.

Le Président (M. Morin): Non, deux... même une minute.

M. Ratthé: Bon, ça va.

Le Président (M. Morin): M. Seymour, merci beaucoup. Mme Vézina, vous ne devez pas vous ennuyer en compagnie de...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Morin): C'est bon... ça doit être signe que vous faites du bon travail parce que M. Seymour nous a intéressés pendant 60 minutes. Merci beaucoup à vous deux et bon retour à la maison.

Je suspends quelques instants. Et j'invite Équiterre à prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 1)

 

(Reprise à 16 h 5)

Le Président (M. Morin): Nous reprenons nos travaux. Bonjour. Je vais vous laisser vous présenter, là. Je ne sais pas qui est qui. Allez-y.

Équiterre

M. Séguin (Hugo): Excellent. Bien, M. le Président de la commission, M. le ministre, messieurs... -- il n'y a pas de mesdames -- MM. les députés, bonjour. Mon nom est Hugo Séguin. Je suis conseiller principal à l'organisation Équiterre. Je suis accompagné aujourd'hui de collègues: Guillaume Plamondon, chargé de projet, Transports et énergies, chez Équiterre; Leonardo Sa, conseiller en urbanisme. Et nous avons un invité aujourd'hui, un expert urbaniste aussi, M. André Boivert, qui a accepté de nous accompagner aujourd'hui.

Nous aimerions tout d'abord vous remercier de l'invitation que vous nous faites. D'ailleurs, je crois que c'est la première fois qu'Équiterre rencontre formellement la commission.

Permettez-moi de dire quelques mots d'Équiterre pour certains qui pourraient ne pas nous connaître. Nous sommes un groupe environnemental national, comptons sur le soutien d'à peu près 6 000 membres à travers toutes les régions du Québec, membres et donateurs. Nous prenons régulièrement la parole, prendre position sur des enjeux que vous connaissez bien, M. le ministre: agriculture, souveraineté alimentaire, transport, réduction des émissions de gaz à effet de serre aussi, réduction maintenant de la dépendance au pétrole. Nous avons des bureaux ici, dans la capitale nationale, à Montréal, et des groupes de citoyens, qui sont des associations de militants, dans plusieurs régions du Québec, notamment à Gatineau, Québec, Trois-Rivières, en Estrie et dans Lanaudière.

L'avant-projet de loi nous interpelle directement sur deux de nos grands enjeux sur lesquels nous travaillons particulièrement. Le premier enjeu, c'est la promotion de l'agriculture, agriculture locale, biologique, de même que la protection des territoires agricoles. Le deuxième enjeu qui est important pour nous, c'est la lutte aux changements climatiques et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Vous conviendrez que, pour nous comme pour plusieurs de nos collègues -- vous avez eu l'occasion de rencontrer nos collègues de Vivre en ville hier -- l'aménagement du territoire et l'urbanisme sont des enjeux déterminants en ces matières et souvent des enjeux qui sont trop souvent négligés. On voit mal, souvent, le lien entre santé, entre environnement et transport et aménagement, donc je pense que c'est important de revenir à la charge là-dessus.

Quelques remarques générales, avant de commencer. D'ailleurs, Équiterre salue la présente démarche de révision de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Il était temps qu'elle soit actualisée. Nous croyons qu'en ces matières il est important de reconnaître la très grande diversité des enjeux sur l'ensemble du territoire québécois, que l'on parle de territoire rural dévitalisé, de troisième ou quatrième couronne aux prises avec une crise de croissance, ou des quartiers centraux, de villages, de villes ou de villes centres qui sont en déclin. Nous croyons donc que des solutions doivent être adaptées aux réalités multiples présentes sur le territoire et qu'on ne peut pas parler de mur-à-mur.

Nous notons par ailleurs des avancées intéressantes, notamment au niveau de références explicites, notamment à l'article 19 de l'avant-projet de loi, aux objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, d'efficacité énergétique et de diminution du recours automatique à l'automobile. Nos interventions se limiteront au rôle qui devrait être celui de l'État québécois, selon nous, en matière d'aménagement du territoire.

Nous croyons, d'entrée de jeu, que l'avant-projet de loi doit conférer à l'État un rôle plus proactif. Quelqu'un quelque part doit élaborer une vision d'ensemble des enjeux d'aménagement et de développement du territoire québécois. Nous n'avons pas encore, au Québec, cette vision d'ensemble, contrairement à d'autres juridictions en Amérique du Nord et en Europe. Nous aimerions à cet égard vous présenter brièvement un cas concret, le cas des Pays-Bas, où l'État joue traditionnellement un rôle d'aménagiste en chef du territoire, un terme que vous avez sûrement entendu ici cette semaine.

Mais tout d'abord je demanderais à mon collègue Leonardo Sa de présenter brièvement quelques suggestions que nous formulons à l'endroit de l'avant-projet de loi.

Le Président (M. Morin): M. Leonardo Sa, allez-y.

**(16 h 10)**

M. Sa (Leonardo): Bonjour, M. le Président. Je vais vous présenter, donc, deux de nos propositions, nos propositions principales, compte tenu du texte actuel de l'avant-projet de loi.

Notre première proposition vise une référence explicite aux 16 principes de développement durable au texte de la future Loi sur l'aménagement durable du territoire et l'urbanisme. Et ces 16 principes sont énumérés à l'article 6 de la Loi sur le développement durable. Nous croyons que toutes les actions en aménagement du territoire doivent respecter ces principes, autant les actions entreprises par le gouvernement que les actions entreprises par les municipalités. C'est d'ailleurs là explicitement la portée de la Loi sur le développement durable, qui établit, dans son article 1, l'intégration de la recherche d'un développement durable à tous les niveaux et dans toutes les sphères d'intervention, dans les politiques, les programmes et les actions de l'Administration.

Or, l'avant-projet de loi actuel ne contient aucune référence aux principes de la Loi sur le développement durable ni n'oblige explicitement le respect de ces principes de développement durable dans les pratiques d'aménagement du territoire. Donc, nous vous invitons à amender l'avant-projet de loi pour y inscrire cette référence explicite aux principes de développement durable.

Notre deuxième proposition vise à confirmer au gouvernement, sans ambiguïté, le rôle d'aménagiste en chef du territoire québécois, une expression déjà utilisée par la vice-première ministre, Nathalie Normandeau. L'avant-projet de loi actuel confère au gouvernement un rôle d'accompagnateur. Équiterre est d'avis que confier au gouvernement un rôle de simple accompagnateur n'est pas suffisant. Le texte de l'avant-projet de loi laisse chaque MRC ou communauté métropolitaine à son compte pour élaborer seule les énoncés et les documents de planification. Cela rend difficile une cohérence à l'échelle du Québec.

Pour Équiterre, le gouvernement doit d'abord se doter d'un énoncé de sa vision stratégique de développement pour l'ensemble du territoire québécois. Cet énoncé doit faire partie d'une politique nationale de l'aménagement du territoire qui comprendrait aussi les orientations que le gouvernement compte adopter en matière d'aménagement du territoire. Une fois établi cet énoncé pour l'ensemble du territoire, on pourrait définir les énoncés locaux pour les MRC ou pour les communautés métropolitaines.

Pour assurer la cohérence entre ces deux énoncés, soit les énoncés locaux et l'énoncé de l'ensemble du territoire qu'on souhaite, le gouvernement doit adopter un rôle plus fort que celui d'accompagnateur. Le gouvernement doit être le leader de la planification du territoire, pas seulement un accompagnateur.

J'aimerais souligner que plusieurs juridictions ont déjà adopté une approche de l'État comme aménagiste en chef du territoire. On peut nommer, par exemple, les États de l'Oregon et de Washington, aux États-Unis, l'État de Victoria, en Australie, ou les Pays-Bas, qui sont considérés une référence en la matière.

Je cède maintenant la parole à M. André Boivert, qui expliquera le modèle développé aux Pays-Bas et en lien avec les problématiques québécoises.

Le Président (M. Morin): M. Boivert.

M. Boivert (André): M. le Président, d'abord, je vais me présenter. J'ai commencé à pratiquer l'urbanisme en 1972 jusqu'à 2005, donc j'ai connu la période antérieure à la loi sur l'aménagement et la Loi, aussi, sur l'aménagement et l'urbanisme. J'ai travaillé au palier gouvernemental, à l'OPDQ et aux Affaires municipales. J'ai travaillé au palier municipal, à Sainte-Foy et à Saint-Jérôme, au nord de Montréal. Et j'ai travaillé aussi dans une société d'État qui est Hydro-Québec. Quand j'ai pris ma retraite -- et j'avais commencé un peu avant -- je me suis mis en tête que je voulais mieux comprendre la nature même de notre culture d'aménagement du territoire et j'ai choisi de faire une analyse comparative qui m'a amené à défendre une thèse de doctorat en décembre 2010, après plusieurs années d'études qui m'ont amené, entre autres, bon, bien sûr, à aller aux Pays-Bas mais aussi interroger les fondateurs de l'urbanisme au Québec, et j'ai fait la défense, en décembre 2010, pour obtenir le doctorat en urbanisme.

Un point majeur, c'est que bien sûr, en aménagement du territoire, le Québec a accompli des progrès notables au cours des 30 années d'application, depuis que cette loi-là a été adoptée. Si on se base sur le précepte ou le principe du grand écologiste René Dubosq, qui dit «penser globalement, agir localement», on constate que les progrès accomplis sont plutôt du côté d'agir localement dans toute cette interaction entre les municipalités locales avec les MRC pour préparer et réviser les schémas d'aménagement. Par contre, les progrès sont moins probants en ce qui concerne l'aspect «penser globalement».

Dans son rôle d'encadrement des MRC, le gouvernement a produit deux documents pour faire connaître ses orientations. En 1983, au tout début du processus, c'était Aménager l'avenir. En fait, c'était plus un recueil des politiques sectorielles des différents ministères. En 1995, il y a eu Pour un aménagement concerté du territoire, qui était aussi un énoncé de politique sectorielle, avec quelques principes intéressants d'aménagement du territoire.

Mais ces deux documents-là ne représentaient pas vraiment une vision d'avenir de l'espace québécois dans son entièreté. Puis, si on juxtapose les 89 schémas d'aménagement des MRC et des communautés métropolitaines, ça ne donne pas une image cohérente et globale du territoire québécois. Cette absence d'une vue d'ensemble du territoire québécois va de pair avec une gestion plutôt sectorielle et trop souvent, malheureusement, à la pièce, et s'accompagne d'ailleurs d'un chapelet de problématiques spatiales. Je ne vous en dirai pas un chapelet complet, mais, disons, énergie éolienne, gaz de schiste, difficultés de l'agriculture, marasme de l'industrie porcine, On pourrait en dire beaucoup qui sont, à mon avis, beaucoup liés au fait qu'on n'a pas une vue d'ensemble de notre territoire.

Alors, le gouvernement a mis en place, dans ces 30 années-là, les institutions québécoises de l'aménagement qui découlent de la loi, mais le rôle qui a été joué, à mon sens, a été beaucoup plus au niveau de la procédure que de la substance.

Ça m'amène aux Pays-Bas, qui peuvent être, je pense, une inspiration pour beaucoup de pays et entre autres pour le Québec. Même si c'est des phénomènes humains complètement différents, il y a des choses... il y a des leçons à tirer.

D'abord, la politique d'aménagement du territoire des Pays-Bas, depuis un demi-siècle, relève d'un ministère, qui est le ministère du Logement, de l'Aménagement et de l'Environnement, qui plus ou moins à tous les 10 ans émet un mémoire qui est une vision stratégique pour un horizon d'une trentaine d'années et couvrant l'ensemble du territoire au niveau, là, de la complexité de pas juste des provinces ou des municipalités, mais du territoire dans son intégrité et aussi des eaux territoriales. Et ça, ça porte sur les grands secteurs, logement, agriculture, transport, etc., et sur des mécanismes de consultation pour élaborer le document, et par la suite pour l'approuver et le diffuser dans toutes les couches de la société. Et bien sûr il y a un lien de conformité qui s'applique avec les plans des provinces et des municipalités.

Le plus récent de ces documents... de ces mémoires-là justement est basé sur une technique qui s'appelle l'approche par strates, qui est une synthèse des connaissances sur le substrat du territoire, c'est-à-dire les sols, les réseaux hydriques, et tout ça. Il y a aussi les réseaux anthropiques, les réseaux de ville, les réseaux de transport, et enfin la strate de l'utilisation du sol. Bon, alors, je dois...

Alors, ça, à quoi ça nous amène pour le Québec? Il serait intéressant de mettre en place une équipe multidisciplinaire de nature horizontale, qui serait chargée d'établir une image synthétique, justement, du territoire québécois et de ses problèmes dans l'ensemble du territoire, établir un diagnostic des problématiques spatiales et un projet de mémoire stratégique qui couvrirait un horizon, disons, jusqu'à 2030. Par la suite, information, consultation, délibération et adoption d'une vision stratégique qui mènerait à une vision... une approche globale d'aménagement du territoire.

Maintenant, on a fait... Il y a un geste très intéressant qui a été posé récemment, qui s'appelle un plan Nord. Mais pourquoi pas un plan Québec, tant qu'à y être, qui considérerait la globalité du territoire du Québec? Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Morin): Est-ce que ça va? M. le ministre.

**(16 h 20)**

M. Lessard: Merci beaucoup. Très intéressant d'entendre autant de culture, aussi d'aller voir ailleurs. Ce qui nous dit toujours: Aller voir ailleurs, ça nous inspire et ça nous instruit. Ce qu'on me dit, c'est qu'il semble que les Pays-Bas sont quand même une référence européenne, actuellement, depuis qu'ils ont adopté leur nouveau schéma. C'est un petit territoire. On a le défi du grand territoire ici, mais je pense qu'il faut regarder ce qui se fait.

La proposition dont on fait... Parce qu'il y a le bureau. On est plutôt dans un... Oui, on se fait taxer, des fois, d'être trop centralisateurs. Honnêtement, moi, quand j'ai déposé cette loi-là, là, les unions ont dit: Bien, c'est encore trop centralisateur. Mais on laisse des pouvoirs. On a dit: C'est un plan politique partagé. Ce n'est pas de la décentralisation, on ne leur confère pas un champ. On pense que c'est un plan ensemble.

Je retiens... Et puis je me permettrais peut-être de vider la question. Merci de nous apporter les commentaires. Équiterre, comme Vivre en ville, comme le regroupement des conférences en environnement nous ont beaucoup aidés. Puis je voulais qu'ils regardent de façon critique l'aménagement, parce que c'est là qu'on a de l'impact sur les gaz à effet de serre, sur les changements climatiques, donc notre objectif de réduire les gaz à effet de serre sur un horizon... et l'aménagement en est un.

Nous, on travaille par orientations gouvernementales. Ce que je comprends... Parce que ça fait deux, trois fois qu'on me parle de politique nationale. C'est comme «the big» plan pour le Québec, c'est ça. Dans le fond, c'est les orientations gouvernementales desquelles découlerait la vision stratégique, on va dire ça, ou l'énoncé de vision stratégique pour le Québec, de ses orientations gouvernementales, parce qu'on demande actuellement à chacun d'avoir un énoncé de vision stratégique. C'est-u ça dont vous faites référence? Parce que les orientations gouvernementales n'ont pas l'air à vous satisfaire, ou en tout cas ça... même mis une à côté de l'autre, semble donner une tendance. Mais, juste préciser, c'est de ça que vous parlez, là, la politique nationale?

Le Président (M. Morin): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): Oui, si je peux me permettre, effectivement, la mécanique qui est prévue à l'avant-projet de loi, c'est de demander aux communautés métropolitaines et aux MRC de se donner un énoncé de vision stratégique pour leurs territoires. On ne fait pas la même demande pour le gouvernement du Québec. On comprend qu'éventuellement il y aura des orientations que le gouvernement du Québec va mettre sur la table et qu'il va falloir que les communautés métropolitaines et les MRC s'y conforment. Ce qu'on dit, c'est: Ces orientations-là devraient sortir, devraient jaillir d'une réflexion plus large. La réflexion, c'est l'énoncé de vision stratégique que le gouvernement du Québec devrait se donner. Puis après ça on se donne les orientations qui viennent avec.

M. Lessard: Je comprends, donc, parce que ça fait deux, trois fois qu'on l'évoque. Puis je disais: Bien, qu'est-ce qu'il nous manque, finalement, quant à des orientations gouvernementales auxquelles découlent des plans, etc.? Donc, c'est l'énoncé de vision du gouvernement. Parfait.

Vous avez fait souvent référence aussi à la notion d'aménagiste en chef. Ça séduit quand on l'écoute, mais, je veux dire, y a-tu un État qui a fait ça, nommer dans une loi l'aménagiste en chef? Vous avez nommé, je pense, l'Oregon et... On me dit que ce concept-là n'existe pas mais... Quoiqu'en partant on dit, bon... Comme le Forestier en chef a créé bien des images au Québec, en disant: C'est lui qui planifie la forêt. L'aménagiste en chef, je sais que ma collègue qui était anciennement titulaire avait nommé ça sa plaie. Mais je disais: Est-ce que dans les lois on a pu détecter l'aménagiste en chef? Ce n'est pas un piège, là, c'est rien parce que vous l'avez évoqué. Peut-être en Oregon...

Le Président (M. Morin): Oui, M. Sa.

M. Sa (Leonardo): Oui. Bon, effectivement, dans les exemples qu'on a donnés, on ne peut pas dire qu'on trouve le poste aménagiste en chef, mais c'est sûr qu'il y a un ministère qui occupe les fonctions qu'on aimerait donner... qu'on aimerait que quelqu'un dans le gouvernement du Québec s'approprie de ces fonctions, c'est-à-dire d'être plus le leader en aménagement pour faire le grand énoncé global pour le Québec et s'assurer de la cohérence de son énoncé pour l'ensemble du territoire avec les différents énoncés des MRC et des communautés métropolitaines. L'exemple qu'on a donné, malgré le fait qu'il n'y a pas vraiment une personne spécifique... Mais c'est sûr qu'il y a un ministère qui s'occupe de tout ça pour assurer la cohérence. Donc, effectivement, le poste d'aménagiste en chef, disons, pour une personne, on n'a pas vérifié, mais, pour une entité du gouvernement, oui.

M. Lessard: O.K. D'accord. Ça me situe. L'autre, vous avez parlé de la Loi sur le développement durable. Donc, on y fait référence dans la loi, mais vous dites: Il faut le définir directement dedans. La Loi sur le développement durable actuellement ne s'applique pas aux municipalités. C'est ce que j'en comprends, de la Loi sur le développement durable. On dit: Vous devez faire du développement durable et de ces 16 principes. C'est sûr qu'on part d'une période où est-ce que ce n'était pas la préoccupation, quoiqu'on faisait de l'aménagement durable sans le savoir, on adhérait à ces philosophies.

On est en train de faire migrer les municipalités vers l'augmentation de la connaissance, de prendre les outils appropriés pour qu'on progresse dans le sens... Peut-être que la prochaine génération... ou en cours de route on verra comment. Parce que, dans la Loi sur le développement durable, les principes ne sont pas contraints et définis en fonction de ça, mais on est en train de bâtir une passerelle qui nous mène vers ça. Je veux rien que... Parce que ça fait deux, trois fois qu'on me pose la question, puis je posais la question, nous autres même... J'ai dit: Comme j'y fais référence... Mais non, c'est parce qu'on n'est pas contraints par la Loi sur le développement durable actuellement, donc la loi ne va pas jusque-là, malheureusement.

Pour les autres, on a beaucoup d'outils de... On va faire du monitorage. On va donc être capable de voir si on avance, comme société, et si... Est-ce que, dans les autres pays, c'est très documenté sur les objectifs à atteindre? Exemple, j'ai vu, en Europe, ils vont réduire de tant d'hectares, au lieu d'envahir une telle zone. Ils ont un objectif de diminuer de, exemple, 270 hectares, en Allemagne, ou je ne sais pas si c'est par année ou sur une certaine période, donc éviter l'étalement. Donc, ils ont des objectifs très, très pointus, ce qu'on n'a pas encore.

D'ailleurs, on est un peu jeune là-dedans. D'ailleurs, on a la première mouture du plan métropolitain. D'ailleurs, j'aimerais ça que vous regardiez ça. Il y a un projet... deux projets qui ont été déposés par la Communauté métropolitaine de Québec et celle de Montréal. J'aimerais que vous regardiez, donc, avec votre oeil d'experts là-dedans pour voir: Est-ce qu'on doit aller plus loin? Parce qu'il adviendra les orientations gouvernementales qui pourraient éviter des normes, mais il y a sûrement peut-être des objectifs à atteindre, comme la loi le fait pour la réduction des gaz à effet de serre. Alors donc, il faudra essayer ensemble de créer cette connaissance-là.

Je ne le sais pas, quand vous parlez de l'aménagiste en chef ou cette préoccupation, il y a beaucoup de groupes qui travaillent là-dessus, il faudrait peut-être créer notre table nationale, aux deux ans, où chacun apporte sa contribution à bâtir un horizon, où est-ce qu'on parle d'aménagement. Chacun fait ses événements, mais on n'a pas d'événement national où est-ce que... à ma connaissance. Peut-être qu'il y en a, puis je ne suis pas invité. Mais, comme on s'en va vers des plans, vers des objectifs et vers de la documentation... On est invité internationalement, on y va, mais on reçoit peu, gouvernementalement.

Alors, il faudra regarder, voir... Pas qu'on force les maires, mais on leur dit: Maintenant, il faut regarder, il faut se documenter, il faut se moderniser, il faut en parler à la population, il faut les mettre dans le coup. Sur cette base-là, on verra comment on peut le travailler ensemble.

La signature de la loi, est-ce qu'elle est moderne ou est-ce que... Plusieurs me disent: C'est correct, mais ce n'est pas comme avant. Et avant c'était confortable, puis là ce n'est pas confortable.

Le Président (M. Morin): M. Hugo.

M. Séguin (Hugo): Bien, c'est difficile de répondre à votre question d'emblée parce que la loi, elle couvre large. Alors, on peut regarder certains secteurs puis on va se dire: Ah! O.K., il y a quand même une avancée là.

Là où on reste sur notre faim, hein, puis on se répète, là, c'est qu'on ne se donne pas d'obligation, au niveau national, de penser le territoire. On s'en va vers 89 schémas d'aménagement et des plans d'aménagement au niveau des communautés métropolitaines, puis on se dit: Bien, la courtepointe que ça fait, bien c'est la vision d'ensemble pour le Québec, là. On se dit: Oui, mais là il y a quand même des dossiers qui sont transversaux, des dossiers qui ne sont pas propres aux MRC mais qui sont propres à un ensemble de MRC.

M. Boivert l'a mentionné, quand on a eu les dossiers de gaz de schiste ou d'implantation d'éoliennes sur le territoire, on ne savait pas trop quoi faire et on est intervenu à la pièce, dans ces dossiers-là, sans y avoir pensé puis sans avoir imaginé d'avance comment on insère sur le territoire québécois des nouvelles fonctions qui n'étaient pas prévues. Alors, sans réflexion préalable, c'est bien difficile, après ça, de faire autrement que de gérer ça à la pièce. Donc, là-dessus, je vous dirais, on n'a pas vraiment avancé.

Ce qui nous ferait avancer, c'est d'enchâsser la loi dans une vision cohérente, consensuelle, nationale. Le fait que le gouvernement du Québec ait sa propre vision n'est pas une déclaration de guerre aux municipalités. Nous, on n'embarque pas tellement dans cette idée-là que le fait que Québec se donne des moyens d'être cohérent d'abord dans ses propres interventions, entre ses propres ministères... ce n'est pas au détriment des municipalités. La vision peut très bien être créée consensuellement avec les partenaires puis avec les municipalités. Donc, c'est des commentaires que je...

Le Président (M. Morin): Merci, monsieur. M. le député de Gaspé, vous avez trois minutes et cinq tic-tac. Je vous avertis parce que je sais que vous êtes volubile.

M. Mamelonet: O.K. Je vais... Merci, M. le Président.

Le Président (M. Morin): Si vous voulez avoir une réponse.

**(16 h 30)**

M. Mamelonet: Merci, messieurs. C'est assez intéressant puis, bon, ça nous rappelle évidemment qu'hier, avec Vivre en ville, on avait déjà eu certains éléments de votre présentation d'aujourd'hui puis votre préoccupation d'aujourd'hui. Par contre, moi, comme... Bon, je suis député du comté de Gaspé, donc un endroit qui est quand même assez vaste, peu de densité urbaine, beaucoup de petits villages. Et j'aimerais, moi... J'ai écouté votre présentation sur la Hollande. C'est très bien, sauf que la Hollande, c'est quand même 400 habitants au kilomètre carré, par rapport à cinq habitants au kilomètre carré au Québec. Si on exclut, disons, les deux tiers du Québec qui ne sont presque pas habités, on reste quand même à peu près à une densité de 15 à 16 habitants par kilomètre carré. Donc, on a des réalités qui sont excessivement différentes.

Et comment est-ce que... Moi, ce que j'aimerais entendre de vous, c'est comment vous assurez la compatibilité entre votre demande d'avoir un plan national et les volontés des communautés locales, des communautés plus rurales, je dirais, d'avoir une certaine liberté de l'aménagement et de l'occupation de leurs territoires? Alors, je comprends bien que c'est... Le Québec, en fin de compte, est très... est scindé, en fin de compte, entre des régions excessivement urbaines et relativement densifiées mais qui font de l'étalement urbain qui est très souvent assez peu intéressant, dans la mesure où il s'étale sur les zones agricoles, alors que dans les régions beaucoup plus rurales, bien, il y a des petits villages qui sont... Donc, il y a vraiment une grande, grande différence entre les deux milieux. Comment est-ce que... J'aimerais bien vous écouter un petit peu, voir comment on pourrait avoir une compatibilité entre ces deux éléments-là, ces deux concepts-là.

M. Séguin (Hugo): ...rapidement, la première chose...

Le Président (M. Morin): Oui, M. Séguin, allez-y.

M. Séguin (Hugo): Excusez, M. le Président. Merci. La première chose, c'est de dire: Effectivement, on reconnaît qu'il y a des disparités très importantes au niveau des enjeux sur le territoire. Ça, c'est bien évident, c'est bien clair. Deuxièmement, c'est de dire que ce qu'on imagine, en termes de vision ou d'énoncé national, ça ne veut pas dire du micromanagement d'une tour à bureau ici sur ce qui va se passer sur le territoire. On est en train de se dire: C'est quoi, les grands objectifs qu'on se donne, nationalement, par rapport au territoire? Quelles sont les connaissances qu'on a sur le territoire? Et comment on peut rendre cohérentes d'abord les activités de l'État sur le territoire, hein? Comme on l'a dit hier, souvent la main gauche défait ce que la main droite fait ou inversement. Donc, il y a un souci de cohérence là-dedans. Alors, ne serait-ce que pour ça, l'exercice en vaudrait la chandelle.

Ceci dit, l'avant-projet de loi dit que les municipalités, les MRC, les communautés métropolitaines devront se donner des objectifs dans le cadre d'orientations à venir. Donc, il y aura quand même une réflexion au niveau national sur ces orientations-là. Maintenant, ces orientations-là vont devoir provenir d'une réflexion, Nous, on se dit: Poussons ça plus loin puis ayons une réflexion générale sur ce qu'on veut faire du territoire au niveau des grands objectifs. Et après ça ce sera sur le territoire à voir comment on peut atteindre les objectifs. Et là les moyens sont laissés aux gens sur le territoire, là.

Le Président (M. Morin): Merci, monsieur. Donc, on se retourne vers le député de Blainville pour 13 minutes.

M. Ratthé: Merci, M. le Président. Messieurs, c'est un plaisir de vous accueillir, d'avoir des experts en la matière, en plus, là, des gens en urbanisme qui ont une bonne expertise.

Écoutez, ma première question va... On va quand même continuer dans la même veine, parce que je pense que c'est le coeur de votre présentation, mais au départ je vais aller immédiatement sur... À la page 14, vous nous dites: «Rendre explicite la préséance de la Loi sur le développement durable». Donc, on veut faire en sorte, là, qu'il y ait une préséance de la Loi sur le développement durable dans le projet de loi. Et, dans la Loi sur le développement durable, si je ne me trompe pas, il y a quand même tout le concept de subsidiarité, qui a été apporté par l'UMQ d'ailleurs, donc subsidiarité, décentralisation.

Et, si je lis au bas de votre page, vous nous dites: Bien là, il faut conférer plus de pouvoirs. Il faut que les Affaires municipales... le ministère «doit obliger la conformité [aux] documents». Alors, je veux juste comprendre. Parce qu'en quelque part vous semblez... et vous avez commencé à bien expliquer, là, la visualisation, les orientations. Mais ça me paraissait un petit peu à l'opposé, en disant: Bon, on prône une plus grande centralisation, une plus grande mainmise de l'État, du moins sur les grandes directions. Si je me trompe, bien, c'est ça, c'est là que je veux avoir une explication.

Puis de l'autre côté, bien, dans la Loi sur le développement durable, il y a vraiment un concept fort de décentralisation. Alors, d'une part, peut-être soit m'éclairer davantage, illuminer mes mauvaises perceptions. Alors, je vous écoute là-dessus.

Le Président (M. Morin): M. Séguin.

M. Séguin (Hugo): Merci, M. le député. Peut-être qu'il y a une interprétation avec... où on diffère avec l'interprétation que le ministre donne de la portée de la Loi sur le développement durable. Si effectivement la loi ne s'applique pas aux municipalités, elle s'applique aux ministères et organismes du gouvernement. Jusqu'à preuve du contraire, le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire est un ministère et organisme du gouvernement du Québec. Jusqu'à preuve du contraire, la loi... ou l'avant-projet de loi qui nous est présenté n'est pas une loi pour les municipalités, c'est une loi pour l'aménagement durable du territoire. Donc, pour moi, la Loi sur le développement durable s'applique.

Dans la Loi sur le développement durable, il y a des principes. Il y a des principes qui doivent s'appliquer à l'Administration, et c'est de ça dont on parle actuellement. Et parmi ces principes-là il y a un principe de subsidiarité qui est important. Pour nous, il est important. On reconnaît qu'il doit y avoir une vision modulable, modulée sur le territoire. Au risque de me répéter puis de m'égosiller là-dessus, là, les réalités ne sont pas pareilles sur le territoire, c'est bien clair. Mais il n'empêche que la loi, elle... il y a 16 principes importants où l'État doit regarder... en fait doit rendre conformes ses pratiques, ses lois, ses avant-projets de loi avec un certain nombre de principes au-delà de la subsidiarité. Donc, il y a moyen de tout réconcilier ça. Nous, on ne voit pas ça en termes de conflit, là.

M. Ratthé: Donc, vous ne pensez pas qu'effectivement, comme M. le ministre nous disait, il y a quand même une pression de la part des municipalités, des MRC à ce qu'il y ait une régionalisation, décentralisation, on peut l'appeler de même... qu'ils aient plus de pouvoirs? Alors, il y a cette pression-là. Et vous ne pensez pas qu'avec votre approche ou celle que vous suggérez il pourrait y avoir davantage de conflits? Vous dites: Ça peut être conciliable. Il faudrait qu'il y ait une modulation par régions.

Vous nous donnez en exemple, effectivement, les Pays-Bas. Tantôt, mon collègue vous faisait part du fait que les Pays-Bas sont quand même beaucoup plus petits que le Québec. À la limite, là, à peine sans exagérer, il y a des MRC, loin en Abitibi puis sur la Côte-Nord, qui sont presque aussi grandes que les Pays-Bas. Je voudrais aussi vous entendre... Parce qu'il y a une question de distance. Tantôt, vous avez dit: Bien, il n'est pas question... on ne parle pas ici d'avoir quelqu'un dans une tour à bureaux qui délimite les...

L'autre exemple que je voudrais peut-être vous apporter -- puis on pourra après ça, peut-être de façon générale, peut-être en parler -- on sait que la France avait aussi dans ses plans, je vais dire, là, un schéma national, un schéma national qui n'a, je pense, jamais été adopté, et on est allé beaucoup plus sur des schémas régionaux au niveau de la France. Donc, on est dans un pays plus grand que les Pays-Bas mais plus petit que le Québec. Moi, je voudrais plus voir dans le concret, là... Je comprends ce que vous dites. On ne veut que ce soit centralisateur, on aimerait... Mais ça s'appliquerait comment? Je ne sais pas si vous avez peut-être un exemple, peut-être, plus concret, qu'on puisse voir, là, comment ça pourrait s'appliquer. Vous nous parlez de décision qui se prend en silo, aussi, dans les ministères. Peut-être, si vous pouviez illustrer un petit peu le concept que vous nous amenez, je pense que ça pourrait être intéressant.

Le Président (M. Morin): C'est M. Boivert? Allez-y.

M. Boivert (André): Oui, M. le Président. Chose certaine, il y a une réflexion à faire pour vraiment faire ce changement-là dans les approches de planification du territoire. Il reste que la comparaison du Québec et des Pays-Bas, jusqu'à un certain point... Il faut voir que la population des Pays-Bas demeure sur 43 000 km², alors que la partie du Québec entre Québec, Montréal et Sherbrooke, disons, ça fait à peu près 32 000 km². Il y a 16 millions de population dans 42 000 km², mais il y a quand même 80 % des Québécois qui vivent sur 2 % du territoire. Et là-dedans il y a des terres agricoles, il y a plein de choses à conserver. Ça, c'est une chose. Pour le reste du territoire, bien là aussi il y a certainement à développer des politiques pour permettre justement à tous ces territoires de participer au développement d'une vision d'ensemble du territoire, dans quel territoire on veut vivre dans l'avenir et... Non, il y a un gros travail de réflexion à faire, là. On ne copie pas un modèle copier-coller, là, ce n'est pas...

M. Séguin (Hugo): Si je peux me permettre de rajouter, en complément...

Le Président (M. Morin): Oui, monsieur... Oui, M. Séguin.

**(16 h 40)**

M. Séguin (Hugo): La politique des Pays-Bas, en tout cas l'avant-dernière mouture, au niveau de l'occupation du territoire, la politique VINEX, au niveau de l'implantation de logements, hein, de développements immobiliers, la politique déterminait un certain nombre d'objectifs pour des zones extrêmement... plus urbanisées, hein, où on disait, par exemple... Vous demandez un cas concret, je vais vous en donner un. Ils disaient: Avant tout nouveau développement, il faut penser le transport collectif. On pense le transport collectif, on développe après. Le transport collectif arrive en premier. Si le promoteur, la municipalité, la région voulaient avoir l'argent du gouvernement pour les infrastructures, il faut se conformer à ces... Ils peuvent le faire, mais ils n'auront pas l'argent du gouvernement.

Un effet pervers de l'État accompagnateur, c'est qu'on accompagne avec notre chéquier. Quand une municipalité ou une MRC décide de faire de l'étalement urbain, nous, on les accompagne, nous, on paie. On paie les écoles, on paie les hôpitaux, on paie le déplacement d'écoles de Montréal qui ferment, on les envoie en région. On paie les bretelles d'autoroute, on paie les agrandissements d'autoroute, on paie les ponts. On paie, mais on n'a rien à dire. Il y a des limites au principe de subsidiarité parce qu'on finit par payer. Alors, ça, c'est un... Bon.

Deuxième et dernier point, ce qui nous embête un peu, au Québec, c'est d'être capable, au Québec, de trouver une façon de respecter des objectifs qu'on se fixe. Au gouvernement du Québec, on s'est donné des objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre les plus ambitieux d'Amérique du Nord. L'enjeu principal pour atteindre ces objectifs-là, c'est l'aménagement du territoire. On a été chercher les réductions qu'on pouvait dans les autres secteurs. Maintenant, là, c'est l'aménagement du territoire, le nerf de la guerre. Mais, si au gouvernement du Québec on a des objectifs puis on n'est pas capable de faire en sorte que sur le territoire ça... on fasse ce qu'il faut faire pour les atteindre, bien là, vous allez voter un avant-projet de loi qui va vous émasculer comme législateur. Ça, ce n'est pas très rigolo.

M. Ratthé: Ça illustre bien.

Le Président (M. Morin): Ça doit faire mal.

M. Séguin (Hugo): Pas mal.

M. Ratthé: Ça illustre bien. Je vous remercie. Tantôt, on apportait le... vous avez apporté le concept d'aménagiste en chef, puis, bon, si je lis tout ce que vous nous apportez, on parle d'une vision, de grandes orientations. Aménagiste en chef, j'allais dire, ça pourrait être facilement notre ministre des Affaires... qui serait l'aménagiste en chef, si on voit le rôle, qui va donner une vision globale, avec des orientations. Et, pour l'instant, bon, c'est vrai qu'on est en avant-projet de loi, là, on va donner une chance au ministre, là, mais les orientations, quand même, du gouvernement ne sont pas connues.

On soulevait aussi le fait qu'il y a des données propres, par exemple, à des modifications de zonage, qui sont dans un règlement, qui ne sont pas dans le projet de loi. Alors, ce que je vous entends dire, c'est: Écoutez... Puis le ministère, également, c'est quand même... les Affaires municipales, maintenant, c'est très transversal, hein, on réalise à quel point on touche à tout. Alors, ce que vous nous dites, c'est: Écoutez, un aménagiste en chef qui pourrait être, par exemple, le ministre, une vision, des grandes orientations, puis qu'on... Puis basé là-dessus, si je comprends bien ce que vous dites, bien là on laisse quand même une certaine autonomie à chacune des régions, des MRC, pour, en alignement avec ces orientations-là, donc donner, j'allais dire, la couleur locale, le cachet particulier, etc. J'imagine que je comprends bien ou mieux votre message, là, c'est ce que vous nous dites, là.

Pendant que je vous ai... Est-ce que j'ai encore quelques petites minutes, M. le Président?

Le Président (M. Morin): Oui, quatre minutes, mon cher monsieur.

M. Ratthé: Ah! quatre minutes. Je vais profiter du fait que j'ai quand même, dans le groupe ici, des spécialistes en aménagement. Je sais que ce n'est pas dans votre mémoire, mais un des sujets qui alimente beaucoup la commission depuis le début, c'est les zones franches. On a les deux côtés de la médaille. On a des gens qui disent: Oui, c'est une bonne chose de créer une zone franche, pas de référendum. Ça va enfin faire en sorte qu'on va pouvoir faire les projets qu'on veut sans qu'il y ait un petit groupuscule de personnes qui viennent nous empêcher de tourner en rond. Et évidemment il y a l'autre côté de la médaille pour dire: Un instant! On enlève le droit au citoyen de s'exprimer, même si on l'informe, si on fait des séances aussi pour s'assurer que toutes les informations sont données. Il n'aura plus le droit, dans le cas d'une zone franche, de s'objecter. Comme, parmi votre groupe, il y a des gens quand même qui s'y connaissent fort bien en urbanisme, je voulais peut-être juste avoir votre opinion, tant qu'à avoir des spécialistes dans la matière, peut-être avoir votre son de cloche là-dessus.

Le Président (M. Morin): M. Hugo, oui, allez-y.

M. Séguin (Hugo): Oui. Vous avez devant vous des spécialistes embêtés, hein, je dois vous dire. Ce n'est pas pour rien que ce n'est pas dans notre mémoire. Parce qu'on s'est posé la question, chez Équiterre, on a débattu pas mal. Nous sommes une organisation qui prône, depuis plus de 15 ans maintenant, la participation citoyenne aux débats. Alors, c'est difficile pour nous d'approuver une mesure qui viserait à enlever des capacités de participation des citoyens. Une fois qu'on a dit ça, on comprend pourquoi c'est là, puis on comprend que, si c'est fait pour les bonnes raisons, le bien collectif peut peut-être, dans certains cas, passer sur le corps du bien... en tout cas de l'intérêt particulier. On comprend la dynamique.

Ce qui nous amène à vous dire la chose suivante. C'est qu'on ne peut pas se prononcer, à l'heure actuelle, tant qu'il n'y a pas de balises plus claires qui permettraient de dire comment on remplace ça dans un cas où il y a une zone franche. Le fait qu'il y ait de la consultation ou qu'il y ait de l'information, ce n'est pas suffisant, pour nous, parce qu'on connaît, sur le territoire, comment certaines municipalités font ou ne font pas de consultation, ou s'arrangent pour que personne ne le sache qu'il y a eu consultation, ou ainsi de suite. Ça fait qu'on vous invite à regarder ça puis arriver avec des balises très claires, pour ne pas qu'on sente qu'on a perdu quelque chose.

Le Président (M. Morin): M. le député de Blainville.

M. Ratthé: Bien, écoutez, j'apprécie beaucoup l'information que vous nous avez transmise. Effectivement, je vous dirais que, nous, on était un peu dans cette situation-là aussi. Pour avoir, on le disait, on l'a dit à plusieurs reprises, là, pour avoir, presque tous ici, fait de la politique municipale, on a vu les deux côtés de la médaille. Mais je pense que ce qui ressort puis ce qui commence peut-être à faire peut-être consensus, en tout cas, du moins, ce qui ressort le plus souvent, c'est que peut-être qu'on devra préciser davantage dans quelles circonstances, le genre de... qu'est-ce qu'on va permettre dans ces zones-là, peut-être qu'est-ce qu'on ne permettra pas. Et c'est peut-être là, là, qu'il y aura moins de flou puis qu'on va pouvoir se dire, un peu comme vous nous dites: Bien, écoutez, dans un cas comme celui-là, évidemment, on veut que le projet ait préséance ou, dans un autre cas, qu'on ne permettrait pas, par exemple... parce que, là, il y aurait trop d'argumentaires. Mais je vous remercie beaucoup d'avoir apporté cet éclairage-là, mais je me doutais bien que vous deviez avoir une opinion sur le sujet.

Moi, M. le Président, en ce qui me concerne, ça complète les questions que j'avais à poser. Je vous remercie beaucoup, messieurs.

Le Président (M. Morin): Merci, M. le député de Blainville. Donc, MM. Séguin, Boivert, Sa et M. Plamondon, merci beaucoup de votre intervention, et bon retour à la maison.

Je suspends quelques instants. Et j'invite le Barreau du Québec à s'approcher. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 46)

 

(Reprise à 16 h 49)

Le Président (M. Morin): Nous reprenons nos travaux. J'inviterais les gens du Barreau à se présenter à la table. M. Delisle, je vous attends.

M. Delisle, bonjour, Mme Chamass, bonjour. Donc, vous avez 15 minutes pour nous haranguer.

Barreau du Québec

Mme Chamass (Carla): Alors, bonjour. Mon nom est Carla Chamass. Je suis avocate au Service de recherche et législation au Barreau du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui par Me Pierre Delisle, qui est avocat-conseil en pratique privée. Pour ma part, donc, je travaille au Service de recherche et législation. On est responsables de différents comités qui se penchent sur les différents domaines du droit, donc les questions qui intéressent l'ensemble de la population et l'exercice même de la profession.

**(16 h 50)**

Le Barreau du Québec, je n'ai peut-être pas besoin de le présenter, vous le connaissez tous, c'est un ordre professionnel qui regroupe quelque 24 000 membres. Sa mission première est effectivement la protection du public dans le cadre de l'exercice de la profession des avocats, mais elle s'étend au-delà de l'exercice même des membres et donc va rejoindre l'ensemble du public, donc la protection de celui-ci, en visant à nous assurer que notamment la confiance du public dans l'État est préservée.

Et donc le Barreau a plusieurs comités permanents qui agissent à titre de conseillers, si vous voulez, et qui vont se pencher sur les différents projets de loi, et autres, qui vont arriver devant nous. Et, dans ce contexte, le Comité sur le droit municipal a examiné l'avant-projet de loi et a formulé ses observations, qui ont donné lieu à la lettre du 26 avril qui a été transmise à votre attention. Donc, on vous remercie de cette occasion de nous faire entendre.

Et puis, pour ma part, n'étant pas spécialisée dans le domaine du droit municipal, je me suis adjoint les services et la collaboration, plutôt, de Me Delisle, qui va nous faire une présentation de la position du Barreau relativement à cet avant-projet de loi.

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Chamass. Nous vous écoutons, M. Delisle... Me Delisle.

M. Delisle (Pierre): Merci beaucoup. D'abord, un premier mot, c'est bien sûr, le mémoire porte sur l'intérêt du justiciable en général. Nous n'avons pas l'intention, comme Barreau, de nous prononcer en ce qui concerne les différents partages de pouvoirs. Je pense que c'est une évidence.

Le Barreau, comme probablement beaucoup d'intervenants ici, accueille très favorablement une révision d'une loi d'une telle importance, qui est déjà dans le décor depuis bientôt 30 ans. Je pense qu'il était temps de mettre de l'ordre dans cette loi qui, pour les juristes, était de plus en plus dure à suivre et dure à appliquer.

Deuxième remarque préliminaire, évidemment nous parlons d'une loi qui touche tout le monde. Je pense qu'il faut toujours s'en rappeler dans les remarques ou dans l'analyse qu'on doit en faire. Tous les citoyens, de près ou de loin, sont affectés par une telle loi. Donc, il faut porter énormément d'attention et éviter de simplement s'attarder à une réforme ou une refonte. Parce que c'est tentant de le faire, hein? La loi, particulièrement avec les nouvelles communautés métropolitaines, était rendue difficile d'appréhension, donc on peut être tenté de mettre de l'ordre dans tout ça et d'oublier peut-être les grands objectifs. Alors, se rappelant que les 8 millions de Québécois seront affectés de près ou de loin par la loi, le Barreau désire souligner que les mécanismes de protection, de participation et de consultation demeurent importants et demeurent importants à tous les niveaux.

La principale proposition qui est faite par le Barreau -- on la retrouve à la fin de la page 2 de la lettre que vous avez reçue -- ça rejoint un peu les préoccupations des derniers intervenants, c'est-à-dire le rôle du gouvernement, de l'État central, au niveau de la planification. Sans aller vous proposer le planificateur en chef ou l'urbaniste en chef, nous développons l'aspect de la primauté du droit et du débat démocratique au niveau des grandes orientations, pour la raison bien simple qu'on considère que c'est central, ce qui devra être fait, mais c'est la section de la proposition gouvernementale ou la proposition d'avant-projet qui est la moins encadrée, selon le Barreau.

On retrouve ici la possibilité pour le gouvernement, par règlement par exemple, d'établir quelles sont les orientations gouvernementales qui devront être suivies, quels sont les éléments du plan métropolitain ou du schéma d'aménagement qui devront tenir compte des orientations gouvernementales, mais on n'encadre pas d'une façon suffisamment précise, selon nous, ce que seront ces orientations gouvernementales. Donc, ce ne sera pas une loi, ce ne sera pas un règlement, ce sera une quasi-règle, mais une quasi-règle qui aura une telle importance que le Barreau ne peut pas ne pas vous souligner que ce chapitre et ce rôle de l'État devraient être révisés.

Et l'État devrait réfléchir très sérieusement à éviter de se mettre au-dessus des lois, parce que c'est un petit peu la situation juridique que l'on retrouve ici, et d'accepter, du moins en ce qui concerne la facette aménagement du territoire, de jouer le jeu avec les autres intervenants et d'accepter les mécanismes -- puis là je ne les énumérerai pas, parce que vous êtes déjà depuis trois jours là-dedans, je suis sûr que vous en avez largement entendu parler -- mais tous les mécanismes de consultation, d'avis publics, de révision de conformité, à toutes sortes de niveaux. L'État devrait accepter de jouer, lui aussi, le jeu au niveau de ses orientations, au niveau des éléments majeurs de planification qu'il voudra imposer, et il devrait y avoir un endroit... Sera-ce la Commission municipale, sera-ce un nouvel organisme de contrôle qu'on créera, un bureau style BAPE, qui fait un peu ce rôle dans le domaine de l'environnement? Alors, aura-t-on le BAPE de l'urbanisme? Ça, on laisse ça au choix... à votre réflexion. Mais clairement l'État devrait baliser son intervention, particulièrement ses interventions au niveau des grandes orientations.

Ça nous amène donc à demander clairement que, pour respecter le principe de la participation de la population... le Barreau clairement souhaite que le gouvernement établisse un mécanisme de publicité et de consultation publique relativement à ses orientations, et que ses orientations, qui sont souvent méconnues du public, hein, et c'est lui, le public, qui, en bout de piste, subira le contrecoup...

Par exemple, je donnais à Me Chamass tout à l'heure un exemple. On pourrait décider, par orientation gouvernementale, qu'un pipeline ou une installation importante traverse telle région, et cette région-là devra la subir dans le concret. Ça va passer quelque part, avec un impact sur un plan d'urbanisme quelque part, un schéma d'aménagement et, en toute fin, dans un plan de zonage. Et bien sûr cette décision-là viendra de très loin, pour le public qui devra la subir, et probablement, si on laisse la loi dans l'état où elle est écrite actuellement, sans qu'il y ait eu vraiment de compréhension, par le public qui en sera affecté, de ce qu'il en arrive.

Le Barreau considère aussi que le gouvernement devrait favoriser, dans l'élaboration du contenu de ses orientations, un mécanisme qui permettra une meilleure sécurité juridique et une prévisibilité de la règle de droit. C'est une des préoccupations du Barreau à l'égard de toute législation que les personnes qui doivent appliquer ces règles plus tard puissent les prévoir facilement, puissent les connaître facilement, puissent aussi les influencer facilement, pour éviter une confusion juridique qui fasse balancer, qui fasse couler l'ensemble du bateau. Alors, c'est bien beau d'avoir une direction intéressante, mais, si le paquebot coule parce qu'il amène trop de confusion, trop de contestation, et on connaît certaines législations qui ont fait l'objet de contestations majeures parce qu'elles étaient confuses... Donc, on fait un appel à vous, là, pour que cet élément-là soit resserré.

Et je pense que je peux promettre, au nom du Barreau, qu'il y aura une analyse très sérieuse du projet de loi lui-même pour peut-être, là, arriver avec des propositions plus concrètes, une fois que la machine gouvernementale aurait fait ses choix -- parce qu'on est au niveau d'un avant-projet de loi -- et peut-être à ce moment-là revenir et faire des propositions qui seront plus concrètes.

Le deuxième élément de notre réflexion cet après-midi, c'est sur la sécurité juridique. Le Barreau pense que certains éléments... Je pense, par exemple, à l'article 39 de l'avant-projet de loi, où on parle de diagnostic par les instances visées. Et les membres du comité qui ont préparé ce mémoire, cette lettre-mémoire, vous soumettent, sur cette question-là, qu'il y a un danger de poursuites personnelles, parce que le diagnostic qui serait posé pourrait amener les gens à dire: Bien, écoutez, vous aviez déjà prévu telle situation, vous avez autorisé tel projet, vous avez autorisé telle planification, donc la municipalité peut en être responsable et peut-être même les dirigeants à titre personnel.

On souligne, et on ne doit pas être les seuls à le faire, que les exigences procédurales et documentaires sont très contraignantes. C'est une loi, en tout cas pour le profane, difficile à suivre. Même pour ceux qui pratiquent ce domaine, et c'est mon cas à moi, je dois vous avouer que, lorsqu'on doit l'appliquer concrètement dans une situation donnée, on s'arrache les cheveux, du moins ceux qu'il nous reste. Alors donc, beaucoup d'exigences procédurales et documentaires. Probablement que c'est difficile de la simplifier, mais toute simplification serait bienvenue, je ne vous le cache pas, parce qu'évidemment, et c'est le rôle du Barreau, il faut éviter des contestations juridiques inutiles, et la complexité des dispositions... Par exemple, on pense aux sections 218 et suivantes du projet de loi, en matière d'approbation des personnes habiles à voter, qui créent, selon le Barreau et les membres de notre comité, une forme d'insécurité.

**(17 heures)**

Une des dernières conclusions ou propositions que je désire vous souligner cet après-midi, c'est que le Barreau va jusqu'à croire que les dispositions de la loi devraient lier l'État à ses mandataires, au niveau des engagements qu'il prend, ce qui n'est pas le cas actuellement. Et, si effectivement on allait jusque-là, la prérogative politique deviendrait, selon nous, une prérogative administrative qui pourrait être soumise au contrôle d'un mécanisme quelconque qui compléterait, à mon avis, la protection du public et la protection du gouvernement lui-même ou de l'État lui-même dans ses interventions. En d'autres mots, l'État devrait être traité -- et c'est dire autrement ce qui a été dit tout à l'heure -- l'État devrait être traité comme quelqu'un qui a une responsabilité première en matière d'aménagement puisqu'il sera au-dessus de la pyramide.

Évidemment, le Barreau, et j'en suis à la dernière page de la lettre mémoire que vous avez reçue, souligne que le processus décisionnel et la participation de la population est une valeur importante. C'est probablement la loi d'ailleurs, la loi actuelle sur l'aménagement et l'urbanisme, qui appelle le plus à la consultation et à la participation du citoyen. Je pense qu'il n'y a pas d'autres exemples dans notre législation. Le Barreau favorise beaucoup cet élément-là.

Et, puisque la question viendra, je vais la prévenir tout de suite: Quant aux zones franches, on est un petit peu divisés, comme plusieurs groupes qui se sont présentés devant vous. On n'a pas de proposition concrète à faire sauf, comme certains intervenants que j'ai entendus cet après-midi, vous dire que, oui, tentons d'encadrer. Si on doit garder ce régime d'exception, tentons de l'encadrer pour éviter que les personnes qui en seront affectées perdent toute protection. Qu'on leur enlève le droit de veto absolu qui est le référendum, c'est une chose, mais qu'on leur enlève tout autre moyen...

Je vais vous donner un exemple. Si on enlève le référendum, il n'y a rien qui empêcherait les grandes villes, parce que c'est dans les grandes villes que ça va se passer surtout, d'avoir un bureau de consultation qui aiderait le citoyen -- parce qu'il y aura quand même une participation du citoyen même s'il ne vote pas formellement -- qui aidera ces citoyens à exprimer leur point de vue. Puis c'est quoi leur inquiétude par rapport à telle modification qu'on veut faire dans la fameuse zone franche à l'égard de leur vécu à eux? Qu'est-ce que ça signifie? Donc, leur prêter des services d'urbanisme, etc., un peu comme un ombudsman qui accompagnerait au moins cette démarche-là et qui donnerait une forme de protection. En d'autres mots, toute protection que vous pourrez intégrer dans le projet de loi sera bienvenue de la part de nos membres. Merci.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Delisle. M. le ministre.

M. Lessard: Oui, merci beaucoup. Barreau du Québec, Me Chamass et Me Delisle, ça fait plaisir. C'est intéressant de vous entendre. Je pense que... c'est sûr que vous êtes là pour la communauté juridique, on l'entend bien. La signature, et c'est présenté sous un volet de sécurité juridique, je l'entends. Et je tiens à mentionner qu'on est sensibles à ce que vous dites. Toutefois, la loi ou l'avant-projet de loi ne présente pas... ne va pas dans le même sens que vous le proposez, à savoir que les orientations gouvernementales demeurent un plan politique de l'État et non pas une quasi-règle sujette à la judiciarisation sur l'opportunité politique. Parce que j'ai beaucoup entendu que, dans d'autres provinces, il n'y a pas de référendums, et, en général... mais on peut saisir un tribunal spécialisé même de l'opportunité politique, ce qui n'est pas le cas ici. Exemple, ici, on ne peut pas saisir la Commission municipale sur la conformité. Bon, on peut la saisir, mais ça ne sera pas retenu. Alors, on a pris les principes antérieurs. Il n'y a pas de rupture avec le passé en passant, c'est ce qui nous a guidés à aller plus loin, mais en maintenant ces principes-là.

C'est vrai que l'État est assujetti aux objectifs de la Loi sur l'aménagement mais pas à ses règlements. Alors donc, il reste une étape, certainement, à franchir pour se rendre, là, dans un État plus juridique, contraignable aussi. Alors donc, je comprends que, dans les orientations, on ne va pas jusqu'au niveau que vous le demandez, à savoir de créer un effet... une règle juridique par des orientations gouvernementales contraignables devant... On ne s'est pas rendus là malheureusement, là, pour votre plaidoyer.

Vous avez plusieurs aspects que vous présentez. Donc, il y a l'aspect du diagnostic. Vous craignez qu'il y ait des recours. Dans ma connaissance, le diagnostic, parce qu'on a eu un échange sur... je ne me souviens plus, le groupe concernant les évaluations... l'Association québécoise d'évaluation d'impacts. On ne veut pas faire des études environnementales stratégiques, on veut donc avoir des compilations de données, factuellement, un portrait, une prise de données saisie par rapport à une planification, alors que, normalement, c'est fait dans le cadre d'une approche projet. Donc, c'est un outil d'aide à la décision plutôt qu'un document juridique... Donc, conclure... Comme on a pu le constater, exemple, ce n'est pas l'étude environnementale stratégique telle que déployée par les gouvernements dans le cadre de bâtir les orientations, une loi, comme la loi sur les hydrocarbures ou les gaz de shale. Mais c'est sûrement un document qu'on devra simplifier, mais aide à la prise de décision comme un peu, peut-être, dans le secteur éolien, où est-ce qu'une série de données... ou l'impact que quelqu'un nous citait, à matin, on veut faire telle action, bâtir une bretelle, une route, un centre des congrès. Y a-tu de la documentation qui peut nous aider à prendre la décision?

Mais j'entends bien, puis il ne faudrait pas que ça se rende à judiciariser ce volet-là, là, dans la présentation. Y a-tu d'autres aspects de la loi que vous regardez outre le fait que, bon, c'est une décision politique, de reprendre les éléments? On aura des orientations à bâtir. On essaie même d'alléger les orientations pour éviter de normer. Des ministères, parfois, décident des normes, ce qui enlève même toute latitude. Vous avez vu, dans la signature, là ça insécurise les aménagistes et peut-être même les urbanistes puis probablement les avocats qui les conseillent. La signature de la loi fait en sorte qu'avant tout était réfléchi, pense à l'article, va au 21b, alinéa 3, c'est marqué «le contenu est défini», qu'est-ce que contient telle chose, etc. Alors que, là, c'est vraiment, après 30 ans de maturité, on pense que tu peux faire, donc, de la réglementation innovante, et là l'inquiétude à savoir: Est-ce que quand je vais innover en bas, est-ce qu'en haut, au ministère, ils vont innover aussi, ils vont aller dans le même sens? Est-ce que ça vous insécurise du fait qu'on passe à «tout écrit» à «toute latitude»?

M. Delisle (Pierre): Ce que je vous répondrais là-dessus, c'est: d'abord, un, je ne fais pas partie du comité, mais on m'a fait rapport sur ce qui a été discuté au comité. Le comité est composé de juristes qui pratiquent en droit municipal, donc ils ont évidemment une opinion personnelle sur à peu près tous les sujets qu'on discute. Ce que le Barreau a décidé de retenir, c'est de ne pas se prononcer sur ces questions-là et simplement de ramener certains grands principes qui sont contenus dans la lettre, quitte, lorsque le projet de loi lui-même sera déposé, à revenir possiblement sur certains des éléments et faire une consultation plus large auprès de ses membres pour établir une position qui serait plus ferme.

Alors, au-delà des sujets qui sont abordés ici, dans la lettre qu'on a transmise il y a déjà plusieurs semaines, je pense que je ne peux pas identifier, là, d'éléments que le Barreau veut apporter, là, cet après-midi à cette table. Peut-être que vous pouvez rajouter là-dessus, Me Chamass.

Mme Chamass (Carla): C'est-à-dire qu'il y a eu des discussions par rapport à tous les éléments que Me Delisle a mentionnés, notamment la question des zones franches, etc., et puis la participation des citoyens dans l'ensemble de l'aménagement puis de l'urbanisme. Mais là où les points de vue diffèrent, on n'est pas arrivés à un consensus sur la position qu'on voulait soumettre. Et donc le Barreau ne veut pas poser des conclusions trop hâtives. Et c'est sûr que, nous, on transmet une lettre par laquelle on vous fait part de nos préoccupations qui sont la sécurité juridique, la participation des citoyens, évidemment la primauté du droit, et tout ça se traduit par une confiance qu'on cherche à établir entre le citoyen et les autorités en question. Et, également, à notre avis, il est important que tous les paliers au niveau gouvernemental soient en franche discussion ensemble, et ça, ça va se refléter par les décisions qui vont être prises par la suite et qui vont impacter les citoyens.

Évidemment aussi, il faut prendre dans le contexte que c'est les municipalités au niveau local qui sont les plus à proximité avec les citoyens et qui connaissent leurs besoins. Donc, on va aller et on doit aller rechercher leur position qu'ils seront en mesure, donc, de faire valoir aux plus hauts paliers. C'est dans ce contexte que se traduisent les observations du Barreau du Québec pour le moment. On comprend qu'après les consultations vous allez baliser, vous allez probablement préciser l'avant-projet de loi, et, à ce moment-là, nous, on s'est réservé le droit, par la suite, de vous revenir avec d'autres propositions et d'autres, donc, motifs à faire valoir, si vous le permettrez.

Le Président (M. Morin): M. le ministre.

**(17 h 10)**

M. Lessard: Oui, merci, donc. Parce que vous comprenez bien que je retourne 10 000 avocats sur les bancs d'école en formation continue avec ça, plus tous les urbanistes, les aménagistes et les notaires, et les enseignants à l'université là-dessus. Donc, en tout cas, tout commentaire dans le sens... Parce qu'on essaie de faire un exercice aussi de réduire toute paperasserie gouvernementale de plus de 30 %. Donc, dans les délais, dans la transmission de données, éviter de faire deux fois, double usage, comment consulter les ministères appropriés plutôt que systématiquement consulter tout le monde. Alors donc, on a... Et donc de faire de l'autovérification ou de l'autoapprobation sur un règlement qui viendra déterminer qu'est-ce qui est sujet à vérification, ce qui n'empêche pas quand même qu'il y a de la documentation qui est recréée localement, parce qu'on intègre l'aspect de faire du monitorage.

Donc, on va développer des outils, des guides et où est-ce que... exemple, des saines habitudes de vie, on nous proposait, par l'Institut national de santé publique, de dire: Pourquoi vous ne l'intégrez pas même dans le concept? Et on développera l'outil approprié pour vérifier si, quand on fait de la planification de l'aménagement et de l'urbanisme, est-ce qu'on est capable de repérer, exemple, 10 marqueurs dans le sens que la qualité de vie s'est améliorée pour diminuer l'obésité, etc. Donc, il y aura, donc, oui, de la paperasse de recréée localement, mais pour des outils de prise de décision et même de documentation qui aident donc les élus à prendre une décision. Mais, du point de vue gouvernemental, c'est à plus de 30 % que j'ai demandé une réduction d'efforts, ce qui veut dire que, là, ça va vous faire intervenir assez souvent. Puis, quand on crée une zone d'inconfort, de nouvelles connaissances, parce qu'il faut créer de la connaissance, nécessairement, on a besoin aussi du Barreau du Québec. Parce que vous allez être resollicités un peu partout, dans chaque municipalité, ils vont se retourner vers chez vous en disant: Bien, resécurisez-moi dans mes pratiques et est-ce qu'on fait correctement? Alors donc, si on est capables de le faire, ça sera bien apprécié.

Pour le reste des commentaires, bien, je pense qu'il faudra suivre un peu l'évolution des travaux. Cette semaine... aujourd'hui, vous complétez le bloc. Je ne pense pas qu'on va en refaire avant le début d'août à cause de la fin de session qui est le 10, mais, en août, probablement qu'on va retourner. Et, alors, suivez ça pour que vous soyez prêts dès novembre prochain, être capables de nous faire des commentaires, là, suite au dépôt d'un projet de loi, ou en novembre ou en décembre... Merci pour la présentation, puis je comprends qu'on va suivre de façon plus précise lorsqu'on aura nous-mêmes resserré les balises.

Le Président (M. Morin): M. le député de Gaspé, vous voulez intervenir, et là vous avez du temps amplement.

M. Mamelonet: C'est vrai?

Le Président (M. Morin): Oui.

M. Mamelonet: Ça...

Des voix: ...

M. Mamelonet: La vie... La vie est belle...

Le Président (M. Morin): Et voilà.

M. Mamelonet: Merci, M. le Président. Merci pour vos explications, madame et monsieur. Et, j'aurais un questionnement, moi, en fin de compte, sur les mandataires de l'État. Et vous faites... vous avez une note dans votre courrier au niveau d'une recommandation que vous faites sur les mandataires de l'État et vous dites: «[Pour] des raisons d'efficacité évidentes, [il faudrait] que les mandataires de l'État soient soumis au contrôle administratif en matière d'aménagement et d'urbanisme...» Car, à l'heure actuelle, ils n'y sont pas soumis en termes... de par leur statut de mandataire de la Couronne.

Alors, j'aimerais que vous me précisiez un petit peu... C'est un dossier qui m'intéresse particulièrement, comme député d'une région très, très grande, puis je vais vous donner un exemple très, très simple. Par exemple, dans des petits villages, qui sont des villages relativement patrimoniaux, dans des petits milieux urbains où le paysage a une importance considérable, on a un mandataire de l'État qui est, par exemple, Hydro-Québec, qui ne se soucie que peu ou prou ou pas du tout de la réglementation municipale, des orientations en termes d'aménagement de la MRC, ainsi de suite. Il semble complètement soustrait de ses obligations. Ça fait que j'aimerais que vous me précisiez un petit peu si possible...

M. Delisle (Pierre): Je vais donner une réponse en deux volets à cette question-là. D'abord, en rappelant que les objets qui devront faire l'objet d'un examen préalable vont être fixés par règlement, et nous ne le connaissons pas, c'est un des motifs d'inquiétude du Barreau, c'est les articles 292 à 304 de l'avant-projet.

En ce qui concerne maintenant le commentaire que le Barreau a passé quant au mandataire de l'État, c'est un petit peu par extension de ce qu'on a dit tout à l'heure. On dit: L'État, ses mandataires, les sociétés de la Couronne devraient être dans la partie de hockey, sur la glace, et non pas au-dessus, sans être reliés, en décidant unilatéralement, par règlement, quels seront les éléments qui devront être conformes à ces orientations ou quels seront les éléments à l'intérieur d'un schéma ou d'un plan métropolitain qui devront faire l'objet d'un examen. C'est ce champ, là, inoccupé qui nous inquiète.

Là, la seule façon maintenant de répondre à votre question concrètement, c'est de référer un peu à l'expérience actuelle en vertu de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Puis je pense que tous ceux qui travaillent et qui pratiquent sous la loi actuelle vont constater que le rôle de l'État, dans le concret, actuellement, on l'a très peu vu. Je sais qu'il y a des mécanismes, il y a des grands documents qui sont produits, etc. Mais l'impact réel de ces documents-là ne se retrouve pas dans le quotidien, par exemple à l'égard des investissements ou des infrastructures qu'Hydro-Québec pourrait apporter sur un territoire. À moins d'avoir été planifié à long terme comme quoi il y aura à tel endroit un corridor énergétique quelconque, là c'est vrai que tous les documents d'urbanisme, les schémas, etc., devront avoir tenu compte, même dans la loi actuelle, de cet élément-là. Mais les vraies problématiques se vivent lorsqu'il y a des modifications de politique ou d'infrastructure gouvernementale, c'est là qu'on la vit.

Et une des inquiétudes que le Barreau a -- et c'est pour ça qu'on tenait tant, cet après-midi, à vous le souligner -- c'est que, dans le passé, la judiciarisation un petit peu massive se faisait au niveau de la microéconomie de l'urbanisme, c'est-à-dire la proposition unetelle avec des citoyens insatisfaits ou un promoteur qui tient à son projet, là tu avais un débat judiciaire. Un des dangers qui nous confrontent ici, si on augmente le rôle de la tête par rapport à ce qui se fait localement ou régionalement, les contestations plus tard pourront venir à l'égard de ce qui se fait à cet endroit-là. Les gens vont viser l'endroit du véritable pouvoir.

Et, si le véritable pouvoir dans une région, par exemple comme la vôtre en Gaspésie, devient les grandes sociétés qui interviennent par des projets miniers, des projets énergétiques ou autres, c'est à cet endroit-là que l'arbitrage va se faire, et c'est là qu'il faudra viser s'il y a des contestations ou des groupes de citoyens qui s'objectent, surtout qu'on éloigne -- c'est un peu notre constat -- on éloigne ces décisions-là du pouvoir habituellement connu, là, au niveau local, au niveau d'une MRC. Là, on ajoute déjà, depuis quelques années, la communauté métropolitaine. On va vivre avec. J'ai vu moi aussi les avis qui viennent d'être donnés concernant les schémas d'aménagement, là, de la communauté métropolitaine. Moi, j'ai surtout utilisé celui de Québec. Qu'est-ce que ça donnera dans le vécu? On ne le sait pas encore, c'est nouveau. Les communautés avaient... ou les anciennes agglomérations avaient presque, depuis 2000-2001, je pense, l'obligation de jouer le jeu, elles ne l'ont pas fait. C'est un peu intrigant. Ça veut dire que plus tu es haut, plus tu es important, et plus c'est difficile de te prononcer sur l'aménagement de ce que sera vraiment l'avenir de ton territoire.

Et notre inquiétude, c'est que, si les grands arbitrages ne se font pas à cet endroit avec une bonne collaboration des élus... Tantôt, on parlait de consultation, je pensais, entre autres, à la consultation des communautés métropolitaines et des grandes villes. Quand le gouvernement précise ses orientations dans un futur règlement que l'on ne connaît pas, est-ce quelque part on devrait quand même donner un rôle de consultation à l'égard de ces grands décideurs là? Est-ce qu'il ne serait pas mieux que Montréal ou son agglomération soient dans le coup quant au plan de transport en commun des prochaines années, ou est-ce qu'il pourra être imposé unilatéralement dans un règlement puis, boum, tu devras l'appliquer?

Alors, c'est là, l'inquiétude. On ne veut pas se prononcer sur le partage de pouvoir. Mais qui doit faire quoi? Ça, on vous laisse ça. Les villes sont assez grandes aussi pour se défendre, que l'arbitrage ait lieu ailleurs. Mais on est intéressé à ce que ce soit clair, le rôle de chacun, et que la visibilité des interventions de chacun soit elle aussi claire et puisse être analysée, suivie par les grands décideurs, et ça, on ne le retrouve pas dans le projet de loi. Il y a une lacune, là, à cet endroit-là, et on soupçonne, nous, que ça va prendre beaucoup d'importance. Si l'État devient intervenant, si l'État a des partenaires, il va vouloir faire des choses et, lorsqu'il va vouloir faire des choses, il va les faire avec les outils qu'on aura décidé.

Alors, nous demandons, comme Barreau, d'y réfléchir beaucoup et de penser à cet aspect-là et que possiblement, pas toute la facette d'intervention gouvernementale... C'est sûr que l'État ne peut pas se lier à l'avance avec des contingences de ci et de ça, mais peut-être que certains des éléments des interventions, ce qui sera, dans le futur règlement, là, qui précisera ce qui doit faire l'examen préalable de conformité aux articles 292 et suivants, possiblement qu'à l'intérieur de ces règlements-là l'État pourra, sur certains sujets, accepter de dialoguer, collaborer, s'informer, etc. Peut-être que c'est là qu'est la solution, et c'est un peu pour ça que, sur ce point-là, le Barreau vous promet qu'il analysera les propositions concrètes qui seront déposées. Et, sur ces éléments-là, on vous promet de les analyser en profondeur et de revenir.

Le Président (M. Morin): M. le député de Gaspé, vous renchérissez?

M. Mamelonet: C'est pas mal.

Le Président (M. Morin): Ça va?

M. Mamelonet: Je pense qu'il m'en a donné pas mal puis assez...

Le Président (M. Morin): Bien, dites-moi pas que je vous ai à l'usure.

M. Lessard: Ah oui!

Le Président (M. Morin): Je vous ai à l'usure, M. le député de Gaspé.

M. Lessard: On a réussi à user tous ses mots, je veux que ce soit enregistré, si ça ne l'est pas.

Le Président (M. Morin): M. le ministre.

**(17 h 20)**

M. Lessard: Oui. Juste un petit commentaire. Vous avez vu dans le préambule, c'est une loi qui a un préambule, et, dans le préambule, les orientations gouvernementales sont faites avec le monde municipal. Donc, on les met dans le coup en partant. Donc, ça ne veut pas dire qu'on a sous-traité l'État aux unions municipales, les villes de Montréal et de Québec, mais donc ils seront partie prenante à la constitution des orientations gouvernementales, comme on vient de le faire dans le renouvellement des orientations gouvernementales, dans le document des orientations gouvernementales concernant les deux communautés métropolitaines.

Alors, les deux communautés métropolitaines ont été consultées pour le renouvellement parce qu'il fallait apporter une modification pour les plans. Maintenant, dans ce qui sera les règlements soumis à la conformité, décidément il faudra le travailler avec eux autres, parce que c'est, après ça... Donc, quand on dit: Le lieu le plus approprié pour l'appliquer, dont la subsidiarité, donc je pense que c'est des indicateurs ou des choses qu'ils vont vérifier, donc il faut aller chercher de l'adhésion. Alors donc, on essaie de travailler en amont puis en aval aussi, mais j'apprécie le coup d'oeil que vous jetterez sur cet aspect-là. Merci.

Le Président (M. Morin): Merci, M. le ministre. M. le député de Berthier, c'est à votre tour.

M. Villeneuve: Merci, M. le Président. Alors, bonjour, et c'est fort intéressant, je vous dirais. Je vous amènerais sur un autre point. À la page 3 de votre lettre, de votre mémoire que vous avez déposé, vous dites: «De plus, "les orientations..."» Et je vais le lire parce que, les gens qui nous écoutent, je pense que ça va être intéressant, là, qu'ils aient le texte au complet: «De plus, les "orientations gouvernementales" relèvent de la discrétion du ministre et de ses fonctionnaires et la procédure de vérification de la conformité comporte aussi une grande part de discrétion. La prévisibilité et la sécurité juridique en sont amoindries, voire compromises, pour un organisme municipal ou supramunicipal dans l'exercice de ses pouvoirs et compétences.»

Je trouve ça très intéressant. Et ce qui m'a accroché beaucoup, c'est justement, vous avez à coeur, je pense, le Barreau, les principes que sont la prévisibilité et la sécurité juridique. On les retrouve d'ailleurs dans le mémoire que vous avez déposé sur le projet de loi n° 2, vous en faites état, là, directement. Et, moi qui ne suis pas juriste, ça m'interpelle beaucoup parce que je pense comprendre, dans ce que vous dites, dans ce que je viens de lire, ce que vous avez écrit, qu'il y aurait des conséquences, qu'il pourrait y avoir des conséquences pour les municipalités comme telles ou les MRC. J'aimerais vous entendre là-dessus un peu plus, là. Et peut-être si vous pouviez même y aller concrètement, là, que je puisse bien saisir, là, le sens de votre écrit.

Le Président (M. Morin): Mme Chamass.

Mme Chamass (Carla): Oui. Quand on a parlé de cet élément-là, évidemment qu'on revient à ce qu'on a discuté tantôt avec M. le ministre, c'est par rapport à ces orientations gouvernementales et la façon qu'elles sont élaborées. On dit, oui, dans le préambule, quand on parle qu'elles vont être préparées ou elles vont être faites de concert avec les différentes municipalités et les organismes, mais là il n'y a pas de modalités qui sont prévues. On ne parle pas de la façon que ça va être fait, cette consultation avec les municipalités, ni avec le public, parce qu'on ne dit pas seulement que c'est avec les municipalités qu'elles vont être élaborées, mais avec la population également, et, là aussi, on n'a pas de précisions à cet effet-là. Je ne pense pas que la façon que c'est présenté ici que c'est suffisant pour donner ces garanties-là aux municipalités qu'elles seront une part active.

Donc, vous avez parlé tantôt, je vous ai entendu quand il y avait l'équipe avant nous, vous avez parlé de votre côté, on dirait, on avait parlé de cette démocratie participative, effectivement. Et puis, dans ce contexte-là, je pense que le Barreau, dans la participation, il s'attend à ce qu'on prévoit quelque chose de plus concret et non simplement des idées générales pour donner des garanties à ces groupes-là qu'ils feront part aux discussions et à l'élaboration de ces orientations-là, parce qu'évidemment c'est à eux plus tard de rendre compte auprès de la population, par les différentes orientations qu'ils auront prises, la réglementation, etc., qui aura suivi, donc ce qu'on leur a imposé si ce n'est pas par l'entremise d'une discussion ou d'une concertation globale.

Quant aux exemples plus concrets, je vais laisser Me Delisle vous en donner, il a une plus longue pratique que moi et... Mais, effectivement, on pourrait donner des exemples plus concrets, en discuter plus longuement avec l'ensemble de nos membres pour vous soumettre des situations plus concrètes.

Le Président (M. Morin): M. Delisle.

M. Delisle (Pierre): Oui. Comme exemple concret, je ne pourrai pas vous apporter un exemple concret d'une situation où les orientations gouvernementales passées ont créé une problématique locale, je n'ai pas assez une compréhension du territoire. Je vais m'y prendre autrement pour vous répondre. Je vais vous dire ceci: La technique du référendum, parce que c'est bien de ça dont on parle dans le fond, actuellement, c'est le pouvoir de veto du contribuable à l'égard de la modification. Cette institution-là, c'est une institution nord-américaine, ça vient des États-Unis, ça a été intégré dans notre droit municipal, et je pense que la cohabitation avec la planification étatique est très difficile.

Les concepts de planification qu'on intègre ici et qu'on a intégrés en 1980 à la Loi sur l'aménagement sont d'origine européenne, c'est-à-dire qu'on a des planifications. Et là ces deux mondes-là se voient, se rencontrent de front, et vous allez avoir un choix à faire, je pense que vous le savez. Parce que, lorsqu'on regarde, même là où il y a encore approbation par les personnes habiles à voter... je les appelle encore les électeurs, moi, mais c'est une vieille habitude. Mais là, même lorsqu'on rencontre l'ensemble de cette procédure, on voit qu'il y a une difficulté d'arrimer ces deux-là, c'est-à-dire l'idée que l'État puis ensuite la communauté métropolitaine, ensuite la région puis finalement le local planifient des choses et l'idée qu'à l'intérieur de ces instruments de planification là on force le citoyen à accepter quelque chose.

Alors, il y a un arrimage à faire. Ce qu'on essaie de vous dire, c'est que, si on enlève le pouvoir traditionnel du citoyen d'approuver, puis ce commentaire-là est vrai pour la zone franche, il va falloir réfléchir à remplacer par des mécanismes plus agressifs au niveau des consultations. Et j'ai donné volontairement tantôt l'exemple du BAPE. Parce qu'en matière environnementale il n'y a jamais eu de veto, il n'y a jamais eu de référendum. On a donc remplacé par un organisme qui publie les décisions, qui avise la population, qui les entend, qui les aide techniquement s'ils doivent... Allez au BAPE, allez-y comme groupe de citoyens, on va vous dire comment vous y prendre. Si vous suggérez une étude sur l'impact de telle décision, on va possiblement la faire. Il n'y a rien de ça qui existe actuellement.

Si vous avez votre zone franche dans le centre de Montréal ou dans le centre de Québec puis que vous imposez quelque chose dans le Vieux-Québec demain sans possibilité du référendum, tout tombe. Tout notre édifice tombe. Alors, ce que je dis, et ce que le Barreau dit... parce qu'on n'a pas à se prononcer sur: Doit-il y avoir encore référendum ou pas? Mais là où il n'y aura plus de référendum, là, où on éloignera la décision du citoyen, remplaçons-la par quelque chose qui n'existe pas ici. On ne l'a pas ça. Il y a une réflexion à faire, et il va falloir faire un choix. Si on veut vivre les deux mondes, je pense qu'il va falloir faire un choix et accompagner le citoyen. Ce serait probablement la meilleure technique. Et je ne vous cache pas que le Barreau, si les choix sont faits dans la législation qui sera déposée, analysera en détail le mécanisme qui sera mis sur place et possiblement reviendra avec des suggestions plus concrètes et plus formelles là-dessus.

M. Villeneuve: Merci beaucoup. Oui. Ça va.

Le Président (M. Morin): Oui. M. le député de Blainville.

M. Ratthé: Merci, M. le Président. Bienvenue à tous les deux, surtout qu'on est en fin de journée un jeudi. Merci de vous être déplacés. Je vais reprendre en fait presque les mêmes phrases, toujours dans le même paragraphe, et vous nous dites grosso modo qu'il y a quand même des décisions, des orientations gouvernementales, qui relèvent, hein, de la discrétion du ministre, des fonctionnaires, les procédures de vérification, de la conformité comportent aussi, et vous le dites, une grande part de discrétion.

Et j'ai posé la question à quelques organismes qui étaient peut-être moins bien placés que vous pour me répondre. On sait justement que, dans cette part de discrétion des fonctionnaires, eh bien, il y a le choix de valider ou de ne pas valider un schéma, un plan, un plan de la communauté métropolitaine, souvent c'est laissé à la discrétion du fonctionnaire.

Alors, nous, on se demandait si ça pourrait être intéressant ou si c'est possible d'intégrer, j'allais dire, une présomption de validité sur la présentation des plans, des schémas, et de venir, en quelque sorte, venir modifier l'article 31, là, en ajoutant quelque chose qui dirait, et ce n'est peut-être pas textuellement, là, ce qu'il faudrait dire, mais, si vous prenez l'article 31, je ne sais pas si vous l'avez avec vous...

M. Delisle (Pierre): Je l'ai avec moi.

M. Ratthé: ...on dit, sans tout le lire, on nous dit à la troisième ligne, dans le premier paragraphe: «...n'est pas conforme aux orientations gouvernementales, il doit être motivé.» Et on viendrait ajouter «et de démontrer de façon prépondérante chaque cas de non-conformité».

Alors, on se disait peut-être que, là, est-ce qu'en agissant de la sorte d'une part -- et je ne m'attends pas aujourd'hui à ce que vous me donniez un avis juridique complet, là, je vous présente quelque chose quand même rapidement -- est-ce que ce ne serait pas une façon justement de venir diminuer ce que vous appeler «la grande part» justement de discrétion de la part des fonctionnaires? Donc qu'il y ait une présomption de validité sur les schémas pour les CMM. Donc, le fardeau de la preuve est comme renversé en fait.

**(17 h 30)**

M. Delisle (Pierre): Bien, ça fait certainement avancer la réflexion, ça, c'est sûr, et c'est ce qu'on propose qu'effectivement on enrobe un petit peu le squelette, parce qu'il en manque un petit peu, ici. On a amené certains concepts nouveaux puis on ne les a pas assez enrobés.

Là, où je vous dirais qu'on ne règle pas tout, c'est que, même si on crée une présomption de validité, s'il n'y a pas un mécanisme indépendant qui n'est pas arbitraire pour l'établissement de ces mêmes choses-là, on ne réglera pas le cas. Donc, la prévisibilité vient du fait qu'il y a une façon d'annoncer sa politique, s'il y en avait une procédure, possiblement de la discuter avec les intervenants qui sont généralement les intervenants municipaux, mais qui peuvent être de d'autres milieux aussi -- il n'y a pas juste les intervenants municipaux qui ont intérêt, je pense, au transport collectif, il n'y a pas juste les municipalités qui ont un intérêt direct -- et qui peut faire l'objet d'analyse et, à la limite, de vérification de conformité. Si on allait aussi loin que ça -- et c'est ce qu'on souhaite puis je suis sûr qu'il y aura une réflexion là-dessus, on verra ce qui sera décidé -- mais si on allait aussi loin que ça, il n'y a rien qui empêcherait, donc, d'avoir un organisme indépendant qui vérifierait la chose. On pense tous, évidemment, à la commission municipale qui a un rôle de moins en moins important. Est-ce que l'État décidera... le gouvernement et la législature décideront de lui donner un pouvoir? Ça, on laisse ces choix-là à vous. Mais des organismes de ce type-là pourraient être, effectivement, au-dessus de la mêlée et décider.

Nous autres, un des éléments qui nous fait énormément peur, c'est que les grands choix de société... certains ont parlé de gaz de schiste tout à l'heure, moi, j'ai parlé plus de transport en commun, de transport collectif, etc., mais on peut imaginer qu'il y aura dans les prochaines années des arbitrages majeurs à faire dans ces domaines-là, et ces arbitrages-là vont apporter des problématiques locales. C'est le local où il y aura un tramway, ou un chemin de fer, ou un pipeline, ou telle intervention. Et, si on ne rime pas toutes ces choses-là, on est très inquiets comme Barreau, nous, de la possibilité de levée de boucliers à l'égard... L'acceptabilité sociale va être très difficile à imposer si on n'a pas fait le cercle complet au niveau des interventions qui sont faites ici.

Et je pense que le point faible, en tout cas, dans notre mémoire, est toujours au même endroit, là. Parce que le reste, dans le fond, c'est un peu une codification de ce qu'on a vécu dans le passé. Les schémas d'aménagement, on les connaît. On espère que ce sera peut-être plus réfléchi, que ça aura plus d'impact, parce qu'on a tous constaté que c'est, des fois, un petit peu théorique. Mais, puisqu'on reforme l'ensemble de l'oeuvre, c'est parce qu'on veut aller plus loin. Mais on sait au moins qu'est-ce que c'est, un plan d'urbanisme local, on en a vu, puis, des règlements de zonage, on sait tous quelle allure ça a. Mais la partie d'en haut, dans laquelle les décisions majeures seront peut-être prises dans les prochaines années, est plus inquiétante, puis c'était vraiment la préoccupation qu'on voulait vous apporter cet après-midi.

M. Ratthé: Ça fait que je vous entends bien là-dessus, puis, effectivement, depuis le début, ce qui... mais on est quand même dans un avant-projet de loi, mais je pense que tout le monde, jusqu'à maintenant... en tout cas, un très grand nombre d'intervenants sont venus nous dire: On devrait connaître les orientations avant. Là, vous nous dites: Bien, il devrait même y avoir un échange. Effectivement, s'il y a un échange, s'il y a une discussion autour des orientations jusqu'à une certaine limite, vous nous l'avez bien dit, là, évidemment, ça va permettre, peut-être encore là, une meilleure compréhension, mais surtout une meilleure acceptabilité aussi de la part des paliers qui ne sont pas dans la haute sphère. Et, si je vous entends bien, vous, la notion d'aménagiste en chef, là, ce n'est peut-être pas ce que vous recommandez le plus, mais...

Vous nous dites que le préambule de l'avant-projet de loi prévoit que le gouvernement est responsable de la définition des orientations. Ça, ça va, puis, on le retrouve dans le préambule. Évidemment, je ne suis pas juriste, mais je me demandais si, effectivement, au lieu qu'on retrouve ça dans le préambule, si on ne devrait pas retrouver ça dans le texte de loi, parce qu'il me semble, là, qu'un texte de loi est plus fort qu'un préambule, là. Je voudrais peut-être vous entendre un peu sur ça, là.

M. Delisle (Pierre): Oui, bien, on a d'ailleurs noté à certains endroits que, malgré que le principe se retrouve dans le préambule, son application concrète nous semblait faible ou mal enrobée, mal détaillée, et, effectivement, ce qui prévaudra au niveau juridique si plus tard on devait interpréter cette loi-là, si elle devenait loi, c'est clairement le contenu. L'aspect, évidemment, déclaratoire au début est une chose, bien, sûr, mais cet aspect déclaratoire là ne pourra pas créer des obligations à l'État, par exemple... par exemple, son futur règlement qui déterminera ces modalités de consultations là. Ce futur règlement là sera discrétionnaire au gouvernement en conseil lorsqu'il adopte son règlement puisque le contenu, entre autres, du règlement n'est pas non plus identifié. Parce qu'on retrouve souvent dans les lois municipales, dans d'autres lois aussi, un cadre quand même... sans tout décider à l'avance, souvent la législation va dire dans quel cadre. Alors ici, il n'y a rien qui empêcherait, par exemple, que la loi précise la participation des autres intervenants à l'intérieur de ces futurs règlements.

C'est un peu dans le fond ce qu'on vous dit. On vous dit: Allons plus loin. Puis, si on est pour consulter ou donner un pouvoir ou donner un préavis... imaginons une nouvelle autoroute qu'on voudrait construire, pourquoi ne pas dire au moins que, si c'est un investissement important... que les gens puissent jouer dans le décor pendant deux mois, trois mois? On les retrouve ces mois-là partout dans la loi, même des fois très long, un an, deux ans pour faire telle chose. Or, qu'est-ce qui empêche de banaliser un petit peu ces interventions-là et peut-être de pousser plus loin?

En bref, il nous semble que la partie de l'intervention gouvernementale est peu balisée, peu prévisible, là, je vais prendre des mots d'avocat, et je ne pense pas que ça soit partisan que de dire: Retravaillons cet élément-là pour que les gens sachent à l'avance qu'est-ce qu'effectivement l'État peut faire, ses sociétés de la couronne, etc., et qu'est-ce qu'elles doivent faire pour qu'on arrive à un plan d'urbanisme, tout le monde, qui soit utile. Est-ce que ça prend un aménagiste en chef? Peut-être, peut-être pas, mais ça prend au moins un rôle d'aménagement qui est similaire à celui que les autres acteurs jouent là-dedans. Et ça, ça, il y a une faiblesse, ici, clairement, là. On ne sait pas clairement qui doit faire quoi quand. Il y a un flou.

M. Ratthé: Évidemment, vous y avez fait référence à plusieurs reprises justement aux éléments propres, là, qui vont l'objet de conformité ou non, qui vont être dans un règlement. On sait que, bon, souvent, les orientations ne sont pas nécessairement dans la loi. L'intérêt, c'est de les connaître avant. Mais, si je vous entends bien, vous dites: Probablement qu'il serait beaucoup mieux que les données propres qui feront l'objet de conformité ou pas, au lieu d'être dans un règlement, auraient tout intérêt à être dans le projet de loi. Comme ça, on les connaîtrait, nous, comme parlementaires, les gens qui vont avoir à se conformer à cette loi-là. Donc, vous nous recommandez fortement, donc, d'aller plus loin, d'être audacieux, ce que je comprends, puis de dire: Bien, mettez-les donc dans la loi, là...

M. Delisle (Pierre): La prévisibilité et publicité, c'est à ça qu'on réfère. Si les gens savent que l'État doit, par exemple, donner ses avis d'intention concernant les réseaux de transport en commun des 20 ou 30 prochaines années, imaginons que c'est un des éléments qu'on voudrait retrouver là, si c'est prévu que ça devra faire l'objet du règlement, ça ne crée pas l'orientation. L'État ne dit pas: Voici comment je vois la chose. Mais on sait au moins que le sujet va être abordé. Et ceux qui ont un intérêt à cette question-là suivront de façon beaucoup plus attentive les interventions. Ça ne se fera pas en vase clos quelque part dans une salle d'hôtel ou dans un bureau gouvernemental où on fera ces arbitrages-là. Mais il y aura une obligation de dire ou de consulter ou de publiciser.

En passant, la semaine dernière, le journal Le Soleil publiait l'avis d'intention, là, sur le futur schéma métropolitain, c'est un exemple à suivre: une page entière de journal avec même un titre. Au lieu d'être purement juridique puis dire: Voici l'avant-projet de telle chose que le lecteur ne lirait pas, ils ont même donné des objectifs, objectif 2031. Je ne l'ai pas apportée avec moi, là, mais, en tout cas, on voit qu'il y a un effort de communication, mais c'est nouveau, ça. Moi, c'est la première fois que je vois, pour un grand instrument d'urbanisme, un effort de parler aux gens qui lisent ces documents-là. Parce que quand vous lisez ces documents-là, c'est totalement décourageant. Dans les journaux de fin de semaine, les grands avis qui sont donnés, là, ça ne finit plus. C'est...

M. Ratthé: On en faisait mention d'ailleurs, il y a quelques jours. D'ailleurs, M. le ministre m'a donné des exemples, là, puis on en a tous vu, là, de telle zone, de tel numéro, tiret... Même nous, je pense, des fois, on ne comprend même pas de quoi il s'agit, puis, effectivement, il y aura un effort effectivement à faire de ce côté-là. Je vais aller sur une ou deux dernières questions qui vont être assez... qui vont conclure notre discussion d'aujourd'hui. Bon, je comprends, bien, là, vous en avez une... on devra attendre un peu plus tard pour avoir votre opinion peut-être plus claire sur les zones franches, là, et je comprends bien la situation pour l'instant. Vous questionnez encore, il faudra voir comment ça va aller.

Question peut-être beaucoup au bénéfice... parce qu'il y a des gens qui nous écoutent qui se disent: Bien, est-ce qu'il y aurait... Si c'était adopté tel quel, mettons, peu importe, puis vous nous avez suggéré, je pense, quelque chose d'intéressant, dire: Bien, il pourrait peut-être y avoir un BAPE, puis il pourrait peut-être y avoir une mesure plus forte, là, de consultation puis d'explication. Je trouve que c'est intéressant. Mais, dans le cas où, effectivement... on va prendre notre question de zone franche est adoptée, les informations ont été données, les citoyens ne semblent plus avoir aucun recours. Est-ce que je me trompe en disant qu'il n'y a plus aucun recours, on ne pourrait pas aller au tribunal, on ne pourrait pas avoir un recours légal pour dire: Bien, écoutez, je sens, là, que mes droits ont été... je ne me sens pas respecté dans mes droits.

M. Delisle (Pierre): Ça, on réfère à la zone franche...

M. Ratthé: Oui.

M. Delisle (Pierre): ...au concept de la zone franche? Bien, si on enlève l'approbation référendaire, c'est clair que le citoyen ne pourra plus. Maintenant, le citoyen a quand même quelques critères, ils ne sont pas énormes au niveau de la zone franche, mais il y a quelques critères qui sont prévus, un cas de rénovation urbaine, etc. Alors, bien sûr que, si j'avais, comme avocat, à faire un débat là-dessus, je m'assurerais au moins que l'objectif qui est poursuivi est bien afférent à ça. Mais, définitivement, pour ceux qui font la pratique du droit municipal, il va falloir enrichir ce chapitre-là, parce qu'on va avoir des difficultés. On ne passera, du jour au lendemain, d'un système où le citoyen avait complètement le dernier mot sur ces modifications de zonage à un système où tu aurais une zone blanche qui serait exclue, où ce serait exclus, sans remplacer sous une forme ou l'autre ou du moins fortement balisé.

**(17 h 40)**

M. Ratthé: Je terminerai donc en vous disant qu'on va attendre avec impatience votre opinion formelle là-dessus. Juste, peut-être que vous les avez entendus, la Chambre des notaires, eux, ils se sont mouillés un petit peu plus. Ils sont venus nous voir en nous disant que, pour eux, le gouvernement allait trop loin, c'est une opinion, et qu'ils ne recommanderaient jamais à un de leurs clients de se construire une maison dans une zone franche. Alors, on attendra les quelques mois, au mois d'août, ou lors de la présentation du projet de loi...

M. Lessard: ...une maison dans la zone franche.

M. Ratthé: Ou ravoir une maison, effectivement. Mais ce serait intéressant de vous entendre. Mais on comprend, je comprends pourquoi actuellement vous hésitez, parce que, nous aussi, on se pose la question. Mais, en tout cas, on verra à ce moment-là quelle sera votre opinion là-dessus.

Le Président (M. Morin): Me Chammas. Oui, vous voulez terminer.

Mme Chamass (Carla): Je suis d'accord avec vous. Je voulais vous dire aussi que ça fait partie de la mission du Barreau d'encourager qu'il y ait une vulgarisation, si vous voulez, de tout ce qui est information pour que le public le comprenne. D'un autre côté, nous sommes également conscients qu'il s'agit d'une réforme après 30 ans. Donc, on a vu ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas. Il ne faut pas se limiter à comparer à comment c'était avant, d'être un peu plus productifs pour voir comment on peut moderniser les choses et peut-être créer de nouvelles structures qui vont fonctionner. Donc, c'est un travail, j'imagine, qui n'est pas terminé de la part du ministre. Et puis donc on attend avec hâte le projet de loi pour vous donner encore plus de commentaires à cet effet-là.

Le Président (M. Morin): Me Chamass, Me Delisle, on vous remercie de votre déplacement, et, pour cette dernière période de la journée, vous avez réussi à capter notre attention, c'est tout un défi que vous avez réussi. Merci beaucoup et bon retour chez vous.

J'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 17 h 42)

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