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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le jeudi 4 février 1993 - Vol. 32 N° 30

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le financement des services publics au Québec


Journal des débats

 

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration va commencer ses travaux dans une minute environ. À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

La commission du budget et de l'administration poursuit ce matin une consultation générale et des auditions publiques sur le financement des services publics au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a, ce matin, des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lazure (La Prairie) est remplacé par M. Beaulne (Bertrand).

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le secrétaire.

Est-ce que les membres de cette commission ont pris connaissance de l'ordre du jour? Oui. Est-ce que l'ordre du jour est adopté? Adopté.

Nous allons maintenant entendre le premier groupe; il s'agit de l'Association des manufacturiers du Québec. J'aimerais faire mention que vous disposez d'une période de 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire; suivra un échange entre les deux groupes parlementaires, d'une durée totale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel, d'échanges, et ce sera la même chose pour l'Opposition officielle, pour une durée maximale de 20 minutes.

Alors, nous sommes prêts à écouter votre mémoire. Je vous inviterais à bien vouloir vous identifier. Celui qui aura à nous présenter ce mémoire, s'il veut bien s'identifier et nous présenter les personnes, s'il vous plaît, qui l'accompagnent.

Association des manufacturiers du Québec (AMQ)

M. Le Hir (Richard): Merci, M. le Président.

Alors, je me présente, Richard Le Hir, vice-président et directeur général de l'Association des manufacturiers du Québec. Avec moi aujourd'hui, pour présenter le mémoire au nom de l'Association, je suis en mesure de compter sur la participation de certains membres de notre comité de fiscalité qui est présidé par M. Raymond Bourque, qui est lui-même directeur du service de la fiscalité chez Alcan, de M. Frank Aiessi, qui est sous-directeur de la fiscalité chez Pratt et Whitney, de M. Marc Brochu, qui est directeur de la fiscalité à la Société canadienne des métaux Reynolds et de M. le professeur Yves Rabeau, qui est professeur titulaire de sciences économiques à l'Université du Québec à Montréal.

Alors, l'Association des manufacturiers du Québec est heureuse de contribuer à cette consultation générale sur l'évolution des dépenses gouvernementales sur la fiscalité, sur le déficit, sur la dette et sur les besoins financiers du gouvernement. Nous espérons sincèrement que cette consultation permettra au gouvernement du Québec de faire les choix qui s'imposent pour mettre en place les conditions qui permettront aux manufacturiers québécois de jouer pleinement leur rôle comme moteur de la croissance économique et de contribuer à la création de la richesse dont nous avons besoin pour maintenir les acquis sociaux dont nous nous sommes dotés depuis les 30 dernières années. Nous sommes en effet convaincus que si le Québec ne réussit pas rapidement à créer de la richesse à un rythme comparable, sinon supérieur, à celui de ses concurrents, nous ne pourrons plus conserver ces acquis.

Les gouvernements doivent réaliser qu'on ne peut pas redistribuer une richesse qu'on n'a pas créée. On peut toujours emprunter cette richesse pour se donner immédiatement un niveau de vie qu'on ne pourrait pas se permettre autrement, mais encore faut-ll s'assurer que cela n'hypothèque pas notre capacité de créer de la richesse dans l'avenir. Autrement, c'est la faillite.

Quand on sait que la dette publique nette du gouvernement fédéral sera supérieure à 62 % du produit intérieur brut pour 1992-1993, que, pour chaque dollar de recette budgétaire que le gouvernement fédéral aura perçu en 1992, plus de 33 % auront été consacrés aux seuls frais de la dette publique, et quand on sait qu'au Québec la dette totale du gouvernement représente plus de 33 % du produit intérieur brut québécois et que l'intérêt sur la dette vient gruger approximativement 14 % des revenus budgétaires, doit-on s'étonner que les marchés financiers remettent en question leur cote de crédit? N'est-ce pas là, d'ailleurs, une indication assez claire que la situation est alarmante?

N'oublions pas non plus que, depuis 1976, le solde du compte courant du Québec est déficitaire. En bref, alors que le gouvernement du Québec devrait se retrouver dans une position qui lui permettrait de favoriser la restructuration de l'économie québécoise, il emprunte pour payer l'épicerie. Pourtant, il en est encore qui voudraient que l'État engraisse davantage. Alors que l'économie se mondialise et que la concurrence s'intensifie comme jamais auparavant, les gouvernements sont tellement endettés qu'ils n'ont plus aucune marge de manoeuvre, fiscale ou monétaire, pour faciliter la restructuration nécessaire de l'économie pour que nous demeurions compétitifs.

Alors que le niveau de chômage au Québec

est présentement à 13,4 % et que 65 000 emplois manufacturiers ont été perdus depuis 1990, les seules mesures de relance que les finances publiques peuvent permettre sont l'ouverture des commerces le dimanche et l'implantation d'un casino. Il ne faut pourtant pas être grand clerc pour réaliser que les gouvernements ne peuvent plus continuer de dépenser au même rythme. Combien de temps encore pouvons-nous laisser les finances publiques se détériorer avant d'être obligés de sabrer dans les services publics et d'abandonner les acquis des 30 dernières années? (10 h 10)

La question de l'élimination du déficit budgétaire et la diminution graduelle de la dette publique ne sont pas un débat sur le sexe des anges. C'est non seulement notre avenir qui en dépend mais aussi, et beaucoup, celui des jeunes qui nous suivent et la qualité de l'appareil que nous leur laisserons entre les mains pour qu'à leur tour ils puissent avoir une chance de connaître la prospérité.

Devant cette réalité, les Québécois doivent accepter qu'aujourd'hui aucun acquis n'est intouchable. Les Québécois doivent réaliser que l'État-providence est en banqueroute et qu'il faut redonner au secteur privé les moyens de créer de la richesse. Afin de maintenir et de rehausser notre niveau de vie, nous devons canaliser nos talents et nos ressources vers un seul but: bâtir une économie agressive en améliorant la capacité des milieux d'affaires québécois d'affronter la concurrence internationale sur le plan de la qualité, de la productivité, de l'innovation, de l'entreprenariat et des délais d'exécution.

La compétitivité internationale constitue le facteur clé de notre prospérité économique, de notre niveau de vie, de nos futurs emplois, du maintien et de la création d'importants programmes sociaux et culturels. La prospérité de tous les Québécois dépend de la valeur de l'apport que nous ferons, en tant que société, à l'économie mondiale de la décennie quatre-vingt-dix et du XXIe siècle. Le Québec doit donc pouvoir compter sur un environnement d'affaires qui encourage les entreprises à investir, à croître et à faire concurrence aux meilleures entreprises du monde. Il doit pouvoir compter sur un environnement politique qui a pour objectif d'améliorer le niveau de vie d'une population en rehaussant la valeur de son apport à l'économie mondiale.

Suivent quelques commentaires sur la nécessité de développer chez nous une économie agressive. C'est des choses que nous avons dites à l'occasion et qui vous sont déjà familières. Alors, si vous le permettez, je vais sauter tout de suite au paragraphe qui commence par: II faut aussi s'inquiéter du fait que les économies canadienne et québécoise accusent déjà un retard important au chapitre de la compétitivité internationale. Ce retard est tellement important que le World Economie Forum, organisme de réputation mondiale qui organise le Sommet économique de Davos, place le Canada au 11e rang sur 22 en termes de compétitivité mondiale et estime que, si la tendance se maintient, le Canada se retrouvera 20e sur les 22 pays industrialisés comparés. Dans les circonstances, on ne peut pas se contenter d'avoir un régime fiscal comparable à celui de nos concurrents. Le Québec ne peut plus se satisfaire d'avoir un régime comparable à celui de l'Ontario. Il faut que notre régime fiscal soit parmi les meilleurs au monde. Or, est-ce le cas?

Avant d'aborder directement la question de la compétitivité des régimes fiscaux, canadien et québécois, nous croyons qu'il serait utile de rétablir certains faits pour corriger des affirmations erronées ou incomplètes qui sont souvent véhiculées. Nous attirerons aussi l'attention de la commission sur quelques réalités qui passent souvent inaperçues. On entend parfois dire que l'impôt sur les corporations, en pourcentage du produit intérieur brut, est plus élevé au Japon, 7,5 %, qu'au Canada, 3 %, que la part de l'impôt des sociétés dans les recettes fiscales du Canada à 8 % est inférieure à celle de la moyenne du G 7, qui est de 10,4 %.

Soulignons d'abord que l'impôt sur les corporations, en pourcentage du PIB, au Canada est plus élevé que celui des États-Unis où il est de 2,6 %, et de l'Allemagne où il est à 2,1 %. En fait, l'impôt sur les corporations, en pourcentage du produit intérieur brut, au Canada, à 3 %, se compare très bien à la moyenne des pays de l'OCDE, soit 2,9 %. Il est également intéressant de noter que même des pays à tendance socialiste ont une proportion de recettes fiscales provenant du secteur des corporations inférieure à celle du Canada. C'est le cas de la France, où ces impôts sont à 2,4 %, et de la Suède, où ils sont à 2,1 %.

Pour ce qui est du cas très particulier du Japon, ce résultat, à 7 %, s'explique non pas parce que la fiscalité des entreprises est plus lourde mais par le fait que la part des profits dans le produit intérieur brut du Japon est nettement plus élevée que dans les autres pays de l'OCDE. De plus, au Japon, les municipalités ont, contrairement à la plupart des autres pays de l'OCDE, un pouvoir de taxer les profits des corporations comme un «en lieu» de taxes foncières pour les services municipaux. Si on tient compte de ce facteur, on trouve, en fait, que la fiscalité des entreprises, au Japon, est inférieure à celle des entreprises canadiennes. Cette situation très particulière vient évidemment fausser les données de la fiscalité des pays du G 7. En fait, si on exclut le cas du Japon, on trouve que le Canada tire des profits des corporations une part de ses recettes fiscales - 8 % - tout à fait comparable à celle des autres pays du G 7. En effet, en excluant le Japon, la moyenne du G 7 s'établit à 8,5 %.

Nous voudrions également attirer l'attention de la commission sur l'évolution de la répartition des revenus autonomes du Québec depuis les 20

dernières années. Ce sont des données tirées du budget 1992-1993. On remarque que la proportion des revenus autonomes provenant de l'impôt des particuliers est passée de 35,7 % en 1970 à 40,2 % en 1992: II s'agit donc d'une augmentation de 12,6 % de la part relative de l'impôt des particuliers dans les revenus autonomes en 20 ans. On notera toutefois qu'en 1980 la part de l'impôt des particuliers dans les revenus autonomes était de 49,1 %. Depuis 1980, la part relative de l'impôt des particuliers a donc diminué de 22,1 %. du côté des taxes à la consommation, on remarque que d'une proportion de 37,7 % des revenus autonomes en 1970 elles sont passées à une proportion de 28,4 % en 1992. il s'agit donc d'une diminution de leur part relative de 32,7 %. pour ce qui est des impôts des sociétés, ils représentaient 10,9 % des revenus autonomes en 1970; ils en représentent 18,2 % aujourd'hui. on parle donc d'une augmentation de 68,8 %. en ce qui concerne la tarification, sa part relative était de 11,7 % en 1970 et elle est maintenant de 8 % en 1992, soit une diminution de 46,3 %. finalement, quand on examine la part des revenus autonomes provenant des entreprises du gouvernement, elle est passée de 4 % en 1970 à 5,2 % en 1992, soit une augmentation de 30 %.

Contrairement à ce qu'on affirme dans certains milieux, on remarque qu'au chapitre de révolution de la répartition des revenus autonomes par source, c'est la part relative des impôts des sociétés qui a le plus augmenté au cours des 20 dernières années. On remarque aussi que la part relative des taxes à la consommation a, en fait, diminué. Sans exagérer l'importance de ces statistiques, il n'en demeure pas moins qu'on devrait les garder à l'esprit avant de tirer des conclusions sur l'équité du régime fiscal, notamment au chapitre de la contribution de l'impôt des sociétés et des taxes à la consommation aux revenus de l'État.

Forts de ces quelques précisions, examinons maintenant la compétitivité du régime fiscal québécois. Pour ce faire, nous nous servirons des principales conclusions d'une étude effectuée par M. Yves Rabeau, qui est professeur titulaire à l'École des sciences de la gestion de l'Université du Québec à Montréal, avec la contribution de notre comité de la fiscalité. Cette étude montre clairement que le Canada est un des pays de l'OCDE où le fardeau de l'impôt sur les revenus d'entreprises est le plus élevé.

Parmi les autres conclusions auxquelles nous parvenons: Le Canada est parmi les pays dont la distorsion fiscale est la plus élevée. Le Canada, à l'exception de la Finlande, est le pays où l'imposition du revenu d'entreprise est la plus élevée. Et, comme le Québec a un taux d'imposition un peu plus élevé que dans l'ensemble du Canada, sa position fiscale est encore plus désavantageuse. Le Québec est la région économique, à l'exception de la Finlande, où l'on retrouve la taxation sur le revenu d'entreprise la plus élevée des pays de l'OCDE.

Notre étude démontre également que la part élevée des charges fixes - taxes sur la masse salariale et sur le capital - que les entreprises du Québec doivent payer augmente le risque des entreprises et diminue leur capacité d'adaptation en basse conjoncture. D'ailleurs, sur la question des charges fixes, nous aimerions attirer l'attention de la commission sur le fait que le gouvernement fédéral a l'intention de limiter la déduc-tibilité de la taxe sur la masse salariale et de la taxe sur le capital aux fins de l'impôt fédéral à compter du 1er janvier 1994. Cette modification pourrait pénaliser indûment les entreprises québécoises, comme le gouvernement du Québec fait appel à ce genre de taxation beaucoup plus que les autres provinces.

Finalement, cette étude démontre que, si le Québec veut augmenter la compétitivité de sa fiscalité, il faudrait réduire les charges fixes des entreprises, diminuer la progressivité de l'impôt personnel ou encore augmenter le niveau de crédit pour dividendes. La question est de savoir si c'est possible sans aggraver le problème des finances publiques. Nous sommes convaincus que oui. Nous identifierons certains éléments de solution dans les prochaines sections.

Tout d'abord, la première priorité doit être d'améliorer l'efficience de l'appareil gouvernemental. Dans cette section, nous reprendrons quelques-unes des principales conclusions du rapport du Vérificateur général à l'Assemblée nationale pour l'année 1991-1992. Nous mettrons ensuite ces conclusions en relief avec les derniers travaux de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération portant sur l'évolution comparée de la rémunération globale des salariés du secteur public et parapublic et des autres salariés québécois. Nous croyons que cet exercice montre clairement que le gouvernement du Québec pourrait dégager une marge de manoeuvre très intéressante s'il améliorait la gestion de ses ressources humaines. À cet effet, nous ne pouvons insister assez sur l'importance que devrait accorder le gouvernement au suivi des recommandations du Vérificateur général.

Suivent, dans notre mémoire, certains extraits du rapport du Vérificateur général, dont je vous fais grâce, et vous me permettrez de passer immédiatement à la page 10. Quand on sait que le gouvernement, en 1991-1992, a consacré 3 200 000 000 $ pour rémunérer ses employés et que les salaires et avantages sociaux représentent 32 % des dépenses de fonctionnement de la fonction publique, on est en droit de croire que, seulement au chapitre de la gestion des ressources humaines, le gouvernement du Québec dispose d'une marge de manoeuvre importante. Quand on conjugue les carences de gestion des ressources humaines à l'examen de la rémunération globale dans la fonction publique et parapublique, on se rend compte que le

gouvernement a déjà en main des éléments de solution très prometteurs pour améliorer l'état des finances publiques.

En effet, la dernière étude de l'IRIR nous instruit que, globalement, les salaires dans la fonction publique sont à parité avec le secteur privé pour l'ensemble des emplois repères. Par contre, on apprend qu'au chapitre de la rémunération globale le secteur public dét lotit une avance importante sur le secteur privé. L'IRIR évalue que le secteur public offre une rémunération globale supérieure de 10 % à celle du privé. En fait, l'IRIR nous apprend que les heures régulières de travail sont moins nombreuses dans le secteur public que dans le secteur privé et, en plus, que les heures chômées et payées dans le secteur public sont plus nombreuses qu'au privé. Cette constatation amène l'IRIR à dire que la semaine régulière de travail est plus courte dans le secteur public que dans tous les segments du marché du travail analysés, à l'exception du secteur municipal. Cette constatation est aussi vraie pour les heures de présence au travail. Les écarts les plus importants pour les heures régulières de travail sont constatés par rapport au secteur privé et aux autres salariés québécois non syndiqués. Cette différence correspond à deux semaines de travail de plus par année pour les employés de ces deux secteurs. Cet écart joue un rôle déterminant dans les résultats de la rémunération globale, particulièrement dans la comparaison avec les autres salariés québécois, syndiqués et non syndiqués. Si ces constatations nous portent à réfléchir sérieusement sur le prix que nous devons payer pour soutenir les employés de la fonction publique, que dire de la situation dans le secteur municipal? (10 h 20)

L'amélioration de l'efficience de l'appareil gouvernemental n'est clairement pas seulement l'affaire du gouvernement du Québec. En somme, non seulement la gestion des ressources humaines est déficiente dans la fonction publique mais, en plus, on paie chèrement ces ressources. Considérant ce qui précède, on est en droit de se demander si d'autres éléments de gestion de l'appareil gouvernemental ne pourraient pas être améliorés substantiellement. C'est à la lumière de ces faits que tout le problème de la productivité dans le secteur public se pose.

Nous sommes donc convaincus que c'est dans l'amélioration de l'efficience du gouvernement que réside la marge de manoeuvre qui permettrait au Québec de se doter d'un régime fiscal plus concurrentiel. Un examen détaillé des méthodes de gestion dans chaque ministère et organisme gouvernemental nous permettrait probablement de constater que le Québec a les moyens d'avoir un régime fiscal plus compétitif sans avoir à couper dans les services offerts par l'État. Il est cependant évident que l'on doit être prêt à remettre en cause certains acquis, dans la mesure où on ne réussirait pas à améliorer l'efficience du gouvernement et de ses agences dans la prestation des services qu'ils fournissent à la population et dans l'élimination des programmes qui ne répondent plus aux priorités de restructuration de notre économie, qui doivent devenir les nôtres.

Il faut également adopter une approche globale de qualité et responsabiliser les gestionnaires du youvomomoMt Pour corrignr los lacunes dont nous venons de parler, nous sommes d'avis que le Conseil exécutif du gouvernement du Québec devrait adopter une approche globale fondée sur les principes de la qualité totale et fixer des objectifs généraux d'amélioration continue quantifiables. Pour l'aider à justifier ces objectifs, le Conseil pourrait, s'il le juge nécessaire, faire appel à des firmes privées et indépendantes qui dresseraient un bilan objectif des méthodes de gestion dans les différents ministères et organismes. Le Conseil développerait ensuite, en collaboration avec les différents ministères, un plan d'action pour atteindre ses objectifs et mettrait en place des mécanismes de communication des résultats.

L'engagement des gestionnaires à tous les niveaux est important dans une telle démarche. À ce chapitre, nous croyons que les gestionnaires auraient un rôle important à jouer dans l'atteinte des objectifs fixés. Ils sont en effet souvent les premiers à pouvoir identifier les corrections qui doivent être apportées aux divers programmes existants pour qu'ils répondent mieux, et à meilleur coût, aux véritables besoins des clients. Nous sommes convaincus que ces corrections amèneraient fort probablement l'élimination de certains programmes et la fusion et l'élimination de certains organismes.

Vous me permettrez de passer rapidement sur les autres points que nous soulevons, de façon à pouvoir terminer dans le temps qui nous est imparti. Nous estimons qu'il est essentiel aussi de responsabiliser le contribuable. Nous croyons fermement que si les contribuables étaient sensibilisés davantage au coût de certains services qu'ils reçoivent gratuitement, notamment au chapitre des services de santé, ils en feraient un usage plus responsable.

La rationalisation des programmes est un autre aspect qui nous apparaît devoir recevoir l'attention du gouvernement, et nous estimons qu'à cet égard tous les programmes devraient comporter une clause crépusculaire.

En ce qui concerne les abris fiscaux, nous croyons que le gouvernement devrait revoir ces abris qui consistent à donner une réduction d'impôt à des investisseurs pour des dépenses faites par des entreprises. En effet, on a vu combien ce système peut amener des abus qui font perdre des sommes énormes au Trésor. Considérant qu'une partie importante des sommes impliquées dans ces montages fiscaux n'est pas directement liée aux activités que le gouvernement tente de favoriser, puisqu'elle va à des

courtiers, des avocats, des comptables et autres intermédiaires, et que le gouvernement semble avoir de la difficulté à contrôler certains de ces montants, nous croyons qu'il doit voir s'il n'y a pas d'autres moyens, notamment les crédits d'impôt remboursables, qui pourraient lui permettre d'atteindre ces objectifs. Si ce n'est pas le cas, on devrait tout simplement éliminer les abris fiscaux en question.

La décentralisation est également une autre option que nous privilégions.

La privatisation. Il y a certains éléments aussi de l'activité publique qui pourraient être privatisés. On pense, entre autres, aux services non médicaux dans les établissements de santé, la privatisation des bureaux d'enregistrement, la privatisation de la SAQ, etc. En fait, le gouvernement devrait évaluer systématiquement si, en fonction des besoins des clients, les services qui sont présentement rendus par les employés de la fonction publique ou parapublique pourraient être rendus plus efficacement et à meilleur coût par l'entreprise privée. Si c'est le cas, il ne devrait pas hésiter à les privatiser. Le gouvernement devrait aussi passer en revue toutes ses sociétés d'État pour s'assurer que les conditions particulières qui justifiaient alors leur création sont toujours présentes, qu'elles remplissent toujours le rôle pour lequel elles ont été créées et qu'elles sont, encore aujourd'hui, en meilleure position que l'entreprise privée pour contribuer au développement économique du Québec.

Alors, en conclusion. S'il est une chose qui nous est apparue clairement lors de la préparation du présent mémoire, c'est que le gouvernement a déjà en main un nombre important de solutions qui lui permettraient d'assainir les finances publiques et, par le fait même, qui lui permettraient de rendre plus concurrentiel notre régime fiscal. D'ailleurs, il nous est vite apparu qu'il est impossible de traiter dans un seul mémoire toutes les avenues possibles que pourrait emprunter le gouvernement pour corriger la situation. Ce qui semble manquer, ce ne sont pas tant les solutions que la volonté d'agir. Nous sommes également convaincus qu'il est illusoire de penser qu'il sera possible d'améliorer substantiellement les finances publiques du Québec et d'améliorer la compétitivité de son régime fiscal sans la collaboration étroite des autres paliers de gouvernement et sans un engagement des autres provinces à en faire autant. Or, à l'heure actuelle, cette collaboration est loin d'être acquise, et la situation financière du gouvernement fédéral et de plusieurs autres provinces se dégrade très rapidement. Cela ne veut d'aucune façon dire que le Québec, du fait de la dégradation généralisée des finances publiques au Canada, serait justifié de laisser filer ses propres dépenses, bien au contraire. La conjoncture actuelle, toute difficile soit-elle, se prête à merveille au repositionnement du Québec aux yeux de la communauté internationale des investisseurs.

Et je termine. En faisant preuve d'une plus grande responsabilité dans la gestion de nos affaires, en prenant l'initiative de la rigueur budgétaire, en prenant les engagements nécessaires sur la compétitivité de notre régime fiscal, le Québec signalerait au monde des affaires qu'il a l'intention de jouer un rôle important sur l'échiquier du développement économique. En bout de course, ce sont tous les Québécois qui en profiteraient, et l'on serait alors en mesure de connaître un développement rapide, profond et durable du marché du travail.

À cet égard, le gouvernement du Québec devrait songer à développer une charte de l'investissement au Québec, dans laquelle il prendrait certains engagements relativement au genre de climat économique dont il favoriserait l'instauration. Une telle mesure aurait pour effet de réduire considérablement le champ des incertitudes rattaché à tout projet d'investissement au Québec.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. Le Hir. Je n'ai pas voulu vous bousculer dans le temps, mais les parlementaires ont hâte d'échanger avec vous.

Alors, M. le ministre des Finances, la parole est à vous.

M. Levesque: M. le Président, vous me permettrez tout d'abord de souhaiter la plus cordiale bienvenue à M. Le Hir ainsi qu'à l'Association des manufacturiers du Québec qu'il représente, avec ses collègues, ce matin.

Il n'y a aucun doute que la contribution de l'Association des manufacturiers est extrêmement importante, et particulièrement dans le contexte difficile que nous vivons présentement. Nous comptons beaucoup sur les membres de votre association dans cet objectif que nous partageons tous, c'est-à-dire la création d'emplois. Et s'il y a quelqu'un qui doit comprendre cela, c'est bien l'Association des manufacturiers canadiens. Je voudrais vous féliciter pour votre contribution, ce matin, à notre préoccupation collective et faire seulement quelques remarques pour vous permettre aussi de pouvoir vous exprimer avec tout le temps qu'on semble vous enlever, bien involontairement. Mais ce sont les règles du jeu, M. le Président.

Vous avez parlé, évidemment, de... Ce qui fait l'objet principal, maintenant, je pense bien, c'est les dépenses du gouvernement, mais vous avez... C'est sûr que le président du Conseil du trésor, qui s'occupe particulièrement de cet aspect-là de la question, viendra tout à l'heure compléter, mais vous me permettrez, à ce moment-ci, simplement de vous dire un mot sur la fiscalité.

Vous avez mentionné que la part de l'entreprise a augmenté au cours des années. Par

exemple, dans «Vivre selon nos moyens», à la page 38, nous avons un tableau qui indique bien que l'évolution des revenus autonomes par source indique que les impôts des entreprises ont eu une tendance vers la hausse.

Par rapport, cependant, évidemment, à l'impôt des particuliers - et vos membres sont des particuliers aussi - les taxes à la consommation ont été réduites également. Vos membres, évidemment, sont des consommateurs, j'imagine; alors, si on prend exclusivement la question des entreprises, vous avez touché là un point, mais je dois vous dire immédiatement que, lorsqu'on pense à cette tendance, il ne faut pas oublier non plus qu'il faut considérer le Québec, le Canada par rapport aux autres, à l'environnement maintenant global et mondial. Et, à ce propos-là, je vous réfère à la page 46 du même document que nous avons déposé et qui indique que nous sommes, sur le plan concurrentiel, en bonne compagnie. (10 h 30)

J'aimerais aussi me référer à l'étude que vous avez mentionnée, une étude, évidemment, très intéressante et signée par quelqu'un d'une valeur non contestable. Cependant, j'aimerais peut-être vous poser quelques questions là-dessus étant donné, d'après certaines analyses, que cette étude repose sur un certain nombre d'hypothèses qui défavoriseraient le Québec; notamment, on ne tiendrait pas compte du traitement fiscal de l'amortissement, ni des mesures structurantes. Or, le Québec possède des mesures particulièrement généreuses à cet égard, comme l'amortissement accéléré de 100 % - vous le savez, on en parle quelquefois - le crédit de recherche et développement. Nous avons mis l'accent là-dessus, tout particulièrement dans les derniers budgets que j'ai eu l'occasion de déposer. C'est probablement aujourd'hui, parmi les abris fiscaux, celui qui, peut-être, a une tendance à augmenter au point de vue des coûts à l'État, mais ça ne veut pas dire que nous regrettons ce que nous mettons dans la recherche et le développement, je pense que c'est essentiel.

Le crédit formation, également; là aussi, nous avons mis l'accent sur la formation de la main-d'oeuvre et, dans nos derniers budgets, nous y avons peut-être consacré un peu plus, mais, encore là, nous n'avons pas de regret d'avoir consacré des sommes assez importantes en dépenses fiscales sur la formation de la main-d'oeuvre.

On ne parle pas non plus des taxes à la consommation qui constituent une importante contribution dans les remboursements des taxes à la consommation. Ce n'est pas encore complet, mais il y a là des sommes dont on ne semble pas avoir tenu compte dans l'étude. On ne parle pas non plus, par exemple, lorsqu'on fait une comparaison avec l'Ontario - je ne veux pas Insister là-dessus - on ne prend pas en compte la surtaxe ontarienne de 14 % sur la partie de l'impôt provincial de base qui excède 10 000 $. On incorpore les taxes sur la masse salariale et le capital au Québec, alors qu'on ne tient pas compte des charges sociales défrayées volontairement par les entreprises dans les autres juridictions, et ainsi de suite.

Alors, lorsque l'on fait des comparaisons, je pense qu'on le fait chacun prenant sa mesure, chacun prenant ses éléments de comparaison, mais je me sentais le devoir d'attirer votre attention sur ces faits-là.

Il faut comprendre aussi que lorsque nous recevons les intervenants ici, nous espérons avoir d'eux également des suggestions et même nous dire où, chez vos propres membres, nous pourrions nous tourner pour avoir un peu plus d'espace.

Vous nous parlez des dépenses, évidemment. J'ai noté que vous avez parlé des abris fiscaux, peut-être que vous suggérez d'en enlever quelques-uns. Nous sommes là pour écouter si vous avez des suggestions à faire de ce côté-là. Nous croyons que les abris fiscaux que nous avons, par exemple, dans la recherche et le développement, dans la formation de la main-d'oeuvre sont très justifiés. Il y a eu quelques abus, vous l'avez évoqué; nous avons pris des dispositions immédiatement pour corriger cela. Est-ce qu'il y a encore quelque élément de passoire? Nous espérons que c'est fini.

On a parlé, hier et avant-hier, de l'abri que constitue l'exemption de profit-capital de 100 000 $. Évidemment, c'est une harmonisation que nous avons ici avec le gouvernement fédéral. Vous pourriez peut-être nous dire quel serait l'effet d'enlever cela, si vous voulez bien nous donner... Évidemment, il y en a plusieurs qui l'ont déjà prise, ce serait peut-être injuste pour ceux qui ne l'ont pas encore eue, mais, de toute façon, si vous avez une contribution à faire de ce côté-là, je vous écoute, M. Le Hir.

M. Le Hir: Écoutez, M. le ministre, vous soulevez plusieurs questions, notamment celles de certaines comparaisons que nous aurions, avantageusement pour nous, omis de faire dans le traitement fiscal comparé du Québec et des autres juridictions.

D'abord, il y a une raison méthodologique qui nous a poussés à agir de cette façon, c'est qu'il est essentiel de comparer des pommes avec des pommes et des oranges avec des oranges. Alors, dans la mesure où les autres juridictions et les études auxquelles on se référait n'incorporaient pas ces dimensions-là, il ne nous a pas semblé opportun de le faire. Cependant, s'il avait fallu le faire, nous sommes convaincus que les résultats n'auraient pas varié sensiblement. Là-dessus, je laisserai mes collègues, M. Rabeau, M. Bourque et peut-être les autres, ajouter leurs commentaires

Relativement à la suggestion que vous nous faites de vous indiquer des voies par lesquelles

vous pourriez venir puiser dans notre poche gauche après avoir allègrement puisé dans la droite, vous comprendrez bien qu'on n'est pas du genre à se mettre la tête sur le billot et à vous suggérer la longueur de la lame avec laquelle vous allez trancher. Si vous avez des solutions à trouver, ne comptez pas sur nous pour qu'on vous les fournisse.

Maintenant, M. Rabeau et M. Bourque.

M. Rabeau (Yves): Oui, d'abord, dans le document qui est en annexe, je pense que l'objectif était de comparer la fiscalité de façon générale. Tous les éléments particuliers dont vous avez parlé, des crédits à la recherche, etc., sont certainement des éléments qui peuvent améliorer ponctuellement la compétitivité fiscale, mais on s'en est tenus à une comparaison d'ordre général, et ces éléments particuliers de fiscalité existent aussi dans d'autres États avec lesquels on s'est comparés. Ça aurait été, à toutes fins utiles, impossible de comparer tous ces éléments pour arriver à certaines conclusions d'ordre général.

Notre conclusion, remarquez, est que, présentement, l'ensemble de la fiscalité au Québec est à peu près compétitif avec l'Ontario, les États-Unis et certains autres pays. Ce que l'on dit dans le mémoire, c'est qu'on ne peut plus se contenter, dans les circonstances, d'une position d'être à peu près compétitifs, mais d'essayer d'être en avance sur nos compétiteurs pour pouvoir procéder plus rapidement à la restructuration de l'économie.

Peut-être une remarque technique sur la question des amortissements accélérés. Dans l'étude de l'OCDE, dont on a fait mention, il est pris en compte la question des amortissements accélérés, et ça ne change pas la position du Canada qui est parmi les pays dont le revenu d'entreprises, de façon globale, est le plus lourdement imposé.

Donc, ce sont, je pense, des cas particuliers, des éléments particuliers de la fiscalité qui, comme M. Le Hir l'a souligné, ne changeraient pas l'essentiel de nos conclusions, bien qu'on puisse en reconnaître, bien sûr, la pertinence et la validité.

M. Bourque (Raymond): Sur ces points-là, juste encore une fois réitérer que ce n'était pas volontaire de notre part d'essayer d'éliminer ou de ne pas considérer certains crédits qui étaient particuliers au Québec. L'étude qu'on a faite, c'est une approche plutôt générale. Comme le professeur Rabeau vous l'a indiqué, il y a certains crédits et il y a d'autres mécanismes qui existent dans d'autres pays aussi; on ne les a pas retenus.

J'aimerais ajouter peut-être un point. Vous avez mentionné la surtaxe de 14 % en Ontario. Je crois que ça, ça s'applique à partir d'un revenu imposable ou d'un montant d'impôt assez élevé payé à l'Ontario. Pour fins de se comparer à l'étude de l'OCDE qui était notre base, on avait ciblé un montant d'impôt sur le revenu de 45 % payable au Canada. Nous, on s'est imaginé que l'étude canadienne devait regarder plutôt l'Ontario. À 45 %, on a évalué qu'on parlait d'un montant de revenu imposable de 50 000 $; je ne crois pas qu'à ce niveau-là les surtaxes additionnelles de l'Ontario s'appliquent. Ce n'est pas parce qu'on ne voulait pas les prendre, on n'a pas pris un revenu de 300 000 $ au Québec, en Ontario ou ailleurs, on a simplement essayé de voir à quel niveau de revenu on arriverait à un taux d'impôt de 45 %, et c'était 50 000 $ environ.

Les taxes à la consommation, nous ne les avons pas considérées, c'est vrai. Elles n'étaient pas considérées ailleurs dans l'étude de l'OCDE aussi. S'il avait fallu commencer à considérer ça et s'il avait fallu commencer à regarder certains pays d'Europe, qu'est-ce qu'on aurait fait avec ça? Ils ont des TVA là-bas un peu plus élevées que ce que nous pouvons avoir ici, le provincial et le fédéral combinés; alors, on n'a pas pensé que c'était de la grosse considération pour l'instant.

D'autres choses aussi qu'on n'a pas considérées. Moi-même, je peux vous nommer certaines taxes qu'on n'a pas considérées, tout simplement parce qu'elles ne sont pas applicables, par exemple, dans tous les États aux États-Unis. Certains États vont avoir certaines taxes. Vous choisissez certains États, aux États-Unis, il y en a qui sont super favorables par rapport à nous, il y en a d'autres qui le sont moins. S'il fallait qu'on commence à considérer la taxe sur les carburants, par exemple, qu'on peut retrouver ici et qui est payée par l'industrie, est-ce qu'on retrouve ça ailleurs? Alors, ce qu'on a voulu faire, c'est faire abstraction de ces taxes-là. Je comprends qu'il y a probablement certains programmes au Québec qui avantagent, mais il y a peut-être certains programmes ailleurs qui avantagent aussi. Alors, c'était une approche assez globale. (10 h 40)

Le Président (M. Lemieux): M. le président du Conseil du trésor, est-ce que ça va?

Alors, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais vous saluer, M. le vice-président-directeur général de l'Association, et ceux qui l'accompagnent. Je voudrais vous remercier et vous féliciter pour votre mémoire, sa qualité, parce que je partage, dans l'ensemble, les recommandations que vous faites par rapport à la gestion gouvernementale. Quand on regarde tout simplement les titres des chapitres: responsabiliser le contribuable; rationaliser les programmes; les recommandations que vous faites sur les abris fiscaux; la décentralisation; la privatisation et une approche globale de qualité.

Je comprends que le ministre des Finances

nous a tous conviés ici pour discuter de la sauce à laquelle il veut tous nous manger, et il veut nous préparer. Je comprends, c'est la constatation que je tire de l'exercice, mais je voudrais quand même aborder certaines questions, et peut-être plus ce matin que je ne l'ai fait jusqu'ici, parce que ce que vous décrivez, c'est un ensemble de mesures qui ont déjà été, jusqu'à un certain point, introduites, qui peuvent aller plus loin, beaucoup plus loin, et dans la mesure où on sent que cela se situerait dans un environnement où les mêmes préoccupations se feraient sentir, ce serait davantage apprécié. Je m'explique.

En réalité, nous parlons de la moitié de la gestion gouvernementale du Québec, ici - il y en a une autre moitié ailleurs - qui nous a pelleté un certain nombre de coupures depuis le début des années quatre-vingt. Lorsqu'on l'estime, à l'heure actuelle, sur les programmes de transferts fédéraux, il s'agit d'une somme d'à peu près 3 600 000 000 $ de coupures qui ont été faites depuis le début de la décennie quatre-vingt. Ceci a exercé une ponction considérable sur les budgets du Québec et va continuer de le faire dans le futur.

L'une des recommandations que vous faites - je laisse de côté cette réflexion, mais pour en aborder une autre - c'est d'avoir une économie agressive. Je pense que, là, c'est vraiment une des solutions, c'est-à-dire une bonne partie aussi de la solution, parce que si on considère toujours une tarte qui se rétrécit, on s'embarque dans un cercle vicieux où, finalement, la société va se désagréger graduellement alors que, au contraire, il faut essayer de relancer l'économie, de la projeter en avant. Un des facteurs les plus importants là-dedans, c'est le taux d'intérêt.

J'entendais, à Radio-Canada ce matin, le taux d'intérêt au Japon: 2,5 % avec un taux d'inflation de 2 %; donc, une rémunération du capital de 0,5 %. Or, ce qui se passe au Canada depuis le début de la décennie, c'est un taux réel d'Intérêt de 7 %. On comprendra que ceci freine les investissements de façon considérable, et la source, une des grandes sources de ce facteur - je ne dis pas la seule, mais, je pense, au Canada, la principale - c'est les déficits fédéraux qui ont, d'une part, amené des coupures sur le plan du budget du Québec et aussi, je pense, exercé une espèce de taxe cachée sur les investissements, parce que c'est à ça que ça aboutit. Un taux d'intérêt réel de 7 %, ça freine.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que, à mon sens, c'est un élément majeur. Moi, je veux bien rétablir, je suis d'accord avec le rétablissement de l'équilibre des budgets au Québec sur les dépenses courantes à moyen terme. Il n'y a aucun doute là-dessus, il faut faire ça. Par ailleurs, si, d'un autre côté, on enlève un autre bouchon à la baignoire, merci bien, là. Alors, là, où est-ce qu'on va? J'aimerais ça vous entendre là-dessus, parce que ce n'est pas un sujet que nous avons abordé, ici, de façon aussi explicite depuis le début de la commission.

M. Le Hir: II n'y a aucun doute que les taux d'intérêt pratiqués au Canada ont un effet néfaste sur l'évolution de notre économie de façon générale, et sur le secteur manufacturier en particulier. Évidemment, comme on sait que les taux d'intérêt ont une incidence sur la valeur du dollar, il n'y a pas de doute que, là aussi, ça des effets encore plus néfastes.

Alors, nous, on a attiré l'attention des autorités fédérales à maintes reprises sur cette question. Nous estimons, effectivement, comme vous, que des taux d'intérêt réels de l'ordre de 7 %, ce sont effectivement des taux d'intérêt qui brisent dans l'oeuf toute possibilité de reprise réelle de l'activité économique chez nous, de la même façon qu'on estime que lorsque le dollar canadien est monté jusqu'à 0,88 $ ou 0,89 $ l'année dernière, on faisait vraiment tout pour, finalement, fermer les entreprises au Canada.

Maintenant, il faut quand même être réaliste et se dire qu'à supposer même qu'on améliore la situation du côté des taux d'intérêt, ça ne réglerait pas tous nos problèmes et, notamment, ça ne réglerait pas le problème des finances publiques, ni du Canada ni du Québec. Et, dans ce sens-là, les mesures que nous préconisons doivent être appliquées avec toute la rigueur et peut-être même plus de rigueur que celle avec laquelle le gouvernement semble prêt à agir. Dans ce sens-là, nous croyons qu'il serait illusoire d'attendre de la fin de la récession une reprise rapide. en fait, les événements commencent à se préciser, et on se rend bien compte que, non seulement cette reprise-là va se situer sur une base historique nettement en deçà de la performance des autres reprises que nous avons connues dans le passé mais, en plus, la récession ayant été tellement profonde et tellement longue en lait, à 2,4 %, notre» aconomiu continue de s'enliser - qu'avant qu'on soit en mesure de voir des effets bénéfiques d'une reprise de l'activité économique, il va devoir s'écouler plusieurs années, ce qui veut donc dire qu'en attendant, la situation risque de se détériorer encore, notamment, au plan des recettes fiscales des gouvernements et que, dans ce sens-là, les mesures de correction que nous proposons sont d'autant plus nécessaires, il est d'autant plus nécessaire de les appliquer et avec toute la rigueur possible que, sinon, nous nous retrouverons, l'an prochain, devant un scénario encore pire que celui que nous présentent aujourd'hui le ministre des finances et le président du conseil du trésor.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Une sous-question, en quelque sorte. Taux d'intérêt réel de 7 %. Maintenant, j'en arrive à la fiscalité. Lorsqu'on ajoute à ça une taxe sur le capital, comme celle que nous connaissons, est-ce que vous croyez... Je suppose que vous allez nous dire que ça accentue encore le taux réel de l'intérêt ou du capital au Québec. Est-ce que votre proposition serait d'abolir la taxe sur le capital en échange d'une garantie que vous stimuleriez de façon deux fois plus grande les investissements? Est-ce qu'une telle abolition ou, en tout cas, un tel geste aurait pour effet vraiment de stimuler?

M. Le Hir: Écoutez, je pense que la taxe sur le capital, c'est un de nos sujets de prédilection. C'est un sujet que nous avons eu l'occasion de discuter systématiquement avec le ministre des Finances depuis deux ans, et c'est un sujet sur lequel nous ne lâcherons pas. Donc, le ministre des Finances doit s'attendre à nous en entendre parler cette année, encore l'année prochaine et encore jusqu'à ce que... Et, donc, il n'y a pas de doute que la taxe sur le capital constitue non seulement un frein mais, en plus, un symbole. Dans une perspective d'avoir à restructurer notre économie, notre base industrielle, comme c'est le cas à l'heure actuelle, de taxer le capital, c'est un très mauvais signal.

Vous me permettrez de vous faire part du cas d'un chef d'entreprise de la région de Saint-Hyacinthe, un Italien qui est venu s'établir au Québec il y a une dizaine d'années, qui, avant même qu'il ait commencé ses opérations, a reçu un compte de taxes parce qu'il avait fait des investissements. Mais qu'est-ce que vous voulez, quel signal envoyons-nous de cette façon-là aux investisseurs? Un très mauvais signal.

Et tant et aussi longtemps que nous nous tirerons dans le pied en posant des gestes comme ceux-là, il faut s'attendre qu'on sera boudés. On n'aura pas le sentiment qu'au Québec il y a un climat favorable à l'investissement. Ce n'est pas tant l'importance, quoi que ce soit non négligeable et que, comme nous l'avons souvent dit, c'est encore pire du fait que c'est une charge fixe, donc, qui s'applique uniformément à la fois en période de haute conjoncture comme de basse conjoncture, mais c'est un signal qui est décourageant pour les investisseurs. Si on enlevait ce signal-là, on en enverrait un autre qui serait nettement plus positif et dont le rendement serait probablement beaucoup plus élevé que le revenu qu'il rapporte au gouvernement.

M. Léonard: Vous dites juste «probablement» ou vous êtes sûr?

M. Le Hir: Nous sommes certains.

M. Léonard: Eh bien, c'est parce que c'est important. (10 h 50)

M. Le Hir: Écoutez, de là à vous fournir une garantie sur papier, vous comprendrez bien que ce n'est pas comme ça que l'économie fonctionne.

M. Léonard: Oui, O.K. Ça va. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je croyais que le président du Conseil du trésor voulait intervenir maintenant.

Je vais vous souhaiter la bienvenue à mon tour. Effectivement, comme mon collègue l'a mentionné, votre mémoire est fort intéressant. Vous allez peut-être me permettre de faire juste une remarque plus générale.

Après deux jours, et ce matin on recommence nos audiences, les discussions que nous avons eues avec les gens qui vous ont précédés, il y a un consensus assez intéressant, dans le fond, qui se dégage, qui est de dire: Nous voulons préserver l'essentiel des mesures de sécurité sociale, si on veut, de santé, qu'on s'est données et qui font que notre société est fière de cela et veut cependant améliorer cela dans le sens de faire en sorte que ce soit plus efficace. On ne remet pas en cause le bien-fondé de l'ensemble du filet de sécurité sociale, si on veut, qu'on s'est donné depuis quelques décennies, et ça, tant du côté d'autres associations patronales qui sont venues hier - je pense, entre autres, au Conseil du patronat et, évidemment, d'autres associations représentant les travailleurs et les travailleuses, même le Mouvement Desjardins - mais cependant, ce qu'on dit, c'est qu'il faut être plus rigoureux. Et dans ce sens-là j'aime votre mémoire parce qu'il suggère un certain nombre de pistes. Et c'est sur cela que je voudrais vous poser quelques questions, entre autres sur l'efficacité de la fonction publique.

Vous rappelez évidemment les recommandations du Vérificateur général; je l'avais fait au début de nos travaux. C'est évident qu'il y a un virage majeur à prendre de ce côté-là. Quand ce ne serait que de suivre, de mettre en oeuvre les recommandations du Vérificateur général, je pense que déjà on serait plus efficace dans la gestion de nos ressources humaines qui sont, dans l'État comme dans les entreprises, la première ressource sur laquelle on peut compter, celle qui va faire qu'on va réussir à atteindre les objectifs ou pas.

Comme utilisateur, si vous aviez un reproche à faire à l'ensemble de l'appareil, ou une remarque, ou une recommandation à faire - et là, je dis bien comme utilisateur dans le sens où vous représentez des entreprises qui ont des contacts avec l'État - au-delà de l'appui que vous donnez aux recommandations du Vérificateur général, quelle serait la première remarque qui vous viendrait et qui nous permettrait d'ouvrir

une autre piste d'action à l'égard de l'ensemble de l'appareil de l'État?

M. Le Hir: Je pense qu'un des premiers problèmes - et vous tombez bien, on en discutait justement ce matin en s'en venant, dans un cas précis; mon collègue voudra peut-être ajouter des commentaires là-dessus - est que le temps de réaction du gouvernement, pour nous, est extrêmement critique comme consommateur de services. Et, à l'heure actuelle, la façon dont l'appareil fonctionne ne garantit pas à l'usager le temps de réaction le plus court. Contrairement à ce qu'on pourrait penser - certainement que c'est le cas dans le secteur privé - l'expérience démontre que le temps de réaction ne suppose pas l'accumulation d'un niveau hiérarchique d'effectifs. En fait, on constate même que c'est plutôt le contraire: plus on ajoute du monde, plus on ajoute des niveaux hiérarchiques, moins c'est efficace. Alors, si le temps de réaction est trop élevé, c'est que certainement du côté de l'efficacité de l'appareil il y a moyen de faire des améliorations importantes et que, nécessairement, ça pourra se faire avec moins de monde.

J'aimerais peut-être que mon collègue ajoute les commentaires qu'il avait à faire. Bon, eh bien, il semble avoir oublié. On sait que, à l'heure actuelle, le gouvernement du Québec peut, dans les cas de taxes, opérer compensation lorsque des sommes lui sont dues, et le principe de la compensation n'est pas remis en cause. Cependant, ce qui est extrêmement critique pour les entreprises, c'est la rapidité avec laquelle la compensation va s'effectuer. Et, dans ce sens-là, on m'a informé de cas où ça pouvait prendre jusqu'à deux ou trois ans avant que des sommes qui doivent faire l'objet d'une décision soient libérées. Est-ce que tu veux ajouter?

M. Brochu (Marc): Principalement, l'exemple en cause est applicable à plusieurs contribuables, je crois, mais c'est il y a deux ou trois mois, tout récemment, qu'il vient de se produire, concernant la compensation, principalement pour la TVQ, par exemple, où dos remboursements assez majeurs pourraient être émis, et ils ne sont pas émis parce que dans certains autres comptes de la même corporation il y a des montants payables très, très mineurs. Les remboursements sont arrêtés...

M. Léonard: Dans des cas de comté.

M. Brochu: ...et cela peut durer trois ou quatre mois. Effectivement.

M. Léonard: Des cas de comté.

M. Brochu: Pour répondre à votre question, lorsque vous avez posé votre question, le mot qui m'est venu à la tête, c'est le mot «qualité». Et je crois que le mémoire...

Mme Marois: ...en fait état.

Une voix: ...proposé en parle, d'une gestion de qualité totale, afin que les clients du gouvernement, de l'appareil gouvernemental puissent avoir des services de qualité. Je pense que c'est ce que le mémoire essaie de proposer.

Mme Marois: Mais, dans le fond, ce que je trouve intéressant dans votre remarque, c'est que, moi, j'ai lu votre mémoire, et je dis oui aussi à la qualité. Après qu'on ait dit ça, il faut essayer d'identifier l'action que cela va générer, dans quels secteurs d'activité, pour quels types d'organisations, etc. Et dans ce sens-là, par exemple, de dire qu'on réduise le délai de réponse... Ce que vous dites, dans le fond, pour les entreprises, c'est vrai aussi pour les citoyens et citoyennes qui viennent nous consulter dans nos comtés respectifs et qui, souvent, sont confrontés à ce même type de problèmes. Et ce n'est pas de la mauvaise foi, en plus. Je pense que ce qui est le plus pernicieux, c'est que ce n'est pas la mauvaise foi du premier répondant ou des fonctionnaires qui sont là, mais c'est l'appareil qui génère justement cette espèce d'hiérarchisation qui fait en sorte qu'on se fait toujours référer quelque part. Vous faites référence à la responsabilisation dans votre document, je pense que ça vient aussi dans cette foulée-là.

Le Président (M. Lemieux): Mme la députée de Taillon, votre collègue de Montmorency m'a demandé d'intervenir, et il vous reste trois minutes. Alors, si vous voulez laisser continuer votre collègue... Ça va?

M. Filion: Ah, elle peut continuer.

Mme Marois: Mais il ne nous reste pas une dizaine de minutes après nos interventions?

Le Président (M. Lemieux): Non, non. Il vous reste seulement 3 minutes sur 20 minutes.

Mme Marois: Ah bon. Une seule toute petite question. Instaurer des régimes d'intéressement en fonction de critères bien établis, je trouve ça intéressant, mais j'ai de la difficulté à voir comment on pourrait mettre ça en oeuvre dans la haute fonction publique. Parce que j'imagine que c'est à ça que vous pensez. C'est à la page 23 de votre mémoire

M. Le Hir: Écoutez, des régimes d'intéressement dans la fonction publique, c'est tout à fait envisageable. Je vous donnerai le cas, par exemple, en Europe, et en France en particulier, si ma mémoire est fidèle, où il existe - et le ministre des Finances serait heureux de savoir ça - un fonctionnaire qui est rémunéré à commission. C'est un fonctionnaire très important,

c'est le «trésorier payeur général», c'est lui qui est chargé de la collection des impôts et du paiement des comptes de l'État. Et moyennant caution qu'il doit fournir, et la caution est très élevée, il a le droit de percevoir une portion raisonnable, très petite, des sommes qu'il gère. Je prends celui-là, parce que c'est le premier qui m'est venu à la tête, mais tout simplement pour montrer que c'est quelque chose de faisable, et que d'autres pays le font avec succès.

Mme Marois: Merci. Il reste peut-être une minute à mon collègue?

M. Filion: Non, non, je reviendrai.

Le Président (M. Lemieux): Allez-y, M. le député de Montmorency.

M. Filion: C'est dans le même sens. D'abord, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue également.

C'est dans le même sens, au niveau de la charte de l'investissement au Québec. C'est quelque chose quand même d'assez nouveau que vous semblez vouloir apporter, mais est-ce que ça va dans le sens d'aider à la capitalisation également dans le secteur privé, ou...

M. Le Hir: écoutez, vous savez comme moi que la chose la plus difficile pour un investisseur, c'est de composer avec un risque indéterminé.

M. Filion: Oui.

M. Le Hir: Et plus vous réduisez le champ des incertitudes, plus vous constituez un attrait pour l'investisseur.

M. Filion: J'aimerais ajouter et vous demander en même temps votre opinion et comment le milieu manufacturier pourrait réagir. Est-ce que vous croyez qu'on pourrait penser à une philosophie de réduire les taux d'imposition sur l'individu, le particulier? Par exemple, on sait que depuis 1985 on a réduit de 9 points les taux d'imposition. Est-ce que vous pensez que ça aiderait à la capitalisation que d'essayer de trouver une formule pour inciter la réduction du taux d'imposition, pour la diriger vers une capitalisation dans le secteur privé? Est-ce que vous pensez que c'est une formule qui pourrait en même temps encadrer la réinjection de capitaux dans le système économique? (11 heures)

M. Rabeau: Oui. Dans notre analyse, on propose entre autres, pour cette fin-là particulièrement, d'augmenter le crédit d'impôt pour dividendes, c'est-à-dire que vous incitez les gens à investir dans les entreprises, et le rendement qu'ils en retirent, qui se présente sous la forme d'un revenu d'entreprise, on a un crédit d'impôt plus élevé qui permet de réduire la double taxation et d'augmenter le taux de rendement pour l'investisseur privé.

M. Filion: Non, ma question n'était pas au sens de la neutralité du phénomène d'intégration. Ce n'était pas à ce niveau-là, ma question. Ma question était au niveau... Au lieu de réduire de neuf points, de donner un cadeau automatique dans la table d'impôt, au lieu de le réduire et de donner le cadeau, on donne le cadeau, mais dans une orientation de capitalisation.

M. Rabeau: C'est exactement ce que le crédit d'impôt pour dividendes fait. C'est-à-dire que...

M. Filion: Non.

M. Rabeau: ...si le revenu est un revenu d'entreprise de quelqu'un qui a investi, qui a généré des profits, de l'emploi, etc., et qu'il retire des revenus d'entreprise, le crédit d'impôt lui permet... C'est une incitation à investir et à mieux performer pour les investisseurs.

M. Filion: Vous parlez du dégrèvement pour dividendes, quand vous parlez du crédit d'impôt...

M. Rabeau: C'est exact.

M. Filion: ...mais le dégrèvement pour dividendes, c'est un phénomène compensatoire de l'impôt corporatif payé sur le revenu perçu.

M. Rabeau: Oui, mais plus il est élevé, plus c'est incitatif.

M. Filion: Je comprends, mais le principe... En tout cas, on n'embarquera pas dans la technique, là, mais ce principe-là, ce n'est pas ça que je dis, moi. Ce que je veux essayer de soulever de la part du milieu manufacturier, c'est que, au lieu de donner un cadeau gratuit de neuf points, est-ce qu'on ne pourrait pas dire: Oui, vous allez avoir droit à une réduction de neuf points dans la mesure où ces montants d'argent là sont reconduits dans le système de la capitalisation dans les entreprises?

M. Bourque: Comment allez-vous faire pour vous assurer que ces fonds-là sont réinvestis dans l'entreprise? Si c'est ça votre but, pourquoi ne pas le donner directement à l'entreprise? C'est un peu l'idée qu'on reprend quand on dit les abris fiscaux. Vous me permettez à moi, en tant qu'individu, d'avoir des stimulants fiscaux si je fais quelque chose face à une entreprise qu'on aimerait qu'elle investisse dans la RD, par exemple. Celui qui va faire le montage financier va demander de quoi, mon comptable va peut-être demander de quoi. Vous vous rendez compte? Le 100 $ qu'on veut acheminer directement à

l'entreprise, ce n'est pas 100 $ qui se rend là, c'est moins parce qu'il y a un paquet d'intervenants à droite et a gauche qui en prennent un peu. Pourquoi ne pas le donner directement à l'entreprise? Si on a quelque chose de particulier en tête, qu'on cible. Allez-y directement. Pourquoi y aller autrement?

Le Président (M. Lemieux): Ça va, merci. M. le président du Conseil du trésor, M. le député de Labelle m'a demandé une brève question. Connaissant votre...

M. Johnson: Ah!

Le Président (M. Lemieux):...ouverture d'esprit, je compenserai et j'y ajouterai le temps que le député de labelle va prendre. vous le permettez? ça va?

M. Johnson: Parfait. Vous me connaissez bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: Très bien. Juste une chose. On dit que chez les Américains, les taux de dividendes sont trop élevés, et donc on poursuit des objectifs de rendement à court terme, alors que dans l'économie japonaise, c'est le contraire. Donc, au fond, quand on retire trop de dividendes de l'entreprise, ça ne l'encourage pas à réinvestir. Mais, en tout cas, vous semblez dire le contraire ce matin. C'est ça, ma question.

M. Rabeau: Plus la taxation des corporations est compétitive, plus ça incite les entreprises à laisser des revenus dans l'entreprise pour les fins d'investissement. Mais pour la petite et moyenne entreprise, pour l'entrepreneur qui a investi, sa rémunération principale vient aussi des dividendes qu'il retire de l'entreprise. Et une façon d'accroître le taux de rendement des investissements, c'est d'avoir des crédits d'impôt pour dividendes ou une forme de taxation qui est la plus compétitive possible. Et il faut jouer sur les deux plans, c'est-à-dire d'avoir un taux d'impôt sur les corporations qui soit le plus bas possible pour favoriser le réinvestissement et, d'autre part, essayer d'avoir le taux de rendement sur l'investissement pour l'individu qui sort le plus favorable possible. Ce sont deux conditions essentielles pour à la fois de l'investissement et de la création de revenus et d'emplois.

Le Président (M. Lemieux): Alors, pour être équitable, comme l'Opposition a pris deux minutes et demie de plus, je vous en donne deux, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Merci, M. le Président. D'abord, je veux souhaiter la bienvenue à M. Le Hir et ses collègues. On se rejoint tous, évidemment, sur le mandat de la commission. Vous avez évoqué le déficit, les dépenses, les besoins financiers nets, la fiscalité également. Ce qu'on tente de faire, évidemment - c'est comme ça que je le formule de notre côté, je pense bien que vous avez l'air d'y souscrire - c'est de maintenir le contrôle des dépenses pour garantir la pérennité des services publics. Évidemment, la façon de le financer, c'est un ensemble de choix fiscaux.

J'avais signalé déjà - mais j'ai vu que ça a été traité - que ce qui me préoccupait aussi, c'était le lien entre la fiscalité et l'emploi, c'est-à-dire comment les fardeaux peuvent influencer le développement économique. Vous y avez, enfin, largement répondu. Je pense que c'est une préoccupation de tout le monde ici. Vous avez répondu à tout ça. Mais au titre... Lorsqu'on regarde le bilan du débit par opposition au crédit - si le crédit, c'est la fiscalité, le débit, c'est la dépense publique - qu'il faille la contrôler, il y a seulement deux façons de le faire. Il y a deux voies, et vous vous prononcez sur les deux voies, il m'apparaît, sur le contrôle du niveau des services, le panier de services, la consommation même du service, et l'organisation gouvernementale qui peut le livrer à moindre coût, d'une part, si on regarde les services comme tels et, d'autre part, par la rémunération. Vous avez évoqué les écarts de rémunération dont l'IRIR fait état.

J'ai donc deux questions sur le contrôle des dépenses. Le premier, sur les services et leurs niveaux. Vous rejoignant tout de suite, je le dis, sur l'organisation du travail, sur la productivité, sur le niveau des effectifs, enfin, un tas de choses sur lesquelles déjà on a annoncé des décisions sur lesquelles il y a certains progrès mesurables, et il est un peu tôt, mais sur les services comme tels, vous évoquez, page 24 de votre mémoire, que le gouvernement devrait mettre en place des mesures qui permettent aux contribuables de prendre connaissance des coûts des services publics au moment même où ils utilisent ces services. Je ne sais pas si vous pourriez peut-être en ajouter un peu, là.

M. Le Hir: Écoutez, il y a deux façons, essentiellement, pour arriver à ce résultat. D'une part, bien sûr, c'est d'informer le consommateur de services gouvernementaux de la valeur des services qu'il reçoit, et, d'autre part, c'est de l'amener à en payer une partie. Sur la première façon, nous estimons que c'est rendu une nécessité. Les gens consomment des services sans avoir pleine conscience de la valeur. Et c'est un des aspects de responsabilisation sur lesquels nous attirons votre attention.

D'autre part, sur le coût, la tarification des services, au moins partielle, quoique nous soyons favorables avec le principe de la chose, nous avons quand même une certaine inquiétude. Et je vous dirai bien simplement que l'inquiétude, c'est

de voir que, dans une recherche fort louable d'équilibrer ses finances publiques, le gouvernement soit tenté, en fait, d'ouvrir une deuxième brèche dans ma poche et dans la poche de tout le monde ici et, après avoir pigé dans la poche gauche, aller piger dans la poche droite. Si bien qu'au bout du compte, bien sûr, les équilibres financiers du gouvernement pourront s'en trouver rétablis, mais il reste que certainement mon pouvoir de dépenser à moi, comme contribuable, s'en trouvera réduit. Ce sera autant de moins que j'aurai pour l'achat de biens et services et pour participer au développement de l'activité économique au pays.

M. Johnson: Oui, écoutez, à cet égard-là, je veux qu'on se comprenne bien. L'objectif du contrôle des dépenses publiques, c'est d'assurer que les services sont maintenus, mais c'est également, si on pouvait, de baisser les impôts. Il ne s'agit pas ici - je veux qu'on se comprenne - si on parle de financement, que ça devienne simplement une façon déguisée d'augmenter les ponctions mais bien de distribuer différemment. Et si on maintient un rythme de croissance qui a du bon sens du côté des dépenses publiques, une deuxième question qui se pose toujours: Comment les financer? Et ce que vous signalez, c'est, dans le fond, qu'il y a des façons de dire aux gens: Les services coûtent quelque chose. Et il y a plusieurs façons de le dire, y compris, évidemment, une ponction directe. Ça peut être une ponction directe, ça peut être un avis qu'on expédie aux gens préalablement, en même temps ou peu de temps après la consommation en services publics. Alors, ça, j'ai compris ça. Et je me permets de nuancer qu'évidemment le gouvernement essaie de baisser les impôts aussi. On a réussi à certains égards. On essaie de diminuer le fardeau total.

M. Le Hir: Mais vous comprendrez... On se comprend parfaitement sur les deux façons, et nous estimons qu'on doit y aller des deux façons. Cependant, vous comprendrez aussi qu'on soit tout à fait inquiet, réticent même à l'idée de voir que, par l'ouverture d'une deuxième brèche, en fait, on se retrouverait à laisser augmenter le coût des services publics. Et il est hors de question pour nous que l'introduction de méthodes de tarification ait pour effet de se traduire par une augmentation nette du coût des services publics.

M. Johnson: Le deuxième volet, c'est celui de la rémunération, évidemment, qui est majeur dans le secteur public au Québec. Je vois que vous êtes extrêmement soucieux de maintenir l'équilibre social. C'est évident, si on parle d'une charte dans l'investissement, si on parle de la certitude dont les investisseurs ont besoin, minimalement, il faut parler d'environnement social stable, et ça, ça repose, évidemment, sur la qualité des rapports entre les travailleurs et leur entreprise ou le gouvernement dans le secteur privé et public respectivement. (11 h 10)

En même temps, vous dites que l'IRIR a bien souligné une avance des travailleurs du secteur public sur les entreprises membres de votre association, enfin, du secteur privé de façon générale. Je me permets d'en conclure que vous souhaitez que cette avance soit amenuisée, que l'écart, donc, doive être réduit. Donc, il doit y avoir une récupération. Alors là, je cherche comment, selon vous, vous pouvez contribuer à résoudre ce qui peut être une quadrature du cercle: maintenir l'équilibre social, la paix sociale au titre des relations de travail et faire en sorte qu'on puisse effectivement amenuiser - parce que c'est une forme d'équité, ça aussi - l'écart qui existe entre la rémunération dans le secteur public et le secteur privé.

M. Le Hir: Oui, effectivement, on conçoit que vous soyez devant un dilemme majeur. Mais il y a quand même une chose qui est essentielle, justement, dans le but de préserver l'équilibre social. C'est que les contribuables aient le sentiment que les charges sont également réparties, que les fardeaux sont également répartis dans la société. Or, nous arrivons de plus en plus à un point de rupture qui amène les contribuables à remettre en doute l'équilibre. Et, notamment, quand ils voient que la rémunération dans le secteur public global, tel que la décrit l'IRIR, et que la sécurité d'emploi dont jouissent les fonctionnaires sont rendues à un point tel qu'en fait toute augmentation, toute extension des bénéfices, que ce soit financier ou autre, dont ils peuvent jouir constituent une confiscation de leurs avantages, quand on arrive à ce point-là, effectivement, il y quelque chose qui craque.

Alors, est-ce que ça a encore craqué? Est-ce que ça va craquer dans les mois qui viennent? Vous êtes sans doute placés bien mieux que moi pour le savoir, mais la chose qui m'apparait essentielle, c'est de vous prévenir qu'on est rendus près de ce point-là et que si les citoyens n'ont pas le sentiment que le poids des fardeaux est également réparti dans la société, notamment que les chances des gens qui travaillent dans le secteur privé sont au moins égales à celles des gens qui travaillent dans le secteur public, nous nous en allons vers des affrontements majeurs.

M. Johnson: Je vous remercie d'avoir constaté qu'il y avait un dilemme ici, évidemment, pour le gouvernement. C'est le dilemme de tout le monde. Ce que je tentais de voir avec vous, c'était si l'expérience dont vos membres disposent ne peut pas être utile.

Comment avez-vous, dans certains cas - et on sait que dans le secteur privé ça a été

fait - réduit des écarts de rémunération par rapport aux concurrents, par exemple? Parce que ce n'est pas une question de privé et public, c'est par rapport à des concurrents, à cause de la conjoncture. Et il y a eu, on peut le constater, un niveau de paix sociale au Québec assez remarquable depuis plusieurs années, et il y a eu des ajustements qui ont été faits chez vos membres au titre de la rémunération. J'aimerais simplement que vous nous indiquiez comment vous l'avez fait.

M. Le Hlr: Je veux dire, II faut comprendre que, dans le secteur privé, les choses se passent d'une façon, finalement, assez brutale. L'entreprise qui se voit acculée à la faillite ou à la déconfiture n'a d'autre choix que de s'ajuster, et, à ce moment-là, elle dit a son personnel: Voici ce que nous pouvons faire ensemble pour continuer l'entreprise. Êtes-vous prêts à souscrire au plan que nous proposons? Et, selon que les travailleurs souscrivent ou non, l'opération s'effectue ou l'entreprise court le risque de disparaître ou, alors, les mises à pied se font de façon très brutale. L'imminence d'être pendu concentre l'attention d'une façon extraordinaire.

Le Président (M. Lemieux): Ça va? M. Johnson: Oui. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci Alors, il reste une minute.

Alors, M. Le Hir, j'aurais peut-être une question.

M. Le Hir: M. le Président, si vous me permettez.

Le Président (M. Lemieux): Oui. Allez-y.

M. Le Hir: II y a un autre aspect que mon collègue me souligne et, effectivement, c'est un aspect que nous avons discuté. C'est celui évidemment, de la décentralisation de l'administration des conventions collectives. Il n'y a pas de doute que nous sommes placés dans une situation où tout se fait de façon centralisée, et il devient important maintenant de se réajuster, compte tenu de ce que sont devenus nos besoins aujourd'hui.

Le Président (M. Lemieux): Simplement une question. Dans votre mémoire, vous parlez énormément de la gestion des ressources humaines et vous n'y allez pas de main morte. Vous nous dites que le gouvernement pourrait dégager une marge de manoeuvre suffisante tout en conservant un système fiscal compétitif et sans avoir à couper dans les services offerts par l'État. Vous parlez d'un montant de 30 000 000 $. M. Louis Bernard, lui, parlait qu'une augmentation du taux de productivité de 1 % dans la fonction publique pourrait se traduire en millions de dollars. Moi, ce que j'aimerais savoir de vous: Comment l'améliorer, cette gestion, cette qualité de gestion des ressources humaines? Est-ce que c'est strictement par une nouvelle évaluation du rendement? Vous voyez ça de quelle façon?

M. Le Hir: Bien, écoutez. Bien sûr que les normes de rendement doivent être révisées. Ça, c'est certain. Je vais donner un exemple simplement Baser, ne serait-ce que moindrement, le rendement des fonctionnaires sur l'encadrement du nombre de fonctionnaires qu'ils ont à contrôler, ça nous apparaît une aberration. L'objectif d'un fonctionnaire, ça devrait être de fournir le maximum de services avec le minimum d'effectifs. Alors, si vous rattachez le moindrement sa rémunération à l'encadrement, vous venez de contredire le principe.

Le Président (M. Lemieux): J'oserais vous demander, pour plus de marge de manoeuvre chez nos fonctionnaires, souhaiteriez-vous qu'il y ait plus de délinquance?

M. Le Hir: Plus de délinquance?

Le Président (M. Lemieux): Plus de délinquance administrative relativement aux normes ou à la réglementation.

M. Le Hir: D'abord, il faut s'interroger sur l'opportunité des normes. Je me rappelle simplement d'une expérience qu'on a faite dans le secteur privé, dans une entreprise où j'ai travaillé. À un moment donné, on... Et je vous rappellerai les circonstances. C'est au moment de l'introduction de la loi 101 et ça causait évidemment... C'était l'entreprise, la Compagnie pétrolière Impériale, qui est devenue, d'ailleurs, un modèle d'application de la loi 101. Mais évidemment que je vous dirai que ça a soulevé une levée de boucliers immédiate. Et quand on a fait l'inventaire des procédures administratives, on s'est rendu compte qu'on pouvait en sacrifier énormément et que ça aurait une incidence directe sur les coûts de fonctionnement de l'entreprise. Alors, il y a des normes et des procédures qu'on applique souvent qui n'ont rien à voir avec la nature du service qu'on doit rendre et qui sont, finalement, des mesures pour satisfaire un appétit vorace bureaucratique.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions, chacun des groupes parlementaires, pour votre participation à cette commission.

Nous allons suspendre environ deux minutes pour permettre au prochain groupe, l'Association des détaillants en alimentation, de bien vouloir prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 18)

(Reprisée 11 h 26)

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux pour entendre l'Association des détaillants en alimentation.

Dans un premier temps, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue et vous informer que vous disposez de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Suivra un échange entre les deux groupes parlementaires d'une durée totale de 40 minutes, répartie entre les deux formations, pour une période de 20 minutes.

Alors, auriez-vous l'amabilité de bien vouloir vous identifier et, par après, nous faire l'exposé de votre mémoire?

Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA)

M. Gadbois (Michel): Je vous remercie. Tout d'abord, je vais me présenter. Je suis Michel Gadbois, président de l'Association des détaillants en alimentation. Je demanderai à mes collègues, qui sont tous membres du conseil d'administration de I'ADA, de se présenter à tour de rôle.

M. Mayrand (Robert): Bonjour. Je m'appelle Robert Mayrand.

M. Olivier (Clermont): Clermont Olivier, Québec.

Mme Fortin (Carole): Carole Fortin.

M. Lord (Gérald): Gérald Lord.

M. Pelletier (Guy): Guy Pelletier, Québec.

Le Président (M. Lemieux): Nous sommes prêts à vous écouter avec intérêt pour l'exposé de votre mémoire.

M. Gadbois: Merci. Ce que je vous propose comme présentation, c'est une variante un peu sur le mémoire, parce que je n'ai pas envie d'être redondant. Ce que je vous propose, c'est de faire une brève synthèse du document qui a été envoyé à tous les députés récemment, qui s'appelle «Les détaillants indépendants en alimentation du Québec: une force économique vitale». Par la suite, je voudrais faire le point sur le principe de base qui sous-tend notre intervention aujourd'hui et rapidement regarder les recommandations qu'on vous propose, parce que ce sont des recommandations très concrètes, qui sont axées principalement sur le potentiel de hausse de revenus pour le gouvernement. C'est notre approche. Alors, si vous me permettez... Oui?

Le Président (M. Lemieux): Ça va. M. le député de Saint-Louis me demandait de pouvoir intervenir. Alors, je vous ai bien vu, M. le député de Saint-Louis.

Je m'excuse, vous pouvez continuer.

M. Gadbois: Je n'aurais pas eu beaucoup de temps d'intervention. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Ha, ha, ha! Vous avez votre temps, ça va.

M. Gadbois: D'accord. Je vous réfère à une des annexes qui étaient à même le mémoire et, comme je vous l'ai dit, qui a été distribuée à tous les députés et d'ailleurs à la plupart des hauts fonctionnaires. On pensait que c'était important de faire le point sur la réalité des détaillants indépendants en alimentation au Québec, qui est une réalité très spécifique, fort différente d'ailleurs au Canada. On représente environ 85 % du marché où ailleurs au Canada, c'est 40 %. Si vous regardez le nombre, on parle de quelque 9000 sur un total de 10 000. Ce que nous sommes, en fait, selon la définition ici, nous sommes des gens qui sont propriétaires de leur entreprise, donc des entrepreneurs, et nous sommes approvisionnés par des distributeurs, des grossistes qui ont bannière. Alors, les gens ont des contrats d'affiliation avec les différentes bannières, mais essentiellement les gens qui sont ici ne sont pas les corporations que vous connaissez à la distribution. Il y a souvent eu confusion entre les deux, et c'est la spécificité du marché québécois. Alors, ce que vous avez ici, c'est des entrepreneurs, des gens qui possèdent leur commerce et qui ont intérêt à développer leur commerce. C'est la base d'ailleurs de notre présentation aujourd'hui.

Et si vous regardez quelques éléments sur lesquels je veux attirer votre attention, plutôt que d'être en décroissance, ce secteur-là est en croissance, pas au niveau de ces revenus, malheureusement, mais au niveau du nombre d'indépendants, pour toutes sortes de raisons que je n'énumérerai pas ici mais que vous voyez, par exemple, en page 5.

Il y a eu des incidences au niveau des changements du marché, etc. Une chose que je voudrais mettre de l'avant aussi, c'est que, à part des groupes corporatifs comme vous avez connus dans le passé, comme Steinberg et autres, la création des corporations que vous connaissez aujourd'hui origine même du regroupement de ces détaillants-là qui ont créé des corporations pour s'approvisionner. Alors, les Provigo et Métro de ce monde sont nés de l'association des marchands entre eux pour se donner un meilleur pouvoir d'achat pour compétitionner avec d'autres chaînes. (11 h 30)

Ensuite, j'attirerais votre attention sur le nombre d'emplois qui est créé par le secteur: c'est aux alentours de 85 000 emplois. Ce qui est intéressant, c'est que, naturellement, à cause de

la nature de ce secteur-là, les proportions font que nous sommes très représentatifs de toutes les régions du Québec. On n'est pas, par exemple, comme une aluminerie dans un secteur ou ailleurs, nous sommes partout en région et nous stimulons les activités économiques en région avec les fournisseurs de services et de produits en région.

Par ailleurs, une autre réalité qui est probablement une des réalités majeures à souligner à cette table, c'est le tableau en page 11, qui nous a même surpris lorsqu'on a fait l'étude nous-mêmes; j'en parlais, d'ailleurs, à M. Johnson, cette semaine ou la semaine passée. Nous rapportons, en fait, en revenus à l'État québécois, spécifiquement 1 000 000 000 $. On dépasse, à ce compte-là, le pétrole raffiné. On est donc le plus grand secteur pour le revenu. D'ailleurs, on est le plus gros groupe du secteur du détail qui rapporte au gouvernement, vous savez, aux alentours de 29 % ou 30 % de ses revenus, mais on est le plus grand secteur du secteur du détail, le secteur de l'alimentation, au niveau des revenus qu'on rapporte au gouvernement.

Pour terminer, il y en a qui diraient: Est-ce que vous êtes efficaces? Est-ce que le Québec a de l'avenir dans cette structure économique là? Je vous réfère, à ce moment-là, au tableau 5, en page 13, où, si vous regardez les ventes hebdomadaires, on a des ventes hebdomadaires plus élevées que la moyenne canadienne. Il y en a qui vont dire... Il y a certains grossistes qui ont annoncé que, finalement, peut-être que les gens n'en avaient pas pour leur argent. Je peux vous dire, en ce qui concerne les détaillants: Regardez les chiffres et vous verrez qu'on est très compétitifs, qu'on est même en bas de la moyenne des prix des marchés canadiens. Alors, non seulement on est efficaces mais on est aussi très concurrentiels au niveau des prix.

Je pensais que c'était nécessaire de faire cette clarification-là parce que, dans des dossiers antérieurs, on a eu beaucoup de difficultés à faire comprendre quelle était l'importance, non seulement en nombre mais aussi en revenus pour le gouvernement, de ce secteur-là. Alors, essentiellement, notre présentation aujourd'hui est basée sur un principe, le principe du partenariat avec le gouvernement. On est probablement le groupe le plus important en fait de nombre ou en ratio, si vous voulez, de personnes qui ramassent de l'argent pour le gouvernement. Bien souvent, nos détaillants pensent que ça fait partie de leur fonction dans la vie; leur fonction principale, c'est d'administrer les taxes du gouvernement, taxes qui ne sont pas simples à administrer; et on aura des recommandations là-dessus.

Mais ce que j'aimerais souligner - et je pense que ça en vaut la peine, parce qu'il y a eu certaines interprétations qui ont été faites dans le passé: pourquoi, malgré un contexte qui a été très négatif au niveau des politiques gouver- nementales - en tout cas, je ne remonterai pas très loin en arrière; je remonterai juste à deux ans - pourquoi, nous, on a de la difficulté à se développer sans contrainte? On ne demande pas de cadeau, on demande tout simplement d'arrêter de nous imposer des choses et de nous permettre de développer notre meilleure ressource, qui est la vente.

Je fais un bref rappel, qui va durer quelques instants, avant d'arriver aux recommandations. Il y a un débat fondamental dans notre secteur, qui se demande: Est-ce qu'on devrait relever du MAPAQ ou du MIC? En ce moment, on relève du MAPAQ. Je vais vous dire que, même si on relevait de l'un ou de l'autre, en ce moment, on a des problèmes fondamentaux. Vous savez que, dans le passé, on relevait du MIC - il y a à peu près 15 ans. C'était un peu normal; il y a un secteur commerce, ça devait être nous, sauf que ça a l'air que, comme on est noyés dans la réglementation, on a décidé que, bon, puisqu'on était noyés, on allait être dans le MAPAQ, parce que c'est eux qui nous réglementent.

Il y a une situation que je mentionne au début du mémoire, où je compare une aberration, et je demande, justement, là-dessus, qu'une des orientations principales des recommandations de la commission soit de s'assurer qu'il y ait une meilleure coordination au niveau des recommandations qui sont présentées. Je vais vous donner juste un cas, celui de Québec Vrai versus Qualité Québec. Nous, on est dans les deux dossiers. Québec Vrai, c'est une proposition qui a été développée par le MAPAQ sur la qualité spécifique d'un produit - pas son origine - et ça s'appelle Québec Vrai. Ça a été développé en détail; on a été pris dedans. Nous, on essayait de leur expliquer: Comment vous pouvez le vendre? Parce que, en bout de ligne, tous ces projets-là passent par le détaillant si vous voulez les vendre aux consommateurs. En même temps, le MIC développe un autre principe qui s'appelle Qualité Québec - vous en avez entendu parler - qui, lui, ne réfère pas du tout à la qualité mais plutôt à la provenance du produit. Alors, vous avez deux politiques gouvernementales dans lesquelles on a investi beaucoup de temps de fonctionnaires, beaucoup d'argent, qui disent exactement l'inverse de ce qu'elles font. Et, nous, on est poignes entre les deux pour essayer de les mettre en marche quand, en bout de ligne, ça a été décidé en haut. Là, on arrive chez le détaillant, on dit: Essaie de pousser Qualité Québec; essaie de pousser Québec Vrai. D'accord? C'est juste pour vous donner un peu l'absurdité de la situation qu'on vit.

Maintenant, je vais prendre quelques exemples rapides des politiques gouvernementales qu'on a eues depuis quelque temps et qui ne nous aident pas du tout à développer notre potentiel Le permis de 215 $, vous vous en rappelle rez - en tout cas, certains d'entre vous s'en rappelleront - nous a été imposé unilatéralement,

même si on s'y opposait, et représentait uniquement un transfert de coûts de 9 000 000 $ de charges des inspecteurs qui étaient tout simplement reportés au niveau de nos détaillants, qui devaient défrayer ces coûts-là dans l'avenir. Alors, il a fallu qu'on bloque. On a boycotté, on s'est opposé à cette taxe. On ne l'a pas payée pour forcer quoi? Une table de coordination, dite table qui n'a pas donné les résultats qu'on escomptait, mais je ne veux pas entrer dans les détails. Par contre, on a réussi, malgré tout, en faisant ce boycottage systématique - ce qui ne devrait pas être notre rôle - à empêcher l'arrivée de permis qui n'étaient pas coordonnés, comme les permis sur l'eau, par exemple, où il y en avait un qui venait de l'environnement et l'autre venait du MAPAQ. On ne s'était pas entendu là-dessus.

Un autre élément, le Sommet de l'agriculture, où, justement, on voulait regarder toute la filière, de la terre à la table, et où, effectivement, le détaillant, comme entrepreneur, est aussi important que l'entrepreneur-producteur à la base. Toute la filière. Mais, croyez-le ou non, on a oublié de nous inviter. Ils nous ont invité 24 heures avant. Alors, on n'y est pas allés. On s'est dit: On n'est pas pour aller là présenter nos positions. On a oublié une filière de 10 000 vendeurs qui sont dans le commerce de l'alimentation, qui n'ont pas été invités. Et Dieu sait qu'ils nous connaissent, au MAPAQ! Si vous regardez, en plus, à la table, on essaie de faire un seul représentant pour la distribution. Je vous rappelle que la distribution en gros puis la vente au détail, c'est deux réalités bien différentes.

Un sujet complètement différent de ce que vous penseriez, mais qui a des impacts économiques importants pour nous et pour le gouvernement dans l'avenir: la consigne. Vous savez qu'on est devenus, dans notre secteur, les poubelles publiques. O.K. On dépense une fortune, même s'il y a un élément de consigne qui nous revient, à essayer d'administrer la consigne. Il a fallu qu'on se batte avec le ministre Paradis pour empêcher la consigne sur les bouteilles de la SAQ, parce que les bouteilles de la SAQ seraient venues chez nous, encore. Et même que la SAQ s'y opposait. Nous, on a développé un projet complet avec les manufacturiers, qui est sur la table, qui pousse le concept de collecte sélective, pour finalement rationaliser tout le problème des rebuts et de la consigne à l'intérieur du secteur de l'alimentation. Le projet est sur la table, il a été déposé. Tout le monde et les ministres concernés ont été informés. On fait notre part, on collabore.

La taxe sur les cigarettes. Vous m'avez entendu parler récemment là-dessus. Je tiens encore à mes chiffres et je vais les défendre. Par contre, je ne le ferai pas en détail ici, tout simplement parce que j'ai l'honneur de représenter la Coalition pour la justice sur le tabac qui va faire une présentation très spécifique sur le tabac et les revenus gouvernementaux. C'était prévu le 16, mais la date a été changée. Mais je pense que j'en ai assez dit là-dessus, et M. Picher, ce matin, dans La Presse, a repris certains éléments qui étaient assez éloquents.

L'extension des heures de vente de la bière et du vin. On vit une aberration où les gens ont le droit de se déplacer en voiture pour aller boire dans les bars, mais ils doivent arrêter d'acheter chez nous à 23 heures. Alors, on devient non seulement des vendeurs qui ont des limites, qui ont des concurrents mais, en plus, on doit faire la police sur quand les gens ont le droit d'acheter et ne pas acheter chez nous quand, nous, on a le droit d'être ouverts.

Loto-Québec, c'est un des éléments qu'on va présenter ici. On a eu des discussions - ce n'est pas comme si on n'avait pas essayé, là -avec M. Crête pendant un an de temps. Ça n'a absolument rien donné, parce qu'on nous dit qu'on n'a pas le pouvoir de décider. On n'a pas d'argent. Ce n'est pas nous qui décidons. On nous renvoyait aux décideurs. Et, finalement, on est arrivé avec l'idée charmante que vous connaissez, qui est d'ailleurs lancée aux députés, qui est ce que j'appelle la proposition MacDonald: «Vous voulez un petit terminal avec ça?» Ce n'est pas ça qui va régler le problème chez nous. Ce n'est pas la course au terminal ou aux terminaux ou aux valideuses, ou comme vous voulez. Ça, c'est des bonbons, ce qu'on appelle chez nous des nananes. Ça ne réglera pas le problème. Le problème, c'est de donner la volonté aux détaillants de vendre un produit qui lui rapporte de moins en moins d'argent. Donc, vous ne pouvez pas insister sur la volonté des détaillants de participer.

La SAQ et la RPAQ, vous le savez, ça fait partie d'une de nos recommandations. On essaie toujours d'augmenter nos marges. On essaie d'augmenter nos gammes, et on se fait répondre par notre concurrent, au hasard, d'accord, que lui n'est pas intéressé - c'est normal, il ne veut pas qu'on lui fasse concurrence. Et, même dans le cas où nous avons droit à un produit dans les gammes, quand il marche bien, on nous l'enlève parce que la SAQ n'est pas capable de fournir; et elle les vend dans ses succursales, quand ils vont bien, les produits. Je pourrais vous donner des exemples. Une belle aberration qu'on vit. Et on essaie, nous - on ne coûte rien à l'État, là - de développer ces marchés-là. (11 h 40)

Une que vous connaissez déjà, parce que vous m'avez entendu pendant plusieurs mois, et M. Lord aussi, c'est les heures d'ouverture. C'est clair qu'on avait, pendant cinq ans, débattu le dossier. On est arrivé à ce qu'on appelle un compromis, et je cite: Durable, gérable et équitable. En trois semaines, on l'a fait passer. C'est ça qu'on appelait la consultation. Et on sait ce qui s'est passé. C'est que, nous, on est le

seul secteur à être identifié comme étant obligé d'avoir du volontariat, le seul. On est le seul. C'est comme ça que le gouvernement a gagné l'appui des TUAC. Il ne faut pas s'en léser. C'est comme ça qu'il l'a gagné. Et ça sert à qui? À ceux qui ne sont pas syndiqués, qui nous font concurrence - les Club Price - parce que, nous, nous sommes très syndiqués.

Alors, voilà une autre mesure toute récente du gouvernement qui, non seulement est heureux de nous proposer les heures d'ouverture auxquelles on s'était opposés depuis très longtemps mais nous envoie, en plus, une discrimination particulière qui touche nos droits de gérance, qui nous empêche de faire des affaires et qui favorise un compétiteur qui, on vous l'a dit, ne réinvestit pas ici. Nous sommes des entreprises québécoises.

Je pourrais continuer longtemps. Je veux juste terminer en vous disant de regarder ce que les détaillants ont fait. On a acquis le Super Salon de l'alimentation. On a acquis le Salon international des vins et spiritueux. On se donne des outils pour développer nos produits. On a le Concours SSA des produits nouveaux, qui offre des prix chaque année, qui permet, justement, aux entrepreneurs de développer des nouveaux produits et de les mettre sur le marché. Le Super Salon de l'alimentation, ça attire 12 000 détaillants professionnels. Le même salon à Toronto, qui est le Grocery Showcase Canada, attire 2000 personnes. Pourquoi? Parce qu'il y a 2000 détaillants indépendants ailleurs au Canada, et qu'il y en a 12 000 au Québec.

Nous, par ces propositions-là, ce qu'on fait, c'est qu'on essaie de vous démontrer qu'on veut le développer, notre secteur. On a été dynamiques, mais on a des contraintes sans arrêt. Ce qu'on vous propose dans nos recommandations, que vous avez - et je vous ramène aux recommandations, à la page 25 du mémoire; c'est la synthèse - on vous propose de simplifier la perception de la taxe de vente, parce qu'elle nous cause des problèmes. Les collègues, ici, pourront vous parler d'aberrations dans le système. On vous propose une solution dure mais efficace pour la contrebande de cigarettes, qui nous cause des problèmes fondamentaux. On vous propose même de se battre pour vous auprès des députés fédéraux. On a commencé une campagne. On va la faire, la job, mais, Seigneur! on ne peut pas toute la faire tout seuls. On est tannés de la faire tout seuls. La vente de loteries, on vous propose des solutions concrètes pour augmenter les ventes; même chose pour l'augmentation de la gamme des vins et la commercialisation. Ce sont des recommandations pour augmenter les revenus de l'État. On y participe déjà pour 1 000 000 000 $. On est prêts à y participer encore plus parce que, en principe, à moins que vous ne jouiez avec nos taux de taxes encore, plus on fait d'argent, plus vous allez en faire. C'est le principe qu'on défend ici.

Malgré tout l'historique horrible que je viens de vous décrire, on a encore l'intention de travailler de pair avec le gouvernement à développer des solutions concrètes. Je pense que ce qui est intéressant aujourd'hui, c'est que les solutions qu'on met sur la table, c'est des solutions concrètes, pas des grands principes. D'accord, il y a un principe, c'est celui du partenariat, celui du respect, probablement, d'un de vos partenaires commerciaux, le plus important au Québec. C'est tout.

Alors, ce que je fais, c'est que si vous avez des questions sur les recommandations, ou autres, mes collègues répondront plus spécifiquement. Ce sont des professionnels du secteur.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie pour votre exposé.

La parole est maintenant à M. le ministre des Finances.

M. Levesque: Alors, M. le Président, je veux évidemment souhaiter la plus cordiale bienvenue à nos amis de l'Association des détaillants en alimentation du Québec. Je vous félicite pour votre présentation, tout en ayant un petit bémol quant aux suggestions que vous faites pour régler les problèmes auxquels nous devons faire face comme société, et particulièrement comme gouvernement, et encore plus particulièrement comme ministre des Finances ou président du Conseil du trésor ou ministre du Revenu.

C'est une contribution dans le sens d'apporter devant nous des sujets fort intéressants. J'aurai l'occasion de dire quelques mots sur chacun des sujets que vous avez abordés, sans nécessairement vous donner les réponses que vous aimeriez entendre. Mais, tout de même, soyez assurés de notre intérêt à regarder et étudier les sujets que vous abordez.

Nous réalisons que, compte tenu du grand nombre des membres de votre association - à peu près 11 000 - les commerces gérés par vos membres sont autant de points de service pour la population, en plus de constituer des mandataires importants comme percepteurs de revenus du gouvernement. Par les partenariats, c'est sûr que vous êtes des partenaires quotidiens du gouvernement et que vous rendez des services inestimables à la société à ce chapitre. Dans ce contexte, le gouvernement est conscient de l'impact des mesures qu'il prendra pour diminuer les contraintes administratives à l'égard, par exemple, de la TVQ. Pour ce qui est des taxes sur le tabac, les marges sur les loteries, les boissons alcooliques, il faut noter que tous vos membres sont traités sur le même pied.

Nous considérons sérieusement vos remarques, cependant, comme je l'ai mentionné, à cet égard. On devrait cependant peut-être noter que le traitement des mandataires à la taxe de vente est identique à celui des mandataires pour les autres lois fiscales. Par exemple, il n'y a pas de

compensation pour les employeurs qui remettent leurs contributions au fonds des services de santé. Tout le travail qui est fait, disons, par quelque employeur que ce soit dans les questions de retenues à la source, etc., est fait sans qu'il y ait de compensation. Je suis cependant bien conscient qu'il y a quelques années - je peux me permettre de retourner un peu en arrière; c'est un privilège qui est le mien, du moins - je me rappelle fort bien qu'il y avait une compensation sur le montant de taxes perçues au niveau du détail; et, d'une époque a l'autre, il y a eu érosion jusqu'à ce que ça disparaisse complètement. Alors, je comprends votre préoccupation, mais je dois cependant vous dire, vous rappeler qu'au point de vue d'équité par rapport aux autres qui font le même travail, il y a là non pas une iniquité ou une injustice.

Quant à l'harmonisation de la TVQ avec la TPS, vous voudriez qu'elle se poursuive davantage, et nous croyons que vous avez raison. D'ailleurs, si nous n'avons pas encore réussi à pleinement nous harmoniser, c'est une question, encore, qui touche les finances publiques, c'est clair. Lorsque nous avons décidé de nous harmoniser, nous voulions avoir une administration unique, pas deux administrations. Nous avons réussi. Nous n'avons pas seulement la perception de la taxe de vente du Québec mais, en même temps, nous assumons la responsabilité de la perception de la taxe sur les produits et services du gouvernement fédéral. Donc, un seul guichet et une seule administration. Ça n'a pas été facile à obtenir, mais ça a été fait. Jusqu'ici, 26 % des 400 000 mandataires de la TVQ utilisent un formulaire conjoint TVQ-TPS.

Et, grâce à l'expérience acquise depuis le 1er juillet dernier dans la gestion conjointe par le ministère du Revenu du Québec, le gouvernement a pu annoncer des mesures importantes de simplification et d'harmonisation touchant 60 % des mandataires. Par exemple, possibilité de production de la déclaration de taxes à tous les trois mois, au lieu d'avoir un rapport mensuel, à partir de janvier 1993 et possibilité de produire une seule déclaration annuelle en versant des acomptes trimestriels, et cela, à partir de 1994.

En plus, les assouplissements apportés l'automne dernier font en sorte que les mandataires mensuels peuvent comptabiliser conjointement la TVQ et la TPS pour une même période de temps, s'ils le désirent. (11 h 50)

Mais tout cela ne nous empêche pas d'être sensibles à ce que vous désirez. Vous désirez avoir une harmonisation plus complète. Nous tendons vers cela, et dans les meilleurs délais. Nous n'avons aucunement à vous contredire sur cette approche que vous avez. C'est sûr que, plus on arrivera à une harmonisation parfaite, plus cela vous enlèvera des problèmes que vous n'avez pas demandés, de toute façon, et que vous ne méritez pas d'avoir. C'est sûr qu'on s'en va dans cette direction-là. Mais, encore-là, la seule raison qui... Une des raisons principales qui nous a empêchés d'avoir une harmonisation aussi parfaite... Il y avait deux raisons en particulier: il y avait la raison financière, évidemment, et elle se résorbera, j'en suis convaincu; l'autre, c'était la question constitutionnelle, qui nous empêchait d'avoir le même processus que le gouvernement fédéral. Et cela, c'est une question constitutionnelle que nous espérons pouvoir régler, encore là, dans un avenir pas trop éloigné. Donc, lorsqu'on aura atteint ces deux fins-là, je pense qu'a ce moment-là vous pourrez dire que vous avez gagné votre point. Je ne peux pas vous le dire au moment où on se parle, mais, tout ce que je peux vous dire, c'est que nous sommes sensibles à cette préoccupation.

Quant aux loteries, vous savez, les détaillants de Loto-Québec sont assez nombreux - environ 12 000 - et rares sont ceux qui se sont désistés. Au contraire, ce que nous avons, c'est des demandes de plus en plus fortes pour compléter le réseau, pour permettre à des gens d'avoir ce que vous appeliez tout à l'heure les valideuses, etc. Donc, il y a ce désir qui est là, et très fort, pour avoir ce service. Et, deuxièmement, les pourcentages de commission versés partout en Amérique se situeraient, d'après nous, entre 5 % et 6 %; et Loto-Québec, c'est 5,32 %. Alors, il n'y a pas là, à mon sens, d'Iniquité. Loto-Québec indique aussi que le marché des loteries est un marché qui a atteint une certaine maturité, c'est-à-dire que les consommateurs ne dépenseront pas tellement plus pour cette activité. Alors, comment supposer que l'augmentation du taux de commission permettrait d'augmenter les ventes de loteries et les revenus du gouvernement? Dans le fond, ce que nous recherchons, là en particulier, c'est d'améliorer le rendement pour le gouvernement, pour la société. Alors, ça doit nous préoccuper aussi.

L'exercice que nous faisons ici ce matin, que nous faisons au cours de ces trois semaines, c'est de faire face à une situation difficile pour le gouvernement - il ne faudrait pas l'oublier -difficile au point de vue des équilibres financiers. Et, l'une des sources de revenus que nous avons, c'est Loto-Québec et aussi, par exemple, la Société des alcools que vous avez mentionnée également. Les avenues que vous proposez, soit l'élargissement de la gamme des vins vendus chez les détaillants ou la possibilité de vendre le vin à un prix inférieur à celui de la SAQ, évidemment, ça pourrait faire l'objet d'études de la part de ceux qui s'occupent particulièrement de ce domaine. Cependant, plusieurs aspects doivent être pris en considération avant d'établir une telle pratique.

Le Président (M. Lemieux): Le temps est déjà écoulé, M. le ministre.

M. Levesque: Le temps est écoulé? Bon,

alors, j'avais beaucoup de choses à vous dire, mais je vais être obligé de les garder pour un peu plus tard, peut-être pour notre prochaine rencontre.

Mais je vous remercie tout de même de cette contribution, et soyez sûrs que les sujets que vous avez mis de l'avant et que vous avez abordés ne tombent pas simplement dans l'oreille d'un sourd. Nous écoutons. Nous sommes ici pour écouter, aussi, cependant, pour évaluer et placer tout cela dans le contexte général du bien commun.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des Finances.

M. le député de Labelle, pas de commentaires? Est-ce que vous avez des commentaires relativement aux propos de M. le ministre des Finances?

M. Mayrand: Oui, moi, j'en aurais un.

M. Levesque, quand vous dites que Loto-Québec a atteint une maturité au niveau des ventes, il faudrait que vous alliez peut-être voir ce que Loto-Québec fait, parce qu'elle a des projets, des petits programmes qu'elle met au niveau des détaillants pour essayer de vendre un peu plus certains produits; elle met des incitatifs. Concernant les demandes de valideuses qui se font actuellement, c'est tout simplement une question de concurrence. Si, moi, j'ai un concurrent qui a une valideuse et que je n'en ai pas, c'est sûr que je vais essayer d'en faire la demande pour l'obtenir. C'est officiel. Concernant l'achalandage, je l'ai déjà, l'achalandage, et Loto-Québec, dans le rapport qu'on a fait, ne discute en rien au point de vue de l'achalandage. Donc, on se dit: Si vous voulez aller chercher une augmentation de vos revenus, donnez-nous non pas des bonbons mais la possibilité d'être avec vous et d'élaborer des programmes pour augmenter le réseau des ventes et augmenter nos ventes là-dessus. C'est la seule façon. Regardez - je ne sais pas, dans votre comté de Bonaventure - allez acheter un billet, et je suis sûr que des gens ne vous l'offrent tout simplement pas parce qu'ils ne sont pas motivés à le faire. C'est tout simplement ça. La seule façon d'augmenter vos revenus: motivez vos détaillants. Mais on n'est jamais consultés, jamais. Comment voulez-vous qu'on soit performants sur ce que vous mettez? Et vous investissez des sommes incroyables dans ce système-là. La preuve: Loto-Québec s'en vient avec le système de «scanning»; actuellement, ils sont en train de changer les machines. Nous, on n'est pas consultés. C'est le gouvernement, c'est Loto-Québec qui prennent les décisions à nos dépens, à nous. Quand est-ce que le détaillant, celui qui a un système de terminal ou de loterie, les épiciers ici, vont être consultés, concrètement, avec Loto-Québec et non pas jouer à l'autruche? C'est important, c'est une question de vitalité.

M. Levesque: Évidemment, il s'agit d'une société qui a une certaine autonomie, mais ce que vous dites va être transmis intégralement.

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des Finances, malheureusement...

M. Levesque: Oui, je sais. Je voulais simplement dire ça...

Le Président (M. Lemieux): O.K. Allez-y, ça va. Ça va, M. le ministre.

M. Levesque: ...avec la permission - de la commission.

Le Président (M. Lemieux): Je comprends, un consentement...

M. Mayrand: Mais, M. Levesque, quand on...

M. Léonard: ...un consentement.

Le Président (M. Lemieux): Non. Alors...

M. Léonard: II se reprendra tout à l'heure; il va avoir la chance de revenir.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vous avez terminé votre exposé? Oui? Vous aviez l'impression d'avoir quelque chose à dire?

Mme Marois: On pensait que M. Savoie allait intervenir.

M. Gadbois: Juste deux éléments importants, parce que c'est des chiffres qu'on oublie, mais ils sont dans le mémoire. On fait référence au fait que 50 % des ventes de Loto-Québec sont des ventes impulsives. Nous sommes bien placés pour les faire; on a un intérêt particulier.

M. Léonard: 50?

M. Gadbois: 50 %. .

M. Léonard: 50 %.

M. Gadbois: Selon des études de Loto-Québec elle-même, on représente, nous, 70 % des ventes de Loto-Québec, au départ. Nous, tout ce qu'on vous dit aujourd'hui, c'est: On vous met au défi; c'est un beau défi, augmentez-les, regardez-les sur 6 mois. S'il n'y a pas eu d'augmentation, coupez-les et ramenez-les. C'est simple. On est des gens d'affaires, ici, on est là pour développer un marché. Si vous le faites, on va le signer. Je suis sûr que tout le monde ici... Augmentez la marge comme on l'a vu, et je vous dis que vous allez les voir monter, les ventes.

Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie. Je suis certain que M. le ministre des

Finances va prendre ça en considération. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

D'abord, je veux saluer l'Association des détaillants en alimentation, dont on a entendu parler avant Noël, en particulier au sujet d'un projet de loi dont tout le monde aussi a entendu parler, celui qui concernait l'ouverture des heures d'affaires, mais que le gouvernement a mis sous le boisseau parce que ça lui faisait mal, ce que la population lui disait et ce que les députés aussi lui disaient.

Alors, comme vous avez entendu le ministre des Finances, vous saurez que c'est le discours qu'il nous tient généralement: tout va bien, il n'y a pas de problème. C'est vous qui avez des problèmes, pas lui. Mais il y en a, des problèmes, Je pense qu'il faut les constater. Do toute façon, vous avez bien fait de revenir sur cette question du bris d'un accord. Il y a deux ans, sur la loi des heures d'ouverture, c'était supposé être un accord durable, gérable et équitable, mais il a été sabré par une mesure tout à fait exceptionnelle, au-delà des bâillons à l'Assemblée nationale, qui est celle de la suspension des règles dans un Parlement démocratique. Ça ne se fait pas souvent. Dans les dictatures, ça se fait, mais dans un Parlement démocratique, pas souvent. (12 heures)

Alors, messieurs, je voudrais faire porter mon intervention sur la question de la réforme fiscale. Il y a eu une réforme fiscale considérable au Québec et au Canada, introduite au début d'une récession, ce qui a entraîné des conséquences incalculables - dont la durée de la récession elle-même - depuis trois ans. Et on n'en est pas sorti. Le ministre parle de TPS et de TVQ, de l'harmonisation, et il dit: Nous avons réussi. Nous avons réussi. Je pense que, lui, peut-être, dit qu'il a réussi, mais la réforme n'est par réussie. J'en entends tous les jours parler, dès que je vais dans mon comté, des difficultés de perception, des difficultés de faire rapport au gouvernement. Et, maintenant, les détaillants sont obligés, pour faire leur rapport au gouvernement, de faire appel à des comptables. Donc, ils sont devenus, en quelque sorte, des comptables. Je sais quelle opinion vous avez sur les comptables - on en a entendu parler depuis le début de la commission - mais je dirai que là-dessus, ce qui arrive, c'est qu'on a obligé les détaillants à se muer en comptables et je dirai aussi autre chose, puisqu'on est dans le marché des détaillants et de l'alimentation, mais aussi les détaillants. Une des difficultés que nous avions pointée du doigt lors de l'adoption des mesures sur l'harmonisation, c'était la confusion qui s'introduirait dans le public sur les prix demandés au consommateur. Parce que vous avez le prix de la marchandise auquel on ajoute la TPS et, par-dessus, une taxe sur la taxe, etc., 15,56 %. Mais ce qui arrive, c'est que, comme on a laissé le tout ouvert, il y a des marchands qui la comprennent dans le prix de vente, d'autres qui ne la comprennent pas et d'autres qui en comprennent une des deux, de sorte que le consommateur ne sait plus comment s'y retrouver.

Le ministre des Finances dit: Nous avons réussi. Bien, je le laisse avec sa parole, parce que ce n'est pas notre opinion, loin de là. Mais, au-delà de ça, le fait d'introduire cette réforme à ce moment-ci, au moment où l'économie s'effondrait, a amené, finalement, une vaste contrebande qui, je suppose, va miner tout le monde, y compris le gouvernement. Ça, c'était l'art de se tirer dans le pied du ministre des Finances. Mais ce que vous avez établi, c'est que le chiffre de la contrebande, seulement sur la cigarette aujourd'hui, serait de 1 400 000 000 $. Bref, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que le tabac, c'est une chose; mais il y a aussi l'essence, il y a aussi l'alcool et il y a aussi toute autre espèce de marchandise que les Québécois vont acheter ailleurs pour éviter des taxes.

Alors, j'aimerais savoir si vous avez fait, au-delà du tableau que vous nous avez présenté sur le tabac, d'autres recherches et avoir votre opinion sur ces fameuses taxes, TPS, TVQ et autres, sur des produits précis comme le tabac, l'alcool et l'essence.

M. Lord: M. le Président, Gérald Lord, président du conseil d'administration de l'ADA et épicier aussi, de nature.

J'aimerais, dans un premier temps, répondre à M. Levesque et, si vous le permettez, sur la question du tabac, je passerais à Michel Gadbois qui est notre spécialiste là-dedans. J'aurais quand même deux choses à répliquer.

Premièrement, au sujet des loteries, juste un petit peu, quand M. Levesque a mentionné tantôt qu'il y avait maturité, je me demande pourquoi on se bat pour avoir des casinos s'il y a maturité dans le "gambling" au Québec. C'est juste en passant que je vous dis ça.

Quant à ce qui en est de la taxe, on a dit qu'en 1984... M. Levesque, je vous rappellerai la date, c'est le 1er avril 1984 que les 2 % nous ont été enlevés sur la taxe de vente. À ce moment-là, je crois que c'était très légitime parce que c'était une situation, disons, qui était là par habitude. Les gens payaient leur chèque, on enlevait 2 %. Là, à un moment donné, il a fallu trouver des façons - et il ne fallait pas toujours mettre ça sur le dos des citoyens -d'augmenter les taxes, et cette façon-là, c'était très facile. Et, d'ailleurs, il n'y avait aucun problème pour nous autres, parce qu'à ce moment-là, les taxes, c'étaient nos reçus de caisse. Ça disait, à la fin du mois, à la fin de la semaine: Tu dois 2100 $ au gouvernement. Ta taxe est là. C'est ce qu'on prenait, c'est ce qu'on envoyait et, ensuite de ça, vous nous

envoyiez des vérificateurs. Bon! Ça, c'était facile. C'était juste un ruban de caisse, point à la ligne. Et, lorsque le fédéral a institué la TPS, et vous êtes arrivés après avec la TVQ, ma première réaction, au premier chèque que j'ai envoyé - parce que ça a parti du 1er juillet - j'ai dit: Le gouvernement du Québec vient de faire une belle petite passe tranquille sans faire de bruit. Parce que je vous dirais que, dans le domaine de l'alimentation, si on prend, dans n'importe quel magasin, la section du savon au complet et de l'eau de Javel et ainsi de suite, la pharmacie, il y avait à peu près seulement là-dedans... Ce qu'on disait, c'était: tout ce qui fait de la broue, il n'y a pas de taxes. On avait ça dans nos magasins. C'était un peu une façon enfantine de dire à une nouvelle caissière: Tu ne charges pas de taxe. Mais, messieurs, la taxe est chargée, avec la TPS, au complet sur toutes ces allées-là. Ce qui a résulté que mon premier chèque que j'ai envoyé comme épicier a triplé le montant de la taxe de vente au Québec. Chez les dépanneurs, les plus petits secteurs, eux autres, étant donné qu'il y avait beaucoup d'items, ça a quintuplé. Et j'ai vérifié mes chiffres ce matin. D'ailleurs, chez nous, c'est vraiment ça qui est arrivé.

Maintenant est arrivée la TVQ, au 1er juillet. Vous avez des services d'une taxe sur un item au fédéral, il n'y en a pas au provincial. C'est ça qu'on vous dit, là; ça n'a pas de bon sens, tout l'ouvrage qu'on fait là-dessus. Et c'est clair, Hydro-Québec, la TPS, on l'enlève. Au Québec, la TVQ, on ne l'enlève pas. Il faut prendre toutes les factures, il faut travailler ça. Je pourrais vous dire qu'on met une personne, disons, peut-être à un tiers de temps de la semaine à travailler uniquement sur la facturation pour essayer de régler ça.

Et je ne vous dirai pas non plus les problèmes qu'on a à envoyer... Quand on envoie ça, malheureusement, avec tout ce stratège, tu es en retard un petit peu, vous avez une pénalité qui est partie de 10 % à 15 %. Et ça, ce n'est pas de l'intérêt, c'est une «shot». Si c'est 10 000 $, c'est 1500 $ d'amende. Ça n'a pas de bon sens! Donc, je voulais juste vous dire ça.

Et les cigarettes, je passe ça à M. Gadbois.

Une voix: C'est parce qu'il ne fume pas.

M. Gadbois: J'ai parié spécifiquement du côté détaillant de l'effet de la contrebande parce qu'on a l'honneur, à l'ADA, d'être les porte-parole de la Coalition québécoise pour la justice en taxation du tabac, qui va d'ailleurs faire une présentation de son mémoire, je pense... On avait dit le 16, mais la date va changer. Et, à ce moment-là, le mémoire porte spécifiquement sur tout l'aspect de la taxation du tabac. Alors, plutôt que d'hypothéquer certaines parties qui sont spécifiques au secteur alimentaire, je préfère juste parler de l'impact sur les détaillants. on a déjà eu des rencontres avec m. savoie, m. ryan, le cabinet de m. bourassa, l'automne dernier. on avait dit, à ce moment-là... regardez, depuis juillet 1991, on a vu la contrebande partir. on la chiffrait, à ce moment-là, à peu près à 10 %, 15 %. on a dit: réagissez. en ce moment, la cartouche de cigarettes vaut 28 $ sur le marché noir. o.k.? c'est ça qu'on sait. bon. on vous proposo la coalition s'ost rniso ensemble parce qu'on s'est dit: on va mettre tous les gens là-dessus pour avoir les chiffres, etc., pour bien comprendre tout le secteur. on proposait 32 $, le montant de la cartouche de cigarettes, taxe incluse dedans. et c'est évident que maintenant on ne peut plus vous proposer cela, parce que, sur le marché noir, c'est rendu à 20 $ ou 22 $ la cartouche.

Plus on attend, plus le marché baisse parce qu'il est concurrentiel. Et, ce qu'il y a d'extraordinaire - on devrait leur dire merci - ils sont maintenant rendus en Ontario parce que là le marché s'est bien développé. Et je peux vous dire qu'on a l'appui des détaillants ontariens, des détaillants... La fin de semaine dernière, je me suis offert une fin de semaine pour vous à Toronto, avec les autres, et on a discuté en profondeur des éléments qu'on devait mettre de l'avant, et eux vont commencer une campagne.

Vous voyez la campagne qu'on a mise en place. C'est bien parce qu'on a mal, on a très mal, surtout pour les dépanneurs, les petites surfaces, parce que l'épicier, il n'en vend plus depuis trois ans. Au coût où c'est, les gens ne les achètent plus à la cartouche, ça s'achète au paquet. Au paquet, ça s'achète chez le dépanneur. Les baisses sont énormes. On a comptabilisé les baisses, cette année, à peu près aux alentours de 118 000 000 $ les pertes pour nous, en ventes. On a comptabilisé les autres coûts au niveau de la criminalité associée au produit, ce qui est énorme. On est bien placé pour le savoir. On se fout de nos tiroirs caisses maintenant. Ce qu'on veut, c'est nos cigarettes. C'est normal parce que vous avez un marché parallèle qui est développé. Vous pouvez l'écouler, le produit. Bien, nos marchands, quand ils se promènent, quand ils vont chercher leurs paquets de cigarettes, ils vont chercher leur livraison dans les «Cash and Carry», etc., il faut qu'ils s'arment, il faut qu'ils se protègent parce que ça vaut une fortune, ce qu'ils ont dans leurs camions, d'une part.

D'autre part, si vous regardez les autres effets qu'il y a eus, les autres effets de coûts à supporter, il y a eu, évidemment, des pertes d'emplois. On les a évaluées aux alentours de 3500 incluant les faillites et les pertes d'emplois, parce que, finalement, pour certains dépanneurs, c'est 30 % de leur chiffre d'affaires.

Enlevez 40 % de 30 %, il est aussi bien de fermer parce que le dépanneur, sa marge de manoeuvre, vous le savez, est en bas de 1 % par année de profit net. Alors, c'est normal. Je veux

dire, on souffre beaucoup. On ne sait pas quoi faire. On a dépensé de l'argent, on a fait une campagne parce qu'on s'est dit: II va falloir que les gens nous appuient. On sait que les gens sont conscients, mais ils n'iront pas dans la rue demain matin. Ils vont peut-être y aller si on les aide, mais ils n'iront pas parce que les fumeurs sont bien contents, dans le fond. Ils sauvent le prix des cigarettes.

Mais les citoyens savent une chose, par exemple, en bout de ligne, c'est qu'ils vont devoir payer pour le manque à gagner. Ce n'est pas les fumeurs, là. C'est eux qui vont devoir payer pour et nous, pendant ce temps-là, on est prêts, on a même monté nous-mêmes, on a appuyé un projet d'augmenter à 18 ans l'âge auquel on peut vendre, et je peux vous dire que les pénalités sont très fortes. Nous, on prend des risques parce que plus vous êtes légaux, plus les risques sont forts, plus les pénalités sont fortes. Moins vous êtes légaux, moins vous êtes pénali-sables. (12 h 10)

Alors, on le sait, nous, qu'on se donne des pénalités supplémentaires en le demandant, mais on peut s'assurer au moins que le réseau va être respecté. Mais vous nous êtes arrivé avec une concurrence qu'on ne peut pas prendre. Elle va réduire, mais, vous savez, la décroissance de la consommation est la même au Canada qu'aux États-Unis. Les taxes n'ont rien à faire avec la diminution de la consommation; rien! Ce que vous pouvez faire, par contre, c'est beaucoup de campagnes publicitaires, beaucoup d'éducation avec l'argent que vous allez chercher sur les cigarettes. Si vous ne l'avez pas, c'est ça de moins que vous allez faire. Je pourrais en parler longtemps, mais il y a d'autres sujets qu'on présente ici, et je pense qu'on pourra faire le point sur la contrebande de cigarettes. Et les chiffres qu'on avance, on est très à l'aise avec. Malheureusement, je pense que vous allez avoir des déceptions, cette année. On a le nez collé sur la consommation, on sait combien on ne vend pas et ça ne se vend pas ailleurs que dans les débits illégaux. Vous savez où est-ce que ça se vend.

M. Léonard: M. le ministre a sûrement des choses à dire.

M. Savoie: Effectivement. M. le Président, vous savez qu'on était très intéressé par le mémoire que devait présenter l'ADA. Évidemment, on n'est pas déçu. Il y a plusieurs éléments, effectivement, qu'on voulait aborder et voir touchés par eux. Ça porte sur le principe que si vous nous aidez à développer des commerces, évidemment, les retombées pour le Québec y seront et ça devrait alléger les difficultés financières que nous connaissons de part et d'autre.

Un petit commentaire et, après ça, deux ou trois questions, si vous me le permettez. D'abord, au niveau de la taxe de vente, vous parlez de la hausse de 10 % à 15 % de l'amende. C'est vrai, il y a eu une hausse de l'amende de 10 % à 15 %, il n'y a pas de doute là-dessus; ce n'est pas dans un but, toutefois, d'aller chercher des revenus additionnels pour l'État, ce n'est pas ça qui est visé. Ce qui est visé vraiment, c'est de faire payer les délinquants par les amendes qu'on livre aux délinquants. On a, également, et vous devez le savoir, suite à des échanges que nous avons eus avec certains de vos représentants, de même qu'avec M. Décary des entreprises indépendantes canadiennes, décidé de réduire le temps, de 36 mois à 24 mois, justement pour... Vous savez que vous pouviez faire une erreur par 36 mois; maintenant, c'est une erreur par 24 mois. À la deuxième erreur, l'amende s'applique. Alors, on a calculé qu'on a équilibré un peu les choses de cette façon-là.

On va certainement examiner vos recommandations concernant la possibilité d'introduire un mécanisme à l'effet que, si vous êtes deux jours en retard, bien, l'amende sera une amende équivalant à deux jours et, si vous êtes une semaine en retard, à ce moment-là... On va regarder ça d'un petit peu plus près chez nous. On avait déjà sorti une note là-dessus et, suite au dépôt de votre mémoire, on va le regarder encore.

Au niveau, justement, du tabac, vous arrivez avec un chiffre élevé, très élevé. Vous dites que la situation doit se corriger. Vous évaluez à combien la baisse, en termes de taxes sur le tabac, que le Québec devra absorber pour, finalement, rééquilibrer le marché sur une période, disons, de 36 mois?

M. Gadbois: Ce qu'on vous propose, c'est... Comme on le sait, la seule façon d'arrêter la contrebande, c'est de la battre à sa propre raison d'être, c'est-à-dire le profit. Si on situe la contrebande aux alentours de 22 $ la cartouche, maintenant, à ce moment-là, c'est clair que, pour le consommateur, on présume - on va être bien placé pour vous le dire et on peut le tester - qu'aux alentours de 25 $, 27 $ la cartouche, prix de détail, toutes taxes incluses, ça devrait être l'élément incitatif pour faire une coupure immédiate. Si on ne le fait pas, à ce moment-là, on va tous y perdre, c'est-à-dire que vous allez perdre des revenus, on va perdre des ventes et la contrebande va continuer.

Ce que je vous dis, c'est que c'est tellement évident... Si on réussit à 25 $ - d'accord? - on va tuer la contrebande demain matin, avec tous les effets néfastes qu'on sait et qui sont beaucoup plus pernicieux que juste les effets sur nous. On a plusieurs choses dans la tête quand on parte de cela. Maintenant, par la suite, je pense qu'ensemble, nous, le nez collé sur le marché, on pourra penser à remonter les taxes à un niveau acceptable pour la population.

On connaît le seuil; le seuil est historique, ça ferait une étude aux HEC, si quelqu'un voulait faire une analyse sur l'élasticité des cigarettes. Maintenant, quel est le niveau qu'on va pouvoir le remonter pour que l'État se rattrape? je ne peux pas vous le dire immédiatement. Par contre, je peux vous dire que même si la demande qu'on fait en ce moment semble majeure, 50 %, et que la contrebande est à 50 %, ça ne prend pas du génie pour comprendre que la contrebande, l'année prochaine, va être à 60 % parce qu'elle est montée de 10 % à 40 % en moins d'un an. Alors, déjà, à 50 % vous allez être gagnants pour l'année prochaine. Vous allez gagner 10 % de revenus. En plus, au moins, vous ne serez pas touchés par toutes les faillites ou les pertes d'emploi, etc., qui sont reliées, depuis un certain temps, à la perte qu'on a dans ce réseau, la perte de ventes. Il faut le calculer, ça. On pourrait faire une étude scientifique, mais, le temps qu'on va faire l'étude, on va vous demander probablement dans six mois de le baisser à 18 $.

Or, le principe est fort simple. Je vais vous dire une chose que j'ai dite en public et même devant des anglophones. J'ai dit: Si le Québec voulait vraiment, le Québec a juste à se tenir debout et dire: Unilatéralement, nous baissons, nous, notre part de taxes de façon unilatérale et tout ce que vous allez faire, vous allez profiter de la contrebande légale des produits de tabac du Québec pour être vendus ailleurs au Canada. L'expression, je peux presque la citer. Vous me passerez l'expression: Tant qu'à se faire avoir au Québec, c'est aussi bien de faire avoir les autres. Mais ce n'est pas si bête que ça. Si vos collègues ne veulent pas suivre ailleurs au Canada, vous avez juste à vous lever et faire la menace et vous allez voir qu'ils vont faire des calculs rapides. Le NPD doit en faire des maudits en ce moment en Ontario.

Alors, je vous dis - et ce n'est pas une blague - que le gouvernement prenne position immédiatement et dise: Nous, on le fait unilatéralement, et vous allez voir la folie que ça va créer sur le marché, mais nous, au moins, on va profiter de ce marché-là jusqu'à temps que vous autres vous vous réveilliez.

Le Président (M. Lemieux): Je sais que M. le député de Saint-Louis a demandé la parole. Vous pouvez continuer, M. le ministre, parce que tout à l'heure j'ai malheureusement oublié M. le député de Saint-Louis qui m'avait demandé la parole avant M. le ministre du Revenu. Je m'en excuse M. le député de Saint-Louis.

M. Chagnon: De bonne heure. Une voix: Nous, c'était le premier.

M. Chagnon: M. le Président, je voudrais remercier les gens de l'ADA d'être venus témoi gner devant nous.

Le rapport que l'ADA nous soumet, contrairement à ce que disait le député de Labelle, je n'ai pas senti que le ministre des Finances se vantait de l'ensemble de l'harmonisation entre la TPS et la TVQ.

Nous sommes conscients, et je suis aussi conscient que lui, qu'il y a des problèmes d'harmonisation. On le vit dans nos comtés, on en reçoit, des demandes. On voit des gens qui nous disent: Bien, des problèmes de perception, des problèmes d'harmonisation en général, c'est une réalité qui devra s'améliorer le plus rapidement possible.

Dans votre document concernant la contrebande sur les cigarettes, vous avez fait référence au rapport Poulin. D'ailleurs, vous en avez fait rapport à quelques reprises. Quelques membres ici, des députés ministériels, ont été membres du rapport Poulin et ont travaillé sur des suggestions que vous reprenez dans votre document.

Le député de Bonaventure et ministre des Finances revendiquait l'honneur de pouvoir citer des objets qu'il a connus il y a quelques années. Je lui ferai part d'une lecture qu'il a dû faire à l'époque. C'est le rapport de la commission Bélanger, Marcel Bélanger, rapport sur la fiscalité en 1965 au Québec. En page 407, sur la taxe sur le tabac. Je vous le cite tout en faisant un clin d'oeil au ministre des Finances. Le rapport Bélanger disait ceci: «La taxe sur le tabac pourrait être accrue pourvu que son augmentation ne prête pas à la contrebande.» On est en 1965. Effectivement, je pense bien qu'il n'y a pas beaucoup d'autres solutions que de voir une décroissance de la taxe sur le tabac pour éviter une augmentation de la part de la contrebande dans le marché de la cigarette.

Quant à l'utilisation du vin dans les commerces en alimentation, vous avez fait une recommandation qui stipule que les vins de pays et les vins de cépages, quel que soit leur lieu d'embouteillage et sans se limiter aux huit marques formats embouteillées par la SAQ, doivent être vendus dans le réseau des détaillants en alimentation. À l'heure actuelle, n'êtes-vous pas responsables de la vente de tous les vins d'embouteillage local, tous les vins qui sont embouteillés localement? Est-ce que tous les vins embouteillés localement peuvent être vendus dans un dépanneur ou une épicerie? Tous les vins?

M. Mayrand: Tous les vins.

M. Chagnon: Même Mommessin, je ne sais pas quoi, moi?

M. Gautrin: Pas de réclame

M. Chagnon: Mommessin ou n'importe quelle autre marque embouteillée au Québec peut être

vendue chez vous? C'est oui ou c'est non? Une me dit non, l'autre me dit oui.

Mme Fortin: Les viniculteurs québécois ont l'exclusivité de nous fournir, chez les détaillants en alimentation. Toutefois, au niveau des marques comme Mommessin, ce n'est pas un produit qui est embouteillé ici. Par conséquent, ça, on ne peut pas l'avoir. Le règlement stipule bien qu'on peut avoir des vins sans appellation d'origine et sans indication de cépages. (12 h 20)

M. Chagnon: II n'y a pas de vins d'appellation contrôlée qui sont embouteillés ici?

Mme Fortin: Oui, et ce sont les huit marques formats embouteillées par la SAQ. Ce sont les seuls auxquels nous avons droit. Même à l'intérieur de ces huit marques formats, nous n'avons pas les huit. La SAQ a le choix de choisir ceux qu'elle veut nous envoyer, et l'exemple que M. Gadbois donnait au début, c'est l'histoire du Borrico Blanco et Borrico Negro, qui étaient de très bons vendeurs chez nous, qui étaient parmi les huit marques formats embouteillées par la SAQ. Ils étaient dans nos commerces, mais ont été retirés parce que, effectivement, ils avaient trop de potentiel. Et c'est un excellent vin.

M. Chagnon: II n'y a pas d'autres appellations contrôlées que celles employées par la SAQ.

Mme Fortin: Vous avez le Côte-du-Rhône, mais ce sont des marques d'appellation, et embouteillés par la SAQ.

M. Chagnon: Non, qui sont embouteillés par la SAQ.

Mme Fortin: Ces sont les Côte-du-Rhône, Nuit de la Saint-Jean.

M. Chagnon: Mais la revendication que vous faites, c'est de pouvoir vendre, en fait, tous les vins qui seraient des vins de pays ou des vins de cépages.

Mme Fortin: avec indication de cépages, des vins de pays. en fait, c'est de vendre un peu d'autres vins, d'offrir une plus grande gamme de vins chez nos détaillants.

M. Chagnon: Est-ce qu'il ne serait pas préférable de regarder une ouverture pour faire en sorte que l'embouteillage... Parce qu'il y a un marché pour l'embouteillage, je présume, au Québec, un marché local. Des compagnies comme Andrès, des compagnies qui font de l'embouteillage pour d'autres sociétés vinicoles françaises ou chiliennes?

M. Gadbois: Oui, mais il est fait sous contrôle... La majorité des produits - c'est assez complexe - sont faits à partir - comment on appelle ça, donc? - de sirops, je dirais, et ils sont reconstitués ici avec une valeur compétitive douteuse, je vous le jure. Mais ce n'est pas tellement cet aspect-là. C'est que si on regarde, on est quand même contrôlés. Notre marché, lui, il est là, et, pour vous reciter le rapport Poulin, je pense que l'approche qu'on préconise, quand on parle de privatisation...

M. Chagnon: Le rapport Poulin disait tout simplement, et je demeure tout à fait d'accord avec cette vision, que la SAQ devrait être privatisée. On devrait commencer par privatiser son secteur de l'embouteillage et, ensuite, privatiser le secteur de la distribution.

M. Gadbois: Exactement.

M. Chagnon: C'est ce que nous pensons.

M. Gadbois: Nous, ce qu'on vous dit, c'est que c'est absurde que la qualité et le contrôle, etc., se fassent par la SAQ. C'est tout à fait louable, ça doit se faire...

M. Chagnon: C'est ce que nous pensons aussi.

M. Gadbois: ...mais que nous nous trouvions en compétition sur un marché où nous offrons 10 000 points de vente versus 350, c'est absurde. Nous, on pourra développer les marchés dépendant du type de consommateurs que vous avez, comme on fait dans tous nos produits.

Alors, il y a une expression que M. Bouras-sa nous avait présentée la dernière fois, ce qu'il appelait «le striptease élégant de la SAQ». Je pense que c'est ça qu'on devrait regarder ensemble et ne pas se faire dire comment ça va se faire, mais peut-être travailler avec nous pour voir comment on peut le faire par étapes, de façon à toucher le moins possible les employés de la SAQ, parce que c'est ça, le problème principal. Et, pour l'amour du bon Dieu! ne mettez pas la SAQ seul décideur. Vous l'avez mentionné tout à l'heure, vous ne pouvez pas demander au loup de décider s'il veut manger ou non du mouton. C'est clair que, elle, c'est son marché. Elle a des revenus à générer pour le Conseil du trésor, au ministre des Finances.

Alors, ce qu'on veut, comme nous le dit continuellement le ministre Tremblay...

M. Chagnon: Enfin, je comprends mieux, M. le Président, l'élargissement qui est demandé par l'ADA. Je trouve que c'est plein de bon sens. De toute façon, la clientèle, les consommateurs de vins auraient une gamme de produits plus facile, plus près de chez eux et plus grande, plus sérieuse que ce qu'on retrouve actuellement.

Le Président (M. Lemieux): Un commentaire. Allez-y! Ça va, mais vous avez terminé, M. le député de Saint-Louis. Je m'excuse. Ça va.

M. Chagnon: Merci.

M. Gadbois: L'aberration aussi, c'est de nous faire vendre du vin à 8 % quand on sait que nos coûts d'exploitation sont à 15 % et que la SAQ, au départ, fait peut-être une marge brute bénéficiaire de 25 % ou 30 % avant de nous repasser le vin qu'elle embouteille. Quand on sait qu'il y a une manipulation - c'est de la vitre - les entrepreneurs que nous sommes en manipulent plusieurs, et il y a du cassage. On fait 8 %. Alors, c'est encore le jeu de Loto-Québec. Tout le monde veut vendre du vin, parce que tout le monde vend du vin, mais on ne peut pas toucher à un produit venant du gouvernement où on peut être rentable.

Encore là, on est les outils et on est comme le gars qui reçoit son compte d'Hydro-Québec, il n'a pas le choix de le payer.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency.

M. Fiiion: Merci, M. le Président.

J'aimerais, bien sûr, moi aussi, saluer les représentants de l'Association des détaillants en alimentation du Québec.

Je pense comprendre de votre mémoire qu'au fond, vous décriez, bien sûr, la situation de manque de revenus pour l'État. Vous vous rendez compte, vous qui êtes dans le champ, vous qui êtes les gens qui voyez ce qui se passe, qu'on doit couper, bien sûr, dans les dépenses publiques, mais on se rend compte du problème majeur du manque à gagner parce que le revenu, à toutes fins pratiques, s'en va vers une économie parallèle, dans une économie où on ne perçoit plus de taxes. Et la raison, c'est nos politiques fiscales qui, à toutes fins pratiques, sont exagérées et désincitent le consommateur à consommer dans un système structuré.

Et ça devient un fléau - et un fléau majeur - parce que la contrebande du tabac, pour moi, est un fléau dramatique pour les pertes d'emplois, les fermetures d'entreprises et le marché. L'économie qu'on avait, à ce niveau-là, est en train de disparaître complètement, uniquement par une augmentation désabusée ou même excessive de taxes.

On sait qu'en 1988-1989 le taux spécifique était de 4,52 $ pour 100 cigarettes. On l'a augmenté de 52 %, ce taux. Et c'est ce qui a été l'élément déclencheur. Et là, on se rend compte que cet élément déclencheur fait perdre à peu près toutes les sommes d'argent qu'on percevait. On percevait, en 1988-1989, 554 000 000 $, et là, on augmente les taxes depuis trois ans, et on perçoit moins. Les dernières statistiques, cette semaine: 478 000 000 $ qu'on prévoit percevoir avec la taxe sur le tabac au Québec.

Alors, on augmente des taxes, on perçoit moins d'argent qu'il y a trois ans. C'est un processus qui n'a pas de bon sens. Et, dans ce sens-là...

Une voix:...

M. Fiiion: Oui, vous avez tout l'appui de l'Opposition officielle. Vous savez, nous, le 17 novembre dernier, on dénonçait la situation et on disait: Écoutez, la solution, c'est de réduire les taxes. On n'a pas le choix, il faut réduire les taxes. Et je suis heureux de constater aujourd'hui l'ouverture du ministre en ce sens-là, qui demande de combien on devrait les réduire.

Alors, je pense que, là, on fait des pas et on devrait bientôt, j'espère, arriver à une politique de réduction de taxes sur la cigarette. Mais j'aimerais avoir aussi, en même temps, votre opinion sur le fait de changer la dynamique fiscale, parce que vous reprochez, au fond, des politiques fiscales actuelles. Nous, on a soulevé, au mois de janvier, le 22 janvier, qu'on devait changer la dynamique. Il faut arrêter de donner des retours de taxes sans poser de questions. On vend à des autochtones, on vend à des étrangers, on ne charge pas de taxes, puis on ne se pose pas de questions. Alors, nous, on a vraiment soulevé une dynamique différente, c'est-à-dire de charger la taxe aux gens, mais qu'ils demandent un remboursement de cette taxe, pour s'assurer que les produits sont bel et bien utilisés aux fins prévues.

D'ailleurs, aujourd'hui, on se rend compte que les députés conservateurs proposent de taxer les Indiens, pas uniquement sur le tabac, sur tout et que les autochtones puissent, par la suite, à l'aide d'un formulaire, démontrer leur consommation personnelle et qu'ils aient un remboursement uniquement sur leur consommation personnelle.

Alors, dans ce changement de dynamique... Parce qu'il faut bien les réduire, les taxes, je suis d'accord, mais vous ne pensez pas qu'on doive également changer la dynamique pour s'assurer qu'on ne se retrouve pas à nouveau dans un réseau de contrebande, pour toutes sortes de raisons, et qu'on puisse s'assurer qu'on prenne un meilleur contrôle et que ça ne revienne plus, cette contrebande?

Et ma question dans ce sens-là: Êtes-vous d'accord avec ce changement de dynamique d'une taxe remboursable?

M. Gadbois: II faut bien faire la différence entre les éléments de contrôle que vous présentez sur le territoire québécois et canadien et les éléments de contrôle qui ne peuvent s'appliquer sur le territoire québécois et canadien. À ça, je fais référence, entre autres, aux acheteurs de tabac américains qui, eux, je présume, si on décidait de faire une taxe ou ce genre de taxe là, même s'ils sont au pays, il y aurait un

remboursement qui est donné. Mais je peux, d'ailleurs, vous dire qu'avec le capital qu'ils doivent avoir en main, en ce moment, les entreprises qui fournissent la contrebande n'auraient pas besoin du remboursement à court terme. Vous pourrez les faire attendre. Ils refileraient, finalement, le remboursement, en bout de ligne, à l'autre groupe en-dessous, et c'est impossible, à ce moment-là, de, si vous voulez, retenir la contrebande par la proposition d'un retour, parce que si, finalement, on les rembourse, eux, ils vont refiler le produit sans taxes à toute une autre filière. (12 h 30)

Mais sur le territoire canadien, là, c'est totalement différent. Là, je suis entièrement d'accord qu'il devrait y avoir des contrôles. Je pense que la population appuierait, en tout cas, une proposition dans ce sens-là. Comme nous, si, effectivement, on a des contrôles sur nos affaires, on veut que les gens soient vérifiables.

Peut-être faire une petite digression, mais qui a amené pas mal de pression au niveau des heures d'ouverture...

M. Filion: Écoutez, moi, dans le sens où je vous la pose, la question est la suivante. C'est que vous ne donnez pas le remboursement au premier acheteur. Vous donnez le remboursement au détaillant qui peut démontrer que la consommation est bel et bien en milieu étranger ou bel et bien... oui, par un système d'impôt en main remboursable qui existe déjà d'ailleurs au niveau corporatif, au niveau fédéral, un système qui fonctionne au niveau des dividendes. On appelle ça un impôt en main remboursable au titre de dividendes et on s'assure que le remboursement est donné vraiment à l'actionnaire individu et non pas à une compagnie qui, à travers un circuit, ramasse l'argent et... Bon. On attend que ce soit l'actionnaire individu qui reçoive l'argent pour donner le remboursement. Alors, la mécanique, ce serait dans un système comparable, c'est évident, mais, en créant cette dynamique-là, vous allez identifier le réseau.

M. Gadbois: Je n'ai pas de problème avec le principe, mais tant que le principe est contrôlable. Où j'ai des préoccupations énormes, c'est à la fois quand on traite avec des entreprises en sol américain, ça peut amener des problèmes de contrôle, d'une part, et si le contrôle, dans le cas spécifique des cigarettes, se faisait, mais d'une façon absolument parfaite, tout ce que vous verriez comme différence, c'est des cigarettes américaines rentrer ici en concurrence avec les cigarettes canadiennes. Parce que tant que vous avez le problème d'une cigarette américaine qui se vend à 15 $ la cartouche, je peux vous jurer que les Québécois vont s'habituer aux Marlboro et aux Kent et à n'importe quoi si c'est à 15 $. Maintenant, je peux comprendre le principe de contrôle au niveau du territoire québécois, mais il faut comprendre que, dans le cas du tabac, on vit une concurrence sur une frontière que vous connaissez, qui a 900 km, qui a 140 routes non gardées, etc. Tant que le produit aux États-Unis va être à ce niveau-là, il n'y a qu'un seul moyen de tenir la vente légale, c'est que nos taux soient compétitifs.

M. Filion: Quand je parle de la dynamique...

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency, je m'excuse, c'est parce qu'il est déjà 12 h 34.

M. Filion: Oui, une dernière, M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Vous avez terminé votre temps. Là, vraiment, je suis obligé d'être un petit peu plus sévère.

Et M. le ministre, vous avez 15 secondes. Et je vous donne à vous aussi pas plus de 15 secondes.

M. Levesque: Simplement une précision pour aider à la discussion. Lorsqu'on a parlé que les revenus des taxes sur le tabac étaient inférieurs en 1992-1993 à 1988-1989, je pense qu'il y a là une petite nuance qu'il faudrait faire parce que, lorsque la TVQ est arrivée, on a diminué la taxe spécifique, mais on a ajouté la taxe de 8 %, de sorte qu'il faut ajouter les deux. Et dans ce que le député de Montmorency mentionnait tout à l'heure, il ne parlait pas des 8 %. Je pense qu'il faut comparer les choses également. Et les chiffres exacts sont qu'en 1988-1989, c'était 554 500 000 $, mais en 1992-1993, si on tient compte des 8 %, c'est 630 400 000 $ et non 478 000 000 $, parce qu'il faut ajouter 152 400 000 $ de taxe de vente. C'est simplement ça. Je ne veux pas en faire un débat.

M. Léonard: Vous ne voulez pas en faire un débat, mais vous comprendrez à quoi ça sert, la comparabilité dés états.

Le Président (M. Lemieux): Alors, sur ce, s'il vous plaît, nous suspendons nos travaux jusqu'à 14 heures.

Je vous remercie, messieurs et madame, de cette participation à cette commission parlementaire.

(Suspension de la séance à 12 h 34)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. Nous allons maintenant entendre, dans le cadre de la consultation générale et auditions publiques sur le financement des services publics

au Québec, le Mouvenent pour l'enseignement privé. J'invite ces personnes, s'il vous plaît, à bien vouloir prendre place devant moi, à ce qu'on appelle ici, dans le jargon traditionnel, la table des témoins.

Bienvenue! Permettez-moi de vous faire état des règles parlementaires. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire, et suivra un échange entre les deux groupes parlementaires d'une durée globale de 40 minutes: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle.

J'inviterais la personne qui a à faire la présentation du mémoire à bien vouloir nous présenter les personnes qui l'accompagnent et à commencer l'exposé de son mémoire tout de suite après, s'il vous plaît.

Mouvement pour l'enseignement privé (MEP)

M. Robert (Yvon): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de présenter Mme Denise Lapoin-te, vice-présidente; Mme Nicole Vandenberg, membre du conseil d'administration; et M. Rosaire Legault, secrétaire du Mouvement.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous sommes prêts, monsieur, à vous écouter sur l'exposé de votre mémoire.

M. Robert: M. le ministre, Mmes et MM. les députés, le Mouvement pour l'enseignement privé a été fondé en 1983 et il regroupe 27 000 familles dont les enfants fréquentent l'école privée au Québec. Ses membres sont en très grande majorité des parents, mais il compte également des administrateurs scolaires, des enseignants et des étudiants. Le Mouvement compte sept sections régionales et il travaille en étroite collaboration avec les autres associations de l'enseignement privé, dont quatre ont un représentant à son conseil d'administration. Le MEP s'exprime non seulement au nom de ses membres en règle, mais également au nom de 80 % des Québécois dont les sondages révèlent, année après année, qu'ils sont favorables à l'école privée. Je pense qu'on vient ici, aussi, très confiants de l'écoute qu'on a obtenue du gouvernement depuis les dernières années et des ministres de l'Éducation qui se sont succédé. Bien sûr que la réponse n'est pas toujours égale à nos attentes, mais je pense qu'il y a eu un effort d'écoute et d'attention avec la levée du moratoire et les mesures qui ont pu suivre.

Nos gouvernements éprouvent des difficultés budgétaires croissantes, quel que soit leur niveau de responsabilité. Le financement des services publics pose des problèmes dont l'importance risque de mettre en cause le type de société que nous avons construit jusqu'à maintenant et de menacer le niveau de vie enviable dont nous bénéficions.

Bien sûr, la conjoncture économique défavorable que nous traversons exercé une influence non négligeable sur l'état des finances publiques; d'une part, les entrées de fonds sont moins importantes que prévues depuis quelques années et, d'autre part, l'accroissement des dépenses vient ajouter au déséquilibre qui se traduit par des déficits budgétaires records. Toutefois, il ne faudrait pas croire qu'une fois les problèmes d'ordre conjoncturel réglés la situation budgétaire de nos gouvernements, notamment celui du Québec, reviendra sans plus d'effort au beau fixe et que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. (14 h 10) «Les difficultés budgétaires persistantes du Canada sont dues à l'apparition d'un déséquilibre structurel entre les dépenses et les recettes publiques - qui tient essentiellement à une forte augmentation des dépenses - au cours de la décennie qui a suivi le premier choc pétrolier.» Voici la conclusion à laquelle en arrive l'OCDE dans sa plus récente étude sur l'économie canadienne.

D'un budget à l'autre, il apparaît clairement que les administrations ont pratiquement perdu le contrôle de leurs dépenses. La conséquence est affolante: le ratio dette publique nette/PIB est passé d'environ 10 % du PIB au début des années quatre-vingt à 50 % maintenant. En 1979, notre performance à cet effet nous valait le deuxième rang du Groupe des Sept, tout juste 1 % derrière l'Allemagne, alors que, maintenant, seule l'Italie offre une plus piètre performance que la nôtre. Je pense que c'est des chiffres qu'on a trouvés dans le document que le gouvernement a publié lorsque notre mémoire a été complété, parce qu'on a reçu le document à peu près en même temps qu'on a envoyé notre mémoire à Québec.

Dans ce contexte où l'urgence d'agir ne fait plus de doute pour personne, le Mouvement pour l'enseignement privé propose un élément de solution qui mérite d'être examiné avec soin. Bien sûr, nous ne prétendons pas que l'approche que nous proposons dans le domaine de l'éducation réglera tous les problèmes financiers du gouvernement. Toutefois, compte tenu de l'état des finances publiques, nous croyons que tout élément de solution réaliste doit être considéré attentivement.

En raison des activités qui lui sont propres, le Mouvement pour l'enseignement privé n'est pas un nouveau venu sur la scène publique. Depuis sa fondation, il a soumis des représentations concernant l'éducation à différentes instances, notamment à la commission parlementaire sur la fiscalité, à la commission parlementaire sur le financement des universités, à la commission sur l'avenir de l'enseignement collégial, à la commission parlementaire sur l'enseignement privé et à la commission Bélanger-Campeau. Plusieurs de ses recommandations allaient dans le même sens que des propos mis de l'avant par les membres de la

Commission royale sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada concernant l'enseignement privé, et d'autres recommandations rejoignaient les orientations contenues dans le rapport Gobeil en 1986, mis sur pied par le gouvernement actuel.

Dans le domaine de la fiscalité et de l'administration des finances publiques, le Mouvement pour l'enseignement privé a échangé une correspondance suivie avec les titulaires qui se sont succédé aux ministères du Revenu et des Finances au cours des dernières années. Cette correspondance permet de suivre l'évolution des mentalités qui s'est produite au fil des ans et de mieux comprendre le bien-fondé de l'approche proposée par le Mouvement en matière de financement d'une partie de l'éducation au Québec.

Les faits. En 1990-1991, il y avait 423 institutions privées au Québec. Au préscolaire, on en comptait 107; au primaire, 95; au secondaire, 166; et, au collégial, 55. 60 % sont dirigées par des communautés religieuses, 256 «déclarées d'intérêt public» ou «reconnues pour fins de subventions» et, en conséquence, étaient «subventionnées» par l'État. Les clientèles: la même année, 119 609, réparti de la façon suivante: 3025 au préscolaire, 22 000 au primaire, 73 000 au secondaire et 21 000 au collégial.

Le secteur public, à ce moment-là, comptait plus de 1 000 000 d'élèves, ce qui fait que la clientèle du privé représentait 10 %. Il est intéressant de noter qu'en 10 ans la clientèle du privé a augmenté de 13,66 %, alors que celle du public a diminué de 12,78 %.

On rappelle ensuite le droit à l'enseignement privé reconnu par la loi. C'est dans le préambule de la loi qui créait le Conseil supérieur de l'éducation en 1964: «Les parents ont le droit de choisir les institutions qui, selon leur conviction, assurent le mieux le respect des droits de leurs enfants; les personnes et les groupes ont le droit de créer des institutions d'enseignement autonomes et, les exigences du bien commun étant sauves, de bénéficier des moyens administratifs et financiers nécessaires.»

Cela fait partie du contrat social. La Loi sur l'enseignement privé, adoptée en 1968, s'y réfère explicitement Cette loi a conféré un statut légal à l'enseignement privé et lui a donné le droit à un financement équitable du gouvernement. C'est sur ces mêmes principes que repose la nouvelle Loi sur l'enseignement privé adoptée à l'Assemblée nationale en décembre dernier.

La loi de 1968 a établi que les écoles privées «déclarées d'intérêt public» recevront par élève une subvention égale à 80 % du coût d'un élève du secteur public pour l'année précédente.

En juin 1981, la loi 11 modifiait ce mode de subvention par pourcentage. Le gouvernement fixait alors par décret un montant de base. Le secteur privé s'est vu imposer du même coup des coupures budgétaires qu'interdisait pourtant jusque-là la loi de 1968. Le résultat est dramatique: de 80 % en 1968, c'est devenu 52 % en 1991-1992. La nouvelle loi 141 a très légèrement permis d'améliorer la situation.

En 1986-1987, l'État a versé une subvention par élève de 2588 $ au secondaire privé. Au secteur public, le même élève aurait coûté 4897 $... Ça, ça a été tiré d'une étude faite par la firme Laliberté, Lanctôt, Coopers & Lybrand qui a tiré ces chiffres du rapport Ristic, qui avait été demandée par le gouvernement du Québec à l'époque. Sur cette base, l'enseignement privé épargne annuellement au Trésor québécois environ 300 000 000 $.

Les parents qui exercent le droit que leur confère la loi d'envoyer leurs enfants à l'école privée subissent un triple fardeau: ils paient comme tout le monde l'impôt sur le revenu, ils paient l'impôt scolaire et ils paient les frais de scolarité et les frais de transport qui sont en hausse à cause du refus de l'État d'assumer ses responsabilités face à eux. À titre d'exemple, au niveau secondaire, les frais de scolarité ont doublé en 12 ans. Par ailleurs, en même temps, la loi fixait un plafond aux frais de scolarité, ce qui veut dire que, d'une part, l'État leur coupe pratiquement les vivres et, d'autre part, leur interdit de recourir aux moyens nécessaires pour faire leurs frais.

Les conséquences sautent aux yeux: plusieurs institutions privées d'enseignement éprouvent des difficultés sérieuses. Depuis le début des années quatre-vingt, une dizaine d'établissements ont dû fermer leurs portes.

Les parents qui choisissent l'école privée subventionnent l'école publique, contrairement à ce qu'avancent, entre autres, les syndicats. Le coût de l'éducation représente l'un des postes budgétaires les plus importants du gouvernement du Québec. Il s'agit du tiers des dépenses publiques. L'éducation requiert environ, primaire-secondaire, 7 000 000 000 $ par année.

Compte tenu des sommes en cause et du rôle capital que joue l'éducation dans l'édification d'une société compétitive sur la scène mondiale, la qualité de la gestion des fonds publics en éducation revêt une importance cruciale. Notre avenir collectif passe par notre capacité de maintenir un système d'éducation de haut calibre et d'obtenir le rendement maximal de chaque dollar investi. À cet égard, nous avons déjà établi que l'élève inscrit dans une institution privée ne coûte à l'État qu'environ la moitié des déboursés qu'entraînerait son inscription à l'école publique. Actuellement, 120 000 élèves inscrits à l'école privée permettent à l'État québécois d'économiser 300 000 000 $ par année.

De plus, personne ne peut sérieusement mettre en cause la qualité de l'enseignement et de l'éducation dispensés dans les institutions privées. Les sondages, dont celui effectué pour le compte de la CEQ, de nombreuses études de même que les résultats aux examens du ministère

ont fait ressortir le haut niveau de qualité des services dispensés dans les institutions d'enseignement privées au Québec.

En conséquence, il tombe sous le sens que l'État, comme tout l'ensemble des Québécois, aurait tout avantage à mettre en place des moyens susceptibles de permettre à un plus grand nombre de citoyens qui le désirent de se prévaloir de leur droit de choisir l'école privée pour leurs enfants. À cet égard, tous les sondages démontrent clairement, année après année, que l'école privée jouit du support d'environ 80 % de la population qui s'y dit très favorable ou assez favorable, et une importante majorité choisirait l'école privée pour ses enfants si elle pouvait mettre en pratique son droit de le faire: 57 % à Montréal, selon le sondage SOM-Les Affaires, qui date de septembre 1992 (14 h 20)

En mettant en place les moyens requis afin qu'un nombre plus important de parents puissent exercer leurs droits en matière d'éducation, l'État québécois se rapprocherait de l'atteinte de plusieurs objectifs qu'il poursuit. S'il se dotait de moyens d'alléger son fardeau financier, il assurerait l'exercice d'un droit qu'il a lui-même octroyé aux citoyens et il ferait un pas de plus vers la réduction du taux de l'abandon scolaire qui afflige nos jeunes. En fait, des études ont démontré que le taux d'abandon est beaucoup moins élevé dans les institutions privées que dans les écoles publiques à cause, notamment, de l'encadrement plus rigoureux des étudiants qu'on y pratique, le tout en réduisant l'effort fiscal exigé de l'ensemble des contribuables.

La formule peut être très simple: celui qui paie les frais de scolarité déduit ce montant, en tout ou en partie, de son revenu imposable; celui qui n'a pas à payer d'impôt, ou peu, en raison de son faible revenu, reçoit un remboursement. C'est la formule du crédit d'impôt. Il est à noter qu'en raison de sa facilité d'application et des nombreux avantages qu'il offre, le système du crédit d'impôt progresse très rapidement aux États-Unis. Chez nous, la commission Macdonald et le rapport Gobeil ont appuyé cette orientation.

Il y a tout lieu de croire, en nous appuyant sur les résultats des sondages déjà mentionnés et en utilisant des hypothèses prudentes, que la levée des obstacles réglementaires et financiers à l'expansion du secteur privé permettrait au Trésor public de réaliser des économies très importantes tout en augmentant son assistance à l'école privée et en en favorisant l'accessibilité.

Une étude intéressante a été réalisée par deux professeurs de l'École nationale d'administration publique. La conclusion qui se dégage de cette étude est la suivante: «Aussi longtemps que le crédit fiscal est inférieur à l'excédent du coût moyen par élève du secteur public sur la subvention moyenne au privé, le budget public, et donc les contribuables, y gagne à chaque fois qu'un élève se déplace du secteur public vers le secteur privé. » Compte tenu des coûts et des populations en place dans les secteurs privé et public lorsque l'étude a été effectuée, c'est-à-dire en 1987... Il y a un exemple qui a été fait, à ce moment-là, et je dis bien un exemple: pour un crédit fiscal de 500 $, il suffisait de déplacer 3, 6 % de la clientèle du public vers le privé pour que les coûts soient nuls.

Des précédents. Le crédit d'impôt est un instrument déjà utilisé dans plusieurs secteurs afin (l'inciter les citoyens à adopter des compor-tements bénéfiques pour la société ou encore pour faciliter l'exercice de certaines pratiques jugées dignes d'intérêt public. Le traitement fiscal exceptionnel accordé aux investissements réalisés dans le cadre du Fonds de solidarité de la FTQ illustre bien cette préoccupation de l'État.

Il en va de même en ce qui a trait aux crédits d'impôt pour la recherche-développement universitaire, pour le crédit d'impôt pour frais de garde d'enfants, pour le crédit d'impôt dans le cadre d'un régime d'épargne-études, pour le crédit d'impôt accordé par le gouvernement fédéral aux élèves qui défraient leurs frais de scolarité, aux niveaux collégial et universitaire, pour ne citer que quelques exemples. Le crédit d'impôt n'a donc rien d'une approche révolutionnaire dont on ne connaît pas les répercussions à moyen ou à long terme.

Ce qu'il faut conclure de cet exercice, c'est que, dans des conditions réalistes et en nous fondant sur des hypothèses prudentes, l'institution de crédits fiscaux contribuerait de façon intéressante à comprimer les déficits budgétaires gouvernementaux, favorisant l'atteinte des principes de justice et d'équité, tout en ayant un impact non négligeable sur l'amélioration de l'efficacité de l'école publique, suite à une concurrence accrue avec un secteur privé doté de moyens adéquats de faire son travail, conformément à l'esprit de la loi qui garantit le libre choix de l'école aux parents québécois.

Par son caractère récurrent, l'économie due à l'enseignement privé a un effet bénéfique sur le déficit et la dette du gouvernement. Dans ce contexte, toute la société québécoise y gagnerait si les conditions de choix de l'école étaient rendues plus conformes aux principes de liberté, d'équité et de stricte justice. L'encouragement fiscal, gratuit pour le Trésor public, et l'éventuel accroissement des clientèles qu'il entraînerait représentent des facteurs positifs à la portée de l'État dans sa recherche d'un assainissement des finances publiques.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le président du Conseil du Trésor, la parole est à vous.

M. Johnson: Merci

M. Robert, mesdames, messieurs, je veux

vous remercier de votre présence ici aujourd'hui, de la présentation que vous avez faite sur une des caractéristiques du système d'éducation du Québec. Ce partage qui existe, et que les gens continuent à souhaiter, donne au Québec en cette matière-là un visage que peut-être d'autres nous envient. Mais ce que je veux relever, et je le redis, dans le cadre d'une commission où on veut parler de fiscalité, de dépenses publiques, de déficit et d'emprunt, c'est les impacts de certaines de vos propositions, évidemment, sur les finances publiques.

Central à votre raisonnement est l'énoncé suivant: que le transfert d'un élève du public au privé représente une économie pour le Trésor public. Disons qu'il n'est pas question, d'abord, de remettre en cause l'existence du secteur privé, et on n'a pas remis en cause encore récemment les subventions au secteur privé. La preuve, c'est qu'on n'a pas discuté de l'existence ou pas des subventions, on a discuté du niveau de subventions dans le secteur privé. Alors, ce n'est pas ça qui est en cause ici. Ce sont les limites de cette coexistence du public et du privé.

Je vais aller directement à la question. En page 10, évidemment, vous citez l'étude de M. Migué: Aussi longtemps qu'un crédit fiscal éventuel au titre des frais de scolarité payés serait inférieur à la différence qu'il y a entre le montant de la subvention qui continuerait à être versé et l'excédent du coût moyen dans le secteur privé, on y gagnerait à chaque fois qu'un élève se déplace du public au privé. J'aimerais que vous m'expliquiez comment ça peut demeurer vrai à la limite extrême où tous les élèves iraient au privé, sachant - et c'est ça qui est fondamental - qu'on a un stock de centaines, que dis-je, de milliards de dollars d'investissements publics qu'on a consentis pour le secteur public qui va continuer à exister, qu'il y aura des classes qu'on va vider et, donc, des édifices du secteur public qui vont être carrément vides. Vous allez me dire: Non, non, non, ne construisez pas d'autres écoles; nous, du mouvement de l'école privée, allons acheter ces actifs pour y opérer nos écoles privées. Je vous demande donc: À la limite, qu'advient-il de l'éducation au primaire-secondaire, gratuite, universelle, pour tous les Québécois, et de cette accessibilité, donc, qu'on doit donc maintenir?

Nous avons un système où on maintient le choix. Je pense que, là, on se rejoint, il n'y a aucun problème de ce côté-là. Mais quelles sont les limites de ce choix-là? C'est ça qui est en cause. Dans un cas où l'État est en déficit, vous nous demandez, dans le fond, des fonds additionnels pour faciliter le transfert du public vers le privé. Vous nous demandez d'emprunter de l'argent, essentiellement. Parce que, je le rappelle, l'école publique demeure, il y en aura encore et on va continuer à payer pour les professeurs, le chauffage, les immobilisations, et tout et tout. Le transfert, si on se fie au profil - et c'est ça que je voudrais que vous m'expliquiez, là, franchement - si on se fie au profil de la clientèle du privé, on y voit passablement moins de cas lourds, à tout point de vue, que ce qu'on retrouve dans le public où il y a accessibilité, universelle et gratuite. On voit que les programmes pédagogiques sont probablement moins coûteux. On met l'accent sur la formation générale, sciences humaines, et non pas sur les techniques et technologies de pointe qui coûtent extrêmement cher, évidemment, si on veut s'équiper et les enseigner.

Alors, il y a tout ce mélange-là, du privé et du public, qui n'est pas parfaitement comparable. Et je cherche avec vous - parce qu'on a des difficultés d'équilibre budgétaire - je cherche avec vous jusqu'où peuvent aller les économies réelles dans le transfert du public au privé. Évidemment, je vous demande en même temps: Quelle est la rentabilité? Comment calcule-t-on la rentabilité de privatiser le système d'enseignement primaire-secondaire?

Alors, c'est la question de fond, évidemment. Je sais que vous allez avoir des éléments de réponse, c'est entendu, mais je veux que vous sachiez qu'on ne remet pas en cause l'existence du système. On cherche les limites de la liberté. (14 h 30)

M. Robert: Je pense que ça pourrait faire l'objet de toute une autre commission parlementaire, votre première question, pas d'une réponse. Parce que les limites, vous les avez déjà fixées au mois de décembre en adoptant la loi 141 et en créant, à l'intérieur de la loi 141, toutes les embûches administratives dont on est venu vous parler. Il y en a quelques-unes qui ont été corrigées, mais la plupart sont restées. Penser qu'il y aurait une explosion du développement de l'enseignement privé demain matin, ce serait faire de la science-fiction. Ce qu'on a ici, on a une étude qui a été faite par la CEQ là-dessus en disant: Si vous n'arrêtez pas de financer le privé, eux prévoient que le secondaire qui était, en 1988, de 16 % de la clientèle, selon eux, avec une progression constante, il serait de 23 % en 1995. Donc, il ne faudrait pas s'attendre à une explosion.

Actuellement, au secondaire, il continue à y avoir de la demande, parce que le privé n'est pas uniformément répandu sur le territoire du Québec. Quand on a créé le collégial de toutes pièces, quand on a créé le cégep de toutes pièces, on a, dans certains cas, comme on le fait encore, comme on l'a fait dans les derniers mois... Quand on fait disparaître du privé collégial, on fait disparaître du secondaire en même temps. Je fais référence au cas de Marie-Victo-rin. Il y a des places qu'ils ont perdues, mais les gens ont reconstruit petit à petit. J'ai déjà apporté ici, en commission parlementaire, l'exemple de Baie-Comeau qui, lors des années soixante, avec la création du collégial, a perdu son

secondaire privé. Ils l'ont reconstruit. Donc, ce n'est pas une augmentation énorme qui se produit.

Et quand on parle de crédits d'impôt, ce qu'on veut aussi, c'est que le gouvernement reconnaisse l'effort des parents. On fait économiser 300 000 000 $. Mais ce que je n'ai pas trouvé dans votre document, c'était que les parents, par les frais de scolarité, le transport qu'ils paient et les autres dépenses, contribuent pour au-delà de 120 000 000 $ au système d'éducation du Québec. Je n'ai pas trouvé ça dans le document. Je n'ai peut-être pas eu le temps de le faire, de trouver quelle était la contribution des parents par les frais de scolarité, parce que quand on dit au Québec, il ne faut pas oublier qu'il y a encore 16 000 élèves qui ne reçoivent aucune subvention dans le réseau des 120 000 dont on parle. Quand on parle du privé, on parle de 120 000 élèves. Il y en a au moins 16 000 qui ne reçoivent aucune subvention. Mais, quand on voit aussi qu'au primaire... la proportion de la clientèle d'élèves au primaire est très faible.

Donc, la mesure dont on vient vous parler est une mesure pour empêcher l'État de voir ses dépenses augmenter, parce que chaque fois que le privé ferme, à quelque part, ces élèves-là doivent être absorbés par le réseau public. En d'autres termes, quand la CEQ vient nous dire: C'est effrayant, le public est en train de mourir à cause du financement qu'on offre au privé, il ne faut pas oublier qu'on a 10 % de la clientèle et 5 % du budget. Eux autres, ils disent: On va tout prendre les 10 % avec les 5 % du budget. J'ai de la misère à suivre leur raisonnement. Ils disent qu'ils amélioreraient leur situation en récupérant 10 % de la clientèle avec 5 % du budget. C'est tout un calcul!

Probablement que vous vous êtes déjà penché là-dessus. Ça fait que le problème qu'on vient vous dire, on dit: Si vous voulez maintenir et permettre un développement, puis surtout reconnaître l'effort que les parents - c'est dans ce contexte-là qu'on vient vous voir - font pour développer l'enseignement privé.

M. Johnson: O.K.

M. Robert: On veut que ça soit reconnu. C'est dans ce contexte-là qu'on vient, puis on n'a pas fixé encore... Si vous remarquez, à nulle part dans notre mémoire, on n'a fixé le niveau du crédit d'impôt. On ne l'a pas fixé. On pense que c'est discutable, ce niveau-là. Mais ce qu'on veut, c'est que l'effort que les parents font par rapport à l'enseignement privé soit reconnu, puis on va exactement dans le même sens que votre groupe de travail, en 1986, qui disait: C'est important de garder le privé si on veut garder une saine concurrence. C'est important même d'aider les parents à avoir la liberté de choix. On va dans le même sens que le rapport qui a été fait, puis ce n'est pas si loin que ça, en 1986, par le même gouvernement.

Le Président (M. Lemieux): M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, très brièvement. Je vais être bien clair encore une fois que vous avez des alliés de ce côté-ci.

Une voix:...

M. Johnson: Oui, oui, vous n'êtes pas obligé de l'espérer. Votre espoir est réalisé.

M. Robert: Oui, d'accord, d'accord.

M. Johnson: Bon, ce que je voulais savoir, parce que c'est important lorsqu'on plaide auprès de l'État que nous mettions davantage de ressources là-dedans, pour quelque raison que ce soit, la reconnaissance des sacrifices financiers que font les parents, la majorité des gens au Québec dans les sondages souhaitent le maintien de l'école privée, soit que leurs enfants y sont allés, qu'ils y sont eux-mêmes allés, qu'ils y vont actuellement ou qu'ils aimeraient y aller. Donc, cette liberté-là existe. Elle existe plus qu'ailleurs, je dirais, elle est plus accessible qu'ailleurs.

Vous me direz: Non, non, non. Le nombre de places prévues par les permis... Simplement vous dire qu'ailleurs il n'y a pas seulement, par exemple, 16 000 étudiants ou élèves qui n'ont aucune aide financière de l'État. Ailleurs, la règle, c'est que personne n'est subventionné. L'école privée, c'est l'école privée, point. Les subventions, en Ontario, pour l'école privée, c'est zéro. Ce n'est pas 52 %, 64 %, 70 %, 80 % du coût d'un élève au public; l'an dernier, c'est zéro, une école privée. Mais on maintient ça ici, là, le régime mixte qu'on a, parce qu'il y a des avantages, parce qu'il y a de l'histoire, parce que ça donne un choix, et c'est intéressant. On a décidé de financer ce choix-là.

Vous voulez qu'on en finance davantage. C'est essentiellement ça que vous venez nous demander aujourd'hui, là. Vous voulez qu'un État qui est en déficit dépense ou investisse. Vous allez me dire investir, mais c'est ça que je vous ai demandé, tout à l'heure: Pourquoi c'est rentable de mettre un autre pour cent ou un autre dollar dans l'aide aux transferts du public au privé des élèves québécois? Il y en a seulement un qui change, du public au privé, qu'on financerait par un crédit d'impôt ou autrement. Comment est-ce plus rentable que, ou bien de diminuer le déficit, ou bien, évidemment, d'investir, s'il y avait la marge de manoeuvre nécessaire dans le système public, avec la variété de programmes qu'on y retrouve, évidemment, comparativement à ce qu'on retrouve dans le secteur privé?

Alors, j'aimerais vraiment, M. Robert, que vous puissiez me donner des éléments de réponse qui viennent appuyer, je dirais, cet appel que vous faites à nouveau a des sommes additionnelles du côté du secteur privé.

M. Robert: Bien sûr. Je vous en ai déjà fournis et j'ai même ici un document qui s'appelle «Mémoire adressé au président du Conseil du trésor». Ça a été fait le 1er février 1991, parce que les exemples, ça ne se fait pas dans le vide. J'avais fait ça pour le secteur de la région de Saint-Jérôme. On a montré comment, en cinq ans, en aidant à la création d'une école privée dans un secteur donné, quelles étaient les économies que le gouvernement avait pu réaliser, parce qu'il n'y a pas eu de bâtisses vidées. Au contraire, on demande encore des écoles. On dit qu'on enseigne dans les sacristies et un peu partout parce qu'il manque de place.

Donc, sans construire de nouvelles places, sans mettre de personnel à pied, j'avais établi assez clairement, puis je ne voudrais pas recommencer ça, puis j'ai fait valider les chiffres, à ce moment-là, par une firme comptable...

M. Johnson: On l'a vu.

M. Robert: ...ce qui fait que, sur une période de cinq ans, les économies sont assez importantes, et je pense que ça pourrait s'appliquer dans d'autres régions du Québec.

Je vais vous donner ça exactement, là. S'ils étaient indexés en cinq ans, ça représente 5 000 000 $. Ça fait que c'est dans ce contexte-là, puis il faut parler que l'enseignement privé - je vous l'ai dit tout à l'heure - n'est pas réparti également au niveau du Québec. Il se retrouve concentré surtout dans les régions qui sont en croissance, actuellement, quand on pense à fa région du sud de Montréal, la région nord de Montréal et ainsi de suite.

Mais c'est pour ça que je ne voudrais pas qu'on fasse de la science-fiction, qu'on parle de choses bien concrètes qui existent. Si, dans la région de Montréal, vous trouvez actuellement 60 % de l'enseignement privé qui est concentré, demain matin, bien, s'il fallait qu'il n'y ait pas de mesures pour permettre de se développer et de se maintenir, ça vous coûterait combien d'écoles que vous devriez construire ou acheter? Elles ne se vendraient peut-être pas aussi bon marché que la dernière que vous avez achetée, mais il y aurait certainement des coûts à ça. Il faudrait regarder ça dans ce sens-là aussi de remplacer 60 %, ce qui veut dire 50 000 élèves, grosso modo, considérer comment ça prendrait de polyvalentes ou d'écoles secondaires pour les remplacer. Actuellement, c'est pour ça, quand on parle d'une économie de 300 000 000 $, on dit: Ce n'est pas un maximum, c'est un minimum, parce qu'on ne compte pas tout là-dedans.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la députée... M. le député ou Mme la députée. Mme la députée de Taillon, s'il vous plaît.

Mme Marois: Merci, M. le Président.

Alors, je voudrais, à mon tour, vous souhaiter la bienvenue au nom de notre formation politique. Je pense que vous identifiez bien globalement le problème quand vous dites, à la page 2 de votre mémoire, que nos problèmes budgétaires sont d'abord et avant tout structurels, et seules les solutions qui s'attaquent à la racine des problèmes nous offrent des chances de rétablir le nécessaire équilibre dans nos finances publiques. (14 h 40)

Vous n'élaborez pas davantage, mais je crois que, depuis le début de nos travaux à cette commission, on constate très clairement que, si, au plan économique et au plan de l'emploi, la situation ne s'améliore pas, que les ressources continuent à rentrer au compte-gouttes et, par contre, que les dépenses s'accroissent, on est effectivement devant un problème qui risque de s'amplifier. Donc, c'est dans ce sens-là que, moi, je fais la lecture de ce que vous nous présentez aujourd'hui.

Je ne reviendrai pas sur ce que le président du Conseil du trésor a posé comme question et je partage ses craintes quant à la solution que vous proposez, dans le sens où je ne crois pas qu'elles donnent les effets que vous semblez escompter d'une solution comme celle-là. Cela étant dit, pour une autre raison, sur le fond, d'abord, de la mesure que vous proposez, mais sur le fait que j'ai un petit peu de difficulté à me réconcillier avec vos chiffres. J'ai un petit peu de difficulté à me réconcillier avec vos chiffres parce que quand vous nous dites qu'il y a une économie importante que vous faites, que vous pourriez faire faire au Trésor de l'ordre de 300 000 000 $, vous partez du fait que vous regardez vos coûts, vous regardez les coûts qui s'appliquent au secteur public, et vous dites: On divise tout ça par le nombre d'élèves que l'on reçoit, le nombre d'élèves que le secteur public dessert, et nous, ça coûte moins cher. Donc, s'ils s'en vont tous au secteur privé. Le secteur privé étant performant comme il l'a été par le passé, ça devrait vous donner l'économie qui est là.

Sauf qu'on ne fait pas les comparaisons entre des objets comparables, dans le sens suivant. Le secteur privé ne supporte pas tout le secteur de la formation professionnelle qu'est le secteur lourd, que ce soit au niveau secondaire ou que ce soit au niveau collégial. Alors, déjà là, il y a une différence significative quant aux coûts auxquels vous êtes confrontés. D'ailleurs, c'était ça que reflétait la décision qu'avait prise le gouvernement lorsqu'il avait établi la base de son aide, de son support à l'école privée, en disant: On va verser 80 % de ce que cela coûte au secteur public sur l'année précédente.

Ne rentrons pas dans les fins détails pour qu'on se comprenne bien, parce que je pense que c'est important qu'on se comprenne bien. C'est sur cette base-là qu'on avait procédé ainsi.

Si mes informations sont justes, le milieu des écoles privées a reçu dernièrement, de la part du gouvernement, une subvention assez importante pour tenir compte du fait qu'on disait recevoir dans le milieu privé des élèves en difficulté. Ça aussi, c'était un autre argument pour faire en sorte que la subvention au secteur privé soit moins importante que le versement direct au secteur public, si on veut, ou la reconnaissance des coûts au secteur public. Vous allez dire: Le secteur public supporte un nombre important d'élèves en difficulté plus important, à cause de sa vocation fondamentale. Je vais terminer avec ça justement, ce choix que nous avons fait depuis un bon nombre d'années, ici, au Québec.

Donc, c'a une pression sur les coûts que le secteur privé n'a pas. Et ce qu'on me dit, c'est que les chiffres qu'aurait fournis l'ensemble des écoles publiques seraient de l'ordre suivant. Il y aurait 2 % d'élèves en difficulté qui fréquenteraient les écoles privées, alors que si on se tourne vers les écoles publiques, on parle d'un pourcentage autour de l'ordre de 16 %. Alors, évidemment, déjà là, quand on sait ce que ça exige un enfant en difficulté qui, souvent, a des difficultés dans son milieu familial, a des difficultés de comportement, et comme j'ai fréquenté longtemps le milieu des services sociaux auprès d'enfants en difficulté, je sais un petit peu de quoi je parle.

Alors, il y a un coût énorme à supporter que le secteur public doit supporter et que l'école privée ne supporte pas. C'est évident, quand vous me dites, après ça: Au privé, nous avons un niveau de décrochage qui est moins élevé. Bien sûr. Si, au départ, on prend en charge, on reçoit des jeunes qui présentent moins de difficultés de comportement ou à l'école, eh bien, normalement, si on fait un bon boulot, et je prétends qu'on en fait un bon dans l'enseignement, bien, normalement ce jeune-là devrait vivre les différentes étapes et se retrouver avec un diplôme, à la fin de son passage à l'école. Or, le taux que vous recevez est tellement bas que c'est un peu normal qu'il y ait moins de décrochage, alors que dans le secteur public, on reçoit aussi l'ensemble des enfants, dont ceux qui présentent des difficultés, dont certaines, évidemment, très majeures.

Alors, moi, avant même de regarder l'hypothèse que vous envisagez, je dis: II faut qu'on s'entende sur la base des chiffres que vous nous présentez, puisque c'est cela qui vous amène à dire que nous pouvons générer des économies si nous prenons en charge un plus grand nombre d'enfants dans le secteur privé. Or, avec ce que je viens de vous exprimer, vous comprendrez que j'ai un certain désaccord quant à vos donnéos.

Je vais juste en prendre un autre ici, là, qui est... Peut-être est-ce moi qui suis dans l'erreur. Vous me corrigerez. De toute façon, on aura l'occasion, une partie de l'après-midi, de voir des gens qui sont impliqués dans les institutions d'enseignement. C'est toujours intéressant de pouvoir comparer les données.

Vous nous dites, par exemple, à la page 6 de votre mémoire: L'État a versé une subvention par élève de 2966 $ au secteur privé, 1991-1992, pendant qu'au secteur public, le même élève aurait coûté 4897 $. Est-ce que vous comprenez le versement qu'a contribué... c'est-à-dire la contribution qu'a apportée le parent? Bon. Si vous ne la comptez pas, bien, on ne peut plus le comparer non plus avec ce que ça coûte dans le secteur public parce que le parent, lui, comme contribuable, apporte son écot aussi, apporte sa contribution par l'impôt, mais par une approche plus collective. Donc, dans ce sens-là, déjà là, à mon point de vue, il y a une base de données qui fait en sorte que c'est difficile ensuite de vous suivre quant aux possibilités d'économie que vous nous offrez.

Je vais terminer avec ceci et j'aimerais vous entendre, évidemment, sur les remarques que j'ai faites. En fait, de ce côté-ci, pour paraphraser ce que le président du Conseil du trésor a dit, nous avons essayé de traiter justement et correctement les institutions qui distribuent de l'enseignement, qui assurent l'enseignement - je devrais utiliser ce terme-là qui est plus précis - par un modèle qui est privé. Nous avons fait en sorte que ce secteur puisse continuer d'assumer cette tâche-là, mais dans une perspective où il y aurait une forme de complémentarité avec le secteur public et en faisant un choix très clair.

Collectivement, je crois même, comme société, depuis quelques décennies, depuis les suivis du rapport Parent, nous avons cru, comme société, que la formation était un investissement si majeur, et on se le dit encore davantage maintenant, mais on le dit au niveau de l'entreprise, au niveau des travailleurs et des travailleuses. C'était si majeur comme investissement, c'était un besoin si essentiel, quand ce ne serait que pour les personnes qui grandissent, qui progressent parce qu'elles sont mieux informées et mieux formées, qui deviennent des êtres plus libres, nous avons dit, comme société: C'est tellement important, cette réalité-là, cet investissement-là, que nous croyons que, collectivement, nous devons tous y contribuer.

C'est ce qui a fait qu'on a chez nous, je pense, un système dont on peut être fier, qui a des lacunes, qui a des difficultés. Il n'y en a pas, de systèmes, à travers le monde qui n'en ont pas. Mais ce que l'on sait cependant, c'est qu'effectivement le plus grand nombre a accès - et le ministre le rappelait, tout à l'heure -gratuitement, universellement à une formation de hase solid» ot dans laquelle, je crois, nous

devons continuer à investir comme société, et nous avons choisi une approche collective.

Évidemment, à ce moment-là, on a misé sur le fait que la contribution des citoyens et des citoyennes allait être sur la base de leur capacité de payer, mais n'allait pas être... c'est-à-dire allait être sur la base de la capacité de payer par rapport à leurs revenus et, donc, dans ce sens-là, un enfant ne sera pas privé d'aller à l'école parce que le parent n'a pas les sous immédiatement pour le faire.

Le Président (M. Lemieux): Vos commentaires, s'il vous plaît.

M. Robert: C'est compliqué un peu.

Mme Marois: Bien, je veux que vous me parliez de vos données...

M. Robert: Ah!

Mme Marois: ...parce que je les conteste, dans le fond.

M. Robert: Oui. Nous autres, on a pris nos données à différentes places. Je vais les énumé-rer. On est parti d'abord du rapport Ristic qui a été préparé par le gouvernement du Québec, en 1986. Lui, il faisait les distinctions que vous faites. Quand il comparait, il comparait les pommes avec les pommes et les choux avec les choux, en ce sens qu'il comparait des clientèles comparables. Bon, c'est ça qu'a fait le rapport Ristic.

Nous autres, n'étant pas des comptables, on a engagé une firme et on a demandé à la firme: Partez du rapport Ristic, puis établissez-nous les coûts. Parce qu'on a parlé de coûts, alors que, dans les dossiers du gouvernement, on parle de niveaux de financement, ce qui est différent. Ça, quand on part du rapport Ristic et de la firme Laliberté, Lanctôt, Coopers & Lybrand qu'on a engagée pour faire faire l'étude là-dessus, c'est là qu'on arrive à l'économie de 300 000 000 $ en comparant des comparables. C'est dans ce sens que, au privé, ce n'est pas monolithique; on a des écoles d'enfance inadaptée, on a...

Mme Marois: Est-ce que c'est vrai que c'est 2 % (le l'ensemble de la clientèle

M. Robert: À peu près. Mme Marois: ...du secteur privé? M. Robert: À peu près. Mme Marois: Bon, alors...

M. Robert: À peu près. (14 h 50)

Mme Marois: ...moi, je vous dis que... M. Robert: Bon, d'accord! Mme Marois: ...dans le public... M. Robert: D'accord. Mme Marois: ...c'est 16 %.

M. Robert: Mais on a tenu compte de tout ça, on a ça. Au professionnel, la majorité de notre professionnel, il se trouve au collégial, puis il n'est pas financé. Il y en a 4000 qui ne sont pas financés. Ça, l'économie est encore plus grande, c'est 100 % à l'État. Il y en a 4000. C'est nos écoles qui offrent des services de pointe, en fait, d'informatique, d'électronique et ainsi de suite. Il y a 4000 étudiants là-dedans, et ils ne sont pas subventionnés.

Mais, pour le reste, on a des comparables. Les autres chiffres, on est allé les chercher dans les comptes publics, 1990-1991, bon, Statistique Canada. On a été chercher... À ce moment-là, on a tenu compte aussi de ce que les parents pouvaient payer... les contribuables payaient en taxes scolaires. Quand on a établi les coûts, on a tout pris ça. Puis, dans le ministère de l'Éducation, on est embêté parce que, dans leur Indicateur, pour la même année, on trouve deux chiffres différents, la même année. Dans un de leurs documents, ils fixent ça à 54 %, le niveau de financement, et, dans un autre document, la même année, 60 %. Ça fait qu'on a des problèmes avec les chiffres, puis on aimerait bien ça, suite aussi au débat qu'on a eu sur la loi 141, qu'on puisse s'asseoir avec eux, à un moment donné, et regarder de quelle façon on en arrive à ces coûts-là. C'est parce qu'on entend... La même année, dans deux documents - on les a ici - on trouve des taux différents. Donc, il y a un problème.

Puis, quand on dit que c'est un choix de société, je suis d'accord avec vous, mais j'aimerais bien ça... À ce moment-là, vous vous mettez en contradiction. Les sondages qui sont faits, il y a 80 % des gens qui sont d'accord avec l'existence du système privé, puis il y en a un pourcentage qui dépasse 60 % qui sont d'accord pour qu'on améliore le financement du privé. Ce n'est pas il y a 10 ans qu'on a fait ça. On a fait ce sondage-là au mois de septembre. C'est ça.

Quand on est en démocratie, c'est la majorité qui dirige. Votre parti politique peut avoir une opinion là-dessus, mais moi, je vous fais part des statistiques et des sondages qui ont été faits, pas il y a 10 ans; le dernier sondage, il date de septembre 1992. S'il n'y en a pas plus d'élèves en enfance inadaptée, c'est parce que ce n'est pas facile d'obtenir des permis pour ouvrir et le financement privé pour offrir des services dans ce domaine-là. Dans certains secteurs, comme à Montréal, les cas les plus lourds en

enface inadaptée, ils sont traités au privé. Dans la région de Montréal et à Québec aussi, les cas les plus lourds sont traités au privé.

Mme Marois: Enfin, vous me permettrez d'avoir quelques doutes, mais ça, on pourrait regarder ça ensemble.

M. Robert: Bien sûr.

Mme Marois: Je veux juste revenir sur cette question des sondages. Nous vivons dans une démocratie. Quand un parti politique, peu importe lequel, a un programme, a des projets, qu'il les présente dans le cadre du processus éminemment démocratique qu'est une élection, qu'il les présente à la population, il se fait élire aussi sur la base de ses propositions qu'il fait. Donc, s'il se fait élire sur la base de ses propositions, il est aussi légitimé de les appliquer. Je vous dirais que, si on devait gouverner essentiellement par voie de sondages, peut-être bien qu'on constaterait qu'on vit dans un système complètement anarchique.

Alors, dans ce sens-là, il faut être un petit peu prudent sur ça. Je pense que la démocratie s'exerce aussi lorsque, justement, des gens sont choisis pour mettre en oeuvre leurs projets, pour mettre en oeuvre leurs politiques.

Ça va. J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, Mme la députée de Taillon.

M. le député de Prévost, je sais que... Malheureusement, M. le député de Verdun a demandé la parole avant vous. Alors, eu égard à la procédure parlementaire, sachant qu'il est intéressé tout autant que vous à l'enseignement, alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président.

D'emblée, M. Robert, je vous signalerai que vous vous trouvez avec des gens, ici, qui sont vos alliés dans la mesure qu'on ne conteste en aucune manière le bien-fondé de l'enseignement privé. Moi, je vais essayer, d'abord, de résumer ce que j'ai compris dans votre intervention.

Vous nous dites: L'enseignement privé, actuellement, est en difficulté financière. Vous avez vu... Vous nous dites: II y a eu un certain nombre de fermetures, et des fermetures s'en viennent si l'État n'aide pas l'enseignement privé. C'est dans ce cadre-là que vous êtes ici à une commission du budget et de l'administration. Vous allumez une lumière et vous nous dites: Si jamais nous disparaissions, faites attention, vous allez avoir des coûts budgétaires importants parce que les enfants que nous avons dans nos écoles, actuellement, vous allez devoir les absorber dans le secteur public, et ça va vous coûter cher. C'est dans ce cadre-là que votre intervention est tout à fait pertinente, dans le cadre d'une commission du budget et de l'admi- nistration. C'est ce que j'ai cru comprendre de votre intervention.

Le deuxième élément de votre intervention - et je comprends qu'on ne parle pas ici de quantums, on n'est pas une commission sur l'éducation - c'est de dire: L'aide que le gouvernement devrait donner ou doit donner à l'enseignement privé, vous souhaiteriez qu'il soit donné sous forme de crédit d'impôt plutôt que par le biais des subventions directes aux écoles.

Et là, je voudrais que vous m'expliquiez, parce que là, j'ai un peu de difficulté. Une fois que je suis d'accord avec le principe qu'il faut aider les institutions d'enseignement privées, une fois que je suis d'accord avec ce que vous dites, à savoir que si nous ne faisons rien, il y aura des coûts budgétaires importants pour le budget du Québec, je voudrais savoir pourquoi vous préférez le mode du crédit d'impôt plutôt que la subvention directe, au prorata des étudiants, aux institutions?

M. Robert: Parce qu'on croit que c'est une mesure, sur le plan politique, qui est plus facile à vendre parce qu'elle s'adresse à l'ensemble des citoyens, et il faudrait dire qu'actuellement, quant aux frais de scolarité, il y a même le public qui fait une ouverture. Moi, je peux vous nommer une vingtaine d'écoles, au Québec, des écoles publiques qui ont des frais de scolarité qui dépassent 500 $. Puis, donc, je voyais dans les journaux, ces jours-ci, la majorité des écoles, selon les comités de parents du Québec, qui estiment les frais que les parents doivent payer à l'école de 225 $. Ça fait que, moi, je me dis: Le crédit d'impôt, ça pourrait peut-être être examiné comme une mesure plus large, comme ça s'est fait dans certains États américains, pour rendre le système plus concurrentiel et donner plus de pouvoir aux citoyens sur la liberté de choix. C'est dans ce contexte-là qu'on le fait.

M. Gautrin: Merci. C'est le peu de temps qu'il me reste. Peut-être que le député de Prévost voudrait ajouter une sous-question.

Le Président (M. Lemieux): Mais, malheureusement, je dois respecter la règle de l'alternance.

M. Gautrin: Est-ce que vous laisseriez au député de Prévost la chance de pouvoir...

Le Président (M. Lemieux): C'est parce que M. le président du Conseil du trésor a demandé la parole aussi. Alors, non?

M. le député de Labelle. C'est correct.

Mme Marois: Allez! Oui, oui, bien qu'il y aille maintenant. On n'a pas d'objection.

M. Gautrin: II n'y a pas d'objection à laisser..

M. Léonard: C'est parce que c'est tellement rare qu'il parle.

M. Forget: Merci, M. le Président.

Voici. Concernant le crédit d'impôt dont vous parliez tout à l'heure, M. Robert, jusqu'à quel taux ça pourrait jouer, par exemple, ça pourrait aller toucher au niveau des familles, par exemple, une famille qui a deux enfants qui vont à l'école privée? (15 heures)

M. Robert: Actuellement, justement, comme on n'a pas tous les outils que le ministère des Finances ou le Conseil du trésor peuvent avoir pour faire des calculs sur les possibilités, parce qu'on voit que l'évolution dont on vous parlait, tout à l'heure, là, il n'y aura pas, comme on dit, de résultats instantanés. C'est-à-dire que vous voyez, l'ouverture qui a été faite, je pense, pour les frais de garde était un crédit d'impôt qui a été voté de 100 $ par enfant - je mets ça entre parenthèses, là - est exempte. Bien, c'est pour ça qu'on n'a pas avancé de chiffres exacts, mais on dit que ça doit être exploré comme un moyen de reconnaître la participation des parents et d'améliorer leur pouvoir en donnant l'argent à la famille. Parce que je pense que le gouvernement du Québec... j'ai regardé ça dans ses documents... Il y a eu beaucoup de mesures, depuis deux ou trois ans, qui ont été faites en faveur de la famille.

Je pense que le crédit d'impôt s'inscrirait dans la même ligne, dans une mesure pour donner plus de moyens à la famille, parce que la famille est en train d'évoluer. On voit ça, nous autres, par la demande. Actuellement, on sait que le gouvernement a devant lui au moins 15 demandes pour des ouvertures d'écoles privées au primaire, ce qui est un phénomène assez récent. Il y a une quinzaine de demandes, à notre connaissance, pour l'ouverture d'écoles privées au primaire. Donc, il y a un besoin, de ce côté-là, qui est très grand et qui se manifeste d'une façon très claire.

On regarde, actuellement, la réaction des parents à Rivière-de-Prairies. Ça fait deux semaines qu'on les rencontre. Ils sont au moins 250 à chaque réunion, et ça leur a permis de se rendre compte que l'école privée, dans leur secteur... Bien sûr qu'ils veulent avoir l'hôpital, bien sûr qu'ils veulent avoir la prison, mais ils veulent aussi garder leur école privée comme étant un facteur important pour le développement de leur quartier.

Donc, on voit qu'il y a une demande importante. Puis le niveau du crédit d'impôt, on voudrait qu'il soit appliqué d'une façon graduelle, le principe en étant accepté, puis voir comment, compte tenu des finances de l'État, il pourrait être augmenté en fonction de la croissance qui va se faire.

Le Président (M. Lemieux): Rapidement, M. le député de Prévost, vous prenez beaucoup de temps à cette commission. Rapidement!

M. Forget: Voici. Est-ce que ça pourrait se produire, à un moment donné, qu'au niveau des écoles privées elles pourraient se financer au complet au niveau des crédits d'impôt?

M. Robert: Ça pourrait être examiné, surtout si le gouvernement songe à augmenter les taxes scolaires. Il faudrait dire que nos parents, actuellement, qui paient de l'impôt sur le revenu, ils paient aussi des taxes scolaires qui ont été multipliées par cinq depuis deux ou trois ans. De 100 $ qu'un contribuable pouvait payer, actuellement, il paie 500 $ en taxes scolaires pour exactement la même propriété. Donc, il y a des choses à examiner de ce côté-là pour rendre les communautés locales plus autonomes.

Actuellement, il y a toute la question de l'étalement urbain. Ce n'est pas les écoles privées qui font ça. On vide des écoles de Montréal puis on est obligé d'en construire en banlieue parce que les gens déménagent. On pourrait peut-être penser de les faire construire par ceux qui les développent, les banlieues, leurs écoles, au lieu de les faire payer par l'ensemble de la province, par ceux dont les villages se vident. Actuellement, il y en a dont les villages se vident qui sont obligés de payer pour les écoles qu'on bâtit dans la région de Montréal. Il y a peut-être des choses à regarder de ce côté-là pour qu'on ait une décentralisation. Moi, j'ai déjà commencé à parler de décentralisation avec l'Opposition, il y a déjà une dizaine d'années. Dans ce temps-là, c'était M. Léonard qui parlait de décentralisation. Je pense qu'il faudrait arrêter d'en parler puis en faire.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Laissez un peu de chance aux autres, M. le député de Prévost.

M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

Je vais souhaiter, à mon tour, la bienvenue aux représentants.

Moi, j'avais une question sur le crédit d'impôt, puis en même temps que l'abri fiscal qu'on appelle le régime épargne-études. Au fond, l'exercice que nous avons aujourd'hui, c'est plutôt pour essayer de trouver des économies pour le gouvernement. C'est pour ça qu'on nous a conviés ici. Mais quand on additionne tout ça et que l'on considère que les crédits d'impôt ou bien les abris fiscaux, en particulier, coûtent des sous de façon significative au gouvernement, et que beaucoup les remettent en cause, d'ailleurs... parce que, en particulier, pour les régimes d'épargne-études, comme d'autres abris fiscaux, c'est souvent les contribuables qui ont des sommes importantes qui peuvent en bénéficier. Donc, comment vous réconciliez tout ça?

Parce que, moi, j'endosse ce qu'a dit ma collègue. Vos chiffres, sur les calculs que l'État économiserait par l'enseignement privé, je regrette, mais il y a des coûts moyens là-dedans. On saura que si on se situe au plan universitaire, par exemple, puis qu'on calcule un coût moyen par étudiant à l'université, comprenant une faculté de médecine puis une faculté d'éducation permanente, je peux juste vous dire qu'il y a quelques différences entre les deux. Puis on ne se fera pas de dessins bien, bien longtemps. Alors, les coûts moyens, les calculs de coûts moyens dans ces domaines, ça ne rime à rien; il faut voir où ça se situe, secteur par secteur, quels sont les coûts réels. Il faut aller dans une analyse beaucoup plus fine que celle-là.

Alors, quel est le coût réel au gouvernement? Le président du Conseil du trésor a raison, les infrastructures qui ont été construites depuis 30 ans au Québec vont demeurer à la charge du gouvernement et vont s'inscrire encore dans le paysage. Alors, votre abri fiscal et votre crédit fiscal, est-ce qu'il en tient compte?

M. Robert: Justement, je pense que j'ai essayé de répondre là-dedans, à cette question-là, que l'enseignement privé, quand il se développe - et il se développe dans les endroits où la demande existe, parce que c'est le propre de l'entreprise privée, de répondre à une demande - il le fait avec les ressources du milieu. Actuellement, il y a un problème. Et souvent, dans un coin comme Montréal, il peut exister une école qui est disponible, mais pour des raisons Idéologiques, on dit: On va la vendre à n'importe qui ou même la barricader plutôt que la céder au secteur privé, pour lui permettre de se développer.

Les enseignants. On parle d'enseignants en disponibilité si le réseau privé se développe. Nos enseignants, on les recrute au Québec, dans l'enseignement privé. Donc, il y a un transfert de ressources qui se fait. Donc, de croire que le développement du privé va entraîner des dépenses additionnelles, ce n'est pas aussi sûr que ça. Mais, d'un autre côté, on parle de la sécurité d'emploi qui a été accordée dans un rayon de 50 km. Eh bien, ça, c'est une décision gouvernementale, et on doit en supporter les conséquences. C'est une autre question.

Le Président (M. Lemieux): Ça va, M. le député de Labelle?

Nous vous remercions pour cette... Ça va. S'il vous plaît.

M. Johnson: Oui, très, très brièvement, juste pour réitérer que c'est une commission qui vise à consulter des gens sur des pistes qu'on peut explorer De toute évidence, vous soutenez que la piste que vous ouvrez en est une d'économie budgétaire et financière pour l'État. Bon.

Alors, je veux vous dire qu'on l'a regardée et on en a discuté de façon assez pointue. Ce que je veux vous dire, c'est que si on découvre des façons qui prouvent la rentabilité, si ça prouvait la rentabilité, cet exercice-là, on le regarderait, évidemment. Ce que je veux vous dire, c'est que, pour l'instant, ça n'apparaît pas aussi rentable qu'on pourrait le penser, mais ça n'exclut pas qu'il y a peut-être une piste là qui vaut la peine d'être poursuivie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

Alors, nous vous remercions pour cette participation à cette commission parlementaire. J'inviterais, dans les 30 secondes qui vont suivre, la Fédération des cégeps à bien vouloir prendre place à la table des témoins.

Nous suspendons, mais pas plus de 30 secondes, puisque nous avons quelques minutes de retard.

(Suspension delà séance à 15 h 7)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous reprenons nos travaux, et nous allons maintenant entendre la Fédération des cégeps.

Vous allez me permettre de vous expliquer brièvement les règles de procédure: Vous disposez de 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire; suivra un débat d'une durée totale de 40 minutes entre les parlementaires: 20 minutes pour les ministériels et 20 minutes pour le groupe de l'Opposition.

J'inviterais la personne qui a la responsabilité de présenter le mémoire à bien vouloir nous introduire ses collègues et, par la suite, elle pourra disposer de son temps requis pour nous faire part de ses commentaires.

Fédération des cégeps

M. Leduc (Pierre): Avec plaisir, M. le Président.

Je vous présente donc les gens qui m'accompagnent à cette délégation: à ma droite, ici, immédiatement à mes côtés, M. Yvon Pépin, qui est conseiller en gestion et en économique à la Fédération des cégeps; à l'extrémité, à droite, M. Gaétan Bouchard, qui le président de la Commission des affaires matérielles et financières de la Fédération des cégeps, et qui est le directeur des services financiers du cégep de Saint-Félicien; à ma gauche immédiatement, M. Pierre Parent, qui est le vice-président de la Fédération des cégeps et qui est président du conseil d'administration du cégep de Rosemont; M. Parent est également le directeur du Bureau de liaison pour la recherche et le développement à l'Université du Québec à Montréal; à sa gauche, vous avez M. Denys

Larose, qui est membre du conseil d'administration de la Fédération des cégeps, et qui est aussi le directeur général du cégep de Sainte-Foy; et enfin moi-même, Pierre Leduc, président de la Fédération des cégeps et directeur général du cégep de Maisonneuve, à Montréal.

M. le Président, M. le président du Conseil du trésor, madame, MM. les députés membres de cette commission, mes collègues et moi vous remercions chaleureusement de nous avoir invités à expliciter de vive voix le mémoire que la Fédération des cégeps a déposé auprès de cette commission. Nous trouvons très important d'être ici, compte tenu bien sûr de l'objet des travaux de la commission et de la conjoncture dans laquelle le Québec se trouve, ainsi qu'en fait état le document ministériel publié tout récemment. Mais, pour nous, l'importance de la situation tient également - et parfois on pourrait dire presque davantage - au fait que nous, les cégeps, nous sortons à peine d'une période intense d'échanges, d'analyse et de prospective sur le réseau des cégeps. Je veux parler des travaux de la commission parlementaire de l'éducation qui a eu lieu en novembre et décembre derniers.

À la suite de ces travaux d'envergure - 215 mémoires, 112 organismes entendus - le réseau est à la veille d'une réforme importante, que tous les intervenants ont souhaitée et dont plusieurs éléments des plus significatifs ont fait l'objet de consensus relativement large. Ils ont été définis à partir d'orientations convergentes, partagées par le plus grand nombre: ministères, collèges, intervenants socio-économiques, patronaux et syndicaux, organismes-conseils, etc. Il y a là comme un moment privilégié de l'histoire des cégeps qu'il est particulièrement opportun de respecter et dont il faut tirer le meilleur parti en dépit des circonstances difficiles ou précisément parce que le contexte est difficile.

Nous avons choisi de limiter notre propos dans le mémoire et dans cette présentation à la situation très particulière et au dossier prioritaire des cégeps proprement dits, convaincus que d'autres que nous, plus versés en la matière, sauront émettre ici des avis pertinents sur l'ensemble de la situation financière du gouvernement et sur les meilleurs moyens de sortir des impasses qu'on nous décrit. Dans ce texte de présentation, je rappellerai tout d'abord les consensus qui ont émergé de la commission de l'éducation; je traiterai ensuite des moyens à mettre en oeuvre pour donner suite au projet collectif renouvelé des cégeps; et enfin, je terminerai en relevant des convergences éloquentes entre nos orientations, les moyens que nous suggérons, d'une part, et, d'autre part, les avenues suggérées par le document «Les finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens».

Tout d'abord, les consensus à la source de la réforme des cégeps. Les principaux éléments qui ont rallié les intervenants lors de la commis- sion de l'éducation ont été mis en relief par Mme Robillard, ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Science dans son discours de clôture des travaux de la commission. De plus, le discours du représentant de l'Opposition, M. Gendron, à la même occasion, rejoignait les propos de Mme la ministre. Je rappelle donc très sommairement les principaux points de ces discours convergents.

La formation générale, celle qui est actuellement donnée à toutes les étudiantes et tous les étudiants inscrits au collégial, conduisant à l'obtention d'un diplôme, cette formation devra être élargie et adaptée en partie aux divers programmes de formation. Elle devrait également être plus rigoureuse dans la définition de ses objectifs et des standards à atteindre. Les programmes préuniversitaires devront être plus cohérents, plus exigeants et davantage complémentaires que ceux qui sont donnés dans les universités. La formation technique sera revalorisée et développée. Cela est même une urgence. Il faut, de plus, intensifier le partenariat entre les cégeps et le monde du travail, et introduire des stages pour les étudiants comme pour les enseignants dans tous les programmes d'études et favoriser la mise en oeuvre de programmes d'alternance études-travail.

Il faudra revoir le partage des responsabilités entre l'État et les établissements pour donner aux cégeps une plus grande autonomie. Cette plus grande autonomie, qui est pour nous une condition essentielle à la mise en oeuvre de la réforme, inclut nommément le contenu des programmes et le choix des moyens en vue de respecter les objectifs nationaux définis par le ministère. Nous croyons, quant à nous, qu'elle devrait amener les collèges à émettre leurs propres diplômes.

Le contrepoids à cette nouvelle responsabilisation des collèges est la mise en place d'un organisme externe, chargé d'évaluer les établissements et les programmes, et d'évaluer non pas des processus mais bien des résultats. Les fonctions d'orientation et d'encadrement des élèves doivent être revues et renforcées au secondaire comme au collégial. En ce qui concerne les enseignantes et les enseignants, on réexaminera les compétences pédagogiques exigées à leur embauche. Il faudra aussi améliorer les cadres de perfectionnement et envisager la mise en place de mécanismes d'évaluation auxquels les étudiants pourraient être associés. Il faudra harmoniser les programmes du secondaire et du collégial et assurer un continuum de formation entre le collégial et l'université. Par ailleurs, le diplôme d'études secondaires devra être amélioré afin que les élèves soient mieux préparés à entreprendre des études supérieures.

Enfin, pour faciliter le cheminement des adultes et répondre à leurs besoins particuliers, il faudra mettre en place une forme de certification progressive dans les programmes techniques

là où c'est possible, développer la reconnaissance des acquis, éliminer les lourdeurs administratives et financer adéquatement les services offerts. Voilà, bien sommairement esquissées, quelles devraient être les grandes lignes de la réforme de l'enseignement collégial qui mettra les établissements face à des défis stimulants mais, en même temps, extrêmement exigeants. Le réseau des cégeps est prêt à s'y engager.

Le nécessaire soutien financier de l'État. Nous devons donc nous donner collectivement les moyens d'atteindre cet objectif quantitatif, mais surtout qualitatif, car le contexte dans lequel nous évoluons en tant que société ne nous permet pas de laisser faire; il faut agir. Le contexte économique et ses exigences de compétitivité demandent au Québec d'être encore plus performant et, donc, d'avoir des programmes de formation de qualité. Point n'est besoin d'en faire la preuve, c'est évident. Mais, alors que la structure commerciale internationale se modifie, le Québec a un taux de chômage élevé et, en même temps, ce qui peut sembler de prime abord contradictoire, il vit une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans certains secteurs d'activité, et c'est souvent des techniciens formés dans les cégeps dont on a le plus besoin. Il y a là un double défi qui exige qu'on intensifie les efforts. (15 h 20)

Compte tenu de l'importance de l'éducation dans ce contexte et du rôle primordial des cégeps dans la lutte contre le chômage et dans la formation d'une main-d'oeuvre qualifiée, le maintien du réseau collégial devient une priorité nationale et son financement adéquat, une assise incontournable de notre développement. À l'heure actuelle, l'État consacre 1 200 000 000 $ au budget de fonctionnement annuel des 46 cégeps qui sont fréquentés par près de 150 000 jeunes et près de 100 000 adultes. Depuis plusieurs années, leur budget est sans cesse comprimé: 122 000 000 $ depuis 15 ans. Cette somme est relativement énorme quand on sait que 83 % du budget de fonctionnement des collèges est pratiquement incompressible. Je fais ici référence à tous les coûts reliés aux salaires du personnel et à des programmes ministériels sur lesquels les collèges n'ont pratiquement eu aucun contrôle jusqu'ici.

Cela crée une situation très serrée, trop serrée sur le plan du fonctionnement général et des initiatives de développement au local. Nous sommes obligés de réduire nos services au minimum, notamment les services directs à l'étudiant, des services aussi essentiels que l'orientation, le conseil, l'animation. Du côté des adultes, la situation n'est guère meilleure. Les changements qu'entraînera la réforme du collégial - que l'on pense à la formation générale, aux mesures d'aide à la réussite, à l'apprentissage, au développement du technique - auront certes des répercussions sur le plan financier. De plus, les cégeps devront continuer de suivre l'évolution technologique, c'est-à-dire de remplacer leurs équipements et de permettre à leur personnel de se perfectionner. En ce qui concerne le perfectionnement pris de façon globale, nous croyons que les ressources devront être haussées si on veut préparer adéquatement la relève enseignante.

Tous les éléments que je viens d'énumérer confirment la nécessité pour le gouvernement de financer adéquatement le réseau des cégeps. En conséquence, nous redemandons au gouvernement du Québec de prendre à nouveau le parti du collégial, de réaffirmer que les collèges sont d'un intérêt primordial pour le développement social, économique et culturel et, conséquemment, qu'il mette en place les mesures permettant aux collèges de disposer des ressources nécessaires pour leur fonctionnement et leur développement.

Bien plus, nous demandons également au gouvernement de maintenir la gratuité scolaire pour la clientèle à temps complet et de l'étendre à la clientèle à temps partiel, tout en finançant cette formation sur les mêmes bases que la formation à temps plein. L'imposition de frais de scolarité a été rejetée de façon unanime par tous les intervenants d'où qu'ils venaient à la commission de l'éducation.

La participation du gouvernement au financement des cégeps est bien sûr essentielle, mais il faut miser également sur d'autres contributions. C'est dans ce sens que nous proposons que le principe de la gratuité scolaire s'accompagne de mesures limitatives quant à la durée des études ou au nombre des échecs afin de restreindre les coûts pour l'État, tout en rendant les étudiants plus responsables par rapport à leur cheminement scolaire.

Le secteur privé a aussi un rôle à jouer, particulièrement lorsqu'on évoque un rapprochement entre les cégeps et le monde du travail. Il y aurait lieu que le gouvernement adopte des mesures fiscales pour inciter les entreprises à accueillir davantage de stagiaires et qu'il revoie ses programmes de soutien et de subvention aux PME pour favoriser un rapprochement et une meilleure collaboration entre les cégeps et les entreprises. De leur côté, les entreprises ne pourraient-elles pas participer davantage au financement de certaines activités de formation puisque ce sont elles qui recueillent les retombées d'un enseignement de qualité?

Enfin, des avenues intéressantes. Dans le document «Les finances publiques du Québec», lancé par le ministère des Finances et le Conseil du trésor le 19 janvier, quatre avenues sont envisagées pour rendre le secteur public plus efficace. La Fédération des cégeps est d'accord avec les avenues proposées. Elle fait d'ailleurs des recommandations qui s'inscrivent dans la même lignée.

Ainsi, dans le document on parle de la décentralisation d'activités judicieusement choisies. La Fédération pense que le gouvernement

devrait revoir ses processus administratif et budgétaire, de même que l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires concernant les pouvoirs attribués aux cégeps dans la perspective d'une plus grande responsabilisation des établissements. Si l'on pense à des activités bien précises, je vous dirai que les cégeps sont prêts à gérer leur programme de formation et le perfectionnement de leur personnel.

En ce qui concerne, et je cite, «le recours à la tarification pour augmenter la visibilité des coûts et favoriser une consommation plus rationnelle des services», j'ai souligné, il y a un moment, que nous sommes pour le maintien de la gratuité scolaire, mais accompagnée de mesures limitatives ou incitatives quant à la durée des études ou au nombre d'échecs.

Le document du ministère des Finances fait aussi état de la recherche systématique des façons les plus rentables de dispenser les services. À ce sujet, nous faisons deux recommandations. La première concerne la rationalisation des programmes. Nous sommes d'avis que dans la perspective d'une rationalisation des programmes et des sites d'enseignement, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science devrait analyser la pertinence de maintenir le nombre actuel de programmes techniques et leur répartition dans les collèges publics et privés et, par ailleurs, qu'il devrait prendre les mesures pour éliminer les chevauchements entre les programmes du collégial et ceux des autres ordres d'enseignement.

Deuxièmement, pour ce qui est de la recommandation qui vise à augmenter notre efficacité, la Fédération est convaincue que compte tenu des changements importants qui s'annoncent dans l'enseignement collégial, il faudrait revoir, à l'occasion de la prochaine ronde de négociations, les différentes mesures liées à l'organisation de l'enseignement et aux conditions de travail pour donner aux cégeps une plus grande marge de manoeuvre et plus de responsabilités dans la gestion de leurs ressources humaines, et pour leur donner les moyens de favoriser la motivation et la mobilisation de leur personnel et d'améliorer, au besoin, leurs compétences et leurs qualifications.

Une autre avenue est évoquée dans le document du ministère: la mise en place d'un mode de gestion du secteur public davantage axé sur les résultats et sur l'imputabilité. À cet égard, nous prônons la création d'un organisme externe d'évaluation dont le mandat serait d'accréditer les programmes donnés dans les cégeps, d'évaluer les collèges, d'évaluer le système collégial et de rendre publics les résultats de ces travaux. Cette recommandation fait partie du mémoire que nous avons présenté en novembre dernier aux membres de la commission de l'éducation. Elle se situe dans la perspective d'améliorer la gestion des collèges et de rendre des comptes à la population.

Et je termine. Le message que nous avions à vous livrer aujourd'hui montre, hors de tout doute, notre volonté de participer à la recherche de solutions pouvant conduire à limiter les dépenses gouvernementales, mais, pour la réalisation de ce projet, il ne saurait être question de rogner sur la qualité de nos interventions. C'est le contraire que l'on attend de nous. Il ne faut pas davantage sabrer dans l'importante réforme du collégial qui se profile pour très bientôt et qui est essentielle à la santé de cet ordre d'enseignement et à l'amélioration notable des taux de réussite et du nombre de nos diplômés. Et, pour ce faire, un soutien financier de l'État, un soutien adéquat est, répétons-le, essentiel.

Une telle affirmation pourrait paraître déraisonnable, alors que tout le monde dit qu'il faut se serrer la ceinture, qu'il est bien fini le temps où l'on empruntait pour payer les dépenses d'épicerie, mais, justement, l'éducation n'est pas une dépense d'épicerie, c'est un investissement, et un investissement rentable. On peut même parler de double rentabilité: l'individu qui s'instruit en retire des bénéfices qu'il réinvestit dans la société qui l'instruit en participant à son développement culturel, social et économique. Investir dans l'éducation et, par le fait même, investir dans un réseau comme le réseau des cégeps, qui a, entre autres, pour mission de former les techniciens dont le Québec a grandement besoin, c'est assurer aux générations futures non seulement de bons revenus, mais un savoir, une culture, un supplément d'intelligence et d'âme, si je puis m'exprimer ainsi.

M. le Président, Mme et MM. les membres de cette commission, je vous remercie de votre accueil, et c'est maintenant avec plaisir que mes collègues et moi-même sommes disposés à échanger avec vous sur les questions soulevées par notre mémoire.

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire et je vais céder immédiatement la parole à M. le président du Conseil du trésor.

M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, je vous remercie beaucoup.

Merci, messieurs, de votre présentation qu'on peut peut-être interpréter comme une continuité de la commission parlementaire où vous avez déjà comparu et a l'occasion de laquelle, celle-ci, vous continuez votre plaidoyer. (15 h 30)

Ceci étant, ce qui nous amène ici, évidemment, ce n'est pas de conclure ou non à la reconnaissance de l'ordre distinct d'enseignement que, évidemment, les cégeps représentent, mais de voir ce que ça signifie dans l'ensemble des dépenses publiques que de maintenir les conditions actuelles, d'une part, comme vous le souhaitez - à titre d'exemple, du côté du financement des coûts des cégeps, par la gratuité

qui serait maintenue, quoique limitée, on pourrait en discuter - et compte tenu du rythme de croissance des dépenses publiques. On est ici pour essayer de réaliser l'équilibre, de consulter les gens pour voir quelles sont leurs suggestions précises, si on se rejoint sur le constat, évidemment. Mais je n'ai entendu personne prétendre que, dans le fond, on n'avait pas de problème de déficit ou d'endettement. Je pense que ça fait partie du paysage connu, avec lequel on doit vivre.

Ce qu'il faut voir, c'est le poids relatif que ça occupe, cet ordre d'enseignement, dans les finances publiques, pas en soi, quoiqu'on puisse en parler, mais, comparativement, évidemment, à ce qui se fait ailleurs. C'est toujours ça qu'on doit avoir à l'esprit dans une économie ouverte. En Ontario, notre voisin immédiat, partout ailleurs en Amérique, essentiellement, l'ordre d'enseignement que vous dispensez n'est pas gratuit, loin de là; peut-être pas au niveau de la première année de cégep, qui peut correspondre à la dernière année du «high school», ailleurs en Amérique, mais, chose certaine, à partir de la deuxième année de cégep, on est dans un niveau de scolarité où, partout ailleurs, ça coûte minimalement 2000 $ par année. Et ça fonctionne très bien, il y a des taux de scolarisation qui se comparent quelquefois avantageusement aux nôtres, et ce n'est pas gratuit, parce qu'il y a eu cette mentalité qui s'est développée ailleurs, que c'était un investissement dans son propre avenir que de dépenser ou d'investir dans les frais de scolarité et tout ce que cela signifie, évidemment, d'aller aux études.

Il faut donc avoir à l'esprit cette réalité lorsqu'on se compare. Alors, il devient extrêmement important, tout de suite, de parler des limitations à la gratuité, à mon sens. C'est ce que je vous soumets. J'aimerais vous amener, peut-être immédiatement, à des suggestions concrètes du genre de limitations, du rendement qu'on peut attendre, de ce qui est juste, de ce qui est équitable comme limitations à cette gratuité.

Deuxièmement, j'aimerais également avoir des suggestions concrètes sur la façon dont l'appareil du niveau collégial peut être rationalisé. Comment pouvez-vous arriver à des gains de productivité? Qu'est-ce que vous entendez faire pour contribuer à l'allégement de l'administration de cette activité publique? Personne n'y échappe, on en parle dans les CLSC, on en parle dans les centres d'accueil, on en parle dans les commissions scolaires. En parie-t-on assez dans les cégeps? Si oui, rafraîchissez-nous la mémoire et venez également nous indiquer vers où vous vous dirigez pour contribuer à cet allégement des finances publiques.

Alors, deux questions, dans le fond: les limitations à la gratuité, si vous reconnaissez qu'elles sont nécessaires, si vous pouviez les préciser quand même; et, deuxièmement, qu'en- tendez-vous faire au point de vue des gains de productivité qui sont nécessaires, évidemment, pour rencontrer les objectifs financiers?

M. Leduc: Alors, on y a fait allusion dans notre mémoire et dans la présentation, aux limitations à la gratuité. C'est-à-dire que ce sont davantage des mesures qui pourraient éviter les excès, des mesures qui pourraient être perçues comme étant positives plus que négatives, des mesures incitatives à réussir. Par exemple, des mesures qui limiteraient le nombre d'échecs qu'un étudiant ou une étudiante pourrait avoir durant son séjour au collégial.

M. Johnson: Si on vous demande des précisions, là. En fait, je sais que c'est ça qui est en cause, là, mais... un échec, deux échecs? Quel genre de sévérité croyez-vous qu'on devrait avoir avec ceux qui ont la chance de poursuivre des études postsecondaires? C'est ça.

M. Leduc: Une chose certaine, il ne faut pas que n'importe quelle de nos mesures vienne à rencontre de la vertu du système lui-même. Je m'explique.

L'enseignement collégial est un système d'enseignement polyvalent que les étudiants abordent à l'âge de 17 ans, parfois 16 ans. On a remarqué, dans tous les diagnostics, qu'il y avait des problèmes sérieux d'orientation et, parfois, de motivation aussi, très souvent. Il ne faudrait pas que n'importe quel système administratif vienne empêcher les étudiants de trouver leur place. Le collège est aussi fait pour cela. Donc, il ne faudrait pas, par exemple, punir, jusqu'à un certain point, la durée. Quelqu'un a le droit de changer d'orientation, le système est prévu pour cela. Quand on change d'orientation, ça prend plus de temps, mais, en même temps, ça vous fait faire des choix plus intéressants, plus vivables et plus rentables au bout du compte, pour l'individu et pour la société.

Donc, l'établissement de l'équivalent d'une session de plus, c'est toujours ce que les gens mettaient sur la table a priori. Ce n'est pas confirmé, mais c'est un ordre de grandeur, en termes de nombre d'échecs plus qu'en termes de durée des études. Je ne sais pas si je me fais comprendre. C'est plus en termes de nombre d'échecs qu'en termes de temps. Quelqu'un peut bien, pour toutes sortes de raisons, ne pas prendre une charge de cours totale. L'objectif, c'est qu'il réussisse. Alors, comme limite ou comme encadrement à la gratuité, on pourrait encourager la réussite, soutenir, inciter à la réussite en fixant un montant d'échecs que l'étudiant ne saurait dépasser. Je vous donne l'ordre de grandeur dont les gens, règle générale, parlent dans les milieux bien informés. Ce n'est pas, cependant, un montant ou un nombre défini dans le béton. Il faudrait voir.

Les autres éléments - pas des limites à la

gratuité, mais des soutiens au financement, bien sûr - c'est le soutien de l'entreprise privée pour l'enseignement technique, notamment. Ça ne vient pas toucher à la gratuité, mais ça vient royalement, peut-être, aider au financement de l'enseignement technique, d'autant plus que ça va rapprocher l'enseignement technique du monde du travail. Ça, c'est pour la limitation à la gratuité.

Relativement à la rationalisation, essentiellement, il y a trois points. D'abord, il y a vraisemblablement trop de programmes d'enseignement technique différents. Il y a trop de programmes dont les contenus chevauchent les uns sur les autres. Je crois qu'il y a au-delà de 130 programmes d'enseignement technique. Il y aurait vraisemblablement lieu d'en réduire le nombre. Évidemment, en en réduisant le nombre, vous économisez parce qu'il y a moins de matières, il y a moins d'équipement propre à ces programmes, c'est plus polyvalent. Il y a moyen également... Tout en sauvant un éventail et une carte de programmes équilibrés dans les régions, il y a moyen peut-être d'éviter que, dans un milieu plus urbain comme Québec ou Montréal, le même programme soit offert dans chacun des collèges, dans certains cas. On pense au programme d'informatique pour lequel les succès ne sont pas phénoménaux, mais qui est offert, par ailleurs, dans tous les collèges d'une même région. Peut-être qu'il y aurait quelque chose à faire, à ne pas multiplier, à l'intérieur d'une même région, un programme et, en plus de le réviser, bien sûr, de ne pas le multiplier pour rendre la chose plus facile, donc, également pour éviter des dépenses.

Troisièmement. Il y a aussi des chevauchements et des concurrences entre les divers niveaux d'enseignement - entre le secondaire professionnel long, 6 ou 7, et les programmes du professionnel du collégial. (15 h 40)

Voilà des éléments de rationalisation de la carte des programmes qui devraient être source d'économies relativement substantielles. Un autre élément auquel on a fait allusion, c'est la responsabilisation des collèges, entre autres, relativement à la gestion de leurs programmes. Il y aurait là sûrement beaucoup d'économies, d'économies de la part des organismes qui nous chapeautent, ministériels, et également de l'économie en termes d'utilisation plus polyvalente, plus souple, plus adaptée aux circonstances des ressources dont nous disposons dans nos collèges. C'est bien évident qu'il est très difficile de chiffrer ce genre d'économies là, sauf qu'il y a une orientation cependant, et c'est celle-là qu'on met en évidence. C'est l'orientation de la responsabilisation et de l'imputabilité. À partir du principe, évident à sa face même, que, quand vous rapprochez le lieu de décision du lieu de l'action, et quand vous êtes responsable, eh bien, vous faites une utilisation plus rationnelle des ressources qui sont mises à votre disposition.

Cependant, vous allez convenir avec moi que nous ne pouvons pas, d'entrée de jeu et a priori, déterminer que, oui, ça va suffire à ceci ou à cela. Même dans les scénarios qu'on pourrait évoquer... On parle, par exemple, d'ouvrir la gratuité pour les étudiants à temps partiel ou pour les adultes. Tout cela, pour la chiffrer... Il y a différents scénarios selon ce que vous retenez. Si vous déverrouillez l'enveloppe qui est fermée pour l'enseignement aux adultes, c'est déjà un coût, mais si vous la déverrouillez et, en plus, que vous financez l'enseignement à temps partiel, c'est encore un coût supplémentaire. L'ensemble des deux, ça risque de coûter à peu près 25 000 000 $. Est-ce que c'est... Bon, il y a moyen d'y aller par étape, il y a moyen de faire une des deux choses, je ne sais trop. Mais c'est pour vous dire que c'est très difficile, à ce moment-ci, de chiffrer parfaitement chacune des mesures que nous préconisons, sauf que l'orientation, elle, on peut la qualifier comme étant une orientation féconde.

M. Johnson: ...pour renseigner nos auditeurs et les membres de la commission sur le genre d'économies qui sont en cause, si on parlait, par exemple, de limitations à la gratuité compte tenu du nombre d'échecs, ou du fait que des étudiants sont hors délai, autrement dit, hors délai de deux sessions ou plus, en formation générale ou professionnelle, donc, rendus en sixième ou huitième session et plus, au lieu de quatre et six sessions pour compléter le cours d'études collégiales, ça représente 155 000 000 $, la gratuité à l'endroit de ceux qui sont hors délai de deux sessions et plus. C'est des très gros chiffres. Si on prend ça du côté des échecs, si on prend l'autre genre de limitations et qu'on regarde sur la base du fichier en 1991, en septembre 1991, c'est presque 70 000 000 $ que représente la gratuité pour ceux qui ont déjà quatre échecs ou plus, en quatre sessions ou cinq ou six ou, enfin, peu importe. On peut les regarder de toutes sortes de façons. C'est des gros chiffres qu'il y a là. On doit juger, je pense - et c'est ça que vous évoquez - de notre degré de sévérité ou de générosité. J'aime beaucoup l'approche que vous employez, de trouver des moyens d'incitation à la réussite plutôt que la pénalité au retard. On peut appeler ça comme ça. Ça démontre une approche, je pense, puis une ouverture à l'endroit de ces jeunes qui, évidemment, tentent d'améliorer leur sort et de contribuer davantage, éventuellement, à la société.

J'ai beaucoup aimé l'approche que vous suggérez. C'est entendu que les autres mesures de rationalisation, c'est extrêmement difficile à chiffrer comme ça. Il faudrait voir la combinaison de tout ça. Mais la rémunération comme telle, vous me permettrez de le souligner, est également une voie comme telle qu'on doit regarder. C'est ma responsabilité aussi.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

Brièvement... Je pense qu'il vous reste une minute. Très très brièvement. C'est évident que j'ose espérer que vous êtes bien conscient que cette commission parlementaire, un des objectifs, c'est un contrôle des coûts des services publics. Vous parlez de conserver des acquis. J'en suis rendu à me demander, moi, non plus à savoir de conserver des acquis, mais une partie de ces acquis-là, eu égard à l'état global des finances publiques. Il faut être député dans un comté comme le mien pour se rendre compte dans quelle situation nous sommes actuellement, sur le plan terre à terre, pratique et concret.

Vous savez, ma question est la suivante: J'aimerais savoir de vous combien d'étudiants font un deuxième diplôme d'études collégiales? Avez-vous des statistiques là-dessus, dans l'ensemble du réseau?

M. Leduc: Moi, je ne l'ai pas. Je ne sais pas si quelqu'un de mes collègues l'aurait ici, à portée de la main.

Le Président (M. Lemieux): Vous n'avez pas ces statistiques-là? Non?

M. Leduc: Ce que je sais, c'est que... Vous savez, la clientèle - ce n'est pas exactement ce que vous me demandez, cependant - qui déborde et qui prend beaucoup de sessions supplémentaires, c'est relativement limité. Je crois que c'est 15 %, si je ne m'abuse, c'est 15 % de notre clientèle... relativement limité.

Le Président (M. Lemieux): Alors, pourquoi n'y aurait-il pas, effectivement, des frais de scolarité lorsqu'on décide d'y aller d'un diplôme do deuxième niveau, au niveau collégial, puisque, d'une certaine façon, ça pénalise la société aussi? Ça ne fait pas que l'avantager, ça la pénalise aussi. Il faut en être conscient, vous savez. C'est un couteau à deux tranchants. Est-ce que vous êtes contre cette forme de...

M. Leduc: ...de charger pour un deuxième diplôme?

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Leduc: J'avoue que nous n'avons pas envisagé cette possibilité-là, formellement. Je ne sais pas si mes collègues... Oui, M. Parent.

M. Parent (Pierre): Moi, j'ajouterais que c'est très risqué parce que je pense que les jeunes qui décrochent, ça coûte pas mal plus cher que ceux qu'on forme, à court terme et à long terme. Je pense qu'on ne peut pas demander, dans les années 90, à l'aube de l'an 2000, à un jeune de 18, 19 ans de savoir exactement ce qu'il va faire pendant toute sa vie. Donc, un étudiant ou une étudiante peut très bien prendre un diplôme en sciences humaines et, après ça - et tout le monde le souhaite - se diriger vers une formation plus technique, plus pointue. Il y a une résistance des Québécois et des Québécoises à s'intéresser plus particulièrement à la formation technique. Donc, je pense qu'il faut faire attention à mettre des freins très généraux comme ceux-là, et il faut peut-être faire des distinctions par rapport à des types de formation avant de songer généralement à empêcher des jeunes ou des adultes - parce que vous vous adressez beaucoup à des adultes - de prendre un deuxième diplôme, si cela peut les rendre plus heureux, mais surtout les rendre beaucoup plus participants à l'économie et à la vie sociale et culturelle de notre société.

Le Président (M. Lemieux): Brièvement, M. le député de Limoilou, et je vais passer la parole du côté de l'Opposition. On aura terminé nos 20 minutes.

M. Després: Est-ce que le temps est terminé? Je peux revenir. Est-ce qu'il nous reste du temps?

Le Président (M. Lemieux): Oui, alors, si vous préférez revenir, je vais passer immédiatement la parole à Mme la députée de...

M. Després: Oui, peut-être une courte, ça ne sera pas long. Juste par rapport... Quand vous parliez dans le... Vous avez parlé de trois points dans le cadre de la rationalisation. L'un était sur le grand nombre de programmes techniques qui existent. Vous avez parlé de... 130, je crois, parce que vous parlez d'un certain nombre de chevauchements. Est-ce qu'il a déjà été évalué, justement, que 10 programmes en moins pourraient être, à cause de ces chevauchements-là, éliminés? Cinq? Est-ce que vous avez déjà...

M. Leduc: on parle, règle générale, de descendre cela au moins en dessous de la centaine, dans un premier temps; de 135, à peu près, à en dessous de 100.

M. Després: Est-ce que, maintenant, vous savez aussi quels pourraient être les coûts qui sont reliés, justement?

M. Leduc: Ça, c'est beaucoup plus difficile à évaluer, beaucoup plus difficile.

M. Després: À cause du nombre d'étudiants qui pourraient, justement, automatiquement... qui seraient au collégial, mais qui seraient, de toute façon, dans une autre technique.

M. Leduc: Oui. Mais, a priori, c'est clair que si vous avez des programmes plus généraux, moins de programmes techniques qui se chevau-

chent mutuellement, il y a là un terrain propice à faire des économies.

M. Després: Juste, par exemple... Je sais qu'il y a un directeur général de la région de Québec. Vous parliez de l'exemple du secteur de l'informatique dans les cégeps de la région immédiate de Québec - Sainte-Foy, Limoilou, François-Xavier-Garneau. Est-ce qu'ils donnent tous le cours d'informatique?

M. Larose (Denys): Oui. Ils donnent tous ce cours.

M. Després: Et ce serait une façon où on pourrait sauver si 50 %, ou deux de ces cégeps-là, au lieu que tout le monde donne, justement, le cours de techniques d'informatique. S'il y en avait deux... C'est trop populaire ou... Est-ce qu'on pourrait sauver, aussi, en termes de coûts, en faisant des choses comme ça?

M. Larose: En fait, c'est évident que si - on parlait de la région montréalaise comme de la région québécoise - un seul cégep ou deux le donnaient... On n'a qu'à penser au chapitre des équipements qu'il faut rassembler dans l'un et dans l'autre, les dédoubler. Il est évident que, là aussi, il y a des économies possibles. C'est difficile à chiffrer. Ce serait une chose possible. Dans le cas de l'informatique, en particulier, c'est peut-être un exemple qui est plus facile à utiliser. On donne aussi les soins infirmiers dans trois collèges. Ça ne signifie pas pour autant qu'il faudrait les éliminer de l'un au profit de l'autre, au point de démembrer les collèges. Mais l'informatique est un bon exemple où il y a des choses qu'on pourrait faire mieux sans multiplier dans tous les collèges d'une même région ce programme-là, par exemple.

M. Després: Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Limoilou. Mme la députée de Taillon. (15 h 50)

Mme Marois: Merci, M. le Président.

Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, à mon tour, à nos travaux.

Je pense que votre contribution est fort intéressante. Vous identifiez très... enfin, je pense, très systématiquement un certain nombre de pistes qui méritent, à partir de là, d'être fouillées, creusées. Ça, je pense qu'on peut en convenir. De toute façon, on est là pour ça aussi, pour ensuite retenir des éléments pour lesquels on pense qu'il y a des choses à faire, et sur lesques il faut réfléchir davantage pour arriver avec des projets précis.

Juste une petite réflexion, peut-être, avant de vous poser une question. Vous parliez, dans votre intervention de départ, dans votre présentation, du fait que c'était un peu dommage de constater que, dans les métiers techniques, dans les formations techniques, on constatait encore malheureusement au Québec des pénuries, alors qu'on est dans une situation dramatique au plan du chômage. Je le déplore avec vous, et j'espère qu'on a pris le virage, depuis quelque temps, pour revaloriser la formation technique. Je trouve ça très dommage que, comme société, dans le fond, on ait mis de côté toute une série de métiers qui font que les gens gagnent très bien leur vie, dans des conditions de travail souvent très agréables, et où il est agréable de constater qu'on peut même toucher son produit - parce qu'on parle souvent de métiers qui ont un aspect manuel. Je pense à tous les métiers, entre autres, autour de l'avionnerie. C'est très intéressant, ce sont des métiers qui rapportent des revenus intéressants, et malheureusement, parce qu'on a survalorisé - je ne dis pas qu'il faut arrêter de dire que c'est important d'aller à l'université -les formations supérieures, théoriquement en tout cas, on a mis un petit peu de côté ces formations techniques. Je suis heureuse de vous entendre dire ça, surtout venant évidemment des cégeps où ça se distribue, cette formation-là. Pas seulement chez vous, mais elle est disponible aussi dans les niveaux secondaires, évidemment d'un autre ordre, mais je pense que c'est important qu'on en prenne conscience collectivement. L'occasion qui nous est donnée d'échanger dans des forums comme ceux-là nous permet de faire ce type de réflexion.

Sur vos recommandations, maintenant. Il y en a... Je m'arrête particulièrement aux recommandations 4 et 5 de votre mémoire. Moi, j'ai pris le mémoire principal, là, je sais que vous avez lu une présentation... Bon, à la recommandation 4, à la page 55, vous identifiez le fait que vous souhaiteriez «favoriser le contact des étudiants et des étudiantes avec le marché du travail et le perfectionnement des professeurs, que [...] Québec adopte des mesures fiscales pour inciter les entreprises à accueillir davantage de stagiaires et qu'il revoie ses programmes de soutien et de subventions aux petites et moyennes entreprises pour favoriser un rapprochement et une meilleure collaboration entre les cégeps et ces entreprises.»

Je ne sais pas, premièrement, si vous avez pensé à des mesures précises, compte tenu de l'expérience que vous avez. Deuxièmement, il s'est implanté un certain nombre de centres spécialisés dans les cégeps, et il doit s'en implanter d'autres bientôt, qui devaient faire - là, c'est moins mon dossier depuis un certain temps, mais je m'en suis beaucoup préoccupée à un certain moment - qui devaient faire une jonction entre, justement, le milieu de l'entreprise et le milieu de l'enseignement. J'aimerais que vous me parliez un petit peu de... si cela s'est réalisé, et comment ça se passe maintenant.

D'autre part, j'aimerais vous dire que les mesures fiscales qui ont été choisies jusqu'à

maintenant, depuis quelques années, là - on peut seulement parler de deux ans d'expérience réelle en ce qui a trait à la formation professionnelle - n'ont pas donné les résultats escomptés. On sait qu'on croyait pouvoir investir en formation professionnelle, par la déduction d'impôt, là, 100 000 000 $. On croyait que ça allait générer 100 000 000 $ d'investissements. Ce qu'on sait, c'est que ça a généré à peine 32 000 000 $ en 1991-1992, et c'était 8 000 000 $ en 1990-1991.

Alors, je me méfie toujours un petit peu des mesures fiscales parce que, souvent, les entreprises qui font déjà des activités de formation ou de prise en charge, par exemple, de stagiaires, mesures fiscales ou pas, elles vont continuer à en faire. On ne réussit jamais à atteindre - par contre, elles en bénéficient -mais on ne réussit jamais à atteindre la petite et la moyenne entreprise, justement.

Alors, sur cette recommandation-là, et sur la recommandation 5, où vous dites qu'on devrait, dans le fond, mettre ensemble les équipements et les infrastructures, si c'est ça que j'ai bien compris, que ce soit des équipements de loisirs, des équipements culturels, pour que les municipalités - même, ça pourrait être des organismes privés - bénéficient un petit peu de ces équipements-là, et qu'on rationalise donc, avec un effet, évidemment, sur les dépenses. Voilà mes deux pistes de questions.

M. Leduc: Relativement au rapprochement des entreprises et des milieux de l'enseignement et dos mesures fiscales, donc, la première chose que l'on veut, chose sur laquelle les entreprises sont d'accord, au moins en principe - en tout cas, elles sont venues le dire à la commission de l'éducation et elles l'ont dit, par ailleurs, sur toutes les tribunes, depuis - elles sont d'accord pour faire que nous puissions intégrer des stages dans tous nos programmes d'étude, ce qui n'est pas le cas actuellement, et ce qui est un petit peu... et qui est très dommage. Maintenant, c'est difficile. Elles le disent. Ce n'est pas évident que ça va se faire rapidement.

Il y a l'autre aspect, qui s'appelle l'alternance travail-études, et ça, c'est relativement plus nouveau. C'est du type de ce qui se fait à l'Université de Sherbrooke, l'enseignement coopératif qu'on appelle ou alternatif. Ça aussi, c'est une formule qui commence à s'implanter dans les cégeps, et qui est encore plus... qui en demande plus de la part de l'entreprise et de tout le monde dans l'entreprise, du personnel dans l'entreprise autant que de la direction, pour faire une place à des personnes qui vont être rémunérées. Dans les temps qui courent, ce n'est pas facile de faire de la place à des gens de l'extérieur dans des entreprises, mais il y a au moins... On peut toujours douter, comme vous dites. Ça fait longtemps qu'on le dit, et il n'y a pas grand-chose qui s'est fait, mais il y a au moins une volonté de la part des entreprises de répondre positivement à ce diagnostic qu'il en faut. Cela pourrait être soutenu par des mesures fiscales avec un succès dont on... Oui, on peut s'interroger sur le succès. Bon! Mais, en même temps, cependant, ça pourrait être en partie également une source d'économies pour la partie publique.

Par exemple, les stages, actuellement, dans le milieu public ou parapublic, coûtent très cher, en tout cas, au ministère de l'Enseignement supérieur. Alors, s'il y en avait des semblables, peut-être que les coûts de ces stages-là pourraient être compensés par la mesure fiscale en question. Enfin, je ne sais trop, mais, une chose certaine, il y a là une volonté collective dont on ne peut pas douter pour l'instant, et qui pourrait être soutenue par des incitatifs de nature fiscale, si possible, parce que la bonne volonté, il faut la soutenir quelque part.

Pour les PME, je laisserais peut-être à M. Parent le soin de répondre, parce que les centres spécialisés, effectivement, ils ont commencé à rendre - et ils le rendent bien - le service qu'on attendait d'eux, et ils réussissent à être des facteurs de développement économique, socio-économique, dans leur propre région. Il n'y en a pas encore, cependant, ou si peu - il n'y en a qu'un seul - dans la région de Montréal. C'est une lacune, mais j'imagine que ça va être compensé bientôt. Cela dit, le problème des PME est de les rassembler. Ce n'est pas un mince problème; vous le savez encore mieux que nous. M. Parent a quelque chose à ajouter là-dessus?

M. Parent (Pierre): Je pourrais peut-être ajouter simplement que... D'abord, je pense, un des fleurons du développement du réseau collégial et le rapprochement avec les entreprises, ce sont les centres spécialisés. Moi, je pense que via les centres spécialisés, ça a été le rapprochement le plus concret de tous les ordres d'enseignement entre entreprises d'un secteur et une masse critique de compétence dans une institution de formation.

Deuxièmement, sur les crédits d'impôt, sur les abris fiscaux, sur les avantages fiscaux qui sont généreusement, à mon avis, admissibles aux entreprises québécoises, pour la formation ou pour la recherche et développement - je relie toujours les deux, parce qu'il n'y a pas d'autre façon d'avoir une valeur ajoutée dans une entreprise que de former le personnel en recherche et développement. Le problème qui confronte, à mon avis, l'industrie québécoise, c'est qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas - la très grande majorité de notre infrastructure industrielle, ce sont les PME - qu'ils n'ont pas le temps. Ils n'ont pas la disponibilité. Ils n'ont pas la compétence pour avoir accès à ces programmes-là. (16 heures)

Tous les jours, moi, dans ma fonction plus particulière à l'Université du Québec à Montréal,

à l'UQAM, je suis en rapport avec les entreprises pour faire de la recherche et développement ou de la formation sur mesure. Vous n'avez pas idée comment ces entrepreneurs-là n'ont pas le temps, n'ont pas le temps et n'ont pas le temps pour analyser tous ces programmes qui leur sont accessibles. Plus que ça, lorsqu'ils s'embarquent dans un montage financier, soit pour un abri fiscal dans le domaine de la recherche et déve loppement ou pour un programme à l'intérieur du Fonds de développement technologique, il n'y a pas un chrétien dans une entreprise - qui est obligée de surveiller sa ligne rouge ,i chaque mois - qui a le temps de prendre le temps que peuvent lui donner les nombreux fonctionnaires qui administrent les différents programmes, soit à la Société de développement industriel, soit à Revenu Québec, soit à la Commission des valeurs mobilières, soit au ministère de l'Industrie. Tous ces programmes-là, en soi, sont bons, mais ils ne sont pas intégrés. Il en coûte très cher pour y avoir accès. Je ne sais pas si vous savez ce que ça coûte en frais d'avocats, en frais de comptables, en frais de fiscalistes, en frais de courtage de valeurs mobilières, de monter un abri fiscal. Or, quelles sont les entreprises qui ont le plus avantage à avoir accès à ces programmes-là? Ce sont les petites entreprises.

Une publication récente dans Business Week disait que la très grande majorité, depuis cinq ans, des emplois à valeur ajoutée qui ont été introduits aux États-Unis l'ont été dans des entreprises de 3 à 10 personnes. C'est cette entreprise-là qu'il faut soutenir au Québec pour avoir une valeur ajoutée. Et les moyens financiers qui sont généreusement mis à leur dispo sition par le gouvernement, soit par la formation ou la recherche et développement, sont trop disparates et compliqués.

Mme Marois: Mon collègue va continuer. J'ai remarqué que, sur les infrastructures... Vous n'êtes pas venu, dans les infrastructures, à mettre en commun avec les municipalités et peut-être même des établissements du secteur privé...

M. Leduc: Là, c'est uniquement pour inviter le gouvernement à nous aider à faire ce genre de projet conjoint, parce qu'il y en a déjà, mais il faudrait les multiplier.

Mme Marois: D'accord.

Le Président (M. Després): Merci, Mme la députée de Taillon. La parole est au député de Labelle.

M. Léonard: Oui, M. le Président, merci, et merci en particulier, tout précisément, à M. Parent des remarques qu'il vient de faire. Ça rejoint ce qui est discuté ici en rapport avec les programmes de PME, de recherche et développe- ment. Nous en sommes très conscients, et il nous renouvelle la mémoire.

Je voudrais parler des recommandations ' 6, 7, 8. À la huitième, vous finissez par faire une recommandation sur la décentralisation, la responsabilisation des collèges, la rationalisation des programmes, etc. J'ai quelques idées que j'aimerais explorer avec vous. Je ne sais pas ce que vous en pensez. Je suis profondément d'accord avec une décentralisation, mais quand vous demandez juste au gouvernement de modifier ses processus administratifs, ça implique que vous laissez le gouvernement les définir Et si on parle vraiment de décentralisation, à mon sens, ça pourrait être les cégeps qui les définissent. Pour moi, ça va jusque-là et ça ne s'arrête pas juste à laisser le gouvernement les modifier et les améliorer.

Dans une optique comme celle-là où l'on décentraliserait, on peut aller très loin dans cette réflexion, mais à une condition, à mon sens, c'est qu'il demeure des contrôles généraux. Alors, je pose la question tout bêtement: Est-ce que les cégeps sont prêts à envisager, au moins pour les programmes de formation générale, un examen uniforme à l'ensemble du Québec, quitte à ce que, pour tout le reste, vous ayez l'autonomie complète?

M. Leduc: Ce n'est pas exclu. On sort du domaine des finances, mats ça n'est pas...

M. Léonard: si vous permettez, avant... je crois qu'il y a un aspect profondément financier à cette question, parce que, à mon sens, si vous décentralise/, vous pouvez économiser, je suppose. c'est le pari que je ferais.

M. Leduc: Mais, surtout, il y aurait une évaluation crédible et publique de l'ensemble des résultats. Donc, ça pourrait être plus rentable pour le réseau. Cela dit, oui, ça a été envisagé, notamment pour le français. La perspective... Il y a actuellement un test qu'on est en train de monter, l'ancien test pour l'admission à l'université...

M. Léonard: O.K.

M. Leduc: ...qui pourrait éventuellement... Il n'y a rien de garanti; c'est en cheminement, mais il n'y a pas d'objection de principe, éventuellement, à ce que ça se transforme en un examen terminal en français.

M. Léonard: Bon. Mais ma question va, je pense, plus loin que ça, parce que ça pourrait être toutes les principales matières, et je suis conscient que je me rapprocherais d'un modèle plutôt européen de la formation qu'américain ou anglais. Je comprends. Mais quand vous parlez de l'examen de français, les universités et un peu le public ont tordu les bras du système d'éducation,

à l'heure actuelle ou depuis quelques années, à l'effet d'améliorer le français. Mais, à mon sens, ce n'est pas la seule chose dans la formation. Ça va beaucoup plus loin que ça. Il y a une formation générale à laquelle on revient, même aux États-Unis, par les temps qui courent; ça nourrit toute la littérature de la formation. Et, à mon sens, sur le plan administratif, il y a des économies majeures à faire dans notre système si on laisse les cégeps s'administrer eux-mêmes, quitte à ce qu'il y ait des contrôles généraux.

L'autre chose, l'autre élément: j'ai bien aimé quand vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait favoriser la réussite de l'étudiant. Je vais plus loin. À mon sens, il faut non seulement favoriser la réussite mais il faut primer la réussite. Les étudiants qui arriveraient les premiers dans des contrôles uniformes comme ceux que je mentionne, eux, devraient avoir accès immédiatement à un système de bourses très large pour eux et ne pas être obligés de travailler le long de leurs études, leur cours universitaire par la suite s'ils continuent à l'université, ou technologique s'ils continuent dans la voie technologique.

M. Leduc: Alors, relativement aux contrôles rigoureux auxquels vous faites allusion, pour nous, pour l'instant, mise à part la perspective éventuelle d'un examen en français, c'est surtout que ça passe, dans un premier temps à tout le moins, par une redéfinition des objectifs nationaux pour la formation générale de façon beaucoup plus rigoureuse, et ensuite, dans un deuxième temps, compte tenu de la responsabilisation des collèges, par l'évaluation des résultats que chacun des collèges aura obtenus par ses examens, par ses candidats rendus à l'université ou ses candidats rendus au marché du travail, et là, oui, il y aurait l'évaluation de l'établissement et de ses programmes, ce qui nous apparaît encore plus favoriser la responsabilisation et la prise en main de ses propres défis que le fameux examen national étalé sur toutes les matières possibles et impossibles de la formation générale. Ça nous apparaît, dans un premier temps à tout le moins, plus intéressant et moins glissant comme terrain...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Leduc: ...parce que l'imputabilité tait partie également d'un processus qui rend le système plus transparent et, pour prendre vos termes, plus rentable au bout du compte.

Quant à la réussite, oui, évidemment, je suis parfaitement d'accord pour soutenir la réussite, mais, en même temps, si je prends, par exemple, le dernier rapport du Conseil supérieur de l'éducation, il propose aux différents réseaux des objectifs chiffrés de diplomation en disant: II faudrait que le collégial produise, en des termes un petit peu... Enfin, 60 % de ceux qui entrent sortent avec un diplôme, on est parfaitement d'accord, mais il faut qu'on se mette d'accord tout le monde qu'en disant cela, ça coûte de l'argent. Ça coûte de l'argent. On ne peut pas tenir un discours comme celui-là en misant uniquement sur la bonne volonté d'un réseau et de ses enseignants.

C'est notre point de vue, et c'est le point de vue également du Conseil supérieur de l'éducation. Sinon, c'est se leurrer. Alors, oui, nous sommes pour la réussite. Oui, nous voulons soutenir et récompenser, comme vous le soulignez vous-même, mais nous voulons...

M. Léonard: Ce n'est pas récompenser.

M. Leduc: ...surtout des moyens adéquats pour soutenir cette réussite-là.

Le Président (M. Després): En conclusion, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Oui, c'est en conclusion parce que, pour moi, j'ai peut-être employé ce terme-là, «récompenser», mais je ne pense pas...

M. Leduc: Reconnaître.

M. Léonard: ...primer... Parce qu'à mon sens vous investissez dans la qualité lorsque vous facilitez la continuation d'études, ou de recherche, ou de formation à des étudiants qui sont bons. Je pense qu'il faut viser cela. Alors, pour moi, pour la société, ce n'est pas une récompense mais, en quelque sorte, on peut l'exprimer comme cela. Je comprends. Merci beaucoup.

Le Président (M. Després): Merci, M. le député de Labelle.

M. Leduc, M. Parent, M. Larose et M. Bouchard, on vous remercie de votre présentation cet après-midi à ce débat sur les finances publiques du Québec.

J'appellerais maintenant la Fédération autonome du collégial à venir prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 10)

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Després): J'aimerais souhaiter la bienvenue à la Fédération autonome du collégial. Nous avons une heure à notre disposition, c'est-à-dire 20 minutes pour votre présentation et le reste du temps est réparti également entre la formation ministérielle et les députés de l'Opposition, 20 minutes chacun.

Donc, j'inviterais le responsable ou la responsable à présenter les gens qui l'accompa gnent et à bien vouloir nous présenter son mémoire

Fédération autonome du collégial (FAC)

M. Duffy (Michel): Bonjour. À ma droite, Mme Ginette Sheehy, enseignante en économie au cégep de Valleyfield, puis M. Jean Murdock, enseignant en sciences politiques au cégep de Jonquière et vice-président de la Fédération. Je m'appelle Michel Duffy; je suis enseignant en langue et littérature au cégep de Valleyfield et je suis président de la Fédération. À ma gauche, M. Jean-Guy Desmarais, enseignant en mathématiques au cégep André-Laurendeau et secrétaire-trésorier de la Fédération.

M. le Président, M. le ministre, Mme la députée, membres de cette commission, la Fédération autonome du collégial est une organisation syndicale d'enseignants et d'enseignantes de cégeps fondée en 1988. Elle est présente dans la plupart des grandes régions du Québec et est à l'image de sa dualité linguistique. La Fédération autonome du collégial s'est donné comme objectif de défendre les intérêts économiques, sociaux, pédagogiques et professionnels du personnel enseignant des cégeps. Elle revendique pour eux les libertés liées à l'exercice de leur profession, encourage l'accès des femmes à la vie syndicale, agit en solidarité avec tous les groupes de la société qui travaillent à la promotion de l'éducation, de la liberté et de la justice sociale.

Encore un mot, M. le Président, en conclusion de ce préambule, pour remercier les membres de la commission du budget et de l'administration d'avoir bien voulu nous entendre sur le niveau et l'évolution des dépenses gouvernementales au Québec, sur les nouveaux objectifs de redressement de la situation qu'il s'est donnés. En souscrivant à l'idée de participer à cette commission, la Fédération autonome du collégial, dont l'une des finalités est de promouvoir pour le plus grand nombre l'accès à une éducation de qualité, notamment celle de l'ordre collégial, entend profiter de l'occasion et faire connaître ses positions sur le rôle et l'importance de l'institution collégiale dans le contexte socio-économique actuel de la société québécoise.

Après la question constitutionnelle dont les contours postréférendaires restent pour le moins brouillés, l'actualité n'a pas manqué, en effet, de ramener en débat un aspect ou l'autre de la situation critique de l'économie actuelle, qu'elle soit mondiale, canadienne ou québécoise. Entre le remodelage mondial des règles du jeu de la vie sociale, politique et économique, la récession a généralisé ses effets dans tous les pays industrialisés, et les chantres du néo-libéralisme n'ont su la contrer: déficit budgétaire accru, rationalisation, restructuration et délocalisation d'entreprises, taux de chômage record, régions sinistrées. En dépit de l'orientation gouvernementale dite des grappes industrielles ou d'efforts de concertation des différents acteurs sociaux et économiques prenant tantôt la forme de forum de l'emploi, de commissions parlementaires sur l'avenir politique du Québec, sur le développement et la formation de la main-d'oeuvre ou, plus récemment, sur l'ordre d'enseignement collégial et en dépit du fait qu'on ait dégagé de ces lieux des consensus, des idées sur la relance de l'économie et sur la nécessité d'établir de nouveaux partenariats, les choses ne décollent pas vraiment. Et le Québec, lit-on dans «Les finances publiques du Québec: vivre selon nos moyens», se retrouve avec des dépenses publiques supérieures à celles de l'Ontario et trop élevées par rapport à la capacité de payer de la société québécoise.

Nous comprenons que c'est sur cette toile de fond problématique que les audiences de la commission du budget et de l'administration sont convoquées par le gouvernement québécois, sans doute dans l'esprit que se dégagent de véritables perspectives intersectorielles, car les ministres impliqués, sans dévoiler alors l'énoncé d'une politique, n'en orientaient pas moins la commission qu'ils chargent d'examiner le financement des services publics au Québec et d'examiner les orientations à privilégier à court et à moyen terme en ce qui a trait au niveau et à l'évolution des dépenses gouvernementales, de la fiscalité, du déficit, des besoins financiers et de la dette. Nous sommes conscients également que ces audiences permettront au gouvernement d'esquisser la toile de fond politique sur laquelle il entend poser la ronde des négociations des secteurs public et parapublic qui s'amorce ce printemps.

Dans notre mémoire, nous avons abordé les perspectives suivantes: d'abord, l'état de la scolarité au Québec, l'état de la scolarisation, le niveau de scolarité et les taux d'activité, le caractère stratégique de l'éducation et l'effet d'entraînement dans toute la société; la formation collégiale et la formation d'une main-d'oeuvre compétente ou le meilleur pari pour l'économie des années deux mille; la reconnaissance du diplôme d'études collégiales, la formation professionnelle, le rôle de la formation continue; ensuite, les problèmes vécus par les collèges ou les prolongements de l'ordre secondaire, la réussite au collégial, les cheminements scolaires, linéaires ou particuliers, les droits de scolarité; après, la nécessité d'un financement adéquat et quelques considérations générales, le coût des ressources humaines enseignantes, la tâche et le perfectionnement; enfin, en conclusion, les ressources de l'État, le partenariat collèges-entreprises, les conditions préalables à un tel partenariat, le perfectionnement, le res-sourcement, la recherche, le coût de l'enseignement collégial bien en dessous des bénéfices. L'ensemble se referme sur les principales recommandations de notre Fédération.

Nous pourrions être tentés de conclure à la mission accomplie des collèges après 25 ans d'existence, mais aussi au caractère incomplété

de cette mission si nous tenons compte des nouvelles tendances sociales et des demandes de formation supérieure de masse que celles-ci exigent de notre système d'éducation, surtout depuis que le discours de l'efficacité et l'exemple de l'entreprise cherchent à mettre en forme la totalité du monde scolaire, à en rationaliser l'organisation pour le rendre plus performant. (16 h 20)

L'occasion nous semble belle, à l'heure de la globalisation des marchés et de la qualité totale, de redire au gouvernement la nécessité non seulement de maintenir mais d'accroître son investissement en éducation, de rappeler aux législateurs que, si le réseau collégial québécois a connu une expansion si considérable, c'est qu'il s'est construit autour de l'idéal de l'égalité des chances. Il est nécessaire également de préserver à tout prix ce principe supérieur commun qui a permis que s'organisent au Québec il y a 25 ans une nouvelle définition de l'enseignement secondaire et postsecondaire, une gestion nationale du système éducatif et un accès à ces savoirs pour une partie considérable de la population qui, autrement, en aurait été privée, puis la mobilité sociale qu'elle a rendue possible. C'est dans l'institution collégiale que, de façon privilégiée, les valeurs changeantes de notre société, les mutations critiques - tant des points de vue politique et économique que social et culturel - qu'elle connaît trouvent à la fois leur formulation, leur procès et, bien souvent, leur solution. rappelons, pour mémoire, que dès le début des années cinquante le québec se prépare à une véritable explosion scolaire. de 1956 à 1961, le nombre de jeunes engagés dans les études secondaires a doublé. en 1961, le taux d'accès aux études secondaires est de 70 % et celui des études collégiales, de 16 %. en 1986, le taux d'accès aux études collégiales passe à 63 %; au secondaire, il est de 100 %, un dépassement de 19 % des prévisions du rapport parent. en 1989, les filles surpassent en nombre les garçons. elles représentent 56 % de l'effectif total de l'enseignement régulier.

Les cégeps, c'est aussi le formidable pari de la démocratisation des études supérieures: 650 000 jeunes y ont obtenu un diplôme d'études collégiales. C'est aussi un secteur de l'éducation des adultes en pleine expansion qui émet certificats, attestations et diplômes d'études. C'est, dans les régions, l'encouragement de nombreux jeunes à poursuivre des études auxquelles ils n'avaient, jusque-là, pas accès. Ce sont des populations qui profitent d'infrastructures scientifiques, culturelles, sportives et artistiques indispensables à leur développement social. La présence de cégeps dans ces milieux favorise également l'émergence de centres universitaires. Ces ressources humaines nombreuses, dont la compétence s'étend à tous les champs d'activité, ont non seulement contribué à la formation intellectuelle de la main-d'oeuvre mais aussi à la croissance économique et au développement régional.

Les derniers chiffres du Conseil supérieur de l'éducation nous font observer avec quelque désarroi la fragilité des acquis et le retard du Québec dans la proportion de population de 15 ans et plus qui a fait des études universitaires - et qui est de 3,6 % sur l'Ontario - et son solde migratoire négatif sur les plus scolarisés, les disparités entre régions, entre hommes et femmes, entre groupes linguistiques - 27 % d'anglophones contre 14 % de francophones, tous âges confondus à l'université - entre régions -55 % des 20-29 ans sans diplôme d'études secondaires dans le nord du Québec.

Afin de compléter cette mission de l'école de l'égalité des chances, l'État doit: préserver et faciliter l'accès du réseau des cégeps sur tout le territoire du Québec; faciliter l'accès pour le plus grand nombre, jeunes et adultes, selon le principe d'une éducation continue, en maintenant la gratuité scolaire, en assurant aux élèves des prêts et bourses convenables, en encourageant les candidatures féminines dans les métiers non traditionnels, en développant des mécanismes pour amener les personnes des milieux défavorisés à poursuivre leurs études, en élaborant une politique cadre en matière de reconnaissance des acquis, acquis de formation scolaire et de compétence professionnelle; encourager, valoriser et promouvoir la formation professionnelle.

Cette mise en situation faite, nous proposons maintenant de reprendre, sous forme de synthèse, les principales recommandations de notre mémoire. Elles constituent les priorités mises de l'avant par notre Fédération dans le cadre des audiences de cette commission. Au terme de celles-ci, le gouvernement privilégiera certains points de vue qui détermineront ses choix budgétaires. Nous croyons que ceux-ci ne doivent pas revêtir que des aspects d'épargne de fonds publics; ils doivent aussi être des gages d'avenir. Ils doivent placer le Québec sur le même échiquier que les grands partenaires commerciaux.

Nous avons donc, dans un premier temps, reconnu le contexte de globalisation des marchés qui s'opère actuellement dans le monde Los règles du jeu sont internationales. Nous devons nous inscrire dans ce contexte. La meilleure façon de nous y inscrire demeure d'investir dans la formation, car l'inscription à ces nouvelles règles du jeu requiert de s'adapter aux mutations technologiques mais également, et encore plus, de former des personnes équipées pour faire face aux changements toute leur vie. Les changements technologiques exigent un changement des mentalités, un nouveau contrat socio-économique qui prend appui sur une solidarité sociale refaçonnée.

Les volets d'analyse de la scolarisation nous ont amenés à constater, eux, la relation positive

qui existe entre la scolarisation et les taux d'activité dans une société, d'où la recommandation suivante: la société québécoise possède actuellement les infrastructures et les ressources qui l'ont conduite à un niveau acceptable de scolarisation. Les efforts à consentir dans le secteur de l'éducation doivent toujours viser la recherche de ce progrès. Dans le deuxième chapitre, nous constatons l'importance qu'accordent les employeurs à l'embauche d'employés détenant une formation collégiale. Chiffres à l'appui, nous avons également pu voir que les qualités qu'ils recherchent chez ces travailleurs et travailleuses sont issues de la formation générale fondamentale donnée par les collèges. Nous pensons qu'il est important pour une société de valoriser l'éducation. Nous suggérons que le gouvernement du Québec reconnaisse le principe suivant dans ses choix de financement: la formation générale fondamentale doit être valorisée comme clé de voûte de toute formation.

Quant à l'importance de la formation technique, nous formulons la recommandation suivante: qu'afin de maintenir l'adéquation entre les besoins et la disponibilité de technologues compétents les choix budgétaires du gouvernement du Québec traduisent la valorisation de la formation technique et lui apportent les ressources suffisantes à son développement, en accord avec les besoins. Ensuite, l'éducation des adultes doit devenir un véritable secteur de formation continue et être relancée selon sa double mission: scolarisation de la population adulte et adaptation de la main-d'oeuvre aux besoins technologiques et socio-économiques.

Un dernier élément de notre analyse porte sur la formation professionnelle et la formation continue. Nous disons qu'il s'agit là d'instruments privilégiés pour que le réseau collégial devienne cette courroie de transmission des connaissances et des techniques de pointe. Par ailleurs, nous sommes également d'avis que le Québec devienne le seul responsable des politiques de développement de la main-d'oeuvre sur son territoire et la seule administration chargée d'élaborer et de rendre admissibles les programmes et les mesures de formation professionnelle, de développement de la main-d'oeuvre et d'aide à l'emploi.

Au chapitre de la réussite scolaire, nous avons constaté que plusieurs des problèmes qui étaient, il n'y a pas si longtemps, le lot du secteur secondaire sont en train d'atteindre l'ordre d'enseignement collégial. On parle alors de décrochage, de cheminement scolaire difficile et d'une transition du secondaire au collégial marquée par l'incertitude, le manque d'orientation et d'encadrement. C'est pourquoi nous souhaitons que, dans ses choix budgétaires, le gouvernement du Québec reconnaisse ces problèmes reliés à l'encadrement des élèves. Comme il l'a fait pour l'ordre secondaire, qu'il accorde à l'ordre collégial des moyens propres à aider ces élèves en difficulté, notamment en améliorant la relation maître-élève.

Par ailleurs, nous estimons que, par le passé, les restrictions budgétaires ont régulièrement affecté les salaires et traitements du personnel de telle sorte que les employés de l'État ont vu leur pouvoir d'achat décroître au fil des ans. C'est pourquoi nous recommandons que le gouvernement, par ses choix budgétaires, reconnaisse cette contribution passée. Nous estimons qu'il en va de la constitution d'une relève compétente. Nous recommandons également que toute restriction qu'il impose soit justifiée par une analyse rigoureuse de la valeur ajoutée, effectuée pour l'ensemble des postes occupés dans la fonction publique et parapublique. Nous recommandons, de plus, que les irrégularités soulevées dans le rapport du Vérificateur général à l'Assemblée nationale au sujet de l'enseignement collégial soient étudiées et qu'on leur apporte des solutions.

Nous recommandons que le gouvernement procède à la redistribution dans le réseau collégial des surplus de fonds publics accumulés par certains collèges au cours des années. Au sujet de l'imposition des droits de scolarité, notre position s'appuie sur le principe de la démocratisation de l'éducation et sur celui de la justice sociale. Nous recommandons au gouvernement de ne pas pénaliser les élèves en leur imposant des droits de scolarité. Nous demandons au gouvernement de ne pas dénier aux élèves actuels ce dont nous avons tant bénéficié comme société. Il y aurait là une iniquité sociale.

Des solutions, nous en voyons. Nous pensons que, durant toutes ces années, les entreprises ont, plus ou moins passivement, attendu que le système scolaire leur livre, sans obligation de leur part, des élèves bien formés. Ce privilège dont elles ont bénéficié pourrait peut-être, maintenant, se changer en investissement. La Fédération autonome du collégial désire qu'on étudie la possibilité d'imposer aux entreprises l'obligation d'investir un pourcentage de leur masse salariale pour le perfectionnement de leurs employées et employés. Nous demandons que, tout en demeurant le maître d'oeuvre du financement des collèges, l'État favorise d'éventuelles formes de partenariat avec les entreprises et qu'il s'assure d'une redistribution des ressources qui permettra le développement de l'économie des régions. Nous considérons que les entreprises qui bénéficient directement des programmes du collégial devraient contribuer à des fondations pour les collèges.

La suite de notre analyse fait état de la recherche, du perfectionnement et du ressource-ment chez les enseignantes et les enseignants de l'ordre collégial. Ces actions, disons-nous, favoriseraient tout naturellement une meilleure relation maître-élève et contribueraient, d'autre part, à l'enrichissement du partenariat souhaité. (16 h 30)

Nous considérons enfin que la contribution

particulière de la recherche au collégial doit être reconnue et encouragée à la fois par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, les cégeps, les entreprises et les organismes associés, en particulier par la publication et la diffusion des travaux.

En conclusion. Dans la dernière décennie, le Québec a connu coup sur coup deux crises économiques de taille, qu'on appelle aussi récessions, en termes euphémiques, dont les conséquences néfastes ont été inévitables pour des secteurs industriels entiers qui n'avaient su se tenir à jour ni dans la gestion de leur capital, ni dans celle de leurs ressources humaines. Conséquences, bien sûr, surchargeantes pour les finances publiques avec le cortège de maux sociaux qu'elles ont déclenché: taux de chômage record, augmentation de l'assistance sociale, pessimisme moral des jeunes, absence de perspective, décrochage scolaire, etc. Conséquences, il va sans dire, qui n'ont pas épargné non plus le discours politique.

Si l'État garde quelque pouvoir, a-t-il encore quelque autorité? C'est, nous dit François Ricard, dans «La Génération lyrique», qu'on aime bien citer par les temps qui courent, l'espace politique lui-même qui serait aliéné, dépouillé de toute finalité propre, devenu pur moyen de fins qu'il exécute sans les concevoir, colonisé, en somme, et tout entier domestiqué.

Nous attendrions de l'État davantage de hauteur, de vision, de projets, mais l'équilibre budgétaire et l'imposition de frais aux usagers semblent devenus la seule transcendance qui en justifie l'existence et les actions. Les recommandations de la Fédération autonome du collégial, tout en admettant qu'elles soient partielles au regard des problèmes considérés, visent à produire des effets de croissance économique dans toutes les régions du Québec. Les collèges constituent des instruments de développement à privilégier dont la valeur ajoutée dépasse largement les coûts.

En terminant, nous voudrions surtout dire au législateur et aux membres de cette commission qu'il est temps de procéder à un calcul non strictement comptable des investissements publics, mais un calcul économique qui implique des intangibles ou des aspects non immédiatement mesurables. C'est dans un esprit prospectif que nous avons rédigé ce mémoire, et nous vous prions de le recevoir comme la contribution de ceux et celles qui croient fermement que le développement social et économique du Québec passe d'abord par son système d'éducation, d'où notre insistance pour qu'on en augmente plus que jamais les moyens et la puissance de rayonnement. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, je vous remercie, M. le Président.

Pour souhaiter la bienvenue à madame, messieurs, la moitié de la délégation étant composée d'enseignants presque de mon comté, le cégep de Valleyfield, évidemment, où un grand nombre de mes commettants ont reçu et continuent à recevoir un enseignement de toute première qualité, je dois le dire tout de suite d'entrée de jeu. Je vous remercie donc de votre contribution. Vous avez fait avec beaucoup de sobriété une compréhension des enjeux qu'on voulait mettre sur la table de la commission.

Je ne peux pas m'empêcher, évidemment, tout de suite de relever ce qu'à la toute fin vous indiquiez quant au manque de vision que vous pouviez peut-être déplorer, mais vous le faites avec tellement de finesse que je n'interprète pas ça comme un commentaire négatif. Je relèverai néanmoins que la vision...

Une voix:...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: ...remettre les choses en place, oui.

La vision a ceci de caractéristique, c'est qu'elle se concentre sur l'avenir et non pas sur le présent, et certainement pas sur le passé. Ce qui m'apparaft important, c'est de bien isoler, dans cette vision qu'on peut avoir de la société et les objectifs et les moyens. Il faut penser aux deux.

Les moyens qu'on a mis sur pied ont consisté à favoriser l'accès à l'éducation primaire et secondaire, évidemment, et postsecondaire par l'instauration de cet ordre d'enseignement qui n'est pas remis en cause, je l'ai dit tout à l'heure, lorsque les représentants de la Fédération des cégeps sont venus devant nous. Ça a été un moyen que le Québec a utilisé pour former ses gens et leur permettre de contribuer de façon plus efficace au développement du Québec.

Donc, ce moyen, la scolarisation des Québécois, est un acquis. C'est un acquis qui coûte quelque chose. Je pense qu'il faut avoir à l'exprit... je soulignais tout à l'heure qu'on doit quand même vérifier les coûts auxquels on a atteint les niveaux de scolarisation que vous avez repris dans votre mémoire, des coûts qui sont supérieurs au niveau d'ordre qui nous concerne, évidemment, car c'est la gratuité jusqu'à la treizième année de scolarité, alors qu'ailleurs ce sont les 12 premières années, évidemment, qui sont gratuites.

Donc, nos voisins qui ont des enfants des mêmes âges les envoient au même niveau que nous, et ça leur coûte au bas mot 2000 $ au niveau collégial II, évidemment, collège II, alors qu'ici vous continuez à soutenir la gratuité. Il faut se rendre compte de ce coût. Ce coût s'explique. Il s'explique par la structure additionnelle que nous avons mise sur pied, il s'explique

par la polyvalence également que ça peut nous avoir donnée. La structure, comme telle, ce n'est pas en soi un acquis. La polyvalence, ça peut être un avantage. Il s'agit donc de décomposer, encore une fois dans les moyens qu'on met à l'atteinte d'une vision, les différents éléments de ces moyens.

Mais j'aimerais quand même vous rappeler que nous sommes dans une situation que vous ne semblez pas contester quant à la capacité financière de l'État. J'aimerais que vous vous prononciez peut-être avec un peu plus de fermeté sur la nécessité du maintien de la gratuité, fermeté dans le sens qu'on doit bien distinguer - et vous le faites - la capacité d'accès à l'enseignement des chances de succès d'atteindre un développement plus avancé.

Il m'apparaît que les chances de succès sont plus importantes que l'accès comme tel, comme valeur ultime. Nous devons connaître le succès. Je cherche le raisonnement qui, selon vous, nous amènerait à continuer à nous distinguer quant à la gratuité à ce niveau que nous devrions conserver. Ça m'apparaît important parce que c'est ce dont on discute essentiellement, la gratuité des services publics. Vous en avez fait un article de foi, je dirais. J'aimerais que vous nous indiquiez où puisent les forces de votre foi.

M. Duffy: M. le Président...

Le Président (M. Lernieux): Nous vous écoutons. (16 h 40)

M. Duffy: ...nous avons même fait un chapitre aussi dans notre mémoire qu'on avait intitulé: «Les droits de scolarité ou comment compromettre des acquis importants». Alors, selon nous, il y a un lien très direct entre les taux de réussite scolaire et la pauvreté sociale. Je pense que nous en avons montré des tableaux assez éloquents. Les principaux conseillers du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, eux-mêmes, quand ils ont témoigné à la commission parlementaire de l'enseignement collégial, ont fait état également de cette espèce de nécessité de préserver ce caractère absolu de la gratuité pour préserver à la fois le principe de l'accessibilité. A contrario, on pourrait dire que d'imposer des droits, ça va freiner l'accessibilité et aussi, en freinant l'accessibilité, évidemment, on freine la hausse de scolarisation pour une partie de la population du Québec qui en a un énorme besoin. Donc, on rejoint un peu aussi éventuellement le taux de réussite à l'autre bout de la course.

Ça pourrait ajouter également l'imposition de droits de scolarité à l'abus et à la valorisation du travail précoce que dénonce le Conseil de la famille et d'autres organisations. On sait que c'est déjà même une cause, pour un certain nombre d'élèves, de décrochage, le double stress, là, à mener sa vie de travail et d'études. Et, si on pousse un peu plus loin, je dirais la valeur ajoutée de tout ça, on peut toucher, si vous voulez, au risque d'augmenter ces taux d'abandon et de décrochage, qui avoisinent, si vous l'ignorez, les 40 % au secteur collégial. C'est à peu de chose près ceux de l'ordre secondaire et sans doute... enfin, tout près aussi de ceux qu'on retrouve à l'ordre universitaire qui n'est pas épargné par ce phénomène.

Qu'est-ce qu'on fait avec quelqu'un qui abandonne, qui décroche et surtout qu'on pénalise parce qu'il a des échecs? On le voue carrément, au fond, à l'exclusion. On lui dit que parce qu'il a des échecs... mais on ne s'interroge pas sur les raisons de ces échecs-là. Sont-ils imputables à des problèmes d'orientation issus déjà d'ordres scolaires antérieurs, difficultés intellectuelles, manque d'encadrement dans son cheminement? Vous savez qu'il y a très peu d'élèves qui diplôment du premier coup. On donne des pourcentages. En sciences humaines, par exemple, il n'y en a que 22 % qui diplôment du premier coup. Ce n'est pas beaucoup. Ça veut dire que ces gens-là, à moins qu'ils aient changé de programme, ont dû accumuler quelques échecs. Un élève faible, comme on en rencontre un bon nombre, peut avoir facilement deux échecs, mettons, à la première session, et deux peut-être à l'autre session, et, tout à coup, au cinquième, là, le couperet tombe: lui, il paie ses études.

Je ne sais pas à quelle finalité de justice ou d'équité sociale ça pourrait correspondre, et c'est là-dedans qu'on puise notre foi que vous sembliez chercher quelque part. On ne voudrait surtout pas, parce qu'on reconnaît également les effets redistributifs importants pour les gens qui sont défavorisés socialement, économiquement, de la diplomation. On est plutôt pour favoriser, encourager les cheminements qui font qu'entre l'accès et la diplomation, l'élève ait toutes les chances possibles de réussir. C'est notre travail d'enseignantes et d'enseignants que de faire avec lui ce cheminement qui le mène au diplôme.

Qu'est-ce qu'on fait avec un élève qui décroche ou qui abandonne parce qu'on lui a imposé des droits de scolarité pénalisants? Que devient-il alors qu'on sait que, de plus en plus, l'industrie demande que les gens aient un diplôme d'études collégiales pour pouvoir se placer, enfin, travailler? Est-ce que ce n'est déjà pas un peu une forme d'exclusion sociale qu'on leur impose, à ce moment-là?

On prévoit sans doute, si on parle des gens qui ont plus de cinq échecs, on peut peut-être faire des calculs et penser qu'il pourrait y en avoir de 6000 à 7000 dans le réseau, actuellement, qui continuent, mettons, avec plus de cinq échecs. En gros, on pourrait calculer cela. Est-ce que le coût d'une réussite éventuelle de ces élèves-là, parce qu'ils n'échouent pas tous, parce qu'ils ont quelques échecs accumulés, n'est pas plus rentable à long terme que le fait de les

exclure du système scolaire collégial?

Qu'est-ce que ça rapporte, 6000 à 7000 élèves à qui on imposerait, je ne sais pas, moi, mettons 50 $ pour un cours? Est-ce que ça ne vise pas autrement que de faire rapporter des choses à l'État, une façon de les tasser en disant: Écoutez, faites de la place à de plus riches que vous, à de plus pourvus sur le plan intellectuel, à de mieux nantis? Enfin, il y a tous ces problèmes-là, je pense, qu'il faut nécessairement greffer à l'échec scolaire, éventuellement à des pénalités.

Le Président (M. Lemieux): ...commentaires. Il n'y a pas d'autres... Oui...

M. Duffy: Peut-être en complément, M Desmarais.

M. Desmarais: M. le Président, à la page 38 de notre mémoire, on préconise plutôt, alors le dernier paragraphe, des mesures de renforcement positives, et le député de Labelle en parlait tout à l'heure. Je pense que, plutôt que de pénaliser ceux qui ont des échecs, on devrait peut-être essayer de favoriser la réussite en disant aux gens: Si vous terminez dans les délais prévus et que vous avez eu recours à des prêts et bourses, il pourrait y avoir une transformation d'une partie du prêt en bourse. Pour ceux, à peu près la moitié, qui n'ont pas recours aux prêts et bourses, il pourrait y avoir un système de bourses pour ceux qui désirent aller à l'université ou un système de placement en industrie. Ça, ça nous semble des mesures plus intéressantes qui vont inciter les gens à terminer dans les délais prévus.

Je vous dirais même que ceux qui sont les apôtres, actuellement, de la tarification ont quand même dit que la durée - je l'ai entendu tout à l'heure - n'était quand même pas l'élément le plus important. C'était l'échec qu'il fallait pénaliser. Alors, nous, ce qu'on vous dit, c'est, justement, qu'il faut s'attaquer au problème de l'échec, mais en essayant, sur le plan positif, de favoriser la réussite. Nous, on est convaincus que le résultat d'une tarification seulement au niveau de l'échec va simplement exclure du réseau. Nous, on a évalué ça à 6000 ou 7000 personnes qui vont se retrouver où, peu diplômés, à l'assistance sociale?

Ce n'est pas évident que... Enfin, on vous laisse faire les calculs, là, mais ce n'est pas évident qu'il y a une récupération monétaire intéressante, à moins qu'on nous dise que l'objectif, c'est une rentrée importante de revenus, mais, à ce moment-là, ce n'est pas ce qu'on nous a dit tout à l'heure, de tarifer seulement les échecs. Il faut tarifer tout le monde. Là, on parle d'autre chose complètement, là.

Une voix: Et on ne se met pas davantage d'accord.

M. Desmarais: Encore moins.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Verdun, la parole est à vous pour quelques instants, brièvement. Il reste seulement une minute et demie.

M. Gautrin: Bien, est-ce qu'on ne fait pas l'alternance ou...

Moi, M. le président, j'ai une question à vous poser. Vous avez très brillamment défendu l'importance de l'enseignement collégial, et je dois dire que j'en suis, c'est-à-dire que je partage tout à fait avec vous le fait que l'enseignement collégial est un niveau majeur dans le développement économique du Québec. Vous avez défendu avec brio aussi, je dois le dire, les risques qu'il y aurait d'imposer des frais de scolarité. J'en arrive quand même à vous signaler que, si on est réunis ici, aujourd'hui, c'est que nous avons un problème budgétaire. Alors, je vais vous poser la question qui arrive. Si on reconnaît, de part et d'autre, l'importance des cégeps, on comprend et on convient qu'il n'est peut-être pas sain d'aller vers la tarification dans ce secteur-là.

J'arrive aux enseignants, et vous représentez les enseignants. Est-ce qu'il est concevable, et je sais que votre première réaction, bien sûr, ça va être non, mais je voudrais savoir quel effet ça aurait quand même que votre tâche, à l'heure actuelle, qui est, si je ne m'abuse, de 15 heures/semaine, à moins que je ne me trompe, puisse être augmentée - et je comprends que c'est 15 heures comptables. Je sais qu'il y a des préparations de cours, je sais qu'il y a des corrections, je sais tout ça, mais est-ce qu'il est concevable que, compte tenu de la difficulté financière dans laquelle nous sommes, on augmente légèrement la tâche des enseignants dans les cégeps? Comment vous réagiriez à une telle proposition?

Je comprends que, d'emblée, vous n'allez pas dire: Nous sommes tout à fait d'accord. Ça, je le sais, mais par rapport aux autres mesures que nous avons envisagées, comment vous réagiriez à cette mesure-là, l'augmentation de la tâche des enseignants?

M. Duffy: En fait, c'est une réaction qui pourrait s'échelonner, je dirais, sur les 10 dernières années, dont je peux vous faire part spontanément, maintenant, l'effort à faire. Je vous rappelle, juste pour mémoire au cas où on l'aurait oublié, là, qu'en 1983, il y a eu non seulement une dévalorisation, je pense, de l'image qu'on a encourue, une perte de notre pouvoir d'achat, une perte de salaire et augmentation de la tâche de l'ordre de 13 %, à ce moment-là, qui ont fait que nos groupes dont on parle, par exemple, en formation générale ou fondamentale, sont passés par semaine entre les 160 et 180 et allant même jusqu'à 200 élèves

par semaine. Et depuis, évidemment, gel et prolongation en dépit de quelques ajouts de ressources, mais enfin, on pourra compléter tantôt sur ce qui est advenu de cet ajout de ressources.

On a un peu l'impression que les mêmes causes produiraient les mêmes effets dans 5 ans. On serait ici à nouveau devant vous, et vous nous demanderiez à nouveau: Écoutez, vous ne pensez pas qu'on pourrait... Dans le texte que vous avez écrit, là, sur «Vivre selon nos moyens», aux pages 136 et 137, je pense que vous faites état de consensus sur la difficulté et les défis qui attendent actuellement l'enseignement collégial. J'en nomme quelques-uns, là: les taux d'accès, les retards accumulés, les cheminements scolaires de plus en plus différenciés, les demandes croissantes de personnes et d'entreprises en perfectionnement, recyclage, formation sur mesure, taux d'échec et d'abandon et, compte tenu surtout de la demande accrue d'encadrement pour toutes ces clientèles disparates et, à travers cela, le perfectionnement des professeurs. (16 h 50)

Vous savez qu'un professeur a 150 $ par année pour se perfectionner au secteur collégial. En dépit de tout cela, on nous demande d'augmenter encore. On se demande un peu quel est l'étalon de référence par rapport à nous, là. Je sais qu'en 1983 on avait évoqué des choses qui appartenaient davantage à l'Ontario. Maintenant, on se demande un peu c'est quoi, l'étalon, enfin, la jauge derrière tout ça. On se demande aussi quel est l'incitatif que vous nous proposez.

Au fond, vous nous demandez d'améliorer la qualité du produit, d'une part, donc, faire mieux, la productivité, donc, faire plus, en même temps que de réduire le personnel avec moins. Mieux et plus avec moins, d'une certaine manière, c'est ce que vous...

M. Gautrin: Ou de travailler plus. M. Duffy: Pardon?

M. Gautrin: Ou d'avoir plus d'heures contact et...

M. Duffy: Oui. Ça revient au même. C'est-à-dire que si les enseignantes et les enseignants ont plus d'heures contact, il y a moins d'enseignantes et d'enseignants dans le réseau, si on se comprend bien, n'est-ce pas? Alors, c'est cela, faire plus, faire mieux avec moins.

Écoutez, je vous dirai franchement que je n'ai pas le mandat aujourd'hui de vous dire oui et je doute fort qu'en allant consulter mes collègues qui ne manqueront de me voir vous répondre, je vais d'abord les consulter avant de poursuivre. Mais je pense que mon collègue aurait peut-être un complément de réponse aussi à apporter.

M. Desmarais: Oui, un léger complément. Comme M. Duffy le soulignait, en 1983, le gouvernement avait déposé une étude comparative des coûts du système d'éducation entre le Québec et l'Ontario, et les ajustements qui se sont faits par la suite, pour les appeler comme ça, avaient comme but de réexaminer les coûts entre le Québec et l'Ontario.

Quand on lit votre document, il n'y a pas de telles prémisses. Alors, ça nous a rassurés. On s'est dit: Probablement qu'avec l'Ontario, ma foi, on doit être comparable. Par contre, quand on lit le texte que M. Duffy a souligné tout à l'heure, c'est qu'on suggère que peut-être on devrait - et le président du Conseil du trésor nous a dit qu'il avait un objectif de réduire dans l'ensemble de la fonction publique et parapublique le personnel d'une dizaine de pourcents étalés sur cinq ans.

La question que les gens vont nous poser, quand on va aborder la question, et Michel l'a bien dit: C'est quoi, l'étalon de référence? Est-ce parce que là, maintenant, on a rejoint l'Ontario, mais que ça pose encore un problème? Il faut aller ailleurs. Il faut aller où? C'est quoi, l'étalon? On aimerait le savoir. Il n'y a pas d'objectif de fixé. Est-ce 10 %, parce que c'est 10 % partout? Et si les équilibres budgétaires faisaient en sorte qu'on refait le calcul, puis ça donnait 18,2 %, puis on dirait: II faut couper 18,2 %, on essaie de chercher la logique qui ferait que les heures contact passeraient de 15 à 15,8 fois, 17, 20. Pourquoi pas 25 %?

M. Gautrin: Je peux vous répondre tout de suite sur l'étalon de référence. Ce qu'on cherche, à l'heure actuelle, c'est, compte tenu de la difficulté budgétaire dans laquelle on est, de pouvoir, comme l'a dit avec brio votre président, je dois le reconnaître, de pouvoir faire plus avec moins. Et ça, c'est le défi que nous avons tous actuellement au Québec, compte tenu de la situation des finances publiques, et c'est la question que je vous posais, si vous pouvez faire votre part aussi à l'effort collectif qu'on est en train de concevoir.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Verdun.

M. le président du Conseil du trésor, 40 secondes, pas plus, malheureusement.

M. Johnson: Oui, très brièvement, dans le même sens, pour rappeler que le document gouvernemental, évidemment, s'appelle «Vivre selon nos moyens» et que, si on a pu réaliser une étude, M. Desmarais, qui démontre qu'on a réaligné les coûts, on peut donc en conclure que ça coûte la même chose. C'est donc les mêmes coûts unitaires, cet enseignement, cet ordre d'enseignement au Québec et en Ontario, sauf qu'on est 35 % moins riche. Alors, on paie donc la même chose que des gens qui ont plus les moyens que nous. C'est ça qu'il faut avoir à

l'esprit à chaque fois qu'on regarde là où on s'en va et la vitesse à laquelle on va.

Si on veut maintenir cette fiction que nous avons les mêmes moyens que les autres, on peut l'accepter dans des activités de l'État qui sont essentielles au développement de la société. La scolarisation de nos gens est très certainement une priorité. Il faut accepter, donc, que ça se financera par de moindres dépenses dans d'autres activités ou par des modes de financement qui nous permettront d'être plus disciplinés et plus efficaces. C'est à ça qu'on vous conviait, évidemment, aujourd'hui.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

Madame... M. le député de Montmorency.

Mme Marois: Je commencerai...

Le Président (M. Lemieux): Oh! Je m'excuse. Alors, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: ...puis, après ça, mon collègue va... Merci, M. le Président.

À mon tour, je vous souhaite la bienvenue. Votre mémoire est très riche, très intéressant, et je trouve les échanges aussi fort pertinents, évidemment, à nos débats.

Je vais aller directement à un certain nombre de recommandations que vous faites. Le plus grand problème qu'on a, dans le fond, c'est de ne pas avoir assez de temps pour creuser les questions que vous soulevez et les propositions que vous faites. Entre autres, à la page 48 du mémoire principal, vous revenez sur cette question, parc» que c'ost toujours co qui me préoccupe - si vous suivez un peu les débats, vous allez constater que c'est toujours ce qui me préoccupe - c'est de voir qu'est-ce que l'on peut faire de mieux avec les ressources que l'on a et, de plus, pour que nous ayons un impact sur notre économie en termes d'emplois et qu'on s'attaque, donc, aux problèmes que les finances publiques poseront dans 5 ans, dans 10 ans, si on ne corrige pas ça, comme elles les posent maintenant, les problèmes.

Vous parlez, à la recommandation 4, que l'éducation des adultes doit devenir un véritable secteur de formation continue et doit être relancée selon sa double mission, soit la scolarisation de la population adulte et l'adaptation de la main-d'oeuvre aux besoins technologiques et sociologiques.

Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'effectivement, de ce côté-là, il y a des lacunes majeures quant à cette mission que l'on a voulu confier à l'éducation des adultes en ce qui concerne particulièrement l'adaptation de la main-d'oeuvre? J'aimerais ça vous entendre sur cela et en quoi vous pensez, si on veut, à une réorganisation de cela ou à une réorientation de ce secteur-là, où un investissement pourrait avoir un impact quant à l'aide à l'entreprise, si on veut, à l'aide à la formation des travailleuses et des travailleurs et des adultes en général.

M. Duffy: Oui, il y a toutes sortes d'aspects à votre question, Mme Marois... M. le Président.

Mme Marois: Ça va. Le président est habitué de vivre avec ça.

M. Duffy: Bon. Mais, enfin, comme il est... Ça va. Mais, enfin, on sait que, depuis 25 ans, il s'est accumulé un certain nombre de difficultés eu égard aux relations entre le secteur régulier et le secteur des adultes, qui n'a pas tout à fait ni son autonomie, ni ses ressources, je dirais, propres ou correctes pour fonctionner, selon nous, dans une véritable perspective de développement de la main-d'oeuvre et de son adaptation. Alors, s'y retrouvent aussi les problèmes de chevauchement des juridictions avec des cours sur mesure qui ne mènent, parfois, nulle part. Tout à coup, on va avoir un programme; là, quelqu'un est prêt à financer un cours dans des plastiques, technologie des plastiques. Alors, on investit un petit peu et, parfois, ce sont des chômeurs et des chômeuses qui viennent suivre ces cours-là.

Bon, il y a des programmes qu'on connaît un peu qui les incitent à... Ça, c'est un aspect de l'éducation des adultes et, après les 10 ou 12 semaines de cours, bon, bien, on n'a pas nécessairement davantage d'emploi, on n'est pas nécessairement inscrit dans une formation continue qui mènerait, éventuellement, à un diplôme intéressant et qui amène la promotion sociale. Il y a pou d'intégration aussi entre les ressources de l'enseignement régulier, qu'on appelle aussi ordinaire, et celui de l'éducation des adultes, si ce n'est par le biais d'échanges un peu obligés entre des gens qui complètent leur tâche aux adultes le soir, si je parle des enseignants, ou encore des chargés de cours qui ne sont pas du tout intégrés à la vie des départements, qui ne sont même pas sélectionnés par le département.

Alors, là, c'est parfois très intéressant, ce qui se recrute, puis c'est parfois aussi très inégal et ça crée des problèmes aussi, éventuellement, aux réguliers parce que ces gens-là y accumulent parfois de l'ancienneté. Enfin, on a l'air de parler de détails, mais c'est des réalités qu'on vit. Ils y accumulent de l'ancienneté. Ils peuvent même, en entrant par l'éducation des adultes, avec leur ancienneté arriver un beau jour dans un département qui, peut-être déjà, les a refusés parce qu'au comité de sélection, ils ne satisfaisaient pas les exigences. (17 heures)

Alors, ça, c'est des problèmes de qualité d'enseignement II y a d'autres problèmes connexes. Tantôt, des gens qui ont parlé avant nous en ont souligné quelques-uns. On essaie beau-

coup, je pense, les enseignants, on est favorable, on est ouvert à des mariages aussi avec l'entreprise. On pourrait y puiser éventuellement du perfectionnement. Enfin, il pourrait y avoir des échanges, bon, de la formation de part et d'autre. L'entreprise pourrait acheter des équipements qui peuvent s'avérer parfois trop coûteux pour le collège, mais, comme elle bénéficie de la formation des élèves que le collège fait, elle pourrait peut-être parfois défrayer, si vous voulez, ces machines qui sont importantes. On donnait l'exemple de la coopération, alternance travail-études.

Je vais vous donner un exemple qui est puisé dans le comté de M. Johnson, au cégep de Valleyfield. On a un de ces programmes qui est sur le point de connaître son aboutissement. C'est le plus avancé, je pense, dans le réseau, section, mettons, véritable industrie. C'est un programme de technique de génie mécanique. Si je vous disais que, quand l'entreprise nous dit qu'elle est ouverte à des partenariats... J'ai cru entendre M. Dufour nous dire ça il y a quelque temps ici même, en commission; il parlait même de faire un comité national liaison collège-entreprise. Vous savez combien ça a pris de démarches aux coordonnateurs du programme pour placer 20 élèves en stage dans l'entreprise? 500 démarches: lettres, téléphones, rencontres, pour 20 élèves. Alors, ce n'est pas le collège, ce n'est pas les enseignants, à ce moment-là, qui disent non. Enfin, il y a des problèmes d'ajustement sans doute qui doivent se faire, mais qui entraînent, au moment où ça ne se fait pas, des coûts. Bon. C'est une forme de problème qui se vit.

Peut-être que tu veux...

M. Desmarais: Oui.

Mme Marois: Oui. J'aimerais ça vous entendre, oui.

M. Desmarais: II va falloir aussi qu'il y ait des changements d'attitude. Bien des dirigeants locaux se targuent que l'éducation des adultes, c'est la planche à billets. Les étudiants paient des droits de scolarité, justement, pour avoir accès aux cours, et on leur fournit le minimum de services, ce qui permet aux collèges de dégager des marges de manoeuvre intéressantes. Mais je pense que, quand on a cette mentalité-là, on ne peut pas s'attendre à ce que les résultats, quand on regarde après ça l'arrimage avec l'industrie, soient toujours merveilleux. Je ne dis pas que c'est le cas partout, mais il y en a qui s'en vantent: On a réussi à faire un surplus de x centaines de milliers grâce à l'éducation des adultes. Et on peut savoir pourquoi quand on regarde les services qui ne sont pas offerts. C'est facile. Le soir, ils nous le disent, il n'y a pas de bibliothèque, pas de photocopie, alors il n'y a pas de cafétéria, il n'y a rien; on engage des chargés de cours, ils n'ont pas de bureau; le prof entre dans la classe, il met son manteau sur la chaise, donne le cours, il s'en va; les élèves font la même chose. C'est payant! Bien, ça dépend de l'objectif qu'on vise. Si c'est une source de revenus pour l'entreprise, peut-être que c'est un bon choix, mais, si c'est d'autres objectifs qu'on vise, bien, là, c'est discutable, je pense.

Ce n'est pas la mentalité, ce n'est pas ce type d'attitude là qui va certainement aider les gens qui viennent là pour améliorer leur formation professionnelle. L'exemple que M. Duffy donne est clair. Quand, après ça, on essaie de nouer des relations avec l'industrie, bien, évidemment, les ressources nécessaires, le support n'est pas là.

Mme Marois: Je trouve que c'est intéressant dans le fond, parce que ce que vous identifiez, c'est justement des éléments qui pourraient permettre de rendre le système plus efficient et plus efficace et d'accomplir mieux sa mission, probablement en réduisant aussi les coûts si on développait, comme vous dites, soit une culture, une attitude ou une façon de faire qui prend réellement ça au sérieux et qui crée des habitudes, ce qui fait en sorte qu'on n'est pas obligés de faire 500 démarches pour placer des gens qu'on avait identifiés comme devant pouvoir répondre à un besoin, j'imagine.

Tout à l'heure, la Fédération des cégeps a suggéré que se mettent en place des mesures d'évaluation. C'était leur dernière recommandation; d'ailleurs, je la cherchais et je ne la voyais pas dans leur document. Mais je pense que vous étiez là lorsqu'ils l'ont présentée. J'aimerais ça vous entendre sur cela.

M. Duffy: Bien, quand nous avons présenté nous-mêmes notre mémoire à la commission de l'enseignement collégial, en novembre, nous nous sommes dits d'accord pour l'évaluation, encore que le concept est vaste. On parle d'évaluation des programmes, des enseignements, des apprentissages. Nous formulions le voeu également, a ce moment-là, de pouvoir participer au mécanisme qui serait mis en place pour voir quelle était, finalement, la finalité de cette évaluation-là. On peut évaluer pour évaluer, mais on peut évaluer aussi pour améliorer, et notre approche en est essentiellement une d'évaluation formative.

Si on parle d'évaluer, par exemple, des personnels, enfin, des enseignements, on voit mal comment il y aurait là des formes d'appréciation du travail rendu sans qu'elles ne s'accompagnent de mesures éventuelles de ressourcement, de perfectionnement, de recyclage, qui sait. Mais on est tout à fait contre l'évaluation sanction, l'évaluation sommative, l'évaluation par laquelle quelqu'un se sent supérieur à un autre et lui dit: Tu fais mal tes choses. On voulait surtout que ce soit extrêmement encadré. On avait favorisé,

nous, l'intervention du Conseil des collèges dans sa commission de l'évaluation, qui avait déjà développé un savoir-faire dans ces matières-là, qui continue, je pense, au moment où on se parle, de le faire. Je ne suis pas sûr qu'il sera encore là au moment où la réforme viendra, mais, enfin, on avait mis quand même, pas des bémols...

On y acquiesçait, à cette évaluation-là, mais on voulait être partie prenante. On ne voulait pas qu'elle se fasse sans nous parce que, au fond, nous sommes les premiers sur la ligne de la relation maître-élève, et c'est finalement là que l'enseignement se fait; c'est entre un professeur, enfin, une enseignante et ses élèves. Tout ce qui est autour, quand on y réfléchit bien, c'est, d'une certaine façon, là pour être au service de cette relation-là et non pas l'inverse, si vous me comprenez.

Mme Marois: oui, je vous comprends très bien. je vous remercie. mon collègue de montmo- rencry aurait une question à soulever, m le président merci

Le Président (M. Lemieux): Ça va, madame. M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président, rapidement.

Toujours dans l'esprit de mon collègue de Verdun, je crois; moi, je ne vais pas aussi directement, parce qu'on essaie quand même d'évaluer, à cette commission, comment les gens voient leur façon de s'impliquer pour réduire, tant bien que mal, les déficits et les dépenses publiques. Dans l'optique de l'enseignement collégial, il parlait tout à l'heure de 15 heures contact, mais moi, j'aimerais savoir: Est-ce qu'il existe vraiment une marge de manoeuvre par rapport à une qualité d'enseignement, où on peut jouer avec ces 15 heures contact là, ou si, selon vous, ça ne devient pratiquement pas possible de manoeuvrer, indépendamment de...

Moi, je vais plus sur le côté de la qualité et des objectifs, de la mission que vous avez. C'est dans cet esprit-là que j'aimerais avoir un peu votre opinion, comment ça peut se travailler. On sait qu'à l'université on parle de 6 heures contact /semaine...

M. Duffy: Oui.

M. Filion:... mais eux, bon, ils ont moins d'heures, alors ils ont sûrement des raisons. C'est dans cet esprit-là que j'aimerais savoir: Selon vous, est-ce qu'il y a des marges de manoeuvre possibles?

M. Duffy: Oui. J'ai deux collègues enseignants qui s'impatientent de répondre, alors je vais les laisser commencer. Jean.

M. Murdock (Jean): D'abord, sur les heures contact, vous savez très bien, je n'ai pas envie de faire une longue démonstration ici de comment on calcule la tâche des enseignants, mais les 15 heures, ça dépend du nombre d'étudiants. C'est-à-dire que, si tu fais jouer d'autres variables dans la formule, bien, si tu as plus d'étudiants, tu as moins d'heures; si tu as moins d'étudiants, tu as plus d'heures. Alors, les 15 heures, c'est un petit peu vicieux comme mesure, en termes d'évaluation de la tâche.

Ce que je peux dire, par exemple, c'est qu'aux négociations de 1988, au moment où l'État n'était quand même pas en bonne position budgétaire, nous avons quand même eu droit à 365 ressources dédiées à des problèmes liés à l'enseignement, dont la majeure partie, 125, à l'encadrement des étudiants, puisqu'il y avait eu, pendant toutes ces années, une détérioration du ratio maître-élève qui posait des problèmes en termes de compétence et de qualification des étudiants. De sorte qu'il s'est développé d'autres formes palliatives à cette relation maître-élève, comme les centres d'aide en français, les centres d'aide en mathématiques, pour permettre aux étudiants en difficulté d'apprentissage d'être à un niveau collégial. Si l'État a consenti à ces ressources-là, dites-vous que ça a été de chaudes négociations et que nous en avions besoin; nous étions dans une situation difficile. Et les 365 ressources que nous avons gagnées à ce moment-là étaient dédiées pour chacun des problèmes à l'enseignement.

Alors, je voulais simplement vous donner une idée sans entrer dans les mécanismes fort complexes de la tâche d'enseignement des enseignants du collégial.

M. Duffy: En complément.

M. Desmarais: Oui. Alors, pour compléter l'intervention de mon collègue, sur les ressources dont il fait part. À la même époque, l'organisme patronal, la Fédération des cégeps, avait déposé, dans le cours des négociations, un document où elle faisait état que les besoins de l'enseignement collégial, c'était à peu près le double. Eux demandaient au gouvernement d'injecter de 500 à 600 enseignants de plus, disaient-ils, que, depuis 1983, un certain nombre de besoins étaient à combler et qu'il était nécessaire d'injecter de 500 à 600 ressources. Alors, les résultats de la négociation ont donné 300 et quelques enseignants de plus.

Alors, c'est pour vous montrer que même du côté patronal, du moins les patrons qui ont à gérer localement les problèmes de la tâche étaient d'accord avec nous à l'effet qu'à l'époque, en 1989, et on vous donne la référence à la page 33 du document de la Fédération des cégeps.. qui ventile les besoins, qui explique pour chacun des problèmes quel est le nombre de personnes que ça prenait.

L'autre élément sur lequel je voudrais intervenir, et je reviens à votre document - quand je dis «votre», c'est celui du gouvernement - aux pages 136 et 137, pour répondre en même temps à une question qui nous a été lancée: Vous voulez faire quoi? Moi, je pense qu'il y a deux volets. Quand vous nous dites qu'il va falloir s'occuper des nouvelles clientèles, des clientèles qui ont plus de difficultés, qu'il va falloir s'attaquer au problème des échecs et des abandons, au problème aussi des changements rapides au niveau de la formation professionnelle, je vous dirai que le corps professoral qui est en place est en mesure de s'attaquer à ces défis-là. Là où on a un problème, c'est quand je vais à la page suivante, et on me dit: En plus de ces défis... vous faites ça, là, une augmentation de productivité, finalement... Parce que, si vous lisez le document de la Fédération des cégeps qui souligne les mêmes problèmes, elle en arrivait à l'équation: ajout de ressources. (17 h 10)

Supposons qu'on ait une augmentation de productivité, qu'on arrive à s'attaquer et à améliorer les problèmes dont on parle, mais, là, on nous dit à la page 137: En plus de ces défis... et là, arrive une incitation à la coupure. Il me semble que ce n'est pas une grande motivation pour le personnel. Moi, je me vois mal arriver dans une assemblée et vendre l'augmentation de productivité de la pape 136 en disant: Faites bien ça, mais, dans deux ans, il y en aura 2 % de moins et, dans cinq ans, 10 % de moins. Il me semble que ça va tout à fait à rencontre des objectifs qu'on poursuit. Il y a quelque chose qui ne va pas là-dedans. C'est difficile à vendre, cette affaire-là, à moins qu'on veuille l'imposer. Mais, si on veut le vendre, là... Il y a quelque chose qui ne marche pas.

M. Filion: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Ça va? Merci, M. le député de Montmorency. Nous vous remercions...

M. Léonard:...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Léonard: Je vais intervenir, il reste du temps.

Le Président (M. Lemieux): II reste une minute? Ah! je m'excuse. Il reste une minute.

M. Léonard: II reste deux, trois minutes. Trois minutes?

Le Président (M. Lemieux): Combien reste-t-il de temps, madame? Trois minutes. Je m'excuse, il reste trois minutes.

M. Léonard: Moi, je voudrais vous poser quand même une question. Est-ce que vous acceptez le principe qu'il y ait de la concurrence dans le système, entre étudiants notamment? Je m'explique.

Moi, je pense que raisonner en termes de réduction de coût dans le domaine de l'enseignement collégial et universitaire, c'est partir d'un mauvais pied, parce qu'à mon sens, même si on ne comptabilise pas ça du côté des immobilisations, c'est un investissement de la société et, sur ce plan-là, la question que je me pose, c'est: Comment rendre efficace l'investissement qu'on y fait? Pour moi, le principe de la concurrence joue autant en formation qu'il peut jouer ailleurs. C'est pour cela que, tout à l'heure, devant la Fédération des cégeps, j'ai mis un gros mot, qui est l'évaluation uniforme, ou un examen uniforme, mais je pense qu'autour de là il faut quand même songer à l'introduire.

Je comprends qu'on va tout de suite me faire la réaction: II ne faut surtout pas que ça devienne comme au Japon où les pauvres étudiants sont malheureux à force de concurrence. Mais je peux juste vous dire qu'avant qu'on atteigne ce stade on a quelques pas à faire. Est-ce que, vous, vous êtes d'accord pour qu'on introduise ce principe d'une concurrence, d'une émulation? On appelle ça de l'émulation, mais ça peut se traduire en concurrence, parce que, sur le plan du marché, à un moment donné, même nos étudiants, un coup formés, vont se frotter à la réalité concrète, et ça, ça s'appelle la concurrence.

M. Duffy: Est-ce que vous parlez d'un examen à l'usage de tous?

M. Léonard: Non, je parle du principe en général. Tout à l'heure, à une question, vous avez parlé de l'évaluation formative et de l'évaluation sommative. Ma question ou bien ma remarque là-dessus, c'est que, oui, il peut y avoir des évaluations formatives tout au long de la formation, mais vient un moment donné où on passe à la ligne: on passe ou on ne passe pas, et là, il y en a une évaluation sommative. Il faut qu'il y en ait une quelque part.

M. Duffy: En fait, que les meilleurs élèves se frottent, comme vous dites, à l'occasion d'un concours, pour savoir s'il se dégage des performances remarquables, enfin, je pense que... Est-ce qu'on peut être contre cela? Si vous voulez instaurer des mécanismes...

M. Léonard: Non, mais le principe de l'émulation ou de la concurrence, c'est surtout ça.

M. Duffy: Oui. Mais je pense qu'il joue tout naturellement dans les groupes courts de toute façon, vous voyez? Il y a même dans certains

secteurs où ça joue rude. Il y a des secteurs, en sciences pures, en sciences de la santé, où la cote z est si importante qu'elle justifie le passage ou pas, ou l'admission dans une faculté universitaire. C'est au point que, parfois, les élèves ne s'échangent même pas les notes. On va venir discuter ferme pour un dixième de point perdu. Alors, ça crée tout autre chose aussi comme système.

M. Léonard: Sauf qu'ils recueillent les meilleurs avec ça. C'est ça que ça veut dire?

M; Duffy: Les meilleurs de la note, oui. M. Léonard: C'est déjà quelque chose!

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Labelle.

Nous vous remercions pour votre participation à cette commission parlementaire.

J'inviterais maintenant l'Association des hôteliers de la province de Québec à bien vouloir prendre place à la table des témoins. Nous allons suspendre, pas plus qu'une minute et demie. Merci de votre collaboration.

(Suspension de la séance à 17 h 16)

(Reprise à 17 h 20)

Le Président (M. Lemieux): La commission reprend ses travaux. À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux. M. le député de Verdun, s'il vous plaît!

Nous allons entendre l'Association des hôteliers de la province de Québec. Permettez-moi de vous expliquer brièvement la procédure. Nous disposons d'un temps maximal de 60 minutes; 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire et suivra un échange entre les parlementaires d'une durée de 40 minutes, 20 minutes pour les ministériels de même que 20 minutes pour le groupe de l'Opposition officielle.

Alors, j'inviterais la personne qui aura à faire l'exposé du mémoire à bien vouloir identifier les personnes qui l'accompagnent et, aussitôt ceci fait, à commencer l'exposé de son mémoire, s'il vous plaît.

Association des hôteliers de la province de Québec

M. Régimbai (Roger): M. le Président, j'aimerais vous présenter, à ma droite, M. Gaston Viallet, consultant et ancien hôtelier de souche, de Montréal; à ma droite également, M. André Jean-Richard, vice-président exécutif et directeur général de l'Association des hôteliers de la province de Québec, à mon extrême gauche, M. Jean-Pierre Brie, président de l'Association hôte- lière du Québec métropolitain et de l'Association hôtelière de la région de Québec; et M. Luc Dignard, vice-président exécutif et directeur général de cette même Association. Je suis Roger Régimbai, le président de l'Association des hôteliers de la province de Québec.

Le Président (M. Lemieux): Bienvenue. Alors, nous vous écoutons pour l'exposé de votre mémoire.

M. Régimbai: M. le Président, MM. les ministres, MM. et Mmes du gouvernement, MM. et Mmes de l'Opposition, l'Association des hôteliers est heureuse de participer aux travaux de la commission, et nous vous remercions de nous donner la chance de pouvoir justifier le mémoire que nous avons déposé devant vous. En bref, ce que les hôteliers demandent au gouvernement du Québec, c'est de revoir de fond en comble ses politiques fiscales afin d'encourager la demande touristique et ainsi favoriser ses propres rentrées de taxes.

Dans un premier temps, nous désirons rappeler à cette commission ainsi qu'au gouvernement l'importance de l'industrie touristique dans son économie, dans l'économie du Québec. Il est également bon de savoir que l'industrie hôtelière est la colonne vertébrale de cette industrie touristique. Bien que placé au 23e rang des ministères du gouvernement du Québec par rapport à son enveloppe budgétaire, le tourisme est une industrie à forte vocation économique. La part du tourisme dans le produit intérieur brut est un indicateur fréquemment utilisé pour comprendre l'importance économique de notre industrie. Cette part se situe autour de 2, 5 % pour les cinq dernières années, avec des recettes touristiques de près de 4 000 000 000 $ en 1990. Les chiffres et les statistiques que nous utilisons ont été puisés à même les chiffres et les statistiques du ministère du Tourisme, soit dans les documents qui sont intitulés «Le tourisme au Québec, une réalité économique importante», «Le tourisme, ça compte», en 1988 et, en 1990, un autre document qui s'intitulait «Le tourisme au Québec, en quelques chiffres».

Le tourisme est un fort créateur d'emplois. On évalue, en 1989, à 56 100 le nombre d'emplois directs, exprimés en personnes-années, et à 17 200 les emplois indirects attribuables à l'activité touristique au Québec. Ces chiffres nous semblent plutôt conservateurs. D'autres sources nous indiquent que nous parlons probablement du double. Sachons que chaque point d'occupation dans nos hôtels représente une création de 1000 emplois directs et de 300 emplois indirects. Tout le monde sait qu'il en coûte trois fois moins pour créer un emploi en tourisme que dans le secteur des pâtes et papiers.

Les revenus fiscaux pour le fonds consolidé du Québec, toujours en 1989, s'élevaient à plus

de 620 000 000 $ dont 527 000 000 $ en prélèvements directs et 93 000 000 $ en prélèvements indirects. Par contre, depuis 1989, la dernière bonne année du tourisme québécois, notre industrie se trouve en perte de vitesse dû en partie à la situation économique, à la baisse de la demande, à l'augmentation de l'offre ainsi qu'à une taxation excessive.

Les hôteliers veulent faire savoir au gouvernement du Québec qu'ils sont en désaccord avec toute coupure possible du budget du ministère du Tourisme. Pour soutenir ce que nous avançons, nous nous référons au rapport Samson, Bélair, de 1990, où il est dit: Le ministère du Tourisme, un ministère sans marge de manoeuvre. Avec un budget de 82 600 000 $, le ministère du Tourisme ne dispose que de 0,25 % des dépenses du gouvernement du Québec. 70 % de ce budget va à des dépenses que l'on peut qualifier de statutaires, difficilement compressibles. Il reste 30 %, soit au total 25 000 000 $, pour doter les plans d'action du ministère, dont, par exemple, environ 12 000 000 $ sont consacrés à la promotion du tourisme intra et hors Québec, et un peu plus de 4 000 000 $ sont redistribués aux 18 associations touristiques régionales. Des coupures imposées par le Conseil du trésor sur l'ensemble du budget du ministère ne peuvent pratiquement pas s'appliquer aux dépenses statutaires, si bien qu'elles seront concentrées sur les moyens d'action, laissant les marges de manoeuvre doublement réduites.

Le secteur hôtelier est un pilier fondamental de l'infrastructure économique et touristique du Québec. L'hôtellerie est la forme d'hébergement commercial la plus importante. Elle compte près de 2000 établissements, quelque 74 000 chambres, et génère 1 200 000 000 $ de recettes, soit 85 % de toutes les rentrées d'argent reliées à l'hébergement commercial. Plus de 29 000 emplois en dépendent. Cependant, les pressions dues à la récession de ces dernières années, jumelées avec l'introduction de la TPS à 7 % en 1991 et de la TVQ sur les services à 4 % en juillet 1992, font en sorte que l'hôtellerie québécoise se trouve en très mauvaise posture en ce début d'année 1993.

Une récente consultation auprès de nos membres nous démontre que plus de 55 % des recettes globales d'un établissement hôtelier sont retournées aux différents paliers gouvernementaux en taxes diverses, en droits de permis de toutes sortes ainsi qu'en contribution de l'employeur, sans mentionner toutes les taxes indirectes reliées à l'alcool, à l'essence et à l'énergie. Par ailleurs, l'industrie hôtelière est l'industrie de service par excellence, les 29 000 emplois directs en témoignent.

Ainsi, nos hôteliers doivent composer avec un salaire minimum beaucoup plus onéreux que celui de nos voisins du Sud. Les conventions collectives dans le domaine hôtelier sont parmi les plus contraignantes au monde. Nos coûts d'opération, dus, d'une part, à notre climat et, d'autre part, à nos programmes sociaux, sont beaucoup plus élevés et mettent en péril la position concurrentielle de nos entreprises. Au cours des trois dernières années, les hôteliers québécois, pour assurer leur survie, ont été obligés d'apprendre à gérer la décroissance, et ceci, afin d'équilibrer les dépenses suite à l'augmentation continuelle des taxes et, si faire se peut, maintenir leur compétitivité.

Regardons ensemble quelques constats. La comparaison du nombre de voyages faits par les touristes au Québec nous permet de constater une baisse de la demande. Exemple: en 1988, 21 000 000 voyages-personnes; en 1990, 19 600 000 voyages-personnes, nous sommes à la baisse. Ou encore, autre statistique, la comparaison des recettes touristiques est également révélatrice. Regardons au chapitre de l'exode des touristes québécois: en 1988, les Québécois au Québec, donc qui visitent le Québec, génèrent des revenus de l'ordre de 1 300 000 000 $; en 1990, à peu près le même montant. Ce que l'on craint et ce que nous constatons comme étant dévastateur, c'est que ces mêmes Québécois, hors Québec maintenant, en 1988, génèrent des dépenses de l'ordre de 694 000 000 $; en 1990, deux ans plus tard, des dépenses de l'ordre de 1 100 000 000 $. Ce qu'on dit ici, c'est que c'est de l'argent dépensé au Québec pour se diriger dans des destinations extérieures, exemple, vers le Sud. C'est donc de l'argent dépensé au Québec pour l'achat de voyages, chez les agents de voyages, en billets d'avion, etc. Mais imaginez ce que ça peut représenter, ces dépenses-là, une fois rendu à destination, parce qu'on ne compte pas dans ces dépenses-ci ce qu'ils vont dépenser dans le pays d'accueil, à savoir nourriture, objets de collection, vêtements, enfin tout ce qu'on peut imaginer. Effroyable! (17 h 30)

Autre statistique. Parlons des taux d'occupation dans les hôtels du Québec: en 1990, taux marginal de 48,4 %; en 1991, 44,7 %, diminution. En 1992, faute d'avoir des chiffres précis parce que le ministère du Tourisme ne les a pas encore fournis, ni l'Institut canadien de recherche sur le tourisme, nous croyons que les taux d'occupation seront encore plus bas que ceux de 1991. Rappelons-nous que pour chaque point d'occupation, c'est 1000 emplois directs qui sont créés ou perdus: perdus si le taux est à la baisse et créés si le taux est à la hausse. La fuite des Québécois vers des destinations moins coûteuses a eu pour résultat que les taux d'occupation de nos établissements d'hébergement sont en chute libre depuis 1989.

Plus le temps passe, pire c'est. Dès la fin des années 1970, soit le 19 avril 1978, le gouvernement du Québec abrogeait la taxe de vente de 8 % sur les chambres d'hôtel. Le ministre des Finances d'alors, M. Jacques Parizeau, déclarait: «Ce n'est un secret pour personne que l'industrie

hôtelière du Québec traverse une très mauvaise période... les propriétaires d'hôtel se plaignent, à juste titre d'ailleurs, d'un fardeau fiscal particulièrement éprouvant, et cela se reflète inévitablement par un niveau trop élevé du prix des chambres».

Le fardeau fiscal de l'industrie hôtelière n'a guère diminué depuis 1978, bien au contraire: augmentation de la taxe municipale, augmentation de la taxe scolaire, l'introduction de la TPS sur toutes nos ventes, l'introduction de la TVQ de 4 % sur les chambres, augmentation du droit des permis d'hébergement, nouveau permis de la restauration du ministère du Tourisme, nouveau permis du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sur la restauration, augmentation du droit de permis de la Régie des alcools et l'ajout, si vous le permettez, d'une charge de 0,50 $ par siège que compte l'établissement, augmentation des taxes sur les spiritueux, augmentation de la cotisation d'assurance-chômage, des augmentations abusives des primes de la CSST, augmentation des tarifs d'Hydro-Québec... Je vais prendre une gorgée, je suis en train de m'étouffer.

Ces ponctions sont autant de couteaux que le fisc entre dans le dos des hôteliers. Ces derniers, pour la plupart des PME, voient leur entreprise péricliter et leur fonds de roulement s'effriter. La qualité des établissements hôteliers, dont notre gouvernement semble parfois si fier, s'en trouve compromise, rendant tout projet d'amélioration hasardeux, voire même impossible, à tel point que les investisseurs étrangers, après une visite au Québec, décident dans bien des cas d'aller investir ailleurs, découragés par la taxation excessive tant au palier municipal, provincial, qu'au palier fédéral, avec lesquels ils seraient obligés de composer s'ils venaient s'établir ici.

Exemple: une chaîne internationale de renom, la chaîne Marriott, en 1990, tournait le dos au Québec à cause du taux excessif de taxes et des salaires largement soutenus par des conventions collectives. Exemple également de la surtaxation, regardons ce que le rapport SECOR nous dit, et c'est André Coupet qui l'écrivait: II convient d'ailleurs de mentionner que l'industrie touristique, qui se classe parmi les premières industries d'exportation en volume, est ici nettement défavorisée puisque les exportations se font désormais hors taxe, l'industrie du tourisme étant la seule à ne pas bénéficier concrètement de cet avantage. Le Québec se retrouvera défavorisé également en ce qui a trait aux frais de stationnement, aux frais d'adhésion aux congrès, au prix des boissons alcoolisées, des visites guidées, des activités de loisir, des activités culturelles et même les repas. Ceux-ci viennent d'être taxés au niveau fédéral - c'est un rapport de 1991, rappelons-nous - et malgré une baisse de la TVQ de 8 % au lieu de 10 %, ils perdront l'exemption actuelle de la taxe provin- ciale lorsque le repas est inclus dans le prix de la chambre d'hôtel. Cette double taxation a un effet inflationniste net d'environ 4,5 %.

Les hôteliers conviennent qu'il nous faut nos programmes d'entraide sociaux. Nous savons de façon certaine que le Québec traîne depuis quelques années des boulets: un taux de chômage élevé, des prestataires du bien-être social aptes au travail, une formation de la main-d'oeuvre insuffisante, l'érosion de la structure industrielle, la pauvreté des investissements en recherche et développement, les décrochages scolaires, l'augmentation des emplois de service sous-payés ainsi que le vieillissement de la population. Cependant, une taxation à outrance ne règle pas le problème. Au contraire, nous voilà embarqués dans un cercle vicieux. Notre système fiscal donne maintenant des rendements décroissants.

Exemple: le gouvernement du Québec, comme actionnaire, exige des dividendes de la Société des alcools. La Société des alcools, pour être en mesure d'honorer son mandat auprès de son actionnaire, révise régulièrement ses prix à la hausse, créant ainsi une baisse de la demande et, par conséquent, de ses recettes en bout de ligne, n'arrivant plus à honorer ses obligations. En 1992, les revenus étaient estimés à 400 000 000 $, et on apprend qu'on n'a même pas atteint ces 400 000 000 $, d'autant plus que l'on sait que dans les années antérieures, les revenus étaient nettement supérieurs aux 400 000 000 $ qui sont cités ici, ce qui indique vraiment que les gens consomment moins, étant éprouvés par les taxes qu'on exerce sur les produits d'alcool.

La hausse de taxes sur le tabac a accru la vente illégale des cigarettes et de tabac, privant l'État d'au moins 300 000 000 $ de taxes. Les achats outre-frontières des Canadiens atteindraient les 3 000 000 000 $. Le travail au noir est plus florissant que jamais, et je ne révèle rien de nouveau ici.

Le fond du baril de la taxation est défoncé. Il est grand temps d'agir et de réajuster la façon de faire. La bureaucratie gouvernementale réalisera-t-elle un jour que le secteur privé pourrait lui servir d'exemple?

L'hôtelier se doit d'équilibrer ses dépenses par rapport à ses revenus; équation normale. L'hôtelier doit vivre selon ses moyens; il ne s'offre même pas ce qu'il ne peut pas se payer. L'hôtelier ne pouvant plus se fier aux chiffres des années passées pour préparer son budget, il se doit de le préparer maintenant à la base zéro.

Donc, M. Lemieux, je crois que nous vous rejoignons. Nous parlons le même langage, si je me fie à l'article de M. Normand Girard qui citait un des moyens que vous mettiez de l'avant pour un renouveau administratif dans le secteur public. Je cite, et c'est le deuxième moyen dont vous faisiez état: «De faire en sorte que, comme dans le secteur commercial, le gouvernement travaille sur les coûts de ses services. Pourquoi le gouvernement ne calculerait-il pas le prix de

revient de ses activités? Nous le soutenons au même titre. En mesurant le coût unitaire de chacun de ses services, il sera en mesure de faire certains gestes, comme de déterminer s'il est rationnel ou non de maintenir un service, compte tenu de son coût unitaire, de déterminer la portion du coût d'un service qui serait facturé à l'utilisateur, de communiquer à l'utilisateur le coût du service qu'il reçoit. Ainsi, vous le soulignez, on pourrait peut-être offrir aux employés le challenge de rendre un service de qualité à un prix coûtant amélioré». Sur ça, nous vous rejoignons.

Parlons de quelques approches. Le temps des études est révolu. Pour l'industrie hôtelière, une révision fiscale en profondeur doit être mise en action dès maintenant afin de maintenir sa compétitivité. Trois approches vous sont proposées dans ce mémoire pour atteindre une fiscalité plus équitable dans le futur: réduire les dépenses du gouvernement... Et pour exemple, déjà le ministère du Tourisme, dans son intention de restreindre ses dépenses, a aboli le système de classification des hôtels et, après discussion, l'a confié à l'industrie privée, c'est-à-dire à l'Association des hôteliers de la province de Québec. Voilà un bel exemple de partenariat.

Autre approche: privilégier la croissance des revenus et limiter les taxes dans les industries qui dépendent directement du consommateur.

Troisième approche: restreindre les taxes indirectes. Ces approches sont appuyées par diverses recommandations qui, selon notre opinion, faciliteront la réduction de la bureaucratie gouvernementale. Elles encourageront l'équilibre de la taxation entre la capacité de payer du consommateur et la croissance des recettes de l'industrie touristique.

Quelques recommandations: stimuler la demande plutôt que la détruire. Pour appuyer ce que nous avançons, regardons ensemble encore une fois un extrait du rapport SECOR, d'André Coupet, le texte suivant. C'est un plan de relance qui est suggéré, et André Coupet dit: «Se donner un objectif clair, récupérer 1 000 000 000 $ de revenus. Le Québec perd du terrain depuis 10 ans parce qu'il n'a pas suffisamment investi dans la promotion. Il est essentiel que le Québec récupère les parts de marché auxquelles on devrait au minimum s'attendre de lui, soit: faire remonter à 40 %, soit le niveau de 1986, la part détenue par le Québec dans les dépenses touristiques totales des Québécois; accroître à 3,5 % la part détenue par le Québec dans les dépenses touristiques totales des Canadiens. Et encore, faire remonter à 24 %, soit l'équivalent du poids démographique du Québec au sein du Canada, la part détenue par le Québec dans les dépenses touristiques de provenance internationale effectuées au Canada.

Autre recommandation: rationnaliser les dépenses gouvernementales. Depuis le début de la récession, l'entreprise privée s'est largement appliquée à rationnaliser ses dépenses, pourquoi le gouvernement ne le ferait-il pas? (17 h 40)

Corriger à la baisse le déficit du gouvernement. Réviser les méthodes de gestion du gouvernement. Remettre en question l'universalité des programmes sociaux. Répéter l'expérience de 1978: les industries qui ont bénéficié de l'abrogation de la taxe de vente ont immédiatement connu un regain de vie. Pourquoi ne pas répéter? C'est dans cet esprit-là que nous demandons, encore une fols, l'exonération de la taxe de vente de 4 % sur les forfaits.

Autre recommandation: hâter la décision d'installer des terminaux de loteries vidéos dans les établissements détenteurs de permis d'alcool. Ce sujet-là a déjà été discuté avec le ministre du Revenu, M. Savoie, et il semblait favorable à l'idée.

Et, dernièrement, créer un fonds spécial de relance pour la promotion du tourisme québécois doté de 25 000 000 $ pour l'année 1993 et du même montant pour l'année 1994. Afin de soutenir ce point-là, encore une fois, référons à l'étude du groupe SECOR où il est dit: «Obtenir du gouvernement qu'il crée un fonds de relance pour la promotion du tourisme québécois doté de 25 000 000 $ pour l'année 1992-1993 - mais actualisons et parlons pour l'année 1993-1994. Ce fonds, qui serait indépendant et en sus des budgets gouvernementaux destinés à la promotion, serait géré par le ministère du Tourisme, en concertation avec le milieu, selon les mécanismes habituels. En assurant ainsi la relance du tourisme et le redressement des parts du marché du Québec, le gouvernement du Québec investirait ainsi dans son propre intérêt puisque les retombées seraient considérables.

Prenons, par exemple, le redressement des ventes de 1 000 000 000 $; ceci créerait 20 000 emplois. Il procurerait 160 000 000 $ de retombées fiscales et également 378 000 000 $ de réduction minimum du déficit international du Québec. Et supposons que ces chiffres de redressement de ventes de 1 000 000 000 $ dont on parlait étaient exagérés, même si on atteignait juste le quart, on créerait quand même 5000 nouveaux emplois, on aurait quand même 40 000 000 $ de retombées fiscales et on aurait - et j'achève - à peu près 90 000 000 $ de réduction du déficit.

Mettre en place, à partir de 1994, une structure conjointe gouvernement-industrie pour assurer de façon dynamique et constante le positionnement du Québec sur l'ensemble des marchés, donc le partenariat. Renforcées dans leur capacité de financement, grâce au redressement des parts du marché du Québec, les entreprises devront à leur tour participer au positionnement global du Québec de façon beaucoup plus intense. Un paragraphe et j'ai terminé.

Le Président (M. Lemieux): Un paragraphe

et c'est fini? Ça va. Allons-y pour le paragraphe.

M. Regimbai: Quant à la forme que devrait prendre cet effort conjoint, diverses propositions ont déjà été émises, dont celle de constituer une société d'économie mixte pour la promotion du tourisme québécois, formule qui vient d'être adoptée par l'île-du-Prince-Édouard et qui existe sous diverses variantes en Grande-Bretagne. Il importe, en effet, que le relais du fonds de relance soit assuré à long terme et, à partir de 1994, de façon conjointe.

Le Président (M. Lemieux): Je vous... M. Regimbai: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse. Eu égard à la limite de temps qui, parfois, nous est donnée, et M. le ministre des Finances est anxieux d'avoir à vous poser des questions, seulement un commentaire: La musique que vous entendez n'est pas une musique de circonstance, mais une musique touristique. Je pense que vous en êtes tous conscients.

M. Regimbai: II doit y avoir une taxe qui sera perçue pour les droits d'auteur!

Le Président (M. Lemieux): Je ne sais pas, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): ...mais je sais que c'est une musique nécessaire à la capitale.

Alors, M. le ministre des Finances, la parole est à vous.

M. Levesque: M. le Président, je désire dire combien nous apprécions la présence, ici, de l'Association des hôteliers de la province de Québec et de leurs représentants. Nous voulons vous remercier de votre contribution à cet exercice. Nous voulons en même temps vous dire quelques mots, évidemment, sur quelques éléments de votre présentation.

Il est difficile, évidemment, de tout couvrir. Je vais simplement vous faire remarquer que, lorsque vous parlez des mesures de réduction des dépenses, de rationalisation des dépenses que vous avez réussie dans le secteur privé et que vous demandez au gouvernement de faire de même, vous laissez peut-être entendre qu'il n'y a pas eu d'effort de fait, alors que de 1986 à aujourd'hui, l'ensemble des mesures de réduction des dépenses du gouvernement s'établit à 3 500 000 000 $. Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas encore suffisant pour faire face à la situation, mais je ne voudrais pas non plus que vous puissiez conclure, partir et dire: Nous leur avons dit ça et ils n'ont rien dit, c'est donc vrai. C'est pour ça que j'ai pensé, à un moment donné, vous donner ces chiffres que vous retrouverez d'ailleurs à la page 41 des annexes au volume «Vivre selon nos moyens». Ceci dit avec tout le respect que je dois à votre éminente profession et association.

Maintenant, vous parlez que le fardeau fiscal de l'industrie hôtelière n'a guère diminué depuis 1978. Il ne faudrait pas que vous pensiez qu'il y en a d'autres qui ont beaucoup diminué. Lorsqu'on regarde, par exemple, depuis 10 ans, par rapport au PIB, en 1982-1983, il y a 10 ans, l'évolution des revenus autonomes du gouvernement représentait 16,1 % et, 10 ans après, c'est encore 16,1 %, sauf que depuis le début de la récession, nous sommes montés à 17,7 %. Mais c'a été stable tout ce temps-là. Si vous voulez avoir la raison pourquoi il y a eu une augmentation toute récente, c'est à cause des circonstances particulières qui nous amènent d'ailleurs ici et qui font partie, évidemment, de l'exercice que nous poursuivons.

Nous sommes d'accord avec le fait que le fardeau fiscal au Québec a atteint une limite qu'il serait risqué de dépasser substantiellement si l'on ne veut pas mettre en péril la croissance économique. Par ailleurs, le Québec a pris des mesures importantes pour améliorer la compétitivité du régime fiscal. Puis-je vous référer à l'étude conjointe Price Waterhouse-ministère des Finances, publiée à l'annexe F du «Discours sur le budget 1989-1990», qui concluait que, pour une petite entreprise, la fiscalité québécoise était la plus avantageuse de toutes les juridictions considérées, incluant l'Ontario, Massachusetts, Michigan et New York. D'ailleurs, ces résultats ont été confirmés par deux études publiées par le Conference Board du Canada.

Vous vous référez à une période où il y a eu une diminution de la taxe de vente, une abolition sur les chambres d'hôtel; j'en conviens. J'aimerais, cependant, ajouter à votre analyse certains autres éléments que j'aurais bien aimé vous entendre ajouter à la liste, parce que vous avez semblé arriver un peu essoufflé au bout de la liste; vous auriez peut-être été moins essoufflé si vous aviez ajouté ce que je vais vous dire, bien gentiment exprimé!

Le taux de 4 %, il faut le regarder, évidemment, dans le contexte de l'ensemble de votre environnement. Ça constitue, comme vous le savez, l'un des taux les plus bas par rapport aux régions avoisinantes: l'Ontario, 5 %; le Nouveau-Brunswick, 11 %; Terre-Neuve, 12 %; Manitoba, 7 %; saskatchewan, 7 %; colombie-britannique, 8 %; 10 % à vancouver et victoria; vermont, 13 %; maine, 7 %; new york, 14,25 % à 19,25 %. ça aurait été bon dans votre enumeration. je sais que vous n'avez pas eu le temps, mais ça aurait été bon d'ajouter ça!

De plus, cette taxe sera remboursable aux étrangers; il s'agit d'une pratique qui n'a pas tellement cours en Amérique du Nord. Finalement, la taxe payée à l'égard de chambres

d'hôtel, lorsque défrayée dans le cadre d'activités commerciales, donne droit à un remboursement de taxe sur les intrants. Là aussi, ça aurait pu faire partie de votre liste parce que, depuis le 1er juillet 1992, vous bénéficiez de certains avantages reliés au remboursement de la taxe sur les intrants, sur vos achats.

Alors, tout en reconnaissant que vous avez un devoir de justice envers mon prédécesseur, il me semblait simplement juste que je rappelle certaines choses qui ne sont certainement pas négatives dans notre record et dans notre bilan. Enfin, l'industrie de l'hôtellerie bénéficie elle-même d'un remboursement, comme je l'ai mentionné, et seul le Québec parmi les provinces canadiennes offre ce système de remboursement, car nous sommes les seuls à nous être harmonisés à la TPS. ceci étant dit, il y a bien d'autres dispositions qui concernent les congrès organisés par un étranger, etc., où il y a des avantages fiscaux. il y a aussi dans la restauration - vous l'avez juste glissé, mais je le ramène parce que ça a peut-être passé inaperçu - que nous avons baissé le taux de la taxe sur les repas de 10 % à 8 %. c'est bon de le dire de temps en temps parce que les gens pensent qu'avec la tvq de 8 %, c'est une nouvelle taxe. bien non, c'est une nouvelle taxe en ce sens qu'elle a été diminuée, non pas parce qu'elle a été créée. (17 h 50)

Si on me permet, il y a beaucoup d'autres choses - je ne veux pas trop insister là-dessus - qui pourraient être ajoutées à la liste. Il y a une chose qui m'a frappé. Vous avez dit, tout à l'heure, que le ministère du Tourisme était un peu moins nanti par rapport aux besoins du tourisme. Nous considérons que le tourisme est une industrie extrêmement importante. Il y a des régions où c'est probablement l'une des seules industries où il y a un avenir potentiel intéressant. Donc, pour nous, le tourisme n'est pas une industrie qui perd de l'importance. Au contraire, nous ajoutons de l'importance au tourisme, et particulièrement dans une région comme la mienne, je me permets de le dire, le tourisme est considéré comme l'industrie de l'avenir. Donc, nous voulons vous appuyer, appuyer l'industrie touristique, mais il ne faut pas, je pense, en toute justice, évaluer l'effort du gouvernement en matière touristique simplement par le budget du ministère du Tourisme où il y a eu des augmentations, particulièrement dans la publicité, etc., mais il y a tous les autres ministères - pas tous - mais beaucoup d'autres ministères qui contribuent directement au développement du tourisme.

Puis-je simplement vous rappeler les sommes considérables qui vont aux Transports? C'est clair que c'est presque directement relié à la promotion du tourisme. Je ne serai pas plus long, je vais vous donner la chance de vous exprimer, d'ajouter, si vous voulez, d'autres considérants à ce que j'ai apporté. Je le tais, évidemment, avec toute la reconnaissance que nous devons avoir pour l'importance de votre industrie et l'importance de l'appuyer pleinement.

Le Président (M. Lemieux): Est-ce que vos commentaires, M. le président du Conseil du trésor, vont dans le même sens que ceux de M. le ministre des Finances?

M. Johnson: Oui, M. le Président, nous sommes solidaires, comme vous le savez, dans cette oeuvre de consultation publique pour souhaiter la bienvenue à ces messieurs, leur dire, un peu comme le ministre des Finances, que je suis, moi aussi, dans ma région, dans mon comté de façon spécifique, interpellé constamment à l'égard du tourisme, de l'industrie touristique, ne serait-ce que parce que la présidente des ATR, Mme Gallant, est une de mes électrices. On connaît l'enthousiasme qu'elle met au service de l'industrie touristique québécoise.

On n'a pas échappé, le ministre des Finances l'a dit, il n'y a pas beaucoup d'industries qui ont échappé à une contribution qu'on requiert, évidemment, de tout le monde. Du côté des dépenses, ce que je voulais souligner de façon encore plus précise que le ministre des Finances l'a évoqué, c'est effectivement qu'il y a un effort continu à porter sur le développement de l'offre touristique. Ça se fait de toutes sortes de façons insoupçonnées. Lorsqu'on dit qu'il y a beaucoup de ministères qui y contribuent, on oublie, par exemple, que le Programme d'assainissement des eaux est notamment balisé par les bénéfices qu'on peut retirer du nettoyage des eaux riveraines afin de faciliter la baignade. Je vous donne un exemple très, très précis. C'est un programme, celui de l'Environnement, au titre de l'assainissement des eaux, dont un des éléments, un des critères, c'est de savoir si oui ou non ça améliore le potentiel récréotouristique d'un plan d'eau. Ça existe, ça. On met des milliards là-dedans depuis de nombreuses années, et on continue à en mettre, évidemment, le programme n'est pas terminé.

Le ministre des Finances a parlé du réseau routier. Il ne faut pas oublier tout ce qui a été fait au titre de diverses stations récréotouristi-ques, notamment dans le domaine du ski ou auprès des plans d'eau, l'aménagement de parcs riverains. C'est autant de choses, ça, qui créent l'offre touristique, mais on ne forcera pas les Américains à voyager pendant une année d'élection présidentielle. Ça, ça fait 25 ans qu'à tous les 4 ans les Américains ne voyagent pas l'année d'une élection présidentielle; ça, c'est un fait. On ne peut pas faire neiger non plus autant qu'on le voudrait durant la saison qu'on est en train de traverser. Alors, on essaie de cibler nos interventions, vous vous en doutez, de toutes sortes de façons qui viennent soutenir l'attrait de l'offre touristique, non seulement en dotant le

ministère du Tourisme de crédits additionnels.

Ce qui m'amène à ma question. Je suis heureux de voir que vous avez des suggestions à l'égard de la productivité, donc, à l'égard du dégraissement, comme vous l'indiquez, de l'appareil public, du secteur public. Vous vous empressez, évidemment, d'ajouter - c'est là que je trouvais ça regrettable - qu'il faudrait peut-être mettre 50 000 000 $ au ministère du Tourisme. Alors, vous venez ici - c'est ça qu'on craignait beaucoup, le ministre des Finances et moi - nous indiquer qu'il faut couper les dépenses, mais vous en donner 50 000 000 $. Ça présume d'un jugement de valeur qui, dans le fond, signifie: Ne mettez pas 50 000 000 $ là-bas, mettez-les ici. C'est ça que vous venez plaider. Mais ça ne contribue pas très directement à alléger le problème des finances publiques, évidemment, puis de l'écart budgétaire.

Je me demandais si vous n'avez pas des suggestions additionnelles qui nous permettraient de financer les 50 000 000 $ que l'industrie, à cause de son importance, pourrait requérir, selon vous, au-delà de dire: dégraisser la fonction publique, faites attention de la façon dont vous gérez les fonds publics. Est-ce qu'il y a des choses précises qu'on devrait faire, vous croyez? Peut-être selon le modèle que vous avez suivi. Est-ce que, par exemple, vos conventions collectives vous donnent toute la flexibilité que vous souhaitez? Est-ce que les taux que vous payez, la rémunération dans le secteur de l'hôtellerie, se comparent avantageusement au point de vue concurrentiel avec ce qui se fait ailleurs en Amérique du Nord? Est-ce que vous avez atteint un niveau de relations de travail enviable dans vos industries? Qu'est-ce que vous avez fait, dont on pourrait s'inspirer pour contribuer à régler les problèmes de tout le monde?

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

M. Regimbai: MM. les ministres, lorsqu'on parle d'ajout de 25 000 000 $ par année à la promotion touristique, ce que l'on sous-entend dans ça, c'est de joindre ces 25 000 000 $ que vous contribueriez directement aux 100 000 000 $ que l'industrie met déjà dans la promotion touristique annuellement. Alors, c'est juste pour renforcer vos efforts aux nôtres ou les nôtres aux vôtres pour aller chercher une meilleure publicité, enfin, au Québec et hors Québec.

Autre parenthèse, lorsqu'on a imposé, enfin, qu'on a remis ou qu'on a amené la taxe de 4 % sur la chambre d'hôtel, sachons que nos hôtels sont fréquentés à 66 % par des Québécois qui sortent pour des raisons d'affaires, qui sortent pour des raisons de loisirs; même s'il y a des intrants, eux ne peuvent pas récupérer ces 4 %. Le touriste québécois est pénalisé pour rester au Québec. Ça explique un peu plus pourquoi ces gens-là se dirigent vers le Sud: on les pénalise s'ils viennent en touristes au Québec. C'est ce qu'on déplore.

En 1978, le gouvernement qui était là à ce moment-là avait compris le jeu: en diminuant, en enlevant la taxe sur les chambres, on était capable de faire l'équation, la preuve, qu'on irait chercher plus de taux d'occupation, donc, plus de revenus qui seraient éventuellement taxés, soit les repas, l'essence, enfin, et plus. Ce que nous vous disons aujourd'hui, c'est que ces 4 %, s'ils sont enlevés, il y a de très bonnes chances que les Québécois reviennent, puis les étrangers également, parce que, eux aussi, quand ils regardent nos prix comparativement à d'autres destinations, il semble que le prix des chambres de nos hôtels, c'est déjà beaucoup trop élevé.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

M. le député de Bertrand... Avant? O.K. Alors, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Très rapidement. D'abord, je voudrais vous souhaiter la bienvenue et vous féliciter pour votre rapport.

Comme vous venez de le voir, le ministre des Finances reste dans sa bulle rose où même ses mauvais coups deviennent des bons coups, vous l'avez vu très nettement, et je pense que c'est ça, le problème. J'ai vu que vous aviez adressé votre rapport au président du Conseil du trésor. Envoyez-lui une copie de votre rapport parce que, manifestement, il ne l'a pas lu, notamment à la page 7 où vous parlez des moments de vérité particulièrement négatifs depuis le prix de l'essence, celui de l'alcool en passant par l'état des routes et une signalisation des plus confondantes quand elle n'est pas absente. J'ai bien noté ces quelques lignes. (18 heures)

Ce que je voulais souligner: Le ministre des Finances devrait se rappeler qu'il a changé d'avis à plusieurs reprises et de plusieurs dates dans son harmonisation de la TPS et de la TVQ, ce qui a amené des problèmes considérables à l'industrie touristique et hôtelière, en particulier. Je voudrais qu'il l'entende, parce qu'il ne le sait pas oncoro II a manifesté, donc, do l'impré voyance. Ce qui n'est pas manifesté ici - et je serais curieux de le savoir - c'est la rotation en termes de propriété des établissements hôteliers. Il y a eu des faillites considérables, dans ce secteur. Je pense que le ministre des Finances devrait nous entendre parce que la taxation qu'il a imposée n'est pas étrangère à ce facteur, en plus de la récession qu'il a accentuée lui-même par ses décisions quant aux faillites.

Il y a 416 000 000 $ de plus que les Québécois dépensent à l'étranger alors que les dépenses des Québécois au Québec sont restées stables. Ça, c'est de la valeur ajoutée parce que l'industrie touristique a ceci de caractéristique, qu'elle importe moins que d'autres, par exemple

l'industrie manufacturière. C'est de la valeur ajoutée québécoise en très, très grande partie. Si on perd 400 000 000 $ de chiffre d'affaires, c'est 400 000 000 $ de moins, ici, dans l'économie québécoise.

L'autre remarque que je veux faire - et celui-là, je pense que je voudrais le tourner plutôt vers l'avenir - c'est que l'industrie touristique, qui est importante pour ma région et pour beaucoup d'autres au Québec, ici dans la ville de Québec, dans la ville de Montréal, est un secteur particulièrement créateur d'emplois. Ce que l'on met là-dedans, on ne le met pas dans l'assurance-chômage et dans l'assistance sociale. Je pense que, là-dessus, c'est un raisonnement qu'il faut avoir lorsque l'on mine la base économique de l'industrie touristique. Généralement, ce ne sont pas des emplois coûteux à créer. Ce sont des emplois qui se créent même très vite.

Je voulais faire ces remarques. Mes collègues veulent vous interroger, le député de Montmorency et le député de Bertrand, je pense, alors je leur laisse la parole.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Labelle. M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. D'abord, je vous félicite de nous avoir exposé les problèmes de l'industrie touristique. Je dois vous dire que j'ai trouvé d'une mince consolation la réponse ou les commentaires qu'a formulés le ministre des Finances. Quand on dit que vous n'êtes pas trop taxés parce que d'autres le sont tout autant, je trouve que c'est une mince consolation. D'autre part, quand on compare le taux de taxation de 4 % auquel vous faites allusion avec ce qui se passe en Ontario, en Colombie-Britannique et ailleurs, je pense que c'est fausser la discussion puisqu'on doit se comparer avec notre principale source de tourisme, qui est les États-Unis et non pas les autres régions canadiennes.

Ceci étant dit, j'aimerais que vous nous parliez un peu de l'impact des fluctuations du dollar canadien sur le tourisme américain en particulier, ici. On sait que, compte tenu des taxes plus élevées sur l'essence et des autres avalanches de taxes dont vous nous avez parlé, à un certain moment, surtout lorsque le dollar canadien se rapprochait de la valeur du dollar américain, ça devenait beaucoup moins intéressant pour les touristes américains. Maintenant que le dollar canadien a baissé, est-ce que ça compense, jusqu'à un certain point, pour ce différentiel de taxation, d'une part?

Mon autre question serait la suivante. Le ministre des Finances a mentionné que les visiteurs étrangers avaient droit à une ristourne sur les taxes qui leur sont imposées ici. Selon votre expérience, est-ce que les visiteurs étrangers, particulièrement américains, se prévalent de cette possibilité-là? Je sais très bien que, moi- même, en particulier, lorsque je visite en Europe où on a droit, nous, à ces mêmes exemptions, je ne m'en suis jamais prévalu moi-même. Alors, j'aimerais savoir, de votre expérience, si véritablement les touristes étrangers se prévalent de cette possibilité de ristourne et si elle constitue véritablement un avantage par rapport à simplement une réduction de taxation comme vous le proposez.

M. Regimbai: Pour répondre à la deuxième partie de... enfin, à votre deuxième question, les touristes ne s'en prévalent absolument pas ou à peu près pas, d'abord parce que ce sont des formulaires à remplir qui ne sont pas toujours faciles d'accès, dans un premier temps, faciles de compréhension, dans un deuxième temps, où on va obtenir le remboursement à l'hôtel même, à la frontière, une fois rendu chez nous? C'est compliqué. Les gens aiment mieux ne pas en profiter.

Pour ce qui est de votre première question, à savoir l'influence du dollar américain, enfin, je ne sais si quelqu'un d'autre veut répondre, M. Viallet, êtes-vous...

M. Viallet (Gaston): Sûrement, mais il faut tenir compte du contexte économique des deux côtés de la frontière. Il y a tellement d'autres éléments négatifs qui viennent subjuguer cet aspect-là que, en ce moment, il n'est certainement pas d'un grand intérêt.

Tout à l'heure, MM. les ministres, vous avez mentionné une panoplie de pourcentages sur la taxation qui sont tout à fait justes. Par contre, il faudrait tenir compte - et je voudrais le préciser - que, dans certains cas, New York en est un cas très probant, où entre les 14 %, 15 % et 19 % il y a un pourcentage de 5,5 % à peu près qui va à la promotion touristique. De nombreux États américains ont justement dans leur taxation un pourcentage qui ne va pas au fonds consolidé du gouvernement ou de l'État, mais qui est renvoyé à l'industrie. Ceci dit, on a vu aussi sur le cas de la taxation, en Floride, lorsqu'ils ont voulu instituer, il y a 5 ou 6 ans, une taxe, dans l'espace de 3 mois, ils ont dû l'enlever, car ils avaient perdu 50 000 unités de congrès. On a eu des situations similaires sur Hawaï, qui est une destination très favorable à cause de son climat.

L'autre aspect que je voudrais apporter, on regarde, bien sûr, les 4 % qu'il y a uniquement sur les forfaits. On sait que ces forfaits ne représentent que 6,6 % de notre industrie et qu'on aimerait l'augmenter. Justement l'augmenter: qui est-ce qui achète le forfait? C'est l'étranger, donc de la devise, mais c'est aussi l'âge d'or. Ça devient un pourcentage dans notre société qui grandit de plus en plus. C'est un élément touristique très important, et particulièrement à l'intérieur du Québec.

L'autre aspect, lorsqu'on parle de stimuler,

vous avez dit, et tout à fait avec raison: Comment pouvons-nous alléger les finances? Dans l'industrie privée, une des manières de diminuer nos coûts de revient, c'est d'augmenter nos ventes. À ce moment-là, pourquoi diminuer le prix uniquement, ce que les forfaits font, donc une charge aux hôteliers qui, sous deux aspects, premièrement, diminuent leurs ventes au prix pour essayer de l'augmenter et, d'un autre côté, certains produits qui sont les éléments de base de notre industrie, particulièrement avec l'agroalimentaire et autres, eux continuent dans des augmentations de spirale? Donc, l'effort est généralement fait par l'industrie privée. Possiblement que le gouvernement voudrait considérer un élément de stimulation, par exemple envers un réservoir de 250 000 000 potentiels au Sud, de voir à une ristourne, à des coupons - ce n'est pas une formule inédite, elle a existé dans d'autres pays lorsqu'ils ont fait face à des situations de récession et de morosité comme nous le vivons - c'est-à-dire des coupons avec une réduction sur le prix de l'essence. Vous savez combien l'Américain attache de l'importance à sa voiture. Lorsqu'il fait son plein pour 18 $ et qu'il a passé la frontière et que ça monte à 38 $ ou 40 $, il a son premier choc. Le deuxième, l'onde répercussive, c'est évidemment la qualité des routes, mauvaise signalisation, ça a été mentionné. Cette suggestion qui avait été faite il y a quelques années - je tairai évidemment le nom du ministre, il n'est pas présent, d'ailleurs - il m'avait dit: Excellente idée, c'est merveilleux, mais pensez-vous, M. Viollet, que je pourrais la vendre sur le plan de la plateforme électorale? Notre bon peuple québécois n'acceptera jamais de payer l'essence plus cher qu'un Américain. Moi, je dirais que 0,10 $, 0,15 $ ou 0,20 $ de moins au prix de l'essence, si ça amène x milliers de voyageurs, c'est mieux que de ne pas les avoir, parce que le bon peuple québécois vendra plus de chambres, plus d'essence, plus dans les restaurants, plus dans l'agro-alimentaire, plus dans l'habillement, plus dans les souvenirs.

Donc, ce n'est pas forcément une formule à long terme, mais qui pourrait être passagère. Mais cette diminution dans la perte de revenus de la taxe au niveau de l'essence pour le gouvernement serait largement compensée par une surconsommation amenée par nos voisins du sud. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency.

M. Filion: Oui, M. le Président, merci.

Moi aussi, effectivement, après les propos du ministre des Finances, on avait un petit peu l'impression que vous étiez venus ici un peu pour rien, pour expliquer vos doléances. Mais je pense qu'effectivement il faut aller plus loin que la réduction du taux de 10 % à 8 %, parce que, vous savez... Et je partage l'opinion du marché et de l'industrie touristique, les gens viennent ici, ils consomment de l'essence. Pensez à la personne qui traverse la frontière américaine, qui arrive à Saint-Georges de Beauce, qui s'y arrête pour prendre de l'essence; il prend un choc, 0,19 $, on est les champions au Québec de la taxe sur l'essence, 0.19 $ le litre. Par la suite, il entre à l'intérieur pour s'acheter un paquet de cigarettes... On est les gens qui taxons le plus le tabac, on le sait, on a une contrebande incroyable. Et s'il risque de prendre un repas, là, il reçoit 15,56 %, il rembarque dans sa voiture et il a envie de s'en retourner aux États-Unis. Pourquoi? Parce qu'il se rend compte qu'il se demande s'il a les moyens de continuer son voyage.

C'est dans cet esprit-là, je pense, que ces gens-là nous présentent un dossier, mais aussi ils ont des caractéristiques spécifiques. Je sais qu'ils ont des taxes importantes au niveau de l'immobilier. On sait que les taxes foncières sont importantes, et la taxe sur le capital, qui sont des charges fixes, à un moment où ils ont le plus de clients, devient une charge incroyable. Tout à l'heure, par la suite, le président du Conseil du trésor, il a dit: J'aimerais ça que vous me donniez des idées de revenus, mais moi, je pense que vous n'avez pas très bien regardé le mémoire, parce qu'il y a une place où j'ai attiré l'attention, c'est la recommandation 8.7. Si le président du Conseil du trésor l'avait regardée, c'est marqué: «Hâter la décision d'installer des terminaux de loteries vidéos dans les établissements détenteurs de permis d'alcool». Vous avez semblé soulever qu'il y avait une entente à ce niveau-là. Je suppose que vous parlez des vidéopokers ou de ce genre de système là. (18 h 10)

Alors, c'est quoi qui se passe? Comment se fait-il que vous ne l'ayez pas encore, cette décision-là, que vous n'ayez pas encore cette possibilité-là? Parce que vous semblez dire que c'était réglé, le dossier.

M. Regimbai: Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit, M. le député, mais pour peut-être renchérir sur ce que je voulais dire ou ce qu'il aurait fallu comprendre, c'est que, depuis l'époque des casinos, on sait ce que les casinos pourront apporter au Québec. Or, il est prouvé par l'expérience d'autres provinces, notamment le Manitoba, que les terminaux vidéopokers rapportent trois à quatre fois plus que ce que les casinos peuvent rapporter à l'économie de l'État ou de la province. Ce que nous avons fait, forts de cette expérience-là que nous avons vécue, parce que nous nous sommes déplacés, nous sommes allés voir au Manitoba, enfin, ce que les casinos pouvaient apporter à l'État, ce que les vidéopokers pouvaient générer comme revenus, nous sommes allés constater sur les lieux ce que ça avait comme impact. Par la suite, nous avons rencontré le président de la Société des loteries,

m. savard, avec m. savoie pour voir quelles seraient les possibilités, en plus des casinos qui ont été annoncés dernièrement, qu'on puisse intégrer dans le système les fameux vidéopokers. je pense que c'est quelque chose qui est à l'étude, qui chemine tranquillement. nous, ce qu'on veut, c'est hâter la décision pour qu'on puisse l'implanter.

M. Filion: C'est une excellente source de financement qui vous aiderait, à toutes fins pratiques, à faire votre promotion.

M. Regimbai: À faire notre promotion. Également, il a été prouvé, à Winnipeg par exemple, que les hôteliers... Parce qu'il y a une ristourne qui revient à l'hôtelier. Une grosse partie va à l'État, mais une partie revient à l'hôtelier. Les hôteliers de la région de Winnipeg ont fait la preuve qu'en cinq ou six mois d'utilisation ces gens-là ont généré suffisamment de revenus pour être capables de payer l'hypothèque qu'ils avaient sur... enfin, l'hypothèque annuelle qu'ils avaient sur leur propriété, en quatre, cinq ou six mois, là. Alors, ce que nous entendons dans ça, c'est qu'il y a une source de revenus très intéressante, autant pour l'État que pour l'individu, et je pense qu'on peut s'enlever de l'esprit que c'est également une source, enfin, de perversion ou ces choses-là. À Winnipeg, les gens ne sont pas pires qu'ils étaient. Ils sont sûrement... pas nécessairement mieux, mais ils ne sont pas pires qu'ils étaient au niveau des moeurs et ainsi de suite.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Un commentaire, M. le Président, sur ce que vous avez dit tout à l'heure concernant la façon dont le gouvernement du Parti québécois avait appliqué les taxes en 1978.

Je pense qu'il est important de bien saisir la portée de cette recommandation parce que, effectivement, l'industrie du tourisme est une industrie qui doit être traitée de façon spéciale, au Québec, étant donné, entre autres, qu'une des raisons principales pour lesquelles les déficits du gouvernement fédéral et la situation du gouvernement canadien et du gouvernement québécois se trouvent dans la situation que l'on connaît à l'heure actuelle, c'est en raison, en grande partie, des déficits au poste du tourisme, aussi bien dans la balance des paiements du Canada qu'au Québec, où le solde est fortement déficitaire.

Alors, je pense que les commentaires que vous avez faits, les suggestions que vous nous apportez de prendre de façon tout à fait spéciale les demandes de l'industrie touristique, à mon avis, rejoignent un peu la pensée qui prévalait, à l'époque, de ne pas taxer ou de taxer de façon minime les biens dits essentiels.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez des commentaires? Oui?

M. Regimbai: S'il fallait répondre, je pense que j'ajouterais simplement que la preuve qu'on voudrait arriver à faire, c'est qu'en enlevant cette taxe sur l'hébergement, on vendrait plus de forfaits. On serait capable de mesurer que l'entrée accrue de visiteurs et de touristes, qu'ils soient québécois ou étrangers, pourrait compenser largement par le manque à gagner, là, qu'on retrouverait en imposant les 4 % sur l'hébergement. En 1978, M. Parizeau nous disait - et on l'a vécu quand même pendant au-delà de 15 ans ou à peu près - qu'en ayant enlevé cette taxe-là, dans l'hôtellerie les chambres se vendaient mieux. Alors, ce que nous disons, c'est qu'en abrogeant la taxe de 4 % qu'on s'est fait imposer le 1er juillet dernier, il y a des chances qu'on puisse remettre, enfin, l'hôtellerie sur le droit chemin.

La preuve qu'on souhaite faire, c'est qu'en enlevant cette taxe-là, on va accroître les revenus touristiques, et les revenus de taxes vont venir de la restauration, de l'essence, du tabac, enfin toutes ces choses-là, si on demeure raisonnables également dans le champ de taxation de ces éléments-là.

Le Président (M. Lemieux): M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, M. le Président.

Simplement pour en remettre un petit peu, quand même. Le genre de budget qu'on consacre à l'industrie touristique, mais qui n'émarge aucunement dans les budgets du ministère du Tourisme, chaque fois qu'on construit et agrandit, modernise un musée, on vient d'améliorer l'offre touristique. Juste à Québec, il y a deux musées: le Musée du Québec, d'une dizaine de millions, avec le Musée de la civilisation. Dans les deux, il y en a pour des dizaines de millions. On vient de faire un agrandissement majeur, évidemment, au Musée du Québec.

À Montréal, le Biodôme, un succès international remarquable. Un million de personnes déjà qui ont visité ça. Absolument extraordinaire! Extraordinaire! Je ne parle pas des investissements au Jardin botanique, qui ne sont pas du même ordre de grandeur, et de tout le reste, dans ce coin-là. Le Centre des congrès de Québec est annoncé, je n'ai pas inventé ça, un tas d'infrastructures en régions... Le Musée des beaux-arts, tout récemment, 35 000 000 $, 40 000 000 $; le Musée McCord... dont 34 000 000 $ de fonds gouvernementaux.

Ecoutez, ce n'est pas rien. Ça, ce n'est pas le ministère du Tourisme, c'est le ministère des Affaires culturelles. Incidemment, la plupart des choses que je viens de mentionner... Il m'ap-paraît qu'il faut mettre les choses en perspective. De la même façon, c'est en colportant des

faussetés qu'on se nuit. Quand on dit que c'est les plus hautes taxes sur le tabac au Canada, je vais être brutal, ce n'est pas vrai. Il y a deux provinces qui sont moins chères que nous autres. Il y en a sept qui sont plus chères en cents par cigarette. Point à la ligne.

C'est 0,0880 $ par cigarette. Il y a deux provinces qui sont moins chères, les sept autres sont plus chères. À l'égard de la taxe sur l'essence, toutes les régions touristiques, les régions périphériques, d'une part, bénéficient d'une remise de 45 % du taux de la taxe. Alors, dire que c'est la plus haute, c'est exagéré, quand on oublie qu'une réduction de 45 % dans les régions périphériques, une réduction de quelque 22 % dans les régions spécifiques, dont le comté de Labelle, les parties du comté de Labelle... Alors, ce n'est pas sur une base partisane qu'on a fait ça. C'est pour assurer un meilleur développement touristique.

Ce n'est pas au ministère du Tourisme que ça coûte des dizaines de millions de dollars par mois - par mois! - pour refléter cette réalité-là de voyageur automobile nord-américain qui se promène dans nos régions touristiques. Alors, il y a beaucoup de choses qui se font. Je vous confesse que je trouve un petit peu regrettable que vous soyez venus ici pour réclamer des choses alors qu'il y a un problème d'équilibre budgétaire. Vous nous demandez de nous priver littéralement de revenus dont, ailleurs, les gouvernements ne se privent pas.

Les chambres d'hôtel, ça m'apparaît éclatant, la démonstration que le ministre des Finances a faite. Il a cité les taux de taxes sur les chambres d'hôtel dans toutes les régions avec lesquelles nous sommes en concurrence, y compris la Nouvelle-Angleterre. Partout c'est plus haut qu'ici. Partout c'est plus haut que 4 %. 4 %, c'est le plus bas. Ce n'est pas mêlant, c'est le plus bas et c'est remboursable à l'endroit des utilisateurs qui viennent de l'extérieur.

Moi, je persiste à croire qu'il faut regarder quel est le problème de surcapacité hôtelière au Québec, parce qu'il y en a un. On ne peut pas se plaindre d'année en année, en année, que ça va mal, que ça va mal, que ça va mal et que les taux d'occupation sont trop bas. Il y a une surcapacité. Il faut regarder la structure de coûts. Vous nvez dénoncé qu'il ne tient pas simplement à des taxes foncières ou aux 4 %, qui tient à des coûts de main-d'oeuvre, des coûts d'administration, des coûts de toute nature qui font qu'on s'imagine qu'on peut, au Québec, avoir des chambres d'hôtel qui coûtent la même chose qu'à Boston ou à New York. Franchement là, c'est un petit peu exagéré. (18 h 20)

Alors, il faut regarder toutes ces choses-là, prendre acte qu'on ne peut pas... On peut viser à la perfection et à l'équilibre, mais c'est extrêmement difficile. Il faut faire attention, quand on interprète les chiffres, de dire: Le ministère du Tourisme, tant. Vous nous avez oubliés. On ne vous a pas oubliés. On nettoie les cours d'eau, on nettoie les lacs, on nettoie les rivières. On pave les routes. On donne un rabais aux automobilistes dans les régions touristiques. Ça s'accumule drôlement, tout ça. J'aurais aimé ça qu'au lieu de nous parler de 1978, de l'abolition de la taxe sur les chambres d'hôtel, là, on prenne l'image globale. On n'arrivera pas à une solution globale du problème des finances publiques avec des vues étroites chacun de nos intérêts, quelle que soit l'importance de l'industrie, d'ailleurs. Ça, je ne mets pas ça en doute. C'est la raison pour laquelle on en est, mais pas nécessairement dans les crédits, là, vis-à-vis de l'appellation au ministère du Tourisme.

Alors, on aurait aimé des suggestions. Comment arriver à l'équilibre des finances publiques? Je pense que c'est ça qui est important. Autrement, on va être obligé de continuer à taxer les gens. Il n'y a pas d'autre chose à faire. Si on veut maintenir les services publics, si on veut les garantir, il faut maintenir un contrôle des dépenses. Si on maintient le contrôle des dépenses et qu'on peut réduire nos coûts d'opération, on va pouvoir alléger le fardeau fiscal de tout le monde, puis là, la roue va retourner à haute vitesse. C'est ça qu'on essayait de faire.

Alors, il y a des suggestions, là-dedans, là, sur la productivité dans le secteur public. C'est intéressant, mais il faut que tout le monde fasse sa «job». Il faut que tout le monde garde sa propre structure de coûts, cultive les bons marchés et, évidemment, puisse avoir l'impression, là, que tout le monde, tout le monde fait sa part. Ça m'apparaît extrêmement important et... Vous en faites une partie, là. Je ne nie pas ça, mais ce qu'on dit, c'est que l'effort à faire est très considérable encore.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le Président du Conseil du trésor.

Maintenant, la parole est à M. le député de Labelle. Il vous reste trois minutes, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci, M. le Président.

Ce que je vois, c'est que les ministres ne comprennent toujours pas Ils ne comprennent toujours pas. Ils ont une poule, et ils ne sont pas contents d'attendre qu'elle ponde des oeufs; ils la tuent pour aller chercher le dernier qu'elle a dans le corps. C'est ça qu'ils sont en train de faire.

Une voix:...

M. Léonard: Oui, c'est ça qu'ils sont en train de faire. Ce qu'il vient de nous expliquer... pourtant... Je comprends l'argumentation qu'il développe, mais il y a une chose qu'il faut qu'il sache, c'est que, dans le secteur touristique, il y

a beaucoup de main-d'oeuvre et que, par exemple, les taxes sur la masse salariale les frappent particulièrement. En considération de tout cela, on avait évité de taxer...

Une voix: ...ça, depuis quand? 1979, 1980 peut-être?

M. Léonard: Attendez. Non. La structure de taxation, les taux sur l'impôt sur le revenu des compagnies a été baissé au Québec, et il y a eu un échange en termes fiscaux. Mais, dans l'industrie touristique, il y a beaucoup de main-d'oeuvre et ceci les affecte. En considération de ce fait, le gouvernement du temps a toujours maintenu l'exemption de la taxe de vente. C'est tout ça qui faisait un espèce de «deal» qu'on ne reconnaît pas, de l'autre côté. Là, tout à coup, on vous taxe ça à tour de bras et on fait de petites comparaisons sur des segments de la taxation alors qu'on n'examine pas l'ensemble qui frappe l'industrie touristique, hôtelière en particulier. C'est ça, la question.

Je pense qu'au lieu de dire qu'il n'y aura pas de problème, que tout est rose, que ça va bien, puis tout ce que ça laisse sous-entendre, finalement, c'est que, 4 %, ce n'est pas assez, ils vont le monter à 8 %, tout à l'heure, là. C'est ça que ça veut dire. Quand je vois le sourire du ministre des Finances, c'est parce qu'il se prépare à faire un mauvais coup et qu'il se prépare à remonter ses taux de taxes. Je regrette, et j'espère que je me trompe. J'espère, mais je ne suis pas sûr, malheureusement.

Alors, M. le Président, non, pas comme d'habitude, j'entends le président du Conseil du trésor qui dit ça. Si je regardais les prévisions du ministre des Finances par rapport à ses réalisations puis ses budgets par rapport à ce qu'il a vraiment réalisé, vous savez très bien qu'il n'y a jamais eu autant de décalage dans ses prévisions de déficit et ses réalisations de déficit. C'est ça, le problème.

Pour revenir à l'industrie touristique, c'en est une qui est créatrice d'emplois, particulièrement, puis à laquelle la taxe de vente, la TVQ, fait particulièrement mal, compte tenu des autres composantes de la fiscalité québécoise.

Le Président (M. Lemieux): Non, il ne reste plus de...

Une voix: II ne reste plus de temps? Une minute?

Le Président (M. Lemieux): Ah non. Il ne reste plus de temps. Il ne reste plus de temps, malheureusement.

Une voix: ...temps.

Le Président (M. Lemieux): Alors, nous vous remercions pour cette participation à cette commission parlementaire et nous ajournons nos travaux à demain matin... Non?

Une voix:...

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir; 20 heures ce soir, je m'excuse.

(Suspension de la séance à 18 h 25)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Lemieux): Nous allons commencer dans 15 secondes. S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La commission du budget et de l'administration va reprendre ses travaux relativement au dossier sur les finances publiques. Nous allons entendre l'Ordre des comptables agréés du Québec.

Bienvenue à cette commission parlementaire. Permettez-moi, dans un premier temps, de vous faire part de la procédure. Vous disposez d'une période de 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire. Suivra un échange d'une durée de 40 minutes entre les deux groupes parlementaires: 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le parti de l'Opposition officielle.

La personne qui a, ce soir, à nous livrer l'exposé de son mémoire aurait-elle la gentillesse de bien vouloir nous présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît, et, après cette présentation, de débuter l'exposé de son mémoire?

Ordre des comptables agréés du Québec

M. Bélanger (Michel): Merci, M. le Président.

D'abord, je me présente. Mon nom est Michel Bélanger. Je suis président de l'Ordre des comptables agréés du Québec et je suis accompagné ce soir de M. Alain Paris, qui est exprésident de l'Ordre des comptables agréés du Québec, l'an dernier, et associé du cabinet Poissant Thibault-Peat Marwick Thorne. Et à ma droite, je voudrais vous présenter M. Richard Jacques, qui est directeur général de l'Ordre des comptables agréés du Québec. Pour ma part, j'exerce les fonctions de trésorier de la Communauté urbaine de Montréal.

Le Président (M. Lemieux): Nous sommes prêts à écouter avec intérêt l'exposé de votre mémoire.

M. Bélanger (Michel): Merci, M. le Président.

Alors, j'aimerais tout d'abord remercier les membres de cette commission d'avoir accepté de rencontrer les représentants de l'Ordre à l'occasion de cette audience de la commission du

budget et de l'administration.

Ce n'est pas d'hier que les comptables agréés s'intéressent aux questions reliées au financement des services publics. L'exercice de notre profession nous amène, en effet, à constater sur le terrain l'impact et les conséquences des budgets gouvernementaux et des politiques fiscales qui en résultent. Cet impact, je ne vous l'apprends pas, se fait durement sentir sur les affaires et, donc, sur l'emploi et sur le niveau de vie des citoyens. L'impasse dans laquelle nous nous trouvons en matière de finances publiques contribue à un climat d'insécurité et de morosité extrêmement malsain sur le plan tant social qu'économique. Mais, ce qui est particulièrement inquiétant, c'est le fait qu'une majorité de citoyens ne comprend pas ce qui se passe, parce qu'ils ne disposent pas de l'information nécessaire pour faire le lien entre les comportements individuels et la situation financière difficile dans laquelle se retrouve leur gouvernement.

Aujourd'hui, nous sommes venus vous parler en comptables, c'est-à-dire, bien sûr, en tant que professionnels proches des préoccupations quotidiennes des gens d'affaires dans la gestion de leur entreprise, des gestionnaires de l'État, ainsi que de celles des particuliers dans l'administration de leurs affaires personnelles. Nous nous présentons ici à la fois comme des experts de la gestion financière et de la fiscalité, et comme des témoins de ce qui se passe et de ce qui se vit dans les entreprises québécoises et dans les organismes publics, de façon quotidienne.

Le mémoire que nous avons déposé auprès de cette commission s'inscrit directement dans la continuité de nos positions des dernières années en matière de finances publiques, notamment notre témoignage devant la commission Bélanger-Campeau et nos interventions régulières auprès du ministre des Finances. En mai dernier nous avions ainsi fortement recommandé au ministre de tenir un débat public en profondeur sur la fiscalité afin de discuter des diverses formes de revenus du gouvernement, des charges fiscales supportées par les différentes catégories de contribuables, de même que de l'équité et de la progressivité de nos taxes. Nous nous réjouissons donc de la tenue de la présente audience publique, tout en regrettant cependant que les groupes intéressés à participer au débat n'aient pas eu plus de temps pour préparer leurs interventions. Malgré ces délais très courts pour préparer et présenter l'information dont nous disposons, nous avons jugé important de participer à cette réflexion. (20 h 10)

Pour ce faire, nous avons fait appel aux connaissances et à l'expérience de nos membres dans ce qu'elles ont de plus spécifiques, et nous avons tenté de dégager une vision qui reflète la perspective particulière que nos fonctions de comptables agréés nous donnent. Nous énonçons ainsi dans notre mémoire 23 recommandations sur des matières pour lesquelles nous estimons important que le gouvernement agisse. Ces recommandations sont réparties en deux domaines d'intervention. D'une part, la gestion des fonds publics et, d'autre part, la fiscalité.

Du côté de la gestion des fonds publics, nous sommes très préoccupés par la croissance du déficit des budgets gouvernementaux et par le niveau élevé de la dette publique. Pour sortir de ce cercle vicieux, nous recommandons au gouvernement de s'engager de toute urgence dans un plan de redressement rigoureux des finances publiques dont le principe de base devrait viser l'équilibre budgétaire des opérations courantes à l'intérieur d'un même cycle économique en limitant la création de nouveaux déficits et en s'obligeant à les récupérer rapidement. Le gouvernement évitera ainsi d'accroître la dette accumulée. Compte tenu du niveau alarmant de cette dette, nous allons encore plus loin et nous suggérons au gouvernement de prendre les dispositions pour rembourser, au cours du prochain cycle économique, la partie de la dette publique attribuable aux déficits d'exploitation des dernières années. Ces déficits non résorbés représentent, à l'heure actuelle, environ 40 % de la dette. Les rembourser constitue ainsi un défi de taille dont nous sommes conscients.

Cette démarche ne pourra donner les résultats attendus qu'à deux conditions: la première, s'assurer de disposer d'une image complète et précise de la situation; la deuxième, obtenir l'appui de la population en sensibilisant les citoyens à l'importance des enjeux budgétaires et au rôle qu'ils peuvent jouer sur ce plan. Dans cette perspective, l'Ordre des comptables agréés du Québec insiste une fois de plus auprès du gouvernement pour qu'il ajuste ses pratiques comptables dans le sens proposé par le comité sur la comptabilité et la vérification des organismes du secteur public de l'Institut canadien des comptables agréés et qu'il adopte les principes de comptabilité généralement reconnus et élaborés par cet Institut.

Une fois en possession d'un portrait clair de la situation, y inclus celui des sociétés d'État, nous lui recommandons de s'engager dans un processus rigoureux d'analyse de ses activités, en requestionner le rôle et la rentabilité. Lorsque des activités ne sont pas essentielles à l'intérêt public, on devrait tendre à les céder au secteur privé. Quant aux sociétés d'État, des objectifs de rentabilité devraient leur être fixés clairement.

Nous suggérons également au gouvernement d'identifier distinctement ses dépenses de fonctionnement de ses dépenses d'immobilisations, au sein de deux budgets distincts: un budget de fonctionnement à portée triennale et un budget d'immobilisations à vision quinquennale, permettant de contrôler et de limiter leur progression en fonction de certains indicateurs socio-économiques. Ces mesures seules ne pourraient cepen-

dant suffire pour assainir les finances publiques. Éliminer les déficits de fonctionnement et réduire la dette publique exigent plus. Le gouvernement doit réussir à obtenir l'appui de la population, sans quoi ses efforts risquent d'être compromis.

C'est en effet au niveau de la consommation des services et des programmes publics, autant, sinon plus, qu'à celui de leur planification et de leur administration que la partie se joue. Pour obtenir l'appui de la population, il est primordial que le gouvernement sensibilise les citoyens au coût et à la valeur des services publics qu'ils consomment. Cette sensibilisation devrait s'étendre à ceux qui sont appelés à dispenser ces services. Nous suggérons sur ce plan d'établir des mécanismes pour que chaque usager soit informé du coût des services qu'il utilise, voire même qu'il en paie directement une partie ou même parfois la totalité. Nous recommandons également que cette sensibilisation soit assortie de contrôles beaucoup plus rigoureux pour prévenir tout usage abusif ou frauduleux dans le recours aux services publics et, dans certains cas, d'avoir recours au contingentement. L'Ordre offre au gouvernement sa collaboration pour participer à l'élaboration des contrôles en cette matière, en souhaitant qu'ils soient à la fois simples, efficaces et équitables.

En contrepartie de ces efforts requis de la population, le gouvernement doit être prêt à rendre compte et à diffuser dans le public une information continue sur tout ce qui entoure ces activités et leur impact financier. Pour ce, le gouvernement doit rendre accessible aux citoyens cette information, pourvu qu'elle soit claire et bien vulgarisée. J'insiste ici sur l'importance que cette information soit traitée de façon à faciliter le lien entre le coût des services et l'imposition des divers droits, taxes ou impôts. Les données véhiculées devraient être ramenées au niveau de préoccupations quotidiennes à l'aide d'exemples et d'indicateurs basés sur la consommation des services et la contribution fiscale par personne ou par famille.

Combien de contribuables connaissent le coût d'une année scolaire de leur enfant au cégep, ou encore le coût des services médicaux qu'ils ont consommés eux-mêmes au cours de la dernière année? Certains s'étonneront peut-être de voir les comptables agréés insister autant sur la nécessité d'obtenir une adhésion de la population au redressement des finances publiques. Par-delà des contraintes très particulières que crée la gestion des fonds publics dans un régime démocratique, notre pratique nous a appris que les plans de redressement les plus efficaces sont ceux où les dirigeants savent associer aux objectifs poursuivis les employés, les fournisseurs et souvent les clients de l'entreprise. Nous sommes convaincus que les choses ne doivent pas se passer autrement quand il s'agit des fonds publics.

Notre mémoire propose également d'autres interventions en vue d'assainir les finances publiques, notamment l'optimisation de la coordination de l'appareil gouvernemental et une révision de certains modes de gestion de la fonction publique en vue d'en améliorer la productivité et l'efficacité.

L'assainissement des finances publiques n'est pas tributaire que de la capacité du gouvernement à bien gérer les fonds publics en évitant les déficits et en améliorant l'efficacité des dépenses. Il est aussi étroitement lié à l'environnement fiscal. Nous aurions aimé mener une réflexion plus poussée sur cette question. L'échéancier très serré de cette commission nous a malheureusement limités sur ce plan. Nous nous contenterons donc d'énoncer ici des recommandations touchant des aspects très spécifiques de la fiscalité, quitte à revenir sur la question lors d'un débat ultérieur que nous souhaitons fortement.

En matière de fiscalité, nous sommes d'opinion que le fardeau fiscal des contribuables a atteint un seuil qui ne doit pas être dépassé. Plutôt que de chercher à identifier de nouvelles sources de recettes, nous suggérons de mettre l'accent sur l'efficacité des mesures fiscales. Dans cette optique, nous sommes préoccupés par le frein que pose à l'efficacité de la fiscalité québécoise la complexité des lois, leur manque d'harmonisation avec celles du gouvernement fédéral, la lourdeur de leur administration et, parfois, la propension à l'évasion fiscale de la part des contribuables et des corporations. (20 h 20)

Nous nous sommes également penchés sur les incitatifs fiscaux en tant que levier économique. Une conclusion s'impose sur ce plan. Le gouvernement doit simplifier ses lois fiscales. D'une part, pour en faciliter l'application et réduire les coûts de la machine administrative, et, d'autre part, pour contrer l'encouragement à l'évasion fiscale due à la trop grande complexité des lois. Des lois plus simples auront, par ailleurs, l'avantage d'aider les contribuables à mieux comprendre les enjeux en cause.

La complexité des lois québécoises n'est pas seule en cause. Leur manque d'harmonisation avec les lois fédérales contribue également à rendre l'application de la fiscalité difficile. Les comptables agréés sont particulièrement bien placés pour témoigner des difficultés d'interprétation dues à ce manque d'harmonisation et des contestations qui s'ensuivent. Résultat: un système fiscal lourd et coûteux, tant pour les contribuables que pour le gouvernement.

L'Ordre des comptables agréés incite donc le gouvernement québécois à se concerter avec le gouvernement fédéral en vue d'harmoniser leurs règles fiscales lorsque les mêmes objectifs sont poursuivis. Nous insistons tout particulièrement pour que les écarts entre la taxe de vente du Québec et la taxe fédérale sur les produits et services soient réduits sans toutefois alourdir le

fardeau fiscal actuel des contribuables.

Nous suggérons par ailleurs au gouvernement québécois d'étudier avec le gouvernement fédéral la possibilité d'utiliser un formulaire intégré pour les déclarations de revenus et d'analyser la pertinence d'utiliser une déclaration familiale unique. Pour ce qui est de l'élaboration et de l'annonce de nouvelles mesures fiscales, nous considérons que le secret qui entoure traditionnellement la préparation des énoncés budgétaires constitue une pratique dépassée, qui devrait être remise en cause.

Il nous apparaît, en effet, que les désavantages qu'entraîne cette façon de faire sont nettement plus importants que les bénéfices indûs que pourraient chercher à tirer certains individus ou autres contribuables. Ce secret rend par exemple impossible les consultations auprès de la population et il entrave la préparation de la mise en oeuvre de nouvelles mesures. Ce sont là des freins majeurs à l'efficacité fiscale. Selon nous, il y aurait plutôt lieu de mettre en place un mécanisme permanent de consultation et d'évaluation des programmes publics et des mesures fiscales qui favoriseraient !a transparence du système et Sa participation des citoyens à l'élaboration de ces mesures.

Un des pius importants défis que devra reiever le gouvernement pour améliorer l'efficacité de la fiscalité demeure toutefois, ici comme dans le cas du contrôle des dépenses publiques, l'adhésion de la population aux objectifs poursuivis. À l'heure actuelle, Sa complexité et la multiplicité des taxes à la consommation, des taxes sur le salaire, des impôts et des redevances de toutes sortes exaspèrent et démotivent les contribuables. Encore une fois, nous sommes bien placés pour le savoir. On constate ainsi que, de pîus en pius, des citoyens démissionnent carrément de leur responsabilité en tant que contribuables. Le travail au noir, Sa fraude fiscale, le recours abusif au régime de sécurité du revenu et la contrebande sont ainsi de plus en pius courants. Tout cela réduit considérablement l'efficacité du régime fiscal québécois et notre compétitivité collective. n'auront pas accès à une information claire sur le coût des services publics et sur les sources de revenus qui permettent de les assurer et qu'ils ne feront pas un lien direct entre les services dont ils bénéficient et les taxes et impôts qu'ils paient, la tendance à la déresponsabilisation fiscale se poursuivra. En plus d'informer les citoyens, le gouvernement doit, parallèlement, mettre en place des mesures dissuasives appropriées pour contrer l'évasion fiscale sous toutes ses formes. Dans cette optique, il devrait procéder à des études coûts-bénifices pour comparer les bénifices réels de certaines taxes et, s'il ne peut le faire appliquer de façon rentable, envisager de les atténuer. Il contribuerait ainsi à freiner le développement d'une économie parallèle qui menace les fondements mêmes du financement des dépenses publiques.

L'assainissement des finances publiques québécoises constitue un objectif ambitueux. Pour l'atteindre, il faut plus que des encadrements rigoureux et un plan de redressement. Il faut, nous ne le dirons jamais assez, obtenir l'adhésion de la population québécoise et de ceux qui dispensent les services publics. Seuls un leadership énergique de ia part du gouvernement et un engagement ferme à les appliquer, les solutions qui s'imposent, permettront d'atteindre cet objectif.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci

Maintenant, je vais céder la parole à M. le Président du Conseil du trésor M. le Président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Je vous remercie, M. ie Président. en souhaitant la bienvenue à nos invités. el je me dis toujours, lorsque je vois des comptables qui jouent dans nos états financiers, qu'avec le souci de vérité qui vous anime, si vous n'existiez pas, il faudrait vous inventer. et, dans ce sens-là, vous contribuez d'une façon très, très spéciale à diffuser l'information. vous arrivez, je dirais, avec une rigueur professionnelle - c'est de ça dont vous vous targuez, avec raison - pour venir expliquer certaines choses avec toute la crédibilité que vous avez. alors, moi, j'ai toujours considéré que vous étiez comme des chiens de garde de la vérité des chiffres.

Je suis donc heureux de voir que vous avez des commentaires qui viennent très, très pratiquement suggérer des pistes. Lorsqu'il s'agit de représenter le pius fidèlement possible ia situation, on est toujours ouvert à des suggestions additionnelles, mais je voudrais dire, là - ce n'est pas pour être défensif - qu'on suit de très près. On est, évidemment, membres du comité de l'Institut canadien des comptables agréés en matière de comptabilité publique et c'est assez monde d'impliqué dans tout ça. Ce sont des notions extrêmement difficiles, par exemple, la notion d'états financiers consolidés gouvernementaux, avec les animaux aussi divers; la faune qu'il y a dans le secteur public s'harmonise difficilement, là, les éléments les uns avec les autres.

Au-delà de ça, je vais tout de suite vous demander quelques commentaires additionnels sur des suggestions que vous avez faites. Notamment, je vous indique tout de suite qu'il s'agit des recommandations 5 et 11 qui tournent autour de la sensibilisation que les gens doivent avoir de la valeur des services publics qu'ils consomment. Vous suggérez qu'on puisse informer les gens de la valeur des services qu'ils ont reçus. Vous

suggérez qu'on leur signale, d'une façon ou d'une autre, au moment même ou plus tard, par rapport au moment de la consommation, combien ça a coûté, tout ça. Vous n'excluez pas, loin de là, que les gens paient tout ou une partie des services publics qu'ils consomment.

Le fait de dire ça m'amène à vous demander si, dans votre esprit, il y a des critères qui président au choix des services publics à l'égard desquels on exempterait les gens de toute contribution autre que les impôts généraux, auxquels on demanderait une partie, donc, du cofinancement ou aux occasions où on demanderait que les gens paient le plein prix. Est-ce qu'il y a, dans votre esprit, des critères qui doivent présider à ces choix-là et est-ce qu'il y a, donc, des priorités qu'on peut établir lorsqu'on regarde le genre de «ticket» modérateur ou de frais ou de tarif quelconque auquel on pourrait songer? C'est ma première question. (20 h 30)

La deuxième a trait à l'évaluation des programmes, absolument nécessaire, évidemment. Le défi, c'est de faire ça rigoureusement, sur des bases régulières; c'est entendu. Dans le secteur public, il y a encore des projets réels, il y a des expériences d'évaluation de programmes. La question est: si on veut être parfaitement comparable, il faut vraiment choisir si ça va se faire par un organisme central ou si ça va être délégué, avec suivi d'un organisme central, aux ministères et organismes. Et ça, c'est parce que ça pose la question de la responsabilisation, en même temps, des différents organismes. Comme dans n'importe quelle organisation humaine on a avantage - c'est ça qu'on cherche à faire - à responsabiliser, donc valoriser davantage les différents niveaux hiérarchiques, tous nos employés qui sont en première ligne des services, leurs gestionnaires, etc. Alors, il y a un choix, je dirais, organisationnel à faire - et je sais que vous n'êtes pas insensibles à ces choses-là - un choix de décentralisation ou de centralisation, sachant qu'il y a des avantages réels, pour fins d'uniformité, à ce que ce soit le central, entre guillemets, qui fasse ça, mais qu'il y a un avantage réel, au point de vue, peut-être, productivité, que ce soit décentralisé.

Alors, j'étais curieux de savoir, compte tenu, évidemment, de vos activités professionnelles et de celles de vos membres dans tous ces genres d'exercices-là, si vous avez des suggestions concrètes à nous faire, d'abord sur les critères et les priorités dans les services qu'on devrait peut-être tarifer et, deuxièmement, dans l'approche d'évaluation de programmes qu'on devrait peut-être emprunter.

M. Bélanger (Michel): D'accord. Sur la question des services qu'on devrait tarifer, je dois vous dire qu'on n'a pas fait un inventaire exhaustif. On s'est attardé surtout à la question de principe et non pas à identifier, pour notre part, et à faire une liste des services au gouvernement. Mais je pense qu'on peut imaginer, par exemple, que - et on n'est pas les seuls à avoir dit ça - dans le secteur de la santé, ce n'est pas impensable que les gens puissent payer certains services ou avoir une certaine franchise.

Quand on pense à l'assurance-maladie, on pense à assurance. Alors, si on parle d'assurance, généralement, on se couvre pour les sinistres qui peuvent déstabiliser notre patrimoine. On ne se couvre pas pour, disons, le cas où on se ferait voler notre sac de golf, parce que ça ne déstabiliserait pas le patrimoine. Alors, quand on regarde ça du côté de la santé, je pense qu'il y a aussi, dans ce domaine-là, des sinistres qui sont peut-être moins importants et pour lesquels les contribuables pourraient assurer eux-mêmes les pertes, étant entendu que les sinistres majeurs qui peuvent être de très grandes maladies, évidemment, puissent être couverts complètement par le régime gouvernemental.

Alors, on n'ose pas, ici, vous dire ticket modérateur; on pourrait dire franchise... Je ne sais pas. Il y a un certain montant de frais, annuellement, qu'un contribuable pourrait être appelé à payer directement. Mais ce sont des pistes, si vous voulez.

M. Johnson: Si vous me permettez. Vous parliez de mécanismes compensatoires aussi, dans votre recommandation. À quoi songiez-vous?

M. Richard (Jacques): À ce moment-là, lorsqu'on parle de mécanismes compensatoires, c'est toujours possible que, pour l'ensemble de la population, certains services puissent être facturés ou chargés ou que les gens aient à contribuer à ces services-là. Mais il y a d'autres façons de donner, en contrepartie, à des gens défavorisés ou démunis, un remboursement de ces frais-là, ce qui pourrait être fait lors de la déclaration d'impôt annuelle ou par d'autres mécanismes, sous forme de crédits spéciaux lors de la déclaration d'impôt. Alors, c'est un peu ce qu'on avait à l'esprit sur cet aspect-là.

M. Bélanger (Michel): Si vous me permettez d'ajouter sur la question des critères, ce que nous avions en tête aussi... On sait que, par exemple, au niveau de l'éducation, le gouvernement assume pratiquement la gratuité des services de l'éducation. Maintenant, on sait qu'il y a des étudiants qui prennent un temps considérable pour réaliser leur programme d'études, et il y en a d'autres qui, de leur choix, décident, je ne sais pas, de faire deux baccalauréats, trois baccalauréats. Je pense qu'il y a une question à se poser: Est-ce que l'État doit financer gratuitement ces choix-là, qui sont faits par les étudiants? Alors, ce sont des pistes, je pense, sur lesquelles nous nous sommes arrêtés. On n'arrive pas avec des suggestions précises, mais je pense que, dans ces domaines-là, sans faire

appel à trop d'imagination, ce n'est pas très difficile d'identifier des façons de mettre à contribution le contribuable et de lui faire savoir que, évidemment, les services que l'État lui rend, il y a quelqu'un qui doit les payer.

Vous avez parlé de la question des programmes, de l'évaluation du coût des programmes. On a parlé beaucoup, dans notre mémoire, vous le savez, d'imputabilité. Et quand on parle d'im-putabilité, on veut dire rendre compte. Alors, on pense que, pour nous, c'est au gestionnaire de rendre compte de sa gestion, mais de la même façon que... Quand on pense à des états financiers d'entreprises, les sociétés publient leurs états financiers, mais, du côté des investisseurs, du côté des actionnaires, on veut bien s'assurer que ces états financiers là représentent fidèlement la situation financière et on fait appel à un tiers, qui est un vérificateur externe, qui vient attester, après avoir fait une certaine vérification, qui vient attester, relativement parlant, de la fidélité - peut-être pas de l'exactitude, mais de la fidélité - de la situation financière.

Alors, quand on pense aux programmes, je pense qu'il appartiendrait aux fonctionnaires, à ceux qui dirigent certaines sociétés ou encore aux chefs de département dans ces sociétés-là de faire rapport sur leur gestion. Et, à cet égard, nous, on dit qu'on pourrait s'inspirer un peu du modèle qu'on a à l'entreprise privée où un tiers qui pourrait être soit quelqu'un de la profession, soit quelqu'un du bureau du Vérificateur général, ou enfin un tiers crédible, pourrait attester de la fidélité des informations fournies.

M. Johnson: Merci.

Le Président (M. Lemieux): Ça va? M. le député de Labelle, oui.

M. Léonard: Oui, merci, M. le Président.

Alors, je veux souhaiter la bienvenue à l'Ordre des comptables agréés et à son président en particulier, et je veux faire quelques remarques comme entrée en matière.

Les actionnaires du gouvernement, ce sont les citoyens, tous les citoyens du Québec, et le conseil d'administration, c'est l'Assemblée nationale, en quelque sorte, parce que, quand on examine la structure de l'administration publique, c'est ça que cela donne. Comment, dans une entreprise, accepterait-on que la direction informe à la dernière minute le conseil d'administration de l'état de santé de l'entreprise - comme il a été fait récemment - et la population par la même occasion? Et comment l'assemblée des actionnaires et aussi le conseil d'administration réagiraient-ils en apprenant que les états financiers ne peuvent pas être comparés d'une année à l'autre, qu'on a des bris de respect de règles comptables qui font qu'on ne peut pas suivre l'information, qu'on ne peut pas l'appliquer?

Je pense que le Vérificateur général en a fait état à certaines occasions, de cela. Vous avez sûrement lu les états financiers du gouvernement. Vous êtes comptables; est-ce que vous trouvez facile, vous, d'évaluer la situation financière du gouvernement à la lecture des états? Est-ce que vous trouvez qu'elle arrive à temps? Ça aussi, c'est une bonne question lorsqu'on sait que les états financiers sont distribués quelque 8 à 9 mois après la fin de l'année financière, lorsqu'on sait que la synthèse des opérations financières, qui est les états vraiment trimestriels, nous parvient seulement 2 mois après que la période soit terminée. Il y a eu une exception où, vraiment, on a appris comme à travers les branches que, maintenant, il dispose de l'information le 15 du mois suivant, à peu près - puisque les informations étaient contenues au document publié le 19 janvier dernier - mais qu'on ne les publie pas. Alors, je pense qu'il y a là un problème majeur. Lorsqu'on appelle les citoyens à la transparence, il faudrait d'abord que le gouvernement la pratique lui-même. Je pense que, ça, c'est un point important. (20 h 40)

Deuxièmement, comme on en est au niveau des principes, je vais aller tout de suite à ma deuxième question. J'ai bien lu votre recommandation 23. Je trouve qu'elle est particulièrement pertinente dans la mesure où on veut échappor au cercle vicieux descendant du déséquilibre des finances publiques et de la récession par-dessus récession. Parce que, au fond, elle nous amène à poser la question de la fiscalité dans une perspective dynamique où, lorsqu'on impose une taxe, c'est pour relancer l'économie en avant, pour permettre au reste, aussi, de mieux s'équiper. Et puis, autre chose comparativement à cela - et ça recoupe aussi ma première question - comment peut-on parler de transparence alors qu'en ce qui concerne les dépenses fiscales comme les crédits d'impôt nous n'avons pratiquement aucune, aucune information?

Le Président (M. Lemieux): Nous vous écoutons.

M. Bélanger (Michel): Je peux faire certains commentaires. Je pense que, sur la question d'avoir rapidement l'information financière, effectivement, tout le monde est conscient de ça: dans toutes les entreprises, on cherche à avoir l'information financière le plus rapidement possible et, évidemment, avec les moyens modernes dont nous disposons maintenant - les ordinateurs - de plus en plus cette information nous est accessible rapidement. Je ne voudrais pas discuter de la rapidité avec laquelle les informations financières sont disponibles au gouvernement puisque, pour ma part, je n'en ai pas fait l'analyse.

Ce sur quoi, par contre, nous insistons dans le mémoire - quand on parle d'information

financière que nous devons relayer au citoyen - le point que nous avons fait, c'est d'avoir une information qui soit vulgarisée, qui soit compréhensible par le citoyen. On sait que, les états financiers, c'est quelque chose de complexe. C'est quelque chose qui n'est pas, par définition, à la portée de tout le monde puisque c'est un document technique qui obéit à des règles et à des conventions bien particulières. Et on est conscient qu'il faut que ce soit comme ça pour bien connaître le portrait dans le détail, pour que les spécialistes de la chose publique puissent, évidemment, administrer convenable ment. Mais le point ou nous insistons, c'est: cette information hautement technique, il faut travailler à la vulgariser et à la rendre compréhensible aux citoyens. C'est surtout sur cet aspect-là, mais du côté des dirigeants. Je pense que tout le monde est pour la vertu et, dans toutes les entreprises, je pense qu'on souhaite toujours avoir l'information le plus rapidement possible. Maintenant, la machine gouvernementale étant ce qu'elle est, évidemment, on peut comprendre...

M. Léonard: Mais, sur ce plan, vous admettez que la comparabilité est une base...

M. Bélanger (Michel): C'est exact.

M. Léonard: ...dans la compréhension des états financiers.

M. Bélanger (Michel): Oui. Et vous savez que, même dans le secteur...

M. Léonard: Parce que c'est un message que je voudrais que vous fassiez aussi au ministre des Finances.:.

M. Bélanger (Michel): Oui.

M. Léonard: ...parce qu'il a beaucoup de difficultés avec ça.

M. Bélanger (Michel): Mais, vous savez, M. Léonard, que même dans le secteur privé on a des problèmes de comparabilité.

M. Léonard: Oui, je le sais aussi, mais ça n'excuse pas le gouvernement, qui doit donner l'exemple.

M. Bélanger (Michel): Quant à la recommandation 23, je demanderais peut-être à mon collègue, M. Paris, de la commenter.

M. Paris (Alain): La recommandation 23, M. Léonard, vient à la suite, évidemment, de notre recommandation 22. À 23, on dit qu'on doit faire des études de coûts-bénéfices pour savoir si ça vaut la peine de se payer certains services en particulier. Et ceci vient comme conclusion à l'analyse qu'on avait à la résolution 22, où on voulait que le gouvernement se fasse un devoir de mener des campagnes de publicité et d'information auprès des bénéficiaires des services pour qu'ils soient bien informés des coûts des services qui leur sont fournis pour que les bénéficiaires puissent apprécier à leur juste valeur les services qui leur sont rendus et qu'on puisse décider périodiquement si certains services ne sont plus nécessaires, étant donné que les coûts sont trop élevés.

Donc, pour nous, c'est fondamental. Nous sommes convaincus qu'une foule de concitoyens ne sont pas au courant des coûts qu'un doit encourir pour les services qu'on leur rend et que, s'ils étaient bien informés, fort probablement qu'ils pourraient accepter que certains services ne leur soient plus rendus de la même façon ou d'en payer une partie. Et, à ce moment-là, on croit que certains services - comme à la clause 23 - devraient disparaître.

Il ne faut pas oublier que certains des services qui ont été mis sur place il y a plusieurs années répondaient à un besoin très spécifique, à une condition très spécifique. Ceci fait également suite à d'autres considérations que vous retrouvez dans notre mémoire, où c'est essentiel pour nous que la remise en question des programmes soit faite périodiquement, avec beaucoup de rigueur et, au besoin, d'avoir des clauses crépusculaires pour qu'ils soient éliminés, ces programmes-là, s'ils ne repondent plus à des besoins. Pour nous, ça, c'est fondamental. Dans l'entreprise, on passe notre temps à faire de la réévaluation des programmes en place, de l'élimination au besoin, et de la restructuration au besoin. Et ceci doit également être fait dans l'appareil gouvernemental.

M. Léonard: Écoutez, je fais quand même une remarque sur la recommandation 23: il s'agit bien des coûts-bénéfices des taxes imposées. Là, vous parlez des programmes. J'en suis, pour les programmes; c'est un autre volet de l'analyse. Mais les taxes elles-mêmes... Parce que, quand le gouvernement augmente les taxes comme il le fait sur le tabac, il se tire dans le pied aussi.

M. Paris: On est convaincu. On partage ça entièrement. Évidemment, ça fait également partie de notre conclusion sur l'évasion fiscale. Au moment où les taxes sont trop élevées, ce qui se produit pour le tabac, on a des études qui ont été publiées dernièrement indiquant que, compte tenu de l'ampleur des taxes sur le tabac, on avait amené les gens à l'évasion fiscale. Et une fois qu'on est dans l'évasion fiscale, évidemment, on est dans un cercle vicieux et on continue continuellement. Donc, je suis d'accord avec vous.

Le Président (M. Lemieux): Alors, ça va. Simplement une question que j'aurais à vous

poser, non pas comme comptable mais peut-être comme citoyen: Vous savez que l'objectif de cet exercice sur les finances publiques, c'est d'essayer d'en arriver sans doute à trouver des solutions pour un meilleur contrôle des coûts. Notre objectif, c'est aussi une meilleure gestion, d'améliorer la gestion administrative et, pour ce faire, subsidiairement, d'en arriver à conserver les acquis que nous avons actuellement. Je ne vous dis pas de conserver nécessairement tous les acquis, mais peut-être une partie des acquis que nous avons actuellement pour essayer d'en arriver à développer une marge de manoeuvre suffisante, monétairement, peut-être pour investir dans la formation, la création d'emplois, ce qui me semble aussi important. Entre ce choix-là que nous avons à faire et la conservation intégrale de l'universalité des programmes que nous avons actuellement... Vous savez, si vous aviez ce choix-là à faire, vous, comme citoyen, quel choix feriez-vous?

M. Bélanger (Michel): Entre l'universalité et...

Le Président (M. Lemieux): ...et d'avoir à faire en sorte que nous en arrivions à un meilleur contrôle de gestion pour investir davantage dans la formation, en arriver à s'efforcer de créer davantage d'emplois, quel choix feriez-vous si nous en arrivons à une solution qui, effectivement, viendrait restreindre en partie certains programmes de nature universelle?

M. Bélanger (Michel): Sans mettre en péril l'universalité de ces programmes?

Le Président (m. lemieux): sans mettre nécessairement en péril l'univer... l'universalité de ces programmes - j'ai de la difficulté, ce soir, avec cette expression-là.

M. Bélanger (Michel): Effectivement, je pense qu'on a...

Le Président (M. Lemieux): Vous savez, c'est ça, le choix de société qu'on a à faire. Il me semble clair, parce que chaque groupe qui est venu ici ce soir... En tout cas, pas nécessairement ce soir, mais il est assez rare qu'on ait développé, je dirais, davantage un sens d'État, un sens de collectivité générale. On nous demande de l'argent, de l'argent, de l'argent. À mon époque, on disait que l'argent ne poussait pas dans les arbres. Aujourd'hui, ma petite fille dit qu'il sort des murs parce que, quand je vais à la caisse Desjardins, elle en voit sortir par les guichets automatiques, de l'argent. Mais, ces choses-là ont changé. Et, évidemment, l'État est pris avec des besoins financiers nets importants actuellement, et on aura effectivement des choix à faire.

Moi, je vous demande ça simplement comme citoyen: Si vous aviez ce choix entre nécessairement conserver des acquis qui nous conduisent là où vous savez, comme comptable, et avoir à restreindre ces choix pour vous orienter, pour prendre d'autres directions, telles - comme je l'ai mentionné - la formation de la main-d'oeuvre, la création d'emplois et d'autres programmes de cette même nature, quel choix feriez-vous, comme citoyen?

M. Paris: II faut arriver à un équilibre... Le Président (M. Lemieux): Oui, oui.

M. Paris: ...dans un premier temps. Et, personnellement, je pense qu'il faut en arriver à un...

Le Président (M. Lemieux): Parce que c'est vous qui êtes les payeurs de taxes.

M. Paris: ...contrat social où on va arriver à un compromis, où on va pouvoir continuer à créer de l'emploi. C'est fondamental. (20 h 50)

Au Québec, on a au-delà de 200 000 petites entreprises; ce sont ces entreprises-là qui créent de l'emploi. Donc, il faut arriver avec un système fiscal qui va leur permettre de continuer à créer de l'emploi et, à ce moment-là, si ceci implique que le gouvernement doive diminuer certaines contributions à l'universalité, on devrait accepter cette position-là. En sachant qu'il y a des sacrifices à faire, il va falloir arriver à des compromis et à respecter cette attitude-là en sachant que tous vont avoir à payer en partie.

Évidemment, quand on regarde le document qui nous a été soumis tout dernièrement sur «Vivre selon ses moyens», il est évident que les trois sphères d'activité où il va falloir couper éventuellement, c'est dans l'éducation, dans la santé et dans l'emploi. C'est là qu'on consacre à peu près les trois quarts du budget. Donc, c'est certain que c'est dans ces programmes-là qu'il va falloir regarder. Donc, à mon point de vue - et c'est une opinion personnelle - je pense qu'il faut arriver à un équilibre entre les deux, mais il est fondamental que l'on continue à exercer beaucoup de pression sur la création d'emplois productifs et non pas d'emplois qui sont stériles et qui ne mènent absolument à rien.

Donc, il faut qu'on fasse beaucoup d'efforts dans la recherche et le développement dans les domaines de pointe, le domaine pharmaceutique, le domaine de l'informatique, dans ces domaines-là où nos gens ont prouvé leur compétence aux points de vue national et international. Et c'est à ce moment-là qu'on sera capable de se payer les services qu'on pense qu'on peut se payer et qu'aujourd'hui on n'a pas les moyens de se payer.

Le Président (M. Lemieux): Et vous êtes prêts à des sacrifices?

M. Paris: II faut faire des sacrifices, il faut que tous fassent des sacrifices. Comme j'ai déjà entendu M. Levesque le dire: Tout le monde est prêt à faire des sacrifices pour les autres. Mais, au moment où c'est des sacrifices qui nous touchent nous-mêmes, on est moins sensibles à ces sacrifices-là. Et je crois qu'on est à une période, aujourd'hui, où il faut les faire.

Si on regarde dans l'entreprise, à l'heure actuelle, il y a des grands sacrifices qui se font, et ces gens-là sont prêts à faire les sacrifices pour garder leur emploi, à des niveaux moins bien rémunérés qu'auparavant, avec des avantages sociaux moins volumineux qu'auparavant, mais, au moins, ils ont une job. Et, ça, c'est le message qu'on doit passer et c'est un message qui devrait venir «loud and clear».

Le Président (M. Lemieux): Merci. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président.

Alors, je veux vous saluer à mon tour et vous remercier pour l'excellence du mémoire. Je pense que c'est très intéressant, parce que vous insistez particulièrement sur des outils majeurs pour une prise de décision dans une collectivité, à savoir le savoir. Savoir, c'est pouvoir et, être informé, c'est être libre, pouvoir faire des choix. Et, à plusieurs reprises, vous dites: «II faut que le citoyen sache s'il veut ensuite pouvoir exercer un choix qui soit le plus éclairé possible.»

Vous avez une recommandation aussi, la recommandation 8, à la page 7 de votre mémoire, qui dit que toutes les mesures nouvelles qui devraient apparaître dans ce gouvernement, c'est-à-dire supportées par l'État, devraient supporter l'emploi. Et, dans ce sens-là aussi, c'est intéressant.

Je vais revenir, cependant, à une analyse que vous faites à la page 8 de votre mémoire et qui concerne la fonction publique, les gestionnaires de l'État. Vous faites une remarque un peu dure en disant: «L'Ordre s'inquiète de constater que [...] la fonction publique n'a pas évolué au même rythme que le secteur privé, avec pour résultat que les principes de gestion qui y sont appliqués contribuent peu à la productivité.» Et je passe le paragraphe suivant. Vous dites: «Sur ce plan, il nous apparaît que le gouvernement aurait avantage à s'inspirer des principes de gestion utilisés dans le secteur industriel.» Et vous faites référence, dans vos recommandations particulièrement, évidemment, à l'imputabilité ou à la responsabilisation.

J'aimerais ça que vous alliez un petit peu plus loin quant au jugement que vous portez et ce qu'il devrait générer comme action pour un État moderne comme celui qu'est le gouvernement du Québec.

M. Jacques: Écoutez, ce qu'on avait à l'esprit lorsqu'on a rédigé cette portion-là du mémoire... On a beaucoup insisté - je ne sais pas si vous avez vu - depuis le début sur l'aspect mobilisation de la population. Pour réussir à faire quelque chose, il faut que la population soit derrière toutes les mesures qui seront éventuellement implantées. Mais il y a un autre aspect aussi très important là-dedans, c'est que la fonction publique devra, elle aussi, être mobilisée. Et c'est encore beaucoup plus important parce que ce sont eux qui, en bout de ligne, vont les dispenser, les services. Alors, il faut qu'ils soient vraiment convaincus qu'ils rendent les services au meilleur coût possible. Et, pour ce faire, il faut qu'il y ait une participation active des fonctionnaires dans tout ce processus-là.

On a parlé aussi de l'imputabilité des hauts fonctionnaires. M. Lemieux a commenté longuement ce sujet-là devant cette même commission. Il y a beaucoup d'aspects qui semblent assez évidents vus de l'extérieur - évidemment, on est des gens qui voient ça de l'extérieur - comme, entre autres, l'aspect de la confusion au niveau de l'autorité. Au niveau de l'appareil gouvernemental, les lignes d'autorité sont bien souvent très lourdes, très complexes. Il y a plusieurs patrons pour certains employés ou certains fonctionnaires, ce qui crée beaucoup de confusion et démobilise, d'une certaine façon, les gens au niveau de la fonction publique.

C'est ce genre de chose, pour nous, qu'il semble assez évident qu'il faudrait éviter. Il faudrait structurer la fonction publique pour qu'elle soit vraiment beaucoup plus responsable et beaucoup plus décentralisée au niveau des pouvoirs parce que, tantôt - et quand on parle d'imputabilité, c'est ça - on va demander aux gens de rendre des comptes. Pour rendre des comptes, il faut qu'ils aient des coudées franches quand ils vont prendre des décisions. Alors, c'est ce genre de principe là qu'il faut essayer de pousser à l'extrême, malgré le fait qu'un appareil gouvernemental a quand même des contraintes qu'une entreprise privée n'a pas nécessairement. Alors, il faut essayer de composer avec tout ça.

Mme Marois: Je vais juste faire un commentaire: Je suis d'accord avec vous. Je pense que c'est intéressant d'imaginer toute espèce d'avenue, que ce soit dans le sens de la responsabilisation ou de la décentralisation. Il y a des gens aujourd'hui qui sont venus nous dire qu'il fallait réduire un peu les niveaux hiérarchiques, mais il est évident aussi que les critères sur lesquels on s'appuie pour rendre des services ne se situent pas nécessairement et tout le temps dans la même ligne que les critères qu'on utilise quand on se retrouve dans l'appareil privé par rapport au secteur public.

M. Jacques: Définitivement. Et si je peux

me permettre de faire un parallèle avec notre organisation où on sert nos membres, alors, nous, notre objectif, c'est de servir nos membres et de leur donner le maximum de services au coût le plus bas possible. On est confrontés avec exactement la même problématique...

Mme Marois: Tout à fait.

M. Jacques: ...que l'appareil gouvernemental. Et, tout ça, on essaie de le faire, premièrement, en informant bien nos membres - et, dans votre cas, c'est la population - du coût des services qu'on leur dispense et en essayant de développer une structure qui nous permette de générer ça le mieux possible.

Mme Marois: Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency.

M. Filion: Est-ce qu'on fait l'alternance?

Le Président (M. Lemieux): Oui, si vous voulez. M. le... Ça va?

M. Filion: Si on veut alterner, s'il y en a qui veulent poser des questions...

Le Président (M. Lemieux): Non, pour le moment. Pas de ministériel?

M. Filion: Alors, on y va. Vous ne voulez plus parler?

Le Président (M. Lemieux): Pas nécessairement. Je pense que...

M. Filion: C'est l'alternance.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Alors, écoutez... S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je vois où la stratégie parlementaire veut nous mener.

M. Levesque: Vous manquez d'inspiration?

Le Président (M. Lemieux): Je vois. Ça va, ça va.

Mme Marois: Non, non. Pas du tout. Au contraire, on en a.

M. Léonard: Et on peut être renards comme vous l'êtes.

Le Président (M. Lemieux): Oui, ça va. M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Sur la simplification des formulaires d'impôt et, donc, de la fiscalité. Une des dimensions qui est toujours là - et ça a déjà été mentionné ici - je voudrais votre point de vue, spécifiquement. Une suggestion qui a été amenée - ça a été de même au point de vue de l'impôt sur le revenu des particuliers - c'est de tenter d'unifier tout ça, d'harmoniser, de simplifier. Quels sont les champs de la fiscalité des particuliers du Québec, les champs de cet impôt-là qu'on devrait conserver? Quels sont ceux qu'on devrait larguer si on voulait s'harmoniser? Parce que c'est ça qui est en cause. Évidemment, vous le savez.

Au fil des ans, on a pu, par l'autonomie fiscale à ce titre-là, développer des programmes - de dépenses fiscales, notamment - pour aider certaines industries, pour aider certaines régions de ressources, pour aider la capitalisation des entreprises, que les neuf autres provinces nous envient parce que, harmonisées qu'elles sont avec le gouvernement fédéral, ce dernier n'ayant pas les mêmes impératifs pointus dans chaque province pour mettre sur pied des programmes de dépenses fiscales, résiste toujours, évidemment, à quelque tentative que ce soit des autres provinces d'introduire des petites choses spécifiques à chacune.

Alors, il y a un coût à l'harmonisation; ça, je pense que vous en êtes conscients. Et si on doit faciliter l'harmonisation... Parce que, pour le contribuable, c'est important. Ça, les gens le demandent: Comment ça se fait qu'on a deux formules d'impôt et qu'ailleurs ils en ont juste une? C'est long à expliquer. Il y a des raisons. Enfin, on le dit aux gens, mais on peut peut-être viser à simplifier. Est-ce qu'il y a des dépenses fiscales, selon vous - parce que c'est à cause de ça, notamment, que c'est plus compliqué, l'harmonisation - qu'on devrait larguer? Est-ce qu'il y a des postes dans nos formulaires d'impôt - qui sont de plus en plus longs, avec les annexes, et tout ça, là - est-ce qu'il y a des suggestions concrètes que vous pourriez amener pour nous aider, justement, à simplifier ça? (21 heures)

M. Paris: Oui. Je pense que, dans un premier temps, M. le ministre, il est évident qu'il faut conserver notre autonomie fiscale, et ça ne fait aucun doute qu'il faut conserver cet outil pour être en mesure de l'utiliser comme levier économique dans certaines situations particulières, ce qu'on a fait dans le passé. Maintenant, il y a des champs d'application où on pourrait avoir plus d'uniformité.

Par exemple, au niveau des avantages sociaux, quand on parle d'un avantage relié à l'usage d'une automobile, on a encore des différences entre le fédéral et le provincial. Ce sont toujours des différences mineures, évidemment, qui sont des irritants, et qui viennent agacer le contribuable qui se demande pourquoi il y a ces différences-là, qui sont finalement mineures. On regarde ce qui s'est passé, par exemple - puis, on en fait part dans notre mémoire - de certaines dispositions au niveau cinématographique. On a voulu encourager une

industrie en ayant des déductions différentes au fédéral et au provincial. Ce qu'on se pose comme question, c'est s'il n'y aurait pas lieu d'avoir davantage de concertation et, quand on vise le même but, d'avoir exactement la même disposition, avec le même langage et les mêmes répercussions. Il va de soi que, quand on arrive dans le domaine minier, si on veut favoriser notre domaine minier, le Québec doit conserver sa latitude et son autonomie, et on préconise cette mesure-là. Cependant, dans beaucoup d'autres dispositions fiscales relativement simples, on semble se triturer les sens pour arriver à une terminologie différente, et arriver avec des résultats sensiblement différents, pas beaucoup, mais suffisamment pour agacer le contribuable qui se demande pourquoi on a fait ça, et on se demande s'il n'y a pas un manque de transparence également. On se questionne. On est suspicieux un peu à l'égard de ces éléments-là, et c'est souvent mineur.

M. Johnson: Merci

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président. À mon tour, j'aimerais bien sûr souhaiter la bienvenue aux membres de l'Ordre des comptables agréés.

Également, comme la députée de Taillon le mentionnait, je trouve que le mémoire est très intéressant. Il y a beaucoup de belles pistes et, pour moi, une piste intéressante, c'est la recommandation 17, où vous dites: «Que le gouvernement québécois étudie avec le gouvernement fédéral la possibilité d'utiliser un formulaire intégré pour les déclarations de revenus provinciale et fédérale, et d'administrer leurs lois fiscales conjointement.» Est-ce que vous vous référez à une entente similaire à la TPS et à la TVQ qui existe actuellement sur le territoire québécois? C'est co style de baso do travail, jo suppose, auquel vous vous référez?

M. Paris: Oui. Il y a peut-être une distinction entre les deux. Je pense que vous avez remarquez également dans notre mémoire, M. Filion, qu'en termes de TPS et de TVQ, on insiste beaucoup sur le fait qu'il y a des écarts importants entre la TPS et la TVQ au niveau de l'harmonisation. Mais je pense que, comme entente de gestion, c'est une entente qui est intéressante parce que le contribuable, malgré toutes les difficultés qu'on aurait pu tâcher d'aplanir d'une façon plus harmonieuse et plus adéquate, le contribuable se contente, par contre, de produire un seul formulaire dans lequel il paie la TPS et la TVQ. On ne vous fait pas la suggestion d'arriver au même résultat, car, avec l'expérience quand même très réduite, on peut vous dire qu'il y a beaucoup de difficultés avec ce formulaire-là, parce qu'on change souvent d'opinion et d'idée quant à la fréquence du formulaire, quant à la façon dont il doit être complété, mais je pense que l'idée qui animait une entente de gestion conjointe est excessivement intéressante. Donc, dans notre esprit à nous, c'est d'arriver à quelque chose de comparable comme entente de gestion, mais qui pourrait être négocié de plus longue main et d'une façon plus harmonieuse dans ce sens-là.

M. Filion: Je peux comprendre le détail de l'opération technique, là, mais, dans l'ensemble, c'est un formulaire produit au Québec avec un chèque administré par le Québec et bon... Pour simplifier la vie des gens, au fond, c'est un peu ce que vous recherchez comme...

M. Paris: Ce qu'on recherche, c'est un petit peu un modèle comme on retrouve dans plusieurs autres provinces où on a une seule déclaration qui regroupe et la taxe provinciale et la taxe fédérale pour le contribuable.

M. Filion: C'est ça. Mais, là, vous spécifiez que ce devrait être administré par le Québec.

M. Paris: C'est ce qu'on mentionne ici.

M. Filion: Bon, c'est très bien. Je trouve ça très intéressant, d'ailleurs. Vous n'êtes pas les seuls. Le Mouvement Desjardins le demande. On l'a demandé également au ministre du Revenu et, en tout cas... j'espère que si, tout le monde ensemble, nous lui demandons, ça va porter fruit.

Est-ce que c'était la première fois que vous faisiez une telle recommandation au gouvernement ou bien si, par le passé...

M. Paris: On l'a déjà, dans le passé, mentionné également.

M. Filion: Oui? J'ai une autre question. Vous sumblo/: également vous orlontor vors un... En tout cas, vous semblez endosser le principe de tarification. En même temps, la question que j'ai envie de soulever... C'est que vous dites qu'on a atteint un seuil de taxation. On ne peut pas dépasser la taxation actuelle, tout le monde en a jusque-là. Alors, si on y va vers une tarification pour sensibiliser les gens aux services de santé ou d'éducation, ou peu importe, est-ce que, en même temps, dans votre esprit, vous pensez qu'il doit y avoir une compensation au niveau, par exemple, de l'impôt sur le revenu - parce que la santé est financée à même les tables d'impôt? Alors, si on n'augmente plus le fardeau fiscal, parce que les gens vont avoir l'impression que c'est encore de payer en double, parce que, pour eux, ils le paient déjà, le service de santé via les tables d'impôt. Dans votre esprit, je suppose que, si on allait vers une tarification pour sensibiliser les gens à la consommation du service, vous avez pensé à une

compensation au niveau des tables d'impôt, pour éviter que les gens pensent qu'ils paient en double? Est-ce que c'est ça, l'esprit dans lequel vous pensez à la tarification?

M. Bélanger (Michel): En fait, quand on a pensé à une tarification, on ne pensait pas, évidemment, à augmenter davantage le fardeau du contribuable. Ce qu'on pensait, c'était plutôt de trouver une façon de sensibiliser le contribuable. Alors, effectivement, si on va chercher des impôts sous une forme, il faudrait qu'il y ait compensation sous une autre.

Le Président (M. Lemieux): O. K. Alors, vous n'avez pas de question, M. le Président du Conseil du trésor? M. le ministre des Finances?

Une voix: Tout le monde a fini...

Le Président (M. Lemieux): Oui. Il vous reste trente secondes.

M. Léonard: Donc, c'est à vous. Il vous reste trente secondes.

Mme Marois: C'est à vous, là.

M. Léonard: Vous ne les prenez pas?

Une voix: Non, je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Ça va. Alors, comme je n'ai pas d'autre question...

M. Léonard: Non, mais, c'est parce que c'est l'alternance. C'est à eux. Ils n'interviennent plus? C'est fini? Très bien.

Le Président (M. Lemieux): Maintenant, si nous y allons d'une manière très stricte au niveau des règles de procédure, effectivement, le débat deviendra, je dirais, plutôt archaïque, médiéval, davantage moyenâgeux, puisque les échanges seront peut-être beaucoup moins dynamiques. Je me permettais, parfois, au niveau du temps, de permettre, sans qu'il y ait alternance, une continuité, mais je suis prêt à faire respecter le principe de l'alternance. Alors...

M. Léonard: Non, non. M. le Président... Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Léonard:... je voudrais juste faire une remarque. C'est parce que ça devient une question de règlement. C'est pas sur mon temps, là. C'est que j'ai remarqué qu'à plusieurs reprises on commence de l'autre côté et on conclut de façon assez systématique. Alors, c'est juste que, à un moment donné, si c'est cela, on va être obligé de jouer l'alternance de façon stricte. Si, autrement, c'est joué correctement, selon la teneur du débat, je n'ai pas de problèmes avec ça, M. le Président. C'est pour ça que j'ai...

Le Président (M. Lemieux): Vous comprendrez...

M. Levesque: M. le Président...

Le Président (M. Lemieux): Oui, s'il vous plaît, monsieur le ministre...

M. Levesque: Je vais prendre mes 30 secondes pour avoir...

Le Président (M. Lemieux): Oui. Alors, ça va. Mais...

M. Léonard: Allons-y. Je savais qu'il se les réservait à la fin. Alors, bien. Le chat est sorti du sac!

Une voix: Juste après.

Le Président (M. Lemieux): Oui, monsieur le... S'il vous plaît! M. le député de Beauce-Nord, oui.

M. Audet: M. le Président, je ne veux pas étirer le temps inutilement, mais l'alternance, oui, à la condition qu'un député qui veut prendre la parole, d'une part ou d'autre part, doit signaler au président son intention.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez entièrement raison.

M. Audet: Alors, si aucun député ne signale son intention d'intervenir à ce stade-ci...

Le Président (M. Lemieux): Oui.

M. Audet:... il n'y a pas obligation pour vous de reconnaître la formation qui peut parler en vertu du règlement.

Le Président (M. Lemieux): Vous avez entièrement raison, M. le député de Beauce-Nord.

M. Audet: Alors, à ce moment-là, je vous inviterai à reconnaître...

Le Président (M. Lemieux): Et je me dois, à ce moment-ci, de retourner vers l'Opposition officielle et de lui demander si, effectivement, elle veut intervenir, puisque j'ai déjà manifesté...

Mme Marois: Non, non, non.

M. Léonard: Non, M. le Président, c'est à eux à intervenir.

Le Président (M. Lemieux): Je m'excuse. S'il vous plaît. Il n'y a pas d'obligation... Je vais

quand même vérifier, mais il n'y a pas d'obligation, pour un membre de la partie ministérielle, d'intervenir lorsque le président s'est retourné vers la formation ministérielle et qu'il n'y a pas de question. Je dois revenir vers l'Opposition officielle.

M. Léonard: Bien. Alors, M. le Président, je pose une question de règlement. Comment allez-vous appliquer la règle de l'alternance...

Mme Marois: Voilà.

M. Léonard:... si, systématiquement, on laisse passer de l'autre côté pour se garder le dernier tour de parole?

Mme Marois: Voilà.

M. Léonard: Parce que c'est ça que vous faites.

Le Président (M. Lemieux): Alors, c'est très, très simple, M. le député de Labelle. Vous allez épuiser votre temps, et je vais remercier les gens d'être venus devant cette commission parlementaire.

Mme Marois: Donc, ils perdent leur droit de parole.

M. Léonard: Bon, bien, O. K. Donc, ils perdent leur droit de parole? O. K.

Mme Marois: On s'entend.

M. Léonard: Ça va. On s'entend.

Mme Marois: Parfait.

Le Président (M. Lemieux): Non, non. Ils ne perdent pas nécessairement leur droit de parole.

Des voix: Ah. Ah... M. Léonard: Bien, là...

Le Président (M. Lemieux): On pourra revenir, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Non, mais, M. le Président, je regrette, là. Vous allez faire quelque chose de clair.

Le Président (M. Lemieux): Écoutez, écoutez...

M. Levesque: La productivité... Vous voyez, là, ce que c'est que la productivité.

Le Président (M. Lemieux): Nous allons, pour le moment, permettre à M. le ministre des Finances d'intervenir, et je vérifierai, au niveau de l'article 169 du règlement, la teneur de 169, paragraphe 2, pour demain matin.

Alors, M. le ministre des Finances, il vous reste 30 secondes.

M. Levesque: Alors, M. le Président, j'avais beaucoup de choses à rappeler à cette commission, particulièrement du côté de l'Opposition, qui s'est fourvoyée à plusieurs reprises sur bien des sujets et, en particulier, sur les délais qui sont ceux des rapports que nous avons à faire, et où nous sommes les premiers ou les deuxièmes de toutes les provinces canadiennes, mais je m'en abstiens à cause de la limite de temps.

J'en profite, parce qu'il ne me reste que quelques secondes, pour dire à l'association des comptables combien je suis heureux d'avoir eu l'occasion de les entendre et les féliciter pour la présentation. C'est bien rafraîchissant de rencontrer des comptables qui, souvent, ont des confrères qui n'ont pas tout à fait la même approche vis-à-vis l'objectivité des choses.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): Je vous remercie, M. le ministre des Finances.

Maintenant, je cède la parole à M. le député de Labelle.

Une voix: Le comptable! (21 h 10)

M. Léonard: Je vous remercie, M. le Président.

Je dois dire, pour nos respectables invités, que c'est la première fois que nous soulevons cette question, mais qu'il fallait qu'on le fasse parce que, depuis un certain temps, nous avons remarqué le manège du parti gouvernemental là-dessus.

Alors, voilà. M. le Président, j'écoute les deux ministres qui sont là - les trois, même, parce que, ce soir, il y en a un qui a pris congé - et je dois dire, sans autres remarques... mais j'ai l'impression, parfois, que le président du Conseil du trésor analyse tout à coup les équilibres financiers. Il en parle sans arrêt comme s'il était ministre des Finances par intérim. Le ministre des Finances... Le ministre du Revenu explique un certain nombre de choses, etc., et le ministre des Finances vient de temps en temps. Il ne parle pas beaucoup. Généralement, il se contente de dire qu'il a d'excellentes mesures. Il a beaucoup de difficultés à reconnaître les problèmes que vivent les gens et, en quelque sorte, à bien des égards, il joue le rôle d'une plante verte. Bon. Ce que... Ha, ha, ha!

M. le Président, je pense qu'il y a eu des choses dites, ce soir, très importantes, en particulier sur la fiscalité. L'expérience des gens qui sont venus ici, à la barre, nous en parler pour dire qu'il fallait les simplifier... Je pense qu'à terme, quand les Québécois réaliseront que

de payer une taxe, une seule taxe, de la payer à un endroit, c'est déjà une grande économie que l'on ressent dans le secteur privé partout à l'heure actuelle parmi les 430 000, en particulier, qui perçoivent la TPS et la TVQ.

Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le député de Labelle...

M. Léonard: Alors, merci. Je veux simplement les saluer et les remercier de leur visite.

Le Président (M. Lemieux): Alors, je vous remercie de votre participation à cette commission parlementaire et, au lieu de suspendre deux minutes, je vais suspendre trois minutes, dans ce cas-ci...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): ...pour permettre à la Corporation professionnelle des administrateurs agréés du Québec de bien vouloir prendre place à la table des témoins.

(Suspension de la séance à 21 h 12)

(Reprise à 21 h 15)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration reprend ses travaux, et nous entendrons maintenant la Corporation professionnelle des administrateurs agréés du Québec.

La procédure parlementaire est la suivante. Vous disposez d'un temps de 20 minutes pour nous faire l'exposé de votre mémoire. Suivra un échange entre les parlementaires, d'une durée globale de 40 minutes pour les deux formations politiques. 20 minutes pour la formation ministérielle et 20 minutes pour ceux de l'Opposition.

Je demanderais à celui qui va livrer ce soir le mémoire de la Corporation professionnelle des administrateurs agrées du Québec de bien vouloir nous présenter les gens qui l'accompagnent pour, par la suite, s'identifier lui-même, et procéder à l'exposé de son mémoire.

Corporation professionnelle des administrateurs agréés du Québec (CPAAQ)

M. Gagnon (Richard): Merci, M. le Président, MM. les ministres, madame et MM. membres de la commission parlementaire du budget et de l'administration

Alors, à ma gauche, M. Gérald Duguay, qui est président du bureau de direction de notre corporation professionnelle, et qui est administrateur de compagnie; M. Fernand Plante, qui est vice-président aux finances de notre corporation professionnelle et conseiller en planification financière; à ma droite, M. André Bouchard, qui est directeur des affaires publiques à l'Alcan et qui est membre du comité exécutif de notre corporation; et, toujours à ma droite, M. Michel Côté, qui est conseiller en management au plan international et directeur général de CRC Sogema. Quant à moi, je suis Richard Gagnon, vice-président exécutif et directeur général de la Corporation professionnelle des administrateurs agréés du Québec.

Je n'ai pas l'intention, il va sans dire, de vous lire notre mémoire de bout en bout ni le résumé qui l'accompagne. Je vais plutôt vous en faire un survol rapide, en neuf points bien tassés, pour garder le plus de temps possible à nos échanges.

J'aimerais d'abord vous dire quelques mots sur les administrateurs agréés et notre corporation professionnelle. Vous allez constater, je crois, que notre profil fait de nous des interlocuteurs importants du gouvernement en matière de gestion des finances publiques. La Corporation professionnelle des administrateurs agréés du Québec compte environ 4000 membres qui oeuvrent à titre de gestionnaires aux divers paliers des entreprises québécoises, ou encore dans des domaines spécialisés, tel le conseil en management, la planification financière ou la gestion immobilière. On retrouve des administrateurs agréés aussi bien dans les secteurs public, parapublic que privé, tant dans la petite, la moyenne que la grande entreprise. Nous y remplissons, en fait, un large éventail des fonctions reliées à la gestion des organisations.

Un premier fait saute donc aux yeux. En tant que gestionnaires, les administrateurs agréés sont au coeur des prises de décisions qui contribuent à la réussite et au développement social et économique du Québec. Les finances publiques, ça intéresse donc au plus haut point nos membres. Pour dissiper tout doute à ce sujet, je vous précise tout de suite que le contenu de notre mémoire est le fruit d'une vaste consultation chez les administrateurs agréés, une consultation à laquelle, malgré le contexte défavorable de la période des fêtes, plus de 1000 membres ont participé en répondant à un questionnaire que nous leur avions fait parvenir au milieu du mois de décembre. Nous avons constaté, lors de cette consultation, non seulement un immense intérêt de la part de nos membres mais beaucoup d'inquiétudes, voire beaucoup d'impatience. Pourtant, les administrateurs, les gestionnaires sont habituellement des gens reconnus pour être rationnels, pondérés et plutôt discrets, peu friands de se retrouver sur la place publique. Pour que nous soyons ici, aujourd'hui, il fallait vraiment que la situation soit grave à nos yeux. Nous croyons qu'elle l'est et, d'ailleurs, nous sommes relativement bien placés pour en juger.

D'autre part, la question qui nous préoccupe le plus à propos de l'avenir des finances publiques du Québec, celle qui, en fait, contient toutes les autres, est la suivante: Quelles condi-

tions faut-il créer aujourd'hui pour améliorer la productivité et la santé financière de nos institutions, de nos entreprises et de notre économie? C'est donc sous cet angle précis que notre mémoire analyse et juge l'état des finances publiques, et que nous adressons nos recommandations et nos commentaires.

Troisième point. Dans la première partie de notre mémoire, nous établissons un diagnostic assez global. Nous expliquons comment nous en sommes arrivés à ce véritable cul-de-sac en matière de fiscalité, et nous décrivons quelques conséquences économiques de l'actuelle lourdeur fiscale. Je m'y arrête rapidement.

Nous prenons pour acquis que la vigueur de notre économie et la santé des finances publiques sont étroitement liées. Notre constat est clair. Loin de rendre notre économie plus compétitive, la gestion actuelle des finances publiques tue dans l'oeuf toute tentative de croissance. Je ne veux pas reprendre les chiffres que nous donnons dans notre mémoire, mais ils mènent à la même conclusion: le système fiscal actuel est désorienté et nous conduit à la catastrophe financière. Malgré la flambée des charges fiscales qu'il impose aux entreprises et aux contribuables, l'État québécois est techniquement en faillite, et il ne pourra pas s'en sortir en taxant davantage. La courbe de Laffer, annexée à notre mémoire, démontre très bien que nous sommes rendus à un point où plus le gouvernement taxe, moins il récolte de revenus autonomes. Admettons-le une fois pour toutes, notre mode de gestion des finances publiques date d'une autre époque. Sans un sérieux coup de barre collectif, le Québec risque de se joindre bientôt au club des pays du tiers monde économique. (21 h 20)

Nous nous sommes ensuite posé la question: Comment en sommes-nous arrivés là collectivement? Pour nous, l'intervention abusive du gouvernement dans plusieurs sphères d'activité en est une des principales raisons. Nous ne voulons pas faire le procès de l'État, mais force est d'admettre que les conditions ont changé depuis 30 ans. La mondialisation de l'économie, entre autres, oblige à des ajustements douloureux. Or, ayant dû taxer et emprunter pour financer son intervention massive dans l'économie, l'État n'a plus de marge de manoeuvre. D'une part, il est endetté à l'extrême et, d'autre part, il ne peut plus taxer, car tous les sondages démontrent que les contribuables ont dépassé leur seuil de tolérance en matière de taxation. Qu'on pense aux nombreuses évasions fiscales par le travail au noir, le tabac ou autres. D'ailleurs, ce ras-le-bol fiscal, 93 % des administrateurs agréés qui ont participé à notre consultation le partagent. En effet, le fait est là, brutal et incontournable: 30 ans après la Révolution tranquille, rien ne va plus au plan économique. À moins de modifier sérieusement ses politiques fiscales et budgétaires, le Québec court tout droit vers la faillite.

Le gouvernement se retrouve piégé. Il veut rationaliser ses dépenses en coupant dans les services ou en se retirant de certains programmes que le contribuable proteste aussitôt devant pareille atteinte à ses droits acquis. Le gouvernement remet toujours à plus tard, après les élections, après le référendum, après une élection partielle, après les négociations avec ses employés, etc. Pire encore, il ne rate pas une occasion de reculer devant la moindre protestation de groupes de pression, souvent minoritaires, qui parlent haut et fort en faveur de l'État interventionniste, ce type d'État qui est justement responsable du cul-de-sac actuel. Bref, le gouvernement, quelquefois, semble oublier qu'il est là pour gouverner en fonction du bien général.

Les conséquences économiques d'une fiscalité trop lourde sont dramatiques. Collectivement, nous sommes pris dans un cercle vicieux. La taxation trop élevée entraîhe une diminution de la consommation, retarde la reprise économique, accentue le travail au noir, décourage la productivité, encourage le gouvernement à dépenser davantage, et risque de provoquer un exode des cerveaux. Par ailleurs, cette dette publique constitue un héritage empoisonné que les générations actuelles laisseront aux générations montantes qui, elles, pourraient décider de refuser l'héritage. Le gouvernement, à cause de son pouvoir d'imposition, détient un pouvoir comparativement beaucoup plus important que celui des autres agents de développement économique. Il a donc l'obligation, à titre de fiduciaire de l'intérêt public, de mettre de l'ordre dans sa politique de gestion de ses revenus et de ses dépenses.

Dans la deuxième partie de notre mémoire, nous proposons une solution globale, toujours sous le même éclairage, à savoir comment améliorer la compétitivité de nos institutions, de nos entreprises et de notre économie. La qualité de vie dépend directement - on le sait - de l'efficacité des entreprises et des organisations. Nous proposons un nouveau partenariat entre l'État, le citoyen et l'entreprise, un partenariat à l'intérieur d'un nouvel équilibre où seront redéfinis la nature et le rôle des trois pôles qui le constituent. Telle est, selon nous, la seule voie d'avenir.

Commençons par l'État. Nous proposons un État revu et corrigé. Après avoir vu se développer tous les pouvoirs centraux pendant 25 ans, il est impérieux que la tendance dominante des prochaines décennies soit ouvertement favorable à l'action créatrice des individus et des organisations. L'interventionnisme systématique et généralisé de l'État est une relique d'un passé plus faste et moins conscient. Sa situation budgétaire en est la preuve flagrante. Les contribuables n'en peuvent plus de se faire refiler la note. Notre corporation professionnelle ne demande pas à l'État de s'effacer, mais de changer la nature de

son rôle. Il importe à tout le moins de définir l'intervention de l'État comme une action régulatrice - tel était d'ailleurs son rôle à l'origine - mais l'idée de régulation et de coordination, puis d'intervention directe a été poussée de plus en plus loin et a abouti à l'omniprésence et l'omnipotence de l'État, parfois dans des domaines où il est peu ou pas apte à s'immiscer. L'État ne peut et ne doit entreprendre en lieu et place des entrepreneurs, ce n'est pas son rôle. En d'autres mots, il est temps de passer de l'État-providence à l'État-gestionnaire. Ce changement n'est pas concentré sur la seule dimension économique, il implique une réévaluation du rôle du gouvernement et de ses commettants. Il est temps de revoir le contrat social entre gouvernants et gouvernés à la lumière du nouvel environnement économique mondial.

À notre avis, l'État doit agir et gouverner en bon père de famille, ce qui ne veut pas dire en mollasson, bien au contraire. Il est triste de constater que, trop souvent, nos gouvernements distribuent des fortunes en aide sociale et en assurance-chômage sans rien demander en retour. N'est-ce pas manquer de responsabilité que de céder aux groupes de pression trop souvent égoïstes, pour qui l'intérêt général ou collectif ne veut absolument rien dire? L'État doit faire preuve d'audace, de rigueur et de plus de responsabilité. Par exemple, l'appareil étatique doit optimiser le rendement des individus qui y oeuvrent et des organisations qui le composent. Le gestionnaire des organisations publiques doit devenir un agent de changement et un gestionnaire à part entière, à qui on donne les moyens de gérer efficacement les ressources qu'on lui confie. De plus, il faut déréglementer de plus en plus l'appareil public, en évaluer et en contrôler régulièrement la performance, et la soumettre à des normes de concurrence à chaque fois que cela est possible.

Par ailleurs, nous ne demandons pas au gouvernement de ne plus soutenir le développement des entreprises, nous lui demandons seulement d'intervenir différemment. Les moyens à sa disposition sont nombreux: en proposant une vision du Québec économique par une politique fiscale incitative, favorisant notamment cet important générateur de richesse qu'est l'épargne, par une meilleure planification de ses actions; en encourageant la mise en place de mesures de soutien aux PME; en développant une politique de développement économique qui tient compte des nouvelles règles de la concurrence internationale. Trop souvent encore, l'État, animé par des motivations plus politiques qu'économiques, intervient pour soutenir des canards boiteux. Nous voulons un État visionnaire, facilitateur des initiatives privées, qui propose, qui rend possible.

Après l'État, passons au citoyen. Nous avons besoin de citoyens responsabilisés. L'augmentation de la compétitivité est un projet collectif qui ne peut se réaliser sans la collaboration des individus. Le citoyen doit prendre conscience de son rôle dans la collectivité, au travail comme en société. Il doit redevenir un citoyen responsable.

En tant que travailleur, par exemple, le citoyen doit sentir qu'il poursuit un objectif de société. Le citoyen conscient de sa place et de son rôle dans le tissu «societal» trouvera là de nouvelles motivations. C'est non seulement ses pairs mais l'ensemble de la société qui compte sur lui. Le citoyen, comme travailleur, doit devenir plus productif.

Le citoyen doit aussi devenir un consommateur solidaire de l'économie. Nos gestes individuels ont une dimension collective. Le développement durable des entreprises ne peut être assuré que par l'appui du milieu dans lequel elles évoluent, d'où l'importance de créer le réflexe, chez le consommateur, de l'achat de produits de qualité faits au Québec, faits par les entreprises de chez nous.

Enfin, le citoyen doit devenir un consommateur averti de services publics. Au lieu de demander sans cesse à l'État, il faut qu'on lui permette d'établir un lien direct entre les impôts et taxes qu'il paie et les services qu'il reçoit en retour. Les services publics, comme tout ce qui a de la valeur, ne sont pas gratuits. Le gouvernement a implanté, dans sa récente réforme de la santé, une mesure visant à faire comprendre aux contribuables que les services offerts par l'État ont bel et bien une valeur chiffrable. Voilà une initiative qui mérite, selon les administrateurs agréés, d'être répétée dans tous les domaines où il est difficile d'établir un lien clair entre le service fourni et le coût réel de ce dernier. En bout de piste, cela donnera naissance à un partenariat beaucoup plus étroit entre l'État et ses commettants.

Dernier point, l'entreprise. Nous proposons des entreprises remodelées. Je m'explique. La décennie des années soixante-dix a été celle de l'État. La décennie quatre-vingt a été celle des entreprises. La décennie quatre-vingt-dix est celle des gestionnaires, des administrateurs. Il faut maintenant apprendre à gérer les entreprises publiques et privées que le Québec a mises sur pied depuis les 20 dernières années. Les gestionnaires doivent remettre en question leurs habitudes et leurs certitudes du passé, apprendre à gérer le changement en faisant preuve d'innovation, et établir de nouvelles collaborations entre les employés et les syndicats. Innovation, rationalisation des dépenses et des activités, formation de la main-d'oeuvre et investissements en recherche-développement doivent devenir des mots d'ordre. Ces éléments constituent la pierre angulaire de la productivité. (21 h 30)

Je conclus rapidement. Notre mémoire, nous le savons, se situe sur le terrain des grands principes et des orientations globales. Cela est

volontaire de notre part. Nous considérons, en effet, que le gouvernement connaît la plupart des solutions à appliquer au problème des finances publiques. De nombreux rapports proposant des réformes précises dorment depuis plusieurs années sur les tablettes du Conseil du trésor et de nombreux autres que vous recevrez au cours de la présente commission. Notre conviction est la suivante: ce qui a manqué au gouvernement et ce qui manque toujours, c'est le courage et la capacité politique d'appliquer les solutions. Nous sommes convaincus qu'on aura beau dresser une litanie des solutions allant du ticket modérateur à la privatisation de certains services, si l'État n'a pas le courage de se réformer, d'abord en faisant le ménage dans sa propre gestion et en cessant de gouverner au gré des groupes de pression minoritaires, le citoyen ne retrouvera pas la confiance nécessaire envers ses gouvernants pour accepter de se serrer la ceinture. Et si le citoyen n'accepte pas de se serrer la ceinture et d'augmenter sa productivité individuelle et de réduire ses exigences envers l'État à l'essentiel, toutes les solutions imaginables pour redresser notre situation seront inapplicables.

Les administrateurs agréés attendront avec impatience les résultats des travaux de cette commission parlementaire, mais nous demeurons inquiets. L'équilibre État, citoyen, entreprise auquel nous faisons référence doit se traduire rapidement dans une démarche concrète qui interpelle chacun de nous.

Je vous remercie.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le ministre des Finances.

M. Levesque: Alors, permettez-moi de vous dire combien nous apprécions votre contribution, votre participation ici, ce soir, à cet exercice. Nous voulons vous souhaiter la plus cordiale bienvenue et vous dire que nous allons sûrement, comme nous allons le faire pour tous les 75 mémoires qui nous ont été présentés ou qui le seront dans quelques jours, apporter la plus vive et la plus stricte attention à vos propos.

Évidemment, je vois, dans la conclusion, que vous mentionnez ceci: «Comme vous avez pu le constater, notre position s'est voulue plus générale que pointue.» Et, évidemment, ce que nous cherchons, c'est plus le pointu que le général. Bien que, sur le général, il n'y a pas toujours des consensus, si vous aviez été ici, par exemple, mardi dernier, il y avait un genre de front commun, ici, qui est venu nous dire que le gouvernement gonflait ses problèmes, qu'il n'y avait absolument pas d'urgence, qu'il n'y avait pas péril en la demeure, que les finances publiques étaient en bon état, etc. Et vous, vous arrivez aujourd'hui et vous dites, et je cite: «La dette publique constitue un héritage empoisonné, une véritable bombe à retardement que les générations actuelles laisseront aux générations montantes qui peuvent refuser de partager cette charge par la diminution de la productivité, l'exode ou simplement le refus de participer à l'activité économique.» Voilà évidemment une phrase assez lourde. Quand on reçoit ces différents messages, nous, on se demande si on ne pourrait pas être un peu plus pointu que général. Parce que nous recherchons, enfin, des pistes de solutions.

Quant à nous, votre constat est quelque chose peut-être de... je ne dirais pas d'exagéré, mais enfin... On va essayer de faire en sorte que ce ne soit pas exact parce qu'on veut sûrement faire en sorte que les générations qui viennent n'auront pas à vivre ce que vous appréhendez. Les gestes que nous devrons poser collectivement devraient être de nature à manifester le fait que nous soyons des administrateurs responsables. Je sais que je parle justement à des administrateurs. C'est votre propre profession. Vous avez sans doute raison de vous préoccuper de cette situation-là et de la décrire d'une façon, évidemment, qui nous porte à réfléchir et qui amène, évidemment, une prise de conscience collective.

Il y a eu des moments où nous pensions réellement que la situation pourrait être corrigée. Je me rappelle que lorsque nous avons publié, le 5 mars 1986, «L'urgence d'un redressement», on avait établi là un constat. Nous avions fait un inventaire, si vous voulez, un bilan de la situation. Nous avions dit que nous allions faire un virage dans les finances publiques. Nous avons établi certains objectifs, et tout cela avait un lendemain qui a été excellent. Durant les années 1986, 1987, 1988, 1989, 1990, nous avions presque diminué le solde du compte courant qui était très négatif, qui était dans les 2 000 000 000 $, et nous arrivions presque à l'équilibre.

Je ne sais pas, moi. On pensait, à ce moment-là, qu'on pouvait continuer et arriver, justement, à l'objectif que vous avez dans votre mémoire. Mais la récession est arrivée et a réellement tout chambardé. Aujourd'hui, nous avons une situation conjoncturelle, mais également structurelle à laquelle on doit faire face. La situation actuelle, évidemment, est préoccupante. Dans «Vivre selon nos moyens», nous avons indiqué que nous ne pouvions pas, évidemment, la régler dans un seul budget. Je pense que ce ne serait pas raisonnable. Mais, dans ce document, nous avons établi, premièrement, que nous ne croyions pas que nous puissions aller davantage dans l'endettement. Lorsque vous parlez des générations qui viennent, c'est sûr que nous nous rencontrons facilement dans cette préoccupation, et voilà que ce n'est pas la première année que nous empruntons à long terme pour payer les dépenses courantes. Ça se fait depuis 1977-1978. Nous étions à la veille d'arriver à l'équilibre lorsque la récession est arrivée.

Ça veut dire, ça, que, pendant tout ce temps-là, on a emprunté près de

25 000 000 000 $, comme société, à long terme ou à moyen terme, pour payer les dépenses courantes. On nous avait signalé tout à l'heure, mon prédécesseur à cette table disait que peut-être non pas seulement qu'on devrait arriver, dans le prochain cyclo économique, à réduire le déficit et arriver à un solde équilibré du compte courant, mais en même temps, dans ce même laps de temps, rembourser les 25 000 000 000 $ qu'on n'aurait pas dû emprunter pour rencontrer les dépenses d'ordre de dépenses courantes. C'est un gros défi. Je pense que ce serait bien difficile d'arriver à ça, en toute honnêteté. Tout de même, il faut avoir, je pense, ensemble une bonne vision des choses, une prise de conscience, mais en même temps il faudra que notre société ensemble se préoccupe d'améliorer sensiblement les finances publiques et le plus tôt possible les décisions devront, normalement, se prendre.

Avant de terminer, je voudrais, dans ces quelques remarques, vous faire part d'un énoncé que vous avez en page 10 relativement à l'imposition des dividendes au Québec. Il me semble que cette affirmation souffre de quelques omissions. En premier lieu, le calcul des impôts sur le dividende, les actionnaires doivent prendre en compte l'impôt payé au niveau de la corporation. De plus, le calcul doit prendre en compte le cumul des impôts fédéral et provincial. En second lieu, il doit tenir compte du crédit d'impôt pour dividendes, qui vise essentiellement à prévenir la double imposition de ce revenu. Enfin, compte tenu que les taux d'impôt des sociétés varient selon la taille et le secteur d'activité, il est utile d'établir des comparaisons pour diverses situations, soit celle d'une petite entreprise ou d'une entreprise de fabrication ou encore de la grande entreprise. À ce propos, j'ai devant moi un tableau qui indique, justement, certaines comparaisons avec Québec-Ontario pour la petite entreprise et sera une intégration des impôts corporatifs et individuels au Québec et en Ontario en 1992. Pour la petite entreprise, le Québec, le taux est 48,82, Ontario 48,45; pour les grandes entreprises, Québec 60,86, Ontario 63,05; et les entreprises de fabrication et de transformation, Québec 56,71, alors que l'Ontario 59,07. Je vais simplement laisser ces chiffres-là pour votre bonne attention.

Ceci étant dit, encore une fois je vous remercie de votre participation. (21 h 40)

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre des Finances.

Est-ce que vous avez des commentaires relativement aux propos de M. le ministre des Finances?

M. Gagnon: En fait, un commentaire bref pour signaler que ce qui préoccupe énormément nos membres est le fait que la tentation peut être grande de tomber dans un extrême de solution ou dans l'autre pour essayer de solution- ner le problème important du déficit et de la dette qu'on connaît. Alors, on entend parler beaucoup de ticket modérateur, de privatisation de services et on entend parler également de gestion plus serrée des dépenses de l'État. Il nous apparaît clair qu'il faut absolument une conjonction de l'ensemble de ces moyens ou de ces solutions-là pour réaliser l'objectif de compresser le déficit tel qu'on le souhaite. Mais trop verser dans soit un type de mesures ou l'autre risque de nous entraîner dans d'autres excès qui ne régleront absolument rien.

Je pense, par exemple, au ticket modérateur parce qu'on en entend beaucoup parler. Il faut éviter de tomber dans le piège de ne faire qu'alimenter ou ajouter de l'argent dans le système actuel. Si on se dirige vers ce type de moyen, il faudra s'assurer que c'est pour des objectifs très précis, soit de réduction directe de la dette ou encore permettant l'amélioration des services qui seraient financés par un tel moyen. Mais ajouter de l'argent sans, en même temps, compresser les dépenses de l'État dans son fonctionnement et sans rationaliser le fonctionnement du gouvernement risquerait de nous créer d'autres problèmes.

Le Président (M. Lemieux): O.K. J'avais une petite question. Vous nous dites que c'est nécessaire de compresser les dépenses de l'État. Est-ce que, pour ce faire sans privatiser certaines sociétés d'État, effectivement, on ne pourrait pas faire en sorte que certaines sociétés d'État soient davantage mises en compétition avec le secteur privé?

M. Gagnon: Tout à fait. Absolument. Il faut que le...

Le Président (M. Lemieux): Par exemple, la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je ne sais pas si vous l'ignorez, mais il se paie plus de cotisations par les employeurs à la Commission de la santé et de la sécurité du travail que d'impôts sur le revenu. Aux États-Unis, vous avez un système davantage étatisé; 31 États où c'est assumé par le privé, vous avez une quinzaine d'États où c'est mixte.

Cette philosophie d'approche, à savoir non pas nécessairement privatiser dans son ensemble, mais dégraisser en faisant en sorte d'augmenter la productivité par une compétition plus active avec le secteur privé, est-ce que c'est une voie de solution qui vous apparaît comme pouvant être efficace?

M. Bouchard (André J.): Oui. Enfin, de ce côté-là, je crois que ce sur quoi nous voulons insister actuellement, et je reviens un petit peu à ce que M. le ministre soulevait tout à l'heure, c'est peut-être un cri d'alarme. Mais, le cri d'alarme, il faut le donner au début de l'incendie et non lorsqu'il est trop tard. Dans ce sens, ce

mémoire se veut effectivement un cri d'alarme. Il y a 5 ans, il y a 10 ans, nous n'aurions pas tenu 10 mamo lungago, ot voyo/ où nous sommes aujourd'hui. si nous ne faisons pas attention aujourd'hui, où allons-nous nous retrouver, dans cinq ans? je crois que, déjà, le mémoire du gouvernement donne quelques idées où on s'en va si des mesures drastiques ne sont pas prises.

Ce que nous voulons dire actuellement et au niveau des privatisations et au niveau des services, ce n'est pas de dire que tout ce qui a été fait est mauvais, loin de là. Nous croyons que l'ensemble des choses qui ont été faites jusqu'à maintenant, étape par étape, choix par choix, a été, en règle générale, bien inspiré et a répondu à des besoins du temps. Actuellement, il y a une révision des choses qui doit se faire. Nous vivons largement au-dessus de nos moyens. Est-ce qu'on peut augmenter les revenus et continuer d'avoir les mêmes services? Si oui, allez-y, mais je crois qu'il est évident qu'on ne peut pas.

Au niveau de la rationalisation des services, 11 y a la privatisation, privatisation des services eux-mêmes. il y a peut-être une évaluation qui devrait être faite au niveau des services publics actuellement, à savoir quelle est la pertinence de tel et tel service et quelle est la relation coût-impact, l'impact que ce service a actuellement versus le coût qui est directement relié à ce service.

D'autre part, au niveau des sociétés d'État, les sociétés d'État peuvent être et doivent être autant que possible, nous le mentionnons dans le mémoire, mises en compétition avec le secteur privé. Là où l'État n'a pas à être, l'État doit se retirer. L'État a fait des efforts en ce sens en privatisant, je crois, une vingtaine de sociétés d'État il y a quelques années. L'exercice pourrait peut-être être repris, et on devrait peut-être réanalyser certains éléments du portefeuille. Là où il n'est pas justifié que l'État se retire, et si l'État demeure dans un milieu économique, la deuxième question qui se pose, c'est: Est-ce qu'on peut mettre l'État en situation de concurrence avec le secteur privé, si c'est nécessaire? Et nous disons à cela, oui, parce que ça amènera une façon de gérer l'entreprise publique qui respectera des critères de nature privée, avec la concurrence, avec une notion de profitabilité ou surplus...

Le Président (M. Lemieux): Et de productivité aussi.

M. Bouchard: ...de productivité qui ira de soi. Donc, dans ce sens-là, c'est de faire réellement un exercice de rationalisation, se disant que les choix qui ont été faits ont été bons à un temps, ces choix-là que nous maintenons actuellement peuvent probablement être à tout le moins réévalués, à moins qu'on ne se retrouve dans cinq ans avec un incendie qui sera large- ment plus avancé à ce moment-là, peut-être un peu trop tard.

Le Président (M. Lemieux): Merci. M. le député de Labelle.

M. Léonard: C'est M. le député de Montmorency.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Montmorency, pardon.

M. Filion: Merci, M. le Président. J'aimerais, au nom de ma formation politique, souhaiter la bienvenue aux représentants des administrateurs agréés du Québec et leur dire qu'effectivement, depuis deux ou trois jours, on reçoit ce genre de message, où la population en général, les différentes couches de la société viennent exposer un peu Ce cri d'alarme que vous manifestez encore ce soir. Je vous dirai que, pour ma part, je considère que c'est important que les administrateurs agréés, comme les comptables agréés, tous ceux que, de formation, on appelle comptables ou administrateurs, qui gèrent, à toutes fins pratiques, le milieu ou gèrent la société sur le plan de l'économie, viennent dire ce qu'ils pensent.

La population ressent des choses. Elle a besoin également de se faire confirmer par des experts comme vous que la situation est vraiment catastrophique sur le plan économique. Mais aussi, en même temps, vous avez un voeu, vous faites un voeu, c'est-à-dire que vous avez l'impression qu'on est rendu là parce que, comme le dit le dicton, «ça va comme c'est mené». C'est un peu le message que je reçois de votre mémoire: Ça va comme c'est mené. Vous ajoutez à ça une espèce de voeu pieux où vous dites en même temps: J'espère qu'il y aura suffisamment de volonté politique, comme si vous doutiez en même temps qu'on puisse arriver à des résultats. Pour vous, ce cri d'alarme qui est très nécessaire, j'aimerais quand même que vous essayiez de m'expliquer...

Est-ce qu'il y a de grandes tangentes à prendre que vous trouvez essentielles pour donner une correction? Je comprends que vous disiez, bon, la concurrence et tout ça, mais comment peut-on arriver à déterminer vraiment un axe à prendre, clair, net et précis où on peut se guider à travers les décisions qu'on aura à prendre? À court terme, le gouvernement en place devra enfin prendre une décision et arrêter de la reporter. Vous le dites aussi dans votre mémoire, que le gouvernement en place reporte toujours ses choses. Et là, bien, il est en train de venir dédouaner un peu ses coupures qu'il s'apprête à faire et il va mettre ça sur la faute de tous les gens qui sont venus témoigner, bien sûr, c'est normal. Mais j'aimerais quand même savoir de votre côté, les administrateurs agréés du Québec: Comment est-ce que vous aimeriez

que ça s'enligne vraiment dans des gestes concrets, là, une grande ligne d'orientation? (21 h 50)

M. Gagnon: Un des principaux problèmes, je pense qu'on le constate tous, c'est le désabuse-ment de la population, du citoyen face à ces institutions, face à ces hommes et ces femmes politiques. Nous avons le net sentiment que tant que le çiotivornement ou que l'État ne démontrera pas du sérieux dans la gestion de ses finances publiques, en diminuant de façon importante ses coûts d'opération, ses coûts de fonctionnement pour recréer une certaine crédibilité par rapport au citoyen, on va avoir beaucoup de difficultés à avancer.

Première étape qui nous apparaît importante: dégrossir l'appareil public. Dégrossir l'appareil public de différentes façons, notamment, une des pistes qui nous préoccupent le plus parce que nous sommes principalement des gestionnaires, en responsabilisant les gestionnaires de nos institutions, de nos ministères. Il y a des façons de responsabiliser ces gestionnaires-là. Il y a un potentiel très important de qualité de gestion au sein de l'appareil d'État, sauf que nos gestionnaires d'État n'ont pas les moyens, actuellement, de bien gérer leurs ressources. Ils sont encarcanés par une réglementation importante, des conventions collectives beaucoup trop étanches, qui font que le gestionnaire n'a pas le contrôle sur ses ressources financières et humaines. À partir de là, il est bien difficile de lui demander d'être imputable et de lui demander d'être responsabilisé. Donc, première étape importante: diminuer les dépenses publiques pour que le citoyen regagne confiance. Lorsque le citoyen aura confiance, il sera beaucoup plus facile, je pense, de commencer à lui parler de contribution directe aux services qu'il consomme.

Il faut en parler, il faudra en parler rapidement, il faudra y venir rapidement. Le citoyen devra contribuer de plus en plus aux services qu'il consomme directement; il devra également être informé du coût des services qu'il consomme. Actuellement, allez dans un centre hospitalier et ressortez-en, on ne sait pas ce que ça a coûté à la société. Donc, il faut l'informer, et il faut aussi l'impliquer dans la contribution, là, de ces services-là, du financement de ces services-là. Il y a des façons intelligentes de le faire qui vont permettre le respect de certains principes, qui vont permettre que l'État ou la société continue de supporter ses plus défavorisés, qui vont toujours avoir les moyens d'aller à l'hôpital chercher les services appropriés, ou de profiter d'un système d'éducation adéquat.

Mais première étape: dégrossir l'appareil. Deuxième étape: sensibiliser le citoyen à sa contribution directe aux services publics.

M. Filion: J'aurais une autre petite question rapide, parce que je l'ai posée quand même à plusieurs associations à formation administrative.

Toujours dans un but d'économie de finances publiques, on recherche beaucoup, même dans l'entreprise privée, à fusionner les entreprises, à unir les dédoublements administratifs. Pour moi, ce qui m'apparaît clair et que la population aimerait, je pense, et je veux savoir si vous êtes d'accord avec ça, qu'on arrive à avoir un formulaire d'impôt au Québec, comme ça se fait dans toutes les provinces, qui pourrait être administré, bien sûr, par Revenu Québec Impôts, qui administre déjà la perception unifiée TPS-TVQ.

C'est important de poser cette question-là parce que je pense qu'on ne fait pas assez de pressions sur nos gouvernements sur des formules simples. Celle-là, pour moi, est une formule simple et élémentaire qui devrait prendre forme dans notre société, où tout le monde se complique la vie chaque année pour compléter deux déclarations d'impôt, à faire deux chèques, à envoyer ça à deux administrations différentes, à essayer de se démêler durant l'année avec qui je dois parler, est-ce que c'est le fédéral, c'est le Québec? Le monde est complètement perdu. Je pense que si tout le monde ensemble croit à ce genre d'orientation... Et. c'est dans ce sens-là que je pose souvent la question aux différents intervenants, pour avoir leur opinion à ce niveau-là. Je vous pose également cette question-là: Est-ce qu'on doit rapidement enclencher un processus pour qu'on puisse avoir une déclaration d'impôt au Québec, gérée au Québec, sur le même principe que la TPS et la TVQ que l'on gère chez nous actuellement?

M. Gagnon: C'est un exemple, effectivement, de dédoublement qui peut être agaçant. Il est clair qu'il faut bien mesurer les conséquences d'une unification complète des deux formulaires, mais, sur le principe, c'est un exemple qui se vaut très bien. Il est clair qu'il faudrait voir de quelle façon le gouvernement du Québec pourrait continuer de générer malgré tout, là, ses propres revenus, et de façon directe, pour s'en servir de façon à répondre aux principaux besoins de notre société; mais, effectivement, c'est un exemple.

M. Filion: On pourrait continuer. Je voudrais également ajouter: Êtes-vous d'accord aussi pour dire qu'on a... À la lecture de votre mémoire, je crois que vous êtes d'accord qu'on a atteint un seuil de taxation, où on ne doit pas le dépasser parce qu'on est dans la courbe de régressivité, ou les rendements décroissants, qu'on appelle.

M. Gagnon: Tout à fait.

M. Filion: Taxez davantage, vous en récolterez moins. Par contre, vous semblez ouvert également à la tarification. Mais je pense qu'on ne peut, quand même pas tarifer, actuellement, de façon additionnelle, parce que c'est comme si on

allait taxer de nouveau les gens. Alors, si on va vers une tarification pour sensibiliser les gens à la consommation des services publics, dans ce genre de transition là, êtes-vous d'accord pour dire qu'on doit en même temps donner une compensation au niveau des taux d'impôt? Les gens le paient déjà à travers leur taux d'impôt, l'assurance-santé, peu importe, la santé, l'éducation. Alors, êtes-vous d'accord sur le principe que, si on allait vers une tarification pour sensibiliser la population, on doit, en même temps, indiquer à la population qu'on lui donne le même allégement ailleurs, pour ne pas qu'elle ait l'impression de payer en double et qu'on change l'habitude de consommation. Êtes-vous d'accord avec ce principe-là?

M. Gagnon: II s'agit là d'un élément auquel on fait référence, effectivement, dans notre mémoire. Il faut éviter que la contribution à la consommation des services ne contribue qu'à ajouter effectivement de l'argent dans le système. Bon. Est-ce que, en proportion, ce qui serait récolté par une tarification quelconque devrait diminuer exactement dans la même proportion l'impôt sur le revenu, par exemple? Peut-être que oui, mais peut-être que non, dans la mesure où on aurait des garanties que cette contribution-là va directement au service de la dette ou encore contribue directement au maintien ou à l'amélioration d'un service public qui est en péril. À cette condition-là, on pourrait se permettre d'ajouter un peu du fardeau, mais vraiment dans la mesure où, encore là, on a fait nos devoirs à l'interne et on a bien rationalisé nos dépenses.

M. Filion: Vous ne croyez pas que, dans une transition, ce serait plus sage de donner la compensation? Sinon le phénomène du rendement décroissant va s'appliquer.

M. Gagnon: Oui, tout à fait.

M. Filion: Pendant le temps où on va, peut-être, dégrossir l'État ou l'appareil de l'État - c'est ce que vous semblez vouloir qu'on fasse - qu'on devrait y aller dans une transition, mais que les gens sentent bien, si jamais on va dans ce sens-là, qu'ils ne paient pas en double.

M. Gagnon: Que ce n'est pas une surtaxe, au fond, qui s'ajoute.

M. Filion: Que ce n'est pas une surtaxe. Vous avez décrit également tout le phénomène du marché au noir qui atteint des proportions, bien sûr, que tout le monde décrit actuellement, et je pense que c'est vrai. D'ailleurs, c'est de là, je pense, que vient un peu le dicton, quant à moi, «ça va comme c'est mené». Le marché au noir, ça ne tombe pas du ciel. Ça vient de mesures ou de politiques fiscales que les gens, à un moment donné, refusent de prendre parce qu'ils considèrent qu'à toutes fins pratiques on va trop loin.

Vous, ce qu'on vit actuellement au niveau du marché au noir, est-ce que vous avez une idée comment on pourrait essayer de travailler pour éliminer ce genre de situation? Est-ce que vous avez des exemples ou des... Comment est-ce qu'on devrait s'y prendre pour inciter les gens à revenir consommer dans une économie comptabilisée et non pas dans une économie parallèle, où on ne perçoit pas d'impôt?

M. Bouchard: La question est très pertinente et la solution n'est pas évidente. Si elle était évidente, je crois que vous l'auriez déjà mise en application. On va au moins faire confiance au gouvernement jusqu'à ce point-là. C'est évident que tant et aussi longtemps... Pourquoi quelqu'un travaille au noir? C'est qu'il y retrouve un bénéfice en bout de course plus grand que s'il travaillait ouvertement. Quelle est la différence entre les deux? Principalement, le fisc. Tant et aussi longtemps que le fisc augmente, tant et aussi longtemps le travail au noir va se développer. Peut-être que la première voie de solution est au niveau fiscal, laquelle il y a une foule d'experts qui pourront mieux vous l'expliquer que nous, exactement, mais c'est la première voie.

La deuxième voie, peut-être qu'on pourrait regarder au niveau purement juridique, à savoir qu'il y a une règle d'équité qui s'établit, à un moment donné, entre quelle est la peine que je vais encourir si je me fais prendre et quel est le bénéfice que je vais gagner si je fais quelque chose qui n'est pas dans le droit chemin. J'établis un équilibre dans ma tête face à cela. Si l'équilibre va en faveur de courir le risque, je vais courir le risque; si l'équilibre va de l'autre côté, je vais cesser de courir le risque. Donc, il y a peut-être là aussi une autre voie. On a simplement à regarder ce qui est arrivé avec tout le système de pointage et de l'alcool au volant, etc. On a vu rapidement tomber certains chiffres. Bon! Faut-il aller jusque-là? Ce n'est pas évident. Il y a des pistes probablement à investiguer, mais il n'y a pas de solution miracle, nous en sommes très conscients de ce côté-là. (22 heures)

D'autre part, pour revenir peut-être un petit peu à la question antérieure sur la tarification, là aussi, il faudra savoir exactement ce qu'on veut faire. Si on veut faire une tarification et, de l'autre côté, retourner dans les coffres de l'État en général et non pas réellement pour régler la dette, à ce moment-là, pourquoi pas tout simplement augmenter les impôts? C'est la même chose, en bout de course. Donc, on a trois choix: on diminue les services, on augmente l'impôt ou on fait de la tarification. Donc, si on ne veut pas augmenter les impôts, si on ne veut pas diminuer les services et qu'on fait une

tarification, si on redonne cette tarification-là, on a réglé quoi? Si on l'utilise pour diminuer la dette, peut-être qu'on aura avancé d'un pas dans une bonne direction. Donc, c'est un peu...

Le Président (M. Lemieux): Oui. M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui. Merci, M. le Président.

Je ne peux pas m'empêcher de relever que le député de Montmorency a prétendu citer le mémoire en disant: Ça va comme c'est mené. Je n'ai pas remarqué dans le mémoire qu'il était question de ça, de quelque façon. Il y a un endroit où on le retrouve, ça, évidemment, c'est dans le document du 19 janvier où... Il suffit de regarder ça, à la page 91, et on va tout de suite constater comment ça se fait que ça va comme ça aujourd'hui. C'est à cause de la façon dont ça a été mené hier.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Évidemment, en période de haute conjoncture, quand il y avait une croissance réelle de l'économie - entre 2 % et 4,5 % - réelle, de 1978 à 1981, on en a profité pour dépenser au lieu de payer les dettes. C'est le contraire du bon sens. Lorsque, nous, on a connu une bonne conjoncture, de 1985 à 1989, on a trouvé le moyen de baisser le solde déficitaire des opérations courantes, on a diminué les impôts et on a soutenu, évidemment, ces activités-là, ce comportement-là aussi longtemps qu'on a pu. Mais il fallait vraiment faire des choses pratiques plutôt que de dépenser davantage, à ce moment-là. Aujourd'hui, on est pris avec une dette énorme, évidemment.

Parmi les voies de solution, vous avez semblé retenir et ne pas retenir à la fois - c'est ça, je voudrais des éclaircissements - la décentralisation, la responsabilisation, l'imputabilité. Je pense que c'est des concepts que vous évoquez sans nécessairement les développer. Mais vous les avez quand même mentionnés. Il y a du bon ou il n'y a pas de bon dans la décentralisation? Là, on va se comprendre.

Dans le fond, si on parle de responsabiliser et de rapprocher le service du citoyen, ça devrait être une bonne idée. Alors, c'est pour ça que je trouvais que vous évacuiez un petit peu rapidement les avantages de la décentralisation au palier municipal ou local, par exemple. Vous résumez ça à du pelletage. Si la décentralisation a du bon, elle en a toujours. Il faut comprendre les circonstances dans lesquelles ça a été mené. Évidemment, là, je fais juste 20 secondes de mise en contexte. On a à lever des impôts et financer les services publics de la façon qui nuit le moins à l'économie, le moins... pouvoir concurrentiel et je pense qu'on peut dire que, pour les entreprises, à titre d'exemple, la fiscalité locale déductible autrement de ses profits, etc., donc parta- geable avec le niveau supérieur, si on veut, de gouvernement, vient quand même adoucir la facture.

On cherche surtout - c'est là-dessus que j'aurais aimé que vous explicitiez votre pensée sur la décentralisation - à discipliner les pouvoirs publics. Tout le monde cherche ça, tout le monde veut ça. Il est de notoriété publique que plus c'est proche du citoyen - le service - plus celui qui dispense le service fait attention à lui et veut s'assurer qu'il va en donner pour son argent au bénéficiaire.

Il me semble qu'on doit retenir une de ces voies-là. Ça a toutes sortes d'avantages et... C'est peut-être un peu court, c'est injuste de vous demander ça ici, de faire une thèse là-dessus, mais si vous aviez une occasion de nuancer les mots que vous attribuez à la décentralisation, ça serait peut-être bienvenu, ça vous permettrait d'arrondir un peu le discours.

M. Gagnon: Avec plaisir, M. le ministre.

Ce qu'on a senti de nos membres quand on les a consultés, notamment sur cette question-là, c'est que tous s'entendent à dire que le principe demeure bon. Le principe général est bon, effectivement, de ramener le plus près possible du citoyen. Celui qui dépense, habituellement, amène un meilleur contrôle sur la dépense. Par contre, nos membres sont de plus en plus mitigés sur cette question-là et inquiets de voir que l'effort de décentralisation, notamment de certaines responsabilités vers les municipalités récemment, n'a pas amené de rationalisation ou n'a pas amené de compression de quelque nature que ce soit qui a contribué à faire en sorte qu'on vit moins au-dessus de nos moyens. En fait, les municipalités ont ajusté leur taux de taxation exactement pour le même montant du montant qui a été décentralisé. À partir de là, bien, on est extrêmement sceptique sur les bienfaits de la décentralisation.

On est sceptique sur les bienfaits de la décentralisation. Ce qui nous intéresse beaucoup plus, c'est, à l'intérieur de l'appareil gouvernemental, qu'on responsabilise ceux qui ont à prendre des décisions avec notre argent et qui sont les gestionnaires publics. Alors, c'est pour ça qu'on chevauche sur la décentralisation et la responsabilisation. On a l'impression qu'en demandant aux gestionnaires de l'appareil public de gérer, mais en étant imputable avec les moyens requis pour contrôler ses ressources, contrôler ses dépenses, ça va donner de meilleurs résultats que de décentraliser à un niveau inférieur.

M. Johnson: Juste une nuance. C'est peut-être vrai, ce que vous dites, à l'endroit des grandes villes, les deux ou trois grandes villes du Québec. Le ministre des Finances et moi, on a constaté que ce n'était pas vrai dans nos comtés, que le décentralisation, ça a amené à des

compressions réelles dans les municipalités petites et moyennes, plus proches de leurs citoyens sans doute, plus sensibles à toute augmentation de taxe. On a vu littéralement, dans certains cas, des baisses d'impôt foncier, littéralement là, dans certaines municipalités, même après avoir hérité de charges additionnelles, qu'il s'agisse de la police ou de la voirie.

Alors, simplement pour nuancer là aussi les effets qui sont très, très différents d'un endroit à l'autre. On a tenté de les compenser aussi. Il y en a quand même pour 20 000 000 $ au titre de la péréquation, simplement à ce titre-là, et il y a pour 150 000 000 $, par ailleurs, de compensations. Alors...

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le président du Conseil du trésor.

M. le député de Labelle, est-ce que vous avez une intervention?

M. Léonard: Oui, oui. M. le Président, je vous remercie.

Alors, je voudrais vous remercier de votre mémoire, vous féliciter, même. Le ministre des Finances, même s'il dit qu'il s'attendait à des solutions et à aller dans le pointu de toutes sortes d'interventions ou de propositions, il reste qu'il n'avait pas fourni beaucoup d'informations pointues quant à lui parce qu'il l'a publié seulement le 19 janvier, au moment où il vous demandait de remettre votre mémoire. Alors, j'apprécie le travail que vous avez fait malgré le peu d'informations qui vous était fourni. Celles que vous aviez étaient déjà périmées, comme vous avez pu le voir.

En fait, j'ai relevé une phrase dans votre mémoire, à la page 16, je la répète pour les membres de la commission qui l'ont sûrement lue, mais dont ils ne se rappellent peut-être pas, qui dit ceci: «En fait, les gouvernements ont perdu la tête, mais ne veulent pas perdre la face». Je l'ai trouvée assez savoureuse, après avoir fait le bilan du gouvernement à l'heure actuelle et du gouvernement fédéral, d'autre part. Je voudrais relever une affirmation...

M. Johnson: C'est au pluriel.

M. Léonard: Les gouvernements fédéral et Québec.

M. Gagnon: Tous les gouvernements provinciaux et fédéraux.

Des voix: Historiquement... Ha, ha, ha!

M. Léonard: Alors, revenons sur ce que vient de dire le président du Conseil du trésor. Parce que, là, il faut quand même être de bon compte. Il parle du tableau de la page 91. Je vous ferai remarquer que, durant une période de croissance économique, ils sont quand même encore en déficit. Même en 1986, 1987, 1988, 1989, c'est toujours en déficit, et je pense que, là-dessus, il me semble que si on s'en tenait aux recommandations que vous faites, puis je pense au bon sens aussi, c'est qu'on doit rééquilibrer les budgets sur le cycle économique.

Pour aller plus loin, parce qu'on nous ramène toujours un certain nombre de choses, je voudrais vous ramener à la page 58 du document, où le tableau donne la différence entre le taux de croissance des dépenses et l'inflation. Alors, ça commence le 1er avril 1971. La différence entre le taux de croissance des dépenses et l'inflation: 18,5 %; 1972: 5,6 %; 1973: 11,8 %; 1974: 9,3 %; 1975: 10,3 %; 1976: 9,2 %. Je ferai remarquer que l'actuel ministre des Finances était, à l'époque, membre du gouvernement. Je pense que les écarts sont les plus grands qu'on a dans toute cette page, ceux que je viens de lire. Le 1er avril 1977, 0,3 % entre l'inflation et la croissance des dépenses; 4,2 %, 8,1 %. Effectivement, 1979 a été une année où les dépenses ont augmenté considérablement: 6,3 %. Mais ça descend à 1 % en 1981, -2,7 % en 1982.

Je pense qu'à ce moment-ci il faut effectivement faire référence à des événements qui se sont passés, à des décisions très dures que nous avons prises, à l'époque. Je pense qu'on doit remercier aussi les... tenir compte des sacrifices qu'on a demandés à la fonction publique, parapu-blique. Si ça n'avait pas été fait à l'époque, aujourd'hui, le budget du Québec serait drôlement plus en déséquilibre qu'il ne l'est maintenant. Par la suite, remarquez, le taux d'augmentation des dépenses entre l'IPC et l'augmentation des dépenses, c'est 1 % entre 1980 et 1985, et 1 % entre 1985 et 1990. Mais après, c'est 3 %, 3,3 %, et 3,8 %.

Alors, je pense que, là-dessus, ces messieurs qui nous accusent toujours de tous les maux sont en train de nous dépasser très largement, et ça ne sera pas long, avec une année ou deux, ça ne sera pas long, même en tenant compte de l'inflation. (22 h 10)

Une voix: C'est déjà fait. Ha, ha, ha!

M. Léonard: Alors, M. le Président, je voulais rétablir ces choses, mais ma question est la suivante.

Effectivement, je suis d'accord avec vous qu'il y a toute une opération de rationalisation, et les suggestions que vous faites quant à l'administration gouvernementale, je les trouve pertinentes. Par ailleurs, il y a un autre volet. À partir du moment où on impose une tarte de façon draconienne, et ils sont passés maîtres dans l'art de taxer et dans l'art de couper... Alors, maintenant, si on s'interrogeait sur la façon de faire grandir la tarte. Vous êtes des administrateurs. Quels sont les éléments majeurs, les grands éléments qu'il faut prendre en considération pour relancer l'économie? À mon sens,

c'est ça. Je comprends qu'on va parler de recherche-développement, de formation professionnelle, mais est-ce qu'il y a d'autres considérations à prendre en compte, parce que ce sont des ingrédients majeurs, mais au-delà de ça?

M. Gagnon: En fait, vous savez que l'économie tient souvent... la vigueur d'une économie tient souvent à l'enthousiasme, au dynamisme et au goût de faire les choses, au goût d'entreprendre, au goût de partir sa petite entreprise. Cet enthousiasme-là, à juste titre je pense, n'est pas présent. On traverse une période économique extrêmement difficile; on a traversé une récession pénible; nous n'avons pas...

M. Léonard: Oui, la morosité.

M. Gagnon: Nos entrepreneurs ou ceux qui auraient l'idée ou le goût, de se partir une entreprise n'ont pas accumulé de capital, et le climat n'est pas positif.

Moi, je pense notamment que les opérations comme celles qu'on traverse actuellement et de prendre la peine de réunir en commission parlementaire différents intervenants économiques, de discuter ouvertement de la situation économique qui est difficile, d'essayer de voir si on est capable de dégager des consensus sociaux entre tantôt le monde des affaires qui devra se discipliner pour être plus productif au plan de la production de ses entreprises, tantôt au citoyen qui devra être plus sensible à consommer intelligemment les services publics, tantôt le gouvernement qui signifie déjà qu'il a l'intention de redresser sa gestion publique; tout ça va contribuer à créer une ambiance positive. C'est la première étape. Ne nous imaginons pas que l'économie va redémarrer comme une étincelle, un bon matin, parce qu'il est arrivé quelque chose de particulier. Il faut recréer un climat positif au Québec; il faut cesser de tenir des discours trop alarmistes. C'était le temps de le faire aujourd'hui, et notre corporation professionnelle a tenu à dire que ses membres trouvent que ça va mal.

Maintenant, une fois qu'on l'a dit, il faut voir ce qu'on peut faire concrètement pour que la situation se corrige, puis que tout le monde essaie de se mobiliser pour créer un climat un peu plus productif que ce qu'on connaît. C'est la première étape qui va contribuer à développer l'économie. Au-delà de ça, il y a déjà en sous-terrain du travail qui se fait; on en parle, de formation de la main-d'oeuvre spécialisée en entreprise, on en parle de développement technologique; il y a quelques programmes disponibles qui, lorsque les entrepreneurs auront un peu de capital, je suis convaincu, vont être utilisés beaucoup plus qu'ils ne le sont actuellement. Mais, pour le moment, il va falloir donner le goût aux entrepreneurs de faire des affaires.

Le Président (M. Lemieux): Merci. Alors, pour conclure, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Merci beaucoup de vos commentaires et de vos réponses, ainsi que de votre présence et de votre mémoire.

J'espère que nous allons contribuer, nous de l'Opposition, quand nous serons au pouvoir, à créer ou, au moins, à mettre une étincelle pour repartir l'enthousiasme.

M. Levesque: Mon Dieu! quel prospect.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre des Finances, s'il vous plaît!

Alors, nous vous remercions de votre participation à cette commission parlementaire. Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 15)

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