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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le mardi 24 mai 1994 - Vol. 33 N° 13

Poursuite du débat sur le discours du budget


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Table des matières

Journal des débats


(Vingt heures neuf minutes)

Le Président (M. Lemieux): La commission du budget et de l'administration est réunie afin de poursuivre le débat sur le discours du budget. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Philibert (Trois-Rivières) est remplacé par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet).

Le Président (M. Lemieux): Merci, Mme la secrétaire. Permettez-moi de vous rappeler brièvement les règles de fonctionnement du débat. Le mandat que nous entreprenons aujourd'hui, pour une période de dix heures, prend la forme d'une interrogation au ministre des Finances par les membres de la commission sur la politique budgétaire présentée lors du discours du budget. Les règles du débat ont été fixées par la commission de l'Assemblée nationale, le 23 mai 1984.

Nos travaux vont commencer par une période de déclarations d'ouverture au cours de laquelle le ministre des Finances et le porte-parole de l'Opposition officielle en matière de finances pourront prendre la parole pour une durée maximale de 20 minutes. Les membres de la commission auront ensuite un temps de parole de 10 minutes réparti en une ou plusieurs interventions qui peuvent prendre la forme de questions au ministre ou de commentaires, et le ministre dispose d'un temps de parole de 10 minutes après chacune des interventions faites par les parlementaires.

(20 h 10)

J'inviterais maintenant M. le ministre à procéder à une déclaration d'ouverture, pour une période maximale de 20 minutes.


Déclarations d'ouverture


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. C'est pour moi un plaisir et même un honneur de participer aux travaux de cette commission, étant persuadé que l'exercice se révélera fort utile pour chacun d'entre nous et aussi, je présume, pour l'ensemble de la population. Le budget que j'ai déposé le 12 mai dernier gagne en effet à être examiné attentivement non seulement parce qu'il comporte une orientation et des éléments bénéfiques pour les citoyens du Québec, mais aussi parce qu'il témoigne de la capacité du gouvernement actuel à gérer adéquatement la politique budgétaire et fiscale.

Au moment de préparer ce budget, le gouvernement a prêté une oreille attentive aux appels de nos concitoyens. On n'a pas à chercher bien longtemps avant de comprendre que leur priorité va à la relance de l'emploi. Ils désirent aussi bénéficier de services publics de qualité à un coût fiscal qui soit acceptable sans toutefois reporter la facture aux générations à venir. Ils recherchent un régime fiscal équitable auquel tous accepteront de contribuer. Ce budget, il a été conçu pour répondre à ces préoccupations et pour raviver la confiance en l'avenir des Québécois. À cet effet, il comporte quatre objectifs: appuyer la création d'emplois, faire bénéficier les Québécois de la gestion rigoureuse du gouvernement, restaurer la crédibilité et l'intégrité du régime fiscal et poursuivre le redressement des finances publiques.

Comme le savent très bien les membres de cette commission, le gouvernement a proposé à la population du Québec de prendre toutes les dispositions nécessaires pour réduire à 8 % le taux de chômage d'ici la fin de son prochain mandat. Comme vous le savez aussi, nous ne ménageons aucun effort pour y parvenir. Qu'il s'agisse des actions mises de l'avant pour ouvrir à nos entreprises les marchés de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick ou encore qu'il s'agisse d'initiatives plus spécifiques, telles que le plan de création d'emplois annoncé en novembre dernier, chacune de nos décisions est prise à la lumière de son impact sur l'atteinte de cet objectif. Le budget 1994-1995 s'inscrit dans cette même logique, qui est de mettre tout en oeuvre pour que chaque Québécois et chaque Québécoise qui le désire puisse occuper un emploi.

Nous aurions pu faire du tape-à-l'oeil et laisser augmenter le déficit à court terme pour créer plus d'emplois temporaires, mais, à long terme, nous n'aurions ainsi rien changé et nous aurions surtout créé des problèmes aux générations montantes, qui auraient dû éventuellement en payer la facture. Nous aurions pu, à l'inverse, allouer toute la marge de manoeuvre financière du gouvernement à la réduction du déficit sans nous préoccuper de la reprise économique et des sans-emploi. Cela n'aurait ni renforcé la confiance de nos concitoyens en l'avenir ni contribué à l'essor du climat économique positif essentiel à la création d'emplois. Dans ces conditions, le choix le plus pertinent était, à mon avis, d'allouer des ressources à la fois à la réduction du déficit, c'est-à-dire près de 500 000 000 $, et à la réduction des impôts et des taxes, c'est-à-dire près de 700 000 000 $.

Le budget 1994-1995 appuie donc la création d'emplois d'abord parce qu'il propose une stratégie budgétaire et fiscale visant à raviver la confiance des consommateurs et des entreprises. Ce budget appuie en outre la création d'emplois parce qu'il ajoute aux initiatives majeures annoncées depuis l'automne dernier une série de mesures qui s'inscrivent dans le cadre des cinq volets de la stratégie économique du gouvernement présentée lors du discours inaugural de mars dernier. C'est ainsi que ce budget mise plus particulièrement sur la formation et le développement des ressources humaines; il rend admissibles au régime de prêts et bourses 28 000 étudiants en formation professionnelle de niveau secondaire; il prolonge de deux ans, soit jusqu'au 31 décembre 1996, le crédit d'impôt majoré pour les entreprises qui investissent dans la formation de leurs employés.

Parmi les autres mesures de création d'emplois, permettez-moi, M. le Président, de rappeler, par exemple, les 50 000 000 $ alloués pour soutenir la réalisation d'une autoroute de l'information au Québec; les 40 000 000 $ dégagés pour des équipements culturels; l'augmentation de 75 000 000 $ à 100 000 000 $ du maximum de contributions pour le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec; la prolongation des crédits d'impôt majorés pour la recherche et le développement ou encore les mesures d'appui au développement régional par le biais de l'aide aux secteurs des mines et de la forêt.

Tous ces éléments viennent s'ajouter aux quelque 400 000 000 $ consentis pour l'année 1994-1995 aux mesures de relance de l'économie, de soutien à la construction, c'est-à-dire le programme Virage Rénovation, et au programme de travaux d'infrastructures, tous ces programmes mis en oeuvre depuis novembre dernier. Au total, sur trois ans, ces initiatives auront entraîné des injections totales représentant quelque 3 000 000 000 $ dans l'économie du Québec, dont 1 600 000 000 $ proviennent directement du gouvernement du Québec. Voilà, M. le Président, autant de preuves de l'importance que ce gouvernement accorde à la création d'emplois.

Une autre façon de créer des emplois aura consisté à redonner aux Québécois une partie des bénéfices engendrés par une gestion serrée du secteur public. En effet, le Québec est fermement engagé dans la voie de la croissance économique. Toutefois, il m'est apparu de la plus haute importance, à un moment où la reprise de l'emploi commence à se faire sentir, de renforcer encore davantage la confiance des consommateurs. C'est pourquoi le budget que je viens de déposer comporte des allégements fiscaux de près de 700 000 000 $ pour le bénéfice des Québécois. Il diminue les impôts et les taxes de l'ensemble des ménages; il soutient encore et davantage les familles; il injecte 61 000 000 $ en aide aux services de garde à l'enfance; il appuie les jeunes et il vient en aide aux personnes âgées.

Je suis particulièrement fier d'avoir pu concentrer le bénéfice des allégements fiscaux chez les ménages de la classe moyenne et encore davantage chez les ménages à faibles revenus. La mesure la plus importante de ce budget a consisté à réduire de 500 000 000 $ l'impôt sur le revenu des particuliers. Or, il est important de savoir aussi que cette réduction d'impôt a été conçue pour profiter principalement à ceux qui ont les revenus les plus faibles. En effet, elle est inversement proportionnelle aux revenus du contribuable.

C'est ainsi que les deux tiers de la réduction d'impôt vont se retrouver entre les mains des contribuables qui gagnent moins de 25 000 $ par année. En outre, comme la réduction d'impôt se concentre chez les ménages à faibles revenus, elle aura comme conséquence de permettre à 208 000 contribuables de plus d'être complètement exemptés de l'impôt sur le revenu des particuliers. Avec le budget, donc, nous augmentons l'intérêt des ménages à faibles revenus à participer au marché du travail. En fait, plusieurs des mesures de ce budget favoriseront la participation au marché au travail, en particulier pour les parents à faibles revenus, qu'il s'agisse de l'aide à la garde d'enfants, de la réduction d'impôt sur le revenu ou encore de la bonification du programme APPORT. Je suis très fier aussi d'une autre mesure de ce budget, à savoir l'uniformisation des taux de la TVQ. Grâce à notre gestion serrée des dépenses gouvernementales, il nous aura été possible de réduire de 144 000 000 $ les taxes des consommateurs tout en facilitant la vie aux entreprises et surtout aux PME parce que nous aurons simplifié le régime de la TVQ.

(20 h 20)

Par ailleurs, ce budget poursuit dans la ligne de ceux qui l'ont précédé puisqu'il augmente encore le soutien aux familles. C'est ainsi qu'il améliore de 48 000 000 $ par année l'aide fiscale aux parents, en instaurant un nouveau crédit d'impôt remboursable pour frais de garde d'enfants. Il bonifie ensuite de 13 000 000 $ par année l'aide aux parents accordée par l'Office des services de garde à l'enfance.

Le budget 1994-1995 met en place les mécanismes requis pour faciliter l'augmentation des salaires des éducateurs et éducatrices en garderie. Dès maintenant, une augmentation du salaire moyen de 1 $ l'heure pourra être consentie par les services de garde. À compter du 1er octobre prochain, tout sera en place pour que la tarification prenne le relais pour maintenir cette augmentation ou même la bonifier. Le gouvernement ne se substitue pas aux parents et aux autres responsables des services de garde, mais, avec les moyens mis en place, il leur deviendra possible de répondre aux demandes salariales actuelles des éducateurs et éducatrices sans hausser la contribution nette des parents ayant des revenus inférieurs à 56 000 $ par année.

Le budget comporte d'autres mesures significatives pour aider les familles: il porte de 2250 $ à 2400 $ par année le montant servant au calcul du crédit d'impôt pour le deuxième enfant à charge et les suivants; il instaure un nouveau crédit d'impôt pour couvrir 20 % d'un montant maximum de 5000 $ de frais reliés à l'adoption; il améliore le programme APPORT, qui aide les parents à faibles revenus à participer au marché du travail. Toutes ces mesures vont contribuer à porter le soutien financier donné aux familles par le gouvernement du Québec à 2 700 000 000 $, comparativement à 814 000 000 $ en 1985.

Le budget 1994-1995 apporte en outre un soutien additionnel majeur aux personnes âgées. Contrairement à ce qui se passe au niveau fédéral et dans les neuf autres provinces, le gouvernement du Québec maintiendra l'universalité du crédit d'impôt en raison de l'âge. Le budget instaure un nouveau crédit d'impôt pour emplois familiaux dans le but de favoriser la création d'emplois et de faciliter le maintien à domicile des personnes âgées. Il bonifie de 440 $ à 550 $ l'aide accordée aux adultes qui hébergent leurs parents. Le budget annonce aussi la possibilité pour les personnes âgées qui le désirent de reporter le paiement de leurs impôts fonciers municipaux. Il exempte enfin les pensions de sécurité de la vieillesse de la contribution au Fonds des services de santé, un bénéfice annuel de 16 000 000 $.

Au total, ce sont près de 700 000 000 $ d'allégements fiscaux qui auront été consentis dans le budget que nous sommes en train d'étudier. Il s'agit là d'une performance d'autant plus remarquable qu'elle prend place au moment même où s'effectue aussi une réduction du déficit de près de 500 000 000 $. Avec ces allégements fiscaux, l'économie du Québec deviendra encore plus compétitive et plus à même de créer les emplois recherchés.

Les deux études publiées avec le budget démontrent que, déjà l'an dernier, le Québec se comparait avantageusement aux économies voisines avec lesquelles nous sommes en concurrence. Ces études ont été préparées par le ministère des Finances du Québec, en collaboration avec deux firmes spécialisées reconnues, et elles montrent que la fiscalité du Québec comporte les caractéristiques requises pour attirer ici les individus et les entreprises dont l'économie a besoin pour son développement.

Le troisième objectif du budget consiste à rétablir la crédibilité du régime fiscal afin de faire prévaloir le contrat social qui lie les contribuables, le gouvernement et les bénéficiaires des services publics. Aussi, après avoir mis en place, en février dernier, un plan d'action efficace pour enrayer le commerce illégal des produits du tabac, le gouvernement poursuit dans la même veine avec le budget 1994-1995: il présente plusieurs dispositions pour enrayer le commerce illégal des boissons alcooliques; il prend des mesures pour contrer l'évasion fiscale dans le secteur de la construction; il renforce les contrôles relatifs au prélèvement de la TVQ dans des secteurs où l'évasion est florissante.

Ma conviction profonde demeure que le gouvernement doit prendre ses responsabilités et s'assurer de percevoir tout ce qui lui est dû pour éviter de surcharger ceux qui s'acquittent de leurs obligations fiscales, pour ne pas avoir à réduire des services publics parce que certains n'en paieraient pas leur juste part et pour que cesse la concurrence déloyale que certains commerçants livrent à d'autres en se soustrayant aux règles fiscales.

Toutefois, le gouvernement doit témoigner envers les contribuables du même respect que celui qu'il attend d'eux en ce qui a trait à leurs obligations fiscales. Autrement dit, chacun doit remplir sa part du contrat social. C'est dans cet esprit que le gouvernement a mis sur pied le groupe de travail sur l'amélioration des relations entre les contribuables et le ministère du Revenu du Québec. Nous travaillons présentement à l'application des recommandations de ce groupe de travail. Déjà, avant le budget, le ministre du Revenu avait annoncé l'application de 18 de ces recommandations; le budget annonçait l'application de huit autres recommandations. C'est ainsi que, notamment, 26 000 autres mandataires de la TVQ auront désormais la possibilité de faire des remises trimestrielles plutôt que mensuelles. Le délai pour le calcul des intérêts sur les sommes dues par les contribuables est porté de 30 à 45 jours, le même délai que pour ce que le gouvernement leur doit. Le budget abolit les frais de 20 $ pour loger un avis d'opposition à une décision du ministère du Revenu. En outre, le ministre du Revenu poursuit son travail d'amélioration des relations entre les contribuables et l'administration fiscale. C'est pourquoi d'autres actions, dans la même foulée, viendront très probablement s'ajouter bientôt.

S'il était approprié de procéder à des baisses du fardeau fiscal, il aurait été irresponsable de sacrifier pour autant la lutte au déficit. La préparation de ce budget a donc exigé une extrême rigueur pour faire les deux à la fois, en 1994-1995. Je sais bien que les membres de l'Opposition officielle ne se préoccupent pas beaucoup de l'endettement du Québec. Ils ont, au cours des neuf années pendant lesquelles ils ont été au pouvoir, enregistré sept des 10 plus hauts déficits, en proportion du PIB, qu'ait jamais connus le Québec.

M. Léonard: M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Oui, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Question de règlement. Le ministre prête des intentions à l'Opposition quand il dit que nous ne nous préoccupons pas du déficit. Je regrette. Alors, il n'a pas à nous faire des procès d'intention.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle, c'est une remarque que le ministre fait dans le cadre de son discours préliminaire, et vous aurez l'occasion de reprendre cette remarque-là lorsque vous aurez vous-même à faire vos remarques préliminaires.

M. Léonard: Les règles de l'Assemblée nationale prévalent aussi ici.

Le Président (M. Lemieux): Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: M. le Président, on va s'en tenir aux faits, si vous voulez. Je disais bien que les membres de l'Opposition officielle ne se préoccupent pas beaucoup de l'endettement du Québec. Ils ont – alors, ce sont des faits, M. le Président – au cours des neuf années pendant lesquelles ils ont été au pouvoir, enregistré sept des 10 plus hauts déficits, en proportion du PIB, qu'ait jamais connus le Québec. On ne peut pas redire à ça, M. le Président: c'est la vérité.

Ils proposaient jusqu'à récemment à la population du Québec de l'augmenter d'un seul coup d'une centaine de milliards de dollars en rapatriant la dette fédérale sur la base de notre part de population dans une dette fédérale nette qui atteignait 511 000 000 000 $ au 31 mars dernier. C'est un montant de 128 000 000 000 $ que l'Opposition officielle nous proposait de prendre à notre charge. M. le Président, on sait que depuis cette date-là l'Opposition officielle a, semble-t-il, changé un peu d'avis et on ne sait pas trop maintenant si c'est la dette qu'on rapatrierait ou seulement les intérêts. Il nous faudrait alors trouver, de toute façon, les moyens de défrayer pas moins d'une dizaine de milliards de dollars seulement pour payer les intérêts sur cette dette.

(20 h 30)

Pour notre part, M. le Président, nous sommes d'avis qu'il faut réduire la dette plutôt que l'augmenter; c'est pourquoi nous poursuivons une politique de redressement financier très contraignante. Le budget 1994-1995 se situe en plein dans cette ligne d'action. En effet, il fallait compter avec des perspectives de plus faible inflation, qui ralentira la croissance des revenus du gouvernement, et avec les coûts du plan d'action sur le tabac, c'est-à-dire 135 000 000 $, et des mesures de soutien à l'économie adoptées depuis l'automne dernier, c'est-à-dire 402 000 000 $. C'est pourquoi mes collègues et moi-même avons tout mis en oeuvre pour opérer un resserrement sans précédent des dépenses budgétaires.

Le budget annonce, en mesures de plafonnement des dépenses pour 1994-1995, 520 000 000 $ de plus qu'au moment du dépôt des crédits. Le taux de croissance des dépenses de programmes, qu'on prévoyait s'établir à 2,9 % en mars, sera ainsi limité à 1,7 %. Il s'agit là d'un taux comparable au taux d'inflation au Canada, excluant l'impact de la baisse du prix des cigarettes. Le total des mesures de resserrement s'élèvera donc cette année à 2 100 000 000 $. De plus, le gouvernement a décidé de geler, au cours des exercices subséquents, le niveau des dépenses de programmes jusqu'à ce que le déficit ait été réduit à zéro. Un tel objectif est tout à fait compatible avec notre plan de gestion des dépenses, qui plafonne à 1 % par année la croissance dans les secteurs de l'éducation, de la santé et des services sociaux et de la sécurité du revenu et qui réduit de 5 % par année la croissance dans les autres secteurs.

Le Président (M. Lemieux): Consentement, M. le député de Labelle, pour que M. le ministre puisse poursuivre?

M. Léonard: Oui, oui.

Le Président (M. Lemieux): Consentement. M. le ministre, poursuivez.

M. Bourbeau: Merci bien, M. le Président.

M. Léonard: Pas de façon indéfinie, jusqu'à minuit, parce qu'il serait ennuyeux. Il l'est déjà un peu, mais on peut se permettre ça.

M. Bourbeau: M. le Président, nous appliquerons la même rigueur dans la gestion des sociétés d'État. La présence du gouvernement dans les activités commerciales s'avère encore importante. Elle est souvent concentrée dans des projets rendus à maturité, où la présence de l'État n'est plus requise. Ce n'est donc pas sans raison que le premier ministre m'a confié le mandat de relancer et d'accélérer même le processus de privatisation des sociétés d'État, étant en cela, M. le Président, appuyé par les propos récents du candidat à l'investiture du Parti québécois dans le comté d'Iberville qui, récemment, appuyait, si j'ai bien lu, le projet de privatisation du gouvernement.

J'ai annoncé, dans le discours sur le budget, l'intention du gouvernement de se départir, dans des opérations menées avec la même rigueur et la même transparence que les 38 privatisations réalisées avec succès depuis 1986, de placements et d'activités majeures dans des sociétés aussi importantes que la Société des alcools du Québec, REXFOR, la SGF, SOQUIP, SOQUIA, la SEPAQ et la Société immobilière du Québec. Le gouvernement continuera évidemment de fournir aux sociétés d'État tous les moyens requis pour assurer leur participation dans des projets créateurs d'emplois et utiles au développement économique du Québec et de ses régions, lorsque requis.

Avec les resserrements apportés, il nous aura été possible de faire profiter les Québécois d'allégements fiscaux très importants tout en réduisant le déficit de près de 4 900 000 000 $ l'an dernier à 4 400 000 000 $ cette année. L'objectif du gouvernement est de poursuivre dans la même voie au cours des années qui viennent et de réduire le déficit à zéro d'ici cinq ans.

En conclusion, M. le Président, je dirai que le resserrement financier constitue un élément essentiel du programme d'action que nous comptons mettre en oeuvre dans l'avenir, avec l'appui de la population. D'autres défis nous attendent encore au plan de la politique économique, fiscale et budgétaire. Ramener le taux de chômage à 8 %, améliorer le fédéralisme fiscal, poursuivre la transformation de l'État et réduire encore le fardeau fiscal: tels sont les autres défis que nous entendons relever avec l'appui des Québécois et des Québécoises.

Le budget «enclenchiste» que je viens de déposer représente une manifestation évidente d'un gouvernement dont la gestion est responsable et adaptée aux priorités des citoyens du Québec. Il est le fait d'un gouvernement qui démontre sans relâche qu'il sait agir dans les meilleurs intérêts du Québec et lui propose un plan d'action réaliste et emballant plutôt que de chercher à l'attirer dans des aventures aux conséquences inquiétantes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le député de Labelle.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. J'ai bien noté l'expression, d'abord, du ministre des Finances, qui dit que son budget gagne à être examiné attentivement. J'ai juste comme ressenti qu'il n'était pas très heureux de la façon dont son budget avait été accueilli dans le public et qu'il avait été mal compris. Il n'est pas le premier qui peut prétendre à cela, remarquez bien, mais je pense que, ce soir, il a livré une espèce de bout de sa pensée, puis je ne suis pas sûr qu'il y ait pensé d'avance; d'ailleurs, c'est sorti comme malgré lui, comme ça, tout bêtement, tout naturellement.

Effectivement, M. le Président, les Québécois n'ont pas été dupes des acrobaties financières ou pseudofinancières du ministre des Finances. C'est la première fois qu'il vient ici, devant cette commission, je pense, en tant que ministre des Finances ou, en tout cas, dans le cadre d'un discours sur le budget ou d'un débat sur son discours sur le budget. Évidemment, il prétend apporter toutes sortes de choses nouvelles, être membre d'un nouveau gouvernement, mais nous savons tous, et les Québécois le savent aussi, que ce n'est pas le premier budget auquel il participe. Il est au gouvernement depuis 1985, fin 1985, et il ne peut prétendre ne pas être responsable, avec ses collègues, de tout ce qui est arrivé aux Québécois, surtout dans ce deuxième mandat.

Je vois qu'il est un peu amer devant la réception que son budget a connue, mais je voudrais quand même lui rappeler un certain nombre de choses parce que, depuis quatre ans et demi que je suis revenu ici comme critique des finances publiques, il y a eu quand même des choses qui se sont passées et des débats qui ont eu lieu ici. Son prédécesseur, qui avait beaucoup d'expérience et qui se vantait lui aussi – je ne veux pas faire de critique personnelle – d'avoir, à chaque fois, des budgets formidables, a quand même conduit le Québec dans des gouffres financiers que nous connaissons tous à l'heure actuelle.

Alors, il y a eu des discours sur le déficit de la part des ministres des Finances – et de celui qui l'a précédé – et aussi des collègues ministres et des collègues députés. Beaucoup de discours sur les déficits au Québec, toujours en parlant de ceux d'avant, évidemment, mais pas en parlant des leurs. D'abord, ce gouvernement a connu une période de prospérité économique comme on en avait rarement connue, à la suite du relèvement spectaculaire du Québec après la récession de 1982, suite aux mesures de l'ancien gouvernement, qui avait utilisé toutes les sociétés d'État, qui avait mobilisé tout l'appareil de l'État, qui avait aussi mobilisé la société québécoise, la société économique et financière québécoise pour relancer l'économie du Québec, résorber le chômage. Effectivement, ils sont arrivés après que les efforts majeurs eurent été faits et, après, le gouvernement et les Québécois ont connu les retombées de ce qui avait été mis en place en 1983 – ça, je pense qu'ils devraient le reconnaître – et, normalement, ils auraient dû résorber complètement tous les déficits durant cette période.

Là, je ne veux pas le référer à la théorie de John Maynard Keynes, mais, au fond, c'est cela. Ils auraient même dû faire des surplus: 1987, 1988, 1989. Ils n'en ont pas fait. Et puis ils se sont retrouvés devant une récession, avec des déficits. Là on a entendu quand même des discours qui ont continué: Oui, il faut réduire le déficit. Il faut réduire le déficit. Comme si c'était toujours les gouvernements antérieurs qui les avait accumulés, alors qu'eux-mêmes en ont accumulé en pleine période de prospérité et que, maintenant, ils en accumulent.

Un des grands éléments du budget qui nous a été présenté, c'est que ce gouvernement prétend à une baisse de taxes en même temps qu'il baisse le déficit. J'ai entendu le ministre, ce soir, répéter de telles inepties alors qu'au fond, lorsque l'on parle de baisse de l'impôt, il faut se rappeler que, l'an dernier, son prédécesseur avait décrété des augmentations d'impôt de 1 319 000 000 $; c'est un chiffre tiré du budget lui-même, du discours du budget du prédécesseur et qu'on peut retrouver facilement dans les tableaux. L'impact des mesures sur l'impôt sur le revenu des particuliers et des différentes mesures qui ont affecté le contribuable québécois: 1 319 000 000 $. Alors, il s'est amené, cette année, en prétendant diminuer les impôts; en réalité, il a simplement suspendu l'effet de l'augmentation de taxes et d'impôt décrétée l'an dernier.

(20 h 40)

Alors, maintenant, on nous dit: On a réduit les taxes de 500 000 000 $. Je pense qu'il faut rappeler ça, que les taxes avaient été augmentées – effet 1994-1995 – de 1 319 000 000 $. Alors, si on réduit de 500 000 000 $, il reste quand même 819 000 000 $ simplement à partir du budget de l'an dernier. J'ai eu l'occasion de le dire et je pense être tout à fait dans la logique de dire que, vraiment, c'est jouer avec les chiffres; il y a des augmentations de taxes considérables.

Deuxième élément, le ministre, encore au cours de son allocution, dit: Nous avons réduit le déficit de 500 000 000 $. Oh pardon! Pardon! de 500 000 000 $! Je réfère, là aussi, au discours sur le budget de l'an dernier. Le déficit devait être de 3 290 000 000 $ et celui qu'on nous déclare vouloir atteindre cette année, c'est 4 425 000 000 $: décalage de 1 135 000 000 $, d'après les prévisions de l'an dernier. Je voudrais rappeler au ministre qu'il n'était pas là. Il n'était pas là, c'est sa seule excuse, mais il savait qu'il y avait une commission parlementaire sur l'état des finances publiques qui s'est tenue en pleine télévision, au salon rouge, devant toutes les caméras et qui a duré un mois environ, trois semaines au moins, où on nous a parlé de l'état gravissime des finances publiques.

On nous avait fixé des objectifs, on nous avait dit qu'il y avait des mesures draconiennes à prendre; on les a prises dans le budget. Le discours sur le budget avait fixé des objectifs, 4 145 000 000 $ de déficit l'an dernier, mais le déficit réel a été de 4 895 000 000 $. Dépassement de 750 000 000 $. C'est ça, la réalité. Quand ils parlent de leur bonne gestion, de leur gestion rigoureuse, on repassera! On est loin du compte. Et puis on avait dit, évidemment, que, sur cinq ans, le déficit devait atteindre zéro, et des étapes étaient fixées, quantifiées. Le déficit de cette année devait être de 3 290 000 000 $, puis, je l'ai dit tout à l'heure, celui que déclare ce ministre des Finances, c'est 4 425 000 000 $. Décalage: 1 135 000 000 $. J'ai eu l'occasion de démontrer à l'Assemblée nationale que, sur les cinq ans, le décalage était de 7 635 000 000 $.

Alors, où est-ce qu'ils sont, M. le Président, leurs discours sur l'endettement des jeunes, sur le fait que les jeunes devraient payer l'augmentation des dépenses d'épicerie que ce gouvernement fait à l'heure actuelle? Son décalage de 1 135 000 000 $ va coûter combien, en termes de taux d'intérêt, dans le prochain budget, en termes de coupures additionnelles, à 8 %, 8,25 % à l'heure actuelle? Un autre 100 000 000 $ de coupures, juste par la carence de l'actuel ministre des Finances qui se vante qu'il a baissé le déficit. Il a baissé le déficit par rapport à ce qui a été fixé l'an dernier, à ce qui était son résultat l'an dernier, 4 895 000 000 $, qui comprend un dépassement de 750 000 000 $, alors que là il vient de prendre encore un décalage majeur par rapport au plan qui avait été instauré l'an dernier à la commission et au discours sur le budget. Je ne vois rien de quoi se vanter là-dedans; au contraire, c'est triste.

Puis le ministre se pavane en disant qu'il aurait baissé les taxes de 500 000 000 $. Je comprends que les Québécois aient mal reçu ce budget. Ils disent: Ils sont à la veille des élections. Ils baissent les taxes supposément, alors que ce n'est même pas ça, mais c'est présenté comme une diminution de taxes. Eh bien, M. le Président, il n'y a pas de Québécois ou très peu de Québécois qui se sont laissés prendre au jeu. Je comprends qu'à l'Assemblée nationale les députés aient appuyé le budget de leur ministre, mais il s'agit là d'encensoirs automatiques. C'est bien compris, tout le monde s'entend: on est à la veille des élections, on baisse les taxes, alors qu'on augmente le déficit. Au fond, l'objectif, c'était 3 290 000 000 $. Si on avait baissé les taxes de 500 000 000 $, au moins il aurait été sous la barre des 4 000 000 000 $ prévus, M. le Président.

Alors, moi, la question que je pose, c'est: Qu'est-ce que c'est, le discours du gouvernement? Il veut baisser le déficit? Est-ce qu'il maintient son objectif? Moi, je pense que non. C'est contradictoire, ce qu'il avance, entre son discours et ce qu'il fait. En réalité, il a lutté contre le déficit de la mauvaise façon. Depuis 1990-1991, moment où la récession s'est enclenchée, il a lutté en montant les taxes. Et ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que ce gouvernement, ce dernier gouvernement ou ce gouvernement dans son dernier mandat a monté le fardeau fiscal des Québécois de 4 300 000 000 $. Actuellement, par suite du dernier budget, il a suspendu pour 500 000 000 $ ou 700 000 000 $ de fardeau fiscal. On revient à 3 600 000 000 $ d'augmentation de fardeau fiscal, ce qui a piégé l'économie, ce qui a freiné toute tentative de relancer l'économie, et on se retrouve avec la situation catastrophique que nous connaissons à l'heure actuelle vis-à-vis de ce qui se passe aux États-Unis, où il y a une relance. Tellement que, maintenant, on songe déjà à freiner une telle relance par le relèvement du taux d'escompte, ce qui a des effets catastrophiques ici. Mais l'origine du problème est là: la mauvaise gestion du gouvernement. Quand il veut remonter à 15 ans, sur les déficits d'il y a 15 ans, nous ne sommes plus du tout dans la même situation. Mais ce gouvernement continue à cumuler les déficits.

Bon. M. le Président, je trouve qu'il y a une incohérence évidente entre le gouvernement qui dit qu'il veut lutter contre le déficit, qui baisse les taxes ou qui dit qu'il baisse le déficit. En réalité, moi, je voudrais qu'il choisisse l'une ou l'autre des voies, mais que ce soit clair et qu'il se démarque de calculs électoralistes, à l'heure actuelle, que tout le monde a saisis. Je n'ai même pas eu besoin d'en parler, on m'a dit: Mais, finalement, est-ce que vous ne trouvez pas que c'est un peu électoraliste? Bien oui, c'est évident! C'est ça. C'est ça qui motive ce budget, M. le Président.

Autre élément que je voulais souligner, que le ministre a rappelé. Il a dit: Nous avons réduit les dépenses. Nous avons réduit les dépenses de façon très significative: moins 520 000 000 $. Moins 520 000 000 $. Coup de sabre dans les dépenses. Mais faut-il rappeler qu'aux crédits personne n'avait été dupe. L'objectif de stabilisation des dépenses avait été dépassé de 520 000 000 $ ou 522 000 000 $. Alors, on a gonflé les dépenses dans les crédits, puis, au budget, pour se faire un beau discours du budget, on coupe le 520 000 000 $. C'est à peu près les mêmes 520 000 000 $ qui se promènent. Total: zéro. Pas d'efforts additionnels de plus. Non. Les dépenses sont là.

Alors, le ministre, s'il était sincère quand il a autorisé le dépôt des crédits, quand il a fait le dépôt des crédits à la fin mars en augmentant les dépenses de 520 000 000 $, s'il était sincère, pourquoi, un mois après, vient-il les couper de 520 000 000 $? C'est quoi? C'est juste une opération fardage, une opération budgétaire de politique partisane, faut-il dire dans ce contexte. Et puis là, évidemment, on va en venir aux détails de ces coupures, mais des coupures aveugles, des coupures de paresseux, des coupures qu'on dit, dans le jargon du métier, paramétriques. Paramétriques; 2 % partout: dans le gras, dans la chair puis dans l'os. Indifféremment, c'est 2 % partout. Mais ça n'a pas le même effet. Alors, on n'a pas le temps, on ne sait pas où, mais on coupe. On a décidé de couper.

De la même façon, on a dit: moins 30 % dans les dépenses de fonctionnement. J'ai essayé de comprendre ce que ça voulait dire, moins 30 % dans les dépenses de fonctionnement. Est-ce qu'ils vont couper la facture du loyer, moins 30 %? S'il y a un contrat, un bail, ça ne saute pas comme ça, il reste quand même qu'il y a des obligations. Et puis le compte de téléphone, bien, ça en fait beaucoup de téléphones à couper, pour 30 % de coupures dans un budget de fonctionnement. Est-ce que cela comprend toutes les dépenses, hors le personnel? Est-ce que le ministère des Finances, lui, dans son moins 30 %, va comprendre son service de la dette? Je pense que non. Non. Bien sûr que non. Il est obligé de les payer. Alors, je pense que, là-dessus, on peut s'en poser plein, de questions.

(20 h 50)

J'ai eu l'occasion aussi de parler de la crédibilité des prévisions budgétaires, nous y reviendrons. Ce que l'on peut constater dans le passé, c'est qu'à chaque fois les prévisions ont été dépassées, et de façon significative. Sur quatre ans, de 1990-1991 à 1993-1994, le gouvernement a dépassé ses prévisions de 3 678 000 000 $: pratiquement 1 000 000 000 $ par année, en moyenne. Quelque 900 000 000 $, 920 000 000 $, oui, 920 000 000 $ de moyenne de dépassement par année. Est-ce que c'est assez se mettre creux un doigt dans l'oeil? Non, ce n'est pas assez? Écoutez, il n'y a plus rien qui tienne. Il y a quelqu'un qui soufflait quelque part dans les revenus, qui pensait mieux contrôler les dépenses, qui faisait une mauvaise évaluation de la situation économique: 3 678 000 000 $ sur quatre ans et le ministre vient nous dire qu'en partant avec un déficit de 4 425 000 000 $ il va terminer à 4 425 000 000 $. On va le croire, après s'être trompé, année après année, de presque 1 000 000 000 $ par année? Où est-ce qu'on va se ramasser à la fin de l'année? Au-dessus de 5 000 000 000 $?

En réalité, quand on pose quelques questions, on n'est pas du tout sûr de l'état du déficit. En réalité, je pense qu'ils ont fait un effort inouï pour essayer de garder le déficit au moins dans des limites tolérables, acceptables. Ce n'est pas les termes du ministre, «tolérables, acceptables». Il a tâté un peu le terrain et il a reçu une volée de bois vert. Là, il a corrigé quelque peu ses dépenses, mais ça navigue entre le tolérable et l'inacceptable. En réalité, où est-ce qu'on va se ramasser à la fin de l'année? Au fond, il voulait présenter un budget où il essaierait au moins de contrer les critiques; mais, en réalité, ce qui est inquiétant, c'est de savoir quelle sera la facture pour le prochain gouvernement. Leur objectif, c'est de passer le cap de l'élection; c'est ça, c'est le seul intérêt, la seule préoccupation du ministre à l'heure actuelle. Le montant du déficit exact, réel de l'an prochain ou de cette année, lorsque l'année sera finie, 1994-1995, ça, je pense que c'est une question que nous devons nous poser, malheureusement avec des aspects très négatifs.

M. le Président, je voudrais aussi ne pas passer sous silence dans ces notes préliminaires les aspects improvisés de ce budget: l'aide pour la garde d'enfants. Depuis que le budget est paru, on navigue dans l'inconnu, dans la confusion. Il y a des rencontres entre le premier ministre et des représentants des services de garde, et on ne sait pas, d'une journée à l'autre, ça change; à tous les deux jours, il y a des déclarations. On revient là-dessus, on ne sait plus trop où on en est. J'ai hâte de voir ce que le ministre va vraiment nous dire et, surtout, si ce qu'il va nous dire est applicable. Parce que, la découverte, c'est qu'il y a une déclaration. Tout le monde a l'air bien sincère, mais on découvre que, non, ça ne peut pas marcher et que, au fond, ils n'ont pas creusé leur affaire. Improvisation. Un chapitre complet du discours du budget à réécrire.

Autre élément: la privatisation. Ah! ça, j'ai hâte d'entendre le ministre nous en parler, de la privatisation. Il y aurait, paraît-il, dans les recoins du budget, des revenus prévus de l'ordre de 150 000 000 $, 160 000 000 $, peut-être 200 000 000 $. On ne sait pas, on verra. La privatisation. Tout à coup, on part en grande. On reprend, paraît-il, un vieux dossier qui dormait presque sur les tablettes, qui avait d'ailleurs connu peu de succès, sauf pour certains amis. À l'heure actuelle, on revient avec la privatisation. Fin de mandat d'un gouvernement épuisé, qui essaie d'aller chercher quelques sous, paraît-il. Ce que nous retenons, à l'heure actuelle, de cette opération, c'est que, pour certains de ces aspects, probablement pour certaines de ces entreprises, il n'y a pas d'improvisation: il y a des objectifs très précis d'un certain nombre d'amis dans les recoins.

J'ai dit ça simplement avec une phrase, à un moment donné: La privatisation, M. le Président, est présentée comme la vertu suprême. Je pense que c'est une vertu qui pourrait faire la joie des requins. C'est ça. C'est ça qui pourrait se passer. Quand on voit la précipitation, l'improvisation avec laquelle le gouvernement se lance dans une telle opération en fin de mandat – parce que l'élection, veux veux pas, aura lieu au début de l'automne prochain – on peut penser que le gouvernement veut procéder en cachette, en plein été, au démantèlement d'un certain nombre de sociétés d'État. C'est ça, l'objectif, parce que, autrement, au moins il attendrait que l'élection soit tenue et terminée. Je pense que là-dessus il y aura au moins quelques questions auxquelles nous devrions avoir des réponses parce que, il me semble, c'est important pour les Québécois.

Alors, en conclusion, M. le Président, tout ça est présenté avec un mot qui revient comme une ritournelle dans tous les recoins, le mot «emploi». Le mot «emploi» servi dans toutes espèces de sauces, de toutes sortes de façons, mais qui n'a aucun contenu. Parce que, s'il y a une philosophie à laquelle ils adhèrent, c'est que l'État ne peut pas créer des emplois. C'est la seule chose qui les tient et qui les motive. Au fond, quand ils viennent nous dire qu'ils veulent créer des emplois, c'est le contraire de ce qu'ils pensent.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Labelle. M. le ministre, en réplique, vous avez 10 minutes.

M. Léonard: C'est exactement ça. Vous ne viendrez pas faire des discours sans...


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Oui. M. le Président, le député de Labelle a repris plusieurs des refrains qu'il nous a fait entendre en Chambre au cours des derniers jours. Essentiellement, M. le Président, ça tourne toujours autour des mêmes problèmes. Le député de Labelle nous dit, par exemple, que le gouvernement s'est systématiquement trompé dans ses derniers budgets, lorsqu'il a estimé ses déficits. Il faut bien dire, M. le Président, que, quand un gouvernement entre dans une récession – et le Parti québécois s'en souvient, parce qu'il a vécu, lui aussi, une récession – il est très difficile...

Une voix: On s'en est sorti.

M. Bourbeau: Nous aussi, nous en sommes sortis, M. le Président. Il est très difficile de prévoir avec justesse les rentrées de fonds du gouvernement, parce que, comme on le sait, lorsque les entreprises ne font plus de profits et même lorsqu'elles font des pertes – on a vu beaucoup de faillites dans la dernière récession, comme on en avait vu, d'ailleurs, en 1981-1982 – elles ne paient plus d'impôt. Et même, mieux que ça, lorsque la situation se replace, les entreprises peuvent ne pas payer d'impôt pendant une année ou deux parce qu'elles peuvent racheter leurs pertes passées, compenser pour leurs pertes passées. Et, pour les individus, c'est la même chose: lorsque le chômage augmente, M. le Président, il y a moins de gens qui travaillent et, évidemment, moins de rentrées de fonds pour le gouvernement.

Le gouvernement du Québec a effectivement connu des écarts dans ses revenus, dans ses budgets, et on peut regarder ce qui s'est passé en 1990-1991, M. le Président: l'écart a été de 1,8 %. Pour la même année, en Ontario, il était de 2,5 %. Le gouvernement fédéral, lui, s'est trompé de 0,1 %. Donc, pour cette année-là, chapeau à M. Mulroney. Pour l'année 1991-1992, M. le Président, le Québec s'est trompé de 1,3 %, l'Ontario de 5,3 % et le fédéral de 5 %. Donc, on n'était pas les seuls, M. le Président, à se tromper cette année-là; la récession tapait dur en 1991-1992. En 1992-1993, nous nous sommes trompés de 4 %, l'Ontario de 6,9 % et le fédéral de 8,1 %. Et, finalement, l'an dernier, en 1993-1994, nous nous sommes trompés de 1,7 %, l'Ontario de 0,1 % et le fédéral de 9,6 %. Mais, M. le Président, si on prend les quatre années de la récession, de 1990-1991 à 1993-1994, la moyenne d'écart réel, pour le Québec, entre les revenus budgétaires a été de 2,2 % au Québec, de 3,7 % en Ontario et de 5,7 % au gouvernement du Canada. Donc, M. le Président, je ne prétends pas que nous soyons parfaits, mais, quand je regarde les autres, je peux dire que je me console.

(21 heures)

Mais regardons donc ce que le Parti québécois a fait, lui, parce que le Parti québécois aussi a été au pouvoir, M. le Président. Quand on affiche sa vertu... M. le Président, vous noterez comme moi que la vertu du Parti québécois est une vertu qui fait du tapage. Vous savez qu'une vertu qui fait du tapage n'est déjà plus une vertu. Le Parti québécois, lui, par exemple, s'était trompé passablement aussi. Dans son budget de 1977-1978, on avait prévu un déficit de 640 000 000 $, un écart de 120 000 000 $, c'est-à-dire 18,8 % d'écart. Là, on n'est plus dans des 2,2 %; 18,8 % d'écart, c'est assez important. Si c'était, M. le Président, en comparaison avec aujourd'hui, le PIB de 1993, on parlerait de 368 000 000 $.

L'année suivante, 1978-1979, M. le Président, un déficit de 1 035 000 000 $. Alors, un écart de 439 000 000 $ à la fin de l'année: on avait prévu 1 035 000 000 $, on a fait 1 474 000 000 $. Donc, déficit de 439 000 000 $, ce qui constitue 42,4 % d'écart, M. le Président. Là, on ne parle plus des écarts de 2,5 % de tantôt ou de 2,2 %: 42,4 % d'écart en l'année 1978-1979. Et qui était le ministre des Finances, M. le Président? Je vous le donne en mille – vous vous en doutez autant que moi: l'actuel chef de l'Opposition.

L'année suivante, 1979-1980 – ce n'était pas des années de récession, ça, M. le Président, on n'était pas encore en récession – on avait prévu 1 450 000 000 $ de déficit, on a fait 1 816 000 000 $, donc 366 000 000 $ d'écart, 25,2 %, M. le Président. Encore 25,2 %. On est encore loin de la moyenne de 2,2 %. C'est 2,2 %, la moyenne des quatre dernières années, ici? Bon. M. le Président, l'écart, 1 280 000 000 $. On pourrait continuer. L'année suivante, c'était 25,1 %, l'écart du déficit budgétaire. Bon. Je disais tout à l'heure que, quant à nous, les écarts dans les prévisions de revenus étaient de 2,2 %. Je pense que, quand même, on peut voir que le gouvernement du Québec a peut-être pu faire des erreurs de calcul dans le passé, mais d'autres en ont fait avant nous, M. le Président, et ils seraient bien mal venus de venir pousser davantage le discours à cet effet-là; on aura certainement la possibilité de leur répondre, M. le Président.

Autre discours, M. le Président, du chef... du délégué... du député de Labelle, plutôt, chef des finances de l'Opposition, M. le Président – ha, ha, ha! – qui nous disait tout à l'heure que le gouvernement du Québec a fait une mauvaise gestion. Ce que l'Opposition oublie de nous dire, M. le Président, c'est qu'au même moment où, dans les années 1986, 1987, 1988, 1989, nous réduisions systématiquement le déficit du Québec – qui était passé à au-delà de 3 000 000 000 $ à notre arrivée au pouvoir, M. le Président – à 1 600 000 000 $ en 1989-1990, c'est-à-dire qu'on avait atteint à peu près l'équilibre du compte courant, des dépenses d'épicerie; au même moment où on avait réduit le déficit pendant les bonnes années, les années de vaches grasses, on ne s'est pas contentés de faire ça, on a aussi réduit d'une façon importante la fiscalité des Québécois. Et, ça, l'Opposition l'oublie, M. le Président. Alors que l'Opposition avait maintenu une fiscalité très élevée pendant tout son séjour au gouvernement, les Québécois ont vu sous le Parti libéral une diminution importante de leur fiscalité.

Je rappelle, par exemple, qu'en 1985 un couple avec deux enfants commençait à payer des impôts au Québec à un niveau de 10 015 $. Dès qu'un couple gagnait 10 015 $, il commençait à payer de l'impôt. Aujourd'hui, M. le Président, les couples avec deux enfants ne paient pas d'impôt lorsque leur revenu est inférieur à 27 306 $. Imaginez-vous la différence, M. le Président, pour une famille qui commençait à 10 000 $. C'était à peu près le niveau du salaire minimum. L'ancien gouvernement leur faisait payer de l'impôt à ce niveau-là. Et même un couple avec un enfant, un monoparental avec un enfant commençait aussi à payer de l'impôt à 10 015 $. Aujourd'hui, il n'en paie pas jusqu'à 25 060 $, un couple avec un enfant.

M. le Président, si on additionne ces chiffres-là, si on additionne à ça aussi les allocations à la naissance qu'on a mises sur pied, qu'on a bonifiées, année après année, si on ajoute à ça la réforme de l'impôt des particuliers en 1988-1989, le remboursement d'impôt foncier, l'instauration de l'amortissement pour investissements stratégiques qui est dans le budget – ça ne fait peut-être pas partie de la famille comme telle – la bonification de l'allocation aux naissances en 1989-1990 aussi, de même qu'en 1990-1991, et toutes les mesures... l'indexation à chaque année, M. le Président, des régimes d'imposition, finalement, on se rend compte que le gouvernement a fait passer son investissement dans la famille de 814 000 000 $, en 1985, à près de 2 700 000 000 $ cette année. Ça, M. le Président, c'est très important.

On a beau dire que le gouvernement a réduit le déficit du Québec pendant les bonnes années, de 1986 à 1990, en plus de ça, M. le Président, il a aussi augmenté, il a plus que triplé l'aide à la famille. Et, si on n'avait pas fait ça, M. le Président, on aurait non seulement réduit le déficit à zéro, on aurait atteint l'équilibre budgétaire. On aurait fait des profits, comme le disait le député de Labelle tantôt, en 1989-1990. C'était facile, on n'avait qu'à faire comme le Parti québécois, taxer les gens à 10 000 $ de revenu, les familles, et on aurait très facilement pu, pour employer l'expression, se péter les bretelles et dire que le Québec n'avait plus de déficit; on a eu le souci de la famille québécoise.

M. le Président, parlons aussi, si vous voulez, de la comparaison des taux marginaux maximums. En 1985... Il reste combien de temps?

Le Président (M. Lemieux): Deux minutes, environ.

M. Bourbeau: En 1985, le taux marginal maximum de l'impôt sur le revenu était de 62,1 % au Québec et de 52,9 % en Ontario. C'est-à-dire que la tranche supérieure de l'impôt, M. le Président, faisait en sorte que, au Québec, c'était à peu près 10 % de points plus cher qu'en Ontario. Et vous savez, M. le Président, que le régime fiscal joue un rôle déterminant lorsqu'il s'agit de comparer la compétitivité de certaines juridictions. Une charge plus élevée au Québec qu'en Ontario, évidemment, faisait en sorte que les particuliers n'étaient pas très incités à rester au Québec ou à travailler au Québec. Or, M. le Président, nous avons réussi, en plus de tout ce que j'ai dit tantôt, à réduire ce taux marginal maximum non seulement au niveau de celui de l'Ontario, mais il est maintenant sous celui de l'Ontario: 0,3 % moins cher au Québec qu'en Ontario.

Je pourrais parler également de la progressivité de l'impôt sur le revenu au Québec. Je pense que je n'ai plus tellement de temps pour en parler, mais je reviendrai là-dessus, M. le Président. C'est important, parce que, quand nous sommes arrivés au pouvoir, ça coûtait systématiquement plus cher à tout le monde au Québec qu'en Ontario en impôt, y compris pour les gens à bas salaire. Ce n'était que les gens au plus bas salaire qui réussissaient à payer un petit peu moins d'impôt qu'en Ontario. Exemple: un couple avec deux enfants, en 1985, payait moins d'impôt au Québec jusqu'à un revenu de 19 000 $ par année. Aujourd'hui, c'est jusqu'à 49 000 $ par année que ça coûte moins cher au Québec qu'en Ontario.

Le Président (M. Lemieux): En conclusion, M. le ministre; en conclusion rapide.

M. Bourbeau: Oui. En conclusion, M. le Président, pour les célibataires au Québec à la même époque, en 1985, à 11 850 $, ça commençait à être plus cher au Québec qu'en Ontario; maintenant, c'est à 14 700 $. Donc, là aussi, le Québec a amélioré sa compétitivité par rapport à l'Ontario.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre.

M. Bourbeau: Je pourrais en dire encore beaucoup, M. le Président, mais je reviendrai un peu plus tard.

Le Président (M. Lemieux): S'il vous plaît.

M. Léonard: M. le Président, avant de laisser la parole à mon collègue, je veux juste faire une petite remarque.

Le Président (M. Lemieux): Oui. En vertu des règles de procédure, le débat commence avec vous...

M. Léonard: Non.

Le Président (M. Lemieux): ...mais en intervenant...

M. Léonard: Ah! bien non, je ne veux pas intervenir, à ce moment-là. Je reviendrai.

Le Président (M. Lemieux): Mais, écoutez, je vais quand même... Oui. Écoutez, vous avez été quand même tolérant. Dans la répartition du temps, là, il semble qu'il y ait un petit peu plus de temps aux ministériels; alors, je vous le permets.

M. Léonard: C'est parce que je voulais juste dire au ministre que...

M. Bourbeau: Bon, M. le Président, je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Lemieux): Pas d'objection. De consentement, je vous le permets. Allez-y, M. le député de Labelle.

M. Bourbeau: Le député de Labelle est tellement accommodant.

Le Président (M. Lemieux): Et je vais passer la parole au député de Portneuf, par après. Allez-y, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Je voulais juste faire remarquer que je comprends pourquoi il y a encore – après combien d'années que le ministre a passées à la Sécurité du revenu, puis à la Formation professionnelle? – autant de problèmes dans ces domaines-là. Je comprends aussi la remarque qui a été faite dans un journal où un de ses hauts fonctionnaires lui disait: Laissez donc votre machine à additionner, puis écoutez-moi, vous allez comprendre. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Portneuf.

M. Bourbeau: Je cherche encore le fonctionnaire. Je ne l'ai pas trouvé, M. le Président. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Portneuf.

M. Bourbeau: C'est une invention du député de Labelle.

M. Léonard: Je le comprends! Je le comprends! Vous avez menacé?

M. Bourbeau: C'est une invention du député de Labelle, M. le Président.

M. Bertrand: Oui, M. le Président.

M. Léonard: Non, non. C'était écrit noir sur blanc dans le journal. Vous avez sûrement lu cette page mémorable!

M. Bourbeau: Ça doit sûrement être vrai, M. le Président: c'est dans le journal!

(21 h 10)

M. Bertrand: M. le Président, le ministre nous abîme littéralement d'un tas de détails, d'un tas de statistiques qu'on va chercher dans le plus profond des tiroirs pour être bien sûr que, finalement, on en met tellement qu'il n'y a plus personne qui s'y retrouve. Et, pourtant, comme dans l'entreprise privée, je dirais, on est finalement évalué sur ce que nos collègues anglais appellent le «bottom line». O.K.?

Je vais vous donner des exemples de données très simples qui nous permettent de juger un gouvernement sur l'ensemble de son administration et non pas sur le détail quotidien des choses. Tableau D.3 du budget 1994-1995. Discours du budget, à l'annexe D, donc, dernière ligne du tableau: taux de chômage au cours – grosso modo, c'est ça – des cinq dernières années. Alors, on y va dans l'ordre: 9,3 %, 10,1 %, 11,9 %, 12,8 % et 13,1 %. On est encore aujourd'hui dans les sommets, M. le Président.

Si on regarde d'autres données, l'évolution du déficit au cours de ces dernières années, on atteint encore une fois des sommets. Quant au fardeau fiscal, la même chose, M. le Président. On peut donner comme ça ou sortir, je dirais, des statistiques qui donnent non pas le fin détail des choses – on peut toujours trouver la donnée qui va avantager le gouvernement – mais le final final de toutes ces opérations-là: on constate que jamais le Québec n'a été aussi mal en point. Et je passe par-dessus des éléments très importants, M. le Président. La confiance que la population peut avoir dans un gouvernement après quatre ans, cinq ans, six ans, sept ans, huit ans, neuf ans et 10 ans d'un régime semblable, ça aussi, c'est important. La confiance qu'une population peut avoir à l'égard d'un gouvernement qui en est, finalement, au mandat le plus long qu'on ait connu de mémoire d'homme et de femme au Québec, à moins que je ne me trompe. Je pense que là aussi on atteint des records.

M. le Président, le dernier discours du budget est loin de nous rassurer à cet égard, quand on regarde ces résultats-là. Et tout ceci parce qu'on a été placé devant une équipe qui, influencée par les Thatcher, les Reagan du tournant des années quatre-vingt, s'imaginait qu'avec moins d'État, le moins possible, le moins interventionniste possible, en privatisant tout ce qui bougeait, on pourrait faire en sorte de relancer l'économie et le Québec sur la voie du développement économique et social. On constate que les résultats, après 10 ans de régime libéral, sont pourtant bien différents.


Discussion générale


Privatisation et réduction des effectifs dans la fonction publique

J'aimerais aborder brièvement cette question, justement, et revenir peut-être avec des aspects complémentaires sur ce qu'a annoncé le ministre des Finances dans son discours en ce qui regarde la privatisation des sociétés d'État. Juste pour rappeler qu'en dépit des beaux discours l'expérience des 10 ou 15 dernières années dans le monde en ce qui regarde la privatisation, finalement, ne poursuivait pas comme objectif une meilleure compétitivité ou la relance de l'emploi et de l'économie, mais simplement à apporter un soulagement très temporaire à des problèmes difficiles dans des pays qui n'arrivaient pas ou peu à contrôler leur déficit, qui n'arrivaient pas ou peu à relancer l'économie, donc, à se mettre dans des perspectives de revenus qui auraient pu justement faire en sorte que les déficits auraient pu être moins élevés. Donc, en dépit de ces beaux discours, on a cherché dans plusieurs pays, depuis 10 à 15 ans, à privatiser à peu près tout ce qui bougeait pour soulager à la marge et temporairement des problèmes de déficit. Il est là, le vrai problème, et c'est à cette cible que s'adresse ce gouvernement-là depuis maintenant 10 ans. On a même eu, si vous vous rappelez, M. le Président, un ministre délégué à la Privatisation. C'est dire que le dogme allait très loin, jusque dans les étiquettes accolées aux ministres.

Qu'est-ce qu'on peut tirer des expériences des dernières années, un peu partout dans le monde, notamment chez les champions des privatisations que sont les Britanniques? Eh bien, c'est que toutes les privatisations qu'on a faites depuis 10 ans, 12 ans, 15 ans ne comblent même pas l'équivalent du déficit d'une année en Grande-Bretagne. De plus, en poursuivant une telle stratégie pour régler les problèmes de déséquilibre du budget, je pense qu'on ne règle rien vraiment fondamentalement dans la structure même de nos dépenses et de nos revenus.

Deuxièmement, on se retrouve devant des gouvernements – parce que les bilans sortent et on peut voir maintenant les résultats de ce qui a été fait ailleurs – qu'on voulait moins interventionnistes, moins enfargeants, et qui pourtant sont obligés de réglementer et de «reréglementer» pour désormais mieux contrôler les secteurs qu'on a privatisés. Alors, qu'est-ce qu'on gagne, essentiellement? On nous dit que ce qu'on a gagné, c'est peu de chose: essentiellement, des gouvernements qui, désormais, sont aussi enfargeants qu'avant, s'ils l'étaient déjà, et qui, en plus, sont plus ignorants de ce qui se passe parce qu'ils sont moins impliqués qu'auparavant dans différents secteurs d'activité et moins prompts et moins habilités à intervenir dans certains secteurs lorsqu'on aurait besoin de le faire, parce qu'on ne possède plus l'expertise, parce qu'on ne possède plus non plus l'argent pouvant nous permettre, éventuellement, d'investir quand c'est le temps.

J'évoquerais également ce gouvernement, M. le Président, qui, pour procéder à la sauvette à la braderie des actifs de l'État, n'est certainement pas mandaté à la fin d'une cinquième année, ne possède certainement pas la légitimité d'un gouvernement nouvellement élu. Alors, M. le Président, je pense que, à l'égard de l'orientation contenue au discours du budget de privatiser à tous crins les sociétés d'État, on est en droit de poser de très sérieuses questions.

Une dernière intervention en ce qui regarde un sujet qui vous intéresse certainement de très près, M. le Président, puisque vous êtes également député de la région de Québec. Le dernier budget implique des abolitions de postes en nombre substantiel dans la fonction publique et qui auront un impact économique important pour notre région. Des études que nous avons faites, il ressort que, pour 100 emplois gouvernementaux qu'on fait disparaître, il y a environ 21 emplois indirects également qui disparaîtront, plus une trentaine d'emplois indus. Ça veut dire, ça, que, pour 100 emplois qui disparaissent dans la fonction publique au Québec, on doit ajouter au moins une cinquantaine d'autres emplois, et ceci, sans compter l'effet qu'auront nécessairement les 30 % de diminution sur les autres dépenses. Parce que, simplement, si le gouvernement achète moins d'un certain nombre de produits, ça implique également que, pour la région de Québec, puisqu'on achète ces produits-là en grande partie dans la région de Québec, il y a aura des entreprises qui devront réduire leur niveau d'activité et peut-être même fermer, dans certains cas, sait-on jamais.

Alors, les réductions prévues dans ce dernier budget ainsi que celles qui étaient déjà prévues dans la loi 198 vont faire perdre à notre région 2000 postes. Et, si on y ajoute l'impact de ces coupures-là, maintenant, en terme d'emplois directs et indirects, c'est un total de plus de 3000 emplois qu'on perd dans notre région. Et je pense qu'à cet égard il y a lieu, M. le Président, d'être particulièrement critique et inquiet.

Nous aurons certainement l'occasion de revenir dans les prochaines minutes et les prochaines heures sur ces questions et sur d'autres également, tout ça pour démontrer que nous sommes devant un budget fort contestable à plusieurs égards. Merci.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Portneuf. M. le ministre des Finances.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Le député de Portneuf vient de nous parler avec beaucoup d'à-propos de la question de l'allégement du fardeau de l'État. Je voyais d'ailleurs que, dans un article de journal récent, il faisait la promotion d'un État plus léger et plus efficace. Nous sommes bien d'accord avec les propositions du député de Portneuf d'alléger le fardeau fiscal des Québécois. D'ailleurs, M. le Président, il n'y a pas que nous, il y a aussi le candidat du Parti québécois dans le comté d'Iberville, M. Richard Le Hir...

M. Léonard: Un bon candidat.

M. Bourbeau: Un bon candidat, M. le Président, mais qui ne semble pas...

M. Léonard: Ça a l'air de vous fatiguer, hein! Ça vous fatigue!

M. Bourbeau: ...M. le Président, être tout à fait d'accord...

M. Bertrand: Ils ont de la misère à en trouver, alors...

M. Léonard: Oui, eux autres... Vous êtes jaloux?

M. Bourbeau: ...avec les députés de l'Opposition. Il va falloir que l'Opposition fasse rapidement ce qu'on appelle un caucus de ses candidats pour s'assurer que tout le monde chante la même chanson, M. le Président. Il me semble que les violons ne sont pas très bien accordés du côté de l'Opposition. Voyez-vous ce que disait M. Le Hir dans Le Devoir , hier ou avant-hier? Il nous disait ceci: L'État est engagé dans trop d'activités qui ne sont pas de son ressort. Il me semble que ça ne concorde pas tellement avec les propos du député de Labelle, tout à l'heure. Or, nous disait M. Le Hir, sa mission – de l'État – de base consiste à assurer l'ordre public, la protection des personnes et des biens, la bonne santé de la population et son éducation. Plus l'État s'éloigne de sa mission de base, plus son action doit se mesurer selon les critères du marché... Ce qui ne veut pas dire qu'à l'occasion il ne l'est pas autant que peut l'être le secteur privé, mais, reconnaissons-le, c'est l'exception. De plus, vient un moment où la place qu'occupe l'État dans la société – la société québécoise – empêche le secteur privé de créer la richesse que l'État a le devoir de redistribuer au titre de la solidarité. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons présentement, de dire M. Le Hir. Il est dès lors nécessaire, au nom justement de cette solidarité, que l'État redéploie son activité et qu'il renvoie dans le secteur privé toutes les activités qui pourraient y être accomplies de façon plus efficace.

M. le Président, je pourrais continuer; je ne voudrais pas tourner le fer dans la plaie davantage. Mais voilà, M. le Président, un discours qui est sensé, qui se rapproche beaucoup du discours que tient le gouvernement du Québec et qui contredit carrément les propos du député de Labelle qui, tout à l'heure, s'exprimait dans un sens tout à fait contraire.

M. le Président, je rappellerai que, depuis 1986, le gouvernement du Québec a complété avec succès 38 opérations de privatisation. Le prix total des ventes a été de 1 400 000 000 $; le profit sur la disposition de ces actifs a été de 315 000 000 $.

(21 h 20)

M. Léonard: Les rentrées nettes de fonds, là, ce n'est pas pareil.

M. Bourbeau: Le profit, le profit. Le profit aux livres. Certaines de ces transactions se sont avérées de très belles réussites pour le gouvernement. Par exemple, M. le Président, je rappellerai l'émission publique d'actions de Cambior, en 1986; la vente du bloc d'actions de Donohue détenues par la SGF, en 1987; la vente des actions détenues par la Société immobilière du Québec dans Place Desjardins, en 1992; la vente, en 1993, des actions de Disques Améric détenues par la SOGIC.

D'autres transactions ont servi à disposer d'actifs improductifs ou de canards boiteux que nous avions reçus en héritage du précédent gouvernement. Rappelons, par exemple, M. le Président, la vente de la Raffinerie de sucre du Québec, en 1986. Ce sont de douloureux souvenirs pour l'Opposition, j'en conviens, M. le Président. Je vais tenter d'aller le plus rapidement possible pour ne pas leur créer de maux de tête. La disposition des actifs de la SNA, la Société nationale de l'amiante, M. le Président, qui s'est échelonnée de 1986 à 1992. L'amiante, une aventure qui nous aura coûté tout prêt de 500 000 000 $. Et, là encore, M. le Président, je ne peux pas parler des causes qui sont sub judice; peut-être qu'on ne sait pas où ça va se terminer. J'oubliais de vous parler de Quebecair, M. le Président, dont nous nous sommes débarrassés également.

Dans tous les cas, des règles sévères et rigoureuses ont été appliquées. Un des six grands principes directeurs qui ont été élaborés en 1986 et suivis depuis était que la privatisation est un processus public qui doit répondre aux normes d'équité et de divulgation qui s'appliquent aux compagnies publiques. D'ailleurs, aucun cas n'a jamais soulevé le moindre problème ou questionnement à cet égard sur les 38 transactions réalisées jusqu'à maintenant. C'est exactement le même processus – avec les mêmes règles strictes qui en garantissent la probité et la transparence – qui sera suivi pour les privatisations à venir.

M. le Président, tout à l'heure, on parlait du déficit élevé du Québec et on faisait des comparaisons. Je dirai qu'en 1994-1995 le Québec vient en troisième position en termes de déficit par rapport au PIB, c'est-à-dire que le Québec a un pourcentage de 2,7 % de déficit anticipé, 2,7 % par rapport au PIB, après la Nouvelle-Écosse, qui a 3,2 %, et l'Ontario, à 2,9 %. Ne parlons pas du fédéral, M. le Président, qui, lui, se situe entre 5 % et 6 %.

M. Léonard: Plus. Il faut en sortir.

M. Bourbeau: Un peu plus même. Il importe de souligner que le présent budget comporte un ensemble de mesures – et, M. le Président, on peut parler du gouvernement des États-Unis aussi qui se situait à 3,5 % l'an dernier – pour alléger le fardeau fiscal des Québécois, pour soutenir la croissance économique et pour favoriser la création d'emplois. En effet, le déficit budgétaire de 4 425 000 000 $ prévu pour l'année qui vient, l'année courante, tient compte de plusieurs gestes concrets qui ont été posés par le gouvernement, dont les dépenses de 402 000 000 $ annoncées depuis le mois de novembre dernier pour relancer l'économie et favoriser la création d'emplois; le plan de lutte contre le commerce illégal des produits du tabac qui entraîne une diminution des revenus de 135 000 000 $; la réduction de l'impôt des particuliers de 500 000 000 $ en 1994-1995; le taux de la taxe de vente à 6,5 % qui représente une diminution des taxes, taxes à la consommation, bien sûr, de 144 000 000 $.

Par ailleurs, le gouvernement est résolument engagé vers l'atteinte de l'équilibre budgétaire, comme en fait foi notre décision d'accélérer la réalisation du plan gouvernemental de gestion des dépenses et des services publics et de geler les dépenses de programmes à leur niveau de 1994-1995 tant que le déficit budgétaire n'aura pas été éliminé. Voilà, M. le Président, les quelques remarques que j'avais à faire pour l'instant.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Portneuf, il vous reste...

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais ajouter une dernière...

Le Président (M. Lemieux): Oui. Ça va. Allez-y.

M. Bourbeau: Il me reste une minute, peut-être.

Le Président (M. Lemieux): Votre temps n'est pas terminé. Allez-y.

M. Bourbeau: Pour la région de Québec – le député de Portneuf, tout à l'heure, s'inquiétait de la région de Québec – on ne peut pas nier, bien sûr, que les mesures additionnelles de réduction des dépenses de 520 000 000 $ auront un impact sur la région de Québec, où se déroule une partie importante de l'activité gouvernementale. Toutefois, ces réductions de dépenses seront compensées par les allégements fiscaux qui sont consentis par le gouvernement au niveau de l'impôt sur le revenu des particuliers et de l'uniformisation du taux de la TVQ. Rappelons que ces baisses d'impôts et de taxes totaliseront près de 700 000 000 $. Le gouvernement du Québec vise en effet à raviver la confiance de la population québécoise dans son avenir et à stimuler la consommation, principal moteur de la croissance économique.

Par ailleurs, les dispositions de la loi 102, que connaît sûrement le député de Portneuf, continuent de prévaloir quant au maintien des conventions collectives actuelles, et donc de la sécurité d'emploi. En conséquence, il n'y aura aucune mise à pied du personnel permanent de la fonction publique. Enfin, il convient de rappeler que la région de Québec bénéficiera d'un investissement de 107 000 000 $ qui sera consenti pour le Centre des congrès de Québec.

En conclusion, M. le Président, malgré l'importance des mesures de réduction des dépenses, ces mesures devraient être largement compensées par l'effet bénéfique des autres mesures du budget 1994-1995 ainsi que des mesures de soutien à l'économie et du plan d'infrastructure.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. M. le député de Portneuf, il vous restait 2 min 50.

La Secrétaire: Non, 1 min 50.

Le Président (M. Lemieux): On me dit 1 min 50. Bon, Mme la secrétaire, 1 min 50.

M. Bertrand: Oui, M. le Président. Je remarque que le ministre souligne avec fierté le montant de 100 000 000 $ et quelques qui ira dans le Centre des congrès après qu'on a annoncé 80 000 000 $. Qu'en sera-t-il vers la fin? On se pose des questions là-dessus. À tout événement, ce que je trouve un peu bizarre, c'est de voir le ministre, au fond, se réclamer de la transparence, semble-t-il, notamment dans le mouvement de privatisation des sociétés d'État, alors qu'on procède, en toute fin de mandat – à la veille de l'été, à toutes fins pratiques – à des opérations où ça va être à la sauvette qu'on aura probablement le temps de privatiser certains actifs. Et pour bénéficier à qui, pensez-vous? Ça, ça nous inquiète également beaucoup.

Juste ce qui se passe dans le domaine de la privatisation des services informatiques, bien sûr, les décisions ne sont pas encore définitives et finales là-dessus, mais sa collègue, présidente du Conseil du trésor, nous a très bien expliqué qu'elle attendait les recommandations de Coopers & Lybrand, à la suite de quoi on décidera si on va en impartition ou en consolidation. Dès septembre, on irait, à ce moment-là – supposons qu'on retient la première hypothèse, celle de l'impartition – carrément en appel d'offres. À quelle place est le débat public? À quelle place sont les données, les dossiers sur la table qui pourraient être discutés? On l'a réclamé à plusieurs reprises, M. le Président, et jamais on a eu de réponse ou le gouvernement a-t-il consenti à tenir vraiment un débat public sur cette simple question, pas plus probablement que sur les autres, d'ailleurs. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le député de Portneuf. M. le ministre, est-ce que vous avez une réplique?

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Le député veut un débat public, on en aura un demain. Si je comprends bien, il y a une motion en Chambre pour faire un débat public. On pourra parler de tout le programme de privatisation. D'autre part, le gouvernement, comme vous le savez, M. le Président, s'était engagé à faire des privatisations. On en a fait un certain nombre au cours des années 1986 et... enfin, depuis qu'on est au pouvoir, et je ne vois pas pourquoi, aujourd'hui, on ne pourrait pas continuer à faire ce qu'on a dit qu'on ferait.

D'autre part, M. le Président, le député de Portneuf vient de faire une allusion, tout à l'heure: On ne sait pas à qui ça va profiter. Le député de Labelle, tout à l'heure, a aussi fait une allusion à la même chose. Je tiens, M. le Président, à mettre en garde les députés de l'Opposition contre ce genre d'insinuation. On sait que, dans notre régime, M. le Président, personne n'est présumé coupable, tout le monde est présumé innocent. Alors, à chaque fois qu'on voit la moindre question, là, immédiatement, du côté de l'Opposition, on se lève et on insinue des choses. On accuse des fois directement, parfois par la bande, M. le Président. Et, ça, c'est très grave, M. le Président, parce que, quand on lance des insinuations comme celles-là, parfois, ça a pour effet de nuire à la réputation de gens et on se rend compte après, finalement, qu'il n'y avait rien. C'est arrivé deux fois la semaine dernière.

(21 h 30)

J'aimerais simplement citer ce que disait Claude Piché dans La Presse : «D'où vient donc cette préoccupation aussi ardente que subite des députés péquistes pour les questions d'éthique?» C'est de ça que parlent le député de Labelle et le député de Portneuf. Comment se fait-il qu'ils ont hurlé au scandale deux fois en autant de semaines et que le carnaval a toutes les chances de se poursuivre au cours des prochaines semaines? Et, surtout, si ces questions sont si urgentes et importantes pour eux, pourquoi ne s'y sont-ils pas attaqués quand ils ont été pendant neuf ans au pouvoir? Que tout cela arrive à quelques mois, peut-être à quelques semaines des élections, n'est certainement pas pure coïncidence. Le drame, c'est qu'en se camouflant derrière un noble combat pour la vertu on écorche lourdement une petite entreprise québécoise – on parlait de M3i la semaine dernière – qui ne le mérite pas. On salit inutilement la réputation d'un excellent gestionnaire. Et l'éditorialiste de conclure, M. le Président: «Dommage. L'Opposition, ce me semble, aurait bien mieux à faire pour vendre son projet de société que d'enfourcher le cheval de la mesquinerie partisane.» M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis, mais je ne suis pas très loin de le penser.

Le Président (M. Lemieux): Merci, M. le ministre. Il n'y a pas d'intervention ministérielle. M. le député de Labelle.

M. Léonard: Je veux juste savoir où nous en sommes en termes de procédure, M. le Président.

Le Président (M. Lemieux): En principe, ça devrait être à un député ministériel d'intervenir, en respect de la règle de l'alternance, pour une durée maximale de 10 minutes. Comme M. le député de Portneuf n'avait pas terminé son intervention, je lui ai permis de la terminer. Il n'y a pas d'intervention ministérielle.

M. Léonard: O.K.

Le Président (M. Lemieux): La parole est à vous pour 10 minutes et M. le ministre a 10 minutes pour répliquer.

M. Léonard: O.K.

Le Président (M. Lemieux): Après, s'il y a une intervention ministérielle, je vais passer du côté ministériel.

M. Léonard: Oui, M. le Président. Juste sur les dernières remarques du ministre en ce qui concerne les privatisations, qu'il serait mieux d'y avoir un débat public, on va lui expliquer cela demain. S'il appelle cela le débat public, demain, c'est grâce à l'Opposition que la question est soulevée. Et, quand il lit des éditoriaux ou, en tout cas, des chroniques de gens qu'on connaît bien, je pense que c'est l'un des seuls qui a marché dans ce sens-là, alors que même son collège des Ressources naturelles a trouvé l'opération inacceptable, et même le premier ministre a dit qu'il ne défendrait pas l'indéfendable. Jusque-là, attention, on verra bien où tout cela ira.


Taux de croissance des revenus autonomes du gouvernement

Ceci étant dit, M. le Président, je voudrais revenir ici à un premier thème que je voudrais aborder, celui des équilibres budgétaires. Nous voyons dans le Discours sur le budget, à l'annexe B 3, les revenus autonomes qui augmentent assez rapidement. On voit d'ailleurs leur croissance dans les années qui suivent: 1994-1995, une croissance de 4,4 %, ensuite de 3,8 %, 4,3 %, 6,5 %, 6,6 %, pour arriver à un déficit zéro. Je voudrais juste souligner que les taux m'apparaissent très élevés, et j'aimerais avoir quelques explications là-dessus, parce qu'il s'agit là de chiffres importants. En d'autres termes, les rentrées fiscales du gouvernement augmenteraient de 1 132 000 000 $ l'an prochain pour atteindre, en 1998-1999, 2 268 000 000 $. Je comprends qu'on peut dire: On va créer beaucoup d'emplois, mais il reste que ce sont des taux élevés, et je me pose des questions sur ces taux de croissance, à l'heure actuelle.

M. Bourbeau: M. le Président, la question du député porte sur les taux de croissance qui sont prévus dans les revenus du gouvernement pour les cinq années à venir, c'est ça?

Le Président (M. Lemieux): C'est ça, M. le député de Labelle, n'est-ce pas? Oui, M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je dirai deux choses. La croissance économique qui est prévue... Commençons par l'année 1995, l'année courante et les suivantes, et après je parlerai des dernières années. Pour l'année 1994, l'année courante...

M. Léonard: Pour 1994-1995, c'est ça, là?

M. Bourbeau: Bien, en fait, c'est pour l'année...

M. Léonard: Bien, est-ce qu'on parle de l'année civile ou de l'année budgétaire?

M. Bourbeau: De l'année civile 1994.

M. Léonard: Ah! Bien oui, mais vos budgets sont basés sur l'année budgétaire, là.

Une voix: On parle de la croissance économique.

M. Bourbeau: Là, présentement, je parle de la croissance économique, le PIB réel. O.K.? Après ça, je parlerai de la croissance nominale des revenus. Pour la croissance économique, M. le Président, pour l'année courante, nous avons prévu 3,2 %. Quand on regarde les prévisions des experts du secteur privé, on voit que nous sommes exactement dans la moyenne. La Banque Toronto-Dominion, en mars, prévoyait 3,2 % comme nous; la Banque de Montréal, en mars, 3,1 %; la Banque Nationale, en avril, 3,1 %; le Conference Board, en avril, 3,4 %; Data Resources, en mars, 3 %; Hydro-Québec, en avril, 3 %; Lévesque, Beaubien, Geoffrion, en mars, 3,5 % et Montreal Trust, en mars, 3,2 %. Donc, M. le Président, la moyenne était de 3,2 % et nous avions justement prévu 3,2 %.

Pour l'année prochaine, l'année 1995, la Banque Toronto-Dominion prévoit 3,4 %. Je vous rappelle que, nous, nous prévoyons 3,3 % pour l'an prochain; la Banque TD, 3,4 %; la Banque de Montréal, 4 %; la Banque Nationale, 3,5 %; le Conference Board, 3,7 %; Data Resources, 4,5 %; Hydro-Québec, 3,3 %, comme nous, et Lévesque, Beaubien, 4,5 %. Alors, on voit, M. le Président, que la moyenne des prévisionnistes pour l'an prochain est de 3,8 %, alors que la nôtre est de 3,3 %. Déjà, on peut voir que, pour les deux années qui commencent le cycle, on est en deçà de la moyenne des prévisionnistes. Maintenant, M. le Président, l'augmentation des recettes dépassera légèrement le taux de croissance de l'activité économique. Je viens de donner l'activité économique.

Maintenant, les recettes vont dépasser légèrement le taux de l'activité économique. Nous prévoyons une croissance de 4,4 % des revenus autonomes en 1994-1995, alors que celle du PIB sera de 3,8 % en 1994 et de 4 % en 1994-1995, pour l'année budgétaire. Donc, 3,8 % pour l'année de calendrier et 4 % pour l'année 1994-1995. C'est le résultat de l'effet combiné de plusieurs facteurs.

D'abord, les réductions d'impôt et de taxes atténueront la croissance des revenus: l'impôt des particuliers, la TVQ et taxe sur le tabac. Deuxièmement, cet effet est compensé en grande partie par l'effet des mesures prises pour assurer l'intégrité du régime fiscal, c'est-à-dire 143 000 000 $; une hausse des revenus provenant de Loto-Québec, 153 000 000 $; la relance du processus de privatisation des placements de certaines sociétés d'État, 183 000 000 $; la réduction importante des remboursements d'impôt aux sociétés, 1994-1995, compte tenu de la hausse des profits en 1993-1994, 160 000 000 $; l'impact, en 1994-1995, des mesures prises au discours sur le budget de l'an dernier, 138 000 000 $. En tenant compte de ces facteurs, M. le Président, la croissance des revenus est ramenée à 4,1 %.

Maintenant, M. le Président, quand on regarde la croissance du PIB pour l'année civile, j'ai dit 3,8 %, mais, pour l'année financière, c'était de 4 %. Donc, le revenu que je viens de donner tout à l'heure était de 4,1 %. Donc, finalement, à toutes fins pratiques, c'est presque égal pour l'année 1994-1995. Si on regarde les autres années, M. le Président, l'évolution des revenus autonomes... Je viens de donner 1994-1995, parlons maintenant de 1995-1996. Nous prévoyons des revenus autonomes... augmentation en pourcentage de 3,8 %. Maintenant, le PIB brut, c'est-à-dire le PIB nominal, 4,7 %. Donc, on est en deçà. Pour l'année 1996-1997, nous prévoyons 4,3 %; le PIB, 5 %, le PIB nominal. Pour 1997-1998, nous prévoyons 6,5 %; PIB, 5,4 %.

M. Dufour: Le décalage s'inverse, là.

(21 h 40)

M. Bourbeau: Oui, effectivement. Et, pour la dernière année, 6,6 %, et le PIB nominal, 5,7 %. M. le Président, la raison pour laquelle, sur les deux dernières années du cycle, on voit que les revenus autonomes sont légèrement supérieurs au PIB nominal, c'est que, dans les premières années du cycle, ce sont les exportations qui, disons, charrient la reprise. Et on sait que, quand il y a des exportations, ça crée des emplois chez nous, mais, comme les exportations ne sont pas taxées – par exemple, la TVQ ne s'applique pas – les revenus fiscaux du gouvernement, les revenus de taxes du gouvernement sont inférieurs par rapport à la consommation. Or, avec la reprise de plus en plus vigoureuse, la reprise économique, sur la fin de la période, en 1997-1998, c'est la consommation qui prend le relais ou qui s'accélère de plus en plus et qui fait en sorte que cette consommation-là fait augmenter les revenus du gouvernement à deux titres: d'abord, au titre de l'emploi – parce que, plus il y a de consommation, plus ça crée de l'emploi – et au titre aussi des impôts que perçoit le gouvernement, que le gouvernement ne perçoit pas sur les exportations.

La résultante de tout ça, M. le Président, c'est que, sur la moyenne de 1995-1996 à 1998-1999, donc les quatre dernières années du cycle, les revenus autonomes du gouvernement augmentent de 5,3 % et le PIB de 5,2 %. On ne peut donc pas dire, M. le Président, qu'il y a un décalage important entre l'augmentation du PIB nominal et les revenus autonomes du gouvernement.

M. Léonard: Disons quand même, là, compte tenu de la réalité que le gouvernement vit dans ses réalisations par rapport à ses prévisions... Est-ce que vous ne pensez pas que, rendus à 1998-1999, ce que vous faites là, c'est de la poésie?

Le Président (M. Lemieux): M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, poésie pour poésie, la poésie du gouvernement vaut bien celle de l'Opposition. L'Opposition est dans le délire quand elle nous parle, M. le Président, des revenus d'un Québec souverain. Nous, on se base sur ce qu'on peut voir de mieux dans les prévisions basées sur l'expérience passée et sur les meilleures théories économiques. Le cycle dans lequel nous nous engageons présentement, M. le Président, devrait, selon toute vraisemblance, durer pendant quelques années, et il est tout à fait normal qu'au début... On l'a vu, d'ailleurs, ce sont les exportations qui, présentement, tirent l'économie du Québec, plus que la consommation; les exportations ont augmenté de près de 20 % l'an dernier, ce qui est une augmentation importante. Donc, les exportations, M. le Président, comme je le disais tantôt, sont moins une source de revenus des impôts du gouvernement que la consommation, mais la consommation prendra le relais le plus tôt possible, je l'espère, mais certainement vers la fin de la période – en tout cas, l'expérience passée le prouve – et, à ce moment-là, on devrait avoir des revenus autonomes qui excéderont légèrement le PIB nominal. Sur la période, M. le Président, ça se vérifie très bien. Les revenus autonomes augmentent de 5,3 %, le PIB nominal de 5,2 %; donc, c'est tout à fait compatible.

Et, M. le Président, je conclurais en vous disant que les chiffres que je viens d'indiquer là, 5,3 % et 5,2 %, et, pour l'année 1994-1995, 4,1 % versus 4 % pour le PIB nominal, on peut voir qu'il y a une parfaite cohérence entre les prévisions de croissance économique et les prévisions financières. Et ça s'explique par le fait que, sur la fin de la période, l'inflation... Il ne faut pas oublier l'inflation aussi; présentement, on a une inflation qui est nulle.

M. le Président, le député de Labelle sait comme moi que, l'année dernière, pour la première fois depuis des décennies, on a vu le PIB nominal inférieur à la croissance réelle: 2 % de PIB nominal; croissance réelle, 2,7 %. C'est la première fois qu'on voit ça depuis toujours, depuis, en fait, qu'on regarde les chiffres. Ça veut dire, ça, que la croissance économique a été plus forte que la valeur de la croissance économique, donc une inflation nulle. Effectivement, on a une inflation aujourd'hui qui est en bas de zéro. Ça vaut moins, en valeur, que l'augmentation de la production. Alors, M. le Président, ça, ce n'est pas de nature à augmenter beaucoup les revenus du gouvernement, et cette inflation qui est très basse, qui va demeurer encore basse pendant un ou deux ou trois ans, va ralentir les revenus du gouvernement, les salaires notamment. Si l'inflation est très basse, les augmentations de salaire le sont aussi et, à ce moment-là, les rentrées de fonds du gouvernement en souffrent. Mais, sur la fin de la période, il est prévu que l'inflation augmenterait un peu plus et, à ce moment-là, ça ferait en sorte d'augmenter les revenus du gouvernement.

M. Léonard: La prochaine récession, c'est au bout de la page, là, ou bien si c'est la dernière année?

M. Bourbeau: La prochaine récession? M. le Président, il ne devrait pas y en avoir tant que le Parti libéral va être au pouvoir.

M. Léonard: Ça, c'est brillant comme réponse, ça!

M. Bourbeau: M. le Président, la réponse est aussi brillante que la question l'était.


Contrebande et évasion fiscale

M. Léonard: Je voudrais demander au ministre: Ses mesures d'intégrité, parce que, ça, je suppose que... Il y a 143 000 000 $ qui sont là-dedans et ça influe aussi sur les dixièmes de pourcentage. Les mesures qu'il a mises dans son budget, ça vise essentiellement à lutter contre la contrebande d'alcool, qui ferait perdre au gouvernement, selon les estimations à l'heure actuelle, quelque 250 000 000 $. Ça vise aussi l'évasion fiscale qui provient de la rénovation des immeubles locatifs puis des ventes de véhicules usagés. Alors, l'ensemble de toutes ces mesures, c'est 143 000 000 $.

Je dirais qu'il y a un certain nombre d'éléments qui nous font douter des estimations du ministre des Finances. Notons que les mesures pour lutter contre la contrebande d'alcool sont similaires à celles qui ont été mises en vigueur pour lutter contre la contrebande de cigarettes et dont l'efficacité était à ce point non probante que l'État a finalement opté pour abaisser de façon considérable ses taxes sur le tabac. En d'autres termes, il a fui le champ de bataille. Ayant perdu la bataille, il s'est sauvé parce qu'il n'avait pas autre chose à faire. Et la réduction des taxes sur le tabac équivaut au rendement anticipé des mesures annoncées le 12 mai.

Autre chose. L'augmentation du taux de la TVQ qui est applicable aux services, de 4 % à 6,5 %, constitue une incitation au travail au noir, en particulier au niveau des services professionnels, où les mesures de contrôle sont difficilement applicables. On connaît tous les gens qui ont eu des surprises, qui se sont ramassés chez le garagiste et puis qui ont vu que le taux de la taxe venait d'augmenter de 2,5 %. Méfiez-vous maintenant si vous allez au garage, ce n'est plus 4 %, c'est 6,5 %. Et, comme la main-d'oeuvre constitue la plus grande partie des factures de réparation des voitures lorsqu'on va là, généralement, en tout cas, bien, ça vient de coûter un bras aux consommateurs. Alors, travail au noir.

M. le Président, est-ce que le ministre peut nous dire comment il compte être plus efficace dans sa lutte contre la contrebande d'alcool que contre la contrebande du tabac? En passant, il a baissé sa taxe de 1 $ sur les bouteilles de vin de 12 $ et moins; ce n'est pas celles-là qui étaient l'objet de la contrebande. Vous ne faites pas de contrebande sur des bouteilles de vin, vous faites de la contrebande sur des bouteilles de spiritueux, de liqueurs – qui coûtent 25 $, 30 $, 35 $ lorsqu'on les achète ici – pas sur les bouteilles de vin que vous achetez chez le dépanneur, voyons donc! Je m'interroge sur l'efficacité des mesures du ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, on sait qu'il y a beaucoup de personnes qui fabriquent elles-mêmes leur vin. On n'a rien contre ça, c'est permis de fabriquer son vin. Ce qui n'est pas permis, c'est de fabriquer du vin puis d'en vendre soi-même à d'autres. Ce vin-là est un vin, bien sûr, qui a la qualité qu'on veut et qu'on peut, mais qui a aussi cette propriété de se vendre pas tellement cher non plus. Alors, en baissant le prix des vins pour les vins les moins chers, on lutte aussi contre la contrebande du vin en permettant aux contribuables qui désirent s'approvisionner à des prix...

M. Léonard: Nous doutons encore plus que ça va rapporter 143 000 000 $...

M. Bourbeau: M. le Président...

M. Léonard: ...avec la réponse du ministre.

M. Bourbeau: Non, M. le Président. Alors, voici, il y a plusieurs façons de lutter contre la contrebande. On l'a vu avec le tabac, en baissant le prix du tabac...

M. Léonard: On l'a vu.

M. Bourbeau: ...on a mis fin à la contrebande. Alors, en baissant le prix des vins bas de gamme, on risque aussi de mettre fin au commerce illégal du vin de fabrication domestique.

M. le Président, essentiellement, il y a plusieurs mesures qui sont prévues pour assurer l'intégrité du régime fiscal. Afin d'assurer un traitement équitable des contribuables et de rétablir un meilleur climat de confiance envers le régime fiscal québécois et son administration, le discours sur le budget contient des mesures visant à améliorer l'intégrité du régime fiscal, notamment en s'assurant que les impôts et les taxes dus sont entièrement perçus et en enrayant le commerce illégal des boissons alcooliques. Maintenant, ce n'est pas sur le commerce illégal des boissons alcooliques, M. le Président, que nous escomptons faire les économies dont parlait tout à l'heure le député de Labelle. Ça, c'est en plus.

(21 h 50)

Dans les autres mesures, M. le Président, il y a l'amélioration du processus de vérification et de contrôle par le ministère du Revenu. Comme le régime fiscal est fondé sur l'autocotisation, des contrôles pour assurer l'observation des mesures fiscales sont plus difficiles, ce qui a pour effet d'inciter certains contribuables à prendre le risque de ne pas déclarer la totalité de leurs revenus. Ces derniers sont d'autant plus incités à la fraude fiscale que les gains possibles sont importants comparés aux risques et aux coûts rattachés à l'inobservation.

Dans ce cadre, tel qu'annoncé à l'occasion du discours sur le budget, un processus de révision des activités de vérification et de perception du ministère du Revenu, destiné à rendre les contrôles plus étanches et à mieux identifier les contrevenants aux lois et aux règlements fiscaux, est en cours. Les mesures prises pour atteindre ce résultat devraient être associées aux activités suivantes: faciliter l'observation volontaire grâce à la prestation d'information et d'aide aux contribuables; améliorer les mesures de vérification et de contrôle en établissant des procédures pour réduire la délinquance; éviter que les informations déclarées divergent de la réalité et, à ce titre, vérifier l'exactitude et l'exhaustivité de l'information déclarée; cibler les mesures d'exécution de manière à récupérer des niveaux élevés d'impôts supplémentaires et bien faire sentir sa présence auprès des contribuables; établir une méthodologie appropriée de vérification fiscale propre à certains secteurs d'activité où l'évasion fiscale est plus importante.

M. le Président, il y aura également une intensification de la collaboration entre Revenu Québec et Revenu Canada. De plus, le ministère du Revenu du Québec et Revenu Canada ont convenu d'intensifier leur collaboration et leur consultation sur le territoire du Québec. Cet effort accru pour contrer toutes les formes d'évasion fiscale se traduira par plusieurs mesures.

Maintenant, M. le Président, pour ce qui est des boissons alcooliques, j'en ai parlé tout à l'heure, après avoir enrayé le commerce illégal du tabac, nous entendons nous attaquer à celui des boissons alcooliques. Le gouvernement entend notamment enrayer ce phénomène en augmentant les mesures de contrôle, la surveillance, ainsi que les amendes associées à cette pratique. En ce qui concerne les mesures de contrôle, les différents intervenants dans l'application des lois régissant le commerce illégal des boissons alcooliques mettront la priorité sur les moyens d'enrayer le commerce illégal. La Sûreté du Québec, la Régie des alcools, des courses et des jeux, le ministère du Revenu et la Société des alcools du Québec exerceront une concertation et une coordination accrue dans leur application des lois.

M. le Président, il y a aussi la hausse des amendes et les pouvoirs requis pour faciliter l'application des lois. Il y a également des mesures pour assurer l'intégrité du régime fiscal. En conformité avec ces objectifs, le gouvernement entend prendre les mesures nécessaires pour enrayer l'évasion fiscale, et les premiers résultats sont très encourageants. Même s'il se traduit par une perte de revenus pour le gouvernement, le plan d'action pour enrayer le commerce illégal du tabac a contribué, je le disais tout à l'heure, à éliminer l'économie souterraine qui s'était développée dans ce secteur depuis quelques années. Les contrôles accrus et la hausse des amendes annoncés pour enrayer le commerce illégal des boissons alcooliques devraient également contribuer à réduire significativement le phénomène. Par ailleurs, comme il est difficile d'estimer l'impact monétaire qu'auront les contrôles accrus et leur effet dissuasif, le gouvernement a cru plus prudent, dans un premier temps, de ne pas inscrire spécifiquement dans ses revenus les gains potentiels découlant de leur application.

Les autres mesures visant à assurer l'intégrité du régime fiscal devraient se traduire par des gains importants pour le gouvernement, notamment celles à l'égard des opérations visant à améliorer la vérification et la perception des revenus, ainsi que les mesures concernant la perception des revenus dans le secteur de la construction et la perception de la TVQ. Finalement, M. le Président, l'ensemble de ces mesures devrait se traduire par des revenus additionnels de l'ordre de 120 000 000 $, en 1994-1995, et d'environ 150 000 000 $ par année par la suite.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Bien, M. le Président, j'entends ça et j'aimerais savoir sous quel titre le ministre inscrit quelques revenus. Parce que, par exemple, il nous parle de ceux qui fabriquent du vin et qui en vendent. Combien le ministre prétend-il aller chercher de revenus là-dessus?

M. Bourbeau: M. le Président...

M. Léonard: Combien?

M. Bourbeau: ...je pense que le député n'est pas très attentif à mes propos. Si c'est le cas...

M. Léonard: Il ne dit rien.

M. Bourbeau: ...je vais cesser de parler. Je viens justement de dire, M. le député... Je vais répéter encore...

M. Léonard: Non, non.

M. Bourbeau: ...pour le bénéfice de l'Opposition.

M. Léonard: Le chiffre, le chiffre. C'est zéro ou c'est 10 000 000 $?

M. Bourbeau: Il écoute mais il ne comprend pas, M. le Président.

M. Léonard: Non, non.

M. Bourbeau: Alors, j'ai dit: Comme il est difficile d'estimer l'impact monétaire qu'auront les contrôles accrus et leur effet dissuasif, le gouvernement a cru plus prudent, dans un premier temps, de ne pas inscrire spécifiquement dans ses revenus les gains potentiels découlant de leur application. L'application des contrôles accrus, mais aussi la hausse des amendes annoncée pour enrayer le commerce illégal des boissons alcooliques, bien sûr, et qui devrait également contribuer à réduire significativement le phénomène.

M. Léonard: Bon. O.K. Donc, c'est zéro. C'est ça que je voulais qu'il dise; c'est zéro.

M. Bourbeau: Je l'avais déjà dit, M. le Président; je le répète une deuxième fois.

M. Léonard: Alors, les 143 000 000 $ viennent d'où?

M. Bourbeau: Ils viennent de tout le reste, M. le Président, de ce que j'ai dit depuis 10 minutes.

M. Léonard: Alors, de la construction, parce que vous enrayez le travail au noir dans la construction. C'est ça?

M. Bourbeau: M. le Président, toutes les mesures, au ministère du Revenu, dont je viens de parler tout à l'heure – les contrôles accrus dans les marchés aux puces, les contrôles accrus dans la vente des véhicules usagés...

M. Léonard: Oui.

M. Bourbeau: ...le député est au courant de ça.

M. Léonard: Oui. Les chars usagés, comme on dit. Alors, M. le Président, si je comprends le ministre...

M. Bourbeau: Ah oui! M. le Président, j'oubliais: aussi le secteur de la construction.

M. Léonard: Vous n'en avez pas parlé beaucoup, mais j'avais déduit ça, je vous avais devancé. Alors, parce qu'on ne peut pas prévoir pièce par pièce, on a mis un morceau total, un morceau global de 143 000 000 $. C'est basé sur quoi, là?

M. Bourbeau: M. le Président, c'est basé sur une étude qui a été faite au ministère sur chacun des volets du plan dont je viens de parler...

M. Léonard: Oui, mais...

M. Bourbeau: ...quand on a prévu qu'il y aurait un certain montant d'argent qui pourrait être retiré de l'amélioration du processus de vérification et de contrôle par le ministère du Revenu; d'autres par des mesures pour enrayer la fraude dans la vente... les erreurs, pour ne pas dire la fraude, dans la vente des voitures usagées; d'autres pour le secteur de la construction...

M. Léonard: Oui, mais, M. le Président...

M. Bourbeau: ...d'autres pour les marchés aux puces. Ce sont des prévisions, M. le Président, dont le total fait 143 000 000 $.

M. Léonard: Globalement.

M. Bourbeau: Globalement.

M. Léonard: On ne peut pas avoir de détails, rien du tout? Pas de ventilation, c'est trop compliqué: on a mis 143 000 000 $.

M. Bourbeau: M. le Président, je peux donner une ventilation au député; je l'ai ici, devant moi. Quand on parle de la vérification des perceptions par le ministère du Revenu, on parle de 120 000 000 $ environ, les prévisions; quand on parle des véhicules usagés, autour de 20 000 000 $; quand on parle des renseignements sur les dépenses de main-d'oeuvre – ça, c'est dans le domaine de la construction – on parle de 4 000 000 $ pour la première année, bien sûr, parce que, dans l'année de croisière, ça va être 14 000 000 $. Pour l'instant, pour être plus prudents, nous n'avons inscrit aucun revenu dans le dossier des marchés aux puces et pour la question des boissons alcooliques, M. le Président, de façon à être très conservateurs et très prudents, comme le député sait qu'on l'est. Alors, M. le Président, les 143 000 000 $, quant à nous, sont un minimum, puisqu'on pourrait certainement s'attendre à avoir des revenus additionnels dans le contrôle des marchés aux puces ainsi que dans le contrôle des boissons alcooliques.

Le Président (M. Lemieux): M. le député de Labelle.

M. Léonard: Si je comprends – j'interprète le ministre – il a fait des paragraphes dans son discours sur le budget, mais c'étaient des zéros qu'il y avait derrière ça. Il a simplement dit que les fonctionnaires feraient leur travail, comme ils l'ont toujours fait.

M. Bourbeau: M. le Président, si j'avais mis 10 000 000 $, 15 000 000 $, le député aurait dit: Le ministre n'est pas réaliste, les mesures ne sont pas en place. Nous agissons avec prudence, M. le Président; nous mettrons en place les mesures au cours des prochains mois. On sait que, quand on met en place des mesures semblables, ça prend du temps avant de voir les résultats parce qu'il s'agit de résultats qui vont survenir après plusieurs mois de travail, de contrôle, de vérification. Ça aurait été très facile d'aller inscrire des montants rapidement; dans certains cas, c'est plus facile. Dans la vente des véhicules usagés, on sait combien il y en a par année, on peut calculer, etc. Quand on parle des marchés aux puces, M. le Président, il va falloir qu'on mette sur pied des systèmes de contrôle.

M. le Président, on m'indique, par exemple, que l'an dernier on a fait des vérifications plus poussées dans le cas des exemptions pour personnes vivant seules et que ça a rapporté 30 000 000 $ en faisant en sorte de concentrer sur un seul point dans la fiscalité. Alors, M. le Président, je pense que, dans certains cas, c'est plus facile de prévoir les rentrées dans la première année; dans d'autres cas, ça peut prendre un an avant que la mesure soit très efficace et qu'elle soit en phase d'opération. Et c'est pourquoi, M. le Président, on a prévu être plus prudents pour l'année qui vient, ce que le député ne pourra pas nous reprocher d'avoir fait.

Le Président (M. Lemieux): Alors, merci, M. le ministre.

Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures, et M. le député de Labelle, il vous reste environ trois minutes.

(Fin de la séance à 22 heures)