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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 10 décembre 1996 - Vol. 35 N° 39

Étude détaillée du projet de loi n° 3 - Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire


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Table des matières

Étude détaillée


Intervenants
M. Jacques Baril, président
M. Bernard Landry
M. Henri-François Gautrin
M. André Bourbeau
M. Lévis Brien
M. Jean Campeau
M. Michel Côté
M. Rosaire Bertrand
M. Benoît Laprise

Journal des débats


(Quinze heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Messieurs, la commission du budget et de l'administration est réunie afin de poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 3, Loi sur l'élimination du déficit et l'équilibre budgétaire.

Est-ce que, M. le secrétaire, il y a des remplacements qui vous ont été suggérés?

Le Secrétaire: Non, M. le Président. Il n'y a aucun remplacement pour la séance.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Lors de l'ajournement de nos travaux, nous en étions rendus à l'article 2 du projet de loi n° 3. Il y avait eu un amendement qui avait été amené qui a été rejeté. C'était le député de Verdun qui avait la parole sur l'article 2, et il y avait 2 min 20 s d'écoulé sur son temps de parole. Donc, M. le député de Verdun...

(15 h 20)

M. Gautrin: Est-ce que je peux réserver mon temps pour une intervention subséquente? C'est...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien, le règlement dit qu'un député doit faire son intervention d'une seule... Pas pour ça? Non?

M. Gautrin: Non, non, non. Hé! Hé! Hé!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): O.K. Correct, je retire ce que j'ai dit. Je vais vérifier mon règlement parce que, dans certaines occasions... Non, non, mais je vais vérifier mon règlement. En quelque part, on dit... je ne sais pas pourquoi. Mais on va vérifier; je vous reviendrai.

M. Gautrin: Pour certaines motions, ça prend ça.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Certaines motions, peut-être qu'un député a le droit seulement qu'à un laps de temps. Mais, comme le président est capable facilement de reconnaître ses... je ne dirai pas ses erreurs, mais ses mauvaises interprétations, il me fait plaisir d'accorder la parole au député de Laporte. Et, quand le député de Verdun la redemandera, je la lui accorderai avec grand plaisir, à la satisfaction de tous, j'espère.


Étude détaillée


Définitions (suite)

M. Bourbeau: M. le Président, on est à l'article 2. Vous vous souvenez que l'article 2, c'est un article qui a pour objet de présenter les définitions, les termes. Si on veut se comprendre dans ce projet de loi là, il faut qu'on sache ce que signifient les termes. Alors, le gouvernement a eu la gentillesse, dans son projet de loi, de prévoir un article dans lequel on nous dit ce que signifient les choses. C'est bien utile pour les comprendre.

Entre autres, on nous dit ce qu'est une dépense et ce qu'est un surplus. Une dépense, on sait ce que c'est, un surplus aussi. Le problème, c'est qu'il y a un projet de loi qui prévoit l'évolution des finances publiques sur une certaine période, sur un nombre d'années, et qui prévoit, comme vous vous souvenez, M. le Président, que le déficit du gouvernement devra être réduit année après année pour atteindre le point zéro ou l'équilibre budgétaire quelque part en l'an 1999, 2000.

Mais, si on veut être capable de savoir si, vraiment, on évolue conformément aux objectifs, il faut s'assurer que, d'une année à l'autre, on soit capable de comparer les budgets puis aussi les résultats budgétaires selon les mêmes normes. Et c'est pour ça que nous avions déposé un amendement à l'article 2, qui allait dans le sens de dire: Le gouvernement devrait garder les mêmes normes comptables d'une année à l'autre d'une façon à ne pas amender, d'une année à l'autre, la façon de présenter les chiffres, ce qui aurait pour résultat de fausser la présentation, on le comprend très bien. Et, d'ailleurs, M. le Président, nous avions proposé un amendement; il a été défait aux voix, au vote. C'est malheureux, M. le Président, mais c'est ainsi que le veut la démocratie. La démocratie veut que, quand il y a un vote, M. le Président, puis qu'on ne le gagne pas, bien, on doit se soumettre. Je n'ai pas participé au vote, malheureusement.

Je dois dire cependant que c'est malheureux qu'il en soit ainsi parce que nous ne sommes pas les seuls à nous inquiéter de ça, M. le Président. Depuis ce temps-là, il y a eu le Vérificateur général du Québec qui a déposé un rapport, un rapport où on traite de bien des choses. Et, entre autres, on traite de cette question-là aussi. J'aimerais citer un peu ce que dit le Vérificateur général sur ce point-là, et c'est survenu depuis, je crois, le vote. Alors, peut-être que ce sont des faits nouveaux que je porte à la considération de la commission, qui auraient peut-être pour effet de faire modifier le sentiment des membres de la commission sur ce point-là.

Alors, qu'est-ce qu'il dit, le Vérificateur général? Il dit ceci: «Dans son discours sur le budget du 9 mars 1995, le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances, M. Bernard Landry, a exposé certains moyens que le gouvernement entend prendre pour assainir les finances publiques. À cette occasion, il a souligné la volonté très ferme du gouvernement de réduire le déficit à zéro à la fin de l'année financière 1999-2000. La poursuite d'un objectif d'une telle ampleur suppose la coordination des actions d'une multitude de personnes et elle requiert de nouveaux outils. Tant de nouveautés sont susceptibles de créer un environnement où les risques d'erreurs seront plus élevés qu'auparavant, ce qui me préoccupe», dit le Vérificateur général. Et celui-ci de continuer: «Toutefois, je tiens pour acquis que, pour garder sa crédibilité – j'espère que le ministre des Finances est à l'écoute – le gouvernement respectera les règles comptables en usage dans le secteur public. Ainsi, il ne peut être question de retarder ou de reporter indûment la comptabilisation de certaines dépenses ni exclure des livres du gouvernement certaines transactions financières afin de modifier le calcul de son déficit réel. Il va de soi également que, pour apprécier adéquatement la mesure du progrès, ces règles seront appliquées uniformément durant cette période et que, le cas échéant, toute modification sera expliquée ainsi que ses effets. En conséquence, tout en s'assurant d'une comptabilisation adéquate, une attention particulière devrait être apportée au risque d'erreurs afin de présenter à la population une image financière exacte.»

Bon, M. le Président, vraiment le Vérificateur général, M. le Président, a dit exactement ce que je pensais, il l'a dit encore mieux que moi, et ce que pensait aussi, vous vous en souviendrez, le mémoire de l'Ordre des comptables agréés qui disait, qui recommandait que des mécanismes soient prévus dans la Loi sur l'élimination du déficit pour assurer la continuité des pratiques comptables actuellement en vigueur afin d'augmenter la crédibilité des résultats périodiques du plan d'élimination du déficit.

M. le Président, c'est bien évident que, si on ne met pas de balises dans le projet de loi, ce ne serait pas compliqué, d'une année après l'autre, on pourrait arriver avec des modifications des conventions comptables, de sorte que, pensant que le déficit vient d'être réduit de 1 000 000 000 $ une année donnée, on pourrait tout à coup se rendre compte que ce n'est pas 1 000 000 000 $, que c'est 500 000 000 $ seulement parce qu'il y a eu des modifications dans les conventions comptables, et c'est ce que dit le Vérificateur général. Il nous le dit, c'est clair, de ne pas modifier les conventions comptables, et, si on le fait, de faire une présentation qui en tiendrait compte.

Moi, je n'ai pas d'objection à ce que le gouvernement garde la définition qui est ici, mais il faudrait au moins qu'on ait une assurance que, si il y a des modifications comptables, quand le gouvernement va présenter éventuellement ses états financiers, il devra nous dire que, en regard de la loi que nous votons aujourd'hui ou, enfin, que nous allons voter bientôt, il faudrait, compte tenu de cette loi-là, les conventions comptables qui existaient à ce moment-là, qu'on ait une présentation qui soit adéquate, sans ça on n'a aucune garantie, aucune protection.

Et, à ce sujet-là, M. le Président, j'aimerais porter à l'attention du ministre des Finances ses propres propos, aujourd'hui même à l'Assemblée nationale. Il nous a fait l'aveu – et l'aveu, c'est la meilleure preuve, comme le disait lui-même le ministre il n'y a pas longtemps – qu'on avait modifié les conventions comptables dans le budget 1995-1996. Le ministre a expliqué ce qui s'est passé, rapidement, en Chambre, cet après-midi. Bon, il n'y a pas de problème; on sait que, à peu près à chaque année dans les budgets, il y a toujours, enfin pas toujours là, mais très souvent, des modifications aux règles de comptabilité du gouvernement pour présenter d'une autre façon certains aspects du budget. Alors, si on est pour faire ça... Puis, parfois même, quand c'est fait, on va rétroactivement modifier les chiffres des années précédentes parce que, comme on a modifié la présentation, on va le faire... Il faudrait... On va redresser les années précédentes, parfois on le fait, pour s'assurer que tout est présenté selon les mêmes normes comptables.

Alors, moi, tout ce que je demande au ministre, M. le Président – et c'est fait dans l'intérêt de son projet de loi et de sa propre crédibilité, parce que le mot «crédibilité», il revient partout, il revient dans le mémoire de l'Ordre des comptables et il revient dans le rapport du Vérificateur général, c'est une question de crédibilité – si le gouvernement est sérieux, s'il veut vraiment qu'on ait confiance dans son projet de loi et dans sa volonté de réduire le déficit, non pas en apparence mais en réalité – parce qu'on pourrait arriver avec des documents qui donneraient l'apparence de respecter la loi si on jouait avec les chiffres ou on modifiait les conventions comptables – il faudrait que non seulement dans l'avenir on ait l'apparence d'avoir respecté la loi, mais la certitude qu'en réalité c'est ça qui est arrivé, qu'on n'a pas modifié les conventions comptables.

Alors, je fais un appel au ministre à la suite de ces faits nouveaux là, surtout le rapport du Vérificateur général, pour lui demander si le ministre n'accepterait pas finalement de considérer le projet de modification ou l'amendement que nous lui avons proposé et qui visait à dire que les mots «dépenses» et «revenus» devaient s'interpréter conformément aux conventions comptables en vigueur pour l'exercice terminé le 31 mars 1996. Bon, on pourrait mettre autre chose si le ministre veut un autre terme ou... En fait, c'est l'idée là qui est véhiculée par cette modification-là, on le comprend bien. Si le ministre a une idée meilleure ou autre chose ou si le ministre ne veut pas accepter la modification, il pourrait accepter peut-être qu'on convienne que, si on change les conventions comptables... Le ministre pourrait peut-être accepter, si cet amendement-là n'est pas acceptable, que, s'il y a des modifications aux conventions comptables, on fera une présentation dans l'avenir qui va tenir compte de ces modifications-là pour les fins de cette loi-là, de sorte qu'on redressera... Ça s'est fait souvent dans le passé, je pense là – en fait, je sais. Alors, je ne suis pas... je ne tiens pas nécessairement à un libellé particulier, M. le Président, je suis très souple. Ce qui m'intéresse, c'est non pas le mot, mais l'esprit de ce que je dis.

Alors, je soumets ça à la considération du ministre pour voir s'il n'y a pas quelque chose qu'on peut faire avec ça.

(15 h 30)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le ministre, vous voulez répondre tout de suite ou...

M. Landry (Verchères): Oui, puisque c'est un point assez précis sur les conventions comptables. D'abord, mes collègues et moi-même avions voté contre cet amendement pour des raisons très profondes qui sont confirmées par le Vérificateur général. Ce n'est pas qu'on trouvait que l'amendement de l'opposition était impertinent ou dépourvu de tout fondement. On a voté contre après hésitation et réflexion. Puis on a même continué notre réflexion, et ce que dit le Vérificateur général confirme qu'on a bien fait. Et je vais vous dire sous quel angle le Vérificateur général le confirme.

À la page 15, article 1.29 de son rapport, il dit: «Il va de soi également que, pour apprécier adéquatement les mesures de progrès, ces règles seront appliquées uniformément durant cette période et que, le cas échéant, toute modification sera expliquée, ainsi que ses effets.» Ça prouve que le Vérificateur général sait qu'il y a des modifications nécessaires. Il a vu neiger, le Vérificateur général, ce n'est pas la première fois qu'il voit à analyser des budgets, et cette phrase-là dit bien: «Le cas échéant, toute modification sera expliquée, ainsi que ses effets.» Donc, il n'est pas contre les modifications, parce qu'il les sait inéluctables; un gouvernement doit le faire. Mais, s'il les fait, il les explique, ainsi que ses effets.

Alors, on a réanalysé pour vous montrer que, même quand on défait vos amendements, on ne le fait pas à la légère, on essaie d'aller au fond des choses, et on s'est rendu compte de nouveau ce qu'on avait un peu évoqué l'autre fois, là, que les normes comptables sont les grands principes énoncés par l'Institut canadien des comptables agréés, donc les grands principes, et recouvrent l'espace économique canadien et, en gros, l'espace économique anglo-saxon, parce que la comptabilité anglo-saxonne est un modèle qui est pratiqué à peu près par tous les pays d'obédience et de culture principales anglo-saxonnes.

Pour le secteur public, c'est-à-dire les gouvernements du Canada et des provinces, les administrations locales, l'Institut canadien des comptables agréés a mis en place un conseil sur la comptabilité et la vérification du secteur public, qui établit les normes comptables canadiennes. Les gouvernements de toutes les provinces se basent sur ces normes pour établir leurs conventions comptables, ce qui permet une certaine comparabilité. Ça, je crois, c'est très important, parce qu'on dit que, par exemple, les Québécois sont les plus endettés par tête de tout le Canada. Si on peut dire ça avec une certaine cohérence, c'est parce que les normes sont compatibles d'une province à l'autre. Si on ne comptabilisait pas de la même façon... Bon, alors, ça, je pense que c'est facile à comprendre.

Ces normes ne sont pas statiques; il est très important de retenir qu'elles évoluent continuellement et font l'objet de révisions régulières par les organismes régulateurs. C'est pourquoi il ne faut pas se figer dans un modèle immuable. Si nous étions immuables et que les autres ne l'étaient pas, ça établirait, par la force des choses, une non-compatibilité et une non-comparabilité. Alors, le gouvernement du Québec, comme le gouvernement fédéral et ceux des autres juridictions locales, se dote de conventions comptables qui s'inspirent de ces normes, et la Loi sur l'administration financière prévoit, à l'article 25, que le Conseil du trésor approuve les conventions comptables du gouvernement.

Et, chaque année, le Vérificateur général examine deux choses: d'abord, il vérifie si le gouvernement a bien suivi ses conventions comptables dans l'établissement de ses états financiers, ce qu'on appelle, donc, la conformité; et, ensuite, il évalue le caractère adéquat de nos conventions comptables en tenant compte des fameuses normes – dont j'ai parlé – de l'Institut canadien et du Conseil sur la comptabilité et la vérification du secteur public. Et le rapport annuel du Vérificateur porte sur ces deux questions en particulier; et, à la suite de son évaluation, il peut recommander au gouvernement d'apporter des modifications à ses conventions comptables s'il estime qu'elles permettraient une meilleure présentation de l'information financière.

Alors, voyez-vous, là, le mur qu'on atteindrait. Le Vérificateur nous dirait: Il faut que vous apportiez des modifications, et on se serait mis, de façon rigide, dans une situation où on ne peut pas en apporter. Et les modifications qu'il nous recommanderait seraient celles qui nous mettraient compatibles, disons, avec l'Ontario ou le gouvernement du Canada.

Alors, je pense que l'effort de l'opposition était louable; son intention était bonne. Techniquement, les résultats qui en seraient découlés n'auraient donné satisfaction, ni à l'opposition, ni au gouvernement, ni au Vérificateur général. C'est donc pour cette raison que nous avons défait l'amendement, que nous avons continué notre réflexion quand le rapport du Vérificateur général est sorti, que notre position est la même et qu'elle est consolidée.

L'opposition a parlé de souplesse. Bien, c'est une souplesse qui l'honore. Et, comme son exemple peut nous entraîner aussi à la souplesse, s'il y a d'autres solutions pour arriver à peu près aux mêmes fins – et le député de Laporte a fait allusion à certaines solutions possibles – bien, nous ne les écartons pas du revers de la main. Bien au contraire.

M. Bourbeau: M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, M. le député de Laporte. Allez.

M. Bourbeau: Le ministre n'écoute pas, puisque le ministre vient de me lire l'article 1.29; je le lui avait lu deux minutes avant. Alors, c'est comme s'il venait d'inventer l'article. Je lui ai lu l'article 1.29 tantôt, alors je ne vois pas pourquoi le ministre m'en fait la lecture. Je lui avais dit ces mots-là.

M. Landry (Verchères): Parce que le ministre écoute, mais le député ne comprend pas.

M. Bourbeau: Mais alors, pourquoi le ministre me relit le même article que je venais de lui lire, comme si on n'en avait pas encore pris connaissance ni un ni l'autre.

M. Landry (Verchères): Parce qu'il était évident que vous n'aviez pas compris.

M. Bourbeau: Alors...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est parce que vous avez essayé mutuellement de mieux le comprendre.

M. Bourbeau: Alors, l'article 1.29 – dont le ministre a parlé et moi aussi, avant lui, d'ailleurs – dit justement: «et le cas échéant – bon, s'il y a des modifications, je reconnais qu'il peut y en avoir, j'avais lu l'article – toute modification sera expliquée, ainsi que ses effets».

Et c'est là que j'ai dit au ministre, tout à l'heure... Et là, je pense même qu'il n'a pas compris ça, non plus. C'est que, si le ministre ne veut pas accepter la modification – puis manifestement, c'est bien le cas, puisqu'il a voté contre – le ministre pourrait bien arriver alors et, voulant se conformer au voeu du Vérificateur général et à celui de l'opposition, s'engager à faire en sorte qu'en cas de modification comptable – c'est ce que dit l'article 1.29 – le gouvernement va expliquer la modification comptable et présenter ses effets. C'est ça que nous recherchons.

Alors, ce qu'on recherche, c'est que le gouvernement, s'il modifie les conventions comptables – et je reconnais que ça peut se faire, et que ça s'est fait sous notre administration comme sous la vôtre – là le ministre s'engagerait à faire une présentation qui ferait en sorte d'expliquer les modifications comptables et qui en donnerait les effets pour employer les mots mêmes du Vérificateur général. De sorte qu'on saurait, à la suite des modifications comptables, ce que ça change sur le plan des compressions du déficit, pour qu'on puisse – pour employer une expression, M. le Président, que tout le monde comprend – comparer des pommes avec des pommes et non pas des pommes avec des oranges.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce qu'il y a un membre qui me demande la parole? Sinon on va la laisser au député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, je pense que le député de Laporte a introduit une idée intéressante. Et, moi, je n'aime pas faire de législation sur le coin de table. On pourrait bien essayer d'écrire un amendement pour couvrir l'idée qui a été soulevée par le député de Laporte, à moins qu'il y ait une réaction positive de la part du ministre sur cette idée-là. C'est-à-dire que, s'il y a modification des conventions comptables, que ces modifications comptables soient expliquées, d'une part; et, d'autre part, que les effets budgétaires des conventions comptables soient clairement indiqués.

Alors, je ne sais pas si vous pouvez écrire un amendement dans ce sens-là. Le risque qu'il y a, de la part de notre côté, c'est de faire de la législation sur les coins de table, ce qui est toujours un peu gênant, si vous me permettez, M. le Président. On a déjà vu ça dans d'autres projets de loi.

Alors, je voudrais savoir si vous avez une réaction favorable à cela ou pas.

M. Landry (Verchères): Bon. Oui, j'ai une réaction plutôt favorable. D'abord, je reconnais le réalisme de l'opposition. C'est vrai qu'ils n'ont pas toute la machine administrative derrière eux pour concevoir des... Et, nous, nous l'avons, cette machine – c'est une des prérogatives d'être au pouvoir – ...

M. Gautrin: Bien sûr.

M. Landry (Verchères): ...il y a des avantages et des inconvénients et les avantages l'emportent largement sur les inconvénients. Et...

M. Gautrin: Ha, ha, ha! Ceci étant dit, continuons.

M. Landry (Verchères): Bien, on a quelque chose à vous proposer justement.

M. Gautrin: C'est bien.

(15 h 40)

M. Landry (Verchères): Donc, non seulement on réagit favorablement, mais on a pensé, en utilisant les moyens que la démocratie nous donne, de modifier l'article 15 par l'addition de l'alinéa suivant.

Une voix: Oui, c'est ça. Ça, c'est l'article qui parle du fait que le ministre des Finances doive faire rapport.

M. Landry (Verchères): Oui. C'est parce que ce qu'ils veulent pour cet article-ci serait mieux situé à l'article 15. C'est tout simplement ça. Ce n'est pas parce qu'on...

M. Gautrin: Est-ce que, M. le Président, on pourrait être souple dans la question de la procédure puis écouter déjà le point de vue du ministre?

M. Landry (Verchères): Oui. Là, on va le lire. Bon. Alors, l'article 15 est modifié par l'alinéa suivant: Il fait rapport – «il», le ministre des Finances – annuellement à l'Assemblée nationale de l'impact sur les résultats financiers du gouvernement des modifications aux conventions comptables relativement à celles en vigueur pour l'année financière 1996-1997.

Je pense que c'est ça que vous voulez, puis on reconnaît que ce n'est pas dépourvu de pertinence, puis on amende en conséquence. Oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Mais là j'ai un petit problème, là, soit...

M. Landry (Verchères): On n'est pas rendu à cet article-là.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien, c'est ça. Soit qu'on suspende l'article 2, qu'on...

M. Landry (Verchères): On peut suspendre. Ça vous donne le temps de réfléchir.

M. Bourbeau: Mais on voudrait la regarder tout de suite, là, puis...

M. Landry (Verchères): Oui, oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, oui. Le ministre va la déposer. Toutes les copies sont faites toutes au complet.

M. Landry (Verchères): C'est ça, être au pouvoir, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah! C'est bien, c'est bien, ça, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Dans l'opposition parfois les réactions sont prévisibles.

M. Gautrin: Mais faites attention. C'est difficile de prévoir les réactions du député de Crémazie. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Donc, pour la bonne marche de nos travaux, là, est-ce que vous voulez qu'on suspende l'étude de l'article 2 puis qu'on aille tout de suite à l'étude de l'article 15 ou bien si on... Oui.

M. Bourbeau: ...puis on adoptera l'article 15, après ça on reviendra sur l'article 2.

M. Gautrin: Mais je pense qu'on va suivre l'étude...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon. Donc, on va suspendre l'article 2, puis je vais appeler l'article 3. C'est ça?

M. Gautrin: C'est ça. On devrait suivre article par article parce qu'il y a quand même une certaine logique à l'intérieur.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon. Donc, l'article...

M. Landry (Verchères): On reprendra ça.

M. Gautrin: On reprendra ça. Ça va.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Donc, l'article 2 est suspendu, et j'appelle l'article 3.

M. Bourbeau: Bon. L'article 3.


Montants maximums du déficit budgétaire

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le ministre, vous donnez des explications à l'article 3?

M. Landry (Verchères): Est-ce que ça veut dire que 2 est adopté?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non, il est suspendu.

M. Landry (Verchères): Ah! Il est suspendu. Bon, bien, 3 je pense que ça... res ipsae loquitur, là, hein, les choses parlent par elles-mêmes. C'est tout simplement redire les objectifs.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que l'article 3 est adopté?

M. Bourbeau: Adopté.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que l'article 4 est adopté?

M. Landry (Verchères): Même commentaire.

M. Gautrin: Adopté.

M. Bourbeau: Adopté.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce que l'article 5 est adopté?

M. Landry (Verchères): Même commentaire.

M. Bourbeau: Adopté.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): J'appelle l'article 6.

M. Landry (Verchères): Bon. Alors, à l'article 6, ce qu'on veut tout simplement, c'est, ayant pris ces habitudes de gestion serrée des finances publiques et de déficit zéro, on les garde. Le plaidoyer a été fait à plusieurs reprises, il se résume à ceci: on a 75 000 000 000 $ de déficit accumulé; il y en a la moitié qui a été en gros consacrée à des dépenses courantes; c'est cette moitié qui est la plus injuste pour les générations futures; ce sont des gens d'aujourd'hui qui ont consommé plus qu'ils n'ont payé; et, tant qu'on n'a pas rétabli cette confiance des jeunes envers l'équité de leur contribution fiscale et de leur contribution aux efforts collectifs, on va avoir des difficultés considérables.

Il y a autour de cette table des gens qui ont été maires de municipalités. Il y en a des deux côtés de la table, il y en a au moins un de notre côté...

Une voix: Même au centre.

M. Landry (Verchères): ...et même au centre. Alors, les trois personnes concernées, et je pense que certains d'entre eux l'ont déjà dit, en tout cas notre député a déjà fait allusion au fait que les municipalités ne font pas de déficit. Les municipalités ne faisant pas de déficit, ça a été sûrement un gage, dans la plupart des cas, d'une meilleure gestion, d'une gestion plus saine, d'une gestion plus rigoureuse. Car, si les municipalités avaient pu faire déficit, imitant l'exemple mais vraiment désastreux de gouvernements dits supérieurs, Ottawa et Québec, dans quel état seraient les finances collectives? Je ne parle pas juste des finances du gouvernement du Québec, mais de toutes nos collectivités locales.

Alors, comme les gouvernements dits supérieurs ont manqué de retenue, ont suivi de fausses doctrines ou les ont suivies à moitié... Quand on parle de Lord Keynes, sur le plan économique cette doctrine est tout à fait défendable. Je pense bien que Lord Keynes est un des grands économistes de notre temps, sauf qu'il n'a jamais dit qu'il fallait dépenser sans arrêt et ne jamais se refaire. Il a dit: L'État peut en période de récession augmenter la dépense globale, la fameuse dépense globale, en dépensant plus qu'il ne perçoit. Très bien. Sauf que Keynes n'était pas un imbécile, et il a toujours prétendu qu'il fallait que l'État se refasse. L'État ne s'est pas refait. On a pris pour acquis qu'on pourrait dépenser, comme ça, sans compter, et on a pensé surtout que les croissances nettes d'inflation de 4 %, 5 %, 6 % qu'on avait connues durant les trente glorieuses étaient un phénomène éternel. Ce n'est pas du tout un phénomène éternel, c'est un phénomène de notre génération, qui ne s'était probablement jamais vu dans l'histoire de l'humanité, et j'espère que nos enfants reverront ça parce que c'était vraiment très confortable, hein? C'était vraiment extraordinaire que, chaque année, chaque famille en Amérique du Nord puisse dire: Les enfants nés ou à naître auront un niveau de vie plus élevé que le nôtre, hein? C'est comme ça qu'on a été élevé, et ça soutenait l'espoir et c'était vraiment extraordinaire, mais, malheureusement, rien n'est sûr que ça va revenir, et ce qui est sûr, c'est que pour l'instant c'est parti.

Et c'est pour ça que les gouvernements doivent ajuster leur attitude. Plus les gouvernements sous-nationaux que les gouvernements à pleine souveraineté, pour des raisons tenant à la façon de la communauté financière nationale d'arbitrer les créances souveraines. Automatiquement un État souverain a une cote supérieure à un État non-souverain. Ce qui est d'ailleurs un des nombreux dividendes de la souveraineté du Québec: le jour où le Québec est souverain, sa cote augmente. On ne se demande pas si c'est le Québec là ou si c'est la Biélorussie, on dit: Cet État est-il souverain ou il ne l'est pas? S'il est souverain, sa cote augmente automatiquement, toutes choses étant égales par ailleurs. C'est mécanique, pour des raisons faciles à comprendre, c'est que les agences de crédit se disent: Voici un État qui dispose de toute la base fiscale, donc il est en mesure de prendre beaucoup plus de mesures correctrices, si des corrections doivent être apportées, qu'un État qui ne dispose que de la moitié de la base fiscale. C'est pourquoi dans la cote du gouvernement du Canada il y a une prime automatique au fait que le Canada est souverain. Même chose pour la Turquie, même chose pour la Grèce – encore une fois, toutes choses étant égales d'ailleurs. La Turquie n'a pas la cote du gouvernement du Canada, et la Grèce n'a pas la cote ni de la Turquie ni du gouvernement du Canada, sauf que, si la Grèce était une simple province, bien elle aurait une cote inférieure à la cote qu'elle a actuellement.

Alors, il faut prendre acte de ce fait: le Québec chemine vers la souveraineté, mais il n'y est pas encore. Chemine... Je n'ai besoin d'insister: il y avait 30 souverainistes il y a 30 ans... Je me souviens, j'ai fait... La semaine dernière je me suis absenté, j'ai dû vous quitter, à mon grand désarroi d'ailleurs – j'aurais aimé mieux rester, il s'est passé beaucoup de choses la semaine passée, mais on n'était pas là pour diverses raisons tenant au devoir d'État – et j'ai eu à reparler devant des groupes de gens d'affaires à Paris, devant le Cercle France-Amérique. J'étais allé parler là il y a une trentaine d'années; ils m'avaient ramassé au passage, j'étais un jeune conseiller technique d'un ministre libéral du temps – un ministre libéral qui a eu quand même une certaine carrière, vous vous en souvenez, il s'appelait René Lévesque – et j'avais parlé du Québec, comme les députés d'en face auraient pu en parler d'ailleurs. Et quelqu'un m'avait dit: Monsieur, on a vu un entre-filet dans Le Monde , puis un autre dans Le Figaro disant qu'il y a un mouvement indépendantiste au Québec, est-ce que c'est vrai? Et ma réponse avait été à peu près ceci: J'ai vu le même entre-filet dans Le Devoir , et il y avait un groupe de jeunes gens et de jeunes femmes – Pierre Bourgault, André D'Allemagne – qui avait fondé, à l'Université de Montréal – physiquement, ça s'était passé à l'université, mais ce n'était pas tous des universitaires – un mouvement qui s'appelait le RIN. C'était marginal, ils étaient 30 personnes, à peu près. Alors là, cette semaine, j'ai dit: Ce n'est plus 30 personnes là, c'est 3 000 000 et c'est 50 % de la population moins 50 000 voix, et puis c'est ce que les mathématiciens appellent une tendance. Si tu pars de 30 puis tu vas à 30 000 000 dans 30 ans, tu t'en vas quelque part...

Une voix: Si la tendance se poursuit...

M. Landry (Verchères): Si la tendance se poursuit, et, comme la tendance s'est toujours poursuivie et que ça a toujours avancé, jamais reculé... Bon. C'est une digression, M. le Président, je n'en disconviens pas, mais je sais qu'à vous ça ne vous déplaît pas d'aucune espèce de façon. C'est pour montrer que le Québec n'est pas souverain encore, et, en attendant – et après, parce que accéder au concert des nations ne veut pas dire accéder au désordre, et on ne suivra pas l'exemple de l'État souverain du Canada qui a accumulé 600 000 000 000 $ de dettes puis on ne sait jamais comment il va en sortir... Le Québec est un État rigoureux et, s'il ne l'a pas toujours été, il est en train de le devenir et de le rester. Alors, c'est la raison pour laquelle, une fois l'objectif atteint – et c'est ce que dit l'article – nous continuerons.

(15 h 50)

Qu'est-ce que ça va avoir comme impact? Ça va avoir comme impact, de façon mathématique toujours, une diminution de la dette accumulée par le jeu de l'inflation. Même si elle est basse, les dettes se remboursent au numéraire, comme on dit. Alors, s'il y a une inflation de 1,5 %, la dette vient de s'effacer automatiquement de 1,5 %. L'inflation est basse, c'est bien qu'elle soit basse, elle peut le rester, elle peut ne pas le rester. Si ça monte à 5 %, 6 %, comme ça c'est déjà vu, puis on a connu 12, 15 %, vous vous en souvenez – on dit que c'est à la limite de la gouvernabilité d'un État démocratique, 15 % d'inflation, mais on a flotté avec ça pendant quelques années – bien, là, la dette s'efface à 15 % par année, pour la dette interne en tout cas. Il faut tenir du taux de change pour la dette externe, ça dépend: des fois, ça va dans un sens qui confirme; des fois, dans un sens qui diverge. Donc, quand on est à déficit zéro, la dette baisse automatiquement par le jeu de l'inflation.

Deuxièmement, quand on est à déficit zéro, on cesse d'augmenter les sommes consacrées chaque année au fardeau de la dette et au service de la dette. Ces sommes peuvent être utilisées pour réduire cette dette plus rapidement. Quand on a pris l'habitude d'être à déficit zéro, si une année particulièrement favorable, en termes de conjoncture, survient, on peut très bien tomber à surplus et, avec le surplus, on réduit sa dette. Alors, là, ça finit par faire plusieurs facteurs convergents qui donnent de l'espoir à la population et qui conduisent à un assainissement définitif et durable des finances publiques. Alors, c'est l'essence de l'article 6, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): On vous remercie de cette explication, M. le ministre. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. On a eu droit à un long détour, avec une rétrospective du ministre des Finances – qui n'est pas sans intérêt, je dois le dire – mais le ministre des Finances, évidemment, donne sa version de l'histoire. Je n'ai pas connu aussi intimement que lui les premiers indépendantistes que furent Marcel Chaput, André D'Allemagne et Raymond Barbeau, mais je dois dire que, parmi ce trio-là, il y en a un pour qui j'ai beaucoup d'estime, c'est Raymond Barbeau. Évidemment, on a chacun nos préférés. Moi, Raymond Barbeau, il a joué un rôle important dans ma vie. Je dois dire, M. le Président, que c'est un homme que j'estime beaucoup et à qui je rendrai toujours un hommage perpétuel. Il est, je dirais, responsable de mon excellent état de santé, je dois le dire, et, n'eût été de lui, je ne serais probablement pas en très bonne santé, parce que c'était un indépendantiste peut-être, mais c'était surtout un naturiste. Un naturiste qui a été un des précurseurs au Québec du mouvement naturiste, de l'alimentation naturelle, et je suis tombé sur un volume de Raymond Barbeau il y a 30 ans, qui ne s'appelait pas «Indépendance» ou «Souveraineté», M. le Président, mais qui s'appelait «Mangez bien et vivez mieux», et j'ai appris...

M. Landry (Verchères): Si vous l'aviez suivi sur l'indépendance, l'indépendance serait déjà faite puis on vivrait tous mieux.

M. Bourbeau: ...par coeur ce volume-là, M. le Président...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'était l'indépendance des médicaments.

M. Bourbeau: ...plutôt que l'autre, qui parlait d'un sujet qui a plutôt frappé le milieu des finances, et aujourd'hui je dois dire que je m'en porte mieux. Alors, bravo pour Raymond Barbeau, M. le Président. C'est d'ailleurs la seule compétence que je lui reconnais, dans ce domaine-là. Pour ce qui est du reste, ses idées étaient les siennes, je préférais ses idées sur l'alimentation que celles sur la situation politique.

Mais le ministre des Finances a fait un détour dans le passé et nous a dit, en somme, que, si le Québec était souverain, sa cote de crédit serait meilleure à cause du fait que les États souverains jouissent d'un meilleur crédit, et donc, on pourrait plus facilement se financer, avoir des emprunts. Forcément qu'avec une meilleure cote de crédit on pourrait avoir des emprunts à des taux réduits, etc.

Ce que le ministre a oublié cependant, c'est que, le jour où on devient indépendant, il y a un trou, dans le budget, de 4 000 000 000 $ et plus, qu'il y a un poste au budget, et le ministre l'a peut-être oublié, qui s'appelle la péréquation. Ça, M. le Président... Le ministre fait: Pff! M. le Président, la péréquation, c'est un neuvième des revenus du gouvernement; ce n'est pas peu de chose, un neuvième des revenus du gouvernement, et ça... Non, ce n'est pas notre argent, ça vient des autres provinces canadiennes, les provinces riches. Le ministre connaît très bien la formule de péréquation, qui... La péréquation, c'est un genre de programme pancanadien où certaines provinces qui sont moins riches reçoivent des sommes d'argent qui sont forcément payées par des provinces qui ne reçoivent pas. Alors, il y a des provinces au Canada qui ont une capacité fiscale meilleure – l'Ontario entre autres, l'Alberta, la Colombie-Britannique – ces provinces-là paient, M. le Président, et, nous, on récolte. Et on récolte quoi? Le programme est à peu près de 9 000 000 000 $, 8 500 000 000 $, 9 000 000 000 $ là, et, nous, on en a pratiquement la moitié. C'est extraordinaire, hein? Le Québec reçoit la moitié de tout le programme de péréquation. Ce qui est fantastique; on est de loin le plus grand récipiendaire. Et ça, c'est bien malheureux, M. le Président, mais, le jour où le Québec se sépare, il n'y a aucune province, de l'Ontario, ou de l'Alberta, ou de la Colombie-Britannique, qui va nous envoyer un chèque de 4 000 000 000 $ pour nous dire: On s'ennuie de vous, voulez-vous revenir?

Alors, ça, il faudrait dans le budget de l'an 1 prévoir un remplacement pour ce 4 000 000 000 $ là. Ce 4 000 000 000 $ là, si on le met en perspective, c'est plus que le déficit d'aujourd'hui, plus que le déficit. C'est donc dire que... Bon, cette année on s'achemine vers un déficit de 3 200 000 000 $, là, puis on a tellement de misère à le réduire... On sait les efforts que le gouvernement doit faire pour aller chercher 1 000 000 000 $. Le gouvernement est en train de faire des efforts énormes pour aller chercher 1 000 000 000 $. Bien, dites-vous, là, que la péréquation, c'est 4 300 000 000 $, 4 400 000 000 $, et ça augmente rapidement d'ailleurs, parce que la situation du Québec se détériore, alors la péréquation augmente. Plus le Québec a des problèmes, plus la péréquation est grosse. C'est ça qui est la beauté du fédéralisme canadien: plus les finances vont bien, moins on a de péréquation; puis c'est normal, on en a moins besoin forcément, puisque ça va bien. Alors, c'est un jeu, comme ça, de vases communicants, et ça, c'est vraiment un des avantages importants de l'appartenance à la fédération canadienne.

Il y a au Canada des provinces qui, pour toute sorte de raisons, réussissent mieux que d'autres, sont mieux placées géographiquement ou ont des politiques ou... Qui sait pourquoi, M. le Président? La Colombie-Britannique est plus près du Japon et de Hong-kong que nous, je présume, elle a un climat plus agréable, elle attire des investisseurs là que, nous, nous n'attirons pas; l'Ontario, pour toutes sortes de raisons aussi; l'Alberta, on sait pourquoi. Alors, tant mieux si, dans l'ensemble canadien, il y a des parties qui jouissent d'une situation préférentielle et qui font de meilleures affaires que nous. Bien, ces gens-là ont accepté, année après année, de transférer des sommes importantes, là, aux autres. Les Provinces maritimes, par exemple, en retirent; nous en retirons – nous retirons 50 %, il faut le dire, presque 50 % – et la Saskatchewan, le Manitoba; des provinces moins bien dotées.

Alors, le jour, M. le Président, où le voeu du ministre des Finances s'accomplira, si jamais il s'accomplit un jour – et j'espère quant à moi que ce n'est pas pour demain – ce jour-là, il faudra prévoir dans le budget de l'an 1 ce 4 000 000 000 $ et quelque. Où le prendra-t-on? M. le Président, ça, j'ai peine à croire.

De toute façon, on peut toujours revenir quand même, puisqu'on parle de déficit zéro, M. le Président, sur les déficits des années précédentes. Le ministre aime bien revenir sur le déficit de l'année 1994-1995, qui est le déficit du Parti québécois, bien sûr, de 5 700 000 000 $. Est-ce que c'était le plus gros déficit de l'histoire du Québec? Bien, j'ai ici les chiffres du ministère des Finances. Ce n'est pas les chiffres de l'opposition, c'est un tableau extrait du ministère des Finances. Il fut un temps où on était là aussi. Alors, on ne nous en voudra pas. Alors, ce document-là, M. le Président, il dit que le plus gros déficit de l'histoire du Québec, ça a été le Parti québécois qui l'a fait, en 1980-1981, sous Jacques Parizeau. Ce déficit-là était tellement élevé, c'est assez incroyable, M. le Président: 3 400 000 000 $ sur un budget de revenus de 14 000 000 000 $. Il fallait le faire. 3 400 000 000 $ sur un budget de revenus de 14 000 000 000 $, c'était 4,8 % du PIB. Plus gros déficit de l'histoire du Québec.

Est-ce que le déficit de 1994-1995 était le deuxième plus gros? La réponse est non. Il y en avait un autre plus gros encore. Le déficit de l'année 1984-1985, qui, lui, a fait 3,8 % du PIB. Alors, on en conclurait que le déficit 1994-1995 était le troisième plus gros. Pas le troisième non plus, il y en avait un autre plus gros encore. C'est le déficit de l'année 1979-1980, de Jacques Parizeau, qui, lui, a fait 3,6 % du PIB: un déficit de 2 300 000 000 $ sur des revenus de 13 000 000 000 $. Évidemment, c'était beaucoup, pour des revenus de 13 000 000 000 $, de faire 2 300 000 000 $. Aujourd'hui, on a des revenus de 36 000 000 000 $. Évidemment, c'est pas mal plus élevé. Alors, le déficit de l'année 1994-1995 était le quatrième plus gros. Et, comme, M. le Président, le Parti québécois a eu sept mois de cette année-là et nous cinq, je pense qu'il doit porter la responsabilité de celui-là aussi.

(16 heures)

Alors, M. le Président, je pense que le ministre pourra dire ce qu'il voudra, les chiffres de son ministère – pas le ministère d'Ottawa ou de l'Ontario, les chiffres de son propre ministère... Et je présume qu'il doit avoir la même liste que moi. On a dû la lui donner, parce que les ordinateurs du ministère doivent rouler encore selon les mêmes... à moins qu'on ait changé les conventions comptables. Ha, ha, ha! Si on n'a pas changé les conventions comptables, M. le Président... Alors, je pourrais donner le numéro de la page au ministre, dans son cahier; on indique que finalement les trois plus gros déficits de l'histoire du Québec, les trois plus gros, ont été encourus sous un gouvernement du Parti québécois.

Alors, ceci étant dit, ça replace, M. le Président, dans une juste perspective la question des déficits, et, ceci étant dit, M. le Président, à moins que le ministre veuille ajouter quelque chose, l'article 6 pour nous, on pourrait l'adopter. Je pense que le député de...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien là, à moins que le député veuille utiliser son droit de réplique de cinq minutes après chaque intervention...

M. Landry (Verchères): Je voudrais peut-être... c'est parce qu'il y a eu des choses assez graves qui ont été dites, et puis je ne veux pas retarder non plus nos travaux, mais on ne peut pas laisser passer ça.

Le député de Laporte, d'abord, il tombe dans un piège terrible parce que son attachement matérialiste au Canada, il tend vers zéro. On fait partie du Canada parce qu'ils nous transfèrent de l'argent. Alors, vous deviez être beaucoup plus fédéraliste en 1978-1979, parce que c'était 28 %, les transferts fédéraux vers Québec. Il dit: J'aime mon pays, amenez-moi l'argent, j'ai ai 28 %. Et, après ça, ça baisse: Oh, mon pays, il est moins drôle. Mon pays est rendu à 21 %. Oh là là! Mon pays est rendu à 17 %. Pour l'année dont on parle, 1999-2000, mon pays est à 13 %. Ça, ça veut dire que les transferts fédéraux qui étaient de 30 % des revenus budgétaires du Québec en 1978-1979 sont, en 1999-2000, à 13,2 %.

Alors, votre matérialisme vous pousse vers la souveraineté. Si c'est ça, votre attachement... Alors que, nous, pour la souveraineté, ça n'a aucun rapport, parce que la courbe est inverse: on était à 50 % et on est parti de zéro virgule je ne sais pas quoi pour cent, même en comptant Barbeau puis D'Allemagne, et tout ça. Alors, si le député de Laporte me promettait qu'il est vraiment matérialiste comme il le dit et que, rendu à 13 %, il va être rendu de notre bord, bien, ce sera déjà du temps de gagné aujourd'hui, mais je ne pense pas qu'il puisse s'engager plus profondément.

Ce que le député nous dit, c'est que, nous ayant empêché de gagner notre vie, le gouvernement du Canada nous fait la charité. Et comment est-ce que qu'ils nous ont empêchés de gagner notre vie? C'est une constante épouvantable, ça fait 25 ans qu'on la connaît, ça fait 25 ans qu'on y réfléchit: les dépenses en capital du gouvernement du Canada, c'est 16 % au Québec puis on est 25 % de la population. Si simplement les dépenses en capital du gouvernement du Canada étaient égales à 25 %, notre taux de chômage serait déjà probablement celui de l'Ontario, c'est-à-dire deux points plus bas.

Un seul poste, pour les dépenses de recherche et développement, qui sont les dépenses structurantes de toute économie moderne et contemporaine, on paie nos taxes à Ottawa. Ils nous en ramènent, en recherche et développement, 15,6 %, et on est 24 %. Si ça aussi était corrigé, notre taux de chômage serait plus bas que celui de l'Ontario.

Au niveau des subventions aux entreprises, et vous avez vu quand Bombardier a reçu un 80 000 000 $, toute la presse du Canada, le Globe and Mail en tête et tous les autres, a crié, hurlé, Québec reçoit 20 % des subventions aux entreprises, et on forme 25 % de la population du Canada.

Pour les dépenses militaires, il y a un ouvrage extraordinaire qui a été publié l'an dernier. Vous vous souvenez des travaux de M. Charles Trottier, archiconnus. Un des seuls postes vraiment discriminatoires où tu peux décider à Ottawa de dépenser à un endroit ou à l'autre, c'est celui des dépenses militaires. Ajouté à ceux que je viens de donner, Québec, ça tourne autour de 12 %, 15 %, et on est 25 % de la population. L'année où Marcel Masse était ministre de la Défense nationale – il est devenu souverainiste depuis comme chacun sait – il avait réussi à monter ça à 17 %, 18 % parce qu'ils nous avaient donné un contrat d'hélicoptères. La première chose que le gouvernement a fait en étant élu, il a annulé le contrat d'hélicoptères, on est replongé à 15 %.

Donc, tout ça pour dire que, si on avait ça, c'est beaucoup plus que toute la péréquation. Et, en plus, le monde serait au travail. On n'aurait pas besoin de 0,50 $ de péréquation. Et, quand on a dit tout ça, et malgré tout ça, quand on envoie 1 $ à Ottawa, il ne nous revient même pas 1 $, malgré la péréquation. Et ça, vous le savez très bien, parce que ce qui revient de plus, c'est qu'ils l'ont emprunté. Puis ils l'ont emprunté en notre nom, puis... On n'a pas besoin des autres pour s'endetter, hein! Vous en avez fait la preuve largement.

Je donne le dernier point qui est important dans ce qu'a dit le député de Laporte, et ça, c'est très important qu'on le saisisse bien et qu'on le martèle, c'est un fait historique inéluctable. Il a fait une référence à 1979-1980. Le déficit encouru à l'époque où M. Jacques Parizeau – qu'on n'appelle plus «le député de L'Assomption» puisqu'il ne l'est plus – était ministre des Finances, il avait les moyens de le faire. Il a fait un gros déficit; il avait les moyens de le faire. L'endettement à cette époque était de 17 % du produit intérieur brut. Quand le député de Laporte nous a plongés dans les chiffres catastrophiques que l'on sait, l'endettement était à 44 % du PIB. Raisonnons au niveau d'une famille. Une famille qui doit 2 000 $ double son déficit; elle passe à 4 000 $. Disons qu'elle gagne 50 000 $ par année: c'est un gros saut, doubler son déficit puis passer de 2 000 $ à 4 000 $. Mais, si elle doit 70 000 $ et qu'elle le double et qu'elle passe à 140 000 $ et qu'elle en gagne 70 000 $, là c'est la catastrophe. Alors, c'est ça qu'il faut bien saisir, là.

Quand le député de L'Assomption de l'époque et ministre des Finances encourait les déficits que l'on sait – et je ne mets pas en question les chiffres du député de Laporte, ils viennent du ministère des Finances, comme les miens d'aujourd'hui – ce n'était pas la même chose que quand lui nous a fait un déficit, alors qu'on était endetté pour la moitié de ce qu'on produit en un an ou à peu près, pas tout à fait la moitié, 44 %. Alors, c'est dur, nos actes nous suivent – je l'ai dit en Chambre ce matin – l'oeil est dans la tombe, il regarde Caïn et il regarde le député de Laporte: ils ont commis ce déficit de 6 000 000 000 $ malgré les efforts extraordinaires du député de Crémazie pour arrêter le carnage. J'en ai mentionné, des efforts, ce matin, en Chambre. Le député de Crémazie a tout fait, il a mis les freins au maximum, la fumée montait des tambours de freins, et puis, malgré ça, on est arrivé à près de 6 000 000 000 $; heureusement, dès l'année d'après, 3 900 000 000 $; l'année qui vient, 3 200 000 000 $. Le retour à la santé. C'est dur de supporter votre passé, mais rien ne défera ce que vous avez fait. Vous n'aviez rien qu'à ne pas le faire.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. On aurait pu... Il y a deux choses qu'on peut faire ici: soit continuer à faire ce débat, qui est intéressant et éminemment instructif, ou bien on peut revenir sur le projet de loi. Alors, comme vous voudrez, on peut débattre d'une manière agréable durant tout l'après-midi, mais on a quand même un projet de loi à étudier.

Moi, je voudrais intervenir sur l'article 6, si vous me permettez. Le ministre a fait des comparaisons avec les municipalités, à juste titre d'ailleurs, qui n'ont pas le droit de faire de déficit. Mais les municipalités ont des responsabilités différentes de celles d'un gouvernement. Et il a rappelé des théories keynésiennes. Avec un article aussi rigide que celui-là – et je comprends parfaitement, on a voté en faveur des articles 2, 3, 4 et 5 – qui empêche éventuellement, en période de récession, l'État de pouvoir avoir un déficit de manière à relancer l'activité économique, est-ce que, actuellement, on ne tente pas virtuellement, en votant cet article-là, de se départir, en termes d'État québécois, de tous les moyens d'action qu'il est possible à l'État pour relancer l'emploi?

Et on refait un peu, M. le ministre, le débat qu'on a fait au moment de votre budget, dans lequel budget, oui, je suis d'accord, vous essayiez d'atteindre une réduction du déficit, mais vous aviez peu pour stimuler la croissance – et, vous avez vu, à l'heure actuelle, la croissance n'a quasiment pas ou virtuellement pas augmenté. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu – je comprends qu'il s'agit d'un projet de loi pédagogique et puis qu'il y a tout un élément pédagogique à l'intérieur du projet de loi – de faire attention?

(16 h 10)

M. Landry (Verchères): Bien, on ne s'est pas compris, mais on a du temps devant nous...

M. Gautrin: Alors, essayons.

M. Landry (Verchères): ...si je comprends bien, pour approfondir le projet, mais c'est un projet de loi véritablement keynésien. Ce n'est pas la pensée tronquée de Lord Keynes, c'est la pensée géniale de Lord Keynes, c'est-à-dire que, lorsqu'on fait un surplus, on peut faire un déficit. Il y a un article qui le prévoit en toutes lettres plus loin. Alors, ce n'est pas...

M. Gautrin: C'est sur les périodes...

M. Landry (Verchères): ...ce n'est pas de dire...

M. Gautrin: ...sur la longueur des cycles. Excusez-moi. Alors, là, on va venir là-dessus, parce qu'il n'y a pas de question... Là, vous fonctionnez sur la base de cycles annuels. Or, les cycles économiques ne sont pas nécessairement des cycles annuels.

M. Landry (Verchères): Non, mais c'est ça... Vous allez voir...

M. Gautrin: Ils peuvent être des cycles à beaucoup long terme que des cycles annuels.

M. Landry (Verchères): Vous verrez en lisant bien le projet, là qu'avec les surplus accumulés, les années où on fait des surplus, on peut encourir des déficits au besoin suivant les cycles. Puis vous avez raison de dire: Les cycles ne sont pas annuels. D'ailleurs, les cycles sont de plus en plus longs.

M. Gautrin: Bien, absolument.

M. Landry (Verchères): Je pense qu'on est au 115e mois de croissance modeste, mais non négative, alors que, quand on était à étudier le manuel de Samuelson, les cycles, c'étaient des cycles de quatre ans à peu près, puis ça allait vite, et puis c'était à peu près immuable. Alors, vous avez raison. Mais les années où on va faire un surplus, ce surplus pourra être gardé, accumulé et permettra tous les déficits qu'on voudra pour avoir un accès anticyclique quelques années plus tard.

M. Gautrin: Attendez, un instant. À quel endroit vous le dites, là? «Si le gouvernement réalise un excédent pour une année [...], il peut encourir des dépassements pour les années [...] suivantes, jusqu'à concurrence de cet excédent.»

Le Président (M. Baril, Arthabaska): À l'article 6, on parle bien que «Aucun déficit ne pourra être encouru à partir de l'année financière 1999-2000», hein, là. Donc, on ne parle pas de surplus éventuel dans cet article-là...

Une voix: C'est 8, 9 10...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, c'est ça, là. Il faudrait qu'on revienne peut-être à l'article 6, puis on en discutera, des surplus quand on arrivera aux articles qui concernent les surplus. Il y avait le député de Rousseau qui avait demandé la parole aussi.

M. Brien: M. le Président, vous voyez ma patience...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah, ça...

M. Brien: Le commentaire que j'aimerais faire sur l'article 6: Je pense que les Québécois et les Québécoises doivent réaliser que c'est un projet de loi audacieux qui demande un courage politique tout particulier. Le fait d'inscrire dans une loi un article qui dit: «Aucun déficit ne pourra être encouru à partir de l'année financière 1999-2000»... Juste rappeler les propos du député de L'Assomption, qui disait: Cesser d'emprunter pour payer l'épicerie. C'est ça, ce projet de loi là. Et puis, si on parle des consommateurs, c'est un peu comme le consommateur qui décide de mettre sa carte de crédit dans le tiroir.

Ce que j'aimerais rajouter aussi, c'est, je pense qu'il faut regarder le passé pour... On dit toujours que le passé est garant de l'avenir. Ce sont des chiffres qui ont été mentionnés souvent en Chambre, c'est qu'en 1985-1986 la dette accumulée était de 31 631 000 000 $ et puis, en 1994-1995, on était rendu à 74 465 000 000 $. Ça fait qu'en l'espace d'à peu près neuf ans on a plus que doublé la dette accumulée du Québec. C'est la raison pour laquelle un projet de loi semblable est nécessaire et, je dirais même, de toute urgence.

Étant moi-même père de famille, je pense que, pour nos enfants puis nos petits-enfants, on doit se rappeler que, si on veut leur léguer un Québec sain économiquement, bien, il est grandement temps de prendre des mesures. Et puis j'ajouterai aussi que, dans plusieurs autres provinces, des mesures semblables, c'est-à-dire des lois sur l'équilibre budgétaire, ont déjà été votées. Je regarde, par exemple, l'Alberta, le Manitoba, la Saskatchewan; la plupart des provinces canadiennes ont opté pour une loi sur l'équilibre budgétaire. Ça fait que c'étaient les commentaires que j'avais à faire au sujet de cet article.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vous remercie, M. le député de Rousseau. Il y avait le député de Crémazie aussi qui m'avait demandé la parole.

M. Campeau: Bien oui, M. le Président, j'aurais voulu répondre au député de Laporte, là, mais mon collègue le ministre des Finances l'a fait beaucoup mieux que moi. Mais je remarque que certaines choses... C'est qu'on oublie toujours, de l'autre côté, le député de Laporte, de mentionner les 29 000 000 000 $ qu'on envoie à Ottawa. C'est comme s'ils nous faisaient la charité, la péréquation. On leur envoie 29 000 000 000 $ chaque année: il faut bien qu'ils nous renvoient quelque chose, ils ne sont pas pour tout garder! Puis, à un moment donné, plus que ça: à un moment donné, ils empruntent en plus de ça. En plus de l'argent qu'on leur envoie, ils empruntent. Il faut qu'il serve à quelque chose, l'argent. Ils ne sont pas pour le jeter dans le fleuve.

L'autre point que je remarque – ça, c'est après coup, là – il y a, je dirais, une dissension entre le député de Verdun puis le député de Laporte. Je l'explique. Jusqu'ici, les commentaires du député de Laporte, c'est qu'il fallait resserrer la loi. Il fallait resserrer la loi. Et ça, je pense que le député de Laporte, là-dessus, est plus réaliste. Il dit: On va resserrer la loi, puis ça va prendre tellement de temps avant qu'on revienne au pouvoir qu'on ne pourra pas en bénéficier; on va être dans l'opposition. Le député de Verdun est plus optimiste, lui. Il essaie de vous aider, M. le ministre, à la rendre plus souple, avec plus d'ouverture, parce que, lui, il espère revenir au pouvoir assez vite.

Alors, c'est ça, la dissension entre les deux: il y en a un qui ne pense pas revenir au pouvoir, il veut que la loi soit très forte; il y en a un autre qui est plus optimiste, M. le Président. Alors, c'est ça, les commentaires que j'avais à faire pour tout de suite. Pour le reste, ce que le ministre des Finances a dit me convient parfaitement. Je ne saurais pas mieux le dire, mais c'est un peu ça que j'aurais dit.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je suis certain, M. le député de Crémazie, que votre intention, ce n'était pas de semer la zizanie dans le camp de l'opposition.

M. Campeau: Pas du tout.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, je voudrais revenir quand même... On est toujours sur l'article 6, qui parle d'un déficit zéro, là. Tout à l'heure, on a parlé du fédéral. Bon, le ministre des Finances a tenté de nous prouver que, plus les temps avancent, moins le fédéralisme est rentable, dit-il, et – enfin, ce n'est peut-être pas le mot – qu'on reçoit proportionnellement moins du fédéral. On sait que le fédéral a diminué ses transferts aux provinces, comme d'ailleurs le gouvernement du Québec fait la même chose avec les municipalités.

Mais il reste une chose quand même, M. le Président, là. Quand on regarde les documents du ministère des Finances – parce qu'on en a encore quelques-uns, les méthodes comptables n'ont pas dû changer non plus... C'est que le Québec, avec ses 25 % de la population, 24,9 %, 25 % de la population, M. le Président, envoie à Ottawa moins d'argent qu'il en reçoit. Ça, c'est dans les documents des Finances, hein. Le chiffre est autour de 23 %. On paie 23 % des impôts, puis on retire à peu près 30 % des – de toutes les sortes, là – des transferts. Alors, ça, ce n'est quand même pas si mauvais, M. le Président, là...

M. Landry (Verchères): Bien oui, c'est l'endettement.

M. Bourbeau: Ah bon. Alors, le ministre trouve toujours que ce n'est pas intéressant. Le contraire serait encore bien pire. Si, M. le Président, on payait 30 % des impôts puis qu'on recevait 23 % des transferts, là, je pense qu'il crierait encore plus. Mais disons que, dans les documents du ministère des Finances...

D'autre part, M. le Président, pour revenir à la discussion de fond, poussons à la limite l'argument ou la discussion. M. le Président, supposons qu'on en venait à une situation où le fédéral ne transférerait plus rien aux provinces, il n'y en aurait plus de programmes fédéraux du tout, il n'en resterait qu'un: la péréquation. Parce que, celui-là, il n'est pas en baisse; il est en hausse. Alors, la péréquation, il y a des ententes qui ont été prises, là, et ces ententes-là font que ce programme-là continue à augmenter et il augmente à chaque année. D'ailleurs, il est venu au secours du député de Crémazie l'année dernière avec des paiements de péréquation de centaines de millions qui n'étaient pas attendus. Quand on regarde le budget du député de Crémazie: il s'attendait à avoir 7 500 000 000 $ du fédéral et il en a eu 8 100 000 000 $, M. le Président. C'est ça qui a sauvé son année, d'ailleurs.

Et disons que la péréquation, elle, là, c'est un programme qui ne participe pas à cette réduction des transferts. La péréquation, elle, elle augmente. Et c'est le programme qui vient à part. Ce n'est pas un même programme que les autres. C'est un programme qui vient d'un transfert, en fait des autres provinces les plus riches vers les provinces les moins bien nanties. Alors, le jour, M. le Président, où le Québec se sépare, là, bon, il va rapatrier ses impôts, hein. Alors, on paie 23 % des impôts canadiens. Alors, on va rapatrier ce 23 % là; on va hériter de toutes les dépenses. Bon, ça, d'après le ministre, ça devrait s'équilibrer. Mais il y a une chose qui ne s'équilibre pas, c'est la péréquation, parce que ça ne vient pas du système tel qu'on le connaît, ça vient d'une autre poche. Ça vient des surplus des provinces les plus aisées. Ça, c'est une perte sèche, la péréquation.

(16 h 20)

On peut faire des discours sur le reste. On peut dire: On rapatrie nos impôts, on paie les dépenses d'un État souverain. Parfait! Mais le 4 200 000 000 $, là, de la péréquation, qui nous est transféré, lui, en dehors, là, M. le Président, des autres programmes, celui-là, c'est une perte sèche. Alors, le ministre a beau dire ce qu'il veut, il peut faire tous les discours, il ne sortira pas de cette logique implacable que la péréquation, c'est un programme qui va être une perte sèche pour le Québec en cas de séparation du Québec.

Alors, M. le Président, je pense que ça vaut la peine d'y réfléchir, mais, si le ministre maintient quant à lui qu'il veut faire un déficit zéro, bien, je pense qu'il va avoir besoin de la péréquation en l'an 2000 s'il veut arriver au déficit zéro, parce que, sans la péréquation, c'est 4 400 000 000 $ de plus, M. le Président, en partant.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon. Est-ce que vous seriez prêts à adopter l'article 6?

M. Gautrin: Moi, M. le Président, encore, je vais voter en faveur de l'article 6 pour des raisons pédagogiques. Mais je ne voudrais quand même pas non plus rentrer dans ce qui est le discours qui semble le discours à la mode actuellement, où on essaie de bannir tous les déficits. Il est clair que les déficits sont à bannir dans les périodes où la croissance est relativement très faible ou va se maintenir sur une croissance très faible et où l'augmentation de la dette a été bien plus importante que l'augmentation comme telle de l'activité économique ou du produit intérieur brut.

Si on était en situation contraire, inverse, c'est-à-dire où on a une forte croissance de l'économie, on peut tolérer à ce moment-là un déficit à partir du moment où le rapport entre le service de la dette – si les taux d'intérêt sont faibles – et la croissance du PIB est... l'un est plus petit que l'autre. Alors, M. le Président, moi, je veux bien voter sur l'article 6, parce que c'est pour l'année 1999-2000 et puis, bon, c'est dans quatre ans et que les tendances lourdes n'auront pas changé, mais, en faire un dogme imbattable, etc., et revenir en arrière et dire qu'en période de forte croissance économique le déficit n'était pas justifié, on pourrait débattre longtemps autour de cette question. Alors, M. le Président, on peut voter sur l'article 6.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Donc, l'article 6 est adopté. J'appelle l'article 7.

M. Landry (Verchères): Bon. Alors, avant que nous ne travaillions cet article 7, j'aurais un amendement, M. le Président, à proposer, qui est un amendement de concordance. On demande de modifier l'article 7 par le remplacement, à la troisième ligne et après le mot «articles», du chiffre «10» par le chiffre «9», car, en effet, si vous voyez l'article 9, il dit précisément que «si le gouvernement réalise un excédent pour une année financière, il peut encourir des dépassements pour les années financières suivantes, jusqu'à concurrence de cet excédent», tandis que l'article 10, lui, il parle plutôt des circonstances où...

M. Gautrin: Donc, on a adopté l'article 6. C'est ça, hein? Oui.

M. Landry (Verchères): On a adopté l'article 6, et là je vous soumets un amendement à l'article 7.

M. Gautrin: Compte tenu des côtés pédagogiques de l'affaire.

M. Landry (Verchères): Alors, suivant cet article, le ministre des Finances sera tenu de présenter à l'Assemblée nationale des prévisions budgétaires qui seront conformes aux montants de déficits budgétaires tels qu'établis aux articles 3 à 6, et je demande donc que mon amendement soit reçu.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon. L'amendement est recevable. En tous les cas, là, ça ne change rien à... Bien... Est-ce que les membres sont prêts à parler sur l'amendement ou s'ils l'acceptent ou... M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Bien, je ne veux pas parler avant le ministre. Est-ce que le ministre a terminé sa présentation, là?

M. Landry (Verchères): Oui. Bien, je peux élaborer, mais je vous l'ai dit, c'est un article de concordance avec l'article 9. L'article 7 indique que les prévisions budgétaires doivent être conformes aux montants de déficit fixés dans la loi, sauf dans les cas de dépassement. Les prévisions budgétaires peuvent alors montrer un dépassement par rapport à l'objectif de déficit. L'amendement à 7 est de concordance avec 9: 9 permet d'utiliser des surplus ou des excédents réalisés au cours des années antérieures pour compenser un déficit ou un dépassement anticipé au cours d'une année donnée. Alors, l'amendement permettra de présenter des prévisions budgétaires montrant un dépassement par rapport à l'objectif de déficit si le gouvernement a déjà réalisé un excédent d'un montant équivalent dans le passé. C'est toute la mécanique que nous avons discutée précédemment, mais mise en application.

M. Bourbeau: M. le Président, pour accepter l'amendement du ministre, il faudrait qu'on soit d'accord avec les articles 8, 9 et 10, et c'est là qu'on a un problème.

Le problème, c'est que le ministre nous dit, à l'article 7: Je vais déposer des prévisions... Est-ce qu'on a voté l'article 6?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui.

M. Landry (Verchères): L'article 6, on l'a voté.

M. Bourbeau: À l'article 7, le ministre nous dit: Je vais faire des prévisions budgétaires qui vont être conformes à l'objectif de déficit qui a été établi aux articles 3, 4, 5 et 6, c'est-à-dire une réduction graduelle du déficit, année après année, jusqu'à un équilibre budgétaire en l'an 1999-2000. Je vais déposer des prévisions budgétaires conformes à ça, sauf s'il y a des problèmes. Sauf s'il y a des problèmes, et ces problèmes-là, on va en parler aux articles 8, 9 et 10. Et ces problèmes-là, M. le Président, prévoient que le gouvernement effectivement pourra faire des déficits. Et c'est là qu'on commence à mettre en doute la volonté du gouvernement de vouloir atteindre l'équilibre budgétaire et de le conserver.

Moi, je pense que, quand la conjoncture est bonne, le gouvernement doit aller au-delà de l'équilibre budgétaire et doit faire des surplus. Je pense que, si on veut, sur une période de temps, se maintenir au point zéro, il ne faut pas aller au maximum au point zéro, parce que, à ce moment-là, dès que la conjoncture va se détériorer, on va tomber dans des situations de déficit. Alors, il faut aller au-delà du point zéro, c'est-à-dire qu'il faudrait aller théoriquement à 1 000 000 000 $ de déficit, en haute conjoncture, pour que éventuellement, si la situation se détériore, on puisse tranquillement laisser filer et retomber au point zéro, et peut-être éventuellement un déficit de 1 000 000 000 $, ce qui donnerait au gouvernement, disons, une fourchette de 2 000 000 000 $ pour tenter de «weather the storm», comme on dit en anglais, de pouvoir passer à travers l'orage.

Bon, moi je n'ai pas de difficulté à ce que le gouvernement fasse des surplus. Au contraire, je souhaite que, dans les budgets après l'an 2000, on prévoie des surplus. Mais la question, c'est: Qu'est-ce qu'on fera avec ces surplus? C'est ça, la question. Moi, je suis d'accord avec le principe qu'on devrait budgéter pour faire des surplus en période de haute conjoncture. Est-ce que, ces surplus-là, on doit dire: Bien j'ai fait un surplus, maintenant profitons-en, l'an prochain je peux faire un déficit, parce que je peux financer le déficit de l'an prochain avec un surplus? Moi, je ne pense pas que c'est une bonne idée. Je pense que, quand il y a un surplus, on le prend puis on l'applique en réduction de la dette tout de suite. Ça, c'est mon point de vue. Et ça, ça n'enlève pas au ministre la possibilité de quand même combattre les déficits, parce que, si, dans une année donnée, on a fait un surplus, c'est donc qu'on a prévu des revenus qui excédaient les dépenses de, disons, parlons de 1 000 000 000 $ O.K.? Alors c'est donc que, dans une année donnée, on a prévu des revenus qui excèdent les dépenses de 1 000 000 000 $. L'année suivante, quand on...

M. le Président, ça ne donne rien de dire un mot, il n'y a personne qui écoute.

M. Gautrin: Si, je vous écoute, moi. Je vous écoute avec intérêt d'ailleurs.

M. Bourbeau: Oui, mais je ne veux pas entretenir un dialogue de sourd avec le ministre ou avec ses adjoints, M. le Président, sans ça, on n'en sortira pas. Alors je vais attendre que la paix soit revenue.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien je pense que vous pouvez y aller là, c'est revenu. C'est parce que...

M. Bourbeau: Je n'ai pas de difficulté, M. le Président, je comprends très bien que le ministre peut discuter avec ses adjoints; je l'ai fait moi-même quand j'étais là, et il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah! oui, c'est normal. C'est normal.

M. Bourbeau: On peut faire une pause, là. Alors, le propos que je tiens – et j'aimerais que le ministre m'écoute bien – c'est que, quand on fait un surplus dans une année donnée, c'est donc qu'on a budgété d'une façon telle que les revenus ont excédé les dépenses. Bon. Tant mieux. Cette situation-là, elle est saine et elle existe en fin d'année quand on constate que le gouvernement a bien budgété et que ça s'est réalisé tel que prévu.

C'est une chose de dire: Je prends le surplus et je le garde pour financer mon déficit de l'an prochain. C'est une autre chose de prendre le surplus puis de l'envoyer en réduction de la dette. Je soumets qu'on devrait l'envoyer en réduction de la dette pour aider à réduire la dette, d'une part, et alléger le fardeau fiscal. Et, d'autre part, je dis qu'on en n'a pas besoin. On en n'a pas besoin parce que la situation budgétaire du gouvernement est positive à ce moment-là. Le gouvernement ayant fait un surplus dans une année donnée, il prépare son budget de l'année suivante à partir d'une position excédentaire. Ça lui donne donc une marge de manoeuvre; il l'a, la marge de manoeuvre en vertu du fait qu'il a, l'année précédente, réussi à faire un surplus.

Alors, il pourrait, dans le budget de l'année suivante, rétablir les équilibres sans utiliser les fonds. C'est une chose, utiliser les fonds; c'est une autre chose, M. le Président, que de budgéter. Alors, moi, je ne vois pas pourquoi le gouvernement, à l'article 8 par exemple... C'est parce qu'on veut faire en sorte qu'un surplus puisse être utilisé en réduction d'un déficit de l'année suivante. Ça m'apparaît être une attitude déficitaire, M. le Président, négative. On anticipe déjà un déficit. On dit: Dès qu'on va avoir un surplus, M. le Président, dépêchons-nous, on va le dépenser l'année suivante et on va le prévoir à l'article 8. Il y a un dépassement, tant mieux; on pourra, surtout en année électorale, M. le Président, le dépenser. Ça vaut autant pour nous quand nous serons là que pour le Parti québécois lorsqu'il est là. Alors, moi, je trouve que...

(16 h 30)

Une voix: ...

M. Bourbeau: On verra, on verra. Alors, M. le Président, on légifère pour l'avenir. Et, moi, je pense qu'un surplus ne devrait pas être destiné à financer le dépassement de l'année qui suit. Tu sais, ça ne m'apparaît pas être une bonne façon. Alors, dans la modification qu'on nous propose ici, on nous dit: Le chiffre 10 par le chiffre neuf. Bon, alors, les prévisions... L'article, si on l'adoptait, se lirait comme suit: «Les prévisions budgétaires déposées à l'Assemblée nationale doivent être conformes aux dispositions des articles 3 à 6 – ça, c'est la réduction du déficit – sauf dans les cas prévus aux articles 9 à 12.»

M. Landry (Verchères): C'est bien ça. S'il est amendé, c'est ça.

M. Bourbeau: Alors, l'article 9, qui était exclu auparavant, va être inclus maintenant dans ce...

M. Landry (Verchères): C'est ça.

M. Bourbeau: ...dans cet article 7 là. Et cet article 9, au moins qu'on regarde ce que ça signifie, M. le Président, parce que c'est l'essence même, ça. L'article 9 nous dit que «si le gouvernement réalise un excédent pour une année financière, il peut encourir des dépassements pour les années financières suivantes, jusqu'à concurrence de cet excédent».

M. Landry (Verchères): Il peut, évidemment.

M. Bourbeau: Il peut, oui. Alors, j'ai expliqué tantôt pourquoi, selon moi, M. le Président, on ne devrait pas introduire cette philosophie-là dans le projet de loi. Je ne pense pas que ça soit une bonne chose. Je pense qu'on devrait plutôt dire que, si le gouvernement réalise un excédent, cet excédent-là doit être porté en réduction de la dette, et, étant divergent philosophiquement du ministre sur cette question-là, il est bien évident que l'amendement, M. le Président, ne semble pas devoir être accepté par l'opposition.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon, est-ce qu'il y a d'autres personnes qui veulent parler sur l'amendement ou bien si j'appelle l'adoption de l'amendement tel que déposé par le ministre? Donc, il n'y a pas d'autres intervenants? Est-ce que vous demandez le vote, M. le député de Laporte?

M. Bourbeau: Oui.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, bon, M. le secrétaire, si vous voulez procéder...

M. Bourbeau: Peut-être que j'ai convaincu des membres du gouvernement, M. le Président, avec mon argumentation; on ne sait jamais.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...au votre sur l'amendement proposé par le ministre des Finances.

Le Secrétaire: M. Landry (Verchères)?

M. Landry (Verchères): Pour.

Le Secrétaire: M. Brien (Rousseau)?

M. Brien: Pour.

Le Secrétaire: M. Côté (La Peltrie)?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député, on est à l'étape du vote sur l'amendement présenté par le ministre.

M. Côté: Ah! Je suis pour, je suis pour, je suis pour.

Le Secrétaire: M. Campeau (Crémazie)?

M. Campeau: Pour.

Le Secrétaire: M. Bertrand (Charlevoix)?

M. Bertrand (Charlevoix): Pour.

Le Secrétaire: M. Bourbeau (Laporte)?

M. Bourbeau: Moi, je suis contre, M. le Président.

Le Secrétaire: M. Baril (d'Arthabaska).

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Abstention. Donc, l'amendement est adopté à cinq pour, un contre et une abstention. Donc, est-ce qu'on peut revenir à l'étude de l'article 7 tel qu'amendé? Est-ce qu'il y a des membres qui demandent à discuter sur l'article 7?

M. Bourbeau: À l'article 7, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui.

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais proposer un amendement à l'article 7, qui dirait ceci: L'article 7 du projet de loi n° 3 est modifié par le retranchement des mots «sauf dans les cas prévus aux articles 10 à 12».

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Là, il faudrait que vous mettiez «9 à 12».

M. Bourbeau: Ah! 9 à 12 plutôt, oui, 9 à 12, je m'excuse; 9 à 12 parce qu'il y a un amendement, oui. «Sauf dans les cas prévus aux articles 9 à 12».

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Si vous voulez nous expliquer le pourquoi de votre amendement, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Bien, je voudrais savoir s'il est recevable.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, oui. Il est recevable, il est recevable. Je vais vous éviter de parler longuement sur la recevabilité.

M. Bourbeau: Bon, O.K. Alors, M. le Président, la raison de cet amendement-là est, bien sûr, que nous pensons, je pense... Ha, ha, ha! que les prévisions budgétaires qui sont déposées annuellement à l'Assemblée nationale devraient prévoir la réduction du déficit année après année de façon à ce qu'on en soit au déficit zéro en l'an 2000. Avec les dispositions des articles 9, 10, 11 et 12, M. le Président, je suis loin d'être convaincu que le gouvernement s'achemine vers un déficit zéro en l'an 2000. Les articles dont on parle sont des articles qui prévoient toute une mécanique, mécanique qui pourra être utilisée par le gouvernement pour faire des dépassements et pour faire des déficits. On prévoit, à l'article 10 par exemple, que, si le gouvernement encourt un dépassement qui excède 1 000 000 000 $, il pourra répartir le remboursement de ce dépassement-là sur une période de cinq ans. Puis, si en cours de route, par hasard, on fait un autre dépassement qui excède 1 000 000 000 $, on pourra, lui aussi, le répartir sur une période de cinq ans. De sorte qu'on ajoute comme ça... on pourra, année après année, ajouter des étages, littéralement, là, des couches de peinture sur la dette, et ces excédents-là, répartis sur cinq ans les uns après les autres, vont ajouter continuellement au déficit, et on risque de se retrouver dans le cercle infernal, encore, des déficits à répétition.

Alors, moi, je veux aider le gouvernement, dans le fond, c'est l'objet de ma motion, à prouver qu'il est sérieux dans son objectif de faire en sorte non seulement d'atteindre le déficit zéro en l'an 2000, mais de rester en situation équilibrée et, encore mieux, en situation d'excédent budgétaire. Alors, c'est, M. le Président, l'objet de la modification que je propose, et j'aimerais bien que le ministre se rende à mon argumentation.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Laporte. Maintenant, on va entendre le ministre, voir s'il a bien...

M. Landry (Verchères): Bon, c'est ça, ça va être assez bref, M. le Président. Il y a des exceptions à toutes les règles. La règle, c'est que le député de Laporte travaille avec nous sérieusement à améliorer les lois, puis il travaille de bonne foi, et là sa bonne foi a été surprise, ou son inattention l'a emporté sur son degré de concentration: c'est une blague, son amendement, je le regrette. Je lui dis en toute amitié, d'ailleurs, parce qu'il nous a habitués à des choses sérieuses. Souvent, il nous fait réfléchir profondément, mais là il sait lui-même que ça n'a pas de bon sens.

Ça voudrait dire que, quelles que soient les circonstances, il faudrait que le déficit soit zéro. Qu'est-ce qu'il dit, l'article 10? «Une catastrophe ayant un impact majeur sur les revenus et les dépenses...» Alors, disons le Saguenay–Lac-Saint-Jean multiplié par trois ou quatre, là – des incendies, ou des tremblements de terre, ou Dieu sait quoi, un tremblement de terre majeur sur Montréal, disons, qui est une zone sismique à risque – lui, il dit: Non, c'est comme s'il ne s'était rien passé. «Une détérioration importante des conditions économiques...» Je le dis, on est dans le 107ième ou 108ième mois de croissance continue. Avant, ça ne dépassait jamais 50, 60 mois, les cycles s'allongent, mais, à un moment donné, ça va finir, hein. C'est le propre d'une économie capitaliste, à un moment donné, de passer à la croissance négative, c'est-à-dire qu'on passe sous zéro. Ce n'est pas déshonorant, les économies les plus solides de la terre y arrivent. Mais, quand une chose comme ça arrive, le gouvernement doit en prendre acte.

Et, le troisième, bien, c'est encore pire, parce que, là, le député de Laporte se laisse emporter par je ne sais quelle passion politique. Il nous mettrait, pieds et poings liés, aux mains du gouvernement du Canada. Là, ils nous ont pelleté 5 000 000 000 $ ou 6 000 000 000 $ au cours des dernières années; ils nous repelletent 5 000 000 000 $ ou 6 000 000 000 $, et puis le député de Laporte voudrait nous figer... tu sais, un boxeur attaché dans le coin de l'arène, et puis: Frappez sur moi.

Encore une fois, je le dis en toute simplicité: le député de Laporte nous avait habitués à des amendements d'une plus haute qualité. À moins qu'il y ait quelque stratégie politique. Évidemment, je ne veux pas mettre en cause ni son intelligence ni son intégrité, et, des fois, la stratégie politique conduit à faire des choses qu'on ne ferait pas dans d'autres circonstances. J'espère que c'est ça qui est ton excuse, ou d'autre chose du même genre. Parce que, franchement, je le redis sans agressivité, cette chose-là est d'un degré de pertinence zéro, comme le déficit.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte voudrait reprendre la parole?

M. Bourbeau: M. le Président, le ministre des Finances développe l'habitude de parler sans réfléchir. C'est bien malheureux, parce qu'il parle beaucoup, mais il écoute peu. Il a beaucoup de certitudes, mais peu de doutes. Alors, moi, je conseillerais au ministre des Finances d'écouter avant de se lancer dans des tirades comme celle qu'il vient de nous servir. M. le Président, si le ministre avait réfléchi avant de parler, il aurait constaté que ce que le député de Laporte a proposé, ce n'est pas ce que le ministre vient de dire. Alors, j'espère que le ministre va maintenant écouter un peu mieux, là.

(16 h 40)

Voyez-vous, dans l'amendement qu'on a fait, on n'a pas inclus l'article 8, l'article 9 seulement. Or, l'article 8, qu'est-ce qu'il dit – il est maintenu: «Si un dépassement de moins de 1 000 000 000 $ est constaté...» La proposition que j'ai faite, M. le Président, n'empêche pas un dépassement. Personne ne peut empêcher un dépassement; c'est une chose qu'on constate après coup.

Alors, il y a une différence entre faire des prévisions budgétaires – le ministre doit savoir ça, lui qui a fait des études assez poussées – puis faire un dépassement. La prévision, elle se prévoit; mais le dépassement, M. le Président, c'est un fait qu'on constate après coup. Alors, on pourrait très bien dire que le gouvernement est obligé de faire des prévisions budgétaires équilibrées; c'est ça que j'ai en tête. Mais un dépassement, ça peut arriver, il n'y a personne qui peut le prévoir. S'il arrive, comme le ministre l'a dit, la catastrophe du Lac-Saint-Jean ou quoi que ce soit d'autre, ça, M. le Président, ça va amener quoi? Ça va amener un dépassement qu'on constatera en fin d'année. Et là, on vivra avec le dépassement puis on fera des choses. Mais au point où on en est présentement, on est à l'article 7, c'est les prévisions budgétaires, puis c'est autre chose. Ça, si dans des prévisions budgétaires on commence à faire des dépassements dans les prévisions budgétaires, là il y a un problème.

Venant du milieu municipal, comme le ministre parlait tantôt, les municipalités savent qu'elles ne font jamais de prévisions budgétaires déficitaires. Elles peuvent faire des dépassements, on en voit, mais elles savent quoi faire avec les dépassements, M. le Président: ça devient la première dépense du budget de l'année suivante. C'est ça, la règle d'or dans le domaine municipal. Si le gouvernement fait un dépassement de 1 000 000 000 $, dans l'année suivante, sa première dépense, c'est son dépassement et il budgète en conséquence.

Alors, si j'avais, dans ma modification, M. le Président, dans mon amendement, inclus l'article 8, le beau discours du ministre aurait peut-être un sens. Mais, M. le Président, comme l'article 8 n'est pas dans mon amendement, le discours du ministre n'a pas plus de sens que celui qu'il me prêtait.

Je reviens, M. le Président, à mon propos. Ce que je dis, c'est qu'on pourrait très bien prévoir que le gouvernement soit obligé de faire des prévisions budgétaires équilibrées, année après année, et cela, M. le Président, ne préjuge pas des résultats de l'année. Les années peuvent se suivre et ne pas se ressembler. On peut, à la fin de l'année, se retrouver avec des résultats qui sont positifs, qui démontrent un surplus – tant mieux, on verra ce qu'on en fera – et on peut aussi, à la fin de l'année, arriver avec des résultats qui démontrent un dépassement. Et, à ce moment-là, il y a des articles qui vont suivre et qu'on pourra voir. Voilà, M. le Président.

M. Landry (Verchères): Le député de Laporte ajoute à ma désolation. J'étais déjà assez désolé de voir son amendement, là je trouve qu'avec son intervention il se cale. Parce que c'est comme s'il disait: Détruisez vos radars, détruisez vos sonars, détruisez tous vos appareils de navigation, les GPS et les autres, puis foncez sur les récifs.

Les trois points qui sont là, s'ils n'étaient pas anticipés convenablement dans le discours du budget – qui est un exercice essentiellement prévisionnel, parce que les choses se passent dans les 12 mois qui suivent son prononcé, à peu près – cet exercice n'aurait plus aucun sens.

Disons une catastrophe ayant un impact majeur sur les revenus, on ne parle pas du moment où a eu lieu la catastrophe, parce qu'on est obligé de... on ne sait pas exactement, actuellement, combien va nous coûter la catastrophe du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Elle a eu lieu à un jour donné, on ne peut plus prévoir, c'est un fait qui est derrière nous, mais il faut anticiper ce que ça va nous coûter, puis si le gouvernement du Canada va payer tant ou s'il ne payera pas – puis ça, c'est le cas le plus tangent. Quant aux deux autres, bien, si le ministre des Finances n'est pas capable au moins de tenter de faire des prévisions économiques et de tenter de prévoir si, dans l'exercice dont il s'agit, on va entrer en récession ou si on va avoir une croissance de 2 % ou 3 %, ça ne vaut pas la peine de faire un discours du budget.

L'intervention du député de Laporte est plus absurde, d'une certaine manière, que son amendement, parce que, devant les faits, les faits sont là, on doit en prendre acte; mais, devant les faits à venir, on tente modestement de faire des conjectures et de prévoir, et ce serait nier les 50 ans de l'évolution de la science économique, qui essaie de voir venir. Si on ne doit plus faire ça dans les budgets, c'est une révolution démocratique très importante. Il n'y a plus de gouvernements qui vont faire de budget parce qu'ils vont dire: On n'ose pas avancer la moindre prévision. Alors, on va s'en aller comme ça et on verra après.

Le troisième point également est dramatique. Parce que je lui ai dit, en lui montrant un tableau tout à l'heure, que les transferts fédéraux s'en allaient à 13 %. Pourquoi est-ce que je peux dire ça? Parce qu'ils sont annoncés, ils sont parfaitement prévisibles. Si, par ailleurs, le gouvernement du Canada change de politique radicalement, ce qui peut arriver aussi, on va être obligés de s'ajuster, on va être obligés de modifier nos prévisions précisément.

Ce n'est pourtant pas l'heure tardive parce qu'on est encore en séance d'après-midi. Je ne comprends vraiment pas le sens des deux dernières interventions ni de l'amendement. J'espère que la journée sera plus fructueuse à notre prochaine rencontre.

M. Bourbeau: M. le Président, absurdes pour absurdes, les propos du ministre sont aussi absurdes que ceux qu'il me prête et, si le ministre veut s'engager dans ce genre de discours là, M. le Président, ça va durer longtemps parce que, s'il y a quelque chose qui m'apparaît absurde, ce sont les mots que prononce le ministre.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Messieurs les membres de la commission, j'allais justement vous inviter à continuer de la même façon que les travaux avaient commencé.

M. Bourbeau: Vous noterez, M. le Président, que c'est le ministre qui a commencé ce genre de discours.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je ne fais pas plus référence à vous qu'au ministre. Non, non. Je ne fais pas plus référence plus à l'un qu'à l'autre.

M. Bourbeau: Moi, je fais référence au ministre.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, mais c'est parce que je pense que, pour utiliser un mot connu, il y a eu des tirades de chaque bord de la table, et j'aimerais ça qu'on revienne à un débat plus harmonieux, disons, comme on avait commencé au début.

M. Bourbeau: Moi, ça m'est égal.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je sais que vous êtes capables de la faire.

M. Bourbeau: Je n'ai pas employé en aucune façon de mots blessants pour qui que ce soit, M. le Président. Si le ministre veut commencer ce petit jeu là, ça va durer, M. le Président, le temps que ça durera. Moi, ça m'est égal.

M. Landry (Verchères): Je n'ai pas employé de mots blessants non plus. Au contraire, j'ai été plutôt flatteur pour le député de Laporte. J'ai dit que d'habitude il est bon et qu'il lui arrive d'avoir des faiblesses humaines.

M. Bourbeau: Tout ce que je peux dire, M. le Président, c'est que le ministre a bâti un projet de loi qui s'inspire d'une philosophie qui n'est pas la mienne. C'est une philosophie qui dit: Dans les meilleures années, en haute conjoncture, on va équilibrer le budget et, dans les mauvaises conjonctures, on va remettre en vigueur le mécanisme de déficit par-dessus déficit, on va étaler dans le temps – l'article 10 le prévoit – et plus d'une fois si nécessaire, les déficits que l'on fera. Je ne suis pas de cette école-là, M. le Président. Moi, je suis d'une école qui pense que, en haute conjoncture, on doit faire des surplus. Dans les budgets du gouvernement du Québec, on devrait prévoir des postes qu'on appelle la «réserve» et, si, par exemple, dans le budget de l'an 2001 le gouvernement du Québec, ayant atteint l'équilibre budgétaire l'année précédente, avait un poste qui dirait: Réserve, 1 000 000 000 $, par exemple, ça, ça équivaut à la réserve dont on aurait besoin pour la mauvaise conjoncture. Si l'année suivante, le gouvernement voit son équilibre perturbé de 1 000 000 000 $, il est encore en équilibre budgétaire forcément, puisqu'il avait 1 000 000 000 $ de réserve. Si le coup est à ce point dur que c'est 2 000 000 000 $, là il fait un dépassement de 1 000 000 000 $, mais l'article 8 s'applique, qui dit que ce dépassement devient la première dépense de l'année suivante.

C'est comme ça, M. le Président, que j'entrevois la suite des choses. Le ministre peut bien continuer son discours et abreuver l'opposition ou le député de Laporte de toutes les injures dont il est capable, son point de vue en est un, c'est un point de vue de professeur d'école, M. le Président, qui a beaucoup lu, mais qui a peu pratiqué. J'ai une philosophie différente, et c'est celle-là que j'essaie de véhiculer ici. Le ministre dira ce qu'il veut, M. le Président, ce n'est pas avec ses injures et ces absurdités dont il nous abreuve qu'il va faire avancer le débat.

M. Brien: À l'approche du temps des Fêtes, je pense qu'on se doit de faire des débats dans un état de paix et de sérénité.

Une voix: C'est vrai, ça.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte, vous avez fini? Vous avez terminé votre intervention?

M. Bourbeau: M. le Président, pour l'instant, oui. On va voir ce que ça va donner.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui veulent parler sur l'amendement proposé par le député de Laporte? Sinon je mettrai aux voix la motion du député de Laporte. M. le secrétaire, si vous voulez procéder.

Le Secrétaire: M. Bourbeau (Laporte)?

M. Bourbeau: En faveur.

Le Secrétaire: M. Landry (Verchères)?

M. Landry (Verchères): Contre.

Le Secrétaire: M. Brien (Rousseau)?

M. Brien: Contre.

Le Secrétaire: M. Côté (La Peltrie)?

M. Côté: Contre.

Le Secrétaire: M. Campeau (Crémazie)?

M. Campeau: Contre.

Le Secrétaire: M. Bertrand (Charlevoix)?

M. Bertrand (Charlevoix): Contre.

Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?

(16 h 50)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Abstention.

Un pour, cinq contre et une abstention. Donc, l'amendement du député de Laporte est rejeté. Donc, on revient à l'étude de l'article 7 tel qu'amendé par le ministre. Est-ce qu'il y a des membres qui veulent continuer la discussion sur l'article 7 tel qu'amendé ou si vous êtes prêts à l'adopter?

M. Bourbeau: M. le Président, l'article 7, c'est bien l'article qui parle des prévisions budgétaires qui sont déposées à l'Assemblée nationale à chaque année et qui doivent être conformes au plan de réduction du déficit que le ministre nous a proposé.

Ce plan de réduction, vous vous en souvenez, M. le Président, prévoit que le déficit devra, année après année, être réduit, pour l'année courante, à 3 275 000 000 $. On verra ce que ça va donner, M. le Président. Les temps sont durs. On peut quand même constater une chose, c'est que le gouvernement prétend qu'il a beaucoup de difficultés à atteindre l'équilibre budgétaire pour l'année courante, mais on doit dire, M. le Président, que, vraiment, le gouvernement est responsable de sa propre turpitude dans ce cas-ci.

Quand on voit un gouvernement qui prétend manquer de revenus, qui veut piger dans le fonds de pension de ses fonctionnaires pour en arriver à équilibrer le budget de l'année courante et que c'est le même gouvernement qui, l'année dernière, il y a moins d'un an, abolissait la loi 102, ce qui le privait littéralement de 200 000 000 $ par année, qui a annoncé une augmentation des salaires de ses employés, de la masse salariale du gouvernement, de 1 % au 1er janvier – 1 % de 20 000 000 000 $, ça ne doit pas être loin de 200 000 000 $ – 1 % l'année suivante... Et ça, ça s'additionne, M. le Président, c'est récurrent, hein. Alors, ce n'est pas 200 000 000 $ par année: c'est 200 000 000 $ la première année, c'est 400 000 000 $ la deuxième, c'est 600 000 000 $ la troisième. Comment peut-on, M. le Président, d'une façon sérieuse – puis le gouvernement prétend être sérieux, le ministre des Finances prétend avoir un gouvernement qui est responsable – d'un côté, annoncer des augmentations de salaire à ses fonctionnaires de 600 000 000 $ au bout de trois ans – le coût au gouvernement – et arriver après ça puis dire aux mêmes fonctionnaires: Bien, je regrette, là, je n'étais pas au courant, il manque de l'argent, j'avais mal prévu?

M. le Président, c'est quoi, ça? C'est de l'improvisation? C'est un gouvernement qui ne savait pas d'avance qu'il manquerait d'argent? Impossible, M. le Président. Les équilibres financiers sont là depuis toujours. Ils étaient là en 1994. C'est que le gouvernement savait fort bien – c'est ça, la vraie raison – qu'avant le référendum il fallait tenter, autant que possible, de s'attirer la complaisance des fonctionnaires de la fonction publique. Il y en a 400 000. Alors, on a fait le coup, le même coup qu'en 1982, exactement la même chose, M. le Président.

Si on retournait en 1981-1982, M. le Président, c'est une copie conforme. Comme on disait autrefois, c'est une copie carbone, une copie carbone de 1982. Le gouvernement arrive avant le référendum, promet un Eldorado, M. le Président, à ses fonctionnaires, puis, après le référendum, devant la situation telle qu'elle existe, vient leur dire: Je regrette, je n'avais pas les moyens, je n'aurais pas dû. Vous avez voté pour, vous avez voté contre, mais ça n'a pas été suffisant. On n'est pas indépendants, donc il faut que vous payiez. Et il dit aux fonctionnaires: Bien là, nous allons maintenant tenter de reprendre ce qu'on vous a donné.

M. le Président, moi, vraiment, j'ai de la difficulté à verser des larmes quand je regarde la situation dans laquelle se trouve le gouvernement. Le gouvernement s'est mis lui-même dans cette position-là. Si le gouvernement n'avait pas fait ce geste, M. le Président, inqualifiable d'aller faire des cadeaux à ses fonctionnaires quand il n'en avait pas les moyens, aujourd'hui il ne serait pas en train de tenter de vouloir piger dans le fonds de pension des fonctionnaires pour financer ses équilibres budgétaires.

M. le Président, c'est bien malheureux à dire, mais le gouvernement a bien d'autres choses qu'il pourrait faire. Le gouvernement pourrait, par exemple, avoir le bénéfice de revenus accélérés, de revenus accrus. Un des problèmes du gouvernement actuellement, c'est que les revenus, M. le Président, semblent baisser par rapport aux prévisions. Le ministre l'a reconnu lui-même, d'ailleurs, dans sa synthèse des opérations financières du 30 septembre: les revenus du gouvernement sont en chute par rapport aux prévisions. Or, c'est assez étrange qu'il en soit ainsi. Comment se fait-il qu'il semble qu'il ne soit qu'au Québec que les revenus chutent par rapport aux prévisions? On regarde les synthèses des opérations financières des autres provinces et on ne voit pas des chutes semblables. Je pourrais sortir, M. le Président, la synthèse des opérations financières des autres provinces canadiennes – enfin un certain nombre que j'ai vues, je ne les ai pas toutes vues, mais je le ferai éventuellement – et il semble, M. le Président, que, dans les autres provinces canadiennes, on n'ait pas ce phénomène de revenus qui périclitent par rapport aux prévisions. Alors, pourquoi est-ce que, au Québec, les revenus du gouvernement semblent péricliter beaucoup plus qu'ailleurs – en fait, ailleurs ils ne semblent pas péricliter – et qu'est-ce qui fait que le Québec est distinct des autres à ce chapitre-là? Moi, je me pose la question. J'espère que le ministre va pouvoir nous donner des renseignements là-dessus, M. le Président.

Parce que ça me perturbe beaucoup de savoir que, au Québec, on a un problème important de revenus. Puis, quand on veut réduire le déficit comme on le propose, M. le Président, dans le projet de loi, hein, les prévisions budgétaires – là, à l'article 7, on parle de prévisions budgétaires – bien là, on parle de déficit, on parle de revenus ou de déficit, on parle de dépenses et de revenus. Et, M. le Président, il semble qu'au Québec on ait un sérieux problème de revenus. Quand on veut réduire un déficit, là, il faut travailler de deux façons: il faut réduire les dépenses, mais aussi il faut avoir le bénéfice de revenus qui augmentent. Ce n'est pas possible, c'est surhumain que de réduire un déficit en ne travaillant que sur les dépenses. Il faut pouvoir bénéficier aussi de l'apport de revenus additionnels. Mais pas des revenus générés par des taxes nouvelles, là; des revenus générés par une économie qui grandit, une économie qui augmente.

Et, M. le Président, au Québec, il semble qu'on fasse bande à part. On serait, semble-t-il, à moins que le ministre puisse me donner des statistiques différentes, la seule province ou une des seules provinces au Canada dont les revenus diminuent par rapport aux prévisions. Alors ça, M. le Président, c'est assez tragique. C'est assez tragique parce que ça veut dire que le gouvernement doit faire tout le travail de compression du déficit sur les dépenses. 100 % de l'effort doit porter sur les dépenses, puisque nos revenus n'augmentent pas. Mieux que ça: c'est plus que 100 %, c'est 110 % qui doit être fait sur les dépenses parce que non seulement on doit faire le travail sur les dépenses, mais il faut aussi aller combler les manques de revenus. Donc, on doit faire l'effort de compression du déficit en réduisant les dépenses, en totalité sur les dépenses, puis, en plus de ça, on doit aller en chercher d'autres compressions de dépenses pour aller combler le manque de revenus. M. le Président, c'est une tâche qui est très difficile. Très, très, très difficile. C'est vraiment surhumain que de demander à la population du Québec de prendre tout l'effort de réduction du déficit sur les compressions de dépenses. Pourquoi le gouvernement ne réussit-il pas à augmenter ses revenus, M. le Président? Pourquoi le gouvernement ne voit-il pas plutôt ses revenus augmenter? C'est ça.

Parce que c'est un phénomène, M. le Président, qui ne dépend pas de l'intervention directe du gouvernement. C'est l'économie qui génère, par sa croissance, qui génère des emplois...

Une voix: ...

M. Bourbeau: ...lesquels emplois, M. le Président, additionnels génèrent des revenus pour le gouvernement. Le ministre des Finances verrait l'impôt sur le revenu des particuliers augmenter, les revenus de la taxe de vente augmenter, peut-être aussi l'impôt sur les sociétés, sans avoir augmenté le taux d'impôt. Simplement la croissance normale de l'économie devrait normalement permettre au ministre des Finances de jouir de revenus accrus qui lui permettraient de réduire son déficit en partie. Ce n'est pas le cas.

Le ministre des Finances, semble-t-il, est condamné à faire tout l'effort, mais tout l'effort de compression du déficit sur un seul tableau: sur les dépenses. Et ça, ça fait mal. Ça fait mal dans les hôpitaux. Ça fait mal dans les écoles. Ça fait mal partout. Il frappe. Il frappe tout ce qui bouge: les municipalités, les commissions scolaires. Le ministre distribue ses cadeaux, M. le Président, à gauche et à droite. Surtout dans le temps de Noël, M. le Président, ce sont des choses qui ne font pas très plaisir. Nous, on n'est pas très heureux non plus de voir ça et on aimerait bien voir le ministre procéder autrement.

(17 heures)

On aimerait bien que le ministre se lève en Chambre, puis nous annonce que, tout à coup, les revenus du gouvernement ont commencé à augmenter et qu'il n'est pas obligé d'augmenter les impôts et les taxes; que telle taxe, on n'en aura pas besoin parce que l'économie roule. Mais l'économie de roule pas, M. le Président; l'économie est plutôt en train de régresser plutôt que de progresser. C'est très préoccupant pour l'avenir, très préoccupant pour l'avenir.

Qu'est-ce qui fait, M. le Président, que l'économie régresse? C'est ça, la question. Pourquoi l'économie régresse-t-elle et pourquoi, donc, les prévisions budgétaires mentionnées à l'article 7, puisqu'il faut demeurer dans la cohérence, sont si difficiles à réaliser? Lors du sommet socioéconomique du mois dernier, M. le Président, des rapports ont été déposés, et certains rapports ont fait état des causes du ralentissement de l'économie. J'en ai un en mémoire qui citait comme les trois principales causes du ralentissement de l'économie, M. le Président: un, la très haute fiscalité des entreprises et des individus au Québec; deuxièmement, le brassage linguistique qui s'est produit au cours des derniers mois et qui a pour effet de créer un climat d'incertitude et d'insécurité; et, troisièmement, l'option constitutionnelle du gouvernement, qui, littéralement, fait fuir – littéralement fait fuir – des individus et des entreprises, on le sait, et, d'autre part, fait en sorte qu'un grand nombre d'entreprises, même québécoises, retardent une partie de leurs investissements tant que le climat ne se sera pas stabilisé. Or, le climat ne sera pas stabilisé, M. le Président, avant un certain temps, enfin tant qu'il n'y aura pas des élections.

C'est ça qui est malheureux, c'est que, tant que cette incertitude dure, tant qu'on brasse le problème linguistique, on fait fuir les investisseurs, les investisseurs ne viennent pas ou s'en vont, les capitaux aussi. Cette absence d'investissements, M. le Président, fait en sorte que nous avons des pertes d'emplois. Les pertes d'emplois, elles, font perdre de l'argent au gouvernement – les revenus diminuent, comme on le voit – et c'est un cercle vicieux dans lequel nous nous enfonçons de plus en plus et qui nous perturbe beaucoup, M. le Président.

C'est pour ça qu'il m'apparaît, en conclusion, M. le Président, que l'amendement que nous proposons à l'article 7 – et je reviens là-dessus – et qui vise à faire en sorte, je l'ai dit tout à l'heure, de modifier cet article-là par le...

M. Gautrin: Est-ce qu'on a adopté l'amendement du ministre?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Il a été rejeté, l'amendement.

M. Bourbeau: Non, mais on est sur... Oui, je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui.

M. Bourbeau: Avant, là. C'est pour ça que nous avons proposé un amendement, qui a été rejeté...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, c'est ça.

M. Bourbeau: ...bien sûr, qui faisait en sorte de donner certaines garanties quant à l'avenir.

Alors, M. le Président, je pense qu'on a fait un survol de la situation, et voilà qui augure très mal, je pense, M. le Président, pour l'avenir.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le député de Laporte. M. le ministre, vous voulez répondre ou...

M. Landry (Verchères): Ah...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...donner l'explication de l'article 7?

M. Landry (Verchères): ...il a dit tellement de choses qui me forcent moralement à répondre. Il a dit une chose... Encore une fois, quand il dit qu'on l'a injurié ou quoi que ce soit, il se trompe lourdement. On a pris la précaution, d'abord, de lui faire des compliments. Tout ce qu'on a dit, c'est qu'il est meilleur généralement que ce que son amendement indique. Ce n'est pas l'injurier que de lui dire qu'il a des hauts et des bas, et, quand il a des bas, qu'il les accepte donc humblement. Son amendement était absurde, que voulez-vous que je vous dise? Je le crois profondément. D'ailleurs, c'est le respecter, M. le Président, et vous respecter vous-même que de dire ce qu'on pense et de dire la vérité, à condition que ce soit dans des termes acceptables et qui ne sont pas injurieux – évidemment, c'est ce qu'on a fait – et d'équilibrer ses paroles. Avant de lui dire des choses qu'il aime moins, on a pris la précaution de lui faire un certain nombre de compliments pour qu'il accepte humblement que, des fois, il dit des choses qui sont moins pertinentes.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est ça qui est dangereux, des fois.

M. Landry (Verchères): Et là...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est ça qui est dangereux, de fois, quand il y a trop de compliments en avant.

M. Landry (Verchères): Oui. Il n'est pas dans une bonne journée. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Il a dit des choses – je ne sais pas comment les prendre, j'ai presque envie de rigoler – il a dit textuellement: En haute conjoncture, on doit faire des surplus. C'est au Journal des débats . Or, lui, il a eu une des meilleures années de croissance de la décennie quand il était ministre des Finances, puis il a fait un surplus négatif, c'est-à-dire un déficit, de 6 000 000 000 $. Où est-ce qu'ils sont, ses surplus en haute conjoncture? On va avoir une croissance, cette année, de 1 %; lui, il en a eu une de 3,4 %. À 3,4 %, il nous amène un déficit de 6 000 000 000 $. Je veux bien que ce soit moi le théoricien et lui le praticien, mais est-ce qu'il y a une chose de plus théorique que la phrase qu'il a dite? «En haute conjoncture, on fait des surplus», et sa pratique, c'est 6 000 000 000 $ de déficit? Encore une fois, je ne peux pas laisser passer une si grosse affirmation.

De même sur les investissements. Il était ministre des Finances du Québec en 1994, et les investissements étrangers n'ont pas dépassé la barre de demi-milliard. Cette année, après un référendum où 50 % de la population a voté oui, et 60 % des francophones, les investissements étrangers sont cinq fois plus importants. Où est la cohérence, où est la rigueur, où est l'argumentation de ces propos éculés qu'on entend et qui attribuent au fait qu'on met en pratique tout simplement ce que votre plus grand chef contemporain a dit, Robert Bourrassa, à la Chambre après l'échec cruel de Meech – que les archéologues essaient de faire revivre: que le Québec était libre de ses choix? Il est libre ou il n'est pas libre? S'il est libre, arrêtez de faire de mauvaises connections, qui ne sont pas soutenues par les chiffres, entre le débat constitutionnel et la conjoncture économique. Si 2 500 000 000 $ d'investissements étrangers, c'est-à-dire cinq fois plus que dans votre temps, sont connectés à l'année référendaire, ça veut dire qu'on va faire des référendums à tous les ans et ça va multiplier les investissements. Tu sais, si on veut y aller dans l'absurde...

La rigueur nous impose à reconnaître ceci: du temps de Maurice Duplessis, qui a siégé dans cette salle qui était moins bien aménagée dans le temps, l'écart entre les taux de chômage Ontario et Québec était à peu près de 2 % – Maurice Duplessis, qui, comme vous, aimait la «pravince» de Québec, vous vous rappelez, la «pravince» de Québec. Et là, c'est Lucien Bouchard qui est premier ministre, qui est pour la souveraineté du Québec, et l'écart est encore de 2 %. Alors, c'est quoi, votre thèse? Pourquoi vous répétez jusqu'à satiété une chose qui n'a aucune pertinence? Vous pouvez être pour le statu quo constitutionnel, c'est votre affaire. Vous pouvez être Meech moins, moins, moins; c'est votre affaire. Mais ne liez pas ce que Robert Bourrassa a proclamé hautement dans notre Assemblée nationale – que le Québec est une société libre de ses choix.... Si le Québec est libre, arrêtez de dire que l'exercice de sa liberté entrave son développement économique. Ce qui entrave son développement économique, c'est ce que j'ai dit plus tôt. Vous vous souvenez de ce que j'ai dit des carences du régime fédéral qui sont une hémorragie perpétuelle, qui étaient vraies du temps de Maurice Duplessis comme du temps de Lucien Bouchard? Du temps de Maurice Duplessis, on n'avait pas notre part de la recherche et développement, on n'avait pas notre part des subventions aux entreprises, on n'avait pas notre part des achats gouvernementaux, et le taux de chômage était de 2 points de pourcentage plus élevé que celui de l'Ontario. Du temps de Lucien Bouchard, c'est la même chose.

Sans compter que cette baisse soi-disant des revenus, dont a parlé le député de Laporte, qui frappait le Québec post-référendaire, elle frappe plus cruellement le Canada. Ces révisions-là... J'ai ici le document «Mise à jour économique et financière, 9 octobre 1996», du sympathique ministre des Finances du Canada, M. Paul Martin... Il a des révisions à la baisse sur ses revenus de moins 1 600 000 000 $, en 1996-1997. En 1997-1998, trajectoire prévue: moins 1 900 000 000 $ – et pour des raisons qui ressemblent aux nôtres. D'abord, nous nous sommes tous trompés, dans toutes les provinces du Canada où ça s'appliquait et à Ottawa, sur les effets des modifications de la législation en matière de gains sur les capitaux, le gain de capital et son nouveau traitement fiscal. On avait prévu une révision à la baisse. La révision a été beaucoup plus sérieuse qu'on ne l'avait cru. Les fédéraux ont fait exactement la même erreur.

Quant aux revenus, ils ont continué à augmenter, mais ils ont augmenté moins vite que prévu. Ce qui me rappelle d'ailleurs qu'il nous a servi une curieuse argumentation à la commission et il a essayé de la reprendre dans ses tentatives d'écrivain, où il dit que les revenus ont baissé au cours de l'année 1994-1995. Je comprends: il avait annoncé une baisse d'impôts. Vous aviez annoncé une baisse d'impôts de 500 000 000 $; elle a joué à partir du premier juillet. On est arrivé en septembre; c'est sûr que les revenus avaient baissés, vous aviez décidé qu'ils baisseraient. Mais pourquoi avez-vous décidé de cette baisse d'impôts? Dans une manoeuvre désespérée pour essayer de vous faire élire, vous avez dépensé 500 000 000 $ des contribuables québécois, qui aurait dû être appliqué à votre déficit qui s'en allait à 6 000 000 000 $. Au lieu de faire ça, pour essayer de gagner quelques votes à droite et à gauche – et évidemment ça n'a pas suffi – vous avez fait que les revenus effectivement ont baissé de 500 000 000 $. Mais c'est parce que vous l'aviez décidé. C'est vrai.

(17 h 10)

Alors, depuis 1994, l'économie a ralenti au Québec et au Canada, tout le monde le sait: 1994, Québec, 3,4 %; Canada, 4,1 %. Les prévisions pour 1996, c'est Québec, 1 %; puis Canada, 1,3 %. Ce n'est pas une grande découverte, là, de nous dire que l'économie ralentit. On le déplore, on ne s'en satisfait pas, on fait tout ce qu'on peut pour essayer qu'elle reparte, puis on souhaite aussi qu'elle va repartir au Canada.

N'oubliez pas – et ça a été bien dénoncé par Pierre Fortin, mais ça ne s'applique plus aujourd'hui, enfin ils ont compris – qu'ils ont pratiqué une politique monétaire tellement restrictive qu'ils ont étranglé l'économie. Et l'Ontario, pour une fois, a peut-être été pénalisée plus que nous; l'Ontario a dû faire une remontée très, très pénible, puis, encore le mois dernier, ils ont perdu 500 000 emplois, aux dernières nouvelles.

Même si le Canada s'est amendé depuis, que les taux d'intérêt sont à un niveau relativement bas, et tout le monde s'en réjouit, ça a pris du temps avant de venir. Et on a servi une médecine de cheval, puis tout le monde a payé pour. Et ça, ce n'est ni le gouvernement précédent qui peut en être blâmé de ce point de vue spécifique, ni l'opposition encore moins: c'est les politiques mal inspirées des autorités monétaires canadiennes.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Vous avez terminé, M. le ministre?

M. Landry (Verchères): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui. M. le député de Verdun ou de Laporte?

M. Gautrin: Réponds à ça, moi je vais intervenir sur autre chose.

M. Bourbeau: Moi, je veux revenir sur la réduction du déficit, M. le Président. Quand on parle... Dans les articles 7, 8, 9 et 10, on parle de l'avenir évidemment, on ne parle pas du passé. Si le ministre des Finances veut parler des déficits que nous avons faits dans le passé, il pourrait peut-être parler aussi des déficits que ses prédécesseurs, son chef Jacques Parizeau a faits aussi pendant plusieurs années. D'ailleurs, il a fait les plus grands déficits de l'histoire du Québec. Alors, on peut retourner en arrière, M. le Président, très, très, très longtemps. Et, quand le ministre était au pouvoir lui-même dans les années 1976 à 1985, il a fait des déficits lui aussi. Il était là, il a participé à ces déficits-là. Alors, les mêmes remarques qu'il nous sert, on peut les lui servir, M. le Président.

Tout ce que je sais, moi, c'est que, dans le budget que j'ai déposé, j'ai prévu une réduction du déficit et non pas une augmentation du déficit. Et malheureusement, celui qui a déposé le budget... ce n'est pas moi qui ai eu la responsabilité de le gérer ce budget-là, M. le Président, et j'ai exposé par écrit comment le gouvernement qui a suivi a jugé bon de détériorer ce budget-là pour les fins que j'ai mentionnées. Alors, l'argument du ministre ne m'impressionne pas du tout, et ce n'est pas parce qu'il s'est produit ces situations-là qu'on ne peut pas en parler.

Pour ce qui est de la question des revenus, le ministre nous dit que le gouvernement fédéral a des problèmes dans l'anticipation de ses revenus, dans la perception de ses revenus, que ses revenus seraient à la baisse par rapport aux prévisions. Mais, quand on regarde, M. le Président, les écarts dans les prévisions budgétaires avec les synthèses des opérations financières des provinces canadiennes au 30 septembre, on se rend compte que le Québec semble dans une position un peu à part des autres. Je n'ai pas toutes les provinces, j'en ai quelques-unes ici, c'est les seules qu'on a pu trouver à date, là. Mais l'Ontario, selon les chiffres que nous avons vus, maintient à peu près ses rentrées par rapport aux prévisions. L'Alberta a des revenus, M. le Président, qui sont supérieurs aux prévisions. L'impôt sur le revenu des particuliers est supérieur aux prévisions. La taxe de vente, il n'y en a pas en Alberta, donc il n'y a pas de problème. Les revenus autonomes, bien sûr, sont en hausse d'une façon importante. On parle de 1 300 000 000 $. La Saskatchewan, M. le Président, qui n'est même pas une province riche, a des revenus en hausse, par rapport aux prévisions, au 30 septembre. Les revenus autonomes de 244 000 000 $ par rapport aux prévisions, selon les chiffres que nous avons pu consulter. La Nouvelle-Écosse, ce n'est quand même pas non plus une province riche: impôt sur le revenu des particuliers de 18 600 000 $ par rapport aux prévisions. Bon.

Alors, M. le Président, c'est donc dire que, dans le tableau que j'ai devant moi, qui comprend quand même cinq provinces, il y en a quatre qui sont soit... enfin les quatre autres n'ont pas eu de réduction par rapport aux prévisions, et trois sur quatre ont perçu des sommes d'argent plus importantes que prévu. Alors, la performance économique... Et la Saskatchewan explique cette croissance par une meilleure performance économique, en 1996, que prévu. La Nouvelle-Écosse est en surplus; l'Alberta, par rapport aux prévisions; l'Ontario, ce serait le statu quo. Le Québec, lui, c'est le désastre. L'impôt sur le revenu des particuliers, 265 000 000 $ de moins que prévu, au 30 septembre. Taxe de vente, 180 000 000 $ de moins que prévu, au 30 septembre. C'est donc dire que les revenus autonomes, là, sont de 305 000 000 $ de moins que prévu. Heureusement que les transferts du fédéral ont augmenté parce que, sans ça, on serait pratiquement à 400 000 000 $ de moins que prévu.

Alors, M. le Président, ça confirme ce que je disais tantôt: c'est qu'il semble se dessiner à travers le Canada, dans les provinces canadiennes en tous les cas, un écart positif au 30 septembre entre les revenus escomptés lors des budgets et les montants effectivement perçus, l'exception notoire étant le Québec, où, semble-t-il, les revenus ne sont pas au rendez-vous, enfin pas dans la même proportion que prévu. Alors, peut-être que le ministre a des explications à nous donner. On les attend, M. le Président, ça va nous rassurer. On ne demande pas mieux que de se faire rassurer.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le ministre, des réponses?

M. Landry (Verchères): Le député de Laporte, M. le Président, est en train de nous aider à faire une démonstration qui va contre son intérêt, et cette franchise l'honore. La différence entre le Québec et les autres provinces du Canada, c'est que toutes les provinces du Canada ont entendu sonner le tocsin il y a huit ou dix ans et se sont embarquées dans un vigoureux programme de compressions de leurs dépenses, à un point tel que plusieurs sont arrivées à déficit zéro et un certain nombre d'autres sont arrivées à surplus: c'est ça, la réalité historique.

Et, je l'ai déjà dit, M. le Président, à cette table, et je vais vous le redire, le député de Laporte a fait allusion au fait qu'il m'arrive d'être universitaire, à certaines périodes de ma vie, si jamais j'y retourne – et ce n'est pas parce que l'opposition officielle nous aura délogés du pouvoir, c'est que je serai à bout de carrière politique – je vais consacrer des recherches intensives, puis je vais demander à mes assistants de me seconder là-dedans, pour savoir comment le Parti libéral du Québec, alors que toutes les provinces du Canada comprimaient leur déficit, alors que tout le monde avait compris le signal que les trente glorieuses étaient finies puis que c'était le temps de marcher vers l'équilibre budgétaire, continuait à dépenser comme si rien n'était jamais arrivé.

C'est sur cette piste que le député de Laporte nous entraîne quand il parle de comparaison entre les provinces. Tout le monde réduit: eux continuent. C'est le député de Crémazie, je l'ai dit je ne sais plus combien de fois, qui a présidé à la première baisse de dépenses, en chiffres absolus et relatifs, des 25 dernières années au gouvernement du Québec. La baisse des dépenses aurait dû commencer il y a huit ou neuf ans. Ils auraient dû, quand ils sont arrivés au pouvoir, M. le Président, constater que les trente glorieuses étaient finies, que toutes les provinces du Canada avaient commencé leur décélération. Eux, au lieu de faire ça, ils ont fait semblant que le monde entier n'existait pas, que le Québec était le centre de l'univers, qu'il échappait aux lois de la gravitation terrestre et qu'on pouvait continuer à faire comme on pouvait faire quand on était endetté à 11 % du PNB.

Quand Jacques Parizeau, député de L'Assomption, ministre des Finances, faisait des déficits considérables, ne le nions pas, le Québec avait 11 % de son PNB en dette accumulée. Celui qui est en face de nous, le député de Laporte, une année où le Québec atteignait 44 % d'endettement par rapport à son PNB, faisait des déficits de 6 000 000 000 $. Puis ça me fait pratiquement de la peine de lui rappeler ça parce que c'est des choses tellement accablantes que ça doit être très difficile à vivre. C'est vrai que ce n'est pas lui qui était ministre des Finances durant toute la période, il l'a été un an ou deux. Alors, à sa décharge, je ne veux pas dire que c'est lui personnellement. Il n'était pas président du Conseil du trésor. À moins que je ne me trompe, il ne l'a jamais été. Mais l'actuel chef de l'opposition officielle, qui fut premier ministre pendant cinq ou six mois, lui a été pendant de nombreuses années président du Conseil du trésor. Que faisait-il? C'est ça, la question qu'on va se poser, que les chercheurs en sciences économiques vont se poser, que je me pose moi-même et que j'espère avoir un peu plus de temps pour la résoudre un jour.

(17 h 20)

Ceux qui se présentaient comme des gouvernants de droite... Et ça devait faire grincer des dents le député de Verdun, parce que, s'il est connu comme progressiste – et il l'était même trop à mon goût, à certaines époques de sa carrière, il s'en souvient... Je vois qu'il porte la cravate de notre université respective – c'est là que je l'ai connu, et il n'était pas thatchérien à l'époque, c'est le moins qu'on puisse dire... Il faut dire que Mme Thatcher n'était pas encore une vedette. Mais c'était plutôt un progressiste. Il a d'ailleurs dirigé un parti socialiste. Le député de Laporte sait que le député de Verdun a été chef d'un parti socialiste – ce qui pour moi n'est pas une tare, je le dis tout de suite.

Mais, tant qu'à être à droite, il fallait qu'ils le fussent. Je ne parle pas du député de Verdun, je parle du député de Laporte et ses compagnons et compagnes. Ils viennent ici en disant: On va runner l'État comme une business; on va remplacer l'État-providence par l'État-Provigo. Bien, si Provigo avait été géré comme ça, il n'y aurait plus de Provigo. Il n'y aurait plus une seule épicerie d'ouverte. Si une business avait été gérée comme les libéraux ont géré, ça ferait longtemps qu'elle serait en faillite.

Alors, le député de Laporte nous a lancé sur une belle piste, c'est-à-dire que la différence essentielle entre Québec et les autres provinces, c'est le résultat de neuf ans d'incurie financière et administrative. Heureusement, ces temps sont finis. Mais les faits ont la tête dure, et nos actes nous suivent. Le député de Crémazie s'est attaqué bravement, dès ses premières semaines de gestion d'un budget qui n'était pas le sien, à limiter les dégâts par un certain nombre de gestes que j'ai énumérés à l'Assemblée nationale et que je vais réénumérer autant de fois que cela sera nécessaire. Et, quand il a fait son premier budget, bien, il a annoncé un déficit de 3 900 000 000 $. Alors, là, les dépenses avaient baissé pour la première fois depuis 25 ans. Il a amorcé la descente – pas la descente aux enfers, mais le retour des enfers – 3 900 000 000 $, 3 200 000 000 $. C'est ce calendrier maintenant qu'on a dans notre loi. Et puis il faut y aller une année à la fois. On ne peut pas faire passer le déficit de six à zéro en un exercice.

On voulait aller un peu plus vite. Le député de Crémazie et le premier ministre du temps, député de L'Assomption, avaient prévu un calendrier et une décélération des dépenses un peu plus pentus, on s'en souvient. Quand on est arrivé au sommet de Québec, tous les partenaires autour de la table nous ont avec vigueur persuadés d'avoir la pente un peu moins raide et d'aller vers le déficit zéro en 1999-2000, ce que nous avons accepté. Mais, une fois qu'on l'a accepté, par exemple, on l'a fait. Je l'ai dit: Il y a plusieurs Québécois et Québécoises qui ont réglé des problèmes graves de leur vie personnelle un jour à la fois. Bien, là, on va régler des problèmes graves de notre vie collective une année à la fois. On ne peut pas aller plus vite que ça. Et on souffre tous en attendant.

Puis c'est vrai qu'il y en a eu, des compressions. C'est vrai que, tel que dit dans le budget, pour 1 $ de revenus additionnels, il y a 4 $ de compressions de dépenses, et c'est un rapport de cet ordre qui va nous permettre de nous en sortir. Il n'y a pas une seule démocratie dans le monde qui s'est sortie d'une telle impasse sans attaquer vigoureusement par la dépense. Ça ne veut pas dire qu'on ne regarde pas du côté des revenus. Le Vérificateur général avait dit à nos prédécesseurs – mais c'est comme s'il n'avait rien dit, évidemment – qu'il fallait aller chercher l'argent qui nous était dû, collecter nos impôts, lutter contre le travail au noir. Bien, nous, on l'a fait, et déjà on a deux ans derrière nous de rentrées fiscales supplémentaires, non pas par hausse des impôts et taxes, mais simplement parce qu'on a été collecter ce qui nous était dû. Et c'est de cette façon, et non pas de l'ancienne manière, qu'on va arriver au déficit zéro.

Mais toutes ces idées qu'on évoque aujourd'hui, pourquoi est-ce que le Parti libéral du Québec, qui pourtant, en campagne électorale préconisait aussi le déficit zéro, ne les a pas appliquées? Que la vie serait belle si nos prédécesseurs avaient été plus responsables. Mme Thatcher, elle était à droite. Elle ne se gênait pas, elle disait: Je suis à droite. Puis elle faisait des ménages, et incroyables. C'était une des personnes d'État les plus percutantes de l'histoire contemporaine du Royaume-Uni parce qu'elle faisait ce qu'elle disait.

Ceux qui nous ont précédés parlaient de déficit zéro puis faisaient des déficits de 6 000 000 000 $; parlaient de faire des surplus en haute conjoncture, faisaient des déficits en haute conjoncture. Alors, comment est-ce qu'on peut faire des miracles, nous, en basse conjoncture? À 3,4 % de croissance annuelle, il y a eu un déficit de 6 000 000 000 $. Nous, à 1 %, on va avoir un 3 200 000 000 $: presque la moitié moins. Ça veut dire que nous gouvernons. Et c'est vrai que c'est dur à vivre.

Personne se fait élire en politique pour aller comprimer des dépenses, mais ceux qui se font élire en politique doivent avoir le courage de comprimer les dépenses quand les dépenses doivent être comprimées. Et, quand ceux qui auraient dû le faire ne l'ont pas fait, ont à vivre les sentiers rocailleux de l'opposition, bien il y a des heures un peu plus pénibles. C'est pour ça qu'on emploie un vocabulaire civilisé et poli pour le leur rappeler. On ne cherche pas à les insulter d'aucune façon, mais c'est notre devoir de dire ce que je suis en train de dire, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Merci, M. le ministre. Vous comprendrez que c'est difficile pour la présidence de rappeler la pertinence, puisqu'on parle de prévisions budgétaires, et les discussions qu'on aborde, ça parle de prévisions budgétaires. L'opposition, tout à l'heure, a remonté aux conventions, aux prévisions qu'on n'avait pas prévues dans les conventions en 1982, 1994. Le ministre parle d'autre chose. Donc, je vous laisse le bon soin d'essayer de vraiment camper l'intérêt ou l'impact de l'article 7 et de revenir à la portée de l'article 7 ou s'en tenir le plus possible près. Je ne vous dis pas que vous n'êtes pas dedans...

M. Gautrin: L'amendement a été accepté, M. le Président?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...mais vous rappeler le plus possible de l'article 7. L'amendement du ministre a été accepté, celui de l'opposition a été refusé...

M. Gautrin: Ah! c'est malheureux.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...et là on parle de l'article 7 tel qu'amendé. Donc, est-ce qu'il y a d'autres intervenants qui veulent parler de l'article 7, en pensant qu'il reste d'autres articles et que peut-être vous pourrez utiliser les mêmes réponses, la même explication sur d'autres articles, mais ça nous permettrait au moins d'en adopter un de plus.

M. Bourbeau: Oui, bien, M. le Président, vous reconnaîtrez que ce n'est pas notre faute si le temps...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah, je n'accuse pas personne, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Le langage du ministre n'est pas très propice, M. le Président, surtout le langage précédent, à faire avancer les choses très rapidement. Ça suscite toujours des débats, entre autres, M. le Président, la question, dans les derniers propos du ministre, où il nous impute, bien sûr, toujours le déficit de l'année 1994-1995. Mais une chose est intéressante, quand on regarde, quand on fouille davantage, M. le Président, on a beau dire des choses, mais parfois les chiffres prouvent le contraire.

Et le ministre nous disait tantôt que nous n'avions pas comprimé les dépenses suffisamment dans cette année-là. Or, c'est assez intéressant. Quand on regarde, année après année, comment ça fonctionne, on se rend compte qu'à chaque année, à la mi-année – le 30 septembre, c'est la mi-année – les gouvernements sont toujours à peu près au même point dans les dépenses du budget. C'est assez compréhensible parce qu'un budget c'est quelque chose qui est assez linéaire, c'est lisse. Les dépenses budgétaires, à tous les mois, c'est des salaires, c'est des loyers, c'est de l'électricité. On ne peut pas dire qu'on va dépenser 25 % du budget dans le premier mois, c'est impossible. C'est des choses qui sont très, très, très linéaires.

Et j'ai regardé les trois années, l'année avant nous, l'année où on a quitté les affaires et l'année suivante, l'année dernière, on se rend compte qu'au 30 septembre le gouvernement, à chaque année, est à 51 %, un peu plus des dépenses. La première année que j'ai regardée, c'est 1993-1994, on était à 51,2 %. L'année où on a quitté, nous, 51,4 % au 30 septembre. L'an dernier, l'année suivante, c'était 51,4 %: exactement le même point dans les dépenses effectuées par rapport au budget. Et le gouvernement réussit toujours en fin d'année à aller chercher ce qu'il lui manque parce qu'une machine aussi grosse que celle du gouvernement ne réussit pas à dépenser tous ses budgets. Il reste toujours, dans chaque ministère, des fonds de tiroirs. Parce qu'il rentre tellement d'argent à tellement d'endroits qu'avec la meilleure volonté du monde, M. le Président, il y a toujours des fonds périmés qu'on le veuille ou non, et ces fonds-là, quand ils sont additionnés à la fin de l'année, ça fait plusieurs millions, plusieurs dizaines de millions même, de sorte que le gouvernement réussit toujours à récupérer en fin d'année et à terminer à peu près dans ses budgets de dépenses. C'est dans les revenus parfois que les problèmes sont plus élevés parce que c'est plus difficile de prévoir des revenus que de contrôler les dépenses.

On s'est rendu compte que, pour ces trois années là dont je viens de parler, à la mi-année, au 30 septembre, le gouvernement avait des excédents de dépenses par rapport au budget, à 50 % du budget, de 491 000 000 $ en 1993-1994; de 588 000 000 $ d'excédents de dépenses par rapport aux prévisions, l'année suivante – c'était l'année où le député de Crémazie est arrivé au 30 septembre; et, l'an dernier, l'année du gouvernement, 606 000 000 $, M. le Président, à mi-chemin, de dépenses par rapport aux prévisions. Et, dans la deuxième moitié, le gouvernement a mis les freins, à chaque année, et a réussi à ramener ça à peu près correctement.

(17 h 30)

La première année, l'année 1993-1994, le gouvernement a récupéré 400 000 000 $ dans les six derniers mois et a terminé l'année avec un écart de 92 000 000 $. L'an dernier, M. le Président, le gouvernement a récupéré 757 000 000 $ dans les dépenses, entre le 30 septembre et la fin de l'année, de sorte que ses dépenses ont été inférieures aux prévisions de 151 000 000 $. Donc, il y avait 606 000 000 $ de dépassement, il est allé plus loin que ça, il a réussi à terminer avec 151 000 000 $ d'écart favorable. La seule exception, ça a été l'année où le député de Crémazie est arrivé au pouvoir. Là, M. le Président, à partir d'une situation au 30 septembre qui était identique à celle de cette année, on n'a pas pu faire autrement que de comprimer un maigre 169 000 000 $, pour terminer avec cet excédent de déficit de dépenses de 419 000 000 $.

M. le Président, ces chiffres-là indiquent, c'est les chiffres du gouvernement, que le gouvernement n'a pas voulu, au chapitre des dépenses, faire les efforts qu'il fallait pour faire en sorte de pouvoir entrer dans le déficit, faire en sorte que le déficit qui avait été prévu pour l'année 1994-1995 soit respecté et c'est une preuve additionnelle de ce que je disais. Je sais que le ministre des Finances va revenir encore avec son 6 000 000 000 $. M. le Président, quand on est démagogue, on l'est toujours. Moi, ça ne me dérange pas, M. le Président, c'est les gens qui vont lire ses propos un jour qui vont dire que le ministre des Finances n'était pas sérieux. Quand on sait qu'un déficit est un chiffre, on n'en dit pas un autre, et, quand on sait surtout qu'on l'a fait soi-même, bien, M. le Président, on ne s'en vante pas. De toute façon, ce n'est pas important, les gens verront dans l'avenir.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte, je vous inviterais à conclure parce que votre temps est déjà dépassé.

M. Bourbeau: Ah oui? Bon, ce n'est pas bien grave, M. le Président, on se reprendra sur l'article suivant.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est ce que j'ai pensé.

M. Bourbeau: On a tout le temps qu'il faut.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bon. Est-ce que d'autres personnes veulent intervenir sur l'article 7? S'il n'y en a pas, j'appelle... Est-ce que l'article 7 est adopté?

M. Landry (Verchères): Adopté.

M. Bourbeau: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): L'article 7 est adopté sur division.


Modalités en cas de dépassement ou d'excédent

J'appelle l'article 8. Voulez-vous expliquer la portée de l'article 8, M. le ministre?

M. Landry (Verchères): Oui. C'est un article très simple. Il peut arriver – parce que la prévision n'est pas une science absolument exacte, on n'est pas en physique nucléaire – qu'il y ait des dépassements. Mais, si une telle chose arrive, et c'est ça qui fait la souplesse de ce projet et, en même temps, la rigueur, si un tel dépassement arrive dans une année, le gouvernement doit réaliser un excédent égal à ce dépassement au cours de l'année financière qui suit si ce dépassement a été de moins de 1 000 000 000 $, parce qu'une correction de cette amplitude est vivable. On l'a vu, même par les propos du député de Laporte sur l'article précédent, qu'un dépassement de cette amplitude, moins de 1 000 000 000 $, peut se travailler, ou, en tout cas, on peut tenter de le faire – nous, on l'a fait avec succès, eux sans – dans l'exercice suivant. Alors, c'est ça que ça veut dire.

Une voix: On peut le résorber.

M. Landry (Verchères): On peut le résorber.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. On arrive au coeur de ce dont je parlais précédemment. Évidemment, dans la philosophie du gouvernement, on prévoit des dépassements, et, si ces dépassements sont de moins de 1 000 000 000 $, on anticipe de les résorber l'année suivante, mais, s'ils sont plus importants que 1 000 000 000 $, là ça enclenche le processus de répartition de ce déficit sur les années suivantes, d'étalement, je dirais, de ce déficit sur les années suivantes, avec possibilité de faire en sorte que ça se produise plus qu'une fois.

Donc, le gouvernement peut, année après année, constater des dépassements qui excèdent 1 000 000 000 $ et, année après année, étaler ces dépassements-là sur un certain nombre d'années, cinq ans, ce qui aurait pour effet d'ajouter continuellement des déficits, de répartir sur cinq ans des déficits excédentaires, pour finalement se retrouver dans un cercle vicieux semblable à celui que nous connaissons aujourd'hui. C'est une façon de procéder qui se défend, M. le Président. Je n'irais pas la traiter d'absurde, pas du tout. C'est un point de vue qui n'est pas le mien, mais qui se défend.

Un autre point de vue, celui que je préfère, moi, c'est de faire en sorte que le gouvernement doive absorber, dans l'année qui suit, tout déficit de l'année précédente, étant entendu qu'un gouvernement prudent budgétera des surplus, des réserves qui lui permettront d'absorber les coups durs, et, si ce n'est pas suffisant pour absorber les coups durs, bien, pourra transporter, dans le budget de l'année financière suivante, le financement du dépassement observé l'année précédente.

Dans ce sens-là, M. le Président, j'aimerais apporter un amendement à l'article 8, un amendement qui se lirait comme suit: L'article 8 est modifié en retranchant, après le mot «dépassement», les mots «de moins de 1 000 000 000 $», de sorte que, si cet article-là était adopté, M. le Président, l'article se lirait comme ceci: Si un dépassement est constaté pour une année financière, le gouvernement doit réaliser un excédent égal à ce dépassement au cours de l'année financière subséquente.

Vous comprendrez, M. le Président, que cet amendement-là a pour but de rendre le gouvernement du Québec dans la même position que les municipalités du Québec, en fait. C'est-à-dire que le gouvernement est tenu d'avoir un budget équilibré – on l'a déjà voté à l'article 6 – et là, M. le Président, avec cet article-là, on prévoit – on n'est plus à l'étape du budget, là, on est à l'étape du dépassement – que, si un dépassement est observé à la fin d'une année, le gouvernement doit, dans l'année suivante, prévoir dans son budget la résorption de ce dépassement-là, comme le font les municipalités au Québec.

Donc, le gouvernement deviendrait soumis aux mêmes règles qu'il impose aux municipalités, c'est-à-dire: Vous faites des budgets équilibrés, prévoyez des réserves dans vos budgets pour les coups durs, les mauvaises années et, si jamais, malgré ces réserves-là, vous faites un dépassement, vous devrez, dans l'année financière suivante, faire en sorte de financer ce dépassement-là, de le résorber à même le budget de l'année suivante. C'est le même régime, en fait, que les municipalités du Québec connaissent présentement. M. le Président, ça a bien servi les municipalités. D'ailleurs, le ministre tantôt a fait l'apologie des municipalités du Québec et du système qu'on leur a imposé. Alors, en toute logique, je me dis que, si ça a été bon pour les municipalités, si ça a permis aux municipalités du Québec de pouvoir maintenir une situation financière exemplaire au cours des années, pourquoi est-ce que ça ne pourrait pas être bon pour le gouvernement du Québec?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Ah, il y a certaines analogies avec les municipalités, mais il ne faut pas pousser trop loin. Le gouvernement du Québec n'est pas une municipalité, justement. C'est un gouvernement qui n'a pas la souveraineté totale, mais qui est souverain dans ses juridictions, comme chacun sait. Ceux qui connaissent un peu le droit constitutionnel savent bien qu'on a des responsabilités constitutionnelles qui nous donnent la souveraineté dans un certain nombre de secteurs, ce qui est le cas pour aucune municipalité. Il y a le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Il n'y a pas le droit des municipalités à disposer d'elles-mêmes – malgré certaines sottises qu'on a entendues récemment à Montréal sur ces questions-là – et, surtout, les responsabilités des municipalités ne sont pas liées à la conjoncture comme les responsabilités du gouvernement du Québec.

Les responsabilités des municipalités touchent des choses qui, en général, ont un caractère permanent et immuable: il faut de l'eau; il faut évacuer cette eau quand elle est usée; il faut assurer une protection incendie, qui n'est pas liée à la conjoncture. Il peut y avoir un malheur ou l'autre de temps à autre... Tandis que donner de l'aide sociale, c'est lié à la conjoncture et puis un certain nombre de responsabilités qui s'apparentent à des responsabilités d'État sont beaucoup plus exigeantes et ne peuvent pas être contraintes dans exactement les mêmes moules.

Il y a des analogies avec les municipalités. On l'a vu; je l'ai dit. Le bon sens, l'équilibre, ne pas dépenser plus que ce qu'on gagne, ça s'applique aussi bien à une famille, qu'à une municipalité, qu'à un État souverain ou qu'à un État partiellement souverain. Mais il faut faire des différences d'une étape à l'autre. Là, ce que le député nous dit, c'est de nous mettre dans des contraintes telles qu'il n'y a plus de marge de manoeuvre démocratique, il n'y a plus moyen de faire face de façon intelligente à des imprévus. Résorber 1 000 000 000 $, on l'a vu, ça se fait; en résorber 3 000 000 000 $ ou 4 000 000 000 $, ce n'est pas possible. Si c'était possible, on aurait peut-être essayé de le faire. Mais, si on a dit déficit zéro en 1999-2000, c'est parce qu'on pensait que ce n'était pas possible avant, après réflexion et ajustement. Alors, je pense qu'il n'est pas du tout dans l'intérêt public que cet amendement soit accepté, qui nie, en fait, toute la mécanique de la loi.

La mécanique de la loi, c'est que des grandes manoeuvres de ce genre se font sur à peu près cinq ans, et on s'est mis des limites rigoureuses en parlant de cinq ans. On n'a pas le droit de projeter au-delà de ça. Mais, dire que, s'il y a un dépassement de 2 000 000 000 $ une année, on va le récupérer l'année d'après – surtout que la conjoncture économique ne varie pas d'heure en heure, hein... Et, si on a eu le dépassement, il est fortement à prévoir que c'est parce que l'économie n'a pas bien performé et il est fortement à prévoir que la récupération ne se fera pas instantanément dès que le 1er janvier ou le 30 avril de l'année d'après arrive. Alors, ça, ça nous met des contraintes qui rendraient la loi inopérante et qui ne feraient que la limiter à des voeux pieux. Alors, on va être contre l'amendement, M. le Président, et vigoureusement.

(17 h 40)

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui veulent intervenir sur l'amendement du député de Laporte? M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. Bon. Le ministre ne peut pas faire la comparaison avec les municipalités sans revenir sur la souveraineté. La souveraineté, c'est une chose, et les budgets, c'est une autre chose, là. Et ce n'est pas parce que le gouvernement du Québec serait souverain ou pas souverain qu'il ne peut pas équilibrer son budget, encore que ce serait beaucoup plus difficile de le faire, surtout dans les premiers temps; ça serait même dramatique, je pense. Mais revenons à des choses plus sérieuses, là, regardons la réalité telle qu'elle est. Les municipalités aussi sont sujettes à beaucoup de conjoncture, M. le Président. Quand les taux d'intérêt augmentent ou baissent, ça frappe autant les municipalités que le gouvernement du Québec. Il peut y avoir des problèmes qui sont... Prenez par exemple la question de la neige. Il y a des années où la neige ça tombe beaucoup plus que prévu, puis ça crée des dépassements pour les municipalités. Il y a des problèmes de toutes sortes qui frappent les municipalités et elles réussissent en budgétant d'une façon très conservatrice, en se faisant des réserves, à faire en sorte de ne pas faire de déficits.

Quand le gouvernement du Québec a atteint le point zéro, parce que c'est de ça qu'on parle... C'est sûr qu'aujourd'hui, quand on parle de déficit de 3 000 000 000 $, 4 000 000 000 $, on n'est pas dans la même situation. Mais, quand on a atteint le point zéro, à partir de là on n'est plus dans la même conjoncture et la même situation qu'aujourd'hui. On est dans une situation équilibrée. Et, quand je regarde, là, depuis le début des temps, depuis l'année 1970 – ça fait longtemps, ça fait 26 ans – il n'y en a jamais eu d'année où le gouvernement a eu des écarts de 3 000 000 000 $, 4 000 000 000 $ comme ceux dont parlait le ministre tantôt. Le ministre a cette habitude, M. le Président, de lancer des chiffres comme ça, là. Comme je lui ai dit tout à l'heure, là, c'est facile, ça épate la galerie de lancer des chiffres qui n'ont pas d'allure, qui ne correspondent à aucune réalité. Ainsi dit le renard, flatteur d'applaudir.

Mais, à part de ça, là, dans la réalité des faits, des écarts de 3 000 000 000 $, 4 000 000 000 $, il n'y en a jamais eu, hein. On regarde, année après année, là, ordinairement, quand une année donnée ça se détériore, ça va à 1 000 000 000 $ de plus. Il est déjà arrivé 1 400 000 000 $; je pense que c'est le plus gros qu'on peut voir, là. Ça m'a l'air d'être 1 400 000 000 $, puis c'est arrivé... Ah! 1 600 000 000 $, tiens, en 1983-1984. Bon. Ça, c'était le plus gros écart, d'après ce que je peux voir, d'une année à une autre. Bon. Alors, on n'en est pas à des 3 000 000 000 $, 4 000 000 000 $ d'une année à l'autre. Bon. C'est sûr que ce n'est pas facile de résorber un écart de 1 600 000 000 $ comme étant la plus grosse année qu'on a vue depuis 20 ans. Mais supposons qu'on est en situation d'équilibre budgétaire – parce qu'il faut se placer dans le temps, là, on a atteint l'équilibre budgétaire et on parle de ce qui va arriver après ça. Si le gouvernement, dans son budget, a une réserve, disons, de 600 000 000 $ – ça peut se faire, là, ce serait un minimum, à mon avis, et on devrait le faire comme ça – puis qu'il arrive une catastrophe et qu'on a un écart de 1 600 000 000 $, bien, il va commencer par utiliser sa réserve de 600 000 000 $, puis il fera un dépassement de 1 000 000 000 $ cette année-là. Ce dépassement-là, il est prévu que dans l'année suivante il doit l'inscrire comme sa première dépense. C'est ce qui est déjà dans le projet de loi. Donc, ça veut dire qu'à toutes fins pratiques le gouvernement, en se replaçant à cette époque-là, ne devrait jamais être dans une situation où il pourrait avoir à résorber beaucoup plus que 1 000 000 000 $, parce que le maximum qu'on a vu, c'est 1 600 000 000 $ au cours des années. Et, si le moindrement le gouvernement budgette une réserve ou un surplus, bien, il pourra éviter ces secousses-là.

Alors, je continue à penser, M. le Président, que ce n'est pas du tout irréaliste de faire en sorte de souhaiter que le gouvernement du Québec anticipe de s'obliger à équilibrer son budget année après année, à résorber dans l'année qui suit tout dépassement observé dans l'année précédente. Et, si on en venait à ça, bien, le gouvernement n'en ferait jamais de déficit. Il en ferait, il ferait des dépassements, mais ces dépassements-là pourraient s'absorber année après année comme le font les municipalités du Québec.

Si on s'inscrit dans une autre dynamique, un dynamique pessimiste, une dynamique d'un gouvernement qui anticipe déjà de retourner dans la spirale des déficits, et des emprunts, et des dettes qui vont en augmentant, bien, à ce moment-là, M. le Président, on n'a qu'à adopter les articles 9 et 10 tels qui sont là, puis on se croisera les doigts, puis on attendra que les déficits arrivent puis qu'on commence à étaler de nouveau sur une période d'années les dépassements qu'on pourra observer dans ces années-là.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Donc, est-ce que l'amendement du député de Laporte, qui demande de retrancher après le mot «dépassement» les mots «de moins de 1 000 000 000 $», est adopté? On va aller au vote. M. le secrétaire, si vous voulez procéder.

Le Secrétaire: Oui. Alors, M. Bourbeau (Laporte)?

M. Bourbeau: En faveur.

Le Secrétaire: M. Landry (Verchères)?

M. Landry (Verchères): Contre.

Le Secrétaire: M. Brien (Rousseau)?

M. Brien: Contre.

Le Secrétaire: M. Côté (La Peltrie)?

M. Côté: Contre.

Le Secrétaire: M. Laprise (Roberval)?

M. Laprise: Contre.

Le Secrétaire: M. Campeau (Crémazie)?

M. Campeau: Contre.

Le Secrétaire: M. Baril (Arthabaska)?

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Abstention. Donc, l'amendement est rejeté, un pour, cinq contre, une abstention. Donc, on revient à l'étude de l'article 8 tel que proposé dans le projet de loi.

M. Brien: M. le Président...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Rousseau.

M. Brien: Oui. Moi, je pense qu'il est important, avec un article semblable, de se garder, au gouvernement, une marge de manoeuvre. Je pense qu'une loi sur l'élimination du déficit, sa première qualité, c'est d'offrir une certaine flexibilité. Parce qu'il y a des imprévus, puis ça peut être toutes sortes de choses. Si le gouvernement y allait avec une loi, là, coulée dans le béton armé, je pense qu'on ne rendrait pas service à nos concitoyens et concitoyennes du Québec. Je veux juste réitérer mon appui à un article semblable, qui dit, bon: «Si un dépassement de moins de 1 000 000 000 $ est constaté pour une année financière, le gouvernement doit réaliser un excédent égal à ce dépassement au cours de l'année financière subséquente.» En voulant dire en quelque sorte, si une année on a dépensé plus que prévu, bien, l'année suivante on va chercher ce dépassement. Je pense que c'est sage, c'est réaliste et c'est souple aussi. C'est les commentaires que j'avais à faire. Merci.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Rousseau. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'article 8?

M. Bourbeau: Oui, M. le Président...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Évidemment, maintenant que le vote a été pris, M. le Président, et que l'article est adopté, on a un article qui nous dit que, si on a...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): L'article n'est pas adopté, là.

M. Landry (Verchères): L'amendement...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, c'est parce que le député de Laporte a dit: maintenant que l'amendement a été rejeté et que l'article a été adopté...

M. Bourbeau: Non, non, pas l'article.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): ...ça fait que je veux juste, pour l'inscription des débats, là...

M. Bourbeau: Maintenant que l'amendement a été rejeté, on se retrouve avec un article qui maintient la clause à l'effet que le gouvernement doit absorber dans l'année qui suit un dépassement de 1 000 000 000 $. C'est mieux que rien, M. le Président, je n'en disconviens pas, là. J'aurais préféré autre chose; j'ai dit tantôt que j'aurais préféré le régime municipal, le gouvernement a choisi de ne pas l'adopter et de se garder la possibilité de faire des déficits, enfin d'étaler sur une période d'années certains déficits qui seraient plus élevés.

(17 h 50)

Là, le gouvernement nous dit: Si le déficit est de moins de 1 000 000 000 $, nous allons le résorber dans l'année suivante. Ce n'est pas rien. Ce n'est pas rien, M. le Président. C'est une clause, compte tenu du fait qu'on n'a pas voulu adopter le régime que j'ai proposé, qui n'est pas à rejeter du revers de la main. Elle n'est pas à rejeter du revers de la main, M. le Président, mais il me semble qu'on pourrait aller plus loin.

On pourrait aller plus loin que ça dans le sens que, sur le principe, on pourrait être d'accord avec ce principe-là de résorber un déficit dans l'année qui suit. Sur les modalités, il me semble qu'on pourrait aller plus loin que ça. 1 000 000 000 $, finalement, on a déjà vu un peu plus dans une année, je le disais tout à l'heure, là. Ça va couvrir la majorité des cas qu'on a observés au cours des 25 dernières années. Mais il ne faut pas retourner trop en arrière parce que les montants n'étaient pas élevés, là. Disons les 10 dernières années, par exemple. Alors, voyez-vous, en 1985-1986, bien, on parle de... Les variations, d'une année à l'autre, du déficit: 400 000 000 $, 500 000 000 $. Ça, c'est à l'arrivée du Parti libéral. Tiens, je suis là, justement. Là, c'était des variations à l'envers, M. le Président. Le déficit était réduit d'une année à l'autre. Alors, ce n'est pas un problème. On est parti de 3 300 000 000 $; l'année suivante, à 2 800 000 000 $; l'année suivante, 2 300 000 000 $; l'année suivante, 1 600 000 000 $; l'année suivante, 1 600 000 000 $. Donc, on s'en allait, M. le Président, vers l'équilibre budgétaire à la fin des années quatre-vingt.

Et, après ça, avec la récession qui s'est installée, là, les déficits se sont mis à augmenter. Alors, en 1990-1991, l'écart a été de 1 200 000 000 $; l'année suivante, de 1 400 000 000 $; et, après ça, 700 000 000 $. Puis, après ça, ç'a été en réduisant, sauf l'espèce de chinoiserie que nous a préparée le député de Crémazie, qui nous a quittés pour d'autres cieux présentement, M. le Président, là, où l'écart a été de 900 000 000 $.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte, vous n'avez pas le droit de faire mention de l'attitude d'un député alentour de la table.

M. Bourbeau: M. le Président, on n'a pas le droit de dire qu'un député n'est pas présent. Je n'ai pas dit qu'il n'était pas présent. Il est présent, le député de Crémazie, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Mais vous avez dit: Il est parti pour d'autres cieux. Ça peut porter à confusion. Vous savez, quand on dit que quelqu'un est parti pour d'autres cieux, hein...

M. Bourbeau: Je parlais de son esprit, je ne parlais pas de son corps, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Ah bon.

M. Bourbeau: Mais je pense que, là, son esprit a rejoint son corps.

M. Landry (Verchères): Ça ne portait pas à confusion dans le cas du député de Laporte parce que ça ne pourrait pas être pour des cieux.

M. Bourbeau: Alors, M. le Président, disons qu'on n'a pas observé, au cours des 10 dernières années, sauf à deux reprises, là, un écart en excédent de 1 000 000 000 $, sauf à deux reprises, je le dis bien. Et, encore là, l'écart n'a jamais excédé 1 500 000 000 $.

Alors, M. le Président, j'aimerais proposer un amendement qui dirait ceci, à l'article 8. Je suis obligé de... Vous comprendrez, quant à la forme, M. le Président, là, il y a un petit peu d'écriture, mais je pense que vous allez le comprendre. Alors: L'article 8 du projet de loi est modifié en remplaçant le nombre «1 000 000 000 $» par le nombre «1 500 000 000 $».

M. le Président, en adoptant cet amendement-là, on se trouverait à couvrir toutes les situations qui se sont produites au Québec depuis presque toujours. La seule exception à ça, qui n'aurait pas été couverte par ça, ç'aurait été le saut de 1 600 000 000 $, ou presque 1 700 000 000 $, entre l'année 1983-1984 et l'année 1984-1985. Mais, à part ça... Et là il n'y a pas eu de... Et je vous signale, M. le Président, pour fins de mémoire que ça, l'année 1983-1984 à 1984-1985, c'étaient deux années où le Parti québécois était au pouvoir, hein. Ce n'était pas, là... Il n'y avait pas de transition, là: 1984-1985, c'était une année tout à fait péquiste.

La première année où est arrivé le gouvernement de M. Bourassa, en 1986... En fait, M. Bourassa est arrivé aux affaires trois mois avant la fin de l'année, mais il a quand même réussi à réduire le déficit. On est passés de 3 800 000 000 $ à 3 300 000 000 $ cette année-là. M. Bourassa a fait le contraire de ce qu'a fait le député de Crémazie, M. le Président. Il a ordonné à ses ministres de comprimer les dépenses en fin d'année – et j'ai un très bon souvenir de ça – de sorte qu'on a fini l'année en réduction de 500 000 000 000 $ pratiquement. Donc, il n'y a pas eu d'augmentation. Donc, là...

Une voix: 500 000 000 000 $?

M. Bourbeau: 500 000 000 $, oui, forcément. Alors, 500 000 000 $ de réduction, dans la transition qui a vu arriver le parti libéral aux affaires. Ça fait un changement un peu avec la médecine que le député de Crémazie nous a servie.

Alors, M. le Président, avec l'amendement que je propose, cet amendement-là aurait pour effet de couvrir la plupart, enfin la totalité des cas qu'on a vu depuis 10 ans. À toutes fins pratiques, M. le Président, nous, ça nous satisferait, dans le sens qu'on obtiendrait d'une façon différente l'objectif que l'on recherche et ça permettrait au gouvernement de conserver, bien sûr, sa philosophie, la philosophie qu'il a introduite dans le projet de loi. Bien sûr, ça veut dire qu'on apportera des amendements semblables aux articles qui vont suivre, M. le Président, pour être cohérent, là. On peut venir voir un peu les choses. On peut penser que, quand on arrivera à l'article 12, quand on arrivera à l'article 10, il y aura des amendements de même nature.

Alors, si le gouvernement accepte, M. le Président, cet amendement-là, on pourra donc... L'article se lirait comme suit: Si un dépassement de moins de 1 500 000 000 $ est constaté pour une année financière, le gouvernement doit réaliser un excédent égal à ce dépassement au cours de l'année financière subséquente.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): M. le député de Laporte, d'abord, premièrement, du fait qu'il est tout près de 18 heures, je vais vous dire tout de suite que je vais prendre le temps qu'il faut pour voir si votre amendement est acceptable, vérifier pour voir si cet amendement-là n'engage pas des dépenses supplémentaires pour le gouvernement ou ne permet pas au gouvernement de faire des dépenses supplémentaires. Si mon interprétation est exacte, je ne pourrai recevoir votre amendement. Donc, M. le député de Laporte, vous aurez à plaider sur la recevabilité.

M. Bourbeau: Oui, mais je voudrais plaider avant que vous rendiez votre décision, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Bien non, je ne la rends pas tout de suite. Je vous ai dit que j'allais réfléchir dessus.

M. Bourbeau: Oui, le problème, ce serait mieux de plaider avant que vous réfléchissiez, M. le Président, parce que, si vous réfléchissez pendant deux heures....

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Je vais vous laisser...

M. Bourbeau: ...puis qu'après ça vous revenez, il va être trop tard, là. J'aimerais mieux procéder...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Non, non, non.

M. Bourbeau: Donnez-moi une minute, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui, oui, je vous l'accorde, mais c'est parce que je voudrais vous dire: il est 17 h 58, là.

M. Bourbeau: Oui, non, ce que je voulais vous dire, M. le Président, je comprends très bien le point que vous soulevez...

Le Président (M. Baril, Arthabaska): Oui.

M. Bourbeau: ...je le connais, ce point-là, vous avez parfaitement raison. On ne peut pas apporter d'amendements qui ont des effets semblables à ceux que vous dites. Sauf que, là, on n'est pas dans une loi ordinaire. On est dans une loi qui prévoit pour l'avenir, et, dans ce sens-là, le principe que vous évoquez, à mon avis, ne s'applique pas dans une loi comme celle-ci. Et je vous soumets respectueusement que, si l'amendement que nous apportions avait pour effet de faire dépenser des sommes d'argent au gouvernement aujourd'hui, je comprends que l'amendement serait irrecevable. On ne parle pas de ça, là. Ce n'est pas un amendement qui va obliger le gouvernement à dépenser de l'argent. Au contraire: c'est un amendement dans lequel le gouvernement va s'obliger à une plus grande rigueur. Alors, je pense que ce n'est vraiment pas dans l'esprit, là, de l'article du règlement que vous avez mentionné, et je vous le soumets avec beaucoup de déférence, M. le Président.

Le Président (M. Baril, Arthabaska): C'est bien, M. le député de Laporte. Merci, mesdames, messieurs de la commission. Sur ce, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 59)


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