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Version finale

32e législature, 2e session
(30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Le jeudi 3 septembre 1981 - Vol. 25 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires sur l'avant-projet de loi contenu dans le rapport Information et liberté


Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Rochefort): La commission des communications reprend ses travaux pour entendre les mémoires sur le rapport de la Commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels.

Les membres de la commission sont aujourd'hui: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Beaumier (Nicolet), M. Bertrand (Vanier), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. French (Westmount), M. LeMay (Gaspé), M. Rivest (Jean-Talon), M. Rodrigue (Vimont), M. Sirros (Laurier) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Peuvent aussi intervenir MM. Baril (Arthabaska), M. Charbonneau (Verchères), M. Fortier (Outremont), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Perron (Duplessis), M. Picotte (Maskinongé) et M. Tremblay (Chambly).

Les organismes que nous entendrons aujourd'hui sont les suivants dans l'ordre: le Barreau du Québec, le Conseil du patronat du Québec, la Commission des valeurs mobilières du Québec, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec, MM. André Beaulieu et Louis Doyle, à titre personnel, l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du Québec, le Central Consumers' Council, et l'Association des parents et amis des malades mentaux et émotionnels, Montréal Inc.

M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Est-ce que vous pourriez m'inscrire, s'il vous plaît, en remplacement de M. Baril (Arthabaska)?

Le Président (M. Rochefort): M. de Bellefeuille remplace M. Baril (Arthabaska). M. le député de Vanier, M. le ministre.

Présence de M. Jean Paré

M. Bertrand: M. le Président, me permettrez-vous, avant de commencer nos travaux ce matin, de saluer la présence parmi nous du président de la commission qui a préparé ce rapport Information et liberté,

M. Paré. Je voudrais, au nom de l'ensemble de la commission, lui dire de vive voix et publiquement toute l'admiration que nous portons au travail qui a été effectué par les commissaires. Les réactions qui ont été rendues publiques depuis la diffusion de ce rapport et les attitudes qui sont prises par les différents groupes en commission parlementaire, la réaction de l'Opposition officielle, la réaction gouvernementale, tout cela indique bien que les gens sont extrêmement satisfaits du travail qui a été accompli. Ils ont le sentiment que ce travail a été fait avec célérité mais aussi avec une volonté d'aller le plus en profondeur possible pour nous permettre de réfléchir non seulement sur la base habituelle d'un rapport et de recommandations mais en se situant par rapport à une proposition de loi qui facilite drôlement le travail des ministériels et des députés de l'Opposition, ainsi, je pense, que dies groupes qui viennent témoigner devant la commission parlementaire. Je l'ai dit en introduction, c'est un travail assez phénoménal qui a été effectué, c'est un document qui nous force maintenant à passer à l'action. Il constitue un bel héritage, mais en même temps une lourde responsabilité, puisque, nous le sentons, des principes aux modalités de l'acceptation du rapport jusqu'à son implantation, il y a, comme on dit très souvent, loin de la coupe aux lèvres et c'est tout le travail qui nous attend jusqu'à ce que, finalement, une loi soit sanctionnée à l'Assemblée nationale.

Je voudrais, M. le Président, au nom de l'équipe gouvernementale, et je pense, au nom de l'ensemble des parlementaires, et au nom du public en général, remercier M. Paré et, à travers lui, remercier l'ensemble des commissaires qui ont effectué ce travail qui nous permet aujourd'hui de réfléchir très sérieusement à la présentation d'une loi qui consacrera le principe de la libération de l'information.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Westmount.

M. French: Pour enchaîner, M. le Président, peut-être qu'il s'agit aussi de mentionner, de notre part, notre entier accord avec ce qu'a dit le ministre. Le rapport est probablement le meilleur qui ait été écrit, surtout dans les pays où les juridictions sont de nature parlementaire

britannique. C'est meilleur que le rapport australien, c'est meilleur que le rapport canadien, particulièrement parce que les commissaires - il y a un avantage à être dernier - ont su profiter de l'expérience vécue sous d'autres juridictions. Ils se sont penchés dans une direction essentiellement pratique et concrète, sans s'attarder trop, sur les gros principes. De cela, nous leur sommes très reconnaissants. Nous trouvons que nous avons maintenant une base sur laquelle on peut, des deux côtés de la Chambre, travailler d'une façon très pratique et très directe.

Le mandat de la commission

Je voudrais aussi, si c'est le temps, apporter une clarification sur une certaine réflexion qu'a faite le ministre pendant ma présence et aussi durant mon absence, quant à l'étendue de la loi et de ses propres interrogations quant à cette question.

Nous avons, dans nos remarques préliminaires, remarqué que le ministre s'était interrogé sur le champ d'application et on avait mentionné la possibilité d'inclure les municipalités comme faisant partie de ces interrogations. Le ministre a en effet nié cela formellement, hier, et aussi, je pense, à l'extérieur des séances régulières. Je suis content de remarquer que la même erreur a été commise par MM. Doyle et Beaulieu qui comparaissent, aujourd'hui, mais c'est facile à expliquer. M. Daniel Marsolais a fait la même erreur le 7 août dans la Presse, dans un article intitulé: Bertrand espère une loi dès l'automne où il dit: Le seul aspect sur lequel il - en voulant parler du ministre des Communications - a exprimé une réserve, parce que cela ne faisait pas partie du mandat de la commission, a-t-il expliqué, concerne la recommandation visant à étendre le champ d'application de la loi aux municipalités, etc.

Donc, pour expliquer au ministre pourquoi on s'est trompé, c'est parce qu'on a inclus cet article. Mais il y a un point aussi plus important que cela. Le ministre, si j'ai bien compris, en mon absence, hier, a donné une leçon constitutionnelle au maire de Sherbrooke contre l'application de la loi. Le maire, si j'ai bien compris, a soutenu la thèse que le mandat de la commission ne touchait pas les municipalités et le ministre lui a donné une leçon d'une façon qui, à ce qu'on me dit, a été un peu gênante pour le maire et pour l'Union des municipalités qu'il représentait, que c'était évident pour tout le monde que le mandat de la commission touchait les municipalités. C'est peut-être vrai, mais ce n'était pas évident pour tout le monde, y compris pour le ministre si on peut se fier à l'article écrit par Daniel Marsolais le 7 août. Cela ne paraît pas dans le bottin que vous nous avez si généreusement fourni.

M. Bertrand: Ne me dites pas que notre bottin serait incomplet.

M. French: Non, mais il a été terminé avant la parution de l'article. Tout cela, M. le Président, simplement pour clarifier la situation.

Télégramme du RCM

Le Président (M. Rochefort): Avant d'entendre le premier organisme, je voudrais lire un télégramme qui a été envoyé aux membres de la commission. Il se lit ansi: "J'ai le regret de vous aviser au nom du RCM que nous sommes dans l'impossibilité de confirmer notre présence devant la commission parlementaire sur l'accès à l'information gouvernementale. Cela n'enlève rien, cependant, à notre conviction que Montréal a grandement besoin que la nouvelle loi s'applique aussi aux municipalités et fasse en sorte de garantir à notre population une ouverture administrative qui, depuis longtemps, fait gravement défaut. Nous suivons avec attention les travaux de votre commission et souhaitons qu'ils mènent rapidement à l'adoption d'une loi qui puisse redonner un peu de Montréal à ses habitants.

Jean Roy, président du Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal. "

J'inviterais maintenant le premier organisme à s'avancer à la table, et je demanderais à ses représentants de s'identifier. Il s'agit du Barreau du Québec.

Mémoires Barreau du Québec

Mme Vadeboncoeur (Suzanne): M. le Président, mon nom est Suzanne Vadeboncoeur, je suis avocate au service de la recherche du Barreau du Québec, et j'ai le plaisir de représenter cet organisme qui, historiquement, s'est toujours intéressé à l'évolution législative de la société québécoise. Nous sommes heureux, nous, représentants du barreau, d'avoir aujourd'hui l'occasion de vous présenter nos réflexions sur la proposition de loi qui a été préparée à la suite du rapport Paré.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que je pourrais vous demander d'identifier les gens qui vous accompagnent avant d'entreprendre la présentation de votre mémoire?

Mme Vadeboncoeur: Oui. À mon extrême gauche, Me André Sirois, qui était assistant du Protecteur du citoyen et qui s'en va à la Commission de réforme du droit du Canada dans les prochains jours, mais qui est ici à titre purement personnel, comme membre du Barreau. À sa droite, Me Pierre Trudel,

professeur à l'Université de Montréal en droit des communications et qui est associé au Centre de recherche en droit public. À ma gauche, le bâtonnier Paul Vézina, que certains d'entre vous connaissent probablement à cause de ses récentes fonctions au Barreau du Québec. C'est lui, d'ailleurs, qui présentera les commentaires généraux du mémoire du Barreau, lesquels seront suivis, nous l'espérons, d'une période de questions auxquelles chacun de nous tentera de répondre au meilleur de sa connaissance.

Le Président (M. Rochefort): Cela va. Je tiens à vous rappeler que vous avez vingt minutes pour nous faire une présentation générale de votre mémoire.

Mme Vadeboncoeur: Merci, M. le Président. M. le bâtonnier.

M. Vézina (Paul): M. le Président, MM. les membres de la commission, le Barreau a collaboré bien modestement au travail de la commission d'enquête en déposant un mémoire qui avait été préparé par un groupe d'avocats, dont Me Pierre Jasmin, qui était le président, un avocat de Montréal, Me Francine Côté, Me André Sirois qui est ici, Me André Tremblay, Me Pierre Trudel qui est ici, assistés du service de recherche du Barreau. Ces mêmes personnes ont de nouveau formé un comité pour étudier le rapport de cette commission d'enquête et ils ont confectionné le mémoire concernant la proposition de loi que nous vous soumettons aujourd'hui.

J'aimerais souligner d'abord un anniversaire. Aujourd'hui le 3 septembre 1981, ça fait un an qu'on a passé le décret formant la commission d'étude Paré. C'est important, puisqu'en dedans d'un an on est passé de la formation de la commission d'étude au rapport, puis à la commission parlementaire. C'est assez exceptionnel et le Barreau se réjouit de cette diligence qui a été manifestée par la commission. Je pense que les gens qui vont prendre connaissance plus tard du rapport de la commission d'étude vont être surpris d'apprendre que tout ça s'est réalisé en moins d'une année.

Le Barreau se réjouit aussi que la commission ait jugé bon de proposer une partie de son rapport sous forme de proposition de loi. Lorsqu'on étudie des rapports d'étude, il y a toujours l'énoncé de grands principes et, lorsque le Barreau vient faire des commentaires et appeler parfois à une certaine prudence, on semble soit paraître contre la vertu, soit prêter de mauvaises intentions aux gens qui, par la suite, vont être appelés à travailler avec un rapport d'enquête.

Au contraire, ici, on a non seulement l'énoncé des principes, mais on a aussi quelque chose de plus concret comme texte. Pour nous du Barreau, on a trouvé que c'était un moyen de travailler très utile et ça nous a permis, à nous-mêmes, de vous présenter des remarques sur chacun des articles, comme on le fait habituellement lorsqu'il s'agit d'un projet de loi. Cela nous permet, il me semble, d'aller un peu plus loin dans la discussion que si on s'en tenait à des énoncés généraux comme on le fait assez souvent.

Mais assez pour les félicitations. On n'est pas ici pour montrer qu'on est d'accord; on est ici surtout pour souligner ce qui nous est apparu, peut-être, perfectible dans ce rapport d'enquête.

Il est bien clair dans le rapport qu'on met sur un pied d'égalité, tant en invoquant la Charte des droits et libertés qu'en exprimant une opinion personnelle, le fait que la protection des droits nominatifs, la protection des droits personnels est un principe tout aussi fondamental que l'accès aux documents publics. Le principe est clairement énoncé, entre autres, à la page 18 du rapport. D'ailleurs, il est repris à maintes reprises.

Pourtant, quand on regarde la proposition de loi, il nous semble que cette égalité n'est pas entièrement atteinte. Il nous semble que la protection des droits personnels, des droits nominatifs est plus faible que l'autre partie qui est l'accès aux documents publics. Quelques exemples de cette différence: Prenez d'abord les articles 9 et 56 où on énonce les deux principes. À l'article 9, on dit dans une ligne, avec toute la force que peut avoir la concision: "Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. " C'est clair, c'est net, c'est précis.

Si vous allez à l'article 56, on nous dit: "Les renseignements nominatifs sont confidentiels à moins que leur divulgation ne soit autorisée par la loi ou par la personne qu'ils concernent. " On voit déjà que là, on fait une restriction. Cette restriction existe tout autant pour le principe de l'accès, mais à l'article 9 on a affirmé carrément le principe. À l'article 56, on y va plus mollo. (10 h 30)

On voit encore un exemple de cette inégalité si on regarde la question de la personne responsable de l'accès aux documents en comparaison de la personne responsable de la protection des renseignements personnels. Cette personne responsable de l'accès aux documents, on voit à l'article 47 qu'on doit lui adresser toute demande, et on voit que son rôle est inscrit dans tout le chapitre qui traite de l'accès aux documents. Toutes les dispositions du chapitre II sont en quelque sorte sous sa responsabilité. Par ailleurs, regardons l'article 92, où l'on retrouve la personne chargée de la protection des renseignements personnels.

On s'aperçoit qu'il ne s'agit que d'une section du chapitre de la protection des droits personnels. Il ne s'agit que du droit d'accès par une personne concernée à des renseignements nominatifs et non pas de tout le chapitre de la protection des droits personnels. En quelque sorte, ce nom qu'on lui donne de personne chargée de la protection des renseignements personnels ne correspond pas au rôle qu'on lui donne dans la loi. On aurait dû simplement l'appeler la personne chargée de l'accès aux renseignements nominatifs par les personnes concernées. C'est beaucoup plus restreint.

Un autre signe de cette inégalité, c'est le nom même de la commission qu'on propose de former, l'article 101. On dit que c'est la commission de l'accès aux documents des organismes publics. Là, on ne mentionne pas du tout la référence à la protection des droits personnels, contrairement au titre de la loi, contrairement à cette dualité que l'on veut présente et où on veut évidemment deux plateaux de même poids, mais on retrouve surtout cette différence dans certaines mesures qui viennent donner du poids à tous ces articles de la loi. Prenons le droit d'accès aux documents publics. Si on regarde l'article 46 et l'article 148, l'article 46 nous dit que toute disposition d'une autre loi qui autorise un organisme public à refuser de communiquer un renseignement communiqué en vertu du présent chapitre, cesse d'avoir effet le (insérer ici la date postérieure de deux ans à titre de la sanction de la présente loi). On voit qu'on a voulu donner une prépondérance considérable à la Loi sur l'accès et l'article 148 vient encore renforcer cette prépondérance, puisque, à l'article 148, on établit la règle suivante: Cette loi doit être interprétée de manière à ne pas restreindre l'exercice du droit d'accès d'une personne à un document résultant de l'application d'une autre loi, règle d'interprétation qui nous dit bien que l'accès aux documents publics est augmenté par la nouvelle loi et n'est diminué d'aucune façon. Donc deux articles qui veulent établir une protection additionnelle au droit d'accès aux documents publics.

En contrepartie à ces articles, qu'est-ce qu'on trouve cette fois pour assurer le droit à la protection des renseignements nominatifs? On ne trouve absolument rien d'équivalent. On ne trouve pas, comme l'article 148, une règle d'interprétation qui aurait dit que toutes les mesures de la présente loi pour protéger la confidentialité des renseignements nominatifs viennent s'ajouter aux mesures qui existent déjà dans les autres lois pour protéger ces mêmes renseignements. Il n'y a pas de tel équivalent.

On retrouve l'article 62 qui est la contrepartie, tout à fait à l'opposé de l'article 46, où l'on dit que dans la mesure où elles sont incompatibles avec cette loi, les dipositions législatives mentionnées à l'annexe A deviennent inopérantes le (insérer ici la date postérieure de deux ans) à celle de la sanction de la présente loi. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire qu'on abolit en quelque sorte toutes les protections existantes quant aux renseignements nominatifs.

Cela va très loin. Il nous semble que cela va trop loin. Je ne reprendrai pas chacun des articles, il y en a un grand nombre dans l'annexe A, mais je vais vous donner un premier exemple. Je prendrai l'article 307 du Code de procédure civile. C'est un des articles mentionnés à l'annexe A. L'article 62 nous dit: Va devenir inopérant. L'article 307, c'est le suivant: Un témoin ne peut être contraint de divulguer une communication que son conjoint lui aurait faite pendant le mariage.

Est-il vraiment nécessaire, pour assurer un plus grand droit d'accès aux documents publics, de rendre inopérante cette protection des confidences du couple, qui date depuis fort longtemps, qui est une protection traditionnelle et qui a toujours été accordée à la famille? Il nous semble qu'il n'est vraiment pas nécessaire de faire cela. Il nous semble même que c'est dangereux d'attaquer cet autre principe fondamental pour nous de la protection accordée aux conjoints de pouvoir se parler librement sans risquer éventuellement d'être obligés de témoigner sur ce que l'un a dit à l'autre.

Toutes ces mesures qui protègent déjà les renseignements nominatifs devraient être maintenues et devraient s'additionner à celles que l'on prévoit dans la loi. Il me semble que l'on voit trop ces deux droits fondamentaux, c'est-à-dire l'accès aux documents publics et la protection des renseignements nominatifs, comme étant contradictoires. II nous semble qu'au contraire, ces deux droits fondamentaux qui peuvent très bien et doivent coexister, ce n'est que par exception qu'ils deviendront en contradiction l'un avec l'autre. Ces cas d'exception, il serait peut-être plus prudent de prévoir que dans chaque cas d'espèce, on trouvera la solution et non pas a priori décider qu'un droit est plus fondamental qu'un autre, et décider de donner la priorité à l'accès aux documents publics plutôt que la priorité à la protection des renseignements nominatifs, la protection de la vie privée. Il n'y a rien de plus difficile de décider théoriquement qu'un droit est plus fondamental qu'un autre. Même la Charte des droits et libertés de la personne ne s'y est pas risquée. Elle a défini une série de droits fondamentaux en laissant aux tribunaux le soin, si jamais il y avait des heurts entre les deux, de régler le problème suivant les circonstances.

À notre avis, il aurait fallu, pour ce

qui est des renseignements nominatifs, c'est-à-dire ceux qui concernent une personne et que l'on peut relier à cette personne, aller un peu plus loin dans cette partie de la loi. Il aurait fallu carrément dire que les renseignements nominatifs font partie de la vie privée et que, comme tels, ils n'appartiennent pas aux documents étatiques, ils n'appartiennent pas aux documents publics, mais ils continuent d'appartenir à l'individu, à la personne visée. Même si on les retrouve dans les documents publics, ils ne sont là qu'en dépôt, en fiducie et l'État ne peut les utiliser pour lui-même ou ne peut les communiquer à d'autres que comme quelque chose qui ne lui appartient pas, donc avec beaucoup de précaution. Il ne peut les utiliser que suivant le mandat qu'il a dénoncé au propriétaire de ces renseignements, c'est-à-dire à la personne visée, lorsqu'il les a obtenus.

On comprend tout de suite que si on veut changer le certificat des fichiers personnels, par exemple, il faut en aviser celui à qui appartiennent les renseignements nominatifs, c'est-à-dire la personne concernée. De la même façon, si on veut transférer ces renseignements à un autre organisme un jour, il faut encore là le demander au détenteur de ces renseignements, ou du moins l'en aviser, de façon qu'il puisse apporter des corrections si nécessaire. Donc, aller un peu plus loin pour définir les renseignements nominatifs et établir la règle de base qu'ils ne doivent pas être divulgués.

Évidemment, il sera toujours délicat, dans certains cas, de distinguer dans un document ce qui est nominatif et ce qui ne l'est pas. Il y a une question qui pourra, dans les faits, être difficile à trancher. C'est pourquoi il nous semble aussi important que la personne chargée de donner l'accès aux documents publics soit en même temps obligée de protéger la confidentialité des renseignements nominatifs, ce qui ne semble pas être nécessairement le cas dans le projet de loi.

Dans le projet de loi, à l'article 7, par exemple, il y a un petit "ou" qui nous semble bien intriguant. On nous dit qu'il y a la personne responsable de l'accès aux documents publics ou la personne responsable de la protection des documents personnels. Par la suite, on dit qu'il peut y avoir délégation. Il semble qu'il puisse y avoir délégation d'une partie des pouvoirs à une personne, c'est-à-dire qu'on pourrait nommer une personne responsable de l'accès aux documents et une autre personne responsable de la protection des renseignements personnels. Si tel était le cas, il est certain qu'il faut que l'une et l'autre soient obligées de faire respecter toute la loi dans chacun des cas. Autrement, il pourrait arriver que l'une se soucie peu de l'autre chapitre de la loi et qu'on ne maintienne pas la protection des deux droits essentiels.

Donc, je conclus avec cette question au sujet de ce qui nous apparaît un manque d'équilibre pour la protection des renseignements nominatifs.

L'autre point, l'autre remarque générale, c'est que l'on touche dans ce projet de loi à tout le mode judiciaire d'accès aux documents. À l'article 44, à l'article 59 et à d'autres articles, on semble intervenir dans les règles qui existent actuellement au Code de procédure civile ou dans d'autres lois et qui touchent au mode judiciaire d'accès aux documents. Il me semble que - parce qu'on le fait d'une façon bien partielle - c'est assez dangereux, c'est assez hasardeux. Il y a une possibilité actuellement d'obtenir des documents du gouvernement - et on peut aller assez loin -par le mode judiciaire, par un subpoena qui oblige un témoin à apporter avec lui des documents. Il y a aussi des règles qui protègent le droit du gouvernement de gqarder ces documents confidentiels, quitte à les soumettre à un juge. C'est l'article 3508, cet article que le rapport recommande de maintenir dans sa forme actuelle, mais dont, par ailleurs, la proposition de loi nous dit qu'il deviendrait inopérant si jamais il nuisait à l'exercice du droit d'accès aux documents publics.

Ce que nous proposons, c'est que tout le mode judiciaire demeure étranger, continue d'exister comme il est actuellement et qu'il soit en quelque sorte parallèle à ce mode d'accès aux documents qui est un mode plus administratif. Pour vous donner un exemple d'une protection qui disparaît avec la proposition de loi, il y a l'article 59 qui nous dit: "Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un renseignement nominatif à un tribunal s'il est exigé par assignation, mandat ou ordonnance dans le cadre d'une procédure judiciaire. " Combinez cela avec le fait qu'à l'annexe A on retrouve l'article 60. du ministère du Revenu; c'est cet article qui dit que votre rapport d'impôt ne peut être communiqué à personne, même pas, dans une instance civile, au juge qui préside le tribunal. Si vous abolissez la protection de l'article 60 et que vous maintenez cet article 59, cela veut dire que, dans une procédure judiciaire où il s'agit la plupart du temps d'un conflit privé entre deux personnes - pensez à tous les problèmes matrimoniaux, les cas de divorce ou de séparation contrairement à la situation actuelle, vous pourrez obtenir les rapports d'impôt de l'autre partie. Par contre, le législateur a toujours jugé jusqu'à présent que les individus entre eux ne pouvaient pas aller chercher des documents publics pour prendre avantaqe les uns contre les autres et c'était la raison, évidemment, de cette protection de l'article

60.

(10 h 45)

II y a encore d'autres protections de même nature que la loi semble faire sauter. Il me semble que, si on veut modifier le système judiciaire, on devrait plutôt procéder à une étude plus approfondie et revoir l'ensemble des règles, parce qu'en matière judiciaire l'équilibre n'est pas entre le droit d'accès et la protection de la vie privée. En matière judiciaire, l'équilibre est entre la nécessité pour le tribunal d'être informé de tous les faits afin de rendre justice et la protection de la vie privée compte pour peu. On n'a même pas le droit en matière judiciaire (article 308) de refuser de témoigner parce que l'on pourrait s'incriminer. Vous voyez que la protection de la vie privée n'est pas véritablement le facteur qui est en cause en matière judiciaire. On oblige les gens à témoigner afin que justice puisse être rendue. C'est donc un autre équilibre entre d'autres principes fondamentaux dont il est question en matière judiciaire et il me semble qu'on ne devrait pas intervenir dans cela partiellement comme on le fait par la proposition de loi.

Enfin, trois petites remarques que je ferai brèves. L'organisme de surveillance, le rapport dit qu'il a un rôle quasi judiciaire. Nous soumettons que c'est vrai, ça nous semble aussi être le cas. S'il a un rôle quasi judiciaire, ça veut dire qu'il va devoir décider de points de droit. S'il décide de points de droit, qu'on y mette des hommes de loi pour en décider. L'État paie fort cher les subventions aux universités pour former des spécialistes dans ce domaine, qu'il les utilise. Il nous semble que cet organisme est la place où utiliser cette compétence, cette expertise. Qu'on y retrouve des juges, qu'on y retrouve des avocats, du moins pour la partie quasi judiciaire, pour la partie des décisions en droit.

Le deuxième point, c'est que nous souhaitons qu'il n'y ait pas de doute non plus que le droit à la représentation par avocat soit respecté. Vous établissez des droits pour les individus d'aller chercher des renseignements, vous établissez des droits de révision, etc.; il ne faut pas qu'il y ait de doute que les gens puissent exercer ces droits par l'intermédiaire d'un avocat. Rien, dans la proposition de loi, ne met en doute ce droit, mais on sait que dans la pratique -vous dites, par exemple, que le responsable devra aider la personne à présenter sa reguête - ç'a donné, à certaines occasions, une interprétation qui faisait qu'on niait au reguérant le droit d'être représenté par avocat; du moins, on lui rendrait l'exercice de ce droit plus difficile. Le Barreau souhaite donc qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur ce point.

Dernière remarque, en rapport avec les articles 1 et 2. Le premier organisme public nommé à l'article 2, c'est l'Assemblée nationale du Québec. Si vous pouviez profiter de cette loi pour rendre les documents de l'Assemblée nationale du Québec plus accessibles, ce serait merveilleux. Les lois et les règlements sont de moins en moins accessibles aux citoyens, aux avocats aussi, d'ailleurs. Avec la promulgation des lois par parties, avec des références qui sont rendues plus ou moins complexes, avec la refonte des lois de 1977, mais publiée deux ans plus tard et qui ne contient pas les lois adoptées entre-temps et les modifications apportées entre-temps, ça devient un travail de spécialiste de simplement connaître la loi. Cela, c'est une anomalie. Si on veut que les gens aient accès aux documents publics, aux analyses, etc., on est certainement d'accord, mais qu'ils aient d'abord accès à la loi et qu'on fasse disparaître ce qui nous semble être une pagaille, actuellement, dans ce secteur. C'est un voeu que le Barreau a répété à maintes reprises et que je vous exprime aujourd'hui en terminant. Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais remercier le Barreau. Au-delà des remarques qui ont été transmises, nous avons reçu aussi un document fort élaboré pour lequel nous tenons à vous remercier particulièrement puisque vous avez repris, je n'oserai pas dire chacun des articles de la proposition de loi, mais un bon nombre de ces articles. Vous avez fait un certain nombre de recommandations et de commentaires et vous nous faites des suggestions de modifications qui, dans certains cas, peuvent être très utiles. On ne s'attendait pas à moins de la part de personnes qui font oeuvre de juristes que de nous aider dans la préparation d'une loi.

Vous avez volontairement évité de tomber justement dans la lecture, un peu fastidieuse, de l'ensemble de ces articles de loi, mais vous avez soulevé un certain nombre de questions de fond dont je ne retiendrai que quelques-unes, parce que vous nous avons plusieurs groupes à recevoir aujurd'hui et j'ai promis à mon collègue de l'Opposition officielle, M. French, que je serais beaucoup plus bref dans l'ensemble des commentaires que j'émettrais aujourd'hui. Je vais faire un effort et j'espère qu'on pourra conclure la journée en disant que l'objectif a été atteint.

Vous invitez le gouvernement à assujettir à la loi tous les organismes qui sont subventionnés à plus de 50% par l'État Vous avez évidemment à l'esprit, probablement les universités, les cégeps, les écoles privées, vous avez aussi à l'esprit certains autres organismes dont le nom ne

me vient pas à l'esprit, mais qui reçoivent des fonds du gouvernement et, dans bien des cas, pour plus de 50%. Par contre, vous avez toute une argumentation sur le secteur judiciaire, ce qui me fait croire que cette phrase qui est citée dans le rapport de la commission Paré est tout à fait juste: "La commission d'enquête ontarienne dirigée par le Dr D. Carlton-Williams a noté avec humour que les citoyens veulent tout savoir sur autrui et que l'on ne sache rien sur eux. "

L'impression que j'ai, après vous avoir entendus, c'est que vous dites qu'en ce qui concerne en tout cas le secteur judiciaire, on pense que la façon dont on fonctionne doit être tenue à l'écart d'une loi d'accès à l'information gouvernementale et à la protection des renseignements personnels, parce que tout le système judiciaire en lui-même a son propre code de procédure a ses propres règles internes et ces règles s'accommoderaient difficilement d'une loi d'accès à l'information gouvernementale.

J'aimerais vous entendre commenter l'invitation que vous faites au gouvernement à ouvrir plus largement et même, vous nous y invitez, à régir les banques de données privées. La commission nous a suggéré là-dessus de pousser plus loin l'étude parce que c'est un secteur où, s'il y a des décisions à prendre, il faudra le faire après une analyse beaucoup plus approfondie. Les commissaires nous ont signalé que le peu de temps qu'ils ont eu pour préparer le rapport ne leur permettait pas d'arriver avec des propositions sur cette question-là, mais ils nous invitaient à approfondir le dossier. Or, vous n'êtes pas sans savoir que plusieurs compagnies détiennent des chartes fédérales et que, s'il fallait intervenir au niveau de l'accès à l'information et du contrôle de la gestion des fichiers, il y aurait peut-être là un problème constitutionnel. J'aimerais entendre les juristes nous dire ce qu'ils pensent du probème constitutionnel qui pourrait survenir dans ce cas-là.

Enfin, relativement à la composition de l'éventuelle commission, si nous retenons cette proposition, vous nous soumettez, je pense, que c'est de bonne guerre que ce soient des avocats qui en soient les membres. On a rencontré hier des informaticiens qui nous ont dit, qu'il devrait y avoir au moins un informaticien à la commission. Il y a peut-être d'autres groupes qui viendront nous dire qu'il serait absolument indispensable qu'ils soient représentés au sein d'une telle commission. Je voudrais savoir quelle est la justification, comme on dit chez les intellectuels, quelle est la rationnelle qui supporte une telle proposition.

Voilà donc les trois points sur lesquels j'aimerais peut-être vous entendre maintenant élaborer un peu plus votre pensée.

M. Vézina: Sur le premier point, au sujet de l'article 5 et de la recommandation que nous faisons d'y inclure les universités et les institutions d'enseignement privées subventionnées à plus de 50% par l'État, Me Pierre Trudel a travaillé ce point et va vous répondre.

M. Trudel (Pierre): D'abord, évidemment, il n'est pas question, dans les recommandations que l'on fait à l'égard de l'article 5, d'inclure tout organisme ou toute entreprise, quel qu'il soit, qui est subventionné à plus de 50% par l'État. Il nous est apparu cependant que si l'intention est de faire en sorte que les organismes scolaires soient assujettis à la loi, on ne voyait pas pourquoi les universités, qui font partie intégrante du système scolaire, seraient exclues, dans la mesure où elles sont assujetties en général aux mêmes obligations face à leur clientèle. On ne voyait pas pourquoi il fallait créer deux catéqories d'institutions d'enseignement.

Notre recommandation s'arrête là. On ne mentionne absolument pas qu'il faudrait inclure tout organisme dès qu'il est subventionné à plus de 50%. On s'en est tenu uniquement aux organismes d'enseignement.

M. Vézina: Pour ce qui est de la deuxième partie au sujet du judiciaire qu'on demande de laisser de côté, il ne faudrait pas y voir simplement une limite au droit d'accès. Au contraire, il existe actuellement des possibilités d'obtenir plus de documents que ce que permettrait la proposition de loi.

Je vous donne l'exemple suivant: L'article 44 de la proposition de loi nous dit qu'un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque cette divulgation risquerait d'avoir un effet sur l'issue d'une procédure judiciaire en cours, etc. Cela veut donc dire que le gouvernement qui serait partie à un procès, pourrait en vertu de cet article 44, refuser de remettre une analyse parce qu'il y aurait procédure judiciaire en cours. Comparez cela avec l'article 401 du Code de procédure civile, je vais vous le lire: "Une partie qui a en sa possession quelque écrit se rapportant au litige peut, après production de la défense, être assignée à comparaître devant le protonotaire pour en donner communication et en laisser prendre copie. "

Si j'ai un procès pour ou contre le gouvernement, si le gouvernement est partie à un procès, en vertu de l'article 401, je peux le forcer à sortir des documents qu'à première vue, en vertu de l'article 44, s'il était adopté, il pourrait refuser. C'est vraiment un autre équilibre.

M. Bertrand: M. le Président, l'article 44 est là, mais il y a un autre article qui a été prévu dans les dispositions générales,

l'article 148. Je veux savoir si cet article vous satisfait dans le contexte où justement, vous argumentez. On dit que cette loi, la loi d'accès, doit être interprétée de manière à ne pas restreindre l'exercice du droit d'accès d'une personne à un document résultant de l'application d'une autre loi.

M. Vézina: À mon avis, non, parce que c'est une règle d'interprétation. L'article 148 dit bien "interpréter. " Une règle d'interprétation, on ne s'en sert que lorsque la disposition n'est pas claire. Il faut d'abord appliquer une disposition qui est claire. L'article 44 nous dit que le gouvernement peut refuser de communiquer; c'est clair. L'article 148 n'est que d'un secours lorsqu'il y aurait une situation peut-être un peu confuse dans les dispositions de la loi où là, on ferait appel à cette règle d'interprétation. Si on avait dit, à l'article 148, que c'était non pas une règle d'interprétation, mais une priorité, cela pourrait aller, mais ce n'est pas cela qu'on a dit. On a fait simplement une règle d'interprétation, comme, par exemple, on sait que dans la Charte des droits et libertés de la personne, pour les lois antérieures, ce n'est qu'une règle d'interprétation, elle n'a pas priorité sur les lois antérieures, elle ne sert qu'à interpréter, lorsqu'il y a peut-être confusion ou lorsqu'il y a une matière qui n'est pas parfaitement claire.

M. Bertrand: En tout cas, l'éventuelle commission aura deux ans pour réviser l'ensemble des lois qui seraient touchées par une loi d'accès à l'information gouvernementale. II y a, entre autres, les lois auxquelles vous êtes soumis. Mon interprétation de l'article 148 - je pense que c'était probablement celle des commissaires -était de permettre, de faire en sorte que dans les cas où des lois prévoient déjà un accès qui est au moins égal, sinon meilleur que celui qui est proposé par la proposition de loi ici, la loi d'accès à l'information gouvernementale, il ne fallait surtout pas restreindre l'application de ces lois dans la mesure où justement elles permettaient d'aller chercher plus de renseignements, plus de documents, plus d'information que ne le permet la proposition de loi contenue dans le rapport Paré. S'il faut, comment dirais-je, sur le plan juridique, préciser des choses comme celles-là, ce qu'il faut surtout comprendre ici, c'est l'intention des commissaires et l'interpréter correctement en disant que c'est l'intention visée.

M. Sirois (André): C'est peut-être un problème de rédaction. Il aurait peut-être fallu simplement écrire: Cette loi ne doit pas restreindre l'exercice du droit d'accès, etc. C'est peut-être ce qu'on aurait voulu écrire, mais comme il est rédigé, c'est très clair que c'est une règle d'interprétation. (11 heures)

M. Vézina: Quant à l'article 62, c'est-à-dire que la commission a deux ans pour réviser toute l'annexe A, ce qui nous semble dangereux, c'est de décider aujourd'hui que dans deux ans au plus tard, ces dispositions seront inopérantes, qu'on en ait complété l'étude ou pas. C'est cela qui est dangereux. Si on nous disait que le législateur révisera chacune des dispositions de l'annexe A et, si nécessaire, les amendera, c'est parfait, mais qu'on ne décide pas avant de commencer l'étude qu'au plus tard dans deux ans, peu importe où on en sera, elles seront inopérantes. C'est ce que l'on a cru comprendre de l'article 62.

M. Bertrand: Attention!

M. Vézina: On dit: Au plus tard dans deux ans, cela devient inopérant. On n'est pas sûr que le législateur aura été appelé dans chacun des cas à bien évaluer les conséquences de l'opération, mais que l'on reprenne chacune de ces dispositions et que le législateur les modifie pour les rendre conciliables avec la loi projetée, parfait; si entre-temps, il y a un problème et que les tribunaux le tranchent, parfait, mais non pas que cela devienne automatiquement inopérant sans qu'on soit sûr que l'étude a été faite.

M. Bertrand: Maître, j'en viens toujours au même argument, servons-nous de notre sens commun. Il est évident que, si au terme de deux ans, il y a un certain nombre de lois qui n'ont pu être analysées par la commission pour savoir s'il y a des modifications à y apporter à cause même de l'introduction d'une nouvelle loi sur l'accès à l'information gouvernementale, il est très clair que ces lois ne seraient pas rendues inopérantes, cela tombe sous le sens commun qu'il faut que ce travail soit complété.

M. Trudel: Mais, si je peux me permettre, à ce moment-là, il serait infiniment plus prudent de retrancher les articles 46 et 62 qui, jusqu'à maintenant, font partie du texte de loi et, après le seul écoulement du temps, elles deviendront soit inopérantes ou cesseront d'avoir effet. Si l'intention que vous exprimez est bien celle-là, il sera toujours temps de faire en sorte que ces lois soient inopérantes le moment venu, une fois l'étude complétée, plutôt que de le prévoir dès maintenant.

M. Bertrand: On peut en revoir la rédaction, mais le principe doit être maintenu, c'est-à-dire qu'il faut quand même évaluer si des lois doivent demeurer opérantes ou doivent devenir inopérantes.

M. Vézina: On est bien d'accord avec

cela, mais ce qu'on trouve dangereux, c'est la technique employée de mettre un couteau qui dit: Dans deux ans, fini pas fini, c'est coupé. C'est cela qui nous fait craindre l'article 46 et l'article 62.

Mme Vadeboncoeur: D'ailleurs, si vous me le permettez, l'intention que vous exprimez, c'est-à-dire que le principe demeure que l'étude doit être faite, c'est prévu par l'article 156 et non pas par les articles 46 et 62, ce qui justifierait le retrait des articles 46 et 62 et le maintien à tout le moins de l'article 156 pour conserver à la commission le devoir d'étudier toutes les lois en question.

M. Bertrand: À mon avis, il faut quand même indiquer clairement dans la loi que la commission doit effectuer ce travail, parce qu'il y a trop de lois qui existent. Il y en a un grand nombre mentionné à l'annexe A. Cette liste n'est pas nécessairement exhaustive et on pourrait retrancher de cette annexe un certain nombre de lois. On a vu hier, dans le cas du Directeur général des élections, qu'il fallait tenir compte de la situation très particulière dans laquelle il travaille. Ceci étant dit, je pense qu'il faut maintenir le principe de faire ce travail; par contre, il faut le baliser pour qu'on ne soit pas dans une situation complètement absurde où, finalement, des lois qui méritaient d'être opérantes, parce qu'elles facilitent l'exercice du droit à l'accès, deviennent inopérantes parce que justement le travail n'a pas été fait ou a été mal fait ou n'a pas pu être complété, parce qu'on avait fixé, à un moment donné, une échéance que les commissaires n'ont pas été en mesure de respecter.

M. Vézina: Mais il existe déjà en matière d'interprétation une loi qui dit qu'une loi nouvelle a préséance sur les lois anciennes, les lois générales par rapport aux lois spéciales, etc., pour justement réussir à donner effet à des dispositions de la loi qui abolissent implicitement - cela arrive souvent, sans le dire expressément - d'autres dispositions législatives. C'est une technique déjà connue, déjà prévue dans la loi d'interprétation. En ce sens, cela nous semble suffisant, la technique additionnelle qu'ajoute la proposition de loi nous semble un couteau dangereux. Tout le secret professionnel, par exemple, de l'avocat est remis en question. Cela nous semble encore un point qui devrait être discuté beaucoup plus amplement. Il est certain que déjà cette loi aurait des effets, malgré l'existence de dispositions législatives quant au secret professionnel, en vertu des règles habituelles d'application des lois et d'interprétation des lois.

Le troisième point que vous avez soulevé, ce sont des avocats membres de la commission. Pourquoi des avocats? Pourquoi pas des informaticiens? Pourquoi pas d'autres personnes? On n'a aucune objection à ce qu'il y ait d'autres personnes à la commission, absolument pas. On dit simplement que vous donnez un rôle quasi judiciaire - c'est l'expression même employée par le rapport Paré, à la page 10 - c'est-à-dire de décider entre des gens qui ne s'entendent pas qui va avoir raison et d'appliquer la règle de droit pour diviser entre l'un et l'autre. Cela m'apparaît par définition un travail juridique, ce qu'on apprend à l'université des avocats, être ce qu'on est appelé à faire tous les jours. Je vous dis, pour cette partie, parce que, pour faire le travail d'étude, ce n'est pas nous autres qui connaissons tout, loin de là et, pour faire le travail quasi judiciaire, pour appliquer des règles de preuve, pour diriqer un débat contradictoire judiciaire, c'est précisément le travail qu'on fait, on vous dit: Cette partie-là, assurez-vous que ce sont les juristes qui vont la faire. Dans certains organismes, on dit: Le président sera un juriste et, pour les questions de droit, c'est lui qui videra le problème. Par contre, pour ce qui est de rendre la décision et de l'opportunité de la décision, c'est l'ensemble du "board" qui décide. Vous pourriez aussi, si vous décidez de confier cela à des organismes existants, dire que, tout simplement, le rôle quasi judiciaire sera joué par les tribunaux.

M. Bertrand: Un bon service du contentieux à l'intérieur d'un organisme, est-ce que cela ne peut pas jouer un rôle très utile?

M. Vézina: Moi, je vous dis que c'est le travail d'un avocat. Si vous me dites que vous faites appel à un contentieux, c'est déjà des hommes de loi qui vont trancher le point. C'est très bien. Il y a la question de savoir s'ils sont juges et partie en même temps, cela est un autre problème. Enfin, faites trancher un problème de droit par un homme de droit; cela m'apparaît assez fondamental.

M. Bertrand: Une dernière question. Avez-vous réfléchi sur la propositon de création de cette commission d'accès aux documents des organismes publics? Vous dites: Bien sûr, il y a une dimension qui manque, c'est celle de la couverture des renseignements personnels, ne serait-ce qu'au niveau de l'appellation même de la commission. J'ai indiqué hier que j'étais très préoccupé par ce problème, qu'on vit dans les gouvernements, de la multiplicité des organismes dans tous les champs d'activité, qui provoquent, bien sûr, la création de nouveaux effectifs et l'allocation de crédits

additionnels, etc. Est-ce que vous avez réfléchi sur cela ou si vous avez tenu pour acquis que, puisque la proposition de loi demande la création d'un nouvel organisme, il fallait aller de l'avant avec une telle proposition et non pas chercher à voir si d'autres types d'organismes déjà existants dans l'appareil gouvernemental pourraient assumer les responsabilités que la commission voudrait voir assumer par la commission d'accès aux documents des organismes publics?

M. Vézina: Dans le travail du comité même, nous ne nous étions pas arrêtés à ce point-là parce que - peut-être sommes-nous trop pessimistes - nous avons cru que la création d'un nouvel organisme était inévitable. Mais déjà, antérieurement, le Barreau a dit qu'à son avis il y avait beaucoup trop d'organismes publics et qu'entre autres, chacun faisant ses propres règles de procédure, chacun faisant ses propres règles de fonctionnement, cela amenait une confusion totale. Un simple citoyen ne peut évidemment pas s'y retrouver. Même pour nous les avocats - en matière d'expropriation par exemple, le tribunal de l'expropriation fixe ses délais, l'autre organisme fixe ses propres délais, fixe ses propres règles de preuve, etc. - c'est une confusion totale. Nous préférerions et de beaucoup que tout cela soit unifié. Entre autres choses - on en a discuté ce matin à la suite des remarques qu'on a pu lire dans la Presse - toute la partie quasi judiciaire, nous ne voyons pas à première vue pourquoi elle ne serait pas confiée aux tribunaux qui existent déjà, que ce soit à la Cour provinciale ou à la Cour supérieure. Pourquoi ce ne serait pas eux, lorsqu'il y a un litige, qui exerceraient la révision? Pour ce qui est de l'étude de recommandations à l'avenir etc., il se peut qu'un autre organisme soit parfaitement compétent et ait actuellement les ressources pour le faire. Mais, en principe, si vous trouvez un moyen d'éviter la création d'un nouvel organisme, de nouvelles règles de procédure et d'une nouvelle cuisine qui fait que c'est plus difficile d'exercer ses droits, nous serions fort heureux.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Westmount.

M. French: Je suis content d'entendre parler du simple citoyen. Je voudrais poursuivre la question de la relation entre la commission d'accès prévue et la profession du droit. Est-ce que vous avez, dans la préparation de cet excellent mémoire, étudié la situation aux États-Unis où justement le premier recours d'un requérant déçu ou le recours final est aux tribunaux de la Cour fédérale américaine? Est-ce que vous avez étudié, entre autres, le coût moyen des actions entreprises dans le contexte de la loi, qui tombe sur le requérant, finalement"?Le coût au requérant d'avoir recours à la Cour fédérale américaine pour poursuivre un litige sous la loi "Freedom of Information" des États-Unis? Avez-vous une idée de l'ordre de grandeur?

M. Vézina: Je dois vous dire qu'on n'a pas examiné la question du coût des poursuites. C'est certain que des recours devant les tribunaux peuvent parfois engendrer des coûts considérables.

M. French: Je peux vous dire que, d'après les renseignements que nous avons, le coût moyen au requérant est de plus de 10 000 $.

Donc, on se retrouve dans une situation qu'on appelle, en termes économiques, une barrière à l'entrée, qui n'est pas...

M. Bertrand: Un gros ticket modérateur.

M. French: Un gros gros ticket modérateur qui ferait chaud au coeur... qui ne ferait pas chaud au coeur du ministre des Finances peut-être... On ne va pas bifurquer.

Tout cela pour indiquer que ceux qui profitent d'une telle situation - et c'est une société beaucoup plus litigieuse que la nôtre - sont les syndicats, les corporations, les sociétés, les études de droit washingtoniennes et quelques journalistes qui ont derrière eux une puissance financière qui est prête a les appuyer.

Maintenant, s'il y avait moyen de fournir les services d'un avocat au requérant déçu à frais raisonnables, pour un tel cas, on serait peut-être prêt à considérer les arguments partant d'une définition des fonctions quasi judiciaires ou les demandes de droit à la représentation, etc.

Mais jusqu'à ce que l'on fasse face directement à ce problème, c'est excessivement difficile d'appuyer le désir de votre profession de s'impliquer directement dans les cas. La lecture que j'ai faite du rapport de la commission était que le personnel de la commission partirait avec un préjudice favorable au requérant déçu, au requérant qui a été refusé. Lorsqu'il demanderait leurs services à la suite d'un refus de sa requête, de sa demande d'accès, le personnel de la commission aurait la responsabilité de présenter le cas pour le requérant devant les commissaires. Face à cette situation de coûts, face à cette présomption qui, je pense, est valable quant aux responsabilités du personnel de la commission, quelle est votre réaction?

M. Vézina: Je ne sais pas si je me suis mal exprimé, mais le désir du Barreau n'est

pas d'essayer de "plugger" des avocats partout et d'obliger les requérants à payer une cote à un avocat parce qu'ils voudraient exercer des droits de révision ou autres. Pas du tout.

C'est très louable de vouloir favoriser par la mécanique la plus simple possible l'exercice des droits par le citoyen lui-même, mais on dit tout simplement: N'empêchez pas ceux qui veulent se battre de pouvoir le faire. Ce sont les deux aspects. Il y a des gens qui sont capables de se battre, il y a des associations, il y a des groupes, etc., qui sont capables de tenir tête à la machine administrative publique. Ces gens-là, s'ils le veulent, et s'ils veulent avoir recours à des avocats parce que c'est un outil très utile pour arriver à contrer la machine publique qui, elle, a ses propres avocats, qu'il n'y ait pas de doute qu'on puisse le faire.

Que, dans un deuxième temps, on fasse une obligation, par exemple, aux responsables d'aider le citoyen à rédiger sa plainte. Que l'on trouve un moyen, que ce soit comme les petites créances ou autrement, pour que le simple citoyen puisse rapidement et simplement se faire entendre. C'est souhaitable. On ne veut pas du tout nuire à ce processus.

D'ailleurs, à l'article 146, on parle des recours civils et on dit que quelqu'un qui n'est pas satisfait pourra s'adresser à la Cour supérieure. On n'a pas d'objection. Mais je ne vois pas pourquoi on n'a pas dit simplement qu'il pourra s'adresser aux tribunaux. À ce moment-là, cela voudrait dire que, si c'est en bas de 500 $, il ira aux petites créances, si c'est entre 500 $ et 6000 $, il ira à la Cour provinciale et, si c'est 6000 $ et plus, il ira à la Cour supérieure. On ne tient pas à compliquer l'existence des choses, sauf que le désir fort louable de simplifier la procédure au simple citoyen est parfois devenue et a parfois été sentie, dans la pratique administrative, comme un moyen d'empêcher que les avocats soient dans le portrait.

Et c'est cela qu'on trouve un peu curieux. Cela part d'un bon vouloir, mais cela aboutit à tenter de priver celui qui veut se battre - même si cela coûte cher, même si c'est difficile, même si c'est long - de le faire. C'est cela l'hésitation, c'est cela la restriction qu'on avait et que l'on voulait exprimer.

M. French: Vous n'êtes pas contre l'article privatif tel qu'il est rédigé dans la proposition de loi. (11 h 15)

M. Vézina: L'article privatif au sujet des recours spéciaux? Vous savez que les tribunaux n'ont jamais donné une portée très grande à ces articles privatifs. S'il y a excès de juridiction et tout, les tribunaux passent carrément par-dessus. On n'est pas revenu dans notre mémoire sur ce point d'une façon très élaborée, parce que, dans la situation actuelle, ce n'est pas véritablement un obstacle.

M. French: Vous trouvez que c'est cassable, cet article, en tout cas. Donc, vous ne vous en préoccupez pas. Plus tôt ou plus tard, un requérant ayant les moyens financiers, etc., va poursuivre finalement la commission.

M. Vézina: Oui, d'autant plus qu'avec grande sagesse, je pense, la proposition de loi dit qu'il y a un appel à la Cour d'appel, contrairement à d'autres lois où on mettait un article privatif, on excluait tout recours aux tribunaux. Ici, au contraire, on a dit: II y aura l'étape de la commission, qui fera un travail, mais on a aussi prévu que, si quelqu'un veut se battre, s'il n'est pas satisfait, etc., il y a sur une question de droit un recours à la Cour d'appel. Je pense qu'on délimite bien la...

M. Bertrand: Sur une question de droit ou de compétence.

M. Vézina: C'est cela, de droit ou de compétence, oui.

M. French: Mais pas de l'application d'un standard quelconque à un document quelconque.

M. Trudel: C'est une question de point de vue.

M. Vézina: C'est toute la question de savoir si c'est un renseignement nominatif et c'est toute la question de savoir si cela entre dans tel ou tel article. Cela peut aller très loin, les questions de droit.

M. Trudel: J'aimerais ajouter quand même un commentaire. On est en présence d'une loi qui met ensemble des droits qui sont tous fondamentaux et qui peuvent venir en conflit. On peut avoir l'attitude de penser que cela peut se régler de façon bien simple, de façon très économique, et faire en sorte que cela ne coûte rien, et je me demande jusqu'à quel point on ne se leurre pas un peu. Lorsque des questions complexes viennent en conflit, lorsque des groupes s'affrontent sur des questions fondamentales, je pense que c'est un peu s'illusionner que de s'imaginer que cela ne coûte absolument rien à personne. Il faut que quelqu'un paie. Ou bien c'est l'État qui paie et qui finance les poursuites de tous et chacun, ou bien l'État permet à ceux qui désirent se prévaloir de leurs droits de le faire dans la mesure où ils peuvent le faire, ce qui n'exclut pas, évidemment, que l'État puisse venir en aide aux groupes ou aux personnes, comme c'est

déjà le cas ou comme on a tenté de le faire en matière de recours collectif, par exemple. Il existe toutes sortes de mécanismes qui permettent de diminuer le coût des poursuites.

Par contre, si on s'imagine qu'en déjudiciarisant toutes ces questions, on va les simplifier, c'est peut-être une certaine illusion, on s'illusionne peut-être un peu. Les droits fondamentaux, ce ne sont pas des questions simples. Ce sont des conflits qui prennent parfois des allures d'une extrême complexité et ce n'est pas, je pense, jouer à la protection des avocats que de dire que ces questions sont des matières compliquées. Entre autres, le rôle de la formation juridique est précisément de tenter de démêler tout cela. C'est un métier comme un autre et, dans ce sens, on prétend qu'il n'est pas illégitime de rappeler ce phénomène. Si vous nous dites que cela coûte de l'arqent, je pense que c'est le cas de toute question compliquée.

M. French: Ce que je voulais clarifier, c'était la balance de pouvoir relative à laquelle on aboutit si le droit à la représentation devient la nécessité de la représentation. J'ai cru comprendre qu'on est d'accord, au moins pour ma part, qu'il y aurait possibilité, à la discrétion des commissaires, qu'un requérant soit représenté par un conseiller juridique.

M. Vézina: Ah non! Il ne faut pas! Il ne faut pas que ce soit à la discrétion des commissaires, parce que la Charte des droits et libertés de la personne reconnaît expressément que, devant tout tribunal et organisme quasi judiciaire, quelqu'un qui est convoqué ou quelqu'un qui s'y présente a le droit fondamental de se prendre un avocat, s'il le veut bien, si lui, le requérant le veut bien ou si lui, l'intimé, veut bien. Ce n'est pas à la discrétion de l'organisme d'obliger une personne qui vient s'adresser à lui de le faire seul ou de le faire par l'intermédiaire d'un porte-parole, par l'intermédiaire d'une personne qui connaît le droit. C'est là-dessus qu'on ne veut pas qu'il y ait de doute.

M. French: Oui, mais vous n'êtes pas sans savoir que ni le requérant ni son avocat n'auraient accès dans tous les cas aux documents en question. Donc, le genre d'argument, le genre de cause que l'on peut monter en l'absence du document est assez minime au premier abord, pour commencer. Si vous voulez simplifier les règles de procédure, si on veut que le gros bon sens règne, la première chose à faire serait d'empêcher les syndicats et les sociétés de venir se battre avec toute leur armée d'avocats, ou deux sociétés, une société qui a déposé les renseignements et une société qui veut avoir accès aux renseignements, de se battre devant la commission sans aucune fin publique reconnaissable. À ce moment-là, vous aurez une spirale de réglementations et de règles de procédure au sein de la commission, ce qui ferait en sorte que le simple citoyen, encore une fois, qui arrive là pour se battre seul ou avec l'aide du personnel de la commission se retrouve tout à fait perdu.

C'est justement ce problème que je veux évoquer; c'est la situation actuelle aux États-Unis. La plupart des cas, certainement la grande majorité des cas dans les secteurs économique et réglementaire aux États-Unis sont faits entre sociétés comme partie de la concurrence entre grandes sociétés. Notre objectif à tous, à cette table, c'est que cette loi soit adoptée pour ajuster l'équilibre de concurrence entre grandes sociétés. Une des façons par laquelle on pourrait le faire -peut-être se trompe-t-on - serait de minimiser la capacité de ces concentrations de pouvoirs économiques et de malmener le gouvernement dans ce milieu - j'inclus les syndicats - d'éviter que la loi devienne leur instrument, de retarder le processus de réglementation, de "débalancer" le processus de négociation et d'essayer de changer les termes de concurrence entre grandes sociétés...

Je suis tout à fait d'accord avec Me Trudel qui dit que ça coûte certainement quelque chose au bout du compte. Cela, c'est sûr et certain. Par contre, s'il y avait moyen de permettre la représentation d'une façon prévue par la Charte des droits, que vous avez soutenue ici, devant un tribunal quasi judiciaire, pour éviter que tous les cas litigieux deviennent comme n'importe quel autre cas entre grandes sociétés devant les tribunaux, ce serait l'éguilibre qu'on cherche. Je vous suggère humblement que si la commission s'est trop penchée dans un sens pour la réglementation, actuellement, elle penche trop dans l'autre sens. La porte est trop ouverte au genre d'abus que j'ai évoqué.

Mme Vadeboncoeur: Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais répondre en posant une question au député de Westmount. Si l'on tient pour acquis que devant la commission il y aura, d'une part, un citoyen seul et, d'autre part, un organisme public, ça peut être un ministère, ça peut une régie, ça peut être n'importe quel autre organisme public qui, évidemment, a un contentieux, si vous restreignez la présence d'un avocat devant la commission, est-ce que ce n'est pas injuste de permettre à l'orqanisme public de préparer son argumentation avec son contentieux avant qu'il se présente devant la commission et de refuser au simple citoyen seul de se prévaloir de l'assistance d'un avocat pour préparer sa propre argumentation?

M. French: La réponse, c'est oui, mais ma réponse supplémentaire, c'est que je prévois que l'avocat en question qui va aider le simple citoyen, c'est un avocat employé à temps plein par la commission, ou, du moins, le simple citoyen a cette option, plutôt que de demander de retenir un avocat d'une étude quelconque, nécessairement. C'est sûr et certain qu'avec les contentieux toujours disponibles au gouvernement, les contentieux des ministères individuels ou des organismes publics vont s'impliquer dans la préparation de la cause. Ils vont avoir accès aux documents en question, entre autres, et ils vont faire valoir leurs arguments quant à ces documents devant les commissaires.

Encore une fois, le requérant ne serait pas là parce que, dans la mesure où le contenu de ces documents est révélé pendant l'argumentation, ils ne peuvent pas être là. Si, par contre, on se fie uniquement à ce qu'on peut appeler le marché privé, si on peut de façon réaliste parler d'un marché privé pour les services professionnels, si on se fie uniquement à ça pour fournir un conseil au requérant, on se trouve dans une situation où le ministère, le sous-ministre, le PDG de l'organisme public a tout intérêt à forcer tous les problèmes au sein de la commission parce que, à ce moment-là, il sait que c'est probable que le simple citoyen, ou même le journaliste, ne sera pas capable de faire l'effort juridique nécessaire pour contester, à moins que le service de juristes à l'emploi de la commission ne soit disponible.

M. Vézina: II y a le problème du déséquilibre. Par exemple, aux petites créances, on a choisi de dire: II n'y aura pas d'avocat, étant donné que c'est moins de $500. Cela assurerait un meilleur équilibre entre les parties, si on interdisait à tout le monde d'avoir un avocat, c'est une chose. Il y a des problèmes ici qui seront soulevés devant la commission et qui pourront être de très grande importance. Mais je ne vois pas pourquoi vous obligeriez les gens à se battre sans l'aide de quelqu'un qui connaît le droit. S'il n'y a pas grand-chose à dire, parce que les arguments sont minimes, pourquoi obliger le requérant à les dire lui-même? Peut-être que l'avocat ne pourra pas faire beaucoup plus que son client, mais enfin, le principe de base c'est: N'empêchez pas les gens de se battre.

C'est bien beau de confier la protection des droits personnels à un organisme public, mais ne les enlevez donc pas à la personne elle-même. Je veux bien faire confiance à cet organisme qui va protéger les renseignements nominatifs qui me concernent mais, s'il vous plaît, ne m'enlevez pas le droit de me battre pour protéger ce qui me concerne et me battre, ça veut dire quoi? Cela veut dire pouvoir étudier, pouvoir présenter des arguments, soit seul, soit avec d'autres. En particulier, dans notre système, pour assurer l'égalité des gens au point de vue de la loi, un des moyens qu'on a trouvé, c'est de dire: Plutôt que de le faire tout seul, vous pouvez prendre quelqu'un qui a étudié la loi et qui va être à armes plus égales avec l'autre partie. C'est vrai qu'il va y avoir des grands débats peut-être entre sociétés privées et les grands débats, elles les feront au sujet du secret professionel, au sujet du secret industriel, elles les feront, les grands débats.

Déjà, dans le système judiciaire, on les fait et ça va jusqu'à la Cour suprême. Laissons-les se battre et laissons-les prétendre avoir chacun des droits et ce, de la façon la plus intelligente encore, pour permettre à la commission de prendre une bonne décision. Parce que l'avocat est là pour défendre son client, bien sûr, mais surtout pour mettre tous les côtés de la médaille devant celui qui va avoir à prendre la décision. La commission a beaucoup plus de chances de rendre de bonnes décisions si, de part et d'autre, des avocats font valoir chacun leur point de vue. À ce moment-là, elle qui est assise au centre comme arbitre, ayant eu des références, les documents, les précédents, sera plus en mesure de rendre justice. Du moins, tout notre système judiciaire contradictoire, c'est ça.

C'est le juge qui décide, mais on dit, pour qu'il rende la meilleure décision possible, on va mettre des hommes de loi de chaque côté qui présenteront les deux côtés de la médaille et, après ça, il tranchera. Alors que si vous ne faites pas ça et que vous laissez deux citoyens, dans la mesure de leurs moyens, sans connaissance de la jurisprudence, etc., ou avec une connaissance fort limitée, donner leurs arguments à la commission, c'est la commission qui devra faire tout le travail. Au contraire, si vous permettez à l'avocat de jouer son rôle, il assiste, il apporte même des objections, mais enfin, il fait comprendre à la commission peut-être toute la délicatesse du problème qu'elle a devant elle et, en général, ça donne un résultat meilleur au bout, même si, à première vue, cela soulève des problèmes qui n'auraient pas été vus.

M. Trudel: J'aimerais ici relever un commentaire du député de Westmount qui semblait réfléchir sur la possibilité que la commission elle-même fournisse des services d'avocats aux citoyens qui voudraient présenter des plaintes. Cela pose une question extrêmement délicate: À quel maître obéit l'avocat? Si c'est un employé de la commission, il se trouve dans une situation où il n'est peut-être pas en mesure de poser tous les gestes requis pour défendre les intérêts du citoyen qui vient devant lui.

M. French: Pourquoi?

M. Trudel: Parce que son patron, c'est la commission. Il est engagé par la commission, il a des conditions de travail déterminées par la commission, il a des limites qui lui sont imposées par la commission et il est pourtant chargé de défendre les droits d'une des parties qui vient se présenter devant la commission. Alors, il y a un premier problème, c'est la difficulté que je peux voir en ce qui a trait aux deux maîtres qu'il faudrait servir à la fois et il y a une certaine inéquité à faire en sorte qu'une des parties soit défendue par un employé de la commission. Je pense que ça affecte drôlement la crédibilité de l'organisme chargé de trancher, lorsque c'est un de ses employés qui représente une partie, alors que l'autre partie est représentée par un avocat qui est étranger. Alors, ça crée des difficultés au niveau des conflits d'intérêts qui sont, je pense, extrêmement délicats.

L'approche qui semble avoir été retenue ici au Québec, c'est plutôt de tenter d'augmenter l'accès à l'aide juridique ou même d'aider les personnes ou les requérants devant les organismes judiciaires ou quasi judiciaires à financer le coût de leurs démarches dans le cas où ils ne sont pas en mesure de le faire. C'est une approche qui évite de placer l'avocat dans une situation qui peut parfois affecter la crédibilité de tout le processus, (il h 30)

M. French: Commençons donc peut-être par un petit malentendu entre le bâtonnier et moi. Je ne serais pas rébarbatif à un droit absolu à la représentation d'un individu si les renseignements le concernant sont visés par une autre personne par voie d'implication. C'est-à-dire que je ne serais pas contre le droit à la représentation devant la commission pour quelqu'un qui ferait un "reverse freedom of information", pour défendre ses propres intérêts, dans ses propres renseignements qu'il a déjà vus et auxquels son avocat aurait accès. À ce moment, il me semble que le rôle de l'avocat devient beaucoup plus substantiel parce qu'il a vu le document, ainsi que les commissaires. C'est le gouvernement, je vous le rappelle, qui veut publier ces renseignements. Est-ce que je serais aussi d'accord que ce soit une personne morale qui profite de ce droit de représentation? Je ne suis pas sûr, parce qu'on ouvre la porte justement aux deux grandes sociétés, avec les armées d'avocats que j'ai évoquées tantôt. Je pense qu'il faut réfléchir longtemps avant de mettre le gouvernement au milieu de ces problèmes. Je le répète: Ma conception de cette loi, c'est que ce n'est pas pour changer l'équilibre de la concurrence entre deux sociétés ou deux grands intérêts ou deux grandes concentrations du pouvoir économique. On peut avoir des divergences là-dessus.

Pour le troisième point, à l'article 128, comme le ministre me l'a fait remarquer, il est écrit que "les membres du personnel de la commission doivent prêter assistance pour la rédaction d'une demande de révision à toute personne intéressée qui le requiert". Ma conception de la chose, c'est que, dans le fond, vu que le requérant n'a pas accès aux documents, il y a relativement peu de travail pour l'avocat à ce point. Par contre, les gens de la commission sont habitués à travailler avec la loi, ils connaissent mieux cela. Le "learning curb" ne serait pas subventionné par un individu pour chacun des avocats de la province, mais plutôt subventionné publiquement par les contribuables, de la part de tous les requérants frustrés qui auraient recours à la commission. À ce moment, personnellement, je voudrais rappeler à Me Trudel qu'il me semble que le conflit d'intérêts qu'il a évoqué existe à peine, puisque la responsabilité de la commission, des commissaires, c'est de trancher une décision. L'équilibre entre l'intérêt général à l'accès et l'intérêt du gouvernement ou l'intérêt des fonctionnaires, si vous voulez, et la confidentialité, c'est cela qu'il faut faire peser par la commission. Ce ne sont pas les gestes du personnel de la commission face aux commissaires. C'est un conflit que je ne vois pas se concrétiser de façon catégorigue.

M. Vézina: L'article 128, c'est excellent. C'est pour donner de l'information, c'est pour aider quelqu'un qui vient déposer sa demande. On va l'aider, on va lui fournir la formule, on va peut-être même l'aider à la rédiger, etc. On va lui dire de quel document il s'agit, quel article il pourrait peut-être invoquer, etc. C'est excellent. Qu'on fasse de l'information, qu'on prête assistance, c'est très bon. Mais entre prêter assistance et informer et défendre un droit, il y a tout un monde. Défendre un droit, c'est se battre. Ce que vous semblez dire dans vos remarques, c'est: On va donner des droits aux gens, mais que c'est donc emmerdant quand des avocats viennent se battre avec ces droits! Ils compliquent tout. Vous voulez donner des droits aux gens, mais pourquoi leur permettre d'aller se battre avec ces droits et risquer de nuire au gouvernement et risquer de faire des grands procès? Ce ne sont pas les avocats qui créent la difficulté. Vous donnez des droits à des gens. Ne leur en donnez pas si vous ne voulez pas qu'ils se battent! Si vous leur en donnez, allez jusqu'au bout. Laissez-les utiliser ces droits! Laissez-les les faire valoir! Ne dites pas: On vous le donne, mais ce ne sont que des droits de bonne foi. Si vous êtes capables de les comprendre tout

seuls et de venir les exposer tout seuls, vous nous faites confiance, on vous donne des droits, mais on va les appliquer pour vous autres. L'État pépère va dire: On vous a donné le droit de voir des documents. On a regardé, mais vous n'avez pas le droit de les voir, retournez chez vous. Vous pouvez faire cela, si vous voulez. Dans notre système, ce qu'on fait plutôt quand on donne un droit, on dit à quelqu'un: On va te donner maintenant le moyen de te battre. Si quelqu'un est obstiné ou entêté et qu'il veut aller jusqu'au bout, il peut le faire. C'est là que l'avocat entre dans le portrait. Ce n'est pas parce qu'on a un avocat que cela cause des problèmes. C'est parce qu'on a donné des droits à des gens et que notre système veut que, quand on a des droits, on a les moyens de les faire valoir. Qu'on prête assistance, qu'on informe - c'est un des devoirs de la commission - que, si quelqu'un est tout seul, on fasse valoir ses droits, on essaie non seulement de l'écouter, mais qu'on aille plus loin que cela, que la commission ait un rôle actif pour protéger ses droits, c'est excellent, mais cela ne signifie jamais qu'on dise à celui qui est assez grand ou qui se pense assez grand pour se battre tout seul, pour se prendre un avocat, pour emmerder le système peut-être par un recours collectif, par un recours en révision, par un appel: Non, c'est trop, on donne des petits droits, ce ne sont pas des gros droits qu'on voulait donner. C'est là qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Le droit à la représentation par avocat, quand vous dites le mot "droit", quand on dit "on donne un droit", c'est cela que cela veut dire. Autrement, qu'on dise simplement: L'État va tenter d'aider la population en lui donnant accès à des documents mais s'il ne veut pas le donner, il ne le donnera pas. C'est toute la différence.

M. French: Oui, dans le fond, je ne pense pas que le droit à l'information est un droit aussi fondamental... justifier toute la protection en question, mais c'est un autre débat, c'est un long débat, mais c'est ma perception des choses. Je comprends très bien qu'en partant de l'idée d'un droit il y a un certain nombre de conséquences à cela qui impliquent le droit au conseil.

Mme Vadeboncoeur: J'aimerais compléter, si vous permettez, M. le Président. Vous avez dit, M. le député de Westmount, que la commission aura à décider finalement entre l'intérêt général et l'intérêt des fonctionnaires, mais il faut aussi prendre en considération l'intérêt du citoyen qui veut voir sa vie privée protégée. On l'a souligné au début des commentaires, la protection de la vie privée est un droit que la commission Paré considérait aussi fondamental que le droit d'accès.

Or, si vous prenez le droit du citoyen en considération dans la décision de la commission, cela lui prend un assistant, enfin un représentant juridique qui soit en mesure de défendre ses intérêts et non pas défendre les intérêts de la commission qui devra prendre la décision en définitive.

M. French: Je pense que Mme Vadeboncoeur ne m'a pas entendu quand j'ai dit que je n'étais pas réfractaire à la représentation pour les gens qui voulaient protéger les renseignements sur eux. Je verrais cela tout à fait dans un autre ordre d'idées contre lequel je n'aurais absolument rien, sauf que je ne demanderais pas qu'ils soient représentés, mais je leur en donnerais la permission et le droit absolu.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: A l'article 44, vous nous suggérez d'enlever complètement cet article, l'exception incluse dans cet article vous apparaissant beaucoup trop large.

Par contre, examinons l'article 41, où on dit qu'un organisme public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur l'application du droit à un cas particulier ou sur la constitutionnalité ou la validité d'une loi ou d'un règlement. Vous ne formulez aucune remarque là-dessus, je présume donc que vous êtes d'accord.

À l'article 44, par ailleurs, on mentionne qu'un organisme public peut refuser de communiquer une analyse - cela pourrait être une analyse à caractère technique ou autre - lorsque sa divulgation risquerait d'avoir un effet sur l'issue d'une procédure judiciaire en cours ou imminente. Il me semble y avoir là une contradiction ou, du moins, il me semble que vous traitez de façon fort différente des renseignements qui peuvent avoir les mêmes fins.

Dans le cas d'un avis juridique, vous êtes d'accord pour que l'organisme ne soit pas tenu de le divulguer. Par contre, lorsqu'il s'agit d'une analyse, comme je l'ai mentionné, qui pourrait être une analyse technique qui viendrait ou non appuyer l'argumentation d'une partie dans un procès, à ce moment-là, vous avez des réticences sur le fait que cette analyse puisse demeurer secrète. Je vais vous citer un exemple qui me vient à l'esprit et qui me permet d'illustrer ma question. Il y a un procès entre Hydro-Québec et le gouvernement de Terre-Neuve et Churchill Falls actuellement concernant l'énergie des chutes Churchill. Hydro-Québec, bien sûr, a reçu des avis juridiques de son contentieux et possiblement de consultants de l'extérieur. Hydro-Québec a également reçu, je présume - cela pourrait être le cas sûrement - des avis techniques de ses ingénieurs sur certains aspects qui font l'objet de la poursuite. Pourquoi est-ce

que, dans vos recommandations, vous considérez que les analyses à caractère technique doivent être traitées différemment des avis juridiques? Il m'apparaît y avoir une contradiction.

M. Trudel: D'abord, l'article 41 ne vise que certains types d'avis juridiques. Le principe général est que tout est accessible à l'exception des opinions juridiques portant sur l'application du droit à un cas particulier, ou sur la constitutionnalité ou la validité d'une loi ou d'un règlement. Tous les autres avis juridiques sont donc accessibles.

M. Rodrigue: Comment entendez-vous l'expression "cas particulier"? Est-ce que cela peut être un procès en cour?

M. Trudel: C'est un cas qui implique des personnes ou une situation qui est particularisée avec suffisamment de précision par opposition à une opinion générale sur l'application de la loi de façon très qénérale et, à ce moment-là, cela entre dans les documents dont la publication est expressément prévue par d'autres dispositions de la loi. C'est le cas des manuels d'application de la loi, des manuels d'interprétation.

M. Rodrigue: Vous êtes d'accord, je pense, que les avis juridiques ne doivent pas être divulgués.

M. Trudel: On en a discuté au comité. D'une part, on peut avoir deux attitudes dans la mesure où, dans notre système politique, quand on parle de constitutionnalité des lois, on parle surtout de partage des compétences et non pas de droits fondamentaux des citoyens, comme c'est peut-être le cas dans d'autres systèmes. Cela signifie affaiblir probablement l'autorité de la loi, l'opinion qu'on a eue au comité du Barreau, je le dis pour essayer de clarifier la question, c'est qu'on s'est dit que faire circuler des opinions concernant la constitutionnalité ou la validité de lois c'était, jusqu'à un certain point, une invitation pour certains à ne pas les respecter dans la mesure où on pourrait, avant même que les tribunaux se soient prononcés sur la question, se prévaloir de ces opinions qui peuvent circuler pour ignorer une loi au motif qu'elle serait prétendument inconstitutionnelle.

M. Rodrigue: C'est le deuxième volet, qui est couvert par l'article 41, mais le premier volet, c'est l'application du droit à un cas particulier, donc à une poursuite judiciaire en cours.

M. Trudel: C'est le cas des poursuites judiciaires. Évidemment, on voit mal comment on pourrait forcer quelqu'un qui est partie à un procès à révéler d'avance la totalité de ses argumentations juridiques ou ce qu'il entend faire.

M. Rodrigue: Très bien. Disons que vous voulez alors protéger le secret sur l'avis juridique. Maintenant, passons à l'exemple que je vous ai mentionné pour illustrer la question. Effectivement, il y a plus que des avis juridiques qui peuvent être soumis à l'appui de la position que défend une partie, et le fait de l'obliger à divulguer ces renseignements, si on biffait l'article 44, pourrait procurer, à mon sens, un avantage indu. Il serait facile pour le gouvernement de Terre-Neuve ou pour Churchill Falls de s'organiser pour se procurer ces documents qu'Hydro-Québec devrait nécessairement lui transmettre si on examine ce cas-là, et, à ce moment-là, cela place une des parties dans une position absolument inférieure par rapport à l'autre.

M. Vézina: Vous avez conclu tout à l'heure votre question en disant: Pourquoi traitez-vous différemment l'opinion juridique d'une analyse technique? La raison, c'est parce qu'il y en a un qui est un fait tandis que l'autre, c'est une opinion. Dans le domaine judiciaire, la cour a droit d'aller chercher tous les faits et il faut favoriser que tous les faits soient devant la cour, mais, par contre, les opinions n'ont pas d'affaire là. Votre analyse technique, c'est une recherche de faits. Si on fait telle et telle expérience et on a eu tel et tel résultat; les parties, dans le système judiciaire actuel, ont le droit de connaître ces faits, mais, par contre, ce n'est pas du tout la même chose pour les opinions, elles n'ont pas le droit de savoir que votre avocat vous a dit que vous aviez une bonne ou une mauvaise cause ou qu'il y avait tel ou tel arqument, c'est matière d'opinion. Il ne faut pas que le gouvernement ou qu'une partie à un procès puisse cacher des faits et tout le système permet actuellement à l'autre partie de l'assiqner, d'amener ses documents, etc., toujours pour que tout le portrait de l'affaire soit devant la cour. Ce que l'on vous dit, c'est que l'article 44, pour autant qu'il permet à un organisme public de ne pas divulguer des faits, restreint la liberté actuelle et ce n'est pas bon. Par contre, on est bien d'accord pour qu'un organisme soit toujours libre d'aller consulter un avocat pour savoir si telle situation est légale ou illégale, si on doit faire telle ou telle chose et pour que cette opinion qui est donnée par l'avocat ne puisse pas être donnée à la partie adverse, ne puisse pas être mise dans le dossier de la cour. C'est cela qui est la distinction entre les deux, à mon avis. (11 h 45)

M. Rodrigue: Le mot analyse technique porte peut-être à confusion. Vous avez

l'impression que c'est quelque chose de très précis, très net et bien tranché. Il y a une boutade qui dit que si on veut s'emmêler, il s'agit de demander un avis juridique à trois avocats. On va avoir trois avis différents et on ne saura pas quoi faire.

La même chose peut survenir dans le cas des opinions à caractère technique qu'on peut demander à des ingénieurs ou à des architectes, par exemple. Il se peut qu'une analyse technique ait davantage un caractère d'opinion de la part d'un expert qui donne son avis sur un sujet donné, à une entreprise qui l'a sollicité. Cela se rapproche davantage de l'avis juridique que de la divulgation de faits précis. Dans ce contexte-la, j'ai l'impression que l'article 44 protège également ces opinions que je qualifie d'opinions à caractère technique.

M. Vézina: Dans le système actuel, supposons que vous êtes propriétaire d'un immeuble et que vous demandez à un ingénieur de vous faire une expertise à savoir s'il est sécuritaire ou non. L'ingénieur vous fait rapport en vous disant que suivant son opinion, ce n'est pas sécuritaire, malgré cela vous ne faites aucune réparation. Six mois plus tard, il arrive une catastrophe, les victimes vous poursuivent. Elles ont le droit actuellement, si elles en ont connaissance, de vous obliger à déposer cette opinion de l'expert. Et la loi ne veut pas que vous puissiez cacher à la cour cette opinion d'un expert.

Mais par contre, quand vous demandez une opinion juridique, sur ce qui est légal ou non, on a toujours voulu, pour que vous puissiez avoir une opinion complète, que vous puissiez aller au fond des choses, que vous puissiez révéler tous les faits à votre avocat et que lui, puisse vous donner le fond de sa pensée. Et cette communication entre l'avocat et le client, on a toujours voulu, afin qu'elle puisse être efficace, qu'elle soit confidentielle. Mais on n'a jamais été aussi loin pour les autres analyses ou les autres opinions données par des experts.

Ce qu'on vous dit, c'est que si déjà dans le système actuel, cela existe, on ne voudrait pas que par une exception aussi large que l'article 44, on diminue cette règle, on diminue cet accès qui existe déjà et qui, pour que justice soit rendue, semble nécessaire. C'est cela, en fait, qu'on vous dit.

On vous dit surtout que d'autres articles nous semblent suffisants pour protéger la confidentialité de certains documents publics, sans qu'on émette l'article 44 qui est tellement large, nous semble-t-il, que justement il détruit toute la volonté exprimée de donner accès aux documents publics.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je vous ferai remarquer simplement qu'on discute depuis à peu près une heure et quarante-cinq minutes. C'est peut-être l'indicatif de ce qui arrive quand on discute avec des avocats.

M. Vézina: C'est gratuit aujourd'hui. M. Sirros: C'est gratuit.

M. Bertrand: Je vous remercie de nous le souligner.

Le Président (M. Rochefort): Continuez quand même.

M. Sirros: Je voulais faire un commentaire sur la discussion qui a eu lieu avec mon collègue de Westmount. Je crois qu'au fond, ce n'est pas qu'on voudrait empêcher les gens à qui on donne des droits, d'avoir accès aux meilleures possibilités d'utilisation de ces droits ou d'exercice de ces droits, en pouvant faire appel aux avocats, mais le problème se pose au moment où on regarde la possibilité qu'ont les gens d'utiliser ces représentations. On embarque dans la problématique des grands et des petits, etc. Je ne sais pas si la société serait prête à se payer un genre de "castonquette" judiciaire. Peut-être que le problème ne se poserait pas.

Je ne voulais pas tellement parler sur cela. Vous avez fait, Me Vézina, une remarque lors de vos réponses au ministre, qui disait que la loi actuelle met en doute un peu le secret professionnel. Vous avez répondu en partie tout récemment. Mais pourriez-vous élaborer davantage? Hier aussi, on a eu une représentation de la part des départements de santé communautaire, qui voulaient que la loi s'étende à des cabinets privés de médecins et à des polycliniques. J'aimerais entendre vos réflexions sur cet aspect du secret professionnel.

M. Vézina: Textuellement, l'article 62 nous dit que devient inopérante, toute disposition qui est incompatible avec la loi. Et une des dispositions auxquelles on réfère, c'est dans la Loi du Barreau, l'article 131. Ledit article précise que l'avocat doit qarder le secret le plus absolu de toutes les confidences qu'il reçoit. On voit immédiatement que l'on place comme un droit plus fondamental le droit d'accès aux documents publics que le droit au secret professionnel vis-à-vis de l'avocat.

M. Sirros: Voulez-vous dire que la loi actuelle réqissant le secret professionnel deviendrait inopérante après deux ans...

M. Vézina: Voici!

M. Sirros:... selon l'article 62?

M. Vézina: Elle deviendrait inopérante en ce sens que si elle était en conflit avec une disposition de la Loi sur l'accès aux documents publics, c'est la Loi sur l'accès aux documents publics qui aurait priorité, qui serait prépondérante. C'est ce qu'on a dit à l'article 62.

M. Sirros: Quelqu'un pourrait aller chercher un document chez l'avocat d'un organisme public, par exemple... Pourriez-vous me donner un exemple? Comment?

M. Vézina: Un exemple où il y aurait un conflit entre les deux. Supposons qu'un organisme public demande une opinion à un avocat et qu'il obtienne cette opinion. Il y a des confidences qui sont faites, évidemment, à cette occasion. Supposons, par exemple, que l'organisme admet avoir commis tel ou tel qeste qui peut être illégal et qu'il demande précisément à l'avocat: Est-ce illégal et quelle est notre responsabilité? Un document comme celui-là qui serait remis à l'organisme pourrait être un document public. Quelqu'un pourrait demander d'y avoir accès et, actuellement, un tel document est protégé par le secret professionnel. Ce secret professionnel, dans le cas de l'avocat tout au moins, est à double sens, c'est-à-dire que l'avocat doit garder le secret des confidences qu'il reçoit mais, d'autre part, vous qui consultez un avocat, vous n'êtes jamais obligé de dire ce que vous avez demandé à l'avocat. C'est cela, le secret professionnel d'un avocat. Dans la loi projetée, on nous dit: Si ce droit traditionnel de consultation absolument confidentiel fait échec à l'accès à un document, c'est la loi d'accès aux documents qui devra avoir priorité. C'est ce qui nous semble dangqereux. Je ne dis pas qu'il ne faut pas dans certains cas...

M. Sirros: II y a une chose pourtant qui me vient à l'esprit. Je vais voir mon avocat et je lui demande un avis sur quelque chose, à savoir si c'est légal ou non. Il me dit que c'est illégal. Je continue quand même et je prends l'action dont j'ai été avisé qu'elle était illégale. Il me semble normal, à ce moment-là, qu'un troisième qui est affecté par cet acte que je sais être illégal, ce serait légitime de la part du tiers, par exemple, de savoir que je savais que c'était illégal quand je l'ai commis.

M. Vézina: On comprend...

M. Sirros: Comment faire autrement?

M. Vézina:... qu'il serait peut-être souhaitable, si un organisme demandait à son avocat de lui dire si c'est légal ou illégal d'avoir posé tel geste, que la victime de ce geste en soit informée mais, d'un autre côté, que va-t-il se passer? Si vous êtes l'organisme et que vous craignez d'avoir commis un geste illégal, vous ne pourrez plus aller demander une opinion à un avocat si, aussitôt qu'il vous la donne, vous êtes obligé de la donner à la victime éventuelle. Il faut contrebalancer deux droits fondamentaux. L'organisme a-t-il le droit d'avoir l'opinion d'un avocat sans être obligé d'en avertir la victime ou le prive-t-on de ce droit pour dire: Chaque fois que vous consulterez, nécessairement, l'autre le saura. C'est délicat.

Comme vous le dites, il serait peut-être souhaitable que la victime le sache et qu'elle puisse être indemnisée, mais il faut choisir. Permet-on à quelqu'un de consulter un avocat sans nécessairement avertir le tiers ou si on l'oblige à avertir le tiers? Il nous semble que la sagesse traditionnelle qui a toujours donné une grande priorité au secret professionnel vis-à-vis de l'avocat est encore bien fondée. Avant de changer cette règle, on doit y aller avec beaucoup de précaution et on doit peut-être dans un texte dire en quoi on la changerait et en quoi on la limiterait.

M. Sirois: D'ailleurs, si vous vous référez à notre mémoire, aux pages 15 et 16, vous allez voir qu'on n'a pas proposé une correction. On n'a pas proposé non plus de le remplacer par autre chose. On s'est tout simplement inquiété des articles 56 à 63 et on a recommandé que des études soient faites, finalement, qu'on pousse plus loin la recherche à ce sujet afin de bien voir les conséquences et la portée des articles qu'on peut insérer dans la loi à ce sujet. Il nous a semblé que ces articles avaient une portée extrêmement large et complexe et qu'on ne pouvait pas traiter cela aussi rapidement que cela a pu être fait.

M. Sirros: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Une dernière question, M. le ministre.

M. Bertrand: Double, toujours sur la même question soulevée par le député de Laurier. Je pense qu'on est en train de faire un grand plat de ce qui, finalement, est plus simple que cela ne paraît à première vue. Il y a effectivement un article qui se réfère à l'annexe A. L'annexe A est un inventaire d'un ensemble de lois et d'articles de loi qui, à l'analyse, dans certains cas, peuvent être compatibles avec la loi et, dans certains autres cas, sont incompatibles avec la loi. Il y a des choses qui tombent sous le sens commun. Hier, le Directeur général des

élections est venu nous voir. Il y avait même une erreur dans l'annexe A sur la Loi électorale; les deux articles dont il était fait mention n'étaient pas les deux articles qui font effectivement partie de ceux auxquels on voulait faire référence. Ce sont les articles 136 et 140 de la Loi électorale.

L'article 136 de la Loi électorale dit que le vote est secret. Vous n'imaginez quand même pas que l'intention du législateur, c'est de dire: La loi d'accès à l'information gouvernementale fera que, dans l'avenir, cet article sera incompatible avec la loi d'accès et que, donc, le vote ne sera plus secret. C'est la même chose pour l'article 140: "Une personne ne peut être contrainte de déclarer pour qui elle a voté. " L'annexe est là parce qu'elle constitue un inventaire. D'ailleurs, on pourrait, à toutes fins utiles, l'enlever complètement et repartir à zéro. L'annexe est là dans le but de dire: II y a un certain nombre de lois qui, pour certains de leurs articles, font référence à toute cette notion d'information, de confidentialité, de secret professionnel, etc., et la commission devra juger, au cours des deux prochaines années, lesquels sont compatibles et lesquels sont incompatibles.

Celle qui a trait au Barreau fait référence à l'article 131, entre autres, où il est dit: "L'avocat doit conserver le secret absolu des confidences qu'il reçoit en raison de sa profession. " Il m'apparaît que la volonté de la commission, ce n'est pas de faire en sorte que, dans l'avenir, un tel article de loi soit inopérant dans la mesure où, effectivement, à un moment donné, on prendra la décision de dire au sujet de cet article 131 - parce qu'il faudra regarder toutes ces lois et tous les articles qui, de près ou de loin, peuvent toucher à certains des aspects de la loi d'accès - si la décision de maintenir le secret absolu des confidences reçues par l'avocat dans le cadre de sa profession est maintenue ou pas. Le sens de l'article auquel vous faites référence, ce n'est pas de dire que l'annexe A, au départ, signifie que tous ces articles, maintenant, deviennent inapplicables parce qu'il y a la loi d'accès à l'information gouvernementale. Il va falloir se poser, sur chacune de ces lois et sur chacun des articles mentionnés, la question à savoir si, oui ou non, il est maintenu à cause justement de l'introduction d'une nouvelle loi sur l'accès.

Je vous ai donné le cas du Directeur général des élections; ça tombe sous le sens commun que ça va demeurer tel que c'est. Le vote va continuer d'être secret et la personne va pouvoir continuer de garder le secret sur le parti pour lequel elle a voté, à moins de vouloir faire des gageures et de gagner son pari.

M. Vézina: S'il n'y a pas de danger, tant mieux. Mais de ces articles et du rapport de la commission, on a compris qu'on voulait que l'accès aux documents publics ait une prépondérance sur toutes les autres lois. C'est dit dans le rapport: On veut que ce soit une prépondérance. On a défini, en quelque sorte, ce droit d'accès comme étant presque "le" droit fondamental. Même dans l'annexe, on a dit: La charte des libertés de la personne, si c'est incompatible aveu cette loi d'accès aux documents publics, doit céder le pas. On a compris, nous, peut-être à tort - tant mieux si c'est à tort, tant mieux si le bon sens domine - de l'ensemble des dispositions et de la volonté exprimée par la commission, qu'on donnait une prépondérance très très grande à ce droit d'accès. Ce qu'on souhaite, c'est que l'on reconnaisse le droit d'accès comme un droit fondamental, certes, mais pas plus fondamental que les autres, sur un même pied, et qu'on ne mette pas de ces dispositions qui lui assurent une priorité non pas absolue, mais une priorité très grande par rapport à toutes les autres.

Si vous nous dites que vous allez amender les lois une par une après les avoir étudiées, c'est ce qu'on souhaite. Mais ne dites pas d'avance que, étude complétée ou pas, s'il y a incompatibilité, c'est nécessairement le droit d'accès qui prédomine. C'est ça qui est dangereux. Il reste difficile de contrebalancer des droits qu'on appelle tous des droits fondamentaux. Il semble, de la proposition et du rapport, qu'on a donné une trop grande priorité à ce droit, si cela se concrétise par cet article 162, et c'est ça qu'on ne veut pas. Il faudrait ramener ça à une proportion de juste fondamental comme droit, si je puis dire. Pour le reste, quel droit fondamental doit prédominer dans une circonstance, on étudiera cas par cas et on le verra. (12 heures)

M. Bertrand: La prépondérance a effet à partir du moment où on a fait l'analyse de la compatibilité ou de l'incompabilité. Il ne faut quand même pas...

M. Vézina: Sauf que si elle n'est pas faite, au bout de deux ans, elle a effet.

M. Bertrand: Là-dessus, je vous ai dit que ça tombait sous le sens commun que cela allait être fait et que, s'il fallait pour cela retarder les échéanciers pour s'assurer que ce soit fait, ce sera fait. Il ne serait pas normal que s'il reste encore à la commission 45 lois à étudier, le délai de deux ans étant terminé, les 45 lois deviennent inopérantes parce que, tout à coup, celle-là a prépondérance sur toutes les autres.

Le Président (M. Rochefort): Très rapidement, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, juste une

petite question. On a discuté de la préséance de la loi et tout ça, hier ou avant-hier, mais le problème pour moi, c'est que vous n'avez pas pris position; est-ce que vous avez l'intention que la loi sur l'accès à l'information ait préséance sur toute autre loi ou non? Vous n'avez pas révélé vos secrets en ce qui concerne cette question.

M. Bertrand: Vous avez très bien soulevé le problème hier. Est-ce que finalement, d'une loi à l'autre, chaque fois qu'on en fait une nouvelle, on établit qu'elle est prépondérante sur toutes les autres qui avaient été dites prépondérantes auparavant, comme la Charte des droits et libertés de la personne, d'autres exemples du même type?

M. Marx: Oui, mais la question est posée d'une autre façon ici, est-ce que vous êtes prêts...

M. Bertrand: Elle est posée clairement, on parle de problèmes d'accès à l'information gouvernementale. Dans le domaine de l'accès à l'information gouvernementale, il va falloir qu'à un moment donné, si on est sérieux, il y ait une loi d'accès à l'information gouvernementale qui ait une prépondérance sur certains articles qui sont prévus dans d'autres lois et qui touchent les mêmes sujets. C'est ça qu'il va falloir établir. Mais, en établissant cela, on va être obligé aussi, avec discernement, d'évoquer à l'occasion... Cela a été le cas pour le Directeur général des élections; quelques articles qui avaient été inventoriés dans l'annexe A, qui faisaient référence au secret du vote, c'est bien évident que, dans ce cas-là, c'est la Loi électorale qui a prépondérance sur celle de l'accès à l'information.

C'est ça le travail qu'il nous faut faire pendant deux ans, mais au terme de ce travail il y a forcément cette loi qui a prépondérance sur tous les autres articles de loi qui traitent du même sujet, sur lesquels nous avons jugé de la comptabilité ou de l'incompatibilité. C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Marx: On peut faire adopter une loi sur l'accès à l'information sans préciser que cette loi a préséance sur toute autre loi en laissant un tribunal trancher la question le cas échéant. Mais vous n'avez pas répondu à ma question, je m'excuse, est-ce que vous avez l'intention de prévoir dans cette loi sur l'accès à l'information gouvernementale qu'elle aura préséance sur toute autre loi? Est-ce que vous avez l'intention de mettre une telle clause dans la loi sur l'accès à l'information?

M. Bertrand: La question que vous soulevez n'a pas encore sa réponse, parce que les interprétations sont différentes. On dit dans certains cas que ça pourrait vouloir dire qu'elle est de même niveau que certaines autres lois qui sont déjà qualifiées de prépondérantes. Je n'ai pas, pour l'instant, la réponse pour le député et, effectivement, on aura à la fournir en temps et lieu.

La question que je voulais poser, ce n'était pas celle-là - je m'excuse, M. le Président, qu'est-ce que vous voulez, le Barreau, ce n'est pas comme les municipalités, ils viennent moins souvent en commission parlementaire - c'est à l'article 30 de la proposition de loi qui dit: "Un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de communiquer un renseignement obtenu ou traité de façon conforme à la loi - obtenu ou traité de façon conforme à la loi, on peut refuser de confirmer l'existence ou de communiquer certains renseignements - par une personne chargée, en vertu de la loi, de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois... ".

Mon interprétation de cet article, c'est que, dans le cas où l'organisme public refuse de confirmer l'existence ou de communiquer un renseignement qui n'a pas été traité de façon conforme à la loi, il pourrait y avoir une demande pour qu'il soit rendu public. Vous allez même plus loin, parce qu'à l'article 116 vous faites une recommandation. L'article 116, 5, est rédigé de la façon suivante, en ce moment: "La commission a pour fonctions de surveiller l'application de cette loi, de faire enquête sur son fonctionnement et son observation". Vous demandez d'ajouter: "et notamment s'assurer que les renseignements visés à l'article 30 ont été obtenus de façon conforme à la loi". Est-ce que je comprends que l'opinion du Barreau, c'est de dire: Dans le cas où ce renseignement n'a pas été obtenu ou traité de façon conforme à la loi, donc dans l'illégalité, non seulement il doit être rendu public, mais il faut que la commission, dans ses fonctions, surveille l'application de la loi en faisant enquête, et, notamment, s'assurer que les renseignements visés ont été obtenus de façon conforme à la loi. Est-ce que vous n'introduisez pas dans les fonctions de la commission d'accès aux documents des organismes publics une responsabilité d'enquête, à toutes fins utiles presque policière sur les activités même de ceux dont la fonction est de prévenir, détecter ou réprimer le crime? Est-ce que vous allez vraiment aussi loin que cela? Est-ce que vous ne contrevenez pas aux dispositions prévues pour le fonctionnement de la Commission de police? Ce n'est pas un organisme quasi judiciaire, c'est un organisme qui a des pouvoirs d'enquête considérables et qui peut, dans certains cas, intervenir dans le processus, le fonctionnement des organismes qui ont pour fonction de prévenir, détecter ou réprimer le crime. Est-ce le sens

de votre amendement?

M. Vézina: Ce n'est pas nous qui donnons le pouvoir d'enquête. Les articles 118, 119, 120 prévoient expressément que, même pour les fichiers confidentiels, la commission a un pouvoir d'enquête, qu'elle est investie à cette fin des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Ce que l'on ne voudrait pas, dans le texte actuel, c'est que la commission se penche sur des dossiers policiers, s'aperçoive qu'on a recueilli ou qu'il y a un système de cueillette de données illégales non conforme à la loi et qu'elle n'ait pas le pouvoir de dire: Premièrement, vous allez cesser cela; deuxièmement, vous allez sortir de vos dossiers tout ce qui a été cueilli illégalement. C'est cela qu'on veut. La véritable sanction, si cela a été cueilli illégalement ou si c'est conservé illégalement, ce n'est pas qu'on soit obligé de les rendre publics. La véritable sanction, c'est qu'on puisse les retrancher du fichier en question. Il y a déjà un pouvoir d'enquête à la commission. Tout simplement, dans ces conclusions ou dans ce pouvoir donné à la suite de son enquête, on voudrait qu'elle ait le pouvoir d'ordonner de retrancher des fichiers les renseignements obtenus illégale-ment. Autrement, elle va constater que c'est là et elle ne pourra rien faire.

M. Bertrand: Par rapport aux responsabilités qui sont déjà dévolues à la Commission de police, comment voyez-vous l'exercice de ce pouvoir d'enquête par une commission d'accès à l'information et les responsabilités normales dévolues à la Commission de police?

M. Vézina: II me semble que les pouvoirs donnés aux articles 118, 119 et 120 sont beaucoup plus considérables que ce que la Commission de police a déjà. La commission peut, de sa propre initiative, se rendre dans les dossiers de la Sûreté du Québec, par exemple, et aller vérifier. Elle a un pouvoir d'enquête qui va aussi loin que cela. À mon avis, la Commission de police n'a pas autant de latitude. À la limite, ce qui est important, à notre avis, peut-être que les deux mêmes ont ce pouvoir, mais ce qu'on ne voudrait pas, c'est que la commission sur l'accès aux documents ait un pouvoir, fasse une enquête, et qu'elle soit incapable de donner suite efficacement à son enquête. On veut être sûr qu'elle a le pouvoir, à la suite de l'exercice d'un droit d'enquête, de faire retrancher ces choses illégales.

Mme Vadeboncoeur: Si vous permettez, on veut également que les renseignements obtenus de façon illégale ne soient pas protégés par l'article 30.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie de vous être présentés.

M. Siroîs: M. le Président, j'aurais un dernier commentaire...

Le Président (M. Rochefort): II faudrait que ce soit vraiment très bref.

M. Sirois: Oui, ce sera très bref. On ne voudrait tout de même pas partir sans vous en faire part, parce que c'est un domaine qui a quand même inquiété la commission tout au long de son travail, c'est la question des banques de données privées. Vous allez voir qu'on a fait plusieurs recommandations dans le rapport qu'on a soumis à la commission Paré, dans le rapport que vous avez en ce moment, visant les banques de données privées. Il nous est apparu que si on veut parler de protection de la vie privée, on ne peut pas iqnorer les banques de données privées et on appuie fortement les commentaires et la recommandation de la commission Paré, aux pages 59 et 60, et la recommandation 68.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Je remercie les représentants du Barreau de s'être déplacés pour venir se faire entendre ce matin. J'inviterais maintenant les représentants du Conseil du patronat du Québec à s'avancer et à s'identifier, s'il vous plaît!

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): M. le Président, Ghislain Dufour, vice-président exécutif du conseil. Je suis accompagné de Me Gérald Ponton, qui représente le Conseil québécois du commerce de détail et qui est membre du conseil d'administration du CPQ.

Vous avez déjà reçu notre mémoire. Il est très bref. Je vais même en passer des parties pour donner la chance à tous ceux qui ont été convoqués ce matin, à 10 heures, de ne pas attendre trop longtemps dans la journée.

On félicite, au départ, le gouvernement d'avoir créé, en septembre 1980, une commission d'étude sur les relations entre l'État et les citoyens dans le domaine de l'information. Il s'agit d'une question qui intéresse au plus haut point le Conseil du patronat et ses membres, puisque, dans l'entreprise, les décisions dépendent souvent de l'information gouvernementale. Dès 1975, le CPQ avait soumis au premier ministre et au ministre des Communications un bref mémoire sur l'information gouvernementale, abordant plusieurs des problèmes qui sont étudiés dans le rapport de la commission Paré.

Le CPQ félicite également les membres de la commission d'étude pour la diligence qu'ils ont apportée à produire leur rapport et surtout pour sa rédaction claire et cohérente.

Sur les principes, nous tenons d'abord à exprimer notre accord avec trois propositions générales du rapport, à savoir: 1- l'affirmation du caractère public de l'information gouvernementale, et donc le principe de son accessibilité générale; 2- l'affirmation du caractère privé de l'information sur les personnes - j'ajoute ici tant morales que physiques, parce que j'y reviendrai - et donc le principe de sa confidentialité; 3- le projet d'assurer par une loi l'accès aux documents détenus par les organismes publics, tout en protégeant la confidentialité des renseignements personnels.

Dans le cas de cette troisième proposition, soit l'idée d'une loi, nous trouvons tout à fait pertinent le commentaire de la commission, lorsqu'elle dit: "II ne faut pas sous-estimer les forces passives qui s'opposent à la publication et à la diffusion des documents détenus par les organismes publics... L'approche législative a alors l'avantage de retirer l'autorité ultime à l'exécutif et à la bureaucratie, de limiter le pouvoir de l'État, d'éliminer l'arbitraire. "

Il nous semble, de plus, que les paramètres proposés par les auteurs du rapport sont en général suffisants pour assurer à la fois le droit du citoyen à l'information, l'intérêt public et la confidentialité des renseignements personnels.

Nous assurons donc le gouvernement de notre accord de principe, lorsqu'il décidera de déposer un projet de loi sur l'accès à l'information gouvernementale. Nonobstant cet accord de principe, on désire quand même faire un certain nombre de commentaires sur des points particuliers.

Je signale immédiatement, à la suite d'une réaction du député de Vimont tantôt, que ce n'est pas parce qu'on n'aura pas passé un commentaire sur un article ou une recommandation qu'on l'accepte. On ne considère pas, en effet, qu'il s'agit là d'un projet de loi du gouvernement, c'est un rapport de commission d'enquête. Quand le projet de loi sera déposé, à ce moment-là, comme corps intermédiaire, on pourra faire les représentations qui s'imposent. C'est dans cette philosophie globale que nos commentaires sur les recommandations et sur les articles sont présentés. C'est pour cela d'ailleurs qu'on discute aussi des recommandations et non purement des articles, parce que éventuellement, le législateur voudra peut-être retenir les arguments qu'on retrouve dans les recommandations et qu'on ne retrouve pas nécessairement dans les articles actuels du projet de loi. (12 h 15)

Dans le préambule de la recommandation 8, la commission affirme qu'à moyen terme, il faudra étudier la possibilité d'assujettir d'autres organismes, tels les conseils consultatifs, aux mêmes règles et rendre leurs délibérations publiques. Quand on sait le nombre de conseils consultatifs qui existent au gouvernement actuellement, on comprend l'importance de cette orientation éventuelle.

Nous nous opposons à une telle orientation. Le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, un des organismes visés par cette recommandation, a d'ailleurs déjà fait savoir aux membres de la commission d'étude qu'il se prononcerait contre une telle orientation. La raison en est fort simple: beaucoup de compromis sont réalisables entre des groupes dont les intérêts sont divergents lorsque les discussions préalables aux prises de décision se déroulent à huis clos. Si les délibérations des organismes consultatifs sont toujours publiques, nous assisterons à la simple répétition des opinions qui sont déjà connues publiquement, sans que ces organismes ne puissent devenir le lieu de l'élaboration d'un compromis, d'une synthèse ou d'une quelconque forme de concertation. Nous apparentons les comités consultatifs un peu au fonctionnaire qui doit conseiller son ministre et on ne verrait pas que des discussions de ce genre soient rendues publiques. Les conseils consultatifs sont eux aussi consultatifs auprès d'un ministre.

Nous croyons que la recommandation 10, par les mots "sauf dans des cas exceptionnels", permettra au législateur d'agir à sa gquise et de ne publier ses projets de règlement que lorsqu'il le jugera à propos. Nous avons abordé cette question lors du dépôt du projet de loi no 126 sur les normes du travail. Voici ce que nous disions à ce sujet, et on l'illustre par un cas tout à fait précis. On avait ce genre de clause qui nous est proposée ici. "L'article 36 autorise le gouvernement à approuver les règlements de la commission et ses propres règlements édictés en vertu des articles 86 à 90, sans publication préalable - c'est généralement la forme dans laquelle cela nous est présenté -si l'urgence de la situation ou l'intérêt public l'impose. "Mais qu'est-ce que signifie urgence quand on parle des normes générales qui, par définition, doivent être relativement stables et qui ne doivent être changées qu'en considération d'une réalité ne changeant pas elle-même par soubresauts brusques et imprévisibles?"

Pour nous, le contenu de l'article 36 devient une porte de sortie trop facile quand les procédures de consultation peuvent être embarrassantes. Par exemple - on parle toujours de la commission des normes - la commission doit trouver des millions pour

boucler son budget, ayant été trop prodigue ou les services rendus au ministère du Travail sont trop qrands et, à ce moment-là, ayant dépassé les prévisions, on ne reviendrait pas devant le législateur ou, si on revenait devant le législateur, celui-ci utiliserait un article du genre de celui qui nous est proposé pour ne pas faire de prépublication. Forts de nos expériences nombreuses dans ce domaine-là, vous comprendrez que la formule des cas exceptionnels ne nous emballe guère.

Dans le préambule de la recommandation 10, la commission affirme que, depuis 1970, la plupart des lois accordant à l'exécutif un pouvoir de réglementation contiennent des clauses de préavis. C'est vrai, mais la commission ne se préoccupe pas de la durée de l'avis. Or, l'expérience nous a montré que le délai de 30 jours, qui est le plus courant, est souvent insuffisant, car les procédures de la publication officielle elle-même absorbent une bonne partie du délai. Ici, on voudrait encore une fois vous citer un extrait d'une lettre qu'on adressait au premier ministre récemment, le 7 février 1979, qui illustre bien le point de vue. On disait: On désire se faire entendre devant la commission parlementaire du travail et de la main-d'oeuvre. "Nous avons écrit au secrétariat des commissions parlementaires à cette fin, le 31 janvier 1979, et nous ferons l'impossible pour transmettre au secrétariat notre mémoire dans les délais prévus. " C'est toujours le délai de 30 jours. "Nous tenons cependant à vous faire remarquer que les délais légaux dont doivent disposer les citoyens pour se faire entendre devant une commission parlementaire ne sont, dans ce cas-ci et comme d'habitude, d'aucune façon respectés. L'avis publié dans la Gazette officielle est daté du 9 janvier. Cet avis est publié dans la Gazette du 17 janvier. La Gazette du 17 janvier a été distribuée de telle façon que les abonnés ne l'ont reçue que le 22 janvier. Entre la date de l'avis public et la connaissance publique de l'existence de cet avis, il s'est écoulé 13 jours. " Que signifie un délai de 30 jours dans un cas comme celui-là? Absolument rien!

Dans la même lettre, nous avons suggéré diverses solutions à ce problème pratique: soit donner un avis public plus expéditif - et on réalise que, de plus en plus, les secrétaires de commission publient l'avis dans les journaux. C'est une solution que nous endossons pleinement.

En fait, nous disons que certaines lois récentes accordent aussi un délai de 60 jours, ce qui nous paraît suffisant. Mais ce qu'il faudrait faire, c'est une règle générale; ne pas faire un débat à tout coup pour dire: Est-ce 30, 45, 60? 30, c'est prouvé que c'est trop court, 45, il ne faut pas qu'il y ait une grève des postes trop longue. Il faudrait vraiment s'orienter avec une politique de 60 jours.

Nous appuyons, sous réserve de quelques exceptions - et le débat se fera plutôt devant la Commission des valeurs mobilières l'une étant les salaires des cadres supérieurs, la recommandation 16 de publier la majorité des décrets du gouvernement dans la Gazette officielle du Québec au plus tard trente (30) jours après leur adoption.

L'objection gouvernementale à cette recommandation pourra être l'épaisseur éventuelle de la Gazette si la presque totalité des décrets doivent être publiés et la difficulté pour les citoyens de s'y retrouver. Nous suggérerions alors deux publications distinctes: une pour les décrets relatifs aux projets de règlements et aux règlements et une autre pour les autres décrets, comme il exite déjà une publication distincte pour les avis juridiques.

Nous sommes heureux de constater que la commission d'étude, dans un autre ordre d'idées, suggère que la loi qu'elle propose soit révisée après cinq ans. Le principe est excellent et s'inscrit dans un courant de pensée qui reçoit de plus en plus d'appuis dans tous les milieux. Pour notre part, cependant, nous soutenons davantage la thèse d'une révision après trois ans pour une loi, et après deux ans pour un règlement. Cette révision serait, d'ailleurs, concordante avec ce que vient de proposer au Conseil des ministres le ministre Bernardi Landry quant à l'analyse de tous les règlements.

Sur certains articles du projet de loi lui-même. D'abord, l'article 101 sur la création de la commission de l'accès aux documents des organismes publics. Inutile de dire qu'il ne s'agit pas là d'une recommandation qui nous emballe. Ne pourrait-on pas atteindre les mêmes objectifs par des moyens moins coûteux que la création d'une nouvelle commission? N'existerait-il pas, au ministère des Communications, de la Justice ou ailleurs, une direction générale qui pourrait assumer le rôle - et on ne critique pas le rôle - que l'on entend confier à cette commission? Notre interroqation au sujet de cette commission ne met pas en cause des principes fondamentaux. Nous souhaitons seulement éviter que toute proposition de réforme au Québec ne s'accompagne de la mise sur pied de nouvelles structures administratives, quasi autonomes, qui ne peuvent faire autrement que s'engraisser d'année en année.

Si cette commission devait quand même voir le jour, nous osons croire, à l'instar des auteurs du rapport, qu'elle ne deviendra pas un monstre administratif du genre de ceux que l'on a créés souvent inconsciemment au cours des dix ou vingt dernières années.

En vertu de l'article 152, les sommes requises pour l'application de la loi devraient

être puisées à même le fonds consolidé du revenu. Tel est également notre point de vue. Il faudra établir, quand même, le coût de la réforme envisagée. À ce sujet, nous ne partageons pas le point de vue des auteurs du rapport qui écrivent que "le droit à l'information n'étant pas un simple service, mais un droit fondamental, on se résoudrait mal à le marchander. " Les services éducatifs et de santé, pour ne nommer que ceux-là, sont également des services auxquels les citoyens ont le droit le plus strict. Mais il y a des contraintes financières qu'un gouvernement doit admettre; et il les admet de plus en plus dans ces deux domaines. Le coût de l'exercice du droit des citoyens à l'information gouvernementale doit donc être quantifié. Aucun gouvernement responsable ne devrait légiférer sans connaître le coût éventuel de ses lois, même si ces lois répondent à des droits fondamentaux.

Pour le citoyen et notamment pour les sociétés, l'article 51 est l'un des plus importants du projet de loi proposé par la commission. En effet, il est excellent de confirmer dans une loi la possibilité pour les citoyens d'obtenir la documentation gouvernementale et de préciser dans quel délai cette documentation pourra être obtenue. Mais le délai suggéré de vingt jours est beaucoup trop long pour quantité de documents. Vingt jours, en effet, pour obtenir un projet de loi, un avant-projet de loi ou une Gazette officielle, autant de documents qui sont d'une grande importance pour les entreprises, c'est beaucoup trop long. Ainsi, comme nous l'avons montré par un exemple, quand la date de publication de la Gazette officielle marque le premier jour d'un préavis de 30 jours, la tolérance de 20 jours que propose la commission réduit à presque rien la valeur d'un préavis. L'article 51 devrait donc distinguer, à propos du délai, différents types de documents.

Pour notre part, nous avons déjà recommandé que certains documents tels le journal des Débats, les projets de loi, les lois sanctionnées, la Gazette officielle soient rendus disponibles par le ministère des Communications dans la journée qui suit leur dépôt à l'Assemblée nationale lorsque tel est le cas, ou autrement à leur sortie de l'imprimerie, au bureau régional de Communication-Québec, à Montréal.

Nous reprenons également la suggestion que nous avons déjà faite au ministre des Communictions de mettre sur le fil Telbec, dès leur dépôt à l'Assemblée nationale, les notes explicatives qui accompagnent tout projet de loi. On va même plus loin dans certains cas, notamment à la fin de la session, quand les projets de loi déboulent, une page ou deux, peut-être qu'on n'aura pas sur Telbec les papillons qui s'ajoutent mais, si on avait au moins la trame de fond du projet de loi, on pourrait réagir, ce qu'on ne peut vraiment pas faire. Nous disons que les corps intermédiaires auraient ainsi une information gouvernementale de base en temps opportun. On l'aura toujours, mais il faut quand même l'avoir en temps opportun car, comme le disent si bien les auteurs du rapport, le savoir conditionne l'exercice du droit d'expression.

Je voudrais ajouter un commentaire additionnel, M. le Président, qui n'est pas dans notre mémoire et qui est sur l'article 51. Des groupes se sont présentés devant vous au cours des deux derniers jours, notamment la Chambre de commerce de la province de Québec, et ont fait valoir que le projet de loi tel qu'il est actuellement écrit n'accorde pas toute la protection nécessaire aux renseignements confidentiels - et je dis bien les renseignements confidentiels - qui touchent les personnes morales. Nous n'entendons pas faire à nouveau le débat. Les membres de la commission parlementaire l'ont fait, mais nous partageons entièrement cet avis qui vous a été donné que les renseignements fournis par les compagnies privées n'ont pas à être traités comme des documents émanant des organismes publics lorsqu'ils sont confidentiels. Il y aura donc lieu pour les membres de cette commission de revoir tout cet aspect du projet de loi, de faire les amendements qui s'imposent avec, quant à nous, purement une orientation politique qui est d'accorder aux entreprises comme citoyens corporatifs le même traitement que l'on entend accorder aux citoyens ordinaires lorsqu'il s'agit d'informations à caractère confidentiel.

M. le Président, nous rappelons en conclusion, et sous réserve de cette dernière question que l'on aborde très brièvement, notre accord avec les positions fondamentales du groupe de travail. Nous nous interrogeons cependant sur quelques affirmations du genre de celles que nous venons de voir, sur des propositions ou recommandations et nous souhaitons que nos commentaires ainsi que ceux qui se sont suivis ici aideront le législateur à prendre les meilleures décisions sur la question de l'accès à l'information gouvernementale. Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Vimont.

M. Rodrigue: M. le Président, je veux remercier le Conseil du patronat pour le mémoire qu'il a soumis à cette commission. Je pense que c'est de nature à nous éclairer guant aux contraintes que cette loi peut imposer aux tiers, en particulier.

Le président du Conseil du patronat vient de nous signaler la position de son organisme sur toute la question de l'accès aux documents fournis par les tiers et ce sujet, j'aimerais, si vous me le permettez, lui demander de le détailler un peu. La

chambre de commerce, Hydro-Québec et d'autres organismes ont été assez éloquents sur cette question au cours des deux jours de délibérations qui ont précédé celui-ci et ont soulevé maints exemples qui, à leurs yeux, justifiaient de modifier le projet de loi pour protéger davantage les renseignements fournis par les tiers. Par ailleurs, si l'on examine les articles de la loi et en particulier l'article 27, on y lit qu'un organisme public ne peut communiquer un renseignement industriel, financier, commercial, etc., de nature confidentielle fourni par un tiers et traité par lui de façon constante comme confidentiel, sans le consentement de ce tiers. Cela devrait répondre à l'objection ou à l'inquiétude que vous soulevez ce matin devant nous et qui a été soulevée par d'autres, comme je l'ai mentionné, concernant ces renseignements. (l2 h 30)

M. Dufour: Nous n'en avons pas parlé dans notre mémoire, comme vous l'avez vu, parce qu'on voyait peut-être beaucoup d'étanchéité dans cet article 27 que vous venez de nous citer, de même que l'article 52. On a dit que, probablement, la protection était là et que, de toute façon - je reviens à ce que je disais au début - pour nous, c'est un rapport de commission, ce n'est pas un projet de loi que vient de nous soumettre le législateur. Il faudra redébattre tout ça, et je fais confiance à un autre débat éventuel. On a donc pensé que les articles 37 et 52 pouvaient être assez étanches, un peu dans le sens où vous le dites.

Sauf qu'à la lumière du débat public qui s'est amorcé depuis trois jours particulièrement sur ces articles, sur l'absence de définition entre personne morale, personne physique, sur ce qui est confidentiel et ce qui ne l'est pas, c'était plus facile de savoir ce qui est confidentiel pour un individu que pour une entreprise. Certaines entreprises vont dire que tout est confidentiel, d'autres pas. La notion de confidentialité n'est pas du tout la même chose pour une personne morale que pour une personne physique.

Je pense que le débat a été très bien posé en commission parlementaire, et ce qu'on vous dit, c'est qu'on tient à obtenir, de la part de certaines instances gouvernementales - je peux vous donner des exemples - des renseignements fournis par l'entreprise. Certaines instances gouvernementales sont dépositaires de bon nombre d'informations qu'on donne. Par exemple, si je veux des conventions collectives, il y a juste un endroit pour aller les chercher, c'est le centre des données, les entreprises sont obligées de les déposer. Je ne veux pas qu'on nous coupe de cette possibilité d'information. Pour moi, ce n'est pas confidentiel, une convention collective qui a été signée par les parties, surtout si une conférence de presse va la rendre publique. Pour d'autres, c'est peut-être confidentiel. Je ne veux pas qu'on nous bloque cette possibilité d'accès à l'information.

Ce qu'on dit, c'est que, Hans le débat qui va être fait, parce qu'il y a un problème très réel, il faut s'inspirer des principes de confidentialité qui prévalent pour le citoyen qu'on appelle ordinaire - je n'aime nas le terme - et l'autre citoyen, qui est citoyen corporatif. Je pense qu'on doit mettre les deux sur le même pied quant à la confidentialité des documents que tient en main le gouvernement. Cela, c'est notre approche de fond. Le débat doit se faire, parce que les articles 77 et 52 ne sont pas assez étanches, mais on sent que les auteurs avaient prévu le problème.

M. Rodrigue: À l'article 27, il me semble qu'il y a un élément de définition de ce qu'est un renseignement de nature confidentielle en ce qui concerne les tiers, en tout cas. On dit: "Un renseignement de nature confidentielle fourni par un tiers et traité par lui de façon constante comme confidentiel. " Finalement, c'est la pratique du tiers lui-même qui fait que le document est confidentiel ou pas. Ne partagez-vous pas un peu cet avis? De la façon dont l'article est rédigé, c'est le tiers, finalement, qui va établir le caractère de confidentialité ou non du renseignement concerné.

M. Dufour: C'est volontairement qu'on n'en a pas parlé dans notre mémoire. Même si vous me ramenez à la définition de confidentialité entendue comme telle, par celui qui dépose, prenons simplement les sociétés d'État et les différents ministères du gouvernement, je ne suis pas sûr que les ministres ont tous la même conception de ce qui est confidentiel dans leur ministère; si on prend les 178 000 entreprises du Québec, elles n'ont pas toutes non plus la même conception. Il y a des entreprises publiques qui doivent déjà déposer leur rapport annuel à la Bourse. C'est connu, c'est publicisé, la Commission des valeurs mobilières a un certain nombre d'exigences légales. Les entreprises privées, dans le sens où on l'entend vis-à-vis de la Bourse, ne sont pas assujetties à ces mêmes contraintes.

C'est bien sûr que les définitions de confidentialité vont jouer d'une entreprise à l'autre selon les lois auxquelles elles sont déjà assujetties. Je pense que c'est un problème qui est très sérieux. Il y a des garanties qui sont déjà là. Cela doit être vraiment revu dans le sens, je pense, où la Chambre en a fait devant vous la démonstration; Hydro-Québec l'a fait sur un tout autre plan, purement sur la question, appelons ça des secrets professionnels ou les secrets industriels. C'est énorme comme importance, c'est la vie d'une entreprise,

souvent. C'est tout le débat qui est posé, et je pense que la commission devrait retourner à la commission Paré pour faire réétudier davantage cette section.

M. Rodrigue: Le premier élément que vous avez soulevé dans votre mémoire traite des délibérations des conseils consultatifs. L'article 21, en fait, ne s'applique pas aux conseils consultatifs comme tels c'est plutôt l'article 38 qui couvre cette réalité. Est-ce que nous ne répondrions pas à vos objectifs par l'article 38, qui indique que les mémoires et délibérations des organismes gouvernementaux, dont les conseils consultatifs, ne sont pas publiés avant 20 ans? Le Conseil de la politique scientifique, par exemple, tient toutes ses réunions publiques, cependant, et il en est de même pour des réunions de commissions qu'il a mises sur pied, c'est une expérience qui est à suivre, mais avant de l'étendre...

M. Dufour: Avant de demander à Me Ponton de réagir, je pense que c'est une des difficultés du document, la définition de conseil, d'organisme; vous appliquez l'article 38 au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, nous ne l'appliquerions pas au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, parce que dans notre définition, ce n'est pas un organisme gouvernemental. Le CCTM, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre n'est pas un organisme gouvernemental. En tout cas, question de vocabulaire, mais sur le principe, je vais demander à Me Ponton...

M. Rodrigue: Question additionnelle là-dessus. Est-ce qu'il ne vous apparaîtrait pas cependant que les comptes rendus des réunions des conseils consultatifs devraient être accessibles, même si les délibérations se font à huis clos?

M. Ponton (Gérald): Je pense que c'est poser toute la question du conseil consultatif. D'abord, au niveau de la recommandation 8, c'est un voeu de la commission qu'éventuellement, on suggère de l'étendre au conseil consultatif. Ce qui a amené le Conseil du patronat à se prononcer contre cette orientation, c'est que le conseil consultatif est un peu comme un haut fonctionnaire auprès de son ministre, sauf qu'il est formé de groupes de différents milieux, souvent patrons et syndicats, pour informer le ministre, le conseiller sur des sujets donnés.

Je ne pense pas que le haut fonctionnaire réfléchisse ou fasse part de ses délibérations à son ministre, de façon publique; le conseil consultatif doit, à notre avis, recevoir le même traitement.

II faut distinguer deux choses là-dedans, l'accès aux documents du conseil consultatif et les délibérations du conseil consultatif. On ne pense pas que les délibérations du conseil consultatif devraient être publiques, mais on pense que les documents du conseil consultatif devraient être rendus publics, au même titre, par exemple, comme il est proposé dans l'article 38, soit après vingt ans, que lorsque le ministre annonce sa décision.

Je pense qu'à ce moment-là, on pourrait très bien rendre les discussions du comité consultatif publiques, de même que l'avis des hauts fonctionnaires peut être rendu public.

M. Rodrigue: On pense que l'article 38 couvre les conseils consultatifs, parce que la majorité des membres de ces conseils sont nommés par le gouvernement, même si c'est sur recommandation d'organismes intéressés aux délibérations de ces conseils.

À la recommandation 16, vous indiquez que le Conseil du patronat est d'accord, en principe, mais que les salaires des cadres supérieurs devraient faire l'objet d'une exception. Quelles seraient les raisons valables qui autoriseraient la commission à recommander que dans un projet de loi, on fasse une distinction entre les salaires des cadres et ceux des employés autres que les cadres? Je vous avoue que ce n'est pas évident, quant à moi, et j'aimerais bien vous entendre là-dessus.

M. Dufour: Écoutez, on ne fera pas le débat ce matin sur cette question, parce qu'il va se faire ailleurs. Vous savez que la Commission des valeurs mobilières du Québec a demandé des avis sur la question de la divulgation de la rémunération des dirigeants d'entreprise privée, les cinq mieux payés dans l'entreprise. On sera opposé à ça, pour toute une série de raisons qui vont être connues d'ici une quinzaine de jours, dont on n'a pas saisi encore la Commission des valeurs mobilières.

C'est un débat qui, comme vous le savez, revient régulièrement au Canada. Il a été fait en Ontario, le gouvernement ontarien n'a pas accepté la recommandation de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, de façon que chaque salaire soit donné sur une base individuelle.

Comme ce débat va se faire dans le secteur privé, on a tout de suite dit ici qu'on ne demandera pas deux poids, deux mesures. Si le gouvernement veut publier le salaire de ses cadres supérieurs, je ne parle pas des hommes politiques, c'est connu, mais on parle du président d'Hydro-Québec, du président de SIDBEC, ce sont les cadres supérieurs, si vous trouvez des avantages, politiquement, à tout publier ça, c'est la décision du législateur. Mais nous, dans notre dossier de la divulgation des salaires des cadres supérieurs, les cinq mieux payés dans

une entreprise, on ne fera pas de distinction, que leurs dirigeants soient dans l'entreprise privée ou dans une entreprise ou un organisme gouvernemental qui s'appellerait SOQUEM, SOQUIP, Hydro-Québec, Régie des rentes, peu importe. Comme on ne veut pas, éventuellement, avoir deux poids, deux mesures, débattre quelque chose qui est dans le secteur privé, on ne s'est pas préoccupé de la fonction publique, parce que vous auriez éventuellement les mêmes problèmes; allez voir dans notre dossier à savoir pourquoi ça créerait des problèmes. Sur la question des décrets, on est d'accord avec le principe, sauf que c'est un des endroits où on ferait des exceptions. Il y a probablement d'autres choses, des choses très confidentielles au niveau d'un Conseil des ministres, j'imagine, qu'on ne voudrait peut-être pas divulguer. Il faut mettre certains paramètres. On donne ouverture avec un paramètre comme celui des cadres supérieurs. Je ne sais pas si cela vous satisfait. C'est pour ne pas faire de discrimination, dans le débat entre le public et le privé, au niveau du salaire des cadres supérieurs.

M. Rodrigue: Dans vos commentaires sur la recommandation no 10, vous vous opposez à ce que le gouvernement puisse ne pas oublier à l'avance dans les cas exceptionnels ses projets de règlement. Ce que je voudrais vous dire là-dessus, c'est que cette recommandation n'apparaît pas au projet de loi pour une raison bien simple, c'est qu'elle va être reprise dans le cadre d'une éventuelle loi ou d'un projet de loi dans les règlements que prépare actuellement le ministère de la Justice. À ce moment, vous pourrez en débattre à une autre occasion.

En ce qui concerne l'accès à l'information, surtout l'accès provenant des tiers, l'expérience américaine démontre assez clairement que les entreprises sont les principaux utilisateurs de lois qui existent dans les États américains, et qui font un peu le pendant du projet de loi qui nous a été proposé par la commission Paré, pour obtenir des renseignements sur leurs concurrents.

J'aimerais savoir si entre autres les articles 25 à 29, qui traitent des renseignements aux tiers, vous satisfont et si cela vous semble suffisant pour éviter qu'on institutionnalise, à toutes fins utiles, l'espionnage industriel.

M. Dufour: M. le député de Vimont, je reviens à mon contexte général de tantôt. On n'a pas touché aux articles 25 et 29, tout comme on n'a pas touché aux articles 27, 52 et 56, pour ce que je vous disais tantôt. C'est une question d'utilisation de bonne foi de tous ces articles. Ils pourraient être beaucoup plus serrés que cela et on aurait de fichus problèmes parce que les gens les interprètent mal, mais surtout les appliquent mal. C'est une question d'esprit, toute cette application.

Les articles 25 à 29 ne nous ont pas tellement fatigués. Il y a une protection. On sent l'idée qu'il faut cette protection. On sent qu'on ne peut créer un préjudice irréparable à une personne physique, mais non plus à une personne morale en fournissant les renseignements que possède une agence gouvernementale. On sent que c'est présent, sauf que - je reviens à ce qu'on a dit - pour nous, ce n'est pas le projet de loi du gouvernement. C'est une proposition intégrée, structurée, dans les termes légaux d'une proposition globale d'accès à l'information gouvernementale. On réserve nos commentaires mais, de façon générale, on se dit que si on pouvait s'entendre sur la définition des termes, ce qui est confidentiel et tout cela, il n'y aurait peut-être pas de problèmes majeurs.

M. Rodrigue: Je me suis permis de vous poser cette question parce qu'il est évident que les travaux de cette commission ont de fortes chances de déboucher sur la préparation d'un projet de loi gouvernemental. Les commentaires que vous pourriez nous faire à ce moment-ci nous aideraient justement dans la préparation de ce projet de loi. De là, la question.

M. Dufour: Vous nous donnez une ouverture et on va la prendre. À la suite du débat qui se déroule depuis deux ou trois jours sur ce problème très particulier, on va revoir cela et on va vous faire parvenir des notes supplémentaires.

M. Bertrand: Très bonne idée.

M. Ponton: M. le Président, M. le député de Vimont nous demande si les articles 25 à 29 sont étanches - en fait, cela revient à cela - et dans quelle mesure cela rencontre les objectifs de la loi. Il nous est apparu, au départ, que cela rencontrait certains des problèmes que pose la divulgation d'information des tiers. Pour d'autres organismes, il ne semble pas que ce soit le cas. Comme M. Dufour l'indique, je pense que la meilleure solution pour nous, c'est de reprendre le dossier et de l'examiner à nouveau.

M. Rodrique: Si vous êtes satisfaits, je ne veux pas vous inciter à ne pas être satisfaits, mais enfin, comme vous représentez, quand même, des entreprises qui sont susceptibles d'être affectées par cela, votre opinion est certainement importante dans le contexte.

Le Président (M. Tremblay): M. le

député de Westmount. (12 h 45)

M. French: Je suis très content - et je suis convaincu que M. Dufour et le Conseil du patronat partagent ce sentiment positif -d'apprendre que le gouvernement envisage de réviser le cadre législatif quant aux règlements et à la publication de règlements, etc., ce qui est extrêmement important. Je pense que la commission Paré a donné l'occasion aux gens de l'entreprise privée, aux gens du Barreau et à tout autre organisme de venir nous entretenir sur ce problème qui n'est pas directement celui de la commission, mais qui est quand même lié à tout ce complexe de problèmes qu'est l'information gouvernementale. J'ai pu comprendre que c'est bien beau d'avoir accès aux documents gouvernementaux, mais dans la mesure où le gouvernement n'est même pas capable de le publier, de les imprimer, de les distribuer et de passer par tous les moyens d'information possibles pour faire connaître ses activités, l'accès aux documents gouvernementaux devient un luxe un peu secondaire face à ce problème. Je pense que c'est extrêmement important de retenir cela, d'autant plus que ce n'est jamais traité dans le projet de loi qu'envisage le ministre actuellement. Ce n'est pas vraiment cela qu'il vise. D'ailleurs, il faudrait un article écartant toute cette question de l'application de la loi, si j'ai bien compris, c'est-à-dire que les publications dans le sens étroit, les choses imprimées, les choses éditées ne seraient pas touchées par le projet de loi.

Par contre, je pense que c'est important de souligner que le gouvernement s'est engagé aujourd'hui - peut-être que le ministre va passer le message à son collègue de la Justice là-dessus - à réviser tout cela et je pense que ce qu'on a entendu, cela ne vient qu'augmenter la pression à l'arrière de cet exercice.

M. Bertrand: Augmenter quoi?

M. French: La pression à l'arrière de l'exercice au sein du ministère de la Justice de réviser tout la question des règlements, de la publication de règlements, de la publication des décrets, les délais, les moyens de distribution, etc.

M. Dufour: Évidemment, ce point de vue de M. French, nous le partageons pleinement. On en a discuté très rapidement tantôt avec M. Paré, l'auteur du rapport. En tout cas, on fait part de notre préoccupation. Tu peux bien avoir la plus belle loi qui te rende les documents accessibles, mais si, à cause de mécanismes purement administratifs, tu ne les as pas, tu n'as pas avancé. La vie de l'entreprise n'est pas axée sur des documents qui doivent être produits dans trois ou dans cinq mois; elle est axée sur la Gazette officielle, sur le journal des Débats, sur des projets de loi. Il faut réagir. C'est cela la vie de l'entreprise quant à l'accès aux documents du gouvernement. Bien sûr, cela ne fait pas partie du projet de loi, mais nous avons insisté sur cela. Je suis content que vous repreniez cette dimension; c'est vraiment là que sont nos problèmes, non pas purement pour nous comme corps intermédiaire, mais pour l'ensemble des corps intermédiaires.

M. French: Maintenant quant aux recommandations de traiter les personnes morales sur le même pied devant la loi que les personnes physiques, je l'ai dit hier ou avant-hier, je pense que vous l'avez suffisamment couvert, mais je voudrais souligner que même si on partage la préoccupation que 26, 27 ou 25 - je ne sais pas lequel - sont insuffisants comme tel, je pense que ce ne serait jamais possible de changer radicalement l'étendue de l'application de la loi de la façon que la recommandation vise. Ce serait écarter à toutes fins utiles tous les renseignements provenant du secteur privé de l'application de la loi sur l'accès à l'information. Donc, je suis très content de savoir que vous allez revoir cela, parce que c'est extrêmement important. S'il y a vraiment un problème, qu'il ne soit pas réglé de façon artificielle dans vos recommandations devant la commission parlementaire, lors de l'étude article par article, de façon artificielle en transférant dans un coût qui réglerait vos problèmes facilement, mais c'est impossible en tant que législateur d'accepter cette solution. Je ne sais pas si vous désirez réagir à cela.

M. Dufour: Non, en fait, nous on accepte le principe d'une loi sur l'accès à l'information gouvernementale, il ne faut quand même pas se contredire nous-mêmes, on ne peut pas lui enlever tout son contenu, il faudra qu'il y ait quelque chose de disponible à un moment donné. Vous exprimez très bien notre point de vue, on va revoir le tout de façon qu'une entreprise, une personne morale, un citoyen corporatif ne soit pas désavantagé vis-à-vis d'une personne physique, une personne dont les renseignements nominatifs pourraient être protégés. On va essayer vraiment de proposer au législateur des articles qui mettraient sur ce plan-là - entendons-nous bien - purement sur le plan de la confidentialité les deux personnes sur le même pied.

M. French: Je ne suis pas sûr que ce serait suffisant, mais on en reparlera plus tard. Même le principe de base de vos recommandations, si c'est toujours que les personnes physiques et morales devraient être

traitées littéralement sur le même pied, je pense que vous trouverez cela très difficile sans vous abriter à peu près à 100% de l'application de la loi. On en parlera plus tard.

M. Dufour: Quand on se sera entendu sur les définitions du caractère confidentiel, probablement qu'on aura avancé le débat.

M. French: Très brièvement, une autre chose que je voudrais recommander au conseil d'étudier; c'est l'abus de la loi américaine auprès des institutions réglementaires, surtout américaines, dans le jeu de la concurrence; c'est un abus très sévère qui se dégage entre autres du fait qu'il y a recours à la cour. Il y a probablement une protection insuffisante aux données dans les exceptions américaines et peut-être aussi dans ceux-ci. Vous pouvez peut-être étudier la jurisprudence américaine, les cas qui impliquent la Federal Trade Commission, la Food and Drug Administration et d'autres parce que ces institutions se retrouvent dans les actions "freedom of information" qui impliquent les deux sociétés, la société requérante et la société déposante et cela, avec à peu près aucune fin pratique publique d'après ce que je peux voir. Je reprends la parole de mon collègue de Vimont, ce serait très intéressant d'entendre le Conseil du patronat là-dessus.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bertrand: Ma question sera brève. Je m'excuse auprès des membres du Conseil du patronat si j'ai dû m'absenter pendant la lecture de leur rapport. J'en avais pris connaissance de toute façon et les députés ministériels sont tout à fait qualifiés pour poser toutes les questions aux organismes.

M. French: Surtout avec le "briefingq" que leur fournissent les fonctionnaires du ministre.

M. Bertrand: Pardon?

M. Marx: Même les gens du groupe des "onze. "

M. Bertrand: Surtout ceux-là.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Rodrigue: Le député de D'Arcy McGee a des fixations depuis quelques jours.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Bertrand: Ma seule question est la suivante, M. le Président. C'est relativement à l'article 101 sur la création de la commission. Cela ne semble pas emballer le Conseil du patronat du Québec. Vous vous demandez si on ne devrait pas regarder ailleurs pour voir si, au ministère des Communications, à celui de la Justice ou à tout autre, il n'existerait pas un organisme qui pourrait assumer les responsabilités que la commission Paré voudrait voir confier à cet organisme qui s'appelle la commission d'accès aux documents des organismes publics. Est-ce que vous avez poussé plus loin votre réflexion? Est-ce que vous avez à l'esprit un certain nombre d'organismes? Là-dessus, j'ai déjà indiqué à la commission que je suis vraiment très ouvert à l'étude, à l'analyse de ce problème, en me disant qu'il y a peut-être un organisme qui existe déjà et auquel il s'agirait d'ajouter des fonctions additionnelles, ce qui satisferait beaucoup tous ceux qui ont à coeur la débureaucratisation du gouvernement.

M. Dufour: Nous n'avons pas, M. le ministre, de propositions concrètes. Si nous en avions eu une, nous vous l'aurions faite. Mais le problème reste posé et je pense bien que tout le monde est d'accord qu'il y a trop de commissions. Est-ce qu'il faut en créer une autre dans ce domaine très précis? On dit bien qu'on n'a pas d'objection sur le principe. Ce n'est pas une question de principe. On dit que, on peut en éviter une autre, ce n'est pas à cause de ce que les auteurs nous décrivent ici dans les articles 101 et subséquents. On parle juste de trois membres, mais les trois membres, on connaît cela. Certains présidents de commission n'ont même pas besoin de deux adjoints pour devenir très gros rapidement. Quelqu'un parlait ce matin, je pense que c'est le député de D'Arcy McGee ou celui de Westmount, d'un bureau d'avocats, parce que la corporation elle, la personne morale, ne serait pas représentée par un avocat, si je vous ai bien compris, alors que la personne physique le serait.

De toute façon, on parlait de créer un contentieux. On crée tout de suite des monstres administratifs. Si on avait à choisir entre la Justice et les Communications, M. le ministre, on irait aux Communications. On n'accepte pas tout à fait l'argument des auteurs qui disent: II faut absolument que ce soit séparé des gens qui ont un certain pouvoir politique dans les mains. Cela n'existe pas une régie ou une commission de quelque nature, tant au provincial qu'au fédéral, qui n'a pas un certain lien plus que direct souvent avec son ministre. Elle va relever de quelqu'un, cette commission, du Conseil exécutif? Il y a toujours un lien politique. Ce serait le ministère des Communications qu'on privilégierait parce qu'on est dans ce domaine, sauf qu'il

faudrait vraiment qu'il y ait étanchéité entre le pouvoir politique et le pouvoir administratif comme tel. Cela me permet peut-être, à ce moment-ci, toujours dans le domaine de l'information, parce que c'est bel et bien une responsabilité du ministre des Communications et non de celui de la Justice, de relever cette suggestion que M. French faisait tantôt de dialoguer davantage avec votre ministre de la Justice pour la réglementation, etc. Notre problème est encore moins avec la Justice qu'avec le ministre des Communications. Pourquoi?

M. Bertrand: Avez-vous des problèmes avec moi, M. Dufour?

M. Dufour: Pas avec vous, avec le ministère. Pourquoi n'est-ce pas possible d'avoir des projets de loi à Montréal, quand ils sont disponibles à Québec? Pourquoi ne mettez-vous pas sur Telbec un projet de loi? Vous connaissez comme moi tout ce que dépense le ministère des Communications.

M. Bertrand: Je me suis fait dire à la commission parlementaire qui étudiait les crédits des Communications que Telbec était déjà tellement utilisé.

M. Dufour: Presse canadienne, je veux dire un fil.

M. Bertrand: Le service angqlais de la Presse canadienne, parce que le service français n'est pas très... d'après la commission Kent.

M. Dufour: II devrait y avoir des moyens d'un autre ordre.

M. Bertrand: Je suis d'accord avec vous.

M. Ponton: M. le Président, au niveau des suggestions pour le ministre, certains moyens relèvent de son ministère. Il y a déjà une régie, la Régie des services publics dans le secteur des communications, le câble et tout cela. Cela pourrait être la partie du centre de la commission qui s'occuperait de tout l'aspect de la révision, du caractère quasi judiciaire des décisions de la commission. Il y aurait peut-être un heureux mariage qui pourrait être fait avec la direction générale des communications gouvernementales et la régie en matière de révision de décisions. Je pense à cela rapidement. Cela pourrait être une façon, parce que l'analyse des coûts est peut-être un des points les plus faibles du rapport, mais il faut quand même y donner crédit, parce que les gens étant à temps partiel, ils ont un délai très limité. Ils ont abattu un travail énorme. Mais au niveau du coût de la réforme, à la page 12, on n'a pas beaucoup d'information. Je pense qu'on devrait, au niveau du projet de loi final, faire l'étude des coûts. Il y a certains livres blancs par le passé qui ont fait des études de coûts et deux ans après, on s'est retrouvé avec des montants qui étaient de cinq ou six fois supérieurs aux montants qui étaient prévus dans le livre blanc. Cette dimension des coûts devient de pIus en plus importante. Il faudra que le ministre obtienne des estimations des coûts de différentes réformes, différentes propositions pour avoir une vue d'ensemble du dossier.

M. Bertrand: Vous voulez - je m'excuse, M. le Président - que l'éventuel organisme qui s'occuperait de l'administration de la loi puisse aller puiser ses crédits à même le fonds consolidé. Ne trouvez-vous pas que c'est une façon, justement, de piger à grandes pochetées l'arqent des contribuables sans être assujetti à des règles de tempérance et d'abstinence dans certains cas?

M. Dufour: Parce qu'il est permis de tout piger dans le fonds consolidé?

M. Bertrand: Dans le cas du Directeur général des élections, qui a accès au fonds consolidé par sa loi, cela lui donne des possibilités assez extraordinaires de faire pas mal de choses qu'un ministère ne réussit pas à faire. Il me semble que c'est un peu contradictoire avec votre volonté de...

M. Dufour: Ce n'est pas pour le budget de fonctionnement de la première année et subséquemment, ce ne sera pas suspendu dans le vent. Cela va relever d'un ministère ou du Conseil exécutif qui, à ce moment-là, devra justifier. Cela m'apparaît un budget de démarrage et après, cela va relever d'un ministère ou du budget du Conseil exécutif.

M. French: Je pense qu'il y a une couple de choses qui devraient être clarifiées. D'abord, du coût total de l'implantation de la loi, le coût de la commission serait comme proportion, pas mal minime. Le coût va surtout se faire sentir auprès des ministères qui ont à administrer la loi. Nous pensons, de notre côté, avoir une solution à cela. (13 heures)

II y a un principe que le ministre s'est engagé à respecter, c'est qu'il prenne les budgets publicitaires du gouvernement et qu'il les utilise afin d'implanter cette loi; c'est exactement ce qu'ont fait les Américains. Le ministre m'a invité - j'en suis très content - à l'aider à identifier les sources de gaspillage dans les budgets publicitaires. Cela me fera plaisir... toutes les photos de ministre, et tout cela. Le député de Chambly aura son mot à dire à ce

moment-là aussi, je l'attends avec beaucoup d'intérêt parce que je sais que c'est quelque chose qui l'intéresse. Je pense que, quant à ça, c'est assez facile pour le ministre de se prononcer précisément sur ce principe de base qui serait que l'accès à l'information pour le citoyen et la protection des renseignements personnels devraient primer sur les programmes de publicité, surtout ceux de nature qénérale qui ne visent pas un problème du gouvernement en particulier.

M. Bertrand: Là-dessus, je suis prêt à répondre immédiatement au député de Westmount. Dans son devoir d'informer la population, le gouvernement peut recourir à différents supports qui sont innombrables. Par exemple, le contact avec les journalistes par voie de conférences de presse, des tournées d'information à travers le Québec, tout ça fait partie des supports. Il y en a un, dans l'ensemble de ces innombrables supports qui permettent l'information et la communication, qui s'appelle le support publicitaire. Je dis qu'un gouvernement doit pouvoir recourir à ce support pour certaines campagnes d'information, mais là où je suis d'accord avec le député c'est qu'à mon avis, il faut peut-être analyser avec beaucoup plus de circonspection cette question de l'utilisation de la publicité à des fins d'information et de communication gouvernementale.

Là-dessus, je vais vous donner un exemple où, personnellement, je suis tout à fait d'avis qu'il y a des fonds publics qui sont utilisés pour certaines campagnes de publicité à un moment où ils ne devraient pas l'être. Je vais même le citer, je ne suis pas membre du groupe des onze et ça concerne nos ministères, etc. Je vais vous donner l'exemple de la campagne "Viens jouer dehors". Je me suis promené, pendant l'été, dans le décor québécois, dans différentes régions, et j'ai vu partout des panneaux, d'immenses panneaux où on invitait les jeunes: "Venez jouer dehors". Je me dis que s'il y a une période de l'année où il n'est pas nécessaire de dire aux jeunes d'aller jouer dehors, c'est bien l'été. Le problème, c'est justement que les parents ont de la misère à faire entrer les enfants à la fin de la journée. Dans un contexte comme ça, il m'apparaît que ce choix de campagne à ce moment de l'année est tout à fait inapproprié, et il y a là une dépense de fonds publics que je trouve extrêmement discutable.

Je peux donc dire au député de Westmount que, comme ministre des Communications, je vais m'assurer, au cours des prochains mois et des prochaines années, qu'il y aura là-dessus une coordination, un contrôle et une surveillance bien meilleure que ce qui était fait dans le passé.

M. French: Je suis bien content d'entendre le ministre à ce sujet et je sais que...

M. Bertrand: Je ne dis pas qu'il n'y aura pas de publicité.

M. French: Non, non, jamais.

Le Président (M. Rochefort): Vous pourriez peut-être vous donner rendez-vous à la prochaine commission parlementaire qui étudiera les crédits du ministère des Communications. Pour l'instant, nous remercions les représentants du Conseil du patronat.

À la suite d'une entente entre les membres de la commission, j'inviterais deux organismes à comparaître en même temps devant nous. Il s'agit de l'Association des parents et amis des malades mentaux et émotionnels de Montréal et du Central Consumer's Council.

Je vous demanderais de vous identifier, s'il vous plaît.

Conseil central des usagers de services sociaux

Mme Ranti-Paquette (Irène): Je suis Irène Ranti-Paquette, vice-présidente du Conseil central des usagers de services sociaux auprès du centre de services sociaux Ville-Marie. Est-ce que vous m'entendez?

Le Président (M. Rochefort): Oui. Cela va.

Mme Ranti-Paquette: Est-ce que vous voulez que je vous lise le mémoire extrêmement bref qu'on a préparé?

Le Président (M. Rochefort): C'est comme vous voulez. Soit le lire ou nous en faire une brève présentation.

Mme Ranti-Paquette: Le Conseil central des usagers de services sociaux existe depuis 1973 comme un organisme de participation des usagers et de la collectivité au processus de prise de décision du Centre de services sociaux Ville-Marie. Son mandat est d'être un organisme consultatif de révision des politiques du Centre de services sociaux Ville-Marie auprès de son conseil d'administration; un comité pour faciliter la participation et la consultation des usagers et de la collectivité dans les structures de distribution de services; un système d'appui de l'action communautaire collective et individuelle.

Le conseil est composé d'usagers du Centre de services sociaux Ville-Marie, de groupes communautaires et de groupes ethniques de la région 6-A. Ses membres font partie de et sont actifs parmi les

segments les plus démunis et les plus vulnérables de la population.

Le conseil est préoccupé par la protection des renseignements personnels. Les données privées sur les individus détenues par les pouvoirs publics se multiplient hors du contrôle du citoyen. L'informatisation permet l'interconnexion des dossiers et, partant, l'établissement exhaustif du profil de l'individu dans les domaines social, sanitaire, économique, pénal, etc. L'inégalité des pouvoirs des gouvernants et des gouvernés favorise les pouvoirs publics. Le processus de l'informatisation, dans ce contexte social, menace la vie privée et les libertés individuelles, et renforce le contrôle par les gouvernants.

Le troc d'informations privées contre des services laisse les plus démunis de la société, ceux qui ont un besoin urgent de ces services, captifs d'un appareil bureaucratique avide de centralisation des données suivant une rationalité particulière, celle de l'efficacité. Les valeurs de rentabilité, d"'efficiency" risquent de l'emporter sur la défense des libertés civiques.

Le Conseil central des usagers de services sociaux a mené, depuis 1976, une lutte acharnée contre la nominalisation des renseignements privés et contre la centralisation informatisée de ces données, et ce, dans le domaine de la protection de la jeunesse. Jusqu'à récemment, l'information permettant d'identifier les dossiers numérotés fut gardée dans un registre manuel sécuritaire. Lorsque les dossiers furent consignés, en 1979, à l'ordinateur, les données personnelles furent conservées dans le registre manuel. La hausse énorme et imprévue du nombre de cas et les coupures budgétaires draconiennes imposées récemment au Centre de services sociaux ont obligé le conseil d'administration à autoriser, après des délibérations animées, l'informatisation du registre manuel des noms facilitant ainsi l'identification des dossiers.

Le conseil des usagers avait pris position, dans un mémoire envoyé au ministère des Affaires sociales en 1976, au sujet d'un amendement proposé aux règlements de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Les observations contenues dans ce mémoire sont toujours pertinentes.

Le conseil ne s'oppose pas à la collecte de données pour les fins de planification et de recherche. Toutefois, la nominalisation de tels renseignements et la centralisation de ces données personnelles dans les banques de données informatisées, accessibles, sans la permission de l'usager, à quiconque obtient l'autorisation du ministère, est inacceptable. Cela menace le droit de la personne au respect de sa vie privée, tel qu'énoncé dans la charte.

Si l'obtention de services est conditionnelle à la divulgation par l'usager d'informations personnelles, il y a une atteinte inhérente à la relation usager-intervenant. L'usager n'a aucune liberté de choix, étant captif d'une situation où le climat de confiance est hypothéqué d'avance. Les groupes d'usagers stigmatisés socialement (toxicomanes, parents naturels, homosexuels, ex-patients psychiatriques, chômeurs, ex-contrevenants, etc. ) seront réticents à s'adresser aux services dont ils ont besoin.

Si l'usager croit avoir intérêt à ne donner que des renseignements inadéquats ou faux, craignant le transfert des données, cela peut influencer les jugements des intervenants et rendre incertain la distribution des services appropriés et fausser de façon permanente l'information détenue par le ministère.

L'accumulation dans les dossiers du ministère de toute demande de correction, des demandes d'appel aux décisions et la non-accessibilité du dossier pour l'usager, cela risque de lui faire coller à la peau l'étiquette d'un éternel querelleur, à son détriment.

Il y a également le risque élevé du renforcement de la discrimination et de la marginalisation dans les faits dont souffrent ces usagers, collectivement et individuellement, par la persistance dans un dossier cumulatif d'une classification donnée une fois pour toutes, femmes avortées, jeune délinquant, etc. L'accès à l'information contenue dans ce dossier cumulatif met en danger la réhabilitation de certains usagers et, pour d'autres, leur existence même dans la société actuelle.

La possibilité de mettre en relation de façon systématique cette information éparpillée dans les différents fichiers, par l'interconnexion informatique, et de donner ainsi aux pouvoirs publics ou corporatifs un instrument de contrôle social de citoyens sans défense ne peut que renforcer la crainte de discrimination et d'exploitation.

Le conseil des usagers souhaite commenter également le mode d'organisation de ces auditions publiques si souhaitables dans une société qui se veut démocratique. Les associations doivent souvent renoncer à assister à ces sessions faute de moyens techniques ou financiers pour se déplacer à Québec et pour produire, traduire et reproduire en 100 copies leur mémoire.

Le conseil se considère privilégié d'avoir accès à ces moyens - du moins dans l'immédiat - bien que son existence est menacée par des coupures budgétaires de 100%. D'autres groupes, nombreux, n'ont pas ce privilège.

Le conseil central des usagers désire faire les recommandations suivantes: 1. Que le ministre donne suite aux

recommandations de la commission Paré en ce qui a trait à la protection des renseignements personnels au niveau de la collecte, la conservation, le transfert, l'accès et ses restrictions, la correction et le recours. 2. Que le ministre prête une attention particulière au domaine de l'informatisation des dossiers et l'interconnexion de ces fichiers. 3. Que le secrétaire des commissions particulières assiste les groupes organisés de citoyens à exercer leur droit de participer à ces consultations en leur donnant les moyens techniques et/ou financiers ou encore en tenant au moins une des sessions à Montréal.

Merci.

Le Président (M. Rochefort): Je vous inviterais aussi à nous présenter l'autre mémoire qui est sous votre responsabilité et on les abordera les deux de front.

Association des parents et amis des malades mentaux et émotionnels

Mme Ranti-Paquette: Oui. C'est le mémoire de l'Association des parents et amis des malades mentaux et émotionnels dont je suis la coprésidente.

Les deux groupes sont composés majoritairement d'anglophones.

APAMM-ARAFMI, association des parents et amis des malades mentaux et émotionnels, est une association de bénévoles avec un double mandat: elle est un groupe d'entraide pour les familles aux prises avec les problèmes qu'entraîne la maladie mentale d'un de ses membres, et elle aqit également comme groupe de pression auprès des instances décisionnelles pour l'implantation d'un réseau cohérent de ressources communautaires destinées à la réadaptation psychiatrique et la réinsertion sociale.

Nous appuyons les principes généraux du rapport Paré et nous souhaitons y ajouter quelques commentaires au sujet de la protection des renseignements personnels.

Le caractère confidentiel des renseignements nominatifs. L'article 61 du rapport dit: "Un organisme public doit refuser de communiquer une liste de noms de personnes physiques". Ce règlement devrait pouvoir s'appliquer aux associations de promotion oeuvrant dans un domaine entouré de préjugés, comme c'est le cas pour APAMM-ARAFMI.

Les patients psychiatriques, dès qu'ils montrent une légère amélioration, désavouent leur condition et rejettent toute relation avec la maladie mentale. Afin de leur faciliter la réadaptation leurs parents et amis ne souhaitent pas afficher leur appartenance à notre association. Nous respectons ce besoin de confidentialité et nous refusons de communiquer notre liste de membres. À l'occasion d'une demande de subvention auprès d'un organisme public, on nous a demandé cette liste; notre refus n'a pas empêché une entente à l'amiable par la suite. (13 h 15)

Ce même organisme public a procédé récemment au repérage d'une certaine catégorie de personnes marginalisées. On nous avait envoyé des formulaires à faire remplir par ces personnes si elles se croyaient disponibles à l'emploi. Il n'y avait aucune obligation de répondre et pas de promesse de travail non plus.

Lorsque nous avions exprimé notre dissidence, pour des raisons de confidentialité, un organisme public a consenti une démarche particulière selon laquelle nous allons conserver les données permettant l'identification dans un registre confidentiel en envoyant à la banque de données seulement les dossiers anonymes assortis d'un numéro comme seul facteur identifiant.

Sur la gestion des dossiers, la loi devrait restreindre le genre de renseignements qu'on peut verser dans un dossier personnel détenu par un organisme public ou privé. Doivent être exclues les mentions relatives au dossier psychiatrique ou médical, au dossier judiciaire, aux croyances philosophiques ou religieuses, au fait d'être bénéficiaire de la sécurité sociale. L'échange automatique du dossier informatisé doit cesser.

L'accès au dossier. Le citoyen doit avoir le droit de connaître le contenu des dossiers qui le concernent et de faire corriger les erreurs. Les tierces personnes qui ont reçu ces renseignements erronés doivent être avisées des corrections. Le citoyen doit pouvoir trouver dans son dossier la mention de toutes les consultations et demandes d'accès.

Restrictions à l'accès. Une des exceptions au droit d'accès d'un individu à son dossier est le cas des dossiers médicaux et psychiatriques. L'accès peut être refusé au bénéficiaire lorsqu'il serait gravement préjudiciable à sa santé de prendre connaissance de son dossier. On devrait étudier la possibilité de divulguer certains renseignements aux proches du patient, aux membres de sa famille ou autres. En 1980, l'État de Californie a adopté la loi AB2144 allant dans ce sens. La famille, ou une autre personne désignée par le patient résidant dans une de ces institutions psychiatriques, peut, avec l'autorisation du patient, recevoir des informations relatives à son séjour dans cette institution, à son transfert, aux diagnostics, aux pronostics, aux médicaments prescrits et à leurs éventuels effets secondaires, aux progrès du patient, à la gravité de sa maladie et au décès. Nous sommes entièrement conscients des

implications pour toutes les parties en lice et nous suggérons que cette question soit soumise à une étude approfondie avec la consultation de la collectivité.

L'Association des parents et amis des malades mentaux et émotionnels désire soumettre les recommandations suivantes: 1) les organismes publics ne doivent pas exiger l'envoi de la liste des membres des associations de promotion qui sollicitent des fonds; 2) les organismes publics doivent agir avec prudence lorsqu'ils font la collecte de renseignements personnels et prévoient des mesures de sécurité afin de minimiser les effets négatifs de la centralisation de ces données; 3) la gestion des fichiers doit être soumise à une surveillance étroite et prévoir des sanctions en cas d'abus; 4) une étude approfondie doit être faite de l'accès aux dossiers médical et psychiatrique, des exceptions et restrictions, tel que recommandé à la page 97 du rapport Paré, et la consultation et la participation doivent être invitées de la part des citoyens y compris les personnes les plus concernées, c'est-à-dire les patients psychiatriques eux-mêmes; 5) la loi devrait entrer en vigueur dans les plus brefs délais.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bertrand: Je voudrais vous remercier, madame, de vous être donné la peine de vous déplacer de Montréal à Québec, malgré les contraintes que cela suppose. J'ai pris note d'une de vos recommandations, à savoir que ces commissions parlementaires puissent être accessibles à des gens qui n'ont pas les disponibilités financières et qui sont physiquement retenus souvent ailleurs qu'à Québec. Ce n'est évidemment pas un problème qui regarde notre commission, mais, puisque c'est enregistré au journal des Débats, c'est peut-être une opinion qui pourra être transmise à la commission de l'Assemblée nationale.

Sur le reste, ce dont je prends note, c'est que vous êtes, dans l'ensemble, d'accord sur les recommandations qui sont faites en particulier en ce qui concerne la protection des renseignements personnels et que ce que vous souhaitez c'est que la loi soit adoptée dans les plus brefs délais.

Vous avez, par contre, quelques recommandations plus précises. L'une, fort intéressante, par laquelle vous demandez aux organismes publics de ne pas exiger l'envoi de la liste des membres des associations. On a reçu un groupe, hier, qui, à l'inverse, demandait que l'organisme public puisse lui transmettre la liste des noms qu'il détient.

C'était le cas des Amputés de guerre du Canada. Dans le but de produire des sources de revenus à des fins charitables et autres, ces derniers demandaient de pouvoir utiliser cette possibilité d'entente avec un organisme public. Dans votre cas, vous nous invitez à ne pas faire exigence aux organismes de votre type, par exemple, de transmettre les informations à l'organisme public.

Vous avez fait mention qu'à certaines occasions on avait demandé à votre groupe de transmettre cette liste et que, finalement, il y avait eu des ententes.

Mme Ranti-Paquette: Oui.

M. Bertrand: Parce qu'on avait tenu compte de la situation particulière. Quelles étaient les raisons pour lesquelles les organismes publics - je ne sais pas de quel ministère il s'agissait - demandaient à obtenir votre liste de membres.

Mme Ranti-Paquette: Dans un des cas, lors de la demande de fonds. C'était tout simplement une demande routinière, comme on demandait la constitution de l'organisme. Peut-être aussi pour vérifier si l'organisme existe ou si ce n'est pas un organisme sur papier, s'il y a des membres qui fonctionnent.

Je crois que, en général, je pourrais recommander une certaine souplesse dans l'application des articles pertinents. Il y a des intérêts qui peuvent être divergents, comme le cas que vous avez cité. Il est clair que les Amputés de guerre ont intérêt à avoir une liste de noms, mais peut-être que les personnes qui figurent sur cette liste devraient être consultées.

M. Bertrand: Pardon.

Mme Ranti-Paquette: Le deuxième cas dont nous avons une expérience particulière, il s'agissait de mettre sur pied une banque de données de handicapés mentaux, bien sûr, puisque c'est notre domaine. Enfin, ces noms ont été informatisés et pour nous, il semblait inconcevable de faciliter la stigmatisation des ex-patients, de ceux qui peuvent se recycler, qui peuvent être réinsérés dans la vie professionnelle, qui peuvent rentrer sur le marché du travail. Ce ne sera certainement pas avantageux pour eux d'avoir, dans leur dossier, une mention de leur passé psychiatrique. On connaît des cas où ça agit au détriment des patients, ou disons plutôt, des personnes.

L'organisme en question a été très souple lorsque nous avons proposé un arrangement particulier. Cela a été accepté immédiatement.

Je voudrais quand même recommander une certaine prudence auprès des organismes publics quand ils s'impliquent dans un projet

quelconque, qu'ils réfléchissent sur les implications pour la confidentialité des renseignements personnels.

M. French: À ce titre, seriez-vous d'accord avec la certification exigée de la part de la commission pour un ministère qui veut bâtir un nouveau fichier de renseignements personnels? Êtes-vous d'accord avec cet article?

M. Bertrand: L'article 64 dit: Quiconque, au nom d'un organisme public, recueille un renseignement nominatif auprès de la personne concernée ou d'un tiers - un tiers, ça pourrait être un individu ou un groupe - doit au préalable l'informer de toute une série de choses: de l'usage auquel le renseignement est destiné, du caractère obligatoire ou falcutatif de la demande, des conséquences pour la personne concernée d'un refus. On dit aussi: Les modalités suivant lesquelles la collecte de renseignements nominatifs doit être faite sont prescrites par règlement.

Il faudra reconnaître les règlements donc, les modalités d'application d'un tel article, mais déjà on essaie de prévoir dans la loi qu'il faudrait suivre une procédure très claire, connue et définie par règlement.

Mme Ranti-Paquette: Oui, nous sommes certainement d'accord et je pense que la commission a réfléchi profondément sur cette question, probablement qu'il y a encore des améliorations à faire, mais, sur le principe, nous sommes d'accord.

M. Bertrand: Sur la question de transmettre à des proches, qui sont souvent des membres de la famille, des renseignements sur le dossier médical et psychiatrique d'une personne, il y a un article dans la proposition de loi, l'article 92, qui dit: "Une demande de communication ou de rectification n'est recevable que si elle est faite par écrit par une personne physique justifiant de son identité à titre de personne concernée, à titre de représentant légal de cette dernière ou de ses héritiers ou successeurs. " Est-ce qu'il y a quelque chose là-dedans qui vous permet de croire que ça pourrait satisfaire votre demande?

Mme Ranti-Paquette: Cela pourrait être complété si vous prenez en considération qu'il y a certaines catégories de gens, justement ceux résidant dans des institutions psychiatriques, qui parfois ne sont pas en état de donner des mandats, des autorisations.

M. Bertrand: En d'autres mots...

Mme Ranti-Paquette: Remarquez que je me rends parfaitement compte qu'il y a plusieurs aspects dans cette question et il ne faudrait pas non plus permettre à la famille de...

M. Bertrand: De profiter de l'obtention du renseignement...

Mme Ranti-Paquette: Oui, bien sûr, ce doit être le droit...

M. Bertrand: Je ne veux pas faire de...

Mme Ranti-Paquette:... des personnes d'être complètement protégées.

M. Bertrand: Je ne veux pas être cynique, mais...

Mme Ranti-Paquette: Oui, il ne faut pas donner plus d'occasions d'abus.

M. Bertrand: Quand arrive l'éventualité des héritages, il y a du monde qui commence à être intéressé à avoir beaucoup de renseignements sur ceux qui vont bientôt nous quitter.

Mme Ranti-Paquette: Nous avons plutôt pensé au cas des malades psychiatriques graves, où il est difficile pour les familles d'obtenir certains renseignements qui peuvent les aider à adopter une attitude qui pourrait contribuer à la réadaptation du patient dans la mesure du possible. La communication avec les professionnels, surtout le personnel médical, est très difficile. Je pense qu'il y a un article, d'ailleurs, qui permet le refus de l'accès au dossier, même pour le patient lui-même, si cet accès est préjudiciable pour sa santé. Qui va décider si un accès doit être refusé? Cela devrait être étudié davantage.

M. Bertrand: On pourra regarder ça. Merci, madame.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Westmount.

M. French: Je serai très bref, Mme Ranti-Paquette - je sais qu'on n'a pas terminé - je voudrais tout simplement vous remercier et vous dire qu'on est tous, autour de la table, sensibles au fait que vous ne disposez pas des ressources analytiques et techniques qu'ont certains autres intervenants. Néanmoins, la sincérité de votre visite va nous rester et on est tout à fait conscients des considérations que vous avez soulevées. Merci.

Mme Ranti-Paquette: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie de vous être présentée devant nous.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 20)

(Reprise de la séance à 15 h 10)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît. La commission des communications reprend ses travaux. Je demanderais au représentant de la Commission des valeurs mobilières de s'identifier et de présenter son mémoire, s'il vous plaît.

Commission des valeurs mobilières

M. Guy (Paul): Paul Guy, président de la Commission des valeurs mobilières du Québec. Je tiens à remercier la commission de nous avoir permis de faire nos observations sur la proposition de loi contenue au rapport de la commission d'étude sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection de renseignements personnels.

La commission est d'accord avec l'urgence d'adopter une loi sur l'accès du citoyen à l'information. Cependant, le gouvernement doit tenir compte du fardeau supplémentaire qu'il impose à l'administration et de la situation particulière de certains organismes.

J'aimerais maintenant faire quelques observations sur des point particuliers de la proposition de loi. Premièrement, les enquêtes. La commission conduit des enquêtes afin de réprimer les infractions à la Loi sur les valeurs mobilières ou de s'assurer que les professionnels du marché respectent les normes minimales. Les enquêtes de la commission sont conduites, en conformité avec la Loi sur les commissions d'enquête, à huis clos afin d'éviter de causer un préjudice aux personnes sous enquête ou aux personnes qui témoignent lors de ces enquêtes. Ces enquêtes ne débouchent pas toujours sur des poursuites judiciaires ou des sanctions administratives. La commission examine les rapports d'enquête afin de décider si des plaintes doivent être portées. Il n'est pas souhaitable que ces rapports d'enquête soient rendus publics. Nous croyons que le projet de loi devrait prévoir que les renseignements obtenus lors d'une enquête demeurent confidentiels, même s'ils ne donnent pas ouverture à des poursuites judiciaires ou à des sanctions administratives.

Deuxièmement, les réunions de la commission. La commission tient des réunions au cours desquelles sont discutés une foule de sujets, allant de questions purement administratives à l'institution d'enquêtes. Toutes les décisions de la commission, sauf celles concernant les enquêtes et les questions administratives, sont rendues publiques. Compte tenu que la connaissance de certains sujets discutés lors de ces réunions pourrait causer un préjudice ou jeter de la confusion, la commission propose que l'article 38 soit modifié afin que les ordres du jour des réunions d'un organisme public soient soumis au même régime que les délibérations de ces organismes.

Troisièmement, les décisions. La commission prend des décisions sur des demandes qu'elle reçoit, sur des règles de fonctionnement des organismes d'autoréglementation, sur des sanctions administratives ou des poursuites judiciaires visant à assurer la protection des épargnants contre les pratiques abusives, déloyales ou frauduleuses, et aussi sur des questions d'intérêt public reliées au secteur des valeurs mobilières. Les décisions de la commission sont prises à la suite de l'examen de documents, de recommandations de son personnel ou d'autres conseillers et, lorsque la décision peut affecter défavorablement les droits d'une personne, après avoir entendu cette personne.

Les avis et recommandations du personnel de la commission sont des documents internes qui peuvent faire état d'éléments subjectifs et confidentiels en vue d'une prise de décision. La considération de l'ensemble de ces éléments est essentielle à la prise d'une bonne décision. Le seul fait que ces avis et recommandations pourraient être rendus publics dans dix ans créerait un fardeau inutile au personnel et aux conseillers et pourrait restreindre la qualité et la pertinence de leurs avis. Nous pourrions alors voir une prolifération des avis et recommandations verbales. Ce résultat n'est pas souhaitable car il empêcherait l'établissement de dossiers complets permettant un suivi et une continuité dans la prise de décision. La commission insiste pour que toutes les décisions affectant défavorablement les droits d'une personne soient rendues après avoir entendu la personne concernée et que ces décisions soient motivées. La commission assure donc le respect total des droits de la personne intéressée. Si l'article 39 devait quand même être retenu, nous recommandons que la période soit portée à 20 ans.

Quant à l'article 40, il présente un danqer réel pour un organisme quasi judiciaire qui peut confier une enquête ou l'examen d'un dossier à une personne à l'extérieur de l'organisme. Pour les raisons données précédemment, le régime institué à l'article 39 pour les avis et recommandations du personnel devrait aussi s'appliqguer aux avis et recommandations prévues à l'article 40. (15 h 15)

Quatrièmement, les renseignements nominatifs. Les commissions de valeurs mobilières ont toujours préconisé un échange de renseignements nominatifs. Le marché des valeurs mobilières est conduit, pour une

bonne part, sur la confiance entre le client et son représentant. Ses opérations sont rarement l'objet d'ordres écrits et se font surtout par appels téléphoniques et impliquent en bonne part des sommes importantes. Il est donc nécessaire que les commissions de valeurs mobilières puissent échanger des renseignements nominatifs visant à contrôler la probité des professionnels du marché, à assurer le respect des normes minimales et à conduire des enquêtes. Ces renseignements sont échangés aussi avec les organismes d'autoréglementation ou avec les corps policiers. Us n'ont jamais fait l'objet d'ententes écrites, mais découlent normalement du mandat de ces organismes. Il est nécessaire que cette collaboration continue, car elle a bien servi l'ensemble des épargnants. Cette collaboration, dans certains cas, va aussi loin que l'institution d'une enquête pour venir en aide à un autre organisme ou une autre commission de valeurs mobilières.

La procédure prévue à la proposition de loi nous apparaît lourde et peu efficace, car ces échangés de renseignements sont faits sur une base de réciprocité et s'étendent bien au-delà des frontières du Canada et des États-Unis. S'il fallait conclure des ententes officielles avec chacun de ces organismes, nous en aurions pour plusieurs années. En fin de compte, le petit éparqnant en subirait les frais avec une protection nettement diminuée, car il ne faut pas oublier que c'est le petit épargnant qui surtout fait l'objet des mesures déloyales et abusives.

Au minimum, la commission recommande qu'elle soit dispensée des dispositions concernant l'échange de renseignements nominatifs au même titre que les renseignements obtenus de source policière.

Il découle de ces observations que la commission constitue aussi des fichiers confidentiels. Là encore, la procédure prévue nous apparaît peu efficace et exige la constitution de plusieurs fichiers et donc des problèmes supplémentaires de gestion des dossiers.

Cinquièmement, l'article 58. La commission a beaucoup de difficultés à interpréter le troisième paragraphe de l'article 58, qui semble contredire les dispositions de l'article 39. L'ambiguïté devrait être levée soit en abrogeant ce paragraphe ou en le précisant tout au moins. De toute façon, nous ne voyons pas vraiment le but de ce paragraphe.

En conclusion, la commission désire apporter son appui à la proposition de loi pour autant que le projet de loi n'empêche pas la commission d'accomplir son mandat de contrôle du commerce des valeurs mobilières et de la protection des épargnants. Je vous remercie, messieurs.

Le Président (Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bertrand: Oui, j'aurais une question à poser relativement aux échanges de renseignements nominatifs entre les organismes. Vous parlez d'une dimension internationale et il semble que cela représente une masse assez importante d'échanges pour la Commission des valeurs mobilières. Est-ce que vous pouvez nous donner un peu certaines explications sur le type d'échanges qui sont effectués et nous dire jusqu'à quel point les dispositions prévues dans la proposition de loi entraveraient le fonctionnement normal de la Commission des valeurs mobilières?

M. Guy: C'est qu'actuellement, comme vous le savez, le marché des capitaux a une dimension internationale. Avec les systèmes de communication qu'on a aujourd'hui, il est très facile aussi bien pour un Québécois de faire le commerce des valeurs mobilières en Europe, à Hong-Kong ou ailleurs que pour quelqu'un d'ailleurs de le faire au Québec. Alors, il existe un échange de renseignements entre les diverses commissions de valeurs mobilières à travers le monde et entre les organismes d'autoréglementation, comme les Bourses et aussi avec divers corps policiers.

La proposition de loi prévoit qu'il faut qu'une entente soit soumise à la commission qui est proposée dans le projet de loi et qu'elle fasse l'objet d'un décret du gouvernement. Cela implique un processus qui nous paraît peu efficace, parce qu'à ce moment-ci, il n'existe pas d'entente entre les commissions sauf une entente de réciprocité, mais qui n'est pas écrite et qui fonctionne très bien. S'il fallait conclure des ententes avec toutes les commissions de valeurs mobilières avec lesquelles on échange des renseignements à ce moment-ci, cela nous apparaît comme un fardeau incroyable; il faudrait y mettre beaucoup de temps pour le faire et ce n'est pas sûr que ces autres organismes peuvent conclure des ententes officielles avec une commission de valeurs mobilières au Québec. C'est loin d'être sûr.

M. Bertrand: Mais qu'advient-il des personnes concernées dans le cadre d'échange de ces renseignements?

M. Guy: Comme je le disais tout à l'heure, la Commission des valeurs mobilières a comme politique définie, et même plus tard, elle sera explicitée d'une façon plus précise, de ne pas rendre une décision qui affecte défavorablement les droits d'une personne avant de l'entendre et de motiver ces décisions... Elle n'est pas tenue de motiver des décisions défavorables à ce moment-là. Je pense que la personne a tout le loisir et on lui fournit un dossier qui

contient les renseignements que nous avons pour prendre la décision. Alors, elle n'est pas du tout affectée défavorablement par le fichier qu'on pourra avoir ou par les renseignements nominatifs qu'on pourra avoir sur elle.

M. Bertrand: Est-ce que vous auriez une proposition particulière à faire dans le cadre de ces ententes qui interviennent entre organismes?

M. Guy: Je crois que pour un organisme quasi judiciaire qui a des pouvoirs d'enquête qui sont donnés par ces lois constitutives, il faudrait traiter ce genre de renseignements de la même façon que les renseignements de source policière; je ne me rappelle pas le numéro de l'article, mais un article de loi prévoit que les renseignements de source policière peuvent être gardés confidentiels. C'est le même genre de renseignements dont on parle, parce qu'on échange aussi des renseignements avec les corps policiers.

M. Bertrand: Pour ce qui est de la non-divulgation de renseignements recueillis par un organisme gouvernemental après enquête, je voudrais comprendre les motifs pour lesquels vous demandez qu'un organisme garde confidentiels ces renseignements, dans la mesure où, effectivement, ils n'ont pas donné lieu à une poursuite judiciaire ou à des sanctions administratives.

M. Guy: On croit que cela créerait un préjudice beaucoup plus grand de les rendre publics que de les garder confidentiels. Si la commission a cru bon, après examen du dossier, de ne pas intenter des poursuites ou de ne pas prendre de sanctions administratives, c'est peut-être qu'il n'y avait pas matière suffisante, qu'il n'y avait pas preuve suffisante pour le faire. De rendre publics ces dossiers, d'après nous, ne servirait à rien et risquerait de causer un beaucoup plus grand préjudice que de les garder confidentiels.

L'article 39 n'est pas clair en ce sens qu'il ne prévoit pas ce qui arrive de ces dossiers après. Il prévoit seulement après que les poursuites ont été prises ou non. Mais, dans le cas où il n'y a pas de suivi à une enquête - et cela arrive quand même assez souvent, ce sont des cas très fréquents, parce que la commission fait des enquêtes bien souvent pour déterminer s'il y a une infraction à la loi; il n'y en a pas tout le temps on peut déterminer que la preuve n'est pas suffisante ou qu'il n'y a pas d'infraction à la loi - on ne voit pas quel service serait rendu en rendant publics ces dossiers.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Westmount.

M. French: II y a un certain nombre d'exceptions qui visent les incidences économiques et un certain nombre d'exceptions qui visent les incidences sur l'administration de la justice et la sécurité publique, et vous tombez entre les deux chaises. Il s'agit donc, d'après votre étude, de formuler une autre exception à la série d'exceptions qui toucherait un organisme public avec un mandat de réglementation et avec une capacité d'enquête qui n'est pas carrément policière de nature. Peut-être que d'autres organismes se trouveraient dans la même situation et auraient besoin de la même protection. Est-ce que c'est cela que vous voulez dire?

M. Guy: Probablement qu'il y en a d'autres. Je pense qu'il y a des organismes, dont la loi constitutive permet d'instituer des enquêtes en conformité avec la Loi sur les commissions d'enquête, qui sont peut-être dans la même situation que nous. Je ne le sais pas, je n'ai pas étudié le cas des autres organismes, mais je présume qu'il pourrait y en avoir d'autres qui sont dans la même situation.

M. French: Certainement. Au fédéral, l'exception en question vise, je pense, l'application de la loi ou des lois en termes très généraux, ce qui cause une autre série de problèmes assez sérieux. Donc, il s'agit d'une définition plus large que celle qu'il y a là-dedans, mais plus restreinte que celle-là pour appliquer la loi. L'application de la loi et la cueillette de données visant l'application de la loi, c'est trop général.

Pour ce qui est des réunions et des avis qui alimentent un peu ces discussions, ces délibérations, si j'ai bien compris, vous réclamez une protection quasi totale, évoquant, encore une fois, les mêmes motifs, c'est-à-dire la protection du petit épargnant, du petit investisseur. Est-ce vrai? Est-ce juste de dire qu'au fond vous prétendez que vos réunions sont, en effet, presque parallèles aux discussions de nature judiciaire in camera, "judge's chamber" et tout cela?Est-ce la même chose, en effet?

M. Guy: Non, M. le Président. Je pense que ce n'est pas tout à fait exact. Toute la question, tout à l'heure, de la dispense ou d'une autre disposition dans la loi s'adresse seulement aux enquêtes qui sont instituées en conformité avec la Loi sur les commissions d'enquête. Quant à l'ordre du jour des réunions, il s'agit aussi d'une question pratique, en fait. Le système qui existe aux États-Unis, c'est que la commission des valeurs mobilières des États-Unis rend publics les ordres du jour de ses réunions en vertu de la loi sur l'accès à l'information, mais il y a deux sortes d'ordres du jour. Lorsqu'il s'agit de questions juridiques, d'enquête,

ainsi de suite, elle a un ordre du jour qui dit: De façon qénérale, on va discuter d'enquêtes, mais en ne donnant aucun détail et c'est rendu public de cette façon, alors que, pour les sujets d'intérêt commun pour tout le monde, l'ordre du jour est rendu public. La commission ne s'oppose pas d'une façon générale à rendre oublie l'ordre du jour de ses réunions, mais il faudrait, à ce moment-là, qu'il y ait une disposition qui permette de garder confidentiels certains sujets de l'ordre du jour qui sont reliés à des enquêtes. C'est une question pratique, en fait. Au lieu d'être obligé de faire comme aux États-Unis, ce qui s'avère être un problème sérieux de temps - deux ordres du jour dont un qui traite de sujets spécifiques est rendu public et un autre qui concerne des sujets d'enquête qui n'est pas rendu public - on dit: Peut-être est-ce plus facile, mais, d'une façon ou d'une autre, ça ne nuit pas du tout au droit à l'accès à l'information que les ordres du jour soient traités de la même façon que les délibérations de la commission.

M. French: Je suis tenté de commencer à poser toute une série de questions visant vos relations avec quelques autres organismes dont la Caisse de dépôt et placement et la Bourse de Montréal quant à l'accès à l'information. Je pense que, dans le deuxième cas, on va vous entendre bientôt lors d'une prochaine commission parlementaire. Donc, je vais garder mes questions pour cette occasion.

Le Président (M. Rodrigue): Est-ce que d'autres personnes ont des questions à poser ou des remarques à formuler? Alors, je vous remercie, de même que la secrétaire de la Commission des valeurs mobilières du Québec.

M. Guy: Merci.

Le Président (M. Rodrigue): J'invite le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec à prendre place et à présenter le mémoire de son organisme.

M. Jean-François Lépine. Pourriez-vous nous dire qui vous accompagne, s'il vous plaît?

Fédération professionnelle des journalistes du Québec

M. Lépine (Jean-François): La personne qui m'accompagne est Michel-C. Auger, vice-président aux quotidiens au bureau de direction de la Fédération des journalistes. C'est Michel Auger qui, chez nous, est porte-parole en ce qui a trait aux questions d'accès à l'information gouvernementale. (15 h 30)

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec a été fondée en 1969 par un groupe de syndicats et d'associations de journalistes intéressés à faire front commun en vue de promouvoir la qualité professionnelle dans l'exercice du métier et de favoriser le droit du public à l'information. Aujourd'hui, la fédération des journalistes représente plus de 800 journalistes de tous les coins du Québec, et ses objectifs sont demeurés les mêmes. La fédération réclame deouis plusieurs années l'adoption de lois d'accès à l'information gouvernementale tant par le gouvernement du Québec que par celui du Canada. De telles lois sont, à notre avis, une assurance de la transparence des gouvernements et une garantie du droit du public à l'information.

Lors de notre congrès de 1979, plus précisément, le bureau de direction de la FPJQ se voyait confier le mandat de promouvoir l'adoption de lois d'accès à l'information gouvernementale. Depuis, la FPJQ est intervenue publiquement à plusieurs reprises sur le sujet et nous avons même organisé un colloque où des experts canadiens et américains sont venus renseigner les membres de la fédération sur les principes et les cas d'application de telle loi. La FPJO est également devant la commission parlementaire de la justice qui étudiait, le printemps dernier, le projet fédéral de loi C-43.

La fédération s'est déjà déclarée satisfaite des principales recommandations de la commission Paré. Nous y avons retrouvé en effet la majorité des principes auxquels nous faisions référence dans le mémoire que nous avons présenté à la commission Paré, principes qui, à notre avis, doivent être inclus dans des projets de loi d'accès à l'information. Il s'agit, à notre avis, dans ce que propose la commission Paré, de réformes importantes qui offriront de solides garanties du droit du public à l'information. Mais ces réformes ne sont que proposées au gouvernement. Lors de la parution du rapport Paré, les porte-parole du gouvernement s'étaient contentés d'exprimer leur accord avec les principes généraux énoncés par la commission, mais un accord de principe, à notre avis, n'est pas suffisant.

On est rarement contre le principe de l'accès des citoyens à l'information gouvernementale, comme on est rarement contre la vertu ou la maternité, par exemple. Les problèmes surgqissent, par contre, dès que l'on parle des modalités de l'accès. Le gouvernement fédéral est d'ailleurs justement en voie de se servir du noble principe de l'accès à l'information pour faire adopter une nouvelle et bien triste version, à notre avis, de la Loi des secrets officiels, le Bill C-43.

Pour éviter une telle situation, la fédération avait demandé au gouvernement, dès la parution du rapport Paré en juin

dernier, d'exprimer de façon concrète son accord avec les recommandations de la commission, en déposant à l'Assemblée nationale, le plus tôt possible, l'avant-projet de loi proposé par la commission. Le gouvernement a choisi de n'en rien faire et les discussions devant cette commission ne portent pas sur une proposition du gouvernement, mais sur le rapport d'une commission d'étude que le gouvernement pourra toujours choisir de rejeter ou de modifier.

Ainsi, serions-nous tentés d'inverser les rôles aujourd'hui et de demander au gouvernement ce qu'il pense du rapport Paré, non seulement en principe, mais aussi en pratique. La balle, nous semble-t-il, est dans votre camp, M. le ministre.

La FPJQ et les autres groupes qui se présentent devant vous aujourd'hui ont, déjà pour la plupart, fait connaître à la commission Paré leur position sur le sujet. Vous trouverez d'ailleurs en annexe à ce présent mémoire le mémoire que nous avions présenté à la commission Paré. Lors de la parution du rapport Paré, la FPJQ et d'autres groupes ont aussi fait connaître leurs réactions. L'exercice d'aujourd'hui peut nous apparaître un peu inutile, puisque nous devrons le refaire, semble-t-il, sous une autre forme ou sous une forme ou une autre, quand le gouvernement se décidera enfin à présenter un vrai projet de loi.

Néanmoins, je crois que nous devons intervenir chaque fois que les occasions s'y prêtent pour parler de ce sujet qui, à notre avis, est très important et c'est pourquoi nous nous sommes présentés ici aujourd'hui.

En terminant mes remarques préliminaires et pour illustrer davantage l'esprit qui anime notre intervention dans ce dossier, je voudrais, avec votre permission, M. le Président, citer les commentaires que faisait ce matin, dans son journal, l'éditorialiste Jean-Claude Leclerc, un membre actif de notre fédération, à la suite des premières journées d'audiences de cette commission parlementaire, commentaires auxquels nous souscrivons entièrement. Je cite ce que Jean-Claude Leclerc disait en terminant son éditorial: "En préparant son projet de loi d'accès à l'intervention gouvernementale, le comité Paré est loin d'avoir mis en danger les secrets légitimes. On peut trouver au contraire que le rapport qu'il a remis sur cet aspect fondamental de notre vie démocratique n'a pas été assez vigoureux. En fait, les membres du comité ont fait entre eux la négociation et trouvé l'équilibre qui lui permettait de procéder rapidement à l'adoption d'une loi d'accès à l'information gouvernementale. "Ce rapport - je cite toujours Leclerc -ne saurait mettre un point final à toute discussion, encore moins au point de vue des divergences. S'il faut que le gouvernement considère, comme un point de départ à partir duquel on va ménager la chèvre et le chou et couper de nouveau la poire en deux, que va-t-il rester de cette grande réforme politique?"

Inutile de dire, encore une fois, que nous partageons entièrement les commentaires de Jean-Claude Leclerc à ce sujet.

Maintenant, pour les commentaires plus précis en ce qui a trait à la proposition de loi qui est soumise à l'étude aujourd'hui, je passerai la parole à notre vice-président, M. Michel Auger.

M. Auger (Michel): M. le Président, la fédération - le président vous l'a dit - est dans l'ensemble très satisfaite de la proposition de loi contenue dans le rapport Paré. Nous nous contenterons donc de souligner les quelques modifications qui nous semblent essentielles pour faire de la loi un outil encore plus efficace au service des journalistes et du public en général. On va y aller article par article, si vous voulez bien.

À l'article 2, le rapport propose de soumettre à l'application de la loi les sociétés d'État, mais elles ne sont pas spécifiquement mentionnées à l'article 2 comme étant des organismes publics. On croit que ce serait important qu'elles y soient spécifiquement mentionnées. Notons au passage que l'article 2 propose que la loi s'applique non seulement au gouvernement, mais aussi aux organismes municipaux, scolaires, de santé et services sociaux. Il s'agit là d'une des plus importantes réformes proposées par la commission. Le gouvernement ne devrait d'aucune façon être tenté de reculer en cette matière en exemptant de l'application de la loi certains organismes prévus à l'article 2. Il est important, en particulier, que les municipalités soient soumises à l'application de la loi. Nos collègues qui couvrent quotidiennement l'hôtel de ville de Montréal ou de Québec pourraient bien mieux que nous vous dire combien il est important que la transparence des pouvoirs publics qu'amènerait cette loi s'appliqgue également aux autorités municipales.

À l'article 10, la longueur d'un document ne devrait pas en interdire l'obtention, si une personne se déclare prête à payer les frais de reproduction. La loi prévoit que des frais, qui sont les frais réels de reproduction, peuvent être exigés. Si une personne est prête à payer le coût, pourquoi ne pas lui donner copie d'un document?

À l'article 22: L'article oblige un organisme à refuser de communiquer un renseignement reçu comme confidentiel. Bien que nous comprenions que le gouvernement ne puisse en cette matière, changer soudain les règles du jeu, cette restriction nous paraît tout de même catégorique et

excessive. Nous croyons qu'il peut exister des cas où l'intérêt public serait mieux servi par la publication de tels documents. Une reformulation de cet article donnerait à la commission de l'accès aux documents des organismes publics la marge de manoeuvre qui lui est nécessaire.

Il faut changer les mots en particulier "ne peut communiquer" par "peut refuser de communiquer", ce qui nous semble être donner un peu d'élasticité à l'exception prévue à l'article. Notons d'ailleurs que les gouvernements ont déjà l'habitude de révéler certains documents reçus comme confidentiels, surtout quand cela sert leur intérêt politique et surtout en matière de relations intergouvernemntales. Le gouvernement doit, comme règle générale, pouvoir prouver qu'un préjudice sérieux résulterait de la publication d'un document avant d'interdire cette publication.

À l'article 23, les mots "révélerait une stratégie de relations intergouvernementales" devraient être biffés, à notre avis. L'article prévoit déjà que les documents dont la divulgation porterait préjudice à la conduite des relations entre le gouvernement du Québec et un autre gouvernement sont exemptés. Cela nous paraît bien suffisant. Une stratégie nous paraît une exception beaucoup trop large. Ou bien la divulgation d'un document porte préjudice à la conduite des relations intergouvemementales du Québec ou bien cette divulgation ne cause pas préjudice, ne porte pas préjudice. Alors, pourquoi refuser de publier un document?

À l'article 29, un délai de dix ans nous paraît trop long et nous voudrions le voir ramené à cinq ans. De plus, nous croyons que l'article ne devrait pas parler de stratégie de négociation, mais plutôt de porter préjudice à ces négociations. J'y reviendrai un peu plus tard sur la question des délais.

À l'article 30, nous pensons que l'alinéa 5 devrait être modifié. Les nombreuses commissions d'enquête des dernières années nous ont montré que les différents corps de police collaborent entre eux, même quand il s'agit de s'échanger des renseignements qui n'ont pas toujours trait à la prévention du crime. Nous croyons que si une personne a des raisons de croire que des renseignements sont inexacts dans son dossier de police, elle doit avoir le droit de consulter ce dossier et de le faire corriger.

L'exercice de ce droit, ainsi que celui du recours civil prévu à l'article 146 de la proposition de loi, pourrait être rendu plus difficile à cause de l'alinéa 5. La reformulation de cet alinéa donnerait également une plus grande latitude à la commission en ces matières.

Il ne s'agit évidemment pas de donner -prenons un exemple - à Al Capone le droit de voir son dossier de police; je pense que ce n'est pas de cela qu'on parle, nous parlons ici des activités de renseignements politiques auxquelles se livrent les corps policiers. Nos membres sont d'ailleurs fichés plus souvent qu'à leur tour dans cette sorte de fichier.

Articles 32, 37, 38 et 39. Les délais pour la divulgation de documents devraient être ramenés à cinq ans. Ce sont surtout les documents du cabinet. Nous comprenons le désir des auteurs du rapport de minimiser les jeux de coulisses entre fonctionnaires et élus, mais nous pensons qu'une période de cinq ans est bien suffisante pour obtenir le même résultat.

La loi prévoit actuellement des périodes d'exception de cinq, dix et vingt ans. Nous croyons qu'il serait nécessaire d'uniformiser la règle, afin qu'il n'y ait pas une règle pour le cabinet, une autre pour des négociations collectives et une autre encore pour le reste de l'administration. Un délai de cinq ans, même pour des documents politiques, nous apparaît suffisant pour éviter les jeux de coulisses. Cinq ans, c'est la longueur maximale d'une Législature, je vous le rappelle.

Notons d'ailleurs que, si les documents du cabinet n'étaient accessibles qu'après vingt ans, on attendrait toujours la publication de documents sur des sujets brûlants d'actualité, tels que la nationalisation des compagnies d'électricité ou la création du ministère de l'Éducation. Le rapport disait de ne pas réserver ces documents pour les historiens des générations futures. La création du ministère de l'Éducation, c'est presque déjà il y a une génération.

Article 33. Nous croyons que, si l'ordre du jour des réunions du Conseil des ministres et le registre des mémoires qui y sont présentés sont maintenant accessibles aux citoyens, ou plutôt le seraient grâce à la loi, les décisions du Conseil des ministres devraient aussi être accessibles. Notons que cela est déjà la règle dans d'autres pays, comme la Suède.

Article 46. Une période de transition d'un an nous apparaît amplement suffisante. Notons à cet égard que le projet de loi fédéral C-15 - ce n'est pas celui qui est actuellement devant la Chambre des communes, c'est celui qui avait été présenté par le gouvernement Clark, en 1979 recommandait une période de transition d'un an pour un appareil gouvernemental pourtant plus lourd et plus imposant que celui du Québec.

Article 90. L'exception prévue à cet article couvrirait tous les dossiers de police, ce qui nous apparaît excessif. Nous répétons que nous croyons qu'un citoyen doit avoir le droit de consulter et de faire corriger son dossier si des renseignements erronés s'y trouvent. Il faudrait élargir le mandat de la

commission et restreindre la portée de l'article 90, pour permettre à un citoyen qui a des raisons sérieuses de croire que son dossier de police contient des informations erronées de faire corriger ces informations. La transparence des pouvoirs publics devrait s'étendre aux corps de police aussi. C'est un peu la même situation qu'avec l'article 30, alinéa 5.

Article 123. Le répertoire devrait être édité tous les ans. Les organismes publics et les fichiers qu'ils détiennent changent tellement qu'une période de deux ans avant la mise à jour du répertoire pourrait devenir en soi une entrave au droit d'accès.

Enfin, article 154. Nous rappelons que nous voudrions que la période transitoire soit ramenée à un an.

Nous devrions aussi sans doute ajouter quelques commentaires sur la commission d'accès aux organismes publics dont le rapport Paré recommande la création. Cette commission est vitale, si on veut que les réformes proposées réussissent. Toute l'économie de la proposition de loi qui est devant vous est basée sur la présence d'une commission forte, qui aurait les pouvoirs nécessaires pour faire appliquer la loi et donner vraiment accès aux documents gouvernementaux. Tout autre organisme qui serait appelé à faire le travail de la commission ne ferait ce travail qu'à temps partiel. L'accès à l'information ne serait jamais que la deuxième préoccupation de cet organisme et serait un éternel parent pauvre. De plus, cet organisme risquerait bien de se retrouver en situation de conflit d'intérêts.

De plus, la commission aurait pour fonction de voir à l'application de la loi par tous les organismes prévus par la loi. Souvenons-nous de la rapidité avec laquelle l'administration Drapeau, à Montréal, a contourné la loi permettant aux citoyens de poser des questions lors des séances du conseil municipal. Cela serait beaucoup plus difficile si une commission vigilante voyait à l'application de la loi, comme la commission Paré le demande. Sans une commission dotée de pouvoirs étendus, nous croyons que nous n'assisterions qu'à une demi-réforme et à une moitié de transparence des pouvoirs publics.

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre. (15 h 45)

M. Bertrand: M. le Président, il y a plusieurs éléments de réflexion auxquels nous invite la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Je voudrais en évoquer quelques-uns. J'imagine évidemment que les derniers paragraphes que vous venez de nous lire, concernant la commission d'accès aux documents des organismes publics sont manuscrits et qu'ils font suite à certaines discussions que nous avons eues avec d'autres groupes. Je veux, pour que ce soit bien clair et enregistré au journal des Débats, M. le Président, indiquer que j'ai déjà commencé à faire un certain nombre de commentaires relativement à cette proposition de création d'une commission. Je veux qu'il soit clairement établi que le gouvernement, en tout cas le ministre des Communications est bien loin d'être contre la création d'une telle commission. Si c'est la solution qu'il faut retenir, bien sûr que nous la retiendrons. Il nous apparaît, par contre, fort important et même intéressant d'évaluer la possibilité de confier à un autre organisme existant le soin d'assumer les responsabilités qu'une telle loi confierait à un éventuelle commission d'accès aux documents des organismes publics.

Nous savons, par contre, que la commission Paré a déjà effectué ce travail de réflexion, de recherche, d'analyse. Nous pensons que nous pouvons, comme gouvernement, nous astreindre de nouveau à ce même type de réflexion et d'analyse et que si, au terme de nos travaux, nous arrivions à une solution qui nous permettait de rencontrer les objectifs contenus dans la proposition de loi, je ne vois pas pourquoi nous ne confierions pas à un organisme existant la possibilité de la mise en application de cette loi d'accès à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels. Que je sois bien compris là-dessus: Si, au bout de la ligne, il nous apparaît, à nous aussi, qu'aucun organisme existant n'est capable de bien assumer ces responsabilités, il faudra, évidemment, considérer, comme l'a fait la commission Paré, que seule la création d'un nouvel organisme, qui serait une commission d'accès aux documents des organismes publics, devrait alors être retenue comme hypothèse de solution.

M. Auger: Si vous le permettez, M. le ministre, on a dit qu'on était un peu tenté de renverser les rôles; je vais le faire tout de suite. Vous avez sans doute une idée derrière la tête. À quel type d'organisme pensez-vous à ce moment-là?

M. Bertrand: Pour l'instant, si vous me le permettez, je vais garder cela pour moi.

M. Auger: II n'y a pas d'accès sur celle-là?

M. Bertrand: Pour l'instant, vous n'avez pas accès à cette information. Cela fait même partie des restrictions qui seraient prévues dans la loi d'accès à l'information gouvernementale, puisque cela fait partie du processus de décision.

Une voix: Des restrictions mentales. M. Bertrand: Non. Par contre, sur les

autres aspects, qui ceux-là sont écrits dans votre document, je voudrais savoir ce que pense la Fédération professionnelle des journalistes de l'intervention possible de la commission d'accès aux documents des organismes publics en ce qui a trait à l'article 22, par exemple. A l'article 22: "Un organisme public ne peut communiquer un renseignement accepté à titre confidentiel et obtenu d'un autre gouvernement, d'un organisme dans ce gouvernement... " C'est la restriction ayant trait aux relations intergouvernementales. Vous dites: "L'article oblige un organisme à refuser de communiquer ce renseignement confidentiel. Bien que nous comprenions que le gouvernement ne puisse, en cette matière, changer soudain les règles du jeu, cette restriction nous apparaît tout de même catégorique et excessive. Nous croyons qu'il peut exister des cas ou l'intérêt public serait mieux servi par la publication de tels documents. Une reformulation de cet article donnerait à la commission de l'accès aux documents des organismes publics la marge de manoeuvre qui lui est nécessaire. " Est-ce que vous ne croyez pas que, dans un contexte comme cela, ce serait confier à la commission un rôle politique extrêmement délicat dans le contexte des relations intergouvemementales?

M. Auger: Non, ce n'est pas un rôle politique très délicat. Nous croyons que la commission doit avoir à l'esprit quelque chose qui s'appelle l'intérêt public. Certains documents qui sont essentiels, qui sont dans une demande de documents en bonne et due forme, sont parfois transmis d'un gouvernement à un autre, mais sont tout de même très importants. La commission a justement le pouvoir de voir si les exceptions doivent être maintenues ou pas, finalement. Si vous me le permettez, comme je le disais tout à l'heure, les gouvernants le font. Quand vous décidez, à un moment donné, de sortir la lettre du ministre fédéral pour prouver qu'il avait tort, vous, vous le faites. Peut-être que cette affaire-là pourrait marcher dans les deux sens.

M. Bertrand: Si j'ai bien compris, le sens de votre proposition, c'est davantage de laisser la possibilité de, plutôt que de carrément refuser la communication du renseignement.

M. Auger: Nous avions, dans notre mémoire à la commission Paré dit qu'on ne voudrait pas avoir d'exceptions obligatoires comme le projet de loi fédéral en contient un nombre absolument inqualifiable. Et c'est la seule exception obligatoire; on dit: "Un organisme public ne peut communiquer. " La commission ne peut même pas décider de faire quelque chose, l'organisme ne peut pas, c'est une obligation. En fait, là, le gouvernement crée une catégorie de secrets et non une façon d'accéder à des documents. Ce qu'on veut, c'est qu'on procède comme dans tous les autres articles. Dites pourrait refuser, a le droit de refuser, mais pas "ne peut communiquer"; c'est une exception obligatoire, c'est catégorique et cela ferme la porte.

M. Bertrand: Mais il y a quand même certaines traditions qui sont établies sur le plan des relations internationales. Dans la mesure où un gouvernement, à un moment donné, se met à sortir toute la marchandise qu'il possède, qui a fait l'objet d'échange de renseignements ou de documents, vous voyez immédiatement à quel point la crédibilité d'un gouvernement peut être sérieusement mise en cause.

M. Auger: II ne s'agit pas de stationner une remorque devant le ministère des Affaires intergouvernementales et de prendre les classeurs. Il s'agit de certains cas bien précis, et déjà l'article 22 est une exception au droit d'accès. On accepte que ce soit une exception, mais on ne veut pas que ce soit une exception absolue, qui ferme la porte et qui crée une nouvelle catégorie de secrets.

M. Lépine: Une remarque d'ordre général sur l'esprit de notre intervention, c'est que, lorsqu'on pense faire jouer à la comission un rôle dans cela, c'est à notre avis un rôle très actif au plan de la dynamique de l'accès à l'information gouvernementale. C'est, nous le croyons, la commission qui, à la longue, va créer une mentalité de l'accès à l'information gouvernementale et qui va en arriver à établir des zones et une sorte de pratique de la loi. C'est là que la commission aura un rôle absolument important, quand elle va avoir à départager des cas litigieux comme celui-là.

M. Bertrand: Vous avez souligné qu'à votre avis les sociétés d'État ne sont pas couvertes par la proposition de loi. Est-ce que là-dessus on peut s'entendre facilement pour reconnaître que, dans le premier paragraphe de l'article 3, il y a effectivement extension aux sociétés d'État?

M. Auger: Disons que ce n'est pas tout à fait clair et on préférerait que ce soit précisé. On pourrait toujours imaginer une situation où une société d'État ne conviendrait pas à la description de l'article 3. C'est toujours possible, mais c'est simplement une question de sécurité, si vous voulez.

M. Bertrand: Je pense qu'on comprend que dès lors qu'il est dit que les organismes

gouvernementaux comprennent les organismes dont le gouvernement ou un ministre nomme la majorité des membres, ce qui est sûrement le cas pour les sociétés...

M. Auger: II pourrait arriver, par exemple, qu'une société d'État, le gouvernement ne nomme que le tiers des membres de la société.

M. Bertrand: Ou dont le fonds social est attribué à un ministre.

M. Auger: D'accord. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on pourrait toujours faire de nouvelles sociétés d'État ou changer la structure de certaines sociétés d'État actuelles, pour ne pas que cela entre sous l'article 3. Juste une question de sécurité, ajouter deux mots, sociétés d'État, dans l'article 2.

M. Bertrand: II y a une double question que je voudrais vous poser. Justement sur les sociétés d'État, quel est le point de vue de la fédération des journalistes qui est très souvent à la recherche d'information, sur les questions qu'on se pose ici, en commission parlementaire, sur les restrictions à l'information, pour ce qui est des sociétés d'État, sur tout le chapitre des renseignements à incidence économique? Vous savez probablement que là-dessus HydroQuébec, auquel cas fait allusion l'article de M. Leclerc dans le Devoir, et la Caisse de dépôt et placement ont fait des représentations et demandent de préciser encore davantage ce champ de restrictions et même de l'élargir, à cause du contexte dans lequel ces sociétés d'État doivent oeuvrer. Premier volet de la question.

Deuxième volet de la question, quelle est l'opinion de la fédération professionnelle sur une éventuelle extension de la loi pour tous ces organismes dont les budgqets viennent du gouvernement pour plus de 50n%? Et là, je pense entre autres aux universités et aux institutions privées.

M. Auger: Sur la première partie, je pense que M. Leclerc, dans le Devoir de ce matin, faisait écho à nos préoccupations et le disait très clairement: Si jamais Hydro-Québec découvre le secret de la fission nucléaire et peut nous rendre les Arabes de l'énergie nucléaire, si jamais elle a un secret industriel important, il ne serait sans doute pas opportun qu'il se retrouve demain matin en première page de tous les journaux.

Encore là, une commission forte et indépendante a toujours le moyen de dire: Attendez une minute. C'est elle qui va tempérer cette chose.

Mais s'il s'agit de savoir comment Hydro-Québec s'est fait passer un citron par Gentilly II, je pense que cela est vraiment d'intérêt public et cela doit sortir, même si c'est à incidence financière. Hydro-Québec, c'est l'argent des contribuables, c'est comme le gouvernement.

M. Bertrand: Mais êtes-vous d'accord pour qu'on précise le plus possible, à l'intérieur de la loi, les principes sur la base desquels les restrictions existeraient pour les sociétés d'État, de telle sorte que la commission qui serait ensuite amenée à interpréter les dispositions de la loi ne soit pas placée dans un contexte où, effectivement, ils ont à faire le départage entre un document qui, à leur point de vue, est d'intérêt public et un autre qui, à leur point de vue, n'est pas d'intérêt public.

M. Auger: Pour préciser les principes, il n'y a pas de problème, mais restreindre l'accès, non, par exemple. Je pense que la loi, bien qu'elle puisse être imprécise sur certains points, est quand même dans la bonne direction sur ce plan. Qu'on précise les principes, il n'y a pas de problème. Je crois que c'est important, mais de restreindre l'accès, par exemple... Quand on parle de renseignements financiers, c'est toujours quelque chose d'un peu difficile. Je vous donnais un exemple tout à l'heure; on ne demande pas à Hydro-Québec de savoir quel est le secret de la bombe atomique, mais si on veut savoir, par exemple, comment il se fait que Gentilly II soit un citron qui coûte si cher, c'est un renseignement d'intérêt public qui a des incidences financières, oui, mais qui n'est pas un secret industriel qui vaut très cher.

M. Bertrand: Mais placez-vous dans le cas, par exemple, de la Caisse de dépôt et de placement qui - vous le savez - à l'heure actuelle, est en train de participer de plus en plus à des entreprises du secteur privé et qui s'introduit progressivement dans des secteurs névralgiques du développement économique du Québec. Êtes-vous d'avis qu'à cause même du contexte très particulier dans lequel doit évoluer la Caisse de dépôt et de placement, il soit normal, quand on sait que les autres organismes avec lesquels elle fait affaire ne sont pas assujettis à une loi d'accès à l'information gouvernementale, qu'elle puisse elle aussi, pour les renseignements qu'elle détient, être protégée au maximum?

M. Auger: Je pense que la caisse de dépôt, là-dessus, est déjà assez bien exemptée par la proposition de loi. Cela pourrait être précisé, mais je pense que ce n'est déjà pas si mal. On ne lui demande pas de savoir avec qui elle a l'intention de traiter ou si elle a l'intention d'essayer de faire un "take-over" de Domtar ou d'aller acheter des actions du Canadien Pacifique.

Que ces affaires deviennent publiques par la suite, par exemple, on trouve cela plutôt important.

M. Bertrand: Et sur les institutions dont les budgets originent à plus de 50% de l'État?

M. Auger: Oui, on croirait que la loi d'accès devrait également s'appliquer.

M. Bertrand: Donc, ajouter à cela les universités à charte privée et les institutions privées?

M. Auger: Les universités, les institutions privées, etc., les institutions privées recevant pour la plupart, je pense, 80%.

M. Bertrand: 60% à 80% selon leur statut.

M. Auger: 60% à 80% de leur budget. Je pense que c'est quelque chose d'assez important.

M. Bertrand: Là-dessus, vous seriez... Un instant, M. le Président:

Sur la question des délais, évidemment, je ne pense pas qu'il y ait rien là-dedans qui soit coulé dans le ciment et dix ans, vingt ans, cinq ans, on se demande toujours par rapport à quels critères. Il y en a plusieurs qui nous ont dit: Finalement, si on se rapporte à la nationalisation de l'électricité, pour certains documents, ce n'est que l'an prochain qu'on commencerait à pouvoir en prendre connaissance et cela devient à peine intéressant pour les historiens, très peu pour les gens qui sont dans l'action. Au niveau de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec - évidemment, je ne vous en tiendrais pas rigueur si ce n'était pas le cas - avez-vous réfléchi à une espèce de rationalité qui nous permettrait de dire: Voici sur quelle base ces délais doivent être établis? À un moment donné, cinq ans, vous me dites que c'est finalement la durée du mandat d'un gouvernement, sauf qu'il peut arriver que ce soit le même gouvernement qui soit là à l'occasion du deuxième mandat, quelquefois du troisième ou du quatrième mandat. Je n'essaie pas de faire de la futurologie ou de prévoir quoi que ce soit, mais dans un contexte comme celui-là, ne pensez-vous pas qu'effectivement, cela peut poser des problèmes? Je prends le cas aussi des négociations de conventions collectives, des délais qui sont indiqués pour rendre publics les renseignements. On sait qu'une convention collective dans le contexte actuel dure environ deux à trois ans. Il y a des cas où cela peut être une année. Vous voudriez là aussi que les délais soient raccourcis.

M. Auger: Oui.

M. Bertrand: Avez-vous développé, comme disent encore une fois les intellectuels, une rationnelle qui vous permette de baliser tout cela?

M. Auger: Cinq ans, comme vous l'avez dit, c'est la durée maximale d'une Législature. Après cinq ans, on ne parle plus de la même Assemblée nationale. On ne parle même plus du même gouvernement. Lorsque l'Assemblée nationale est dissoute, le premier ministre, même s'il est réélu, doit refaire son cabinet. Parfois, il y ajoute des membres, comme vous le savez. Donc, il y a quelque chose qui change à ce moment-là. Il y a quelque chose de complètement changé à partir de ce moment-là et on croit que cinq ans, c'est... Cinq ans c'est aussi, si je me souviens bien, le temps après lequel l'impôt ne peut plus revenir contre vous, par exemple. Il y a un tas de dispositions légales où la limite est de cinq ans et on pense qu'elle devrait s'appliquer dans ce cas également. Ce n'est plus le même gouvernement. Ce n'est plus la même Législature. Ce n'est plus la même Assemblée nationale. Je pense que, comme vous la dites, si on attend 20 ans, même si le gouvernement libéral de M. Lesage était resté au pouvoir tout ce temps avec certaines péripéties, il serait quand même d'intérêt public d'avoir ces documents. (16 heures)

M. Bertrand: Sur la question des répertoires et des catalogues, vous êtes des journalistes et, par définition, c'est dans la nature même de votre métier que d'aimer brasser beaucoup de choses et d'avoir accès à beaucoup de documents. Ne vous gênez pas pour prendre connaissance de ces choses, c'est l'essence même de l'exercice du métier de journaliste que d'aimer avoir tout près de soi des catalogues, des répertoires et toute une série d'instruments qui lui permettent de faire son travail. Au point de vue d'un simple citoyen qui, lui, veut avoir accès à l'information gouvernementale... on nous faisait mention, au niveau fédéral, de l'existence de tels catalogues et répertoires en ce qui concerne, entre autres, les fichiers. À l'heure actuelle, ces gens administrent des fichiers, ils ont la loi qui protège les renseignements personnels; ils sont encore loin d'avoir accédé à une loi d'accès à l'information gouvernementale.

Mais au niveau des répertoires et catalogues, est-ce que la Fédération professionnelle des journalistes du Québec considère que le gouvernement devrait véritablement donner suite aux dispositions du rapport de la commission Paré en ce qui a trait à l'établissement de répertoires et de catalogues volumineux, extrêmement complets ou si, à votre point de vue, le fait qu'on

indique aux contribuables que des personnes dont on connaît les nom, adresse et numéro de téléphone et dont c'est la responsabilité de faciliter l'accès aux documents, n'est pas, déjà, un début de commencement de service donné? En d'autres mots, tenez-vous absolument aux dispositions qui prévoient les catalogues pour tout le monde, les répertoires, la mise à jour des répertoires une deuxième fois en cours d'année?

M. Auger: Les répertoires sont, à notre avis, une des choses les plus importantes de cette affaire.

M. Bertrand: Que contient un répertoire, à votre avis?

M. Auger: C'était d'ailleurs le deuxième élément qu'on avait mentionné dans notre mémoire à la commission Paré. Si vous voulez, je vais vous lire ce qu'on disait il y a un an: "La loi doit obliger le gouvernement à publier au moins une fois l'an un répertoire de l'administration comprenant les organigrammes, attributions, programmes et fonctions des différents services ainsi que les catégories de documents qui en relèvent. Les manuels d'opération des ministères et agences gouvernementales devraient aussi figurer au répertoire. Sans un répertoire précis et détaillé, les citoyens ne sauront quoi demander et l'administration se retrouvera vite surchargée de demandes trop vagues qui causeront du travail et des délais supplémentaires. "

M. Bertrand:...

M. Auger: Si vous me permettez de terminer...

M. Bertrand: D'accord.

M. Auger: Je pense que c'est au citoyen qui veut un document de savoir quel document il veut. Ce n'est pas à lui d'aller voir un fonctionnaire et dire: Avez-vous des affaires sur la pêche au saumon quelque part? C'est à lui d'aller voir dans un catalogue, le droit d'accès signifie aussi une part de responsabilité. Le citoyen doit aller chercher ses documents. Qu'il y ait des fonctionnaires qui aident les citoyens, il n'y a pas de problème à ça, mais que les fonctionnaires soient eux-mêmes des catalogues, ça veut dire qu'ils peuvent décider de ne pas dire des choses. On préfère avoir un catalogue très détaillé que d'avoir des fonctionnaires qui, parfois, préfèrent ne pas parler.

M. Bertrand: Je vous avoue que c'est une question qui me préoccupe beaucoup. Je suis très favorable à l'introduction d'une loi d'accès à l'information gouvernementale, mais quand on arrive à ces articles relatifs aux catalogues et aux répertoires, si les 4000 ou 5000 organismes qu'on veut voir assujettis à la loi doivent constituer des catalogues et des répertoires, j'ai l'impression que si on respecte l'esprit et la lettre de la proposition, ça risque de devenir des sommes de documents incroyablement importantes à constituer, à produire, à diffuser et que, finalement, on risque peut-être même de geler les possibilités d'accès tellement on noie ça dans un univers de paperasse incroyable.

M. Auger: On ne demande pas un index détaillé de tous les documents que possède le gouvernement, c'est impossible, mais un catalogue qui indique le type de document. Cela, c'est très faisable, ça ne prend pas énormément d'efforts et ça peut se faire tous les ans. Le catalogue que publie l'administration américaine sur tous ses programmes, c'est quelque chose qui est un peu plus grand que la bibliothèque derrière vous, et l'administration américaine, c'est un peu plus gros que le gouvernement du Québec. Ce n'est pas quelque chose à ce point épouvantable.

M. French: Vous dites que vous seriez satisfait avec ce que font les Américains, parce que c'est un ensemble de directives: description de fonctionnement, description de lois pour lesquelles l'institution est responsable, organigrammes, etc. Mais ce n'est pas un catalogue de documents, par exemple.

M. Auger: On indique le type de document. Je pense qu'on n'a pas à avoir un index des documents, ce serait totalement irréaliste de demander un index des documents que possède l'administration, mais le type de document et ensuite, on peut creuser à partir de ça.

M. French: Les documents, voyons donc, sont produits par centaines. Oh! des types de documents! Je m'excuse.

M. Auger: Pas les titres.

M. Bertrand: Est-ce que vous considéreriez que pour économiser - on peut penser à des économies - on utilise, par exemple, les rapports annuels qui sont présentés par les ministères, organismes et tous ceux qui, de par leur loi, sont obligés de produire au gouvernement, à l'Assemblée nationale, un rapport annuel? Est-ce que le cadre du rapport annuel pourrait être un instrument valable à retenir pour ajouter ces éléments d'information qui n'y figurent pas à l'heure actuelle, mais qui seraient nécessités par l'introduction d'une telle loi sur l'accès?

M. Auger: Le cadre ne nous apparaît pas tellement important; si vous voulez annexer le répertoire au rapport annuel, ce n'est pas un problème. Qu'il soit fait selon ce que la commission prévoit, ça ne nous dérange pas, mais il faut qu'il soit complet, quand même, il faut qu'il soit là. Je pense que vous avez l'impression que c'est beaucoup plus gros que cela ne l'est, en réalité. Il ne s'agit pas encore, comme je vous le dis, d'un index de tous les documents que le gouvernement possède, ce serait irréaliste. Il s'agit du type de document et le citoyen fouille à partir de cela.

M. Bertrand: Donc, on revient finalement... D'accord, il s'agirait toujours de s'entendre à savoir ce qu'est une catégorie, les types de classification.

M. Auger: La commission doit voir à la mise à jour des répertoires.

M. Bertrand: À partir de là, il n'en demeure pas moins que l'individu, de toute façon, une fois qu'il aura ce répertoire ou ce catalogue, aura quand même toujours besoin de s'en remettre au responsable de l'accès aux renseignements, parce que c'est cette personne qui pourra lui dire, même à partir du répertoire et du catalogue: Vous n'avez pas la connaissance, vous n'avez pas l'index complet, l'inventaire exhaustif de tous les documents que nous avons en notre possession. Il faut, tôt ou tard, en arriver là.

M. Auger: De toute façon, la commission - on revient à cette commission qu'on trouve très importante - doit voir à la mise à jour du répertoire et voir si elle est bien faite. Si cette commission fait son travail comme il faut - tout indique qu'elle le ferait - ça va se faire assez rondement.

M. Bertrand: II parle de la commission, la CADOP.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne veux pas priver le député de Westmount de son tour de parole, mais je devrai vous quitter dans quelques instants. Je voulais poser une question aux représentants de la FPJQ. Cette proposition de loi est double, c'est l'accès à l'information gouvernementale et c'est la protection des renseignements sur les personnes. Par ailleurs, plusieurs groupes qui se présentent devant nous parlent de renseignements qui sont entre les mains de la police, vous êtes de ceux-là. J'ai l'impression qu'il faut se poser cette question, à propos de renseignements que détiennent les corps policiers, par rapport aux deux volets de la proposition de loi, non seulement quant à la protection des renseignements sur les personnes, mais aussi par rapport à l'accès du public à cette information considérée comme information gouvernementale, information publique.

Je m'explique. D'une part, il est très sain de veiller à ce qu'un citoyen puisse faire corriqer des renseignements qui seraient erronés, c'est le deuxième volet de la loi. Par rapport au premier volet de la loi, est-ce que vous, de la FPJQ, ne seriez pas d'accord qu'on élargisse l'accès du public à certains renseignements détenus par des corps policiers. Je songe, par exemple, à ce qu'on a pu constater à la faveur de l'enquête MacDonald ou à la faveur de l'enquête Keable, qu'il y a un monde de renseignements que personne ne possède, sauf les corps policiers, des renseignements que même des commissions d'enquête créées par deux gouvernements - dans ce cas, le gouvernement fédéral, d'une part, et le gouvernement du Québec, d'autre part -n'arrivent pas à pénétrer complètement ce monde et ce qu'elles réussissent à en pénétrer, elles ne jugent pas nécessairement opportun de le divulguer. Ma question est: Est-ce que nous ne devrions pas nous préoccuper de l'accès du public à ce genre d'information et selon quelles modalités?

M. Auger: La proposition de loi parle de documents des organismes publics et elle parle aussi des renseignements nominatifs. Ce sont deux choses différentes. Pour les renseignements nominatifs, on croit, nous, que, si une personne a des raisons sérieuses de croire que des renseignements erronés se trouvent dans son dossier de police, elle devrait avoir le droit de faire une demande à la commission pour voir son dossier et le faire corriger. Pour les autres dossiers de la police, comme vous le dites, même les commissions d'enquête ont de la misère à voir le bout de ces choses. Déjà, la commission Paré proposait un certain nombre de moyens d'accès à certains autres documents. Malheureusement, on est un peu à la merci des corps policiers là-dessus. Ils fonctionnent comme un État dans l'État. On l'a vu, même une commission nommée par le gouvernement fédéral pour enquêter sur la GRC a eu de la misère à arriver au bout de son travail. Cela va sans doute être difficile, mais, au moins, une loi d'accès, normalement, contient une façon d'obtenir des renseignements des dossiers venant des corps policiers. Évidemment, cela tombe sous certaines exceptions, mais il faudrait essayer de fonctionner avec cela. C'est une situation qui est assez délicate et assez compliquée, comme vous le savez.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Westmount.

M. French: Votre confrère Gaudet, hier ou avant-hier, s'est dit insatisfait de l'idée de la commission. Il voulait bénéficier d'un recours à la cour, mais vous ne partagez carrément pas ses préférences là-dessus.

M. Auger: Pouvez-vous répéter?

M. French: Votre confrère Gaudet, du Centre pour le journalisme d'enquête, s'est dit insatisfait de la conception de la commission et voulait avoir accès à la cour directement. Vous ne partagez pas son avis là-dessus.

M. Auger; Dans le mémoire que nous avions fait parvenir à la commission Paré, nous demandions, nous aussi, une possibilité de recours juridique. Cependant, lorsqu'on regarde les pouvoirs de la commission et son fonctionnement, et le fait aussi que cette loi n'est valable que pour cinq ans et que, dans cinq ans, on va se retrouver ici ou dans une autre salle à discuter du même problème, on est prêt à accorder un essai de cinq ans à la formule proposée par la proposition de loi. Si, dans cinq ans, on voit que cela ne fonctionne pas très bien et qu'il faudrait un appel aux tribunaux, à ce moment, on en demandera un, mais je pense qu'on peut faire un essai de cinq ans. On peut prendre le pari que la commission fera son travail à condition qu'on ait une commission indépendante et assez forte pour le faire; sinon, cela change tout.

M. French: Pour les renseignements à incidence politique ou vis-à-vis de la prise de décision, vous ne voyez aucune raison pour retarder à plus de cinq ans la publication de ces documents? Par exemple, vous ne voyez pas là une menace à la franchise des fonctionnaires qui, eux, survivront, Dieu sait, malgré les changements d'administration, etc. Vous ne voyez pas là un potentiel sérieux de division au sein d'un cabinet quand ce sont deux gouvernements, à la suite, de la même teinture politique. Vous ne voyez pas là la possibilité d'une espèce de paralysie des débats écrits et la nécessité de toujours porter, en dehors des processus bureaucratiques et politiques typiques, une espèce de débat oral sur les questions du jour qui me fait penser aux administrations provinciales des années 1920 et 1930 pendant lesquelles il n'y avait pas d'ordre du jour, pas de mémos aux cabinets. Il y avait tout simplement le premier ministre qui disait: Maintenant, on va discuter de cela. À la fin, les gens écrivaient sur la manche de leur chemise et c'était tout. Ne voyez-vous pas dans un délai aussi court que cela un certain danger à ce qu'un dialogue parallèle se fasse, comme cela se fait, par exemple, en Suède à cause de toutes ces exigences? (16 h 15)

M. Auger: Je pense que le débat parallèle est un peu inévitable. Il se fait d'une certaine façon même maintenant. On pense que cinq ans, c'est un délai suffisant. Il y a assez d'eau qui coule sous les ponts en cinq ans pour minimiser ces jeux de coulisse, à notre avis. Évidemment, on peut mettre la limite à dix, vingt ans ou décider que ces documents ne seront jamais publics, mais on pense qu'en cinq ans la situation change suffisamment et les problèmes se traitent moins à chaud pour qu'on puisse à ce moment-là faire une analyse plus rationnelle des documents. Je pense que cinq ans, c'est une période suffisante à ce moment-là.

M. French: Savez-vous que les documents du Conseil des ministres, les mémos, les mémoires du Conseil des ministres de l'administration précédente ne sont pas disponibles à l'administration suivante si la nouvelle administration est d'une autre teinte politique? Vous êtes conscients de cela.

M. Auger: Oui. C'est d'ailleurs souvent un problème dans certains cas probablement.

M. French: Cela crée sans doute des problèmes, mais ce qui est plus important encore, c'est qu'un gouvernement libéral ou un gouvernement péquiste qui suit l'autre n'est pas capable d'aller fouiller dans ces documents pour exposer les divisions entre les ministres et en profiter par la suite.

M. Auger: Je pense que, si les deux partis sont exposés à ce problème, il ne serait sans doute pas dans l'intérêt du gouvernement péquiste actuel d'aller dire: Ah! vous voyez, sur la loi 22, un tel était contre un tel, parce que cinq ou huit ans plus tard ou à quelque moment que le gouvernement serait renversé, ce serait le tour de l'autre gouvernement de dire: Ah! ah! vous voyez, sur la loi 101, un tel était contre un tel et un tel était contre un tel. Je pense que c'est comme la stratégie nucléaire des Russes et des Américains, c'est "mutual assured destruction" et le couteau est à deux tranchants.

M. French: Malheureusement, les hommes politiques ne sont pas toujours capables de se retenir devant cette tentation qui est, à la longue, extrêmement néfaste à la démocratie, comme vous le savez. Il y a toujours une espèce de série d'incitations à court terme qu'une personne peut utiliser. Par contre, le bien-être du système dépend un peu de la confidentialité des discussions au sein du Conseil des ministres ou d'un organisme public visé, mais qui fonctionne dans un contexte concurrentiel. Pour ces documents de décision, cinq ans plus tard, vu

les plans qui s'étalent sur dix ans, quinze ans, vingt ans, cinq ans ce n'est rien dans la vie d'Hydro-Québec, ce n'est rien dans le processus de planification d'Hydro-Québec.

Je vous soumets humblement qu'il y a une foule de considérations qu'il faudrait au moins traiter avant de convaincre le législateur que cinq ans, cela fonctionne.

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre.

M. Bertrand: J'avouerai tout le plaisir que je trouve à questionner des journalistes. Tout à l'heure, les journalistes m'ont posé une question relative à la prépondérance d'une loi sur une autre. Vous indiquez dans votre mémoire que les dispositions des lois existantes contraires à l'actuelle proposition devraient devenir sans effet un an après la sanction de la loi. Vous semblez donc prendre position sur le caractère de prépondérance que devrait avoir cette loi d'accès à l'information gouvernementale sur toute autre loi à l'intérieur de laquelle on retrouve des articles relatifs à l'information gouvernementale, si je comprends bien.

M. Auger: Oui, c'est d'ailleurs quelque chose qu'on demandait dans notre mémoire à la commission Paré. La question d'un an, cela fait partie de la période de transition pendant laquelle les documents ne sont toujours pas accessibles après l'adoption de la loi et on pense que cette période doit être ramenée à un an.

M. Bertrand: Par contre, j'ai hâte d'en faire l'inventaire pour voir quelles sont ces lois qui vont plus loin que la loi d'accès à l'information gouvernementale, mais il y a des organismes qui prétendent faire déjà de très grands efforts et aller déjà beaucoup plus loin que ne le propose la commission Paré dans le domaine de la divulgation des documents et des informations. Avez-vous des craintes de ce côté-là?

M. Auger: Les municipalités ont dit cela hier, mais cela ne nous a pas frappé comme nous faisant très peur cette affaire. Je vais vous dire bien franchement que cela ne nous a pas fait peur beaucoup. Si jamais quelqu'un allait plus loin que la commission Paré le demande, qu'il continue, il n'a pas besoin de s'arrêter parce qu'une loi lui dit d'en faire moins.

M. Bertrand: Toujours sur cette question de prépondérance - je pense qu'on s'en était parlé tout à l'heure - dans le domaine de l'accès à l'information gouvernementale, il est normal que cette loi ait prépondérance sur les autres. Mais, dans l'ensemble des lois dont on dit que l'une est prépondérante sur l'autre ou vice versa, vous apparaît-il que, par exemple, en ce qui concerne la Charte des droits et libertés de la personne, il y a des dispositions de cette Charte des droits et libertés de la personne qui doivent nécessairement avoir préséance sur toute loi d'accès à l'information gouvernementale, entre autres, les clauses non discriminatoires et autres?

M. Auger: Sur la question de la Charte des libertés, c'est un peu plus délicat, on parlait, nous, dans notre mémoire à la commission Paré, d'une certaine primauté législative sur les autres lois afin que toute nouvelle loi soit automatiquement soumise aux dispositions de la loi d'accès etc., mais, dans le cas de la Charte des droits et libertés de la personne, c'est un peu délicat; on pourrait fort bien mettre les deux lois sur le même pied à ce moment-là.

M. Bertrand: C'est intéressant, parce qu'il y a des dispositions dans la Charte des droits et libertés de la personne qui disent qu'il ne doit pas y avoir discrimination sur la base du sexe, de la religion, de la langue etc., et forcément il y a des fichiers qu'il faut constituer à l'occasion où justement on doit tenir compte de tous ces éléments d'information et à l'occasion les utiliser sur la base même des différenciations qui existent entre certaines catégories d'individus. Est-ce que cela vous apparaît un problème réel ou si, au contraire, vous croyez qu'il peut y avoir une façon d'accommoder l'une par rapport à l'autre?

M. Auger: Mais là, on ne parle pas de personne, on parle à ce moment-là de statistiques ce n'est pas le dossier d'une personne, c'est un dossier statistique et si justement à l'étude de ce dossier statistique, on se rend compte que, par exemple, l'embauche de la femme dans la fonction publique a baissé de 50% l'année dernière, cela va jouer justement contre la discrimination d'avoir cette information-là. Cela ne fera aucune promotion de la discrimination, ce sera tout le contraire.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec de nous avoir présenté leur mémoire. J'invite maintenant les représentants du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec à prendre place à la barre. Leur mémoire sera présenté par leur président M. Roger Lecourt. J'inviterais M. Lecourt à présenter les personnes qui l'accompagnent.

Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec

M. Lecourt (Roger): M. le Président, je voudrais vous présenter, à ma gauche, M.

Paul Parenteau et, à ma droite, M. Robert Hardy et, comme vous l'avez indiqué, je suis Roger Lecourt, président du syndicat. Dans un premier temps, compte tenu du délai de vingt minutes consacrées à la présentation des mémoires, je voudrais faire la lecture des pièces maîtresses du mémoire; par la suite, MM. Parenteau et Hardy pourront répondre à vos questions.

Dans une société hautement sophistiquée comme la société québécoise, le pouvoir d'un groupe comme celui d'un individu se mesure dans une large part proportionnellement à la quantité et à la valeur de l'information dont il dispose. Or, à cet égard, l'État, qui est de loin le collecteur de renseignements et le générateur d'études de toutes sortes le plus prolifique, dispose au nom des Québécois d'un pouvoir colossal.

Toutefois, dans un État organisé en principe selon une doctrine politique d'après laquelle la souveraineté doit appartenir à l'ensemble des citoyens, l'exercice de celle-ci exige que l'ensemble de la population puisse disposer de tous les outils nécessaires à la réflexion, à l'analyse et à la décision collective. La décentralisation souhaitée du réel pouvoir vers les citoyens exige donc un accès le plus large possible à l'information dont dispose l'État en leur nom.

La nécessité d'une loi pour favoriser un tel accès, constatée par tous, démontre malheureusement que la démocratie québécoise souffre de lacunes à ce niveau. Il est même regrettable que les administrations publiques ne soient pas, de par leur organisation propre, en mesure d'entretenir avec les citoyens la communication continue, indispensable à leur exercice du pouvoir: les rapports institués entre politiciens, gestionnaires et fonctionnaires n'ont pas permis que l'idéal se réalise, il faut donc tenter d'y suppléer.

En complément de l'information essentielle à l'exercice du pouvoir par les citoyens, l'État possède sur ces derniers quatité de renseignements personnels nécessaires tant à la distribution de services individualisés qu'à l'élaboration des recherches et analyses. La protection de ces renseignements personnels doit être garantie pour assurer le respect de la vie privée en encadrant au mieux leur détention.

Dans les circonstances, nous nous réjouissons donc de la perspective prochaine d'une loi sur l'accès aux documents et sur la protection des renseignements personnels détenus par les organismes publics. C'est avec un double intérêt, celui du citoyen et celui du travailleur et de la travailleuse au service de la population que nous présentons notre avis sur la question.

Pour une seconde commission parlementaire. Avant de passer à des considérations plus spécifiques, soulignons toutefois que nous nous interrogeons sur la valeur de la procédure empruntée par le gouvernement quant à la tenue de cette commission parlementaire. Les groupes qui se présentent ici ont en effet à donner leur avis sur une proposition de loi qui n'est pas celle du gouvernement. Ce dernier n'ayant pas fait son lit par un livre blanc sur le sujet à props duquel il s'apprête à légiférer, nous nous trouvons à devoir critiquer un projet qui pourra être bien chambardé une fois que sera forgée l'orientation gouvernementale définitive. Si tel était le cas - pour une fois, nous rejoignons le Conseil du patronat qui le souliqnait, ce matin - nous croyons qu'il serait à propos qu'une seconde commission parlementaire soit tenue pour entendre les avis sur le projet de loi que le gouvernement pilotera effectivement en dernier ressort.

Suivra sous différentes sections notre avis sur la proposition de loi. La première partie, qui concerne un certain nombre de modalités techniques, je me permets de la résumer.

Les suggestions que nous faisons sont les suivantes: Contraindre les organismes à vocation nationale, tels la fonction publique, les sociétés d'État, les cégeps, à rendre disponible leur répertoire dans toutes les régions du Québec. Donc, la dimension régionale est fort importante.

Aussi, concernant les municipalités, nous croyons qu'il serait plus opportun de ramener de 100 000 à 10 000 habitants la norme selon laquelle une municipalité doit être tenue d'indiquer dans son répertoire, son organigramme, les fonctions de chacun de ses services et les principaux programmes.

Par ailleurs, nous croyons qu'il serait opportun de mettre en place un organisme central de référence afin d'orienter le citoyen qui ne sait pas où s'adresser pour obtenir le document qu'il recherche.

Nous croyons aussi opportun de prévoir que lorsqu'une demande écrite est adressée au mauvais responsable de l'accès à l'information d'un organisme, cette demande doit être transmise au responsable indiqué ou à l'organisme central de référence et aussi qu'on transmette au requérant un avis de la transmission de sa demande au bon endroit.

Enfin, nous pensons que le prix demandé pour la reproduction d'un document ne doit pas comprendre le coût du salaire ou des traitements du personnel affecté à cette tâche, de façon que le coût reste en deçà de normes raisonnables.

Quant aux organismes à qui doit s'appliquer la loi, nous croyons que les conseils consultatifs, sociétés d'État, doivent se voir assujettis à l'article 21 concernant les délibérations publiques de leur conseil d'administration ou organisme directeur.

Et je continue la lecture du document, concernant la réduction maximale du secret.

L'accès aux documents des organismes publics suppose bien davantage que des facilités techniques et économiques. La volonté réelle de communiquer au citoyen le maximum des renseignements détenus par l'État ne doit pas laisser de doute. Or, le grand nombre de documents exclus de l'application de la loi, la durée des délais prévus avant qu'ils puissent être dévoilés et la trop longue liste des organismes autorisés à garder leurs délibérations éloignées du public laissent l'impression de ne vouloir lever que partiellement le voile du secret.

L'aspect des délibérations publiques des organismes gouvernementaux qui sont visés aux articles 21 et 38. Nous ne voyons pas pourquoi il faudrait encore retarder, comme le propose la commission d'étude, la possibilité d'obliger les organismes gouvernementaux à rendre leurs séances de délibérations publiques. Les discussions des membres, nommés par l'État, des conseils consultatifs ou des sociétés d'État, sont à la base des avis qu'ils fournissent au gouvernement ou des décisions qui affectent les citoyens. Ces derniers situeraient et comprendraient sûrement mieux les recommandations du Conseil supérieur de l'éducation ou les hausses des tarifs de l'électricité par Hydro-Québec, pour ne prendre que ces deux exemples, s'ils pouvaient être témoins des échanges des personnes qui sont à l'origine.

Les motifs énumérés à l'article 21, pour lesquels les organismes représentatifs électifs peuvent siéger à huis clos sont suffisants pour assurer l'efficacité des organismes gouvernementaux. En conséquence, nous croyons que l'article 21 devrait s'appliquer à tous les organismes gouvernementaux qui sont définis à l'article 3. En corollaire, l'article 38, qui prévoit que ces organismes peuvent refuser de communiquer les mémoires des délibérations de leur conseil d'administration, devrait aussi être modifié, pour ne couvrir que les délibérations à huis clos. (16 h 30)

Restrictions au droit d'accès. L'approche suivie pour déterminer dans le projet de loi les restrictions au droit d'accès nous semble correcte; on identifie les catégories de documents qui pourraient être exclus de la divulgation en même temps que les intérêts qu'en ce faisant on cherche à protéger. Le problème se situe plutôt au niveau de l'éventail trop large de catégories exclues.

Les catégories exclues à l'article 23, celles des relations intergouvernementales. Nous croyons que l'intérêt du Québec serait suffisamment protégé si l'article 23 ne concernait que les renseignements pouvant porter préjudice à une négociation intergouvernementale. L'autorisation qui permet de refuser de divulger un renseignement qui "révélerait une stratégie de relations intergouvernementales" est trop large, et encore plus celle qui concerne le préjudice possible "à la conduite des relations entre le gouvernement du Québec et un autre gouvernement ou une organisation internationale".

Les stratégies relèvent trop souvent d'intérêts partisans pour les reléguer dans le secret; le jeu politique risque peut-être d'être moins captivant pour les acteurs, mais il pourrait gagner en limpidité pour le spectateur.

Quant à l'aspect des restrictions sous l'angle des incidences économiques traité aux articles 27, 52 et 59, voici ce qu'on en pense. À l'article 27, on prévoit qu'un organisme public peut garder confidentiels les renseignements obtenus de tiers, personnes ou entreprises; cela nous semble plus sévère que les mesures de protection des renseignements nominatifs qui visent à assurer le respect de la vie privée. Dans ce dernier cas, l'article 59 permet que ceux-ci soient parfois communiqués sans le consentement de la personne concernée, ou avec celui de la commission de l'accès. Or, tel que rédigé, le premier paragraphe de l'article 27 est de trop et devrait être retiré; il laisse à l'individu ou à l'entreprise l'entière latitude de décider de la confidentialité des renseignements communiqués à un organisme public; en effet, la simple mention par l'individu ou l'entreprise que les renseignements fournis sont traités chez eux de façon confidentielle suffit pour obliger l'organisme à agir de même.

Le second paragraphe de l'article 27 et la procédure prévue à l'article 52 nous semblent suffisants pour protéger les intérêts des tiers. Il y est en effet prévu que le consentement de ceux-ci est nécessaire si la communication d'un renseignement qu'ils ont fourni à l'organisme risque d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de leur causer une perte, de nuire à leur compétitivité ou de procurer un profit appréciable à une personne. Voilà, quant à nous, une protection suffisante.

La sécurité publique, telle qu'on la retrouve à l'article 30 du projet soumis par la commission. Le recours à la notion de sécurité publique a constitué souvent un prétexte pour brimer les droits démocratiques. L'infiltration des syndicats par les forces policières lors des dernières négociations des secteurs public et parapublic constitue un exemple où l'État s'est arrogé le droit de surveiller et d'enquêter sur des actions qui relèvent de la liberté d'association. De tels abus pavent la voie à l'instauration d'un État policier.

Si l'on doit assurer que les enquêtes policières en vue de réprimer le crime puissent se dérouler dans des conditions qui permettent des résultats positifs, la loi doit

éviter par ailleurs que les enquêtes de routine des organismes publics soient reléguées dans le secret.

Au premier alinéa de l'article 30, on prévoit qu'un organisme peut refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation risque "d'entraver le déroulement d'une poursuite judiciaire ou d'une enquête". Étant donné les divers types d'enquêtes qui peuvent être menées dans le but, comme le dit ce même article, "de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions aux lois", il devrait être précisé qu'il s'agit seulement d'enquêtes dont l'objectif est d'intenter des poursuites judiciaires.

La prise de décision. Quant à nous, c'est finalement en matière de renseignements reliés à la prise de décision au sein des organismes publics - et c'est là que nos membres sont particulièrement intéressés - que la proposition de loi limite le plus, malgré son objectif premier, l'accessibilité des citoyens aux renseignements détenus par les organismes dont ils se sont collectivement dotés. En premier lieu, la notion même de prise de décision comporte beaucoup d'ambiguïté.

Nous comprenons que notre système politique est fondé sur le principe de solidarité ministérielle que même une législation sur l'accès aux documents ne peut remettre en cause. Les exclusions relatives aux renseignements à incidences politiques et celles de l'article 37 portant sur les analyses faites au niveau du Conseil exécutif ou sur une recommandation ou une demande d'un ministre se trouvent ainsi en partie justifiées, sauf pour la durée du secret à laquelle nous reviendrons plus loin.

Mais tel n'est plus le cas pour les avis, recommandations et analyses des autres organismes publics. Ce sont justement ces documents qui sont le plus de nature à éclairer la discussion publique sur les sujets qu'ils abordent; c'est en favorisant le mieux possible leur accès que la loi prendrait tout son sens. Pourtant, les restrictions prévues aux articles 39, 42, 43 et 44 sont à l'opposé: un organisme pourrait refuser de rendre publics les avis, recommandations et analyses produites aux fins d'une prise de décision et ce, pour une durée variable selon le cas.

Les avis du personnel fonctionnaire ou les avis d'un consultant. Aux articles 39 et 40, la loi prévoit qu'un organisme peut refuser - dans le cas de l'article 39 - de communiquer pendant dix ans un avis ou une recommandation d'un membre de son personnel. La justification repose sur l'argument qu'on ne peut mettre en contradiction un ministre et ses fonctionnaires de crainte soit qu'une publication hâtive de leur avis ou de leur recommandation inhibe leur initiative ou affaiblisse leur capacité à fournir une opinion professionnelle critique ou, au contraire, parce que l'on craint un accroissement du pouvoir bureaucratique susceptible "de menacer les élus d'une divulgation de certains avis. "

La première partie de cette argumentation sous-entend, finalement, qu'un fonctionnaire serait moins incité à être objectif dans ses avis et recommandations s'il savait qu'ils peuvent être divulgués; la crainte de représailles ultérieures, sous une forme quelconque, l'amènerait à être moins neutre dans ses travaux. C'est, finalement, reconnaître ainsi que l'ingérence administrative et politique dans le travail des fonctionnaires est une réalité. Nous sommes heureux de constater que d'autres que nous, qui sommes parmi les premiers intéressés, le reconnaissent et, soit dit en passant, il est à espérer que notre employeur portera, lors de la prochaine négociation, une meilleure attention que la dernière fois à nos propositions pour éliminer, justement, les possibilités d'ingérence administrative et politique dans le contenu de nos travaux car, dans ce domaine, comme en santé et sécurité du travail, la solution n'est-elle pas d'éliminer le danger à la source?

La seconde partie du raisonnement qui justifierait de ne pas divulguer les avis et recommandations du personnel d'un organisme public, c'est que l'intégrité du processus décisionnel serait entachée si un fonctionnaire pouvait menacer, par exemple, son ministre de faire connaître certains avis. C'est le fameux problème des fuites que, de toute façon, le système actuel, si menaçant soit-il, n'a pu empêcher. La non-divulgation prévue dans une loi sur l'accès à l'information ne pourrait faire mieux.

De plus, l'intégrité d'un processus décisionnel n'est pas remise en cause pour l'unique raison qu'un décideur diverge d'opinion avec son personnel. En effet, il peut arriver qu'un décideur soit tout simplement en désaccord avec un membre de son personnel ou encore qu'il dispose de données qui l'amènent à ne pas suivre l'avis ou la recommandation soumis. Dans les deux cas, il serait bénéfique qu'il s'explique devant la population, croyons-nous.

Enfin, la discussion de cet article 39 doit se faire aussi à la lumière du raisonnement qui a amené la rédaction de l'article 40. Ce dernier prévoit, en effet, qu'un organisme ne peut refuser de communiquer les avis et recommandations présentés par un consultant après que la décision finale faisant l'objet de l'avis ou de la recommandation a été rendue. Il n'est pas prévu alors de délai de dix ans, car, estime-t-on, l'intégrité du processus décisionnel ne serait pas menacée dans le cas d'un expert-conseil. Pourtant, le désir compréhensible d'un organisme d'avoir de nouveaux contrats est, tout autant que la crainte de représailles pour un fonctionnaire, susceptible

d'influer sur le contenu de l'avis demandé ou sur le sens des recommandations que le consultant a à faire.

Nous ne voyons donc pas pourquoi la loi devrait prévoir un traitement différent des avis et recommandations faits à un organisme selon leur provenance, des fonctionnaires ou des experts-conseils de l'extérieur de la fonction publique. En conséquence, les articles 39 et 40 devraient être fondus en un seul article. Quant à la communication de ces avis et recommandations, elle doit suivre la décision finale sur les matières qui en font l'objet.

Mais - c'est un sujet sur lequel le rapport de la commision est muet - que se passe-t-il lorsqu'il n'y a pas de décision finale? Comme un organisme pourrait effectivement retarder longtemps - c'est monnaie courante dans la fonction publique -sa décision ou ne pas en prendre du tout, un délai maximum devrait prévenir que certains avis ou recommandations ne soient jamais rendus publics. Nous croyons qu'un délai de deux ans serait suffisant, car, au-delà de cette période, les avis ou les recommandations méritent souvent d'être reconsidérés et les études sur lesquelles ils sont fondés d'être mises à jour. Leur divulgation devrait alors s'accompagner d'un avertissement en conséquence. Au nouvel article 39-40 que nous proposons, il faudrait ajouter: "ou au plus tard deux ans après leur communication à l'organisme".

On traite à l'article 41 des opinions juridiques. La communication d'une opinion juridique obtenue par un organisme public ne devrait pas, non plus, selon nous, être restreinte. Il est évident qu'une telle divulgation risque de modifier le comportement et les stratégies des parties en cause dans une procédure judiciaire. Mais il est évident, également, que certains groupes peuvent disposer de moyens pour obtenir semblable opinion juridique et mieux se défendre que d'autres. La communication des opinions juridiques des organismes publics aurait au moins l'avantage de situer tous les citoyens, sinon sur le même pied, du moins à des niveaux moins écartés. De plus, il ne nous apparaît pas très démocratique d'accepter qu'un organisme puisse cacher à la population des opinions "sur la constitutionnaiité ou la validité d'une loi ou d'un règlement. " Quant à nous, l'article 41 du projet de loi devrait être retiré.

L'article 42 traite des recommandations d'un organisme public à un autre organisme. Ces recommandations devraient, quant à nous, être traitées de la même façon que celles des fonctionnaires ou consultants et l'article 42 devrait être modifié en conséquence en ajoutant, concernant la non-prise de décision, l'aspect de divulgation au plus tard deux ans après la communication de la recommandation à l'organisme, s'il n'y a pas eu de décision prise.

Les analyses sont traitées aux articles 43 et 44. À l'article 43, en plus de prévoir que la communication d'une analyse produite à l'appui d'une recommandation ne pourrait être refusée après que la décision sur cette recommandation a été prise, il devrait aussi être précisé "ou au plus tard deux ans après que l'analyse a été complétée" pour éviter que des travaux de recherche ne demeurent trop longtemps dans le fond des classeurs. Enfin, la partie de l'article 44 prévoyant des restrictions à l'accès aux analyses dont la divulgation pourrait "compromettre sérieusement la réalisation d'un projet en cours" semble aussi d'un effet trop étendu.

Le type de projet dont la réalisation ne pourrait être compromise par la divulgation d'une analyse pouvant difficilement être précisé, nous croyons que cette restriction doit être éliminée.

Les délais. Finalement, quant à nous, la réduction des délais s'impose si on veut vraiment en arriver à limiter le secret qui entoure trop souvent les activités gouvernementales.

Pour ce qui est des conventions collectives qu'on traite à l'article 29, le délai de dix ans pendant lequel un organisme peut refuser la communication d'un renseignement qui aurait pour effet de révéler un mandat ou une stratégie de négociation de convention collective nous semble trop long. Comme les études réalisées en vue de la préparation d'un budget sont appelées à demeurer secrètes jusqu'à ce que ces dernières soient déposées, ainsi, selon nous, l'article 29 devrait être modifié pour qu'un mandat ou une stratégie de négociation soit communiqué dès après la sigqnature d'une convention collective.

Pour ce qui est des délibérations du Conseil exécutif, au niveau de l'accès aux délibérations du Conseil exécutif et aux analyses réalisées pour le compte de ce ministère, l'embargo de 20 ans nous semble nettement trop long. Un plus juste équilibre entre le respect du principe de la solidarité ministérielle et celui du droit à l'information nécessite de ramener ce délai des articles 32 et 37 à au plus dix ans. Ce paysage politique, par remaniements ministériels ou changement du parti au pouvoir, se transforme assez, quant à nous, durant une telle période, pour éviter qu'on porte préjudice au gouvernement qui est au pouvoir.

Les projets de loi ou les projets de réglementation. L'article 35 prévoit qu'un organisme peut refuser l'accès des analyses se rapportant directement à l'élaboration du texte d'un projet de loi ou de règlement, jusqu'à la date respective de leur présentation devant l'Assemblée nationale ou, dans le cas des réglementations, de leur publication dans la Gazette officielle.

Comme certains projets de loi peuvent être annoncés souvent dans un discours inauqural sans être effectivement présentés à l'Assemblée nationale, nous croyons que l'article 35 devrait préciser qu'une analyse qui se rapporte à un projet de loi doit être publiée au plus tard deux ans après qu'elle aura été complétée. C'est la même logique que tantôt.

Comme pour les avis ou recommandations d'un fonctionnaire, après une telle période ces analyses vont nécessiter des mises à jour et leur publication ne révélera pas l'orientation que prendra le gouvernement quand il se décidera à légiférer. Par contre, le public saura pourquoi ce dernier a cru bon, un jour, d'annoncer une loi et sera mieux à même d'interroger les élus sur les raisons qui les ont amenés à reporter la législation originellement prévue. Dans le cas d'une analyse supportant un projet de règlement, le délai maximal pour qu'elle puisse être communiquée devrait n'être que de six mois après qu'elle a été complétée, compte tenu qu'il s'agira d'un document qui vient préciser les mécanismes d'application d'une loi adoptée par l'Assemblée nationale dont l'objet principal est déjà public.

Les délais de réponse aux différentes requêtes du public. Le délai pour répondre à une demande d'information fixée à 20 jours à l'article 51 devrait être réduit à 15 jours et la prolongation de délai, de 10 à 5 jours. La période de 15 jours nous semble appropriée pour éviter que l'information recherchée ne soit dépassée. Cette recommandation est faite dans l'esprit que, pour tous les organismes, l'accès aux documents serait une priorité. Dans le cas où l'avis d'un tiers est nécessaire pour autoriser la communication d'un document, le délai de 20 jours prévu à l'article 52 accordé au tiers pour répondre devrait être ramené à 15 jours. Le délai de 15 jours accordé au responsable de l'accès aux documents pour transmettre sa décision au requérant et au tiers devrait s'établir à 10 jours et c'est finalement un délai de 55 jours qui aurait cours entre une demande d'accès à un document obtenu par l'organisme d'un tiers et l'accès réel, s'il est autorisé. En effet, il est prévu aussi que la décision finale du responsable de la décision n'est exécutoire que 15 jours après la date de la transmission de cette décision au requérant et au tiers. Près de deux mois, c'est déjà long pour obtenir accès à un document.

Pour protéger au mieux les intérêts du tiers, l'article 52 devrait prévoir par ailleurs que les avis et informations lui sont transmis par écrit; en plus, il devrait être avisé qu'il sera réputé avoir consenti à l'accès au document s'il ne répond pas dans un délai de 15 jours.

Pour la demande de communication ou de rectification de renseignements nominatifs, le délai de 20 jours prévu à l'article 96 devrait aussi être ramené à 15 jours. Il nous semble que le renseignement fourni ou la correction effectuée nécessite beaucoup moins de temps que la communication d'un document. La prolongation possible du délai devrait être de cinq jours au lieu de dix jours. (1 6 h 45)

L'article 154 prévoit qu'un organisme peut, dans les deux ans suivant l'adoption de la loi sur l'accès au document, refuser l'accès à un document daté de plus de deux ans au moment de l'entrée en vigueur de cette loi. Cette disposition qui vise à laisser aux organismes le temps nécessaire pour organiser leurs archives pour les rendre accessibles devrait rendre plus graduel l'accès aux documents moins récents. Ce délai de deux ans devrait être ramené à un an pour rendre accessibles les documents datés de plus de deux ans mais de moins de dix ans lors de l'entrée en vigueur de la loi.

Quant à la protection des renseignements personnels, l'application à la lettre de l'article 63 qui prévoit que nul ne peut recueillir un renseignement nominatif, si cela n'est pas nécessaire, et de l'article 69, qui fait de la commission de l'accès le chien de garde des organismes, est primordiale. Par ailleurs, nous ne partageons pas l'opinion que la protection assurée par la multiplication des codes n'est qu'un mythe. Après vérification auprès de membres informaticiens chez nous, il me semble important, contrairement à l'opinion de la commission, d'avoir des codes multiples, quoique nous soyons d'accord sur le fond, que simplement la réduction de demandes inutiles de renseignements, c'est quand même l'aspect le plus important pour protéger la confidentialité des renseignements personnels.

En matière de renseignements personnels, l'aspect identification qui est traité à l'article 92, l'expérience de demandes d'accès à un dossier de crédit dans le secteur privé autorisées par la Loi de la protection du consommateur nous incite à recommander que l'article 92 précise que la procédure d'identification nécessaire pour obtenir la communication de renseignements nominatifs ne doit pas servir à recueillir de renseignements supplémentaires sur le requérant. Quant au consentement nécessaire traité à l'article 1. 1. 7, le souci qu'on doit avoir de protéger la vie privée des individus nous amène également à recommander qu'à cet article, la commission d'accès ne soit pas autorisée à communiquer des renseignements nominatifs sans le consentement des personnes concernées. par ailleurs, comme la clé de voûte de la protection du renseignement individuel est l'autorisation du citoyen de les communiquer, dans ce contexte, un article supplémentaire

devrait préciser que les autorisations passepartout obtenues à titre de conditions préalables à l'obtention d'un bien, service ou emploi ne sont pas reconnues. La seule autorisation valable devrait être spécifique pour un fichier et un renseignement précis.

Dans la troisième partie de notre mémoire... Oui?

Le Président (M. Rodrigue): Je voudrais vous demander si c'est possible, étant donné que les membres de la commission ont eu l'occasion de lire votre mémoire, de résumer la suite, parce qu'on a déjà épuisé le temps de vingt minutes qui vous était alloué. Combien cela peut-il vous prendre de temps pour nous résumer cela?

M. Lecourt: Peut-être tout au plus cinq à dix minutes.

Le Président (M. Rodrigue): Est-ce qu'il y a consentement de la part des membres de la commission pour prolonger le temps alloué de cinq minutes? Cela va.

M. Lecourt: Si vous voulez, on va peut-être passer directement à l'aspect des incidences de la Loi sur la fonction publique. Cela permettra, je pense, de respecter le délai.

Sur cet aspect qui touche le personnel de la fonction publique, on rappelle quant à nous qu'on a eu souvent des demandes en regard du secret qui entoure la fonction publique, à savoir qu'il n'y a aucune mesure disciplinaire qui puisse être imposée à un employé qui aurait communiqué à un citoyen ou un groupe de citoyens des renseignements qu'aucune loi ou règlement ne précise être confidentiels. Ce qui est posé comme problème, les interrogations au sujet des relations entre les citoyens et le personnel de la fonction publique, sont de l'ordre suivant: actuellement, on se pose la question suivante: Le nombre de demandes qui sont traitées directement entre les fonctionnaires et les citoyens dans les limites de la confidentialité qu'on connaît, on ne voudrait pas que, par le canal unique du responsable de l'accès à l'information, dont on ne précise pas clairement le statut, le personnel de la fonction publique se retrouve dans une situation pire que celle qu'il connaît actuellement où toute transmission d'informations par un fonctionnaire est considérée comme une fuite.

On vous a souligné, avec exemples à l'appui, qu'on est dans une situation actuellement où énormément de restrictions sont apportées par des décisions soit ministérielles, soit de la haute direction. D'autre part, un élément qu'on souligne, c'est qu'il peut y avoir conflit d'interprétation entre les fonctionnaires et leurs supérieurs quant au fait qu'une demande de renseignement soit sujette à la confidentialité ou non. On voudrait donc que, dans les pouvoirs de la commission, lorsqu'elle entend des appels, elle puisse trancher à un litige qui surviendrait dans l'appareil administratif entre employés et supérieurs sur le fait qu'un document soit ou non transmissible.

D'autre part, il nous semble important, compte tenu de la priorité qu'on veut accorder a la transmission des requêtes d'information, que soit précisé qu'un fonctionnaire ne puisse être passible de mesures disciplinaires pour avoir, avec diligence, accompli ce mandat prioritaire, laissant possiblement tomber d'autres activités.

C'est à peu près les éléments qu'on avait à porter à votre connaissance. Il y a peut-être une dernière chose qui n'est pas mentionnée à notre mémoire sur laquelle je voudrais très brièvement conclure, c'est quant à la pertinence ou non de créer une commission d'accès, par opposition - cela a été discuté à quelques reprises aujourd'hui et hier - à une possibilité de déléguer à un organisme existant les pouvoirs qu'on veut confier à la commission.

Quant à nous, c'est mal poser le problème; il nous semble qu'on le pose en termes de restrictions budgétaires. Si on confie à un organisme existant les pouvoirs qu'on veut confier à la commission, parce qu'on croit, comme la commission Paré l'a souligné, que c'est important de rendre accessibles les documents gouvernementaux, de mieux protéger la vie privée, c'est une responsabilité additionnelle de l'Éttat et, qu'on la confie à une commission ou à un organisme existant, il va falloir faire face aux besoins en termes de services. D'une façon ou d'une autre, il va falloir répondre aux besoins. Quant à nous, cela nous semble préférable de les confier à un nouvel organisme, compte tenu de l'importance de l'indépendance de cet organisme. C'est tout.

Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre.

M. Bertrand: Je voudrais dire aux représentants du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec que c'est un mémoire fort complet et fort utile pour la commission. Il n'y a pas beaucoup d'éléments que vous avez laissés de côté dans l'analyse des recommandations de la commission Paré. Vous adoptez, sur l'ensemble du chapitre des restrictions, à peu près la même attitude que la Ligue des droits. Je crois d'ailleurs que vous vous étiez associé à la Ligue des droits, lorsque était venu le temps de préparer un mémoire pour la commission Paré. Je connais bien là l'ensemble de l'argumentation. Je vous pose donc la même question. Est-ce que, jusqu'à un certain point, en demandant

qu'on restreigne au maximum les restrictions de toute nature, que ce soit celles à incidence économique, celles relatives à la sécurité, aux relations intergouvemementales, vous ne croyez pas qu'en ce faisant, à toute fins utiles, on modifie en profondeur les règles du jeu telles que définies à l'heure actuelle?

Il m'apparaissait que la commission elle-même, lorsqu'elle a abordé dans son rapport tout ce chapitre des restrictions, y soit allée en se disant: Notre principe de départ, c'est l'article 9, c'est-à-dire tout document est accessible, mais on est obligé de prendre en considération qu'on vit dans un contexte social, économique, politique qui commande un certain nombre de règles du jeu et que nous n'avons pas ici à contester de quelque façon que ce soit, ce n'est pas notre mandat. Quand on lit votre rapport, pour plusieurs de ces recommandations, vous voulez, à toutes fins utiles, qu'on élimine à peu près tous les éléments de restrictions suggérés par la commission dont on a dit pourtant que l'ensemble de ces recommandations allaient dans le sens de la générosité. Avez-vous un commentaire à faire là-dessus?

M. Hardy (Robert): M. le Président, je ne trouve pas qu'on tente d'éliminer tous les éléments; je ne crois pas qu'on tente non plus de modifier, autant qu'il est souligné, les règles du jeu. Je pense que, dans la partie sur laquelle on a dû peut-être aller rapidement, les nouveaux mandats confiés à la commission, dans notre mémoire présenté à la commission Paré au mois de février, on demandait que les organismes subventionnés à plus de 50% soient couverts; on demandait que les renseignements d'ordre économique des entreprises soient connus et il y avait également une troisième recommandation, dans le sens que la commission entende déjà proposer les mesures pour régir les fichiers privés de renseignements nominatifs. Tout cela, la commission Paré dit: On n'a pas eu le temps d'étudier cela. On comprend, alors c'est très bien. Il faudrait peut-être confier à une nouvelle commission, étant donné qu'elle a été efficace dans cette proposition de loi, le mandat d'étudier ou de présenter d'autres propositions de loi sur ces sujets. Ce sont des sujets qui risquent de modifier des mesures qui, à notre sens, le méritent. Je trouve le jugement un peu sévère, si on pense particulièrement à notre recommandation à l'article 27 qui est de supprimer le premier paragraphe, soit les renseignements qu'un organisme obtient d'un tiers et, alors, l'organisme n'aurait qu'à indiquer que les renseignements qu'il fournit sont confidentiels. Quant au second paragraphe de l'article 27, qui prévoit un certain nombre de critères pour assurer suffisamment le respect, la confidentialité des renseignements qui pourraient nuire aux organismes - soit dit en passant, les syndicats sont compris de la même façon que les entreprises, on n'a pas tenté de s'exclure, pas plus que les autres - nous croyons que les règles du jeu vont sûrement modifier dans un sens positif, mais nous croyons toujours que notre recommandation mériterait d'être reçue.

M. Lecourt: Un aspect, en particulier, nous concerne plus directement, c'est celui du travail des fonctionnaires qui produisent des avis, des recommandations, des analyses. La façon dont la commission apporte des restrictions, particulièrement en termes de délai, à la divulgation de l'information, semble-t-il, a pour effet de limiter trop souvent la discussion publique au moment où certaines décisions d'ordre politique doivent être prises. Je pense que ce sont des restrictions qui, si elles étaient levées, ne nuiraient pas à la décision politique, aux débats politiques qui se font dans un Conseil des ministres, au niveau des sphères politiques, mais cela permettrait la levée de certaines de ces restrictions au moment de la prise de décision, pour donner un meilleur éclairage à la population sur des analyses qui, évidemment, sont peut-être différentes des prises de décision politique. Cet aspect de la démocratie dans laquelle nous vivons me semble un peu écorché par les restrictions, les délais de dix, vingt ans.

M. Bertrand: Je vais vous poser une question bête et méchante. Vous ne m'en voudrez pas.

M. Lecourt: Non, on n'est pas rancuniers.

M. Bertrand: On travaille ensemble de toute façon alors je pense qu'on peut se parler très franchement. Est-ce que, dans cette volonté de ne pas restreindre l'accès à l'information pour ce qui concerne les avis émanant entre autres dans certains cas, des professionnels du gouvernement, il n'y a pas là-dedans l'expression d'une certaine frustration que vous ressentez à l'occasion d'avoir travaillé sur la préparation d'avis, de recommandations, d'avoir servi de consultants et de sentir que, dans le cadre du processus décisionnel, on en n'a pas tenu compte ou que même, dans le cadre du processus menant à la décision, il y a eu un blocage qui s'est fait et les avis et recommandations des professionnels ne se sont pas rendus? Est-ce qu'il y a là-dedans un peu l'expression d'une forme de frustration ressentie par le milieu des professionnels quant au rôle qu'ils jouent à l'intérieur du gouvernement qui n'est pas celui des cadres, qui eux doivent avoir davantage le sentiment que leurs avis et recommandations se rendent plus

rapidement dans les centres de décision, mais qui est celui de ces personnes qui ne sont encore ni des adjoints aux cadres supérieurs ni des cadres et qui ont l'impression que leurs avis et recommandations sont retenus quelque part dans la hiérarchie qui mène vers la prise de décision?

M. Lecourt: De toute façon, vous parlez des cadres, des professionnels. Je pense que, dans la majorité des cas, les analyses et au moins les premières ébauches de recommandation sont faites, dans la plupart des domaines, par des professionnels; les adjoints aux cadres s'occupent plutôt des questions administratives, sauf certaines catégories limitées. C'est sûr, je pense que ce n'est un secret pour personne, qu'il y a parmi nos membres souvent une perception que leur travail ne sert à rien, sinon à garnir les tablettes. C'est le cas de certaines personnes qui vivent effectivement des situations de ce type. Je pense qu'elles souhaitent que ces documents soient portés à la connaissance du public qui les paie. (17 heures)

D'ailleurs, pour vous souligner comment cette perception se traduit même dans l'approche de la commission, du moins à la façon dont on en a fait la lecture, il y a un délai plus long pour la publication d'analyses, d'avis ou de recommandations produits par le personnel de la fonction publique que pour des analyses et recommandations produites par des gens de l'extérieur. On le souligne dans le mémoire: il y a une incongruité en termes de délai. C'est peut-être tout à fait involontaire, mais cela a peut-être un peu rehaussé cette impression qu'on veut qarder trop souvent les employés de l'État au secret.

M. Bertrand: À l'article 30 sur la sécurité publique, vous indiquez qu'en ce qui concerne le premier alinéa où on fait mention de refus "de confirmer l'existence ou de communiquer un renseignement lorsque sa divulgation serait susceptible d'entraver le déroulement d'une poursuite judiciaire ou d'une enquête", on devrait mentionner très spécifiquement qu'il s'agit d'enquêtes dont l'objectif est d'intenter des poursuites judiciaires.

Il y a des professionnels - je m'adresse à vous vraiment comme professionnels - dont la responsabilité est à l'occasion de mener des enquêtes. Je prends l'exemple des agents de la faune, à certains moments, ou d'autres corps d'emploi qui doivent mener des enquêtes et qui, dans le cadre du déroulement de leur enquête, veulent avoir le sentiment que l'organisme public va garder secrets ces renseignements. Est-ce que cela ne risquerait pas un peu de compromettre l'exercice même du travail de certains professionnels plutôt que de le faciliter?

M. Hardy: II y a effectivement de nos membres qui peuvent être impliqués dans des recherches et qui le sont dans des enquêtes de toutes sortes. Par rapport à l'article 30, notre réaction est plus celle du citoyen que de tenter de retrouver tous les cas où il y aurait des enquêtes qui ne devraient pas être couvertes de façon aussi large.

Maintenant, si on parle de préciser: enquête devant mener à une poursuite judiciaire, c'est pour éviter que cela s'applique à beaucoup d'enquêtes de routine. Dans le cas qui est soulevé, si l'enquête est en vue de poursuivre les contrevenants - on a vu, à un moment donné, des chasseurs pratiquer la chasse illégale du chevreuil à l'île d'Anticosti, par exemple - si c'est une enquête pratiquement policière en vue d'une poursuite judiciaire, dans ce cas-là on croit que cela pourrait être effectivement protégé. Sauf que, tel que le premier alinéa de l'article 30 est rédigé, cela semble réellement ouvrir un trop grand secret.

M. Lecourt: J'aimerais ajouter que notre réaction, sans entrer dans le détail, est aussi inspirée par les événements récents qu'on a connus à l'occasion d'enquêtes comme celle de la commission Keable ou de la commission McDonald où on fait des enquêtes qui ne mènent pas à des poursuites judiciaires. On connaît très bien tout ce problème des menaces à la supposée sécurité nationale.

M. Bertrand: II y a une remarque que vous faites que je trouve particulièrement intéressante. Vous demandez qu'à un moment donné la loi prévoie que les documents publics que nous aurons à rendre accessibles aux citoyens puissent être identifiés, entre autres en ce qui a trait à l'auteur du document, à son titre professionnel, à l'unité administrative à laquelle il appartient et j'ajouterai à la qualité du document. On a vu, entre autres, très souvent, avant même qu'il existe une loi d'accès à l'information gouvernementale, l'Opposition - c'est de bonne guerre - demander que des documents soient rendus accessibles ou encore des documents qui ont coulé et qui faisaient partie du processus de prise de décision, qui étaient des documents purement d'analyse, d'hypothèses, ou qui étaient des documents préparatoires à une série d'analyses et qui donc se situent à un point plus ou moins stratégique dans le processus de décision. Ce que vous nous demandez, est-ce de prévoir qu'on puisse le plus possible qualifier la nature du document dont on a la possession, après avoir indiqué, bien sûr, quel en est l'auteur, à quelle unité administrative il appartient, quel est son titre professionnel? Ne croyez-vous pas opportun aussi d'indiquer - et je pense que cela peut être intéressant pour la personne qui a accès au document -

quelle est la qualité de ce document dans le contexte où il a été préparé? Il peut s'agir à un moment donné de la première ébauche d'une série de quinze avant qu'on parvienne à la seizième qui, elle, est finalement retenue pour la prise de décision. Là-dessus, avez-vous des suggestions à faire? Cette façon de procéder vous apparaîtrait-elle appropriée? Est-ce faisable?

M. Hardy: Je crois que c'est faisable et nous croyons que c'est souhaitable pour la raison suivante: II arrive souvent que des documents réalisés par nos membres soient modifiés au cours de leur cheminement au niveau des gestionnaires, au niveau administratif ou au niveau politique. Quand un document est rendu public, d'autant plus que l'on demande que les avis, les recommandations ainsi que les analyses soient rendus accessibles le plus rapidement possible, il serait important, étant donné aussi que les noms des gens seraient connus, que le document original - et on dit à un moment donné non altéré - soit celui rendu public pour que le citoyen fasse la différence entre le document d'avis, de recommandation ou d'analyse du professionnel, du fonctionnaire et le document une fois qu'il a pu être modifié à un autre niveau. Ceux qui auront des considérations politiques ou administratives pour modifier les avis ou les recommandations pourront expliquer leur point de vue. Quand on ajoute à un endroit qu'il y a des commentaires qui pourraient être annexés, c'est pour tenir compte du fait qu'une fois qu'un document est paru les conditions peuvent amener un professionnel à modifier son avis, parce que la réalité a changé. À ce moment-là, si la personne veut annexer une note à son document, cela devrait lui être permis pour renseigner au mieux le citoyen qui aura accès au document. Il saura mieux à quoi s'en tenir.

M. Bertrand: Vous semblez craindre d'une certaine façon que la nomination d'un agent, d'un responsable de l'accès dans chacun des organismes qui seront couverts par la loi ne vienne indiquer à l'ensemble des autres fonctionnaires qu'à partir de maintenant, la seule personne qui a la responsabilité de rendre des documents accessibles, de parler aux citoyens ou de communiquer avec des groupes ou des individus qui veulent obtenir des renseignements du gouvernement sera effectivement responsable de l'accès. Vous semblez craindre que l'ensemble des fonctionnaires du gouvernement du Québec ne puisse plus, dans l'avenir, communiquer des renseignements. Est-ce à dire qu'à l'heure actuelle tout fonctionnaire se sent tout à fait libre de laisser circuler quelque information que ce soit et de s'approprier la responsabilité de rendre publics des documents qui, normalement, même dans le cadre de l'application d'une loi d'accès à l'information gouvernementale, devraient demeurer confidentiels?

M. Lecourt: II est bien évident qu'actuellement on ne peut pas faire circuler n'importe quel document. Les politiques varient énormément d'un organisme à l'autre. Certains organismes, quant à la diffusion de documents ou d'information verbale à l'égard du public, au sens large, ont une politique relativement ouverte, transparente. D'autres organismes ont une politique du secret le plus absolu pour les vétilles. Cela varie d'un organisme à l'autre; là-dessus, c'est la tradition qui fait foi de toutes sortes de comportements.

Le son de cloche qu'on a voulu apporter, c'est que la commission propose un cadre général, un projet de loi. Si le projet de loi retient ce cadre, il faudra le mettre en place, question d'opérationnalisation. On a voulu poser un certain nombre de questions, on n'a pas les réponses, mais on a déjà des questions quant au statut des responsables à l'information, quant à leurs relations avec l'administration. Ces questions, on n'en a pas les réponses toutes faites, mais on soulève un élément, c'est que, dans certains organismes qui ont, par tradition, des contacts assez ouverts avec le public, on ne voudrait pas que la nomination d'un responsable de l'accès à l'information amène à travers la fonction publique une approche, comme on en voit très souvent, très bureaucratique, très hiérarchique des rapports avec les citoyens, de telle sorte que, là où il y a une certaine transparence, pour une raison ou pour une autre, ça disparaisse, ce soit entravé. C'est ça, notre souci.

M. Bertrand: II y a des centaines, pour ne pas dire des milliers de fonctionnaires dont c'est la responsabilité directe de communiquer avec la population. Je pense, par exemple, à tous les agents d'aide sociale, à tous ceux qui travaillent dans les centres de main-d'oeuvre, évidemment aux gens qui travaillent dans les bureaux de Communication-Québec, etc. Il y a des gens qui, par définition, doivent donner de l'information et doivent communiquer avec la population. Je vous avouerai que, comme ministre, mon impression, souvent, ce n'est pas d'avoir assisté... Là, je ne voudrais pas avoir l'air d'ouvrir une porte dans laquelle tout le monde se permettrait d'entrer trop rapidement, mais mon impression, c'est que ceux qui ont vraiment la responsabilité de communiquer et d'être en contact avec les citoyens, à l'occasion, ne jouent pas ce rôle à plein. Dans les cas où il y a une certaine discrétion qui devrait être gardée à cause de la responsabilité assumée par le fonctionnaire, la tentation est plus grande de

vouloir diffuser ou communiquer avec la presse ou des gens qui auraient tout intérêt à obtenir des documents qui, autrement, ne seraient pas obtenus.

Est-ce votre impression qu'il existe un tel état d'esprit dans la fonction publique? Je vais vous donner l'exemple des centres de main-d'oeuvre. Il y a beaucoup de gens qui viennent me voir à mon bureau de comté et qui reviennent avec des rapports souvent très négatifs sur l'accueil qu'ils ont reçu en arrivant au centre de main-d'oeuvre. Par définition, voilà des gens dont la responsabilité est de communiquer, d'être en contact, d'accueillir, d'être réceptifs et de donner le maximum d'information. Je vous avoue que, dans notre bureau de comté, des gens viennent tous les lundis nous raconter ce qui se passe sur le fonctionnement des centres de main-d'oeuvre, alors qu'on s'attendrait que là, à cause même de la définition de tâche donnée aux fonctionnaires, il y ait la plus grande communication possible, et c'est agaçant. Je pense bien qu'il n'y a pas de problème, la loi, à ce point de vue, ne viendra pas empêcher ces gens de continuer de faire leur travail, au contraire.

Il y en a d'autres dont la définition de tâche n'est pas du même ordre et qui, au contraire, par définition, accomplissent un travail qui les contraint, à toutes fins utiles, à garder pour eux les informations qu'ils détiennent ou à ne les communiquer qu'à des personnes à qui elles doivent être communiquées par définition, c'est-à-dire un supérieur hiérarchique. Dans ce contexte, c'est là que peut se poser le problème du coulage des documents qui sortent alors que, normalement, ils devraient être confidentiels. Est-ce que votre perception de la fonction publique, telle que vous la connaissez, au niveau, en tout cas, du milieu des professionnels, est un peu à cet effet? (17 h 15)

M. Lecourt: Vous en faites une description tellement négative que... Vous êtes en train de dire que là où la population doit avoir des services, elle ne les a pas, et là où les informations ne devraient pas se rendre aux citoyens, elles se rendent. J'avoue que c'est difficile de répondre, ce n'est pas une question, c'est une opinion que vous émettez, jusqu'à un certain point.

M. Bertrand: J'essaie de comprendre votre remarque sur les relations avec les citoyens. Vous craignez, jusqu'à un certain point, que la création du poste de responsable de l'accès puisse siqnifier qu'un fonctionnaire ne pourrait plus répondre sans autorisation aux demandes d'information des citoyens, même pour les sujets les plus anodins. Cela veut dire que la loi ne doit pas servir d'éteignoir à l'égard de la faible marge de manoeuvre dont disposent déjà les fonctionnaires, sur le plan de l'information, sur le plan de la divulgation des documents.

M. Lecourt: Quant à la question, si je peux essayer de l'illustrer concrètement, comme je vous ai souligné tantôt, il y a certains organismes gouvernementaux qui pratiquent le culte du secret et c'est poussé à l'extrême. Dans d'autres cas, il y a une certaine ouverture. Si vous travaillez, comme cela arrive souvent, dans un organisme gouvernemental qui doit être en relation avec des entreprises, des groupes de citoyens, etc., et il y a une politique relativement ouverte de communication, d'information, qui n'est pas, de par leur nature même, confidentielle, qui ne touche pas des individus, mais par exemple, l'organisme produit une recherche... Vous êtes dans un ministère, j'en prends un que je connais bien, Travail et Main-d'oeuvre, pour y travailler, vous communiquez relativement facilement des informations, des recherches, à des syndicats, à des employeurs, sur des conventions collectives, sur l'état du marché du travail, si vous avez toute une structure qui se met en place de responsable de l'accès à l'information, la question qu'on se pose est la suivante: est-ce que les informations qui circulaient relativement librement par un canal que je qualifierais d'informel, pas un canal secret, parce que ça ne fait pas la manchette des journaux comme des révélations extraordinaires... est-ce que vous ne mettrez pas en place une structure très étroite où, tout à coup, il arriverait une directive qui va dire: désormais, pour toute demande d'information émanant du service de recherche, ça doit passer par tel individu. C'est simplement une espèce de mise en garde pour éviter qu'on multiplie les contrôles bureaucratiques.

On a posé la question peut-être de la mauvaise façon, mais je peux la reformuler. Il s'agit du titre ou poste de responsable de l'accès à l'information, quelle va être sa place dans les ministères et organismes?

M. Bertrand: Je pense pouvoir répondre à votre question en disant que peu importe l'existence de cette personne, de son poste, de sa responsabilité, ça ne doit entraver en rien le fonctionnement normal de l'appareil administratif, et que tous ceux dont c'est la responsabilité de fournir de l'information et de communiquer avec les gens de façon formelle ou informelle, à cause même de la nature de leur tâche, ils doivent se sentir on ne peut plus libres de le faire et même de l'accentuer dans certains cas, parce que la population a l'impression, dans certains cas, qu'effectivement, il est très difficile d'entrer en contact avec l'appareil administratif, pour un certain nombre de choses.

M. Lecourt: Dans votre remarque, vous

souleviez un tout autre problème qui pourrait faire l'objet d'une discussion intéressante en commission parlementaire, mais c'est tout le problème de l'accès des services à la population et la qualité des services, dans un sens.

M. Bertrand: Le problème de la relation entre l'État et le citoyen nous préoccupe au plus haut point. Il y a des députés autour de la table, et c'est la situation qu'on vit, surtout à Westmount, où on doit effectivement se bousculer à la porte du bureau du député tous les lundis matin, à cause de problèmes de chômage. Une des remarques qui nous est souvent faite par les citoyens, c'est que là où on s'attend... c'est pour ça qu'on a mis en place des politiques d'identification visuelle, d'identification sonore, il y a un problème de contact et de relation très réel. Bien loin de souscrire à la crainte que vous avez, je me dis: II faut que les fonctionnaires aient le sentiment que la création d'un tel poste et l'introduction de la loi d'accessibilité à l'information gouvernementale ne les dégage pas de la responsabilité qu'ils ont et qu'ils doivent continuer d'avoir, de maintenir des relations avec les citoyens.

M. Lecourt: Simplement pour vous situer un peu dans la fonction publique, ce à quoi vous faites référence, ce sont les services directs à la population. On s'en préoccupe comme syndicat, mais moins directement, si vous voulez, que peut-être d'autres syndicats de la fonction publique, parce que les membres qu'on représente sont rarement dans une situation de fournir directement des services à la population. La préoccupation, on l'a comme organisme. Quand on parle de négociations, ces questions sont abordées. La préoccupation qu'on a voulu exprimer, c'est un peu par rapport à la situation des membres de notre syndicat qui travaillent souvent dans des activités de recherche ou de suivi, d'application de lois et de règlements, mais un peu derrière le public immédiat, le grand public, comme citoyen individuel. Il s'est établi dans certains organismes des relations où se transmet relativement librement l'information qui n'est pas confidentielle à sa face même, par toutes sortes de canaux, de relations avec des entreprises, des organismes, des groupes de citoyens. On ne voudrait pas, je ne veux pas revenir sur la remarque de tantôt. C'est surtout notre préoccupation d'éviter de créer de nouveaux canaux bureaucratiques. C'est un peu le souci de votre gouvernement et de l'Opposition aussi, de ce temps-là.

M. Bertrand: Pour répondre à votre question, effectivement, là n'est pas notre intention. Au contraire.

M. Lecourt: Je pense qu'il y a un autre élément qui est fort important. Quand on va arriver à l'application concrète de la loi, cela devrait se traduire dans des conventions collectives, cela devrait se traduire par des règles administratives. Le mémoire n'insiste peut-être pas assez là-dessus. Il est important aussi d'accorder une protection au personnel de la fonction publique par rapport à la loi, dans le sens d'avoir véritablement un droit d'appel si l'individu est présumé avoir fait des fuites ou encore présumé cacher sciemment de l'information. On a accueilli le rapport de la commission comme une volonté réelle d'ouverture. Je souligne, entre autres, l'abolition du serment de discrétion qui a un caractère très féodal. On ne voudrait pas que ce soit remplacé par un autre mécanisme qui soit tout aussi contraignant.

M. Bertrand: On a bien réfléchi nous aussi pour savoir si cette loi n'allait pas nous donner une ouverture quelconque pour qu'on puisse abolir notre serment d'allégeance. Il semble que non.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Westmount.

M. French: Je voudrais toucher une situation où vos membres se trouveraient un peu plus souvent en contact direct avec le grand public, c'est-à-dire la publication ou la divulgation d'une de vos études, d'une analyse faite par un de vos membres, et les retombées négatives possibles dont vous n'avez pas parlé, mais je sais pour l'avoir vécu que ce n'est pas facile d'être compris dans le grand public. J'ai écrit un document qui était dirigé vers une fin et qui est conçu ou compris, lu pour avoir un tout autre objectif.

D'abord, le ministre dit: C'est la plus grande folie que j'aie vue de ma vie, je n'ai rien à faire avec cela. C'est stupide. C'est un de mes fonctionnaires. Deuxièmement, les journaux commencent à s'en occuper. Ils font toutes sortes de commentaires. Ton nom est utilisé librement. Tu n'as aucune possibilité de faire comprendre ton optique dans tout cela. Troisièmement, si on a fait ces recommandations dans un cadre politique assez contraignant, ce qu'on fait souvent, parce qu'on sait qu'il y a un nombre de possibilités, politiquement parlant, et on ne dit pas explicitement dans le document: Écoutez, je pense qu'on devrait faire ceci, mais tout le monde sait que c'est impossible avec ce gouvernement. Donc, je vous recommande de faire cela. C'est le meilleur compromis que je puisse imaginer, le plus près de l'objectif visé, celui que je trouve professionnellement le meilleur. Tout cela échappe totalement à l'attention du public aussi. Je vous pose la question: Est-ce que

vous avez des craintes à ce sujet? Est-ce que cela vous préoccupe? Est-ce que vous avez mentionné à vos membres la possibilité que cela arrive?

M. Lecourt: II peut y avoir des situations difficiles ou malencontreuses à l'égard d'un ou de plusieurs de nos membres parce qu'une étude serait publiée dans la plus totale légalité au bout d'un délai. C'est inévitable; je pense qu'on est ici en face d'un choix entre deux types de contraintes. En tout cas, c'est le raisonnement auquel on est arrivé. C'est que vous avez, d'une part, une certaine contrainte de travailler dans le secteur public, dans le sens suivant: c'est que vous travaillez dans un organisme dont l'ensemble des citoyens est propriétaire et, par conséquent, on est redevable à l'ensemble des citoyens. Cela fait partie de la contrainte de travailler dans le secteur public. Ce que vous allez faire, c'est public par opposition à la plus grande partie des activités dans une entreprise privée. C'est une contrainte, mais vous pouvez la mesurer aussi par opposition à une situation souvent vécue par nos membres, la contrainte du secret, à ce à quoi tantôt M. le ministre faisait allusion, soit la frustration de bon nombre de professionnels de ne jamais voir leurs travaux se rendre autrement que sur la tablette "décédés". Je pense que la perception de la majorité de nos membres, c'est de faire face au premier type de contraintes, de dire: Cela peut se produire, cela fait partie du travail dans le secteur public, dans les services publics.

M. French: C'est une arme à deux tranchants, mais vous êtes prêts à faire le pari.

M. Lecourt: C'est sûr. Ce que je veux souligner, c'est que - cela a été souligné par différents intervenants ici, autant du côté des députés que du côté des organismes qui témoignent - une loi comme celle-là impose des contraintes, mais c'est le choix politique qui est à faire. Quant à nous, comme organisme de représentation et de pression, on fait le choix en faveur de l'ouverture et de la liberté, avec les contraintes que cela représente.

M. French: Une des mesures que vous avez imaginées pour améliorer cette situation, c'est le droit d'ajouter un addendum quand le document est pour être publié. Si j'ai bien compris, l'auteur du document aurait le droit, d'après vos recommandations, ou peut avoir le droit d'ajouter un addendum, explications, apologie, je ne sais quoi, quand le document est pour être publié. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Hardy: L'idée, M. le Président, d'ajouter une note va dans le sens suivant: par exemple - je vais essayer de prendre un exemple concret - un agronome arrive à la conclusion que tel champ ou telle région est propice à telle culture. Il produit une analyse et fait des avis et recommandations dans ce sens. Or, quelques mois plus tard ou quelque temps plus tard, il se produit un épandage d'insecticide ou de je ne sais trop quel produit qui fait en sorte que le document qu'il a déjà produit, l'avis ou la recommandation qu'il a déjà fournis pourraient nécessairement être différents. À ce moment-là, on pense que l'auteur pourrait être nécessairement autorisé à ajouter une note au document faisant la mise au point que les conditions ont amené que les informations que renferme le document ont besoin d'être analysées à nouveau ou quelque chose comme cela.

M. French: Cela me paraît tout à fait acceptable dans une telle situation. Par contre, je dois encore une fois évoquer une situation un peu plus contestataire. Au point de vue politique, ce serait extrêmement dangereux qu'un fonctionnaire ait le droit de faire un commentaire public, "one shot", une fois, au moment de la publication pour essayer en quelque sorte d'alléger, de changer, de tailler aux besoins politiques du moment le document en question. Est-ce que cela n'amènerait pas inévitablement le fonctionnaire en question à devenir une espèce d'acteur politique, une espèce d'agent politique?

M. Hardy: Dans notre esprit, il n'était pas question de donner au fonctionnaire un droit de réplique sur son avis, mais bien de parfaire son avis ou, au moins, d'aviser le public que l'avis, la recommandation ou l'analyse qu'il fait pourrait être différent compte tenu d'un changement dans les faits. (17 h 30)

M. French: Quant à vos interrogations sur le statut du responsable de l'accès à l'information, il y avait au moins deux problèmes. Si j'ai bien compris, dans un cas où un de vos membres, qu'il soit préposé ou non, n'est pas d'accord avec les autorités supérieures de l'organisme quant à l'application d'une exception quelconque, vous voudriez que ce fonctionnaire ait le droit de comparaître devant la commission pour plaider le cas pour l'application ou la non-application, le cas échéant, d'une exception en particulier. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Hardy: C'est en partie cela. Le problème qu'on pressent est le suivant: Si un fonctionnaire croit qu'un document doit être rendu accessible selon sa compréhension de la loi et que son supérieur croie au contraire qu'il ne doit pas l'être ou bien l'inverse, à ce moment-là, nous croyons, étant donné

qu'il y a quand même des poursuites possibles que la commission peut prendre à l'endroit des deux, qu'il serait préférable que la commission puisse arbitrer les litiges de cet ordre avant d'en arriver possiblement à poursuivre un fonctionnaire.

M. French: Je voudrais clarifier cela. Dans mon esprit, cela devient un outil de relation de travail qui risque de distorsionner un peu le fonctionnement de la commission, mais je ne pense pas que la commission ait le droit d'actionner un fonctionnaire en particulier, je pense que c'est le requérant, peut-être que je me trompe? Je ne pense pas que la commission...

M. Lecourt: La commission a droit de poursuite en vertu de l'article 145.

M. French: II me semble que ce qui est critique, c'est à la page 36, c'est justement le statut du responsable de l'accès. Vous dites: Ils sont responsables de leurs actes devant la commission de l'accès, mais quels comptes doivent-ils rendre à leurs supérieurs ou à celui qui leur a délégué des responsabilités? Ont-ils un lien d'autorité sur les autres fonctionnaires? À qui et comment doivent-ils acheminer les demandes?

Quant à leur statut, il me semble qu'ils ont un statut très étroit, c'est dire au grand public à qui faire les démarches pour amorcer le processus d'accès. Ils n'ont pas, d'après moi, au sein de la fonction publique et au sein de leur ministère, plus de responsabilités que cela. Dans le fond, si on parle d'une institution ministérielle, chaque décision quant à l'application d'une exception devrait se prendre au nom du ministre; elle devrait relever du sous-ministre et du ministre, elle ne devrait pas mettre en péril le fonctionnaire ou ses collègues. Comme n'importe quelle autre décision politique ou décision administrative qui se prend au sein du ministère, cela relève du ministre ultimement. Je verrais d'un très mauvais oeil que l'individu se sente déchiré entre une influence politique qui vient de ses supérieurs et ses propres convictions quant à l'application de l'exception, etc. Le noeud de la chose est entre le requérant, la commission et le ministère ou organisme comme entité et pas entre un des membres de votre syndicat ou un fonctionnaire quelconque et les autres participants dans le système.

M. Lecourt: Un des problèmes qui se posent et qui devraient être résolus c'est que vous avez une perception du râle du responsable comme étant une espèce de personne qui se situe entre l'appareil de son ministère et un citoyen ou un organisme requérant. Ce n'est pas si évident par les pouvoirs qui sont confiés au responsable de l'accès. Cela peut se lire autrement, cela peut se voir tout aussi bien comme ceci: Cette personne, à l'intérieur d'un ministère, a le pouvoir d'ordonner à certaines directions de transmettre l'information qu'elles possèdent, le pouvoir d'interpréter la loi pour l'organisme concerné. Cela n'empêche pas le droit d'appel du requérant qui se sentirait lésé mais elle a le pouvoir de dire: Ce document n'est pas accessible. Si le requérant n'est pas d'accord, il fera appel. Ce n'est pas clair. C'est cet aspect qu'il est important...

M. French: Ma perception serait qu'il a la responsabilité de conseiller le ministre et le sous-ministre à ce sujet, mais n'a pas le pouvoir de prendre une décision. Si, dans les faits, il prend une décision, ce n'est pas pertinent quant à la responsabilité ultime de la décision. On sait très bien que les fonctionnaires prennent des décisions constamment, mais, dans le fond, c'est le ministre qui prend des décisions. Et si je pose une question, le ministre ne me dit pas: M. le député de Westmount, allez voir mon fonctionnaire. II dit: Oui, d'accord, c'est correct, ce n'est pas correct. Je ne pense pas que cette décision... Je verrais d'un mauvais oeil une loi qui changerait cette situation quant à cette loi.

M. Lecourt: Je comprends, mais, sous l'angle de l'employé, du professionnel, c'est sûr qu'en dernier ressort, vous êtes toujours dans une situation décisionnelle déléguée sauf que si, par exemple, un ingénieur membre de notre syndicat commet une faute professionnelle, il va être poursuivi comme individu. Il peut être poursuivi conjointement avec son employeur, mais il a exercé un pouvoir de décision délégué. La même question va se poser à nouveau au niveau de l'application de cette loi.

M. French: Je vous suqgère que, s'il a fait une erreur de bonne foi, suivant les règlements de son ministère ou de son organisme, ce serait une excellente défense de sa part. Et une telle situation ne couvre jamais la situation de faute professionnelle, une telle défense ne serait pas valable dans un tel cas.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Nicolet.

M. Beaumier: Tout d'abord, je remercie le Syndicat de professionnels de ses excellentes suggestions et même de ses dispositions prometteuses. Quand vous parlez par exemple de réduire le délai pour répondre à une demande d'information de 20 jours à 15 jours et la prolongation de 10 à 5 jours, je trouve que cela dénote une attitude nettement positive et qui va à l'encontre

souvent des critiques auxquelles faisait allusion tantôt le ministre. C'est tout à votre éloge.

Ce qui m'inquiète ou ce sur quoi je m'interroge actuellement, cela concerne les délais de libération d'un document. Vous suggérez entre autres que le délai de dix ans, qui est prévu à l'article 29, soit remplacé par un accès à ces mêmes renseignements dès la signature de la convention collective.

Vous alléguez aussi comme exemple les études qui sont réalisées dans le cadre de la préparation d'un budget et qui sont secrètes jusqu'à ce qu'il y ait dépôt de ce même budget. Ce qui m'inquiète, je pense que vous devez l'imaginer tout de suite, c'est que des stratégies de négociation, quand on sait l'impact que cela peut avoir au point de vue social et au point de vue économique, comportent un certain nombre de désavantages, à prime abord, comme de les rendre disponibles dès la signature de la convention et je ne vois pas, d'autre part, d'avantages, sauf le principe de l'accès à l'information.

D'ailleurs, dans le rapport Paré, à la page 41, la raison pour laquelle les commissaires ont décidé de limiter la durée de cette exception à dix ans, c'est qu'on considérait que c'était un temps pendant lequel les stratégies de négociation et les conditions socio-économiques sont susceptibles de changer suffisamment pour permettre une large divulgation.

Ce que j'aimerais savoir de votre part, c'est votre opinion sur deux choses, que vous nous expliquiez davantage quelles seraient les raisons pour lesquelles vous voudriez que ce soit dès le lendemain de la sigqnature de la convention collective et, d'autre part, si vous avez un peu approfondi l'impact social que pourrait avoir la divulgation de tels renseignements, surtout concernant la stratégie de négociation.

M. Hardy: À la deuxième partie de votre question, si nous avons approfondi longuement l'impact social, la réponse est négative. On n'a pas eu le temps de le faire.

Quant à la première partie de la question...

M. Beaumier: Excusez. Sur la deuxième partie, quelle serait votre réaction première. Si vous n'avez pas eu le temps d'approfondir, moi non plus d'ailleurs, mais quelle serait votre réaction? La mienne me semble un peu négative. Mais je voudrais savoir la vôtre.

M. Hardy: La nôtre serait plutôt positive dans le sens où cela pourrait assainir les relations. On parle de stratégie de négociation dans le cadre d'une convention collective. Je pense que cela pourrait assainir les relations qui, nécessairement, dans le cadre d'une négociation, opposent deux parties. Si nous avons proposé de ramener à la fin, c'est-à-dire au moment de la conclusion de la convention collective, le délai de dix ans, c'était d'abord et avant tout en réaction très forte au délai de dix ans que nous trouvions très long. Notre position émane de la comparaison que l'on fait avec les études du budget. On pense qu'effectivement dans le cadre d'un budget, les décisions et les stratégies qui amènent la constitution d'un budget sont aussi très importantes et si, dans ce cadre, les analyses peuvent être disponibles dès la remise du budget, on pense que pour un secteur particulier, comme le cadre d'une négociation, il pourrait en être de même.

Quant à la durée de dix ans à zéro, s'il y avait un moyen terme, comme je vous l'indiquais tantôt, notre réaction était d'abord que le délai de dix ans nous semblait assurément très long et uniquement de nature à conserver le climat dans lequel se déroulent les négociations, ou du moins celles qu'on a connues récemment.

M. Lecourt: Je peux peut-être ajouter deux choses. On se fait fort en période de négociation, du côté patronal, d'invoquer que dans le secteur public, cela représente de 50% à 75% selon les sous-secteurs les coûts salariaux et autres des négociations. D'autre part, on se fait fort aussi de parler des effets d'entraînement, sur le secteur privé, des négociations dans le secteur public. Donc, on met l'emphase sur l'importance des négociations pour la société québécoise et sur le fait de bien savoir à quoi on s'engage. Les négociations se produisent aussi dans un contexte où, du côté patronal, à cause de la structure décisionnelle, on peut pas mal plus facilement garder le secret sur les mandats et les stratégies. Le débat se fait pas mal plus à huis clos. En milieu syndical, c'est difficile de garder le secret, parce que les décisions se prennent à plusieurs, de sorte qu'on se retrouve un peu en termes de déséquilibre même pendant le coup, pendant que cela se passe. On ne demande pas que les stratégies soient dévoilées au fur et è mesure qu'elles se préparent, mais vous êtes déjà dans un déséquilibre pendant que se passent les négociations. À la fois parce que vous êtes dans un déséquilibre et à la fois parce que c'est censé être si important, il me semble qu'il n'y a pas lieu de cacher plus longtemps ce qui s'est passé. C'est sûr que cela peut avoir un impact social, mais la loi va avoir un impact social inévitablement en faisant connaître... On n'a qu'à rappeler ce qui s'est passé aux États-Unis avec la loi, même dix ou quinze ans après que certains événements se soient produits. Le fait de les connaître a un impact social, mais c'est le but de la loi, ou plutôt, c'est l'effet.

M. Beaumier: Mais prenons la pire hypothèse ou la meilleure, - cela dépend de quel côté on est. Après une entente, une convention collective signée, les stratégies sont mises à la lumière dès le lendemain. Imaginez si jamais il y avait eu une stratégie inacceptable ou des aspects qui seraient à relever avec aussi les éléments de rancoeur qui peuvent arriver à la suite d'une convention alors qu'il y a eu entente - quand il y a eu entente, il y a eu entente, finalement - vous ne trouvez pas que ça pourrait tout simplement rejeter de l'huile sur le feu? S'il n'y avait pas eu entente, c'est un autre problème. D'autant plus qu'on sait très bien - j'en avais parlé tantôt - que le budget, quand même, ce sont des études, ce ne sont pas des négociations entre des partenaires sociaux, c'est sur une durée d'un an, ce sont des études, ce n'est pas du tout le même poids d'investissement, au point de vue humain, au point de vue social et économique, que celui que peut avoir des négociations surtout dans les secteurs public et parapublic. (17 h 45)

Quand on dit dix ans, c'est trois négociations. On sait très bien que d'une négociation à l'autre ça se tient quand même un peu. C'est ce que semble dire le rapport Paré: Au bout de dix ans, les méthodes et les stratégies de négociation et le contexte socio-économique ont suffisamment changé et on se donne une chance que, une fois dévoilé, ça pourrait servir aux historiens, mais non à continuer peut-être un conflit social ou une mésentente sociale qui a duré assez longtemps que, quand ça se ferme avec une convention collective, c'est aussi bien de passer à autre chose. C'est mon inquiétude.

M. Lecourt: C'est difficile de trancher clairement au couteau les situations sociales avant de les avoir vécues et de les évaluer. Je pourrais très bien vous répondre que le fait de divulguer ça, c'est vrai que ça peut créer, à court terme, un bouleversement, mais le fait de ne pas divulguer une stratégie qui peut s'avérer, dans l'avenir, suicidaire, une stratégie, par exemple, fondée sur la menace, une fausse menace, peut très bien provoquer du succès et, à un moment donné, une entente. La prochaine fois, on dit: Cela a bien marché, on l'essaie à nouveau, et ça provoque un conflit peut-être beaucoup plus grand que le fait de connaître une stratégie plus ou moins douteuse. C'est difficile d'évaluer concrètement, mais je pense qu'il y a une question d'équité entre les parties, aussi, qui est en jeu là-dedans. Vous avez l'avantage de pouvoir garder les choses plus secrètes que l'autre partie.

M. Beaumier: Les stratégies syndicales doivent être tout aussi secrètes. Stratégie pour stratégie, ça me semble secret. Merci bien.

M. Hardy: Rapidement, sur ce point comme sur beaucoup d'autres points, nos propositions tiennent compte du fait que la loi, dans cinq ans, sera réévaluée. Nos propositions sont aussi marquées de ce désir: entre le risque de conserver les choses secrètes et l'ouverture et l'accès du public au plus grand nombre de renseignements, nous préférons le risque d'une ouverture. S'il devait se poser des problèmes phénoménaux, si on s'en rend compte, on pourra toujours réviser dans cinq ans. Entre le risque de priver le public de renseignements auxquels on pense qu'il devrait avoir accès et le risque que d'éventuels problèmes se posent, nous préférons celui de l'ouverture.

M. Bertrand:... réévaluer.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les représentants du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec, et j'invite maintenant MM. André Beaulieu et Louis Doyle à prendre place et à nous présenter leur mémoire.

Cependant, avant que ces personnes présentent leur mémoire, je veux informer les membres de la commission que l'Association des cadres supérieurs du gouvernement du Québec, qui devait présenter un mémoire cet après-midi, ne sera pas en mesure de le faire étant donné que son président, qui était chargé de la présentation du mémoire, ne peut se présenter devant nous pour un cas de force majeure. Cependant, le mémoire de l'association a été reçu et les membres de la commission en ont pris connaissance. À ce moment-là, je pense bien que ce sera inscrit...

M. Bertrand: II sera analysé, en tout cas.

Le Président (M. Rodrigue): II sera analysé dans le cadre des...

Une voix: Est-ce qu'il sera inscrit?

M. Bertrand: Non, parce que c'est une nouvelle politique qu'ils ont décidée.

Le Président (M. Rodrigue): On n'inscrit pas les documents aux procès-verbaux. Cependant, il a été reçu et ça fera partie des documents qui seront consultés lorsqu'il s'aqira de préparer un projet de loi. Alors, qui de vous doit présenter le mémoire?

MM. André Beaulieu et Louis Doyle

M. Beaulieu (André): En fait, le mémoire va être présenté conjointement par

l'une et l'autre personnes, à tour de rôle.

Le Président (M. Rodrigue): Vous êtes monsieur?

M. Beaulieu: Mon nom est André Beaulieu et, à ma droite, Louis Doyle.

Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie.

M. Beaulieu: Depuis 1977, nous avons été parmi les rares observateurs assidus de la scène municipale à Québec. De cette expérience, nous entendons faire profiter la commission parlementaire, tout au moins en ce qui regarde l'inclusion des paliers locaux de gouvernement au régime d'accès à l'information que s'apprête à édicter l'Assemblée nationale du Québec.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, pour dissiper ou éviter tout malentendu, nous tenons à préciser immédiatement que nous ne sommes membres d'aucun parti municipal à la ville de Québec, que nous n'avons jamais milité dans l'organisation de l'une ou l'autre des formations politiques à Québec et que nous n'avons pas contribué financièrement à leur caisse électorale.

M. le Président, peu de questions ont un lien aussi direct avec la crédibilité des institutions démocratiques que l'accès du citoyen à l'information gouvernementale. Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler ce que disait la ville de Québec dans son mémoire à la commission Paré: "D'autre part, si nous voulons susciter chez les citoyens un plus grand intérêt à l'endroit des affaires publiques et de l'administration de leurs institutions politiques dont ils élisent les dirigeants, il importe de leur rendre accessibles les informations leur permettant d'apprécier la qualité de leurs mandataires et le bien-fondé des décisions qu'ils prennent. "

En fait, c'est non seulement le droit d'accès du citoyen à l'information gouvernementale qui est en cause, mais son droit à l'information tout court. À l'heure du rapport Kent, on doit reconnaître le droit des citoyens à toute l'information "leur permettant - je fais référence encore une fois au mémoire de la ville de Québec -d'apprécier. à leur juste valeur les administrateurs publics dans les décisions qu'ils prennent à ce titre. "

À une presse libre et franche, doit s'ajouter, dans l'intérêt de la démocratie, une façon de gouverner qui inspire la confiance. C'est cette lutte pour la simple vérité des faits que livre présentement le peuple polonais et ce devrait être le souci constant des gouvernements responsables. Autant l'homme politique doit se tenir constamment informé des désirs et de la volonté de la population, autant il ne doit reculer devant aucun effort pour accroître le nombre et la qualité des moyens offerts aux citoyens pour exercer un contrôle permanent sur l'action des élus. Sans le droit à l'information, le droit de vote est une simple mascarade, car le principe du droit du public à l'information nous ramène, comme on peut le lire dans le livre blanc sur la culture, aux conditions premières de la vie démocratique. Une personne bien informée est un citoyen, une personne mal informée est un sujet.

Le principe de la proposition de loi qui vous a été soumise par la commission Paré. Au lendemain de l'adoption de la loi sur le financement des partis politiques, tous ont remarqué qu'un grand pas venait d'être franchi pour redonner aux institutions démocratiques la crédibilité que les caisses électorales occultes leur avaient fait perdre. En même temps que les exigences de divulgation et que les contraintes de financement provoquaient, par leur seul effet dissuasif, un desserrement de l'étreinte des intérêts particuliers sur un certain nombre d'hommes et de formations politiques influençables la confiance des citoyens en la capacité des institutions démocratiques de servir l'ensemble des citoyens était raffermie. Un deuxième pas restait cependant à accomplir. Le rapport Paré sur l'accès du citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels montre la voie à suivre. "Nul n'est censé ignorer la loi", dit la maxime bien connue. À une époque où le système juridique écrit comprend quelques centaines de lois et d'innombrables règlements - une moyenne de 700, avons-nous lu, au cours des années 1975, 1976 et 1977 -cette obligation du citoyen de connaître l'étendue de ses droits n'a plus le caractère raisonnable qu'elle pouvait avoir à l'époque où le souverain faisait crier sa volonté sur la place publique. Il est vrai que les lois et règlements bénéficient de nos jours d'une large publicité, d'une large diffusion. Mais on doit reconnaître que bon nombre de normes, de directives restent le secret jalousement gardé des gestionnaires de l'État. Bien que ces documents ne soient pas toujours de compréhension aisée, la commission Paré fait de leur accès facile une condition préalable à l'instauration d'un rapport plus équilibré entre les citoyens et la machine bureaucratique. C'est là, à notre avis, la seule façon de s'assurer une fois pour toutes que la croissance de l'État ne se fera pas au détriment de la liberté et des droits des individus.

La menace encore plus dramatique de voir les instruments du bien collectif passer entre les mains des "appétits particuliers" -l'expression est de la commission Paré - a déjà conduit le législateur à limiter et contrôler l'accès des caisses électorales. Un souci de transparence devrait aujourd'hui l'amener à adopter le régime d'accès à

l'information gouvernementale que lui propose la commission Paré, car non seulement l'intérêt public doit toujours avoir été bien servi - ce dont on doute moins depuis l'entrée en vigueur de la loi sur le financement des partis - mais il doit apparaître également hors de tout doute avoir été bien servi. À cet égard, la connaissance publique des documents, études et rapports qui ont amené le gouvernement à faire des choix, écarter des options ou différer des décisions semble être comme une sorte de prérequis à l'immergence de la conviction ferme que l'intérêt public a été bien servi, vraiment bien servi. En ce sens, la loi tant attendue sur l'accès à l'information gouvernementale aura valeur pédagogigue et contribuera, mieux que n'importe quelle publicité électorale, à former une opinion publique éclairée.

Puisque le gouvernement du Parti québécois s'est déjà presque sans réserve engagé à donner suite aux recommandations de la commission Paré, il n'y a pas lieu d'appuyer davantage la justification d'un régime d'accès très large à l'information gouvernementale. Quelgues hésitations du ministre des Communications sur la portée de la future loi nous incitent cependant à formuler un certain nombre d'observations sur la nécessité d'étendre son champ d'application aux paliers locaux de gouvernement et plus particulièrement les municipalités. C'est ce qui a fait d'ailleurs l'objet hier d'un mémoire de l'Union des municipalités du Québec. C'est un peu à cela que notre mémoire veut répondre.

Sur l'opportunité d'étendre l'application de la loi, dans une entrevue récente à la presse, le ministre des Communications exprimait ses hésitations sur l'application de la loi aux municipalités, "parce que cela ne faisait pas partie du mandat de la commission. "

M. Bertrand: Je vais finir par croire que je l'ai vraiment dit.

M. Beaulieu: On est bien heureux que vous ne l'ayez pas dit, si vous voulez mettre un doute dans notre esprit.

S'il apparaissait évident que l'intérêt public serait mieux servi en ne faisant aucun cas du droit politique d'un contribuable ou d'un résident d'une municipalité à l'information, on pourrait s'accommoder de l'interprétation passablement restrictive du ministre. Mais nous croyons qu'il saute plutôt aux yeux que l'assujettissement des municipalités au régime d'accès à l'information s'impose avec une urgence particulière.

Quand il a légiféré sur le statut de la langue française, le gouvernement n'a pas eu l'idée, ni même la tentation, d'exempter les municipalités des obligations générales que la loi 101 faisait peser sur l'administration. Plus étapiste, le gouvernement québécois ne s'est finalement résolu à appliquer à toutes les municipalités du Québec les règles relatives aux dépenses électorales et au financement des partis politiques que trois ans après les avoir imposées aux formations provinciales. Cette constatation étant faite, il reste que l'intérêt public à étendre le champ d'application des règles de 1977 aux municipalités a bien fini par commander l'action du législateur. Dans la mesure où il est permis de supposer que la nécessité et la volonté populaire feront bien un jour tomber les municipalités dans le camp des gouvernements transparents, on voit mal, à la lumière de ces précédents, pourquoi la loi projetée en reporterait l'échéance. La démocratie est une matière sur laquelle le principe de l'autonomie municipale ne devrait pas avoir de prise. Pour employer un terme juridique, la démocratie n'est pas divisible.

D'ailleurs, l'information détenue par les municipalités a été, faut-il le rappeler, au même titre que l'information gouvernementale, obtenue grâce à des fonds publics. Le contribuable d'une municipalité ne devrait pas avoir moins de droits que celui d'une autre municipalité. Ce sont la plupart du temps les mêmes.

Nous souscrivons donc à la recommandation de la commission Paré de mettre sur un même pied, face aux citoyens, tous les organismes représentatifs électifs. Constitutionnellement tenus de répondre de leur gestion des deniers publics devant la population, ils doivent être, sans exception, comme des livres ouverts. C'est un peu cette idée qu'exprimait d'ailleurs, avec beaucoup plus de clarté, le juge Dickson de la Cour suprême du Canada dans un arrêt récent de la Cour suprême justement: Le Procureur général de I'Alberta contre Putnam. Je vous invite à prendre note de cette citation qui paraît au mémoire. Je ne la reprendrai pas ici.

Partant de là, rien ne peut plus justifier le laisser-fermer - on peut vraiment employer ce mot - et l'espèce de comportement d'huître qui a prévalu jusqu'ici dans les hôtels de ville de la province. Si la proposition de loi de la commission Paré avait eu force de loi au cours des dernières années, la ville de Montréal n'aurait pas pu négocier bien longtemps avec l'architecte Taillibert sans avoir à communiquer des renseignements à la population et à rendre des comptes à ses contribuables. La ville de Québec n'aurait pas pu confier la gestion de sa piste de courses à une compagnie à but lucratif sans que l'on connaisse les vraies raisons qui ont présidé au choix de ce mode d'opération. Le dossier du Colisée de Québec n'aurait plus de secret pour nous. Pour peu qu'on les eut mis par écrit, les motifs véritables de la destitution du secrétaire de

la CUQ seraient mieux connus de tous. Il est facile d'imaginer cent autres cas ou le secours d'un régime d'accès aux documents des organismes municipaux aurait assuré une meilleure protection de l'intérêt public et un contrôle plus serré des dépenses de deniers publics.

En terminant cette première partie, nous aimerions attirer l'attention de cette commission sur le fait que la seule ville ayant fait parvenir un mémoire à la commission Paré, la ville de Québec, s'est prononcée en faveur de l'inclusion - j'ai bien dit de l'inclusion - des municipalités au régime d'accès. Assez ironiquement, la ville de Québec est la municipalité qui, comme chacun le sait, s'est fait le plus tirer l'oreille pour appliquer chez elle la démocratie municipale. Je rappelle la conclusion du mémoire qui est vraiment savoureuse. "Une telle loi devrait également - c'est la ville de Québec qui parle - établir les principes régissant la divulgation des informations que possèdent les municipalités sur leur administration et les affaires de leurs citoyens et contribuables. "

Curieusement, l'administration municipale de Québec ne formulait alors aucune espèce d'objection financière pour se soustraire au régime d'accès à l'information. L'on comprend mal que l'Union des municipalités du Québec ait plaidé devant vous des considérations financières pour soustraire les villes à l'application de la loi. (18 heures)

Cette question était en effet si peu préoccupante en 1980 que l'Union des municipalités du Québec n'a même pas jugé bon de présenter un mémoire à la commission Paré. La ville de Québec, qui a pourtant beaucoup d'imagination quand il s'agit de repousser les réformes de la démocratie municipale, n'a même pas évoqué l'aspect financier dans son mémoire. D'ailleurs, on peut se demander si l'objection financière continue d'avoir un certain mérite dans la mesure où la proposition de loi confie à la commission provinciale la responsabilité exclusive d'entendre les demandes de révision des refus de divulguer de tous les organismes gouvernementaux y compris les municipalités. Même si la réforme devait coûter quelque chose à nos administrations municipales, il ne faudrait pas oublier que la qualité de la vie démocratique dans nos conseils de ville dépend du prix que l'on est disposé à payer pour les sortir de la congélation.

Mon confrère Louis Doyle va terminer l'exposé. Je voudrais ajouter une précision. On prend tellement le point de vue du citoyen dans la présentation de ce mémoire, qu'on s'est placé justement dans la position du citoyen pour aller chercher ce qu'on appelle une information délicate. On l'a obtenue. On va vous raconter de quelle façon cette information a été obtenue et quel était l'intérêt de l'obtenir. Vous allez voir. C'est toute une péripétie.

M. Doyle (Louis): La partie III, délibérations des organismes municipaux.

À la page 23 du rapport Paré, les auteurs soulignent qu'une partie considérable de la gestion de la chose publique se fait par des corps politiques représentatifs créés par l'État, entre autres, les municipalités, les communautés régionales ou urbaines. Se référant à nouveau à la qualité d'élus de ceux qui les composent, les auteurs proposent à la page 24 que les organismes municipaux soient couverts par la loi.

Une inclusion de principe, donc. Pas quelque chose qui tient de la fantaisie des commissaires, mais un choix idéologique dicté par la raison. Une inclusion de principe, avons-nous dit, mais une décision sage également, renforcée, comme on peut le constater à la lecture du rapport, par l'expérience peu reluisante de la démocratie dans les arènes municipales. À ce titre, la ville de Québec est un cas. Notre expérience du milieu appuie la description tout à fait navrante qui tombe de la plume des commissaires au beau milieu de la page 25.

Le conseil de ville de Québec ne siège pas à huis clos. Sa charte l'en empêche. Par contre, tout l'incite à tenir ses délibérations à une heure où la plupart des gens sont occupés ailleurs: 17 heures. Contrainte d'ajouter une période de questions à l'ordre du jour, l'administration municipale a imaginé toute une série de pratiques restrictives pour lui faire perdre son sens: une durée de quinze minutes, chronométrée par le greffier, s'il vous plaît, sous le regard intimidant d'un policier, généralement assez musclé, sans possibilité d'échange avec le maire ou les conseillers. Les réponses sont données d'une seule traite, à la fin. Si la matière ne figure pas à l'ordre du jour, il est nécessaire de faire le préenregistrement des sujets plusieurs jours à l'avance. Comme celui-ci n'est connu que deux ou trois jours avant la tenue de la séance, soit le samedi précédant le lundi, il vaut mieux ne pas prendre de chance et inscrire tous les sujets à la mode. Si leur formulation est trop vague, le greffier se charge de faire préciser. Si la question posée n'est pas en assez étroite relation avec le sujet enregistré, le président de l'assemblée, ou le maire à l'occasion, la déclare hors d'ordre.

Mais c'est mieux que rien et l'on réussit parfois à se faire confirmer l'existence de certains documents intéressants. Leur dépôt au greffe reste évidemment une question relevant de la complète discrétion des autorités politiques.

Informée de la fréquence de ce genre de situation, la commission Paré pose la

question: Comment espérer que des organismes qui restreignent le droit reconnu par la loi aux citoyens d'assister à leurs débats publics acceptent de libérer les documents qu'ils détiennent? La page 25. Après avoir affirmé que le temps était venu de s'assurer que les séances de délibérations des conseils municipaux se tiennent vraiment au grand jour, les auteurs du rapport écrivent: "Les électeurs doivent pouvoir vérifier ce qui préoccupe leurs représentants et mieux évaluer leur travail. " L'article 21 de la proposition de loi confirme donc, en plein accord avec les principes de base, le caractère public des séances du conseil municipal. On cherche en vain, cependant (probablement un défaut de concordance!) une consécration de la période des questions orales lors des séances des conseils municipaux. Inquiétant, cet oubli l'est à double titre: rien n'est prévu pour empêcher les villes de contourner l'obligation inscrite dans la loi 105; aucune loi générale n'établira le droit de toute personne présente lors des séances d'un conseil de ville d'interroger les élus.

Étant donné que la ville de Québec aura plus de 20 conseillers après la prochaine élection, le 15 novembre 1981, personne ne peut dire que son conseil ne la fera pas disparaître. (L'article 77 de la loi 105). À l'instar de la commission Paré, nous doutons fortement que le "repérage" des documents serait chose facile en l'absence d'une période de guestions orales. L'accès à un document, même facilité par la tenue d'un catalogue, suppose parfois la connaissance préalable de sa pertinence. À moins de se lancer dans des expéditions de pêche, ce qui dénoterait de toute façon un mauvais esprit, le citoyen a peu de chance de mettre la main sur toutes les pièces du puzzle si le droit d'interroger les élus est nié ou trop restrictivement encadré. Il y aurait donc lieu de modifier la proposition de loi de façon à garantir l'existence de cette période de questions, une mesure qui fait d'ailleurs l'envie de nos concitoyens des autres provinces, s'il faut se fier à des reportages récents. Dans un communiqué sur la conférence des ministres des Affaires municipales à Winnipeg, M. Bissonnet dit: "Le ministre Léonard a été le premier à s'adresser à ses collègues des autres provinces à l'ouverture de cette rencontre. Après le mot de bienvenue du président, le ministre des Affaires municipales du Manitoba, M. Douglas Gurlay, M. Léonard a fait le bilan des nouvelles lois québécoises qui réqissent le monde municipal, telles les lois sur la nouvelle fiscalité municipale, l'aménagement du territoire et la démocratie municipale. C'est cette dernière qui a surtout retenu l'attention des participants. Cinq provinces ont, en effet, posé de nombreuses questions au ministre Léonard sur l'obligation faite à tous les conseils municipaux du Québec de tenir une période de questions à l'intention des contribuables. "

Pour finir sur ce point, nous aimerions attirer l'attention de cette commission sur une autre mission de la commission Paré. Il s'agit du problème soulevé, mais non complètement réglé, du caractère public des délibérations "des organismes représentatifs électifs". La proposition de loi vise plus particulièrement les délibérations des membres d'un conseil municipal. Aucune mention n'est cependant faite de ces commissions spécialisées où des représentants élus et d'autres personnes non élues se partagent les sièges. C'est le cas, par exemple, de certaines commissions d'urbanisme. Bien que l'on y débatte des questions d'un grand intérêt public, le huis clos absolu paraît être la règle dans la plupart des municipalités.

De façon à donner une réponse législative complète aux préoccupations de la commission Paré, il y aurait peut-être lieu d'envisager pour ce genre d'organisme une formule de huis clos relatif, à la manière de ce qui est d'ailleurs prévu à l'article 21 de la proposition de loi. Pour l'information de la commission, il existe à Cap-Rouge une commission d'urbanisme qui siège toujours en public sans que cela ait jamais lésé personne.

Les renseignements corporatifs. En marge de nos préoccupations municipales, d'autres aspects concernant le droit d'accès du citoyen à l'information nous inspirent les réflexions suivantes.

Dans un article de la Presse du 13 juin 1981, Marc Laurendeau rappelait avec justesse que le projet de loi fédéral comportait une particularité intéressante. Alors que le rapport Paré est silencieux sur le sujet, l'article 49 du projet de loi C-43 place sur l'administration le fardeau de la preuve pour démontrer qu'elle a une raison valable de refuser l'accès à un document. Voilà un élément qui serait plus à sa place encore dans un régime comme celui que le rapport Paré met de l'avant. Lorsque le principe général de l'accès est la règle, une telle présomption se justifie, en effet, davantage sur le plan juridique et le risque de voir la liste des exclusions à la divulgation frustre le droit du public à la communication des documents de l'administration est diminué. Il aurait donc lieu, peut-être, pour le gouvernement du Québec de s'inspirer de ce bel exemple fédéral.

La commission Paré n'a pas abordé la question de l'accès des registres d'actionnaires des compagnies constituées en corporations sous l'empire de la Loi (québécoise) sur les compagnies. Comme chacun le sait, l'accès à ces registres demeure, en vertu de l'article 106 de la loi, le privilège des actionnaires et des

créanciers. C'est un anachronisme que le Parlement canadien n'a pas reproduit à l'égard des sociétés faisant appel au public dans la Loi sur les corporations commerciales canadiennes, à l'article 21. Étant donné qu'il arrive fréquemment que ces compagnies reçoivent des subventions des organismes publics ou encore passent des contrats importants avec l'État et les municipalités, la question de l'identité des actionnaires et la nature du contrôle que chacun d'entre eux exerce devient matière du plus grand intérêt public. Puisque la découverte de conflits d'intérêts tient souvent à la seule possibilité de percer efficacement le voile corporatif, en identifiant les vrais dirigeants chez ceux qui, par l'achat d'actions privilégiées, ont financé la compagnie, on peut douter de la suffisance des renseignements publics que doivent contenir les rapports annuels des compagnies relativement aux actionnaires détenant 10% ou plus des actions comportant le droit de vote émises et payées en tout ou en partie. Invoquant le droit du public à l'information, le livre blanc sur la culture ne suggérait-il pas déjà en 1978 que le nombre d'informations contenues dans ces rapports devraient augmenter? C'est à la page 248.

Dans le même esprit, il serait tentant d'envisager, comme cela s'est fait en Suède, la fin du secret fiscal. La feuille d'impôt -celle des contribuables qui briguent les suffrages populaires, en particulier - ne devrait peut-être plus jouir de la confidentialité absolue que lui assure la Loi sur le ministère du Revenu. C'est l'article 69. S'il est encore justifié qu'un patient atteint d'un mal grave soit tenu dans l'ignorance de son dossier médical, on explique plus difficilement qu'un électeur en bonne santé soit toujours privé d'un droit de regard sur l'histoire financière d'une personne qui se propose d'épouser la chose publique. À vrai dire, une politique d'accès à l'information digne de ce nom devrait, dans toute la mesure du possible, sortir de la clandestinité tout renseignement à caractère nominatif dont la divulgation pourrait mieux servir l'intérêt public que le maintien de sa confidentialité, spécialement lorsque le secret ne vise pas à protéger un droit vraiment fondamental.

Formulée de cette façon, notre proposition exprime tout le contraire de ce qu'avançait la ville de Québec dans son mémoire à la commission Paré où l'on peut lire ce qui suit: "Certes, la transparence du fonctionnement démocratique des institutions publiques exige une bonne information des citoyens, mais celle-ci ne doit pas se faire au mépris du droit à la confidentialité d'informations dont la divulgation ne serait pas dans le meilleur intérêt de la collectivité et qui pourrait porter préjudice à des personnes et à des entreprises dans le fonctionnement normal et honnête de leurs affaires. " En se rappelant que la ville de Québec proposait alors de faire du maire ou du comité exécutif le juge en dernier recours de ce qu'il n'est pas dans les meilleurs intérêts de la collectivité de divulguer, on peut se demander si le critère proposé n'équivaut pas à une simple néqation du droit. Dans cette optique, une information aussi intéressante que le salaire des 60 cadres les mieux payés d'une municipalité pourrait ne jamais être divulgué.

Mais pour repousser encore plus loin, au nom de cet intérêt public, les frontières de l'obscurantisme, il faudrait évidemment que des consensus plus larges et plus forts que ceux qui existent présentement viennent appuyer l'oeuvre du législateur. Entre-temps, le travail accompli par la commission Paré fait admirablement l'équation entre les libertés individuelles et les droits collectifs. Pour cette raison, nous souhaitons de tout coeur qu'un nouveau pas démocratique soit franchi au Québec grâce a l'adoption, dans les meilleurs délais, d'une loi sur l'accès à l'information gouvernementale.

Comme il n'y a rien de mieux qu'un cas concret pour illustrer une thèse aussi défendable soit-elle, en voici un. C'est un cas pratique. Cela va être très court. En 1979, le gouvernement du Québec avait donné une subvention de 1 000. 000 $ à la ville de Québec pour des maisons incendiées, pour cinq sites. Le 24 août 1981, lors du séance du conseil municipal, j'ai posé la question au maire sur le coût de reconstruction de ces maisons car, lors de cette séance, le maire avait fait procéder par une résolution à la vente d'un immeuble au 52-54 côte du Palais pour 47 000 $. À cette occasion, j'ai demandé au maire quel était le coût de reconstruction de cette maison incendiée. Le maire m'a répondu que c'était de l'argent du provincial et qu'il fallait le demander aux autorités provinciales. (l8 h 15)

En effet, nous avons téléphoné à la division du patrimoine du ministère des Affaires culturelles. Le premier fonctionnaire était très nerveux, il a paniqué. Dans un sentiment d'inquiétude, il nous a dit qu'il ne voulait pas dévoiler cela et a recommandé de confier cela à son supérieur. On a téléphoné à son supérieur, qui nous a dit qu'il ne pouvait pas révéler cela, que c'était dans le cadre du projet OSE et qu'il fallait s'adresser à la Société d'habitation. On a téléphoné à la Société d'habitation où le fonctionnaire qui nous a répondu a trouvé la question très délicate. Il ne voulait pas toucher à cela. Il nous a dit de téléphoner au vice-président, qui devait nous donner la réponse. Il ne voulait pas toucher à cela.

On n'a pas téléphoné au vice-président, on a trouvé que c'était déjà assez compliqué

comme cela. On a fouillé dans nos dossiers. On y a trouvé l'information. On a une très large documentation sur tout ce qui se passe dans la ville de Québec. Le coût de reconstruction défrayé par le gouvernement du Québec, c'est 274 000 $. C'est plus de cinq fois le coût que la ville de Québec a vendu la maison, soit 47 000 $. À la lumière de cela, on s'est dit: Les autorités concernées, la Commission municipale, le ministère des Affaires culturelles, la Société d'habitation... C'est un exemple très patent, je veux dire que l'accès à l'information peut aider les citoyens à saisir les autorités souvent de cas comme cela. Je vous remercie.

Le Président (M. Rodrigue): Je remercie M. Doyle et Beaulieu. M. le ministre.

M. Bertrand: Je suis très content de retrouver M. Beaulieu et M. Doyle à cette table de la commission parlementaire. Je pensais que la troisième personne, qui est toujours membre de l'équipe, serait aussi présente pour émettre ses commentaires. Je sais votre intérêt maintenu perpétuellement pour la chose municipale et j'ai lu avec beaucoup d'intérêt aussi le volume que vous avez publié sur cette expérience vécue à Cleveland, si ma mémoire est bonne, par le jeune maire Denis Kucinich qui s'est fait mettre dehors à l'élection suivante, mais l'expérience vécue là-bas était très intéressante. Je ne sais pas si vous avez des données sur ce qu'était à cette époque la politique d'accès à l'information municipale sous son administration, mais je tiens à vous remercier, parce que effectivement, pour ceux qui suivent un peu la vie municipale dans la région de Québec, on sait que vous intervenez fréquemment, on a eu le plaisir de lire plusieurs articles dans le Soleil, entre autres, sur des réactions que vous manifestez. Vous le faites en commission parlementaire, je pense que c'est tout en votre honneur et cela indique bien que vous êtes des citoyens préoccupés par tout ce problème de démocratie municipale.

Effectivement, parlant de démocratie municipale, il me semble qu'un certain nombre de recommandations que vous faites trouveraient mieux leur place dans la Loi sur la démocratie municipale que dans la loi sur l'accès à l'information gouvernementale. Je me demande s'il n'y a pas certaines distinctions quand même qu'il faut faire. Je comprends qu'une loi sur la démocratie municipale pourrait être le prétexte de dire: On n'inclut pas les municipalités dans la loi d'accès à l'information gouvernementale, mais on introduit des articles nouveaux et spécifiques aux municipalités dans la loi sur la démocratie municipale. Je crois sentir que vous ne nous invitez pas à ce genre d'attitude, vous pensez que les municipalités, comme les autres organismes, doivent faire partie d'une loi générale d'accès à l'information et que la loi sur la démocratie municipale touche à d'autres aspects de la vie démocratique dans les municipalités qui ne concernent pas nécessairement les problèmes d'information et de protection des renseignements personnels. Mais est-ce que vous ne considérez pas qu'il y a dans votre mémoire un certain nombre de suggestions qui devraient plutôt se retrouver dans la Loi sur la démocratie municipale que dans la loi sur l'accès à l'information gouvernementale? Je pense, entre autres, à la période de questions aux séances du conseil et à la possibilité de poser des questions orales et non pas écrites et à d'autres types d'instruments du même ordre qui permettraient d'avoir un meilleur accès aux délibérations des conseils municipaux.

M. Beaulieu: M. le ministre, c'est certainement un aspect du problème qui s'insérerait le mieux dans la Loi sur la démocratie dans les municipalités. À l'article 25 du rapport Paré, on a pris la peine -peut-être que c'est le fait que M. Pépin du Soleil ait été membre de la commission - en dépit de ce que vous venez de dire, de décrire l'atmosphère quasi clandestine qui pouvait régner dans les hôtels de ville. On a fait allusion à toutes les restrictions qu'on apportait aux citoyens pour limiter leur droit de demander des comptes directement sur place et régulièrement à leurs élus. C'est en soulignant ça qu'on a fait un lien. On a dit: Si ces gens sont si fermés, imaginez ce que ce doit être quand on veut avoir de l'information et documents de toute nature qui sont d'intérêt public.

C'est pourquoi la commission Paré, elle-même, à un des articles de la loi, prend la peine de déclarer le caractère public des séances des conseils de ville. Malgré le fait - à la page 25 - qu'on ait souligné toutes ces carences, on ne donne pas le remède correspondant, comme c'est le cas pour chaque proposition alors que l'on a, en général, un article de la loi qui reflète le problème. On s'est aperçu qu'après avoir traité de cette question à la page 25, on ne prévoyait absolument rien dans la loi sur l'accès à l'information. C'est sûr que sur un plan strictement organique, en bon juriste, on pourrait dire que cela a sa place plutôt dans la Loi sur la démocratie municipale que dans la loi sur l'accès à l'information. Je vous ramène à la logique du rapport Paré qui fait le lien entre le droit de poser des questions et l'accès à certaines informations.

M. Bertrand: M. Beaulieu, vous êtes probablement plus spécialisé que je ne le suis dans la chose municipale, étant donné l'intérêt que vous avez toujours porté à ces questions. Est-ce que dans la loi 105, qui

établit certains mécanismes pour améliorer la démocratie municipale, il était prévu une forme de recours auprès d'un organisme quelconque, ou une forme de sanction pour les municipalités qui ne respectaient pas certains des mécanismes prévus? Parce que j'essaie de voir par comparaison avec cette loi sur l'accès à l'information, là, il y aurait carrément un organisme qui aurait la responsabilité de forcer finalement l'organisme public à diffuser, à rendre public un document, alors que dans la loi 105, un tel type de recours n'est peut-être pas prévu.

Je vous pose la question, je pourrais la poser au ministre des Affaires municipales, mais peut-être bien que vous avez la réponse.

M. Beaulieu: En fait, la demande de renseignements, comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, reste assujettie à la largeur de vue que les autorités municipales peuvent accorder à la période de questions, qui est la clef de tout le système. Mais pour répondre à votre question précisément, il n'y a effectivement aucune espèce de recours légal pour faire réviser une décision de refus de fournir un document ou tout simplement le refus de répondre à une question. La loi 105 a misé sur la bonne foi des administrations municipales et, ainsi que le rapport Paré le souligne, il ne semble pas que la volonté du législateur ait été suivie, peut-être que la lettre en a été suivie, mais l'esprit en a été particulièrement tordu dans certaines municipalités.

M. Doyle: Je voudrais terminer sur l'opportunité que les dispositions dont on a parlé se retrouveraient dans la Loi sur la démocratie municipale. Là-dessus, je voudrais dire que le niveau municipal est le premier niveau où les citoyens peuvent participer; c'est plus facile pour eux. Si, à ce niveau, il n'y a pas une loi qui ne prévoit pas certaines dispositions pour l'accès à l'information; c'est tout remettre en cause la participation souhaitée des citoyens. C'est le premier niveau qui devrait les intéresser, c'est celui qui est le plus facile pour les intéressés. Il faut absolument que certaines dispositions comme celles-là leur facilitent la tâche. Je pense que certaines dispositions dont on a parlé pourraient se retrouver dans votre future loi sur l'accès à l'information. Cela faciliterait beaucoup la tâche des citoyens.

M. Bertrand: Je sais que vous êtes très intéressés par le problème de la ville de Québec et la plupart des interventions que vous avez faites dans le passé concernaient plus particulièrement la ville de Québec. II s'agit quand même d'une municipalité importante qui a un effectif fort nombreux, qui a des budgets assez considérables. On peut comparer avec Montréal, Laval et une bonne cinquantaine de grandes villes au Québec qui ont les ressources nécessaires pour mettre en application une telle loi. On nous a fait des représentations; assez curieusement, d'ailleurs, c'est l'Union des municipalités du Québec qui s'est montrée la moins réceptive à ce genre de réforme. Or, elle représente des municipalités qui sont déjà assez bien pourvues en ressources humaines, matérielles et financières. L'Union des conseils de comté du Québec, qui représente de toutes petites municipalités, des municipalités de taille moyenne, s'est montrée beaucoup plus ouverte sur le plan des principes, tout en nous invitant à une certaine prudence sur le plan de l'application. Je ne sais pas si vous avez eu la chance d'analyser la chose municipale un peu plus dans son ensemble. Il faudrait effectivement que le législateur tienne compte des difficultés normales dans lesquelles sont placées les petites et moyennes municipalités qui ne disposent pas de ressources considérables ni sur le plan humain, ni sur le plan matériel, ni sur le plan financier, ni sur le plan très souvent même des équipements physiques qui sont mis à leur disposition? Il y a plusieurs municipalités qui n'ont pas d'hôtel de ville, il y a plusieurs municipalités où l'ensemble de l'administration municipale se fait dans des sous-sols de maison, ou des sous-sols d'église. Alors, est-ce que, dans ce contexte là, vous considérez que le législateur serait avisé d'être plus large dans la façon d'appliquer la loi et d'établir les délais d'implantation et, disons, d'obliger certaines municipalités au respect ou non d'un certain nombre de clauses qui sont prévues dans la proposition de loi contenue dans le rapport Paré?

M. Beaulieu: En fait, peut-être que tout cela est un faux problème. Évidemment, vous avez décrit la situation des très petites municipalités qui ont peu de ressources et, comme vous l'avez dit, qui n'ont pas d'hôtel de ville, je pense que Val-Bélair a eu ce genre de problème depuis quelques années.

M. Bertrand: Val-Bélair a eu le problème de ne pas avoir de bureau dans l'hôtel de ville.

M. Beaulieu: La proposition de loi, l'éventuel projet de loi impliquerait quand même peu de choses: la nomination d'un responsable qui aurait un peu le contrôle sur l'ensemble des documents que la municipalité est chargée de traiter, une gestion des documents. Peu importe le cadre dans lequel elle doit s'inscrire, la gestion des documents en question est pour le bénéfice normal et habituel des citoyens, alors il faut qu'elle existe, peu importent la grandeur de la

municipalité et ses ressources.

Comme on l'a indiqué dans le mémoire, on ne demande pas à ces municipalités de créer un organisme qui va entendre les demandes sur des refus, c'est la façon dont j'ai compris cela. C'est la commission provinciale qui serait responsable d'entendre ces refus, donc une partie du "fardeau financier" qu'implique cette loi est assumée par la province sur le fonds consolidé, comme on le dit à un des derniers articles de la loi.

Alors, sur ce plan là, sur le plan pratique... Je vais ramener cela sur un autre plan. L'Union des municipalités du Québec met devant vous l'énormité des coûts pour retarder - c'est presque mettre de côté cette réforme pour eux, parce qu'ils vous demandent un délai de cinq ans et elle expire au bout de cinq ans. C'est déjà une considération, mais il faut quand même considérer... Je vais essayer de bien formuler le point.

M. Bertrand: Allez-y, j'ai autant de problèmes que vous, à l'occasion, de formuler mes questions, alors si vous avez des problèmes à formuler vos réponses, il n'y a pas de problème.

M. Beaulieu: II reste qu'au niveau... L'Union des municipalités ne vous a pas fourni de chiffres pour justifier sa demande de report, pour vous prouver que ce serait si dispendieux. Nous, simples citoyens, on ne peut pas vous dire qu'il y aurait un prix très peu élevé pour faire respecter la démocratie dans les hôtels de ville. Alors, sur ce plan-là, on est mal placés pour contrer leur prétention, ils ont la force du nombre, nous on a la force de notre motivation, simplement l'expérience qu'on a vécue. (18 h 30)

On se croit bien assis, au niveau des principes, pour vous dire que la démocratie municipale ne se porte très très bien. Il y a l'exemple de Montréal. Oublions celui de Québec, avec lequel on a peut-être des comptes personnels à régler parce qu'on vit avec d'une certaine façon, mais pour celui de Montréal, par rapport auquel on est tout à fait indépendant, on lit les journaux comme vous et on voit très bien que cela ne fonctionne pas très bien de ce côté. Il y a une sorte de mur de Berlin autour de l'information. Dans le fond, la commission Paré propose de briser ce mur. S'il y a un prix à payer, que l'ensemble des contribuables le paie. On le paie bien cher à l'heure actuelle pour bien d'autres choses. Cela s'ajouterait.

M. Doyle: Dans la perspective où c'est un droit fondamental, le droit à l'information, pour les municipalités, je pense que cela ne devrait même pas être enlevé pour les petites municipalités, parce que, probablement, les problèmes d'information qui se poseraient à ce niveau seraient d'une échelle plus petite. On demanderait un document dans une petite municipalité. Je pense que le principe est là. Il ne faut pas déroger à cela, tant pour les petites que pour les plus grosses, mais surtout pour les plus grosses villes au-dessus de 100 000 habitants. Elles ont assez de personnel; ils sont assez nombreux dans ces hôtels de ville, ils sont excessivement bien payés; ils peuvent donc voir à nommer un fonctionnaire qui s'occuperait de cela.

Cette transparence pour une municipalité nous apparaît indispensable, comme je vous l'ai dit plus tôt, pour que les citoyens s'intéressent de plus en plus à la chose publique à ce niveau.

M. Beaulieu: Si je peux ajouter quelque chose, je vous rappellerai que la loi qui concerne le financement électoral dans les municipalités est lourde à appliquer. C'est vrai. Il y a certaines distinctions qui ont été faites entre les municipalités, selon leur population.

Ce que Louis vient d'indiquer pourrait être envisagé pour les municipalités, mais quand même, on croit en toute bonne foi que l'envergure des problèmes ne serait pas la même et que cela n'occasionnerait pas nécessairement des problèmes incommensurables pour les municipalités de petite dimension. Cela permettrait d'ériger un principe général qui concernerait tous les organismes représentatifs électifs qui ne sont pas de moindre valeur quand il s'agit d'un petit conseil de ville, dans une municipalité rurale, que quand il s'agit de l'Assemblée nationale ou de l'administration municipale.

Il y a quand même un fait qu'on doit souligner ici. On a vécu certaines expériences, malheureusement pas assez nombreuses. On a vécu celle de Val-Bélair qui est assez intéressante. On a cru s'apercevoir que, dans les banlieues et dans les milieux ruraux, les gens s'intéressent beaucoup plus à la vie municipale, ont tendance à poser beaucoup plus de questions, à surveiller leurs affaires un peu mieux. Dans le fond, peut-être que, chez eux, ce serait quelque chose qui serait très bienvenu. On vous dirait: On vit déjà avec l'esprit de cela. Que les gens nous fassent les demandes et on va y répondre dans toute la mesure de nos possiblités.

Dans cette mesure, ce n'est peut-être pas un problème aussi dramatique que cela. De toute façon, si le gouvernement, dans sa sagesse, veut faire des distinctions, il peut toujours les faire dans son projet de loi. Peut-être que le rapport Paré a été trop loin. Des esprits audacieux doivent foncer pour qu'une partie de leur oeuvre reste.

M. Bertrand: Ces choses sont bien dites. Je termine très brièvement en vous posant deux questions. Quand vous demandez qu'on impose à l'administration le fardeau de la preuve lorsqu'il s'agit de refuser l'accès à des documents, est-ce que l'article 53 ne vous suffit pas comme précaution: "Le responsable doit motiver tout refus de donner communication d'un renseignement et indiquer la disposition de la loi sur laquelle ce refus s'appuie"? Il me semble qu'il y a là un élément important, tout de même, pour faire peser sur le responsable le refus de dévoiler un renseignement ou un document.

Deuxièmement, vous demandez qu'on mette fin au secret fiscal. Je voudrais comprendre ce que vous voulez dire par là. Est-ce que vous voulez dire par là que tous les élus municipaux devraient fournir une déclaration de leurs intérêts? Il me semble que c'est déjà prévu.

M. Beaulieu: Je vais répondre à votre première question.

M. Bertrand: Moi, j'ai déclaré mes intérêts. Ils sont nuls.

Une voix: Mais vous êtes ministre.

M. Bertrand: C'est connu maintenant. C'est public.

M. Beaulieu: Pour répondre à votre première question, l'article 53 est le genre d'article qu'on s'attend à retrouver dans les lois modernes. C'est l'article qui dit qu'une autorité qui est chargée d'appliquer une loi doit motiver sa décision. Cela constitue certainement un avantage par rapport à une décision qui ne serait absolument pas motivée et qui pourrait être arbitraire, vu que les motifs sont cachés. Mais, en droit, cela ne correspond pas à une sorte de présomption qui met sur le dos de celui qui veut défendre la non-divulgation la preuve de démontrer que cela répond à une des exceptions prévues par la proposition de loi et éventuellement, par le projet de loi.

M. Bertrand: La fin du secret fiscal, qu'entendez-vous par là exactement?

M. Beaulieu: Je vais laisser Louis terminer. Seulement un mot sur... Ce dont vous avez parlé, c'est la déclaration des intérêts, ce que vous possédez. Par contre, la fin du secret fiscal, c'est ce qui existe parfois aux États-Unis sans que ce soit imposé à personne. C'est l'homme politique ou le candidat à une élection qui va mettre sur la table ses déclarations d'impôt des dernières années. On sait qu'à l'heure actuelle la loi qui crée le ministère du Revenu prévoit le secret fiscal qui est absolu, qui est une donnée à caractère nominatif pour laquelle on manifeste à l'heure actuelle encore beaucoup de circonspection. On tient à garder cela dans l'arène de la confidentialité, mais il reste qu'on se pose la question: Cela a-t-il vraiment encore - on sait que les revenus des plus hauts fonctionnaires sont publiés dans les comptes publics - une justification pour le simple citoyen? On s'est creusé la tête avec cela et on voit l'exemple des hommes politiques et des candidats qui fait réfléchir. On en est à l'heure où on se demande si on ne doit pas ouvrir les valves de l'information. On met cela sur la table, la fin du secret fiscal.

M. Bertrand: Mais quel est l'intérêt sur le plan de l'accès à l'information, sur le plan de la démocratie municipale, provinciale, fédérale ou quoi que ce soit de divulguer les rapports d'impôt d'un élu au cours des dernières années?

M. Beaulieu: Beaucoup d'individus ou de firmes reçoivent des subventions du gouvernement et sont parties à des contrats avec l'État. Peut-être que...

M. Bertrand: Mais la déclaration d'intérêts ne vient-elle pas, à toutes fins utiles, régler l'essentiel du problème? Je pense que si on veut se protéger à ce moment-là au niveau des élus, c'est de s'assurer qu'ils ne sont pas, à cause des intérêts qu'ils peuvent détenir dans telle ou telle compagnie, en conflit d'intérêts avec les responsabilités qu'ils ont à assumer. Je vais vous donner un exemple. Je suis ministre des Communications. Si j'ai des intérêts dans Northern Telecom ou dans Québécor ou dans Télé-Capitale, il est évident qu'on pourrait, à tout moment, indiquer que le ministre des Communications est assez mal placé pour exercer ses responsabilités à cause des conflits d'intérêts dans lesquels il se trouve. Mais de là à dire que l'an dernier sur mon rapport d'impôt j'ai réussi à aller chercher 123, 48 $ du fédéral et 235, 63 $ du provincial, je ne sais pas, je ne vois pas vraiment si on atteint un objectif réel sur le plan de l'accès à l'information en faisant une telle chose.

M. Doyle: Je voudrais répondre à ce que vous dites, M. le ministre. Premièrement, sur le plan municipal, si on regarde la loi sur la démocratie municipale, on voit qu'il faut divulguer certains intérêts. Mais on constate des changements entre la première lecture et la dernière lecture, quand cela a été adopté il y a un an. Pour les élus, en tout cas, de la ville de Québec, on vérifie cela et on s'aperçoit qu'il n'y a pas beaucoup d'informations finalement. Je veux dire que le législateur a pas mal réduit le niveau des divulgations. Ils sont seulement

obligés maintenant de mettre quelques compagnies et tout cela. Avant, c'était bien plus exigeant.

Deuxièmement, je pense qu'il faut le mettre dans une perspective plus large. C'est la perspective d'une plus grande transparence de ceux qui sont appelés nos élus. On se sentirait plus à l'aise comme citoyens si ces gens manifestaient une plus grande transparence et aussi cela valoriserait peut-être plus ceux qui sont appelés à briguer les postes. Ils se diraient: Ils savent tout sur notre vie financière. A ce moment-là, ils se sentiraient plus à l'aise et le citoyen dirait: Je pense que c'est clair. Ils nous ont dévoilé tous leurs intérêts et même le rapport d'impôt. Ce sont les deux, finalement, qui sont gagnants. Cela crée une relation de plus grande confiance dans les institutions publiques et particulièrement envers nos élus. M. Kucinich, l'ex-maire de Cleveland le faisait à chaque occasion de ses élections. Avant d'aller en élections, il déposait devant les journalistes tous ses revenus, tous ses rapports d'impôt et le retour d'impôt. Aux États-Unis, je pense que c'était bien apprécié des journalistes.

M. Bertrand: Je reviens à votre phrase de tantôt: quand vous parlez de Dennis Kucinich, vous parlez vraiment d'un audacieux.

M. Beaulieu: C'est un esprit audacieux, à qui le sort n'a pas réservé la meilleure fortune possible, mais qui a quand même remué beaucoup de choses. Enfin l'idée, évidemment, apparaît très audacieuse. Je ne sais pas si dans les autres mémoires, on l'a même mentionné.

M. Bertrand: Non.

M. Beaulieu: À part des expériences qu'on a pu connaître, en fait, des événements qui ont pu se produire aux États-Unis ces dernières années et qui ont été signalés par les médias, c'est quelque chose qui permettait au citoyen d'avoir le portrait financier de toute personne. Je ne parle pas de celui qui est déjà un homme politique, mais de toute personne qui brigue les suffrages, de tout candidat. C'est peut-être une bonne chose de savoir de quelle façon il a mené sa vie financière - aucune allusion aux critères du chef du Parti libéral - avant de briguer les suffrages populaires. Évidemment, encore une fois, je vous réfère à ce que la Suède a introduit dans son droit et la Suède est un pays qui a aboli le secret fiscal sans que personne ne s'en porte plus mal.

Je le répète, c'est un hors-d'oeuvre, par rapport à tout ce qu'on vous a avancé.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Westmount.

M. French: Je pense, dans le fond, qu'il y a une solution à vos problèmes. Cela s'appelle à Québec une élection municipale. Cela ne s'appelle pas une réforme, une autre réforme et d'autres réformes encore, qui viennent en effet lier les élus de tout niveau à qui on vient demander des exposés personnels à tout moment, à qui on vient poser sans cesse des questions au milieu des délibérations. Je ne suis pas du tout rébarbatif à vos propos ou à vos propositions. Dans le fond, il faut à un moment donné avoir quand même un certain attrait pour la vie publique. Je vous assure que ce n'est pas pour l'argent qu'on est là. Je doute fort que le maire Pelletier soit là pour l'argent non plus. Dans le fond, la présomption de culpabilité sans preuve de l'inverse est d'après moi une très mauvaise présomption de base, mais c'est dans le fond la présomption avec laquelle vous partez, en toute honnêteté.

Si on doit avoir une vie politique qui attire les gens d'une certaine envergure, il va falloir, à un moment donné, arrêter de leur demander de se présenter nus devant les électeurs dès le départ et leur permettre une certaine liberté pour s'acquitter de leurs responsabilités, et faire face aux citoyens à la fin dans une élection. Si les citoyens ne sont pas contents, si les gens comme vous qui ne sont pas contents des autres sont capables d'exercer leurs responsabilités publiques et politiques pendant une période électorale, vous changez les choses, mais ce n'est pas en venant lier les gens par toutes sortes de restrictions que vous allez dans le fond assainir la vie politique ou la vie publique. C'est une situation où vous auriez évité les gens qui n'ont pas de meilleure chose à faire que de se présenter en politique, parce que les gens qui veulent faire quelque chose vont trouver un métier, une occupation, dans une fonction où ils seraient libres de remplir leurs responsabilités librement et d'être jugés à la fin par quelqu'un qui est qualifié pour le faire.

Cette personne, à mon sens, c'est l'électeur dans le cas d'un homme politique. Ce n'est pas d'avoir une gang de policiers qu'on nomme soi-même, qu'on va chercher. S'il y a un problème à Québec, à Montréal, et Dieu sait qu'il y en a, c'est de faire valoir cela dans un contexte électoral. On n'est pas devant des machines imbattables. Aux dernières élections, ici, on a démontré cela. Je vous invite donc à réfléchir sur l'espèce de spirale de règlements et de contraintes que vous nous demandez au nom de la démocratie et que je rejette personnellement au nom de cette même démocratie.

M. Doyle: M. le député de Westmount, relativement à votre question, j'ai deux points à souligner. Premièrement, je veux dire que si la perception des hommes politiques était si bonne que ça, je serais d'accord avec vous. Des fois, on rencontre des gens, et surtout à l'hôtel de ville, qui nous disent: La politique c'est sale, ne touchez pas à cela et tout cela, ce sont toutes des combines. Je veux dire que si la perception était vraiment bonne, je serais d'accord 100% avec vous, mais ce n'est pas le cas pour l'instant en tout cas, pas d'après ce qu'on vit, en tout cas, tout ce que les gens nous disent et tout ça. Deuxièmement... (18 h 45)

M. Beaulieu: M. le député, en fait, M. le Président, plutôt, pour suivre la formulation habituelle, la liberté de l'homme politique n'est pas absolue, elle est contrôlée. Les contrôles en question se raffinent d'année en année, peu importe à qui ils vont s'adresser. Que ce soit l'administration municipale de Québec ou celle de Montréal, le législateur, dans sa sagesse, a vu, a constaté que les citoyens participaient fort peu à leurs propres affaires locales; il en a tiré des conclusions qui vont dans le bon sens. Il a ajouté quelque chose qu'il aurait dû s'imposer lui-même, une période de questions dans les hôtels de ville. Imaginez-vous, il a réglementé le droit de parole dans les hôtels de ville. C'est quelque chose qui, aux États-Unis, existe depuis des centaines d'années, ce droit du citoyen de participer à ses affaires locales. Dans certaines villes, on n'a même pas de conseil de ville, ce sont les citoyens ensemble qui se réunissent, un peu comme on le fait autour du foyer, et qui décident de régler les problèmes. Cela a peut-être une dimension familiale, ce que je vous dis là, mais ce sont quand même les affaires locales, ce sont les affaires qui sont les plus près des citoyens et ce sont celles qui ont l'air les plus négligées.

On peut vous parler de la scène scolaire, si vous voulez. D'accord, ces gens ont toute marge de manoeuvre, ils font leurs choses loin des yeux des citoyens, mais on finit par se retrouver dans des situations extrêmement désagréables avec des problèmes financiers considérables qui ont échappé à l'attention de tout le monde, parce que le gouvernement ne peut pas être le seul gendarme de la bienséance publique au Québec. Évidemment, il y a cet aspect.

Vous avez parlé en termes de règlement de compte. En fait, il n'est vraiment pas question de cela. Nous ne sommes pas de ceux qui croient que les hommes politiques doivent être jugés seulement tous les quatre ans, ils doivent être examinés tous les quatre ans. Il n'est pas question de sortir la loupe non plus. Ce qu'il est question de faire, c'est notre devoir de citoyens, tous et chacun, dans notre coin, de façon que des choses qu'on peut éviter ne se produisent pas. On vous a mentionné tout à l'heure l'exemple de Montréal qui accumulait des déficits considérables sans avoir à dire quoi que ce soit aux gens. Il était vraiment temps que le gouvernement prenne les moyens de contrôler davantage les moyens par lesquels les administrations municipales... Je ne parle même pas des conseils de ville, les administrations municipales fonctionnaient comme des conseils d'administration de compagnie, ce qu'elles ne sont pas. Je regrette de le dire, mais elles ne le sont pas.

M. Doyle: Je voudrais ajouter un point à cela. Les députés, en somme, vous êtes les fiduciaires des biens publics et, en tant que fiduciaires des biens publics - c'est écrit dans le rapport à la page 6 - vous avez certaines obligations vis-à-vis des citoyens dont celle de vous soumettre à certaines exigences. Je sais que les exigences dont on parle sont un rôle ingrat, mais, après tout, vous administrez tous les fonds publics et, à mes yeux, cela justifie certaines exigences.

M. Beaulieu: On vous a mentionné un cas tout à l'heure qui est un exemple patent, celui où une municipalité manipule les deniers publics, vend un bien public à l'abri des regards de la collectivité et, en fait, cela prenait un citoyen qui regardait cela depuis très longtemps pour pouvoir faire le lien. Ce lien existe; ce lien est d'intérêt public. Mon Dieu, qu'on nous donne les moyens de s'y intéresser et de contrôler efficacement l'action des élus, autrement que par une petite croix tous les quatre ans. Elle a son importance, mais je vous dis qu'elle ne répare pas les erreurs totalement en tout cas.

M. French: Oui, sauf que vous ne nous avez pas parlé - je ne vous demande pas de le faire, l'heure est tardive - de la chose fondamentale sur laquelle je vous invitais à réfléchir. Qui va vouloir se présenter, dans la vie politique, avec les conditions contraignantes à tour de rôle, l'une après l'autre, que vous voudriez ultimement avoir, ce qui donnerait à n'importe qui, avec n'importe quel statut, le pouvoir d'arrêter le processus politique et décisionnel au sein d'une administration? C'est sur cela que je vous invite à réfléchir. En tout cas, je ne vous demande pas de réponse et je ne prétends pas que vous n'avez pas exposé votre point du tout, mais je pense que cela vaut la peine de se demander quel genre de personne va vouloir se présenter avec des conditions si contraignantes.

Quant aux États-Unis, je ne pense pas qu'il y ait une municipalité au Canada qui ait vraiment des leçons à tirer, au point de

vue de la santé de la vie politique au sein de la municipalité, de n'importe quelle autre juridiction municipale aux États-Unis. En toute honnêteté, votre enthousiasme pour Dennis Kucinich m'échappe totalement. C'est un burlesque du processus politique ce bonhomme n'a à peu près rien fait de durable à Cleveland. Je vous invite à y aller et voir ce qu'il en reste. Dennis Kucinich est un chapitre fermé, "good-bye". Il n'y a rien qui perdure de ce que ce bonhomme a fait.

M. Beaulieu: Est-ce que c'est la mentalité de Westmount que vous reflétez?

Le Président (M. Rodrigue): Je vous en prie.

M. French: Je m'excuse, je ne voulais pas faire une réflexion personnelle.

M. Beaulieu: C'est assez personnel, ce que vous venez de dire.

M. French: Je regrette. Je faisais une réflexion personnelle sur Dennis Kucinich, mais pas sur vous. Donc, tout simplement, je vous demande si, dans ces conditions, on va attirer des gens de qualité dans la vie publique.

M. Beaulieu: Je m'excuse pour le mot que je viens d'avoir. On défend toujours bien ce qu'on aime.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Nicolet.

M. Beaulieu: Juste quelques mots. Vous avez parlé de conditions contraignantes. Ces conditions sont celles que le législateur, comme je vous l'ai indiqué, a apportées dans les différentes loi. On a eu des lois sur le financement, des élections, sur la divulgation des contributions, sur les limites de dépenses; ce sont des contraintes qui font l'objet, à l'heure actuelle, d'un consensus le plus large possible dans la population. En fait, on admet ça, on considère que c'est un acquis démocratique.

On a ajouté à ces contraintes, il n'y a pas très longtemps, un droit de poser des questions aux élus. C'est quelque chose, comme je vous le répète, qui n'aurait même pas dû être imposé par contrainte. Le simple fait que le législateur - et c'est une loi qui a quand même été votée par l'Assemblée nationale - ait dû le faire est malheureux dans le fond. C'est dans ce prolongement qu'on en arrive maintenant à cette étape d'une loi qui permet aux gens non seulement de poser des questions, mais d'avoir des réponses. Disons le aussi clairement.

Le Président (M. Rodrigue): M. le député de Nicolet.

M. Beaumier: Je vous remercie, M. le Président. C'était pour m'assurer qu'on ne resterait pas sur une impression réductrice, peut-être, du rapport que nous ont fait nos concitoyens Beaulieu et Doyle. Je retiens l'essentiel de leurs propos - en plus du fait que ce sont les seuls citoyens qui se sont présentés devant notre commission et on les en remercie - qui est bien exprimé à la page 4, c'est leur préoccupation, et qu'ils le disent: Nous croyons qu'il saute aux yeux que l'assujettissement des municipalités au régime d'accès à l'information s'impose avec une urgence particulière. Je pense que, à moins que je ne me trompe, c'est là l'essentiel du propos et c'est ça que je retiens, personnellement.

Le Président (M. Rodrigue): J'informe les membres de la commission que la commission a accompli le mandat qui lui avait été confié. Je demande au rapporteur désigné de faire rapport à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais possible. La commission élue permanente...

M. Bertrand: M. le Président, je voudrais remercier d'abord tous les groupes qui se sont présentés devant la commission. Je pense que leur contribution a été fort utile, elle nous aidera à poursuivre notre travail, en particulier, pour ce qui concerne les modalités d'application des différents principes sur lesquels nous semblons nous entendre, pour ce qui est de l'essentiel.

Je voudrais remercier mes collègues du côté ministériel qui ont participé avec moi et qui ont accepté de percer un peu plus les différents mystères qui sont encore là, parce que nous entrons dans du droit nouveau, en ce qui concerne le Québec. Je remercie aussi l'Opposition et, en particulier, le député de Westmount pour véritablement - je le dis très sincèrement - sa coopération exceptionnelle aux travaux de notre commission.

M. French: De notre côté, nous sommes tous très reconnaissants de la coopération que nous avons expérimentée depuis trois jours. Cela a été intéressant, on a hâte de voir le projet de loi que le ministre nous a promis pour la période avant Noël.

M. Bertrand: Je voudrais aussi, M. le Président, parce que c'est un oubli qu'on a tendance à faire trop souvent et j'allais le faire, je le regrette, remercier - et je pense que M. le député de Westmount connaîtra cela, ce que c'est que de travailler avec une équipe autour de soi - les fonctionnaires du ministère des Communications qui ont abattu depuis la publication du rapport Paré, un travail colossal et qui n'ont encore rien vu -je tiens à le leur annoncer - par rapport à ce qui les attend pour les deux prochains

mois. Je les remercie donc et je pense que tout le monde ici souhaite qu'ils poursuivent leur travail avec la même efficacité et le même brio qui les a caractérisés depuis la publication du rapport Paré.

Le Président (M. Rodrigue): La commission élue permanente des communications ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 55)

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