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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Rochefort): La commission des
communications reprend ses travaux pour entendre les mémoires sur le
rapport de la Commission d'étude sur l'accès du citoyen à
l'information gouvernementale et sur la protection des renseignements
personnels.
Les membres de la commission sont aujourd'hui: MM. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Beaumier (Nicolet), M. Bertrand
(Vanier), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. French
(Westmount), M. LeMay (Gaspé), M. Rivest (Jean-Talon), M. Rodrigue
(Vimont), M. Sirros (Laurier) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Peuvent aussi intervenir MM. Baril (Arthabaska), M. Charbonneau
(Verchères), M. Fortier (Outremont), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys),
M. Marx (D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Perron (Duplessis), M. Picotte
(Maskinongé) et M. Tremblay (Chambly).
Les organismes que nous entendrons aujourd'hui sont les suivants dans
l'ordre: le Barreau du Québec, le Conseil du patronat du Québec,
la Commission des valeurs mobilières du Québec, la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec, le
Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec, MM. André
Beaulieu et Louis Doyle, à titre personnel, l'Association des cadres
supérieurs du gouvernement du Québec, le Central Consumers'
Council, et l'Association des parents et amis des malades mentaux et
émotionnels, Montréal Inc.
M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Est-ce que vous pourriez m'inscrire, s'il
vous plaît, en remplacement de M. Baril (Arthabaska)?
Le Président (M. Rochefort): M. de Bellefeuille remplace
M. Baril (Arthabaska). M. le député de Vanier, M. le
ministre.
Présence de M. Jean Paré
M. Bertrand: M. le Président, me permettrez-vous, avant de
commencer nos travaux ce matin, de saluer la présence parmi nous du
président de la commission qui a préparé ce rapport
Information et liberté,
M. Paré. Je voudrais, au nom de l'ensemble de la commission, lui
dire de vive voix et publiquement toute l'admiration que nous portons au
travail qui a été effectué par les commissaires. Les
réactions qui ont été rendues publiques depuis la
diffusion de ce rapport et les attitudes qui sont prises par les
différents groupes en commission parlementaire, la réaction de
l'Opposition officielle, la réaction gouvernementale, tout cela indique
bien que les gens sont extrêmement satisfaits du travail qui a
été accompli. Ils ont le sentiment que ce travail a
été fait avec célérité mais aussi avec une
volonté d'aller le plus en profondeur possible pour nous permettre de
réfléchir non seulement sur la base habituelle d'un rapport et de
recommandations mais en se situant par rapport à une proposition de loi
qui facilite drôlement le travail des ministériels et des
députés de l'Opposition, ainsi, je pense, que dies groupes qui
viennent témoigner devant la commission parlementaire. Je l'ai dit en
introduction, c'est un travail assez phénoménal qui a
été effectué, c'est un document qui nous force maintenant
à passer à l'action. Il constitue un bel héritage, mais en
même temps une lourde responsabilité, puisque, nous le sentons,
des principes aux modalités de l'acceptation du rapport jusqu'à
son implantation, il y a, comme on dit très souvent, loin de la coupe
aux lèvres et c'est tout le travail qui nous attend jusqu'à ce
que, finalement, une loi soit sanctionnée à l'Assemblée
nationale.
Je voudrais, M. le Président, au nom de l'équipe
gouvernementale, et je pense, au nom de l'ensemble des parlementaires, et au
nom du public en général, remercier M. Paré et, à
travers lui, remercier l'ensemble des commissaires qui ont effectué ce
travail qui nous permet aujourd'hui de réfléchir très
sérieusement à la présentation d'une loi qui consacrera le
principe de la libération de l'information.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: Pour enchaîner, M. le Président,
peut-être qu'il s'agit aussi de mentionner, de notre part, notre entier
accord avec ce qu'a dit le ministre. Le rapport est probablement le meilleur
qui ait été écrit, surtout dans les pays où les
juridictions sont de nature parlementaire
britannique. C'est meilleur que le rapport australien, c'est meilleur
que le rapport canadien, particulièrement parce que les commissaires -
il y a un avantage à être dernier - ont su profiter de
l'expérience vécue sous d'autres juridictions. Ils se sont
penchés dans une direction essentiellement pratique et concrète,
sans s'attarder trop, sur les gros principes. De cela, nous leur sommes
très reconnaissants. Nous trouvons que nous avons maintenant une base
sur laquelle on peut, des deux côtés de la Chambre, travailler
d'une façon très pratique et très directe.
Le mandat de la commission
Je voudrais aussi, si c'est le temps, apporter une clarification sur une
certaine réflexion qu'a faite le ministre pendant ma présence et
aussi durant mon absence, quant à l'étendue de la loi et de ses
propres interrogations quant à cette question.
Nous avons, dans nos remarques préliminaires, remarqué que
le ministre s'était interrogé sur le champ d'application et on
avait mentionné la possibilité d'inclure les municipalités
comme faisant partie de ces interrogations. Le ministre a en effet nié
cela formellement, hier, et aussi, je pense, à l'extérieur des
séances régulières. Je suis content de remarquer que la
même erreur a été commise par MM. Doyle et Beaulieu qui
comparaissent, aujourd'hui, mais c'est facile à expliquer. M. Daniel
Marsolais a fait la même erreur le 7 août dans la Presse, dans un
article intitulé: Bertrand espère une loi dès l'automne
où il dit: Le seul aspect sur lequel il - en voulant parler du ministre
des Communications - a exprimé une réserve, parce que cela ne
faisait pas partie du mandat de la commission, a-t-il expliqué, concerne
la recommandation visant à étendre le champ d'application de la
loi aux municipalités, etc.
Donc, pour expliquer au ministre pourquoi on s'est trompé, c'est
parce qu'on a inclus cet article. Mais il y a un point aussi plus important que
cela. Le ministre, si j'ai bien compris, en mon absence, hier, a donné
une leçon constitutionnelle au maire de Sherbrooke contre l'application
de la loi. Le maire, si j'ai bien compris, a soutenu la thèse que le
mandat de la commission ne touchait pas les municipalités et le ministre
lui a donné une leçon d'une façon qui, à ce qu'on
me dit, a été un peu gênante pour le maire et pour l'Union
des municipalités qu'il représentait, que c'était
évident pour tout le monde que le mandat de la commission touchait les
municipalités. C'est peut-être vrai, mais ce n'était pas
évident pour tout le monde, y compris pour le ministre si on peut se
fier à l'article écrit par Daniel Marsolais le 7 août. Cela
ne paraît pas dans le bottin que vous nous avez si
généreusement fourni.
M. Bertrand: Ne me dites pas que notre bottin serait
incomplet.
M. French: Non, mais il a été terminé avant
la parution de l'article. Tout cela, M. le Président, simplement pour
clarifier la situation.
Télégramme du RCM
Le Président (M. Rochefort): Avant d'entendre le premier
organisme, je voudrais lire un télégramme qui a été
envoyé aux membres de la commission. Il se lit ansi: "J'ai le regret de
vous aviser au nom du RCM que nous sommes dans l'impossibilité de
confirmer notre présence devant la commission parlementaire sur
l'accès à l'information gouvernementale. Cela n'enlève
rien, cependant, à notre conviction que Montréal a grandement
besoin que la nouvelle loi s'applique aussi aux municipalités et fasse
en sorte de garantir à notre population une ouverture administrative
qui, depuis longtemps, fait gravement défaut. Nous suivons avec
attention les travaux de votre commission et souhaitons qu'ils mènent
rapidement à l'adoption d'une loi qui puisse redonner un peu de
Montréal à ses habitants.
Jean Roy, président du Rassemblement des citoyens et citoyennes
de Montréal. "
J'inviterais maintenant le premier organisme à s'avancer à
la table, et je demanderais à ses représentants de s'identifier.
Il s'agit du Barreau du Québec.
Mémoires Barreau du Québec
Mme Vadeboncoeur (Suzanne): M. le Président, mon nom est
Suzanne Vadeboncoeur, je suis avocate au service de la recherche du Barreau du
Québec, et j'ai le plaisir de représenter cet organisme qui,
historiquement, s'est toujours intéressé à
l'évolution législative de la société
québécoise. Nous sommes heureux, nous, représentants du
barreau, d'avoir aujourd'hui l'occasion de vous présenter nos
réflexions sur la proposition de loi qui a été
préparée à la suite du rapport Paré.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que je pourrais vous
demander d'identifier les gens qui vous accompagnent avant d'entreprendre la
présentation de votre mémoire?
Mme Vadeboncoeur: Oui. À mon extrême gauche, Me
André Sirois, qui était assistant du Protecteur du citoyen et qui
s'en va à la Commission de réforme du droit du Canada dans les
prochains jours, mais qui est ici à titre purement personnel, comme
membre du Barreau. À sa droite, Me Pierre Trudel,
professeur à l'Université de Montréal en droit des
communications et qui est associé au Centre de recherche en droit
public. À ma gauche, le bâtonnier Paul Vézina, que certains
d'entre vous connaissent probablement à cause de ses récentes
fonctions au Barreau du Québec. C'est lui, d'ailleurs, qui
présentera les commentaires généraux du mémoire du
Barreau, lesquels seront suivis, nous l'espérons, d'une période
de questions auxquelles chacun de nous tentera de répondre au meilleur
de sa connaissance.
Le Président (M. Rochefort): Cela va. Je tiens à
vous rappeler que vous avez vingt minutes pour nous faire une
présentation générale de votre mémoire.
Mme Vadeboncoeur: Merci, M. le Président. M. le
bâtonnier.
M. Vézina (Paul): M. le Président, MM. les membres
de la commission, le Barreau a collaboré bien modestement au travail de
la commission d'enquête en déposant un mémoire qui avait
été préparé par un groupe d'avocats, dont Me Pierre
Jasmin, qui était le président, un avocat de Montréal, Me
Francine Côté, Me André Sirois qui est ici, Me André
Tremblay, Me Pierre Trudel qui est ici, assistés du service de recherche
du Barreau. Ces mêmes personnes ont de nouveau formé un
comité pour étudier le rapport de cette commission
d'enquête et ils ont confectionné le mémoire concernant la
proposition de loi que nous vous soumettons aujourd'hui.
J'aimerais souligner d'abord un anniversaire. Aujourd'hui le 3 septembre
1981, ça fait un an qu'on a passé le décret formant la
commission d'étude Paré. C'est important, puisqu'en dedans d'un
an on est passé de la formation de la commission d'étude au
rapport, puis à la commission parlementaire. C'est assez exceptionnel et
le Barreau se réjouit de cette diligence qui a été
manifestée par la commission. Je pense que les gens qui vont prendre
connaissance plus tard du rapport de la commission d'étude vont
être surpris d'apprendre que tout ça s'est réalisé
en moins d'une année.
Le Barreau se réjouit aussi que la commission ait jugé bon
de proposer une partie de son rapport sous forme de proposition de loi.
Lorsqu'on étudie des rapports d'étude, il y a toujours
l'énoncé de grands principes et, lorsque le Barreau vient faire
des commentaires et appeler parfois à une certaine prudence, on semble
soit paraître contre la vertu, soit prêter de mauvaises intentions
aux gens qui, par la suite, vont être appelés à travailler
avec un rapport d'enquête.
Au contraire, ici, on a non seulement l'énoncé des
principes, mais on a aussi quelque chose de plus concret comme texte. Pour nous
du Barreau, on a trouvé que c'était un moyen de travailler
très utile et ça nous a permis, à nous-mêmes, de
vous présenter des remarques sur chacun des articles, comme on le fait
habituellement lorsqu'il s'agit d'un projet de loi. Cela nous permet, il me
semble, d'aller un peu plus loin dans la discussion que si on s'en tenait
à des énoncés généraux comme on le fait
assez souvent.
Mais assez pour les félicitations. On n'est pas ici pour montrer
qu'on est d'accord; on est ici surtout pour souligner ce qui nous est apparu,
peut-être, perfectible dans ce rapport d'enquête.
Il est bien clair dans le rapport qu'on met sur un pied
d'égalité, tant en invoquant la Charte des droits et
libertés qu'en exprimant une opinion personnelle, le fait que la
protection des droits nominatifs, la protection des droits personnels est un
principe tout aussi fondamental que l'accès aux documents publics. Le
principe est clairement énoncé, entre autres, à la page 18
du rapport. D'ailleurs, il est repris à maintes reprises.
Pourtant, quand on regarde la proposition de loi, il nous semble que
cette égalité n'est pas entièrement atteinte. Il nous
semble que la protection des droits personnels, des droits nominatifs est plus
faible que l'autre partie qui est l'accès aux documents publics.
Quelques exemples de cette différence: Prenez d'abord les articles 9 et
56 où on énonce les deux principes. À l'article 9, on dit
dans une ligne, avec toute la force que peut avoir la concision: "Toute
personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un
organisme public. " C'est clair, c'est net, c'est précis.
Si vous allez à l'article 56, on nous dit: "Les renseignements
nominatifs sont confidentiels à moins que leur divulgation ne soit
autorisée par la loi ou par la personne qu'ils concernent. " On voit
déjà que là, on fait une restriction. Cette restriction
existe tout autant pour le principe de l'accès, mais à l'article
9 on a affirmé carrément le principe. À l'article 56, on y
va plus mollo. (10 h 30)
On voit encore un exemple de cette inégalité si on regarde
la question de la personne responsable de l'accès aux documents en
comparaison de la personne responsable de la protection des renseignements
personnels. Cette personne responsable de l'accès aux documents, on voit
à l'article 47 qu'on doit lui adresser toute demande, et on voit que son
rôle est inscrit dans tout le chapitre qui traite de l'accès aux
documents. Toutes les dispositions du chapitre II sont en quelque sorte sous sa
responsabilité. Par ailleurs, regardons l'article 92, où l'on
retrouve la personne chargée de la protection des renseignements
personnels.
On s'aperçoit qu'il ne s'agit que d'une section du chapitre de la
protection des droits personnels. Il ne s'agit que du droit d'accès par
une personne concernée à des renseignements nominatifs et non pas
de tout le chapitre de la protection des droits personnels. En quelque sorte,
ce nom qu'on lui donne de personne chargée de la protection des
renseignements personnels ne correspond pas au rôle qu'on lui donne dans
la loi. On aurait dû simplement l'appeler la personne chargée de
l'accès aux renseignements nominatifs par les personnes
concernées. C'est beaucoup plus restreint.
Un autre signe de cette inégalité, c'est le nom même
de la commission qu'on propose de former, l'article 101. On dit que c'est la
commission de l'accès aux documents des organismes publics. Là,
on ne mentionne pas du tout la référence à la protection
des droits personnels, contrairement au titre de la loi, contrairement à
cette dualité que l'on veut présente et où on veut
évidemment deux plateaux de même poids, mais on retrouve surtout
cette différence dans certaines mesures qui viennent donner du poids
à tous ces articles de la loi. Prenons le droit d'accès aux
documents publics. Si on regarde l'article 46 et l'article 148, l'article 46
nous dit que toute disposition d'une autre loi qui autorise un organisme public
à refuser de communiquer un renseignement communiqué en vertu du
présent chapitre, cesse d'avoir effet le (insérer ici la date
postérieure de deux ans à titre de la sanction de la
présente loi). On voit qu'on a voulu donner une
prépondérance considérable à la Loi sur
l'accès et l'article 148 vient encore renforcer cette
prépondérance, puisque, à l'article 148, on établit
la règle suivante: Cette loi doit être interprétée
de manière à ne pas restreindre l'exercice du droit
d'accès d'une personne à un document résultant de
l'application d'une autre loi, règle d'interprétation qui nous
dit bien que l'accès aux documents publics est augmenté par la
nouvelle loi et n'est diminué d'aucune façon. Donc deux articles
qui veulent établir une protection additionnelle au droit d'accès
aux documents publics.
En contrepartie à ces articles, qu'est-ce qu'on trouve cette fois
pour assurer le droit à la protection des renseignements nominatifs? On
ne trouve absolument rien d'équivalent. On ne trouve pas, comme
l'article 148, une règle d'interprétation qui aurait dit que
toutes les mesures de la présente loi pour protéger la
confidentialité des renseignements nominatifs viennent s'ajouter aux
mesures qui existent déjà dans les autres lois pour
protéger ces mêmes renseignements. Il n'y a pas de tel
équivalent.
On retrouve l'article 62 qui est la contrepartie, tout à fait
à l'opposé de l'article 46, où l'on dit que dans la mesure
où elles sont incompatibles avec cette loi, les dipositions
législatives mentionnées à l'annexe A deviennent
inopérantes le (insérer ici la date postérieure de deux
ans) à celle de la sanction de la présente loi. Qu'est-ce que
cela veut dire? Cela veut dire qu'on abolit en quelque sorte toutes les
protections existantes quant aux renseignements nominatifs.
Cela va très loin. Il nous semble que cela va trop loin. Je ne
reprendrai pas chacun des articles, il y en a un grand nombre dans l'annexe A,
mais je vais vous donner un premier exemple. Je prendrai l'article 307 du Code
de procédure civile. C'est un des articles mentionnés à
l'annexe A. L'article 62 nous dit: Va devenir inopérant. L'article 307,
c'est le suivant: Un témoin ne peut être contraint de divulguer
une communication que son conjoint lui aurait faite pendant le mariage.
Est-il vraiment nécessaire, pour assurer un plus grand droit
d'accès aux documents publics, de rendre inopérante cette
protection des confidences du couple, qui date depuis fort longtemps, qui est
une protection traditionnelle et qui a toujours été
accordée à la famille? Il nous semble qu'il n'est vraiment pas
nécessaire de faire cela. Il nous semble même que c'est dangereux
d'attaquer cet autre principe fondamental pour nous de la protection
accordée aux conjoints de pouvoir se parler librement sans risquer
éventuellement d'être obligés de témoigner sur ce
que l'un a dit à l'autre.
Toutes ces mesures qui protègent déjà les
renseignements nominatifs devraient être maintenues et devraient
s'additionner à celles que l'on prévoit dans la loi. Il me semble
que l'on voit trop ces deux droits fondamentaux, c'est-à-dire
l'accès aux documents publics et la protection des renseignements
nominatifs, comme étant contradictoires. II nous semble qu'au contraire,
ces deux droits fondamentaux qui peuvent très bien et doivent coexister,
ce n'est que par exception qu'ils deviendront en contradiction l'un avec
l'autre. Ces cas d'exception, il serait peut-être plus prudent de
prévoir que dans chaque cas d'espèce, on trouvera la solution et
non pas a priori décider qu'un droit est plus fondamental qu'un autre,
et décider de donner la priorité à l'accès aux
documents publics plutôt que la priorité à la protection
des renseignements nominatifs, la protection de la vie privée. Il n'y a
rien de plus difficile de décider théoriquement qu'un droit est
plus fondamental qu'un autre. Même la Charte des droits et
libertés de la personne ne s'y est pas risquée. Elle a
défini une série de droits fondamentaux en laissant aux tribunaux
le soin, si jamais il y avait des heurts entre les deux, de régler le
problème suivant les circonstances.
À notre avis, il aurait fallu, pour ce
qui est des renseignements nominatifs, c'est-à-dire ceux qui
concernent une personne et que l'on peut relier à cette personne, aller
un peu plus loin dans cette partie de la loi. Il aurait fallu carrément
dire que les renseignements nominatifs font partie de la vie privée et
que, comme tels, ils n'appartiennent pas aux documents étatiques, ils
n'appartiennent pas aux documents publics, mais ils continuent d'appartenir
à l'individu, à la personne visée. Même si on les
retrouve dans les documents publics, ils ne sont là qu'en
dépôt, en fiducie et l'État ne peut les utiliser pour
lui-même ou ne peut les communiquer à d'autres que comme quelque
chose qui ne lui appartient pas, donc avec beaucoup de précaution. Il ne
peut les utiliser que suivant le mandat qu'il a dénoncé au
propriétaire de ces renseignements, c'est-à-dire à la
personne visée, lorsqu'il les a obtenus.
On comprend tout de suite que si on veut changer le certificat des
fichiers personnels, par exemple, il faut en aviser celui à qui
appartiennent les renseignements nominatifs, c'est-à-dire la personne
concernée. De la même façon, si on veut transférer
ces renseignements à un autre organisme un jour, il faut encore
là le demander au détenteur de ces renseignements, ou du moins
l'en aviser, de façon qu'il puisse apporter des corrections si
nécessaire. Donc, aller un peu plus loin pour définir les
renseignements nominatifs et établir la règle de base qu'ils ne
doivent pas être divulgués.
Évidemment, il sera toujours délicat, dans certains cas,
de distinguer dans un document ce qui est nominatif et ce qui ne l'est pas. Il
y a une question qui pourra, dans les faits, être difficile à
trancher. C'est pourquoi il nous semble aussi important que la personne
chargée de donner l'accès aux documents publics soit en
même temps obligée de protéger la confidentialité
des renseignements nominatifs, ce qui ne semble pas être
nécessairement le cas dans le projet de loi.
Dans le projet de loi, à l'article 7, par exemple, il y a un
petit "ou" qui nous semble bien intriguant. On nous dit qu'il y a la personne
responsable de l'accès aux documents publics ou la personne responsable
de la protection des documents personnels. Par la suite, on dit qu'il peut y
avoir délégation. Il semble qu'il puisse y avoir
délégation d'une partie des pouvoirs à une personne,
c'est-à-dire qu'on pourrait nommer une personne responsable de
l'accès aux documents et une autre personne responsable de la protection
des renseignements personnels. Si tel était le cas, il est certain qu'il
faut que l'une et l'autre soient obligées de faire respecter toute la
loi dans chacun des cas. Autrement, il pourrait arriver que l'une se soucie peu
de l'autre chapitre de la loi et qu'on ne maintienne pas la protection des deux
droits essentiels.
Donc, je conclus avec cette question au sujet de ce qui nous
apparaît un manque d'équilibre pour la protection des
renseignements nominatifs.
L'autre point, l'autre remarque générale, c'est que l'on
touche dans ce projet de loi à tout le mode judiciaire d'accès
aux documents. À l'article 44, à l'article 59 et à
d'autres articles, on semble intervenir dans les règles qui existent
actuellement au Code de procédure civile ou dans d'autres lois et qui
touchent au mode judiciaire d'accès aux documents. Il me semble que -
parce qu'on le fait d'une façon bien partielle - c'est assez dangereux,
c'est assez hasardeux. Il y a une possibilité actuellement d'obtenir des
documents du gouvernement - et on peut aller assez loin -par le mode
judiciaire, par un subpoena qui oblige un témoin à apporter avec
lui des documents. Il y a aussi des règles qui protègent le droit
du gouvernement de gqarder ces documents confidentiels, quitte à les
soumettre à un juge. C'est l'article 3508, cet article que le rapport
recommande de maintenir dans sa forme actuelle, mais dont, par ailleurs, la
proposition de loi nous dit qu'il deviendrait inopérant si jamais il
nuisait à l'exercice du droit d'accès aux documents publics.
Ce que nous proposons, c'est que tout le mode judiciaire demeure
étranger, continue d'exister comme il est actuellement et qu'il soit en
quelque sorte parallèle à ce mode d'accès aux documents
qui est un mode plus administratif. Pour vous donner un exemple d'une
protection qui disparaît avec la proposition de loi, il y a l'article 59
qui nous dit: "Un organisme public peut, sans le consentement de la personne
concernée, communiquer un renseignement nominatif à un tribunal
s'il est exigé par assignation, mandat ou ordonnance dans le cadre d'une
procédure judiciaire. " Combinez cela avec le fait qu'à l'annexe
A on retrouve l'article 60. du ministère du Revenu; c'est cet article
qui dit que votre rapport d'impôt ne peut être communiqué
à personne, même pas, dans une instance civile, au juge qui
préside le tribunal. Si vous abolissez la protection de l'article 60 et
que vous maintenez cet article 59, cela veut dire que, dans une
procédure judiciaire où il s'agit la plupart du temps d'un
conflit privé entre deux personnes - pensez à tous les
problèmes matrimoniaux, les cas de divorce ou de séparation
contrairement à la situation actuelle, vous pourrez obtenir les rapports
d'impôt de l'autre partie. Par contre, le législateur a toujours
jugé jusqu'à présent que les individus entre eux ne
pouvaient pas aller chercher des documents publics pour prendre avantaqe les
uns contre les autres et c'était la raison, évidemment, de cette
protection de l'article
60.
(10 h 45)
II y a encore d'autres protections de même nature que la loi
semble faire sauter. Il me semble que, si on veut modifier le système
judiciaire, on devrait plutôt procéder à une étude
plus approfondie et revoir l'ensemble des règles, parce qu'en
matière judiciaire l'équilibre n'est pas entre le droit
d'accès et la protection de la vie privée. En matière
judiciaire, l'équilibre est entre la nécessité pour le
tribunal d'être informé de tous les faits afin de rendre justice
et la protection de la vie privée compte pour peu. On n'a même pas
le droit en matière judiciaire (article 308) de refuser de
témoigner parce que l'on pourrait s'incriminer. Vous voyez que la
protection de la vie privée n'est pas véritablement le facteur
qui est en cause en matière judiciaire. On oblige les gens à
témoigner afin que justice puisse être rendue. C'est donc un autre
équilibre entre d'autres principes fondamentaux dont il est question en
matière judiciaire et il me semble qu'on ne devrait pas intervenir dans
cela partiellement comme on le fait par la proposition de loi.
Enfin, trois petites remarques que je ferai brèves. L'organisme
de surveillance, le rapport dit qu'il a un rôle quasi judiciaire. Nous
soumettons que c'est vrai, ça nous semble aussi être le cas. S'il
a un rôle quasi judiciaire, ça veut dire qu'il va devoir
décider de points de droit. S'il décide de points de droit, qu'on
y mette des hommes de loi pour en décider. L'État paie fort cher
les subventions aux universités pour former des spécialistes dans
ce domaine, qu'il les utilise. Il nous semble que cet organisme est la place
où utiliser cette compétence, cette expertise. Qu'on y retrouve
des juges, qu'on y retrouve des avocats, du moins pour la partie quasi
judiciaire, pour la partie des décisions en droit.
Le deuxième point, c'est que nous souhaitons qu'il n'y ait pas de
doute non plus que le droit à la représentation par avocat soit
respecté. Vous établissez des droits pour les individus d'aller
chercher des renseignements, vous établissez des droits de
révision, etc.; il ne faut pas qu'il y ait de doute que les gens
puissent exercer ces droits par l'intermédiaire d'un avocat. Rien, dans
la proposition de loi, ne met en doute ce droit, mais on sait que dans la
pratique -vous dites, par exemple, que le responsable devra aider la personne
à présenter sa reguête - ç'a donné, à
certaines occasions, une interprétation qui faisait qu'on niait au
reguérant le droit d'être représenté par avocat; du
moins, on lui rendrait l'exercice de ce droit plus difficile. Le Barreau
souhaite donc qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur ce point.
Dernière remarque, en rapport avec les articles 1 et 2. Le
premier organisme public nommé à l'article 2, c'est
l'Assemblée nationale du Québec. Si vous pouviez profiter de
cette loi pour rendre les documents de l'Assemblée nationale du
Québec plus accessibles, ce serait merveilleux. Les lois et les
règlements sont de moins en moins accessibles aux citoyens, aux avocats
aussi, d'ailleurs. Avec la promulgation des lois par parties, avec des
références qui sont rendues plus ou moins complexes, avec la
refonte des lois de 1977, mais publiée deux ans plus tard et qui ne
contient pas les lois adoptées entre-temps et les modifications
apportées entre-temps, ça devient un travail de
spécialiste de simplement connaître la loi. Cela, c'est une
anomalie. Si on veut que les gens aient accès aux documents publics, aux
analyses, etc., on est certainement d'accord, mais qu'ils aient d'abord
accès à la loi et qu'on fasse disparaître ce qui nous
semble être une pagaille, actuellement, dans ce secteur. C'est un voeu
que le Barreau a répété à maintes reprises et que
je vous exprime aujourd'hui en terminant. Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais remercier le
Barreau. Au-delà des remarques qui ont été transmises,
nous avons reçu aussi un document fort élaboré pour lequel
nous tenons à vous remercier particulièrement puisque vous avez
repris, je n'oserai pas dire chacun des articles de la proposition de loi, mais
un bon nombre de ces articles. Vous avez fait un certain nombre de
recommandations et de commentaires et vous nous faites des suggestions de
modifications qui, dans certains cas, peuvent être très utiles. On
ne s'attendait pas à moins de la part de personnes qui font oeuvre de
juristes que de nous aider dans la préparation d'une loi.
Vous avez volontairement évité de tomber justement dans la
lecture, un peu fastidieuse, de l'ensemble de ces articles de loi, mais vous
avez soulevé un certain nombre de questions de fond dont je ne
retiendrai que quelques-unes, parce que vous nous avons plusieurs groupes
à recevoir aujurd'hui et j'ai promis à mon collègue de
l'Opposition officielle, M. French, que je serais beaucoup plus bref dans
l'ensemble des commentaires que j'émettrais aujourd'hui. Je vais faire
un effort et j'espère qu'on pourra conclure la journée en disant
que l'objectif a été atteint.
Vous invitez le gouvernement à assujettir à la loi tous
les organismes qui sont subventionnés à plus de 50% par
l'État Vous avez évidemment à l'esprit, probablement les
universités, les cégeps, les écoles privées, vous
avez aussi à l'esprit certains autres organismes dont le nom ne
me vient pas à l'esprit, mais qui reçoivent des fonds du
gouvernement et, dans bien des cas, pour plus de 50%. Par contre, vous avez
toute une argumentation sur le secteur judiciaire, ce qui me fait croire que
cette phrase qui est citée dans le rapport de la commission Paré
est tout à fait juste: "La commission d'enquête ontarienne
dirigée par le Dr D. Carlton-Williams a noté avec humour que les
citoyens veulent tout savoir sur autrui et que l'on ne sache rien sur eux.
"
L'impression que j'ai, après vous avoir entendus, c'est que vous
dites qu'en ce qui concerne en tout cas le secteur judiciaire, on pense que la
façon dont on fonctionne doit être tenue à l'écart
d'une loi d'accès à l'information gouvernementale et à la
protection des renseignements personnels, parce que tout le système
judiciaire en lui-même a son propre code de procédure a ses
propres règles internes et ces règles s'accommoderaient
difficilement d'une loi d'accès à l'information
gouvernementale.
J'aimerais vous entendre commenter l'invitation que vous faites au
gouvernement à ouvrir plus largement et même, vous nous y invitez,
à régir les banques de données privées. La
commission nous a suggéré là-dessus de pousser plus loin
l'étude parce que c'est un secteur où, s'il y a des
décisions à prendre, il faudra le faire après une analyse
beaucoup plus approfondie. Les commissaires nous ont signalé que le peu
de temps qu'ils ont eu pour préparer le rapport ne leur permettait pas
d'arriver avec des propositions sur cette question-là, mais ils nous
invitaient à approfondir le dossier. Or, vous n'êtes pas sans
savoir que plusieurs compagnies détiennent des chartes
fédérales et que, s'il fallait intervenir au niveau de
l'accès à l'information et du contrôle de la gestion des
fichiers, il y aurait peut-être là un problème
constitutionnel. J'aimerais entendre les juristes nous dire ce qu'ils pensent
du probème constitutionnel qui pourrait survenir dans ce
cas-là.
Enfin, relativement à la composition de l'éventuelle
commission, si nous retenons cette proposition, vous nous soumettez, je pense,
que c'est de bonne guerre que ce soient des avocats qui en soient les membres.
On a rencontré hier des informaticiens qui nous ont dit, qu'il devrait y
avoir au moins un informaticien à la commission. Il y a peut-être
d'autres groupes qui viendront nous dire qu'il serait absolument indispensable
qu'ils soient représentés au sein d'une telle commission. Je
voudrais savoir quelle est la justification, comme on dit chez les
intellectuels, quelle est la rationnelle qui supporte une telle
proposition.
Voilà donc les trois points sur lesquels j'aimerais
peut-être vous entendre maintenant élaborer un peu plus votre
pensée.
M. Vézina: Sur le premier point, au sujet de l'article 5
et de la recommandation que nous faisons d'y inclure les universités et
les institutions d'enseignement privées subventionnées à
plus de 50% par l'État, Me Pierre Trudel a travaillé ce point et
va vous répondre.
M. Trudel (Pierre): D'abord, évidemment, il n'est pas
question, dans les recommandations que l'on fait à l'égard de
l'article 5, d'inclure tout organisme ou toute entreprise, quel qu'il soit, qui
est subventionné à plus de 50% par l'État. Il nous est
apparu cependant que si l'intention est de faire en sorte que les organismes
scolaires soient assujettis à la loi, on ne voyait pas pourquoi les
universités, qui font partie intégrante du système
scolaire, seraient exclues, dans la mesure où elles sont assujetties en
général aux mêmes obligations face à leur
clientèle. On ne voyait pas pourquoi il fallait créer deux
catéqories d'institutions d'enseignement.
Notre recommandation s'arrête là. On ne mentionne
absolument pas qu'il faudrait inclure tout organisme dès qu'il est
subventionné à plus de 50%. On s'en est tenu uniquement aux
organismes d'enseignement.
M. Vézina: Pour ce qui est de la deuxième partie au
sujet du judiciaire qu'on demande de laisser de côté, il ne
faudrait pas y voir simplement une limite au droit d'accès. Au
contraire, il existe actuellement des possibilités d'obtenir plus de
documents que ce que permettrait la proposition de loi.
Je vous donne l'exemple suivant: L'article 44 de la proposition de loi
nous dit qu'un organisme public peut refuser de communiquer une analyse lorsque
cette divulgation risquerait d'avoir un effet sur l'issue d'une
procédure judiciaire en cours, etc. Cela veut donc dire que le
gouvernement qui serait partie à un procès, pourrait en vertu de
cet article 44, refuser de remettre une analyse parce qu'il y aurait
procédure judiciaire en cours. Comparez cela avec l'article 401 du Code
de procédure civile, je vais vous le lire: "Une partie qui a en sa
possession quelque écrit se rapportant au litige peut, après
production de la défense, être assignée à
comparaître devant le protonotaire pour en donner communication et en
laisser prendre copie. "
Si j'ai un procès pour ou contre le gouvernement, si le
gouvernement est partie à un procès, en vertu de l'article 401,
je peux le forcer à sortir des documents qu'à première
vue, en vertu de l'article 44, s'il était adopté, il pourrait
refuser. C'est vraiment un autre équilibre.
M. Bertrand: M. le Président, l'article 44 est là,
mais il y a un autre article qui a été prévu dans les
dispositions générales,
l'article 148. Je veux savoir si cet article vous satisfait dans le
contexte où justement, vous argumentez. On dit que cette loi, la loi
d'accès, doit être interprétée de manière
à ne pas restreindre l'exercice du droit d'accès d'une personne
à un document résultant de l'application d'une autre loi.
M. Vézina: À mon avis, non, parce que c'est une
règle d'interprétation. L'article 148 dit bien
"interpréter. " Une règle d'interprétation, on ne s'en
sert que lorsque la disposition n'est pas claire. Il faut d'abord appliquer une
disposition qui est claire. L'article 44 nous dit que le gouvernement peut
refuser de communiquer; c'est clair. L'article 148 n'est que d'un secours
lorsqu'il y aurait une situation peut-être un peu confuse dans les
dispositions de la loi où là, on ferait appel à cette
règle d'interprétation. Si on avait dit, à l'article 148,
que c'était non pas une règle d'interprétation, mais une
priorité, cela pourrait aller, mais ce n'est pas cela qu'on a dit. On a
fait simplement une règle d'interprétation, comme, par exemple,
on sait que dans la Charte des droits et libertés de la personne, pour
les lois antérieures, ce n'est qu'une règle
d'interprétation, elle n'a pas priorité sur les lois
antérieures, elle ne sert qu'à interpréter, lorsqu'il y a
peut-être confusion ou lorsqu'il y a une matière qui n'est pas
parfaitement claire.
M. Bertrand: En tout cas, l'éventuelle commission aura
deux ans pour réviser l'ensemble des lois qui seraient touchées
par une loi d'accès à l'information gouvernementale. II y a,
entre autres, les lois auxquelles vous êtes soumis. Mon
interprétation de l'article 148 - je pense que c'était
probablement celle des commissaires -était de permettre, de faire en
sorte que dans les cas où des lois prévoient déjà
un accès qui est au moins égal, sinon meilleur que celui qui est
proposé par la proposition de loi ici, la loi d'accès à
l'information gouvernementale, il ne fallait surtout pas restreindre
l'application de ces lois dans la mesure où justement elles permettaient
d'aller chercher plus de renseignements, plus de documents, plus d'information
que ne le permet la proposition de loi contenue dans le rapport Paré.
S'il faut, comment dirais-je, sur le plan juridique, préciser des choses
comme celles-là, ce qu'il faut surtout comprendre ici, c'est l'intention
des commissaires et l'interpréter correctement en disant que c'est
l'intention visée.
M. Sirois (André): C'est peut-être un
problème de rédaction. Il aurait peut-être fallu simplement
écrire: Cette loi ne doit pas restreindre l'exercice du droit
d'accès, etc. C'est peut-être ce qu'on aurait voulu écrire,
mais comme il est rédigé, c'est très clair que c'est une
règle d'interprétation. (11 heures)
M. Vézina: Quant à l'article 62,
c'est-à-dire que la commission a deux ans pour réviser toute
l'annexe A, ce qui nous semble dangereux, c'est de décider aujourd'hui
que dans deux ans au plus tard, ces dispositions seront inopérantes,
qu'on en ait complété l'étude ou pas. C'est cela qui est
dangereux. Si on nous disait que le législateur révisera chacune
des dispositions de l'annexe A et, si nécessaire, les amendera, c'est
parfait, mais qu'on ne décide pas avant de commencer l'étude
qu'au plus tard dans deux ans, peu importe où on en sera, elles seront
inopérantes. C'est ce que l'on a cru comprendre de l'article 62.
M. Bertrand: Attention!
M. Vézina: On dit: Au plus tard dans deux ans, cela
devient inopérant. On n'est pas sûr que le législateur aura
été appelé dans chacun des cas à bien
évaluer les conséquences de l'opération, mais que l'on
reprenne chacune de ces dispositions et que le législateur les modifie
pour les rendre conciliables avec la loi projetée, parfait; si
entre-temps, il y a un problème et que les tribunaux le tranchent,
parfait, mais non pas que cela devienne automatiquement inopérant sans
qu'on soit sûr que l'étude a été faite.
M. Bertrand: Maître, j'en viens toujours au même
argument, servons-nous de notre sens commun. Il est évident que, si au
terme de deux ans, il y a un certain nombre de lois qui n'ont pu être
analysées par la commission pour savoir s'il y a des modifications
à y apporter à cause même de l'introduction d'une nouvelle
loi sur l'accès à l'information gouvernementale, il est
très clair que ces lois ne seraient pas rendues inopérantes, cela
tombe sous le sens commun qu'il faut que ce travail soit
complété.
M. Trudel: Mais, si je peux me permettre, à ce
moment-là, il serait infiniment plus prudent de retrancher les articles
46 et 62 qui, jusqu'à maintenant, font partie du texte de loi et,
après le seul écoulement du temps, elles deviendront soit
inopérantes ou cesseront d'avoir effet. Si l'intention que vous exprimez
est bien celle-là, il sera toujours temps de faire en sorte que ces lois
soient inopérantes le moment venu, une fois l'étude
complétée, plutôt que de le prévoir dès
maintenant.
M. Bertrand: On peut en revoir la rédaction, mais le
principe doit être maintenu, c'est-à-dire qu'il faut quand
même évaluer si des lois doivent demeurer opérantes ou
doivent devenir inopérantes.
M. Vézina: On est bien d'accord avec
cela, mais ce qu'on trouve dangereux, c'est la technique employée
de mettre un couteau qui dit: Dans deux ans, fini pas fini, c'est coupé.
C'est cela qui nous fait craindre l'article 46 et l'article 62.
Mme Vadeboncoeur: D'ailleurs, si vous me le permettez,
l'intention que vous exprimez, c'est-à-dire que le principe demeure que
l'étude doit être faite, c'est prévu par l'article 156 et
non pas par les articles 46 et 62, ce qui justifierait le retrait des articles
46 et 62 et le maintien à tout le moins de l'article 156 pour conserver
à la commission le devoir d'étudier toutes les lois en
question.
M. Bertrand: À mon avis, il faut quand même indiquer
clairement dans la loi que la commission doit effectuer ce travail, parce qu'il
y a trop de lois qui existent. Il y en a un grand nombre mentionné
à l'annexe A. Cette liste n'est pas nécessairement exhaustive et
on pourrait retrancher de cette annexe un certain nombre de lois. On a vu hier,
dans le cas du Directeur général des élections, qu'il
fallait tenir compte de la situation très particulière dans
laquelle il travaille. Ceci étant dit, je pense qu'il faut maintenir le
principe de faire ce travail; par contre, il faut le baliser pour qu'on ne soit
pas dans une situation complètement absurde où, finalement, des
lois qui méritaient d'être opérantes, parce qu'elles
facilitent l'exercice du droit à l'accès, deviennent
inopérantes parce que justement le travail n'a pas été
fait ou a été mal fait ou n'a pas pu être
complété, parce qu'on avait fixé, à un moment
donné, une échéance que les commissaires n'ont pas
été en mesure de respecter.
M. Vézina: Mais il existe déjà en
matière d'interprétation une loi qui dit qu'une loi nouvelle a
préséance sur les lois anciennes, les lois
générales par rapport aux lois spéciales, etc., pour
justement réussir à donner effet à des dispositions de la
loi qui abolissent implicitement - cela arrive souvent, sans le dire
expressément - d'autres dispositions législatives. C'est une
technique déjà connue, déjà prévue dans la
loi d'interprétation. En ce sens, cela nous semble suffisant, la
technique additionnelle qu'ajoute la proposition de loi nous semble un couteau
dangereux. Tout le secret professionnel, par exemple, de l'avocat est remis en
question. Cela nous semble encore un point qui devrait être
discuté beaucoup plus amplement. Il est certain que déjà
cette loi aurait des effets, malgré l'existence de dispositions
législatives quant au secret professionnel, en vertu des règles
habituelles d'application des lois et d'interprétation des lois.
Le troisième point que vous avez soulevé, ce sont des
avocats membres de la commission. Pourquoi des avocats? Pourquoi pas des
informaticiens? Pourquoi pas d'autres personnes? On n'a aucune objection
à ce qu'il y ait d'autres personnes à la commission, absolument
pas. On dit simplement que vous donnez un rôle quasi judiciaire - c'est
l'expression même employée par le rapport Paré, à la
page 10 - c'est-à-dire de décider entre des gens qui ne
s'entendent pas qui va avoir raison et d'appliquer la règle de droit
pour diviser entre l'un et l'autre. Cela m'apparaît par définition
un travail juridique, ce qu'on apprend à l'université des
avocats, être ce qu'on est appelé à faire tous les jours.
Je vous dis, pour cette partie, parce que, pour faire le travail
d'étude, ce n'est pas nous autres qui connaissons tout, loin de
là et, pour faire le travail quasi judiciaire, pour appliquer des
règles de preuve, pour diriqer un débat contradictoire
judiciaire, c'est précisément le travail qu'on fait, on vous dit:
Cette partie-là, assurez-vous que ce sont les juristes qui vont la
faire. Dans certains organismes, on dit: Le président sera un juriste
et, pour les questions de droit, c'est lui qui videra le problème. Par
contre, pour ce qui est de rendre la décision et de l'opportunité
de la décision, c'est l'ensemble du "board" qui décide. Vous
pourriez aussi, si vous décidez de confier cela à des organismes
existants, dire que, tout simplement, le rôle quasi judiciaire sera
joué par les tribunaux.
M. Bertrand: Un bon service du contentieux à
l'intérieur d'un organisme, est-ce que cela ne peut pas jouer un
rôle très utile?
M. Vézina: Moi, je vous dis que c'est le travail d'un
avocat. Si vous me dites que vous faites appel à un contentieux, c'est
déjà des hommes de loi qui vont trancher le point. C'est
très bien. Il y a la question de savoir s'ils sont juges et partie en
même temps, cela est un autre problème. Enfin, faites trancher un
problème de droit par un homme de droit; cela m'apparaît assez
fondamental.
M. Bertrand: Une dernière question. Avez-vous
réfléchi sur la propositon de création de cette commission
d'accès aux documents des organismes publics? Vous dites: Bien
sûr, il y a une dimension qui manque, c'est celle de la couverture des
renseignements personnels, ne serait-ce qu'au niveau de l'appellation
même de la commission. J'ai indiqué hier que j'étais
très préoccupé par ce problème, qu'on vit dans les
gouvernements, de la multiplicité des organismes dans tous les champs
d'activité, qui provoquent, bien sûr, la création de
nouveaux effectifs et l'allocation de crédits
additionnels, etc. Est-ce que vous avez réfléchi sur cela
ou si vous avez tenu pour acquis que, puisque la proposition de loi demande la
création d'un nouvel organisme, il fallait aller de l'avant avec une
telle proposition et non pas chercher à voir si d'autres types
d'organismes déjà existants dans l'appareil gouvernemental
pourraient assumer les responsabilités que la commission voudrait voir
assumer par la commission d'accès aux documents des organismes
publics?
M. Vézina: Dans le travail du comité même,
nous ne nous étions pas arrêtés à ce point-là
parce que - peut-être sommes-nous trop pessimistes - nous avons cru que
la création d'un nouvel organisme était inévitable. Mais
déjà, antérieurement, le Barreau a dit qu'à son
avis il y avait beaucoup trop d'organismes publics et qu'entre autres, chacun
faisant ses propres règles de procédure, chacun faisant ses
propres règles de fonctionnement, cela amenait une confusion totale. Un
simple citoyen ne peut évidemment pas s'y retrouver. Même pour
nous les avocats - en matière d'expropriation par exemple, le tribunal
de l'expropriation fixe ses délais, l'autre organisme fixe ses propres
délais, fixe ses propres règles de preuve, etc. - c'est une
confusion totale. Nous préférerions et de beaucoup que tout cela
soit unifié. Entre autres choses - on en a discuté ce matin
à la suite des remarques qu'on a pu lire dans la Presse - toute la
partie quasi judiciaire, nous ne voyons pas à première vue
pourquoi elle ne serait pas confiée aux tribunaux qui existent
déjà, que ce soit à la Cour provinciale ou à la
Cour supérieure. Pourquoi ce ne serait pas eux, lorsqu'il y a un litige,
qui exerceraient la révision? Pour ce qui est de l'étude de
recommandations à l'avenir etc., il se peut qu'un autre organisme soit
parfaitement compétent et ait actuellement les ressources pour le faire.
Mais, en principe, si vous trouvez un moyen d'éviter la création
d'un nouvel organisme, de nouvelles règles de procédure et d'une
nouvelle cuisine qui fait que c'est plus difficile d'exercer ses droits, nous
serions fort heureux.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: Je suis content d'entendre parler du simple citoyen.
Je voudrais poursuivre la question de la relation entre la commission
d'accès prévue et la profession du droit. Est-ce que vous avez,
dans la préparation de cet excellent mémoire,
étudié la situation aux États-Unis où justement le
premier recours d'un requérant déçu ou le recours final
est aux tribunaux de la Cour fédérale américaine? Est-ce
que vous avez étudié, entre autres, le coût moyen des
actions entreprises dans le contexte de la loi, qui tombe sur le
requérant, finalement"?Le coût au requérant
d'avoir recours à la Cour fédérale américaine pour
poursuivre un litige sous la loi "Freedom of Information" des
États-Unis? Avez-vous une idée de l'ordre de grandeur?
M. Vézina: Je dois vous dire qu'on n'a pas examiné
la question du coût des poursuites. C'est certain que des recours devant
les tribunaux peuvent parfois engendrer des coûts
considérables.
M. French: Je peux vous dire que, d'après les
renseignements que nous avons, le coût moyen au requérant est de
plus de 10 000 $.
Donc, on se retrouve dans une situation qu'on appelle, en termes
économiques, une barrière à l'entrée, qui n'est
pas...
M. Bertrand: Un gros ticket modérateur.
M. French: Un gros gros ticket modérateur qui ferait chaud
au coeur... qui ne ferait pas chaud au coeur du ministre des Finances
peut-être... On ne va pas bifurquer.
Tout cela pour indiquer que ceux qui profitent d'une telle situation -
et c'est une société beaucoup plus litigieuse que la nôtre
- sont les syndicats, les corporations, les sociétés, les
études de droit washingtoniennes et quelques journalistes qui ont
derrière eux une puissance financière qui est prête a les
appuyer.
Maintenant, s'il y avait moyen de fournir les services d'un avocat au
requérant déçu à frais raisonnables, pour un tel
cas, on serait peut-être prêt à considérer les
arguments partant d'une définition des fonctions quasi judiciaires ou
les demandes de droit à la représentation, etc.
Mais jusqu'à ce que l'on fasse face directement à ce
problème, c'est excessivement difficile d'appuyer le désir de
votre profession de s'impliquer directement dans les cas. La lecture que j'ai
faite du rapport de la commission était que le personnel de la
commission partirait avec un préjudice favorable au requérant
déçu, au requérant qui a été refusé.
Lorsqu'il demanderait leurs services à la suite d'un refus de sa
requête, de sa demande d'accès, le personnel de la commission
aurait la responsabilité de présenter le cas pour le
requérant devant les commissaires. Face à cette situation de
coûts, face à cette présomption qui, je pense, est valable
quant aux responsabilités du personnel de la commission, quelle est
votre réaction?
M. Vézina: Je ne sais pas si je me suis mal
exprimé, mais le désir du Barreau n'est
pas d'essayer de "plugger" des avocats partout et d'obliger les
requérants à payer une cote à un avocat parce qu'ils
voudraient exercer des droits de révision ou autres. Pas du tout.
C'est très louable de vouloir favoriser par la mécanique
la plus simple possible l'exercice des droits par le citoyen lui-même,
mais on dit tout simplement: N'empêchez pas ceux qui veulent se battre de
pouvoir le faire. Ce sont les deux aspects. Il y a des gens qui sont capables
de se battre, il y a des associations, il y a des groupes, etc., qui sont
capables de tenir tête à la machine administrative publique. Ces
gens-là, s'ils le veulent, et s'ils veulent avoir recours à des
avocats parce que c'est un outil très utile pour arriver à
contrer la machine publique qui, elle, a ses propres avocats, qu'il n'y ait pas
de doute qu'on puisse le faire.
Que, dans un deuxième temps, on fasse une obligation, par
exemple, aux responsables d'aider le citoyen à rédiger sa
plainte. Que l'on trouve un moyen, que ce soit comme les petites
créances ou autrement, pour que le simple citoyen puisse rapidement et
simplement se faire entendre. C'est souhaitable. On ne veut pas du tout nuire
à ce processus.
D'ailleurs, à l'article 146, on parle des recours civils et on
dit que quelqu'un qui n'est pas satisfait pourra s'adresser à la Cour
supérieure. On n'a pas d'objection. Mais je ne vois pas pourquoi on n'a
pas dit simplement qu'il pourra s'adresser aux tribunaux. À ce
moment-là, cela voudrait dire que, si c'est en bas de 500 $, il ira aux
petites créances, si c'est entre 500 $ et 6000 $, il ira à la
Cour provinciale et, si c'est 6000 $ et plus, il ira à la Cour
supérieure. On ne tient pas à compliquer l'existence des choses,
sauf que le désir fort louable de simplifier la procédure au
simple citoyen est parfois devenue et a parfois été sentie, dans
la pratique administrative, comme un moyen d'empêcher que les avocats
soient dans le portrait.
Et c'est cela qu'on trouve un peu curieux. Cela part d'un bon vouloir,
mais cela aboutit à tenter de priver celui qui veut se battre -
même si cela coûte cher, même si c'est difficile, même
si c'est long - de le faire. C'est cela l'hésitation, c'est cela la
restriction qu'on avait et que l'on voulait exprimer.
M. French: Vous n'êtes pas contre l'article privatif tel
qu'il est rédigé dans la proposition de loi. (11 h 15)
M. Vézina: L'article privatif au sujet des recours
spéciaux? Vous savez que les tribunaux n'ont jamais donné une
portée très grande à ces articles privatifs. S'il y a
excès de juridiction et tout, les tribunaux passent carrément
par-dessus. On n'est pas revenu dans notre mémoire sur ce point d'une
façon très élaborée, parce que, dans la situation
actuelle, ce n'est pas véritablement un obstacle.
M. French: Vous trouvez que c'est cassable, cet article, en tout
cas. Donc, vous ne vous en préoccupez pas. Plus tôt ou plus tard,
un requérant ayant les moyens financiers, etc., va poursuivre finalement
la commission.
M. Vézina: Oui, d'autant plus qu'avec grande sagesse, je
pense, la proposition de loi dit qu'il y a un appel à la Cour d'appel,
contrairement à d'autres lois où on mettait un article privatif,
on excluait tout recours aux tribunaux. Ici, au contraire, on a dit: II y aura
l'étape de la commission, qui fera un travail, mais on a aussi
prévu que, si quelqu'un veut se battre, s'il n'est pas satisfait, etc.,
il y a sur une question de droit un recours à la Cour d'appel. Je pense
qu'on délimite bien la...
M. Bertrand: Sur une question de droit ou de
compétence.
M. Vézina: C'est cela, de droit ou de compétence,
oui.
M. French: Mais pas de l'application d'un standard quelconque
à un document quelconque.
M. Trudel: C'est une question de point de vue.
M. Vézina: C'est toute la question de savoir si c'est un
renseignement nominatif et c'est toute la question de savoir si cela entre dans
tel ou tel article. Cela peut aller très loin, les questions de
droit.
M. Trudel: J'aimerais ajouter quand même un commentaire. On
est en présence d'une loi qui met ensemble des droits qui sont tous
fondamentaux et qui peuvent venir en conflit. On peut avoir l'attitude de
penser que cela peut se régler de façon bien simple, de
façon très économique, et faire en sorte que cela ne
coûte rien, et je me demande jusqu'à quel point on ne se leurre
pas un peu. Lorsque des questions complexes viennent en conflit, lorsque des
groupes s'affrontent sur des questions fondamentales, je pense que c'est un peu
s'illusionner que de s'imaginer que cela ne coûte absolument rien
à personne. Il faut que quelqu'un paie. Ou bien c'est l'État qui
paie et qui finance les poursuites de tous et chacun, ou bien l'État
permet à ceux qui désirent se prévaloir de leurs droits de
le faire dans la mesure où ils peuvent le faire, ce qui n'exclut pas,
évidemment, que l'État puisse venir en aide aux groupes ou aux
personnes, comme c'est
déjà le cas ou comme on a tenté de le faire en
matière de recours collectif, par exemple. Il existe toutes sortes de
mécanismes qui permettent de diminuer le coût des poursuites.
Par contre, si on s'imagine qu'en déjudiciarisant toutes ces
questions, on va les simplifier, c'est peut-être une certaine illusion,
on s'illusionne peut-être un peu. Les droits fondamentaux, ce ne sont pas
des questions simples. Ce sont des conflits qui prennent parfois des allures
d'une extrême complexité et ce n'est pas, je pense, jouer à
la protection des avocats que de dire que ces questions sont des
matières compliquées. Entre autres, le rôle de la formation
juridique est précisément de tenter de démêler tout
cela. C'est un métier comme un autre et, dans ce sens, on prétend
qu'il n'est pas illégitime de rappeler ce phénomène. Si
vous nous dites que cela coûte de l'arqent, je pense que c'est le cas de
toute question compliquée.
M. French: Ce que je voulais clarifier, c'était la balance
de pouvoir relative à laquelle on aboutit si le droit à la
représentation devient la nécessité de la
représentation. J'ai cru comprendre qu'on est d'accord, au moins pour ma
part, qu'il y aurait possibilité, à la discrétion des
commissaires, qu'un requérant soit représenté par un
conseiller juridique.
M. Vézina: Ah non! Il ne faut pas! Il ne faut pas que ce
soit à la discrétion des commissaires, parce que la Charte des
droits et libertés de la personne reconnaît expressément
que, devant tout tribunal et organisme quasi judiciaire, quelqu'un qui est
convoqué ou quelqu'un qui s'y présente a le droit fondamental de
se prendre un avocat, s'il le veut bien, si lui, le requérant le veut
bien ou si lui, l'intimé, veut bien. Ce n'est pas à la
discrétion de l'organisme d'obliger une personne qui vient s'adresser
à lui de le faire seul ou de le faire par l'intermédiaire d'un
porte-parole, par l'intermédiaire d'une personne qui connaît le
droit. C'est là-dessus qu'on ne veut pas qu'il y ait de doute.
M. French: Oui, mais vous n'êtes pas sans savoir que ni le
requérant ni son avocat n'auraient accès dans tous les cas aux
documents en question. Donc, le genre d'argument, le genre de cause que l'on
peut monter en l'absence du document est assez minime au premier abord, pour
commencer. Si vous voulez simplifier les règles de procédure, si
on veut que le gros bon sens règne, la première chose à
faire serait d'empêcher les syndicats et les sociétés de
venir se battre avec toute leur armée d'avocats, ou deux
sociétés, une société qui a déposé
les renseignements et une société qui veut avoir accès aux
renseignements, de se battre devant la commission sans aucune fin publique
reconnaissable. À ce moment-là, vous aurez une spirale de
réglementations et de règles de procédure au sein de la
commission, ce qui ferait en sorte que le simple citoyen, encore une fois, qui
arrive là pour se battre seul ou avec l'aide du personnel de la
commission se retrouve tout à fait perdu.
C'est justement ce problème que je veux évoquer; c'est la
situation actuelle aux États-Unis. La plupart des cas, certainement la
grande majorité des cas dans les secteurs économique et
réglementaire aux États-Unis sont faits entre
sociétés comme partie de la concurrence entre grandes
sociétés. Notre objectif à tous, à cette table,
c'est que cette loi soit adoptée pour ajuster l'équilibre de
concurrence entre grandes sociétés. Une des façons par
laquelle on pourrait le faire -peut-être se trompe-t-on - serait de
minimiser la capacité de ces concentrations de pouvoirs
économiques et de malmener le gouvernement dans ce milieu - j'inclus les
syndicats - d'éviter que la loi devienne leur instrument, de retarder le
processus de réglementation, de "débalancer" le processus de
négociation et d'essayer de changer les termes de concurrence entre
grandes sociétés...
Je suis tout à fait d'accord avec Me Trudel qui dit que ça
coûte certainement quelque chose au bout du compte. Cela, c'est sûr
et certain. Par contre, s'il y avait moyen de permettre la
représentation d'une façon prévue par la Charte des
droits, que vous avez soutenue ici, devant un tribunal quasi judiciaire, pour
éviter que tous les cas litigieux deviennent comme n'importe quel autre
cas entre grandes sociétés devant les tribunaux, ce serait
l'éguilibre qu'on cherche. Je vous suggère humblement que si la
commission s'est trop penchée dans un sens pour la
réglementation, actuellement, elle penche trop dans l'autre sens. La
porte est trop ouverte au genre d'abus que j'ai évoqué.
Mme Vadeboncoeur: Si vous me permettez, M. le Président,
j'aimerais répondre en posant une question au député de
Westmount. Si l'on tient pour acquis que devant la commission il y aura, d'une
part, un citoyen seul et, d'autre part, un organisme public, ça peut
être un ministère, ça peut une régie, ça peut
être n'importe quel autre organisme public qui, évidemment, a un
contentieux, si vous restreignez la présence d'un avocat devant la
commission, est-ce que ce n'est pas injuste de permettre à l'orqanisme
public de préparer son argumentation avec son contentieux avant qu'il se
présente devant la commission et de refuser au simple citoyen seul de se
prévaloir de l'assistance d'un avocat pour préparer sa propre
argumentation?
M. French: La réponse, c'est oui, mais ma réponse
supplémentaire, c'est que je prévois que l'avocat en question qui
va aider le simple citoyen, c'est un avocat employé à temps plein
par la commission, ou, du moins, le simple citoyen a cette option, plutôt
que de demander de retenir un avocat d'une étude quelconque,
nécessairement. C'est sûr et certain qu'avec les contentieux
toujours disponibles au gouvernement, les contentieux des ministères
individuels ou des organismes publics vont s'impliquer dans la
préparation de la cause. Ils vont avoir accès aux documents en
question, entre autres, et ils vont faire valoir leurs arguments quant à
ces documents devant les commissaires.
Encore une fois, le requérant ne serait pas là parce que,
dans la mesure où le contenu de ces documents est
révélé pendant l'argumentation, ils ne peuvent pas
être là. Si, par contre, on se fie uniquement à ce qu'on
peut appeler le marché privé, si on peut de façon
réaliste parler d'un marché privé pour les services
professionnels, si on se fie uniquement à ça pour fournir un
conseil au requérant, on se trouve dans une situation où le
ministère, le sous-ministre, le PDG de l'organisme public a tout
intérêt à forcer tous les problèmes au sein de la
commission parce que, à ce moment-là, il sait que c'est probable
que le simple citoyen, ou même le journaliste, ne sera pas capable de
faire l'effort juridique nécessaire pour contester, à moins que
le service de juristes à l'emploi de la commission ne soit
disponible.
M. Vézina: II y a le problème du
déséquilibre. Par exemple, aux petites créances, on a
choisi de dire: II n'y aura pas d'avocat, étant donné que c'est
moins de $500. Cela assurerait un meilleur équilibre entre les parties,
si on interdisait à tout le monde d'avoir un avocat, c'est une chose. Il
y a des problèmes ici qui seront soulevés devant la commission et
qui pourront être de très grande importance. Mais je ne vois pas
pourquoi vous obligeriez les gens à se battre sans l'aide de quelqu'un
qui connaît le droit. S'il n'y a pas grand-chose à dire, parce que
les arguments sont minimes, pourquoi obliger le requérant à les
dire lui-même? Peut-être que l'avocat ne pourra pas faire beaucoup
plus que son client, mais enfin, le principe de base c'est: N'empêchez
pas les gens de se battre.
C'est bien beau de confier la protection des droits personnels à
un organisme public, mais ne les enlevez donc pas à la personne
elle-même. Je veux bien faire confiance à cet organisme qui va
protéger les renseignements nominatifs qui me concernent mais, s'il vous
plaît, ne m'enlevez pas le droit de me battre pour protéger ce qui
me concerne et me battre, ça veut dire quoi? Cela veut dire pouvoir
étudier, pouvoir présenter des arguments, soit seul, soit avec
d'autres. En particulier, dans notre système, pour assurer
l'égalité des gens au point de vue de la loi, un des moyens qu'on
a trouvé, c'est de dire: Plutôt que de le faire tout seul, vous
pouvez prendre quelqu'un qui a étudié la loi et qui va être
à armes plus égales avec l'autre partie. C'est vrai qu'il va y
avoir des grands débats peut-être entre sociétés
privées et les grands débats, elles les feront au sujet du secret
professionel, au sujet du secret industriel, elles les feront, les grands
débats.
Déjà, dans le système judiciaire, on les fait et
ça va jusqu'à la Cour suprême. Laissons-les se battre et
laissons-les prétendre avoir chacun des droits et ce, de la façon
la plus intelligente encore, pour permettre à la commission de prendre
une bonne décision. Parce que l'avocat est là pour
défendre son client, bien sûr, mais surtout pour mettre tous les
côtés de la médaille devant celui qui va avoir à
prendre la décision. La commission a beaucoup plus de chances de rendre
de bonnes décisions si, de part et d'autre, des avocats font valoir
chacun leur point de vue. À ce moment-là, elle qui est assise au
centre comme arbitre, ayant eu des références, les documents, les
précédents, sera plus en mesure de rendre justice. Du moins, tout
notre système judiciaire contradictoire, c'est ça.
C'est le juge qui décide, mais on dit, pour qu'il rende la
meilleure décision possible, on va mettre des hommes de loi de chaque
côté qui présenteront les deux côtés de la
médaille et, après ça, il tranchera. Alors que si vous ne
faites pas ça et que vous laissez deux citoyens, dans la mesure de leurs
moyens, sans connaissance de la jurisprudence, etc., ou avec une connaissance
fort limitée, donner leurs arguments à la commission, c'est la
commission qui devra faire tout le travail. Au contraire, si vous permettez
à l'avocat de jouer son rôle, il assiste, il apporte même
des objections, mais enfin, il fait comprendre à la commission
peut-être toute la délicatesse du problème qu'elle a devant
elle et, en général, ça donne un résultat meilleur
au bout, même si, à première vue, cela soulève des
problèmes qui n'auraient pas été vus.
M. Trudel: J'aimerais ici relever un commentaire du
député de Westmount qui semblait réfléchir sur la
possibilité que la commission elle-même fournisse des services
d'avocats aux citoyens qui voudraient présenter des plaintes. Cela pose
une question extrêmement délicate: À quel maître
obéit l'avocat? Si c'est un employé de la commission, il se
trouve dans une situation où il n'est peut-être pas en mesure de
poser tous les gestes requis pour défendre les intérêts du
citoyen qui vient devant lui.
M. French: Pourquoi?
M. Trudel: Parce que son patron, c'est la commission. Il est
engagé par la commission, il a des conditions de travail
déterminées par la commission, il a des limites qui lui sont
imposées par la commission et il est pourtant chargé de
défendre les droits d'une des parties qui vient se présenter
devant la commission. Alors, il y a un premier problème, c'est la
difficulté que je peux voir en ce qui a trait aux deux maîtres
qu'il faudrait servir à la fois et il y a une certaine
inéquité à faire en sorte qu'une des parties soit
défendue par un employé de la commission. Je pense que ça
affecte drôlement la crédibilité de l'organisme
chargé de trancher, lorsque c'est un de ses employés qui
représente une partie, alors que l'autre partie est
représentée par un avocat qui est étranger. Alors,
ça crée des difficultés au niveau des conflits
d'intérêts qui sont, je pense, extrêmement
délicats.
L'approche qui semble avoir été retenue ici au
Québec, c'est plutôt de tenter d'augmenter l'accès à
l'aide juridique ou même d'aider les personnes ou les requérants
devant les organismes judiciaires ou quasi judiciaires à financer le
coût de leurs démarches dans le cas où ils ne sont pas en
mesure de le faire. C'est une approche qui évite de placer l'avocat dans
une situation qui peut parfois affecter la crédibilité de tout le
processus, (il h 30)
M. French: Commençons donc peut-être par un petit
malentendu entre le bâtonnier et moi. Je ne serais pas rébarbatif
à un droit absolu à la représentation d'un individu si les
renseignements le concernant sont visés par une autre personne par voie
d'implication. C'est-à-dire que je ne serais pas contre le droit
à la représentation devant la commission pour quelqu'un qui
ferait un "reverse freedom of information", pour défendre ses propres
intérêts, dans ses propres renseignements qu'il a
déjà vus et auxquels son avocat aurait accès. À ce
moment, il me semble que le rôle de l'avocat devient beaucoup plus
substantiel parce qu'il a vu le document, ainsi que les commissaires. C'est le
gouvernement, je vous le rappelle, qui veut publier ces renseignements. Est-ce
que je serais aussi d'accord que ce soit une personne morale qui profite de ce
droit de représentation? Je ne suis pas sûr, parce qu'on ouvre la
porte justement aux deux grandes sociétés, avec les armées
d'avocats que j'ai évoquées tantôt. Je pense qu'il faut
réfléchir longtemps avant de mettre le gouvernement au milieu de
ces problèmes. Je le répète: Ma conception de cette loi,
c'est que ce n'est pas pour changer l'équilibre de la concurrence entre
deux sociétés ou deux grands intérêts ou deux
grandes concentrations du pouvoir économique. On peut avoir des
divergences là-dessus.
Pour le troisième point, à l'article 128, comme le
ministre me l'a fait remarquer, il est écrit que "les membres du
personnel de la commission doivent prêter assistance pour la
rédaction d'une demande de révision à toute personne
intéressée qui le requiert". Ma conception de la chose, c'est
que, dans le fond, vu que le requérant n'a pas accès aux
documents, il y a relativement peu de travail pour l'avocat à ce point.
Par contre, les gens de la commission sont habitués à travailler
avec la loi, ils connaissent mieux cela. Le "learning curb" ne serait pas
subventionné par un individu pour chacun des avocats de la province,
mais plutôt subventionné publiquement par les contribuables, de la
part de tous les requérants frustrés qui auraient recours
à la commission. À ce moment, personnellement, je voudrais
rappeler à Me Trudel qu'il me semble que le conflit
d'intérêts qu'il a évoqué existe à peine,
puisque la responsabilité de la commission, des commissaires, c'est de
trancher une décision. L'équilibre entre l'intérêt
général à l'accès et l'intérêt du
gouvernement ou l'intérêt des fonctionnaires, si vous voulez, et
la confidentialité, c'est cela qu'il faut faire peser par la commission.
Ce ne sont pas les gestes du personnel de la commission face aux commissaires.
C'est un conflit que je ne vois pas se concrétiser de façon
catégorigue.
M. Vézina: L'article 128, c'est excellent. C'est pour
donner de l'information, c'est pour aider quelqu'un qui vient déposer sa
demande. On va l'aider, on va lui fournir la formule, on va peut-être
même l'aider à la rédiger, etc. On va lui dire de quel
document il s'agit, quel article il pourrait peut-être invoquer, etc.
C'est excellent. Qu'on fasse de l'information, qu'on prête assistance,
c'est très bon. Mais entre prêter assistance et informer et
défendre un droit, il y a tout un monde. Défendre un droit, c'est
se battre. Ce que vous semblez dire dans vos remarques, c'est: On va donner des
droits aux gens, mais que c'est donc emmerdant quand des avocats viennent se
battre avec ces droits! Ils compliquent tout. Vous voulez donner des droits aux
gens, mais pourquoi leur permettre d'aller se battre avec ces droits et risquer
de nuire au gouvernement et risquer de faire des grands procès? Ce ne
sont pas les avocats qui créent la difficulté. Vous donnez des
droits à des gens. Ne leur en donnez pas si vous ne voulez pas qu'ils se
battent! Si vous leur en donnez, allez jusqu'au bout. Laissez-les utiliser ces
droits! Laissez-les les faire valoir! Ne dites pas: On vous le donne, mais ce
ne sont que des droits de bonne foi. Si vous êtes capables de les
comprendre tout
seuls et de venir les exposer tout seuls, vous nous faites confiance, on
vous donne des droits, mais on va les appliquer pour vous autres. L'État
pépère va dire: On vous a donné le droit de voir des
documents. On a regardé, mais vous n'avez pas le droit de les voir,
retournez chez vous. Vous pouvez faire cela, si vous voulez. Dans notre
système, ce qu'on fait plutôt quand on donne un droit, on dit
à quelqu'un: On va te donner maintenant le moyen de te battre. Si
quelqu'un est obstiné ou entêté et qu'il veut aller
jusqu'au bout, il peut le faire. C'est là que l'avocat entre dans le
portrait. Ce n'est pas parce qu'on a un avocat que cela cause des
problèmes. C'est parce qu'on a donné des droits à des gens
et que notre système veut que, quand on a des droits, on a les moyens de
les faire valoir. Qu'on prête assistance, qu'on informe - c'est un des
devoirs de la commission - que, si quelqu'un est tout seul, on fasse valoir ses
droits, on essaie non seulement de l'écouter, mais qu'on aille plus loin
que cela, que la commission ait un rôle actif pour protéger ses
droits, c'est excellent, mais cela ne signifie jamais qu'on dise à celui
qui est assez grand ou qui se pense assez grand pour se battre tout seul, pour
se prendre un avocat, pour emmerder le système peut-être par un
recours collectif, par un recours en révision, par un appel: Non, c'est
trop, on donne des petits droits, ce ne sont pas des gros droits qu'on voulait
donner. C'est là qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Le droit
à la représentation par avocat, quand vous dites le mot "droit",
quand on dit "on donne un droit", c'est cela que cela veut dire. Autrement,
qu'on dise simplement: L'État va tenter d'aider la population en lui
donnant accès à des documents mais s'il ne veut pas le donner, il
ne le donnera pas. C'est toute la différence.
M. French: Oui, dans le fond, je ne pense pas que le droit
à l'information est un droit aussi fondamental... justifier toute la
protection en question, mais c'est un autre débat, c'est un long
débat, mais c'est ma perception des choses. Je comprends très
bien qu'en partant de l'idée d'un droit il y a un certain nombre de
conséquences à cela qui impliquent le droit au conseil.
Mme Vadeboncoeur: J'aimerais compléter, si vous permettez,
M. le Président. Vous avez dit, M. le député de Westmount,
que la commission aura à décider finalement entre
l'intérêt général et l'intérêt des
fonctionnaires, mais il faut aussi prendre en considération
l'intérêt du citoyen qui veut voir sa vie privée
protégée. On l'a souligné au début des
commentaires, la protection de la vie privée est un droit que la
commission Paré considérait aussi fondamental que le droit
d'accès.
Or, si vous prenez le droit du citoyen en considération dans la
décision de la commission, cela lui prend un assistant, enfin un
représentant juridique qui soit en mesure de défendre ses
intérêts et non pas défendre les intérêts de
la commission qui devra prendre la décision en définitive.
M. French: Je pense que Mme Vadeboncoeur ne m'a pas entendu quand
j'ai dit que je n'étais pas réfractaire à la
représentation pour les gens qui voulaient protéger les
renseignements sur eux. Je verrais cela tout à fait dans un autre ordre
d'idées contre lequel je n'aurais absolument rien, sauf que je ne
demanderais pas qu'ils soient représentés, mais je leur en
donnerais la permission et le droit absolu.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: A l'article 44, vous nous suggérez d'enlever
complètement cet article, l'exception incluse dans cet article vous
apparaissant beaucoup trop large.
Par contre, examinons l'article 41, où on dit qu'un organisme
public peut refuser de communiquer une opinion juridique portant sur
l'application du droit à un cas particulier ou sur la
constitutionnalité ou la validité d'une loi ou d'un
règlement. Vous ne formulez aucune remarque là-dessus, je
présume donc que vous êtes d'accord.
À l'article 44, par ailleurs, on mentionne qu'un organisme public
peut refuser de communiquer une analyse - cela pourrait être une analyse
à caractère technique ou autre - lorsque sa divulgation
risquerait d'avoir un effet sur l'issue d'une procédure judiciaire en
cours ou imminente. Il me semble y avoir là une contradiction ou, du
moins, il me semble que vous traitez de façon fort différente des
renseignements qui peuvent avoir les mêmes fins.
Dans le cas d'un avis juridique, vous êtes d'accord pour que
l'organisme ne soit pas tenu de le divulguer. Par contre, lorsqu'il s'agit
d'une analyse, comme je l'ai mentionné, qui pourrait être une
analyse technique qui viendrait ou non appuyer l'argumentation d'une partie
dans un procès, à ce moment-là, vous avez des
réticences sur le fait que cette analyse puisse demeurer secrète.
Je vais vous citer un exemple qui me vient à l'esprit et qui me permet
d'illustrer ma question. Il y a un procès entre Hydro-Québec et
le gouvernement de Terre-Neuve et Churchill Falls actuellement concernant
l'énergie des chutes Churchill. Hydro-Québec, bien sûr, a
reçu des avis juridiques de son contentieux et possiblement de
consultants de l'extérieur. Hydro-Québec a également
reçu, je présume - cela pourrait être le cas sûrement
- des avis techniques de ses ingénieurs sur certains aspects qui font
l'objet de la poursuite. Pourquoi est-ce
que, dans vos recommandations, vous considérez que les analyses
à caractère technique doivent être traitées
différemment des avis juridiques? Il m'apparaît y avoir une
contradiction.
M. Trudel: D'abord, l'article 41 ne vise que certains types
d'avis juridiques. Le principe général est que tout est
accessible à l'exception des opinions juridiques portant sur
l'application du droit à un cas particulier, ou sur la
constitutionnalité ou la validité d'une loi ou d'un
règlement. Tous les autres avis juridiques sont donc accessibles.
M. Rodrigue: Comment entendez-vous l'expression "cas
particulier"? Est-ce que cela peut être un procès en cour?
M. Trudel: C'est un cas qui implique des personnes ou une
situation qui est particularisée avec suffisamment de précision
par opposition à une opinion générale sur l'application de
la loi de façon très qénérale et, à ce
moment-là, cela entre dans les documents dont la publication est
expressément prévue par d'autres dispositions de la loi. C'est le
cas des manuels d'application de la loi, des manuels
d'interprétation.
M. Rodrigue: Vous êtes d'accord, je pense, que les avis
juridiques ne doivent pas être divulgués.
M. Trudel: On en a discuté au comité. D'une part,
on peut avoir deux attitudes dans la mesure où, dans notre
système politique, quand on parle de constitutionnalité des lois,
on parle surtout de partage des compétences et non pas de droits
fondamentaux des citoyens, comme c'est peut-être le cas dans d'autres
systèmes. Cela signifie affaiblir probablement l'autorité de la
loi, l'opinion qu'on a eue au comité du Barreau, je le dis pour essayer
de clarifier la question, c'est qu'on s'est dit que faire circuler des opinions
concernant la constitutionnalité ou la validité de lois
c'était, jusqu'à un certain point, une invitation pour certains
à ne pas les respecter dans la mesure où on pourrait, avant
même que les tribunaux se soient prononcés sur la question, se
prévaloir de ces opinions qui peuvent circuler pour ignorer une loi au
motif qu'elle serait prétendument inconstitutionnelle.
M. Rodrigue: C'est le deuxième volet, qui est couvert par
l'article 41, mais le premier volet, c'est l'application du droit à un
cas particulier, donc à une poursuite judiciaire en cours.
M. Trudel: C'est le cas des poursuites judiciaires.
Évidemment, on voit mal comment on pourrait forcer quelqu'un qui est
partie à un procès à révéler d'avance la
totalité de ses argumentations juridiques ou ce qu'il entend faire.
M. Rodrigue: Très bien. Disons que vous voulez alors
protéger le secret sur l'avis juridique. Maintenant, passons à
l'exemple que je vous ai mentionné pour illustrer la question.
Effectivement, il y a plus que des avis juridiques qui peuvent être
soumis à l'appui de la position que défend une partie, et le fait
de l'obliger à divulguer ces renseignements, si on biffait l'article 44,
pourrait procurer, à mon sens, un avantage indu. Il serait facile pour
le gouvernement de Terre-Neuve ou pour Churchill Falls de s'organiser pour se
procurer ces documents qu'Hydro-Québec devrait nécessairement lui
transmettre si on examine ce cas-là, et, à ce moment-là,
cela place une des parties dans une position absolument inférieure par
rapport à l'autre.
M. Vézina: Vous avez conclu tout à l'heure votre
question en disant: Pourquoi traitez-vous différemment l'opinion
juridique d'une analyse technique? La raison, c'est parce qu'il y en a un qui
est un fait tandis que l'autre, c'est une opinion. Dans le domaine judiciaire,
la cour a droit d'aller chercher tous les faits et il faut favoriser que tous
les faits soient devant la cour, mais, par contre, les opinions n'ont pas
d'affaire là. Votre analyse technique, c'est une recherche de faits. Si
on fait telle et telle expérience et on a eu tel et tel résultat;
les parties, dans le système judiciaire actuel, ont le droit de
connaître ces faits, mais, par contre, ce n'est pas du tout la même
chose pour les opinions, elles n'ont pas le droit de savoir que votre avocat
vous a dit que vous aviez une bonne ou une mauvaise cause ou qu'il y avait tel
ou tel arqument, c'est matière d'opinion. Il ne faut pas que le
gouvernement ou qu'une partie à un procès puisse cacher des faits
et tout le système permet actuellement à l'autre partie de
l'assiqner, d'amener ses documents, etc., toujours pour que tout le portrait de
l'affaire soit devant la cour. Ce que l'on vous dit, c'est que l'article 44,
pour autant qu'il permet à un organisme public de ne pas divulguer des
faits, restreint la liberté actuelle et ce n'est pas bon. Par contre, on
est bien d'accord pour qu'un organisme soit toujours libre d'aller consulter un
avocat pour savoir si telle situation est légale ou illégale, si
on doit faire telle ou telle chose et pour que cette opinion qui est
donnée par l'avocat ne puisse pas être donnée à la
partie adverse, ne puisse pas être mise dans le dossier de la cour. C'est
cela qui est la distinction entre les deux, à mon avis. (11 h 45)
M. Rodrigue: Le mot analyse technique porte peut-être
à confusion. Vous avez
l'impression que c'est quelque chose de très précis,
très net et bien tranché. Il y a une boutade qui dit que si on
veut s'emmêler, il s'agit de demander un avis juridique à trois
avocats. On va avoir trois avis différents et on ne saura pas quoi
faire.
La même chose peut survenir dans le cas des opinions à
caractère technique qu'on peut demander à des ingénieurs
ou à des architectes, par exemple. Il se peut qu'une analyse technique
ait davantage un caractère d'opinion de la part d'un expert qui donne
son avis sur un sujet donné, à une entreprise qui l'a
sollicité. Cela se rapproche davantage de l'avis juridique que de la
divulgation de faits précis. Dans ce contexte-la, j'ai l'impression que
l'article 44 protège également ces opinions que je qualifie
d'opinions à caractère technique.
M. Vézina: Dans le système actuel, supposons que
vous êtes propriétaire d'un immeuble et que vous demandez à
un ingénieur de vous faire une expertise à savoir s'il est
sécuritaire ou non. L'ingénieur vous fait rapport en vous disant
que suivant son opinion, ce n'est pas sécuritaire, malgré cela
vous ne faites aucune réparation. Six mois plus tard, il arrive une
catastrophe, les victimes vous poursuivent. Elles ont le droit actuellement, si
elles en ont connaissance, de vous obliger à déposer cette
opinion de l'expert. Et la loi ne veut pas que vous puissiez cacher à la
cour cette opinion d'un expert.
Mais par contre, quand vous demandez une opinion juridique, sur ce qui
est légal ou non, on a toujours voulu, pour que vous puissiez avoir une
opinion complète, que vous puissiez aller au fond des choses, que vous
puissiez révéler tous les faits à votre avocat et que lui,
puisse vous donner le fond de sa pensée. Et cette communication entre
l'avocat et le client, on a toujours voulu, afin qu'elle puisse être
efficace, qu'elle soit confidentielle. Mais on n'a jamais été
aussi loin pour les autres analyses ou les autres opinions données par
des experts.
Ce qu'on vous dit, c'est que si déjà dans le
système actuel, cela existe, on ne voudrait pas que par une exception
aussi large que l'article 44, on diminue cette règle, on diminue cet
accès qui existe déjà et qui, pour que justice soit
rendue, semble nécessaire. C'est cela, en fait, qu'on vous dit.
On vous dit surtout que d'autres articles nous semblent suffisants pour
protéger la confidentialité de certains documents publics, sans
qu'on émette l'article 44 qui est tellement large, nous semble-t-il, que
justement il détruit toute la volonté exprimée de donner
accès aux documents publics.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Laurier.
M. Sirros: Merci, M. le Président. Je vous ferai remarquer
simplement qu'on discute depuis à peu près une heure et
quarante-cinq minutes. C'est peut-être l'indicatif de ce qui arrive quand
on discute avec des avocats.
M. Vézina: C'est gratuit aujourd'hui. M. Sirros:
C'est gratuit.
M. Bertrand: Je vous remercie de nous le souligner.
Le Président (M. Rochefort): Continuez quand
même.
M. Sirros: Je voulais faire un commentaire sur la discussion qui
a eu lieu avec mon collègue de Westmount. Je crois qu'au fond, ce n'est
pas qu'on voudrait empêcher les gens à qui on donne des droits,
d'avoir accès aux meilleures possibilités d'utilisation de ces
droits ou d'exercice de ces droits, en pouvant faire appel aux avocats, mais le
problème se pose au moment où on regarde la possibilité
qu'ont les gens d'utiliser ces représentations. On embarque dans la
problématique des grands et des petits, etc. Je ne sais pas si la
société serait prête à se payer un genre de
"castonquette" judiciaire. Peut-être que le problème ne se
poserait pas.
Je ne voulais pas tellement parler sur cela. Vous avez fait, Me
Vézina, une remarque lors de vos réponses au ministre, qui disait
que la loi actuelle met en doute un peu le secret professionnel. Vous avez
répondu en partie tout récemment. Mais pourriez-vous
élaborer davantage? Hier aussi, on a eu une représentation de la
part des départements de santé communautaire, qui voulaient que
la loi s'étende à des cabinets privés de médecins
et à des polycliniques. J'aimerais entendre vos réflexions sur
cet aspect du secret professionnel.
M. Vézina: Textuellement, l'article 62 nous dit que
devient inopérante, toute disposition qui est incompatible avec la loi.
Et une des dispositions auxquelles on réfère, c'est dans la Loi
du Barreau, l'article 131. Ledit article précise que l'avocat doit
qarder le secret le plus absolu de toutes les confidences qu'il reçoit.
On voit immédiatement que l'on place comme un droit plus fondamental le
droit d'accès aux documents publics que le droit au secret professionnel
vis-à-vis de l'avocat.
M. Sirros: Voulez-vous dire que la loi actuelle réqissant
le secret professionnel deviendrait inopérante après deux
ans...
M. Vézina: Voici!
M. Sirros:... selon l'article 62?
M. Vézina: Elle deviendrait inopérante en ce sens
que si elle était en conflit avec une disposition de la Loi sur
l'accès aux documents publics, c'est la Loi sur l'accès aux
documents publics qui aurait priorité, qui serait
prépondérante. C'est ce qu'on a dit à l'article 62.
M. Sirros: Quelqu'un pourrait aller chercher un document chez
l'avocat d'un organisme public, par exemple... Pourriez-vous me donner un
exemple? Comment?
M. Vézina: Un exemple où il y aurait un conflit
entre les deux. Supposons qu'un organisme public demande une opinion à
un avocat et qu'il obtienne cette opinion. Il y a des confidences qui sont
faites, évidemment, à cette occasion. Supposons, par exemple, que
l'organisme admet avoir commis tel ou tel qeste qui peut être
illégal et qu'il demande précisément à l'avocat:
Est-ce illégal et quelle est notre responsabilité? Un document
comme celui-là qui serait remis à l'organisme pourrait être
un document public. Quelqu'un pourrait demander d'y avoir accès et,
actuellement, un tel document est protégé par le secret
professionnel. Ce secret professionnel, dans le cas de l'avocat tout au moins,
est à double sens, c'est-à-dire que l'avocat doit garder le
secret des confidences qu'il reçoit mais, d'autre part, vous qui
consultez un avocat, vous n'êtes jamais obligé de dire ce que vous
avez demandé à l'avocat. C'est cela, le secret professionnel d'un
avocat. Dans la loi projetée, on nous dit: Si ce droit traditionnel de
consultation absolument confidentiel fait échec à l'accès
à un document, c'est la loi d'accès aux documents qui devra avoir
priorité. C'est ce qui nous semble dangqereux. Je ne dis pas qu'il ne
faut pas dans certains cas...
M. Sirros: II y a une chose pourtant qui me vient à
l'esprit. Je vais voir mon avocat et je lui demande un avis sur quelque chose,
à savoir si c'est légal ou non. Il me dit que c'est
illégal. Je continue quand même et je prends l'action dont j'ai
été avisé qu'elle était illégale. Il me
semble normal, à ce moment-là, qu'un troisième qui est
affecté par cet acte que je sais être illégal, ce serait
légitime de la part du tiers, par exemple, de savoir que je savais que
c'était illégal quand je l'ai commis.
M. Vézina: On comprend...
M. Sirros: Comment faire autrement?
M. Vézina:... qu'il serait peut-être souhaitable, si
un organisme demandait à son avocat de lui dire si c'est légal ou
illégal d'avoir posé tel geste, que la victime de ce geste en
soit informée mais, d'un autre côté, que va-t-il se passer?
Si vous êtes l'organisme et que vous craignez d'avoir commis un geste
illégal, vous ne pourrez plus aller demander une opinion à un
avocat si, aussitôt qu'il vous la donne, vous êtes obligé de
la donner à la victime éventuelle. Il faut contrebalancer deux
droits fondamentaux. L'organisme a-t-il le droit d'avoir l'opinion d'un avocat
sans être obligé d'en avertir la victime ou le prive-t-on de ce
droit pour dire: Chaque fois que vous consulterez, nécessairement,
l'autre le saura. C'est délicat.
Comme vous le dites, il serait peut-être souhaitable que la
victime le sache et qu'elle puisse être indemnisée, mais il faut
choisir. Permet-on à quelqu'un de consulter un avocat sans
nécessairement avertir le tiers ou si on l'oblige à avertir le
tiers? Il nous semble que la sagesse traditionnelle qui a toujours donné
une grande priorité au secret professionnel vis-à-vis de l'avocat
est encore bien fondée. Avant de changer cette règle, on doit y
aller avec beaucoup de précaution et on doit peut-être dans un
texte dire en quoi on la changerait et en quoi on la limiterait.
M. Sirois: D'ailleurs, si vous vous référez
à notre mémoire, aux pages 15 et 16, vous allez voir qu'on n'a
pas proposé une correction. On n'a pas proposé non plus de le
remplacer par autre chose. On s'est tout simplement inquiété des
articles 56 à 63 et on a recommandé que des études soient
faites, finalement, qu'on pousse plus loin la recherche à ce sujet afin
de bien voir les conséquences et la portée des articles qu'on
peut insérer dans la loi à ce sujet. Il nous a semblé que
ces articles avaient une portée extrêmement large et complexe et
qu'on ne pouvait pas traiter cela aussi rapidement que cela a pu être
fait.
M. Sirros: Merci.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Une dernière
question, M. le ministre.
M. Bertrand: Double, toujours sur la même question
soulevée par le député de Laurier. Je pense qu'on est en
train de faire un grand plat de ce qui, finalement, est plus simple que cela ne
paraît à première vue. Il y a effectivement un article qui
se réfère à l'annexe A. L'annexe A est un inventaire d'un
ensemble de lois et d'articles de loi qui, à l'analyse, dans certains
cas, peuvent être compatibles avec la loi et, dans certains autres cas,
sont incompatibles avec la loi. Il y a des choses qui tombent sous le sens
commun. Hier, le Directeur général des
élections est venu nous voir. Il y avait même une erreur
dans l'annexe A sur la Loi électorale; les deux articles dont il
était fait mention n'étaient pas les deux articles qui font
effectivement partie de ceux auxquels on voulait faire référence.
Ce sont les articles 136 et 140 de la Loi électorale.
L'article 136 de la Loi électorale dit que le vote est secret.
Vous n'imaginez quand même pas que l'intention du législateur,
c'est de dire: La loi d'accès à l'information gouvernementale
fera que, dans l'avenir, cet article sera incompatible avec la loi
d'accès et que, donc, le vote ne sera plus secret. C'est la même
chose pour l'article 140: "Une personne ne peut être contrainte de
déclarer pour qui elle a voté. " L'annexe est là parce
qu'elle constitue un inventaire. D'ailleurs, on pourrait, à toutes fins
utiles, l'enlever complètement et repartir à zéro.
L'annexe est là dans le but de dire: II y a un certain nombre de lois
qui, pour certains de leurs articles, font référence à
toute cette notion d'information, de confidentialité, de secret
professionnel, etc., et la commission devra juger, au cours des deux prochaines
années, lesquels sont compatibles et lesquels sont incompatibles.
Celle qui a trait au Barreau fait référence à
l'article 131, entre autres, où il est dit: "L'avocat doit conserver le
secret absolu des confidences qu'il reçoit en raison de sa profession. "
Il m'apparaît que la volonté de la commission, ce n'est pas de
faire en sorte que, dans l'avenir, un tel article de loi soit inopérant
dans la mesure où, effectivement, à un moment donné, on
prendra la décision de dire au sujet de cet article 131 - parce qu'il
faudra regarder toutes ces lois et tous les articles qui, de près ou de
loin, peuvent toucher à certains des aspects de la loi d'accès -
si la décision de maintenir le secret absolu des confidences
reçues par l'avocat dans le cadre de sa profession est maintenue ou pas.
Le sens de l'article auquel vous faites référence, ce n'est pas
de dire que l'annexe A, au départ, signifie que tous ces articles,
maintenant, deviennent inapplicables parce qu'il y a la loi d'accès
à l'information gouvernementale. Il va falloir se poser, sur chacune de
ces lois et sur chacun des articles mentionnés, la question à
savoir si, oui ou non, il est maintenu à cause justement de
l'introduction d'une nouvelle loi sur l'accès.
Je vous ai donné le cas du Directeur général des
élections; ça tombe sous le sens commun que ça va demeurer
tel que c'est. Le vote va continuer d'être secret et la personne va
pouvoir continuer de garder le secret sur le parti pour lequel elle a
voté, à moins de vouloir faire des gageures et de gagner son
pari.
M. Vézina: S'il n'y a pas de danger, tant mieux. Mais de
ces articles et du rapport de la commission, on a compris qu'on voulait que
l'accès aux documents publics ait une prépondérance sur
toutes les autres lois. C'est dit dans le rapport: On veut que ce soit une
prépondérance. On a défini, en quelque sorte, ce droit
d'accès comme étant presque "le" droit fondamental. Même
dans l'annexe, on a dit: La charte des libertés de la personne, si c'est
incompatible aveu cette loi d'accès aux documents publics, doit
céder le pas. On a compris, nous, peut-être à tort - tant
mieux si c'est à tort, tant mieux si le bon sens domine - de l'ensemble
des dispositions et de la volonté exprimée par la commission,
qu'on donnait une prépondérance très très grande
à ce droit d'accès. Ce qu'on souhaite, c'est que l'on reconnaisse
le droit d'accès comme un droit fondamental, certes, mais pas plus
fondamental que les autres, sur un même pied, et qu'on ne mette pas de
ces dispositions qui lui assurent une priorité non pas absolue, mais une
priorité très grande par rapport à toutes les autres.
Si vous nous dites que vous allez amender les lois une par une
après les avoir étudiées, c'est ce qu'on souhaite. Mais ne
dites pas d'avance que, étude complétée ou pas, s'il y a
incompatibilité, c'est nécessairement le droit d'accès qui
prédomine. C'est ça qui est dangereux. Il reste difficile de
contrebalancer des droits qu'on appelle tous des droits fondamentaux. Il
semble, de la proposition et du rapport, qu'on a donné une trop grande
priorité à ce droit, si cela se concrétise par cet article
162, et c'est ça qu'on ne veut pas. Il faudrait ramener ça
à une proportion de juste fondamental comme droit, si je puis dire. Pour
le reste, quel droit fondamental doit prédominer dans une circonstance,
on étudiera cas par cas et on le verra. (12 heures)
M. Bertrand: La prépondérance a effet à
partir du moment où on a fait l'analyse de la compatibilité ou de
l'incompabilité. Il ne faut quand même pas...
M. Vézina: Sauf que si elle n'est pas faite, au bout de
deux ans, elle a effet.
M. Bertrand: Là-dessus, je vous ai dit que ça
tombait sous le sens commun que cela allait être fait et que, s'il
fallait pour cela retarder les échéanciers pour s'assurer que ce
soit fait, ce sera fait. Il ne serait pas normal que s'il reste encore à
la commission 45 lois à étudier, le délai de deux ans
étant terminé, les 45 lois deviennent inopérantes parce
que, tout à coup, celle-là a prépondérance sur
toutes les autres.
Le Président (M. Rochefort): Très rapidement, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, juste une
petite question. On a discuté de la préséance de la
loi et tout ça, hier ou avant-hier, mais le problème pour moi,
c'est que vous n'avez pas pris position; est-ce que vous avez l'intention que
la loi sur l'accès à l'information ait préséance
sur toute autre loi ou non? Vous n'avez pas révélé vos
secrets en ce qui concerne cette question.
M. Bertrand: Vous avez très bien soulevé le
problème hier. Est-ce que finalement, d'une loi à l'autre, chaque
fois qu'on en fait une nouvelle, on établit qu'elle est
prépondérante sur toutes les autres qui avaient été
dites prépondérantes auparavant, comme la Charte des droits et
libertés de la personne, d'autres exemples du même type?
M. Marx: Oui, mais la question est posée d'une autre
façon ici, est-ce que vous êtes prêts...
M. Bertrand: Elle est posée clairement, on parle de
problèmes d'accès à l'information gouvernementale. Dans le
domaine de l'accès à l'information gouvernementale, il va falloir
qu'à un moment donné, si on est sérieux, il y ait une loi
d'accès à l'information gouvernementale qui ait une
prépondérance sur certains articles qui sont prévus dans
d'autres lois et qui touchent les mêmes sujets. C'est ça qu'il va
falloir établir. Mais, en établissant cela, on va être
obligé aussi, avec discernement, d'évoquer à l'occasion...
Cela a été le cas pour le Directeur général des
élections; quelques articles qui avaient été
inventoriés dans l'annexe A, qui faisaient référence au
secret du vote, c'est bien évident que, dans ce cas-là, c'est la
Loi électorale qui a prépondérance sur celle de
l'accès à l'information.
C'est ça le travail qu'il nous faut faire pendant deux ans, mais
au terme de ce travail il y a forcément cette loi qui a
prépondérance sur tous les autres articles de loi qui traitent du
même sujet, sur lesquels nous avons jugé de la comptabilité
ou de l'incompatibilité. C'est ça qu'il faut comprendre.
M. Marx: On peut faire adopter une loi sur l'accès
à l'information sans préciser que cette loi a
préséance sur toute autre loi en laissant un tribunal trancher la
question le cas échéant. Mais vous n'avez pas répondu
à ma question, je m'excuse, est-ce que vous avez l'intention de
prévoir dans cette loi sur l'accès à l'information
gouvernementale qu'elle aura préséance sur toute autre loi?
Est-ce que vous avez l'intention de mettre une telle clause dans la loi sur
l'accès à l'information?
M. Bertrand: La question que vous soulevez n'a pas encore sa
réponse, parce que les interprétations sont différentes.
On dit dans certains cas que ça pourrait vouloir dire qu'elle est de
même niveau que certaines autres lois qui sont déjà
qualifiées de prépondérantes. Je n'ai pas, pour l'instant,
la réponse pour le député et, effectivement, on aura
à la fournir en temps et lieu.
La question que je voulais poser, ce n'était pas celle-là
- je m'excuse, M. le Président, qu'est-ce que vous voulez, le Barreau,
ce n'est pas comme les municipalités, ils viennent moins souvent en
commission parlementaire - c'est à l'article 30 de la proposition de loi
qui dit: "Un organisme public peut refuser de confirmer l'existence ou de
communiquer un renseignement obtenu ou traité de façon conforme
à la loi - obtenu ou traité de façon conforme à la
loi, on peut refuser de confirmer l'existence ou de communiquer certains
renseignements - par une personne chargée, en vertu de la loi, de
prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions
aux lois... ".
Mon interprétation de cet article, c'est que, dans le cas
où l'organisme public refuse de confirmer l'existence ou de communiquer
un renseignement qui n'a pas été traité de façon
conforme à la loi, il pourrait y avoir une demande pour qu'il soit rendu
public. Vous allez même plus loin, parce qu'à l'article 116 vous
faites une recommandation. L'article 116, 5, est rédigé de la
façon suivante, en ce moment: "La commission a pour fonctions de
surveiller l'application de cette loi, de faire enquête sur son
fonctionnement et son observation". Vous demandez d'ajouter: "et notamment
s'assurer que les renseignements visés à l'article 30 ont
été obtenus de façon conforme à la loi". Est-ce que
je comprends que l'opinion du Barreau, c'est de dire: Dans le cas où ce
renseignement n'a pas été obtenu ou traité de façon
conforme à la loi, donc dans l'illégalité, non seulement
il doit être rendu public, mais il faut que la commission, dans ses
fonctions, surveille l'application de la loi en faisant enquête, et,
notamment, s'assurer que les renseignements visés ont été
obtenus de façon conforme à la loi. Est-ce que vous n'introduisez
pas dans les fonctions de la commission d'accès aux documents des
organismes publics une responsabilité d'enquête, à toutes
fins utiles presque policière sur les activités même de
ceux dont la fonction est de prévenir, détecter ou
réprimer le crime? Est-ce que vous allez vraiment aussi loin que cela?
Est-ce que vous ne contrevenez pas aux dispositions prévues pour le
fonctionnement de la Commission de police? Ce n'est pas un organisme quasi
judiciaire, c'est un organisme qui a des pouvoirs d'enquête
considérables et qui peut, dans certains cas, intervenir dans le
processus, le fonctionnement des organismes qui ont pour fonction de
prévenir, détecter ou réprimer le crime. Est-ce le
sens
de votre amendement?
M. Vézina: Ce n'est pas nous qui donnons le pouvoir
d'enquête. Les articles 118, 119, 120 prévoient
expressément que, même pour les fichiers confidentiels, la
commission a un pouvoir d'enquête, qu'elle est investie à cette
fin des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en
vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Ce que l'on ne voudrait
pas, dans le texte actuel, c'est que la commission se penche sur des dossiers
policiers, s'aperçoive qu'on a recueilli ou qu'il y a un système
de cueillette de données illégales non conforme à la loi
et qu'elle n'ait pas le pouvoir de dire: Premièrement, vous allez cesser
cela; deuxièmement, vous allez sortir de vos dossiers tout ce qui a
été cueilli illégalement. C'est cela qu'on veut. La
véritable sanction, si cela a été cueilli
illégalement ou si c'est conservé illégalement, ce n'est
pas qu'on soit obligé de les rendre publics. La véritable
sanction, c'est qu'on puisse les retrancher du fichier en question. Il y a
déjà un pouvoir d'enquête à la commission. Tout
simplement, dans ces conclusions ou dans ce pouvoir donné à la
suite de son enquête, on voudrait qu'elle ait le pouvoir d'ordonner de
retrancher des fichiers les renseignements obtenus illégale-ment.
Autrement, elle va constater que c'est là et elle ne pourra rien
faire.
M. Bertrand: Par rapport aux responsabilités qui sont
déjà dévolues à la Commission de police, comment
voyez-vous l'exercice de ce pouvoir d'enquête par une commission
d'accès à l'information et les responsabilités normales
dévolues à la Commission de police?
M. Vézina: II me semble que les pouvoirs donnés aux
articles 118, 119 et 120 sont beaucoup plus considérables que ce que la
Commission de police a déjà. La commission peut, de sa propre
initiative, se rendre dans les dossiers de la Sûreté du
Québec, par exemple, et aller vérifier. Elle a un pouvoir
d'enquête qui va aussi loin que cela. À mon avis, la Commission de
police n'a pas autant de latitude. À la limite, ce qui est important,
à notre avis, peut-être que les deux mêmes ont ce pouvoir,
mais ce qu'on ne voudrait pas, c'est que la commission sur l'accès aux
documents ait un pouvoir, fasse une enquête, et qu'elle soit incapable de
donner suite efficacement à son enquête. On veut être
sûr qu'elle a le pouvoir, à la suite de l'exercice d'un droit
d'enquête, de faire retrancher ces choses illégales.
Mme Vadeboncoeur: Si vous permettez, on veut également que
les renseignements obtenus de façon illégale ne soient pas
protégés par l'article 30.
Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie de vous
être présentés.
M. Siroîs: M. le Président, j'aurais un dernier
commentaire...
Le Président (M. Rochefort): II faudrait que ce soit
vraiment très bref.
M. Sirois: Oui, ce sera très bref. On ne voudrait tout de
même pas partir sans vous en faire part, parce que c'est un domaine qui a
quand même inquiété la commission tout au long de son
travail, c'est la question des banques de données privées. Vous
allez voir qu'on a fait plusieurs recommandations dans le rapport qu'on a
soumis à la commission Paré, dans le rapport que vous avez en ce
moment, visant les banques de données privées. Il nous est apparu
que si on veut parler de protection de la vie privée, on ne peut pas
iqnorer les banques de données privées et on appuie fortement les
commentaires et la recommandation de la commission Paré, aux pages 59 et
60, et la recommandation 68.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Je remercie les
représentants du Barreau de s'être déplacés pour
venir se faire entendre ce matin. J'inviterais maintenant les
représentants du Conseil du patronat du Québec à s'avancer
et à s'identifier, s'il vous plaît!
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, Ghislain Dufour,
vice-président exécutif du conseil. Je suis accompagné de
Me Gérald Ponton, qui représente le Conseil
québécois du commerce de détail et qui est membre du
conseil d'administration du CPQ.
Vous avez déjà reçu notre mémoire. Il est
très bref. Je vais même en passer des parties pour donner la
chance à tous ceux qui ont été convoqués ce matin,
à 10 heures, de ne pas attendre trop longtemps dans la
journée.
On félicite, au départ, le gouvernement d'avoir
créé, en septembre 1980, une commission d'étude sur les
relations entre l'État et les citoyens dans le domaine de l'information.
Il s'agit d'une question qui intéresse au plus haut point le Conseil du
patronat et ses membres, puisque, dans l'entreprise, les décisions
dépendent souvent de l'information gouvernementale. Dès 1975, le
CPQ avait soumis au premier ministre et au ministre des Communications un bref
mémoire sur l'information gouvernementale, abordant plusieurs des
problèmes qui sont étudiés dans le rapport de la
commission Paré.
Le CPQ félicite également les membres de la commission
d'étude pour la diligence qu'ils ont apportée à produire
leur rapport et surtout pour sa rédaction claire et
cohérente.
Sur les principes, nous tenons d'abord à exprimer notre accord
avec trois propositions générales du rapport, à savoir: 1-
l'affirmation du caractère public de l'information gouvernementale, et
donc le principe de son accessibilité générale; 2-
l'affirmation du caractère privé de l'information sur les
personnes - j'ajoute ici tant morales que physiques, parce que j'y reviendrai -
et donc le principe de sa confidentialité; 3- le projet d'assurer par
une loi l'accès aux documents détenus par les organismes publics,
tout en protégeant la confidentialité des renseignements
personnels.
Dans le cas de cette troisième proposition, soit l'idée
d'une loi, nous trouvons tout à fait pertinent le commentaire de la
commission, lorsqu'elle dit: "II ne faut pas sous-estimer les forces passives
qui s'opposent à la publication et à la diffusion des documents
détenus par les organismes publics... L'approche législative a
alors l'avantage de retirer l'autorité ultime à l'exécutif
et à la bureaucratie, de limiter le pouvoir de l'État,
d'éliminer l'arbitraire. "
Il nous semble, de plus, que les paramètres proposés par
les auteurs du rapport sont en général suffisants pour assurer
à la fois le droit du citoyen à l'information,
l'intérêt public et la confidentialité des renseignements
personnels.
Nous assurons donc le gouvernement de notre accord de principe,
lorsqu'il décidera de déposer un projet de loi sur l'accès
à l'information gouvernementale. Nonobstant cet accord de principe, on
désire quand même faire un certain nombre de commentaires sur des
points particuliers.
Je signale immédiatement, à la suite d'une réaction
du député de Vimont tantôt, que ce n'est pas parce qu'on
n'aura pas passé un commentaire sur un article ou une recommandation
qu'on l'accepte. On ne considère pas, en effet, qu'il s'agit là
d'un projet de loi du gouvernement, c'est un rapport de commission
d'enquête. Quand le projet de loi sera déposé, à ce
moment-là, comme corps intermédiaire, on pourra faire les
représentations qui s'imposent. C'est dans cette philosophie globale que
nos commentaires sur les recommandations et sur les articles sont
présentés. C'est pour cela d'ailleurs qu'on discute aussi des
recommandations et non purement des articles, parce que éventuellement,
le législateur voudra peut-être retenir les arguments qu'on
retrouve dans les recommandations et qu'on ne retrouve pas
nécessairement dans les articles actuels du projet de loi. (12 h 15)
Dans le préambule de la recommandation 8, la commission affirme
qu'à moyen terme, il faudra étudier la possibilité
d'assujettir d'autres organismes, tels les conseils consultatifs, aux
mêmes règles et rendre leurs délibérations
publiques. Quand on sait le nombre de conseils consultatifs qui existent au
gouvernement actuellement, on comprend l'importance de cette orientation
éventuelle.
Nous nous opposons à une telle orientation. Le Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, un des organismes visés
par cette recommandation, a d'ailleurs déjà fait savoir aux
membres de la commission d'étude qu'il se prononcerait contre une telle
orientation. La raison en est fort simple: beaucoup de compromis sont
réalisables entre des groupes dont les intérêts sont
divergents lorsque les discussions préalables aux prises de
décision se déroulent à huis clos. Si les
délibérations des organismes consultatifs sont toujours
publiques, nous assisterons à la simple répétition des
opinions qui sont déjà connues publiquement, sans que ces
organismes ne puissent devenir le lieu de l'élaboration d'un compromis,
d'une synthèse ou d'une quelconque forme de concertation. Nous
apparentons les comités consultatifs un peu au fonctionnaire qui doit
conseiller son ministre et on ne verrait pas que des discussions de ce genre
soient rendues publiques. Les conseils consultatifs sont eux aussi consultatifs
auprès d'un ministre.
Nous croyons que la recommandation 10, par les mots "sauf dans des cas
exceptionnels", permettra au législateur d'agir à sa gquise et de
ne publier ses projets de règlement que lorsqu'il le jugera à
propos. Nous avons abordé cette question lors du dépôt du
projet de loi no 126 sur les normes du travail. Voici ce que nous disions
à ce sujet, et on l'illustre par un cas tout à fait
précis. On avait ce genre de clause qui nous est proposée ici.
"L'article 36 autorise le gouvernement à approuver les règlements
de la commission et ses propres règlements édictés en
vertu des articles 86 à 90, sans publication préalable - c'est
généralement la forme dans laquelle cela nous est
présenté -si l'urgence de la situation ou l'intérêt
public l'impose. "Mais qu'est-ce que signifie urgence quand on parle des normes
générales qui, par définition, doivent être
relativement stables et qui ne doivent être changées qu'en
considération d'une réalité ne changeant pas
elle-même par soubresauts brusques et imprévisibles?"
Pour nous, le contenu de l'article 36 devient une porte de sortie trop
facile quand les procédures de consultation peuvent être
embarrassantes. Par exemple - on parle toujours de la commission des normes -
la commission doit trouver des millions pour
boucler son budget, ayant été trop prodigue ou les
services rendus au ministère du Travail sont trop qrands et, à ce
moment-là, ayant dépassé les prévisions, on ne
reviendrait pas devant le législateur ou, si on revenait devant le
législateur, celui-ci utiliserait un article du genre de celui qui nous
est proposé pour ne pas faire de prépublication. Forts de nos
expériences nombreuses dans ce domaine-là, vous comprendrez que
la formule des cas exceptionnels ne nous emballe guère.
Dans le préambule de la recommandation 10, la commission affirme
que, depuis 1970, la plupart des lois accordant à l'exécutif un
pouvoir de réglementation contiennent des clauses de préavis.
C'est vrai, mais la commission ne se préoccupe pas de la durée de
l'avis. Or, l'expérience nous a montré que le délai de 30
jours, qui est le plus courant, est souvent insuffisant, car les
procédures de la publication officielle elle-même absorbent une
bonne partie du délai. Ici, on voudrait encore une fois vous citer un
extrait d'une lettre qu'on adressait au premier ministre récemment, le 7
février 1979, qui illustre bien le point de vue. On disait: On
désire se faire entendre devant la commission parlementaire du travail
et de la main-d'oeuvre. "Nous avons écrit au secrétariat des
commissions parlementaires à cette fin, le 31 janvier 1979, et nous
ferons l'impossible pour transmettre au secrétariat notre mémoire
dans les délais prévus. " C'est toujours le délai de 30
jours. "Nous tenons cependant à vous faire remarquer que les
délais légaux dont doivent disposer les citoyens pour se faire
entendre devant une commission parlementaire ne sont, dans ce cas-ci et comme
d'habitude, d'aucune façon respectés. L'avis publié dans
la Gazette officielle est daté du 9 janvier. Cet avis est publié
dans la Gazette du 17 janvier. La Gazette du 17 janvier a été
distribuée de telle façon que les abonnés ne l'ont
reçue que le 22 janvier. Entre la date de l'avis public et la
connaissance publique de l'existence de cet avis, il s'est écoulé
13 jours. " Que signifie un délai de 30 jours dans un cas comme
celui-là? Absolument rien!
Dans la même lettre, nous avons suggéré diverses
solutions à ce problème pratique: soit donner un avis public plus
expéditif - et on réalise que, de plus en plus, les
secrétaires de commission publient l'avis dans les journaux. C'est une
solution que nous endossons pleinement.
En fait, nous disons que certaines lois récentes accordent aussi
un délai de 60 jours, ce qui nous paraît suffisant. Mais ce qu'il
faudrait faire, c'est une règle générale; ne pas faire un
débat à tout coup pour dire: Est-ce 30, 45, 60? 30, c'est
prouvé que c'est trop court, 45, il ne faut pas qu'il y ait une
grève des postes trop longue. Il faudrait vraiment s'orienter avec une
politique de 60 jours.
Nous appuyons, sous réserve de quelques exceptions - et le
débat se fera plutôt devant la Commission des valeurs
mobilières l'une étant les salaires des cadres supérieurs,
la recommandation 16 de publier la majorité des décrets du
gouvernement dans la Gazette officielle du Québec au plus tard trente
(30) jours après leur adoption.
L'objection gouvernementale à cette recommandation pourra
être l'épaisseur éventuelle de la Gazette si la presque
totalité des décrets doivent être publiés et la
difficulté pour les citoyens de s'y retrouver. Nous suggérerions
alors deux publications distinctes: une pour les décrets relatifs aux
projets de règlements et aux règlements et une autre pour les
autres décrets, comme il exite déjà une publication
distincte pour les avis juridiques.
Nous sommes heureux de constater que la commission d'étude, dans
un autre ordre d'idées, suggère que la loi qu'elle propose soit
révisée après cinq ans. Le principe est excellent et
s'inscrit dans un courant de pensée qui reçoit de plus en plus
d'appuis dans tous les milieux. Pour notre part, cependant, nous soutenons
davantage la thèse d'une révision après trois ans pour une
loi, et après deux ans pour un règlement. Cette révision
serait, d'ailleurs, concordante avec ce que vient de proposer au Conseil des
ministres le ministre Bernardi Landry quant à l'analyse de tous les
règlements.
Sur certains articles du projet de loi lui-même. D'abord,
l'article 101 sur la création de la commission de l'accès aux
documents des organismes publics. Inutile de dire qu'il ne s'agit pas là
d'une recommandation qui nous emballe. Ne pourrait-on pas atteindre les
mêmes objectifs par des moyens moins coûteux que la création
d'une nouvelle commission? N'existerait-il pas, au ministère des
Communications, de la Justice ou ailleurs, une direction générale
qui pourrait assumer le rôle - et on ne critique pas le rôle - que
l'on entend confier à cette commission? Notre interroqation au sujet de
cette commission ne met pas en cause des principes fondamentaux. Nous
souhaitons seulement éviter que toute proposition de réforme au
Québec ne s'accompagne de la mise sur pied de nouvelles structures
administratives, quasi autonomes, qui ne peuvent faire autrement que
s'engraisser d'année en année.
Si cette commission devait quand même voir le jour, nous osons
croire, à l'instar des auteurs du rapport, qu'elle ne deviendra pas un
monstre administratif du genre de ceux que l'on a créés souvent
inconsciemment au cours des dix ou vingt dernières années.
En vertu de l'article 152, les sommes requises pour l'application de la
loi devraient
être puisées à même le fonds consolidé
du revenu. Tel est également notre point de vue. Il faudra
établir, quand même, le coût de la réforme
envisagée. À ce sujet, nous ne partageons pas le point de vue des
auteurs du rapport qui écrivent que "le droit à l'information
n'étant pas un simple service, mais un droit fondamental, on se
résoudrait mal à le marchander. " Les services éducatifs
et de santé, pour ne nommer que ceux-là, sont également
des services auxquels les citoyens ont le droit le plus strict. Mais il y a des
contraintes financières qu'un gouvernement doit admettre; et il les
admet de plus en plus dans ces deux domaines. Le coût de l'exercice du
droit des citoyens à l'information gouvernementale doit donc être
quantifié. Aucun gouvernement responsable ne devrait
légiférer sans connaître le coût éventuel de
ses lois, même si ces lois répondent à des droits
fondamentaux.
Pour le citoyen et notamment pour les sociétés, l'article
51 est l'un des plus importants du projet de loi proposé par la
commission. En effet, il est excellent de confirmer dans une loi la
possibilité pour les citoyens d'obtenir la documentation gouvernementale
et de préciser dans quel délai cette documentation pourra
être obtenue. Mais le délai suggéré de vingt jours
est beaucoup trop long pour quantité de documents. Vingt jours, en
effet, pour obtenir un projet de loi, un avant-projet de loi ou une Gazette
officielle, autant de documents qui sont d'une grande importance pour les
entreprises, c'est beaucoup trop long. Ainsi, comme nous l'avons montré
par un exemple, quand la date de publication de la Gazette officielle marque le
premier jour d'un préavis de 30 jours, la tolérance de 20 jours
que propose la commission réduit à presque rien la valeur d'un
préavis. L'article 51 devrait donc distinguer, à propos du
délai, différents types de documents.
Pour notre part, nous avons déjà recommandé que
certains documents tels le journal des Débats, les projets de loi, les
lois sanctionnées, la Gazette officielle soient rendus disponibles par
le ministère des Communications dans la journée qui suit leur
dépôt à l'Assemblée nationale lorsque tel est le
cas, ou autrement à leur sortie de l'imprimerie, au bureau
régional de Communication-Québec, à Montréal.
Nous reprenons également la suggestion que nous avons
déjà faite au ministre des Communictions de mettre sur le fil
Telbec, dès leur dépôt à l'Assemblée
nationale, les notes explicatives qui accompagnent tout projet de loi. On va
même plus loin dans certains cas, notamment à la fin de la
session, quand les projets de loi déboulent, une page ou deux,
peut-être qu'on n'aura pas sur Telbec les papillons qui s'ajoutent mais,
si on avait au moins la trame de fond du projet de loi, on pourrait
réagir, ce qu'on ne peut vraiment pas faire. Nous disons que les corps
intermédiaires auraient ainsi une information gouvernementale de base en
temps opportun. On l'aura toujours, mais il faut quand même l'avoir en
temps opportun car, comme le disent si bien les auteurs du rapport, le savoir
conditionne l'exercice du droit d'expression.
Je voudrais ajouter un commentaire additionnel, M. le Président,
qui n'est pas dans notre mémoire et qui est sur l'article 51. Des
groupes se sont présentés devant vous au cours des deux derniers
jours, notamment la Chambre de commerce de la province de Québec, et ont
fait valoir que le projet de loi tel qu'il est actuellement écrit
n'accorde pas toute la protection nécessaire aux renseignements
confidentiels - et je dis bien les renseignements confidentiels - qui touchent
les personnes morales. Nous n'entendons pas faire à nouveau le
débat. Les membres de la commission parlementaire l'ont fait, mais nous
partageons entièrement cet avis qui vous a été
donné que les renseignements fournis par les compagnies privées
n'ont pas à être traités comme des documents émanant
des organismes publics lorsqu'ils sont confidentiels. Il y aura donc lieu pour
les membres de cette commission de revoir tout cet aspect du projet de loi, de
faire les amendements qui s'imposent avec, quant à nous, purement une
orientation politique qui est d'accorder aux entreprises comme citoyens
corporatifs le même traitement que l'on entend accorder aux citoyens
ordinaires lorsqu'il s'agit d'informations à caractère
confidentiel.
M. le Président, nous rappelons en conclusion, et sous
réserve de cette dernière question que l'on aborde très
brièvement, notre accord avec les positions fondamentales du groupe de
travail. Nous nous interrogeons cependant sur quelques affirmations du genre de
celles que nous venons de voir, sur des propositions ou recommandations et nous
souhaitons que nos commentaires ainsi que ceux qui se sont suivis ici aideront
le législateur à prendre les meilleures décisions sur la
question de l'accès à l'information gouvernementale. Je vous
remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Vimont.
M. Rodrigue: M. le Président, je veux remercier le Conseil
du patronat pour le mémoire qu'il a soumis à cette commission. Je
pense que c'est de nature à nous éclairer guant aux contraintes
que cette loi peut imposer aux tiers, en particulier.
Le président du Conseil du patronat vient de nous signaler la
position de son organisme sur toute la question de l'accès aux documents
fournis par les tiers et ce sujet, j'aimerais, si vous me le permettez, lui
demander de le détailler un peu. La
chambre de commerce, Hydro-Québec et d'autres organismes ont
été assez éloquents sur cette question au cours des deux
jours de délibérations qui ont précédé
celui-ci et ont soulevé maints exemples qui, à leurs yeux,
justifiaient de modifier le projet de loi pour protéger davantage les
renseignements fournis par les tiers. Par ailleurs, si l'on examine les
articles de la loi et en particulier l'article 27, on y lit qu'un organisme
public ne peut communiquer un renseignement industriel, financier, commercial,
etc., de nature confidentielle fourni par un tiers et traité par lui de
façon constante comme confidentiel, sans le consentement de ce tiers.
Cela devrait répondre à l'objection ou à
l'inquiétude que vous soulevez ce matin devant nous et qui a
été soulevée par d'autres, comme je l'ai mentionné,
concernant ces renseignements. (l2 h 30)
M. Dufour: Nous n'en avons pas parlé dans notre
mémoire, comme vous l'avez vu, parce qu'on voyait peut-être
beaucoup d'étanchéité dans cet article 27 que vous venez
de nous citer, de même que l'article 52. On a dit que, probablement, la
protection était là et que, de toute façon - je reviens
à ce que je disais au début - pour nous, c'est un rapport de
commission, ce n'est pas un projet de loi que vient de nous soumettre le
législateur. Il faudra redébattre tout ça, et je fais
confiance à un autre débat éventuel. On a donc
pensé que les articles 37 et 52 pouvaient être assez
étanches, un peu dans le sens où vous le dites.
Sauf qu'à la lumière du débat public qui s'est
amorcé depuis trois jours particulièrement sur ces articles, sur
l'absence de définition entre personne morale, personne physique, sur ce
qui est confidentiel et ce qui ne l'est pas, c'était plus facile de
savoir ce qui est confidentiel pour un individu que pour une entreprise.
Certaines entreprises vont dire que tout est confidentiel, d'autres pas. La
notion de confidentialité n'est pas du tout la même chose pour une
personne morale que pour une personne physique.
Je pense que le débat a été très bien
posé en commission parlementaire, et ce qu'on vous dit, c'est qu'on
tient à obtenir, de la part de certaines instances gouvernementales - je
peux vous donner des exemples - des renseignements fournis par l'entreprise.
Certaines instances gouvernementales sont dépositaires de bon nombre
d'informations qu'on donne. Par exemple, si je veux des conventions
collectives, il y a juste un endroit pour aller les chercher, c'est le centre
des données, les entreprises sont obligées de les déposer.
Je ne veux pas qu'on nous coupe de cette possibilité d'information. Pour
moi, ce n'est pas confidentiel, une convention collective qui a
été signée par les parties, surtout si une
conférence de presse va la rendre publique. Pour d'autres, c'est
peut-être confidentiel. Je ne veux pas qu'on nous bloque cette
possibilité d'accès à l'information.
Ce qu'on dit, c'est que, Hans le débat qui va être fait,
parce qu'il y a un problème très réel, il faut s'inspirer
des principes de confidentialité qui prévalent pour le citoyen
qu'on appelle ordinaire - je n'aime nas le terme - et l'autre citoyen, qui est
citoyen corporatif. Je pense qu'on doit mettre les deux sur le même pied
quant à la confidentialité des documents que tient en main le
gouvernement. Cela, c'est notre approche de fond. Le débat doit se
faire, parce que les articles 77 et 52 ne sont pas assez étanches, mais
on sent que les auteurs avaient prévu le problème.
M. Rodrigue: À l'article 27, il me semble qu'il y a un
élément de définition de ce qu'est un renseignement de
nature confidentielle en ce qui concerne les tiers, en tout cas. On dit: "Un
renseignement de nature confidentielle fourni par un tiers et traité par
lui de façon constante comme confidentiel. " Finalement, c'est la
pratique du tiers lui-même qui fait que le document est confidentiel ou
pas. Ne partagez-vous pas un peu cet avis? De la façon dont l'article
est rédigé, c'est le tiers, finalement, qui va établir le
caractère de confidentialité ou non du renseignement
concerné.
M. Dufour: C'est volontairement qu'on n'en a pas parlé
dans notre mémoire. Même si vous me ramenez à la
définition de confidentialité entendue comme telle, par celui qui
dépose, prenons simplement les sociétés d'État et
les différents ministères du gouvernement, je ne suis pas
sûr que les ministres ont tous la même conception de ce qui est
confidentiel dans leur ministère; si on prend les 178 000 entreprises du
Québec, elles n'ont pas toutes non plus la même conception. Il y a
des entreprises publiques qui doivent déjà déposer leur
rapport annuel à la Bourse. C'est connu, c'est publicisé, la
Commission des valeurs mobilières a un certain nombre d'exigences
légales. Les entreprises privées, dans le sens où on
l'entend vis-à-vis de la Bourse, ne sont pas assujetties à ces
mêmes contraintes.
C'est bien sûr que les définitions de
confidentialité vont jouer d'une entreprise à l'autre selon les
lois auxquelles elles sont déjà assujetties. Je pense que c'est
un problème qui est très sérieux. Il y a des garanties qui
sont déjà là. Cela doit être vraiment revu dans le
sens, je pense, où la Chambre en a fait devant vous la
démonstration; Hydro-Québec l'a fait sur un tout autre plan,
purement sur la question, appelons ça des secrets professionnels ou les
secrets industriels. C'est énorme comme importance, c'est la vie d'une
entreprise,
souvent. C'est tout le débat qui est posé, et je pense que
la commission devrait retourner à la commission Paré pour faire
réétudier davantage cette section.
M. Rodrigue: Le premier élément que vous avez
soulevé dans votre mémoire traite des délibérations
des conseils consultatifs. L'article 21, en fait, ne s'applique pas aux
conseils consultatifs comme tels c'est plutôt l'article 38 qui couvre
cette réalité. Est-ce que nous ne répondrions pas à
vos objectifs par l'article 38, qui indique que les mémoires et
délibérations des organismes gouvernementaux, dont les conseils
consultatifs, ne sont pas publiés avant 20 ans? Le Conseil de la
politique scientifique, par exemple, tient toutes ses réunions
publiques, cependant, et il en est de même pour des réunions de
commissions qu'il a mises sur pied, c'est une expérience qui est
à suivre, mais avant de l'étendre...
M. Dufour: Avant de demander à Me Ponton de réagir,
je pense que c'est une des difficultés du document, la définition
de conseil, d'organisme; vous appliquez l'article 38 au Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre, nous ne l'appliquerions pas au Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, parce que dans notre
définition, ce n'est pas un organisme gouvernemental. Le CCTM, le
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre n'est pas un organisme
gouvernemental. En tout cas, question de vocabulaire, mais sur le principe, je
vais demander à Me Ponton...
M. Rodrigue: Question additionnelle là-dessus. Est-ce
qu'il ne vous apparaîtrait pas cependant que les comptes rendus des
réunions des conseils consultatifs devraient être accessibles,
même si les délibérations se font à huis clos?
M. Ponton (Gérald): Je pense que c'est poser toute la
question du conseil consultatif. D'abord, au niveau de la recommandation 8,
c'est un voeu de la commission qu'éventuellement, on suggère de
l'étendre au conseil consultatif. Ce qui a amené le Conseil du
patronat à se prononcer contre cette orientation, c'est que le conseil
consultatif est un peu comme un haut fonctionnaire auprès de son
ministre, sauf qu'il est formé de groupes de différents milieux,
souvent patrons et syndicats, pour informer le ministre, le conseiller sur des
sujets donnés.
Je ne pense pas que le haut fonctionnaire réfléchisse ou
fasse part de ses délibérations à son ministre, de
façon publique; le conseil consultatif doit, à notre avis,
recevoir le même traitement.
II faut distinguer deux choses là-dedans, l'accès aux
documents du conseil consultatif et les délibérations du conseil
consultatif. On ne pense pas que les délibérations du conseil
consultatif devraient être publiques, mais on pense que les documents du
conseil consultatif devraient être rendus publics, au même titre,
par exemple, comme il est proposé dans l'article 38, soit après
vingt ans, que lorsque le ministre annonce sa décision.
Je pense qu'à ce moment-là, on pourrait très bien
rendre les discussions du comité consultatif publiques, de même
que l'avis des hauts fonctionnaires peut être rendu public.
M. Rodrigue: On pense que l'article 38 couvre les conseils
consultatifs, parce que la majorité des membres de ces conseils sont
nommés par le gouvernement, même si c'est sur recommandation
d'organismes intéressés aux délibérations de ces
conseils.
À la recommandation 16, vous indiquez que le Conseil du patronat
est d'accord, en principe, mais que les salaires des cadres supérieurs
devraient faire l'objet d'une exception. Quelles seraient les raisons valables
qui autoriseraient la commission à recommander que dans un projet de
loi, on fasse une distinction entre les salaires des cadres et ceux des
employés autres que les cadres? Je vous avoue que ce n'est pas
évident, quant à moi, et j'aimerais bien vous entendre
là-dessus.
M. Dufour: Écoutez, on ne fera pas le débat ce
matin sur cette question, parce qu'il va se faire ailleurs. Vous savez que la
Commission des valeurs mobilières du Québec a demandé des
avis sur la question de la divulgation de la rémunération des
dirigeants d'entreprise privée, les cinq mieux payés dans
l'entreprise. On sera opposé à ça, pour toute une
série de raisons qui vont être connues d'ici une quinzaine de
jours, dont on n'a pas saisi encore la Commission des valeurs
mobilières.
C'est un débat qui, comme vous le savez, revient
régulièrement au Canada. Il a été fait en Ontario,
le gouvernement ontarien n'a pas accepté la recommandation de la
Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, de façon que
chaque salaire soit donné sur une base individuelle.
Comme ce débat va se faire dans le secteur privé, on a
tout de suite dit ici qu'on ne demandera pas deux poids, deux mesures. Si le
gouvernement veut publier le salaire de ses cadres supérieurs, je ne
parle pas des hommes politiques, c'est connu, mais on parle du président
d'Hydro-Québec, du président de SIDBEC, ce sont les cadres
supérieurs, si vous trouvez des avantages, politiquement, à tout
publier ça, c'est la décision du législateur. Mais nous,
dans notre dossier de la divulgation des salaires des cadres supérieurs,
les cinq mieux payés dans
une entreprise, on ne fera pas de distinction, que leurs dirigeants
soient dans l'entreprise privée ou dans une entreprise ou un organisme
gouvernemental qui s'appellerait SOQUEM, SOQUIP, Hydro-Québec,
Régie des rentes, peu importe. Comme on ne veut pas,
éventuellement, avoir deux poids, deux mesures, débattre quelque
chose qui est dans le secteur privé, on ne s'est pas
préoccupé de la fonction publique, parce que vous auriez
éventuellement les mêmes problèmes; allez voir dans notre
dossier à savoir pourquoi ça créerait des
problèmes. Sur la question des décrets, on est d'accord avec le
principe, sauf que c'est un des endroits où on ferait des exceptions. Il
y a probablement d'autres choses, des choses très confidentielles au
niveau d'un Conseil des ministres, j'imagine, qu'on ne voudrait peut-être
pas divulguer. Il faut mettre certains paramètres. On donne ouverture
avec un paramètre comme celui des cadres supérieurs. Je ne sais
pas si cela vous satisfait. C'est pour ne pas faire de discrimination, dans le
débat entre le public et le privé, au niveau du salaire des
cadres supérieurs.
M. Rodrigue: Dans vos commentaires sur la recommandation no 10,
vous vous opposez à ce que le gouvernement puisse ne pas oublier
à l'avance dans les cas exceptionnels ses projets de règlement.
Ce que je voudrais vous dire là-dessus, c'est que cette recommandation
n'apparaît pas au projet de loi pour une raison bien simple, c'est
qu'elle va être reprise dans le cadre d'une éventuelle loi ou d'un
projet de loi dans les règlements que prépare actuellement le
ministère de la Justice. À ce moment, vous pourrez en
débattre à une autre occasion.
En ce qui concerne l'accès à l'information, surtout
l'accès provenant des tiers, l'expérience américaine
démontre assez clairement que les entreprises sont les principaux
utilisateurs de lois qui existent dans les États américains, et
qui font un peu le pendant du projet de loi qui nous a été
proposé par la commission Paré, pour obtenir des renseignements
sur leurs concurrents.
J'aimerais savoir si entre autres les articles 25 à 29, qui
traitent des renseignements aux tiers, vous satisfont et si cela vous semble
suffisant pour éviter qu'on institutionnalise, à toutes fins
utiles, l'espionnage industriel.
M. Dufour: M. le député de Vimont, je reviens
à mon contexte général de tantôt. On n'a pas
touché aux articles 25 et 29, tout comme on n'a pas touché aux
articles 27, 52 et 56, pour ce que je vous disais tantôt. C'est une
question d'utilisation de bonne foi de tous ces articles. Ils pourraient
être beaucoup plus serrés que cela et on aurait de fichus
problèmes parce que les gens les interprètent mal, mais surtout
les appliquent mal. C'est une question d'esprit, toute cette application.
Les articles 25 à 29 ne nous ont pas tellement fatigués.
Il y a une protection. On sent l'idée qu'il faut cette protection. On
sent qu'on ne peut créer un préjudice irréparable à
une personne physique, mais non plus à une personne morale en
fournissant les renseignements que possède une agence gouvernementale.
On sent que c'est présent, sauf que - je reviens à ce qu'on a dit
- pour nous, ce n'est pas le projet de loi du gouvernement. C'est une
proposition intégrée, structurée, dans les termes
légaux d'une proposition globale d'accès à l'information
gouvernementale. On réserve nos commentaires mais, de façon
générale, on se dit que si on pouvait s'entendre sur la
définition des termes, ce qui est confidentiel et tout cela, il n'y
aurait peut-être pas de problèmes majeurs.
M. Rodrigue: Je me suis permis de vous poser cette question parce
qu'il est évident que les travaux de cette commission ont de fortes
chances de déboucher sur la préparation d'un projet de loi
gouvernemental. Les commentaires que vous pourriez nous faire à ce
moment-ci nous aideraient justement dans la préparation de ce projet de
loi. De là, la question.
M. Dufour: Vous nous donnez une ouverture et on va la prendre.
À la suite du débat qui se déroule depuis deux ou trois
jours sur ce problème très particulier, on va revoir cela et on
va vous faire parvenir des notes supplémentaires.
M. Bertrand: Très bonne idée.
M. Ponton: M. le Président, M. le député de
Vimont nous demande si les articles 25 à 29 sont étanches - en
fait, cela revient à cela - et dans quelle mesure cela rencontre les
objectifs de la loi. Il nous est apparu, au départ, que cela rencontrait
certains des problèmes que pose la divulgation d'information des tiers.
Pour d'autres organismes, il ne semble pas que ce soit le cas. Comme M. Dufour
l'indique, je pense que la meilleure solution pour nous, c'est de reprendre le
dossier et de l'examiner à nouveau.
M. Rodrique: Si vous êtes satisfaits, je ne veux pas vous
inciter à ne pas être satisfaits, mais enfin, comme vous
représentez, quand même, des entreprises qui sont susceptibles
d'être affectées par cela, votre opinion est certainement
importante dans le contexte.
Le Président (M. Tremblay): M. le
député de Westmount. (12 h 45)
M. French: Je suis très content - et je suis convaincu que
M. Dufour et le Conseil du patronat partagent ce sentiment positif -d'apprendre
que le gouvernement envisage de réviser le cadre législatif quant
aux règlements et à la publication de règlements, etc., ce
qui est extrêmement important. Je pense que la commission Paré a
donné l'occasion aux gens de l'entreprise privée, aux gens du
Barreau et à tout autre organisme de venir nous entretenir sur ce
problème qui n'est pas directement celui de la commission, mais qui est
quand même lié à tout ce complexe de problèmes
qu'est l'information gouvernementale. J'ai pu comprendre que c'est bien beau
d'avoir accès aux documents gouvernementaux, mais dans la mesure
où le gouvernement n'est même pas capable de le publier, de les
imprimer, de les distribuer et de passer par tous les moyens d'information
possibles pour faire connaître ses activités, l'accès aux
documents gouvernementaux devient un luxe un peu secondaire face à ce
problème. Je pense que c'est extrêmement important de retenir
cela, d'autant plus que ce n'est jamais traité dans le projet de loi
qu'envisage le ministre actuellement. Ce n'est pas vraiment cela qu'il vise.
D'ailleurs, il faudrait un article écartant toute cette question de
l'application de la loi, si j'ai bien compris, c'est-à-dire que les
publications dans le sens étroit, les choses imprimées, les
choses éditées ne seraient pas touchées par le projet de
loi.
Par contre, je pense que c'est important de souligner que le
gouvernement s'est engagé aujourd'hui - peut-être que le ministre
va passer le message à son collègue de la Justice
là-dessus - à réviser tout cela et je pense que ce qu'on a
entendu, cela ne vient qu'augmenter la pression à l'arrière de
cet exercice.
M. Bertrand: Augmenter quoi?
M. French: La pression à l'arrière de l'exercice au
sein du ministère de la Justice de réviser tout la question des
règlements, de la publication de règlements, de la publication
des décrets, les délais, les moyens de distribution, etc.
M. Dufour: Évidemment, ce point de vue de M. French, nous
le partageons pleinement. On en a discuté très rapidement
tantôt avec M. Paré, l'auteur du rapport. En tout cas, on fait
part de notre préoccupation. Tu peux bien avoir la plus belle loi qui te
rende les documents accessibles, mais si, à cause de mécanismes
purement administratifs, tu ne les as pas, tu n'as pas avancé. La vie de
l'entreprise n'est pas axée sur des documents qui doivent être
produits dans trois ou dans cinq mois; elle est axée sur la Gazette
officielle, sur le journal des Débats, sur des projets de loi. Il faut
réagir. C'est cela la vie de l'entreprise quant à l'accès
aux documents du gouvernement. Bien sûr, cela ne fait pas partie du
projet de loi, mais nous avons insisté sur cela. Je suis content que
vous repreniez cette dimension; c'est vraiment là que sont nos
problèmes, non pas purement pour nous comme corps intermédiaire,
mais pour l'ensemble des corps intermédiaires.
M. French: Maintenant quant aux recommandations de traiter les
personnes morales sur le même pied devant la loi que les personnes
physiques, je l'ai dit hier ou avant-hier, je pense que vous l'avez
suffisamment couvert, mais je voudrais souligner que même si on partage
la préoccupation que 26, 27 ou 25 - je ne sais pas lequel - sont
insuffisants comme tel, je pense que ce ne serait jamais possible de changer
radicalement l'étendue de l'application de la loi de la façon que
la recommandation vise. Ce serait écarter à toutes fins utiles
tous les renseignements provenant du secteur privé de l'application de
la loi sur l'accès à l'information. Donc, je suis très
content de savoir que vous allez revoir cela, parce que c'est extrêmement
important. S'il y a vraiment un problème, qu'il ne soit pas
réglé de façon artificielle dans vos recommandations
devant la commission parlementaire, lors de l'étude article par article,
de façon artificielle en transférant dans un coût qui
réglerait vos problèmes facilement, mais c'est impossible en tant
que législateur d'accepter cette solution. Je ne sais pas si vous
désirez réagir à cela.
M. Dufour: Non, en fait, nous on accepte le principe d'une loi
sur l'accès à l'information gouvernementale, il ne faut quand
même pas se contredire nous-mêmes, on ne peut pas lui enlever tout
son contenu, il faudra qu'il y ait quelque chose de disponible à un
moment donné. Vous exprimez très bien notre point de vue, on va
revoir le tout de façon qu'une entreprise, une personne morale, un
citoyen corporatif ne soit pas désavantagé vis-à-vis d'une
personne physique, une personne dont les renseignements nominatifs pourraient
être protégés. On va essayer vraiment de proposer au
législateur des articles qui mettraient sur ce plan-là -
entendons-nous bien - purement sur le plan de la confidentialité les
deux personnes sur le même pied.
M. French: Je ne suis pas sûr que ce serait suffisant, mais
on en reparlera plus tard. Même le principe de base de vos
recommandations, si c'est toujours que les personnes physiques et morales
devraient être
traitées littéralement sur le même pied, je pense
que vous trouverez cela très difficile sans vous abriter à peu
près à 100% de l'application de la loi. On en parlera plus
tard.
M. Dufour: Quand on se sera entendu sur les définitions du
caractère confidentiel, probablement qu'on aura avancé le
débat.
M. French: Très brièvement, une autre chose que je
voudrais recommander au conseil d'étudier; c'est l'abus de la loi
américaine auprès des institutions réglementaires, surtout
américaines, dans le jeu de la concurrence; c'est un abus très
sévère qui se dégage entre autres du fait qu'il y a
recours à la cour. Il y a probablement une protection insuffisante aux
données dans les exceptions américaines et peut-être aussi
dans ceux-ci. Vous pouvez peut-être étudier la jurisprudence
américaine, les cas qui impliquent la Federal Trade Commission, la Food
and Drug Administration et d'autres parce que ces institutions se retrouvent
dans les actions "freedom of information" qui impliquent les deux
sociétés, la société requérante et la
société déposante et cela, avec à peu près
aucune fin pratique publique d'après ce que je peux voir. Je reprends la
parole de mon collègue de Vimont, ce serait très
intéressant d'entendre le Conseil du patronat là-dessus.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bertrand: Ma question sera brève. Je m'excuse
auprès des membres du Conseil du patronat si j'ai dû m'absenter
pendant la lecture de leur rapport. J'en avais pris connaissance de toute
façon et les députés ministériels sont tout
à fait qualifiés pour poser toutes les questions aux
organismes.
M. French: Surtout avec le "briefingq" que leur fournissent les
fonctionnaires du ministre.
M. Bertrand: Pardon?
M. Marx: Même les gens du groupe des "onze. "
M. Bertrand: Surtout ceux-là.
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Rodrigue: Le député de D'Arcy McGee a des
fixations depuis quelques jours.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Bertrand: Ma seule question est la suivante, M. le
Président. C'est relativement à l'article 101 sur la
création de la commission. Cela ne semble pas emballer le Conseil du
patronat du Québec. Vous vous demandez si on ne devrait pas regarder
ailleurs pour voir si, au ministère des Communications, à celui
de la Justice ou à tout autre, il n'existerait pas un organisme qui
pourrait assumer les responsabilités que la commission Paré
voudrait voir confier à cet organisme qui s'appelle la commission
d'accès aux documents des organismes publics. Est-ce que vous avez
poussé plus loin votre réflexion? Est-ce que vous avez à
l'esprit un certain nombre d'organismes? Là-dessus, j'ai
déjà indiqué à la commission que je suis vraiment
très ouvert à l'étude, à l'analyse de ce
problème, en me disant qu'il y a peut-être un organisme qui existe
déjà et auquel il s'agirait d'ajouter des fonctions
additionnelles, ce qui satisferait beaucoup tous ceux qui ont à coeur la
débureaucratisation du gouvernement.
M. Dufour: Nous n'avons pas, M. le ministre, de propositions
concrètes. Si nous en avions eu une, nous vous l'aurions faite. Mais le
problème reste posé et je pense bien que tout le monde est
d'accord qu'il y a trop de commissions. Est-ce qu'il faut en créer une
autre dans ce domaine très précis? On dit bien qu'on n'a pas
d'objection sur le principe. Ce n'est pas une question de principe. On dit que,
on peut en éviter une autre, ce n'est pas à cause de ce que les
auteurs nous décrivent ici dans les articles 101 et subséquents.
On parle juste de trois membres, mais les trois membres, on connaît cela.
Certains présidents de commission n'ont même pas besoin de deux
adjoints pour devenir très gros rapidement. Quelqu'un parlait ce matin,
je pense que c'est le député de D'Arcy McGee ou celui de
Westmount, d'un bureau d'avocats, parce que la corporation elle, la personne
morale, ne serait pas représentée par un avocat, si je vous ai
bien compris, alors que la personne physique le serait.
De toute façon, on parlait de créer un contentieux. On
crée tout de suite des monstres administratifs. Si on avait à
choisir entre la Justice et les Communications, M. le ministre, on irait aux
Communications. On n'accepte pas tout à fait l'argument des auteurs qui
disent: II faut absolument que ce soit séparé des gens qui ont un
certain pouvoir politique dans les mains. Cela n'existe pas une régie ou
une commission de quelque nature, tant au provincial qu'au
fédéral, qui n'a pas un certain lien plus que direct souvent avec
son ministre. Elle va relever de quelqu'un, cette commission, du Conseil
exécutif? Il y a toujours un lien politique. Ce serait le
ministère des Communications qu'on privilégierait parce qu'on est
dans ce domaine, sauf qu'il
faudrait vraiment qu'il y ait étanchéité entre le
pouvoir politique et le pouvoir administratif comme tel. Cela me permet
peut-être, à ce moment-ci, toujours dans le domaine de
l'information, parce que c'est bel et bien une responsabilité du
ministre des Communications et non de celui de la Justice, de relever cette
suggestion que M. French faisait tantôt de dialoguer davantage avec votre
ministre de la Justice pour la réglementation, etc. Notre
problème est encore moins avec la Justice qu'avec le ministre des
Communications. Pourquoi?
M. Bertrand: Avez-vous des problèmes avec moi, M.
Dufour?
M. Dufour: Pas avec vous, avec le ministère. Pourquoi
n'est-ce pas possible d'avoir des projets de loi à Montréal,
quand ils sont disponibles à Québec? Pourquoi ne mettez-vous pas
sur Telbec un projet de loi? Vous connaissez comme moi tout ce que
dépense le ministère des Communications.
M. Bertrand: Je me suis fait dire à la commission
parlementaire qui étudiait les crédits des Communications que
Telbec était déjà tellement utilisé.
M. Dufour: Presse canadienne, je veux dire un fil.
M. Bertrand: Le service angqlais de la Presse canadienne, parce
que le service français n'est pas très... d'après la
commission Kent.
M. Dufour: II devrait y avoir des moyens d'un autre ordre.
M. Bertrand: Je suis d'accord avec vous.
M. Ponton: M. le Président, au niveau des suggestions pour
le ministre, certains moyens relèvent de son ministère. Il y a
déjà une régie, la Régie des services publics dans
le secteur des communications, le câble et tout cela. Cela pourrait
être la partie du centre de la commission qui s'occuperait de tout
l'aspect de la révision, du caractère quasi judiciaire des
décisions de la commission. Il y aurait peut-être un heureux
mariage qui pourrait être fait avec la direction générale
des communications gouvernementales et la régie en matière de
révision de décisions. Je pense à cela rapidement. Cela
pourrait être une façon, parce que l'analyse des coûts est
peut-être un des points les plus faibles du rapport, mais il faut quand
même y donner crédit, parce que les gens étant à
temps partiel, ils ont un délai très limité. Ils ont
abattu un travail énorme. Mais au niveau du coût de la
réforme, à la page 12, on n'a pas beaucoup d'information. Je
pense qu'on devrait, au niveau du projet de loi final, faire l'étude des
coûts. Il y a certains livres blancs par le passé qui ont fait des
études de coûts et deux ans après, on s'est retrouvé
avec des montants qui étaient de cinq ou six fois supérieurs aux
montants qui étaient prévus dans le livre blanc. Cette dimension
des coûts devient de pIus en plus importante. Il faudra que le ministre
obtienne des estimations des coûts de différentes réformes,
différentes propositions pour avoir une vue d'ensemble du dossier.
M. Bertrand: Vous voulez - je m'excuse, M. le Président -
que l'éventuel organisme qui s'occuperait de l'administration de la loi
puisse aller puiser ses crédits à même le fonds
consolidé. Ne trouvez-vous pas que c'est une façon, justement, de
piger à grandes pochetées l'arqent des contribuables sans
être assujetti à des règles de tempérance et
d'abstinence dans certains cas?
M. Dufour: Parce qu'il est permis de tout piger dans le fonds
consolidé?
M. Bertrand: Dans le cas du Directeur général des
élections, qui a accès au fonds consolidé par sa loi, cela
lui donne des possibilités assez extraordinaires de faire pas mal de
choses qu'un ministère ne réussit pas à faire. Il me
semble que c'est un peu contradictoire avec votre volonté de...
M. Dufour: Ce n'est pas pour le budget de fonctionnement de la
première année et subséquemment, ce ne sera pas suspendu
dans le vent. Cela va relever d'un ministère ou du Conseil
exécutif qui, à ce moment-là, devra justifier. Cela
m'apparaît un budget de démarrage et après, cela va relever
d'un ministère ou du budget du Conseil exécutif.
M. French: Je pense qu'il y a une couple de choses qui devraient
être clarifiées. D'abord, du coût total de l'implantation de
la loi, le coût de la commission serait comme proportion, pas mal minime.
Le coût va surtout se faire sentir auprès des ministères
qui ont à administrer la loi. Nous pensons, de notre côté,
avoir une solution à cela. (13 heures)
II y a un principe que le ministre s'est engagé à
respecter, c'est qu'il prenne les budgets publicitaires du gouvernement et
qu'il les utilise afin d'implanter cette loi; c'est exactement ce qu'ont fait
les Américains. Le ministre m'a invité - j'en suis très
content - à l'aider à identifier les sources de gaspillage dans
les budgets publicitaires. Cela me fera plaisir... toutes les photos de
ministre, et tout cela. Le député de Chambly aura son mot
à dire à ce
moment-là aussi, je l'attends avec beaucoup
d'intérêt parce que je sais que c'est quelque chose qui
l'intéresse. Je pense que, quant à ça, c'est assez facile
pour le ministre de se prononcer précisément sur ce principe de
base qui serait que l'accès à l'information pour le citoyen et la
protection des renseignements personnels devraient primer sur les programmes de
publicité, surtout ceux de nature qénérale qui ne visent
pas un problème du gouvernement en particulier.
M. Bertrand: Là-dessus, je suis prêt à
répondre immédiatement au député de Westmount. Dans
son devoir d'informer la population, le gouvernement peut recourir à
différents supports qui sont innombrables. Par exemple, le contact avec
les journalistes par voie de conférences de presse, des tournées
d'information à travers le Québec, tout ça fait partie des
supports. Il y en a un, dans l'ensemble de ces innombrables supports qui
permettent l'information et la communication, qui s'appelle le support
publicitaire. Je dis qu'un gouvernement doit pouvoir recourir à ce
support pour certaines campagnes d'information, mais là où je
suis d'accord avec le député c'est qu'à mon avis, il faut
peut-être analyser avec beaucoup plus de circonspection cette question de
l'utilisation de la publicité à des fins d'information et de
communication gouvernementale.
Là-dessus, je vais vous donner un exemple où,
personnellement, je suis tout à fait d'avis qu'il y a des fonds publics
qui sont utilisés pour certaines campagnes de publicité à
un moment où ils ne devraient pas l'être. Je vais même le
citer, je ne suis pas membre du groupe des onze et ça concerne nos
ministères, etc. Je vais vous donner l'exemple de la campagne "Viens
jouer dehors". Je me suis promené, pendant l'été, dans le
décor québécois, dans différentes régions,
et j'ai vu partout des panneaux, d'immenses panneaux où on invitait les
jeunes: "Venez jouer dehors". Je me dis que s'il y a une période de
l'année où il n'est pas nécessaire de dire aux jeunes
d'aller jouer dehors, c'est bien l'été. Le problème, c'est
justement que les parents ont de la misère à faire entrer les
enfants à la fin de la journée. Dans un contexte comme ça,
il m'apparaît que ce choix de campagne à ce moment de
l'année est tout à fait inapproprié, et il y a là
une dépense de fonds publics que je trouve extrêmement
discutable.
Je peux donc dire au député de Westmount que, comme
ministre des Communications, je vais m'assurer, au cours des prochains mois et
des prochaines années, qu'il y aura là-dessus une coordination,
un contrôle et une surveillance bien meilleure que ce qui était
fait dans le passé.
M. French: Je suis bien content d'entendre le ministre à
ce sujet et je sais que...
M. Bertrand: Je ne dis pas qu'il n'y aura pas de
publicité.
M. French: Non, non, jamais.
Le Président (M. Rochefort): Vous pourriez peut-être
vous donner rendez-vous à la prochaine commission parlementaire qui
étudiera les crédits du ministère des Communications. Pour
l'instant, nous remercions les représentants du Conseil du patronat.
À la suite d'une entente entre les membres de la commission,
j'inviterais deux organismes à comparaître en même temps
devant nous. Il s'agit de l'Association des parents et amis des malades mentaux
et émotionnels de Montréal et du Central Consumer's Council.
Je vous demanderais de vous identifier, s'il vous plaît.
Conseil central des usagers de services
sociaux
Mme Ranti-Paquette (Irène): Je suis Irène
Ranti-Paquette, vice-présidente du Conseil central des usagers de
services sociaux auprès du centre de services sociaux Ville-Marie.
Est-ce que vous m'entendez?
Le Président (M. Rochefort): Oui. Cela va.
Mme Ranti-Paquette: Est-ce que vous voulez que je vous lise le
mémoire extrêmement bref qu'on a préparé?
Le Président (M. Rochefort): C'est comme vous voulez. Soit
le lire ou nous en faire une brève présentation.
Mme Ranti-Paquette: Le Conseil central des usagers de services
sociaux existe depuis 1973 comme un organisme de participation des usagers et
de la collectivité au processus de prise de décision du Centre de
services sociaux Ville-Marie. Son mandat est d'être un organisme
consultatif de révision des politiques du Centre de services sociaux
Ville-Marie auprès de son conseil d'administration; un comité
pour faciliter la participation et la consultation des usagers et de la
collectivité dans les structures de distribution de services; un
système d'appui de l'action communautaire collective et
individuelle.
Le conseil est composé d'usagers du Centre de services sociaux
Ville-Marie, de groupes communautaires et de groupes ethniques de la
région 6-A. Ses membres font partie de et sont actifs parmi les
segments les plus démunis et les plus vulnérables de la
population.
Le conseil est préoccupé par la protection des
renseignements personnels. Les données privées sur les individus
détenues par les pouvoirs publics se multiplient hors du contrôle
du citoyen. L'informatisation permet l'interconnexion des dossiers et, partant,
l'établissement exhaustif du profil de l'individu dans les domaines
social, sanitaire, économique, pénal, etc.
L'inégalité des pouvoirs des gouvernants et des gouvernés
favorise les pouvoirs publics. Le processus de l'informatisation, dans ce
contexte social, menace la vie privée et les libertés
individuelles, et renforce le contrôle par les gouvernants.
Le troc d'informations privées contre des services laisse les
plus démunis de la société, ceux qui ont un besoin urgent
de ces services, captifs d'un appareil bureaucratique avide de centralisation
des données suivant une rationalité particulière, celle de
l'efficacité. Les valeurs de rentabilité, d"'efficiency" risquent
de l'emporter sur la défense des libertés civiques.
Le Conseil central des usagers de services sociaux a mené, depuis
1976, une lutte acharnée contre la nominalisation des renseignements
privés et contre la centralisation informatisée de ces
données, et ce, dans le domaine de la protection de la jeunesse.
Jusqu'à récemment, l'information permettant d'identifier les
dossiers numérotés fut gardée dans un registre manuel
sécuritaire. Lorsque les dossiers furent consignés, en 1979,
à l'ordinateur, les données personnelles furent conservées
dans le registre manuel. La hausse énorme et imprévue du nombre
de cas et les coupures budgétaires draconiennes imposées
récemment au Centre de services sociaux ont obligé le conseil
d'administration à autoriser, après des
délibérations animées, l'informatisation du registre
manuel des noms facilitant ainsi l'identification des dossiers.
Le conseil des usagers avait pris position, dans un mémoire
envoyé au ministère des Affaires sociales en 1976, au sujet d'un
amendement proposé aux règlements de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux. Les observations contenues dans ce
mémoire sont toujours pertinentes.
Le conseil ne s'oppose pas à la collecte de données pour
les fins de planification et de recherche. Toutefois, la nominalisation de tels
renseignements et la centralisation de ces données personnelles dans les
banques de données informatisées, accessibles, sans la permission
de l'usager, à quiconque obtient l'autorisation du ministère, est
inacceptable. Cela menace le droit de la personne au respect de sa vie
privée, tel qu'énoncé dans la charte.
Si l'obtention de services est conditionnelle à la divulgation
par l'usager d'informations personnelles, il y a une atteinte inhérente
à la relation usager-intervenant. L'usager n'a aucune liberté de
choix, étant captif d'une situation où le climat de confiance est
hypothéqué d'avance. Les groupes d'usagers stigmatisés
socialement (toxicomanes, parents naturels, homosexuels, ex-patients
psychiatriques, chômeurs, ex-contrevenants, etc. ) seront
réticents à s'adresser aux services dont ils ont besoin.
Si l'usager croit avoir intérêt à ne donner que des
renseignements inadéquats ou faux, craignant le transfert des
données, cela peut influencer les jugements des intervenants et rendre
incertain la distribution des services appropriés et fausser de
façon permanente l'information détenue par le
ministère.
L'accumulation dans les dossiers du ministère de toute demande de
correction, des demandes d'appel aux décisions et la
non-accessibilité du dossier pour l'usager, cela risque de lui faire
coller à la peau l'étiquette d'un éternel querelleur,
à son détriment.
Il y a également le risque élevé du renforcement de
la discrimination et de la marginalisation dans les faits dont souffrent ces
usagers, collectivement et individuellement, par la persistance dans un dossier
cumulatif d'une classification donnée une fois pour toutes, femmes
avortées, jeune délinquant, etc. L'accès à
l'information contenue dans ce dossier cumulatif met en danger la
réhabilitation de certains usagers et, pour d'autres, leur existence
même dans la société actuelle.
La possibilité de mettre en relation de façon
systématique cette information éparpillée dans les
différents fichiers, par l'interconnexion informatique, et de donner
ainsi aux pouvoirs publics ou corporatifs un instrument de contrôle
social de citoyens sans défense ne peut que renforcer la crainte de
discrimination et d'exploitation.
Le conseil des usagers souhaite commenter également le mode
d'organisation de ces auditions publiques si souhaitables dans une
société qui se veut démocratique. Les associations doivent
souvent renoncer à assister à ces sessions faute de moyens
techniques ou financiers pour se déplacer à Québec et pour
produire, traduire et reproduire en 100 copies leur mémoire.
Le conseil se considère privilégié d'avoir
accès à ces moyens - du moins dans l'immédiat - bien que
son existence est menacée par des coupures budgétaires de 100%.
D'autres groupes, nombreux, n'ont pas ce privilège.
Le conseil central des usagers désire faire les recommandations
suivantes: 1. Que le ministre donne suite aux
recommandations de la commission Paré en ce qui a trait à
la protection des renseignements personnels au niveau de la collecte, la
conservation, le transfert, l'accès et ses restrictions, la correction
et le recours. 2. Que le ministre prête une attention particulière
au domaine de l'informatisation des dossiers et l'interconnexion de ces
fichiers. 3. Que le secrétaire des commissions particulières
assiste les groupes organisés de citoyens à exercer leur droit de
participer à ces consultations en leur donnant les moyens techniques
et/ou financiers ou encore en tenant au moins une des sessions à
Montréal.
Merci.
Le Président (M. Rochefort): Je vous inviterais aussi
à nous présenter l'autre mémoire qui est sous votre
responsabilité et on les abordera les deux de front.
Association des parents et amis des malades mentaux et
émotionnels
Mme Ranti-Paquette: Oui. C'est le mémoire de l'Association
des parents et amis des malades mentaux et émotionnels dont je suis la
coprésidente.
Les deux groupes sont composés majoritairement d'anglophones.
APAMM-ARAFMI, association des parents et amis des malades mentaux et
émotionnels, est une association de bénévoles avec un
double mandat: elle est un groupe d'entraide pour les familles aux prises avec
les problèmes qu'entraîne la maladie mentale d'un de ses membres,
et elle aqit également comme groupe de pression auprès des
instances décisionnelles pour l'implantation d'un réseau
cohérent de ressources communautaires destinées à la
réadaptation psychiatrique et la réinsertion sociale.
Nous appuyons les principes généraux du rapport
Paré et nous souhaitons y ajouter quelques commentaires au sujet de la
protection des renseignements personnels.
Le caractère confidentiel des renseignements nominatifs.
L'article 61 du rapport dit: "Un organisme public doit refuser de communiquer
une liste de noms de personnes physiques". Ce règlement devrait pouvoir
s'appliquer aux associations de promotion oeuvrant dans un domaine
entouré de préjugés, comme c'est le cas pour
APAMM-ARAFMI.
Les patients psychiatriques, dès qu'ils montrent une
légère amélioration, désavouent leur condition et
rejettent toute relation avec la maladie mentale. Afin de leur faciliter la
réadaptation leurs parents et amis ne souhaitent pas afficher leur
appartenance à notre association. Nous respectons ce besoin de
confidentialité et nous refusons de communiquer notre liste de membres.
À l'occasion d'une demande de subvention auprès d'un organisme
public, on nous a demandé cette liste; notre refus n'a pas
empêché une entente à l'amiable par la suite. (13 h 15)
Ce même organisme public a procédé récemment
au repérage d'une certaine catégorie de personnes
marginalisées. On nous avait envoyé des formulaires à
faire remplir par ces personnes si elles se croyaient disponibles à
l'emploi. Il n'y avait aucune obligation de répondre et pas de promesse
de travail non plus.
Lorsque nous avions exprimé notre dissidence, pour des raisons de
confidentialité, un organisme public a consenti une démarche
particulière selon laquelle nous allons conserver les données
permettant l'identification dans un registre confidentiel en envoyant à
la banque de données seulement les dossiers anonymes assortis d'un
numéro comme seul facteur identifiant.
Sur la gestion des dossiers, la loi devrait restreindre le genre de
renseignements qu'on peut verser dans un dossier personnel détenu par un
organisme public ou privé. Doivent être exclues les mentions
relatives au dossier psychiatrique ou médical, au dossier judiciaire,
aux croyances philosophiques ou religieuses, au fait d'être
bénéficiaire de la sécurité sociale.
L'échange automatique du dossier informatisé doit cesser.
L'accès au dossier. Le citoyen doit avoir le droit de
connaître le contenu des dossiers qui le concernent et de faire corriger
les erreurs. Les tierces personnes qui ont reçu ces renseignements
erronés doivent être avisées des corrections. Le citoyen
doit pouvoir trouver dans son dossier la mention de toutes les consultations et
demandes d'accès.
Restrictions à l'accès. Une des exceptions au droit
d'accès d'un individu à son dossier est le cas des dossiers
médicaux et psychiatriques. L'accès peut être refusé
au bénéficiaire lorsqu'il serait gravement préjudiciable
à sa santé de prendre connaissance de son dossier. On devrait
étudier la possibilité de divulguer certains renseignements aux
proches du patient, aux membres de sa famille ou autres. En 1980, l'État
de Californie a adopté la loi AB2144 allant dans ce sens. La famille, ou
une autre personne désignée par le patient résidant dans
une de ces institutions psychiatriques, peut, avec l'autorisation du patient,
recevoir des informations relatives à son séjour dans cette
institution, à son transfert, aux diagnostics, aux pronostics, aux
médicaments prescrits et à leurs éventuels effets
secondaires, aux progrès du patient, à la gravité de sa
maladie et au décès. Nous sommes entièrement conscients
des
implications pour toutes les parties en lice et nous suggérons
que cette question soit soumise à une étude approfondie avec la
consultation de la collectivité.
L'Association des parents et amis des malades mentaux et
émotionnels désire soumettre les recommandations suivantes: 1)
les organismes publics ne doivent pas exiger l'envoi de la liste des membres
des associations de promotion qui sollicitent des fonds; 2) les organismes
publics doivent agir avec prudence lorsqu'ils font la collecte de
renseignements personnels et prévoient des mesures de
sécurité afin de minimiser les effets négatifs de la
centralisation de ces données; 3) la gestion des fichiers doit
être soumise à une surveillance étroite et prévoir
des sanctions en cas d'abus; 4) une étude approfondie doit être
faite de l'accès aux dossiers médical et psychiatrique, des
exceptions et restrictions, tel que recommandé à la page 97 du
rapport Paré, et la consultation et la participation doivent être
invitées de la part des citoyens y compris les personnes les plus
concernées, c'est-à-dire les patients psychiatriques
eux-mêmes; 5) la loi devrait entrer en vigueur dans les plus brefs
délais.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bertrand: Je voudrais vous remercier, madame, de vous
être donné la peine de vous déplacer de Montréal
à Québec, malgré les contraintes que cela suppose. J'ai
pris note d'une de vos recommandations, à savoir que ces commissions
parlementaires puissent être accessibles à des gens qui n'ont pas
les disponibilités financières et qui sont physiquement retenus
souvent ailleurs qu'à Québec. Ce n'est évidemment pas un
problème qui regarde notre commission, mais, puisque c'est
enregistré au journal des Débats, c'est peut-être une
opinion qui pourra être transmise à la commission de
l'Assemblée nationale.
Sur le reste, ce dont je prends note, c'est que vous êtes, dans
l'ensemble, d'accord sur les recommandations qui sont faites en particulier en
ce qui concerne la protection des renseignements personnels et que ce que vous
souhaitez c'est que la loi soit adoptée dans les plus brefs
délais.
Vous avez, par contre, quelques recommandations plus précises.
L'une, fort intéressante, par laquelle vous demandez aux organismes
publics de ne pas exiger l'envoi de la liste des membres des associations. On a
reçu un groupe, hier, qui, à l'inverse, demandait que l'organisme
public puisse lui transmettre la liste des noms qu'il détient.
C'était le cas des Amputés de guerre du Canada. Dans le
but de produire des sources de revenus à des fins charitables et autres,
ces derniers demandaient de pouvoir utiliser cette possibilité d'entente
avec un organisme public. Dans votre cas, vous nous invitez à ne pas
faire exigence aux organismes de votre type, par exemple, de transmettre les
informations à l'organisme public.
Vous avez fait mention qu'à certaines occasions on avait
demandé à votre groupe de transmettre cette liste et que,
finalement, il y avait eu des ententes.
Mme Ranti-Paquette: Oui.
M. Bertrand: Parce qu'on avait tenu compte de la situation
particulière. Quelles étaient les raisons pour lesquelles les
organismes publics - je ne sais pas de quel ministère il s'agissait -
demandaient à obtenir votre liste de membres.
Mme Ranti-Paquette: Dans un des cas, lors de la demande de fonds.
C'était tout simplement une demande routinière, comme on
demandait la constitution de l'organisme. Peut-être aussi pour
vérifier si l'organisme existe ou si ce n'est pas un organisme sur
papier, s'il y a des membres qui fonctionnent.
Je crois que, en général, je pourrais recommander une
certaine souplesse dans l'application des articles pertinents. Il y a des
intérêts qui peuvent être divergents, comme le cas que vous
avez cité. Il est clair que les Amputés de guerre ont
intérêt à avoir une liste de noms, mais peut-être que
les personnes qui figurent sur cette liste devraient être
consultées.
M. Bertrand: Pardon.
Mme Ranti-Paquette: Le deuxième cas dont nous avons une
expérience particulière, il s'agissait de mettre sur pied une
banque de données de handicapés mentaux, bien sûr, puisque
c'est notre domaine. Enfin, ces noms ont été informatisés
et pour nous, il semblait inconcevable de faciliter la stigmatisation des
ex-patients, de ceux qui peuvent se recycler, qui peuvent être
réinsérés dans la vie professionnelle, qui peuvent rentrer
sur le marché du travail. Ce ne sera certainement pas avantageux pour
eux d'avoir, dans leur dossier, une mention de leur passé psychiatrique.
On connaît des cas où ça agit au détriment des
patients, ou disons plutôt, des personnes.
L'organisme en question a été très souple lorsque
nous avons proposé un arrangement particulier. Cela a été
accepté immédiatement.
Je voudrais quand même recommander une certaine prudence
auprès des organismes publics quand ils s'impliquent dans un projet
quelconque, qu'ils réfléchissent sur les implications pour
la confidentialité des renseignements personnels.
M. French: À ce titre, seriez-vous d'accord avec la
certification exigée de la part de la commission pour un
ministère qui veut bâtir un nouveau fichier de renseignements
personnels? Êtes-vous d'accord avec cet article?
M. Bertrand: L'article 64 dit: Quiconque, au nom d'un organisme
public, recueille un renseignement nominatif auprès de la personne
concernée ou d'un tiers - un tiers, ça pourrait être un
individu ou un groupe - doit au préalable l'informer de toute une
série de choses: de l'usage auquel le renseignement est destiné,
du caractère obligatoire ou falcutatif de la demande, des
conséquences pour la personne concernée d'un refus. On dit aussi:
Les modalités suivant lesquelles la collecte de renseignements
nominatifs doit être faite sont prescrites par règlement.
Il faudra reconnaître les règlements donc, les
modalités d'application d'un tel article, mais déjà on
essaie de prévoir dans la loi qu'il faudrait suivre une procédure
très claire, connue et définie par règlement.
Mme Ranti-Paquette: Oui, nous sommes certainement d'accord et je
pense que la commission a réfléchi profondément sur cette
question, probablement qu'il y a encore des améliorations à
faire, mais, sur le principe, nous sommes d'accord.
M. Bertrand: Sur la question de transmettre à des proches,
qui sont souvent des membres de la famille, des renseignements sur le dossier
médical et psychiatrique d'une personne, il y a un article dans la
proposition de loi, l'article 92, qui dit: "Une demande de communication ou de
rectification n'est recevable que si elle est faite par écrit par une
personne physique justifiant de son identité à titre de personne
concernée, à titre de représentant légal de cette
dernière ou de ses héritiers ou successeurs. " Est-ce qu'il y a
quelque chose là-dedans qui vous permet de croire que ça pourrait
satisfaire votre demande?
Mme Ranti-Paquette: Cela pourrait être
complété si vous prenez en considération qu'il y a
certaines catégories de gens, justement ceux résidant dans des
institutions psychiatriques, qui parfois ne sont pas en état de donner
des mandats, des autorisations.
M. Bertrand: En d'autres mots...
Mme Ranti-Paquette: Remarquez que je me rends parfaitement compte
qu'il y a plusieurs aspects dans cette question et il ne faudrait pas non plus
permettre à la famille de...
M. Bertrand: De profiter de l'obtention du renseignement...
Mme Ranti-Paquette: Oui, bien sûr, ce doit être le
droit...
M. Bertrand: Je ne veux pas faire de...
Mme Ranti-Paquette:... des personnes d'être
complètement protégées.
M. Bertrand: Je ne veux pas être cynique, mais...
Mme Ranti-Paquette: Oui, il ne faut pas donner plus d'occasions
d'abus.
M. Bertrand: Quand arrive l'éventualité des
héritages, il y a du monde qui commence à être
intéressé à avoir beaucoup de renseignements sur ceux qui
vont bientôt nous quitter.
Mme Ranti-Paquette: Nous avons plutôt pensé au cas
des malades psychiatriques graves, où il est difficile pour les familles
d'obtenir certains renseignements qui peuvent les aider à adopter une
attitude qui pourrait contribuer à la réadaptation du patient
dans la mesure du possible. La communication avec les professionnels, surtout
le personnel médical, est très difficile. Je pense qu'il y a un
article, d'ailleurs, qui permet le refus de l'accès au dossier,
même pour le patient lui-même, si cet accès est
préjudiciable pour sa santé. Qui va décider si un
accès doit être refusé? Cela devrait être
étudié davantage.
M. Bertrand: On pourra regarder ça. Merci, madame.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: Je serai très bref, Mme Ranti-Paquette - je
sais qu'on n'a pas terminé - je voudrais tout simplement vous remercier
et vous dire qu'on est tous, autour de la table, sensibles au fait que vous ne
disposez pas des ressources analytiques et techniques qu'ont certains autres
intervenants. Néanmoins, la sincérité de votre visite va
nous rester et on est tout à fait conscients des considérations
que vous avez soulevées. Merci.
Mme Ranti-Paquette: Merci.
Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie de vous
être présentée devant nous.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 20)
(Reprise de la séance à 15 h 10)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît. La commission des communications reprend ses travaux. Je
demanderais au représentant de la Commission des valeurs
mobilières de s'identifier et de présenter son mémoire,
s'il vous plaît.
Commission des valeurs mobilières
M. Guy (Paul): Paul Guy, président de la Commission des
valeurs mobilières du Québec. Je tiens à remercier la
commission de nous avoir permis de faire nos observations sur la proposition de
loi contenue au rapport de la commission d'étude sur l'accès du
citoyen à l'information gouvernementale et sur la protection de
renseignements personnels.
La commission est d'accord avec l'urgence d'adopter une loi sur
l'accès du citoyen à l'information. Cependant, le gouvernement
doit tenir compte du fardeau supplémentaire qu'il impose à
l'administration et de la situation particulière de certains
organismes.
J'aimerais maintenant faire quelques observations sur des point
particuliers de la proposition de loi. Premièrement, les enquêtes.
La commission conduit des enquêtes afin de réprimer les
infractions à la Loi sur les valeurs mobilières ou de s'assurer
que les professionnels du marché respectent les normes minimales. Les
enquêtes de la commission sont conduites, en conformité avec la
Loi sur les commissions d'enquête, à huis clos afin
d'éviter de causer un préjudice aux personnes sous enquête
ou aux personnes qui témoignent lors de ces enquêtes. Ces
enquêtes ne débouchent pas toujours sur des poursuites judiciaires
ou des sanctions administratives. La commission examine les rapports
d'enquête afin de décider si des plaintes doivent être
portées. Il n'est pas souhaitable que ces rapports d'enquête
soient rendus publics. Nous croyons que le projet de loi devrait prévoir
que les renseignements obtenus lors d'une enquête demeurent
confidentiels, même s'ils ne donnent pas ouverture à des
poursuites judiciaires ou à des sanctions administratives.
Deuxièmement, les réunions de la commission. La commission
tient des réunions au cours desquelles sont discutés une foule de
sujets, allant de questions purement administratives à l'institution
d'enquêtes. Toutes les décisions de la commission, sauf celles
concernant les enquêtes et les questions administratives, sont rendues
publiques. Compte tenu que la connaissance de certains sujets discutés
lors de ces réunions pourrait causer un préjudice ou jeter de la
confusion, la commission propose que l'article 38 soit modifié afin que
les ordres du jour des réunions d'un organisme public soient soumis au
même régime que les délibérations de ces
organismes.
Troisièmement, les décisions. La commission prend des
décisions sur des demandes qu'elle reçoit, sur des règles
de fonctionnement des organismes d'autoréglementation, sur des sanctions
administratives ou des poursuites judiciaires visant à assurer la
protection des épargnants contre les pratiques abusives,
déloyales ou frauduleuses, et aussi sur des questions
d'intérêt public reliées au secteur des valeurs
mobilières. Les décisions de la commission sont prises à
la suite de l'examen de documents, de recommandations de son personnel ou
d'autres conseillers et, lorsque la décision peut affecter
défavorablement les droits d'une personne, après avoir entendu
cette personne.
Les avis et recommandations du personnel de la commission sont des
documents internes qui peuvent faire état d'éléments
subjectifs et confidentiels en vue d'une prise de décision. La
considération de l'ensemble de ces éléments est
essentielle à la prise d'une bonne décision. Le seul fait que ces
avis et recommandations pourraient être rendus publics dans dix ans
créerait un fardeau inutile au personnel et aux conseillers et pourrait
restreindre la qualité et la pertinence de leurs avis. Nous pourrions
alors voir une prolifération des avis et recommandations verbales. Ce
résultat n'est pas souhaitable car il empêcherait
l'établissement de dossiers complets permettant un suivi et une
continuité dans la prise de décision. La commission insiste pour
que toutes les décisions affectant défavorablement les droits
d'une personne soient rendues après avoir entendu la personne
concernée et que ces décisions soient motivées. La
commission assure donc le respect total des droits de la personne
intéressée. Si l'article 39 devait quand même être
retenu, nous recommandons que la période soit portée à 20
ans.
Quant à l'article 40, il présente un danqer réel
pour un organisme quasi judiciaire qui peut confier une enquête ou
l'examen d'un dossier à une personne à l'extérieur de
l'organisme. Pour les raisons données précédemment, le
régime institué à l'article 39 pour les avis et
recommandations du personnel devrait aussi s'appliqguer aux avis et
recommandations prévues à l'article 40. (15 h 15)
Quatrièmement, les renseignements nominatifs. Les commissions de
valeurs mobilières ont toujours préconisé un
échange de renseignements nominatifs. Le marché des valeurs
mobilières est conduit, pour une
bonne part, sur la confiance entre le client et son représentant.
Ses opérations sont rarement l'objet d'ordres écrits et se font
surtout par appels téléphoniques et impliquent en bonne part des
sommes importantes. Il est donc nécessaire que les commissions de
valeurs mobilières puissent échanger des renseignements
nominatifs visant à contrôler la probité des professionnels
du marché, à assurer le respect des normes minimales et à
conduire des enquêtes. Ces renseignements sont échangés
aussi avec les organismes d'autoréglementation ou avec les corps
policiers. Us n'ont jamais fait l'objet d'ententes écrites, mais
découlent normalement du mandat de ces organismes. Il est
nécessaire que cette collaboration continue, car elle a bien servi
l'ensemble des épargnants. Cette collaboration, dans certains cas, va
aussi loin que l'institution d'une enquête pour venir en aide à un
autre organisme ou une autre commission de valeurs mobilières.
La procédure prévue à la proposition de loi nous
apparaît lourde et peu efficace, car ces échangés de
renseignements sont faits sur une base de réciprocité et
s'étendent bien au-delà des frontières du Canada et des
États-Unis. S'il fallait conclure des ententes officielles avec chacun
de ces organismes, nous en aurions pour plusieurs années. En fin de
compte, le petit éparqnant en subirait les frais avec une protection
nettement diminuée, car il ne faut pas oublier que c'est le petit
épargnant qui surtout fait l'objet des mesures déloyales et
abusives.
Au minimum, la commission recommande qu'elle soit dispensée des
dispositions concernant l'échange de renseignements nominatifs au
même titre que les renseignements obtenus de source policière.
Il découle de ces observations que la commission constitue aussi
des fichiers confidentiels. Là encore, la procédure prévue
nous apparaît peu efficace et exige la constitution de plusieurs fichiers
et donc des problèmes supplémentaires de gestion des
dossiers.
Cinquièmement, l'article 58. La commission a beaucoup de
difficultés à interpréter le troisième paragraphe
de l'article 58, qui semble contredire les dispositions de l'article 39.
L'ambiguïté devrait être levée soit en abrogeant ce
paragraphe ou en le précisant tout au moins. De toute façon, nous
ne voyons pas vraiment le but de ce paragraphe.
En conclusion, la commission désire apporter son appui à
la proposition de loi pour autant que le projet de loi n'empêche pas la
commission d'accomplir son mandat de contrôle du commerce des valeurs
mobilières et de la protection des épargnants. Je vous remercie,
messieurs.
Le Président (Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bertrand: Oui, j'aurais une question à poser
relativement aux échanges de renseignements nominatifs entre les
organismes. Vous parlez d'une dimension internationale et il semble que cela
représente une masse assez importante d'échanges pour la
Commission des valeurs mobilières. Est-ce que vous pouvez nous donner un
peu certaines explications sur le type d'échanges qui sont
effectués et nous dire jusqu'à quel point les dispositions
prévues dans la proposition de loi entraveraient le fonctionnement
normal de la Commission des valeurs mobilières?
M. Guy: C'est qu'actuellement, comme vous le savez, le
marché des capitaux a une dimension internationale. Avec les
systèmes de communication qu'on a aujourd'hui, il est très facile
aussi bien pour un Québécois de faire le commerce des valeurs
mobilières en Europe, à Hong-Kong ou ailleurs que pour quelqu'un
d'ailleurs de le faire au Québec. Alors, il existe un échange de
renseignements entre les diverses commissions de valeurs mobilières
à travers le monde et entre les organismes d'autoréglementation,
comme les Bourses et aussi avec divers corps policiers.
La proposition de loi prévoit qu'il faut qu'une entente soit
soumise à la commission qui est proposée dans le projet de loi et
qu'elle fasse l'objet d'un décret du gouvernement. Cela implique un
processus qui nous paraît peu efficace, parce qu'à ce moment-ci,
il n'existe pas d'entente entre les commissions sauf une entente de
réciprocité, mais qui n'est pas écrite et qui fonctionne
très bien. S'il fallait conclure des ententes avec toutes les
commissions de valeurs mobilières avec lesquelles on échange des
renseignements à ce moment-ci, cela nous apparaît comme un fardeau
incroyable; il faudrait y mettre beaucoup de temps pour le faire et ce n'est
pas sûr que ces autres organismes peuvent conclure des ententes
officielles avec une commission de valeurs mobilières au Québec.
C'est loin d'être sûr.
M. Bertrand: Mais qu'advient-il des personnes concernées
dans le cadre d'échange de ces renseignements?
M. Guy: Comme je le disais tout à l'heure, la Commission
des valeurs mobilières a comme politique définie, et même
plus tard, elle sera explicitée d'une façon plus précise,
de ne pas rendre une décision qui affecte défavorablement les
droits d'une personne avant de l'entendre et de motiver ces décisions...
Elle n'est pas tenue de motiver des décisions défavorables
à ce moment-là. Je pense que la personne a tout le loisir et on
lui fournit un dossier qui
contient les renseignements que nous avons pour prendre la
décision. Alors, elle n'est pas du tout affectée
défavorablement par le fichier qu'on pourra avoir ou par les
renseignements nominatifs qu'on pourra avoir sur elle.
M. Bertrand: Est-ce que vous auriez une proposition
particulière à faire dans le cadre de ces ententes qui
interviennent entre organismes?
M. Guy: Je crois que pour un organisme quasi judiciaire qui a des
pouvoirs d'enquête qui sont donnés par ces lois constitutives, il
faudrait traiter ce genre de renseignements de la même façon que
les renseignements de source policière; je ne me rappelle pas le
numéro de l'article, mais un article de loi prévoit que les
renseignements de source policière peuvent être gardés
confidentiels. C'est le même genre de renseignements dont on parle, parce
qu'on échange aussi des renseignements avec les corps policiers.
M. Bertrand: Pour ce qui est de la non-divulgation de
renseignements recueillis par un organisme gouvernemental après
enquête, je voudrais comprendre les motifs pour lesquels vous demandez
qu'un organisme garde confidentiels ces renseignements, dans la mesure
où, effectivement, ils n'ont pas donné lieu à une
poursuite judiciaire ou à des sanctions administratives.
M. Guy: On croit que cela créerait un préjudice
beaucoup plus grand de les rendre publics que de les garder confidentiels. Si
la commission a cru bon, après examen du dossier, de ne pas intenter des
poursuites ou de ne pas prendre de sanctions administratives, c'est
peut-être qu'il n'y avait pas matière suffisante, qu'il n'y avait
pas preuve suffisante pour le faire. De rendre publics ces dossiers,
d'après nous, ne servirait à rien et risquerait de causer un
beaucoup plus grand préjudice que de les garder confidentiels.
L'article 39 n'est pas clair en ce sens qu'il ne prévoit pas ce
qui arrive de ces dossiers après. Il prévoit seulement
après que les poursuites ont été prises ou non. Mais, dans
le cas où il n'y a pas de suivi à une enquête - et cela
arrive quand même assez souvent, ce sont des cas très
fréquents, parce que la commission fait des enquêtes bien souvent
pour déterminer s'il y a une infraction à la loi; il n'y en a pas
tout le temps on peut déterminer que la preuve n'est pas suffisante ou
qu'il n'y a pas d'infraction à la loi - on ne voit pas quel service
serait rendu en rendant publics ces dossiers.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: II y a un certain nombre d'exceptions qui visent les
incidences économiques et un certain nombre d'exceptions qui visent les
incidences sur l'administration de la justice et la sécurité
publique, et vous tombez entre les deux chaises. Il s'agit donc, d'après
votre étude, de formuler une autre exception à la série
d'exceptions qui toucherait un organisme public avec un mandat de
réglementation et avec une capacité d'enquête qui n'est pas
carrément policière de nature. Peut-être que d'autres
organismes se trouveraient dans la même situation et auraient besoin de
la même protection. Est-ce que c'est cela que vous voulez dire?
M. Guy: Probablement qu'il y en a d'autres. Je pense qu'il y a
des organismes, dont la loi constitutive permet d'instituer des enquêtes
en conformité avec la Loi sur les commissions d'enquête, qui sont
peut-être dans la même situation que nous. Je ne le sais pas, je
n'ai pas étudié le cas des autres organismes, mais je
présume qu'il pourrait y en avoir d'autres qui sont dans la même
situation.
M. French: Certainement. Au fédéral, l'exception en
question vise, je pense, l'application de la loi ou des lois en termes
très généraux, ce qui cause une autre série de
problèmes assez sérieux. Donc, il s'agit d'une définition
plus large que celle qu'il y a là-dedans, mais plus restreinte que
celle-là pour appliquer la loi. L'application de la loi et la cueillette
de données visant l'application de la loi, c'est trop
général.
Pour ce qui est des réunions et des avis qui alimentent un peu
ces discussions, ces délibérations, si j'ai bien compris, vous
réclamez une protection quasi totale, évoquant, encore une fois,
les mêmes motifs, c'est-à-dire la protection du petit
épargnant, du petit investisseur. Est-ce vrai? Est-ce juste de dire
qu'au fond vous prétendez que vos réunions sont, en effet,
presque parallèles aux discussions de nature judiciaire in camera,
"judge's chamber" et tout cela?Est-ce la même chose, en
effet?
M. Guy: Non, M. le Président. Je pense que ce n'est pas
tout à fait exact. Toute la question, tout à l'heure, de la
dispense ou d'une autre disposition dans la loi s'adresse seulement aux
enquêtes qui sont instituées en conformité avec la Loi sur
les commissions d'enquête. Quant à l'ordre du jour des
réunions, il s'agit aussi d'une question pratique, en fait. Le
système qui existe aux États-Unis, c'est que la commission des
valeurs mobilières des États-Unis rend publics les ordres du jour
de ses réunions en vertu de la loi sur l'accès à
l'information, mais il y a deux sortes d'ordres du jour. Lorsqu'il s'agit de
questions juridiques, d'enquête,
ainsi de suite, elle a un ordre du jour qui dit: De façon
qénérale, on va discuter d'enquêtes, mais en ne donnant
aucun détail et c'est rendu public de cette façon, alors que,
pour les sujets d'intérêt commun pour tout le monde, l'ordre du
jour est rendu public. La commission ne s'oppose pas d'une façon
générale à rendre oublie l'ordre du jour de ses
réunions, mais il faudrait, à ce moment-là, qu'il y ait
une disposition qui permette de garder confidentiels certains sujets de l'ordre
du jour qui sont reliés à des enquêtes. C'est une question
pratique, en fait. Au lieu d'être obligé de faire comme aux
États-Unis, ce qui s'avère être un problème
sérieux de temps - deux ordres du jour dont un qui traite de sujets
spécifiques est rendu public et un autre qui concerne des sujets
d'enquête qui n'est pas rendu public - on dit: Peut-être est-ce
plus facile, mais, d'une façon ou d'une autre, ça ne nuit pas du
tout au droit à l'accès à l'information que les ordres du
jour soient traités de la même façon que les
délibérations de la commission.
M. French: Je suis tenté de commencer à poser toute
une série de questions visant vos relations avec quelques autres
organismes dont la Caisse de dépôt et placement et la Bourse de
Montréal quant à l'accès à l'information. Je pense
que, dans le deuxième cas, on va vous entendre bientôt lors d'une
prochaine commission parlementaire. Donc, je vais garder mes questions pour
cette occasion.
Le Président (M. Rodrigue): Est-ce que d'autres personnes
ont des questions à poser ou des remarques à formuler? Alors, je
vous remercie, de même que la secrétaire de la Commission des
valeurs mobilières du Québec.
M. Guy: Merci.
Le Président (M. Rodrigue): J'invite le président
de la Fédération professionnelle des journalistes du
Québec à prendre place et à présenter le
mémoire de son organisme.
M. Jean-François Lépine. Pourriez-vous nous dire qui vous
accompagne, s'il vous plaît?
Fédération professionnelle des
journalistes du Québec
M. Lépine (Jean-François): La personne qui
m'accompagne est Michel-C. Auger, vice-président aux quotidiens au
bureau de direction de la Fédération des journalistes. C'est
Michel Auger qui, chez nous, est porte-parole en ce qui a trait aux questions
d'accès à l'information gouvernementale. (15 h 30)
La Fédération professionnelle des journalistes du
Québec a été fondée en 1969 par un groupe de
syndicats et d'associations de journalistes intéressés à
faire front commun en vue de promouvoir la qualité professionnelle dans
l'exercice du métier et de favoriser le droit du public à
l'information. Aujourd'hui, la fédération des journalistes
représente plus de 800 journalistes de tous les coins du Québec,
et ses objectifs sont demeurés les mêmes. La
fédération réclame deouis plusieurs années
l'adoption de lois d'accès à l'information gouvernementale tant
par le gouvernement du Québec que par celui du Canada. De telles lois
sont, à notre avis, une assurance de la transparence des gouvernements
et une garantie du droit du public à l'information.
Lors de notre congrès de 1979, plus précisément, le
bureau de direction de la FPJQ se voyait confier le mandat de promouvoir
l'adoption de lois d'accès à l'information gouvernementale.
Depuis, la FPJQ est intervenue publiquement à plusieurs reprises sur le
sujet et nous avons même organisé un colloque où des
experts canadiens et américains sont venus renseigner les membres de la
fédération sur les principes et les cas d'application de telle
loi. La FPJO est également devant la commission parlementaire de la
justice qui étudiait, le printemps dernier, le projet
fédéral de loi C-43.
La fédération s'est déjà
déclarée satisfaite des principales recommandations de la
commission Paré. Nous y avons retrouvé en effet la
majorité des principes auxquels nous faisions référence
dans le mémoire que nous avons présenté à la
commission Paré, principes qui, à notre avis, doivent être
inclus dans des projets de loi d'accès à l'information. Il
s'agit, à notre avis, dans ce que propose la commission Paré, de
réformes importantes qui offriront de solides garanties du droit du
public à l'information. Mais ces réformes ne sont que
proposées au gouvernement. Lors de la parution du rapport Paré,
les porte-parole du gouvernement s'étaient contentés d'exprimer
leur accord avec les principes généraux énoncés par
la commission, mais un accord de principe, à notre avis, n'est pas
suffisant.
On est rarement contre le principe de l'accès des citoyens
à l'information gouvernementale, comme on est rarement contre la vertu
ou la maternité, par exemple. Les problèmes surgqissent, par
contre, dès que l'on parle des modalités de l'accès. Le
gouvernement fédéral est d'ailleurs justement en voie de se
servir du noble principe de l'accès à l'information pour faire
adopter une nouvelle et bien triste version, à notre avis, de la Loi des
secrets officiels, le Bill C-43.
Pour éviter une telle situation, la fédération
avait demandé au gouvernement, dès la parution du rapport
Paré en juin
dernier, d'exprimer de façon concrète son accord avec les
recommandations de la commission, en déposant à
l'Assemblée nationale, le plus tôt possible, l'avant-projet de loi
proposé par la commission. Le gouvernement a choisi de n'en rien faire
et les discussions devant cette commission ne portent pas sur une proposition
du gouvernement, mais sur le rapport d'une commission d'étude que le
gouvernement pourra toujours choisir de rejeter ou de modifier.
Ainsi, serions-nous tentés d'inverser les rôles aujourd'hui
et de demander au gouvernement ce qu'il pense du rapport Paré, non
seulement en principe, mais aussi en pratique. La balle, nous semble-t-il, est
dans votre camp, M. le ministre.
La FPJQ et les autres groupes qui se présentent devant vous
aujourd'hui ont, déjà pour la plupart, fait connaître
à la commission Paré leur position sur le sujet. Vous trouverez
d'ailleurs en annexe à ce présent mémoire le
mémoire que nous avions présenté à la commission
Paré. Lors de la parution du rapport Paré, la FPJQ et d'autres
groupes ont aussi fait connaître leurs réactions. L'exercice
d'aujourd'hui peut nous apparaître un peu inutile, puisque nous devrons
le refaire, semble-t-il, sous une autre forme ou sous une forme ou une autre,
quand le gouvernement se décidera enfin à présenter un
vrai projet de loi.
Néanmoins, je crois que nous devons intervenir chaque fois que
les occasions s'y prêtent pour parler de ce sujet qui, à notre
avis, est très important et c'est pourquoi nous nous sommes
présentés ici aujourd'hui.
En terminant mes remarques préliminaires et pour illustrer
davantage l'esprit qui anime notre intervention dans ce dossier, je voudrais,
avec votre permission, M. le Président, citer les commentaires que
faisait ce matin, dans son journal, l'éditorialiste Jean-Claude Leclerc,
un membre actif de notre fédération, à la suite des
premières journées d'audiences de cette commission parlementaire,
commentaires auxquels nous souscrivons entièrement. Je cite ce que
Jean-Claude Leclerc disait en terminant son éditorial: "En
préparant son projet de loi d'accès à l'intervention
gouvernementale, le comité Paré est loin d'avoir mis en danger
les secrets légitimes. On peut trouver au contraire que le rapport qu'il
a remis sur cet aspect fondamental de notre vie démocratique n'a pas
été assez vigoureux. En fait, les membres du comité ont
fait entre eux la négociation et trouvé l'équilibre qui
lui permettait de procéder rapidement à l'adoption d'une loi
d'accès à l'information gouvernementale. "Ce rapport - je cite
toujours Leclerc -ne saurait mettre un point final à toute discussion,
encore moins au point de vue des divergences. S'il faut que le gouvernement
considère, comme un point de départ à partir duquel on va
ménager la chèvre et le chou et couper de nouveau la poire en
deux, que va-t-il rester de cette grande réforme politique?"
Inutile de dire, encore une fois, que nous partageons entièrement
les commentaires de Jean-Claude Leclerc à ce sujet.
Maintenant, pour les commentaires plus précis en ce qui a trait
à la proposition de loi qui est soumise à l'étude
aujourd'hui, je passerai la parole à notre vice-président, M.
Michel Auger.
M. Auger (Michel): M. le Président, la
fédération - le président vous l'a dit - est dans
l'ensemble très satisfaite de la proposition de loi contenue dans le
rapport Paré. Nous nous contenterons donc de souligner les quelques
modifications qui nous semblent essentielles pour faire de la loi un outil
encore plus efficace au service des journalistes et du public en
général. On va y aller article par article, si vous voulez
bien.
À l'article 2, le rapport propose de soumettre à
l'application de la loi les sociétés d'État, mais elles ne
sont pas spécifiquement mentionnées à l'article 2 comme
étant des organismes publics. On croit que ce serait important qu'elles
y soient spécifiquement mentionnées. Notons au passage que
l'article 2 propose que la loi s'applique non seulement au gouvernement, mais
aussi aux organismes municipaux, scolaires, de santé et services
sociaux. Il s'agit là d'une des plus importantes réformes
proposées par la commission. Le gouvernement ne devrait d'aucune
façon être tenté de reculer en cette matière en
exemptant de l'application de la loi certains organismes prévus à
l'article 2. Il est important, en particulier, que les municipalités
soient soumises à l'application de la loi. Nos collègues qui
couvrent quotidiennement l'hôtel de ville de Montréal ou de
Québec pourraient bien mieux que nous vous dire combien il est important
que la transparence des pouvoirs publics qu'amènerait cette loi
s'appliqgue également aux autorités municipales.
À l'article 10, la longueur d'un document ne devrait pas en
interdire l'obtention, si une personne se déclare prête à
payer les frais de reproduction. La loi prévoit que des frais, qui sont
les frais réels de reproduction, peuvent être exigés. Si
une personne est prête à payer le coût, pourquoi ne pas lui
donner copie d'un document?
À l'article 22: L'article oblige un organisme à refuser de
communiquer un renseignement reçu comme confidentiel. Bien que nous
comprenions que le gouvernement ne puisse en cette matière, changer
soudain les règles du jeu, cette restriction nous paraît tout de
même catégorique et
excessive. Nous croyons qu'il peut exister des cas où
l'intérêt public serait mieux servi par la publication de tels
documents. Une reformulation de cet article donnerait à la commission de
l'accès aux documents des organismes publics la marge de manoeuvre qui
lui est nécessaire.
Il faut changer les mots en particulier "ne peut communiquer" par "peut
refuser de communiquer", ce qui nous semble être donner un peu
d'élasticité à l'exception prévue à
l'article. Notons d'ailleurs que les gouvernements ont déjà
l'habitude de révéler certains documents reçus comme
confidentiels, surtout quand cela sert leur intérêt politique et
surtout en matière de relations intergouvernemntales. Le gouvernement
doit, comme règle générale, pouvoir prouver qu'un
préjudice sérieux résulterait de la publication d'un
document avant d'interdire cette publication.
À l'article 23, les mots "révélerait une
stratégie de relations intergouvernementales" devraient être
biffés, à notre avis. L'article prévoit déjà
que les documents dont la divulgation porterait préjudice à la
conduite des relations entre le gouvernement du Québec et un autre
gouvernement sont exemptés. Cela nous paraît bien suffisant. Une
stratégie nous paraît une exception beaucoup trop large. Ou bien
la divulgation d'un document porte préjudice à la conduite des
relations intergouvemementales du Québec ou bien cette divulgation ne
cause pas préjudice, ne porte pas préjudice. Alors, pourquoi
refuser de publier un document?
À l'article 29, un délai de dix ans nous paraît trop
long et nous voudrions le voir ramené à cinq ans. De plus, nous
croyons que l'article ne devrait pas parler de stratégie de
négociation, mais plutôt de porter préjudice à ces
négociations. J'y reviendrai un peu plus tard sur la question des
délais.
À l'article 30, nous pensons que l'alinéa 5 devrait
être modifié. Les nombreuses commissions d'enquête des
dernières années nous ont montré que les différents
corps de police collaborent entre eux, même quand il s'agit de
s'échanger des renseignements qui n'ont pas toujours trait à la
prévention du crime. Nous croyons que si une personne a des raisons de
croire que des renseignements sont inexacts dans son dossier de police, elle
doit avoir le droit de consulter ce dossier et de le faire corriger.
L'exercice de ce droit, ainsi que celui du recours civil prévu
à l'article 146 de la proposition de loi, pourrait être rendu plus
difficile à cause de l'alinéa 5. La reformulation de cet
alinéa donnerait également une plus grande latitude à la
commission en ces matières.
Il ne s'agit évidemment pas de donner -prenons un exemple -
à Al Capone le droit de voir son dossier de police; je pense que ce
n'est pas de cela qu'on parle, nous parlons ici des activités de
renseignements politiques auxquelles se livrent les corps policiers. Nos
membres sont d'ailleurs fichés plus souvent qu'à leur tour dans
cette sorte de fichier.
Articles 32, 37, 38 et 39. Les délais pour la divulgation de
documents devraient être ramenés à cinq ans. Ce sont
surtout les documents du cabinet. Nous comprenons le désir des auteurs
du rapport de minimiser les jeux de coulisses entre fonctionnaires et
élus, mais nous pensons qu'une période de cinq ans est bien
suffisante pour obtenir le même résultat.
La loi prévoit actuellement des périodes d'exception de
cinq, dix et vingt ans. Nous croyons qu'il serait nécessaire
d'uniformiser la règle, afin qu'il n'y ait pas une règle pour le
cabinet, une autre pour des négociations collectives et une autre encore
pour le reste de l'administration. Un délai de cinq ans, même pour
des documents politiques, nous apparaît suffisant pour éviter les
jeux de coulisses. Cinq ans, c'est la longueur maximale d'une
Législature, je vous le rappelle.
Notons d'ailleurs que, si les documents du cabinet n'étaient
accessibles qu'après vingt ans, on attendrait toujours la publication de
documents sur des sujets brûlants d'actualité, tels que la
nationalisation des compagnies d'électricité ou la
création du ministère de l'Éducation. Le rapport disait de
ne pas réserver ces documents pour les historiens des
générations futures. La création du ministère de
l'Éducation, c'est presque déjà il y a une
génération.
Article 33. Nous croyons que, si l'ordre du jour des réunions du
Conseil des ministres et le registre des mémoires qui y sont
présentés sont maintenant accessibles aux citoyens, ou
plutôt le seraient grâce à la loi, les décisions du
Conseil des ministres devraient aussi être accessibles. Notons que cela
est déjà la règle dans d'autres pays, comme la
Suède.
Article 46. Une période de transition d'un an nous apparaît
amplement suffisante. Notons à cet égard que le projet de loi
fédéral C-15 - ce n'est pas celui qui est actuellement devant la
Chambre des communes, c'est celui qui avait été
présenté par le gouvernement Clark, en 1979 recommandait une
période de transition d'un an pour un appareil gouvernemental pourtant
plus lourd et plus imposant que celui du Québec.
Article 90. L'exception prévue à cet article couvrirait
tous les dossiers de police, ce qui nous apparaît excessif. Nous
répétons que nous croyons qu'un citoyen doit avoir le droit de
consulter et de faire corriger son dossier si des renseignements erronés
s'y trouvent. Il faudrait élargir le mandat de la
commission et restreindre la portée de l'article 90, pour
permettre à un citoyen qui a des raisons sérieuses de croire que
son dossier de police contient des informations erronées de faire
corriger ces informations. La transparence des pouvoirs publics devrait
s'étendre aux corps de police aussi. C'est un peu la même
situation qu'avec l'article 30, alinéa 5.
Article 123. Le répertoire devrait être édité
tous les ans. Les organismes publics et les fichiers qu'ils détiennent
changent tellement qu'une période de deux ans avant la mise à
jour du répertoire pourrait devenir en soi une entrave au droit
d'accès.
Enfin, article 154. Nous rappelons que nous voudrions que la
période transitoire soit ramenée à un an.
Nous devrions aussi sans doute ajouter quelques commentaires sur la
commission d'accès aux organismes publics dont le rapport Paré
recommande la création. Cette commission est vitale, si on veut que les
réformes proposées réussissent. Toute l'économie de
la proposition de loi qui est devant vous est basée sur la
présence d'une commission forte, qui aurait les pouvoirs
nécessaires pour faire appliquer la loi et donner vraiment accès
aux documents gouvernementaux. Tout autre organisme qui serait appelé
à faire le travail de la commission ne ferait ce travail qu'à
temps partiel. L'accès à l'information ne serait jamais que la
deuxième préoccupation de cet organisme et serait un
éternel parent pauvre. De plus, cet organisme risquerait bien de se
retrouver en situation de conflit d'intérêts.
De plus, la commission aurait pour fonction de voir à
l'application de la loi par tous les organismes prévus par la loi.
Souvenons-nous de la rapidité avec laquelle l'administration Drapeau,
à Montréal, a contourné la loi permettant aux citoyens de
poser des questions lors des séances du conseil municipal. Cela serait
beaucoup plus difficile si une commission vigilante voyait à
l'application de la loi, comme la commission Paré le demande. Sans une
commission dotée de pouvoirs étendus, nous croyons que nous
n'assisterions qu'à une demi-réforme et à une
moitié de transparence des pouvoirs publics.
Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre. (15 h 45)
M. Bertrand: M. le Président, il y a plusieurs
éléments de réflexion auxquels nous invite la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Je
voudrais en évoquer quelques-uns. J'imagine évidemment que les
derniers paragraphes que vous venez de nous lire, concernant la commission
d'accès aux documents des organismes publics sont manuscrits et qu'ils
font suite à certaines discussions que nous avons eues avec d'autres
groupes. Je veux, pour que ce soit bien clair et enregistré au journal
des Débats, M. le Président, indiquer que j'ai déjà
commencé à faire un certain nombre de commentaires relativement
à cette proposition de création d'une commission. Je veux qu'il
soit clairement établi que le gouvernement, en tout cas le ministre des
Communications est bien loin d'être contre la création d'une telle
commission. Si c'est la solution qu'il faut retenir, bien sûr que nous la
retiendrons. Il nous apparaît, par contre, fort important et même
intéressant d'évaluer la possibilité de confier à
un autre organisme existant le soin d'assumer les responsabilités qu'une
telle loi confierait à un éventuelle commission d'accès
aux documents des organismes publics.
Nous savons, par contre, que la commission Paré a
déjà effectué ce travail de réflexion, de
recherche, d'analyse. Nous pensons que nous pouvons, comme gouvernement, nous
astreindre de nouveau à ce même type de réflexion et
d'analyse et que si, au terme de nos travaux, nous arrivions à une
solution qui nous permettait de rencontrer les objectifs contenus dans la
proposition de loi, je ne vois pas pourquoi nous ne confierions pas à un
organisme existant la possibilité de la mise en application de cette loi
d'accès à l'information gouvernementale et sur la protection des
renseignements personnels. Que je sois bien compris là-dessus: Si, au
bout de la ligne, il nous apparaît, à nous aussi, qu'aucun
organisme existant n'est capable de bien assumer ces responsabilités, il
faudra, évidemment, considérer, comme l'a fait la commission
Paré, que seule la création d'un nouvel organisme, qui serait une
commission d'accès aux documents des organismes publics, devrait alors
être retenue comme hypothèse de solution.
M. Auger: Si vous le permettez, M. le ministre, on a dit qu'on
était un peu tenté de renverser les rôles; je vais le faire
tout de suite. Vous avez sans doute une idée derrière la
tête. À quel type d'organisme pensez-vous à ce
moment-là?
M. Bertrand: Pour l'instant, si vous me le permettez, je vais
garder cela pour moi.
M. Auger: II n'y a pas d'accès sur celle-là?
M. Bertrand: Pour l'instant, vous n'avez pas accès
à cette information. Cela fait même partie des restrictions qui
seraient prévues dans la loi d'accès à l'information
gouvernementale, puisque cela fait partie du processus de décision.
Une voix: Des restrictions mentales. M. Bertrand: Non. Par
contre, sur les
autres aspects, qui ceux-là sont écrits dans votre
document, je voudrais savoir ce que pense la Fédération
professionnelle des journalistes de l'intervention possible de la commission
d'accès aux documents des organismes publics en ce qui a trait à
l'article 22, par exemple. A l'article 22: "Un organisme public ne peut
communiquer un renseignement accepté à titre confidentiel et
obtenu d'un autre gouvernement, d'un organisme dans ce gouvernement... " C'est
la restriction ayant trait aux relations intergouvernementales. Vous dites:
"L'article oblige un organisme à refuser de communiquer ce renseignement
confidentiel. Bien que nous comprenions que le gouvernement ne puisse, en cette
matière, changer soudain les règles du jeu, cette restriction
nous apparaît tout de même catégorique et excessive. Nous
croyons qu'il peut exister des cas ou l'intérêt public serait
mieux servi par la publication de tels documents. Une reformulation de cet
article donnerait à la commission de l'accès aux documents des
organismes publics la marge de manoeuvre qui lui est nécessaire. "
Est-ce que vous ne croyez pas que, dans un contexte comme cela, ce serait
confier à la commission un rôle politique extrêmement
délicat dans le contexte des relations intergouvemementales?
M. Auger: Non, ce n'est pas un rôle politique très
délicat. Nous croyons que la commission doit avoir à l'esprit
quelque chose qui s'appelle l'intérêt public. Certains documents
qui sont essentiels, qui sont dans une demande de documents en bonne et due
forme, sont parfois transmis d'un gouvernement à un autre, mais sont
tout de même très importants. La commission a justement le pouvoir
de voir si les exceptions doivent être maintenues ou pas, finalement. Si
vous me le permettez, comme je le disais tout à l'heure, les gouvernants
le font. Quand vous décidez, à un moment donné, de sortir
la lettre du ministre fédéral pour prouver qu'il avait tort,
vous, vous le faites. Peut-être que cette affaire-là pourrait
marcher dans les deux sens.
M. Bertrand: Si j'ai bien compris, le sens de votre proposition,
c'est davantage de laisser la possibilité de, plutôt que de
carrément refuser la communication du renseignement.
M. Auger: Nous avions, dans notre mémoire à la
commission Paré dit qu'on ne voudrait pas avoir d'exceptions
obligatoires comme le projet de loi fédéral en contient un nombre
absolument inqualifiable. Et c'est la seule exception obligatoire; on dit: "Un
organisme public ne peut communiquer. " La commission ne peut même pas
décider de faire quelque chose, l'organisme ne peut pas, c'est une
obligation. En fait, là, le gouvernement crée une
catégorie de secrets et non une façon d'accéder à
des documents. Ce qu'on veut, c'est qu'on procède comme dans tous les
autres articles. Dites pourrait refuser, a le droit de refuser, mais pas "ne
peut communiquer"; c'est une exception obligatoire, c'est catégorique et
cela ferme la porte.
M. Bertrand: Mais il y a quand même certaines traditions
qui sont établies sur le plan des relations internationales. Dans la
mesure où un gouvernement, à un moment donné, se met
à sortir toute la marchandise qu'il possède, qui a fait l'objet
d'échange de renseignements ou de documents, vous voyez
immédiatement à quel point la crédibilité d'un
gouvernement peut être sérieusement mise en cause.
M. Auger: II ne s'agit pas de stationner une remorque devant le
ministère des Affaires intergouvernementales et de prendre les
classeurs. Il s'agit de certains cas bien précis, et déjà
l'article 22 est une exception au droit d'accès. On accepte que ce soit
une exception, mais on ne veut pas que ce soit une exception absolue, qui ferme
la porte et qui crée une nouvelle catégorie de secrets.
M. Lépine: Une remarque d'ordre général sur
l'esprit de notre intervention, c'est que, lorsqu'on pense faire jouer à
la comission un rôle dans cela, c'est à notre avis un rôle
très actif au plan de la dynamique de l'accès à
l'information gouvernementale. C'est, nous le croyons, la commission qui,
à la longue, va créer une mentalité de l'accès
à l'information gouvernementale et qui va en arriver à
établir des zones et une sorte de pratique de la loi. C'est là
que la commission aura un rôle absolument important, quand elle va avoir
à départager des cas litigieux comme celui-là.
M. Bertrand: Vous avez souligné qu'à votre avis les
sociétés d'État ne sont pas couvertes par la proposition
de loi. Est-ce que là-dessus on peut s'entendre facilement pour
reconnaître que, dans le premier paragraphe de l'article 3, il y a
effectivement extension aux sociétés d'État?
M. Auger: Disons que ce n'est pas tout à fait clair et on
préférerait que ce soit précisé. On pourrait
toujours imaginer une situation où une société
d'État ne conviendrait pas à la description de l'article 3. C'est
toujours possible, mais c'est simplement une question de
sécurité, si vous voulez.
M. Bertrand: Je pense qu'on comprend que dès lors qu'il
est dit que les organismes
gouvernementaux comprennent les organismes dont le gouvernement ou un
ministre nomme la majorité des membres, ce qui est sûrement le cas
pour les sociétés...
M. Auger: II pourrait arriver, par exemple, qu'une
société d'État, le gouvernement ne nomme que le tiers des
membres de la société.
M. Bertrand: Ou dont le fonds social est attribué à
un ministre.
M. Auger: D'accord. Ce qu'on vous dit, c'est qu'on pourrait
toujours faire de nouvelles sociétés d'État ou changer la
structure de certaines sociétés d'État actuelles, pour ne
pas que cela entre sous l'article 3. Juste une question de
sécurité, ajouter deux mots, sociétés
d'État, dans l'article 2.
M. Bertrand: II y a une double question que je voudrais vous
poser. Justement sur les sociétés d'État, quel est le
point de vue de la fédération des journalistes qui est
très souvent à la recherche d'information, sur les questions
qu'on se pose ici, en commission parlementaire, sur les restrictions à
l'information, pour ce qui est des sociétés d'État, sur
tout le chapitre des renseignements à incidence économique? Vous
savez probablement que là-dessus HydroQuébec, auquel cas fait
allusion l'article de M. Leclerc dans le Devoir, et la Caisse de
dépôt et placement ont fait des représentations et
demandent de préciser encore davantage ce champ de restrictions et
même de l'élargir, à cause du contexte dans lequel ces
sociétés d'État doivent oeuvrer. Premier volet de la
question.
Deuxième volet de la question, quelle est l'opinion de la
fédération professionnelle sur une éventuelle extension de
la loi pour tous ces organismes dont les budgqets viennent du gouvernement pour
plus de 50n%? Et là, je pense entre autres aux universités et aux
institutions privées.
M. Auger: Sur la première partie, je pense que M. Leclerc,
dans le Devoir de ce matin, faisait écho à nos
préoccupations et le disait très clairement: Si jamais
Hydro-Québec découvre le secret de la fission nucléaire et
peut nous rendre les Arabes de l'énergie nucléaire, si jamais
elle a un secret industriel important, il ne serait sans doute pas opportun
qu'il se retrouve demain matin en première page de tous les
journaux.
Encore là, une commission forte et indépendante a toujours
le moyen de dire: Attendez une minute. C'est elle qui va tempérer cette
chose.
Mais s'il s'agit de savoir comment Hydro-Québec s'est fait passer
un citron par Gentilly II, je pense que cela est vraiment
d'intérêt public et cela doit sortir, même si c'est à
incidence financière. Hydro-Québec, c'est l'argent des
contribuables, c'est comme le gouvernement.
M. Bertrand: Mais êtes-vous d'accord pour qu'on
précise le plus possible, à l'intérieur de la loi, les
principes sur la base desquels les restrictions existeraient pour les
sociétés d'État, de telle sorte que la commission qui
serait ensuite amenée à interpréter les dispositions de la
loi ne soit pas placée dans un contexte où, effectivement, ils
ont à faire le départage entre un document qui, à leur
point de vue, est d'intérêt public et un autre qui, à leur
point de vue, n'est pas d'intérêt public.
M. Auger: Pour préciser les principes, il n'y a pas de
problème, mais restreindre l'accès, non, par exemple. Je pense
que la loi, bien qu'elle puisse être imprécise sur certains
points, est quand même dans la bonne direction sur ce plan. Qu'on
précise les principes, il n'y a pas de problème. Je crois que
c'est important, mais de restreindre l'accès, par exemple... Quand on
parle de renseignements financiers, c'est toujours quelque chose d'un peu
difficile. Je vous donnais un exemple tout à l'heure; on ne demande pas
à Hydro-Québec de savoir quel est le secret de la bombe atomique,
mais si on veut savoir, par exemple, comment il se fait que Gentilly II soit un
citron qui coûte si cher, c'est un renseignement d'intérêt
public qui a des incidences financières, oui, mais qui n'est pas un
secret industriel qui vaut très cher.
M. Bertrand: Mais placez-vous dans le cas, par exemple, de la
Caisse de dépôt et de placement qui - vous le savez - à
l'heure actuelle, est en train de participer de plus en plus à des
entreprises du secteur privé et qui s'introduit progressivement dans des
secteurs névralgiques du développement économique du
Québec. Êtes-vous d'avis qu'à cause même du contexte
très particulier dans lequel doit évoluer la Caisse de
dépôt et de placement, il soit normal, quand on sait que les
autres organismes avec lesquels elle fait affaire ne sont pas assujettis
à une loi d'accès à l'information gouvernementale, qu'elle
puisse elle aussi, pour les renseignements qu'elle détient, être
protégée au maximum?
M. Auger: Je pense que la caisse de dépôt,
là-dessus, est déjà assez bien exemptée par la
proposition de loi. Cela pourrait être précisé, mais je
pense que ce n'est déjà pas si mal. On ne lui demande pas de
savoir avec qui elle a l'intention de traiter ou si elle a l'intention
d'essayer de faire un "take-over" de Domtar ou d'aller acheter des actions du
Canadien Pacifique.
Que ces affaires deviennent publiques par la suite, par exemple, on
trouve cela plutôt important.
M. Bertrand: Et sur les institutions dont les budgets originent
à plus de 50% de l'État?
M. Auger: Oui, on croirait que la loi d'accès devrait
également s'appliquer.
M. Bertrand: Donc, ajouter à cela les universités
à charte privée et les institutions privées?
M. Auger: Les universités, les institutions
privées, etc., les institutions privées recevant pour la plupart,
je pense, 80%.
M. Bertrand: 60% à 80% selon leur statut.
M. Auger: 60% à 80% de leur budget. Je pense que c'est
quelque chose d'assez important.
M. Bertrand: Là-dessus, vous seriez... Un instant, M. le
Président:
Sur la question des délais, évidemment, je ne pense pas
qu'il y ait rien là-dedans qui soit coulé dans le ciment et dix
ans, vingt ans, cinq ans, on se demande toujours par rapport à quels
critères. Il y en a plusieurs qui nous ont dit: Finalement, si on se
rapporte à la nationalisation de l'électricité, pour
certains documents, ce n'est que l'an prochain qu'on commencerait à
pouvoir en prendre connaissance et cela devient à peine
intéressant pour les historiens, très peu pour les gens qui sont
dans l'action. Au niveau de la Fédération professionnelle des
journalistes du Québec - évidemment, je ne vous en tiendrais pas
rigueur si ce n'était pas le cas - avez-vous réfléchi
à une espèce de rationalité qui nous permettrait de dire:
Voici sur quelle base ces délais doivent être établis?
À un moment donné, cinq ans, vous me dites que c'est finalement
la durée du mandat d'un gouvernement, sauf qu'il peut arriver que ce
soit le même gouvernement qui soit là à l'occasion du
deuxième mandat, quelquefois du troisième ou du quatrième
mandat. Je n'essaie pas de faire de la futurologie ou de prévoir quoi
que ce soit, mais dans un contexte comme celui-là, ne pensez-vous pas
qu'effectivement, cela peut poser des problèmes? Je prends le cas aussi
des négociations de conventions collectives, des délais qui sont
indiqués pour rendre publics les renseignements. On sait qu'une
convention collective dans le contexte actuel dure environ deux à trois
ans. Il y a des cas où cela peut être une année. Vous
voudriez là aussi que les délais soient raccourcis.
M. Auger: Oui.
M. Bertrand: Avez-vous développé, comme disent
encore une fois les intellectuels, une rationnelle qui vous permette de baliser
tout cela?
M. Auger: Cinq ans, comme vous l'avez dit, c'est la durée
maximale d'une Législature. Après cinq ans, on ne parle plus de
la même Assemblée nationale. On ne parle même plus du
même gouvernement. Lorsque l'Assemblée nationale est dissoute, le
premier ministre, même s'il est réélu, doit refaire son
cabinet. Parfois, il y ajoute des membres, comme vous le savez. Donc, il y a
quelque chose qui change à ce moment-là. Il y a quelque chose de
complètement changé à partir de ce moment-là et on
croit que cinq ans, c'est... Cinq ans c'est aussi, si je me souviens bien, le
temps après lequel l'impôt ne peut plus revenir contre vous, par
exemple. Il y a un tas de dispositions légales où la limite est
de cinq ans et on pense qu'elle devrait s'appliquer dans ce cas
également. Ce n'est plus le même gouvernement. Ce n'est plus la
même Législature. Ce n'est plus la même Assemblée
nationale. Je pense que, comme vous la dites, si on attend 20 ans, même
si le gouvernement libéral de M. Lesage était resté au
pouvoir tout ce temps avec certaines péripéties, il serait quand
même d'intérêt public d'avoir ces documents. (16 heures)
M. Bertrand: Sur la question des répertoires et des
catalogues, vous êtes des journalistes et, par définition, c'est
dans la nature même de votre métier que d'aimer brasser beaucoup
de choses et d'avoir accès à beaucoup de documents. Ne vous
gênez pas pour prendre connaissance de ces choses, c'est l'essence
même de l'exercice du métier de journaliste que d'aimer avoir tout
près de soi des catalogues, des répertoires et toute une
série d'instruments qui lui permettent de faire son travail. Au point de
vue d'un simple citoyen qui, lui, veut avoir accès à
l'information gouvernementale... on nous faisait mention, au niveau
fédéral, de l'existence de tels catalogues et répertoires
en ce qui concerne, entre autres, les fichiers. À l'heure actuelle, ces
gens administrent des fichiers, ils ont la loi qui protège les
renseignements personnels; ils sont encore loin d'avoir accédé
à une loi d'accès à l'information gouvernementale.
Mais au niveau des répertoires et catalogues, est-ce que la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec
considère que le gouvernement devrait véritablement donner suite
aux dispositions du rapport de la commission Paré en ce qui a trait
à l'établissement de répertoires et de catalogues
volumineux, extrêmement complets ou si, à votre point de vue, le
fait qu'on
indique aux contribuables que des personnes dont on connaît les
nom, adresse et numéro de téléphone et dont c'est la
responsabilité de faciliter l'accès aux documents, n'est pas,
déjà, un début de commencement de service donné? En
d'autres mots, tenez-vous absolument aux dispositions qui prévoient les
catalogues pour tout le monde, les répertoires, la mise à jour
des répertoires une deuxième fois en cours d'année?
M. Auger: Les répertoires sont, à notre avis, une
des choses les plus importantes de cette affaire.
M. Bertrand: Que contient un répertoire, à votre
avis?
M. Auger: C'était d'ailleurs le deuxième
élément qu'on avait mentionné dans notre mémoire
à la commission Paré. Si vous voulez, je vais vous lire ce qu'on
disait il y a un an: "La loi doit obliger le gouvernement à publier au
moins une fois l'an un répertoire de l'administration comprenant les
organigrammes, attributions, programmes et fonctions des différents
services ainsi que les catégories de documents qui en relèvent.
Les manuels d'opération des ministères et agences
gouvernementales devraient aussi figurer au répertoire. Sans un
répertoire précis et détaillé, les citoyens ne
sauront quoi demander et l'administration se retrouvera vite surchargée
de demandes trop vagues qui causeront du travail et des délais
supplémentaires. "
M. Bertrand:...
M. Auger: Si vous me permettez de terminer...
M. Bertrand: D'accord.
M. Auger: Je pense que c'est au citoyen qui veut un document de
savoir quel document il veut. Ce n'est pas à lui d'aller voir un
fonctionnaire et dire: Avez-vous des affaires sur la pêche au saumon
quelque part? C'est à lui d'aller voir dans un catalogue, le droit
d'accès signifie aussi une part de responsabilité. Le citoyen
doit aller chercher ses documents. Qu'il y ait des fonctionnaires qui aident
les citoyens, il n'y a pas de problème à ça, mais que les
fonctionnaires soient eux-mêmes des catalogues, ça veut dire
qu'ils peuvent décider de ne pas dire des choses. On
préfère avoir un catalogue très détaillé que
d'avoir des fonctionnaires qui, parfois, préfèrent ne pas
parler.
M. Bertrand: Je vous avoue que c'est une question qui me
préoccupe beaucoup. Je suis très favorable à
l'introduction d'une loi d'accès à l'information gouvernementale,
mais quand on arrive à ces articles relatifs aux catalogues et aux
répertoires, si les 4000 ou 5000 organismes qu'on veut voir assujettis
à la loi doivent constituer des catalogues et des répertoires,
j'ai l'impression que si on respecte l'esprit et la lettre de la proposition,
ça risque de devenir des sommes de documents incroyablement importantes
à constituer, à produire, à diffuser et que, finalement,
on risque peut-être même de geler les possibilités
d'accès tellement on noie ça dans un univers de paperasse
incroyable.
M. Auger: On ne demande pas un index détaillé de
tous les documents que possède le gouvernement, c'est impossible, mais
un catalogue qui indique le type de document. Cela, c'est très faisable,
ça ne prend pas énormément d'efforts et ça peut se
faire tous les ans. Le catalogue que publie l'administration américaine
sur tous ses programmes, c'est quelque chose qui est un peu plus grand que la
bibliothèque derrière vous, et l'administration
américaine, c'est un peu plus gros que le gouvernement du Québec.
Ce n'est pas quelque chose à ce point épouvantable.
M. French: Vous dites que vous seriez satisfait avec ce que font
les Américains, parce que c'est un ensemble de directives: description
de fonctionnement, description de lois pour lesquelles l'institution est
responsable, organigrammes, etc. Mais ce n'est pas un catalogue de documents,
par exemple.
M. Auger: On indique le type de document. Je pense qu'on n'a pas
à avoir un index des documents, ce serait totalement irréaliste
de demander un index des documents que possède l'administration, mais le
type de document et ensuite, on peut creuser à partir de ça.
M. French: Les documents, voyons donc, sont produits par
centaines. Oh! des types de documents! Je m'excuse.
M. Auger: Pas les titres.
M. Bertrand: Est-ce que vous considéreriez que pour
économiser - on peut penser à des économies - on utilise,
par exemple, les rapports annuels qui sont présentés par les
ministères, organismes et tous ceux qui, de par leur loi, sont
obligés de produire au gouvernement, à l'Assemblée
nationale, un rapport annuel? Est-ce que le cadre du rapport annuel pourrait
être un instrument valable à retenir pour ajouter ces
éléments d'information qui n'y figurent pas à l'heure
actuelle, mais qui seraient nécessités par l'introduction d'une
telle loi sur l'accès?
M. Auger: Le cadre ne nous apparaît pas tellement
important; si vous voulez annexer le répertoire au rapport annuel, ce
n'est pas un problème. Qu'il soit fait selon ce que la commission
prévoit, ça ne nous dérange pas, mais il faut qu'il soit
complet, quand même, il faut qu'il soit là. Je pense que vous avez
l'impression que c'est beaucoup plus gros que cela ne l'est, en
réalité. Il ne s'agit pas encore, comme je vous le dis, d'un
index de tous les documents que le gouvernement possède, ce serait
irréaliste. Il s'agit du type de document et le citoyen fouille à
partir de cela.
M. Bertrand: Donc, on revient finalement... D'accord, il
s'agirait toujours de s'entendre à savoir ce qu'est une
catégorie, les types de classification.
M. Auger: La commission doit voir à la mise à jour
des répertoires.
M. Bertrand: À partir de là, il n'en demeure pas
moins que l'individu, de toute façon, une fois qu'il aura ce
répertoire ou ce catalogue, aura quand même toujours besoin de
s'en remettre au responsable de l'accès aux renseignements, parce que
c'est cette personne qui pourra lui dire, même à partir du
répertoire et du catalogue: Vous n'avez pas la connaissance, vous n'avez
pas l'index complet, l'inventaire exhaustif de tous les documents que nous
avons en notre possession. Il faut, tôt ou tard, en arriver
là.
M. Auger: De toute façon, la commission - on revient
à cette commission qu'on trouve très importante - doit voir
à la mise à jour du répertoire et voir si elle est bien
faite. Si cette commission fait son travail comme il faut - tout indique
qu'elle le ferait - ça va se faire assez rondement.
M. Bertrand: II parle de la commission, la CADOP.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je ne veux pas priver
le député de Westmount de son tour de parole, mais je devrai vous
quitter dans quelques instants. Je voulais poser une question aux
représentants de la FPJQ. Cette proposition de loi est double, c'est
l'accès à l'information gouvernementale et c'est la protection
des renseignements sur les personnes. Par ailleurs, plusieurs groupes qui se
présentent devant nous parlent de renseignements qui sont entre les
mains de la police, vous êtes de ceux-là. J'ai l'impression qu'il
faut se poser cette question, à propos de renseignements que
détiennent les corps policiers, par rapport aux deux volets de la
proposition de loi, non seulement quant à la protection des
renseignements sur les personnes, mais aussi par rapport à
l'accès du public à cette information considérée
comme information gouvernementale, information publique.
Je m'explique. D'une part, il est très sain de veiller à
ce qu'un citoyen puisse faire corriqer des renseignements qui seraient
erronés, c'est le deuxième volet de la loi. Par rapport au
premier volet de la loi, est-ce que vous, de la FPJQ, ne seriez pas d'accord
qu'on élargisse l'accès du public à certains
renseignements détenus par des corps policiers. Je songe, par exemple,
à ce qu'on a pu constater à la faveur de l'enquête
MacDonald ou à la faveur de l'enquête Keable, qu'il y a un monde
de renseignements que personne ne possède, sauf les corps policiers, des
renseignements que même des commissions d'enquête
créées par deux gouvernements - dans ce cas, le gouvernement
fédéral, d'une part, et le gouvernement du Québec, d'autre
part -n'arrivent pas à pénétrer complètement ce
monde et ce qu'elles réussissent à en pénétrer,
elles ne jugent pas nécessairement opportun de le divulguer. Ma question
est: Est-ce que nous ne devrions pas nous préoccuper de l'accès
du public à ce genre d'information et selon quelles
modalités?
M. Auger: La proposition de loi parle de documents des organismes
publics et elle parle aussi des renseignements nominatifs. Ce sont deux choses
différentes. Pour les renseignements nominatifs, on croit, nous, que, si
une personne a des raisons sérieuses de croire que des renseignements
erronés se trouvent dans son dossier de police, elle devrait avoir le
droit de faire une demande à la commission pour voir son dossier et le
faire corriger. Pour les autres dossiers de la police, comme vous le dites,
même les commissions d'enquête ont de la misère à
voir le bout de ces choses. Déjà, la commission Paré
proposait un certain nombre de moyens d'accès à certains autres
documents. Malheureusement, on est un peu à la merci des corps policiers
là-dessus. Ils fonctionnent comme un État dans l'État. On
l'a vu, même une commission nommée par le gouvernement
fédéral pour enquêter sur la GRC a eu de la misère
à arriver au bout de son travail. Cela va sans doute être
difficile, mais, au moins, une loi d'accès, normalement, contient une
façon d'obtenir des renseignements des dossiers venant des corps
policiers. Évidemment, cela tombe sous certaines exceptions, mais il
faudrait essayer de fonctionner avec cela. C'est une situation qui est assez
délicate et assez compliquée, comme vous le savez.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Westmount.
M. French: Votre confrère Gaudet, hier ou avant-hier,
s'est dit insatisfait de l'idée de la commission. Il voulait
bénéficier d'un recours à la cour, mais vous ne partagez
carrément pas ses préférences là-dessus.
M. Auger: Pouvez-vous répéter?
M. French: Votre confrère Gaudet, du Centre pour le
journalisme d'enquête, s'est dit insatisfait de la conception de la
commission et voulait avoir accès à la cour directement. Vous ne
partagez pas son avis là-dessus.
M. Auger; Dans le mémoire que nous avions fait parvenir
à la commission Paré, nous demandions, nous aussi, une
possibilité de recours juridique. Cependant, lorsqu'on regarde les
pouvoirs de la commission et son fonctionnement, et le fait aussi que cette loi
n'est valable que pour cinq ans et que, dans cinq ans, on va se retrouver ici
ou dans une autre salle à discuter du même problème, on est
prêt à accorder un essai de cinq ans à la formule
proposée par la proposition de loi. Si, dans cinq ans, on voit que cela
ne fonctionne pas très bien et qu'il faudrait un appel aux tribunaux,
à ce moment, on en demandera un, mais je pense qu'on peut faire un essai
de cinq ans. On peut prendre le pari que la commission fera son travail
à condition qu'on ait une commission indépendante et assez forte
pour le faire; sinon, cela change tout.
M. French: Pour les renseignements à incidence politique
ou vis-à-vis de la prise de décision, vous ne voyez aucune raison
pour retarder à plus de cinq ans la publication de ces documents? Par
exemple, vous ne voyez pas là une menace à la franchise des
fonctionnaires qui, eux, survivront, Dieu sait, malgré les changements
d'administration, etc. Vous ne voyez pas là un potentiel sérieux
de division au sein d'un cabinet quand ce sont deux gouvernements, à la
suite, de la même teinture politique. Vous ne voyez pas là la
possibilité d'une espèce de paralysie des débats
écrits et la nécessité de toujours porter, en dehors des
processus bureaucratiques et politiques typiques, une espèce de
débat oral sur les questions du jour qui me fait penser aux
administrations provinciales des années 1920 et 1930 pendant lesquelles
il n'y avait pas d'ordre du jour, pas de mémos aux cabinets. Il y avait
tout simplement le premier ministre qui disait: Maintenant, on va discuter de
cela. À la fin, les gens écrivaient sur la manche de leur chemise
et c'était tout. Ne voyez-vous pas dans un délai aussi court que
cela un certain danger à ce qu'un dialogue parallèle se fasse,
comme cela se fait, par exemple, en Suède à cause de toutes ces
exigences? (16 h 15)
M. Auger: Je pense que le débat parallèle est un
peu inévitable. Il se fait d'une certaine façon même
maintenant. On pense que cinq ans, c'est un délai suffisant. Il y a
assez d'eau qui coule sous les ponts en cinq ans pour minimiser ces jeux de
coulisse, à notre avis. Évidemment, on peut mettre la limite
à dix, vingt ans ou décider que ces documents ne seront jamais
publics, mais on pense qu'en cinq ans la situation change suffisamment et les
problèmes se traitent moins à chaud pour qu'on puisse à ce
moment-là faire une analyse plus rationnelle des documents. Je pense que
cinq ans, c'est une période suffisante à ce moment-là.
M. French: Savez-vous que les documents du Conseil des ministres,
les mémos, les mémoires du Conseil des ministres de
l'administration précédente ne sont pas disponibles à
l'administration suivante si la nouvelle administration est d'une autre teinte
politique? Vous êtes conscients de cela.
M. Auger: Oui. C'est d'ailleurs souvent un problème dans
certains cas probablement.
M. French: Cela crée sans doute des problèmes, mais
ce qui est plus important encore, c'est qu'un gouvernement libéral ou un
gouvernement péquiste qui suit l'autre n'est pas capable d'aller
fouiller dans ces documents pour exposer les divisions entre les ministres et
en profiter par la suite.
M. Auger: Je pense que, si les deux partis sont exposés
à ce problème, il ne serait sans doute pas dans
l'intérêt du gouvernement péquiste actuel d'aller dire: Ah!
vous voyez, sur la loi 22, un tel était contre un tel, parce que cinq ou
huit ans plus tard ou à quelque moment que le gouvernement serait
renversé, ce serait le tour de l'autre gouvernement de dire: Ah! ah!
vous voyez, sur la loi 101, un tel était contre un tel et un tel
était contre un tel. Je pense que c'est comme la stratégie
nucléaire des Russes et des Américains, c'est "mutual assured
destruction" et le couteau est à deux tranchants.
M. French: Malheureusement, les hommes politiques ne sont pas
toujours capables de se retenir devant cette tentation qui est, à la
longue, extrêmement néfaste à la démocratie, comme
vous le savez. Il y a toujours une espèce de série d'incitations
à court terme qu'une personne peut utiliser. Par contre, le
bien-être du système dépend un peu de la
confidentialité des discussions au sein du Conseil des ministres ou d'un
organisme public visé, mais qui fonctionne dans un contexte
concurrentiel. Pour ces documents de décision, cinq ans plus tard,
vu
les plans qui s'étalent sur dix ans, quinze ans, vingt ans, cinq
ans ce n'est rien dans la vie d'Hydro-Québec, ce n'est rien dans le
processus de planification d'Hydro-Québec.
Je vous soumets humblement qu'il y a une foule de considérations
qu'il faudrait au moins traiter avant de convaincre le législateur que
cinq ans, cela fonctionne.
Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre.
M. Bertrand: J'avouerai tout le plaisir que je trouve à
questionner des journalistes. Tout à l'heure, les journalistes m'ont
posé une question relative à la prépondérance d'une
loi sur une autre. Vous indiquez dans votre mémoire que les dispositions
des lois existantes contraires à l'actuelle proposition devraient
devenir sans effet un an après la sanction de la loi. Vous semblez donc
prendre position sur le caractère de prépondérance que
devrait avoir cette loi d'accès à l'information gouvernementale
sur toute autre loi à l'intérieur de laquelle on retrouve des
articles relatifs à l'information gouvernementale, si je comprends
bien.
M. Auger: Oui, c'est d'ailleurs quelque chose qu'on demandait
dans notre mémoire à la commission Paré. La question d'un
an, cela fait partie de la période de transition pendant laquelle les
documents ne sont toujours pas accessibles après l'adoption de la loi et
on pense que cette période doit être ramenée à un
an.
M. Bertrand: Par contre, j'ai hâte d'en faire l'inventaire
pour voir quelles sont ces lois qui vont plus loin que la loi d'accès
à l'information gouvernementale, mais il y a des organismes qui
prétendent faire déjà de très grands efforts et
aller déjà beaucoup plus loin que ne le propose la commission
Paré dans le domaine de la divulgation des documents et des
informations. Avez-vous des craintes de ce côté-là?
M. Auger: Les municipalités ont dit cela hier, mais cela
ne nous a pas frappé comme nous faisant très peur cette affaire.
Je vais vous dire bien franchement que cela ne nous a pas fait peur beaucoup.
Si jamais quelqu'un allait plus loin que la commission Paré le demande,
qu'il continue, il n'a pas besoin de s'arrêter parce qu'une loi lui dit
d'en faire moins.
M. Bertrand: Toujours sur cette question de
prépondérance - je pense qu'on s'en était parlé
tout à l'heure - dans le domaine de l'accès à
l'information gouvernementale, il est normal que cette loi ait
prépondérance sur les autres. Mais, dans l'ensemble des lois dont
on dit que l'une est prépondérante sur l'autre ou vice versa,
vous apparaît-il que, par exemple, en ce qui concerne la Charte des
droits et libertés de la personne, il y a des dispositions de cette
Charte des droits et libertés de la personne qui doivent
nécessairement avoir préséance sur toute loi
d'accès à l'information gouvernementale, entre autres, les
clauses non discriminatoires et autres?
M. Auger: Sur la question de la Charte des libertés, c'est
un peu plus délicat, on parlait, nous, dans notre mémoire
à la commission Paré, d'une certaine primauté
législative sur les autres lois afin que toute nouvelle loi soit
automatiquement soumise aux dispositions de la loi d'accès etc., mais,
dans le cas de la Charte des droits et libertés de la personne, c'est un
peu délicat; on pourrait fort bien mettre les deux lois sur le
même pied à ce moment-là.
M. Bertrand: C'est intéressant, parce qu'il y a des
dispositions dans la Charte des droits et libertés de la personne qui
disent qu'il ne doit pas y avoir discrimination sur la base du sexe, de la
religion, de la langue etc., et forcément il y a des fichiers qu'il faut
constituer à l'occasion où justement on doit tenir compte de tous
ces éléments d'information et à l'occasion les utiliser
sur la base même des différenciations qui existent entre certaines
catégories d'individus. Est-ce que cela vous apparaît un
problème réel ou si, au contraire, vous croyez qu'il peut y avoir
une façon d'accommoder l'une par rapport à l'autre?
M. Auger: Mais là, on ne parle pas de personne, on parle
à ce moment-là de statistiques ce n'est pas le dossier d'une
personne, c'est un dossier statistique et si justement à l'étude
de ce dossier statistique, on se rend compte que, par exemple, l'embauche de la
femme dans la fonction publique a baissé de 50% l'année
dernière, cela va jouer justement contre la discrimination d'avoir cette
information-là. Cela ne fera aucune promotion de la discrimination, ce
sera tout le contraire.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants de la Fédération professionnelle des
journalistes du Québec de nous avoir présenté leur
mémoire. J'invite maintenant les représentants du Syndicat de
professionnels du gouvernement du Québec à prendre place à
la barre. Leur mémoire sera présenté par leur
président M. Roger Lecourt. J'inviterais M. Lecourt à
présenter les personnes qui l'accompagnent.
Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec
M. Lecourt (Roger): M. le Président, je voudrais vous
présenter, à ma gauche, M.
Paul Parenteau et, à ma droite, M. Robert Hardy et, comme vous
l'avez indiqué, je suis Roger Lecourt, président du syndicat.
Dans un premier temps, compte tenu du délai de vingt minutes
consacrées à la présentation des mémoires, je
voudrais faire la lecture des pièces maîtresses du mémoire;
par la suite, MM. Parenteau et Hardy pourront répondre à vos
questions.
Dans une société hautement sophistiquée comme la
société québécoise, le pouvoir d'un groupe comme
celui d'un individu se mesure dans une large part proportionnellement à
la quantité et à la valeur de l'information dont il dispose. Or,
à cet égard, l'État, qui est de loin le collecteur de
renseignements et le générateur d'études de toutes sortes
le plus prolifique, dispose au nom des Québécois d'un pouvoir
colossal.
Toutefois, dans un État organisé en principe selon une
doctrine politique d'après laquelle la souveraineté doit
appartenir à l'ensemble des citoyens, l'exercice de celle-ci exige que
l'ensemble de la population puisse disposer de tous les outils
nécessaires à la réflexion, à l'analyse et à
la décision collective. La décentralisation souhaitée du
réel pouvoir vers les citoyens exige donc un accès le plus large
possible à l'information dont dispose l'État en leur nom.
La nécessité d'une loi pour favoriser un tel accès,
constatée par tous, démontre malheureusement que la
démocratie québécoise souffre de lacunes à ce
niveau. Il est même regrettable que les administrations publiques ne
soient pas, de par leur organisation propre, en mesure d'entretenir avec les
citoyens la communication continue, indispensable à leur exercice du
pouvoir: les rapports institués entre politiciens, gestionnaires et
fonctionnaires n'ont pas permis que l'idéal se réalise, il faut
donc tenter d'y suppléer.
En complément de l'information essentielle à l'exercice du
pouvoir par les citoyens, l'État possède sur ces derniers
quatité de renseignements personnels nécessaires tant à la
distribution de services individualisés qu'à l'élaboration
des recherches et analyses. La protection de ces renseignements personnels doit
être garantie pour assurer le respect de la vie privée en
encadrant au mieux leur détention.
Dans les circonstances, nous nous réjouissons donc de la
perspective prochaine d'une loi sur l'accès aux documents et sur la
protection des renseignements personnels détenus par les organismes
publics. C'est avec un double intérêt, celui du citoyen et celui
du travailleur et de la travailleuse au service de la population que nous
présentons notre avis sur la question.
Pour une seconde commission parlementaire. Avant de passer à des
considérations plus spécifiques, soulignons toutefois que nous
nous interrogeons sur la valeur de la procédure empruntée par le
gouvernement quant à la tenue de cette commission parlementaire. Les
groupes qui se présentent ici ont en effet à donner leur avis sur
une proposition de loi qui n'est pas celle du gouvernement. Ce dernier n'ayant
pas fait son lit par un livre blanc sur le sujet à props duquel il
s'apprête à légiférer, nous nous trouvons à
devoir critiquer un projet qui pourra être bien chambardé une fois
que sera forgée l'orientation gouvernementale définitive. Si tel
était le cas - pour une fois, nous rejoignons le Conseil du patronat qui
le souliqnait, ce matin - nous croyons qu'il serait à propos qu'une
seconde commission parlementaire soit tenue pour entendre les avis sur le
projet de loi que le gouvernement pilotera effectivement en dernier
ressort.
Suivra sous différentes sections notre avis sur la proposition de
loi. La première partie, qui concerne un certain nombre de
modalités techniques, je me permets de la résumer.
Les suggestions que nous faisons sont les suivantes: Contraindre les
organismes à vocation nationale, tels la fonction publique, les
sociétés d'État, les cégeps, à rendre
disponible leur répertoire dans toutes les régions du
Québec. Donc, la dimension régionale est fort importante.
Aussi, concernant les municipalités, nous croyons qu'il serait
plus opportun de ramener de 100 000 à 10 000 habitants la norme selon
laquelle une municipalité doit être tenue d'indiquer dans son
répertoire, son organigramme, les fonctions de chacun de ses services et
les principaux programmes.
Par ailleurs, nous croyons qu'il serait opportun de mettre en place un
organisme central de référence afin d'orienter le citoyen qui ne
sait pas où s'adresser pour obtenir le document qu'il recherche.
Nous croyons aussi opportun de prévoir que lorsqu'une demande
écrite est adressée au mauvais responsable de l'accès
à l'information d'un organisme, cette demande doit être transmise
au responsable indiqué ou à l'organisme central de
référence et aussi qu'on transmette au requérant un avis
de la transmission de sa demande au bon endroit.
Enfin, nous pensons que le prix demandé pour la reproduction d'un
document ne doit pas comprendre le coût du salaire ou des traitements du
personnel affecté à cette tâche, de façon que le
coût reste en deçà de normes raisonnables.
Quant aux organismes à qui doit s'appliquer la loi, nous croyons
que les conseils consultatifs, sociétés d'État, doivent se
voir assujettis à l'article 21 concernant les
délibérations publiques de leur conseil d'administration ou
organisme directeur.
Et je continue la lecture du document, concernant la réduction
maximale du secret.
L'accès aux documents des organismes publics suppose bien
davantage que des facilités techniques et économiques. La
volonté réelle de communiquer au citoyen le maximum des
renseignements détenus par l'État ne doit pas laisser de doute.
Or, le grand nombre de documents exclus de l'application de la loi, la
durée des délais prévus avant qu'ils puissent être
dévoilés et la trop longue liste des organismes autorisés
à garder leurs délibérations éloignées du
public laissent l'impression de ne vouloir lever que partiellement le voile du
secret.
L'aspect des délibérations publiques des organismes
gouvernementaux qui sont visés aux articles 21 et 38. Nous ne voyons pas
pourquoi il faudrait encore retarder, comme le propose la commission
d'étude, la possibilité d'obliger les organismes gouvernementaux
à rendre leurs séances de délibérations publiques.
Les discussions des membres, nommés par l'État, des conseils
consultatifs ou des sociétés d'État, sont à la base
des avis qu'ils fournissent au gouvernement ou des décisions qui
affectent les citoyens. Ces derniers situeraient et comprendraient
sûrement mieux les recommandations du Conseil supérieur de
l'éducation ou les hausses des tarifs de l'électricité par
Hydro-Québec, pour ne prendre que ces deux exemples, s'ils pouvaient
être témoins des échanges des personnes qui sont à
l'origine.
Les motifs énumérés à l'article 21, pour
lesquels les organismes représentatifs électifs peuvent
siéger à huis clos sont suffisants pour assurer
l'efficacité des organismes gouvernementaux. En conséquence, nous
croyons que l'article 21 devrait s'appliquer à tous les organismes
gouvernementaux qui sont définis à l'article 3. En corollaire,
l'article 38, qui prévoit que ces organismes peuvent refuser de
communiquer les mémoires des délibérations de leur conseil
d'administration, devrait aussi être modifié, pour ne couvrir que
les délibérations à huis clos. (16 h 30)
Restrictions au droit d'accès. L'approche suivie pour
déterminer dans le projet de loi les restrictions au droit
d'accès nous semble correcte; on identifie les catégories de
documents qui pourraient être exclus de la divulgation en même
temps que les intérêts qu'en ce faisant on cherche à
protéger. Le problème se situe plutôt au niveau de
l'éventail trop large de catégories exclues.
Les catégories exclues à l'article 23, celles des
relations intergouvernementales. Nous croyons que l'intérêt du
Québec serait suffisamment protégé si l'article 23 ne
concernait que les renseignements pouvant porter préjudice à une
négociation intergouvernementale. L'autorisation qui permet de refuser
de divulger un renseignement qui "révélerait une stratégie
de relations intergouvernementales" est trop large, et encore plus celle qui
concerne le préjudice possible "à la conduite des relations entre
le gouvernement du Québec et un autre gouvernement ou une organisation
internationale".
Les stratégies relèvent trop souvent
d'intérêts partisans pour les reléguer dans le secret; le
jeu politique risque peut-être d'être moins captivant pour les
acteurs, mais il pourrait gagner en limpidité pour le spectateur.
Quant à l'aspect des restrictions sous l'angle des incidences
économiques traité aux articles 27, 52 et 59, voici ce qu'on en
pense. À l'article 27, on prévoit qu'un organisme public peut
garder confidentiels les renseignements obtenus de tiers, personnes ou
entreprises; cela nous semble plus sévère que les mesures de
protection des renseignements nominatifs qui visent à assurer le respect
de la vie privée. Dans ce dernier cas, l'article 59 permet que ceux-ci
soient parfois communiqués sans le consentement de la personne
concernée, ou avec celui de la commission de l'accès. Or, tel que
rédigé, le premier paragraphe de l'article 27 est de trop et
devrait être retiré; il laisse à l'individu ou à
l'entreprise l'entière latitude de décider de la
confidentialité des renseignements communiqués à un
organisme public; en effet, la simple mention par l'individu ou l'entreprise
que les renseignements fournis sont traités chez eux de façon
confidentielle suffit pour obliger l'organisme à agir de même.
Le second paragraphe de l'article 27 et la procédure
prévue à l'article 52 nous semblent suffisants pour
protéger les intérêts des tiers. Il y est en effet
prévu que le consentement de ceux-ci est nécessaire si la
communication d'un renseignement qu'ils ont fourni à l'organisme risque
d'entraver une négociation en vue de la conclusion d'un contrat, de leur
causer une perte, de nuire à leur compétitivité ou de
procurer un profit appréciable à une personne. Voilà,
quant à nous, une protection suffisante.
La sécurité publique, telle qu'on la retrouve à
l'article 30 du projet soumis par la commission. Le recours à la notion
de sécurité publique a constitué souvent un
prétexte pour brimer les droits démocratiques. L'infiltration des
syndicats par les forces policières lors des dernières
négociations des secteurs public et parapublic constitue un exemple
où l'État s'est arrogé le droit de surveiller et
d'enquêter sur des actions qui relèvent de la liberté
d'association. De tels abus pavent la voie à l'instauration d'un
État policier.
Si l'on doit assurer que les enquêtes policières en vue de
réprimer le crime puissent se dérouler dans des conditions qui
permettent des résultats positifs, la loi doit
éviter par ailleurs que les enquêtes de routine des
organismes publics soient reléguées dans le secret.
Au premier alinéa de l'article 30, on prévoit qu'un
organisme peut refuser de communiquer un renseignement dont la divulgation
risque "d'entraver le déroulement d'une poursuite judiciaire ou d'une
enquête". Étant donné les divers types d'enquêtes qui
peuvent être menées dans le but, comme le dit ce même
article, "de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou
les infractions aux lois", il devrait être précisé qu'il
s'agit seulement d'enquêtes dont l'objectif est d'intenter des poursuites
judiciaires.
La prise de décision. Quant à nous, c'est finalement en
matière de renseignements reliés à la prise de
décision au sein des organismes publics - et c'est là que nos
membres sont particulièrement intéressés - que la
proposition de loi limite le plus, malgré son objectif premier,
l'accessibilité des citoyens aux renseignements détenus par les
organismes dont ils se sont collectivement dotés. En premier lieu, la
notion même de prise de décision comporte beaucoup
d'ambiguïté.
Nous comprenons que notre système politique est fondé sur
le principe de solidarité ministérielle que même une
législation sur l'accès aux documents ne peut remettre en cause.
Les exclusions relatives aux renseignements à incidences politiques et
celles de l'article 37 portant sur les analyses faites au niveau du Conseil
exécutif ou sur une recommandation ou une demande d'un ministre se
trouvent ainsi en partie justifiées, sauf pour la durée du secret
à laquelle nous reviendrons plus loin.
Mais tel n'est plus le cas pour les avis, recommandations et analyses
des autres organismes publics. Ce sont justement ces documents qui sont le plus
de nature à éclairer la discussion publique sur les sujets qu'ils
abordent; c'est en favorisant le mieux possible leur accès que la loi
prendrait tout son sens. Pourtant, les restrictions prévues aux articles
39, 42, 43 et 44 sont à l'opposé: un organisme pourrait refuser
de rendre publics les avis, recommandations et analyses produites aux fins
d'une prise de décision et ce, pour une durée variable selon le
cas.
Les avis du personnel fonctionnaire ou les avis d'un consultant. Aux
articles 39 et 40, la loi prévoit qu'un organisme peut refuser - dans le
cas de l'article 39 - de communiquer pendant dix ans un avis ou une
recommandation d'un membre de son personnel. La justification repose sur
l'argument qu'on ne peut mettre en contradiction un ministre et ses
fonctionnaires de crainte soit qu'une publication hâtive de leur avis ou
de leur recommandation inhibe leur initiative ou affaiblisse leur
capacité à fournir une opinion professionnelle critique ou, au
contraire, parce que l'on craint un accroissement du pouvoir bureaucratique
susceptible "de menacer les élus d'une divulgation de certains avis.
"
La première partie de cette argumentation sous-entend,
finalement, qu'un fonctionnaire serait moins incité à être
objectif dans ses avis et recommandations s'il savait qu'ils peuvent être
divulgués; la crainte de représailles ultérieures, sous
une forme quelconque, l'amènerait à être moins neutre dans
ses travaux. C'est, finalement, reconnaître ainsi que l'ingérence
administrative et politique dans le travail des fonctionnaires est une
réalité. Nous sommes heureux de constater que d'autres que nous,
qui sommes parmi les premiers intéressés, le reconnaissent et,
soit dit en passant, il est à espérer que notre employeur
portera, lors de la prochaine négociation, une meilleure attention que
la dernière fois à nos propositions pour éliminer,
justement, les possibilités d'ingérence administrative et
politique dans le contenu de nos travaux car, dans ce domaine, comme en
santé et sécurité du travail, la solution n'est-elle pas
d'éliminer le danger à la source?
La seconde partie du raisonnement qui justifierait de ne pas divulguer
les avis et recommandations du personnel d'un organisme public, c'est que
l'intégrité du processus décisionnel serait
entachée si un fonctionnaire pouvait menacer, par exemple, son ministre
de faire connaître certains avis. C'est le fameux problème des
fuites que, de toute façon, le système actuel, si menaçant
soit-il, n'a pu empêcher. La non-divulgation prévue dans une loi
sur l'accès à l'information ne pourrait faire mieux.
De plus, l'intégrité d'un processus décisionnel
n'est pas remise en cause pour l'unique raison qu'un décideur diverge
d'opinion avec son personnel. En effet, il peut arriver qu'un décideur
soit tout simplement en désaccord avec un membre de son personnel ou
encore qu'il dispose de données qui l'amènent à ne pas
suivre l'avis ou la recommandation soumis. Dans les deux cas, il serait
bénéfique qu'il s'explique devant la population,
croyons-nous.
Enfin, la discussion de cet article 39 doit se faire aussi à la
lumière du raisonnement qui a amené la rédaction de
l'article 40. Ce dernier prévoit, en effet, qu'un organisme ne peut
refuser de communiquer les avis et recommandations présentés par
un consultant après que la décision finale faisant l'objet de
l'avis ou de la recommandation a été rendue. Il n'est pas
prévu alors de délai de dix ans, car, estime-t-on,
l'intégrité du processus décisionnel ne serait pas
menacée dans le cas d'un expert-conseil. Pourtant, le désir
compréhensible d'un organisme d'avoir de nouveaux contrats est, tout
autant que la crainte de représailles pour un fonctionnaire,
susceptible
d'influer sur le contenu de l'avis demandé ou sur le sens des
recommandations que le consultant a à faire.
Nous ne voyons donc pas pourquoi la loi devrait prévoir un
traitement différent des avis et recommandations faits à un
organisme selon leur provenance, des fonctionnaires ou des experts-conseils de
l'extérieur de la fonction publique. En conséquence, les articles
39 et 40 devraient être fondus en un seul article. Quant à la
communication de ces avis et recommandations, elle doit suivre la
décision finale sur les matières qui en font l'objet.
Mais - c'est un sujet sur lequel le rapport de la commision est muet -
que se passe-t-il lorsqu'il n'y a pas de décision finale? Comme un
organisme pourrait effectivement retarder longtemps - c'est monnaie courante
dans la fonction publique -sa décision ou ne pas en prendre du tout, un
délai maximum devrait prévenir que certains avis ou
recommandations ne soient jamais rendus publics. Nous croyons qu'un
délai de deux ans serait suffisant, car, au-delà de cette
période, les avis ou les recommandations méritent souvent
d'être reconsidérés et les études sur lesquelles ils
sont fondés d'être mises à jour. Leur divulgation devrait
alors s'accompagner d'un avertissement en conséquence. Au nouvel article
39-40 que nous proposons, il faudrait ajouter: "ou au plus tard deux ans
après leur communication à l'organisme".
On traite à l'article 41 des opinions juridiques. La
communication d'une opinion juridique obtenue par un organisme public ne
devrait pas, non plus, selon nous, être restreinte. Il est évident
qu'une telle divulgation risque de modifier le comportement et les
stratégies des parties en cause dans une procédure judiciaire.
Mais il est évident, également, que certains groupes peuvent
disposer de moyens pour obtenir semblable opinion juridique et mieux se
défendre que d'autres. La communication des opinions juridiques des
organismes publics aurait au moins l'avantage de situer tous les citoyens,
sinon sur le même pied, du moins à des niveaux moins
écartés. De plus, il ne nous apparaît pas très
démocratique d'accepter qu'un organisme puisse cacher à la
population des opinions "sur la constitutionnaiité ou la validité
d'une loi ou d'un règlement. " Quant à nous, l'article 41 du
projet de loi devrait être retiré.
L'article 42 traite des recommandations d'un organisme public à
un autre organisme. Ces recommandations devraient, quant à nous,
être traitées de la même façon que celles des
fonctionnaires ou consultants et l'article 42 devrait être modifié
en conséquence en ajoutant, concernant la non-prise de décision,
l'aspect de divulgation au plus tard deux ans après la communication de
la recommandation à l'organisme, s'il n'y a pas eu de décision
prise.
Les analyses sont traitées aux articles 43 et 44. À
l'article 43, en plus de prévoir que la communication d'une analyse
produite à l'appui d'une recommandation ne pourrait être
refusée après que la décision sur cette recommandation a
été prise, il devrait aussi être précisé "ou
au plus tard deux ans après que l'analyse a été
complétée" pour éviter que des travaux de recherche ne
demeurent trop longtemps dans le fond des classeurs. Enfin, la partie de
l'article 44 prévoyant des restrictions à l'accès aux
analyses dont la divulgation pourrait "compromettre sérieusement la
réalisation d'un projet en cours" semble aussi d'un effet trop
étendu.
Le type de projet dont la réalisation ne pourrait être
compromise par la divulgation d'une analyse pouvant difficilement être
précisé, nous croyons que cette restriction doit être
éliminée.
Les délais. Finalement, quant à nous, la réduction
des délais s'impose si on veut vraiment en arriver à limiter le
secret qui entoure trop souvent les activités gouvernementales.
Pour ce qui est des conventions collectives qu'on traite à
l'article 29, le délai de dix ans pendant lequel un organisme peut
refuser la communication d'un renseignement qui aurait pour effet de
révéler un mandat ou une stratégie de négociation
de convention collective nous semble trop long. Comme les études
réalisées en vue de la préparation d'un budget sont
appelées à demeurer secrètes jusqu'à ce que ces
dernières soient déposées, ainsi, selon nous, l'article 29
devrait être modifié pour qu'un mandat ou une stratégie de
négociation soit communiqué dès après la sigqnature
d'une convention collective.
Pour ce qui est des délibérations du Conseil
exécutif, au niveau de l'accès aux délibérations du
Conseil exécutif et aux analyses réalisées pour le compte
de ce ministère, l'embargo de 20 ans nous semble nettement trop long. Un
plus juste équilibre entre le respect du principe de la
solidarité ministérielle et celui du droit à l'information
nécessite de ramener ce délai des articles 32 et 37 à au
plus dix ans. Ce paysage politique, par remaniements ministériels ou
changement du parti au pouvoir, se transforme assez, quant à nous,
durant une telle période, pour éviter qu'on porte
préjudice au gouvernement qui est au pouvoir.
Les projets de loi ou les projets de réglementation. L'article 35
prévoit qu'un organisme peut refuser l'accès des analyses se
rapportant directement à l'élaboration du texte d'un projet de
loi ou de règlement, jusqu'à la date respective de leur
présentation devant l'Assemblée nationale ou, dans le cas des
réglementations, de leur publication dans la Gazette officielle.
Comme certains projets de loi peuvent être annoncés souvent
dans un discours inauqural sans être effectivement
présentés à l'Assemblée nationale, nous croyons que
l'article 35 devrait préciser qu'une analyse qui se rapporte à un
projet de loi doit être publiée au plus tard deux ans après
qu'elle aura été complétée. C'est la même
logique que tantôt.
Comme pour les avis ou recommandations d'un fonctionnaire, après
une telle période ces analyses vont nécessiter des mises à
jour et leur publication ne révélera pas l'orientation que
prendra le gouvernement quand il se décidera à
légiférer. Par contre, le public saura pourquoi ce dernier a cru
bon, un jour, d'annoncer une loi et sera mieux à même d'interroger
les élus sur les raisons qui les ont amenés à reporter la
législation originellement prévue. Dans le cas d'une analyse
supportant un projet de règlement, le délai maximal pour qu'elle
puisse être communiquée devrait n'être que de six mois
après qu'elle a été complétée, compte tenu
qu'il s'agira d'un document qui vient préciser les mécanismes
d'application d'une loi adoptée par l'Assemblée nationale dont
l'objet principal est déjà public.
Les délais de réponse aux différentes
requêtes du public. Le délai pour répondre à une
demande d'information fixée à 20 jours à l'article 51
devrait être réduit à 15 jours et la prolongation de
délai, de 10 à 5 jours. La période de 15 jours nous semble
appropriée pour éviter que l'information recherchée ne
soit dépassée. Cette recommandation est faite dans l'esprit que,
pour tous les organismes, l'accès aux documents serait une
priorité. Dans le cas où l'avis d'un tiers est nécessaire
pour autoriser la communication d'un document, le délai de 20 jours
prévu à l'article 52 accordé au tiers pour répondre
devrait être ramené à 15 jours. Le délai de 15 jours
accordé au responsable de l'accès aux documents pour transmettre
sa décision au requérant et au tiers devrait s'établir
à 10 jours et c'est finalement un délai de 55 jours qui aurait
cours entre une demande d'accès à un document obtenu par
l'organisme d'un tiers et l'accès réel, s'il est autorisé.
En effet, il est prévu aussi que la décision finale du
responsable de la décision n'est exécutoire que 15 jours
après la date de la transmission de cette décision au
requérant et au tiers. Près de deux mois, c'est
déjà long pour obtenir accès à un document.
Pour protéger au mieux les intérêts du tiers,
l'article 52 devrait prévoir par ailleurs que les avis et informations
lui sont transmis par écrit; en plus, il devrait être avisé
qu'il sera réputé avoir consenti à l'accès au
document s'il ne répond pas dans un délai de 15 jours.
Pour la demande de communication ou de rectification de renseignements
nominatifs, le délai de 20 jours prévu à l'article 96
devrait aussi être ramené à 15 jours. Il nous semble que le
renseignement fourni ou la correction effectuée nécessite
beaucoup moins de temps que la communication d'un document. La prolongation
possible du délai devrait être de cinq jours au lieu de dix jours.
(1 6 h 45)
L'article 154 prévoit qu'un organisme peut, dans les deux ans
suivant l'adoption de la loi sur l'accès au document, refuser
l'accès à un document daté de plus de deux ans au moment
de l'entrée en vigueur de cette loi. Cette disposition qui vise à
laisser aux organismes le temps nécessaire pour organiser leurs archives
pour les rendre accessibles devrait rendre plus graduel l'accès aux
documents moins récents. Ce délai de deux ans devrait être
ramené à un an pour rendre accessibles les documents datés
de plus de deux ans mais de moins de dix ans lors de l'entrée en vigueur
de la loi.
Quant à la protection des renseignements personnels,
l'application à la lettre de l'article 63 qui prévoit que nul ne
peut recueillir un renseignement nominatif, si cela n'est pas
nécessaire, et de l'article 69, qui fait de la commission de
l'accès le chien de garde des organismes, est primordiale. Par ailleurs,
nous ne partageons pas l'opinion que la protection assurée par la
multiplication des codes n'est qu'un mythe. Après vérification
auprès de membres informaticiens chez nous, il me semble important,
contrairement à l'opinion de la commission, d'avoir des codes multiples,
quoique nous soyons d'accord sur le fond, que simplement la réduction de
demandes inutiles de renseignements, c'est quand même l'aspect le plus
important pour protéger la confidentialité des renseignements
personnels.
En matière de renseignements personnels, l'aspect identification
qui est traité à l'article 92, l'expérience de demandes
d'accès à un dossier de crédit dans le secteur
privé autorisées par la Loi de la protection du consommateur nous
incite à recommander que l'article 92 précise que la
procédure d'identification nécessaire pour obtenir la
communication de renseignements nominatifs ne doit pas servir à
recueillir de renseignements supplémentaires sur le requérant.
Quant au consentement nécessaire traité à l'article 1. 1.
7, le souci qu'on doit avoir de protéger la vie privée des
individus nous amène également à recommander qu'à
cet article, la commission d'accès ne soit pas autorisée à
communiquer des renseignements nominatifs sans le consentement des personnes
concernées. par ailleurs, comme la clé de voûte de la
protection du renseignement individuel est l'autorisation du citoyen de les
communiquer, dans ce contexte, un article supplémentaire
devrait préciser que les autorisations passepartout obtenues
à titre de conditions préalables à l'obtention d'un bien,
service ou emploi ne sont pas reconnues. La seule autorisation valable devrait
être spécifique pour un fichier et un renseignement
précis.
Dans la troisième partie de notre mémoire... Oui?
Le Président (M. Rodrigue): Je voudrais vous demander si
c'est possible, étant donné que les membres de la commission ont
eu l'occasion de lire votre mémoire, de résumer la suite, parce
qu'on a déjà épuisé le temps de vingt minutes qui
vous était alloué. Combien cela peut-il vous prendre de temps
pour nous résumer cela?
M. Lecourt: Peut-être tout au plus cinq à dix
minutes.
Le Président (M. Rodrigue): Est-ce qu'il y a consentement
de la part des membres de la commission pour prolonger le temps alloué
de cinq minutes? Cela va.
M. Lecourt: Si vous voulez, on va peut-être passer
directement à l'aspect des incidences de la Loi sur la fonction
publique. Cela permettra, je pense, de respecter le délai.
Sur cet aspect qui touche le personnel de la fonction publique, on
rappelle quant à nous qu'on a eu souvent des demandes en regard du
secret qui entoure la fonction publique, à savoir qu'il n'y a aucune
mesure disciplinaire qui puisse être imposée à un
employé qui aurait communiqué à un citoyen ou un groupe de
citoyens des renseignements qu'aucune loi ou règlement ne précise
être confidentiels. Ce qui est posé comme problème, les
interrogations au sujet des relations entre les citoyens et le personnel de la
fonction publique, sont de l'ordre suivant: actuellement, on se pose la
question suivante: Le nombre de demandes qui sont traitées directement
entre les fonctionnaires et les citoyens dans les limites de la
confidentialité qu'on connaît, on ne voudrait pas que, par le
canal unique du responsable de l'accès à l'information, dont on
ne précise pas clairement le statut, le personnel de la fonction
publique se retrouve dans une situation pire que celle qu'il connaît
actuellement où toute transmission d'informations par un fonctionnaire
est considérée comme une fuite.
On vous a souligné, avec exemples à l'appui, qu'on est
dans une situation actuellement où énormément de
restrictions sont apportées par des décisions soit
ministérielles, soit de la haute direction. D'autre part, un
élément qu'on souligne, c'est qu'il peut y avoir conflit
d'interprétation entre les fonctionnaires et leurs supérieurs
quant au fait qu'une demande de renseignement soit sujette à la
confidentialité ou non. On voudrait donc que, dans les pouvoirs de la
commission, lorsqu'elle entend des appels, elle puisse trancher à un
litige qui surviendrait dans l'appareil administratif entre employés et
supérieurs sur le fait qu'un document soit ou non transmissible.
D'autre part, il nous semble important, compte tenu de la
priorité qu'on veut accorder a la transmission des requêtes
d'information, que soit précisé qu'un fonctionnaire ne puisse
être passible de mesures disciplinaires pour avoir, avec diligence,
accompli ce mandat prioritaire, laissant possiblement tomber d'autres
activités.
C'est à peu près les éléments qu'on avait
à porter à votre connaissance. Il y a peut-être une
dernière chose qui n'est pas mentionnée à notre
mémoire sur laquelle je voudrais très brièvement conclure,
c'est quant à la pertinence ou non de créer une commission
d'accès, par opposition - cela a été discuté
à quelques reprises aujourd'hui et hier - à une
possibilité de déléguer à un organisme existant les
pouvoirs qu'on veut confier à la commission.
Quant à nous, c'est mal poser le problème; il nous semble
qu'on le pose en termes de restrictions budgétaires. Si on confie
à un organisme existant les pouvoirs qu'on veut confier à la
commission, parce qu'on croit, comme la commission Paré l'a
souligné, que c'est important de rendre accessibles les documents
gouvernementaux, de mieux protéger la vie privée, c'est une
responsabilité additionnelle de l'Éttat et, qu'on la confie
à une commission ou à un organisme existant, il va falloir faire
face aux besoins en termes de services. D'une façon ou d'une autre, il
va falloir répondre aux besoins. Quant à nous, cela nous semble
préférable de les confier à un nouvel organisme, compte
tenu de l'importance de l'indépendance de cet organisme. C'est tout.
Le Président (M. Rodrigue): M. le ministre.
M. Bertrand: Je voudrais dire aux représentants du
Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec que c'est un
mémoire fort complet et fort utile pour la commission. Il n'y a pas
beaucoup d'éléments que vous avez laissés de
côté dans l'analyse des recommandations de la commission
Paré. Vous adoptez, sur l'ensemble du chapitre des restrictions,
à peu près la même attitude que la Ligue des droits. Je
crois d'ailleurs que vous vous étiez associé à la Ligue
des droits, lorsque était venu le temps de préparer un
mémoire pour la commission Paré. Je connais bien là
l'ensemble de l'argumentation. Je vous pose donc la même question. Est-ce
que, jusqu'à un certain point, en demandant
qu'on restreigne au maximum les restrictions de toute nature, que ce
soit celles à incidence économique, celles relatives à la
sécurité, aux relations intergouvemementales, vous ne croyez pas
qu'en ce faisant, à toute fins utiles, on modifie en profondeur les
règles du jeu telles que définies à l'heure actuelle?
Il m'apparaissait que la commission elle-même, lorsqu'elle a
abordé dans son rapport tout ce chapitre des restrictions, y soit
allée en se disant: Notre principe de départ, c'est l'article 9,
c'est-à-dire tout document est accessible, mais on est obligé de
prendre en considération qu'on vit dans un contexte social,
économique, politique qui commande un certain nombre de règles du
jeu et que nous n'avons pas ici à contester de quelque façon que
ce soit, ce n'est pas notre mandat. Quand on lit votre rapport, pour plusieurs
de ces recommandations, vous voulez, à toutes fins utiles, qu'on
élimine à peu près tous les éléments de
restrictions suggérés par la commission dont on a dit pourtant
que l'ensemble de ces recommandations allaient dans le sens de la
générosité. Avez-vous un commentaire à faire
là-dessus?
M. Hardy (Robert): M. le Président, je ne trouve pas qu'on
tente d'éliminer tous les éléments; je ne crois pas qu'on
tente non plus de modifier, autant qu'il est souligné, les règles
du jeu. Je pense que, dans la partie sur laquelle on a dû peut-être
aller rapidement, les nouveaux mandats confiés à la commission,
dans notre mémoire présenté à la commission
Paré au mois de février, on demandait que les organismes
subventionnés à plus de 50% soient couverts; on demandait que les
renseignements d'ordre économique des entreprises soient connus et il y
avait également une troisième recommandation, dans le sens que la
commission entende déjà proposer les mesures pour régir
les fichiers privés de renseignements nominatifs. Tout cela, la
commission Paré dit: On n'a pas eu le temps d'étudier cela. On
comprend, alors c'est très bien. Il faudrait peut-être confier
à une nouvelle commission, étant donné qu'elle a
été efficace dans cette proposition de loi, le mandat
d'étudier ou de présenter d'autres propositions de loi sur ces
sujets. Ce sont des sujets qui risquent de modifier des mesures qui, à
notre sens, le méritent. Je trouve le jugement un peu
sévère, si on pense particulièrement à notre
recommandation à l'article 27 qui est de supprimer le premier
paragraphe, soit les renseignements qu'un organisme obtient d'un tiers et,
alors, l'organisme n'aurait qu'à indiquer que les renseignements qu'il
fournit sont confidentiels. Quant au second paragraphe de l'article 27, qui
prévoit un certain nombre de critères pour assurer suffisamment
le respect, la confidentialité des renseignements qui pourraient nuire
aux organismes - soit dit en passant, les syndicats sont compris de la
même façon que les entreprises, on n'a pas tenté de
s'exclure, pas plus que les autres - nous croyons que les règles du jeu
vont sûrement modifier dans un sens positif, mais nous croyons toujours
que notre recommandation mériterait d'être reçue.
M. Lecourt: Un aspect, en particulier, nous concerne plus
directement, c'est celui du travail des fonctionnaires qui produisent des avis,
des recommandations, des analyses. La façon dont la commission apporte
des restrictions, particulièrement en termes de délai, à
la divulgation de l'information, semble-t-il, a pour effet de limiter trop
souvent la discussion publique au moment où certaines décisions
d'ordre politique doivent être prises. Je pense que ce sont des
restrictions qui, si elles étaient levées, ne nuiraient pas
à la décision politique, aux débats politiques qui se font
dans un Conseil des ministres, au niveau des sphères politiques, mais
cela permettrait la levée de certaines de ces restrictions au moment de
la prise de décision, pour donner un meilleur éclairage à
la population sur des analyses qui, évidemment, sont peut-être
différentes des prises de décision politique. Cet aspect de la
démocratie dans laquelle nous vivons me semble un peu
écorché par les restrictions, les délais de dix, vingt
ans.
M. Bertrand: Je vais vous poser une question bête et
méchante. Vous ne m'en voudrez pas.
M. Lecourt: Non, on n'est pas rancuniers.
M. Bertrand: On travaille ensemble de toute façon alors je
pense qu'on peut se parler très franchement. Est-ce que, dans cette
volonté de ne pas restreindre l'accès à l'information pour
ce qui concerne les avis émanant entre autres dans certains cas, des
professionnels du gouvernement, il n'y a pas là-dedans l'expression
d'une certaine frustration que vous ressentez à l'occasion d'avoir
travaillé sur la préparation d'avis, de recommandations, d'avoir
servi de consultants et de sentir que, dans le cadre du processus
décisionnel, on en n'a pas tenu compte ou que même, dans le cadre
du processus menant à la décision, il y a eu un blocage qui s'est
fait et les avis et recommandations des professionnels ne se sont pas rendus?
Est-ce qu'il y a là-dedans un peu l'expression d'une forme de
frustration ressentie par le milieu des professionnels quant au rôle
qu'ils jouent à l'intérieur du gouvernement qui n'est pas celui
des cadres, qui eux doivent avoir davantage le sentiment que leurs avis et
recommandations se rendent plus
rapidement dans les centres de décision, mais qui est celui de
ces personnes qui ne sont encore ni des adjoints aux cadres supérieurs
ni des cadres et qui ont l'impression que leurs avis et recommandations sont
retenus quelque part dans la hiérarchie qui mène vers la prise de
décision?
M. Lecourt: De toute façon, vous parlez des cadres, des
professionnels. Je pense que, dans la majorité des cas, les analyses et
au moins les premières ébauches de recommandation sont faites,
dans la plupart des domaines, par des professionnels; les adjoints aux cadres
s'occupent plutôt des questions administratives, sauf certaines
catégories limitées. C'est sûr, je pense que ce n'est un
secret pour personne, qu'il y a parmi nos membres souvent une perception que
leur travail ne sert à rien, sinon à garnir les tablettes. C'est
le cas de certaines personnes qui vivent effectivement des situations de ce
type. Je pense qu'elles souhaitent que ces documents soient portés
à la connaissance du public qui les paie. (17 heures)
D'ailleurs, pour vous souligner comment cette perception se traduit
même dans l'approche de la commission, du moins à la façon
dont on en a fait la lecture, il y a un délai plus long pour la
publication d'analyses, d'avis ou de recommandations produits par le personnel
de la fonction publique que pour des analyses et recommandations produites par
des gens de l'extérieur. On le souligne dans le mémoire: il y a
une incongruité en termes de délai. C'est peut-être tout
à fait involontaire, mais cela a peut-être un peu rehaussé
cette impression qu'on veut qarder trop souvent les employés de
l'État au secret.
M. Bertrand: À l'article 30 sur la sécurité
publique, vous indiquez qu'en ce qui concerne le premier alinéa
où on fait mention de refus "de confirmer l'existence ou de communiquer
un renseignement lorsque sa divulgation serait susceptible d'entraver le
déroulement d'une poursuite judiciaire ou d'une enquête", on
devrait mentionner très spécifiquement qu'il s'agit
d'enquêtes dont l'objectif est d'intenter des poursuites judiciaires.
Il y a des professionnels - je m'adresse à vous vraiment comme
professionnels - dont la responsabilité est à l'occasion de mener
des enquêtes. Je prends l'exemple des agents de la faune, à
certains moments, ou d'autres corps d'emploi qui doivent mener des
enquêtes et qui, dans le cadre du déroulement de leur
enquête, veulent avoir le sentiment que l'organisme public va garder
secrets ces renseignements. Est-ce que cela ne risquerait pas un peu de
compromettre l'exercice même du travail de certains professionnels
plutôt que de le faciliter?
M. Hardy: II y a effectivement de nos membres qui peuvent
être impliqués dans des recherches et qui le sont dans des
enquêtes de toutes sortes. Par rapport à l'article 30, notre
réaction est plus celle du citoyen que de tenter de retrouver tous les
cas où il y aurait des enquêtes qui ne devraient pas être
couvertes de façon aussi large.
Maintenant, si on parle de préciser: enquête devant mener
à une poursuite judiciaire, c'est pour éviter que cela s'applique
à beaucoup d'enquêtes de routine. Dans le cas qui est
soulevé, si l'enquête est en vue de poursuivre les contrevenants -
on a vu, à un moment donné, des chasseurs pratiquer la chasse
illégale du chevreuil à l'île d'Anticosti, par exemple - si
c'est une enquête pratiquement policière en vue d'une poursuite
judiciaire, dans ce cas-là on croit que cela pourrait être
effectivement protégé. Sauf que, tel que le premier alinéa
de l'article 30 est rédigé, cela semble réellement ouvrir
un trop grand secret.
M. Lecourt: J'aimerais ajouter que notre réaction, sans
entrer dans le détail, est aussi inspirée par les
événements récents qu'on a connus à l'occasion
d'enquêtes comme celle de la commission Keable ou de la commission
McDonald où on fait des enquêtes qui ne mènent pas à
des poursuites judiciaires. On connaît très bien tout ce
problème des menaces à la supposée sécurité
nationale.
M. Bertrand: II y a une remarque que vous faites que je trouve
particulièrement intéressante. Vous demandez qu'à un
moment donné la loi prévoie que les documents publics que nous
aurons à rendre accessibles aux citoyens puissent être
identifiés, entre autres en ce qui a trait à l'auteur du
document, à son titre professionnel, à l'unité
administrative à laquelle il appartient et j'ajouterai à la
qualité du document. On a vu, entre autres, très souvent, avant
même qu'il existe une loi d'accès à l'information
gouvernementale, l'Opposition - c'est de bonne guerre - demander que des
documents soient rendus accessibles ou encore des documents qui ont
coulé et qui faisaient partie du processus de prise de décision,
qui étaient des documents purement d'analyse, d'hypothèses, ou
qui étaient des documents préparatoires à une série
d'analyses et qui donc se situent à un point plus ou moins
stratégique dans le processus de décision. Ce que vous nous
demandez, est-ce de prévoir qu'on puisse le plus possible qualifier la
nature du document dont on a la possession, après avoir indiqué,
bien sûr, quel en est l'auteur, à quelle unité
administrative il appartient, quel est son titre professionnel? Ne croyez-vous
pas opportun aussi d'indiquer - et je pense que cela peut être
intéressant pour la personne qui a accès au document -
quelle est la qualité de ce document dans le contexte où
il a été préparé? Il peut s'agir à un moment
donné de la première ébauche d'une série de quinze
avant qu'on parvienne à la seizième qui, elle, est finalement
retenue pour la prise de décision. Là-dessus, avez-vous des
suggestions à faire? Cette façon de procéder vous
apparaîtrait-elle appropriée? Est-ce faisable?
M. Hardy: Je crois que c'est faisable et nous croyons que c'est
souhaitable pour la raison suivante: II arrive souvent que des documents
réalisés par nos membres soient modifiés au cours de leur
cheminement au niveau des gestionnaires, au niveau administratif ou au niveau
politique. Quand un document est rendu public, d'autant plus que l'on demande
que les avis, les recommandations ainsi que les analyses soient rendus
accessibles le plus rapidement possible, il serait important, étant
donné aussi que les noms des gens seraient connus, que le document
original - et on dit à un moment donné non altéré -
soit celui rendu public pour que le citoyen fasse la différence entre le
document d'avis, de recommandation ou d'analyse du professionnel, du
fonctionnaire et le document une fois qu'il a pu être modifié
à un autre niveau. Ceux qui auront des considérations politiques
ou administratives pour modifier les avis ou les recommandations pourront
expliquer leur point de vue. Quand on ajoute à un endroit qu'il y a des
commentaires qui pourraient être annexés, c'est pour tenir compte
du fait qu'une fois qu'un document est paru les conditions peuvent amener un
professionnel à modifier son avis, parce que la réalité a
changé. À ce moment-là, si la personne veut annexer une
note à son document, cela devrait lui être permis pour renseigner
au mieux le citoyen qui aura accès au document. Il saura mieux à
quoi s'en tenir.
M. Bertrand: Vous semblez craindre d'une certaine façon
que la nomination d'un agent, d'un responsable de l'accès dans chacun
des organismes qui seront couverts par la loi ne vienne indiquer à
l'ensemble des autres fonctionnaires qu'à partir de maintenant, la seule
personne qui a la responsabilité de rendre des documents accessibles, de
parler aux citoyens ou de communiquer avec des groupes ou des individus qui
veulent obtenir des renseignements du gouvernement sera effectivement
responsable de l'accès. Vous semblez craindre que l'ensemble des
fonctionnaires du gouvernement du Québec ne puisse plus, dans l'avenir,
communiquer des renseignements. Est-ce à dire qu'à l'heure
actuelle tout fonctionnaire se sent tout à fait libre de laisser
circuler quelque information que ce soit et de s'approprier la
responsabilité de rendre publics des documents qui, normalement,
même dans le cadre de l'application d'une loi d'accès à
l'information gouvernementale, devraient demeurer confidentiels?
M. Lecourt: II est bien évident qu'actuellement on ne peut
pas faire circuler n'importe quel document. Les politiques varient
énormément d'un organisme à l'autre. Certains organismes,
quant à la diffusion de documents ou d'information verbale à
l'égard du public, au sens large, ont une politique relativement
ouverte, transparente. D'autres organismes ont une politique du secret le plus
absolu pour les vétilles. Cela varie d'un organisme à l'autre;
là-dessus, c'est la tradition qui fait foi de toutes sortes de
comportements.
Le son de cloche qu'on a voulu apporter, c'est que la commission propose
un cadre général, un projet de loi. Si le projet de loi retient
ce cadre, il faudra le mettre en place, question d'opérationnalisation.
On a voulu poser un certain nombre de questions, on n'a pas les
réponses, mais on a déjà des questions quant au statut des
responsables à l'information, quant à leurs relations avec
l'administration. Ces questions, on n'en a pas les réponses toutes
faites, mais on soulève un élément, c'est que, dans
certains organismes qui ont, par tradition, des contacts assez ouverts avec le
public, on ne voudrait pas que la nomination d'un responsable de l'accès
à l'information amène à travers la fonction publique une
approche, comme on en voit très souvent, très bureaucratique,
très hiérarchique des rapports avec les citoyens, de telle sorte
que, là où il y a une certaine transparence, pour une raison ou
pour une autre, ça disparaisse, ce soit entravé. C'est ça,
notre souci.
M. Bertrand: II y a des centaines, pour ne pas dire des milliers
de fonctionnaires dont c'est la responsabilité directe de communiquer
avec la population. Je pense, par exemple, à tous les agents d'aide
sociale, à tous ceux qui travaillent dans les centres de main-d'oeuvre,
évidemment aux gens qui travaillent dans les bureaux de
Communication-Québec, etc. Il y a des gens qui, par définition,
doivent donner de l'information et doivent communiquer avec la population. Je
vous avouerai que, comme ministre, mon impression, souvent, ce n'est pas
d'avoir assisté... Là, je ne voudrais pas avoir l'air d'ouvrir
une porte dans laquelle tout le monde se permettrait d'entrer trop rapidement,
mais mon impression, c'est que ceux qui ont vraiment la responsabilité
de communiquer et d'être en contact avec les citoyens, à
l'occasion, ne jouent pas ce rôle à plein. Dans les cas où
il y a une certaine discrétion qui devrait être gardée
à cause de la responsabilité assumée par le fonctionnaire,
la tentation est plus grande de
vouloir diffuser ou communiquer avec la presse ou des gens qui auraient
tout intérêt à obtenir des documents qui, autrement, ne
seraient pas obtenus.
Est-ce votre impression qu'il existe un tel état d'esprit dans la
fonction publique? Je vais vous donner l'exemple des centres de main-d'oeuvre.
Il y a beaucoup de gens qui viennent me voir à mon bureau de
comté et qui reviennent avec des rapports souvent très
négatifs sur l'accueil qu'ils ont reçu en arrivant au centre de
main-d'oeuvre. Par définition, voilà des gens dont la
responsabilité est de communiquer, d'être en contact,
d'accueillir, d'être réceptifs et de donner le maximum
d'information. Je vous avoue que, dans notre bureau de comté, des gens
viennent tous les lundis nous raconter ce qui se passe sur le fonctionnement
des centres de main-d'oeuvre, alors qu'on s'attendrait que là, à
cause même de la définition de tâche donnée aux
fonctionnaires, il y ait la plus grande communication possible, et c'est
agaçant. Je pense bien qu'il n'y a pas de problème, la loi,
à ce point de vue, ne viendra pas empêcher ces gens de continuer
de faire leur travail, au contraire.
Il y en a d'autres dont la définition de tâche n'est pas du
même ordre et qui, au contraire, par définition, accomplissent un
travail qui les contraint, à toutes fins utiles, à garder pour
eux les informations qu'ils détiennent ou à ne les communiquer
qu'à des personnes à qui elles doivent être
communiquées par définition, c'est-à-dire un
supérieur hiérarchique. Dans ce contexte, c'est là que
peut se poser le problème du coulage des documents qui sortent alors
que, normalement, ils devraient être confidentiels. Est-ce que votre
perception de la fonction publique, telle que vous la connaissez, au niveau, en
tout cas, du milieu des professionnels, est un peu à cet effet? (17 h
15)
M. Lecourt: Vous en faites une description tellement
négative que... Vous êtes en train de dire que là où
la population doit avoir des services, elle ne les a pas, et là
où les informations ne devraient pas se rendre aux citoyens, elles se
rendent. J'avoue que c'est difficile de répondre, ce n'est pas une
question, c'est une opinion que vous émettez, jusqu'à un certain
point.
M. Bertrand: J'essaie de comprendre votre remarque sur les
relations avec les citoyens. Vous craignez, jusqu'à un certain point,
que la création du poste de responsable de l'accès puisse
siqnifier qu'un fonctionnaire ne pourrait plus répondre sans
autorisation aux demandes d'information des citoyens, même pour les
sujets les plus anodins. Cela veut dire que la loi ne doit pas servir
d'éteignoir à l'égard de la faible marge de manoeuvre dont
disposent déjà les fonctionnaires, sur le plan de l'information,
sur le plan de la divulgation des documents.
M. Lecourt: Quant à la question, si je peux essayer de
l'illustrer concrètement, comme je vous ai souligné tantôt,
il y a certains organismes gouvernementaux qui pratiquent le culte du secret et
c'est poussé à l'extrême. Dans d'autres cas, il y a une
certaine ouverture. Si vous travaillez, comme cela arrive souvent, dans un
organisme gouvernemental qui doit être en relation avec des entreprises,
des groupes de citoyens, etc., et il y a une politique relativement ouverte de
communication, d'information, qui n'est pas, de par leur nature même,
confidentielle, qui ne touche pas des individus, mais par exemple, l'organisme
produit une recherche... Vous êtes dans un ministère, j'en prends
un que je connais bien, Travail et Main-d'oeuvre, pour y travailler, vous
communiquez relativement facilement des informations, des recherches, à
des syndicats, à des employeurs, sur des conventions collectives, sur
l'état du marché du travail, si vous avez toute une structure qui
se met en place de responsable de l'accès à l'information, la
question qu'on se pose est la suivante: est-ce que les informations qui
circulaient relativement librement par un canal que je qualifierais d'informel,
pas un canal secret, parce que ça ne fait pas la manchette des journaux
comme des révélations extraordinaires... est-ce que vous ne
mettrez pas en place une structure très étroite où, tout
à coup, il arriverait une directive qui va dire: désormais, pour
toute demande d'information émanant du service de recherche, ça
doit passer par tel individu. C'est simplement une espèce de mise en
garde pour éviter qu'on multiplie les contrôles
bureaucratiques.
On a posé la question peut-être de la mauvaise
façon, mais je peux la reformuler. Il s'agit du titre ou poste de
responsable de l'accès à l'information, quelle va être sa
place dans les ministères et organismes?
M. Bertrand: Je pense pouvoir répondre à votre
question en disant que peu importe l'existence de cette personne, de son poste,
de sa responsabilité, ça ne doit entraver en rien le
fonctionnement normal de l'appareil administratif, et que tous ceux dont c'est
la responsabilité de fournir de l'information et de communiquer avec les
gens de façon formelle ou informelle, à cause même de la
nature de leur tâche, ils doivent se sentir on ne peut plus libres de le
faire et même de l'accentuer dans certains cas, parce que la population a
l'impression, dans certains cas, qu'effectivement, il est très difficile
d'entrer en contact avec l'appareil administratif, pour un certain nombre de
choses.
M. Lecourt: Dans votre remarque, vous
souleviez un tout autre problème qui pourrait faire l'objet d'une
discussion intéressante en commission parlementaire, mais c'est tout le
problème de l'accès des services à la population et la
qualité des services, dans un sens.
M. Bertrand: Le problème de la relation entre
l'État et le citoyen nous préoccupe au plus haut point. Il y a
des députés autour de la table, et c'est la situation qu'on vit,
surtout à Westmount, où on doit effectivement se bousculer
à la porte du bureau du député tous les lundis matin,
à cause de problèmes de chômage. Une des remarques qui nous
est souvent faite par les citoyens, c'est que là où on
s'attend... c'est pour ça qu'on a mis en place des politiques
d'identification visuelle, d'identification sonore, il y a un problème
de contact et de relation très réel. Bien loin de souscrire
à la crainte que vous avez, je me dis: II faut que les fonctionnaires
aient le sentiment que la création d'un tel poste et l'introduction de
la loi d'accessibilité à l'information gouvernementale ne les
dégage pas de la responsabilité qu'ils ont et qu'ils doivent
continuer d'avoir, de maintenir des relations avec les citoyens.
M. Lecourt: Simplement pour vous situer un peu dans la fonction
publique, ce à quoi vous faites référence, ce sont les
services directs à la population. On s'en préoccupe comme
syndicat, mais moins directement, si vous voulez, que peut-être d'autres
syndicats de la fonction publique, parce que les membres qu'on
représente sont rarement dans une situation de fournir directement des
services à la population. La préoccupation, on l'a comme
organisme. Quand on parle de négociations, ces questions sont
abordées. La préoccupation qu'on a voulu exprimer, c'est un peu
par rapport à la situation des membres de notre syndicat qui travaillent
souvent dans des activités de recherche ou de suivi, d'application de
lois et de règlements, mais un peu derrière le public
immédiat, le grand public, comme citoyen individuel. Il s'est
établi dans certains organismes des relations où se transmet
relativement librement l'information qui n'est pas confidentielle à sa
face même, par toutes sortes de canaux, de relations avec des
entreprises, des organismes, des groupes de citoyens. On ne voudrait pas, je ne
veux pas revenir sur la remarque de tantôt. C'est surtout notre
préoccupation d'éviter de créer de nouveaux canaux
bureaucratiques. C'est un peu le souci de votre gouvernement et de l'Opposition
aussi, de ce temps-là.
M. Bertrand: Pour répondre à votre question,
effectivement, là n'est pas notre intention. Au contraire.
M. Lecourt: Je pense qu'il y a un autre élément qui
est fort important. Quand on va arriver à l'application concrète
de la loi, cela devrait se traduire dans des conventions collectives, cela
devrait se traduire par des règles administratives. Le mémoire
n'insiste peut-être pas assez là-dessus. Il est important aussi
d'accorder une protection au personnel de la fonction publique par rapport
à la loi, dans le sens d'avoir véritablement un droit d'appel si
l'individu est présumé avoir fait des fuites ou encore
présumé cacher sciemment de l'information. On a accueilli le
rapport de la commission comme une volonté réelle d'ouverture. Je
souligne, entre autres, l'abolition du serment de discrétion qui a un
caractère très féodal. On ne voudrait pas que ce soit
remplacé par un autre mécanisme qui soit tout aussi
contraignant.
M. Bertrand: On a bien réfléchi nous aussi pour
savoir si cette loi n'allait pas nous donner une ouverture quelconque pour
qu'on puisse abolir notre serment d'allégeance. Il semble que non.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Westmount.
M. French: Je voudrais toucher une situation où vos
membres se trouveraient un peu plus souvent en contact direct avec le grand
public, c'est-à-dire la publication ou la divulgation d'une de vos
études, d'une analyse faite par un de vos membres, et les
retombées négatives possibles dont vous n'avez pas parlé,
mais je sais pour l'avoir vécu que ce n'est pas facile d'être
compris dans le grand public. J'ai écrit un document qui était
dirigé vers une fin et qui est conçu ou compris, lu pour avoir un
tout autre objectif.
D'abord, le ministre dit: C'est la plus grande folie que j'aie vue de ma
vie, je n'ai rien à faire avec cela. C'est stupide. C'est un de mes
fonctionnaires. Deuxièmement, les journaux commencent à s'en
occuper. Ils font toutes sortes de commentaires. Ton nom est utilisé
librement. Tu n'as aucune possibilité de faire comprendre ton optique
dans tout cela. Troisièmement, si on a fait ces recommandations dans un
cadre politique assez contraignant, ce qu'on fait souvent, parce qu'on sait
qu'il y a un nombre de possibilités, politiquement parlant, et on ne dit
pas explicitement dans le document: Écoutez, je pense qu'on devrait
faire ceci, mais tout le monde sait que c'est impossible avec ce gouvernement.
Donc, je vous recommande de faire cela. C'est le meilleur compromis que je
puisse imaginer, le plus près de l'objectif visé, celui que je
trouve professionnellement le meilleur. Tout cela échappe totalement
à l'attention du public aussi. Je vous pose la question: Est-ce que
vous avez des craintes à ce sujet? Est-ce que cela vous
préoccupe? Est-ce que vous avez mentionné à vos membres la
possibilité que cela arrive?
M. Lecourt: II peut y avoir des situations difficiles ou
malencontreuses à l'égard d'un ou de plusieurs de nos membres
parce qu'une étude serait publiée dans la plus totale
légalité au bout d'un délai. C'est inévitable; je
pense qu'on est ici en face d'un choix entre deux types de contraintes. En tout
cas, c'est le raisonnement auquel on est arrivé. C'est que vous avez,
d'une part, une certaine contrainte de travailler dans le secteur public, dans
le sens suivant: c'est que vous travaillez dans un organisme dont l'ensemble
des citoyens est propriétaire et, par conséquent, on est
redevable à l'ensemble des citoyens. Cela fait partie de la contrainte
de travailler dans le secteur public. Ce que vous allez faire, c'est public par
opposition à la plus grande partie des activités dans une
entreprise privée. C'est une contrainte, mais vous pouvez la mesurer
aussi par opposition à une situation souvent vécue par nos
membres, la contrainte du secret, à ce à quoi tantôt M. le
ministre faisait allusion, soit la frustration de bon nombre de professionnels
de ne jamais voir leurs travaux se rendre autrement que sur la tablette
"décédés". Je pense que la perception de la
majorité de nos membres, c'est de faire face au premier type de
contraintes, de dire: Cela peut se produire, cela fait partie du travail dans
le secteur public, dans les services publics.
M. French: C'est une arme à deux tranchants, mais vous
êtes prêts à faire le pari.
M. Lecourt: C'est sûr. Ce que je veux souligner, c'est que
- cela a été souligné par différents intervenants
ici, autant du côté des députés que du
côté des organismes qui témoignent - une loi comme
celle-là impose des contraintes, mais c'est le choix politique qui est
à faire. Quant à nous, comme organisme de représentation
et de pression, on fait le choix en faveur de l'ouverture et de la
liberté, avec les contraintes que cela représente.
M. French: Une des mesures que vous avez imaginées pour
améliorer cette situation, c'est le droit d'ajouter un addendum quand le
document est pour être publié. Si j'ai bien compris, l'auteur du
document aurait le droit, d'après vos recommandations, ou peut avoir le
droit d'ajouter un addendum, explications, apologie, je ne sais quoi, quand le
document est pour être publié. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Hardy: L'idée, M. le Président, d'ajouter une
note va dans le sens suivant: par exemple - je vais essayer de prendre un
exemple concret - un agronome arrive à la conclusion que tel champ ou
telle région est propice à telle culture. Il produit une analyse
et fait des avis et recommandations dans ce sens. Or, quelques mois plus tard
ou quelque temps plus tard, il se produit un épandage d'insecticide ou
de je ne sais trop quel produit qui fait en sorte que le document qu'il a
déjà produit, l'avis ou la recommandation qu'il a
déjà fournis pourraient nécessairement être
différents. À ce moment-là, on pense que l'auteur pourrait
être nécessairement autorisé à ajouter une note au
document faisant la mise au point que les conditions ont amené que les
informations que renferme le document ont besoin d'être analysées
à nouveau ou quelque chose comme cela.
M. French: Cela me paraît tout à fait acceptable
dans une telle situation. Par contre, je dois encore une fois évoquer
une situation un peu plus contestataire. Au point de vue politique, ce serait
extrêmement dangereux qu'un fonctionnaire ait le droit de faire un
commentaire public, "one shot", une fois, au moment de la publication pour
essayer en quelque sorte d'alléger, de changer, de tailler aux besoins
politiques du moment le document en question. Est-ce que cela
n'amènerait pas inévitablement le fonctionnaire en question
à devenir une espèce d'acteur politique, une espèce
d'agent politique?
M. Hardy: Dans notre esprit, il n'était pas question de
donner au fonctionnaire un droit de réplique sur son avis, mais bien de
parfaire son avis ou, au moins, d'aviser le public que l'avis, la
recommandation ou l'analyse qu'il fait pourrait être différent
compte tenu d'un changement dans les faits. (17 h 30)
M. French: Quant à vos interrogations sur le statut du
responsable de l'accès à l'information, il y avait au moins deux
problèmes. Si j'ai bien compris, dans un cas où un de vos
membres, qu'il soit préposé ou non, n'est pas d'accord avec les
autorités supérieures de l'organisme quant à l'application
d'une exception quelconque, vous voudriez que ce fonctionnaire ait le droit de
comparaître devant la commission pour plaider le cas pour l'application
ou la non-application, le cas échéant, d'une exception en
particulier. Est-ce que j'ai bien compris?
M. Hardy: C'est en partie cela. Le problème qu'on pressent
est le suivant: Si un fonctionnaire croit qu'un document doit être rendu
accessible selon sa compréhension de la loi et que son supérieur
croie au contraire qu'il ne doit pas l'être ou bien l'inverse, à
ce moment-là, nous croyons, étant donné
qu'il y a quand même des poursuites possibles que la commission
peut prendre à l'endroit des deux, qu'il serait préférable
que la commission puisse arbitrer les litiges de cet ordre avant d'en arriver
possiblement à poursuivre un fonctionnaire.
M. French: Je voudrais clarifier cela. Dans mon esprit, cela
devient un outil de relation de travail qui risque de distorsionner un peu le
fonctionnement de la commission, mais je ne pense pas que la commission ait le
droit d'actionner un fonctionnaire en particulier, je pense que c'est le
requérant, peut-être que je me trompe? Je ne pense pas que la
commission...
M. Lecourt: La commission a droit de poursuite en vertu de
l'article 145.
M. French: II me semble que ce qui est critique, c'est à
la page 36, c'est justement le statut du responsable de l'accès. Vous
dites: Ils sont responsables de leurs actes devant la commission de
l'accès, mais quels comptes doivent-ils rendre à leurs
supérieurs ou à celui qui leur a délégué des
responsabilités? Ont-ils un lien d'autorité sur les autres
fonctionnaires? À qui et comment doivent-ils acheminer les demandes?
Quant à leur statut, il me semble qu'ils ont un statut
très étroit, c'est dire au grand public à qui faire les
démarches pour amorcer le processus d'accès. Ils n'ont pas,
d'après moi, au sein de la fonction publique et au sein de leur
ministère, plus de responsabilités que cela. Dans le fond, si on
parle d'une institution ministérielle, chaque décision quant
à l'application d'une exception devrait se prendre au nom du ministre;
elle devrait relever du sous-ministre et du ministre, elle ne devrait pas
mettre en péril le fonctionnaire ou ses collègues. Comme
n'importe quelle autre décision politique ou décision
administrative qui se prend au sein du ministère, cela relève du
ministre ultimement. Je verrais d'un très mauvais oeil que l'individu se
sente déchiré entre une influence politique qui vient de ses
supérieurs et ses propres convictions quant à l'application de
l'exception, etc. Le noeud de la chose est entre le requérant, la
commission et le ministère ou organisme comme entité et pas entre
un des membres de votre syndicat ou un fonctionnaire quelconque et les autres
participants dans le système.
M. Lecourt: Un des problèmes qui se posent et qui
devraient être résolus c'est que vous avez une perception du
râle du responsable comme étant une espèce de personne qui
se situe entre l'appareil de son ministère et un citoyen ou un organisme
requérant. Ce n'est pas si évident par les pouvoirs qui sont
confiés au responsable de l'accès. Cela peut se lire autrement,
cela peut se voir tout aussi bien comme ceci: Cette personne, à
l'intérieur d'un ministère, a le pouvoir d'ordonner à
certaines directions de transmettre l'information qu'elles possèdent, le
pouvoir d'interpréter la loi pour l'organisme concerné. Cela
n'empêche pas le droit d'appel du requérant qui se sentirait
lésé mais elle a le pouvoir de dire: Ce document n'est pas
accessible. Si le requérant n'est pas d'accord, il fera appel. Ce n'est
pas clair. C'est cet aspect qu'il est important...
M. French: Ma perception serait qu'il a la responsabilité
de conseiller le ministre et le sous-ministre à ce sujet, mais n'a pas
le pouvoir de prendre une décision. Si, dans les faits, il prend une
décision, ce n'est pas pertinent quant à la responsabilité
ultime de la décision. On sait très bien que les fonctionnaires
prennent des décisions constamment, mais, dans le fond, c'est le
ministre qui prend des décisions. Et si je pose une question, le
ministre ne me dit pas: M. le député de Westmount, allez voir mon
fonctionnaire. II dit: Oui, d'accord, c'est correct, ce n'est pas correct. Je
ne pense pas que cette décision... Je verrais d'un mauvais oeil une loi
qui changerait cette situation quant à cette loi.
M. Lecourt: Je comprends, mais, sous l'angle de l'employé,
du professionnel, c'est sûr qu'en dernier ressort, vous êtes
toujours dans une situation décisionnelle déléguée
sauf que si, par exemple, un ingénieur membre de notre syndicat commet
une faute professionnelle, il va être poursuivi comme individu. Il peut
être poursuivi conjointement avec son employeur, mais il a exercé
un pouvoir de décision délégué. La même
question va se poser à nouveau au niveau de l'application de cette
loi.
M. French: Je vous suqgère que, s'il a fait une erreur de
bonne foi, suivant les règlements de son ministère ou de son
organisme, ce serait une excellente défense de sa part. Et une telle
situation ne couvre jamais la situation de faute professionnelle, une telle
défense ne serait pas valable dans un tel cas.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Nicolet.
M. Beaumier: Tout d'abord, je remercie le Syndicat de
professionnels de ses excellentes suggestions et même de ses dispositions
prometteuses. Quand vous parlez par exemple de réduire le délai
pour répondre à une demande d'information de 20 jours à 15
jours et la prolongation de 10 à 5 jours, je trouve que cela
dénote une attitude nettement positive et qui va à l'encontre
souvent des critiques auxquelles faisait allusion tantôt le
ministre. C'est tout à votre éloge.
Ce qui m'inquiète ou ce sur quoi je m'interroge actuellement,
cela concerne les délais de libération d'un document. Vous
suggérez entre autres que le délai de dix ans, qui est
prévu à l'article 29, soit remplacé par un accès
à ces mêmes renseignements dès la signature de la
convention collective.
Vous alléguez aussi comme exemple les études qui sont
réalisées dans le cadre de la préparation d'un budget et
qui sont secrètes jusqu'à ce qu'il y ait dépôt de ce
même budget. Ce qui m'inquiète, je pense que vous devez l'imaginer
tout de suite, c'est que des stratégies de négociation, quand on
sait l'impact que cela peut avoir au point de vue social et au point de vue
économique, comportent un certain nombre de désavantages,
à prime abord, comme de les rendre disponibles dès la signature
de la convention et je ne vois pas, d'autre part, d'avantages, sauf le principe
de l'accès à l'information.
D'ailleurs, dans le rapport Paré, à la page 41, la raison
pour laquelle les commissaires ont décidé de limiter la
durée de cette exception à dix ans, c'est qu'on
considérait que c'était un temps pendant lequel les
stratégies de négociation et les conditions
socio-économiques sont susceptibles de changer suffisamment pour
permettre une large divulgation.
Ce que j'aimerais savoir de votre part, c'est votre opinion sur deux
choses, que vous nous expliquiez davantage quelles seraient les raisons pour
lesquelles vous voudriez que ce soit dès le lendemain de la sigqnature
de la convention collective et, d'autre part, si vous avez un peu approfondi
l'impact social que pourrait avoir la divulgation de tels renseignements,
surtout concernant la stratégie de négociation.
M. Hardy: À la deuxième partie de votre question,
si nous avons approfondi longuement l'impact social, la réponse est
négative. On n'a pas eu le temps de le faire.
Quant à la première partie de la question...
M. Beaumier: Excusez. Sur la deuxième partie, quelle
serait votre réaction première. Si vous n'avez pas eu le temps
d'approfondir, moi non plus d'ailleurs, mais quelle serait votre
réaction? La mienne me semble un peu négative. Mais je voudrais
savoir la vôtre.
M. Hardy: La nôtre serait plutôt positive dans le
sens où cela pourrait assainir les relations. On parle de
stratégie de négociation dans le cadre d'une convention
collective. Je pense que cela pourrait assainir les relations qui,
nécessairement, dans le cadre d'une négociation, opposent deux
parties. Si nous avons proposé de ramener à la fin,
c'est-à-dire au moment de la conclusion de la convention collective, le
délai de dix ans, c'était d'abord et avant tout en
réaction très forte au délai de dix ans que nous trouvions
très long. Notre position émane de la comparaison que l'on fait
avec les études du budget. On pense qu'effectivement dans le cadre d'un
budget, les décisions et les stratégies qui amènent la
constitution d'un budget sont aussi très importantes et si, dans ce
cadre, les analyses peuvent être disponibles dès la remise du
budget, on pense que pour un secteur particulier, comme le cadre d'une
négociation, il pourrait en être de même.
Quant à la durée de dix ans à zéro, s'il y
avait un moyen terme, comme je vous l'indiquais tantôt, notre
réaction était d'abord que le délai de dix ans nous
semblait assurément très long et uniquement de nature à
conserver le climat dans lequel se déroulent les négociations, ou
du moins celles qu'on a connues récemment.
M. Lecourt: Je peux peut-être ajouter deux choses. On se
fait fort en période de négociation, du côté
patronal, d'invoquer que dans le secteur public, cela représente de 50%
à 75% selon les sous-secteurs les coûts salariaux et autres des
négociations. D'autre part, on se fait fort aussi de parler des effets
d'entraînement, sur le secteur privé, des négociations dans
le secteur public. Donc, on met l'emphase sur l'importance des
négociations pour la société québécoise et
sur le fait de bien savoir à quoi on s'engage. Les négociations
se produisent aussi dans un contexte où, du côté patronal,
à cause de la structure décisionnelle, on peut pas mal plus
facilement garder le secret sur les mandats et les stratégies. Le
débat se fait pas mal plus à huis clos. En milieu syndical, c'est
difficile de garder le secret, parce que les décisions se prennent
à plusieurs, de sorte qu'on se retrouve un peu en termes de
déséquilibre même pendant le coup, pendant que cela se
passe. On ne demande pas que les stratégies soient
dévoilées au fur et è mesure qu'elles se préparent,
mais vous êtes déjà dans un déséquilibre
pendant que se passent les négociations. À la fois parce que vous
êtes dans un déséquilibre et à la fois parce que
c'est censé être si important, il me semble qu'il n'y a pas lieu
de cacher plus longtemps ce qui s'est passé. C'est sûr que cela
peut avoir un impact social, mais la loi va avoir un impact social
inévitablement en faisant connaître... On n'a qu'à rappeler
ce qui s'est passé aux États-Unis avec la loi, même dix ou
quinze ans après que certains événements se soient
produits. Le fait de les connaître a un impact social, mais c'est le but
de la loi, ou plutôt, c'est l'effet.
M. Beaumier: Mais prenons la pire hypothèse ou la
meilleure, - cela dépend de quel côté on est. Après
une entente, une convention collective signée, les stratégies
sont mises à la lumière dès le lendemain. Imaginez si
jamais il y avait eu une stratégie inacceptable ou des aspects qui
seraient à relever avec aussi les éléments de rancoeur qui
peuvent arriver à la suite d'une convention alors qu'il y a eu entente -
quand il y a eu entente, il y a eu entente, finalement - vous ne trouvez pas
que ça pourrait tout simplement rejeter de l'huile sur le feu? S'il n'y
avait pas eu entente, c'est un autre problème. D'autant plus qu'on sait
très bien - j'en avais parlé tantôt - que le budget, quand
même, ce sont des études, ce ne sont pas des négociations
entre des partenaires sociaux, c'est sur une durée d'un an, ce sont des
études, ce n'est pas du tout le même poids d'investissement, au
point de vue humain, au point de vue social et économique, que celui que
peut avoir des négociations surtout dans les secteurs public et
parapublic. (17 h 45)
Quand on dit dix ans, c'est trois négociations. On sait
très bien que d'une négociation à l'autre ça se
tient quand même un peu. C'est ce que semble dire le rapport Paré:
Au bout de dix ans, les méthodes et les stratégies de
négociation et le contexte socio-économique ont suffisamment
changé et on se donne une chance que, une fois dévoilé,
ça pourrait servir aux historiens, mais non à continuer
peut-être un conflit social ou une mésentente sociale qui a
duré assez longtemps que, quand ça se ferme avec une convention
collective, c'est aussi bien de passer à autre chose. C'est mon
inquiétude.
M. Lecourt: C'est difficile de trancher clairement au couteau les
situations sociales avant de les avoir vécues et de les évaluer.
Je pourrais très bien vous répondre que le fait de divulguer
ça, c'est vrai que ça peut créer, à court terme, un
bouleversement, mais le fait de ne pas divulguer une stratégie qui peut
s'avérer, dans l'avenir, suicidaire, une stratégie, par exemple,
fondée sur la menace, une fausse menace, peut très bien provoquer
du succès et, à un moment donné, une entente. La prochaine
fois, on dit: Cela a bien marché, on l'essaie à nouveau, et
ça provoque un conflit peut-être beaucoup plus grand que le fait
de connaître une stratégie plus ou moins douteuse. C'est difficile
d'évaluer concrètement, mais je pense qu'il y a une question
d'équité entre les parties, aussi, qui est en jeu
là-dedans. Vous avez l'avantage de pouvoir garder les choses plus
secrètes que l'autre partie.
M. Beaumier: Les stratégies syndicales doivent être
tout aussi secrètes. Stratégie pour stratégie, ça
me semble secret. Merci bien.
M. Hardy: Rapidement, sur ce point comme sur beaucoup d'autres
points, nos propositions tiennent compte du fait que la loi, dans cinq ans,
sera réévaluée. Nos propositions sont aussi
marquées de ce désir: entre le risque de conserver les choses
secrètes et l'ouverture et l'accès du public au plus grand nombre
de renseignements, nous préférons le risque d'une ouverture. S'il
devait se poser des problèmes phénoménaux, si on s'en rend
compte, on pourra toujours réviser dans cinq ans. Entre le risque de
priver le public de renseignements auxquels on pense qu'il devrait avoir
accès et le risque que d'éventuels problèmes se posent,
nous préférons celui de l'ouverture.
M. Bertrand:... réévaluer.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie les
représentants du Syndicat de professionnels du gouvernement du
Québec, et j'invite maintenant MM. André Beaulieu et Louis Doyle
à prendre place et à nous présenter leur
mémoire.
Cependant, avant que ces personnes présentent leur
mémoire, je veux informer les membres de la commission que l'Association
des cadres supérieurs du gouvernement du Québec, qui devait
présenter un mémoire cet après-midi, ne sera pas en mesure
de le faire étant donné que son président, qui
était chargé de la présentation du mémoire, ne peut
se présenter devant nous pour un cas de force majeure. Cependant, le
mémoire de l'association a été reçu et les membres
de la commission en ont pris connaissance. À ce moment-là, je
pense bien que ce sera inscrit...
M. Bertrand: II sera analysé, en tout cas.
Le Président (M. Rodrigue): II sera analysé dans le
cadre des...
Une voix: Est-ce qu'il sera inscrit?
M. Bertrand: Non, parce que c'est une nouvelle politique qu'ils
ont décidée.
Le Président (M. Rodrigue): On n'inscrit pas les documents
aux procès-verbaux. Cependant, il a été reçu et
ça fera partie des documents qui seront consultés lorsqu'il
s'aqira de préparer un projet de loi. Alors, qui de vous doit
présenter le mémoire?
MM. André Beaulieu et Louis Doyle
M. Beaulieu (André): En fait, le mémoire va
être présenté conjointement par
l'une et l'autre personnes, à tour de rôle.
Le Président (M. Rodrigue): Vous êtes monsieur?
M. Beaulieu: Mon nom est André Beaulieu et, à ma
droite, Louis Doyle.
Le Président (M. Rodrigue): Je vous remercie.
M. Beaulieu: Depuis 1977, nous avons été parmi les
rares observateurs assidus de la scène municipale à
Québec. De cette expérience, nous entendons faire profiter la
commission parlementaire, tout au moins en ce qui regarde l'inclusion des
paliers locaux de gouvernement au régime d'accès à
l'information que s'apprête à édicter l'Assemblée
nationale du Québec.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, pour dissiper ou éviter tout
malentendu, nous tenons à préciser immédiatement que nous
ne sommes membres d'aucun parti municipal à la ville de Québec,
que nous n'avons jamais milité dans l'organisation de l'une ou l'autre
des formations politiques à Québec et que nous n'avons pas
contribué financièrement à leur caisse
électorale.
M. le Président, peu de questions ont un lien aussi direct avec
la crédibilité des institutions démocratiques que
l'accès du citoyen à l'information gouvernementale. Pour s'en
convaincre, il suffit de se rappeler ce que disait la ville de Québec
dans son mémoire à la commission Paré: "D'autre part, si
nous voulons susciter chez les citoyens un plus grand intérêt
à l'endroit des affaires publiques et de l'administration de leurs
institutions politiques dont ils élisent les dirigeants, il importe de
leur rendre accessibles les informations leur permettant d'apprécier la
qualité de leurs mandataires et le bien-fondé des
décisions qu'ils prennent. "
En fait, c'est non seulement le droit d'accès du citoyen à
l'information gouvernementale qui est en cause, mais son droit à
l'information tout court. À l'heure du rapport Kent, on doit
reconnaître le droit des citoyens à toute l'information "leur
permettant - je fais référence encore une fois au mémoire
de la ville de Québec -d'apprécier. à leur juste valeur
les administrateurs publics dans les décisions qu'ils prennent à
ce titre. "
À une presse libre et franche, doit s'ajouter, dans
l'intérêt de la démocratie, une façon de gouverner
qui inspire la confiance. C'est cette lutte pour la simple vérité
des faits que livre présentement le peuple polonais et ce devrait
être le souci constant des gouvernements responsables. Autant l'homme
politique doit se tenir constamment informé des désirs et de la
volonté de la population, autant il ne doit reculer devant aucun effort
pour accroître le nombre et la qualité des moyens offerts aux
citoyens pour exercer un contrôle permanent sur l'action des élus.
Sans le droit à l'information, le droit de vote est une simple
mascarade, car le principe du droit du public à l'information nous
ramène, comme on peut le lire dans le livre blanc sur la culture, aux
conditions premières de la vie démocratique. Une personne bien
informée est un citoyen, une personne mal informée est un
sujet.
Le principe de la proposition de loi qui vous a été
soumise par la commission Paré. Au lendemain de l'adoption de la loi sur
le financement des partis politiques, tous ont remarqué qu'un grand pas
venait d'être franchi pour redonner aux institutions démocratiques
la crédibilité que les caisses électorales occultes leur
avaient fait perdre. En même temps que les exigences de divulgation et
que les contraintes de financement provoquaient, par leur seul effet dissuasif,
un desserrement de l'étreinte des intérêts particuliers sur
un certain nombre d'hommes et de formations politiques influençables la
confiance des citoyens en la capacité des institutions
démocratiques de servir l'ensemble des citoyens était raffermie.
Un deuxième pas restait cependant à accomplir. Le rapport
Paré sur l'accès du citoyen à l'information
gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels montre la
voie à suivre. "Nul n'est censé ignorer la loi", dit la maxime
bien connue. À une époque où le système juridique
écrit comprend quelques centaines de lois et d'innombrables
règlements - une moyenne de 700, avons-nous lu, au cours des
années 1975, 1976 et 1977 -cette obligation du citoyen de
connaître l'étendue de ses droits n'a plus le caractère
raisonnable qu'elle pouvait avoir à l'époque où le
souverain faisait crier sa volonté sur la place publique. Il est vrai
que les lois et règlements bénéficient de nos jours d'une
large publicité, d'une large diffusion. Mais on doit reconnaître
que bon nombre de normes, de directives restent le secret jalousement
gardé des gestionnaires de l'État. Bien que ces documents ne
soient pas toujours de compréhension aisée, la commission
Paré fait de leur accès facile une condition préalable
à l'instauration d'un rapport plus équilibré entre les
citoyens et la machine bureaucratique. C'est là, à notre avis, la
seule façon de s'assurer une fois pour toutes que la croissance de
l'État ne se fera pas au détriment de la liberté et des
droits des individus.
La menace encore plus dramatique de voir les instruments du bien
collectif passer entre les mains des "appétits particuliers"
-l'expression est de la commission Paré - a déjà conduit
le législateur à limiter et contrôler l'accès des
caisses électorales. Un souci de transparence devrait aujourd'hui
l'amener à adopter le régime d'accès à
l'information gouvernementale que lui propose la commission Paré,
car non seulement l'intérêt public doit toujours avoir
été bien servi - ce dont on doute moins depuis l'entrée en
vigueur de la loi sur le financement des partis - mais il doit apparaître
également hors de tout doute avoir été bien servi.
À cet égard, la connaissance publique des documents,
études et rapports qui ont amené le gouvernement à faire
des choix, écarter des options ou différer des décisions
semble être comme une sorte de prérequis à l'immergence de
la conviction ferme que l'intérêt public a été bien
servi, vraiment bien servi. En ce sens, la loi tant attendue sur l'accès
à l'information gouvernementale aura valeur pédagogigue et
contribuera, mieux que n'importe quelle publicité électorale,
à former une opinion publique éclairée.
Puisque le gouvernement du Parti québécois s'est
déjà presque sans réserve engagé à donner
suite aux recommandations de la commission Paré, il n'y a pas lieu
d'appuyer davantage la justification d'un régime d'accès
très large à l'information gouvernementale. Quelgues
hésitations du ministre des Communications sur la portée de la
future loi nous incitent cependant à formuler un certain nombre
d'observations sur la nécessité d'étendre son champ
d'application aux paliers locaux de gouvernement et plus
particulièrement les municipalités. C'est ce qui a fait
d'ailleurs l'objet hier d'un mémoire de l'Union des municipalités
du Québec. C'est un peu à cela que notre mémoire veut
répondre.
Sur l'opportunité d'étendre l'application de la loi, dans
une entrevue récente à la presse, le ministre des Communications
exprimait ses hésitations sur l'application de la loi aux
municipalités, "parce que cela ne faisait pas partie du mandat de la
commission. "
M. Bertrand: Je vais finir par croire que je l'ai vraiment
dit.
M. Beaulieu: On est bien heureux que vous ne l'ayez pas dit, si
vous voulez mettre un doute dans notre esprit.
S'il apparaissait évident que l'intérêt public
serait mieux servi en ne faisant aucun cas du droit politique d'un contribuable
ou d'un résident d'une municipalité à l'information, on
pourrait s'accommoder de l'interprétation passablement restrictive du
ministre. Mais nous croyons qu'il saute plutôt aux yeux que
l'assujettissement des municipalités au régime d'accès
à l'information s'impose avec une urgence particulière.
Quand il a légiféré sur le statut de la langue
française, le gouvernement n'a pas eu l'idée, ni même la
tentation, d'exempter les municipalités des obligations
générales que la loi 101 faisait peser sur l'administration. Plus
étapiste, le gouvernement québécois ne s'est finalement
résolu à appliquer à toutes les municipalités du
Québec les règles relatives aux dépenses
électorales et au financement des partis politiques que trois ans
après les avoir imposées aux formations provinciales. Cette
constatation étant faite, il reste que l'intérêt public
à étendre le champ d'application des règles de 1977 aux
municipalités a bien fini par commander l'action du législateur.
Dans la mesure où il est permis de supposer que la
nécessité et la volonté populaire feront bien un jour
tomber les municipalités dans le camp des gouvernements transparents, on
voit mal, à la lumière de ces précédents, pourquoi
la loi projetée en reporterait l'échéance. La
démocratie est une matière sur laquelle le principe de
l'autonomie municipale ne devrait pas avoir de prise. Pour employer un terme
juridique, la démocratie n'est pas divisible.
D'ailleurs, l'information détenue par les municipalités a
été, faut-il le rappeler, au même titre que l'information
gouvernementale, obtenue grâce à des fonds publics. Le
contribuable d'une municipalité ne devrait pas avoir moins de droits que
celui d'une autre municipalité. Ce sont la plupart du temps les
mêmes.
Nous souscrivons donc à la recommandation de la commission
Paré de mettre sur un même pied, face aux citoyens, tous les
organismes représentatifs électifs. Constitutionnellement tenus
de répondre de leur gestion des deniers publics devant la population,
ils doivent être, sans exception, comme des livres ouverts. C'est un peu
cette idée qu'exprimait d'ailleurs, avec beaucoup plus de clarté,
le juge Dickson de la Cour suprême du Canada dans un arrêt
récent de la Cour suprême justement: Le Procureur
général de I'Alberta contre Putnam. Je vous invite à
prendre note de cette citation qui paraît au mémoire. Je ne la
reprendrai pas ici.
Partant de là, rien ne peut plus justifier le laisser-fermer - on
peut vraiment employer ce mot - et l'espèce de comportement
d'huître qui a prévalu jusqu'ici dans les hôtels de ville de
la province. Si la proposition de loi de la commission Paré avait eu
force de loi au cours des dernières années, la ville de
Montréal n'aurait pas pu négocier bien longtemps avec
l'architecte Taillibert sans avoir à communiquer des renseignements
à la population et à rendre des comptes à ses
contribuables. La ville de Québec n'aurait pas pu confier la gestion de
sa piste de courses à une compagnie à but lucratif sans que l'on
connaisse les vraies raisons qui ont présidé au choix de ce mode
d'opération. Le dossier du Colisée de Québec n'aurait plus
de secret pour nous. Pour peu qu'on les eut mis par écrit, les motifs
véritables de la destitution du secrétaire de
la CUQ seraient mieux connus de tous. Il est facile d'imaginer cent
autres cas ou le secours d'un régime d'accès aux documents des
organismes municipaux aurait assuré une meilleure protection de
l'intérêt public et un contrôle plus serré des
dépenses de deniers publics.
En terminant cette première partie, nous aimerions attirer
l'attention de cette commission sur le fait que la seule ville ayant fait
parvenir un mémoire à la commission Paré, la ville de
Québec, s'est prononcée en faveur de l'inclusion - j'ai bien dit
de l'inclusion - des municipalités au régime d'accès.
Assez ironiquement, la ville de Québec est la municipalité qui,
comme chacun le sait, s'est fait le plus tirer l'oreille pour appliquer chez
elle la démocratie municipale. Je rappelle la conclusion du
mémoire qui est vraiment savoureuse. "Une telle loi devrait
également - c'est la ville de Québec qui parle - établir
les principes régissant la divulgation des informations que
possèdent les municipalités sur leur administration et les
affaires de leurs citoyens et contribuables. "
Curieusement, l'administration municipale de Québec ne formulait
alors aucune espèce d'objection financière pour se soustraire au
régime d'accès à l'information. L'on comprend mal que
l'Union des municipalités du Québec ait plaidé devant vous
des considérations financières pour soustraire les villes
à l'application de la loi. (18 heures)
Cette question était en effet si peu préoccupante en 1980
que l'Union des municipalités du Québec n'a même pas
jugé bon de présenter un mémoire à la commission
Paré. La ville de Québec, qui a pourtant beaucoup d'imagination
quand il s'agit de repousser les réformes de la démocratie
municipale, n'a même pas évoqué l'aspect financier dans son
mémoire. D'ailleurs, on peut se demander si l'objection
financière continue d'avoir un certain mérite dans la mesure
où la proposition de loi confie à la commission provinciale la
responsabilité exclusive d'entendre les demandes de révision des
refus de divulguer de tous les organismes gouvernementaux y compris les
municipalités. Même si la réforme devait coûter
quelque chose à nos administrations municipales, il ne faudrait pas
oublier que la qualité de la vie démocratique dans nos conseils
de ville dépend du prix que l'on est disposé à payer pour
les sortir de la congélation.
Mon confrère Louis Doyle va terminer l'exposé. Je voudrais
ajouter une précision. On prend tellement le point de vue du citoyen
dans la présentation de ce mémoire, qu'on s'est placé
justement dans la position du citoyen pour aller chercher ce qu'on appelle une
information délicate. On l'a obtenue. On va vous raconter de quelle
façon cette information a été obtenue et quel était
l'intérêt de l'obtenir. Vous allez voir. C'est toute une
péripétie.
M. Doyle (Louis): La partie III, délibérations des
organismes municipaux.
À la page 23 du rapport Paré, les auteurs soulignent
qu'une partie considérable de la gestion de la chose publique se fait
par des corps politiques représentatifs créés par
l'État, entre autres, les municipalités, les communautés
régionales ou urbaines. Se référant à nouveau
à la qualité d'élus de ceux qui les composent, les auteurs
proposent à la page 24 que les organismes municipaux soient couverts par
la loi.
Une inclusion de principe, donc. Pas quelque chose qui tient de la
fantaisie des commissaires, mais un choix idéologique dicté par
la raison. Une inclusion de principe, avons-nous dit, mais une décision
sage également, renforcée, comme on peut le constater à la
lecture du rapport, par l'expérience peu reluisante de la
démocratie dans les arènes municipales. À ce titre, la
ville de Québec est un cas. Notre expérience du milieu appuie la
description tout à fait navrante qui tombe de la plume des commissaires
au beau milieu de la page 25.
Le conseil de ville de Québec ne siège pas à huis
clos. Sa charte l'en empêche. Par contre, tout l'incite à tenir
ses délibérations à une heure où la plupart des
gens sont occupés ailleurs: 17 heures. Contrainte d'ajouter une
période de questions à l'ordre du jour, l'administration
municipale a imaginé toute une série de pratiques restrictives
pour lui faire perdre son sens: une durée de quinze minutes,
chronométrée par le greffier, s'il vous plaît, sous le
regard intimidant d'un policier, généralement assez
musclé, sans possibilité d'échange avec le maire ou les
conseillers. Les réponses sont données d'une seule traite,
à la fin. Si la matière ne figure pas à l'ordre du jour,
il est nécessaire de faire le préenregistrement des sujets
plusieurs jours à l'avance. Comme celui-ci n'est connu que deux ou trois
jours avant la tenue de la séance, soit le samedi
précédant le lundi, il vaut mieux ne pas prendre de chance et
inscrire tous les sujets à la mode. Si leur formulation est trop vague,
le greffier se charge de faire préciser. Si la question posée
n'est pas en assez étroite relation avec le sujet enregistré, le
président de l'assemblée, ou le maire à l'occasion, la
déclare hors d'ordre.
Mais c'est mieux que rien et l'on réussit parfois à se
faire confirmer l'existence de certains documents intéressants. Leur
dépôt au greffe reste évidemment une question relevant de
la complète discrétion des autorités politiques.
Informée de la fréquence de ce genre de situation, la
commission Paré pose la
question: Comment espérer que des organismes qui restreignent le
droit reconnu par la loi aux citoyens d'assister à leurs débats
publics acceptent de libérer les documents qu'ils détiennent? La
page 25. Après avoir affirmé que le temps était venu de
s'assurer que les séances de délibérations des conseils
municipaux se tiennent vraiment au grand jour, les auteurs du rapport
écrivent: "Les électeurs doivent pouvoir vérifier ce qui
préoccupe leurs représentants et mieux évaluer leur
travail. " L'article 21 de la proposition de loi confirme donc, en plein accord
avec les principes de base, le caractère public des séances du
conseil municipal. On cherche en vain, cependant (probablement un défaut
de concordance!) une consécration de la période des questions
orales lors des séances des conseils municipaux. Inquiétant, cet
oubli l'est à double titre: rien n'est prévu pour empêcher
les villes de contourner l'obligation inscrite dans la loi 105; aucune loi
générale n'établira le droit de toute personne
présente lors des séances d'un conseil de ville d'interroger les
élus.
Étant donné que la ville de Québec aura plus de 20
conseillers après la prochaine élection, le 15 novembre 1981,
personne ne peut dire que son conseil ne la fera pas disparaître.
(L'article 77 de la loi 105). À l'instar de la commission Paré,
nous doutons fortement que le "repérage" des documents serait chose
facile en l'absence d'une période de guestions orales. L'accès
à un document, même facilité par la tenue d'un catalogue,
suppose parfois la connaissance préalable de sa pertinence. À
moins de se lancer dans des expéditions de pêche, ce qui
dénoterait de toute façon un mauvais esprit, le citoyen a peu de
chance de mettre la main sur toutes les pièces du puzzle si le droit
d'interroger les élus est nié ou trop restrictivement
encadré. Il y aurait donc lieu de modifier la proposition de loi de
façon à garantir l'existence de cette période de
questions, une mesure qui fait d'ailleurs l'envie de nos concitoyens des autres
provinces, s'il faut se fier à des reportages récents. Dans un
communiqué sur la conférence des ministres des Affaires
municipales à Winnipeg, M. Bissonnet dit: "Le ministre Léonard a
été le premier à s'adresser à ses collègues
des autres provinces à l'ouverture de cette rencontre. Après le
mot de bienvenue du président, le ministre des Affaires municipales du
Manitoba, M. Douglas Gurlay, M. Léonard a fait le bilan des nouvelles
lois québécoises qui réqissent le monde municipal, telles
les lois sur la nouvelle fiscalité municipale, l'aménagement du
territoire et la démocratie municipale. C'est cette dernière qui
a surtout retenu l'attention des participants. Cinq provinces ont, en effet,
posé de nombreuses questions au ministre Léonard sur l'obligation
faite à tous les conseils municipaux du Québec de tenir une
période de questions à l'intention des contribuables. "
Pour finir sur ce point, nous aimerions attirer l'attention de cette
commission sur une autre mission de la commission Paré. Il s'agit du
problème soulevé, mais non complètement
réglé, du caractère public des délibérations
"des organismes représentatifs électifs". La proposition de loi
vise plus particulièrement les délibérations des membres
d'un conseil municipal. Aucune mention n'est cependant faite de ces commissions
spécialisées où des représentants élus et
d'autres personnes non élues se partagent les sièges. C'est le
cas, par exemple, de certaines commissions d'urbanisme. Bien que l'on y
débatte des questions d'un grand intérêt public, le huis
clos absolu paraît être la règle dans la plupart des
municipalités.
De façon à donner une réponse législative
complète aux préoccupations de la commission Paré, il y
aurait peut-être lieu d'envisager pour ce genre d'organisme une formule
de huis clos relatif, à la manière de ce qui est d'ailleurs
prévu à l'article 21 de la proposition de loi. Pour l'information
de la commission, il existe à Cap-Rouge une commission d'urbanisme qui
siège toujours en public sans que cela ait jamais lésé
personne.
Les renseignements corporatifs. En marge de nos préoccupations
municipales, d'autres aspects concernant le droit d'accès du citoyen
à l'information nous inspirent les réflexions suivantes.
Dans un article de la Presse du 13 juin 1981, Marc Laurendeau rappelait
avec justesse que le projet de loi fédéral comportait une
particularité intéressante. Alors que le rapport Paré est
silencieux sur le sujet, l'article 49 du projet de loi C-43 place sur
l'administration le fardeau de la preuve pour démontrer qu'elle a une
raison valable de refuser l'accès à un document. Voilà un
élément qui serait plus à sa place encore dans un
régime comme celui que le rapport Paré met de l'avant. Lorsque le
principe général de l'accès est la règle, une telle
présomption se justifie, en effet, davantage sur le plan juridique et le
risque de voir la liste des exclusions à la divulgation frustre le droit
du public à la communication des documents de l'administration est
diminué. Il aurait donc lieu, peut-être, pour le gouvernement du
Québec de s'inspirer de ce bel exemple fédéral.
La commission Paré n'a pas abordé la question de
l'accès des registres d'actionnaires des compagnies constituées
en corporations sous l'empire de la Loi (québécoise) sur les
compagnies. Comme chacun le sait, l'accès à ces registres
demeure, en vertu de l'article 106 de la loi, le privilège des
actionnaires et des
créanciers. C'est un anachronisme que le Parlement canadien n'a
pas reproduit à l'égard des sociétés faisant appel
au public dans la Loi sur les corporations commerciales canadiennes, à
l'article 21. Étant donné qu'il arrive fréquemment que ces
compagnies reçoivent des subventions des organismes publics ou encore
passent des contrats importants avec l'État et les municipalités,
la question de l'identité des actionnaires et la nature du
contrôle que chacun d'entre eux exerce devient matière du plus
grand intérêt public. Puisque la découverte de conflits
d'intérêts tient souvent à la seule possibilité de
percer efficacement le voile corporatif, en identifiant les vrais dirigeants
chez ceux qui, par l'achat d'actions privilégiées, ont
financé la compagnie, on peut douter de la suffisance des renseignements
publics que doivent contenir les rapports annuels des compagnies relativement
aux actionnaires détenant 10% ou plus des actions comportant le droit de
vote émises et payées en tout ou en partie. Invoquant le droit du
public à l'information, le livre blanc sur la culture ne
suggérait-il pas déjà en 1978 que le nombre d'informations
contenues dans ces rapports devraient augmenter? C'est à la page
248.
Dans le même esprit, il serait tentant d'envisager, comme cela
s'est fait en Suède, la fin du secret fiscal. La feuille d'impôt
-celle des contribuables qui briguent les suffrages populaires, en particulier
- ne devrait peut-être plus jouir de la confidentialité absolue
que lui assure la Loi sur le ministère du Revenu. C'est l'article 69.
S'il est encore justifié qu'un patient atteint d'un mal grave soit tenu
dans l'ignorance de son dossier médical, on explique plus difficilement
qu'un électeur en bonne santé soit toujours privé d'un
droit de regard sur l'histoire financière d'une personne qui se propose
d'épouser la chose publique. À vrai dire, une politique
d'accès à l'information digne de ce nom devrait, dans toute la
mesure du possible, sortir de la clandestinité tout renseignement
à caractère nominatif dont la divulgation pourrait mieux servir
l'intérêt public que le maintien de sa confidentialité,
spécialement lorsque le secret ne vise pas à protéger un
droit vraiment fondamental.
Formulée de cette façon, notre proposition exprime tout le
contraire de ce qu'avançait la ville de Québec dans son
mémoire à la commission Paré où l'on peut lire ce
qui suit: "Certes, la transparence du fonctionnement démocratique des
institutions publiques exige une bonne information des citoyens, mais celle-ci
ne doit pas se faire au mépris du droit à la
confidentialité d'informations dont la divulgation ne serait pas dans le
meilleur intérêt de la collectivité et qui pourrait porter
préjudice à des personnes et à des entreprises dans le
fonctionnement normal et honnête de leurs affaires. " En se rappelant que
la ville de Québec proposait alors de faire du maire ou du comité
exécutif le juge en dernier recours de ce qu'il n'est pas dans les
meilleurs intérêts de la collectivité de divulguer, on peut
se demander si le critère proposé n'équivaut pas à
une simple néqation du droit. Dans cette optique, une information aussi
intéressante que le salaire des 60 cadres les mieux payés d'une
municipalité pourrait ne jamais être divulgué.
Mais pour repousser encore plus loin, au nom de cet intérêt
public, les frontières de l'obscurantisme, il faudrait évidemment
que des consensus plus larges et plus forts que ceux qui existent
présentement viennent appuyer l'oeuvre du législateur.
Entre-temps, le travail accompli par la commission Paré fait
admirablement l'équation entre les libertés individuelles et les
droits collectifs. Pour cette raison, nous souhaitons de tout coeur qu'un
nouveau pas démocratique soit franchi au Québec grâce a
l'adoption, dans les meilleurs délais, d'une loi sur l'accès
à l'information gouvernementale.
Comme il n'y a rien de mieux qu'un cas concret pour illustrer une
thèse aussi défendable soit-elle, en voici un. C'est un cas
pratique. Cela va être très court. En 1979, le gouvernement du
Québec avait donné une subvention de 1 000. 000 $ à la
ville de Québec pour des maisons incendiées, pour cinq sites. Le
24 août 1981, lors du séance du conseil municipal, j'ai
posé la question au maire sur le coût de reconstruction de ces
maisons car, lors de cette séance, le maire avait fait procéder
par une résolution à la vente d'un immeuble au 52-54 côte
du Palais pour 47 000 $. À cette occasion, j'ai demandé au maire
quel était le coût de reconstruction de cette maison
incendiée. Le maire m'a répondu que c'était de l'argent du
provincial et qu'il fallait le demander aux autorités provinciales. (l8
h 15)
En effet, nous avons téléphoné à la division
du patrimoine du ministère des Affaires culturelles. Le premier
fonctionnaire était très nerveux, il a paniqué. Dans un
sentiment d'inquiétude, il nous a dit qu'il ne voulait pas
dévoiler cela et a recommandé de confier cela à son
supérieur. On a téléphoné à son
supérieur, qui nous a dit qu'il ne pouvait pas révéler
cela, que c'était dans le cadre du projet OSE et qu'il fallait
s'adresser à la Société d'habitation. On a
téléphoné à la Société d'habitation
où le fonctionnaire qui nous a répondu a trouvé la
question très délicate. Il ne voulait pas toucher à cela.
Il nous a dit de téléphoner au vice-président, qui devait
nous donner la réponse. Il ne voulait pas toucher à cela.
On n'a pas téléphoné au vice-président, on a
trouvé que c'était déjà assez compliqué
comme cela. On a fouillé dans nos dossiers. On y a trouvé
l'information. On a une très large documentation sur tout ce qui se
passe dans la ville de Québec. Le coût de reconstruction
défrayé par le gouvernement du Québec, c'est 274 000 $.
C'est plus de cinq fois le coût que la ville de Québec a vendu la
maison, soit 47 000 $. À la lumière de cela, on s'est dit: Les
autorités concernées, la Commission municipale, le
ministère des Affaires culturelles, la Société
d'habitation... C'est un exemple très patent, je veux dire que
l'accès à l'information peut aider les citoyens à saisir
les autorités souvent de cas comme cela. Je vous remercie.
Le Président (M. Rodrigue): Je remercie M. Doyle et
Beaulieu. M. le ministre.
M. Bertrand: Je suis très content de retrouver M. Beaulieu
et M. Doyle à cette table de la commission parlementaire. Je pensais que
la troisième personne, qui est toujours membre de l'équipe,
serait aussi présente pour émettre ses commentaires. Je sais
votre intérêt maintenu perpétuellement pour la chose
municipale et j'ai lu avec beaucoup d'intérêt aussi le volume que
vous avez publié sur cette expérience vécue à
Cleveland, si ma mémoire est bonne, par le jeune maire Denis Kucinich
qui s'est fait mettre dehors à l'élection suivante, mais
l'expérience vécue là-bas était très
intéressante. Je ne sais pas si vous avez des données sur ce
qu'était à cette époque la politique d'accès
à l'information municipale sous son administration, mais je tiens
à vous remercier, parce que effectivement, pour ceux qui suivent un peu
la vie municipale dans la région de Québec, on sait que vous
intervenez fréquemment, on a eu le plaisir de lire plusieurs articles
dans le Soleil, entre autres, sur des réactions que vous manifestez.
Vous le faites en commission parlementaire, je pense que c'est tout en votre
honneur et cela indique bien que vous êtes des citoyens
préoccupés par tout ce problème de démocratie
municipale.
Effectivement, parlant de démocratie municipale, il me semble
qu'un certain nombre de recommandations que vous faites trouveraient mieux leur
place dans la Loi sur la démocratie municipale que dans la loi sur
l'accès à l'information gouvernementale. Je me demande s'il n'y a
pas certaines distinctions quand même qu'il faut faire. Je comprends
qu'une loi sur la démocratie municipale pourrait être le
prétexte de dire: On n'inclut pas les municipalités dans la loi
d'accès à l'information gouvernementale, mais on introduit des
articles nouveaux et spécifiques aux municipalités dans la loi
sur la démocratie municipale. Je crois sentir que vous ne nous invitez
pas à ce genre d'attitude, vous pensez que les municipalités,
comme les autres organismes, doivent faire partie d'une loi
générale d'accès à l'information et que la loi sur
la démocratie municipale touche à d'autres aspects de la vie
démocratique dans les municipalités qui ne concernent pas
nécessairement les problèmes d'information et de protection des
renseignements personnels. Mais est-ce que vous ne considérez pas qu'il
y a dans votre mémoire un certain nombre de suggestions qui devraient
plutôt se retrouver dans la Loi sur la démocratie municipale que
dans la loi sur l'accès à l'information gouvernementale? Je
pense, entre autres, à la période de questions aux séances
du conseil et à la possibilité de poser des questions orales et
non pas écrites et à d'autres types d'instruments du même
ordre qui permettraient d'avoir un meilleur accès aux
délibérations des conseils municipaux.
M. Beaulieu: M. le ministre, c'est certainement un aspect du
problème qui s'insérerait le mieux dans la Loi sur la
démocratie dans les municipalités. À l'article 25 du
rapport Paré, on a pris la peine -peut-être que c'est le fait que
M. Pépin du Soleil ait été membre de la commission - en
dépit de ce que vous venez de dire, de décrire
l'atmosphère quasi clandestine qui pouvait régner dans les
hôtels de ville. On a fait allusion à toutes les restrictions
qu'on apportait aux citoyens pour limiter leur droit de demander des comptes
directement sur place et régulièrement à leurs
élus. C'est en soulignant ça qu'on a fait un lien. On a dit: Si
ces gens sont si fermés, imaginez ce que ce doit être quand on
veut avoir de l'information et documents de toute nature qui sont
d'intérêt public.
C'est pourquoi la commission Paré, elle-même, à un
des articles de la loi, prend la peine de déclarer le caractère
public des séances des conseils de ville. Malgré le fait -
à la page 25 - qu'on ait souligné toutes ces carences, on ne
donne pas le remède correspondant, comme c'est le cas pour chaque
proposition alors que l'on a, en général, un article de la loi
qui reflète le problème. On s'est aperçu qu'après
avoir traité de cette question à la page 25, on ne
prévoyait absolument rien dans la loi sur l'accès à
l'information. C'est sûr que sur un plan strictement organique, en bon
juriste, on pourrait dire que cela a sa place plutôt dans la Loi sur la
démocratie municipale que dans la loi sur l'accès à
l'information. Je vous ramène à la logique du rapport Paré
qui fait le lien entre le droit de poser des questions et l'accès
à certaines informations.
M. Bertrand: M. Beaulieu, vous êtes probablement plus
spécialisé que je ne le suis dans la chose municipale,
étant donné l'intérêt que vous avez toujours
porté à ces questions. Est-ce que dans la loi 105, qui
établit certains mécanismes pour améliorer la
démocratie municipale, il était prévu une forme de recours
auprès d'un organisme quelconque, ou une forme de sanction pour les
municipalités qui ne respectaient pas certains des mécanismes
prévus? Parce que j'essaie de voir par comparaison avec cette loi sur
l'accès à l'information, là, il y aurait carrément
un organisme qui aurait la responsabilité de forcer finalement
l'organisme public à diffuser, à rendre public un document, alors
que dans la loi 105, un tel type de recours n'est peut-être pas
prévu.
Je vous pose la question, je pourrais la poser au ministre des Affaires
municipales, mais peut-être bien que vous avez la réponse.
M. Beaulieu: En fait, la demande de renseignements, comme nous
l'avons indiqué tout à l'heure, reste assujettie à la
largeur de vue que les autorités municipales peuvent accorder à
la période de questions, qui est la clef de tout le système. Mais
pour répondre à votre question précisément, il n'y
a effectivement aucune espèce de recours légal pour faire
réviser une décision de refus de fournir un document ou tout
simplement le refus de répondre à une question. La loi 105 a
misé sur la bonne foi des administrations municipales et, ainsi que le
rapport Paré le souligne, il ne semble pas que la volonté du
législateur ait été suivie, peut-être que la lettre
en a été suivie, mais l'esprit en a été
particulièrement tordu dans certaines municipalités.
M. Doyle: Je voudrais terminer sur l'opportunité que les
dispositions dont on a parlé se retrouveraient dans la Loi sur la
démocratie municipale. Là-dessus, je voudrais dire que le niveau
municipal est le premier niveau où les citoyens peuvent participer;
c'est plus facile pour eux. Si, à ce niveau, il n'y a pas une loi qui ne
prévoit pas certaines dispositions pour l'accès à
l'information; c'est tout remettre en cause la participation souhaitée
des citoyens. C'est le premier niveau qui devrait les intéresser, c'est
celui qui est le plus facile pour les intéressés. Il faut
absolument que certaines dispositions comme celles-là leur facilitent la
tâche. Je pense que certaines dispositions dont on a parlé
pourraient se retrouver dans votre future loi sur l'accès à
l'information. Cela faciliterait beaucoup la tâche des citoyens.
M. Bertrand: Je sais que vous êtes très
intéressés par le problème de la ville de Québec et
la plupart des interventions que vous avez faites dans le passé
concernaient plus particulièrement la ville de Québec. II s'agit
quand même d'une municipalité importante qui a un effectif fort
nombreux, qui a des budgets assez considérables. On peut comparer avec
Montréal, Laval et une bonne cinquantaine de grandes villes au
Québec qui ont les ressources nécessaires pour mettre en
application une telle loi. On nous a fait des représentations; assez
curieusement, d'ailleurs, c'est l'Union des municipalités du
Québec qui s'est montrée la moins réceptive à ce
genre de réforme. Or, elle représente des municipalités
qui sont déjà assez bien pourvues en ressources humaines,
matérielles et financières. L'Union des conseils de comté
du Québec, qui représente de toutes petites municipalités,
des municipalités de taille moyenne, s'est montrée beaucoup plus
ouverte sur le plan des principes, tout en nous invitant à une certaine
prudence sur le plan de l'application. Je ne sais pas si vous avez eu la chance
d'analyser la chose municipale un peu plus dans son ensemble. Il faudrait
effectivement que le législateur tienne compte des difficultés
normales dans lesquelles sont placées les petites et moyennes
municipalités qui ne disposent pas de ressources considérables ni
sur le plan humain, ni sur le plan matériel, ni sur le plan financier,
ni sur le plan très souvent même des équipements physiques
qui sont mis à leur disposition? Il y a plusieurs municipalités
qui n'ont pas d'hôtel de ville, il y a plusieurs municipalités
où l'ensemble de l'administration municipale se fait dans des sous-sols
de maison, ou des sous-sols d'église. Alors, est-ce que, dans ce
contexte là, vous considérez que le législateur serait
avisé d'être plus large dans la façon d'appliquer la loi et
d'établir les délais d'implantation et, disons, d'obliger
certaines municipalités au respect ou non d'un certain nombre de clauses
qui sont prévues dans la proposition de loi contenue dans le rapport
Paré?
M. Beaulieu: En fait, peut-être que tout cela est un faux
problème. Évidemment, vous avez décrit la situation des
très petites municipalités qui ont peu de ressources et, comme
vous l'avez dit, qui n'ont pas d'hôtel de ville, je pense que
Val-Bélair a eu ce genre de problème depuis quelques
années.
M. Bertrand: Val-Bélair a eu le problème de ne pas
avoir de bureau dans l'hôtel de ville.
M. Beaulieu: La proposition de loi, l'éventuel projet de
loi impliquerait quand même peu de choses: la nomination d'un responsable
qui aurait un peu le contrôle sur l'ensemble des documents que la
municipalité est chargée de traiter, une gestion des documents.
Peu importe le cadre dans lequel elle doit s'inscrire, la gestion des documents
en question est pour le bénéfice normal et habituel des citoyens,
alors il faut qu'elle existe, peu importent la grandeur de la
municipalité et ses ressources.
Comme on l'a indiqué dans le mémoire, on ne demande pas
à ces municipalités de créer un organisme qui va entendre
les demandes sur des refus, c'est la façon dont j'ai compris cela. C'est
la commission provinciale qui serait responsable d'entendre ces refus, donc une
partie du "fardeau financier" qu'implique cette loi est assumée par la
province sur le fonds consolidé, comme on le dit à un des
derniers articles de la loi.
Alors, sur ce plan là, sur le plan pratique... Je vais ramener
cela sur un autre plan. L'Union des municipalités du Québec met
devant vous l'énormité des coûts pour retarder - c'est
presque mettre de côté cette réforme pour eux, parce qu'ils
vous demandent un délai de cinq ans et elle expire au bout de cinq ans.
C'est déjà une considération, mais il faut quand
même considérer... Je vais essayer de bien formuler le point.
M. Bertrand: Allez-y, j'ai autant de problèmes que vous,
à l'occasion, de formuler mes questions, alors si vous avez des
problèmes à formuler vos réponses, il n'y a pas de
problème.
M. Beaulieu: II reste qu'au niveau... L'Union des
municipalités ne vous a pas fourni de chiffres pour justifier sa demande
de report, pour vous prouver que ce serait si dispendieux. Nous, simples
citoyens, on ne peut pas vous dire qu'il y aurait un prix très peu
élevé pour faire respecter la démocratie dans les
hôtels de ville. Alors, sur ce plan-là, on est mal placés
pour contrer leur prétention, ils ont la force du nombre, nous on a la
force de notre motivation, simplement l'expérience qu'on a vécue.
(18 h 30)
On se croit bien assis, au niveau des principes, pour vous dire que la
démocratie municipale ne se porte très très bien. Il y a
l'exemple de Montréal. Oublions celui de Québec, avec lequel on a
peut-être des comptes personnels à régler parce qu'on vit
avec d'une certaine façon, mais pour celui de Montréal, par
rapport auquel on est tout à fait indépendant, on lit les
journaux comme vous et on voit très bien que cela ne fonctionne pas
très bien de ce côté. Il y a une sorte de mur de Berlin
autour de l'information. Dans le fond, la commission Paré propose de
briser ce mur. S'il y a un prix à payer, que l'ensemble des
contribuables le paie. On le paie bien cher à l'heure actuelle pour bien
d'autres choses. Cela s'ajouterait.
M. Doyle: Dans la perspective où c'est un droit
fondamental, le droit à l'information, pour les municipalités, je
pense que cela ne devrait même pas être enlevé pour les
petites municipalités, parce que, probablement, les problèmes
d'information qui se poseraient à ce niveau seraient d'une
échelle plus petite. On demanderait un document dans une petite
municipalité. Je pense que le principe est là. Il ne faut pas
déroger à cela, tant pour les petites que pour les plus grosses,
mais surtout pour les plus grosses villes au-dessus de 100 000 habitants. Elles
ont assez de personnel; ils sont assez nombreux dans ces hôtels de ville,
ils sont excessivement bien payés; ils peuvent donc voir à nommer
un fonctionnaire qui s'occuperait de cela.
Cette transparence pour une municipalité nous apparaît
indispensable, comme je vous l'ai dit plus tôt, pour que les citoyens
s'intéressent de plus en plus à la chose publique à ce
niveau.
M. Beaulieu: Si je peux ajouter quelque chose, je vous
rappellerai que la loi qui concerne le financement électoral dans les
municipalités est lourde à appliquer. C'est vrai. Il y a
certaines distinctions qui ont été faites entre les
municipalités, selon leur population.
Ce que Louis vient d'indiquer pourrait être envisagé pour
les municipalités, mais quand même, on croit en toute bonne foi
que l'envergure des problèmes ne serait pas la même et que cela
n'occasionnerait pas nécessairement des problèmes
incommensurables pour les municipalités de petite dimension. Cela
permettrait d'ériger un principe général qui concernerait
tous les organismes représentatifs électifs qui ne sont pas de
moindre valeur quand il s'agit d'un petit conseil de ville, dans une
municipalité rurale, que quand il s'agit de l'Assemblée nationale
ou de l'administration municipale.
Il y a quand même un fait qu'on doit souligner ici. On a
vécu certaines expériences, malheureusement pas assez nombreuses.
On a vécu celle de Val-Bélair qui est assez intéressante.
On a cru s'apercevoir que, dans les banlieues et dans les milieux ruraux, les
gens s'intéressent beaucoup plus à la vie municipale, ont
tendance à poser beaucoup plus de questions, à surveiller leurs
affaires un peu mieux. Dans le fond, peut-être que, chez eux, ce serait
quelque chose qui serait très bienvenu. On vous dirait: On vit
déjà avec l'esprit de cela. Que les gens nous fassent les
demandes et on va y répondre dans toute la mesure de nos
possiblités.
Dans cette mesure, ce n'est peut-être pas un problème aussi
dramatique que cela. De toute façon, si le gouvernement, dans sa
sagesse, veut faire des distinctions, il peut toujours les faire dans son
projet de loi. Peut-être que le rapport Paré a été
trop loin. Des esprits audacieux doivent foncer pour qu'une partie de leur
oeuvre reste.
M. Bertrand: Ces choses sont bien dites. Je termine très
brièvement en vous posant deux questions. Quand vous demandez qu'on
impose à l'administration le fardeau de la preuve lorsqu'il s'agit de
refuser l'accès à des documents, est-ce que l'article 53 ne vous
suffit pas comme précaution: "Le responsable doit motiver tout refus de
donner communication d'un renseignement et indiquer la disposition de la loi
sur laquelle ce refus s'appuie"? Il me semble qu'il y a là un
élément important, tout de même, pour faire peser sur le
responsable le refus de dévoiler un renseignement ou un document.
Deuxièmement, vous demandez qu'on mette fin au secret fiscal. Je
voudrais comprendre ce que vous voulez dire par là. Est-ce que vous
voulez dire par là que tous les élus municipaux devraient fournir
une déclaration de leurs intérêts? Il me semble que c'est
déjà prévu.
M. Beaulieu: Je vais répondre à votre
première question.
M. Bertrand: Moi, j'ai déclaré mes
intérêts. Ils sont nuls.
Une voix: Mais vous êtes ministre.
M. Bertrand: C'est connu maintenant. C'est public.
M. Beaulieu: Pour répondre à votre première
question, l'article 53 est le genre d'article qu'on s'attend à retrouver
dans les lois modernes. C'est l'article qui dit qu'une autorité qui est
chargée d'appliquer une loi doit motiver sa décision. Cela
constitue certainement un avantage par rapport à une décision qui
ne serait absolument pas motivée et qui pourrait être arbitraire,
vu que les motifs sont cachés. Mais, en droit, cela ne correspond pas
à une sorte de présomption qui met sur le dos de celui qui veut
défendre la non-divulgation la preuve de démontrer que cela
répond à une des exceptions prévues par la proposition de
loi et éventuellement, par le projet de loi.
M. Bertrand: La fin du secret fiscal, qu'entendez-vous par
là exactement?
M. Beaulieu: Je vais laisser Louis terminer. Seulement un mot
sur... Ce dont vous avez parlé, c'est la déclaration des
intérêts, ce que vous possédez. Par contre, la fin du
secret fiscal, c'est ce qui existe parfois aux États-Unis sans que ce
soit imposé à personne. C'est l'homme politique ou le candidat
à une élection qui va mettre sur la table ses déclarations
d'impôt des dernières années. On sait qu'à l'heure
actuelle la loi qui crée le ministère du Revenu prévoit le
secret fiscal qui est absolu, qui est une donnée à
caractère nominatif pour laquelle on manifeste à l'heure actuelle
encore beaucoup de circonspection. On tient à garder cela dans
l'arène de la confidentialité, mais il reste qu'on se pose la
question: Cela a-t-il vraiment encore - on sait que les revenus des plus hauts
fonctionnaires sont publiés dans les comptes publics - une justification
pour le simple citoyen? On s'est creusé la tête avec cela et on
voit l'exemple des hommes politiques et des candidats qui fait
réfléchir. On en est à l'heure où on se demande si
on ne doit pas ouvrir les valves de l'information. On met cela sur la table, la
fin du secret fiscal.
M. Bertrand: Mais quel est l'intérêt sur le plan de
l'accès à l'information, sur le plan de la démocratie
municipale, provinciale, fédérale ou quoi que ce soit de
divulguer les rapports d'impôt d'un élu au cours des
dernières années?
M. Beaulieu: Beaucoup d'individus ou de firmes reçoivent
des subventions du gouvernement et sont parties à des contrats avec
l'État. Peut-être que...
M. Bertrand: Mais la déclaration d'intérêts
ne vient-elle pas, à toutes fins utiles, régler l'essentiel du
problème? Je pense que si on veut se protéger à ce
moment-là au niveau des élus, c'est de s'assurer qu'ils ne sont
pas, à cause des intérêts qu'ils peuvent détenir
dans telle ou telle compagnie, en conflit d'intérêts avec les
responsabilités qu'ils ont à assumer. Je vais vous donner un
exemple. Je suis ministre des Communications. Si j'ai des intérêts
dans Northern Telecom ou dans Québécor ou dans
Télé-Capitale, il est évident qu'on pourrait, à
tout moment, indiquer que le ministre des Communications est assez mal
placé pour exercer ses responsabilités à cause des
conflits d'intérêts dans lesquels il se trouve. Mais de là
à dire que l'an dernier sur mon rapport d'impôt j'ai réussi
à aller chercher 123, 48 $ du fédéral et 235, 63 $ du
provincial, je ne sais pas, je ne vois pas vraiment si on atteint un objectif
réel sur le plan de l'accès à l'information en faisant une
telle chose.
M. Doyle: Je voudrais répondre à ce que vous dites,
M. le ministre. Premièrement, sur le plan municipal, si on regarde la
loi sur la démocratie municipale, on voit qu'il faut divulguer certains
intérêts. Mais on constate des changements entre la
première lecture et la dernière lecture, quand cela a
été adopté il y a un an. Pour les élus, en tout
cas, de la ville de Québec, on vérifie cela et on
s'aperçoit qu'il n'y a pas beaucoup d'informations finalement. Je veux
dire que le législateur a pas mal réduit le niveau des
divulgations. Ils sont seulement
obligés maintenant de mettre quelques compagnies et tout cela.
Avant, c'était bien plus exigeant.
Deuxièmement, je pense qu'il faut le mettre dans une perspective
plus large. C'est la perspective d'une plus grande transparence de ceux qui
sont appelés nos élus. On se sentirait plus à l'aise comme
citoyens si ces gens manifestaient une plus grande transparence et aussi cela
valoriserait peut-être plus ceux qui sont appelés à briguer
les postes. Ils se diraient: Ils savent tout sur notre vie financière. A
ce moment-là, ils se sentiraient plus à l'aise et le citoyen
dirait: Je pense que c'est clair. Ils nous ont dévoilé tous leurs
intérêts et même le rapport d'impôt. Ce sont les deux,
finalement, qui sont gagnants. Cela crée une relation de plus grande
confiance dans les institutions publiques et particulièrement envers nos
élus. M. Kucinich, l'ex-maire de Cleveland le faisait à chaque
occasion de ses élections. Avant d'aller en élections, il
déposait devant les journalistes tous ses revenus, tous ses rapports
d'impôt et le retour d'impôt. Aux États-Unis, je pense que
c'était bien apprécié des journalistes.
M. Bertrand: Je reviens à votre phrase de tantôt:
quand vous parlez de Dennis Kucinich, vous parlez vraiment d'un audacieux.
M. Beaulieu: C'est un esprit audacieux, à qui le sort n'a
pas réservé la meilleure fortune possible, mais qui a quand
même remué beaucoup de choses. Enfin l'idée,
évidemment, apparaît très audacieuse. Je ne sais pas si
dans les autres mémoires, on l'a même mentionné.
M. Bertrand: Non.
M. Beaulieu: À part des expériences qu'on a pu
connaître, en fait, des événements qui ont pu se produire
aux États-Unis ces dernières années et qui ont
été signalés par les médias, c'est quelque chose
qui permettait au citoyen d'avoir le portrait financier de toute personne. Je
ne parle pas de celui qui est déjà un homme politique, mais de
toute personne qui brigue les suffrages, de tout candidat. C'est
peut-être une bonne chose de savoir de quelle façon il a
mené sa vie financière - aucune allusion aux critères du
chef du Parti libéral - avant de briguer les suffrages populaires.
Évidemment, encore une fois, je vous réfère à ce
que la Suède a introduit dans son droit et la Suède est un pays
qui a aboli le secret fiscal sans que personne ne s'en porte plus mal.
Je le répète, c'est un hors-d'oeuvre, par rapport à
tout ce qu'on vous a avancé.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Westmount.
M. French: Je pense, dans le fond, qu'il y a une solution
à vos problèmes. Cela s'appelle à Québec une
élection municipale. Cela ne s'appelle pas une réforme, une autre
réforme et d'autres réformes encore, qui viennent en effet lier
les élus de tout niveau à qui on vient demander des
exposés personnels à tout moment, à qui on vient poser
sans cesse des questions au milieu des délibérations. Je ne suis
pas du tout rébarbatif à vos propos ou à vos propositions.
Dans le fond, il faut à un moment donné avoir quand même un
certain attrait pour la vie publique. Je vous assure que ce n'est pas pour
l'argent qu'on est là. Je doute fort que le maire Pelletier soit
là pour l'argent non plus. Dans le fond, la présomption de
culpabilité sans preuve de l'inverse est d'après moi une
très mauvaise présomption de base, mais c'est dans le fond la
présomption avec laquelle vous partez, en toute
honnêteté.
Si on doit avoir une vie politique qui attire les gens d'une certaine
envergure, il va falloir, à un moment donné, arrêter de
leur demander de se présenter nus devant les électeurs dès
le départ et leur permettre une certaine liberté pour s'acquitter
de leurs responsabilités, et faire face aux citoyens à la fin
dans une élection. Si les citoyens ne sont pas contents, si les gens
comme vous qui ne sont pas contents des autres sont capables d'exercer leurs
responsabilités publiques et politiques pendant une période
électorale, vous changez les choses, mais ce n'est pas en venant lier
les gens par toutes sortes de restrictions que vous allez dans le fond assainir
la vie politique ou la vie publique. C'est une situation où vous auriez
évité les gens qui n'ont pas de meilleure chose à faire
que de se présenter en politique, parce que les gens qui veulent faire
quelque chose vont trouver un métier, une occupation, dans une fonction
où ils seraient libres de remplir leurs responsabilités librement
et d'être jugés à la fin par quelqu'un qui est
qualifié pour le faire.
Cette personne, à mon sens, c'est l'électeur dans le cas
d'un homme politique. Ce n'est pas d'avoir une gang de policiers qu'on nomme
soi-même, qu'on va chercher. S'il y a un problème à
Québec, à Montréal, et Dieu sait qu'il y en a, c'est de
faire valoir cela dans un contexte électoral. On n'est pas devant des
machines imbattables. Aux dernières élections, ici, on a
démontré cela. Je vous invite donc à
réfléchir sur l'espèce de spirale de règlements et
de contraintes que vous nous demandez au nom de la démocratie et que je
rejette personnellement au nom de cette même démocratie.
M. Doyle: M. le député de Westmount, relativement
à votre question, j'ai deux points à souligner.
Premièrement, je veux dire que si la perception des hommes politiques
était si bonne que ça, je serais d'accord avec vous. Des fois, on
rencontre des gens, et surtout à l'hôtel de ville, qui nous
disent: La politique c'est sale, ne touchez pas à cela et tout cela, ce
sont toutes des combines. Je veux dire que si la perception était
vraiment bonne, je serais d'accord 100% avec vous, mais ce n'est pas le cas
pour l'instant en tout cas, pas d'après ce qu'on vit, en tout cas, tout
ce que les gens nous disent et tout ça. Deuxièmement... (18 h
45)
M. Beaulieu: M. le député, en fait, M. le
Président, plutôt, pour suivre la formulation habituelle, la
liberté de l'homme politique n'est pas absolue, elle est
contrôlée. Les contrôles en question se raffinent
d'année en année, peu importe à qui ils vont s'adresser.
Que ce soit l'administration municipale de Québec ou celle de
Montréal, le législateur, dans sa sagesse, a vu, a
constaté que les citoyens participaient fort peu à leurs propres
affaires locales; il en a tiré des conclusions qui vont dans le bon
sens. Il a ajouté quelque chose qu'il aurait dû s'imposer
lui-même, une période de questions dans les hôtels de ville.
Imaginez-vous, il a réglementé le droit de parole dans les
hôtels de ville. C'est quelque chose qui, aux États-Unis, existe
depuis des centaines d'années, ce droit du citoyen de participer
à ses affaires locales. Dans certaines villes, on n'a même pas de
conseil de ville, ce sont les citoyens ensemble qui se réunissent, un
peu comme on le fait autour du foyer, et qui décident de régler
les problèmes. Cela a peut-être une dimension familiale, ce que je
vous dis là, mais ce sont quand même les affaires locales, ce sont
les affaires qui sont les plus près des citoyens et ce sont celles qui
ont l'air les plus négligées.
On peut vous parler de la scène scolaire, si vous voulez.
D'accord, ces gens ont toute marge de manoeuvre, ils font leurs choses loin des
yeux des citoyens, mais on finit par se retrouver dans des situations
extrêmement désagréables avec des problèmes
financiers considérables qui ont échappé à
l'attention de tout le monde, parce que le gouvernement ne peut pas être
le seul gendarme de la bienséance publique au Québec.
Évidemment, il y a cet aspect.
Vous avez parlé en termes de règlement de compte. En fait,
il n'est vraiment pas question de cela. Nous ne sommes pas de ceux qui croient
que les hommes politiques doivent être jugés seulement tous les
quatre ans, ils doivent être examinés tous les quatre ans. Il
n'est pas question de sortir la loupe non plus. Ce qu'il est question de faire,
c'est notre devoir de citoyens, tous et chacun, dans notre coin, de
façon que des choses qu'on peut éviter ne se produisent pas. On
vous a mentionné tout à l'heure l'exemple de Montréal qui
accumulait des déficits considérables sans avoir à dire
quoi que ce soit aux gens. Il était vraiment temps que le gouvernement
prenne les moyens de contrôler davantage les moyens par lesquels les
administrations municipales... Je ne parle même pas des conseils de
ville, les administrations municipales fonctionnaient comme des conseils
d'administration de compagnie, ce qu'elles ne sont pas. Je regrette de le dire,
mais elles ne le sont pas.
M. Doyle: Je voudrais ajouter un point à cela. Les
députés, en somme, vous êtes les fiduciaires des biens
publics et, en tant que fiduciaires des biens publics - c'est écrit dans
le rapport à la page 6 - vous avez certaines obligations
vis-à-vis des citoyens dont celle de vous soumettre à certaines
exigences. Je sais que les exigences dont on parle sont un rôle ingrat,
mais, après tout, vous administrez tous les fonds publics et, à
mes yeux, cela justifie certaines exigences.
M. Beaulieu: On vous a mentionné un cas tout à
l'heure qui est un exemple patent, celui où une municipalité
manipule les deniers publics, vend un bien public à l'abri des regards
de la collectivité et, en fait, cela prenait un citoyen qui regardait
cela depuis très longtemps pour pouvoir faire le lien. Ce lien existe;
ce lien est d'intérêt public. Mon Dieu, qu'on nous donne les
moyens de s'y intéresser et de contrôler efficacement l'action des
élus, autrement que par une petite croix tous les quatre ans. Elle a son
importance, mais je vous dis qu'elle ne répare pas les erreurs
totalement en tout cas.
M. French: Oui, sauf que vous ne nous avez pas parlé - je
ne vous demande pas de le faire, l'heure est tardive - de la chose fondamentale
sur laquelle je vous invitais à réfléchir. Qui va vouloir
se présenter, dans la vie politique, avec les conditions contraignantes
à tour de rôle, l'une après l'autre, que vous voudriez
ultimement avoir, ce qui donnerait à n'importe qui, avec n'importe quel
statut, le pouvoir d'arrêter le processus politique et décisionnel
au sein d'une administration? C'est sur cela que je vous invite à
réfléchir. En tout cas, je ne vous demande pas de réponse
et je ne prétends pas que vous n'avez pas exposé votre point du
tout, mais je pense que cela vaut la peine de se demander quel genre de
personne va vouloir se présenter avec des conditions si
contraignantes.
Quant aux États-Unis, je ne pense pas qu'il y ait une
municipalité au Canada qui ait vraiment des leçons à
tirer, au point de
vue de la santé de la vie politique au sein de la
municipalité, de n'importe quelle autre juridiction municipale aux
États-Unis. En toute honnêteté, votre enthousiasme pour
Dennis Kucinich m'échappe totalement. C'est un burlesque du processus
politique ce bonhomme n'a à peu près rien fait de durable
à Cleveland. Je vous invite à y aller et voir ce qu'il en reste.
Dennis Kucinich est un chapitre fermé, "good-bye". Il n'y a rien qui
perdure de ce que ce bonhomme a fait.
M. Beaulieu: Est-ce que c'est la mentalité de Westmount
que vous reflétez?
Le Président (M. Rodrigue): Je vous en prie.
M. French: Je m'excuse, je ne voulais pas faire une
réflexion personnelle.
M. Beaulieu: C'est assez personnel, ce que vous venez de
dire.
M. French: Je regrette. Je faisais une réflexion
personnelle sur Dennis Kucinich, mais pas sur vous. Donc, tout simplement, je
vous demande si, dans ces conditions, on va attirer des gens de qualité
dans la vie publique.
M. Beaulieu: Je m'excuse pour le mot que je viens d'avoir. On
défend toujours bien ce qu'on aime.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Nicolet.
M. Beaulieu: Juste quelques mots. Vous avez parlé de
conditions contraignantes. Ces conditions sont celles que le
législateur, comme je vous l'ai indiqué, a apportées dans
les différentes loi. On a eu des lois sur le financement, des
élections, sur la divulgation des contributions, sur les limites de
dépenses; ce sont des contraintes qui font l'objet, à l'heure
actuelle, d'un consensus le plus large possible dans la population. En fait, on
admet ça, on considère que c'est un acquis
démocratique.
On a ajouté à ces contraintes, il n'y a pas très
longtemps, un droit de poser des questions aux élus. C'est quelque
chose, comme je vous le répète, qui n'aurait même pas
dû être imposé par contrainte. Le simple fait que le
législateur - et c'est une loi qui a quand même été
votée par l'Assemblée nationale - ait dû le faire est
malheureux dans le fond. C'est dans ce prolongement qu'on en arrive maintenant
à cette étape d'une loi qui permet aux gens non seulement de
poser des questions, mais d'avoir des réponses. Disons le aussi
clairement.
Le Président (M. Rodrigue): M. le député de
Nicolet.
M. Beaumier: Je vous remercie, M. le Président.
C'était pour m'assurer qu'on ne resterait pas sur une impression
réductrice, peut-être, du rapport que nous ont fait nos
concitoyens Beaulieu et Doyle. Je retiens l'essentiel de leurs propos - en plus
du fait que ce sont les seuls citoyens qui se sont présentés
devant notre commission et on les en remercie - qui est bien exprimé
à la page 4, c'est leur préoccupation, et qu'ils le disent: Nous
croyons qu'il saute aux yeux que l'assujettissement des municipalités au
régime d'accès à l'information s'impose avec une urgence
particulière. Je pense que, à moins que je ne me trompe, c'est
là l'essentiel du propos et c'est ça que je retiens,
personnellement.
Le Président (M. Rodrigue): J'informe les membres de la
commission que la commission a accompli le mandat qui lui avait
été confié. Je demande au rapporteur désigné
de faire rapport à l'Assemblée nationale dans les plus brefs
délais possible. La commission élue permanente...
M. Bertrand: M. le Président, je voudrais remercier
d'abord tous les groupes qui se sont présentés devant la
commission. Je pense que leur contribution a été fort utile, elle
nous aidera à poursuivre notre travail, en particulier, pour ce qui
concerne les modalités d'application des différents principes sur
lesquels nous semblons nous entendre, pour ce qui est de l'essentiel.
Je voudrais remercier mes collègues du côté
ministériel qui ont participé avec moi et qui ont accepté
de percer un peu plus les différents mystères qui sont encore
là, parce que nous entrons dans du droit nouveau, en ce qui concerne le
Québec. Je remercie aussi l'Opposition et, en particulier, le
député de Westmount pour véritablement - je le dis
très sincèrement - sa coopération exceptionnelle aux
travaux de notre commission.
M. French: De notre côté, nous sommes tous
très reconnaissants de la coopération que nous avons
expérimentée depuis trois jours. Cela a été
intéressant, on a hâte de voir le projet de loi que le ministre
nous a promis pour la période avant Noël.
M. Bertrand: Je voudrais aussi, M. le Président, parce que
c'est un oubli qu'on a tendance à faire trop souvent et j'allais le
faire, je le regrette, remercier - et je pense que M. le député
de Westmount connaîtra cela, ce que c'est que de travailler avec une
équipe autour de soi - les fonctionnaires du ministère des
Communications qui ont abattu depuis la publication du rapport Paré, un
travail colossal et qui n'ont encore rien vu -je tiens à le leur
annoncer - par rapport à ce qui les attend pour les deux prochains
mois. Je les remercie donc et je pense que tout le monde ici souhaite
qu'ils poursuivent leur travail avec la même efficacité et le
même brio qui les a caractérisés depuis la publication du
rapport Paré.
Le Président (M. Rodrigue): La commission élue
permanente des communications ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 55)