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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 12 septembre 1990 - Vol. 31 N° 13

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières dans le cadre de l'étude spécialisée du projet de loi n° 62, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Doyon): La commission de la culture reprend ses travaux pour continuer l'exercice du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Khelfa (Richelieu) est remplacé par Mme Bégin (Bellechasse), et M. Lemire (Saint-Maurice) est remplacé par M. Leclerc (Taschereau).

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Donc, est-ce qu'on considère l'ordre du jour que vous avez entre les mains comme étant l'ordre du jour qui est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Alors, bienvenue à tout le monde. Nous allons donc commencer par la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec. Je vais les inviter à s'approcher, s'il vous plaît.

Bonjour, M. le recteur. Alors, saluant tous les gens qui sont à la table des intervenants, en leur souhaitant la bienvenue, je les invite donc à se présenter et à nous faire part de leur mémoire. La façon de procéder, vous la connaissez. C'est une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire ou d'un résumé de votre mémoire, les deux formations politiques disposant d'environ le même temps pour vous poser certaines questions ou vous demander certains éclaircissements. Donc, M. Kenniff, vous avez la parole.

Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec

M. Kenniff (Patrick): M. le Président, merci. C'est un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui avec la délégation de la Conférence des recteurs. On vous remercie de cette occasion qui nous est donnée de vous faire part de notre mémoire et de nos commentaires sur le projet de loi 62.

Je désire présenter la délégation qui m'accompagne aujourd'hui. À ma droite, Mme Claire McNicolf, qui est la directrice générale de la Conférence des recteurs. À ma gauche, Me Francine Verrier, qui est membre du groupe de travail des conseillers juridiques et la conseillère juridique à l'Université de Montréal. M. Jacques Genest, qui est président du comité des secrétaires généraux de la CREPUQ, et secrétaire général de l'Université Laval. Également, M. Yvon Albert Laurendeau, qui est chargé de recherche à la Conférence des recteurs et secrétaire du comité des secrétaires généraux.

Vous m'invitez à faire en 20 minutes le résumé d'un mémoire qui n'a que trois pages, M. le Président. Ce serait un tour de force.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): J'ai l'habitude de dire que l'heure n'est pas obligatoire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Kenniff: C'est ce que j'appelle la loi de Gay-Lussac appliquée aux réunions de commissions et de comités. Je ne laisserai pas mes paroles remplir uniformément le temps disponible, mais je voudrais tout de même vous signaler à quel point nous nous intéressons à ce projet de loi et à quel point nous nous sommes intéressés, depuis un bon moment, à tout ce processus de révision de la loi de l'accès. C'est d'ailleurs dès le rapport sur la mise en oeuvre de la loi d'accès, en 1987, qui avait été présenté par la Commission d'accès à l'information, que la Conférence des recteurs a présenté un premier mémoire concernant ce rapport, mémoire qui a été présenté devant la commission de la culture en février 1988.

Depuis cette époque, nous avons suivi les travaux de la commission et du ministère des Communications et nous avons soumis des documents, des commentaires et des rapports à diverses étapes du processus qui a conduit au dépôt du projet de loi 62. Le deuxième mémoire de la Conférence est celui que vous avez devant vous aujourd'hui, et je dois vous dire à quel point nous avons eu la collaboration du ministère dans ce processus d'échange et de consultation concernant, notamment, les dispositions qui visaient plus directement les universités.

Dans le projet de loi 62, en fait, il n'y a qu'une disposition qui concerne les universités directement. Ça n'enlève rien à notre intérêt pour les autres dispositions du projet de loi, mais c'est l'article 47, effectivement, qui touche directement toute la question de la confidentialité des avis et des recommandations d'ordre académique. Je dois vous dire, M. le Président, et aux autres membres de la commission parlementaire, que ce texte de l'article 47 nous semble très bien représenter une solution aux divers courants de débat que nous avons entendus depuis bientôt deux ans, sur la protection des renseignements contenus dans les avis et les recommandations d'ordre académique. Donc, ça représente une solution tout à fait acceptable pour le milieu universitaire. Et il faut souligner,

je pense, que dans ce domaine des avis et des recommandations d'ordre académique qui touche, notamment, des domaines tels que l'admission des étudiants au niveau des deuxième et troisième cycles, en ce qui a trait aux recommandations pour l'obtention d'aide financière, et ainsi de suite, il y a évidemment une pratique universitaire qui date de très longtemps et qui consiste à ce que ces avis et ces recommandations, qui sont souvent donnés à la demande de l'intéressé, ces avis et recommantations, dis-je, demeurent confidentiels. Ce qui est très important, et d'ailleurs le texte de l'article 47 le reconnaît, dans ces dossiers-là, c'est le droit pour l'intéressé d'avoir une décision qui soit motivée et circonstanciée, et qui permette à l'intéressé de savoir les motifs pour lesquels il est accepté ou refusé pour la demande qu'il a formulée. Et cette pratique existante, je pense, est respectée par l'article 47, et c'est ce pourquoi nous souscrivons entièrement à ce texte et nous appuyons son adoption.

M. le Président, ayant fait ces quelques remarques introductives et voulant vous épargner une lecture du mémoire que vous avez devant vous, je pensais peut-être utiliser un petit peu du temps qui nous est alloué en demandant à Me Verrier d'apporter peut-être certaines précisions sur les commentaires que je viens de faire en rapport avec le texte de l'article 47.

Le Président (M. Doyon): Volontiers, Me Verrier.

Mme Verrier (Francine): Histoire de mettre un peu de chair à l'os, je vais essayer d'illustrer les cas qui sont visés par l'article 47. Dans les universités, il y a, en fait, deux contextes bien précis, dans lesquels des recommandations sont faites, et ce sont également ces deux contextes qui étaient principalement visés par la demande des universités depuis le début du processus de révision de la loi. Alors, ces deux contextes sont les suivants: le premier, c'est dans le cadre des demandes d'admission aux études supérieures, et le deuxième, c'est celui des demandes de bourses. Je m'arrête ici pour vous expliquer que les demandes de bourses en ce qui concerne les universités, ce sont généralement des bourses de doctorat que les universités décernent à leurs étudiants. Je vous soulignerais également qu'entre ces différentes demandes soit d'admission ou de bourses, en ce qui concerne les recommandations qui sont fournies, il existe quelques différences, mais je ne crois pas utile ici de relever ces détails pour les fins des travaux de la commission. Évidemment, si vous avez des questions, ça me fera plaisir d'aborder ce sujet davantage.

En ce qui concerne la demande d'admission, qu'est-ce qui se passe en fait? C'est que l'université demande à l'étudiant, au candidat de fournir deux lettres d'appréciation de sa candidature par deux personnes choisies par lui. Qu'est- ce que ces lettres contiennent? C'est, en fait, une appréciation, une évaluation de la candidature de celui qui demande l'évaluation et les critères de cette évaluation sont les suivants: on va aborder la question d'S connaissances acquises du candidat, les aptitudes aux études supérieures, son jugement et ses capacités scientifiques générales. Alors voilà, grosso modo, quels sont les critères qui guident l'évaluation du répondant.

Maintenant, qui sont ces répondants? Oui sont les signataires de ces lettres? Comme on l'a dit, ce sont des personnes choisies par le candidat et il arrive fréquemment que ce soit des personnes qui sont intégrées à un projet de recherche ou au même projet de recherche que l'étudiant lui-même lorsque les étudiants, par exemple, veulent passer du deuxième cycle au troisième cycle. Alors ce sont des gens qui peuvent travailler à l'université ensemble à la réalisation d'un projet de recherche. Ils travaillent donc quotidiennement ensemble. Évidemment, le choix du candidat fait présumer d'un certain lien ou d'une certaine relation de confiance qui peut exister, effectivement, entre le répondant choisi et le candidat lui-même.

Donc, à ce stade-ci, je pense qu'on peut retenir trois points importants qui permettent de démontrer un peu le contexte légitime dans lequel ces recommandations sont obtenues. D'abord, les candidats de même que les répondants savent que ces lettres sont confidentielles. Elles sont traitées de façon confidentielle. C'est une pratique qui est établie depuis plusieurs années. Enfin, le deuxième point, l'identité des répondants est effectivement connue des candidats. Forcément, puisqu'ils sont choisis par eux. Troisième point, les recommandations ne sont pas obtenues a l'insu du candidat puisque c'est lui-même qui doit faire la demande auprès des répondants.

Maintenant, quels seraient les effets de la divulgation des lettres aux candidats? On peut, d'ores et déjà, prévoir que ces lettres perdront la crédibilité qu'elles ont actuellement et l'utilité qu'elles ont. Cette perte de crédibilité et d'utilité compromettra sans aucun doute tout le mode de sélection, le processus de sélection des candidats à l'admission et à une bourse. Je m'explique ainsi. Les répondants, sachant que les lettres seront accessibles aux candidats, risquent peu d'être critiques face au candidat lui-même. Cela aura évidemment pour effet de faire en sorte que les appréciations seront davantage complaisantes, peut-être bien, et ce sera certainement encore plus vrai dans le contexte où le répondant fait partie de l'équipe de recherche de la même manière que le candidat en fait partie. Alors ce seront des gens qui auront quotidiennement à se rencontrer, à travailler ensemble, et, donc, on pourrait prévoir une détérioration si, effectivement, l'appréciation était critique. Donc, détérioration du climat de

travail au sein de l'équipe de recherche et des conflits de personnalité, possiblement. Alors, la perte de la crédibilité et de l'utilité de ces lettres, ça voudra dire également une évaluation des candidatures très approximative de la qualité des candidatures puisque l'évaluation serait faite uniquement sur la base des résultats académiques. Entre un étudiant qui a 80 % de moyenne et un autre qui a 85 %, comment dire lequel est le meilleur? Les résultats académiques n'offrent aucune indication sur les connaissances acquises au cours de diverses expériences ou encore sur les aptitudes particulières des candidats à la recherche ou encore aux études supérieures, ce qui nous fait dire qu'en bout de ligne les étudiants, en fait, des étudiants pourront être pénalisés si les lettres de recommandation sont accessibles. En fait, ce sont les étudiants qui seraient aptes à des études supérieures ou à la recherche, mais qui n'auraient pas les plus fortes notes. Il faut comprendre aussi que c'est très limité. Si on prend l'exemple des demandes de bourses, bien souvent, ii va n'y avoir qu'une seule bourse pour plusieurs candidats, une dizaine de candidats. Alors, les critères d'appréciation sont très importants ici.

Cela étant dit, les universités se disent quand même très heureuses de la solution qu'apporte l'article 47 parce que cette solution favorise l'ouverture et la transparence par le fait de reconnaître aux candidats la possibilité d'obtenir une décision motivée et circonstanciée sur la foi de ces lettres. Et je signalerais que cette solution rejoint en quelque sorte l'objectif de la Commission d'accès lorsqu'elle recommandait justement que tes lettres de recommandation soient accessibles.

J'aimerais faire référence au rapport de la Commission, le tout premier rapport qui s'intitule: "Une vie privée mieux respectée, un citoyen mieux informé. " C'est à la page 180. En fait, on lit que la Commission, l'objectif qu'elle vise, c'est de permettre aux candidats de connaître les éléments pertinents sur lesquels la décision se fonde. Je citerais maintenant le passage pertinent. C'est au milieu de la page 180. "Ce sont ces renseignements - donc, ceux qui sont contenus aux avis et recommandations - qui fondent la décision et l'éclairent. Sans ceux-ci, l'individu est laissé à lui-même, dans l'ignorance des éléments les plus pertinents de son propre dossier. Cela lui est le plus souvent inacceptable et incompréhensible. " Alors, la solution de l'article 47 permettrait d'éviter tout cela parce que l'étudiant ou le candidat, en fait, aurait une décision motivée et circonstanciée. L'objectif en soi visé par la Commission serait atteint. De là, je pense qu'on peut faire le constat que les universités et la Commission, en fait, ne sont pas d'opinion contraire en ce qui concerne l'objectif qui est visé. Là où il y a divergence, c'est plus en ce qui concerne les moyens pour y parvenir. À partir du moment où les moyens sont atteints, l'objectif est atteint. Un moyen ou un autre, en fait, ça s'équivaut. Cependant, nous pensons que le moyen qui est mis de l'avant par la Commission, celui de donner accès directement aux recommandations, aurait des effets néfastes sur le bon fonctionnement des universités. Pour cela, nous croyons que la solution de l'article 47 devrait être privilégiée.

J'aimerais maintenant terminer en abordant de façon brève ce qui se passe aux États-Unis et en ce qui concerne la loi fédérale canadienne, la Loi sur la protection des renseignements personnels. La Commission, dans son avis sur le projet de loi 62, faisait, état de la législation américaine et canadienne. En ce qui concerne la législation américaine, il est vrai que cette loi assujettit les universités à son application et que le principe général est l'accès aux dossiers scolaires. Évidemment, le principe général est le même ici en ce qui concerne l'accès aux dossiers scolaires. Il existe cependant un règlement américain adopté en vertu de cette loi qui fait en sorte que les étudiants peuvent renoncer au droit d'accès à des lettres de recommandation. Nous avons copie de ce règlement. Si vous êtes intéressés à l'obtenir, on pourra le faire, il n'y a pas de problème. Donc, ce règlement permet au candidat, à l'étudiant, de renoncer spécifiquement aux lettres de recommandation qui sont contenues dans son dossier scolaire. Cette solution parait à première vue alléchante, mais, quand on en fait le tour, on voit qu'elle comporte des lacunes. C'est un peu la solution qui veut ménager la chèvre et le chou mais qui a le défaut de, finalement, ne satisfaire personne.

D'abord, la renonciation, pour les universités, si c'était le cas ici, ne réglerait pas le problème de ceux qui ne renoncent pas à l'accessibilité aux lettres de recommandation. Et pour ceux qui auraient renoncé, on n'a pas de compromis possible, on ne donne pas accès à une décision motivée et circonstanciée. Alors, je pense que la solution que propose l'article 47 est plus intéressante que l'exemple américain.

En ce qui concerne maintenant la loi fédérale, la Loi sur la protection des renseignements personnels, le principe général est que les opinions d'autrui sont accessibles à la personne qu'elles concernent. Mais je pense qu'il faut immédiatement préciser que les universités canadiennes ne sont pas assujetties à cette loi, et que le principe général de la loi comporte des restrictions, puisque le nom de la personne auteur de l'opinion peut être soustrait au droit d'accès. Compte tenu, en ce qui nous concerne, que l'identité de l'auteur des recommandations est nécessairement connue du candidat, cette solution de la loi canadienne ne serait d'aucune efficacité pour nous.

Enfin, voilà, grosso modo, les commentaires dont je voulais vous faire part. Ça termine donc ma présentation. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Verrier. Avez-vous quelque chose à ajouter? Non? Ça fait le tour à peu près de la question. Mme la ministre, vous voudriez avoir des éclaircissements peut-être?

Mme Frulla-Hébert: Premièrement, je voudrais vous remercier de cette présentation. Comme vous pouvez le voir, nous avons quand même été sensibles à vos arguments, puisque nous avons introduit l'article 47. Ceci dit, j'aurais une question, justement, pour Me Verrier. Vous disiez tantôt que la divulgation de lettres leur fera perdre leur crédibilité et leur utilité. Je dois vous dire aussi qu'hier on a entendu certains groupes qui nous disaient qu'ils ne voyaient pas de justification à la dérogation que vous demandez. On a même parlé de: Est-ce que c'est parce que les étudiants seraient des citoyens de deuxième classe? Pourquoi eux n'ont pas droit? Parce que vous savez comme moi que des lettres, même si on a droit à la décision qui est justifiée, on n'a souvent pas tous, dans la décision justifiée, les éléments des lettres qui amènent a cette décision. Alors, vous dites que la divulgation de lettres leur ferait perdre leur crédibilité et leur utilité, parce que les étudiants connaissent justement ceux qui les évaluent, d'une part. Mais, dans un monde professionnel, si on veut, j'ai de la difficulté à voir pourquoi les gens n'iraient pas, justement, au bout de leur conscience professionnelle et seraient mal à l'aise ou, finalement, gênés d'émettre leur opinion par lettre, puisque c'est ce que la tâche professionnelle leur demande?

Mme Verrier: Je pense que le contexte universitaire y fait pour beaucoup. Bien des répondants font partie des équipes de recherche desquelles les étudiants également font partie. Alors, ils ont à travailler quotidiennement ensemble, et je pense qu'une opinion d'une personne relativement à la compétence ou aux qualités d'une autre, pour qu'elle soit le plus objective possible, il faut nécessairement qu'on puisse garantir aux personnes qui donnent ces opinions qu'elles seront gardées confidentielles. Je ne vois pas que les droits des étudiants ici sont bafoués, puisque, par l'obtention d'une décision motivée, ils connaîtront les éléments pertinents de la décision, de sorte qu'ils pourront la contester sur les éléments qui la motivent. Ils auront donc toutes les possibilités pour contester ces décisions.

(10 h 30)

Maintenant, c'est un compromis, peut-être, que l'on fait. Je pense que le résultat, c'est que les droits des candidats ne sont pas bafoués, si vous voulez. Actuellement, les étudiants connaissent les règles du jeu et les acceptent. Je vous dirais qu'à notre connaissance aucune plainte n'a été portée contre les universités à la Commission d'accès. Et ce n'est pas à cause du nombre de plaintes que la Commission a proposé cette modification qu'on connaît. Alors, je pense que la situation actuelle ne pose pas de problème. Mais elle en poserait advenant le cas où on donnerait accès. Cette situation qui prévaut actuellement, elle a fait ses preuves et semble satisfaire les intéressés. Alors, c'est un peu... Je pense que ce sont des éléments importants et le contexte universitaire y fait pour beaucoup.

Mme Frulla-Hébert: J'essaie de bien vous comprendre. En quoi, par exemple, le contexte universitaire est différent d'une certaine façon du milieu médical? Parce que vous savez que dans le milieu médical, par exemple, dans certaines spécialités, il y a très peu de spécialistes, si on veut, qui oeuvrent dans ces spécialités-là. Et bien souvent pour devenir soit patron ou, enfin, pour devenir directeur d'un certain secteur donné dans sa spécialité, on doit demander l'avis ou, enfin, les recommandations de nos pairs. Donc, pourquoi le milieu médical finalement n'aurait pas une certaine dérogation et le milieu universitaire en aurait une?

Mme Verrier: Écoutez, je connais peu le milieu médical, mais...

Mme Frulla-Hébert: Entre autres, là.

Mme Verrier: Mais en ce qui concerne des recommandations faites dans le cadre de promotions ou autres, généralement les modalités de ces recommandations, si vous voulez, ou les façons dont seront traitées ces recommandations, elles sont généralement traitées en vertu des conventions collectives qui prévalent, de sorte qu'on peut donner accès comme on peut ne pas le donner. Ça se joue généralement, en tout cas, à ma connaissance, sur un autre terrain, alors qu'en ce qui concerne les étudiants et l'université il n'y a aucun contrat de travail ou autre contrat qui existe et, à ce moment-là, c'est difficilement comparable, à mon avis.

Mme Frulla-Hébert: Vous dites aussi que pour l'instant il n'y a pas eu de plainte à la Commission d'accès. Une précision. La Commission d'accès prônait plus que l'étudiant ait accès aux lettres. Vous dites qu'il n'y a pas eu de plainte. Maintenant, est-ce que vous ne trouvez pas qu'il n'y a pas de plainte justement parce que les étudiants connaissent les règles du jeu? Mais si on ouvrait et on donnait accès aux lettres, peut-être que les étudiants l'apprécieraient.

Mme Verrier: Écoutez...

Mme Frulla-Hébert: C'est parce que je veux juste voir l'argument qui dit: On ne veut pas faire finalement deux classes de citoyens.

Mme Verrier: Non, effectivement.

Mme Frulla-Hébert: Dans d'autres milieux, ils ont droit aux lettres, etc. Mais dans le milieu universitaire, parce que c'est la tradition, parce que c'est un milieu extrêmement, finalement, professionnel dans le sens pur du terme, eux n'ont pas droit.

Mme Verrier: Mais je pense, comme je le soulignais tout à l'heure, qu'il y a des chances que les étudiants soient pénalisés en bout de . ligne de l'accès direct aux lettres de recommandation, parce que, actuellement, on tient compte de plusieurs critères que les seuls résultats académiques de l'étudiant ne peuvent pas évaluer. On ne peut pas savoir à partir des résultats académiques quelles sont les compétences, les connaissances acquises au cours de diverses expériences, etc. Donc, l'intérêt des étudiants, c'est que les lettres de recommandation soient les plus claires possible et les plus élaborées possible et qu'elles soient les plus crédibles possible, justement. Alors, je ne pense pas que, pour eux, d'avoir accès va nécessairement dans leur intérêt.

Le Président (M. Doyon): M. le recteur Kenniff, vous voudriez ajouter quelque chose?

M. Kennrff: M. le Président, un complément, peut-être, par rapport aux questions qui viennent d'être posées par la ministre. C'est qu'il faut comprendre que les cas dont on parle ici, il faut faire bien attention de comprendre que ce n'est pas un débat contradictoire ou un processus judiciaire qui s'engage entre l'étudiant qui demande son admission à un programme de maîtrise, par exemple, qui demande de l'aide financière, et l'institution qui l'admet. Et un argument qui est invoqué pour avoir accès à des lettres de recommandation avant que la décision soit prise, c'est pour justement pouvoir répondre dans un contexte judiciaire à ce qui pourrait être énoncé dans ces lettres-là, lorsque le processus d'évaluation qui est en place dans les universités depuis fort longtemps est la pratique courante, partout en Amérique du Nord, quelle que soit la nature de la législation qui s'applique, et c'est justement un processus qui est jugé nécessaire au monde scientifique pour apprécier et faire des choix qui sont des choix, soit d'admission, soit d'aide, pour constituer, finalement, le groupe d'étudiants qui feront partie d'un programme donné. Je pense que c'est bien important de comprendre que ce qu'on veut, évidemment... Dans la mesure où la décision rendue est motivée et circonstanciée, à ce moment-là, évidemment... ça se prête à une contestation judiciaire de la part d'un étudiant qui se sentirait lésé par la décision ou se sentirait la victime d'une injustice. Donc, c'est pour ça que nous avons trouvé que la formule de l'article 47 protégeait quand même le processus en ce qui a trait à des abus potentiels et que, également, il protégeait la pratique qui était en place depuis fort longtemps.

Je voudrais également tout simplement souligner le fait que, dans la mesure où, ailleurs, des recommandations deviennent publiques en ce qui a trait à ce genre de dossier, il semble se généraliser une pratique de recommandations davantage verbales, qu'écrites et il y a un danger qu'on puisse - comme Me Verrier l'a souligné - peut-être mettre en péril tout ce système-là qui existe dans les universités et qui est apprécié à la fois par les professeurs et les étudiants, si jamais on passait à un régime où les véritables recommandations se faisaient autrement que par écrit. Alors, je pense que c'est tout simplement les précisions que je voulais apporter.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Saint-Hyacinthe - si vous permettez Mme la ministre - vous avez une courte question?

M. Messier: Oui, peut-être au recteur. Combien y a-t-il d'étudiants qui ont fait une demande pour voir les lettres de recommandation suite à un refus, soit du registraire ou du secrétariat général?

M. Kenniff: Aucune.

M. Messier: Aucune. Donc, c'est de la prévention que vous voulez faire et non... C'est strictement un élément de prévention parce que vous ne voulez pas vous faire accuser plus tard ou aller devant la justice pour prouver hors de tout doute qu'effectivement la lettre de recommandation qui a servi à l'admission ou à la non-admission de l'étudiant en question avait des éléments, là-dedans, qui pouvaient peut-être porter préjudice à l'établissement, compte tenu du fait que vous auriez accepté ou non la candidature en question.

M. Kenniff: Si j'ai compris vos propos, ce que vous voulez dire sur ce qu'on veut faire, c'est de ne pas essayer de réparer un système qui fonctionne bien. La réponse, c'est oui.

M. Messier: Quand j'ai été admis à la maîtrise, je connaissais très bien les deux répondants qui ont signé ma lettre et j'ai vu la lettre de recommandation. Moi, je l'ai vue. Donc, pour la majorité des étudiants qui font une demande, ils sont conscients un petit peu du contenu de la lettre en question. Est-ce que ce n'est pas la majorité des cas ou si c'est une minorité qui sont conscients de...

M. Kenniff: Écoutez. Au-delà du texte d'une loi, au-delà d'une pratique générale, il y a évidemment une foule de cas particuliers. Je me

souviens aussi d'un professeur qui m'a dit. Écoutez, j'ai envoyé ma lettre de recommandation directement à l'établissement mais j'aimerais bien que vous en ayez une copie: voici. Ça se fait souvent mais, évidemment, c'est sur une base volontaire et non pas sur une base légiférée. Il y a également les professeurs ou les répondants qui vont dire: Écoutez, monsieur ou madame, je vous connais très bien et je vous incite à aller chercher une lettre de recommandation ailleurs. Il y a ce genre de situation aussi. Il y a une foule de situations particulières qui vont exister et vont continuer d'exister au-delà du texte de loi quel qu'il soit.

M. Messier: Est-ce qu'il est de pratique courante de refuser des candidatures à la maîtrise ou au doctorat, strictement sur des lettres de recommandation?

M. Kenniff: Les lettres de recommandation servent d'appui au dossier et ce ne sont pas des éléments de preuve ou - comme dirait l'autre - des pièces à conviction. Le dossier de l'étudiant est constitué du dossier académique de premier cycle, mais qui est insuffisant. C'est pour cette raison-là, d'ailleurs, qu'au niveau des deuxième et troisième cycles les lettres de recommandation viennent appuyer le dossier. Parce que c'est insuffisant d'avoir tout simplement le dossier académique de premier cycle. Mais il y a quand même le dossier académique de premier cycle qui permet un premier tri. Les lettres de recommandation viennent faire état de la capacité de recherche, d'analyse qu'aurait développée l'étudiant au niveau de ses études de premier cycle ou à l'occasion de travail effectué sur des projets de recherche. Il y a, dans certains cas, des entrevues personnelles qui peuvent être faites également par les responsables du programme. Ça varie énormément, la pratique. Mais, en générai, au niveau des deuxième et troisième cycles, nous allons trouver le dossier académique de premier cycle, ainsi que les lettres de recommandation.

Le Président (M. Ooyon): Merci, M. le recteur. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Une dernière question, pour moi. Le fonds subventionnaire et les universités, selon vous, M. Kenniff, auront toujours l'obligation de donner à la personne concernée une décision motivée et circonstanciée?

M. Kenniff: II me semble...

Mme Frulla-Hébert: Parce que, je ne sais pas, ce n'est pas clair. Est-ce que c'est une obligation, selon vous, de toujours donner une décision qui est motivée et circonstanciée, non l'accès aux lettres, mais à la décision?

M. Kenniff: Cette obligation peut découler de différentes sources et je ne saurais vous dire, je ne voudrais pas me faire conseiller juridique à la commission là-dessus, où se trouve l'obligation. L'article 47 sembla indiquer que la décision circonstanciée et motivée doit être communiquée à l'individu qui désire l'obtenir. Et je pense que cela laisse présupposer qu'il y a une obligation de rendre une décision motivée et circonstanciée À ma connaissance, dans beaucoup de dossiers semblables, c'est le cas. D'où provient l'obligation juridique, je ne saurais vous dire. Peut-être que M. Genest pourrait nous aider, là-desssus.

Le Président (M. Doyon): M. Genest.

M. Genest (Jacques): Pas strictement, M. le Président, dans l'ordre juridique, mais ce dont je pourrais témoigner, c'est que se développent de plus en plus, dans les universités, des règles, des politiques énonçant très précisément les droits des étudiants à ces évaluations ou à ces décisions motivées, soit dans les règlements pédagogiques, lorsqu'il s'agit d'une décision d'ordre pédagogique à strictement parler, ou soit, lorsqu'il s'agit de droits plus larges, dans les déclarations de droits des étudiants qui sont adoptées par les différents établissements, et qui prévoient, notamment en tout cas en ce qui a trait à l'Université Laval, le droit de recevoir une explication motivée des décisions concernant les étudiants. C'est évidemment avec tout un appareil d'appel, dans le cas où une décision non motivée serait rendue et ou l'étudiant jugerait qu'il a droit, en fonction de cette déclaration solennelle des droits des étudiants, à ce que son droit soit reconnu. Ce n'est donc pas toujours de l'ordre des tribunaux, mais je pense que, dans la plupart des universités, il existe des précisions très nettes concernant le droit des étudiants à avoir des explications sur les décisions qui les concernent. C'est inscrit, en tout cas, en toutes lettres, tel quel dans la déclaration des droits des étudiants de l'Université Laval, en ce qui nous concerne.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Genest. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Eh bien, moi aussi je vous souhaite la bienvenue, en vous remerciant d'avoir préparé le mémoire et de vous être présentés pour être capables de répondre à nos interrogations.

Ce que vous dites, effectivement, quand on lit le mémoire, ce n'est pas très long, mais très significatif, par contre. Mais ce qui est dit, c'est que vous êtes très heureux que, par l'article 47, il y ait le non-accès aux avis et recommandations d'ordre académique pour les étudiants. Par contre, en compensation, vous dites: L'accès est garanti, ou en tout cas assuré

passablement, par rapport à une décision qui est finale, motivée et circonstanciée. Mais la décision est finale. C'est quand même important parce que cette information sert, comme vous le dites dans votre lettre, soit pour l'admission aux études supérieures, les bourses de doctorat et les subventions de recherche. Donc, c'est quand même des choses importantes par rapport, entre autres, à l'admission. Et que, si jamais on ne reconnaissait pas ça par l'article 47, on viendrait mettre en cause, les termes que vous utilisez, la validité, la crédibilité et même la pertinence du processus actuel. Et les raisons pour lesquelles vous dites qu'il n'y a pas d'inquiétude, c'est le fait que le demandant fait le choix lui-même du répondant. Donc, il est sensé y avoir une espèce... Bon, définitivement, il devrait y avoir une relation de confiance, et c'est ou des professeurs, ou des collègues, ou des confrères, des gens qu'ils connaissent bien.

Tout ça, oui c'est beau, mais, en même temps, nous on doit se questionner ici, parce que ce qu'on est en train d'étudier, ce n'est pas une procédure administrative d'un type d'institution, mais c'est la loi qui s'appelle, et il faut bien le reconnaître, là, l'accès aux documents personnels. La loi qu'on est en train d'étudier, c'est une loi qui modifie la loi de confidentialité des documents personnels, mais aussi l'accès aux documents, à nos documents, les documents personnels, et ces documents, ici, sont des documents qui non seulement décrivent un individu mais peuvent l'aider ou lui nuire et, au moment où il y a une connaissance à partir de la coutume que vous êtes en train de nous expliquer, c'est une décision qui est finale.

(10 h 45)

Habituellement, quand on décide d'appliquer pour des études supérieures, ou pour un poste, ou pour une promotion, on se fait un "kit" dans lequel on y met tout ce qui est favorable et positif, dont des lettres de recommandation que l'on voit habituellement, à ma connaissance toujours... Comme le disait le député de Saint-Hyacinthe: C'est nous qui devons utiliser tous les arguments pour être capable de convaincre les gens de nous accorder le cours, de nous accorder la promotion, de nous accorder l'augmentation ou de nous embaucher. Ça, c'est un principe qui est connu. Moi, je dois vous dire que j'ai toujours pensé que c'était comme ça à peu près dans tous les domaines, y compris ceux des institutions publiques dont vous êtes, les universités. Là, vous avez des bons arguments et c'est pour ça que je suis heureux que vous y soyez pour qu'on puisse en discuter mais, en même temps, je vous rappelle ce que je disais tantôt. Ce qu'on étudie ici, ce n'est pas une procédure administrative mais bien une loi fondamentale qui reconnaît le droit à l'accès aux documents personnels, spécialement quand ils peuvent avoir des conséquences aussi importantes que l'admissibilité ou non à des cours d'études supérieures.

Je lisais dans votre document, ça va être ma première question... À la page 2, il est dit que l'article 47 représente l'aboutissement de nombreuses démarches et consultations intervenues entre le ministère des Communications, le ministère de l'Enseignement supérieur et les universités. Ma première question, toute simple et toute naïve: Est-ce que les associations étudiantes se sont prononcées là-dessus?

M. Kenniff: Je pense que la réponse très courte c'est non.

M. Paré: Donc, comme groupe, les étudiants n'ont pas eu l'occasion de se prononcer. Ils ne sont peut-être pas informés comme ça. Ce qu'ils connaissent probablement, et c'est là où probablement l'absence d'intervention ou de prise de position des gens pourrait être favorable... Je vais vous le dire là, c'est juste pour connaître leur intention et non pas présumer de ce qu'ils feraient comme choix. Mais, s'ils ne sont pas représentés pour donner leurs commentaires par rapport à l'article 47 du projet de loi, c'est ou ils ignorent finalement qu'on va inclure dans la loi ce principe ou bien non, pour eux autres, l'habitude, la coutume est tellement connue que les gens pensent que c'est immuable et inchan-geable; je ne le sais pas. C'est quoi votre "feeling" par rapport à ça?

M. Kenniff: Je pense que M. le député de Shefford a mal interprété la réponse courte que j'ai donnée. Alors, je vais me permettre d'ajouter quelques propos. Je n'ai pas dit que les étudiants n'avaient pas eu l'occasion de se prononcer là-dessus. Vous m'avez demandé si les étudiants s'étaient prononcés là-dessus et j'ai dit: Non. Je pense que les associations étudiantes, dont nous ne sommes pas les représentants... Soyez assuré, elles vous diront ça elles-mêmes. C'est que les associations étudiantes ont eu la même occasion que nous, comme les associations de professeurs, de se prononcer sur un projet de loi qui est public et qui leur est connu. Je dois présumer, jusqu'à preuve du contraire, que s'ils ne l'ont pas fait c'est qu'ils n'avaient pas de commentaires à faire. Alors, c'est très différent que de dire qu'ils n'ont pas eu l'occasion vraiment de se prononcer.

Évidemment, la Conférence des recteurs représente les établissements universitaires et les recteurs des universités. À l'intérieur de chacun de nos établissements, sur des grandes questions comme celle-là, nous avons l'occasion - et moi je l'ai régulièrement - d'informer les professeurs et les étudiants des grands dossiers qui sont discutés et de recueillir leurs commentaires au niveau de chaque établissement et je dois vous dire que je n'ai pas entendu de commentaires négatifs par rapport à la solution qui est proposée ici, ni à la pratique qui existe dans les universités depuis fort longtemps.

Là-dessus, si vous me permettez, M. le Président, peut-être juste un autre petit commentaire en marge des remarques que le député de Shefford vient de faire. C'est qu'il est vrai que vous êtes à étudier un projet de loi, il est vrai que ce projet de loi établit un certain nombre de principes, mais il est vrai aussi qu'il est très important que le processus législatif tienne compte et cherche à épouser les particularités des divers systèmes qu'il cherche à réglementer. L'université, ce n'est pas l'hôpital; l'hôpital, ce n'est pas la fonction publique, etc. Et je pense que la sagesse du législateur c'est de savoir donner à cette règle générale les tempéraments qui s'imposent pour tenir compte de la pratique qui existe dans chaque catégorie d'établissements. Nous ne nions pas notre statut d'institution publique, mais nous soulignons très vivement à la commission le caractère très particulier du milieu universitaire qui fait en sorte, par exemple, ce qui était un peu en filigrane, par exemple, dans les remarques de M. Genest, tout à l'heure, que depuis fort longtemps, et c'est reconnu par les tribunaux, les universités constituent et ont créé des juridictions et cela depuis le Moyen Âge, le début des universités, des juridictions internes, des tribunaux, comme on dit, domestiques qui règlent un grand nombre de questions. C'est heureux qu'il en soit ainsi et que les étudiants ne soient pas obligés à tout bout de champ d'aller devant les tribunaux de droit commun pour faire valoir leur droit. Dans chacun de nos établissements, nous avons des procédures administratives, nous avons des codes de déontologie, nous avons des mécanismes pour régler à l'interne des situations d'injustice ou d'iniquité qui peuvent surgir. Je pense que ce serait très néfaste si le législateur s'avisait de balayer ça. Je ne dis pas que vous le faites. Mais je dis: Si, de façon générale, on adoptait l'approche de balayer tout ça pour le remplacer par des recours de droit commun? Je pense que c'est le commentaire que je ferais en marge de votre remarque très appropriée, que vous êtes ici pour faire des lois. Je pense que le processus législatif qui a conduit à l'article 47 est un excellent processus et le résultat aussi.

M. Paré: Merci beaucoup de vos commentaires et d'avoir précisé, sauf que je reviens quand même là-dessus. De toute façon, c'est le point qu'on doit éclaircir ce matin et s'assurer qu'on ne fait pas d'erreur. C'est que la loi qu'on discute présentement, c'est une loi fondamentale qui doit avoir préséance sur les autres. C'est un droit reconnu à des citoyens et le citoyen, il est avec ses droits de sa naissance à sa mort normalement. Donc, l'accès à des documents, il doit l'avoir tout au long de sa vie dans des documents qui, en plus, ont une incidence sur son avenir. Donc, il a droit à ces documents avant d'être à l'université et, quand il sera sur le marché du travail ou dans sa vie d'adulte ensuite, il va avoir droit à ces documents selon la loi qu'on étudie, la charte qui lui reconnaît le droit à l'accès à ces documents. Et on lui garantit, ce qu'on est en train de regarder, le droit d'accès à des documents personnels. Et là, on dit: On met une exception.

Dans une loi fondamentale, quand on met des exceptions - je ne dis pas qu'il ne doit pas y en avoir, c'est pour ça qu'on discute ici ce matin - il faut que ce soit drôlement justifié parce que les exceptions doivent être justifiées. Quand on décide ou qu'on accepte comme législateur un précédent, une porte ouverte, une exception, un cas à part, et ce n'est pas pour mettre en doute l'importance, la qualité et le sérieux des universités, absolument pas... Je dois vous dire que j'ai été assez longtemps vice-président de la commission de l'éducation pour savoir le rôle essentiel que vous jouez dans la société et la façon dont vous le jouez aussi. Ce n'est pas du tout ça qui est mis en cause ici ce matin. Ce qui est mis en cause, c'est que nous, on accepte ici, en adoptant l'article 47, de faire une exception sur un droit qui est reconnu aux individus. Comme on doit décider de ça ici, on doit se baser sur le droit général et on doit se baser sur des commentaires qui sont laits, des suggestions qui sont faites.

Entre autres, quand la Commission d'accès à l'information nous passe un commentaire comme celui qu'on retrouve dans le mémoire... Madame en a fait mention tantôt sauf que je veux quand même y revenir. C'est important parce que la Commission, il ne faut pas l'oublier, a l'expertise, l'expérience, depuis 1982 qu'elle est en place, pour s'assurer du respect des droits des citoyens et de l'accès aussi aux documents. Quand elle nous fait un commentaire, à mon avis, il faut en tenir compte. Ça ne veut pas dire qu'il faut toujours accepter mais, au moins, il faut en discuter parce que, l'expertise étant là et ces gens-là ayant l'expérience, il faut en tenir compte.

À la page 12 du mémoire qui a été présenté, c'est dit en toutes lettres: "L'article 25 du projet de loi traduit substantiellement la reconnaissance de la Commission à cet égard. Toutefois, les articles 44 et 47 restreignent largement la portée de ce nouveau droit dans le secteur universitaire et la Commission ne comprend pas quelle logique a pu conduire à l'introduction de telles limites. La Commission souligne d'ailleurs que d'autres juridictions ont déjà pris cette voie sans entrave évidente au bon fonctionnement des organismes publics. À titre d'exemple, aux États-Unis, les universités américaines sont assujetties aux Family Educational Rights. Cette loi, en vigueur depuis 12 ans, s'applique à toute maison d'enseignement financée en tout ou en partie par le gouvernement fédéral. Elle accorde à tout étudiant l'accès à son dossier scolaire, y compris les recommandations des professeurs et ce, sans restriction. " Comme commentaire, vous avez dit

tantôt: Les étudiants peuvent renoncer. Oui, c'est une façon de voir les choses, sauf que ce n'est plus maintenant le droit qu'ils ont perdu, c'est le droit qu'ils ont de renoncer. C'est différent. Si, aux États-Unis, on a décidé de donner le droit de renoncer, mais qu'on n'a pas enlevé le droit, par exemple, d'avoir accès, c'est probablement qu'on en est venu à la conclusion que le droit d'accès à l'individu n'était pas touchable ou était mieux d'être préservé.

La Commission continue en disant: "Suivant cette même approche, la Loi sur la protection des renseignements personnels, adoptée par le Parlement canadien en 1982, prévoit explicitement que les idées et les opinions d'autrui au sujet d'une personne constituent des renseignements personnels auxquels la personne concernée peut avoir accès." C'est pour ça que je vous dis: Oui, vous avez de bonnes explications, on doit en tenir compte. De toute façon, c'est dans la loi, donc, on n'en discute pas comme d'un projet à venir, mais comme quelque chose qui peut être adopté. Mais, par rapport aux exemples nord-américains, le gouvernement canadien, les États-Unis et l'application qu'on en fait ici, au Québec, est-ce que, d'après vous, l'habitude, la coutume, la connaissance qu'ont les étudiants de votre mode de fonctionnement ne sont pas des garanties suffisantes, puisque vous avez dit tantôt qu'il n'y avait pas eu de plainte? Est-ce que la coutume n'est pas suffisante et que, comme il n'y a pas eu de problème, ce ne serait pas plus sage pour le législateur de ne pas enlever un droit qui est reconnu dans la charte?

M. Kenniff: D'abord, je dois dire que, dans les propos de Me Verrier au début de sa présentation, nous avons souligné, par rapport à deux des points qui étaient dans le rapport de la Commission et que le député de Shefford vient de lire, que, évidemment, dans le cas des États-Unis, la règle est énoncée dans la loi, et l'exception, qui est tout à fait courante et qui respecte d'une certaine façon la pratique existante, se trouve dans le règlement d'application. Évidemment, la Commission n'en a pas fait état dans son rapport. Nous avons tenu a souligner à cette commission que ce règlement existe et, de fait, dans la pratique, cette renonciation est plutôt la règle que l'exception.

De plus, au-delà de la loi et du règlement, il y a cette pratique à laquelle j'ai fait allusion et qui est fréquente, et même jusqu'à un certain point institutionnalisée aux États-Unis, de procéder autrement que par l'écrit en ce qui a trait aux recommandations, et ça, évidemment, ça crée une situation peut-être encore plus dangereuse que la perception que vous pouvez avoir de la pratique actuelle. Donc, je vous dis: Nous avons tenu, pour cette raison-là, à accepter une solution qui était différente de la solution américaine, d'autant plus, comme nous l'avons souligné, que le bassin de répondants, dans un contexte comme celui du Québec, est beaucoup plus restreint que le bassin de répondants qui peut exister dans une juridiction comme celle des États-Unis. Donc, évidemment, c'est beaucoup plus en famille et beaucoup plus une situation délicate à l'intérieur de chaque établissement que ce que l'on retrouve généralement aux États-Unis.

En ce qui a trait à la législation fédérale, elle est là. Elle ne s'applique pas aux universités canadiennes. Et, d'après les connaissances et les études que nous avons, il n'existe pas de disposition semblable dans la législation provinciale qui s'applique aux universités. Comme nous l'avons souligné, le fait de publier l'avis et de taire le nom du signataire, c'est une solution qui ne s'applique pas véritablement à ce qui est à l'étude ici, parce que très souvent le répondant est une personne qui agit à la demande du candidat. Donc, l'identité est connue. Taire l'identité du répondant, ça ne donne vraiment aucun résultat. Alors, pour cette raison-là, nous avons cherché peut-être, dans les échanges que nous avons eus depuis un an et demi ou deux ans, à trouver une façon d'atteindre l'objectif qui, je pense, est derrière la règle de base que vous avez énoncée. Vous avez dit: II y a une règle de base, c'est une loi fondamentale. M. le Président, il n'y a aucun doute là-dessus, nous ne contesterons pas cette affirmation, mais une loi fondamentale ou une règle de base vise à garantir ou à atteindre un certain nombre d'objectifs. Et ce sont des objectifs, j'imagine, d'équité, de justice, de protection des droits de l'individu. (11 heures)

Si, dans un contexte comme le contexte universitaire, on peut atteindre cet objectif qui est au coeur de la loi de l'accès à l'information d'une manière différente et une manière qui protège une pratique qui existe depuis fort longtemps et qui fonctionne, il me semble que cette voie de solution est meilleure que celle qui consisterait à dire: On va changer complètement le système et on va exiger que ça se fasse de la même manière qu'ailleurs alors que le contexte est différent. Je pense que c'est ça qui est fondamental. C'est quoi, l'objectif? Je pensé que l'objectif doit être protégé. Je pense qu'il est protégé par l'article 47. C'est le point de vue que nous défendons.

M. Paré: Oui, je comprends. Je vous l'ai dit, je ne voulais pas remettre tout en cause par rapport au fonctionnement des universités au Québec, au contraire. Sauf qu'on doit tenir compte... Et je reviens et vous m'amenez là-dessus. Vous avez utilisé dans vos dernières paroles deux mots qui sont importants, "équité" et "justice". Et on doit en tenir compte ici aussi à la commission. Et ça m'amène aussi à citer un paragraphe du Groupe de recherche informatique et droit qui va présenter un mémoire. Je pense

que c'est cet avant-midi, en tout cas, aujourd'hui. Et il est dit dans son mémoire et je le cite, parce que "équité" et "justice", vous allez voir où ça m'amène: "Les universités sont allées se chercher dans ce projet de loi une exception qui exclut l'accès d'une personne aux avis ou recommandations d'ordre académique la concernant (article 47 de la loi modificatrice, à comparer avec l'article 86.1 nouveau). On voit mal pourquoi seules les universités (ainsi que les fonds de développement scientifique et technologique) échapperaient à cette règle élémentaire de justification publique de leurs décisions qui peuvent affecter l'avenir professionnel de dizaines de milliers d'individus." Et c'est là où ça m'amène à "justice" et "équité". Je n'en ai pas du tout contre les universités. Mais, si on accepte cette exception par l'article 47 pour des raisons très importantes que vous avez énumérées, pourquoi d'autres groupes ne viendraient pas demander dans les mois, les années à venir, se basant sur cette ouverture, l'exemption d'autres groupes? Je pense qu'il faut en tenir compte, nous, ici, de cette possibilité. Ce n'est pas barré. Ce n'est pas fermé. C'est une possibilité, par exemple, qu'on doit absolument considérer.

Le Président (M. Ooyon): M. le recteur.

M. Kenniff: M. le Président, loin de moi de vouloir défendre le dossier de tous les autres groupes à l'avenir qui pourraient venir demander des exceptions. Mais j'ose espérer que cette commission et que l'Assemblée nationale témoigneraient d'autant d'ouverture à l'égard des circonstances particulières qui pourraient exister pour ces groupes-là. Et je ne prétends pas les défendre. Ce que je connais, c'est le milieu universitaire. Ce que nous défendons aujourd'hui, c'est le contexte de ce milieu universitaire. Et ce que nous prétendons, c'est que justice et équité seront là avec l'article 47 et qu'on aura l'avantage additionnel de pouvoir continuer à fonctionner dans ce système qui fonctionne bien. Je dis... Je pense qu'il ne faut pas chercher à réparer quelque chose qui fonctionne. À l'heure actuelle, nous avons des mécanismes pour protéger les étudiants contre l'arbitraire. Ces mécanismes-là fonctionnent. Et je pense qu'avec l'article 47 la situation va continuer, même si elle nous impose quelques obligations additionnelles. Je pense que les universités sont bien prêtes à accepter ces obligations.

M. Paré: Alors, moi, j'ai seulement à vous remercier d'avoir répondu à nos questions et on va certainement prendre bonne note de vos éclaircissements. On en avait besoin.

Le Président (M. Doyon): Alors, moi, si vous me permettez, M. le recteur - et je vois le député de Sherbrooke ici - j'aimerais tout simplement indiquer que l'Université Laval est dans le beau comté de Louis-Hébert, comme tout le monde le sait. Il y a 15 000 étudiants qui y résident. Et, évidemment, les étudiants ne se gênent pas pour venir faire des représentations de toutes sortes. Évidemnru nt, le député est là et c'est normal qu'ils aient recours à nos services quand ils ont quelque chose à nous dire. Et, écoutant ce que vous dites, j'essayais de me creuser la mémoire pour essayer de me rappeler des étudiants, membres de l'UGIL, par exemple, qui seraient venus me voir et qui m'auraient soulevé ce problème-là. Dieu sait qu'ils ne se sont pas gênés de le faire quand ça a été la question de l'augmentation des frais de scolarité, et c'était très bien comme ça. Ils concevaient qu'il y avait là un problème et ils sont venus voir le député. Ils en ont fait part de toutes sortes de manières, parfois assez percutantes. Mais ça, ça fait partie de la "game". Mais sur l'exemption qui est accordée aux universités, je n'ai eu aucune représentation dans ce sens-là. Je vois mon collègue ici de Sherbrooke, qui a l'Université de Sherbrooke. Peut-être qu'il pourra témoigner en son nom. Mais je voudrais dire, et j'en fais part à la ministre, que les 15 000 étudiants, et ce n'est pas rien, qui demeurent dans le comté de Louis-Hébert, qui y votent et qui y ont feu et lieu n'ont jamais, pour un ou une, pris la peine de venir me voir à mon bureau de comté ou de me parler à l'université quand j'y vais - et c'est fréquent - pour me faire part qu'il y avait un problème là. Et je me dis que, quand il n'y a pas de victime, il n'y a pas de crime. C'est peut-être le signe que la situation n'est pas dramatique. Et je donne, là-dessus, la parole au député de Sherbrooke qui a peut-être quelque chose à faire valoir dans ce sens-là ou dans le sens contraire. Il me fait signe que c'est à peu près la même chose.

M. Kenniff: M. le Président, je ne suis pas du tout offusqué que vous ayez utilisé l'Université Laval comme modèle et je pense que vos propos sont confirmés par l'expérience des autres recteurs. Et vous pouvez peut-être interroger vos collègues qui représentent les circonscriptions où sont situées les universités du Québec et je pense que vous allez avoir la même réponse.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le recteur. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je tiens à vous remercier tous d'avoir défendu votre position. Je pense que les clarifications sont fort appréciées et aussi nécessaires. Je veux seulement répondre aussi au député de Shefford. Dans le projet de loi actuel, pour être très clairs, nous avons introduit qu'une personne devrait avoir accès à une opinion écrite sur elle en tout temps et de façon générale. C'est ça, lorsqu'il y a une décision rendue. Maintenant... Évidemment, comme on disait hier, s'il n'y a pas de décision...

Mais ce que je retiens surtout de l'intervention, c'est que l'absence de dérogation - là, je veux être claire - contribuerait, selon vous et votre présentation, à détériorer la situation actuelle que, vous, vous jugez convenable, dont les étudiants semblent se satisfaire, d'une part. Et que l'étudiant - et ça, pour moi, c'est très important - aura toujours droit à une décision motivée et circonstanciée et que l'université ou le fonds de recherche aura l'obligation de rendre une décision motivée et circonstanciée. Moi, de l'échange, c'est ce que je retiens. Alors, cela dit, je vous remercie encore de votre présentation et des clarifications que vous nous avez apportées.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le recteur. Merci beaucoup à tout le monde. Alors, ceci termine l'audition du premier groupe. Nous allons maintenant passer au deuxième. Il s'agit de la Centrale de l'enseignement du Québec qui est représentée par M. Johnston et M. Lapierre à qui je fais l'invitation de s'avancer et de prendre place.

Alors, je reconnais là des habitués des commissions parlementaires. Je sais qu'ils sont venus à quelques reprises et je leur souhaite la bienvenue. Ils savent comment ça fonctionne. Sans plus de retard, je les invite à se présenter et à prendre la parole.

Centrale de l'enseignement du Québec

M. Johnston (Raymond): Oui, M. le Président, je suis Raymond Johnston, vice-président de la CEQ. Jean-Marcel Lapierre, qui m'accompagne, est avocat salarié de la Centrale et il a largement contribué à l'élaboration de notre position sur le projet de loi qui est examiné par la commission, aujourd'hui.

Je voudrais brièvement situer les gens qui sont peut-être moins familiers avec nous un peu sur l'organisation que nous représentons. La Centrale de l'enseignement du Québec représente environ 130 000 salariés au Québec qui sont, pour la vaste majorité, dans le secteur de l'éducation: enseignants, professionnels, personnel de soutien, travailleuses et travailleurs de garderie. Elle représente aussi du personnel dans Je secteur de (a santé et des services sociaux, du personnel dans le secteur du loisir et, également, dans le secteur des communications et de tous petits groupes dans le secteur qu'on peut identifier de la fonction publique québécoise.

Je voudrais aussi, avant d'entrer dans la présentation formelle de notre texte, attirer l'attention des membres de la commission sur le fait qu'on a fait un choix délibéré de produire un mémoire très court, qui ciblait une question que nous identifions comme étant une question centrale. Et nous avons fait ce choix parce que nous considérons que, mine de rien, les politiques gouvernementales sont en train de déployer des mécanismes de contrôle social très importants. Ça a commencé avec la loi 37 sur la sécurité du revenu. Ce n'étaient pas des mécanismes de contrôle de même nature, même d'enquête; d'aucuns les ont qualifiés de boubous macoutes et super boubous macoutes, ça faisait image. Le printemps dernier, sans trop avoir mesuré tous les effets de ça, le gouvernement reprenait des dispositions de contrôle et d'enquête de même nature dans la Loi sur l'aide financière aux étudiants. C'est seulement devant un tollé de prostestations que le ministre Ryan lui-même a pris l'initiative de retirer ces dispositions qui, disait-il, étaient là presque simplement par concordance avec la Loi sur la sécurité du revenu: Parce qu'il y en avait à une place, il fallait qu'il y en ait à l'autre, mais il ne cherchait pas nécessairement les mêmes effets, disait-il. On est contents que le ministre Ryan ait reculé, mais ce qui nous inquiète, c'est que, si ces mécanismes de la loi 37 n'ont pas été retenus à l'intérieur de la Loi sur l'aide financière aux étudiants, on va, par le traitement des renseignements personnels, par l'utilisation des banques de données, par le couplage des banques de données, par la création de banques de données centrales, créer un autre type d'appareil de contrôle social. Avec ce type d'approche, on va multiplier les groupes cibles susceptibles d'avoir contrevenu à une loi ou à un règlement ou susceptibles de profiter d'avantages auxquels ils n'ont pas droit, et on va systématiquement les passer au peigne fin par couplage de données. On va donc utiliser, on risque donc d'utiliser cet appareil de contrôle pour aller à la pêche pour l'identification de présumés contrevenants à la loi et aux règlements. Il faut bien voir la portée des termes. Quand on parle de personnes susceptibles d'avoir contrevenu à une loi ou à un règlement ou susceptibles de profiter d'avantages auxquels ils n'ont pas droit, ce n'est pas du tout de même nature que quand on parle de personnes pour lesquelles on a des motifs très raisonnables de croire qu'elles ont contrevenu à. C'est très différent comme approche.

L'autre dimension qu'on veut porter à votre attention, et la Commission d'accès à l'information l'avait fait aussi, c'est que, sous l'empire des dispositions qui ont été modifiées en 1985, déjà l'article 67 sert de façon très importante à aller chercher des renseignements nominatifs à la pièce, dans des banques de données, pour des fins de contrôle, pour des fins de comparaison.

(11 h 15)

La portée de ce qui apparaît maintenant dans le projet de loi, à l'article 68, c'est à la fois dangereux, donc, parce que ça peut devenir un appareil de contrôle social très important mais c'est aussi inquiétant parce que ça limite le champ où il y a contrainte d'entente entre organismes publics. Le champ réglementé des échanges de renseignements diminue, le champ non réglementé augmente. C'est dangereux aussi parce que, à notre point de vue, on ajoute dans

le projet de législation la possibilité qu'il puisse y avoir approbation d'entente sans qu'on ait la garantie que l'avis de la Commission d'accès à l'information, qui aurait pu être défavorable, continue d'être déposé à l'Assemblée nationale.

Nous suivons aussi le raisonnement de la Commission d'accès à l'information quand elle nous dit: Avec l'évolution des nouvelles technologies, la portée de l'article 68 tel qu'il existe devrait être modifiée pour s'assurer que la notion de fichier couvre plus large que ce que ça couvre actuellement, parce qu'on sait bien que c'est facile dans un appareil gouvernemental, avec des systèmes où il peut y avoir facilement de l'échange d'informations d'un micro à un autre-Une voix: Ha, ha, ha!

M. Johnston: Là, je ne parle pas de micro pour transporter la voix. ...sans qu'il n'y ait nécessairement appariement, ou comparaison, ou juxtaposition de banques de données complètes.

L'autre facteur qui nous inquiète aussi, c'est qu'on ne chemine pas beaucoup dans le sens de la démocratisation du débat sur le contrôle des banques de données gouvernementales. Là-dessus, je vais vous référer aux quelques idées, aux quelques suggestions qui ont été soumises par la Ligue des droits et libertés auxquelles nous souscrivons dans l'ensemble sur cette question. Je pense que l'article 70 de la loi sur l'accès à l'information aurait besoin d'être retravaillé pour permettre véritablement l'organisation d'un débat démocratique sur les ententes de couplage de données.

Finalement, je voudrais aussi signaler qu'il y aurait lieu de prendre des précautions à l'intérieur de la loi pour s'assurer que ce qui ne pourrait pas être fait sans contrôle par les organismes publics, entre organismes publics, ne puisse pas se faire indirectement en utilisant des banques de données privées constituées par des agences privées et ainsi contourner, en quelque sorte, les dispositions législatives qui demeurent.

Je veux donc, pour conclure cette présentation brève d'un mémoire très bref, appeler les membres de la commission et Mme la ministre à considérer avec beaucoup d'attention les risques de glissement imperceptibles probablement pour une large fraction de la population tant et aussi longtemps qu'on discute des textes mais dangereusement perceptibles au moment où ils pourraient être appliqués. On n'a pas de grosse tradition, au Québec, de débat structuré autour de questions aussi complexes que ça, mais il ne faudrait pas profiter du fait qu'il n'y a pas de tradition de débat public développée au Québec pour amenuiser en quelque sorte la portée de la loi et se refuser à une forme de raffermissement qui est probablement nécessaire si on veut que les citoyens et les citoyennes aient le sentiment d'être protégés dans leur vie privée, tout autant à l'égard du traitement et du couplage de données qu'à l'égard des saisies qui peuvent être faites dans leur domicile privé. Des comparaisons sont peut-être difficiles à établir parce que ça ne se traduit pas de la même façon en réalité, mais les effets sur les personnes peuvent être vraisemblablement de même nature.

J'ajouterai que dans un contexte où il peut y avoir des pressions très importantes pour créer une bonne industrie de traitement de banques de données, il faut aussi que la loi soit resserrée et que le gouvernement assure la population qu'il la met à l'abri de l'utilisation de banques de données développées dans le privé à des fins de contrôle social et gouvernemental. Je m'arrêterai là-dessus. Je pense avoir couvert l'essentiel. Je suis disposé à répondre à vos questions.

Le Président (M. Messier): Merci, M.

Johnston. Est-ce que Me Lapierre aurait quelques considérations? Ça va. Mme la ministre, en réplique.

Mme Frulla-Hébert: M. Johnston, Me Lapierre, je vous remercie de vos commentaires. Je ne sais pas si vous étiez là hier.

M. Johnston: Non, madame.

Mme Frulla-Hébert: Bon. Hier matin, lors du discours préliminaire d'ouverture, on s'est rendu compte - on le savait de toute façon, mais je l'ai sorti et mis en évidence - que toute la politique ou, enfin, toute la question de couplage, c'est une question, évidemment, qui est très sensible et avec raison parce qu'on a tous à coeur de protéger aussi nos renseignements personnels, d'une part.

Deuxièmement, vous savez que la politique de couplage a été acceptée unanimement par l'Assemblée nationale le 20 juin 1985. Quand on a apporté la modification au niveau du couplage, l'intention était celle-ci. L'intention n'était nullement de mettre en danger ou en péril la population sur ce sujet, mais surtout d'essayer d'alléger, justement, le processus administratif de la CAI qui, elle, nous l'avait souligné en 1987 quant à des couplages pour des fins qu'on appelait, à ce moment-là, administratives, c'est-à-dire des changements d'adresse, par exemple, pour que les gens puissent avoir accès plus rapidement à des programmes qui, des fois, sont bloqués par un manque d'information, si tu veux, au niveau administratif.

On s'est aperçu, finalement, que cette question qui se voulait, qui était nécessaire pour essayer d'alléger le fardeau de la CAI et la rendre plus efficace, cette modification à l'article, c'était quand même un point très chaud et sensible. Alors, comme notre position n'était pas d'insécuriser la population, nous avons décidé d'enlever l'article 68.1 et de revenir au principe que la CAI, qui est finalement l'organisme

responsable d'appliquer la loi sur l'accès, se devra de toujours donner un avis sur tout couplage. Alors, j'espère que ça clarifie un peu la situation, d'une part.

Deuxièmement, quant au développement de la technologie, d'un côté on veut bénéficier du développement de la technologie et de l'autre, évidemment, ça rend la situation - et vous avez bien raison - complexe, parce qu'il y a une prolifération de renseignements sur nous qui se promènent un peu partout. C'est complexe, ce n'est pas facile non plus à régler. On a formé un comité interministériel qui travaille spécifiquement là-dessus en fonction d'entrer justement en 1992 pour apporter, si on veut, des recommandations ou, enfin, des ajouts ou des amendements quant à cette question spécifique.

Je veux vous poser la question: Est-ce que vous croyez qu'il est possible - c'est la question qu'on se pose tous - d'utiliser l'informatique de façon optimale, d'une part, parce qu'on ne peut pas l'éviter, tout en sauvegardant nos valeurs qui nous sont si précieuses comme celles de la vie privée? Effectivement, c'est la question qu'on doit se poser et qu'on va se poser finalement dans la prochaine décennie et sinon plus. Mais, selon vous, est-ce qu'il y a une incompatibilité? Est-ce possible?

M. Johnston: Je ne me prétendrai pas spécialiste, mais je pense qu'on n'a pas le choix que de rendre ça possible. Il y a de l'accumulation de données par des organismes gouvernementaux. Je pense qu'il n'y a pas de problème dans la mesure où les organismes traitent les renseignements qui ont été fournis à des fins spécifiques pour ces fins. Là où il commence à y avoir des problèmes qui sont de l'ordre de ce qu'on peut appeler le viol de la vie privée, c'est quand des informations sont fournies à une fin et peuvent éventuellement passer à travers l'ensemble des organismes gouvernementaux à des fins de dépistage, alors qu'elles n'ont pas été fournies pour ça. C'est une question de crédibilité pour la population. Comment voulez-vous que les citoyens et les citoyennes puissent avoir confiance en un appareil gouvernemental qui utilise des données fournies de bonne foi à des fins qui sont complètement étrangères à celles pour lesquelles elles ont été fournies? C'est un premier problème et il faut le régler. Pour le régler, c'est bien sûr que ce n'est peut-être pas approprié d'aller demander chaque fois le consentement personnel de l'individu, mais, comme la Ligue des droits, nous croyons que le développement d'ententes sur le couplage de données devrait faire l'objet d'un débat sur la finalité de l'entente avant qu'elle soit finalement ratifiée et appliquée. Ça permettrait aux gens d'avoir une prise là-dessus, puis de peut-être assurer un équilibre entre le développement de la capacité de traitement de données, de couplage de données, puis les besoins de protection de la population.

Hier, je n'étais pas ici quand vous avez fait votre déclaration d'ouverture, mais je souhaite que vous ayez déjà indiqué la volonté de faire disparaître les termes "susceptibles de" et je souhaite aussi qu'à travers la nouvelle formulation que vous allez proposer vous allez chercher à rétablir la suprématie de la loi sur l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels sur les lois ordinaires et non pas aller dans le sens d'un glissement pour en faire une loi ordinaire qui ne sert que de filet de sécurité dans les cas où les lois ordinaires ne prévoient rien.

(11 h 30)

Je pense donc qu'il n'y a pas de réponse absolue dans ce que je vous dis. Je ne me prétends pas spécialiste pour donner une réponse au finish, mais je pense qu'une question qui est au centre des enjeux démocratiques ne peut pas se régler autrement que par le soin d'organiser de véritables débats démocratiques sur les enjeux de chaque formule de couplage de données.

Mme Frulla-Hébert: D'abord, je pense que je vais aller au-delà de vos espoirs parce que l'article 68.1, on l'enlève. Alors, vous ne verrez pas le mot "susceptibles" et vous ne verrez pas l'article non plus.

Le Président (M. Messier): Mais avant, M. Lapierre avait peut-être d'autres considérations à apporter.

M. Lapierre (Jean-Marcel): Oui, je voudrais ajouter certaines remarques. Je ne suis pas spécialiste plus que Raymond Johnston. La question est extrêmement complexe mais c'est certain qu'il y a un objectif qui est d'utiliser l'informatique de manière optimale et il y a l'objectif de la protection de la vie privée. Il y a des enjeux. Il faut trouver un équilibre par rapport à ces objectifs et par rapport aux enjeux. Il me semble qu'il y a une bonne technique qui était suggérée par la Commission qui nous semble adaptée à l'évolution de l'informatique qui est l'élargissement de la notion de fichier. Ça nous a semblé être adapté à l'évolution et je pense que c'est un exemple de technique juridique qui peut être utilisée pour augmenter la protection. Par . ailleurs, ça nous rassure dans une certaine mesure que devant cette question complexe là la CAI dise qu'elle poursuit actuellement une étude sur la question de la transmission des renseignements personnels. Je pense que ça va être intéressant d'avoir les résultats et que ça va probablement apporter des éclairages qui permettront de développer une nouvelle technique juridique et d'avoir des politiques adaptées a la situation.

Le Président (M. Messier): Merci, M. Lapierre.

Mme Frulla-Hébert: De toute façon, je veux quand même vous préciser que nous avons annoncé hier aussi la mise sur pied d'une politique de commercialisation de ces banques de données parce que, évidemment, nous sommes contre aussi que des banques de données qui ont été accumulées avec l'argent des contribuables servent à des entreprises privées pour fins tout simplement de profits. Alors, c'était l'objectif de l'article de la loi, cet objectif reste toujours. Je suis profondément, profondément contre cette utilisation personnelle des banques de données qui sont colligées. Par contre, nous allons non seulement mettre sur pied ce groupe de travail sur la commercialisation des banques de données mais, à ce moment-là, le rapport deviendra public et il y aura une discussion là-dessus. Donc, d'une part, il y a un comité interministériel pour regarder toute la question de l'évolution de la technologie. D'autre part, en collaboration aussi avec la CAI qui fait son bout de chemin et travaille avec nous, débat public sur la commercialisation des banques de données parce qu'effectivement on a beau se creuser la tête ici et dire: On va arriver avec une solution simple ou, enfin, une solution toute cuite, vous avez raison, elle sera évolutive.

Il y a une chose qui me chicotte un petit peu dans votre présentation. C'est que, hier, on a aussi découvert, notamment avec M. Winters, de The Gazette, qu'il y a un problème d'attitude au niveau de cette loi-là. De toute façon, c'est-à-dire quand les gens vont ou essaient d'avoir des renseignements, il y a une espèce de réticence de la part des organismes. C'est ce qu'on nous a dit nier. Nous, au niveau du ministère des Communications, avec la CAI, on sait qu'il y aura un effort de pédagogie à faire. La loi est méconnue ou mal connue. Et deuxièmement, encore là, nous, on avait décelé une espèce de réticence face à cette loi-là.

Cela dit, dans le but de corriger l'attitude, de rendre les gens qui s'en servent ou qui y sont soumis, de les rendre positifs à travers cette loi qui est une loi effectivement prépondérante d'une part et qui touche les droits fondamentaux, on voudrait un peu changer le dialogue, c'est-à-dire d'en arriver avec des termes ou un dialogue très positif entre la population et les organismes. Et je vous entends et vous me dites: Les organismes essaient de profiter des banques de données pour aller chercher des contrevenants, bon, et je veux savoir si j'ai bien compris, là, parce que vous savez comme moi que des contrevenants... Vous êtes un contribuable. On en est tous ici, et que dans le cas de la sécurité du revenu, il y en a pour 30 000 000 $ de gens qui fraudent. Je ne pense pas que ça nous tente. On voudrait bien que notre argent serve à aider ceux qui en ont besoin, pas ceux qui fraudent le système non plus. Donc, il y a un besoin là aussi. Et ça, il en va de nos droits aussi comme contribuables. Mais je sens et je perçois, et dites-moi si j'ai tort, que d'un côté les organismes publics sont finalement les mauvais partis, si on veut, ceux qui essaient de cacher, et de l'autre côté il y a ceux qui essaient d'avoir de l'information et à juste i fre. Et nous, ce qu'on essaie de faire maintenant, c'est de rendre tout ça positif. Je ne pense pas que les organismes publics sont ceux aussi qui veulent absolument... qui sont réticents ou essaient de cacher, d'une part, en général, et que ceux qui se servent des renseignements ou qui veulent avoir des renseignements publics ou encore qui essaient de conserver leur vie privée sont tous aussi, si on peut dire, vierges de défauts. Alors, j'essaie juste de voir... de ramener ça sur un débat positif.

M. Johnston: Écoutez, moi, je ne veux pas créer de confusion. Je n'ai pas accusé les organismes publics de partir à la chasse pour faire du couplage de données. Ce dont je faisais le procès, c'est de l'article 68.1 qui était proposé et qui ouvrait ça. Je n'accuse pas les organismes publics dans leur comportement actuel. De toute façon, je n'ai pas fait d'enquête suffisamment approfondie pour être capable de porter des accusations et de les soutenir. Mais, il y a une chose claire cependant, c'est que ce que nous ne voulons pas voir arriver serait permis avec l'article 68.1 que vous avez annoncé vouloir retirer. Et c'est là-dessus que j'intervenais. Oui, il faut de l'ouverture. Oui, il faut un débat public. Oui, il faut que les organismes gouver-mentaux soient en relation avec la population. Et il faut que le rôle des organismes publics et la façon dont ils gèrent les banques de données soient tellement bien connus, que la population soit tellement bien rassurée que les choses soient claires pour tout le monde et qu'il ne puisse pas y avoir de procès d'intention non fondé ou juste sur des vagues "feelings". Et l'organisation d'un débat sérieux sur la gestion des données, débat démocratique ouvert sur la gestion des données, ça permettrait ça, madame.

Mme Frulla-Hébert: Alors, M. Johnston, je pense qu'on poursuit les mêmes objectifs. Je répète que l'intention du gouvernement face à l'article 68.1 n'était pas, mais pas du tout, de restreindre ou, enfin, d'ouvrir la porte à des couplages indus. Au contraire, c'était tout simplement pour essayer, tel que la Commission nous l'avait demandé en 1987, d'alléger justement le travail et le fardeau de la Commission quant à des couplages administratifs qui des fois prennent sept mois et, souvent, c'est la personne en bout de ligne qui est privée d'un certain programme, parce que ces couplages-là sont longs. Maintenant, je pense que, justement avec un dialogue, on a pu conserver le principe d'essayer d'être plus efficaces au niveau administratif. Mais il y a l'autre principe de protection qui dit que c'est la CAI qui, par un

avis, sera l'organisme dont la responsabilité sera de voir à ce que tout couplage soit finalement justifié.

Le Président (M. Messier): Merci. M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue et je dois dire que je trouve ça intéressant la vision que vous apportez par rapport à votre mémoire, mais surtout l'entrée... ce que vous nous avez dit au début. C'est vrai que, comme société, on n'a pas beaucoup de débats au moment où on se parle. Et le message que moi, en tout cas, j'ai perçu, c'est que vous voulez profiter de cette courte rencontre pour en faire un débat de société et ne pas se laisser leurrer par des points précis. Et, ça, je trouve que vous avez raison. La discussion qu'on a, on les prend point par point, il faut le faire, c'est un projet de loi. Sauf qu'on n'est pas à l'étude article par article et on a le droit d'aller au-delà des mots qui sont écrits, mais d'aller dans le sens et l'orientation qu'on prend comme société. Le discours que vous tenez et la lecture de votre document, de même que la lecture d'autres mémoires qui ont été présentés ou qui vont l'être cet après-midi, nous montrent effectivement beaucoup d'inquiétudes dans la société par rapport à ce que vous avez appelé tantôt le glissement. Oui, il y a un glissement, et il y a un glissement dans cette loi-là que, moi, je perçois; un glissement que je considère très inquiétant comme société démocratique, puis je le dis tel que je le pense, par rapport à ce que j'ai entendu chez vous, par rapport aux discussions qu'on a et par rapport à la lecture des mémoires que j'ai effectuée.

Il y a des glissements et il y a des choses qui sont significatives, je pense. On dit que le législateur ne doit pas parler pour rien. C'est reconnu, puis j'espère que c'est toujours vrai. Si le législateur ne doit pas parler pour rien, ça veut dire que ce qu'on retrouve dans le projet de loi, ce sont des indications vers où on s'en va. Et quand on regarde certains articles, on a le droit de se questionner puis de s'inquiéter. Et on n'est pas les seuls à le faire, la preuve, ce sont les groupes qui sont ici, qui ont présenté des mémoires et qui sont presque unanimes sur une dizaine de points. Quand on regarde les mémoires qui ont tous été présentés, il y a à peu près dix articles sur lesquels il y a un consensus peut-être pas entre les intervenants et le gouvernement, mais il y a un consensus entre les intervenants pour qu'on ne modifie pas certaines choses ou pour qu'on aille dans un sens qui est retrouvé d'une façon presque continue dans l'ensemble des documents.

Quand vous parliez de glissement, il y a l'article 2 sur les municipalités. Vous me dites: II est modifié. Oui, il est modifié, sauf que ce qu'on retrouve dans un projet de loi, à mon avis, normalement, ce n'est pas mis par erreur, c'est parce qu'il y a une intention gouvernementale qui est manifestée dans un projet de loi. Un projet de loi, ça ne nous arrive pas, normalement, comme un accident; ça nous arrive comme une préparation, j'espère. Si ça nous arrive comme quelque chose de bien préparé, planifié et demandé par le gouvernement ou par des ministres sectoriels, c'est qu'on a des intentions, et on les retrouve. Là, il y a des intentions graves qui sont manifestées, à mon avis, et on s'en rend compte plus on discute du projet de loi. Heureusement, on amène des correctifs, mais, au-delà des correctifs, ce qu'on retrouve dans le projet, c'est des intentions, et c'est là où il y a des glissements dangereux. Vous avez raison de nous amener sur un dossier qui est plus vaste.

Vous l'avez centré spécialement sur un article - ça aussi vous avez raison - vous l'avez amené sur l'article 19 qui vient modifier l'article 62.1; il est important, celui-là aussi. Ah! Je m'excuse, l'article 68.1. Il est très important, au point où, effectivement, tous les groupes ont demandé des modifications, et le ministre a accepté d'en apporter. Bon. Bravo! On va connaître plus en détail, lors de l'étude article par article, le contenu comme tel, sauf que j'ai écouté hier, j'ai écouté encore ce matin quand la ministre a dit qu'on va revenir au principe. Bravo! Qu'on revienne au principe! Sauf que l'impression que beaucoup de gens ont et que, vous, vous manifestez clairement, cet article-là venait faire en sorte d'appliquer une volonté gouvernementale, et vous avez spécifié des groupes bien précis. Vous avez parlé, dans votre intervention du début, de la loi 37. Quand on la regarde, la loi 37, c'est vrai qu'elle s'applique maintenant partout; la loi 37, c'est devenu, puis je le dis tel que je le pense, au Québec, présentement, presque une loi générale et fondamentale. Elle oriente, elle dirige, elle guide, elle influence à peu près tous les secteurs, à partir de maintenant: directement les assistés sociaux dans leurs prestations; ça touche l'habitation dans l'accès au logement et le coût des logements; ça les touche maintenant dans et directement avec Acrofax sur leur vie privée et légitime. Et ça, c'est la loi 37. Moi, l'impression que j'ai, je le dis clairement, c'est que cet article-là, ce n'est pas un accident, cet article-là, c'est une décision, c'est une orientation gouvernementale dans le sens de l'application de la loi 37.

(11 h 45)

Et je ne sais pas si c'est vous, parce que je sais que vous y faites allusion, je ne sais pas si vous allez aussi loin qu'un autre groupe qui dit que, finalement, cet article-ià permet de faire en sorte qu'il y ait, comme il y a deux Québec dans un, maintenant deux catégories de citoyens: les pauvres sur qui on peut plus facilement avoir des banques de données et faire en sorte qu'ils risquent d'être les plus pénalisés, et les autres

qui ne le sont pas. Je pense que ce n'est pas dans votre mémoire mais dans un autre - on va y revenir - où on dit finalement: C'est parce qu'on est pauvre, parce qu'on n'est pas en santé et pour toutes sortes de raisons, pas très souvent mais malheureusement c'est comme ça, c'est très interrelié, pauvreté et maladie. On s'en rend compte dans des quartiers de Montréal. Ça veut dire que ces gens-là sont à peu près sur toutes les listes. Donc, ils risquent d'être catalogués. Donc, les pauvres vont être plus catalogués que les riches. C'est un danger. Ce que je veux, c'est qu'on soit juste sensibles à ça et c'est pour ça que je profite de votre mémoire qui amène une vue globale de la société, parce que vous l'avez commencé comme ça, pour qu'on s'en rende compte, parce que c'est le discours qu'on entend partout au Québec et dans nos comtés de ce temps-là. Les gens trouvent que, oui, on est beaucoup numérotés et catalogués et que de plus en plus il y a de fichiers. Justement, dans La Presse de ce matin - je ne dis pas que je suis contre - ça confirme: Le fichier central enregistre ses premières données, le Groupe des assureurs. C'est ça et, nous, on s'en va heureusement - il en a été question hier et je suis content - vers une politique de commercialisation. Il est temps. Il va falloir, comme vous le disiez tantôt, que ce soit bien encadré, bien clair et que ça ne soit pas confus pour que les gens connaissent leurs droits et leur protection. Vous avez raison de l'amener sur ce débat-là. Je suis sûr que d'autres groupes vont l'amener aussi, mais il faut qu'on soit clairs là-dessus. Il ne faut pas profiter d'une loi comme ça pour changer nécessairement des choses acquises dans la société, sinon c'est un danger et un danger grave.

Je donne juste un autre exemple là-dedans. Quand il nous est dit, à l'article 8... l'histoire de la sécurité interne à l'intérieur des services gouvernementaux. Vous avez tous entendu ça et même on l'utilise dans les discours en disant qu'Hydro-Québec est devenue un État dans l'État. Les sociétés deviennent très omniprésentes et superpuissantes - les sociétés d'État - et on va leur donner, encore une fois, un pouvoir de plus. C'est ça quand je dis: C'est des attitudes. La ministre utilise, elle, le thème "attitudes". C'est vrai que c'est des attitudes mais c'est aussi des perceptions par rapport à la population. Il faut faire attention de ne pas augmenter la perception négative par rapport à l'État et par rapport aux sociétés d'État et c'est par des lois comme ça qu'on risque de changer des choses.

Maintenant, quand on regarde directement votre mémoire, ce que vous dites et ce que vous demandez, à la page 5, ce sur quoi vous appuyez, la Commission d'accès à l'information, effectivement, pour nous, est la société, par rapport au sujet qui nous intéresse, par excellence, de par son expérience, son expertise, qu'on doit écouter comme législateur lorsqu'on doit légiférer. Donc, elle nous en fait des bonnes recommandations. Elle en fait une à l'effet que, lorsqu'on fera des fichiers ou du couplage, on obtienne non pas un avis, ce que vous demandez, mais une autorisation de la Commission. J'aimerais ça que vous élaboriez davantage là-dessus.

M. Johnston: Jean-Marcel va répondre.

M. Lapierre: En fait, notre recommandation de la page 5 ne porte pas sur la question de couplage. Elle porte sur la question de l'obtention par un organisme public de renseignements déjà colligés par un organisme privé. C'est plutôt la question de la transmission des renseignements d'un organisme privé à un organisme public. Actuellement, la loi prévoit que ça peut se faire en en informant la Commission. Il y a une obligation d'information qui est prévue à l'article 66. La CAl recommandait dans son rapport que ce ne soit pas seulement une obligation d'information, mais que ce soit une obligation d'obtenir une autorisation. Nous soutenons cette recommandation parce qu'on pense qu'il peut y avoir un problème très important de transmission d'information d'organismes privés à organismes publics qui peut compromettre les objectifs de la loi.

M. Paré: Juste une dernière question. Vous étiez dans la salle tantôt. Je sais qu'on ne le retrouve pas dans votre mémoire mais comme je pense que c'est important, en tout cas, en termes d'éclairage pour les membres de la commission, le sujet dont on a traité avant c'est par rapport à l'accès aux documents pour les étudiants par rapport aux avis et recommandations qui sont faits pour être capable de les rendre admissibles aux subventions, aux bourses et à l'admissibilité même aux cours d'enseignement supérieur. Les recteurs nous ont dit que, de toute façon, c'est ouvert. C'est comme un sujet connu, qu'il n'y a pas de problème avec ça, que de toute façon les professeurs et les étudiants sont très bien informés. J'aimerais avoir votre avis par rapport à l'article qu'on va inclure et qui va permettre une exception ou une limitation au droit d'accès pour les étudiants.

M. Johnston: Si vous me le permettez, je voudrais attirer votre attention, avant de répondre à votre question, sur un autre problème que je n'ai malheureusement pas abordé. On a, aujourd'hui, à débattre du projet de loi 62 et de possibles modifications. À la même période où ce projet de loi a été déposé, il y a deux autres projets de loi qui touchent à la question de l'accès à l'information et au traitement des renseignements personnels qui ont aussi été déposés à l'Assemblée nationale: l'un qui venait amender la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le projet de loi 76, et un autre qui venait amender - si ma mémoire est bonne - la

Loi sur l'assurance-maladie du Québec et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, le projet de loi 42.

Moi, je voudrais souligner à la commission, et à la ministre en particulier, que je trouve que ce traitement différencié de ces trois pièces législatives déposées quasiment en même temps, qui portent fondamentalement sur les mêmes enjeux de fond, ça pose problème. On regarde aujourd'hui une pièce, qui est le projet de loi 62, mais en parallèle, dans d'autres lieux, le monde adopte des projets de loi, des lois, qui viennent tasser les principes qui sont déjà contenus dans la loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels.

Pour répondre plus précisément à votre question, maintenant, nous n'avons pas fait d'étude fouillée de cette question. Comme nous le disions d'entrée de jeu dans notre mémoire, notre court mémoire, nous avons pris connaissance, par ailleurs, de la position que la Ligue des droits a défendue devant cette commission et, de façon générale, nous soutenons les propositions et les orientations que contient le mémoire de la Ligue des droits et libertés, sauf les nuances qui apparaissent dans notre texte. Donc, il y a là des éléments de réponse.

D'autre part, je pense qu'il y a une difficulté supplémentaire qui n'est peut-être pas prise en compte de façon suffisante. Il se peut, comme il était mentionné tantôt, qu'à l'occasion l'accès à des recommandations par les étudiantes et les étudiants puisse créer des problèmes pour certaines catégories de personnels à l'intérieur de l'université ou certains individus parmi le personnel à l'université. Il se peut, par ailleurs, que ça exerce une pression à l'intérieur de l'université.

Dans les propos qu'on entendait tantôt, on entendait surtout l'effet que pourrait avoir une recommandation négative qui serait connue d'un étudiant, dont l'auteur serait également connu par l'étudiant. On lie toujours la question à une décision finale. Peut-on imaginer qu'il puisse arriver des cas où la première décision rendue - parce que tantôt on évoquait qu'il pouvait y avoir des mécanismes à l'intérieur des universités et une mécanique interne d'appel, disait-on - puisse être renversée quand l'étudiant ou l'étudiante serait en mesure d'exploiter à sa connaissance, dans les recours internes à . l'université, le contenu des recommandations qui sont dans son dossier pour faire renverser une première décision? Que tout ça soit sous le boisseau jusqu'à décision finale, ça veut dire que le seul recours qui reste, le cas échéant, c'est un recours devant les tribunaux civils et, bien souvent, il n'y a pas beaucoup d'avantages pour l'étudiant, parce que le profit qu'il pourrait en tirer est tellement éloigné que ça ne règle pas son vrai problème. Donc, je pense qu'il y a plusieurs éléments de réflexion dont il faut tenir compte autour de ça, mais on n'a pas arrêté une position définitive fignolée sur cette question-là et je pense qu'il y a d'autres éléments dont il faut tenir compte autour de ça. De façon générale, la position que la Ligue des droits avait avancée là-dessus nous irait à ce moment-ci. Donc, on ne partagerait pas l'opinion qui a été émise par le groupe qui nous a précédé.

M. Paré: Merci.

M. Johnston: Peut-être que Jean-Marcel peut compléter.

M. Lapierre: Oui. Je voudrais peut-être ajouter une remarque. Il nous semble que, pour échapper à une politique générale reliée à un droit fondamental comme le droit à l'information, il faut être très convaincant et il nous semble que le fardeau de la preuve est à ceux qui demandent d'échapper au principe général d'accès à l'information. Nous ne sommes pas convaincus qu'on ait démontré qu'une exception était nécessaire.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député, avez-vous d'autres questions à poser?

M. Paré: Non, ça va.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Pour conclure, je vous remercie de vos représentations. On voit que vous êtes très préoccupés par l'ensemble de la problématique des renseignements personnels. Je dois vous dire que moi aussi, pour répondre aux allégations du député de Shefford, qui remplace mon critique habituel, le député de Gouin. Pour nous qui travaillons avec cette loi depuis, enfin, pour moi, depuis que j'en suis responsable, je tiens seulement à vous rassurer sur ceci: notre intention a toujours été, d'une part, d'améliorer et de bonifier la loi. Évidemment, on essaie de concilier les demandes des différents groupes qui sont souvent à l'opposé. On va le voir tantôt. Les groupes s'opposent et ce n'est pas facile non plus de trancher. Chose certaine, jamais il a été dans notre intention et d'ailleurs, par toutes les consultations qui ont été faites: trois jours de commission parlementaire en 1988, 300 consultations, le projet Moreau-Fecteau en 1988... On essaie de le relever pour voir s'il n'y aurait pas encore des choses à y apporter et c'est sûr qu'il va toujours y en avoir, cette loi-là est une loi qui est évolutive.

Cela dit, quand nous avons présenté le projet de loi en fin de session - c'est toujours en fin de session finalement - ce qui était important, c'était de le présenter en deuxième lecture. Pourquoi? Parce que, si on n'avait pas réussi à le faire, on revenait au processus zéro et je pense qu'on aurait tous été perdants.

C'était ça l'objectif. Qu'on ait cette discussion-ci, je pense qu'elle est d'autant plus constructive que nous avons rencontré tous les groupes cet été justement pour essayer de déceler des inquiétudes, de parler des appréhensions.

Les amendements qu'on apporte sont des amendements fondés sur une grande écoute parce que, comme je le disais dans mon discours d'ouverture, cette loi-ci c'est notre loi, elle a été adoptée à l'unanimité, il faut que les gens s'y sentent confortables et nous essaierons, dans la mesure du possible, non seulement de voir à la problématique future qui est ce développement technologique, renseignements privés, etc. - ça, je vous le dis, on y voit - mais, encore une fois, d'être toujours à l'écoute des différents groupes et ensuite de concilier les diverses demandes et là, là-dessus, on devra prendre une décision. Mais je pense que ce qui est important, d'abord et avant tout, c'est aussi de changer les attitudes par rapport à cène loi, de changer les attitudes aussi par rapport à certains groupes en disant: Bon, est-ce que le gouvernement veut nous cacher des choses et tout ça? Avec cette loi-ci et tant que je serai responsable, je veux qu'il y ait un dialogue continu et je veux que, encore une fois, cette loi ne soit pas punitive, qu'elle soit évolutive parce qu'elle est à la grandeur, si on veut, des citoyens du Québec, parce qu'on dit que c'est une des meilleures lois et une des plus avant-gardistes au monde et on veut la garder comme telle. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député.

M. Paré: Non, ça va. Je vous remercie beaucoup de votre présentation et de votre présence.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci, messieurs.

Nous allons maintenant... Voulez-vous qu'on suspende quelque quatre ou cinq minutes? Quatre ou cinq minutes de suspension, donc.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 12 h 12)

Le Président (M. Ooyon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de la culture reprend ses travaux.

Nous avons déjà entendu deux groupes. Maintenant, c'est au tour de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec à se faire entendre. J'inviterais ses représentants, M. André Noël, d'après ce que je comprends, et M. Claude Robillard, à bien vouloir prendre place à la table et à nous présenter leur mémoire ou à nous faire leurs remarques générales avant de répondre aux questions de la ministre ainsi que des députés.

Donc, vous connaissez la façon de procéder: une vingtaine de minutes et, après ça, les 40 minutes qui suivent sont partagées à peu près également entre les deux groupes parlementaires. Vous avez la parole, M. Noël, je pense.

Fédération professionnelle des journalistes du Québec

M. Noël (André): Oui, André Noël, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Je remercie la ministre et les gens de la commission de la culture de nous avoir invités. C'est la première fois que je participe à une commission parlementaire, alors, vous m'excuserez de ne pas toujours suivre le protocole et de ne pas être le plus grand orateur qui soit non plus.

Pour résumer, la FPJQ est la principale organisation professionnelle des journalistes au Québec. On regroupe environ 1100 journalistes. On est, par contre, une fédération avec très peu de moyens financiers. Il y a un seul employé permanent qui est Claude Robillard, assis à ma gauche. On n'a pas les moyens, par exemple, d'embaucher des avocats pour faire des études légales des projets de loi ou des choses comme ça, ce qui fait que, des fois, vous nous excuserez, sur certains points, de n'être pas toujours au fait des subtilités légales et je vous demanderais d'accepter plutôt ce qu'on dit sur le fond.

Je vais passer rapidement à travers le mémoire. Il y a certains passages que je vais lire et d'autres sur lesquels je vais passer vite parce que la ministre a annoncé ses intentions et puis c'est inutile de s'étendre là-dessus. C'est le cas, par exemple, pour l'article 2 du projet de loi pour les organismes paramunicipaux. La ministre a annoncé son intention d'éviter toute confusion là-dessus. C'est-à-dire qu'on craignait qu'avec le projet de loi 62 il y ait des organismes paramunicipaux qui soient exclus de l'application de la loi. Venant de Montréal, ça nous inquiète beaucoup. Notamment, par exemple, si vous vous souvenez de certains organismes, comme l'AMARC, qui ont fait l'objet d'enquêtes journalistiques intéressantes où il y a eu des débats sur l'application de la loi. L'AMARC, qui est l'association qui gère la Ronde, à Montréal, où il y a eu des allégations de conflits d'intérêts, prétendait que la loi ne s'appliquait pas à elle et il y a eu tout un débat là-dessus. Donc, on est satisfaits de voir qu'il va y avoir un papillon et que tout organisme relevant de l'autorité d'une municipalité, peu importe son statut, va être sujette à l'application de la loi.

Maintenant, sur l'article 5 du projet de loi, la question des banques de données, je ne veux pas non plus m'étendre longtemps là-dessus parce que la ministre a annoncé la création d'un groupe de travail; la FPJQ verra plus tard si c'est pertinent pour elle de participer à ce

comité.

Sur l'article 8 du projet de loi, c'est quelque chose qui est un peu plus difficile. Je vais vous lire les passages des pages 4 et 5 de notre mémoire: L'article 8 du projet de loi prévoit la désignation par règlement des organismes publics dont les services de sécurité pourront se prévaloir des restrictions contenues dans l'article 28 de la loi. Il nous apparaît inutile de spécifier de la sorte que certains organismes tombent sous l'autorité de 28 sans être astreints de nommer alors tous les autres organismes ou services qui pourraient se prévaloir de l'article 28. L'article 8 est d'autant plus inutile que les autres éléments de la loi suffisent à atteindre les buts recherchés par le législateur.

Mais il y a plus. La FPJQ s'inquiète du dérapage que cet article concrétise. À l'origine, dans l'esprit de la commission Paré - qui est à l'origine de la loi et de la Commission d'accès à l'information - cet article visait avant tout à protéger le travail des forces policières, ce qui est un souci légitime. Mais l'article 28 est utilisé de façon de plus en plus large, de manière à protéger également le travail d'une nuée de fonctionnaires qui peuvent tous prétendre plus ou moins avoir un pouvoir d'enquête ou une mission de prévenir le crime ou les infractions aux lois.

Je vais résumer, ici, un peu rapidement. Fort heureusement, la Commission d'accès interprète l'article 28 de façon assez juste. C'est-à-dire qu'elle considère que les enquêtes qui sont menées par des fonctionnaires, les enquêtes routinières doivent être publiques, mais les enquêtes qui sont faites dans un but de poursuite judiciaire, elles, peuvent ne pas être publiques. Sauf qu'il s'agit encore d'une interprétation pour l'instant et ce qu'on craint, c'est que, s'il y a des changements éventuels à la Commission d'accès, ça pourrait aussi être interprété d'une autre façon. Alors, l'article 28 de la loi en général nous inquiète et non pas seulement l'article 8 du projet de loi. C'est qu'on est préoccupés par l'ampleur croissante des restrictions à l'accès qu'impose l'article 28. Cette préoccupation est d'autant plus fondée qu'un récent jugement de la Cour du Québec - le journaliste Robert Winters contre la CUM - a interprété l'article 28. 5 comme signifiant qu'un document ne devient accessible qu'à l'expiration du délai pendant lequel l'organisme public a le droit d'intenter des poursuites, sans quoi, estime la Cour, on peut causer un préjudice à l'objet du renseignement.

La possibilité de procédures remplace l'existence de procédures comme critère pour évaluer la pertinence des restrictions à l'accès. Cette jurisprudence est très dangereuse pour l'intérêt public et, en cette matière, les autres lois existantes, dont celle sur la diffamation, suffisent pour éviter les abus. L'élargissement continuel de la portée de l'article 28 au détriment de l'accès à l'information doit être non seulement stoppé, mais inversé.

Donc, nos recommandations, c'est que l'article 8 du projet de loi soit supprimé, la formulation actuelle de la loi suffisant amplement; que l'article 28 de la loi actuelle ne s'applique tel quel qu'aux forces policères. Quant aux autres instances chargées de prévenir les infractions aux lois, elles ne devraient pouvoir invoquer l'article 28 que dans la mesure où un individu, et non une personne morale, est visé par les renseignements obtenus; que l'article 28. 5 soit clarifié de manière à ce que la divulgation d'un renseignement ne puisse être interprété comme causant un préjudice en regard d'éventuelles poursuites dans l'hypothèse où une enquête n'est plus en cours, l'article 28. 2, et où des poursuites ne sont pas déposées.

Maintenant, l'article 9 du projet de loi qui traite des tribunaux quasi judiciaires. Je m'excuse, ici, je vous poserais une question. Il y a eu des intentions, je pense, aussi qui ont été annoncées concernant cet article-là. Alors, on ne va pas non plus s'étendre là-dessus, mais il est clair pour nous que toutes les décisions des tribunaux quasi judiciaires doivent être publiques. Bon, on a soulevé ici un cas de la Commission d'appel sur la langue d'enseignement qui avait refusé de communiquer ses décisions au journaliste Jean-Pierre Proulx, sur les motifs de ses décisions. Moi-même, j'ai eu un cas, je viens d'en parler ici avec quelqu'un de la police de la CUM; j'ai eu un cas où je demandais des décisions du comité de discipline de la police de la CUM. On ne m'a pas donné accès à ces décisions-là, c'est-à-dire que le seul document auquel j'ai pu avoir accès, c'est le rapport du service interne de la police de la CUM, mais les décisions à savoir, par exemple, qui était condamné par le comité de discipline, il n'y avait pas moyen de le savoir.

Alors, on réclame sur cette question-là que l'article 9 du projet de loi ainsi que l'article 29. 1 de la loi actuelle soient abolis afin que prévalent les dispositions plus généreuses qui existent dans la charte sur les caractères publics de la justice, une de nos traditions les mieux établies. Il est clair et évident pour nous que toutes les décisions des organismes quasi judiciaires doivent être publiques. D'ailleurs, ç'a été reconnu par l'Office de la protection du consommateur, excusez-moi, l'Office des professions, tous les tribunaux des...

Le Président (M. Doyon): M. Noël, si vous me permettez...

M. Noël: Oui.

Le Président (M. Doyon):... je vois que la ministre a peut-être quelque chose à vous faire part là-dessus...

M. Noël: D'accord.

Le Président (M. Doyon): ...dès maintenant, alors ça évitera peut-être...

M. Noël: Oui.

Le Président (M. Doyon): ...de prolonger.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président. Pour vous rassurer, c'a été dit, nous avons travaillé, cet été, avec entre autres M. Jacoby. Cet article-là sera reformulé, on le verra article par article, de telle sorte qu'il n'y ait pas de confusion. Cet article-là précisera que les décisions ou enfin que toutes les décisions seront accessibles à tous.

Alors, ça satisfait, d'ailleurs...

M. Noël: Oui.

Mme Frulla-Hébert: ...M. Jacoby et je pense que ça va vous satisfaire aussi.

M. Noël: Alors, ça nous soulage, ce sera sûrement un progrès.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. Noël, vous pouvez y aller.

M. Noël: Merci. L'article 14 du projet de loi, ça c'est l'article qui est le plus controversé et nous-mêmes, la FPJQ, ne nous entendons pas même avec la Commission d'accès à l'information, ni même avec la Ligue des droits et libertés sur cet article-là. Alors, je vais vous en faire la lecture au complet et, tantôt, j'aimerais qu'on ait une discussion plus approfondie sur cet article-là, plus là-dessus que sur les autres aspects de la loi.

L'article 14 du projet de loi modifie l'article 59 de la loi, lequel interdit à un organisme public de communiquer un renseignement nominatif à un tiers sans le consentement de la personne concernée. L'article 14 du projet de loi crée une nouvelle exception qui permet de communiquer un tel renseignement aux personnes impliquées dans un incident relaté dans un rapport de police, sauf s'il s'agit de l'identité d'un témoin ou d'un dénonciateur. Pour la FPJQ, l'article 14 ne va pas assez loin et ne règle pas les problèmes importants que cause l'article 59 de la loi. À l'heure actuelle, se retranchant derrière l'article 59, la police de la CUM refuse de communiquer aux journalistes l'identité des victimes d'accident de même que l'identité des personnes arrêtées sans même consentir l'effort de demander leur consentement.

Il nous apparaît, au contraire, du plus haut intérêt public que soit connue l'identité des personnes arrêtées. C'est une sorte de garde-fou démocratique qui peut permettre d'exercer une surveillance publique sur les activités policières. Au Québec, voilà 20 ans, 400 personnes étaient arrêtées et détenues parfois des semaines sans qu'aucune accusation ne soit jamais portée contre eux. La formulation actuelle de la loi n'aurait théoriquement pas permis d'en connaître l'identité. Si demain matin les chefs syndicaux étaient arrêtés, le public devrait pouvoir en être informé aussitôt sans devoir attendre le dépôt de poursuites.

Sans revêtir la même importance pour les libertés publiques, l'identité des victimes d'accidents et d'actes criminels n'en constitue pas moins une information pertinente, d'intérêt public. La divulgation de leur identité fait l'objet d'un large consensus parmi la population qui s'attend à ce que les médias ne lui cachent pas d'autres tranches de la réalité en plus de celles qui doivent être déjà dissimulées, l'identité d'un mineur agressé sexuellement, par exemple.

Notre recommandation: Qu'on ajoute à l'article 14 un dixième alinéa précisant que l'identité (nom, adresse, âge) des victimes d'accidents et d'actes criminels, de même que l'identité des personnes arrêtées sont considérées comme des renseignements nominatifs qui peuvent être communiqués sans l'accord des personnes concernées sauf en ce qui a trait aux exceptions prévues par d'autres lois.

On reviendra un peu plus tard là-dessus au cours du débat, mais je veux donner un exemple. Comme, par exemple, quand l'agent Allan Gosset, de la police de la CUM, a tué Anthony Griffin, un jeune Noir, il a été impossible sur le coup de connaître ni l'identité de M. Gosset, ni l'identité de Anthony Griffin et ça a été seulement par la suite qu'on a pu le savoir et non pas par des voies officielles. Alors, c'est quelque chose qui est absolument aberrant. Il est important de connaître les noms des personnes qui sont impliquées dans des incidents comme ça. Et des fois ça permet aussi au journaliste de vérifier certains rapports de police et de jouer son rôle de chien de garde de la démocratie, notamment en ce qui concerne la police.

Les articles 33 à 40 du projet de loi. Le projet de loi... Je m'excuse, je voudrais demander: Combien de temps me reste-t-il avant la...

Le Président (M. Doyon): II vous reste huit minutes.

M. Noël: II me reste huit minutes. Le projet de loi cherche à simplifier les procédures d'appel des décisions de la Commission d'accès à l'information réduisant notamment le nombre de juges de trois à un lors de l'appel et en éliminant la nécessité de déposer un mémoire. La FPJQ considère que, s'il s'agit d'un pas dans la bonne direction, il convient cependant d'aller plus loin. Je vais ici résumer plutôt que lire au complet.

Notre position, c'est qu'il n'y ait pas d'appel possible des décisions de la Commission d'accès à l'information. C'est évident qu'en droit criminel je pense que c'est indispensable qu'il y ait un appel. Maintenant, en droit ad-

ministratif, je ne crois pas que les décisions de la Commission aient, je dirais, un impact sur la vie des gens. Je veux dire, ce n'est quand même pas une, question de vie ou de mort et il faut voir que la procédure d'appel est beaucoup plus utile aux organismes publics qui s'en servent pour contrer les décisions de la Commission d'accès à l'information qu'aux citoyens et même qu'aux médias. Les grands médias peuvent se permettre d'embaucher des avocats quoique, dans cette période de restrictions, probablement que ça va être de plus en plus difficile. Mais les citoyens et les journalistes de petits médias, eux, ne peuvent pas se permettre d'aller en appel souvent des décisions de la Commission d'accès. Ça, c'est d'une part. D'autre part, la Commission d'accès est la mieux placée pour décider de tout ce qui a trait à l'application de la loi d'accès et la Cour d'appel, on n'est pas certains qu'elle ait la même expertise, chez les juges de la Cour d'appel, que dans ia Commission d'accès pour pouvoir déterminer l'application de la loi d'accès.

Les problèmes de fa loi actuelle sur l'accès, l'article 37. Cet article indique qu'il est possible pour un organisme public de ne pas rendre public avant 10 ans un avis ou une recommandation fait par un de ses membres ou par un consultant. Cet article figure parmi les articles les plus souvent invoqués contre les demandes d'accès des journalistes. Alors, il est assez ironique de voir que... Je vais dire, un peu par boutade: Pour nous, à la FPJQ, la loi pourrait se résumer à l'article 9: Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public. Et on serait bien heureux. Tout le reste est constitué de restrictions à l'article 9. Alors, quand on lit, dans l'article 37, qu'un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation fait depuis moins de 10 ans par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre de personnel de cet autre organisme dans l'exercice de leurs fonctions... C'est que c'est très souvent utilisé par les organismes publics. Généralement, les rapports que les journalistes demandent, il y a des recommandations dedans ou c'est des analyses puis, à ce moment-là, c'est presque systématiquement utilisé et ça vient amoindrir énormément la portée de l'article 9. Alors, on voudrait clarifier la question des recommandations, des avis et des analyses pour qu'il soit clair que les opinions qui sont émises dans les rapports, que ça, ça soit public et que seule soit restreinte la question des recommandations.

Alors, notre propre recommandation là-dessus, c'est que le projet de loi précise qu'un avis ou une recommandation est, selon la jurisprudence établie par la CAI, une proposition de ligne de conduite que la personne ou l'organisme visé est libre de suivre on non. On doit ainsi exclure explicitement du concept d'avis ce qui est tout bonnement une opinion sur un sujet; que le délai d'interdiction pour communiquer un avis ou une recommandation soit ramené à deux ans, et que le délai d'interdiction de cinq ans pour les analyses soit ramené à deux ans.

L'article 126 de la loi actuelle. L'article 126 autorise un organisme à demander la permission de ne pas tenir compte de demandes d'accès manifestement abusives par leur nombre ou leur caractère systématique. Un jugement de la Cour du Québec contre le journaliste Robert Winters - je ne sais pas si Robert est encore ici, mais c'est le journaliste qui utilise le plus la loi d'accès - vient de donner de cet article une interprétation fort large qui menace sérieusement l'économie générale de la loi en entravant considérablement le recours à la loi. Ce jugement stipule en effet que la Commission d'accès commet une erreur de droit lorsqu'elle juge recevables des demandes d'accès à des dossiers plutôt qu'à des documents. Ce litige est extrêmement important et, si cette décision de la Cour du Québec doit être retenue à l'avenir, la loi québécoise sur l'accès se traînera loin derrière la loi fédérale. En effet, un journaliste ou un citoyen qui cherche à faire la lumière sur un sujet donné ne peut pas toujours savoir quels sont les documents précis qui existent. Il ne travaille tout de même pas dans l'organisme public visé. Les listes de documents des organismes sont, pour leur part, parfois impeccables, mais aussi trop souvent fort vagues, malgré l'article 16, et elles n'énumèrent pas tous les documents existants.

Je dois vous donner ici un exemple personnel. J'ai demandé récemment à la ville d'Oka de me donner tous les documents et dossiers qui concernent le terrain de golf. Le greffier de la ville m'a répondu: Oui, mais de quels documents s'agit-il? Et il m'a demandé que je lui spécifie les titres de documents que je cherche. Mais, évidemment, je ne les connais pas. C'est impossible à savoir. Et c'est une façon pour une municipalité de faire traîner des demandes. Alors, il faut voir qu'il y a une habitude dans les municipalités, et dans les petits organismes publics qui n'ont pas des responsables d'accès qui sont forcément les plus futés, d'utiliser cette confusion-là.

Notre recommandation: Qu'il soit précisé dans la loi sur l'accès que le droit d'accès aux documents détenus par les organismes publics s'étend également aux dossiers.

Ajout à la loi actuelle. La FPJQ se montre fort préoccupée par les délais entraînés par les demandes de révision auprès de la Commission d'accès à l'information. Ces délais tendent même à s'allonger compte tenu des demandes de plus en plus nombreuses qui sont acheminées à la Commission d'accès y tandis que le nombre de commissaires n'augmente pas. Alors, il faut voir ici que les journalistes... Quand on fait une demande d'accès, quand on a besoin de documents, souvent c'est pertinent au moment où on

te demande. Mais, au bout d'un an, c'est d'un intérêt d'archives, ce n'est plus tellement d'un intérêt public. Si je prends l'exemple du débat sur le golf d'Oka, c'est intéressant maintenant, mais je ne suis pas sûr que, dans un an, ça va avoir le même intérêt.

Ce qu'on demande, c'est que la Commission d'accès établisse un rôle prioritaire pour disposer des demandes de révision qui présentent un caractère pressant et que le nombre de commissaires de la Commission d'accès soit porté de trois à cinq. Et je pense que, dans ce rôle prioritaire, la Commission d'accès devrait pouvoir tenir compte avec un préjugé faborable des demandes des journalistes. C'est-à-dire que les journalistes ne travaillent pas seulement pour leur intérêt privé, mais pour le droit du public à l'information. Ce n'est pas la même chose qu'un citoyen, par exemple, qui veut avoir accès à des documents dans une cause qui l'intéresse, lui personnellement, contre un organisme. C'est-à-dire que ce qu'on écrit et ce qu'on diffuse comme information sert toute la population. Et, dans ce sens-là, la Commission d'accès, qui d'ailleurs a été un peu créée grâce aux journalistes, devrait pouvoir accorder un rôle prioritaire à plusieurs demandes des journalistes. Avec l'accroissement du nombre de demandes en vertu de la loi, on pense que trois commissaires ne suffisent pas, d'autant plus qu'un de ces trois commissaires-là est le président lui-même de la commission et qu'il a d'autres tâches que d'écouter les demandes d'accès.

(12 h 30)

Ajout à la loi actuelle. La FPJQ considère que la loi sur l'accès ne doit pas "fétichiser" les restrictions qu'elle contient. Si, en temps normal, la plupart de ces restrictions peuvent se comprendre, rien ne saurait cependant les justifier lorsque la santé et la sécurité d'une personne sont menacées ou lorsque l'environnement court de sérieux risques. La population accepterait mal qu'on se retranche derrière l'article 39 sur les analyses, par exemple, pour ne pas communiquer un document qui donnerait des informations sur ces questions et qui permettrait d'éviter des drames. C'est une autre façon de reconnaître l'obligation de porter assistance à une personne en danger.

D'ailleurs, dans certaines autres législations sur l'accès, il existe une clause générale dite d'intérêt public qui permet de passer outre aux restrictions normales à l'accès. Il ne s'agit par là que de transcrire sous forme législative ce que dicte le bon sens. On sait, par exemple, dans le cas de la Loi sur la qualité de l'environnement, que l'article 118 est plus large, en fait, ou semble plus large que ce qui est prévu dans la loi d'accès. À notre avis, c'est quelque chose qui est anormal, parce que la loi d'accès devrait servir de modèle pour toute la législation. Non seulement pour la législation, mais aussi doit servir de modèle pour les habitudes dans la fonction publique, et doit élargir le plus possible l'accès à l'information.

Donc, notre recommandation: Que la loi sur l'accès comprenne une clause, maintes fois demandée par la Commission d'accès, qui indique que les restrictions contenues dans la loi ne peuvent être invoquées lorsqu'il existe un danger grave pour la santé et la sécurité d'un individu ou lorsqu'un péril sérieux menace l'environnement.

Notre dernier point, c'est l'article 33 de la loi. L'article 33 de la loi établit à 25 ans le délai d'interdiction des documents du Conseil exécutif; il est de 20 ans au fédérai. Ces délais apparaissent inutilement trop longs. Donc, que le délai d'interdiction de 25 ans soit ramené à 15 ans. Par exemple, maintenant, c'est le 20e anniversaire de la Crise d'octobre. Il serait assez intéressant maintenant d'avoir accès aux documents du Conseil exécutif sur toutes les décisions et tous les débats qui avaient été pris lors de la Crise d'octobre. C'est un exemple qu'on peut donner.

Maintenant, pour conclure, je voudrais juste revenir sur l'impact de la loi. C'est une impression qui est difficilement quantifiable, mais, de notre pratique, on a l'impression ici, au Québec, qu'il n'existe pas le même souci de transparence qu'il y a dans d'autres provinces du Canada et qu'aux États-Unis. Aux États-Unis, grâce au premier amendement, les fonctionnaires se sentent souvent l'obligation de répondre aux questions des journalistes, tandis qu'ici on a souvent l'impression que c'est le contraire; les fonctionnaires et les organismes publics ont, comme premier réflexe, de cacher des informations. Il y a même des politiques qui existent dans les ministères, comme le ministère de l'Environnement, où le sous-ministre André Trudeau a demandé aux fonctionnaires de ne pas répondre aux questions des journalistes, que toutes les questions devaient être référées à des agents d'information, lesquels agents, souvent, on ne peut pas rejoindre. Je pense que tous les débats sur la Loi d'accès doivent non seulement servir à modifier la loi dans un sens de plus grand accès, mais aussi à changer les habitudes des gens qui travaillent dans les organismes publics. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Bienvenue M. Noël, ça me fait plaisir. Je vous remercie aussi de votre contribution, je pense qu'on a eu des discussions au mois de juin. Il y a certaines précisions, d'ailleurs, que vous nous avez aidé à apporter, ainsi que les autres groupes, durant le cours de cet été, et ça nous fait plaisir de le faire. Maintenant, il y a une précision que je voudrais apporter moi-même quand vous dites: La Loi d'accès devrait donner priorité aux droits des

journalistes. Vous savez, dans une société où on protège les droits individuels aussi, c'est difficile de dire que le droit d'une personne qui a besoin d'avoir accès à ces choses est plus ou moins important que le droit à l'information du public. C'est difficile à quantifier, un peu, la notion de droit. Là-dessus, je voudrais enchaîner sur une demande que vous nous avez faite, et vous réalisez que ça ne fait pas le consensus au niveau de la Ligue des droits, au niveau du Protecteur du citoyen, de la CAI, et c'est d'avoir accès à ce que vous mentionniez tantôt: au nom de la victime. Moi, j'aimerais vous demander ceci: Comment, dans un premier temps, pouvez-vous concilier votre demande d'avoir accès, justement, au nom de la victime, avec le droit des individus à la protection de leur vie privée? Parce que c'est l'argument qu'on nous donne de l'autre côté.

M. Noël: On est conscients qu'il s'agit de deux principes un peu contradictoires, puis la loi elle-même essaie de concilier deux principes un peu contradictoires, mais il s'agit de voir lequel des deux apporte le plus d'avantages. Premièrement, avant de passer à la question des victimes d'accidents, concernant les arrestations, pour nous, ça ne fait absolument aucun doute que les noms des personnes qui sont arrêtées doivent être publics. Et c'est très important, c'est une question démocratique que le public soit au courant des personnes qui sont arrêtées. Même s'il n'y a pas de loi des mesures d'urgence actuellement qui permet à la police de détenir pendant plusieurs jours les gens qui sont arrêtés, il y a toujours une possibilité pour la police de faire des arrestations abusives. Alors, là-dessus il me semble qu'autant on est d'accord, par exemple, pour taire le nom des suspects dans des cas d'enquête policière, il me semble qu'une arrestation est un geste public et que la population est en droit de le savoir.

Maintenant, sur la question des victimes d'accidents. Il faut voir déjà que ce qui est proposé... Pas ce qui est proposé... mais il y a un risque de recul. Actuellement, par exemple, sur les victimes d'accidents, la Sûreté du Québec remet les noms des victimes d'accidents. Vous pouvez voir ça dans les journaux du lundi, la liste des victimes d'accidents de la fin de semaine. À notre avis, on ne viole pas là le droit à des informations confidentielles et ce qui est pénible, de toute façon, pour les gens, c'est de voir que quelqu'un de leurs proches est mort durant la fin de semaine et qu'ils l'apprennent malheureusement parfois pas les médias. C'est déplorable, mais je pense que c'est quelque chose qui doit continuer à être d'intérêt public.

Il faut voir aussi qu'il y a eu des enquêtes, qu'il y a eu des cas où la publication du nom des victimes et leur adresse a pu permettre à des journalistes de remettre en question certains rapports de police. Je vais vous donner ici un exemple. Est-ce que j'ai le temps de vous lire quelque chose?

Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Noël: Oui. Je vais essayer de vous faire une traduction. C'est un rapport qui vient d'un forum public qui s'est tenu en mai dernier à Toronto. Alors ici, c'est un journaliste qui donne l'exemple de ce qui s'est passé avec la police du Toronto métropolitain.

Le dimanche 18 février de cette année, la police a émis un rapport qui disait que Donna Bennett, 54 ans, 63 Bellshop Place, app. 1304... reports that on February 17th, at about... - bon, je passe là-dessus - she was walking westbound on Bellshop Place when she was approached from behind by a male suspect. At this time, the suspect grabbed the victim's purse from her arm, then forced her into the lobby of an apartment building. At this location, the suspect also removed the quantity of jewelry from the victim's person and fled the scene in an unknown direction. The victim sustained minor injuries but no medical attention was required.

Now this report gives the impression that the woman was a victim of one attacker and suffered only minor injuries for which no medical attention was , required. But, when the Toronto Star reporter looked into the incident, a very different picture emerged. The Star learned that the 50-year-old grandmother was knocked in the head, robbed, dragged and dumped in the lobby of her apartment after going to the store for a can of pop. The Star learned that there were three male attackers, not one. It learned that the mother of eight actually spent five hours in surgery and was terrified to go back home. She said they tried to pull the rings off her fingers and to take her necklace too.

But most interesting of all, what we learned, when the reporter got into this, was that her children believed that the men were trying to get money to buy crack and cocaine. It seems that crack had turned their mother's neighbourhood into a war zone, so that they were all afraid to enter after dark.

Il s'agit d'un cas où, si la police n'avait pas donné le nom de la personne et l'adresse, il aurait été impossible de connaître cette histoire-là. Il y a des cas aussi... Je ne sais pas si vous vous souvenez, je pense que c'est l'année dernière, il y a un policier de la CUM qui a tué une personne. C'est dans l'est de Montréal. C'est à la suite d'une dispute de cette victime-là avec son amant. Le rapport de police disait que la personne qui était morte tenait un couteau et que les policiers se sentaient en état de légitime défense et avaient dû tirer des coups de feu. Et puis, finalement, je pense que c'est la Gazette qui avait rapporté cette histoire-là. Le témoignage d'un voisin, qui était au-dessus de la cour où se déroulaient les événements et qui a

rapporté une tout autre histoire, disait que la victime, enfin, la personne qui est morte, ne menaçait pas épouvantablement les policiers. Il se tenait plutôt loin, qu'il était là avec son couteau. Autrement dit, que la police avait probablement tiré de façon abusive.

Je pense que c'est important, dans des cas comme ça, d'avoir justement les noms des victimes et, si on n'a pas ça, ça laisse place à des abus de toutes sortes. Voilà.

Le Président (M. Doyon): Merci. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Ce que vous m'apportez, effectivement, bon, vous m'apportez des cas particuliers, dans l'ensemble. Nous, on doit quand même défendre le grand principe. Si je vous dis qu'inversement une personne qui est injustement arrêtée, par exemple, n'a pas intérêt, d'une certaine façon, à ce que son cas soit rendu public et, effectivement, son cas est protégé par la Charte des droits et libertés. Si vous parlez des personnes impliquées, effectivement, la Charte des droits et libertées protège ces gens-là.

Alors, moi, la question que je me pose, et qu'on se pose, évidemment avec des groupes qui prônent - plusieurs groupes, d'ailleurs - l'inverse, c'est qu'il y a une espèce d'affrontement entre le droit à l'information, la liberté d'expression, la protection de la vie privée. Je vous demande, parce qu'il va falloir statuer: Qu'est-ce que vous me suggérez finalement pour concilier votre demande face à la Charte des droits et libertés? Vous m'arrivez avec, finalement, des exemples précis, mais au niveau du droit, au niveau de la défense, finalement, du grand principe?

M. Noël: Bien, si on revient à la question des arrestations qui, pour nous, est encore plus importante que la question de l'identification des victimes d'accidents, c'est que la même question pourrait être posée pour les personnes qui sont injustement accusées. C'est sûr que quelqu'un qui est accusé injustement d'un délit, actuellement, c'est tout à fait public et si cette personne-là, après ça, est...

Mme Frulla-Hébert: Innocente.

M. Noël: ...innocentée, on peut dire que le mal est fait, en partie. Mais, à notre avis, c'est la même chose qui vaut pour les arrestations. C'est-à-dire qu'on espère que la police... Je ne crois pas que la police arrête des gens de façon, très souvent, abusive...

Mme Frulla-Hébert: Non, mais ça peut arriver, une erreur.

M. Noël: ...enfin, on espère que non, mais je pense que c'est la même chose. L'arrestation... Si la personne est arrêtée et ensuite n'est pas accusée, au point de vue de la déontologie des médias, ça doit être mentionné. Mais, pour nous, c'est exactement la même chose. C'est que, effectivement, il faut mettre dans la balance, à ce moment-là, l'intérêt de la transparence et la protection des renseignements personnels.

Je pense que dans un cas de... Ce qu'on défend, finalement, ce sont des principes démocratiques importants, une société démocratique, et la transparence, oui, d'une certaine façon doit être protégée à tout prix quitte à ce que, parfois, il y ait certains désagréments, notamment en ce qui concerne la protection des renseignements personnels. Mais on est très conscients que ce sont deux droits qui entrent en contradiction.

Je vous reposerais la question, où est-ce qu'on peut nous citer beaucoup d'exemples où la divulgation des noms des victimes et des personnes qui sont arrêtées porte un grave préjudice?

Mme Frulla-Hébert: Bon, au niveau des exemples, ça il faudrait quand même fouiller et demander aux gens qui prônent l'inverse aussi leurs arguments. Je tiens à préciser, par exemple, qu'il y a la victime, mais, juste une précision dans ce que vous disiez, c'est qu'une personne qui est accusée, souvent, a eu un procès, et ce n'est pas toujours le cas pour une personne qui est arrêtée. C'est tout ça. On chevauche tout le temps entre, justement ce que je disais tantôt, ce que prône la Charte des droits et libertés, d'une part, puis, deuxièmement, ce droit de la population d'être informée. Je dois dire qu'il y a de très bons arguments aussi de l'autre côté.

Mais il y a une chose, par exemple... Il y a une autre question que j'ai posée, d'ailleurs, à M. Winters et que j'aimerais vous poser parce qu'on parie maintenant de droit à l'information. Est-ce que... La population a le droit d'être informée et sans restriction. Vous avez dit tantôt aussi qu'on devait lever toute restriction à l'accès dans certaines situations où l'intérêt public est concerné, n'est-ce pas? L'environnement, la santé, etc. Moi, j'aimerais vous poser la question: Qui va décider d'une situation d'intérêt public? Comment qualifier? Quelle est la qualification d'intérêt public?

M. Noël: Bien, on peut donner un exemple en terme d'environnement. Il vient d'y avoir une décision récente de la Commission d'accès concernant un lieu très contaminé, où il existe des documents qui prouve que ce lieu-là est contaminé.

Mme Frulla-Hébert: Après le fait.

(12 h 45)

M. Noël: C'est Goodfellow. Je pense que c'est à Saint-André-Avellin et puis la Commission a donné raison. C'est Greenpeace contre le

ministère de l'Environnement où... Enfin, je vous cite ça, mais je n'ai pas participé à ces audiences-là. Alors, c'est clair, il existe un rapport où on prouve qu'un site est contaminé. Là, maintenant, les compagnies vont en appel de la décision de la Commission d'accès à la Cour du Québec en faisant valoir que ça risque de violer le secret industriel. Entre ces deux droits-là, entre la question de protection du secret industriel et la protection du droit en environnement et à la santé des gens, je pense que là aussi c'est la première qui doit prévaloir.

La Commission d'accès, il me semble, est bien placée pour savoir qu'est-ce qui est d'intérêt public et qu'est-ce qui n'est pas d'intérêt public.

Mme Frulla-Hébert: Ne trouvez-vous pas qu'il y aurait peut-être lieu d'avoir un débat là-dessus? Parce qu'on a beau dire: Oui, la Commission d'accès, c'est vrai, la Commission d'accès va donner son jugement. Mais dans l'éventualité où ce serait justement le responsable de l'accès qui prend la décision, qu'il y a un appel à la CAI, ensuite à la Cour du Québec, par exemple, parce que ce sont les processus dans lesquels... bon, c'est notre système aussi... Vous ne croyez pas qu'au moment où la situation va être tranchée la situation d'intérêt public, comme vous le disiez tantôt, n'existera plus? Alors, c'est pour ça que la question qu'on s'est posée hier et que je vous pose, c'est: Ne croyez-vous pas qu'il y aurait peut-être lieu d'avoir un débat public justement en ce qui concerne ce qu'on qualifie d'intérêt public?

M. Noël: Un débat public sur quoi exactement? Sur le droit à l'information, ou sur l'intérêt public?

Mme Frulla-Hébert: Non, non, sur ce que ça veut dire l'intérêt public, l'information d'intérêt public.

M. Noël: Qu'est-ce que ça veut dire une information d'intérêt public?

Mme Frulla-Hébert: Et qualifier c'est quoi, l'intérêt public? D'une part, ce que vous demandez est vraiment légitime, notre droit à être informé. On se retourne d'un autre côté, on voit la Ligue des droits et libertés, le Protecteur du citoyen qui disent non. Dans le fond, ces gens-là ont le droit - victime, personne impliquée - aussi à leur vie privée. Alors, les deux demandes sont un peu... sont contradictoires.

M. Noël: Oui, je pense que c'est contradictoire. Il n'y a pas à sortir de là. Il n'y a pas moyen de satisfaire ces deux droits-là de façon pleine et entière. Ce qu'il faut voir ce sont les dangers de l'application rigide probablement d'un de ces deux droits-là. Quand on demande que les noms des victimes et des personnes arrêtées soient divulgués, pour nous c'est une question démocratique vitale, mais ça ne veut pas dire que les médias, eux, vont publier tous les noms. Comme, par exemple, les cas de suicide actuellement. Il y a déjà un code de déontologie qui fait que les médias ne publient pas les noms des personnes qui se suicident à moins qu'il s'agisse d'une personnalité publique. Si Robert Bourassa se suicidait, cet après-midi, je pense bien qu'on récrirait. Si c'est Mme Tremblay, de la rue Panet, qui se suicide, on ne l'écrira pas. Je veux dire... je pense qu'il faut aussi faire confiance. C'est qu'il faut voir que plus on apporte de restrictions à la liberté d'information, c'est à mon avis des restrictions à la démocratie. J'espère que les organismes qui veulent préserver la démocratie, comme la Ligue des droits et libertés, vont comprendre ce genre de débat-là. Mais d'avoir un débat là-dessus, oui, ce serait effectivement très souhaitable.

Mme Frulla-Hébert: Parce que dans le fond l'application de la démocratie, vous avez raison, mais finalement une société démocratique c'est aussi de respecter les droits individuels. C'est ça là et nous, évidemment, il faut travailler avec le consensus et voir finalement les avantages et les désavantages des deux situations. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Je vous souhaite la bienvenue. J'écoutais le début de votre intervention et vous nous disiez que vous n'aviez pas d'étude légale et que votre mémoire avait été fait comme s'il n'avait pas été complet. Je dois vous dire, je vais plutôt vous féliciter parce que votre mémoire, je trouve qu'il montre une vision très claire du projet de loi et qu'il est bien étoffé. J'en veux pour conclusion que vous avez touché à tous les points qui sont amenés à peu près par tous les groupes, qui sont litigieux, qui sont importants et qui sont fondamentaux.

Moi aussi, je veux revenir sur l'article 14, mais je vais le garder pour la fin parce que j'ai deux, trois petites questions avant. À l'article 2, vous dites que finalement vous étiez inquiet par rapport à la possibilité de questionner les organismes municipaux, mais que finalement ça ne vous préoccupe plus étant donné qu'il y a un amendement qui a été apporté. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de réfléchir à ça par rapport à l'amendement parce qu'il y a la Coalition démocratique de Montréal qui va venir cet après-midi et qui mentionne son inquiétude par rapport au libelle de l'amendement quand on parle d'organismes relevant de l'autorité de Montréal. Est-ce que ça ne vous inquiète pas cette nouvelle définition, sachant maintenant à

quel point les municipalités utilisent les services d'organismes privés? Est-ce que, même si on veut la même chose, donc, voulant la même chose, c'est-à-dire être capable de questionner l'ensemble des organismes qui rendent des services publics municipaux, est-ce que l'ancien article ne serait pas plus rassurant que l'amendement qui est apporté? C'est l'argument, en tout cas, qu'utilise la Coalition démocratique de Montréal.

M. Noël: Je ne connaissais pas leur argumentation mais l'impression qu'on avait, c'est que l'ajout de ce paragraphe, "de même que tout organisme relevant autrement de l'autorité d'une municipalité", couvrait absolument tous les organismes pararnunicipaux. Maintenant, vous me parlez de groupes privés qui sont embauchés par des municipalités?

M. Paré: Vous savez que dans les municipalités, de plus en plus, il est...

M. Noël: Oui.

M. Paré: ...question de créer des organismes, qui ont presque l'air indépendants à un certain moment donné dans les villes, qui vont s'occuper de loisir, de planification, de protection du patrimoine...

M. Noël: C'est-à-dire qu'elles font appel à ces organismes-là?

M. Paré: Qui font affaire avec des bénévoles, des gens de l'entreprise, des gens du milieu. Je ne sais pas, mais eux autres semblent dire que l'amendement est moins précis et moins clair que l'article actuellement en vigueur. Remarquez bien...

M. Noël: Oui.

M. Paré: ...si vous ne vous êtes pas arrêtés là-dessus...

M. Noël: Disons qu'on n'a pas vu... Enfin, là, vous nous mettez la puce à l'oreille, je dois dire.

Des voix: Ha, ha, ha! M. Paré: Ah! On verra.

M. Noël: On avait l'impression qu'il ne s'agissait pas avec cet amendement-là, si c'est bel et bien fait, d'un recul. Maintenant, je pense que le problème que vous soulevez, les organismes privés avec lesquels les organismes municipaux font affaire, ils ne sont pas couverts de toute façon par la loi et éventuellement il faudrait voir si peut-être ils devraient être couverts. C'est quelque chose à quoi on n'a pas pensé.

M. Paré: O.K. De toute façon, on fera le débat cet après-midi avec l'organisme mais c'était juste pour savoir si vous vous étiez arrêtés à ça.

Un autre point. Probablement qu'à l'article 33, donc le dernier, votre dernière recommandation, de ramener tout ce qui est passé au Conseil exécutif à 15 ans, question d'harmonisation comme on fait souvent et de plus en plus... Vous seriez certainement d'accord avec 20 ans pour que ce soit les mêmes délais minimums que le gouvernement fédéral pour qu'on puisse, quand on étudie des situations qui relèvent des deux gouvernements, au moins avoir une information complète et non pas juste une partie. Si c'était...

M. Noël: Le ministère se loue d'avoir la loi la plus avant-gardiste, alors je ne vois pas pourquoi il ne continuerait pas dans la même veine. Je ne suis pas sûr de ce que j'affirme mais il me semble qu'aux États-Unis, c'est 10 ans, mais je ne suis pas... Je ne sais pas si quelqu'un est au courant, ici, mais il me semble que, pour les décisions du Conseil exécutif aux États-Unis, le délai est de 10 ans et non pas de 20 ans.

M. Paré: O.K. Si vous demandez un délai plus court à la loi québécoise par rapport à la loi fédérale, c'est que vous dites: On a déjà une loi avant-gardiste, continuons dans ce champ-là.

M. Noël: Tant qu'à nous, ça devrait être un délai de quelques mois. Je veux dire, il faut bien voir que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Noël: ...nous, ce qu'on veut c'est l'information la plus totale. C'est déjà un compromis, 15 ans.

M. Paré: Dans d'autres demandes que vous faites, je dois dire que je suis très sensible et sympathique, entre autres, quand on parle de dossiers par rapport à documents, toujours dans le sens de la transparence de l'intérêt public, de l'information générale. Effectivement, à certains moments, si vous voulez être capables de donner de l'information à la population sur un sujet d'actualité précis, il faut connaître le dossier, si on veut être capables de faire un bon reportage et donner toute l'information, et non pas demander un document en particulier, spécialement quand on entre dans un nouveau dossier. De ce côté-là, il va certainement falloir l'étudier sérieusement lorsqu'on sera article par article. Moi, en tout cas, je dois dire que je suis très sensible à ça, spécialement si on considère que dans d'autres Législatures on est ouvert à ça. Je pense qu'il faut non seulement être avant-

gardiste mais au moins être à l'égal des autres Législatures.

M. Noël: Oui et c'est une question de logique aussi. Je veux dire que c'est évident que les citoyens comme les journalistes ne peuvent pas connaître les noms des documents qui les intéressent en tout temps.

M. Paré: Un autre point avant d'arriver sur l'article 14. À la page 8, concernant les articles 33 à 40. À cause des délais, vous arrivez avec une recommandation qui va à l'extrême un peu en disant que le projet de loi, plutôt que de prendre la voie de la simplification des procédures d'appel, élimine complètement la possibilité d'aller en appel des décisions de la Commission à la Cour du Québec. Ne trouvez-vous pas que c'est limitatif, le fait de faire une recommandation semblable? Qu'il y ait des délais, que ce soit long, je comprends que c'est achalant, encombrant et même, surtout dans le cas des journalistes, pas très pratique et même, nuisible à la fonction que vous avez et que vous exercez d'informer la population. Il faut être dans les délais, il faut être d'actualité. Par contre, il y a un recours qui est possible, c'est d'aller en appel. Vous dites: Comme les délais sont trop longs, plutôt que de raccourcir ou de simplifier les délais, bien, tout bonnement, qu'on enlève la possibilité d'appel. Ne trouvez-vous pas que ce serait mieux, au moins, que ça reste et que vous ne l'utilisiez pas plutôt que de l'enlever complètement comme possibilité?

M. Noël: Non. Premièrement, sur la question des délais, on demande deux choses, soit l'abolition du recours possible à la Cour d'appel et, l'autre chose, c'est le rôle prioritaire, qu'il ne soit pas seulement pour les journalistes, mais qu'à ce moment-là la Commission tienne compte des demandes des journalistes.

Sur la question de la Cour d'appel, c'est qu'il me semble qu'il y a un débat, actuellement, sur la déjudiciarisation - on ne m'a pas appris à dire ça à l'école - du système administratif. Comme je le disais tantôt, en droit criminel, c'est évident, je veux dire que c'est une chose sur laquelle on ne se pose pas de question. Là, il s'agit quand même de droit administratif. C'est sûr que dans certains cas ça peut être justifié, les recours à la Cour du Québec, mais il faut voir ici qu'en pratique ça fait deux poids, deux mesures. En pratique, les organismes publics ont les moyens d'aller en appel et les citoyens et les journalistes, souvent, n'ont pas les moyens d'aller en appel. Je veux dire qu'en pratique c'est quelque chose qui vient limiter l'accès à l'information et non pas le contraire. Ce n'est pas une procédure qui permet surtout au public et aux journaux d'avoir plus facilement accès aux documents. C'est majoritairement utilisé, actuellement, par les organismes publics qui veulent contester les décisions de la Commission d'accès.

Il y a une autre chose. Enfin, j'espère qu'il n'y a pas de juge de la Cour du Québec ici, mais on sait souvent que plus on grimpe dans la hiérarchie judiciaire, plus on est conservateur. La loi d'accès est une loi, comme on dit, assez avant-gardiste et je ne suis pas sûr qu'elle soit toujours bien comprise à la Cour du Québec. Je ne suis pas sûr, moi, que les juges qui siègent là comprennent toujours l'esprit de la loi. Il me semble qu'on ne vient pas bafouer un droit démocratique, fondamental, en éliminant cette possibilité d'appel.

M. Paré: Par rapport à un point que vous venez de soulever en disant qu'il faudrait prioriser, finalement, les demandes...

M. Noël: Oui.

M. Paré: ...quand on regarde le texte de votre mémoire à la page 11, on dit qu'il y a l'intérêt général de la population à être informée et votre recommandation qui suit immédiatement: "Que la loi stipule que la CAI doive établir un rôle prioritaire pour disposer des demandes de révision qui présentent un caractère pressant". Est-ce que votre demande, en clair, c'est de donner priorité aux journalistes, étant donné que c'est dans l'intérêt général de la population?

M. Noël: Bien, c'est-à-dire que, légalement, ce serait un peu difficile de demander quelque chose comme ça. Maintenant - je parlais avec M. O'Bready tantôt - il existe d'autres organismes judiciaires, tribunaux judiciaires ou quasi judiciaires qui ont des rôles prioritaires et je ne vois pas pour quelle raison la CAI ne pourrait pas faire la même chose. On espère que les commissaires soient sensibilisés, effectivement, aux demandes des journalistes. Ce qu'il faut voir quand je dis que ce n'est pas juste une demande égoïste, c'est que c'est vrai, quant aux demandes des journalistes, qu'on ne fait pas ça uniquement dans notre intérêt personnel. Je veux dire que c'est la population qui en profite. Comme l'exemple que je vous donnais, si on pouvait savoir tout ce qui s'est passé, tous les débats qu'il y a eu sur la question de l'acquisition du terrain de golf d'Oka, il me semble que ce serait intéressant à savoir maintenant. Ce serait très intéressant de savoir maintenant quels sont tous les intérêts qui sont liés à ce terrain de golf, quels sont les débats qu'il y a eu et quelles sont les personnes qui sont là-dedans, naturellement. C'est plus intéressant pour la population de savoir ça qu'un citoyen qui veut avoir accès à un document, je ne sais pas, moi, sur l'aménagement des rives de son chalet ou quelque chose comme ça. Il me semble que ça va de soi. (13 heures)

M. Paré: Je conclus et j'en arrive maintenant à l'article 14. Je dois dire que c'est vrai

que c'est le défi ou c'est vraiment la difficulté qu'on a quand on regarde le rôle que vous avez, et vous l'indiquez immédiatement dans l'introduction: "La Fédération ne défend d'autre cause que - et c'est là qu'est le défi - la liberté de presse et le droit du public à l'information dans le respect de la vie privée." C'est là qu'est toute la difficulté, par rapport à l'article 14 et, finalement, l'identification des victimes et des personnes qui sont arrêtées.

D'autres groupes sont venus avant vous. Ce n'est pas la première fois qu'on en parle à la commission depuis hier matin et c'est bien qu'il y ait le débat. Mme la ministre a dit qu'effectivement il fallait en faire un débat; donc, ça veut dire un débat à venir. Probablement qu'on saura au cours de la commission quand et quel genre de commission un peu plus tard, mais il devrait y avoir un débat plus large que celui qu'on tient ici aujourd'hui. Mais je pense qu'il est quand même important, étant donné que vous l'amenez et que vous avez le goût d'en traiter. On trouve ça important, parce que vous êtes les gens directement intéressés par rapport à cet accès.

Le débat est important, parce que ça confronte effectivement deux principes, qui sont ce que vous dites, et c'est très bien dit: le droit du public à l'information, c'est la transparence. C'est même ça qui est la base de notre démocratie et on ne peut pas être contre cela d'avoir le maximum d'information. C'est ce qui fait la beauté et la force de notre système démocratique, mais, en même temps, c'est dans le respect de la vie privée. Les citoyens, il ne faut pas l'oublier, ont des droits reconnus. Ça va loin aussi, le droit à la vie privée. Selon notre Code civil aussi, on est présumé innocent jusqu'à accusation. On a des choses qui nous protègent. Et heureusement. C'est ce qu'il y a de beau dans notre système: l'individu est probablement ce qu'il y a de plus fondamental dans la société. Donc, l'individu, à condition qu'on lui reconnaisse des droits.

Mais, aussi, on veut être informé et je vais dire comme vous, être informé ça veut dire qu'on aime avoir des détails et rapidement. On aime que ce qu'on lit dans les journaux soit d'actualité. Mais comment faire pour avoir le respect des uns et des autres? Au moment où on se parle, on a une loi, l'article 14 vient améliorer un peu l'accessibilité, mais vous dites qu'on ne va pas assez loin et vous demandez maintenant que ce soit l'ouverture générale, l'accessibilité dès qu'il y a un mandat qui est signé par un corps de police. C'est sûr que quand on prend des exemples comme ceux que vous avez utilisés, qui ne sont pas nécessairement excessifs, qui sont vécus, mais en même temps il est peut-être plus facilement explicable qu'on veuille que ce soit sur la place publique quand ça touche des groupes... Les exemples que vous avez donnés sont très connus, mais je n'ai pas l'impression que c'est la majorité des cas qui sont du même intérêt pour M. et Mme Tout-le-Monde. Et, en même temps, il y a des victimes aussi.

Vous avez fait, et je dois dire que c'est un peu remarquable, dans vo re présentation ou dans votre discussion avec Mme la ministre, à un moment donné, une division ou une différence entre ce qui est arrestation et ce qui est victime. C'est déjà une possibilité de regarder les deux. Une arrestation, c'est qu'il y a eu enquête, alors qu'une victime, il y a eu un incident et non pas une enquête qui amène à une arrestation. Il faut faire attention dans les situations qui sont particulières, parce que là on s'adresse à des individus. Votre collègue du journal The Gazette hier nous disait: Oui, vous pouvez ouvrir totalement, comme vous nous le demandez, en se basant sur d'autres garanties et parmi ces garanties-là, qu'il nous a mentionnées hier, il y a le code de déontologie. Vous avez même ajouté la confiance par rapport au professionnalisme - finalement, ça rentre dans le code de déontologie - et il y a déjà des gens qui sont protégés par des lois. Je pense aux mineurs. Oui, c'est une avenue qu'il faut envisager, mais, entre nous, et je vous pose la question d'une façon très naïve: II y a le code de déontologie puis, effectivement, on peut penser que la grande majorité des journalistes et des médias va s'adapter à ça. Mais ne craignez-vous pas qu'il puisse y avoir utilisation abusive, pas de façon générale, mais ce qu'on

M. Noël: C'est qu'on est conscients qu'il y aura des inconvénients et de la même façon que je le disais tantôt à Mme Frulla-Hébert, la dictature a certains avantages sur la démocratie à l'extrême, c'est-à-dire qu'on peut prendre en dictature des décisions plus rapidement qu'en démocratie, par exemple.

Ce qu'il faut voir ici, c'est que la situation actuelle fait qu'il y a des abus graves qui se produisent. Et je vous pose la question: Quand il y a un policier qui tue un noir, est-ce que vous ne pensez pas que ça doit être connu immédiatement, à savoir de qui il s'agit? Actuellement, si on appliquait à la lettre la législation actuelle, M. Parizeau se ferait tuer ici, dans la ville de Québec, et la police de la Communauté urbaine de Québec ne pourrait pas divulguer son identité. Il y a quelque chose d'absolument absurde dans une situation comme celle-là et qui risque de bafouer des droits démocratiques de façon beaucoup plus grave que la divulgation abusive des noms des victimes. Il faut voir que les journaux, quand même, ne s'intéressent pas à la vie de tous et chacun et s'intéressent principalement à la vie des gens publics ou des événements publics, et que toute restriction à

cette possibilité de rapporter des faits publics est une entrave démocratique sérieuse. Aussi, ça limite le rôle de chien de garde des médias. Mais je vous pose la question. Prenez cet exemple-là, du cas de Allan Gosset et de Anthony Griffin, où ia question s'est posée de façon très précise. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Paré: Deux choses là-dessus par rapport aux commentaires que vous venez d'émettre. La première, quand vous disiez qu'un policier tue un noir à Montréal, que ça ne soit pas connu, ce n'est pas correct. Moi, je dois vous dire, entre nous, qu'un policier tue n'importe quel individu...

M. Noël: Non, non, je vous donne cet exemple-là parce que ça s'est passé.

M. Paré: Non, mais ça m'a... Je dois vous dire... O.K.?

M. Noël: Oui, oui.

M. Paré: Dès qu'il y a effectivement... Là, vous avez un point. Moi, je pense que, de toute façon, il doit y avoir un rapport de la Commission de police dans des situations semblables et, dès qu'il y a rapport d'une commission quelconque, je pense qu'effectivement, comme c'est dans l'exercice d'un mandat d'une personne en poste au niveau public, il faut que ce soit connu. Mais est-ce qu'on doit immédiatement... Vous donniez l'exemple tantôt. Moi, je ne voudrais pas apprendre par la voix des journaux, par exemple, que quelqu'un de ma famille est décédé. À première vue, je dois vous dire que c'est comme quelque chose qui est... Humainement, ça doit être quelque chose à vivre. Par contre, les deux exemples que vous avez pris, si M. Bourassa ou M. Parizeau, il leur arrivait quelque chose et que la population puisse être informée rapidement, oui, parce qu'il y a des gens qui ont les mêmes droits et ils ne doivent pas avoir de privilèges, mais qui ont choisi d'avoir une vie publique, c'est pas mal plus normal, je pense. De toute façon, on ne peut pas le cacher et ça devient public. Il y a tout ce choix-là. C'est pour ça que le débat... Je dois vous dire: J'ai l'impression que la porte est à peine entrouverte sur toute l'importance du débat qu'on va tenir.

M. Noël: Qui va décider? Prenons un exemple inverse. Le caporal Lemay qui s'est fait tuer cet été, est-ce que ce n'est pas important que son nom soit immédiatement connu, qu'on sache ce qui est arrivé, comment ça s'est passé? Je veux dire: Qui va décider si la loi dit que ces informations-là ne doivent pas être publiques? C'est qu'on risque d'arriver à des situations absolument absurdes. C'est qu'il va y avoir des corps de police qui vont interpréter la loi dans un sens et d'autres corps de police qui vont l'interpréter dans d'autres sens. D'ailleurs, c'est le cas actuellement où la police de la CUM ne divulgue pas les noms des victimes d'accidents et d'incidents alors que la Sûreté du Québec divulgue ces renseignements-là, d'une certaine façon, en violant la loi actuelle, parce que la Commission d'accès à l'information a donné raison à la police de la CUM. Et notre grande crainte maintenant, c'est que la Sûreté du Québec suive l'exemple de la police de la CUM.

M. Paré: Je ne vous dirai pas dans quel sens je serais le plus porté à pencher, mais s'il y a une chose, par exemple, à laquelle je serais prêt à adhérer, c'est qu'il y ait au moins une ligne de conduite commune par rapport aux différents organismes qui détiennent ces informations.

M. Noël: Actuellement, il y en a une, une ligne de conduite.

M. Paré: Bon.

M. Noël: Et la ligne de conduite est que ces informations-là ne sont pas publiques. La police de la CUM agit de façon très légale actuellement en ne divulguant pas les noms. C'est quelque chose qui... En tout cas, ça m'étonne d'ailleurs que la SQ n'ait pas suivi encore cet exemple-là. Mais, je veux dire, c'est une question de temps avant que la Sûreté du Québec fasse la même chose et c'est quelque chose qui doit absolument arrêter. La tendance doit être exactement le contraire. Il faut avoir une ligne de conduite dans le sens d'une plus grande transparence et non pas dans le sens d'un plus grand secret.

M. Paré: Oui, une plus grande transparence dans le respect de la vie privée.

M. Noël: Mais c'est qu'on ne nous a pas donné d'exemple probant comme quoi la vie privée des gens au Québec était vraiment menacée actuellement ou pourrait être vraiment menacée et qu'il y aurait des entorses graves à leur droit démocratique à la vie privée.

M. Paré: Alors, je vous remercie beaucoup de la présentation de votre mémoire et surtout des réponses aux questions et j'espère que très bientôt on se retrouvera spécifiquement sur ce point.

M. Noël: Je l'espère aussi.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Merci. Mme la ministre, quelques mots de remerciement.

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci beaucoup du débat et on va le continuer, vous pouvez en être sûr. J'ai une bonne nouvelle, par exemple, pour vous puisqu'on veut tous, finalement, changer les

attitudes et essayer de mettre du positivisme à l'intérieur de tout ça. Vous savez que l'article 10 du projet de loi modifie l'article 44 en disant ou en spécifiant que le responsable de la loi d'accès maintenant ne sera pas seulement celui qui reçoit la demande mais doit absolument aider justement le requérant à l'identification du document demandé. Autrement dit, quand la loi sera en application, si vous demandez, justement, les documents d'Oka et qu'on vous répond: Quels documents? la personne est obligée de vous aider. Alors, ça, c'est une bonification qu'on a apportée parce que, effectivement, on s'est rendu compte, avec la Commission d'accès d'ailleurs, qu'il y avait des problèmes. Alors, j'ai l'impression que ça va vous aider beaucoup dans votre travail et il y aura aussi toute la question de formation des responsables et ça, nous en sommes aussi très conscients. C'est une loi qui est relativement neuve, 1982, appliquée après, en 1985, quand on a fini par soumettre tous les organismes. Alors, il faut maintenant beaucoup de pédagogie.

Cela étant dit, nous allons travailler ensemble à développer les consensus nécessaires pour faire évoluer la loi. Et comme on l'a spécifié tantôt, je veux initier... j'initierai, pas je veux, j'initierai un débat public sur toute la question de la définition de ce qu'est une information d'intérêt public. Et, à ce moment-là, nous allons le faire sous quelle forme? C'est à définir. Chose certaine, c'est que nous allons essayer de le faire ensemble et je pense que ça va beaucoup nous aider aussi à essayer finalement, d'un côté, de regarder la question qui est le droit collectif à l'information et, de l'autre côté, question prônée aussi par la Charte des droits et libertés, c'est-à-dire, finalement, protection de la vie privée. Et un grand dialogue et un grand débat, non seulement par des organismes - parce que souvent on en a eu des débats, mais c'était la Fédération des journalistes, entre nous, au niveau des médias, à l'époque quand j'y étais - mais là on va essayer de l'élargir peut-être au public et ça va probablement nous éclairer tous au niveau de ce consensus social. Je pense qu'il est temps qu'on se pose la question. Alors, cela étant dit, merci encore de votre apport. Ce fut très intéressant.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Noël. Merci, M. Robillard. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures et, à cette heure-là, nous entendrons la Coalition démocratique de Montréal. Les travaux sont suspendus.

(Suspension de la séance à 13 h 14)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Doyon): La commission de la culture reprend ses travaux, et nous allons dès maintenant entendre les représentants de la Coalition démocratique de Montréal, qui sont M. Mélançon, M. Boskey et M. Nadeau. Je les inviterais à prendre place, s'il vous plaît.

Alors, bienvenue, je pense que vous étiez ici cet avant-midi, je ne suis pas trop sûr, vous savez comment ça fonctionne: Vous présentez votre mémoire pendant une vingtaine de minutes, et le restant du temps est partagé également entre les deux formations politiques. Vous avez donc la parole, et si vous vouliez bien vous présenter, pour commencer. Merci beaucoup.

Coalition démocratique de Montréal

M. Boskey (Sam): Bon, merci. Je m'appelle Sam Boskey, je suis conseiller municipal à Montréal. Je suis accompagné par M. Gaétan Nadeau, qui travaille comme recherchiste pour la Coalition démocratique. Nous sommes des représentants des partis d'opposition à l'hôtel de ville de Montréal, actuellement. Notre leader parlementaire, M. Mélançon, a malheureusement été retenu à Montréal aujourd'hui. C'est nous deux qui allons présenter le mémoire.

Pour deux raisons, je ne veux pas lire tout le mémoire. D'abord, je suis vice-président d'une commission permanente à l'hôtel de ville moi-même, et je sais que c'est plate ^'entendre des gens lire des choses quand on a déjà des textes. Je prend pour acquis que, ou bien vous ou vos recherchistes avez déjà lu ça ou vont lire ça à l'avenir. Ce que nous voulons faire, c'est peut-être de lire quelques extraits, mais surtout de faire un certain nombre de commentaires généraux, parce que nous touchons beaucoup de petits points, mais on voudrait mettre l'emphase sur des points qui, pour nous autres, sont les plus importants.

Quelques commentaires généraux, au début. Je pense qu'on aurait préféré, peut-être, après cinq ans de cette loi, voir peut-être une révision un peu plus globale que ce qu'on a vu dans la loi 62, pas juste quelques petits ajustements. Il y avait beaucoup de jurisprudence, et étant donné que la loi était toujours, en plus d'être une loi sur l'accès à l'information, c'était aussi une codification de toutes les exceptions à la loi sur le droit à l'accès, peut-être, après cinq ans, après l'expérience, on aurait pu constater qu'il y a certaines exceptions qu'il n'était pas nécessaire de garder dans la loi.

Mais une chose qu'il est très important de signaler et qui est à la base de notre orientation face à ce dossier, c'est qu'il ne faut jamais, pendant la révision de la loi, oublier le principe de base, c'est, que normalement, tout ce qui est gouvernemental devrait en principe être public et ouvert, et tout ce qui est des renseignements personnels doit être privé. Parfois, en faisant la lecture de certains articles du projet de loi, c'est un peu difficile de dégager cette optique et c'est pourquoi on a certains commentaires. Pour

nous qui utilisons de temps en temps la loi, on regarde les propositions de modifications suggérées, non pour voir comment ça va aider les fonctionnaires, mais comment vraiment ça va protéger les droits du public. Notre expérience, dans les derniers cinq ans, concernant la loi, on a vu que, dans les mains des gens qui n'aiment pas les principes dedans, on peut utiliser la loi pour faire un certain genre de harcèlement. Juste pour vous donner un petit exemple de cela, quand nous avions trois ou quatre appels devant la Commission, des demandes de révision le même jour, le même moment concernant le même article de loi, il y avait des instances où on nous envoyait trois avocats différents, trois dossiers différents et c'était l'équivalent d'un harcèlement. N'importe quelle loi et surtout quelque chose où les délais sont très importants, c'est ouvert à un certain harcèlement et il n'y a pas nécessairement des modifications dans des questions de procédure ici qui peuvent protéger le public.

Un autre grand commentaire, c'est quelque chose qui n'était pas dans la loi et qu'on aurait voulu voir peut-être. C'est qu'il y a beaucoup de motifs de refus. Il y a ceux qui sont obligatoires: L'organisme public doit refuser. Il y en a d'autres qui disent: L'organisme public peut refuser. D'après la jurisprudence de la Commission, on n'exige pas une justification pour le "peut". Très souvent un organisme va refuser et il n'y a pas de raison vraiment. La Commission ne veut pas regarder en arrière du refus.

Il reste - évidemment, ça va un peu plus loin que la loi 62 - un grave problème dans la loi sur l'accès à l'information. D'après nous, c'est que ça donne accès aux décisions après que les décisions sont prises. Pour nous, à Montréal, par exemple, à l'hôtel de ville de Montréal, la plupart des décisions sont prises à huis clos par le comité exécutif. Ce n'est qu'une petite partie qui vient au conseil municipal. Pour des gens qui sont en politique et pour des gens qui voudraient participer pleinement dans une vie démocratique, ce n'est pas beaucoup pour influencer les gouvernements si on ne peut que prendre connaissance des faits accomplis. Dans la loi, tel que ça existe, souvent c'est après que des décisions finales sont prises qu'on peut avoir accès. Et ça n'aide pas du tout la participation démocratique.

Je voudrais peut-être lire juste un paragraphe ou deux. Ça se trouve à la page 2 de notre mémoire concernant aussi l'autre volet qui est la question des renseignements personnels. Ce paragraphe se lit comme suit: "La loi, loin de protéger les renseignements personnels détenus par l'État, a servi de paravent pour autoriser une dégradation constante et critique du respect du droit à la vie privée. La situation des assistés sociaux du Québec, les récents contrats avec la compagnie Acrofax, tes couplages de fichiers d'ordinateurs, la carte de santé à mémoire qu'on nous annonce pour bientôt, le commerce des renseignements personnels par le gouvernement du Québec, le transfert de données vers le secteur privé dans le domaine de l'assurance automobile, par exemple autant de preuves que les organismes publics ont une définition pour le moins restrictive et positiviste du droit à la vie privée. "Notre analyse de la situation, en matière de protection de la vie privée, nous amène au triste constat suivant: La vie privée est d'abord et avant tout une question de richesse. La logique de la cueillette et du traitement de l'information dans le secteur public, tout comme dans le secteur privé, confirme le vieil adage: Vaut mieux être riche et en santé que pauvre et malade. Avec l'arrivée de la carte de santé à mémoire on peut dire qu'à maladie égale, les riches s'en tireront mieux que les pauvres, du strict point de vue de leurs dossiers personnels. Les pratiques d'embauché de la ville de Montréal sont là pour démontrer la pertinence de nos propos." On réfère ici à des questionnaires utilisés à la ville de Montréal qui posaient des questions concernant des avortements, des tests de sang qu'ils ont utilisés et qui pourraient avoir des préjugés contre des gens de certaines races, et d'autres questions semblables. "En matière de protection de la vie privée, le Québec attend toujours sa révolution tranquille. On ne pourra pas impunément avaliser le système actuel qui, même au niveau de la protection des renseignements personnels, crée deux Québec en un." C'est la façon de dire que, je pense, on aurait préféré voir dans fe projet de loi 62 des choses qui vont rendre beaucoup plus secure la protection de la vie privée. Certains amendements ici, d'après nous, vont dans le sens contraire.

La deuxième chose que j'aimerais dire, ce sont des choses qui ne sont pas dans la loi, juste peut-être adresser un mot aux membres de la commission concernant l'administration de ta loi tel que ça existe actuellement. Une loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée peut être très importante si c'est quelque chose qui est utilisé régulièrement et si tout le monde est au courant. Mais, malheureusement, il y a très peu de publicité concernant la loi. Il y a beaucoup de publicité concernant Loto-Québec toutes les dix minutes à la radio et à la télévision, mais, concernant une loi qui devrait être une loi fondamentale, la plupart des membres et le public ne savent pas que ça existe. Les recours ne sont pas bien publicises. Une autre raison pour laquelle c'est bien important qu'il y ait de la publicité, c'est que ça va avoir un effet dissuasif face aux organismes publics. Avec une campagne de publicité constante et permanente, les organismes publics seront aussi beaucoup plus au courant de leurs responsabilités et de leurs obligations.

On m'avait informé, à l'hôtel de ville de Montréal, qu'il n'existe pas actuellement beau-

coup d'aide du ministère des Communications face aux responsables des organismes. Il n'y a pas de cours de formation permanente, il n'y a pas vraiment beaucoup d'aide, il n'y a pas de cours dans des universités, et souvent les gens sont un peu isolés. Par coïncidence, j'ai reçu un avis: à Toronto, les 27 et 28 septembre prochain, le gouvernement d'Ontario organise un grand grand colloque sur les municipalités et la loi sur l'accès à l'information. Ce serait peut-être intéressant pour les membres de la commission de prendre note des détails, peut-être que quelqu'un pourrait y assister.

Nous trouvons, à Montréal, à cause de ce manque de sensibilisation, des situations un peu bizarres. Dans notre mémoire, qui a été rédigé il y a deux mois à peu près, on parle d'une situation avec une société paramunicipale de la ville de Montréal où la société paramunicipale exigeait l'autorisation du secrétaire général de la ville de Montréal avant de regarder une demande d'accès. On a trouvé cette situation un peu bizarre et, depuis le temps où le mémoire a été rédigé, la situation s'est clarifiée. Apparemment, c'était une erreur et le secrétaire général a clarifié la situation, mais ça démontre que, même des années après que la loi est entrée en vigueur, des responsables de grandes sociétés paramunici-pales ne sont même pas au courant de la façon de gérer un dossier en vertu de cette loi. C'est très important, je pense, pas juste d'adopter la loi, mais de voir à son application. À ce sujet, je pense qu'on pourrait voir beaucoup d'amélioration.

Je voudrais maintenant prendre quelques articles de la loi et faire nos commentaires article par article. Le premier article qui a attiré notre attention, c'était l'article 2 qui mentionnait la question des sociétés paramunicipales de la ville. Je ne sais pas, au moment où on se parle, quel est exactement l'état de l'article 2. J'ai entendu qu'il y aurait ou bien des modifications, ou j'ai entendu des rumeurs voulant que ça pourrait peut-être être changé ou retiré. Mais je voudrais dire que ni l'ancienne définition ni la définition dans la loi 62 n'étaient adéquates. Il faut avoir une définition qui soit adéquate pour la réalité que nous avons à la ville de Montréal. À Montréal, le conseil municipal gère de moins en moins les affaires de la ville. Il y a beaucoup beaucoup de sous-traitance avec des sociétés paramunicipales et avec des organismes de tous ordres. Je voudrais juste lire un paragraphe de notre mémoire, à la page 6: "...le conseil de ville est de moins en moins le maître d'oeuvre du développement et de la gestion de Montréal. À la centralisation à outrance de l'administration Drapeau a succédé le démantèlement bureaucratique de l'administration Doré. Les prérogatives du conseil municipal sont redistribuées à divers organismes paramunicipaux, de toutes natures, dont la gestion est confiée à des non-élus et la surveillance aux journaux. L'exercice s'est révélé un échec. À toutes fins utiles, ces organismes sont hors de contrôle. Un redressement s'impose et la loi sur l'accès à l'information est, pour le moment, l'outil privilégié pour connaître les actions et inactions de ces organismes qui détiennent une bonne part du pouvoir à Montréal."

La loi et les derniers amendements dont on a pris connaissance ajoutent une ligne. On dit: Des organismes dont le conseil d'administration est composé majoritairement des membres du conseil d'une municipalité - je le dis tout de suite, à Montréal, ça n'a aucune pertinence parce que, depuis quelques années, il n'y a pas d'élus du tout sur les conseils de sociétés paramunicipales - de même que tout organisme relevant autrement de l'autorité d'une municipalité. Je voudrais essayer de vous expliquer que c'est très difficile de savoir ce que ça voudrait dire à Montréal. À Montréal, il y a des sociétés para-municipales dont on peut penser qu'elles relèvent de l'autorité d'une municipalité, des sociétés paramunicipales traditionnelles qui sont créées en ven^u de la charte de la ville de Montréal. On peut regarder l'AMARC, la Société d'habitation et de développement de Montréal, et quelques autres. Il y a certaines autres sociétés, que nous appelons chez nous du type B, qui ne sont pas créées en vertu de la charte, mais ce sont des compagnies créées en vertu de la partie III des compagnies, qui sont, pour la plupart, indépendantes, mais qui sont, à toutes fins pratiques, des sociétés paramunicipales. Je donne un exemple: Dernier Recours Montréal, l'abri pour les sans-abri. Dernier Recours Montréal, les requêtes en vertu de la Loi sur les compagnies ont été faites par trois fonctionnaires de la ville. Il occupe un édifice qui appartient à la ville. Le personnel est tout prêté par la ville. Ils ont un numéro de téléphone de la ville. Le budget a été voté à 100 % par la ville. Je me corrige.

Le budget n'est pas voté. Le conseil municipal a donné une subvention à cette corporation, mais leur dirigeant ne vient jamais devant le conseil municipal. On ne peut jamais poser de questions et c'est comme une entreprise complètement indépendante dont la ville assume 100 % des responsabilités, mais le conseil municipal, juridiquement, n'exerce aucune autorité. Il y a beaucoup de ces exemples de ces nouveaux styles de corporation. La corporation du 350e anniversaire de Montréal en est une comme ça. La société de gestion de l'île qui gère toute 111e Notre-Dame en est une comme ça.

Le vérificateur de la ville de Montréal, dans ses rapports annuels de 1988 et 1989, a fait des plaintes à deux reprises en disant que même lui ne pouvait pas avoir accès à des comptes et à des renseignements concernant ces sociétés paramunicipales, et l'administration municipale n'a pas encore donné suite à ces recommandations. Si le vérificateur ne peut pas

avoir accès, comment un citoyen ordinaire peut-il avoir accès? il y a toute une autre série de catégories des projets et ce serait très difficile de voir comment on peut tomber dans une définition qui dit: Relève autrement de l'autorité d'une municipalité. Des sociétés paramunicipales comme SIMPA, qui s'occupe du Vieux-Montréal, ou SODIM, qui est une société de développement industriel, ont l'habitude maintenant d'entrer dans des "joint ventures", avec des compagnies privées. Elles vont chercher ensemble à devenir partenaires dans une nouvelle compagnie à numéros, qui va acheter, vendre, faire de gros développements immobiliers. Le groupe... juste à côté de l'hôtel de ville de Montréal, en serait une. Vous avez peut-être lu des choses concernant le Centre de commerce mondial où une société paramunicipale est un partenaire. Le complexe. Juste pour rire qui a été annoncé récemment, où des sociétés paramunicipales vont investir des millions et des millions de dollars, à même l'argent des Montréalais. Mais le conseil municipal n'a aucune juridiction là-dessus.

Ces corporations ne seront pas du tout, je pense, dans mon interprétation... on ne peut pas tomber dans une définition qui dit: Un organisme relevant de leur autorité. Même pour des sociétés paramunicipales standard du vieux type. La ville de Montréal est en train de changer ses relations avec les sociétés paramunicipales pour leur donner de plus en plus d'autonomie. Il y a un protocole type maintenant qui régit les relations entre Montréal et les sociétés, mais ça donne beaucoup plus d'autonomie aux sociétés. Bien que je comprenne l'intention de l'amendement proposé pour que tout ce qui est municipal puisse être assujetti à la loi, je suggère qu'on a besoin de nouvelles rédactions, après avoir examiné en détail les bêtes qui existent actuellement à Montréal, parce que ça devient facile' pour une administration. de trouver des façons de faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement.

Évidemment, la ville, en vertu du protocole, n'exerce aucun contrôle sur la gestion de la loi sur l'accès à l'information dans la vie interne de ces sociétés paramunicipales. Et le contrôle de la qualité, comme on a eu cette expérience triste, il y a quelques semaines, c'est que parfois les gens là-bas ne sont pas complètement au courant de leurs obligations.

On avait quelques commentaires à faire sur l'article 5 de la loi J'ai appris dans les journaux, ce matin, que Mme la ministre a annoncé que ce sera retiré, au moins pour l'instant. Eh bien, j'en passe. On passe maintenant à l'article 6 qui touche l'article 13 de la loi. Dans le deuxième paragraphe, je vais lire juste une phrase: "... le droit d'accès à un document produit par un organisme public ou pour son compte et devant faire l'objet d'une publication ou d'une diffusion dans un délai n'excédant pas six mois... " Nous voyons là-dedans une possibilité de toutes sortes d'abus. D'abord, aujourd'hui nous sommes à moins de deux mois d'une élection municipale. Est-ce que c'est possible pour une administration de mettre un gel sur beaucoup beaucoup de choses pendant les derniers six mois avant une campagne électorale, en disant: Tout sera publié après?

(15 h 30)

Montréal a pris l'habitude de publier et de déposer à la Bibliothèque de l'Assemblée nationale et même vendre de plus en plus de documents. De plus en plus de choses peuvent tomber à l'intérieur de cet article, si ça existait, et ça aura l'effet possible de retirer l'accès pendant six mois. Qu'est-ce qui se passe s'il y a un engagement de la ville de publier quelque chose et que la ville décide, après quelques mois, que ce n'est plus pertinent de le publier? Il y a des documents dont l'accès, peut-être, ne sera pas disponible.

Évidemment, il ne faut pas oublier que, quand il y a des gouvernements qui prennent des décisions, qu'on voudrait surveiller les activités de toutes sortes d'organisations publiques, lime is of the essence. " On dit toujours: "Justice being delayed is justice being denied. " Si on ne peut pas avoir accès aux documents au moment où on en a besoin, parfois, c'est trop tard et la vie démocratique en souffre.

L'article 6, d'après nous, ouvre une porte qui peut être assez dangereuse et je vous invite à le regarder à deux fois avant d'adopter ça dans la loi.

Le prochain article, c'est l'article 19 de la loi qui touche des fichiers... des questions... "Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée, communiquer un fichier de renseignements personnels ou un extrait d'un tel fichier aux fins de créer un fichier contenant des renseignements sur des personnes susceptibles d'avoir contrevenu à une loi ou à un règlement... " Nous avons pris connaissance d'une proposition d'amendement qui ajoute, à la fin: "si c'est nécessaire à l'application d'une loi" qui peut clarifier un aspect, mais qui ne clarifie pas du tout notre objection principale.

Notre suggestion pour cet article 19, pour l'instant, c'est de retirer ça purement et simplement. Nous voyons ça comme un article qui est très très dangereux.

Normalement, dans la règle ordinaire des choses, si un tribunal, si un individu, quelqu'un qui voudrait poursuivre quelqu'un voulait faire un attentat à la vie privée, il faut aller chercher un mandat devant un juge pour entrer dans une maison. Il faut démontrer qu'on a une cause prima facie. On doit démontrer qu'on a "reasonable grounds for suspicion. " En ce moment, ça prend un mandat et la permission. Quelqu'un ne peut pas se donner le pouvoir de faire un attentat à la vie privée. Mais, ici...

Le Président (M. Doyon): En terminant, il vous reste 30 secondes.

M. Boskey: Pour nous, ici, c'est vraiment un attentat à la vie privée, l'article 19. Bon, je vais conclure en disant qu'au niveau municipal, étant donné que la vie municipale n'est pas quelque chose où la participation démocratique est le plus développée ni au Québec ni au Canada, la loi sur l'accès, ça devient quelque chose qui est assez important et moins il y a de restrictions qui sont ajoutées, plus ça devient quelque chose qui rend, d'après nous, la vie démocratique un peu plus difficile, et on vous invite vraiment à regarder nos suggestions avec soin.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Boskey. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Bon, alors, merci beaucoup de votre intervention. Ça nous permet aussi d'apporter certaines clarifications quant à l'article 2, d'une part. Avant de débuter, par exemple, j'aimerais seulement vous informer. Vous parliez de la loi, etc., en Ontario et du colloque. Vous savez qu'en Ontario les organismes municipaux ne sont pas sous la loi d'accès et ils ont voulu le faire par étapes. Donc, là-dessus, nous sommes pas mal plus avancés que la province de l'Ontario.

M; Boskey: Ça va entrer en vigueur le 1er janvier prochain.

Mme Frulla-Hébert: D'accord, mais, nous, on l'a déjà depuis 1984. Ceci dit, le projet deux de l'article qui voulait modifier, finalement, l'article 5... Ce que nous avons fait, d'ailleurs, c'était pour justement assujettir encore plus d'organismes publics ou municipaux. Il fallait quand même changer un peu le libellé pour que celui-ci s'arrime à la Loi sur le ministère des Affaires municipales parce que, comme vous le savez, la loi sur l'accès est prépondérante et il faut toujours se référer, ensuite de ça, à la loi des différents ministères.

Nous avons décidé d'apporter un amendement qui est, finalement, le même amendement à la loi, c'est-à-dire qu'on a remis ce qui était dans la loi depuis 1982 en disant: Et les organismes constitués à titre d'agents de l'une ou de l'autre de ces municipalités ou relevant autrement de leur autorité. C'était vraiment pour préciser. Le Comité de législation nous disait qu'on n'en avait pas besoin. Il y avait de l'insécurité. Alors, on s'est dit: Pourquoi pas? Il est là de toute façon. On va préciser.

Ceci dit, vous savez qu'en vertu de la loi on ne peut pas assujettir les organismes privés. On n'en est pas là. On parle, d'ailleurs, d'en faire un débat prochain en tout ce qui concerne organisme privé avec le ministère de la Justice.

Mais il y a une question que je voudrais vous poser: Les sociétés paramunicipales dont vous avez parlé avant, comme Dernier Recours Montréal, ces sociétés-là sont-elles les mandataires de Montréal?

M. Boskey: Pas d'après la loi. À ma connaissance, peut-être... J'ai quand même... À ma connaissance, c'est seulement, je pense, l'Office municipal d'habitation où c'est mentionné dans sa loi consultative que c'est un mandataire... certaines autres sociétés sont créées en vertu de la charte de la ville. Eh bien, on peut présumer qu'elles sont des mandataires. Mais il y a toute cette série d'autres... ils sont mentionnés. Le pouvoir de créer, ce n'est mentionné nulle part dans la charte. Ce sont des individus qui sont des hauts fonctionnaires de la ville qui font une demande en vertu de la Loi sur les compagnies et la partie III.

Et s'ils sont mandataires... D'après moi, je pense que non. Mais ce n'est écrit nulle part dans leurs lettres patentes qu'ils sont des mandataires de Montréal. La ville leur accorde des subventions. Ce ne sont pas des budgets. D'après nous, notre compréhension de ça, c'est que c'est une façon d'éviter un certain contrôle par le conseil, un certain contrôle par le vérificateur. Évidemment, il y a des effets aussi en vertu de la loi sur l'accès. Ces sociétés, par exemple, n'ont jamais nommé des responsables d'accès à l'information.

Mme Frulla-Hébert: Ça, c'est un autre problème. C'est parce que lorsque... Je veux bien comprendre, là, parce que notre compréhension est un peu différente de la vôtre. Lorsque la ville de Montréal donne des fonds à ces sociétés, elle le fait par voie de mandat.

M. Boskey: La ville... Il y a deux façons différentes dont la ville donne l'argent. Ou bien, pour certaines sociétés paramunicipales de style traditionnel, l'AMARC, Terre des hommes, la Société d'habitation et de développement, une fois par année, la ville adopte, approuve... le conseil approuve leur budget. Parfois, ces corporations sont rentables, parfois, il y a des subventions. Mais c'est la ville qui approuve leur budget. Pour d'autres, le conseil ne voit jamais leur budget. On leur accorde des subventions, c'est tout, comme ils sont complètement indépendants. Bien que les fonctions, par exemple, pour gérer l'île Notre-Dame ou gérer la politique des sans-abri ou gérer toutes sortes de choses qui sont, dans un sens, une sous-traitance à des secteurs non lucratifs, mais complètement gérés indirectement par la ville...

Et nous voyons un certain démantèlement de ce qui est défini comme le public, les organismes publics et, évidemment, des craintes politiques face à la question du démantèlement du pouvoir du conseil et du vérificateur.

Mme Frulla-Hébert: C'est parce que la loi prévoit, d'une part, soit que ces sociétés-là, comme l'AMARC, sont des mandataires couverts par loi, ou on dit qu'elles relèvent autrement de leur autorité, avec le papillon, et c'est couvert par la loi. La seule chose... Ou si ces sociétés-là ont un contrat assez large qui fait en sorte qu'elles sont soumises, de par le contrat, à l'autorité de la municipalité couverte par loi, la seule chose que la loi ne couvre pas, ce sont des sociétés privées. Ce n'est pas dans le mandat présent de la loi d'accès d'inclure les sociétés privées, ce qui se fera probablement dans une prochaine étape quand on ouvrira le débat sur les organismes privés. Mais tout le reste, s'ils sont, par contrat, mandataires ou ont un lien d'autorité avec la ville, c'est couvert par la loi.

M. Boskey: Notre problème, c'est que ce lien autoritaire est souvent loin d'être apparent. Nous voudrions, évidemment, que la loi sur l'accès touche tout, mais on demande à la commission de s'assurer que la loi soit le plus clair possible, sinon, le fardeau va donc rester sur un individu qui va traîner quelque chose devant les tribunaux. Ça peut prendre des années pour décider si le dernier recours est un oui ou un non.

Étant donné qu'il y a toute une série de structures un peu compliquées à Montréal actuellement, c'est important que la rédaction corresponde à la réalité. C'est très clair comme principe de dire: Oui, tout ce qui relève de leur autorité... Mais étant donné qu'on a toutes sortes de problèmes avec ça, ça vaudrait la peine d'examiner la situation clairement, à Montréal, et peut-être d'exiger que dans les lois de ces sociétés l'existence ou non d'une autorité ou d'un mandat soit clarifiée. Ça, c'est peut-être une façon de le régler, mais pour appliquer l'article tel que rédigé, pour un certain nombre de sociétés, ce n'est pas du tout clair, d'après moi.

Mme Frulla-Hébert: C'est sûr que s'il s'agit juste d'un contrat isolé, l'entreprise privée, ce n'est pas couvert par la loi, mais, dans tous les autres ça, ça l'est. Ce qui me ramène à un point très juste que vous avez soulevé et c'est le manque de publicisation et la méconnaissance de cette loi; on l'a relevé au fur et à mesure de ces deux jours. Il y a le besoin, justement, non seulement de la publiciser, mais un besoin de pédagogie au niveau de cette loi auprès des organismes, auprès des gens qui auront, maintenant, non seulement la responsabilité d'accepter ou non, enfin, de recevoir les demandes des requérants, mais de les aider. Alors, ça, c'est une bonification qu'on apporte à la loi. Évidemment, toute la formation de ces gens qui seront responsables de la loi, je dois vous dire que, ça, on va s'y attaquer de très près.

Il y a une précision que je veux apporter aussi au niveau de l'article 19 qui modifiait l'article 68. 1. Nous, ce qu'on voulait, c'est tout simplement alléger le processus de la CAI. Durant ces deux jours, les gens nous disaient: Bien, les demandes, ça prend beaucoup de temps, c'est long, la Commission d'accès ne fournit pas, et avec raison, parce qu'elle a une multitude de demandes. Oui, on peut ajouter des gens. On peut alléger aussi le processus. Alors, c'était tout simplement des couplages aux fins d'alléger le processus, surtout en ce qui concerne les couplages administratifs seulement, comme les changements d'adresse, par exemple. Vu, justement, l'inconfort des gens par rapport à cet article qui ne voulait pas restreindre ou, enfin, encourager les couplages, mais tout simplement alléger le processus pour la CAI, nous avons décidé de le retirer et la CAI sera mandatée de donner un avis sur tout couplage. Alors, je veux vous rassurer là-dessus. Quant au reste, M. le Président, ça va aller. Je reviendrai.

Le Président (M. Doyon): Très bien, merci Mme la ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: Alors, messieurs, je vous souhait la bienvenue à la commission parlementaire. Je dois dire qu'à la lecture de votre document on constate que vous faites une évaluation assez dure et négative par rapport à la protection des renseignements personnels. Je vais juste lire, à la première page: Pour ce qui concerne la protection des renseignements personnels, la loi a servi de paravent pour autoriser une dégradation constante et critique du respect du droit à la vie privée. La situation... Et, là, vous donnez des exemples, je dois dire que plusieurs cas sont très d'actualité. De ce côté-là, je reconnais que vous avez des inquiétudes qui sont justifiées, mais est-ce que toute la loi, par contre, mérite la dureté des propos que vous y avez? Je pense qu'on va avoir quelques minutes pour en discuter. Vous avez des constats qui sont très durs et, de ce côté-là, à plusieurs points de vue, je partage vos préoccupations. D'ailleurs, je l'ai dit ce matin. Quand vous dites que la vie privée est d'abord et avant tout une question de richesse, je l'ai dénoncé ce matin; effectivement, il y a des risques. Il y a des risques que ce soient les plus pauvres qui paient le plus cher des changements dans nos comportements et dans nos lois. Mais là où vous allez, à la page 3, je trouve que le constat est dur. C'est quand vous dites: "... le projet de loi vise uniquement à faciliter le travail des fonctionnaires qui doivent quotidiennement assumer la fonction de responsables d'accès à l'information... "

M. Nadeau (Gaétan): Ce n'est pas une remarque qui se voulait, à prime abord, négative. On voulait prendre pour acquis que le projet de loi ne visait pas justement à couper des droits aux personnes, mais bien à régler des problèmes

administratifs dont on a parlé tantôt. Il faut le prendre dans le sens positif.

M. Paré: O.K. Ça va. J'aurais envie d'aller directement à des points, sauf peut-être en passant à la page 6 où vous dites: "Notre première demande sera donc à l'effet de s'assurer que les présentes modifications ne seront mises en oeuvre que le, ou après le 4 novembre 1990." J'ai l'impression que je peux presque vous rassurer en n'étant pas ministre. Normalement, vous auriez au moins une de vos demandes qui va être exaucée. Je serais très surpris qu'il y ait des modifications qui vous empêchent de procéder avec la loi telle qu'on la connaît présentement.

(15 h 45)

Moi aussi, je veux revenir sur l'article 2. Vous y faites passablement allusion. Il semblerait que vous avez une préoccupation majeure par rapport à ça et que vous vivez dans un contexte particulier à Montréal ou, en tout cas, que plusieurs groupes ont mis en lumière, dont d'autres groupes ce matin qui traitaient d'autres articles du projet de loi. Si on a un peu de temps, peut-être qu'on y reviendra tantôt. Mais, concernant l'article 2, vous dites... et je vais citer quelques petits bouts en disant: "...que le législateur ne parle pas pour ne rien dire - toujours en parlant de l'article 2 - Comme il n'y a pas eu de conflits, par le passé, pour déterminer si un organisme paramunicipal est lié ou non par la loi sur l'accès à l'information, on reste confondu devant le sens à donner aux modifications proposées. La modification proposée ne répond à aucune demande des usagers. Cette modification ne vient mettre fin à aucun problème identifiable ou connu." Et, là, vous ajoutez, et c'est là que Mme la ministre a parlé du mot tantôt et je voudrais qu'on échange un peu là-dessus, et je cite: "II reste les organismes relevant autrement de l'autorité d'une municipalité. De belles pages de doctrines seront nécessaires pour déterminer la portée du mot "autorité"."

Là, je me permets de réfléchir tout haut. Je vous le dis, ce ne sont ni des déclarations ni des prises de position que je fais, je réfléchis tout haut avec vous parce que, par rapport à l'échange que vous venez d'avoir avec Mme la ministre, ça m'a amené à voir le problème d'une façon différente... peut-être pas d'une façon différente, mais d'amener un éclairage ou la lumière sur un volet qui va prendre de plus en plus de place dans notre société, c'est effectivement la création d'une foule d'organismes selon la troisième partie de la loi. Vous le mettez dans le contexte de votre responsabilité de Montréal, mais, si on le prenait dans le contexte aussi de nos responsabilités à Québec, il se crée de plus en plus d'organismes selon la troisième partie. Quand on crée des régies, des sociétés d'État, c'est autre chose. Là, la loi les contraint en fonction de ce qu'on connaît, mais si ce sont des organismes à but non lucratif, ça devient privé.

C'est la discussion que je lance. Je vous le dis, l'idée m'est venue ou, en tout cas, l'éclairage par rapport à la discussion que vous aviez tantôt. Là, je prends un exemple; vous en avez pris des exemples, et j'en prends un: lorsque le gouvernement, par le ministère de la Santé et des Services sociaux, décide de donner une subvention pour faire vivre une maison des jeunes, la maison des jeunes, c'est selon la troisième partie de la Loi sur les compagnies. Donc, c'est un organisme à but non lucratif, c'est privé. Pourtant, c'est un organisme qui vit grâce à une subvention gouvernementale, qui n'est pas contraint par la loi actuelle et, dans ce cas-ci, je trouve que c'est correct parce qu'il y a un conseil d'administration et les comptes sont rendus aux gens qui sont membres du conseil d'administration et les jeunes qui l'utilisent et les comptes qu'ils doivent rendre au ministère lorsqu'ils font une nouvelle demande.

Ça veut dire qu'au gouvernement on permet la création de sociétés semblables et probablement que, dans ce cas-ci, l'accès qu'on peut désirer par rapport aux informations les concernant, ce sera réglé au moment où on aura réglé le secteur privé, dans ce cas-ci. Quand vous apportez des exemples de Montréal, je dois dire qu'il y en a qui me chatouillent pas mal plus que l'exemple que je viens de vous donner. C'est là-dessus que je voudrais qu'on échange. Vous avez donné des exemples, oui, et si c'est ça je pense qu'on va devoir réfléchir et se pencher là-dessus pas mal sérieusement. Si Montréal crée des organismes comme le ministère de la Santé et des Services sociaux que je vous disais tantôt pour venir en aide à une partie de la population pauvre ou mal prise de Montréal, je pense que ça peut être acceptable parce que c'est une subvention qu'on donne pour aider un groupe. Vous avez pris des exemples et, là, ce n'est plus pareil, ce sont des droits de gérance, de regard et de développement de la municipalité ou de secteurs de la municipalité. Vous avez parlé de l'île Notre-Dame ou des îles. Je dois vous dire que je ne pourrais pas croire et accepter... Pour ma part, j'étais conseiller municipal et, même, comme député à Québec, ça me chicote si ce que vous me dites c'est ça, et j'aimerais que vous complétiez là-dessus. Si c'est vrai que Montréal crée une société qui n'a pas de comptes à vous rendre mais qui, pourtant, est responsable d'une partie du territoire de la ville que sont les îles, la même chose - ensuite je vous laisse la parole - si la commission ou l'organisme - je ne sais pas comment on l'appelle - qui a été créé et chargé d'organiser les fêtes du 350e anniversaire est totalement autonome et n'a pas de comptes à vous rendre, on a des questions à se poser. Ce n'est peut-être pas ici, mais c'est peut-être aux Affaires municipales ou ailleurs. On a probablement des questions très sérieuses à se

poser, à savoir si on n'a pas trouvé dans certaines administrations une espèce de canal qui permet de s'exempter de rendre des comptes en créant des sociétés non pas fantômes mais des sociétés avec une autonomie exagérée. Est-ce que je suis correct dans les propos que je tiens?

M. Nadeau: On peut donner un exemple très frappant de ces nouvelles façons d'administrer, surtout au niveau municipal. Prenons le cas de la SIMPA qui a pour fonction de s'organiser avec les édifices qui représentent un certain patrimoine, du point de vue architectural. Alors, on a appris par le journal The Gazette finalement que cet organisme avait un projet de développement d'une partie du Vieux-Montréal qui allait coûter, au bas mot, 1 500 000 000 $. Ce n'est quand même pas des "peanuts", 1 500 000 000 $, c'est beaucoup d'argent. Mais cette corporation municipale ne se sentait pas obligée d'en informer ni le conseil municipal ni le conseil exécutif, sous prétexte que c'était un "joint venture" avec des compagnies à numéro avec lesquelles on s'entendait pour développer cette partie du Vieux-Montréal. On se rend compte tout de suite des effets et de la volonté que ça sous-tend, ces organismes-là. Cet organisme-là veut développer une partie du Vieux-Montréal, donc va lui donner un aspect différent. Ça a un intérêt ou un impact urbanistique indéniable, des aspects financiers importants. Si The Gazette nous a si gentiment informés, c'est que, justement, dans les contrats qui avaient été signés jusqu'à date, il y avait des choses qui étaient pour le moins louches et importantes à rendre publiques. Alors, cette corporation, la SIMPA, ne se sentait pas, à prime abord, du tout obligée d'informer le conseil municipal de ses actions. Je vois d'ici, à peu près, le portrait de ce qu'on nous répondrait si on voulait leur opposer l'article qu'on nous propose. On nous dirait fort probablement qu'on va demander au tribunal de bien vouloir nous dire quelle est la portée du mot "autorité" et, là-dessus, la jurisprudence, elle a ses effets et ses mérites. On se souvient que, sur la question de savoir qu'est-ce qu'une chose nécessaire en vertu de la loi sur l'accès à l'information, le tribunal a répondu que c'était quelque chose d'utile. On voit qu'il y a une marge quand même importante entre les deux définitions qu'on aurait pu penser. Donc, la cueillette d'informations, par exemple, alors qu'on croyait que les organismes publics ne récoltaient que celles qui étaient nécessaires pour la gestion de leur mandat, on nous a répondu: Non, non, c'est ce qui peut être utile. Alors, ça change pas mal le portrait. Autrement dit, n'importe quoi, pour autant qu'on démontre qu'on peut l'utiliser. Ça, c'est l'affaire Gilles Bellerose contre l'Université de Montréal. Ça a été jusqu'en Cour provinciale. Après ça, ça devenait trop lourd à porter pour les reins de la personne qui voulait aller en appel. Donc, ça, nous avons l'intime conviction que tout au moins, une chose certaine, c'est qu'à partir du moment où des enjeux importants seront mis sur table et que ce seront des montants importants ou des personnes tout aussi importantes, on va la plaider, cette modification à la législation. Elle a besoin d'être solide et bien organisée. Ça, ce genre de "joint venture" où, finalement, le budget d'une paramunicipale se trouve à plus que doubler, décupler dans ce cas-là... En principe la SIMPA est un organisme paramu-nicipal qui a un budget quand même relativement restreint et, là, on s'aperçoit que ces gens-là drainent 1 500 000 000 $, sinon plus. Donc, il y a un changement d'attitude important.

Et cette jonction dont on a parlé tantôt entre le privé et le public, et c'est devenu omniprésent... Je me suis rendu compte dans mes recherches, la semaine passée, que la Société d'habitation de Montréal utilise des dossiers de crédit pour faire la gestion de ses rapports avec ses locataires. La qualité desdits dossiers, bon, on la connaît à peu près. Les locataires ne sont pas informés du fait qu'on va chercher ces dossiers-là. Ils n'y ont pas accès. Ils ne peuvent pas les faire corriger. Quelle est la nature de ce dossier une fois qu'il est entre les mains d'un organisme paramunicipal? Est-ce qu'il peut lui-même le revendre ailleurs et le réutiliser à d'autres sauces, par exemple avec les couplages informatiques dont on a parlé tantôt? Ce qui serait de la nature normale des choses puisqu'ils font, ces gens-là, par exemple du logement social. Ils pourraient donc théoriquement non seulement passer par le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu pour avoir les dossiers d'Acrofax, mais bêtement par ce petit contrat signé déjà depuis cinq ans avec Acrofax pour avoir des... non pas avec Acrofax, je m'excuse, Action bureau de crédit Montréal, et avoir accès au même genre de dossier sans que rien n'y paraisse. Et ce ne sont pas, à ce moment-là, des agents-enquêteurs. Ce sont de simples fonctionnaires sans mandat particulier leur permettant d'avoir accès comme ça.

Comme vous voyez, il y a toutes sortes de passoires qui se créent et au moment où on nous dit: Bien voici, il y a une pièce législative qui s'applique et c'est colmaté, ça part ailleurs. À notre point de vue là-dessus, pour avoir quand même une assez vaste expérience dans le domaine, pour avoir travaillé à la Ligue des droits et libertés auparavant, entre autres, et même au GRID que vous allez entendre tantôt, il n'y en aura pas de solution tant et aussi longtemps qu'effectivement le secteur privé ne sera pas soumis à des règles minimales.

M. Paré: Oui, ça, là-dessus, je suis même heureux que vous apportiez ces arguments qui sont connus, mais dont on n'a pas encore traité ici et dont on va devoir tenir compte et rapidement, je dois vous dire, au niveau des HLM,

donc, les offices municipaux d'habitation qui utilisent les dossiers de crédit. C'est connu.

M. Nadeau: Pour être précis, surtout pour les fins de transcription, c'est la SHDM, la Société d'habitation, dont on a pu obtenir... À l'Office municipal d'habitation, je n'ai trouvé aucun fonctionnaire capable de me confirmer qu'on faisait de telles pratiques, ce qui ne veut pas dire, par ailleurs, que ça ne se fait pas.

M. Paré: Je le sais, parce qu'étant critique en matière d'habitation il en a été question dans une autre commission à quel point on protège les citoyens et à quel point on donne des chances égales aux citoyens qui veulent appliquer pour du logement social! Et ça va loin. Non seulement on utilise... On utilise les dossiers de crédit pour faire quoi? Pour en faire des listes. Et les listes noires servent à quoi? À empêcher des gens d'avoir accès à du logement social. Ça, c'est un autre volet sur lequel il faut vraiment se pencher.

Moi, je veux revenir sur la SIMPA dont vous m'avez parlé. Il existe, dans des municipalités et probablement dans presque toutes les municipalités du Québec avec une certaine population, des organismes qui sont là à titre de suggestions, de conseils ou mandatés pour acheter des terrains, préparer des programmes particuliers d'urbanisme ou toutes sortes de choses. Mais ils ont un mandat précis. Ils relèvent de la ville totalement. Il y a même des conseillers municipaux qui sont membres du conseil d'administration, et leurs décisions... De deux choses: ou ils sont là pour faire des suggestions et ils les amènent à la ville qui prend les décisions ou ils peuvent être mandatés, ils ont le droit de prendre des suggestions, sauf qu'ils ont des comptes à rendre à la ville et ils n'ont pas la possibilité de dépenser ou, en tout cas, c'est à partir d'un budget qui est approuvé par la ville et ils rendent des comptes.

La façon dont vous parlez, la SIMPA, dans les décisions qu'elle a prises par rapport à l'aménagement d'un secteur du Vieux-Montréal, êtes-vous en train de dire qu'elle a signé des contrats, qu'elle peut vendre ou acheter des terrains, qu'elle peut signer des ententes avec des compagnies privées, sans même qu'elle ait de comptes à rendre à la ville ou de budgets à faire approuver?

M. Nadeau: Tous ces budgets-là, ces comptes, ces contrats qui sont le fruit d'un "joint venture"... Par exemple, dans le cas de la SIMPA, ils se sont donné le mandat et c'est une façon de se financer. Probablement que c'est apparu comme ça à première ébauche. Ils se sont dit: Comme on est bien placés, on connaît... on peut faire office, ni plus ni moins, de guichet unique pour les promoteurs. Ils prennent des études de préfaisabilité.

Alors, ils vont aller voir des entrepreneurs ou des entrepreneurs vont venir les voir, les promoteurs. Et ils vont aller systématiquement chercher toutes les subventions possibles et imaginables, vérifier les terrains qui sont accessibles ou pas, de quelle façon les différents organismes municipaux, provinciaux ou fédéraux peuvent intervenir pour donner un coup de pouce. Et sous prétexte que c'est finalement un contrat qu'ils ont pris de l'extérieur, la nature de ces activités-là n'est pas divulguée au conseil municipal, d'une part. Et, lorsque les projets s'annoncent comme intéressants, ils vont faire des "joint ventures" précis, mais, là, ils créent une compagnie à numéro, la plupart du temps, avec une autre compagnie avec laquelle ils ont majoritairement voix au chapitre, la plupart du temps des compagnies privées. Et, là, ils partent un développement. Et, ça, en aucun temps ils n'ont compris qu'ils devaient informer le conseil municipal.

Évidemment, on dit: C'est pour éviter \a spéculation... 1 500 000 000 $. Bon. Pensez bien que, si jamais on rendait publics nos projets, il y aurait des gens qui en profiteraient. The Gazette s'est rendu compte que, même si c'était très secret et que le conseil municipal n'était pas informé, il y en avait d'autres qui l'étaient. On ne s'est pas gêné pour aller chercher des profits de 100 % sur certains terrains. Et on parle de montants fort importants, 125 000 000 $ dans une transaction.

Alors, c'est un peu alarmant et pas normal. C'est certainement, quant à nous... Et, là-dessus, ça devient très complexe d'appliquer cet article de loi là sur ce genre de procédure là et de procéder.

M. Paré: Les gens qui sont au conseil d'administration de SIMPA, est-ce qu'il y a des conseillers municipaux et est-ce qu'au moins, sur une base annuelle, il y a un rapport qui est déposé à l'hôtel-de-ville? (16 heures)

M. Boskey: Il n'y a rien dans la loi qui dit oui ou non. Sous l'ancienne administration, l'administration Drapeau, il y avait souvent ou bien des conseillers municipaux ou, souvent, beaucoup de hauts fonctionnaires de la ville qui formaient le conseil d'administration. Sous l'administration actuelle, l'administration Doré, tous les élus ont été retirés des conseils d'administration de toutes les sociétés paramunicipales. Il ne reste aucun élu qui... Je pense qu'il y en a peut-être un sur la société des terrains à Angus qui... Je ne sais pas s'il est toujours là ou pas. Mais, en général, de tous les autres, les élus sont retirés. SIMPA ou SHDM vient une fois par année pour voter son budget et c'est tout. C'est la seule fois pendant l'année où des conseils municipaux rencontrent, par exemple, les fonctionnaires. Certaines sociétés paramunicipales, il n'y a rien sur l'ordre du jour du conseil d'une

année à l'autre. Je donne un exemple: la Commission des services électriques. Ils ont un gros, gros budget, beaucoup d'activités et les gens physiques se sont présentés devant le conseil. Je suis conseiller depuis huit ans. L'année dernière, suite à un contrat de gestion, on les a invités à venir. C'était la première fois en huit ans qu'ils ont paru devant le conseil. Les rapports qu'ils déposent une fois par année sont des rapports sommaires, Ce n'est pas nécessairement une liste de toutes leurs activités. On n'a pas nécessairement accès à leur plan d'action ou à la liste de leurs projets. On a un rapport financier et un budget pour l'année suivante. Mais les profits qu'ils font entre-temps ou les terrains qu'ils achètent ou vendent entre-temps, ça ne passe pas du tout par le conseil.

M. Paré: On me dit que mon temps est malheureusement écoulé. Je vous remercie beaucoup et certainement qu'on va tenir compte de vos suggestions et vos demandes présentées dans le mémoire. Merci de votre déplacement.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Je voudrais seulement, suite à la discussion, il serait intéressant de savoir quelle est la nature du lien entre la SIMPA et la ville de Montréal. Est-ce que c'est par contrat, par subvention? Qui est la-dessus? Parce que ce que vous décrivez provient bien souvent beaucoup plus du contrat et du lien entre la ville et l'organisme. Comme je vous dis, on ne peut pas, on ne couvre pas les organismes privés. Pour l'instant, c'est un fait. C'est beaucoup plus de la nature du contrat et de l'intention du contrat que, finalement, ce qu'on peut y trouver au niveau de notre loi. Nous, on essaie de tout couvrir, en fait, ce dont on a la possibilité ou, enfin, légalement, la possibilité légale de faire. Maintenant, c'est sûr que là, si on essaie sciemment de contrevenir... Mais j'aimerais savoir la nature du contrat. Est-ce que c'est par mandat? Est-ce qu'il y a un lien d'autorité? Est-ce que...

M. Boskey: Je suggérerais que c'est peut-être différent d'une société paramunicipale à d'autres parce que certaines sont créées en vertu de la charte de la ville de Montréal. La ville, par exemple, pendant la dernière session de l'Assemblée nationale, a cherché le pouvoir, un amendement à la charte pour se donner le pouvoir de créer deux nouvelles sociétés paramu-nicipales: une pour gérer le nouveau Biodôme et une, je pense, sur peut-être les musées ou des institutions culturelles. La SIMPA, c'est une exception aussi parce que la SIMPA a été créée en vertu d'une entente entre la ville et le ministère des Affaires culturelles de la province de Québec. Il y a cette entente MAC-villes et le Québec a, je pense, un certain nombre de membres et Montréal aussi pour la SIMPA. C'est un peu différent de certaines autres. La SODIM, la Société de développement industriel de Montréal, qui est en train de gérer l'endroit dans le Vieux-Montréal, juste à côté de l'endroit qui est géré... n'a aucun lien avec le gouvernement provincial, même direct, du tout. Ça veut dire que, souvent, ces compagnies sont des cas d'espèce et chacune a été mise sur pied avec une mission un peu différente et cherche son argent d'une façon un peu différente. Mais la ville vote, le conseil municipal vote un budget pour SIMPA une fois par année, oui, mais on ne vote pas leur plan d'action, leur plan de travail ni leurs missions. C'est juste qu'on approuve leur budget et, parfois, avec la SIMPA, évidemment, il y a des contributions de la ville. Certaines sociétés paramunicipales ont même fait des profits certaines années. Eh bien, la ville approuve le budget. C'est limité à ça.

Mme Frulla-Hébert: Dans ce cas-là, ça pourrait justement s'inscrire à la loi. Ça peut être... Il s'agit de regarder les cas un par un et de voir maintenant si ces cas-là s'inscrivent dans la loi. Cette loi-là est quand même assez... elle est très large et, ensuite de ça, elle est prépondérante. Et je reviens encore au point que vous avez apporté qui est aussi un manque - ce n'est pas une loi facile, on s'entend - de publicité, manque de connaissance de la loi et jusqu'où la loi peut aller au niveau même des organismes. On couvre quand même 3800 organismes au Québec. C'est beaucoup. Alors, j'ai l'impression que le problème que vous avez soulevé, qui est un problème de manque de connaissance, d'attitude aussi qu'on a soulevé durant les deux dernières journées, encore là, vous y faites la prpuve, tel que d'autres aussi, qu'il y a définitivement un problème là-dessus. Et ça, je peux vous assurer qu'avec la Commission d'accès on va y voir sérieusement.

Maintenant, vous avez parlé aussi de l'article 6. Vous savez qu'on a annoncé une politique de commercialisation. Donc, je pense que ça aussi, ça devrait vous rassurer. C'est-à-dire que nous, notre intention, par l'article 5, c'était d'empêcher une utilisation commerciale finalement des données qui ont été cueillies à même... grâce à l'argent des contribuables. Donc, notre intention était celle-ci. Nous maintenons cette intention, mais nous allons plus loin. C'est-à-dire que nous allons créer un groupe de travail pour justement adopter des politiques de commercialisation au niveau des banques de données, d'une part, et, deuxièmement, en faire un débat public. La seule chose, puis je pense que vous devez être sensibles à ça, c'est que je pense que ce n'est pas juste pour une municipalité, par exemple, pour 40 $ de fournir son rôle puis que la personne puisse le publiciser et le revendre,

enfin, en faire un commerce et le revendre pour 10 000 $ à 15 000 $ sans contrôle, par exemple. Vous devez avoir quand même des exemples là-dessus, non?

M. Nadeau: Ça, c'est un aspect... un angle à travers lequel on peut voir ce débat-là. Il y a un problème là, effectivement, le coût que les gens peuvent tirer de ça. L'autre aspect, si on se place du point de vue de la personne qui est fichée dans ces banques de données c'est que... Par exemple, la loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels est une loi qui visait, surtout pour la protection des renseignements personnels, à nous assurer que jamais il n'y aurait un gouvernement qui puisse instantanément recueillir toutes les informations sur une personne, alors qu'on est en train de voir l'émergence de ce genre de pratique dans le secteur privé. Donc, s'il y a une difficulté au niveau du coût ou de la rentabilité qu'on peut assumer avec ce genre de banque de données, il faut signaler aussi l'autre phénomène de ces corporations qui prennent cette banque de données pour une fin, qui vont faire un couplage avec d'autres banques de données tout aussi publiques, par ailleurs, auxquelles, à la pièce, on n'a pas d'objection à ce que (es gens aient accès, c'est normal. Et là on va tirer une nouvelle information avec laquelle on va pouvoir combiner d'autres informations, ce qui fait qu'au bout de la ligne, ce qu'on ne voulait pas avoir dans le secteur public, on va l'avoir dans le secteur privé et sans aucune possibilité de le contrôler. Et ça, c'est beaucoup plus avancé qu'on peut l'imaginer. Il y a des services qui sont offerts actuellement dans le marché privé. En fonctionnant uniquement avec les codes postaux, on peut vous tirer les vers du nez en une rapidité déconcertante. Si la population savait ce qui se passe actuellement et dans le couplage dans le secteur privé et aussi dans le secteur public, ça ne se passerait pas si facilement que ça se passe là. Ça, c'est l'évidence même.

Mme Frulla-Hébert: En fait, c'est ce qu'on voulait dire aussi quand on s'est rendu compte, de toute façon, de cet abus et qu'on disait: Bon, bien, l'utilisation, c'est sans contrôle. Alors, de toute façon, on garde l'objectif du manque qu'on avait observé de ce qu'on voulait faire. Et, je pense, la politique de commercialisation avec, finalement, débat aussi au niveau du rapport, débat public, espérons-le, en tout cas, pourrait être une solution à cette utilisation des banques de données pour fins commerciales et sans contrôle.

Donc, en terminant, moi, ce que je retiens de votre intervention, c'est que, d'une part, vous aimeriez une révision plus substantielle pour 1992. Parce que vous savez qu'en 1992 on révise encore la loi. Deuxièmement, on voudrait toute la question de l'évolution technologique, informatique, il y a un comité interministériel présentement qui y travaille et la CAI aussi y travaille, parce que c'est quand rrême assez complexe, et on entame la discussion, si on veut, sur la question du secteur privé, d'une part.

Au niveau de l'administration de la loi, vous pariiez d'un manque de publicité, méconnaissance. Ça, nous sommes très d'accord avec vous et on veut y remédier - la Commission d'accès aussi - le plus rapidement possible. Évidemment, au niveau de l'article 2, notre intention, c'était justement de pouvoir englober dans ce qu'on peut faire le plus d'organismes municipaux possible tout en prenant note que, pour l'instant, on ne couvre pas le secteur privé. Éventuellement, ça va se faire mais, pour l'instant, on ne le couvre pas. L'intention était celle-ci: c'est que tout mandataire, tout lien d'autorité soit couvert à l'intérieur même de la loi sur l'accès qui chapeaute aussi la Loi sur le ministère des Affaires municipales.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, ça termine le temps qui était alloué à la Coalition démocratique de Montréal. Merci beaucoup, M. Boskey. Merci beaucoup, M. Nadeau.

M. Nadeau: S'il vous plaît... Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Nadeau: ...avant de vous quitter, vous signaler l'intérêt que l'on porte à l'apparition, très bientôt, de la carte d'assurance-maladie avec une puce incorporée. Les pratiques d'embauché à la ville de Montréal - Dieu sait qu'elles ne sont pas suspectes à prime abord - nous ont démontré quel usage on pouvait faire de ce type d'information et combien peu de droits les gens ont lorsqu'un employeur dit: Avant de t'em-baucher ou même de recevoir ton document comme quoi tu veux travailler ici, ton dossier médical, et ça vient de finir. Ceux qui auront les moyens de se payer des médecins privés, ils vont pouvoir cacher des choses mais les autres ne l'auront pas. En plus, on se rend compte qu'il y a des maladies qui ont des caractères politiques. Par exemple, à Montréal, le sida n'est pas une maladie sur laquelle on s'informe des antécédents de la personne mais les avortements, oui. Pourquoi? L'administration n'a pas réussi à nous démontrer la distinction qu'on fait là. Ce ne sont pas les droits des personnes qui déterminent le genre de question qu'on accumule sur elles et le traitement de leur dossier, mais des décisions de cet ordre politique. Alors, il y a une autre facette de l'accès à l'information, du traitement de données, qui mérite d'être approfondie aussi.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Nadeau.

M. Nadeau: Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Alors, merci beaucoup. Merci, M. Boskey. Ça termine donc la présentation par la Coalition.

J'inviterais maintenant les membres de l'Association des quotidiens du Québec à se présenter. Est-ce qu'ils sont ici? Il est 16 h 10 et c'était prévu pour 16 heures.

Suspension quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 13)

(Reprise à 16 h 14)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! J'inviterais les représentants de l'Association des quotidiens du Québec à s'avancer pour nous faire part de leur mémoire et de leurs remarques préliminaires. Ils connaissent la façon de procéder et, donc, je les invite à commencer après s'être présentés.

Association des quotidiens du Québec

M. Winters (Robert): Merci. Mon nom est Robert Winters. Je travaille pour le journal The Gazette. Aujourd'hui, M. Jean Sisto, président de l'Association des quotidiens du Québec m'a demandé de représenter l'Association avec Me Doray. M. Sisto envoie ses regrets de ne pouvoir venir lui-même aujourd'hui.

La commission de la culture est en train de faire cette étude du projet de loi qu'on accueille chaleureusement. L'Association des quotidiens du Québec tient d'abord à remercier le président de la commission parlementaire de la culture, la ministre des Communications ainsi que l'ensemble des membres de cette commission de lui avoir donné l'occasion de commenter.

L'Association des quotidiens du Québec regroupe les principaux journaux publiés au Québec sur une base quotidienne. Font partie de cette association: La Presse, The Gazette, Le Soleil, Le Nouvelliste de Trois-Rivières, La Tribune de Sherbrooke, La Voix de l'Est de Granby, Le Quotidien de Chicoutimi et, enfin, Le Droit d'Ottawa.

L'Association des quotidiens s'est toujours fait un devoir de prendre publiquement position dans les débats publics relatifs à la liberté d'expression et à son corollaire, l'accessibilité à l'information privée et publique. Lors de l'adoption de la loi sur l'accès en 1982, l'Association s'était réjouie de cette initiative devant marquer une nouvelle ère de transparence de l'appareil d'État québécois. Depuis lors, les journalistes du Québec utilisent couramment cette loi afin d'obtenir les documents qui leur permettent d'informer le public sur les décisions des organismes du gouvernement. Malheureusement, ils se heurtent encore trop souvent aux tracas- series juridico-administratives et à la lenteur du processus quasi judiciaire qui les empêchent souvent d'obtenir des informations en temps utile.

C'est dans cette perspective d'ailleurs que l'Association a pris connaissance du projet de loi 62 et qu'elle tient aujourd'hui à faire part de ses remarques et de ses inquiétudes. Certaines dispositions de ce projet de loi, soit par l'imprécision du texte ou encore par leur présence même, risquent de compromettre le droit à l'information reconnu par la réforme de 1982. Aussi croyons-nous que cette loi, qui originalement avait été adoptée à l'unanimité des membres de l'Assemblée nationale, doit faire l'objet d'une attention particulière dans la perspective de ne pas mettre en péril le droit fondamental des citoyens à l'information. Me Doray va donner des détails sur notre analyse des articles.

La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Winters. Me Doray.

M. Doray (Raymond): Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je me présente: Raymond Doray, du cabinet Lavery, O'Brien, à Montréal. Je voudrais tout d'abord m'excuser du retard à vous transmettre le mémoire de l'Association des quotidiens du Québec; on a eu quelques petits problèmes d'intendance, et j'espère que cette commission pardonnera cet impair. Dans un second temps, j'aimerais aussi m'excuser pour avoir dû faire remettre notre position sur la liste; j'étais malheureusement retenu à Montréal et c'était vraiment impossible de me soustraire à mes obligations. Je remercie en passant la Coalition démocratique de Montréal de bien avoir voulu accepter, avec votre convenance bien sûr, l'interversion sur la liste.

Si vous le permettez, j'aborderai quelques-unes des dispositions du projet de loi 62 qui posent problème à l'Association des quotidiens du Québec. Je sais que cette commission siège maintenant depuis deux jours entiers, que vous vous êtes penchés sur les différents problèmes ou les différentes incompréhensions qu'ont pu susciter les divers articles de cette loi-la. Nous avons eu vent de certaines modifications que la ministre proposera vraisemblablement à l'Assemblée nationale, du moins pour certaines des modifications dont j'ai pu prendre connaissance tout récemment. J'essaierai d'insérer dans mon texte ou dans mes commentaires une réaction à ces possibles modifications.

Vous noterez aussi que certaines des remarques ou certains des propos que je ferai dans les prochaines minutes sont sensiblement analogues aux propos qui ont été présentés par Southam News, l'éditeur du journal The Gazette, étant entendu que The Gazette est un des membres de l'Association des quotidiens québécois; tout ce beau monde se parle, bien entendu,

et on réagit souvent aux mêmes aspects ou aux mêmes problèmes suscités par le projet de loi 62.

Sans plus attendre, je voudrais commencer en parlant de l'article 2 du projet de loi. Justement, il s'agit d'un de ces articles pour lequel il y a, semble-t-il, sur la table, un papillon qui vole ou qui même se sera1' posé récemment. Ce papillon proposerait justement d'ajouter au texte du projet de loi la mention "de même que tout organisme relevant autrement de l'autorité d'une municipalité". Je me permets de souligner qu'il s'agit effectivement d'une amélioration du texte antérieur qui laissait échapper certains organismes paramunicipaux. Néanmoins, vous me permettrez de dire que cette modification proposée n'est probablement pas suffisante pour régler tous les problèmes, et je m'explique.

La notion d'agent ou de mandataire - je pense que certains organismes vous l'ont fait comprendre dans les jours qui viennent de se passer - est une notion assez floue qui ne permet pas de regrouper ou d'assujettir tous les organismes paramunicipaux. La notion d'organisme relevant de l'autorité d'une municipalité n'est pas non plus, à notre avis, suffisante, parce qu'il y a beaucoup d'organismes paramunicipaux qui ne sont pas institués par une municipalité. La Loi sur les cités et villes prévoit que les municipalités - c'est l'article 28, si je ne m'abuse; j'ai appris tout à l'heure les modifications, alors vous ne m'en voudrez pas trop de réagir un peu à l'emporte-pièce - si ma mémoire est fidèle, l'article 28 de la Loi sur les cités et villes prévoit qu'une municipalité peut subventionner un organisme sans but lucratif, notamment pour des fins de stimulation industrielle ou, enfin, pour encourager le développement industriel ou culturel sur son territoire. Ces sociétés sans but lucratif qui sont et qui existent, il y en a plusieurs dans notre système administratif, ces organismes sans but lucratif ne sont pas institués par une municipalité, il faut bien se comprendre, ce sont des organismes qui sont institués par l'Inspecteur général des institutions financières qui leur accorde des lettres patentes. Pourtant, ce sont des organismes oui, à part entière, vont assumer des fonctions municipales - par exemple, le développement industriel dans le parc industriel de Saint-Joachim-de-Tourelle - et qui, dans la plupart des cas, fonctionnent sur un budget qui, à près de 100 %, origine de fonds municipaux. Ces organismes-là, je pense que, dans la logique de la loi sur l'accès et dans la démarche du législateur depuis 1982, il y a tout lieu de les assujettir. Ce sont des fonds publics qui servent à ces organismes-là, les personnes qui y travaillent, d'ailleurs, voient leurs émoluments provenir de fonds publics et, malheureusement, à l'heure actuelle, avec le texte de la loi sur l'accès, on ne pouvait pas les toucher, on ne pouvait pas les assujettir, mais je ne crois pas plus qu'avec les modifications proposées on réussisse à les attraper dans le filet de la loi sur l'accès. Vous excuserez la comparaison, mais je suis convaincu que certains organismes publics perçoivent la réalité comme telle.

Dans les circonstai ces, je pense qu'une modification devrait être apportée, de manière que l'article 2 du projet de loi vise vraiment toute la panoplie des organismes paramunicipaux. Et, quand je pense à toute la panoplie, ce sont autant les organismes qui sont institués par une municipalité, autant les organismes qui relèvent de l'autorité d'une municipalité. Cette notion, je le soulève en passant, est particulèrement floue. Ce que c'est qu'un organisme qui relève de l'autorité d'une municipalité, je suis sûr que vous allez en avoir autant d'interprétations que d'avocats au Québec, c'est-à-dire à peu près 14 000, et ça augmente. En plus, je pense que la définition devrait être complétée pour prévoir, bien sûr, les organismes qui sont mandataires ou agents d'une municipalité, et un autre critère que nous vous proposons, qui est celui des organismes dont plus de 50 % du budget proviennent d'une municipalité. Je pense qu'avec un critère supplémentaire de cet ordre-là, l'Assemblée nationale sera beaucoup plus assurée qu'il n'y aura pas d'organismes qui relèvent de fonds publics et qui assument des mandats municipaux qui échapperont à l'application de la loi sur l'accès.

Je ne sais pas de quelle façon vous voulez procéder. Est-ce que vous voulez que l'on parle de chacune des dispositions, auquel cas, vous allez réagir à certaines d'entre elles, ou si vous voulez que je procède à une analyse de a à z, et ensuite, quand je serai à bout de souffle, vous pourrez réagir? À votre convenance.

La Présidente (Mme Bégin): Mme la ministre, que désirez-vous? Habituellement, on procède à l'exposé; par la suite, le ministre vous pose des questions. À moins que Mme la ministre ou M. Paré désire procéder autrement.

Mme Frulla-Hébert: Non, effectivement... Bienvenue. On vous a manqué hier. Ça nous fait plaisir de vous voir aujourd'hui. Non, je préférerais, finalement, que vous procédiez. On prend note de ce que vous dites. On sait que vous connaissez quand même la loi très bien. Alors, on prend bonne note, d'une part.

Deuxièmement, il y a eu du travail de fait cet été, d'abord. L'amendement à l'article 2, ça, on l'a apporté au mois de juin dernier, lors de la deuxième lecture, pour être certain parce que notre intention était d'essayer d'inclure le plus d'organismes possible, comme vous le savez.

Maintenant, il y a d'autres choses aussi qu'on a apportées au courant de l'été et même on a donné des précisions hier et une partie d'aujourd'hui qui pourront peut-être répondre à votre question. Donc, allez-y et, ensuite de ça, on entamera la discussion.

La Présidente (Mme Bégin): Me Doray, vous pouvez poursuivre.

M. Doray: Je vous remercie. En deuxième lieu, j'aimerais aborder concurremment les parties dir mémoire de l'Association qui touchent les articles 5 et 6 du projet de loi et cette problématique de l'accès et de la diffusion des banques de données.

L'Asssociation des quotidiens du Québec a aussi été informée de la proposition d'amendement au projet de loi qui viendrait circonscrire un peu mieux la portée de l'article 12 en précisant que les conditions que l'on peut imposer à une personne ne s'appliquent qu'au cas où cette personne a l'intention de faire une utilisation lucrative ou commerciale d'une banque de données gouvernementale.

Ce n'est pas sous cet aspect-là précisément que l'Association a des commentaires à formuler. Ce qu'il faut voir un peu, c'est le nouveau portrait qui se dessine par l'application des articles 5 et 6. D'un côté, regardons l'article 6. L'article 6 dit: Le gouvernement peut songer à commercialiser certaines de ses banques de données. Ce n'est pas écrit noir sur blanc mais on sait tous que c'est ça que ça veut dire. Que ce soit pour des documents papiers, mais a fortiori pour les banques de données parce que je pense qu'il y a une réflexion qui se fait sur ce point-là, le gouvernement pourra même se donner une période de six mois aux fins de la commercialisation d'une banque de données, ce qui lui permettra de refuser, finalement, la transmission de ses documents sur base informatique qu'il a l'intention de vendre à un meilleur prix pour, d'une certaine façon, récupérer les sommes qui ont été investies.

Voilà pour le premier côté. Le gouvernement se dit: Moi, j'aimerais éventuellement commercialiser certaines de mes banques de données et je me donne un coussin de six mois, lorsque la commercialisation n'est pas rendue à terme. On n'est pas tout à fait prêt à investir le marché mais on s'en vient et on ne veut pas se faire couper l'herbe sous le pied par des gens qui décideraient de commercialiser des documents qu'ils ont obtenus d'un organisme gouvernemental.

Le deuxième volet, celui-là, c'est celui de l'article 5. Le gouvernement dit ou le législateur dira: Certaines banques de données qui pourraient être éventuellement commercialisées, si c'est là l'intention du demandeur, on pourra lui imposer des conditions. Et les conditions ne sont pas mentionnées, ne sont pas explicitées dans l'article 5. Ça pourrait être toutes conditions, que ce soient des conditions financières, que ce soient des conditions relatives à la protection de la vie privée, ou que ce soient des conditions particulièrement difficiles à rencontrer si tant est que peut-être on découragera bien des individus qui voudraient commercialiser des banques de données.

(16 h 30)

Si on met bout à bout les deux dispositions de la loi, qu'est-ce qu'on a comme portrait? On a le gouvernement qui dit: Je peux me lancer dans la commercialisation peut-être dans six mois. Mais on n'a aucune garantie que le gouvernement va effectivement commercialiser certaines de ses banques de données. En plus, on s'est mis un écran, une protection supplémentaire: Avec la ceinture, voici les bretelles. On a dit: On pourra mettre des conditions à ceux qui veulent commercialiser les banques de données du gouvernement, conditions qui iront peut-être jusqu'à décourager tout individu qui voudrait utiliser ces banques de données ou ces disquettes que l'on peut obtenir dans des municipalités ou auprès de certains organismes publics. Le problème, c'est que de plus en plus le gouvernement ou les organismes du gouvernement consignent des données intéressantes sur des supports magnétiques. On vit en 1990 et c'est, effectivement, un outil flexible et tout à fait bien adapté à la masse documentaire et à la masse informationnelle que gèrent les organismes gouvernementaux. Par exemple, en matière d'environnement, on sait que le ministère de l'Environnement du Québec consigne sur supports magnétiques tous les renseignements relatifs aux manifestes de transport, c'est-à-dire les milliers d'autorisations qui sont accordées à des entreprises pour transporter des déchets dangereux. De la même façon, plusieurs renseignements ou plusieurs données relatives aux matières dangereuses stockées sur le territoire du Québec sont exclusivement consignées sur un support magnétique. On ne retrouve pas de document papier parce que ce serait trop volumineux, on peut facilement le comprendre.

Pensons à un document de ce type et essayons d'y appliquer les articles 5 et 6 du projet de loi. Vous êtes journaliste et vous voulez obtenir le fichier informatisé des manifestes de transport de déchets dangereux qui ne se retrouve que sur support magnétique. Ou bien vous le demandez à l'organisme public qui vous répond: Écoutez, on a l'intention de le commercialiser dans six mois, ce qui vous empêche d'y avoir accès, sinon en vous rendant sur place dans les officines gouvernementales. Et, pour ce qui est l'accès à un document informatique à l'intérieur d'une officine gouvernementale, vous comprendrez que ça ne permet pas la recherche et le recoupage de l'information que tout journaliste voudrait faire pour obtenir une enquête valable au sujet d'un transport de matières dangereuses ou encore d'une situation qu'il soupçonne d'être inacceptable ou susceptible d'intéresser son public. Sinon, il pourrait se faire répondre par les canons de l'article 5 qui permet à l'organisme public de lui imposer toutes les conditions possibles et impossibles, notamment un montant d'argent faramineux, ce qui l'empêchera d'avoir accès à ce document.

Avec l'amendement prévu, c'est-à-dire que l'article 5 ne viserait que l'utilisation lucrative des banques de données, je ne pense pas qu'on règle tout à fait le problème. Je pense qu'on est dans la bonne voie, ceci dit, mais je ne pense pas qu'on règle tout à fait le problème parce que, d'une part, cette notion est très floue et, indirectement, d'aucuns vous diront qu'un journaliste qui vend son papier exerce des activités lucratives. D'autre part, pour que cette banque de données qu'un journaliste va obtenir - à l'heure actuelle, d'ailleurs, on peut les obtenir auprès du ministère de l'Environnement dû Québec - pour qu'elle soit vraiment utilisable, encore faut-il travailler dessus et, généralement, ce sont des entreprises spécialisées qui vont permettre à un journaliste d'avoir un programme lui permettant d'utiliser ces données brutes qui sont consignées sur un support magnétique.

C'est tout un domaine qui n'a malheureusement pas été investigué par le législateur, je pense, cette question des documents informatiques. Je pense qu'on ne peut pas nier qu'il y a effectivement des problèmes que cela soulève, mais ce que veut faire ici l'Association, c'est attirer l'attention sur le fait qu'indirectement, par le biais de ces deux articles-là, si on les met bout à bout, on risque d'empêcher l'accès à certains documents puisque l'État pourra promettre de les éditer, mais ne le fera pas nécessairement parce qu'on n'a aucune garantie qu'il le fera et il pourra aussi mettre des conditions qui empêcheront ceux qui utilisent ce type de documents de plus en plus courants de les utiliser à plein parce que ce n'est pas en se rendant dans les bureaux du gouvernement que l'on peut véritablement procéder au couplage de l'information que permet ce type de base de données. C'est là, d'ailleurs, toute leur pertinence et je pense qu'un journaliste bien informé, en 1990, a besoin de faire ce type d'enquête, de recoupage de l'information. On déplore souvent que les journalistes du Québec ne vont pas très loin dans leurs dossiers. Encore faut-il leur donner les arguments qui leur permettront d'être un peu plus sérieux dans leurs recherches.

J'aimerais maintenant aborder la question de l'article 8 du projet de loi qui vise, en fait, l'article 28 de la loi actuelle. C'est un ajout qui a pour but de permettre...

La Présidente (Mme Bégin): Me Doray, je m'excuse, mais j'aimerais vous rappeler qu'il reste un minute pour passer votre document.

M. Doray: J'essaierai d'être très rapide, Mme la Présidente, dans les circonstances. Pour ce qui est de l'article 8, je pense que nos propos se limitent à dire que c'est un ajout qui est excessif, de permettre à un organisme public de refuser et même l'obliger à refuser, parce que l'article 28 de la loi sur l'accès est péremptoire.

Les rapports concernant des enquêtes sur les fonctionnaires et sur les dirigeants d'un organisme public, c'est très dangereux, puisqu'on n'a aucune garantie que ces enquêtes-là donneront lieu à des poursuites. Ce qui veut dire qu'avec l'adoption de cet ajout à l'article 28 de la loi sur l'accès il sera désormais impossible d'obtenir les résultats d'une enquête interne menée à l'intérieur d'un organisme public sur les malversations ou sur les gestes illégaux ou illégitimes posés par un haut fonctionnaire, et c'est particulièrement inquiétant pour les gens qui se préoccupent de l'information au Québec.

Pour ce qui est de l'article 9 de la loi sur l'accès qui concerne les organismes quasi judiciaires, nous avons pris connaissance de la modification suggérée, à l'effet de permettre l'accès aux décisions des organismes quasi, judiciaires, mais je porte à l'attention de la commission que ça ne règle pas le problème. Je pense qu'on est en train de s'enfoncer dans un embrouillamini absolument inutile. Les organismes quasi judiciaires sont assujettis aux règles de la justice naturelle et à des principes constitutionnels qui veulent que toute leur mission d'adjudication doit être faite en public. Les tribunaux l'ont encore rappelé, il n'y a pas si longtemps, et je pense que c'est une perte de temps que d'essayer de faire un article de loi qui voudrait contourner cette obligation constitutionnelle. On serait bien mieux de mentionner clairement dans la loi sur l'accès que l'activité ou le mandat d'adjudication des tribunaux administratifs n'est pas visé par la loi sur l'accès et que ce sont les règles de la justice naturelle qui s'appliquent, règles qui prévoient d'ailleurs l'accessibilité à tous les documents, sauf lorsque l'intérêt ou l'ordre public le requiert.

Pour ce qui est de l'article 14 du projet de loi, j'éviterai d'en parler, puisque je pense que M. Winters en a touché un mot dans sa prestation d'hier, et les propos que j'avais à vous mentionner au nom de l'Association sont tout à fait du même effet.

Pour ce qui est de l'article 25 finalement du projet de loi, ce que nous soulignons, c'est que, dans la formulation telle que proposée dans le projet de loi, la démarche est fort intéressante, c'est-à-dire de permettre aux citoyens d'obtenir les avis et les recommandations lorsqu'une décision les concernant a été rendue. Effectivement, le jeu des articles 87 et 37 de la loi sur l'accès causait un sérieux problème à cet égard-là puisque, jusqu'ici, les avis et recommandations mêmes concernant des individus pouvaient être gardés confidentiels pendant une période de 10 ans. Néanmoins, dans la formulation telle que proposée à 86.1, il y a un doute qui surgit encore. Il faudrait, à notre avis, être beaucoup plus spécifique et noter que cette disposition s'applique malgré l'article 37 ou, à l'inverse, prévoir, par une forme plus positive, que tout citoyen a le droit d'obtenir les avis et recom-

mandations lorsqu'une décision le concernant a été rendue. La notion de décision finale, elle aussi, peut porter à confusion et pourrait malheureusement donner lieu à des abus, et nous croyons qu'elle n'est pas vraiment appropriée.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Alors, ça termine à peu près le temps qui vous était alloué. Mme la ministre, avez-vous des questions à poser?

Mme Frulla-Hébert: Oui. Me Doray, on va reprendre un peu l'article 2. Comme je vous le disais tantôt, c'était notre intention d'assujettir le plus d'organismes municipaux possible. Je rappelle qu'on a déjà assujetti 3800 organismes publics, ce qui est pas pire. À votre connaissance - parce que c'est important, vous nous apportez des suggestions qui peuvent être intéressantes - l'expression "relevant de l'autorité de... Des fois, dans les lois - vous le savez, vous êtes avocat, moi je ne le suis pas - on les laisse assez larges, pour qu'ils soient généreux, pour inclure le plus d'organismes possible. Est-ce que cette expression, si on veut, a créé des problèmes d'interprétation devant un tribunal déjà?

M. Doray: À ma connaissance, il y a eu des décisions de la Commission où on a eu à l'interpréter, mais la Commission, suivant son mandat, l'a interprétée assez largement. Mais le problème, Mme la ministre, c'est qu'on ne sait pas exactement ce que ça vise, même si la Commission elle-même a tendance à en donner une définition assez large. Une chose est certaine, c'est que l'autorité d'une municipalité, c'est le pouvoir qu'elle exerce. Donc, si une municipalité a institué un organisme paramunicipal, je pense qu'il n'y a pas de doute que, puisqu'elle l'a institué, elle peut aussi lui donner son congé; donc, elle le contrôle. S'il y a une majorité de membres du conseil municipal qui siègent au conseil d'administration d'une société paramuni-cipale, on peut aussi assez facilement dire que cet organisme paramunicipal relève de l'autorité de la municipalité. Le problème se pose lorsqu'il ne s'agit pas, comme je l'expliquais tout à l'heure, d'un organisme qui a été institué, c'est-à-dire créé par la municipalité elle-même ou encore qui est simplement financé par elle. Quand il s'agit d'un organisme... Je vous parlais des organismes sans but lucratif, des corporations sans but lucratif qui voient 90 % de leur budget provenir d'une municipalité. On ne peut pas dire, en droit, qu'ils relèvent de l'autorité d'une municipalité. Leurs fonds, leur budget de fonctionnement provient d'une municipalité, mais ça prend l'allure d'une subvention. Donc, le critère de relever de l'autorité d'une municipalité n'est pas pertinent dans ce cas-là, même si 90 % du budget de cet organisme paramunicipal provient directement des fonds municipaux. Vous allez me dire: C'est bête comme tout. J'en conviens avec vous, mais, dans ce domaine-là, je pense qu'il faut prendre les devants et éviter toute ambiguïté possible, et je vous souligne que l'expression n'est peut-être pas des plus heureuses.

Mme Frulla-Hébert: À ce moment-là, est-ce que... Habituellement, quand un organisme reçoit, par exemple, du financement de la ville - subvention, etc. - n'est-il pas mandataire de la ville?

M. Doray: La notion d'agent ou mandataire...

Mme Frulla-Hébert: Oui.

M. Doray: ...d'un organisme public est une notion qui peut faire couler énormément d'encre et qui en a fait couler beaucoup. Je me permets de le souligner, pour avoir étudié pour un client, l'année dernière, cette question, un client qui était un organisme public. La notion est très floue. On ne sait pas exactement. Il y a des critères. Il y a 12 critères identifiés par la jurisprudence pour savoir si un organisme public est un mandataire du gouvernement, et c'est la même chose qui se reproduit pour savoir si un organisme paramunicipal est un mandataire de la municipalité en question. Les critères, par exemple, ça peut être le contrôle politique, ça peut être le fait que le vérificateur de la société paramunicipale est le vérificateur de la municipalité, ça peut être que son rapport annuel est remis à la municipalité; une kyrielle de critères, mais très aléatoires. Si tant est qu'au Québec, par exemple, certains organismes au niveau central, comme la Caisse de dépôt, c'est très clair qu'ils sont des mandataires du gouvernement, mais d'autres, comme la SGF, c'est loin d'être clair. Alors, vous voyez que c'est un critère sur lequel on ne peut pas se fier de façon totale et rassurante.

Mme Frulla-Hébert: D'accord. Parfait. On va prendre bonne note, de toute façon, de vos suggestions.

Article 5 et article 6. Pour l'article 5, nous avons décidé finalement d'aller un peu plus loin. D'ailleurs, jamais on n'a voulu limiter l'accès à l'information. Comme vous l'avez mentionné, par exemple, nous voulions limiter l'utilisation injuste, si on peut dire, des banques de données pour fins commerciales, d'une part. Et un bon point aussi qui a été apporté par la Coalition - le groupe tantôt - c'est la protection de la vie privée aussi, d'autre part. Alors, dans le but de maintenir cet objectif mais d'aller plus foin, on va tout simplement créer un comité de travail sur la commercialisation des banques de données. Hier, d'ailleurs, nous avions la repré-

sentation de votre client, Directron Média, qui nous a apporté une vision de l'entreprise privée qui était intéressante et qui, lui, disait qu'il ne fallait pas empêcher non plus l'entreprise privée de se développer. Alors, nous allons créer un comité de travail avec des représentants et du ministère et de la CAI, des entreprises privées, des organismes publics et, finalement, le rapport sera dévoilé publiquement et fera objet de discussions. Mais, chose certaine, l'objectif que l'on voulait est observé. D'abord, qu'on observe les objectifs et qu'on les garde. D'autre part, il faut quand même répondre aux abus qui sont injustes avec l'argent des contribuables.

(16 h 45)

Ceci dit, l'article... Je veux revenir sur le service de sécurité interne. Il y a eu un rapport, par exemple, dans les sociétés, si on veut, paragouvernementales, Hydro-Québec, la Société des alcools, par exemple, Loto-Québec où vous savez, comme moi, qu'il y a des vols. On fait état... On dit: Au cours des dernières années... c'est dans un mémoire qui nous a été présenté, dans le cas de la Société des alcools, en 1988... Et on disait qu'au cours des cinq dernières années ils avaient appréhendé 1395 personnes pour vol à l'étalage, ce qui représentait une perte de 2000 $ à 3000 $ par jour, par exemple; vols à main armée: 376 vols à main armée représentant une perte de 500 $ par vol; vols à l'interne, 97 employés. La moyenne: 2400 $ pour chaque employé congédié. Ça, c'est seulement pour la Société des alcools. Même cas pour Hydro. Alors, le service de sécurité interne permettrait tout simplement de faire enquête. Comme on sait, on ne peut pas avoir non plus des policiers municipaux sur place pour prévenir ça.

Quelle serait votre suggestion? Vous êtes contre le principe de sécurité interne, parce qu'à un moment donné il faut tout de même faire enquête sur des gens. Et pour faire une enquête efficace, vous savez comme moi qu'il faut pouvoir procéder à l'enquête. La personne a accès à la décision, mais on ne peut pas quand même lui bâtir des... elle ne peut pas se bâtir des alibis non plus. Quelle serait votre suggestion si vous êtes contre ce qu'on propose face à des problèmes qui, encore là, nous pénalisent tous, contribuables?

M. Doray: Je comprends très bien le sens de l'intervention et je me souviens d'avoir lu le mémoire de la Société des alcools et d'Hydro-

Québec. Je pense que le problème, c'est que l'article 28 est une disposition impérative. C'est le premier problème qu'on peut identifier. Même si les autorités de l'organisme voulaient rendre public le rapport produit à l'occasion d'une enquête sur un de leurs employés ou un de leurs cadres, elles ne pourraient pas le faire. Et, ça, c'est un problème sérieux.

Il y a un deuxième problème qu'on retrouve dans cet ajout-là. C'est que, finalement, il y a un conflit d'intérêts dans certains cas et je pense que l'Assemblée, la commission aura une certaine facilité à le comprendre. C'est que cette disposition-là peut servir lussi pour empêcher la divulgation de toute enquête sur le comportement d'un fonctionnaire ou d'un haut fonctionnaire. Et, ça, ça relève du domaine public. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard qu'à l'article 57 de la Loi sur l'accès et suivant la jurisprudence qui en a découlé à la Commission d'accès à l'information tous les gestes posés par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions, ce sont des renseignements qui ont un caractère public. Ce n'est pas personnel, puisque le fonctionnaire agit au nom du public. Il est payé sur des fonds publics et les citoyens ont le droit de savoir exactement ce qu'il a fait de bien, mais aussi ce qu'il n'a pas fait de bien ou ce qu'il a fait d'illégal.

Le problème à l'heure actuelle, c'est que le maillet est peut-être un peu trop gros pour le clou qu'on veut enfoncer et on risque de casser la branche ou la planche. Cet article-là, dans son libellé actuel, ouvre la voie à de la rétention d'information d'un grand intérêt, parce qu'effectivement les enquêtes internes sur des comportements de fonctionnaires, ça existe tout le temps. Et le libellé actuel pourrait permettre de garder confidentiel - et même obliger de garder confidentiel - tout mémo dans lequel on a un semblant de rapport d'enquête sur le comportement d'un fonctionnaire ou d'un haut fonctionnaire.

Je n'ai pas de libellé à vous proposer, mais ce que je veux simplement souligner, ce sont les écueils possibles d'un tel libellé que celui qu'on a entre les mains, à l'heure actuelle.

Mme Frulla-Hébert: Mais quand on parle de service de sécurité interne, si, par exemple... Bien, en fait, c'est ce qu'on suggère, de le normer, de le baliser sérieusement dans un règlement gouvernemental... Parce que vous savez, d'un côté, nous sommes responsables, si on veut, des fonds publics, et j'en suis; d'une part, on veut donner accès et protéger les renseignements privés, de l'autre, excepté qu'on a tout de même une responsabilité. On sait que ça se passe. Alors, on dit: On fait quoi? Et on s'était dit que le service de sécurité interne, si on pouvait le baliser, vraiment en faire un règlement et normer tout ça, ça pourrait finalement contrevenir, si on veut, à ces abus.

M. Doray: Mme la ministre, je pense que les objectifs que vous poursuivez, l'Association des quotidiens du Québec ne s'y oppose pas. Je pense que la collectivité ne veut pas se faire exploiter par certains individus qui abuseraient du système. Mais peut-être faudrait-il prévoir dans cette disposition-là que les rapports d'enquête de ces enquêteurs internes seront accessibles à partir d'un moment donné. Le problème

de l'article 28, c'est qu'il a une application indéfinie dans le temps. L'article 28 prévoit la confidentialité à peu près pour toujours, dans une large mesure, même si la jurisprudence a tendance à en réduire un peu la portée. Peut-être que c'est dans ce sens-là qu'il faudrait chercher une solution, c'est-à-dire que tout rapport d'enquête, à ce moment-là, deviendra accessible dès que l'enquête sera terminée. Il y a une distinction importante à faire...

Mme Frulla-Hébert: C'est ça.

M. Doray:... entre ce cas-ci et les autres cas d'application de l'article 28 qui visent les infractions aux lois ou le crime. En matière de crime et d'infraction aux lois, les enquêtes sont faites par des policiers et les policiers sont, dans notre système juridique, détachés du pouvoir politique lorsqu'ils doivent prendre la décision de prendre des poursuites. Ils sont redevables au Code criminel, point à la ligne. Ils ne peuvent pas faire l'objet - du moins, notre système le veut ainsi - de pressions politiques. Quand ils constatent un crime, ils doivent le rapporter et citer quelqu'un à son procès. Pour les enquêtes internes, on n'a pas un tel mécanisme de contrôle. Il n'y a rien qui oblige l'enquêteur maison d'un organisme public de prendre des poursuites judiciaires contre un haut fonctionnaire ou un fonctionnaire qui aurait commis un geste illégal. Donc, en plus, mettons là-dessus la pression politique que l'on sait tous tout à fait existante et non pas dans ce gouvernement plus que dans un autre mais qui peut exister, à savoir que l'on ne veut pas déterrer les histoires qui ne sont pas particulièrement drôles. Il est bien évident que l'accessibilité à l'information risque d'en souffrir parce que personne ne prendra de poursuite, le rapport ne sera pas accessible à cause de l'article 28 nouvellement modifié et, évidemment, le secret sera total et absolu.

Mme Frulla-Hébert: Me Doray, on s'entend parfaitement parce qu'il est précisé que nous mettrons dans un règlement ce qui sera refusé. Alors, effectivement, l'article... Finalement, ce n'est pas un article qui est apposé là seul mais le règlement vient avec l'article et ce qui sera refusé sera précisé et, à ce moment-là, on pourra le...

M. Doray: Et le temps pendant lequel... Mme Frulla-Hébert:... regarder. M. Doray:... il sera...

Mme Frulla-Hébert: Oui. Donc, on s'entend là-dessus. M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député de Shefford.

M. Paré: Moi aussi, je vous souhaite la bienvenue en commission. Je dois dire que c'est très intéressant, les propos que vous tenez, les informations, les éclaircissements que vous ajoutez dans des domaines et sur des sujets dont on a discuté déjà passablement. Mais c'est intéressant d'avoir votre point de vue. Moi, je veux revenir très rapidement sur deux points pour ensuite passer sur un sur lequel on n'a pas eu vraiment le plaisir de vous entendre.

Sur l'article 2, depuis déjà le matin, effectivement, on essaie... Je pense qu'on avance passablement aussi par rapport aux problèmes vécus au niveau des organismes municipaux. Vous n'êtes pas le seul. Le groupe juste avant vous qui était la Coalition démocratique de Montréal, si on lit juste un paragraphe de ce qu'elle disait: "II reste les organismes relevant autrement de l'autorité d'une municipalité. De belles pages de doctrines seront nécessaires pour déterminer la portée du mot "autorité". " Effectivement, c'est important de définir par rapport à ce que vous avez ramené et que le groupe avant vous avait aussi amené comme exemple, c'est-à-dire les organismes sans but lucratif. Il semblerait que de plus en plus ou, en tout cas, il y a plusieurs cas où les municipalités maintenant délèguent des pouvoirs, des responsabilités ou permettent des gestes qui sont posés par d'autres.

Tantôt, le groupe avant vous a donné quelques exemples. Il y avait l'organisme SIMPA et la Corporation du 350e anniversaire de la ville de Montréal qui sont des organismes... quand on regarde ce qu'ils font, ce qu'ils gèrent, comment ils sont payés et tout ça, et le fait qu'ils rendent d'une façon annuelle le rapport aux autorités municipales, je pense qu'on ne peut pas faire autrement que d'en déduire qu'il s'agit d'organismes paramunicipaux. Sauf qu'on ne les retrouve pas au niveau de la loi d'accès, étant donné que ça ne répond pas... La loi telle quelle leur permet de se sortir de l'obligation de répondre aux questions qui leur sont posées autrement que par le rapport annuel, probablement. Ça, c'est vraiment une inquiétude sur laquelle il va falloir se pencher. L'intervenant avant vous nous a amenés sur le débat qu'on tient présentement et on s'est dit... En tout cas, il a été mentionné que possiblement il va falloir regarder aux Affaires municipales ce qu'il y a à faire. Mais, moi, je pense, avec la discussion, l'échange que vous venez d'avoir avec Mme la ministre, qu'effectivement c'est nous que ça regarde ici, au niveau de l'accès à l'information par rapport à ces organismes-là. C'est permis dans la loi de créer des organismes sans but lucratif en fonction de la troisième partie de la charte des entreprises, des compagnies. Donc, si c'est possible, comme société, on doit accepter que les corporations municipales constituent des organismes semblables. Donc, c'est fait en toute légalité, c'est reconnu et, à moins de modifica-

tions légales, ce n'est pas contestable et on vit avec.

On s'aperçoit, par contre, que ça nous enlève à l'ensemble de la société et spécialement aux journalistes qui peuvent aller aux informations avec plus de facilité que chacun des citoyens.... On se rend compte que ces gens-là réussissent à contourner finalement la loi, à ne pas devoir répondre. Donc, moi, je pense que c'est à nous, effectivement, à faire ce que le groupe avant vous nous demandait: de définir finalement "autorité" ou, en tout cas, "municipalité" ou "organisme paramunicipal". Je ne sais pas comment. Je ne sais pas si vous avez des conseils, comment on pourrait l'inclure, parce que, et je vous le dis, quand vous donnez des exemples à l'article 2, je ne suis pas sûr, en disant: "dont le conseil d'administration est composé majoritairement de membres du conseil de la municipalité, dont plus de 50 % du budget provient d'une municipalité, qui sont des mandataires ou des agents d'une municipalité", si ce n'est pas même plus restrictif que ce qui est amené par Mme la ministre. Est-ce que, d'après vous... En tout cas, ce ne sont pas les deux premiers points qui viennent nous permettre d'aller chercher l'information qu'on veut, je pense, parce que ça, c'est contournable; peut-être le troisième. Est-ce que, d'après vous, le troisième nous permet de contourner l'organisme à but non lucratif ou, sinon, est-ce que vous avez d'autres suggestions à nous faire?

M. Doray: Je pense que, dans un domaine comme celui-là, je vais reprendre la comparaison ou l'image que j'ai utilisée tout à l'heure. On peut se permettre la bretelle avec les ceintures. Certains des critères risquent de se recouper, mais il n'y a aucun mal a ça. Le critère suggéré par Mme la ministre, à savoir les organismes qui relèvent de l'autorité d'une municipalité, je pense qu'on peut ratisser un peu avec ça, la même chose pour les trois autres critères qui sont mentionnés ici.

Un qui me semble fort important et qui règle une grande partie du problème des organismes sans but lucratif qui sont financés par des municipalités, c'est le critère bête et plate du "50 % du budget provient d'une municipalité". C'est simple comme bonjour et je pense que ça assure le contrôle qu'on veut. On ne veut pas qu'il y ait des organismes qui fonctionnent sur des fonds publics et qui échappent à la transparence, parce que justement ce serait trop facile d'aller instituer de nouveaux organismes pour s'éviter le contrôle public. C'est peut-être le critère le plus simple auquel il faudrait revenir, non pas comme critère unique, mais comme l'un de ceux qu'on tiendra en compte pour compléter le texte actuel de l'article 5 de la loi sur l'accès. Je pense qu'il règle une grande partie des problèmes, ce critère du 50 % du budget. Je pense qu'il faut aussi penser qu'il y a des organismes qui reçoivent une subvention, qui peuvent être des organismes de loisir, une subvention qui va être 10 % ou 20 % de leur budget. Il n'est pas nécessaire qu'ils soient assujettis à la loi sur l'accès. C'est une loi qui fait quand même peser sur les organismes et les petits organismes une pression particulièrement lourde. Il ne faut pas s'en cacher. Toutes ces déclarations de fichiers et autres tracasseries, s'il faut appliquer ça à tous les petits organismes de loisir municipaux qui reçoivent une subvention importante de la municipalité, ils ne sont pas sortis de l'auberge. Alors, il faut une certaine parcimonie. On ne peut pas dire: Tout ce qui bouge dans le domaine municipal est visé par la Loi sur l'accès. Je pense que ce serait de l'abus et, tôt ou tard, on risque d'obtenir une réaction très vive de la part de l'Association des loisirs de Saint-Jean-de-Matha qui fonctionne avec un budget de 3500 $ par année, dont 1800 $ viennent de ce que le maire leur a donné lors de sa dernière visite au parc municipal. Je pense qu'il faut une certaine parcimonie. Mais le critère du budget est certainement un de ceux qui ratissent le plus large, à mon avis. (17 heures)

M. Paré: Mais vous dites qu'un organisme qui reçoit plus de 50 % en subventions... "en subventions" avec un s, pas nécessairement en subventions municipales, parce que là c'était en ce qui concerne les organismes paramunicipaux Je prends un exemple: un organisme comme Dernier Recours Montréal ou un organisme qui s'occupe des sans-abri ou de gens avec toutes sortes de problèmes qu'on connaît, malheureusement, ça peut être un organisme qui a été mis sur pied à l'initiative de la ville de Montréal, mais c'est un organisme à but non lucratif donc qui est considéré comme totalement autonome, qui peut recevoir 40 % de subventions de la ville de Montréal et 60 % du ministère de la Santé et des Services sociaux. À ce moment-là, il arrive quoi?

M. Doray: Vous soulevez un autre problème, mais je ne pense pas que ce soit un problème relié à l'application de l'article 5. L'article 5 vise le domaine municipal et, par rapport aux municipalités, l'Association est d'avis que, 50 % du budget, c'est un critère raisonnable. Ça met de côté ceux qui ne font que profiter accessoirement des largesses d'une municipalité et qui sont, en fait, des organismes privés ou des organismes sans but lucratif de loisir, mais ça permet de recouvrir et d'assujettir des organismes qui assument une véritable tâche municipale; lorsque plus de 50 % de votre budget vient de la municipalité, vous devez sensiblement ou vraisemblablement assumer une tâche municipale. Le problème que vous soulevez me semble d'un autre ordre. Est-ce que l'on veut assujettir à la loi sur l'accès tout ce qui reçoit des subventions? Je pense que c'est un débat qui n'a jamais eu lieu,

si vous me permettez. Je suis prêt à l'ouvrir, si vous insistez, mais je pense qu'on risque d'y passer quelques heures.

M. Paré: Non, je ne veux pas l'ouvrir, je le prenais seulement à titre d'exemple. C'est vrai que de le prendre au niveau social, c'est comme mêler les cartes. Je vais essayer de le prendre autrement, parce que ce sur quoi je veux qu'on se penche c'est sur la définition de l'autorité par rapport à des organismes paramunicipaux. Je prends un autre exemple qui pourrait très bien être tout à fait la réalité: la Corporation du 350e anniversaire de Montréal. Moi, je pense que ça intéresse la population et qu'on a le droit de savoir ce qui se passe là-dedans. Supposons qu'elle a été créée par la ville de Montréal, en collaboration avec les gouvernements supérieurs - j'en suis certain - et supposons que la ville de Montréal met 33 % du budget puis que les autres gouvernements mettent la différence, c'est là où la subvention... et c'est pourquoi je vous posais la question: Si la subvention municipale n'est pas de 50 % du budget, est-ce qu'on a accès ou si, là, parce que les subventions viennent d'ailleurs, il n'y a plus personne qui a accès aux informations?

M. Doray: II y a un problème, effectivement, de passer entre deux dispositions de la loi. La loi a fait une typologie des organismes publics par secteurs. Évidemment, il y aurait moyen de prévoir une clause dans la loi qui viendrait dire, par exemple, que tout organisme dont une partie essentielle du budget provient du domaine public est visé par la loi. Là, on a un critère, dans l'article 3 de la loi - si ma mémoire est fidèle - qui nous parle de certains organismes dont le fonds social provient du domaine public. On a cette expression, "domaine public", qui est très large, mais on ne vise que des sociétés à actions, dont les actions sont détenues par des organismes publics. On pourrait s'inspirer de ça pour prévoir une disposition qui réglerait le problème que vous soulevez et qui me semble effectivement existant.

Une autre façon de le régler qui est peut-être plus simple, c'est que, lorsque le gouvernement accorde une subvention importante à une société, comme la Corporation du 350e anniversaire de Montréal, il devrait insister, lors de la formation de cette société-là, pour que l'on prévoie qu'il s'agit bien d'une mandataire de la municipalité, et on aurait réglé le problème. Je pense que c'est donnant, donnant. À ce moment-là, le gouvernement devrait avoir la politique suivante: Lorsque je donne tant de milliers ou de millions de dollars à un nouvel organisme qui ne va vivre que pour une période ponctuelle, bien, je m'attends à ce qu'il soit prévu, dans sa loi constitutive, ou dans son décret de formation, ou dans le règlement qui prévoit sa constitution, qu'il s'agit d'un mandataire de la municipalité ou d'un organisme relevant de l'autorité de la municipalité, et on éviterait tout problème de chercher une définition qui sera toujours, de toute façon, incomplète, parce qu'il y aura des façons de constituer un organisme pour passer entre deux dispositions de la loi. C'est un petit peu la réalité et la contingence qui nous amènent à ce constat-là.

M. Paré: Bonne suggestion à retenir, très intéressant comme discussion, mais, malheureusement, je sais qu'on n'a pas grand temps avant que le président me dise que j'achève. Je ne reviendrai pas sur les articles sur lesquels vous avez échangé avec Mme la ministre. Les articles 8, 40, 26 et les autres sont intéressants, mais on ne vous a pas entendu sur un sujet élaboré, soit l'article 14. C'est un sujet dont on a traité passablement aujourd'hui et qui, de toute façon, est assez important par rapport à ce qu'on discute comme société où il y a des valeurs qui se confrontent, finalement. D'ailleurs, ce matin, la Fédération professionnelle des journalistes en a parlé et votre collègue en a parlé hier dans le mémoire du journal The Gazette.

C'est tout le débat qui veut qu'on mette en balance la liberté de presse, le droit du public à l'information, puis le respect de la vie privée. Si on se fie à ce qui a été dit par tout le secteur des communications depuis le début de la commission, c'est, finalement, pour tout ce qui est rapports produits par la police, que tout doit être ouvert et connu dès qu'il y a un document qui est rempli. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Doray: Écoutez, la position de l'Association des quotidiens est la même que celle des deux organismes que vous avez mentionnés précédemment. Ce que je pense, c'est que, effectivement, c'est une question de fond qui ne peut pas être réglée à l'emporte-pièce. Je pense qu'on peut comparer ce qui se passe dans un petit village pour ensuite se demander ce qui se passe dans un grand village ou dans une province comme la nôtre.

Dans un petit village, s'il y a un événement qui survient, qui exige l'intervention de la police, tout le monde va le savoir. La police va se rendre sur les lieux, les voisins vont voir ce qui s'est passé. La même chose s'il y a un événement violent qui se produit, s'il y a du sang ou quelques incidents qui se produisent, les gens vont être au courant. Ça fait partie de la vie dans la cité et ça existe depuis que l'on vit en société. Le problème se pose aussi quand on élargit le périmètre de la ville où les incidents en question se produisent. On spécialise un peu les tâches dans une société où on est nombreux et, chez nous, la police est un corps constitué qui assume le maintien de l'ordre pour la collectivité.

Comme on n'est pas dans un petit village,

on n'est pas mis au courant de ce qui se passe de la même façon et on ne peut pas, directement, être mis au courant des événements qui concernent la vie civile, parce qu'un incident, quel qu'il soit, qui génère de la violence et l'intervention de la police, ça concerne la vie civile. C'est notre vie en collectivité. On a décidé de tous vivre dans un ensemble et ça nous donne des droits aussi un peu sur les gestes illégaux, ou les gestes violents, ou les incidents qui arrivent à nos voisins. Est-ce qu'on doit changer les règles du jeu parce que nos sociétés sont plus anonymes et que la police, à ce moment-là, est la seule à savoir qu'il y a eu une intervention qui a eu lieu dans un quartier X ou dans un quartier Y ou est-ce que juste les gens qui habitent dans ce secteur-là ont le droit d'être mis au courant parce qu'ils on vu la scène, mais que les gens de l'ouest de la ville n'y étaient pas? Je pense que c'est là tout le problème. C'est là qu'il se pose.

Les journalistes, dans une société plus populeuse, ont cette mission de distribuer de l'information et de l'étendre à tout le monde puisqu'on ne peut pas être partout à la fois, comme on le serait dans un petit village. Et là, on leur dit: Bien, écoutez, non, ce n'est plus du domaine public les incidents, les accidents, la violence, c'est du domaine strictement privé parce qu'on est dans une société plus grande, plus populeuse, plus anonyme. Je ne suis pas sûr que c'est vraiment une amélioration ou un trait de civilisation que de faire de la rétention d'informations dans tous les cas, en traçant une ligne et en disant: Écoutez, parce que c'est la police qui a agi au nom de la collectivité, c'est la police qui garde ces informations-là. Je pense que, comme citoyen, on a le droit de savoir ce qui s'est passé. C'est ça que les journalistes réclament et c'est ça que l'Association essaie de faire valoir.

Évidemment, l'abus est toujours possible et c'est ça que l'Assemblée nationale veut éviter et nous le comprenons parfaitement. Ce que dit l'Association, c'est qu'il y a des moyens pour éviter l'abus. Dans les moyens, il y a les poursuites en libelle ou en diffamation. Notre droit est assez sophistiqué à cet égard et ce n'est pas parce que, comme le disait le mémoire de Southam, vous publiez des faits véridiques que vous êtes à l'abri de toutes poursuites en libelle ou en diffamation.

Il n'est permis à un journaliste de publier des informations que dans la mesure où c'est d'intérêt public de les dispenser ou de les étaler sur la place publique. Donc, il y a un mécanisme de contrôle qui existe dans notre société, qui n'est pas la Loi sur l'accès, mais qui est peut-être un peu plus nuancé que la Loi sur l'accès.

Il y a les nouvelles dispositions du projet de loi modifiant ou portant réforme au Code civil du Québec relatif aux droits de la personne, où un droit des citoyens à la vie privée va être reconnu. L'Assemblée nationale a adopté le projet de loi. Il n'est pas entré en vigueur, mais on nous le promet pour bientôt. Il y a des dispositions très précises et très vigoureuses quant à la vie privée des individu; qui viendront, elles aussi, faire contrepoids à de possibles ou potentiels abus de la presse. Dans cette mesure, la démarche de l'Association, c'est de dire: Ce n'est pas le bon mécanisme, la loi sur l'accès. C'est encore une fois aller de façon beaucoup trop stricte. Empêcher toute divulgation d'informations dont a pris connaissance la police, c'est couper les citoyens d'une partie de la vie civile à laquelle ils ne peuvent pas assister parce que nos villes ou nos sociétés sont très populeuses et qu'on ne peut pas être partout à la fois. C'est aussi simple que ça.

M. Paré: Je trouve intéressants vos commentaires, spécialement votre comparaison par rapport aux municipalités moins populeuses. Je vais vous dire que je viens de Granby où il y a un de vos membres, les gens de La Voix de l'Est. Une petite municipalité de 40 000 citoyens avec un quotidien, effectivement, ça nous amène peut-être plus d'informations ou de facilités d'être près de ce qui se passe tous les jours parce que c'est dans le périmètre d'une municipalité et, chaque jour, on en fait le tour. C'est très local et on aime ça se reconnaître dans le journal. On me dit qu'il me reste deux minutes, donc je suis obligé de conclure là-dessus.

On dit, au Québec, qu'on est très chanceux d'être dans une société aussi libre et aussi démocratique. En même temps, on reconnaît que la presse a un pouvoir important. Ça, c'est une réalité, c'est connu, c'est vrai et c'est bien. C'est un outil de la démocratie. Mais, d'pnrès vous, est-ce que notre droit à l'information nécessite pareille modification - quand je parle de "pareille modification", c'est une modification dans le sens où vous la demandez - ou bien si ça faciliterait? La preuve, c'est qu'on retrouve quand même dans les journaux, à tous les jours, dans les quotidiens, passablement d'informations. Ce n'est pas une nécessité, la modification, pour faire une bonne job, on en a la preuve, sauf que ce serait une facilité.

M. Doray: Mais, plutôt que d'avoir le rapport de la police qui donne les événements tels qu'ils se sont produits, les journalistes devront interroger l'une ou l'autre des personnes, malheureusement, des fois une seule et avoir, soit une information partielle, soit une information beaucoup moins rigoureuse. Il faut faire attention: à donner de l'information partielle, on crée un biais. Des fois, on reproche à la presse d'être tendancieuse, mais encore faut-il lui donner les moyens de faire une analyse complète de ce qui s'est produit, de ce qui s'est passé. Ce que vous me dites, c'est que, dans le fond, à l'heure actuelle, par des moyens indirects, les

journalistes réussissent à encrer leur papier tous les jours. C'est vrai, mais peut-être le feraient-ils encore mieux s'ils avaient ce constat généralement assez neutre et objectif qu'est le rapport de police qui dit: À telle heure, telle personne est venue à tel endroit. Ce n'est pas dans tous les cas et je pense que l'Association reconnaît très bien la pertinence de garder, pour la police, certaines informations d'enquête.

L'article 28 a sa raison d'être dans une large mesure et ce n'est pas à ça qu'on s'en prend. Ce qu'on dit, c'est qu'on a le droit de connaître les événements qui se sont produits, qu'on a le droit de savoir quand des poursuites sont prises. Dans le milieu, quand il y a une enquête de police, il faut que la police puisse faire son travail et, entre ces deux paramètres, l'article 28 peut très bien exercer son rôle. Mais il y a deux segments, là: le premier, c'est-à-dire l'événement qui se produit dans la vie civile, d'une part, et la poursuite judiciaire intentée, d'autre part. Ce sont les deux bouts dont on a besoin pour assurer un contrôle, d'abord, pour être sûrs que les gestes répréhensibles seront poursuivis, parce que, si vous avez eu l'input, vous attendez un jour l'output, vous allez faire pression sur le gouvernement pour qu'il prenne des procédures judiciaires. Pour ce qui est de la partie du milieu, la loi semble assez bien adaptée au travail des policiers. Je pense qu'ils se sont bel et bien dessiné un article qui protège leur travail de recherche et d'enquête.

M. Paré: Alors, merci. J'espère que votre association sera de ceux qui seront présents au fameux débat sur le sujet dont on vient de traiter.

(17 h 15)

M. Doray: Mme la ministre, est-ce que ce serait possible de laisser à M. Winters une demi-minute? Il voudrait apporter une précision par rapport à ce qui a été dit dans son mémoire, hier, au sujet de l'appel à la Cour du Québec. C'est suite à une réflexion peut-être. La nuit portant conseil, il voudrait vous permettre d'avoir un meilleur éclairage sur la position de Southam, de The Gazette et de l'Association.

La Présidente (Mme Bégin): Donc, comme il y a consentement de part et d'autre de cette commission, je vais reconnaître M. Winters pour quelques instants.

M. Winters: Merci beaucoup. Ce sera très court. Vous avez peut-être remarqué que, dans notre mémoire, au sujet de l'appel, on mentionne, dans le cas des trois juges, qu'idéalement c'est mieux trois juges, mais que, pratiquement, on comprend qu'avec trois juges ce n'est pas toujours facile d'avoir une décision rapide. On n'a pas donné la même mise en garde pour les deux paragraphes avant où on parie des appels jusqu'à la Cour supérieure. C'est pour ajouter cette mise en garde qu'idéalement c'est mieux d'avoir recours à tous les autres niveaux de tribunaux, mais qu'on comprendra si, à cause des questions pratiques, c'est limité. Dans le mémoire, il faut ajouter cet élément de précision, cette nuance.

À l'article 2, les municipalités, si on ajoute le mot "créer" avec les 50 %, si on ajoute l'idée de créer par municipalité, ça pourrait couvrir d'autres cas qui ne sont pas touchés. Mais, à l'article 14, je voudrais clarifier les choses. On avait dit qu'on ne voulait pas une législation hâtive, mais, en réalité, ce qu'il faut clarifier, c'est que The Gazette et l'Association des quotidiens cherchent un changement pour que ce soit très clair que l'identité des victimes et des personnes arrêtées soit disponible.

Le dernier point c'est qu'on parlait hier des dossiers et documents. Me Doray a formulé un endroit dans la loi où ce problème pourrait être réglé, à l'article 9. C'est une façon dont ce problème pourrait être réglé. Si on ajoute: Toute personne qui en fait la demande a le droit d'accès aux documents d'un organisme public, y compris tout dossier constitué par un organisme public, ça pourrait éliminer la confusion que semble avoir apportée ou amenée la Cour du Québec, une situation qui nuit beaucoup aux quotidiens du Québec, dans son utilisation de la loi d'accès. Si on ajoutait... Parce que c'est vraiment l'article 9 qui a été cité par la Cour du Québec pour dire: Ah! vous avez droit juste à des documents, pas à un dossier, vous ne pouvez pas demander un dossier. C'est un endroit où cette correction du législateur pourrait faire les précisions dont la Cour du Québec semble avoir besoin.

La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Winters. Je remercie également Me Doray de s'être déplacé. Mme la ministre, je m'excuse, est-ce que vous voulez conclure?

Mme Frulla-Hébert: En conclusion, merci à tous les deux. On va prendre bonne note, de toute façon, de vos recommandations, avec, évidemment, le Comité de législation. En ce qui a trait à l'article 2, évidemment, tout ce qui s'appelle paramunicipal demeure une question encore en suspens à laquelle je suis très sensible. Il faut aussi aller vérifier au niveau de la Loi sur le ministère des Affaires municipales, puisque eux nous ont demandé de nous arrimer avec eux, de telle sorte qu'on ait tous les mêmes définitions. Alors là, finalement, on verra où vont les définitions, d'une part. J'espère avoir calmé toutes vos inquiétudes concernant l'accessibilité à l'information gouvernementale. Le groupe de travail qui sera formé - le groupe de commercialisation dont on parle - verra, finalement, à prendre en compte tous les aspects de la question autant du secteur privé que du secteur public, des organismes, etc., mais on va essayer

de le faire assez rapidement parce qu'on a un problème, on a un problème d'abus.

En terminant, il faut que je souligne que - et je pense que vous êtes sûrement d'accord puisque vous connaissez très bien la loi et que, de toute façon, vous collaborez avec nous pas mal - le problème de cette loi est quand même particulier parce qu'elle régit, d'une part, des droits qui peuvent être divergents et souvent même opposés - on l'a vu - que ce soit les droits des individus, du public en général, des organismes privés. On a des exemples. Vous voulez avoir le droit à l'accès à la victime; le Protecteur du citoyen et la Charte des droits et libertés disent: Non. Vous parlez de l'article 9 du projet de loi qui vise à modifier l'article 29. 1 sur les organismes quasi judiciaires, vous y voyez un problème; la FNC nous félicite. Alors, à l'intérieur de tout ça, on va essayer d'avoir une loi qui regroupe le plus grand consensus possible. Chose certaine, c'est qu'il va falloir procéder à l'entérinement de cette loi pour qu'on puisse démarrer, pour en arriver à d'autres modifications prévues dans la loi en 1992, parce qu'à la fin de ces deux jours on s'aperçoit qu'on peut continuer et, justement, c'est la nature de la loi, vous le savez. C'est une loi qui est évolutive. Donc, on peut continuer à discuter et on va encore trouver des choses ensemble. Alors, on va faire tout notre possible pour chercher un plus grand consensus. On va essayer de plaire et de rassurer aussi le plus grand nombre possible. Je sais qu'il y a certaines décisions qui feront l'affaire des uns mais qui ne feront pas l'affaire des autres, mais on continuera à évoluer et on continuera à discuter en ce qui a trait au projet de loi ou, enfin, à la loi sur l'accès et, encore là, on a 92 modifications ou clarifications, etc. Il y a le secteur privé à ajouter, il y a le secteur technologique ou le développement technologique à ajouter, l'informatique. Alors, on sera vigilant. Merci.

La Présidente (Mme Bégin): Merci, Mme la ministre.

M. Doray: Merci, Mme la Présidente, M. le député.

La Présidente (Mme Bégin): On vous remercie, Me Doray et M. Winters, de vous être déplacés pour venir faire valoir les représentations de l'Association des quotidiens du Québec.

Maintenant, j'inviterais le Groupe de recherche informatique et droit, qui est représenté par M. Pierre Mackay ainsi que M. René Laperrière, à prendre place.

Groupe de recherche informatique et droit

M. Laperrière (René): Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés...

La Présidente (Mme Bégin): Je m'excuse. M. Laperrière: Oui.

La Présidente (Mme Bégin): Pour le bénéfice de l'enregistrement des débats de cette commission, est-ce que vous pourriez vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne, pour savoir qui parle et à qui on a affaire?

M. Laperrière: Oui. Je suis René Laperrière, professeur à l'Université du Québec à Montréal au département des sciences juridiques et membre du Groupe de recherche informatique et droit. Je suis accompagné par mon collègue Pierre Mackay, du même département, directeur de ce groupe de recherche.

Le Groupe de recherche informatique et droit travaille sur les questions de droit et d'informatique depuis 1984. Nous sommes heureux de cette occasion qui nous est donnée pour pouvoir faire des représentations sur la loi d'accès et de protection des renseignements personnels, qui est une loi très importante au Québec compte tenu de la prépondérance qui lui est donnée. Nous avons pris connaissance du projet de loi 62 et nous avons rédigé notre mémoire avant une série d'hypothèses, de propositions et de modifications qui ont circulé depuis, de telle sorte que nos remarques porteront sur le projet de loi tel qu'il avait été déposé au mois de juin, mais nous essayerons de tenir compte des diverses propositions et modifications qui ont pu survenir depuis, lorsque nous répondrons à vos questions.

Par ailleurs, le projet de loi 62 fait partie d'une certaine multiplicité de lois. Il y a d'autres lois qui ont été adoptées à la session de juin et il y en a qui ont été retirées. Nous essayerons donc de tenir compte de ce contexte global.

Nos analyses reposent sur deux prémisses qui sont les objectifs poursuivis par la loi: celui de la transparence de l'information gouvernementale et celui de la protection de la vie privée et des renseignements personnels, et c'est dans le sens de ces objectifs que nous désirons faire quelques remarques. Maintenant, nous ne nous en tiendrons pas au texte de notre mémoire, parce que nous croyons que tout le monde a pu en prendre connaissance, mais allons insister sur certains points qui demeurent peut-être encore en suspens.

En ce qui concerne le champ d'application de la loi d'accès, on a abondamment discuté ici des organismes municipaux ainsi que des décisions des organismes quasi judiciaires. Mais nous aimerions insister sur la question des pouvoirs qui seraient donnés aux services de sécurité interne, c'est-à-dire sur l'obligation qui leur serait faite de garder le secret sur leurs enquêtes. Nous croyons que, déjà, le libellé de l'article en question, l'article 28, est très large, parce qu'il permet de couvrir non seulement les

opérations policières, mais toute espèce d'enquête ayant trait aux infractions aux lois. Et, dans ce contexte, d'élargir encore la portée de l'article 28 pour y inclure les services de sécurité interne nous paraît une extension de ces services qui les rend semblables à des services policiers, alors que les services de sécurité interne ne sont pas soumis aux mêmes obligations que les services policiers.

Par ailleurs, nous avons fait état de l'augmentation de la discrétion administrative et, là-dessus, nous pensons que certains articles laissent un peu trop carte blanche à l'administration. Alors, nous aimerions insister sur trois points: celui de la commercialisation, celui des avis et recommandations et celui des échanges.

En ce qui concerne la commercialisation, je pense que tout le monde sera d'accord qu'on doit tenir compte d'une politique de commercialisation, faire une politique de commercialisation des informations gouvernementales. Actuellement, il n'y a aucun encadrement juridique particulier et c'est un problème qui se pose de façon très complexe. Alors, nous pensons que, plutôt que de changer l'article 12 pour énoncer une règle générale, il y aurait lieu quand même de faire enquête pour pouvoir considérer les cas particuliers dans lesquels cette commercialisation peut être faite.

En ce qui concerne les avis et recommandations, nous sommes en présence d'un chassé-croisé de dispositions qui sont l'article 37, l'article 87 de la loi dans son état actuel, l'article 86. 1 qui vient la modifier et une disposition particulière qui concerne les universités. Alors, seulement pour commenter, en ce qui concerne les universités, nous croyons que le libellé de l'article 47 de la loi modificatrice ferait que les universités échapperaient à une règle élémentaire de justification publique de leurs décisions et leur donnerait un statut tout à fait particulier, hors du commun.

On a probablement oublié qu'il y avait des étudiants dans les universités et que cette disposition-là ne s'appliquerait pas seulement à l'évaluation des professeurs, de leurs projets de recherche ou de leurs subventions, mais pourrait aussi s'appliquer aux étudiants et que cela constituerait une négation de certains droits fondamentaux. C'est assez difficile de pouvoir réclamer une telle exception aux règles élémentaires de la transparence démocratique quand, par ailleurs, les corps professoraux ont permission d'enseigner, de respecter et de promouvoir les droits fondamentaux.

(17 h 30)

En ce qui concerne les échanges de renseignements personnels maintenant, probablement qu'un des problèmes les plus graves qui se posent à l'heure actuelle, c'est que le secteur privé n'est pas réglementé au Québec, de telle sorte que l'article 66 permet aux organismes gouvernementaux de recevoir de l'information du secteur privé, cette information-là n'étant soumise à aucune des règles de collecte auxquelles sont soumis les organismes publics actuellement. Les articles 67 et 68, à certaines conditions, permettent aux organismes privés de transmettre de telles informations au secteur privé de telle sorte que nous sommes dans une situation où on a deux poids deux mesures. Un grand nombre d'échanges de renseignements personnels se fait de plus en plus avec le secteur privé sans que ce soit régi par la loi d'accès. On assiste à un certain nombre de contournements de la loi d'accès par ce mécanisme.

Par ailleurs, le libellé de l'article 67 est formulé en termes très larges et permet de communiquer des renseignements qui sont nécessaires à l'application d'une loi. Sans autre précision, cet article est une porte ouverte à tous les abus possibles parce que, par définition, un organisme public est chargé de l'application d'une loi. On peut présumer que le concept de nécessité n'est pas tellement restreint qu'il ne permette pas de faire plusieurs opérations qui rendent finalement l'article 68. 1 sur les couplages inopérant, étant donné qu'un organisme public peut toujours estimer que ses communications de renseignements avec d'autres organismes sont nécessaires à l'application d'une loi ou même que ses communications de renseignements avec l'entreprise privée sont aussi nécessaires à l'application d'une loi.

En ce qui concerne l'article 68. 1 sur - appelons-le - les couplages, qui a fait couler beaucoup d'encre et qu'on essaie d'examiner sous plusieurs angles en soulevant plusieurs hypothèses, nous croyons que le principal danger des couplages, ce sont les erreurs qui peuvent se produire à l'occasion de ces couplages. Nous ne sommes pas à l'abri des erreurs techniques. Nous ne sommes pas à l'abri non plus de l'information erronée, de telle sorte qu'il est assez difficile pour les citoyens de contester des informations qui peuvent être stockées dans les banques de données. Par ailleurs, certaines versions de cet article 68. 1 font peser un soupçon généralisé sur la population, un soupçon de fraude qu'on essaierait de vérifier sans pour autant donner des garanties aux gens concernés que leur parole pourrait être crue à un moment donné et qu'on ne donnerait pas un avantage indu à l'administration dans le traitement de leur dossier. Par ailleurs, d'autres versions visent essentiellement les programmes sociaux, donc les populations démunies qui sont très mal placées généralement pour essayer de contester ce genre d'opération, de telle sorte que nous estimons qu'il faudrait, pour la question des couplages, un encadrement beaucoup plus sérieux. Je vais vous en parler tout à l'heure.

Alors, pour insister sur ce qui nous apparaît comme les tendances lourdes de ce projet de loi, nous croyons que, dans son état actuel, il restreint encore davantage l'accès aux

documents des organismes publics et la protection des droits des individus en augmentant la discrétion administrative et en favorisant les échanges à l'intérieur de l'administration publique comme avec le secteur privé qui, rappelons-le, n'est astreint à pratiquement aucune norme publique de bonne gestion de ses données. Ces tendances s'inscrivent dans le double phénomène de la croissance d'un marché de l'information, lucratif mais menaçant pour les libertés si aucun contrôle n'est imposé à son expansion, et de l'expansion des contrôles sociaux par le quadrillage informationnel des populations. Sans garde-fou, nous nous acheminons rapidement vers une société où les pouvoirs publics et privés savent tout sur les individus et leur en cachent le plus possible. L'information étant devenue une condition sine qua non de l'exercice du pouvoir, son contrôle revêt une importance stratégique et politique considérable.

Dans une étude récente qui sera bientôt publiée par le ministère fédéral de la Justice, le GRID a fait enquête sur le développement des flux transfrontières de données personnelles. Des échanges de renseignements importants sont effectués avec des organismes ou des entreprises à l'étranger, sans aucun contrôle. Dans bien des secteurs, nous dépendons de nos échanges informationnels avec d'autres pays, principalement les États-Unis d'Amérique, pour assurer la gestion de nos organismes et de nos entreprises et ces autres pays possèdent et traitent par le fait même une masse importante de renseignements qui nous concernent, dont le contrôle nous échappe entièrement. Il est vrai que le Canada a adhéré, mais du bout des lèvres, aux lignes directrices de l'OCDE concernant la protection des données à caractère personnel. Mais il n'a encore pratiquement rien fait pour appliquer au secteur privé les principes reconnus internationalement, et toutes les juridictions canadiennes permettent des échanges extensifs avec un secteur privé pratiquement non réglementé.

Outre les dangers que représente la violation de ces principes pour la préservation des libertés et de la démocratie, la négligence de nos gouvernements pourrait nous fermer, à moyen terme, tout le marché européen de l'information personnelle. Je vous signale la discussion récente et l'adoption imminente d'une directive du Conseil de la Communauté européenne sur la question de l'information personnelle. Dans le cadre de la politique québécoise d'internationalisation de nos échanges et de la promotion de notre rôle d'intermédiaire entre l'Amérique et l'Europe, nous pourrions nous voir opposer, en vertu du principe de l'équivalence de protection, un refus des Européens de continuer de transiger avec nous, parce qu'ils s'estimeraient mal protégés par notre absence de lois régissant le secteur privé. De leur côté, les États-Unis d'Amérique ont légiféré dans plusieurs secteurs d'activité des entreprises privées, notamment les banques, les assurances, la câblodiffusion, pour réprimer ou empêcher les abus de l'informatisation généralisée. Serons-nous, au Québec, les derniers à prendre au sérieux ces graves problèmes et à y remédier?

Nous nous réjouissons de penser que le gouvernement a l'intention d'effectuer à l'automne une consultation publique sur l'opportunité de réglementer le secteur privé. Mais nous devons rappeler ici qu'il est urgent et très urgent que des contrôles soient institués dans ce secteur, en raison, notamment, des liens étroits qui se tissent actuellement sous forme de réseaux et d'échanges de services avec le secteur public.

Et là, j'aimerais rectifier un passage en page 12 de notre mémoire qui parlait des projets de loi 42, 71 et 76. L'information dont nous disposions au mois de juin n'était pas complète là-dessus et j'aimerais refaire le point un petit peu de ce côté-là. Actuellement, en ce qui concerne les possibilités de couplage et de communication de données, le projet de loi 42 a été retiré. Mais le projet de loi 76, dans le secteur public, entre organismes publics, permet des échanges entre la CSST et le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, qui peuvent se communiquer tous renseignements concernant les indemnités et le paiement d'assistance médicale à des gens qui sont des assistés sociaux. Et, à ce moment-là, il s'agit d'une disposition qui a été adoptée et permise sans que nous ayons, effectivement, une politique de couplage et pendant que nous continuons de discuter de ces choses-la, dans le cadre du projet de loi 62. Par ailleurs, avec le secteur privé, là, nous avons repéré l'adoption de la Loi sur l'aide financière aux étudiants, qui est la loi des prêts et bourses, disons, le chapitre 11 des lois de 1990, article 37, adopté au mois de juin. Alors, on part d'un bon pied avec un bon principe que c'est l'étudiant ou l'étudiante qui va fournir les renseignements sur son dossier à l'administration. Sauf qu'il y a un article 46 dans cette loi, qui est maintenant sanctionnée depuis le 8 juin 1990, à l'effet que "le gouvernement peut autoriser le ministre à conclure avec toute personne, société, corporation ou ministère - ça comprend donc le secteur public et le secteur privé - toute entente ayant pour objet de faciliter l'application de la présente loi." Ça pourrait viser les couplages, les appariements de dossiers, etc. Alors, ce que nous pensons, c'est qu'il faudrait songer quand même à agir sur la globalité du problème au lieu de jouer les apprentis sorciers et de consolider à l'avance des situations qui deviendront rapidement incontournables, compte tenu des investissements lourds que suppose la mise en place de systèmes d'information et de réseaux de communication.

Les couplages pourraient être réglementés aussi, en tout cas, ils ne devraient pas devenir des routines administratives et on pourrait

s'inspirer minimalement des balises fixées par la loi fédérale américaine concernant les couplages informatiques. Ceux-ci, aux États-Unis, doivent être expressément permis par la loi, annoncés dans leur équivalent de la Gazette officielle du Québec qui est le Federal Register au moins 30 jours à l'avance et soumis à une évaluation préalable par un comité de la Chambre des représentants, un comité du Sénat et l'équivalent de notre Conseil du trésor qui est l'Office of Management and Budget pour en apprécier les effets sur la protection de la vie privée. Alors, vous voyez qu'on prend le problème très au sérieux et qu on lui donne un bon encadrement juridique. L'Office of Management and Budget doit émettre des directives et assurer la surveillance de toutes ces opérations. La loi interdit spécifiquement d'établir un fichier national - qui est une des craintes qu'on peut avoir dans tous les pays - qui combinerait l'information de plusieurs agences gouvernementales ou même de divulguer des renseignements au secteur privé pour permettre des couplages informatiques. Alors, si on veut s'inspirer de ce qui se passe aux États-Unis, il y a déjà pas mal de réglementation sur le sujet.

Évidemment, il y a d'autres ressources ou recours que les recours juridiques. Et là, nous avons fait état de suggestions de notre collègue Jean-Pierre Lemasson - vous pourrez toujours les consulter - pour utiliser la technologie informatique plutôt que les lois et les recours, pour pouvoir assurer effectivement la protection de la vie privée des citoyens, particulièrement dans le secteur privé.

Alors, pour conclure, nous pensons que le projet de loi, tel qu'il avait été rédigé, en tout cas, méritait une sérieuse révision pour correspondre aux objectifs de transparence de l'administration et de protection de la vie privée qui ont présidé à l'adoption de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et qui devraient continuer à en inspirer l'évolution.

Nous croyons aussi qu'il ne s'agit pas seulement, pour améliorer cette loi, d'augmenter les droits ou de perfectionner les droits qui sont donnés aux citoyens, il faut aussi avoir un oeil et une surveillance constante sur la gestion des bases de données en particulier, pour éviter que se présentent des situations qui sont liberticides. Par ailleurs, nous déplorons un peu que nous ayons affaire à une situation où on adopte des lois en pièces détachées. On a un projet de réforme du Code civil qui a été adopté et sanctionné mais non mis en vigueur; on a un projet de loi 62; on a un projet de loi 76 qui a été sanctionné; on a la Loi sur l'aide financière aux étudiants, enfin, un tas de dispositions dont il est difficile de voir les conséquences sur l'ensemble. Et même, dans le processus actuel, quand on suggère toutes sortes de modifications, quelquefois, une modification qui est suivie par une autre modification nous empêche de voir quel est le bilan global de ce qui se passe. Là-dessus, par exemple, la proposition de l'article 86. 1 est extrêmement difficile à interpréter, parce qu'on ne peut pas savoir de quel côté ça va tomber, et ce serait très aléatoire. C'est d'autant plus déplorable que nous avons affaire à une loi très générale et à une loi prépondérante au Québec. Alors, on devrait mettre un grand effort pour que cette loi-là puisse avoir la meilleure cohérence possible et qu'elle ne soit pas contredite, qu'elle ne risque pas d'être contredite par d'autres lois particulières. Je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Laperrière. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre des Communications.

Mme Frulla-Hébert: M. Laperrière, merci de vos interventions. Je sais, de toute façon, pour vous avoir entendu à quelques reprises, à la télévision entre autres, que toute la question de recherche, d'informatique, de développement technologique, tel que nous, d'ailleurs, vous inquiète beaucoup quant au couplage. Il y a une question que j'ai posée ce matin, qui semble générale, mais j'aimerais quand même... Selon votre expérience, pensez-vous qu'éventuellement il va être possible, finalement, de baliser le développement - à la vitesse qu'il se fait - de la technologie, si on veut, spécialement informatique, pour justement protéger la vie privée, si on veut, cette protection de la vie privée? Je sais que la réponse c'est: Oui, il le faut, mais est-ce qu'il y a des choses sur lesquelles vous travaillez, par exemple, qui peuvent nous donner certaines pistes pour y voir clair? On a un comité interministériel qui y travaille présentement, la CAI y travaille aussi présentement, mais est-ce que, vous, de votre côté, vous faites, avec votre groupe, un cheminement?

M. Laperrière: Avec votre permission, je vais laisser mon collègue s'exprimer sur cette question.

La Présidente (Mme Bégin): M. Mackay.

(17 h 45)

M. Mackay (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Le Groupe de recherche informatique et droit - on vous l'a dit - a été fondé il y a déjà sept ans et c'est l'objet principal de ses préoccupations, de ses réflexions et de ses travaux. Nous avons des projets et des programmes de recherche dans ces secteurs qui impliquent à la fois l'étude des législations comparées et des progrès qui se font au niveau des organismes internationaux. L'information, vous le savez très bien, est un phénomène. On vit dans une société d'information et l'internationalisation du phénomène nous amène à réfléchir dans le cadre de l'informatisation, de l'internationalisation de ce phénomène et de ces marchés parce que l'infor-

mation est aussi un marché.

Pour répondre plus spécifiquement à votre question et si on compare à la législation d'un certain nombre d'autres pays, il me semble, il semble à notre groupe qu'une question fondamentale qui concerne les renseignements personnels, leur collecte, leur stockage, leur traitement et leur échange, qu'un principe fondamental n'est pas traité dans cette loi et c'est la question de la finalité pour laquelle ces renseignements sont colligés, traités, analysés et font l'objet d'une utilisation quelconque.

On demande à des citoyens et à des citoyennes de donner à l'administration publique, pour des fins particulières - admission aux études, obtention d'une bourse, obtention d'un service ou d'une prestation sociale, dossier médical, permis de conduire et ainsi de suite - un certain nombre de renseignements qui sont essentiels à l'administration de cette loi. Ça va bien jusque-là et le citoyen fournit ces renseignements sur la base de la finalité qu'on lui présente ou qu'on lui propose.

Or, le concept de finalité dans le traitement de ces informations-là, ou dans le couplage, ou dans l'appariement de ces informations-là n'est pas indiqué comme étant le critère auquel devrait se mesurer soit la commercialisation, soit l'appariement, soit le couplage de ces informations-là. Il est évident qu'un fichier, lorsqu'il existe, est constitué à des fins précises mais que l'information existant dans un fichier peut très bien être réutilisée. On va trouver toutes sortes de nouvelles utilités, toutes sortes de nouvelles finalités à cette information-là et on va se dire, à un moment donné: Si la RAMQ avait l'information qu'a la RAAQ ou ainsi de suite, on pourrait aller plus loin.

Or, l'information a été colligée auprès du citoyen sur la base d'une finalité donnée. Si on fait un transfert de dossier, un appariement de dossier, un couplage pour d'autres fins ou d'autres finalités, il nous semble qu'il y a là un abus dans l'utilisation de l'information. Il y a peut-être une piste générale ou une réflexion générale à faire sur les finalités pour lesquelles sont créés les dossiers, les fichiers, et se poser la question, très sérieusement: Est-ce qu'on peut utliser ces informations colligées à d'autres fins et à d'autres finalités et dans quelles conditions?

C'est une approche que la Cour supérieure du Québec a retenue dans une affaire impliquant (a vente, par une communauté urbaine, de ses fichiers, de ses rôles municipaux où la cour municipale a dit qu'un contribuable était en droit d'exiger que des renseignements, qu'il est obligé de fournir à sa municipalité comme locataire ou propriétaire, ne soient utilisés que pour les fins prescrites et diffusés ou rendus accessibles uniquement selon les modalités apparaissant à la loi.

Ça nous apparaît être une piste, en tous cas, qui n'est pas actuellement dans la loi et qui peut être un principe unificateur en termes de trouver un arbitrage entre la nécessaire information, l'échange d'informations, si ces informations sont échangées pour des fins analogues, dans la même finalité, parce qu\n les a colligées à ces fins-là et que, dans une espèce de contrat tacite avec l'administré, il a livré à l'administration publique des renseignements pour obtenir tel permis, telle prestation, etc., donc que ces renseignements-là ne soient pas utilisés à d'autres fins.

Alors, là, il y a peut-être une piste ou une voie de recherche. On n'a qu'à regarder, par exemple, la législation française qui a des dispositions précises quant à l'utilisation relative aux finalités.

M. Laperrière: Si vous me permettez d'ajouter, une des préoccupations majeures de noire groupe, c'est un peu de démystifier quelques présupposés qu'on a par rapport à l'informatique en soulignant, par exemple, les possibilités d'erreurs très graves qui peuvent se glisser dans ces systèmes-là, en soulignant, aussi, les possibilités d'établissement de profils qui feraient que les décisions de nature administrative ou judiciaire pourraient être complètement changées dans leur justification parce qu'on se fierait à des profils sur des individus plutôt que d'examiner les cas particuliers - ce qui est un des principes de notre justice, évidemment - de sorte que, quand on a affaire à la dimension informatique, y compris dans la loi sur l'accès qui n'en parle pas spécifiquement, à ce moment-là, on a presque un bon qualitatif, c'est la nature des problèmes qui change parce que les opérations... Prenez, par exemple, la constitution des listes noires de locataires qui se faisait à partir du fichier de la Régie du logement. Évidemment, quand c'est informatisé, on va chercher la bobine, on la met dans notre système, on a notre liste noire et on peut mettre ça à jour, etc. Dossier par dossier, ça ne pouvait pas se faire. Alors, toutes les informations de nature judiciaire, par exemple, si elles deviennent accessibles sans qu'il y ait de balises, à ce moment-là, ça crée des dangers considérables pour la vie privée des citoyens et pour notre système de justice. Donc, quand l'informatique s'introduit quelque part, il faut vraiment réaménager nos lois, nos réglementations pour tenir compte de ces dangers qui sont tout à fait nouveaux, qu'on ne pouvait pas prévoir avant que ne surviennent ces nouvelles techniques.

Mme Frulla-Hébert: De toute façon, comme je vous le dis, on est en train - le comité est formé, d'ailleurs, depuis, je dirais, presque huit mois - de le regarder. On aura l'occasion de venir vous consulter là-dessus. Je voulais aussi seulement apporter certaines précisions. À l'article 5, sur les banques de données, bon, l'article est retiré parce qu'on veut parler de

politique de commercialisation et vous aurez probablement l'occasion, justement, de participer à ça avec nous. L'article 19 sur le couplage, bien, la CAI va toujours donner son avis sur le couplage. Notre intention, c'était, évidemment, d'alléger le processus administratif. Déjà, on dit que la CAI est débordée, que ça prend du temps pour avoir des décisions justement à cause de la multitude des demandes. D'une part, il y avait eu une intention, même de la part de la CAI, de se voir alléger d'un processus administratif quant aux changements d'adresse, par exemple. Vu les malaises que ça peut apporter, la CAI, étant l'organisme responsable de la loi, devra donner un avis pour tout couplage, premièrement. Deuxièmement, on continue d'évoluer en ce qui a trait au couplage.

Quant à l'extension dans le secteur privé, dans un avenir très prochain, il y aura une commission parlementaire, initiée par mon collègue, le ministre de la Justice, Gil Rémillard, à laquelle participera aussi le ministère des Communications pour, justement, s'attaquer à ce problème qui est complexe de tout le secteur privé.

Ceci dit, M. Laperrière, j'aimerais seulement revenir un peu à votre remarque qui disait: Bon, il v a eu des amendements, il y a eu des apports. Vous savez que, sur la loi d'accès, il y a eu trois jours de commission parlementaire en 1988. On a consulté 300 organismes. L'an dernier, en 1989, on en a consulté encore. Cet été, on en a consulté encore et, effectivement, c'est une loi, comme vous dites, prépondérante, donc qui chapeaute les autres. Il faut connaître aussi les autres lois, telles les lois des ministères, par exemple, qu'elle chapeaute. Tout cela pour vous dire, effectivement, que ce n'est pas facile, mais les ajouts ou les amendements que l'on apporte, c'est pour essayer, du mieux qu'on peut, de bonifier la loi. Chose certaine, c'est que, les deux derniers jours, on s'est aperçu que les intérêts de l'un étaient souvent diamétralement opposés aux intérêts d'un autre groupe. Alors, il va falloir trancher. On essaiera de le faire dans la mesure, comme je le disais tantôt, du plus grand consensus possible, mais je ne pense pas, M. Laperrière, que vous pouvez nous blâmer d'avoir écouté ou, enfin, d'avoir été à l'écoute en termes de dialogue.

M. Laperrière: Ce n'était pas mon intention, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci. Alors, nous essaierons, de toute façon, de la qualifier, de la délégaliser dans le sens de changer des attitudes, de la publiciser aussi ou, enfin, de faire de la pédagogie autour de cette loi, dans la mesure où, à la suite des deux derniers jours, on s'aperçoit que ce n'est pas facile de faire un consensus.

La Présidente (Mme Bégin): M. Mackay.

M. Mackay: Je voudrais peut-être parler de deux questions. Vous avez parlé de l'article 5 qui a été retiré. Je pense que, dans son état actuel, c'était bien de le faire. Il faudra cependant penser à une période intérimaire entre maintenant, où beaucoup de choses sont possibles, et une politique qu'on souhaite voir venir bientôt, mais qu'on souhaite, aussi, intelligente et cohérente. Il y a une espèce de vide et il faudra songer à un encadrement peut-être un peu plus précis dans le contexte de cet intérim.

On parlait tantôt de questions de contrat type, ou d'entente type, ou d'un balisage qui pourra permettre aussi l'évaluation d'un balisage et de voir comment les acteurs interviennent. Je pense que ça va dans le bon sens; ça nous permettra de donner à la politique une substance ou une matérialité qui tienne compte de la réalité des acteurs et des intervenants, tant dans le secteur privé que public.

Sur la question de l'article 14, voilà un des exemples où il y a des tiraillements dans les deux sens. Nous avions souhaité, dans notre mémoire, aller plus loin dans la protection à accorder aux renseignements personnels. D'autres - et on le sait - les journalistes en particulier, vont plutôt dans le sens d'un accès général et global. Nous croyons cependant qu'on ne vit plus dans un petit village où il n'y avait pas de journaliste et qu'il y a aussi toute une série de commerces qui se font - et on ne vise pas, bien sûr, la plupart du temps, les grandes entreprises de presse - il y a tout un commerce qui se fait de ces informations où le sang à la une se vend bien et où on peut créer des drames épouvantables, parce que, dans un petit village, il y a 22 personnes qui le savent, mais, dans une grande municipalité, ça peut avoir des effets très dramatiques sur la vie et la carrière des personnes.

Nous souhaitions que les victimes soient incluses dans l'article 14 de la loi modificatrice et, sur la notion de victime, nous pourrions suggérer de se référer à la définition qu'en donne la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Pour être indemnisé comme victime d'un acte criminel, il n'est pas nécessaire d'avoir un auteur trouvé, puni et condamné par les tribunaux. Certains actes sont de par leur nature des résultats ou des victimes sont des victimes d'un acte qui est criminel même s'il n'y a pas un criminel qui a été accusé et trouvé coupable; c'est un crime sans auteur trouvé, mais je pense que la loi d'indemnisation a réglé ce problème d'une façon parfaitement adéquate. C'est la suggestion qu'on voulait faire, dans ce sens-là, de ne pas négliger les victimes dans ce contexte-là et de se référer peut-être au concept de l'indemnisation des victimes d'actes criminels pour dire que les victimes peuvent effectivement être couvertes dans cette protection.

Mme Frulla-Hébert: M. Mackay, on abonde

dans votre sens au niveau des victimes. On prend bonne note de la suggestion. Nous, ce qu'on voulait, dans le fond, c'était pouvoir donner accès à d'autres victimes, si on veut, finalement, à l'identité d'autres victimes pour qu'elles puissent avoir un recours collectif s'il le faut. C'était plus dans cette intention. Maintenant, sur l'intention de divulguer, il n'y a pas de consensus social là-dessus et, effectivement, nous avons commencé ce matin un débat public sur ce qu'est l'information pour l'intérêt public et nous allons faire appel à des groupes, justement, représentants les deux côtés, parce qu'on défend deux droits: le droit à l'information, qui est un droit fondamental dans une société démocratique, et le droit à la vie privée, qui est un autre principe fondamental. Tant qu'il n'y aura pas, justement, ce débat, je pense qu'il est de notre devoir aussi de protéger au maximum les divers individus. (18 heures)

Ceci dit, je veux seulement conclure en disant que nous essaierons finalement, de travailler de très près encore une fois avec vous pour voir comment, dans toute la question d'informatique, de développement informatique et de banques de données, finalement, cette loi pourrait être la plus adéquate possible versus l'évolution de la technologie.

La Présidente (Mme Bégin): Merci, Mme la ministre. M. Laperrière, voulez-vous compléter?

M. Lapenière: Oui, si vous me permettez de réagir. Quand vous avez mentionné, Mme la ministre, que la CAI était débordée actuellement en ce qui concerne la question des couplages plus précisément, nous sommes d'avis et nous l'avons déjà exprimé dans une étude qu'on a faite pour le gouvernement, que peut-être que, si la Commission est débordée, c'est qu'elle a beaucoup à faire de processus judiciaire pour entendre des plaintes. C'est peut-être légitime de le faire, mais il faudrait aussi que la Commission puisse surveiller de plus près la gestion des bases de données publiques, c'est-à-dire investir davantage dans la surveillance de la gestion parce que, quand on surveille la gestion, on fait du préventif. Si on évite un couplage catastrophique sur le plan de la protection des droits, on va peut-être éviter une avalanche de plaintes à la Commission. C'est la raison pour laquelle la Commission fait tout son possible pour pouvoir faire plus d'inspections, pour pouvoir faire plus de, ce qu'on appelle vérifications de système, mais c'est encore très insuffisant par rapport à tous les problèmes que l'on voit. Alors, ça nécessiterait, à notre opinion en tout cas, un investissement plus considérable dans les tâches de surveillance de la gestion qui sont confiées à la Commission. D'ailleurs, le gouvernement peut prendre lui-même l'initiative de ce côté-là, comme ça s'est fait au niveau fédéral où le Conseil du trésor a fait une enquête sur la question des couplages, il y a déjà plus de cinq ans, et où il s'est concerté avec le bureau du Commissaire à la protection de la vie privée pour émettre des directives qui sont applicables dans toute l'administration féJérale actuellement sur ces questions. Alors, ça ne nécessite pas des augmentations budgétaires considérables et ce n'est pas nécessairement seulement la Commission qui doit être investie de la tâche de surveiller ce qui se passe. Le gouvernement a aussi sa responsabilité à assumer de ce côté-là.

La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Laperrière. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui. Merci, Mme la Présidente. Je vous souhaite la bienvenue à la commission et je trouve très intéressants les propos que vous tenez en disant... À bien des points de vue, d'ailleurs, vous êtes un peu, pas mal, en opposition par rapport à d'autres témoignages qu'on a entendus depuis hier et je trouve ça très intéressant. Je dois vous dire qu'à la page 2, quand vous dites que la loi est nettement négative et en réaction aux objectifs initiaux poursuivis par l'adoption de cette loi de 1982, vous avez raison. Heureusement, il y a eu beaucoup de modifications qui vont nous permettre maintenant de penser que c'est beaucoup plus acceptable, quand on pense que ça se traduit par des amendements, par une politique de commercialisation, par un débat sur l'article 14, sur lequel je voudrais échanger un peu avec vous, et par un engagement pour l'automne d'une commission du ministère de la Justice concernant le secteur privé. Là-dessus, je dois dire - j'ai lu attentivement votre document et j'ai écouté tantôt - que vous avez une préoccupation majeure et importante par rapport à l'urgence de procéder dans le domaine de l'informatique, dans tout ce qui concerne le couplage - pas le couplage, je veux dire - l'information comme telle dans le secteur privé. C'est majeur et vous donnez des arguments qui sont loin d'être négligeables. Je pense, entre autres, quand vous dites que, déjà, on a commencé dans le secteur concernant, par exemple, les étudiants, qu'on a commencé dans des sociétés qui sont publiques; quand on met ensemble des fichiers de la CSST et de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, c'est la preuve qu'il y a urgence de légiférer par rapport à une politique là-dedans.

Vous allez plus loin en disant que c'est déjà en place, que c'est déjà en train de s'installer, que c'est commencé autant dans le public que dans le privé et qu'on ne sait probablement même pas tout, qu'on a des doutes, qu'on en connaît une partie, mais qu'on ne connaît certainement pas l'ensemble de ce qui se fait déjà dans ce domaine. Vous parlez de tissage et vous amenez un argument qui ne nous avait pas été amené encore mais qui est important. Le

groupe qui est venu l'autre jour, représentant l'entreprise privée - ce qui était très intéressant à entendre aussi et, effectivement, on a fait le tour pas mal des intervenants - disait qu'on avait l'urgence d'agir par rapport à notre retard, ici, en Amérique du Nord et au Canada. Là, maintenant, vous nous amenez la menace qui pèse sur nous si on n'agit pas du fait de ne pas se conformer par rapport à ce qui se passe aussi dans les pays de l'OCDE. C'est vrai que placé où est placé le Québec, de par sa place géographique mais aussi sa place culturelle et son contact avec l'Europe, si on ne sait pas en profiter, finalement, on perd une belle occasion et je pense que, comme société, il ne faudrait pas la perdre. Si on a la chance d'être encore plus prêts et de se rattacher avec l'Europe 1992, ne manquons pas notre chance! Ça veut dire qu'il faut se dépêcher à prendre les mesures qui vont faire qu'on va être éligibles et présentables, finalement, pour être capables d'avoir quelque chose.

J'ai pris bonne note de ça et vous pouvez être sûr qu'on va se reparler et qu'on va insister pour que ça se fasse rapidement, l'engagement qui est pris par rapport à ça où on doit se pencher là-dessus pour arriver avec quelque chose qui va, j'espère, être concluant.

Ça, c'est un point. Je ne serai pas très long, parce que vous avez eu des échanges avec Mme la ministre qui ont répondu pas mal à mes questions, mais il y a deux points sur lesquels je veux revenir rapidement, entre autres, en ce qui concerne les universités. Je trouve ça important qu'on en parle quelques minutes, parce que l'article 47. apporte, effectivement, une autre exception à la règle d'accès à l'information par rapport à plusieurs dizaines de citoyens qui peuvent et qui vont être concernés, en tout cas, à qui on enlève un pouvoir.

Ce matin, les gens de la CREPUQ sont venus nous dire - en tout cas, c'est ce qu'ils ont laissé entendre - que tout le monde le sait, alors qu'on sait très bien que tout le monde doit connaître les lois, mais qu'on connaît ce à quoi on s'intéresse et l'information sur laquelle on a la chance de tomber. On est loin de tout connaître. Dans le domaine de l'enseignement, les professeurs et les étudiants, je serais très surpris qu'ils soient tous chez eux à se demander de quoi on est en; rain de placoter nous autres ici et si on va changer leur avenir. À savoir que la commission va se réunir et qu'on va décider de modifier des choses, ça, c'est une autre affaire!

Sauf que ce qui s'est dégagé ce matin, suite à l'échange qu'on a eu avec les gens de la CREPUQ, c'est que les professeurs et les étudiants le savaient. S'ils n'ont pas manifesté d'opposition c'est que, finalement, il semblerait que c'est généralement compris et accepté et que c'est correct. J'aimerais ça avoir votre interprétation par rapport à l'article 47, la connaissance qu'a le milieu de ce qu'on est en train d'apporter et si on... On parle beaucoup d'information ou de sensibilisation. Si on allait faire un tour dans une université pour annoncer ce qu'on adopte, ce serait quoi, la réaction des professeurs - on a dit qu'ils étaient d'accord - et des étudiants?

La Présidente (Mme Bégin): M. Mackay.

M. Mackay: C'est une excellente question et je pense que le processus a été déclenché dans une période qui n'était pas très active dans le milieu universitaire, la période d'été; la consultation a débuté, je pense, en début d'été. Je suis loin d'être certain que tout ce projet a filtré et a été largement analysé par ce milieu, peut-être à l'exception de la CREPUQ.

Je vais laisser mon collègue Laperrière parler des universités, comme telles. Je voudrais parler d'un sujet connexe qui est l'article 44, les organismes subventionnaires. Je pense qu'on peut avoir des préoccupations de dire, effectivement, quand on évalue un projet de subvention, qu'il y a peu d'experts et qu'on connaît les gens. À ce moment-là, que l'évaluation soit livrée ou ne soit pas livrée, si le résultat est négatif et qu'il y a trois experts au Québec, on saura toujours bien que c'est un de ces trois experts là et, s'il y en a plus, je pense que ce n'est pas un grand danger.

La solution fédérale qui existe dans la loi fédérale m'apparaît être la bonne. On permet aux organismes subventionnaires de rendre ces évaluations, mais "dénominalisées", c'est-à-dire rendues anonymes. On répondra que, bien sûr, une fois rendues anonymes, avec le peu de personnes qu'il y a, ça nous permet de nous douter bien de qui c'est, d'une part. Mais, d'autre part, si on n'avait pas eu, au Québec, cette disposition, beaucoup de chercheurs québécois n'auraient pas les taux de réussite qu'ils ont aujourd'hui dans les organismes subventionnaires fédéraux, parce qu'ils n'auraient jamais eu les commentaires des experts qui ont permis à de nombreux chercheurs d'améliorer leurs demandes une fois qu'ils avaient subi un refus. Et il ne faut pas croire non plus que tout est fait arbitrairement dans les comités d'évaluation. Il y a du travail très sérieux qui se fait et la plupart des gens qui font un travail sérieux sont prêts à défendre leur évaluation de façon sérieuse.

Ça, c'est sur les organismes subventionnaires. Je pense que le modèle fédéral est le bon, le modèle de la loi fédérale, c'est-à-dire remettre les évaluations quand on les demande, mais rendues anonymes. Ça m'apparaît être valable.

Sur la question, maintenant, de l'exception pour les universités, outre le fait que toute la période de consultation s'est faite durant une période très inactive dans te milieu universitaire, où les gens sont à d'autre chose, sur le contenu...

M. Lapenière: Oui, bien, je serai...

La Présidente (Mme Bégin): M. Laperrière.

M. Laperrière: Je serai assez bref là-dessus. La façon dont l'article 5.1 de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire serait libellé est très très large par rapport à ce qu'on retrouve généralement dans la loi d'accès. On se surprend que, dans les universités qui aiment bien donner une image vertueuse au public de ce qui se passe chez eux, on veuille cacher certains éléments d'avis ou de recommandation d'ordre académique parce que ça ne concerne pas que des professeurs, ça peut aussi concerner et ça peut surtout concerner des étudiants. Ça peut ruiner des carrières, quand on n'arrive pas à contester une recommandation d'ordre académique, parce que tout est gardé secret. Quelqu'un qui se fait refuser sa thèse de doctorat, par exemple, ça cause des drames épouvantables pour ces gens-là qui investissent des années de leur vie là-dedans. Alors, on ne voit pas ce qui justifierait - moi, ça fait 22 ans que j'enseigne à l'université - je ne vois pas ce qui pourrait justifier les universités de demander une exception aussi large aux dispositions d'une loi qui est censée être prépondérante au Québec. C'est vraiment un cas qu'on n'a jamais vu.

Par ailleurs, j'aimerais revenir peut-être juste sur la situation en Europe. Je pense que vous faites bien de le souligner, mais il faudrait prendre conscience qu'en Europe, sur la question de la protection des renseignements personnels, ils ont dépassé les déclarations de principe de l'OCDE et même de la convention du Conseil de l'Europe. Ils deviennent opérationnels. La Commission de la Communauté européenne, qui est chargée de faire l'union de 1992, non seulement émet une directive à tous les gouvernements, mais crée un comité. Ce comité-là va dresser une liste des pays dans lesquels on a une protection équivalente à celle qui est offerte par l'unification des lois européennes sur la question et va examiner de très près les législations de ces pays-là. Il se peut fort bien que, pour des motifs qui ne seraient peut-être pas des motifs juridiques mais des motifs de concurrence économique tant que vous voudrez, ça leur donne un bon prétexte pour mettre (e Canada, en particulier, sur leur liste noire, parce qu'on est encore beaucoup moins avancés que les États-Unis, je vous le disais tout à l'heure. En matière de couplage, ils ont une loi aux États-Unis. Ce n'est pas vrai que le secteur public est non réglementé aux États-Unis. Il l'est beaucoup plus qu'ici. Les banques sont réglementées aux États-Unis. Ici, elles n'ont pratiquement aucune réglementation qui s'applique à elles. Alors, ça va devenir opérationnel très très vite et, si on n'est pas capable de montrer patte blanche, ce sont des occasions de commercialisation de nos bases de données, de nos logiciels, etc. Dès que cette commercialisation impliquera des renseignements personnels, on va pouvoir se faire mettre sur la liste noire et ils auront toutes les meilleures justifications du monde pour le faire. Il va falloir courir derrière très sérieusement.

Je vous donne un petit exemple: dans l'étude qu'on avait faite et qu'on a déposée en 1985, on recommandait qu'il y ait un droit de blocage comme en Allemagne, lorsqu'il y avait une contestation sur des données personnelles, qu'un organisme public ou privé ne puisse pas utiliser ces informations ni surtout les diffuser. Bon, ça existe en Allemagne, qui n'est pas le pays économiquement le plus arriéré à l'heure actuelle. C'est adopté par la Commission de la Communauté européenne. Le droit de blocage va devoir s'appliquer dans toute l'Europe et nous, on oublie ça. On n'en a plus reparlé. Nous, on en a fait la suggestion, mais on n'a pas revu ça dans aucun des projets, ou des documents, ou des commentaires. Ce sont des éléments comme ceux-là qui vont faire trébucher nos lois à un moment donné. Ça va se faire sur le même plan que les négociations du GATT, l'Accord de libre-échange, etc. Ça va prendre cette importance-là, à un moment donné, parce que l'information devient une denrée très précieuse sur le plan des échanges internationaux.

La Présidente (Mme Bégin): Mme la ministre a une courte précision, M. le député de Shefford.

(18 h 15)

Mme Frulla-Hébert: Oui, deux choses. D'abord, une précision au niveau de la demande de la CREPUQ. Vous dites que c'est nouveau. La CREPUQ nous fait - de toute façon, vous êtes dans le milieu universitaire - cette demande-là depuis 1987. L'amendement a été apporté ce printemps-ci mais c'est quand même depuis 1987 qu'ils sont convaincus qu'ils auront des problèmes, si on veut, pour avoir des opinions professionnelles, de libres opinions sur certains sujets puisque les gens sauront qui donne des opinions sur eux. Donc, ils y tiennent quand même depuis 1987, ce qui fait que... On parle toujours d'accès aux décisions qui sont motivées et circonstanciées, mais ils n'ont pas... Le milieu universitaire, en tout cas, n'en a pas démordu depuis tout ce temps-là.

M. Mackay. Si c'était la pratique d'avoir, dans le milieu universitaire, des décisions motivées et circonstanciées de façon systématique qui se fondraient, elles, sur des avis, des opinions ou des analyses obtenues antérieurement, j'aurais déjà un bon préjugé en faveur de l'argument. Mais ça fait 17 ans que je suis dans le milieu universitaire et combien d'opinions ou d'évaluations ai-je vu passer avec une ligne, un mot: bon, excellent, mauvais, un chiffre comme motif! Ça ne me convainc pas beaucoup sur le droit de l'étudiant ou sur le droit d'un collègue ou d'un professeur d'obtenir une opinion motivée

et circonstanciée. Par ailleurs, je réitère l'idée de l'expérience de ce qui se passe dans la loi d'accès fédérale et en matière d'organismes subventionnaires. Que je sache, les grands conseils nationaux, CRSNG, CRSH, le Conseil de recherches médicales du Canada, n'ont pas de difficultés à obtenir des évaluateurs, ou ils ont de la difficulté parce que ça demande beaucoup de temps et que c'est une tâche lourde. Et, en ce qui concerne les évaluations de professeurs, je pense que, dans l'immense majorité des universités ces dispositions-là sont couvertes par des conventions collectives qui prévoient les mécanismes, comment les avis sont versés aux dossiers des professeurs, comment ils peuvent y réagir, etc., et je ne pense pas que cette disposition-là va renverser ou modifier les dispositions des conventions collectives.

Il reste donc les étudiants qui sont visés par ça. Et j'ai été impliqué en particulier dans un cas de contestation d'une évaluation de doctorat dans une université québécoise où, si l'étudiante n'avait pas eu accès aux documents d'évaluation, jamais elle n'aurait pu contester la décision et elle a maintenant son doctorat et c'est un docteur en biologie. Il y avait, je vous jure, un certain nombre de motifs qui n'étaient pas reluisants derrière cette évaluation-là. Et jamais cette personne-là... Donc, je pense que ça implique, comme l'a mentionné mon collègue, des carrières et des enjeux majeurs. Je suis un universitaire et je ne vois pas pourquoi je serais privilégié de n'avoir pas à rendre compte des opinions que je donne sur des carrières qui ont des incidences sur des vies professionnelles d'étudiants et pourquoi je serais à l'abri du regard critique. Je ne me considère pas dans une tour d'ivoire et je ne voudrais pas que les universitaires le soient par une telle disposition.

La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Mackay. M. le député de Shefford. C'est votre heure.

M. Paré: Oui. Merci, Mme la Présidente. En conclusion, une dernière question concernant justement les victimes d'un rapport de police. Dans votre mémoire, on se rend compte que, concernant, finalement, l'identification ou non des victimes lors des arrestations ou des accidents, lorsqu'il s'agit d'un rapport de police, vous êtes d'accord avec la prise de position de la Commission d'accès à l'information. Je pense que vous étiez ici pour un ou deux groupes qui vous ont précédés, lesquels étaient en totale opposition par rapport à l'option que vous défendez. Quels sont les arguments que vous allez probablement utiliser lors du débat qu'on aura là-dessus? On a entendu ici, pendant deux jours, surtout ou presque exclusivement des gens, sauf les gens de la Commission, de groupes qui sont venus par la suite, qui défendaient, finalement, la position du droit à l'information, pas contre le respect de la vie, mais qui disaient que, finalement, on devait avoir copie de tout rapport rempli par la police, qu'on devait avoir une information immédiate, donc un accès total et immédiat à tout rapport. Donc, comme vous avez la version qui. est contraire à ça, j'aimerais ça avoir un peu d'explications ou que vous m'expliquiez, que vous me donniez des arguments.

M. Mackay: Je pense qu'on n'a pas une heure.

M. Paré: Non, vous n'avez pas une heure.

M. Laperrière: C'est sûr qu'il peut se faire un certain abus dans l'exploitation des renseignements qui sont obtenus par la police sur les victimes d'actes criminels, particulièrement d'abus sexuels. Ce ne sont pas nécessairement des gens qui vont courir à la police pour dénoncer la situation. Dans une section de la criminologie qui s'appelle la victimologie, on a beaucoup analysé le sort qui est fait aux victimes et ça revient assez souvent, quand on discute des lois sur le plan du droit criminel et même du droit civil. Il est sûr que, dans certaines circonstances, les victimes ont besoin d'une protection et qu'elles ont besoin aussi de jouir de la présomption d'innocence. Quand j'entends des entreprises journalistiques venir dire qu'elles ont besoin de toute l'information pour informer le public sur les victimes, probablement que, dans bien des cas, cette information-là "victimise" encore plus la personne. Donc, c'est assez dangereux de laisser ouvertes toutes les possibilités d'information à n'importe qui pour pouvoir mettre une pression sur ces victimes-là. Moi, je connais des gens qui ont été indirectement victimes d'actes criminels, leurs enfants qui se sont fait assassiner, des choses comme ça, ils apprennent ça dans les journaux. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que ça peut représenter pour une personne. Alors, ce sont des gens qui sont aussi victimes de ces situations-là et qui ont besoin d'une protection, et je ne pense pas que, par un grand principe, même celui de la liberté de presse, on puisse régler facilement cette question-Jà. Alors, il y aurait peut-être lieu d'approfondir, mais l'idée même de protéger les victimes est une idée qui, en soi, est extrêmement importante. On ne devrait pas laisser ça de côté. Il y a déjà assez d'abus comme ça envers les victimes sans les consacrer par un texte de loi.

La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Laperrière. M. Mackay, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Mackay: Ceci est la réponse courte. Je pense que je partage entièrement les préoccupations de mon collègue Laperrière, mais je pense que l'idée d'aller plus loin... parce qu'on a

devant nous vraiment deux droits en conflit, et c'est vraiment un endroit où ils sont en conflit avec une particulière vivacité: le droit à l'information, bien sûr, mais le droit aussi de contrôler certains abus qui peuvent se révéler dans les corps policiers. Il y a beaucoup de bonnes intentions de vouloir faire tout ça, puis il y a aussi des intentions moins louables, et il y a aussi le droit à la vie privée et au respect de ces valeurs fondamentales.

Je souhaiterais qu'on puisse s'exprimer plus en profondeur et étudier ça plus longuement. Et je pense que les criminologues, entre autres, auraient beaucoup de choses à dire sur ces questions-là. Je pense à des gens comme Pierre Landreville de l'Université de Montréal qui ont étudié ces questions de l'impact sur les victimes. Vous savez que notre système de droit pénal, il a beaucoup de qualités, mais, malheureusement, il a un grand défaut, c'est que la victime est expulsée complètement du processus et que ça crée un certain nombre de frustrations très importantes. Il faut voir certains événements récents, pour ne pas les nommer, où les victimes se sentent un peu mises de côté. Mais ce n'est pas unique à ces événements, c'est le sort qui leur est réservé dans le processus pénal. Il faudrait peut-être y songer et cet élément-là en est un parmi d'autres qui permettrait de leur réserver un sort un peu plus humain que celui qu'on leur réserve jusqu'à maintenant.

La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. Mackay. M. le député de Shefford.

M. Paré: Mon temps est fini, hein!

La Présidente (Mme Bégin): En conclusion.

M. Paré: En conclusion. Merci d'avoir préparé le mémoire, puis d'être venus nous le présenter et de l'avoir défendu.

La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. le député de Shefford. Mme la ministre, en conclusion.

Mme Frulla-Hébert: Encore une fois, merci, évidemment, de votre participation. Je veux quand même nous laisser tous sur une note un peu positive. C'est vrai qu'aux États-Unis ils sont très avancés en ce qui a trait à la protection des banques de données. D'une part, ils n'ont pas un organisme central telle la Commission d'accès, donc les gens doivent aller aux tribunaux, comme vous le savez. Nous, on peut se vanter, quand même, d'avoir un organisme central qui se veut très efficace. Chose certaine, c'est qu'on a compris l'urgence aussi. M. Laper-rière, je pense qu'on a déjà fait appel à vos bons conseils; on va continuer. Finalement, notre objectif pour insérer la question informatique à l'intérieur de la loi c'est 1992 mais, chose certaine, en fait, on est là-dedans, mais on va essayer d'activer ça pour, justement, rencontrer l'échéancier nous aussi pour qu'on ne soit pas pris de court. Ceci dit, encore une fois, un grand merci de vos recommandations.

Au niveau de la CREPUQ, on me dit qu'on veut des décisions motivées et circonstanciées. De toute façon, on a encore quelques semaines pour voir si on est capables de satisfaire au groupe... Ceci dit, on va essayer, justement, de prendre une décision. Comme vous venez du milieu universitaire, alors on prend bonne note de vos suggestions et de vos commentaires aussi. Alors, merci.

Mémoires déposés

La Présidente (Mme Bégin): Merci, Mme la ministre. Avant de clore les débats de cette séance, je vais déposer, devant cette commission, les mémoires qui ont été déposés par le Barreau du Québec ainsi que par la Commission des droits de la personne du Québec.

Nous avons terminé les travaux pour cette journée. Je vais donc ajourner sine die les travaux de la commission de la culture qui a procédé aux consultations particulières sur le projet de loi 62, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics...

Mme la ministre, on m'informe que vous avez certaines remarques finales à faire.

Conclusions Mme Liza Frulla-Hébert

Mme Frulla-Hébert: En fait, pour conclure le tout et pour résumer officiellement les deux jours que nous avons passés, nous et plusieurs groupes, à discuter du projet de loi 62 - nous sommes rendus au terme de ces deux journées d'audience - je veux d'abord remercier particulièrement tous ceux et celles, individus et organismes, qui ont exprimé leur avis sur le projet de loi et souligner leur contribution constructive et enrichissante à l'amélioration de notre loi sur l'accès à l'information. Je veux remercier aussi tout particulièrement ceux et celles qui ont déposé des mémoires devant cette commission et, comme le disait Mme la Présidente, je ne peux pas passer sous silence la contribution d'organismes comme le Protecteur du citoyen, la Commission des droits de la personne ainsi que le Barreau du Québec à la bonification du projet de loi. Également, mes remerciements s'adressent à la Commission d'accès à l'information pour son excellente collaboration et aussi à la commission de la culture qui siège et qui nous a aidés évidemment à passer ces deux jours.

Si on dresse un bilan global des audiences des deux premiers jours, on se doit de constater, dans un premier temps, la qualité des interventions. Cette qualité témoigne d'un souci manifes-

te de bonifier la loi sur l'accès à l'information et, comme je le disais hier dans mon discours d'ouverture, d'un souci de préserver les valeurs fondamentales qui en font un modèle unanimement reconnu.

J'ai constaté, en second lieu, que deux préoccupations générales reviennent constamment dans les interventions. D'une part, il y a la sensibilisation des citoyens à l'égard de la protection des renseignements personnels et, d'autre part, l'importance, selon les intervenants, que le gouvernement intervienne rapidement en matière de protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Je rappellerai à ce sujet que le ministère de la Justice convoquera, au cours des prochains mois, une commission parlementaire sur cette question, ainsi qu'il l'a lui-même annoncé. C'est bien là l'illustration de la préoccupation du gouvernement à l'égard de la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

J'ai tenu à annoncer aussi hier, dès le début de la commission parlementaire, mon intention d'introduire trois modifications au projet de loi 62. Deux de ces modifications sont, en fait, des améliorations à la rédaction de deux articles du projet de loi en ce qui touche l'accessibilité aux décisions des organismes quasi judiciaires et la définition des organismes municipaux assujettis à la loi sur l'accès. Je constate que sur ces deux questions l'unanimité est acquise et que nous nous entendons sur le fond de la question, c'est-à-dire sur les objectifs et la portée de ces deux articles. La troisième intention que j'ai annoncée hier touche le couplage des fichiers. J'ai manifesté l'intention de retirer cet article du projet de loi de façon que, tout comme par le passé, il ne puisse y avoir de couplage quel qu'il soit sans l'avis de la Commission d'accès à l'information. Nous convenons tous, me semble-t-il, qu'il faut poursuivre davantage nos réflexions sur cette question. N'oublions pas, cependant, que l'informatisation de l'administration publique est une réalité que nous ne pouvons pas ignorer.

(18 h 30)

Le président de la Commission d'accès à l'information faisait hier état des travaux que son organisme mène sur les couplages et dont les résultats seront disponibles dans quelques mois. Je prendrai connaissance de ses conclusions avec le plus vif intérêt et le ministère des Communications mène également des travaux dans le cadre d'un groupe de travail interministériel comme nous l'avons mentionné tantôt. Il importera rapidement aussi, comme nous l'avons mentionné, de dégager des consensus sur cette question pour profiter des avantages qu'offre la technologie tout en rassurant les citoyens sur la protection des renseignements personnels détenus par les organismes publics.

J'ai souligné dans mon discours d'ouverture aussi que l'exercice de la démocratie ne se limite pas exclusivement à permettre la libre expression des opinions et que, parfois, des arbitrages doivent être faits entre des positions parfois divergentes ou même opposées qui ont pu être exprimées en toute bonne foi par différents groupes. Ces arbitrages ne peuvent cependant se faire sans un minimum de consensus social. Il existe deux questions qui ont été abordées et sur lesquelles ce consensus actuellement n'existe pas suffisamment pour que l'on puisse les trancher de façon équitable. La première concerne l'identité des personnes impliquées dans un événement. On y retrouve deux positions diamétralement opposées. Tout d'abord, la position des organismes de protection des droits individuels. Ceux-ci me demandent de spécifier, à l'article 14 du projet de loi, que personne ne puisse avoir accès à l'identité d'une victime, ainsi que plusieurs autres organismes, tel qu'on les a entendus. À l'opposé, les journalistes me demandent de déclarer dans la loi sur l'accès et la protection des renseignements personnels que les noms des victimes ainsi que ceux des personnes arrêtées par la police ont un caractère public, c'est-à-dire qu'ils seraient accessibles pour tout le monde en tout temps. Comment concilier ces deux positions? Un large débat public sur ce sujet me semble être la prochaine étape sur cette question. Dans l'intervalle, j'entends conserver l'article 14 du projet de loi tel que proposé.

En second lieu, nous devons poursuivre la réflexion sur la question de la commercialisation des banques de données gouvernementales. Je rappelle d'abord que notre intention, telle qu'exprimée dans le projet de loi, n'a jamais été de limiter l'accès aux banques de données gouvernementales, mais bien d'encadrer et de baliser la commercialisation de celles-ci. Or, en l'absence d'un consensus suffisant, je préfère, pour le moment, retirer cet article et le remplacer par le dépôt d'une politique sur la commercialisation de l'information gouvernementale.

Je propose en plus la création d'un groupe de travail sur la commercialisation de l'information gouvernementale. Celui-ci devrait être formé, entre autres, de représentants de la Commission d'accès à l'information, du ministère des Communications, d'organismes publics et de représentants d'entreprises. Ce groupe de travail aura pour mandat de suggérer les mécanismes aptes à circonscrire la problématique de la commercialisation des banques de données et de l'information gouvernementale en regard non seulement des avantages économiques que cela comporte mais en prenant surtout en considération la nécessaire protection des renseignements personnels. Nous essaierons d'ailleurs d'en arriver avec une politique le plus rapidement possible. Il y a déjà certaines ébauches de politiques que nous avons et qui ont été faites en collaboration avec la Ligue des droits et libertés, entre autres, mais, en attendant, s'il y a lieu d'assurer l'intérim, nous y verrons.

Donc, Mme la Présidente, je tiens à faire,

en terminant, une mise au point importante quant à l'intégrité du processus démocratique qui a été suivi tout au long de la révision du projet de loi modifiant la loi sur l'accès. Ce processus a été exhaustif, transparent et honnête. Tous ceux qui ont voulu s'exprimer sur le projet de loi ont pu le faire, tant avant la commission parlementaire qu'au cours des présentes auditions. Il était important que ce projet de loi soit déposé au printemps dernier afin que nous ne soyons pas obligés de reprendre l'ensemble du processus d'étude du projet de loi depuis le début. Je suis maintenant convaincue qu'au terme de ces deux jours d'audiences le projet de loi qui résultera de notre démarche commune sera le fruit d'un consensus aussi large que possible. Ce consensus s'inscrit dans la tradition de transparence qui a jusqu'à maintenant caractérisé la législation québécoise en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels. Je tiens à vous remercier tous sincèrement. Merci à la commission de la culture, encore une fois. Merci au député de Shefford, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bégin): Merci, Mme la ministre. M. le député de Shefford, quelques remarques finales.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui. Merci, Mme la Présidente, Mme la ministre. Je dois dire que je suis heureux, moi aussi, qu'on se retrouve ici avec ce que je pourrais appeler une nouvelle loi, grâce à l'été et grâce à beaucoup d'intervenants que vous avez rencontrés durant l'été et qui sont venus discuter de leur mémoire. Je vais commencer par les remercier, tous les groupes qui ont pris le temps de nous préparer des mémoires, de nous les soumettre et qui se sont déplacés aussi pour venir discuter avec nous autres du projet de loi et de leur mémoire, et remercier spécialement les gens de la Commission d'accès à l'information qui eux n'ont jamais cessé de travailler, d'améliorer la loi, parce qu'effectivement c'est le genre de loi qui va être appelée à être modifiée toujours, parce que ça doit s'adapter à l'évolution et à la modernité. Donc, ces gens-là non seulement étaient ici, ont tout suivi, ont préparé, ont fait de bonnes recommandations aussi... Et, d'ailleurs, peut-être qu'une des déceptions, c'est qu'on n'a pas tenu compte de la majorité des recommandations de la Commission comme telle, même s'il y en a qui sont incluses, heureusement, mais ce n'est pas la majorité des recommandations de la Commission d'accès à l'information. Et on n'a rien retenu non plus parmi les recommandations majeures qui avaient été amenées par la commission de la culture, qui a travaillé au cours des dernières années sur ce dossier. Mais, par contre - et je le disais tantôt - je suis heureux que la loi ait subi suffisamment de modifications pour être beaucoup plus acceptable.

Évidemment, il nous reste un boulot important à faire, c'est l'étude article par article. Maintenant, il faudra rendre en termes légaux tout ce qui a été dit par rapport aux engagements qui y ont été pris, le suis plus heureux de le voir maintenant tel qu'il est là, parce qu'en juin ce projet de loi là était très inquiétant, au point où il a été dénoncé en termes assez virulents par certains organismes et, effectivement, c'était une orientation qu'on voulait donner et ce n'était pas acceptable: la preuve, et heureusement, c'est l'ensemble des modifications qui sont apportées. Je dois dire que je suis très heureux de ces amendements qui sont importants. J'aimerais juste en répéter quelques-uns, parce que c'est du boulot qu'on est en train de se donner, d'abord vous, Mme la ministre, comme ministre et votre ministère, la Commission d'accès à l'information et les membres de la commission ici et la commission de la justice. Parce que, parmi ce qui a été dit, il ne faut pas oublier qu'en ce qui concerne la politique de commercialisation, le groupe de travail, si on veut être constants et rendre justice à ce qu'on a dit ici, ça veut dire que, très rapidement, il faut agir, parce qu'on a dit, spécialement avec le dernier groupe, qu'il y avait urgence par rapport à ce secteur. Donc, un groupe de travail avec une politique de la commercialisation.

Pour ce qui est du service de sécurité interne, j'espère, Mme la ministre, qu'il sera possible qu'on connaisse, au moment de l'étude article par article, la réglementation dont il a été question au cours des débats. Pour ce qui est, maintenant, des victimes, tout ce qui est l'identification comme telle, ça, c'est un sujet sensible, majeur - on l'a vu - avec beaucoup de divergence, qui mérite un débat. Donc, ça aussi, on va s'attendre à un débat rapidement.

Dans les autres choses importantes aussi, il y a eu des amendements. Il y a eu des modifications. Il y a aussi ce que je considère comme un engagement, une décision puisque vous en avez parlé comme de quelque chose de formel: la commission de la justice qui va se réunir à l'automne pour permettre de regarder tout le secteur privé. Il y a eu d'autres articles. Entre autres, quand on regarde, le projet de loi dans son ensemble était bon, mais il y avait une dizaine d'articles qui étaient contestés et ils ont été ramenés ici par les principaux groupes qui sont venus présenter leur mémoire: pour beaucoup - je viens de les énumérer - il y a eu des décisions de prises, pour d'autres, il y a eu des amendements, pour d'autres, il n'y a pas de décision comme telle, sauf qu'il va falloir statuer. Je pense, par exemple, à l'article 37 que beaucoup de gens ont discuté. L'article 126 en est un autre. Il va falloir en tenir compte. Il y a le secteur privé que les gens trouvent aussi important et un que beaucoup de groupes ont amené et qui mérite qu'on le considère, c'est ce qui concerne l'accessibilité aux documents en ce

qui concerne la santé, la sécurité et les dangers par rapport à l'environnement. Et si c'est vrai que cette loi - et c'est vrai, c'est une réalité, la loi dont on discute, elle est fondamentale et elle a été votée à l'unanimité - doit toujours être modifiée, amendée et qu'on doit toujours la suivre avec un consensus, s'il y a quelque chose de clair par rapport aux articles que je viens de mentionner, c'est qu'il y avait consensus par rapport aux intervenants, et je pense qu'il va falloir en tenir compte. Là, moi, j'ai tout simplement hâte, et je vais vous dire probablement que je vais être présent, comme vice-président de la commission, au débat qui va avoir lieu lors de l'étude article par article où, je vous le dis, Mme la ministre, on va reprendre les mêmes débats, avec l'enrichissement qu'on est allés chercher grâce à nos invités et à tout le débat qu'on a eu, puis qu'on va poursuivre dans le meilleur intérêt des gens du Québec.

La Présidente (Mme Bégin): Merci, M. le député de Shefford. Ceci clôt les travaux de la commission sur la consultation concernant le projet de loi 62, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d'autres dispositions législatives. Avant de terminer, je vais remercier MM. Mackay et Laperrière de s'être déplacés pour venir présenter à la commission leurs représentations. Je vais ajourner, sine die, les travaux de cette commission.

(Fin de la séance à 18 h 42)

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