L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 13 mars 1991 - Vol. 31 N° 24

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration, ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités de 1992 à 1994


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Gobé): Si vous voulez prendre place. La commission de la culture va entreprendre ses travaux. Tout d'abord, je tiens à vous dire bonjour et à vous souhaiter une bonne journée à cette commission. Je vous rappellerai maintenant quel est le mandat de cette commission qui est de tenir une consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration intitulé Au Québec pour bâtir ensemble ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et 1994. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

La secrétaire: Oui, M. Bradet (Charlevoix) remplacé par M. Bordeleau (Acadie); M. Godin (Mercier) remplacé par Mme Juneau (Johnson).

Le Président (M. Gobé): Alors, bienvenue à cette commission. Je vais maintenant donner l'ordre du jour de notre journée qui est, ce matin, à partir de 9 h 30, d'entendre la Communauté urbaine de Montréal; à partir de 10 h 30, la ville de Montréal; à 11 h 30, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Par la suite, nous aurons une suspension des travaux de 12 h 30 à 16 h 30, pour reprendre avec le Mouvement pour une école moderne et ouverte; à 17 h 30, nous entendrons le Mouvement national des Québécois. À 18 h 30, nous suspendrons à nouveau, pour reprendre à 20 heures afin d'entendre le Centre pour femmes immigrantes de Sherbrooke; à 20 h 30, M. Donald L'Espérance et à 21 heures, le Réseau d'action et d'information pour les femmes, pour ensuite ajourner les travaux de cette commission à 22 heures.

Alors, les ententes pour le temps de parole sont généralement 20 minutes, sauf avis contraire du président de la commission, pour la présentation du mémoire et, par la suite, 20 minutes entre les différentes formations politiques, soit le gouvernement et l'Opposition officielle. Je vois qu'il n'y a pas de demande de remarques préliminaires. Je ne vois pas aussi de demandes de motion préliminaire.

Alors, je vais donc sans plus tarder convier d'abord les invités à se présenter; présenter les gens autour d'eux, expliquer qui ils sont et, par la suite, vous avez 20 minutes pour commencer l'exposé de votre mémoire. Vous n'êtes pas obligés de prendre les 20 minutes au complet. Ça peut être pris dans la discussion. Si les 20 minutes ne sont pas prises, le temps est réparti également de chaque côté afin de poursuivre la discussion avec vous. Alors, M. le président de la

Communauté urbaine de Montréal, bienvenue et vous pouvez commencer votre présentation.

Communauté urbaine de Montréal

M. Hamelin (Michel): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs membres de la commission parlementaire de la culture, je tiens tout d'abord, au nom de la Communauté urbaine de Montréal, à vous remercier bien sincèrement de donner à la Communauté l'occasion d'exposer quelques-unes des réflexions que nous a inspirées la lecture de l'énoncé de politique du gouvernement du Québec en matière d'immigration et d'intégration.

Je tiens d'abord, en premier lieu, à vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Waheed Malik, qui est président du Comité consultatif sur les relations interculturelles et interraciales à la Communauté urbaine de Montréal et à ma droite, M. Jean Isseri, qui est cordonnateur aux relations interculturelles et interraciales au bureau du président.

Je voudrais aussi, en tout premier lieu, féliciter le gouvernement et l'Assemblée nationale d'avoir organisé un tel débat sur deux des questions qui préoccupent le plus notre société, à savoir l'immigration et le passage de l'immigration à l'intégration. Je comprends que les consultations que vous tenez doivent amener le gouvernement à arrêter un plan d'action devant contribuer à garantir le dynamisme économique et démographique du Québec et sa cohésion comme société distincte en Amérique du Nord. La Communauté urbaine de Montréal répond à votre demande en soumettant un mémoire dont je ne ferai pas la lecture, mais dont je présenterai brièvement les faits saillants.

Nous avons d'abord tenu à rappeler que l'importante contribution contenue dans le rapport Au Québec pour bâtir ensemble, s'inscrit dans une démarche qui n'est pas nouvelle au Québec. En effet, déjà, en 1981, un autre très important rapport, Autant de façons d'être Québécois, posait les problèmes reliés à l'immigration et à l'intégration des membres de communautés culturelles minoritaires. Ce rapport annonçait, dans des termes très proches de ceux que nous employons aujourd'hui, les orientations mises de l'avant par l'énoncé actuel de politique du gouvernement. Je crois qu'il faut se réjouir de cette continuité et de cette communauté de perspectives qui ont animé le Québec depuis notamment la mise en place, en 1968, d'un

ministère de l'Immigration.

Par la suite, nous avons fait une courte présentation de la composition ethnoculturelle de la population de l'île de Montréal, depuis la création de la ville de Montréal. Le tableau de la page 17 de notre mémoire résume de façon saisissante l'évolution historique des grands groupes culturels sur le territoire de la ville de Montréal. À quelques variantes près, nous aurions pu obtenir une configuration semblable de ces groupes sur le territoire de l'ensemble de IHe, soit le territoire de la Communauté. En examinant le tableau, on peut constater qu'à l'exception de la période de 1831 à 1866, période où les Québécois d'origine britannique étaient majoritaires, Montréal a toujours eu une population d'origine française majoritaire. On constate aussi que le groupe de Québécois d'origine britannique ne cesse ne décroître depuis 1844 et qu'en contrepartie, les Québécois d'origines autres que française et britannique gagnent en importance, particulièrement depuis le début du siècle, et surtout depuis 1951. Cette dernière catégorie de Québécois est aujourd'hui évaluée à environ 35 % de la population de l'île de Montréal. Ainsi, Montréal devient de plus en plus cosmopolite, même si ce phénomène est moins accentué que dans d'autres agglomérations canadiennes telles que Toronto, Vancouver, Calgary, Edmonton ou Winnipeg.

Face à cette évolution, les dirigeants de la Communauté urbaine de Montréal ont décidé d'entreprendre des actions destinées à mieux gérer le changement institutionnel et les relations interculturelles dans les champs spécifiques de compétence de la Communauté. Le plan d'action retenu par notre organisation est exposé dans la troisième partie de notre mémoire. On y traite des six principaux volets de ce plan.

Le premier volet concerne la mise en place d'une structure de consultation permanente, d'une structure de dialogue entre les représentants de communautés culturelles et les responsables administratifs et politiques de la Communauté urbaine de Montréal. Cette structure prend la forme d'un comité consultatif sur les relations interculturelles et interraciales et relève directement du président du comité exécutif de la Communauté.

Le second volet vise à préciser les principes qui doivent guider les élus, les dirigeants et l'ensemble du personnel de la Communauté dans le domaine des relations interculturelles. Les principes d'équité, de représentativité, de non-discrimination sont énoncés dans une déclaration de la Communauté qui reprend ceux énoncés par le gouvernement du Québec en 1986. Cette déclaration est en évidence dans tous les points de service de la Communauté. (9 h 45)

Le troisième a trait à la représentation adéquate des membres des groupes ethnoculturels à l'intérieur du personnel de la Communauté urbaine de Montréal. Ce volet est plus longuement développé dans le mémoire parce que c'est probablement le défi le plus difficile à relever. Évidemment, c'est également le domaine où les mesures à prendre sont les plus nombreuses.

Le quatrième volet de notre plan porte sur rétablissement de relations de collaboration et de partenariat entre nos services et les groupes ethnoculturels. Le but visé est le développement d'une compréhension mutuelle, d'une adaptation des services aux besoins mieux cernés de nos clientèles particulières. C'est un domaine où la Société de transport, le Service de police de \a Communauté urbaine de Montréal ainsi que l'ensemble des autres services de notre organisation sont particulièrement actifs.

Le cinquième s'applique à la qualité des communications de notre organisation avec notre personnel, avec la population en général et avec les communautés culturelles en particulier.

Le sixième et dernier volet du plan d'action de la Communauté mobilise l'ensemble de nos services et concerne la conception et la mise en place des programmes de sensibilisation, de formation, de perfectionnement du personnel cadre autant que du personnel d'intervention directe.

Telles sont les grandes orientations que la Communauté urbaine de Montréal a privilégiées dans son plan d'action visant à adapter à la fois ses services et son personnel à la réalité de plus en plus cosmopolite de Montréal.

La dernière partie de notre mémoire concerne l'identification de recommandations. Dans la foulée des actions qu'elle mène depuis plusieurs années, la Communauté urbaine de Montréal estime important d'appuyer et de contribuer à la réalisation d'un programme québécois destiné à faciliter l'intégration des immigrants et des membres des communautés culturelles. L'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration identifie les différents volets des actions à mener et constitue un plan d'ensemble qui nous apparaît bien structuré et intégré. Dans cette perspective, la Communauté urbaine de Montréal souhaite faire part au gouvernement du Québec de ses attentes et préciser un certain nombre de priorités qu'elle est à même de dégager de son analyse de la situation et du bilan de ses interventions au cours des dernières années.

En ce qui a trait aux niveaux d'immigration, compte tenu que la vitalité démographique dépend dans une large mesure de l'apport de l'immigration, la Communauté appuie l'objectif global d'augmenter progressivement les niveaux annuels d'immigration afin qu'ils atteignent une proportion de 25 % du total de l'ensemble que le Canada reçoit. Nous considérons en effet que Montréal a la capacité de recevoir davantage d'immigrants dans la mesure où les structures d'accueil de ces derniers se renforcent. Une telle approche permet d'assurer une intégration

harmonieuse et d'éviter le développement de tensions sociales au sein de nos agglomérations urbaines.

En ce qui concerne la régionalisation de l'immigration, la Communauté souscrit à la volonté du gouvernement de l'accroître, prenant pour acquis que les structures de support économique et social de cette immigration régionalisée seront mises en place. Il est recommandé que l'Union des municipalités du Québec soit associée étroitement à la réalisation de cet objectif afin d'en assurer la réussite.

Concernant l'intégration, la Communauté souhaite la mise en place d'une table de concertation régionale regroupant, dans une première phase, les principaux acteurs institutionnels des différents paliers de gouvernement dans la région de Montréal. Cette table regrouperait en priorité les organismes qui ont mis de l'avant des mesures et des programmes concrets, afin de favoriser une participation accrue des membres des communautés culturelles et des minorités visibles, à la main-d'oeuvre et à la vie des institutions. Cette table pourrait avoir le mandat suivant: faire le bilan des actions entreprises au sein des organismes en matière d'intégration, identifier les projets à réaliser en commun, en particulier dans les domaines de la formation, de l'information du public, de l'embauche et de la recherche, assurer, dans une certaine mesure, bien évidemment, le suivi de la mise en oeuvre dans la région de Montréal du plan d'action gouvernemental en matière d'intégration.

En ce qui a trait aux programmes d'accès à l'égalité dans le secteur public, la Communauté urbaine de Montréal recommande que priorité soit accordée à un certain nombre de mesures susceptibles de favoriser l'atteinte des objectifs de ces programmes, objectifs qui sont particuliers à chaque institution. Ces mesures comprendraient, entre autres, le développement de banques de candidatures communes pour diverses catégories d'emploi, la promotion commune de certaines carrières, la mise en place de mécanismes d'aide au placement en milieu de travail et de projets pilotes d'insertion.

Dans le domaine de la formation et de la sensibilisation du personnel aux réalités multicul-turelles et multiraciales, la Communauté urbaine de Montréal recommande que les ressources des différentes institutions soient mises en commun et que soient développés des outils de formation professionnelle adaptés au contexte du secteur public, en particulier ceux destinés aux cadres confrontés à la gestion du changement au sein des organismes. Il nous apparaît également essentiel que les différents programmes de formation menés à ce jour dans les secteurs public et parapublic soient évalués, et que soit renforcée la formation interculturelle dans les programmes de techniques auxiliaires de la justice au niveau collégial, programmes qui mènent à ta carrière de policier, et dans l'en- seignement dispensé à l'Institut de police du Québec. La CUM recommande de plus qu'une action concertée dans le domaine de l'information porte en priorité sur les volets suivants: la fourniture d'un service de renseignements d'appoint multilingues pour l'ensemble des services publics de la région de Montréal, la mise en place d'un programme d'information intégré pour les nouveaux arrivants et des campagnes d'information communes destinées aux groupes vivant des problèmes d'isolement au sein des communautés culturelles.

Dans le domaine de la recherche, la Communauté recommande qu'un programme soit conçu par les institutions publiques et parapubliques, en collaboration avec les institutions d'enseignement supérieur du Québec. La recherche pourrait notamment porter sur l'impact de l'immigration sur l'économie des grandes agglomérations, le rôle des communautés culturelles dans le développement socio-économique des régions, les questions liées à la rétention de la population immigrante, la perception des organismes publics au sein des communautés culturelles.

Dans le domaine de la francisation, la Communauté recommande que l'ensemble des mesures contenues dans l'énoncé de politique soient le plus rapidement possible implantées.

Dans le domaine de la participation des membres des communautés culturelles aux instances décisionnelles et consultatives, la Communauté recommande que la formule des comités consultatifs sort étendue à l'ensemble des institutions des secteurs public et parapublic. Nous recommandons de plus qu'on systématise la représentation des membres issus des communautés culturellles et des minorités visibles au sein des comités et conseils relevant de nos grandes institutions publiques. Nous recommandons enfin que le comité de déontologie policière soit rapidement mis en place et reflète adéquatement, dans sa composition, les diversités ethnoculturel-les de notre territoire.

En ce qui concerne maintenant le suivi du plan d'action qui découlera de l'énoncé de politique gouvernementale en matière d'immigration et d'intégration, la Communauté recommande que ce suivi relève de la plus haute instance de l'appareil gouvernemental, soit le Conseil exécutif. Il apparaît essentiel que la mise en oeuvre de ce plan d'action devienne une priorité politique de l'ensemble du gouvernement. La Communauté recommande que chaque ministère produise, dans des délais raisonnables, un plan d'implantation politique en matière d'intégration. Ce plan devrait comporter les volets suivants: l'emploi, la formation, les relations avec les communautés culturelles et l'accessibilité aux services. Un bilan annuel des actions de chaque ministère devrait être produit. Ces mesures devraient également être appliquées par l'ensemble des services concernés des paliers municipaux et du domaine parapublic.

En ce qui concerne les gestionnaires supérieurs des secteurs public et parapubiic, la Communauté urbaine recommande que l'évaluation de leur performance soit liée à l'atteinte des objectifs fixés dans les plans d'action ministériels ou autres mis en place dans les différentes institutions - en fait, là, une partie de l'évaluation - qu'on tienne compte de ce fait dans l'évaluation de la performance. La Communauté recommande au gouvernement du Québec d'implanter des comités sectoriels de concertation regroupant des représentants ministériels, des représentants des secteurs public, parapubiic et des milieux associatifs. Ces comités sectoriels de concertation pourraient porter sur le développement et la promotion économiques, l'éducation et la francisation, la sécurité publique et la prévention de la criminalité, le développement et la promotion culturels et artistiques.

En ce qui concerne les associations émanant des communautés culturelles, la Communauté recommande au gouvernement de maintenir et d'accroître si possible le soutien financier et technique qu'il accorde à ces associations, afin de donner les moyens à ces dernières de jouer pleinement leur rôle et de relever le défi de l'intégration.

En conclusion, M. le Président, nous vous réaffirmons notre adhésion aux orientations générales contenues dans l'énoncé de politique proposé par le gouvernement du Québec. Nous savons cependant que la politique devra évoluer, se préciser au fur et à mesure que l'ensemble des forces en présence adhérera au projet d'une société d'expression française, pluraliste, démocratique, moderne, prospère. Une politique d'intégration exige du temps et de la persévérance, de la détermination et des moyens, de la créativité et de l'innovation et une forte dose de générosité. Un traitement efficace de l'intégration devra être global, devra impliquer l'intervention coordonnée de tous les ministères concernés. L'intégration exige aussi que l'on modifie nos approches habituelles, institutionnelles et que l'on apprenne à fonctionner de façon non cloisonnée en concertation avec des milieux qui sont différents des nôtres. Alors, voilà un résumé du mémoire de la Communauté urbaine de Montréal. Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions des membres de la commission.

Le Président (Ml. Gobé): Merci, M. Hamelin.

Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre et par la suite, je reconnaîtrai M. le député de l'Acadie.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Hamelin, et bienvenue à cette commission parlementaire. M. Hamelin, dans votre mémoire, vous avez suggéré la création d'une table de concertation qui regrouperait les principaux acteurs institutionnels des différents paliers de gouvernement dans la région de Montréal. Je trouve que cette idée est intéressante et je suis très sensible parce que, malgré notre ferme intention de favoriser la régionalisation de l'immigration, Montréal va rester le lieu où la majorité des immigrants vont venir s'installer dans les prochaines années. Le mandat d'une telle table de concertation serait cependant à étudier et je me demande, à mon avis, si les deux premiers points que vous suggérez, soit, par exemple, le bilan des actions entreprises au sein des organismes et l'identification de projets communs, sont particulièrement pertinents.

En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'énoncé de politique, je veux rappeler que nous avons aussi maintenant au ministère un secrétariat à la coordination gouvernementale qui est chargé d'assurer le suivi du plan d'action, notamment grâce à un réseau de répondants dans l'ensemble des ministères et organismes qui sont responsables des mesures relevant de leur champ de compétence. Alors, déjà, il y a une structure qui existe, qui n'existait pas il y a quelques années et qui existe depuis maintenant, je pense... c'est un an ou un an et demi. En termes de collaboration à développer, j'aimerais souligner que notre gouvernement attache beaucoup d'importance à l'harmonisation des actions en matière de sélection et d'intégration. Et, bien sûr, nous cherchons à nous assurer que les niveaux planifiés correspondent aux consensus sociaux existant dans la population, à la conjoncture économique et aussi à la disponibilité des services.

D'autre part, il serait certainement intéressant pour la CUM d'être mieux informée sur les caractéristiques des futurs arrivants parce que vous savez que, souvent, nous sélectionnons et ça prend un an avant que la personne arrive dans la région. Donc, il serait sûrement intéressant que la CUM soit mieux informée de ces caractéristiques pour planifier ses services en conséquence. Donc, je pense que nous pouvons à ce niveau-là avoir des collaborations. Il n'y a aucun problème dans ce sens. Mais j'aimerais savoir, si jamais il y avait création d'une telle table de concertation, quels seraient, à votre avis, les dossiers prioritaires d'une telle table.

M. Hamelin: Tout d'abord, je voudrais bien indiquer que, quand j'ai parlé d'assurer le suivi de la mise en oeuvre, j'ai bien dit dans une certaine mesure, et ça serait évidemment une aide au suivi qui serait effectuée par le ministère. Comme une telle table de concertation oeuvrerait strictement dans la région de Montréal, je pense qu'elle pourrait être précieuse pour aider à faire le suivi. Il ne s'agit pas là d'une table de concertation qui deviendrait un chien de garde. C'est une table de concertation qui serait pour aider... La même chose, quand vous parlez de la CUM, informer des caractéristiques des futurs immigrants. Je pense que cette

table de concertation serait le lieu tout indiqué parce qu'il n'y a pas que la CUM qui est impliquée là-dedans. La CUM y est impliquée dans la mesure de ses responsabilités, mais il y a d'autres responsabilités. Je pense aux institutions scolaires, je pense aux municipalités comme telles qui ont beaucoup plus de responsabilités, des responsabilités beaucoup plus vastes que celles de la Communauté. (10 heures)

Vous me parlez des principaux mandats ou des principales actions au départ, je crois que c'est la mise en commun des actions qui ont été entreprises. Au niveau de la Communauté, on peut le faire, par exemple, avec le service de police, avec la Société de transport parce qu'il y a des liens très étroits. Dans une certaine mesure, avec des municipalités membres, mais avec le réseau scolaire, par exemple, où il se fait sûrement des choses très intéressantes concernant l'immigration ou l'intégration, les liens ne sont pas faits de façon systématique; avec d'autres institutions gouvernementales, certains ministères sûrement, il n'y a pas de ces liens. Alors, le premier objectif ou la première raison d'être de cette table de concertation serait de prendre connaissance du travail qui a déjà été fait et d'éviter ainsi de faire la duplication d'un certain nombre d'actions qui ont été entreprises, qui ont été menées à bien, et on sait que dans ce domaine-là, ça ne fait pas tellement longtemps ou on n'a pas une tradition, là, tellement longue, et dans les débuts, ça a fonctionné un petit peu par méthode d'essais et d'erreurs et, à ce moment-là, une telle mise en commun des expériences de chacun des membres ou des institutions qui seraient regroupés autour de cette table de concertation, pourrait permettre, je pense, d'avancer beaucoup plus rapidement, par la mise en commun des expériences heureuses de chacun, et aussi des expériences qui auraient pu être moins heureuses, et qu'on éviterait ici de reproduire dans d'autres milieux.

Mme Gagnon-Tremblay: Lorsque vous parlez du bilan des actions entreprises au sein des organismes, vous savez que nous sommes actuellement en train de réévaluer nos programmes de subventions aussi, et nous voulons attribuer ces programmes en fonction des objectifs aussi qu'on s'est donnés dans notre nouvelle politique. Et moi aussi, je pense que c'est tout à fait important d'être capable de faire un peu le bilan ou l'inventaire des services actuellement donnés et en faire l'évaluation, à savoir si ces services-là sont donnés de façon conforme aux objectifs visés ou encore, qui les donne et comment on peut les donner, parce qu'il n'est pas seulement de l'intention du gouvernement de faire pour les autres, mais de faire faire aussi. Je pense que ça, c'est important. Et si jamais on faisait ce bilan-là des activités et des services après avoir, bien sûr aussi, identifié les besoins essentiels, les services essentiels qu'on doit accorder, comment, par exemple, dans la grande région de Montréal, on pourrait faire ce type de bilan, est-ce que, par exemple, ça devrait se faire à partir des CLSC, à partir de régions, à partir de quartiers? Remarquez, quand même, que c'est grand, Montréal, et on sait que les CLSC, par exemple, offrent déjà beaucoup de services a peu près dans tous les milieux. Comment vous voyez cette recherche-là, cette façon de faire?

M. Hamelin: Je pense qu'une telle table de concertation pourrait être très utile pour faire cette recherche. Les CLSC font certains efforts, les milieux scolaires font des efforts, les milieux municipaux font des efforts aussi. À ce que je sache, il n'y a personne qui ait réussi, à date, à intégrer tous ces efforts et à faire prendre conscience ou mettre en commun tous ces efforts qui sont faits dans des domaines bien particuliers. Alors, cette table de concertation que nous proposons, aurait, je pense, cet immense avantage d'avoir autour d'une même table tous les gens qui sont impliqués dans le domaine de l'immigration et surtout de l'intégration et de faire valoir chacun dans leur domaine respectif les actions qui ont été faites. Alors, cette table de concertation nous apparaîtrait être un lieu propice à ce bilan.

Mme Gagnon-Tremblay: En somme, si je comprends bien, M. Hamelin, c'est que vous êtes conscient qu'il se donne beaucoup de services pour l'intégration, mais qu'ils sont un peu éparpillés, finalement, et que si on pouvait, autour d'une table, rassembler tous ces intervenants, la coordination pourrait se faire davantage parce qu'on sait que la majeure partie, au-delà de 80 % de la population se retrouvent à Montréal. Donc, il serait beaucoup plus facile de faire une coordination. Autant le ministère ou ses organismes gouvernementaux, par exemple, cherchent actuellement à coordonner leurs efforts avec les autres ministères autant vous souhaiteriez, par exemple, que dans la région de Montréal l'on puisse aussi coordonner nos actions. C'est ça que je comprends bien.

M. Hamelin: Coordonner et concerter. Mme Gagnon-Tremblay: Concerter...

M. Hamelin: Je ne voudrais cependant pas, ou la Communauté ne voudrait pas que cette table devienne une table qui déciderait en lieu et place des organismes. Il n'est absolument pas question de ça. C'est vraiment de la coordination et de la concertation, laissant à chacun des organismes membres de cette table les responsabilités d'agir dans ses responsabilités particulières. Mais connaissant ce que l'autre fait, connaissant les politiques, les actions menées par les divers partenaires, je pense qu'à ce moment-

là, l'immigration, générale et l'intégration, au général, y gagnerait beaucoup à éviter certains dédoublements et faire profiter des idées originales à l'ensemble de la collectivité.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Hamelin.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Je vais reconnaître maintenant, pour quatre ou cinq minutes encore disponibles, M. le député de de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous saluer, M. Hamelin. J'aimerais peut-être aborder deux points que vous mentionnez dans votre mémoire. Toute la question du comité de déontologie policière. Vous mentionnez que vous souhaiteriez, au fond, qu'on accélère un peu la mise en place de ce comité de déontologie et qu'il soit également représentatif de la diversité ethnoculturelle du territoire de la CUM. J'aimerais que vous me donniez un peu plus d'information sur la façon dont vous voyez la représentativité. Ça veut dire quoi concrètement? Est-ce que vous avez eu des contacts actuellement avec les policiers et quelles sont les réactions de ce côté-là? Comment voyez-vous l'opé-rationnalisation de la mise en place de ce comité de déontologie?

M. Hamelin: Écoutez, si j'en parie ici, c'est que nous croyons, à la Communauté urbaine de Montréal, que ça presse. Le nouveau comité de déontologie policière, c'est en fonction depuis septembre dernier et les nominations ne sont pas encore faites. Il y a déjà au moins tout près de 125 cas qui ont été rapportés au commissaire à la déontologie. Les enquêtes sont à peine commencées et les comités ne sont pas encore formés. Alors, vous savez que les comités sont composés à un tiers d'avocats, un tiers de policiers et un tiers des représentants du public.

Nous avons soumis, à la Communauté urbaine de Montréal, des propositions au ministre de la Sécurité publique pour la nomination de citoyens. Au niveau des policiers, c'est fait par les corps policiers. Au niveau des juristes, c'est le ministère. Pour ce qui est des citoyens, nous avons fait des représentations pour nommer un minimum de 15 citoyens qui ne seraient pas à temps plein, mais évidemment à temps partiel. Ce minimum de 15 nous permet d'assurer une représentativité de l'ensemble de notre population. Si on accepte que cinq personnes pourraient siéger à ces comités, vous voyez que nous sommes restreints drôlement dans la représentativité de l'ensemble de la population. Alors, nous avons envoyé des suggestions au ministère. Nous demandons au ministère d'en nommer au moins 15 - nos suggestions en comportaient 15 - pour s'assurer de cette représentativité. Par la suite, le commissaire, quand il formera ces tribunaux de déontologie, pourra, dépendant de la nature du cas qui est soumis y affecter une personne qui pourrait être en mesure de bien comprendre la situation particulière qui sera soumise au tribunal de déontologie.

Nous pressons encore une fois, par le biais de cette commission, le gouvernement, le ministère de la Sécurité publique d'agir le plus rapidement possible. L'un des buts de cette réforme était de rendre un petit peu plus transparente toute la question de la déontologie policière; c'était aussi d'accélérer le processus. C'est en place depuis septembre; il n'y a rien de fait ou à peu près depuis ce temps-là. Alors, on a 125 cas en arrière et on va se retrouver très rapidement avec des retards dans l'administration de ce code de déontologie policière. On sait qu'en termes de justice, plus ça prend de temps, moins la justice est desservie. L'image qu'on voulait donner à la population, tous ensemble, autant la Communauté urbaine que le gouvernement - là-dessus, je dirais plus la Communauté urbaine que le gouvernement... Parce que ça fait tellement d'années qu'on pousse là-dessus, on risque de manquer le bateau si des nominations ne sont pas faites rapidement et si on ne procède pas à l'étude, à tout le moins des premiers cas, pour éviter qu'il y ait un tel engorgement, que ça prenne deux ou trois ans avant que les causes soient entendues.

M. Bordeleau: La deuxième question porte sur le tableau que vous avez à la page 29 de votre mémoire... sur les objectifs quantitatifs au SPCUM. En fait, vous nous donnez des taux de ce que vous appelez des taux de disponibilité qui - j'interprète - sont des objectifs, que vous souhaiteriez éventuellement atteindre.

M. Hamelin: Oui, ce sont des taux qu'on souhaiterait atteindre, mais le taux de disponibilité est fait en fonction d'une recherche par la Commission des droits de la personne qui, lorsque un plan d'accès à l'égalité doit être établi, fait une évaluation de taux de disponibilité du marché pour telle catégorie. Alors, à ce moment-là, ces taux de disponibilité nous ont été fournis par la Commission des droits de la personne. Maintenant, pour ce qui est des objectifs quantitatifs comme tels du service de police, ces objectifs seront dévoilés le 11 avril prochain.

M. Bordeleau: Parfait. Maintenant, si on regarde un peu au niveau des minorités visibles - et je regarde aussi les autres minorités - il y a des pourcentages qui sont là. On voit un écart quand même beaucoup plus grand au niveau des minorités visibles: 0,5 % de la représentation actuelle versus un taux de disponibilité de 5,87 %, alors que dans les autres minorités (Italiens, Belges) qu'on mentionne ici à titre d'exemple, 6,23 % versus 9 %. Quelles sont

les difficultés qui font qu'il y a un écart aussi grand au niveau des minorités visibles et quelles sont les difficultés particulières qui font que le recrutement est peut-être plus difficile dans cette catégorie-là?

M. Hamelin: II y a un ensemble de problèmes auxquels le Service de Police fait face dans le recrutement des minorités, et je dirais autant minorités visibles que minorités non visibles. Beaucoup des pays d'où viennent les immigrants ont une notion de la police qui n'est pas la même notion que nous avons ici au Québec de ce qu'est un service policier et du rôle des policiers comme tel. Il y a même dans beaucoup de familles le fait que si l'un des membres de la famille entre dans la police, embrasse la carrière de policier, c'est très mal vu à cause de la connotation péjorative que la police a eue dans certains pays d'origine. C'est l'un des facteurs. Un autre des facteurs, c'est que, comme il y en a très peu, ça devient moins incitatif, et je donnerai l'exemple là-dessus des femmes dans la police. Les premières policières ont été engagées dans les années 1978-1979 et, au début, ça a été très lent. Il y en avait une par ci, par là. Là, on est rendu en terme de nombre, je dirais de mémoire 375.

M. Bordeleau: 275.

M. Hamelin: Pardon?

M. Bordeleau: 275, qui est indiqué ici.

M. Hamelin: 275. Oui, mais il y en a plus de 300 actuellement.

M. Bordeleau: En juillet 1989.

M. Hamelin: En jutllet 1989. Mors, il y en a plus de 300 actuellement que, chaque fois que nous taisons des promotions, je dirais qu'il y a à peu près le tiers des nouvelles recrues qui sont des policières, ce qui fait que des gens, des femmes voient d'autres femmes qui exercent le métier de policière et ça a un espèce d'effet d'entraînement. Nous croyons qu'à la longue cet effet d'entraînement pourrait jouer, mais, évidemment, de façon plus restreinte qu'au niveau des femmes. Les approches qui ont été faites par le service de police ont été multiples. On a dépensé de fortes sommes d'argent au niveau du service de police, autorisées par le comité exécutif pour revoir, par exemple, tout le système d'embauché, pour voir si dans ce système, il n'y aurait pas des éléments systémiques comme tels qui feraient que des candidats pourraient être refusés.

Malgré tous ces efforts, les policiers sont allés dans toutes les écoles secondaires où il y avait des représentants des minorités; ils ont fait toutes les classes de secondaire IV, secon- daire V pour les inciter, évidemment, à prendre les techniques policières. Nous avons réduit, je ne dirais pas réduit les exigences, mais contourné un peu notre règle qui voulait que tous les policiers engagés aient un diplôme en techniques policières. Il y a quelques années, nous avons autorisé le directeur à embaucher jusqu'à 25 % de policiers qui avaient un diplôme de cégep autre qu'en techniques policières. Alors, on garde la même norme: 14 ans de scolarité, mais dans un autre domaine que les techniques policières avec un cours spécialement adapté pour eux à l'Institut de police, ce qui, croyions-nous à l'époque, nous permettrait d'engager beaucoup plus rapidement des policiers parce que là, si on fait de la prospection en secondaire IV, secondaire V, ensuite ils ont trois ans de cégep avant d'intégrer le service, tandis qu'avec notre règle des 25 % de conventionnels, après 15 semaines, je pense, à l'institut de police, ils sont aptes à entrer au service. (10 h 15)

Malgré tout ça, je dois vous dire que, personnellement, moi et les membres de la Communauté urbaine de Montréal, nous sommes déçus des résultats. Il y a encore énormément de travail à faire. Notre plan d'accès à l'égalité va nous donner des moyens supplémentaires. Nous avons affecté du personnel spécialement pour le recrutement des gens des minorités visibles et des communautés culturelles. Nous travaillons d'arrache-pied, mais je dois reconnaître, je dois confesser qu'il est très difficile de réussir à ce niveau-là. Ça ne nous empêche pas, cependant, de continuer à travailler, de rechercher tous les moyens possibles et impossibles.

Pour préciser un petit peu votre question, les autres minorités qui sont à 6, 23 alors que le taux de disponibilité est à 9 - on marque italiens, Belges, etc. - il y a, dans ce groupe, d'autres minorités, des gens qui sont ici depuis plusieurs générations. La première génération d'Italiens qui sont arrivés au Québec, c'est aux alentours des années 1900, 1910. Alors, ces gens-là sont rendus à leur troisième ou quatrième génération et, à ce moment-là, on ne voit pratiquement plus de différence sinon par la consonance du nom. Évidemment, ça permet, quand des familles sont ici après quatre ou cinq générations, que certains préjugés dont je faisais état au début de la réponse soient complètement disparus. Alors, dans deux ou trois générations, certains préjugés qu'on rencontre aujourd'hui seront disparus parce que les jeunes seront nés ici, leurs parents seront nés ici. Ce sera un obstacle de moins.

M. Bordeleau: Merci, M. Hamelin.

Le Président (M. Gobé): M. le député de l'Acadie, je vous remercie beaucoup. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez maintenant la parole.

M. Boulerice: Oui. M. Isseri, M. Malik, M. mon président, bienvenue à cène commission. Votre absence aurait été étonnante, mais je n'ai jamais douté que vous auriez l'intention de vous présenter. On ne se le cachera pas, tous les chiffres que nous avons, validés et revalidés, nous indiquent très clairement que l'immigration est une donnée montréalaise, dans son sens insulaire, puisque je sais que je m'adresse au président du comité exécutif de la Communauté urbaine de Montréal, donc, ce n'est pas limité qu'au centre-ville de Montréal.

J'aurai deux brefs commentaires avant d'aller aux questions. Un premier comme tel. Je pense que c'est important pour vous de nous indiquer qu'au sujet de l'engagement de groupes minoritaires, nous n'avions probablement peut-être pas les raisons qui faisaient en sorte que vous éprouviez des difficultés. On a été tentés de croire que c'était relié uniquement à un problème linguistique comme tel, mais vous nous avez clairement démontré qu'il s'agissait plutôt, dans certains cas, de valeurs sociales et surtout du vécu dans les pays d'origine où, malheureusement, "police" a souvent été synonyme de politique, de répression, de bras armé de la dictature, donc, d'où inévitalement la réticence à entrer dans un corps politique, comme dans certains pays où on a dévalorisé l'armée alors qu'elle était constitutionnaliste.

La deuxième remarque que je vous fais. Vous avez parlé encore de nouveau au sujet du Service de police. Moi, je me dois de vous indiquer que, dans ce petit bout de territoire que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale, il y a eu des efforts marqués de concertation, de collaboration, avec un dialogue extrêmement fructueux. Vous le savez, comme moi, nous avons malheureusement enregistré des actes de violence envers des minorités visibles et également envers des minorités invisibles. Nous avons pu compter sur la collaboration des unités policières dans ce coin de circonscription, et je pense que nous sommes à la veille de trouver une solution grâce à cette collaboration-là. S'il est de bon ton, quelquefois, malgré certaines bavures, de taper sur notre corps policier, je pense qu'il faut quand même faire ressortir les efforts que de très nombreux d'entre eux font. Il s'agit d'être équitable.

Vous avez parlé de votre comité consultatif sur les relations interraciales et interculturelles. Est-ce que je me trompe, M. Hamelin, vous êtes la première communauté urbaine à avoir établi un tel comité consultatif. Vous vous êtes fixé quels buts? Et vous en êtes à quel point maintenant avec ce comité?

M. Hamelin: Je crois, effectivement, que la Communauté urbaine de Montréal a été parmi les premiers organismes, sinon le premier organisme municipal à se doter d'un tel comité.

Le tout a débuté en 1984. Je présidais, à ce moment-là, la Commission de la sécurité publique de la Communauté urbaine de Montréal. Et commençaient à apparaître certains problèmes de relation entre les communautés culturelles et le service de police, justement. Les membres de la commission se sont penchés sur ces problèmes. On ne peut pas dire que ça existait, à ce moment-là, à l'état endémique, ou c'était un problème majeur, mais on percevait que, si rien n'était fait, ça pourrait conduire à certains excès. À ce moment-là, nous avons réfléchi et nous avons convenu de la mise sur pied d'un comité consultatif qui grouperait des gens des minorités culturelles visibles et certains élus qui conseilleraient le service de police dans les relations avec les diverses communautés.

Par la suite, en réféchissant un peu plus profondément, nous nous sommes dit. Pourquoi ce comité ne s'adresserait pas à l'ensemble des responsabilités de la communauté? Pourquoi seulement le service de police? Il y a une foule d'autres services qui sont offerts par la communauté. Finalement, le conseil de la communauté a approuvé la formation de ce comité consultatif au président en décembre 1985. Curieusement, c'était la même réunion où j'ai été élu président de la Communauté urbaine de Montréal. Alors, j'ai travaillé pendant un an et demi à la formation d'un comité qui est devenu mon comité aviseur, le jour où il a été créé.

Ce comité comporte 12 représentants des communautés culturelles du territoire de la Communauté, deux représentants de la ville de Montréal et deux représentants de la conférence des maires de la banlieue de Montréal. Ce comité a été très actif. Évidemment, au début, c'était quelque chose de nouveau. Il y a eu du tâtonnement la première année, de la recherche un peu, du positionnement de part et d'autre pour bien comprendre les objectifs et bien comprendre les mandats. Depuis cette première année, je pense qu'il a fait quatre rapports annuels. À 95 %, les recommandations qui ont été faites par le comité consultatif ont été suivies par le comité exécutif et l'ensemble de la communauté. Je dois vous dire aujourd'hui que nous nous félicitons, à la communauté urbaine de Montréal, d'avoir pris cette initiative en 1985.

Il y a des incidents malheureux qui se sont produits en 1987 ou 1988. Je fais ici référence à l'incident Griffin. Je suis persuadé que s'il n'y avait pas eu ce comité consultatif, qui avait déjà fait un certain travail auprès de l'ensemble des communautés et, plus précisément, de la communauté noire anglophone, les problèmes qui ont été ressentis à la suite de cet événement malheureux auraient été beaucoup plus graves s'il n'y avait pas eu ce comité ou le travail de ce comité.

À titre d'exemple, je peux vous dire que deux jours après l'incident, à la demande d'un membre de ce comité, se réunissaient à mon bureau plusieurs représentants de la communauté

noire anglophone, les représentants du service de police aussi. On avait eu une longue discussion à ce niveau-là et ça avait permis de mettre certaines choses au point. Ça avait permis d'éviter que se produisent des incidents qui auraient pu être beaucoup plus disgracieux que ce qui s'est produit suite à cet événement-là.

C'est clair que des événements comme ça nous font marquer le pas pendant un certain temps et font que certains efforts sont ralentis ou tout simplement anéantis et qu'on doit rebâtir une certaine confiance. Cependant, n'eût été ce qui s'était produit les années précédentes, de ce travail de concertation, je pense que les conséquences auraient été plus graves. À ce moment-là, on doit se féliciter que ce comité ait existé... et ce comité est imité de plus en plus par les municipalités.

M. Boulerice: M. Hamelin, quand je regarde un programme d'accès à l'égalité à l'emploi et que je regarde les objectifs que vous vous êtes fixés, je ne les trouve pas irréalistes, je les trouve, je pense, tout à fait normaux dans le portrait - je vais employer "démographie" dans son étymologie, "demos", "graphia" - le portrait d'une population. Je pense que ces chiffres-là ne peuvent pas être contestés. Donc, je vais vous dire automatiquement qu'il y a un bon travail de fait, mais en conséquence de mon énoncé précédent, je vais ajouter deux questions. La première, c'est: Est-ce que ce programme a été fait avec le ministère comme tel ou par vous-même? Deuxièmement - je vais peut-être me faire un peu l'avocat du diable - deux puissantes centrales syndicales, c'est-à-dire la CEQ la Centrale de l'enseignement du Québec et la Fédération des travailleurs du Québec, ouvertes toutes deux sur l'immigration, nous ont dit en commission que les programmes d'accès à l'égalité en emploi, malheureusement, ne fonctionnaient pas. Alors, à la première question, est-ce que vous l'avez fait seul ou en collaboration? Et deuxièmement, dans quelle mesure pensez-vous, vous, réussir, malgré le diagnostic peut-être un peu sombre qu'ont donné ces deux organisations québécoises?

M. Hamelin: Je dois vous dire d'abord que ça a été fait en très étroite collaboration avec la Commission des droits de la personne et même, suite aux incidents malheureux que j'ai mentionnés tantôt, il y avait eu la commission Bellemare qui avait fait une enquête autour de ces évévements-là, qui avait fait certaines recommandations, et je vais vous dire qu'on rencontre régulièrement, à peu près à tous les six à huit mois, les membres de la commission Bellemare pour assurer le suivi, et un des suivis, c'est ça, le programme d'accès à l'égalité.

Pour ce qui est de la difficulté de réaliser un programme d'accès à l'égalité, je ne vous cacherai pas qu'effectivement c'est très difficile. Nous venons de réaliser la partie de loin la plus facile de l'opération. C'est d'aligner certains chiffres, aligner certaines réalités, se fixer des objectifs. Maintenant, il faut les réussir, ces objectifs-là. C'est évident aussi que, dans un programme d'accès à l'égalité, il faut tenir compte de la capacité d'absorption des collègues de travail. Et à ce sujet-là, il y a un certain travail de sensibilisation effectué auprès de nos propres employés. Et je pense qu'il faut bien faire attention, surtout dans les organismes publics dont la principale force, c'est la main-d'oeuvre, c'est des ressources humaines, il faut aussi bien préparer ces ressources humaines. Nous avons mis dans le coup nos représentants syndicaux tout au long de l'opération, parce que nous tenons à ce que cette intégration se fasse par nos employés également et que soit perçu par les membres des communautés un climat d'accueil favorable. Il y a des représentants des communautés qui nous ont déjà dit: C'est bien beau que vous ayez des programmes d'accès à l'égalité. Nous nous ne sentons pas bienvenus chez vous, par toutes sortes d'allusions ou toutes sortes - comment dire - de messages, les gens ne se sentent pas bienvenus. Alors, il faut aussi que nos employés aient cette ouverture, que nos ressources humaines aient cette ouverture. Nous travaillons là-dessus également. Je sais, entre autres, qu'au niveau du service de police, il y a d'immenses efforts qui sont faits, au niveau des policiers mêmes, pour cette acceptation. Alors, en réponse à votre question, très rapidement, oui, c'est difficile, mais nous avons bon espoir, avec la collaboration de tout le monde, d'y arriver.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Hamelin, je demanderais maintenant a M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques de bien vouloir conclure son intervention, car nous arrivons à la fin du temps qui vous était imparti.

M. Boulerice: Bien, M. le Président, vous comprenez que notre président a la tâche ingrate de tenir le temps. Je sais que c'est pour lui quelque chose d'un peu désagréable, puisque les conversations que nous avons sont toutes très intéressantes. Je vais noter de votre mémoire et de votre passage, M. Hamelin, M. Malik et M. Isseri que, dans le cas de la Communauté urbaine de Montréal, il y a une volonté d'agir, mais ce n'est pas une volonté d'agir littéraire, c'est-à-dire, qu'on va retrouver uniquement dans un énoncé, mais qu'il y a bien des gestes très concrets qui sont posés par l'administration de la Communauté urbaine de Montréal et, à ce niveau-là, je pense que les chances de succès, à partir des pistes que vous avez indiquées, ne seront peut-être pas faciles. Mais moi, j'ai bien confiance que cette détermination que vous avez va finir par être partagée par l'ensemble de la population et que notre territoire connaîtra peut-être, malheureusement sans doute, d'autres

incidents. Aucune société, malheureusement, n'est à l'abri de telles choses, mais on réussira par contre à créer un climat où ce ne seront heureusement que des incidents fort isolés, et non pas une règle de conduite de notre population. Alors, encore une fois, M. le président, messieurs, merci de votre participation à cette commission.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Et maintenant, Mme la ministre, très rapidement, un petit mot de conclusion.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr. Je voudrais également vous remercier. Je dois vous dire que je suis de très près toutes vos actions. Je sais que la CUM a mis en oeuvre, depuis 1985, diverses mesures destinées à promouvoir les relations interculturelles harmonieuses. Et je tiens à vous féliciter publiquement de votre leadership dans ce dossier. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. Hamelin, MM. Malik et Isseri, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier de votre témoignage et de votre contribution, et soyez assurés que nous en tiendrons compte. Ceci étant dit, cela met fin à votre intervention.

Je vais suspendre les travaux de la commission une minute afin de permettre aux représentants de la ville de Montréal de bien vouloir venir prendre place en avant.

Alors, la commission suspend ses travaux une minute.

(Suspension de la séance à 10 h 32)

(Reprise à 10 h 33)

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si vous voulez bien prendre place à vos sièges, car la commission va reprendre ses travaux incessamment. S'il vous plaît! Alors, la commission de la culture reprend ses travaux et vu qu'il y a de nouveaux arrivants, je rappellerai rapidement le mandat de la commission, ce matin, pour le bénéfice des personnes qui viennent d'arriver de la ville de Montréal et autres. Alors, le mandat de la commission de la culture est de tenir une consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration intitulé: Au Québec pour bâtir ensemble, ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et 1994.

M. le maire de Montréal, il me fait plaisir de vous accueillir ici, au nom de tous les membres de cette commission, ainsi que les gens qui vous accompagnent. Je dois comprendre que M. Joseph Biello est à vos côtés, ainsi que Mme Myriam Massabki et Mme Stella Guy.

Ville de Montréal

M. Doré (Jean): Alors, M. le Président, si vous me permettez, Myriam Massabki, qui est coordonnatrice du bureau interculturel de Montréal; Joseph Biello - vous l'avez identifié - est membre du comité exécutif responsable du dossier des communautés culturelles; à ma droite, Hélène Fotopulos attachée politique au cabinet du comité exécutif et, bien sûr, la personne à sa droite est M. Alain Jean-Bart, qui est président du comité consultatif sur les relations interculturelles et interraciales à la ville de Montréal.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie, M. le maire d'avoir précisé le nom des gens qui vous accompagnaient car, en effet, nous n'avions pas les noms de Mme Fotopulos et de M. Jean-Bart. Alors, ceci étant dit, si vous voulez commencer votre présentation. Vous avez une période de 20 minutes et, par la suite, chacun des groupes parlementaires aura lui aussi 20 minutes. Si, par hasard, vous n'utilisiez pas vos 20 minutes pour votre présentation, elles peuvent être utilisées à temps partagé pour la discussion par les deux formations politiques. Alors, M. le maire, vous avez la parole.

M. Doré: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier le gouvernement du Québec d'avoir rendu public un énoncé qui nous permet aujourd'hui de venir en discuter. Il me semble qu'il s'agit là d'un pas extrêmement important dans les enjeux de société qui se jouent au cours des prochaines années pour le Québec. Alors, Mme la ministre, M. le critique de l'Opposition, mesdames et messieurs, il n'y a pas si longtemps encore, Montréal pouvait prétendre être une ville de deux grandes communautés. Je dirais, chacun de leur côté, aussi bien les anglophones, les francophones, avaient créé un peu leurs propres institutions, leur propre réseau communautaire. Ils avaient réussi à maintenir un équilibre, un équilibre durable, mais, malgré - devrais-je dire - sa fragilité, qui faisait de Montréal non seulement une ville unique au Québec par sa taille, mais je dirais unique en Amérique par sa culture. Cette image d'une ville à deux visages, de cette ville des deux solitudes départagées d'un côté et de l'autre de la rue Saint-Laurent, eh bien! elle est encore bien présente dans l'esprit de plusieurs. Mais - et je pense que c'est ça qui est important - elle ne décrit plus la réalité de Montréal, elle ne reflète pas les nombreux visages de cette ville et de ses quartiers, elle occulte aussi bien la diversité sociale et culturelle de la métropole du Québec.

Quand on pense aux changements qu'a connus Montréal au cours des 30 dernières années, on est porté à regarder, bien sûr, les nouveaux édifices à bureaux du centre-ville, les grands réseaux d'infrastructures dont elle s'est dotée depuis ce temps. Mais on oublie trop

souvent qu'une transformation encore plus profonde a changé à jamais la face de Montréal. Et cette transformation, c'est dans notre population qu'elle s'est passée, qu'elle se continue, année après année. Être Montréalais aujourd'hui, c'est vivre dans une ville où se rencontrent des gens de tous les horizons, de toutes les origines, de toutes les cultures. La ville des deux solitudes est devenue, à peine, dirais-je, en une génération, une authentique ville cosmopolite. Elle ne sera plus, de ce fait, jamais la même.

L'évolution de la communauté francophone de Montréal, je pense, illustre mieux la profondeur de ce changement depuis 10 ans. Pendant longtemps, les immigrants, qui s'établissaient dans le centre-ville, s'intégraient massivement à la communauté anglophone. Ils n'avaient, à vrai dire, pas beaucoup de choix: l'anglais demeurait de loin la principale langue de promotion et de travail, mais aussi les écoles de la majorité francophone demeuraient souvent fermées aux nouveaux arrivants. Il n'y a pas si longtemps, des francophones d'origine arabe ne pouvaient s'inscrire dans une école catholique. Jusqu'aux années soixante, donc, le visage de Montréal demeurait largement anglophone. En conséquence, la communauté anglophone de Montréal s'enrichissait d'année en année de l'apport de nombreux arrivants qui venaient s'établir chez nous. Et pendant ce temps, la communauté francophone montréalaise demeurait, elle, largement homogène, ne réussissait véritablement à intégrer que les Québécois et Québécoises venus des autres régions de la province ou d'ailleurs, pour s'établir à Montréal.

Eh bien! les lois linguistiques des années soixante-dix ont commencé à changer ce modèle montréalais d'intégration. Les écoles francophones ont commencé tant bien que mal à accepter les enfants des immigrants, la francisation des entreprises a commencé, encore modestement il faut le dire, à implanter le français dans les lieux de travail, dans les milieux de travail. Avec tous les problèmes qu'il rencontre, un virage déterminant maintenant est amorcé, et je pense, pour de bon. Ce virage, il a déjà commencé à transformer radicalement la communauté francophone de Montréal. Aujourd'hui, les Montréalais et les Montréalaises qui partagent le français comme langue d'usage ne forment plus un groupe monolithique. La communauté francophone vient de commencer à se diversifier, et le mouvement prend de l'ampleur année après année.

Les Montréalais d'aujourd'hui proviennent de tous les coins du monde. Ils ont des croyances religieuses différentes, des valeurs sociales, des cultures, je l'ai déjà dit. Mais ils partagent tous et toutes le même idéal, celui de participer à la construction d'un Québec nouveau et pluraliste, d'une métropole, Montréal, qui à la fois leur ressemble et qui leur appartient. Ils veulent faire partie - et je le dis sur un pied d'égalité - de cette grande communauté montréa- laise qui constitue le coeur du Québec urbain, le coeur de la métropole du Québec.

Ce défi d'une société pluraliste et accueillante se pose à l'ensemble de la société québécoise, mais il ne se manifeste nulle part de façon aussi criante qu'à Montréal. Je dis souvent: L'intégration des nouveaux arrivants est non pas le défi de Montréal, c'est un défi de la société québécoise qui se vit à Montréal. Le fait que 9 immigrants québécois sur 10 viennent s'établir dans la grande région métropolitaine n'est pas un hasard. Il s'explique à la fois par la structure urbaine de notre société québécoise, mais aussi par des tendances qu'on observe partout à travers le monde et qui font des grandes villes la destination privilégiée des grandes migrations internationales, car le Québec ne saurait renverser à court terme ces tendances lourdes par des mesures coercitives qui viseraient à obliger les immigrants à s'établir dans les régions. Il faut plutôt chercher à corriger les déséquilibres de sa structure urbaine, à renforcer le maillage économique et culturel entre la métropole et les régions. Et là-dessus, je réfère les membres de la commission à certains passages et chapitres du mémoire que la ville a déposé à la Commission Bélanger-Campeau et qui sont éloquents, à cet effet, quant aux défis du Québec en cette matière. On pense, de cette manière, qu'il sera possible de créer des réseaux naturels de mobilité qui vont assurer un meilleur équilibre démographique et économique entre toutes les régions, mais pas plus que la population de souche. Les nouveaux arrivants et leurs descendants immédiats ne refusent pas a priori de s'établir ailleurs qu'à Montréal. Ils sont disposés à le faire si ces régions leur offrent les possibilités de s'épanouir qu'ils sont en droit d'espérer.

De toute évidence, donc, la communauté montréalaise va continuer à accueillir la très grande majorité des nouveaux arrivants et ce, pour plusieurs années encore. Elle continuera d'assumer, au nom de l'ensemble de la société québécoise, les principales responsabilités en matière d'intégration. Il faut donc qu'elle dispose des moyens en conséquence. Et dans le fond, aujourd'hui, M. le Président, je dirais que les commentaires que l'on veut faire et qui se retrouvent au coeur du document plus important, le mémoire qu'on vous a présenté, tournent beaucoup non pas autour de l'énoncé lui-même, qui est généreux et autour duquel nous sommes, pour l'essentiel, en parfaite symbiose, mais beaucoup plus sur le suivi, le plan d'action, la politique d'intégration, les moyens d'une stratégie d'ouverture que le Québec doit se donner. Or, les ressources que le Québec consacre à l'accueil, à l'intégration demeurent encore aujourd'hui dramatiquement insuffisantes. Voilà, de loin, le principal obstacle à l'émergence d'un véritable modèle québécois, je dirais non seulement d'intégration, mais d'interculturalisme, d'où l'importance d'une politique non pas uniquement d'im-

migration, mais d'intégration.

Voilà de très loin, je pense, le principal enjeu que soulève, à notre avis, la publication de l'énoncé. Il y a donc un message central que votre commission et que le gouvernement devraient lancer à tous les Québécois et à toutes les Québécoises et, parmi eux, à l'ensemble des membres des communautés culturelles et qui est le suivant: Le Québec entend accroître rapidement et substantiellement les ressources publiques qu'il consacre à l'intégration et à la promotion de l'interculturalisme. Même dans le contexte difficile qu'on connaît actuellement, et je dirais même surtout à cause de ce contexte difficile, ce message, il doit se répercuter concrètement dans les choix budgétaires que le gouvernement proposera au cours des prochaines années à l'Assemblée nationale et à la population du Québec. Il doit également s'incarner directement dans le plan d'action qui suivra l'adoption de la politique d'immigration et d'intégration. Ce n'est qu'à la condition de consacrer les ressources nécessaires à cet effort collectif d'intégration que le Québec va être en mesure d'atteindre les objectifs démographiques, économiques, culturels qui sont explicités dans l'énoncé de politique. Le Québec peut et doit maintenir des niveaux d'immigration compatibles avec ses objectifs démographiques et économiques, mais il ne peut pas, en même temps, marginaliser une part croissante de sa population en faisant l'économie de les accueillir et de les intégrer à notre vie économique et à notre culture distincte.

Le Québec peut et doit accroître la proportion de l'immigration francophone par ses politiques de recrutement et de sélection, à condition toutefois de ne pas introduire des formes inacceptables de discrimination en ce faisant, mais il ne saurait, en même temps, prendre prétexte de ces mesures pour limiter ses efforts en matière d'intégration parce que l'intégration, c'est un processus complexe qui ne se résume pas et qui ne se limitera jamais au seul apprentissage du français.

L'intégration à l'emploi, pour ne citer que cet exemple, nécessite souvent sinon plus de ressources que l'intégration linguistique. À quoi nous servirait d'apprendre le français à des gens qui, incapables de se trouver un emploi à la mesure de leur compétence ou de leurs besoins, en viendraient, après quelques années, à l'inévitable conclusion, dis-je, qu'il leur faut quitter le Québec comme, actuellement, une part importante des immigrants nous quittent pour d'autres cieux.

Cette pénurie de ressources n'est nulle part, je pense, aussi criante que dans les quartiers ethniques de la ville de Montréal. Environ la moitié des immigrants qui arrivent à Montréal viennent s'établir dans la ville centrale. À l'image de ce qui se passe dans l'ensemble de la communauté montréalaise, ce sont généralement les personnes les plus démunies que nous devons chercher à accueillir et à intégrer. Au problème de leur intégration s'ajoute celui de la dépendance au programme de la sécurité du revenu et de la pauvreté, de l'insécurité face au présent, face à l'avenir. À cause de l'importance considérable que prend le logement locatif sur le territoire de la ville de Montréal, on y rencontre souvent les formes les plus insidieuses de discrimination face à l'accès au logement. Cette discrimination repousse certaines minorités vers des quartiers qui se ghettoïsent et qui se marginalisent de plus en plus. Le défi de l'intégration prend donc une tout autre ampleur quand il se pose sur un fond de pauvreté et, ajoutons-le, d'intolérance. Ces problèmes ne s'additionnent pas, je dirais, les uns aux autres; ils peuvent risquer de se multiplier les uns par les autres. (10 h 45)

En l'absence de ressources adéquates, ils peuvent dégénérer en potentiel de violence raciale. Ils peuvent tuer la convivialité des quartiers de notre ville, neutraliser des efforts d'animation communautaire, accélérer la détérioration des logements et des infrastructures. Ils engendrent des pressions importantes sur les services publics, des pressions telles qu'il devient vite impossible, si on n'y prend garde, de faire face à la situation.

Le Québec doit tirer des leçons qui nous sont enseignées, à leur corps défendant dans bien des cas, dans plusieurs grandes villes à travers le monde qui n'ont pas su intervenir alors qu'il était encore temps. Jusqu'à maintenant, Montréal a su garder une réputation très enviable à cet égard, et je me permets de souligner aux membres de la commission que le récent rapport de la commission économique du Canada avait le mérite de reconnaître pour une fois, du côté du gouvernement fédéral, que le Québec assumait un rôle de leadership dans l'intégration des nouveaux arrivants au Canada et je pense, c'était à la fois une reconnaissance du travail fait par le gouvernement et l'ensemble des institutions de la société québécoise. Et je me permets aussi de vous rappeler que sur le plan de la qualité de la vie et sur le plan de la perception des autres, Montréal est une ville et, récemment, le "Population Crisis Committee", après deux ans d'étude parmi 100 régions métropolitaines à travers le monde, affirmait que Montréal était première au monde du point de vue de la qualité de vie, ex aequo avec des villes comme Melbourne et Seattle.

Donc, Montréal a conservé une réputation très enviable du point de vue de sa qualité de vie et de sa convivialité, mais, aujourd'hui, elle doit aller au fond des choses. Il est tard, mais il n'est jamais trop tard. On a les moyens qu'il faut. Je pense qu'on doit aussi avoir la volonté qui s'impose et ça fait aussi partie des problèmes que nous posent des ressources insuffisan-

tes.

Je viens de parler de l'intégration économique. On pourrait dire que le même cas se présente en ce qui concerne l'école montréalaise, qui occupe une place centrale dans les processus d'intégration des nouveaux arrivants et de leurs descendants immédiats. Le gouvernement a récemment reconnu qu'une responsabilité particulière incombe aux écoles à haute densité ethnique et que des ressources supplémentaires doivent leur être attribuées en conséquence. L'énoncé de politique réitère à juste titre cette reconnaissance. Il faut maintenant allonger le pas. Il faut ajuster les ressources aux besoins réels de ces écoles en s'assurant de concentrer les efforts à la bonne place, c'est-à-dire dans les écoles montréalaises qui ont à conjuguer leur responsabilité d'intégration, notamment, avec des clientèles défavorisées.

Je souligne aux membres de la commission qu'il faut une fois pour toutes que le message de la commission soit clair auprès du gouvernement. Le ratio maître-élèves, ce dogme dont on ne peut dévier au ministère de l'Éducation, est une absurdité. On demande, dans bien des cas, à des enseignantes et à des enseignants à Montréal, dans des classes régulières, avec 80 % de gens qui proviennent de communautés culturelles différentes, des gens qui, dans bien des cas, ont à peine les rudiments de la langue de la majorité, qui, dans bien des cas, proviennent d'horizons aussi différents au plan culturel que des gens qui viennent de régions comme l'Afrique du Nord, au même titre que de l'Asie, de l'Amérique latine ou d'ailleurs... L'enseignant ne doit pas uniquement leur apprendre le français. Il doit pouvoir les comprendre, connaître leur réalité culturelle différente, leur permettre de faire le passage avec la culture de la majorité, tâche impossible à remplir dans le contexte actuel. Et cela, c'est un des grands défis que la société québécoise demande, je dirais, au réseau scolaire montréalais de faire et pour lesquels actuellement il n'a pas les ressources nécessaires.

Les problèmes de l'école à Montréal ne se résument pas, par contre, aux seules questions de ressources. En fait, nos structures scolaires actuelles reflètent avec de plus en plus de peine la réalité pluraliste montréalaise. Le cloisonnement du système d'éducation primaire et secondaire en deux réseaux confessionnels - chacun est subdivisé en secteur francophone et anglophone - demeure un anachronisme qui, de ce point de vue là, est patent. Je crois que, dans les années à venir, il va falloir finir par aboutir sur ce débat. La conséquence, c'est que Montréal souffre d'une évidente duplication de structures scolaires, d'une concurrence superflue entre les réseaux financés à 100 % par des fonds publics.

Dans ces circonstances...

Le Président (M. Gobé): Rapidement. En conclusion, M. le maire.

M. Doré: On a fait 20 minutes déjà?

Le Président (M. Gobé): Votre temps est...

M. Doré: Alors, M. le Président, en conclusion, je pense que si j'avais la possibilité de résumer le reste de ma pensée, je dirais que l'important, pour nous, c'est que l'intégration, c'est une responsabilité de société, que cela concerne le gouvernement et ses institutions dans tous les secteurs, qu'on pense à celui des CLSC au même titre que les hôpitaux et les affaires sociales. Il faut affecter des ressources à l'interculturalisme. La ville de Montréal y a affecté déjà, a pris un virage horizontal en intégrant l'interculturalisme dans l'ensemble des objectifs à poursuivre de ses services. Il faut que cette réalité devienne la même pour l'ensemble, je dirais, des composantes sectorielles d'action du gouvernement sur notre territoire, mais il faut y associer, en partenariat actif, les groupes communautaires représentatifs. Il faut pouvoir aussi y associer le secteur privé. L'intégration des nouveaux arrivants n'est pas la seule responsabilité des pouvoirs publics, parce qu'il s'agit d'un choix de société des entreprises du secteur privé. Je me permets de dire qu'en ce qui nous concerne, nous trouvons important que le travail amorcé de collaboration avec le ministère puisse se poursuivre dans le cadre d'ententes plus générales sur l'ensemble des défis qui sont ceux qu'on doit relever.

Je me permets de dire en conclusion, M. le Président, que les efforts de la ville de Montréal... et le message que je veux vous livrer aujourd'hui est un message, je pense, non pas de pessimisme, mais de réalisme. Il faut nous doter des moyens de nos stratégies. L'immigration peut être pour Montréal et pour le Québec, pour sa croissance, son développement démographique, social, humanitaire et, je dirais aussi économique, un apport extrêmement important. L'interculturalisme peut aussi nous aider à développer une nouvelle identité québécoise plus ouvertre sur le monde. Pour nous, il s'agit de valeurs importantes, d'un choix qu'il nous faut faire et qui, je pense, va dans le sens des intérêts de notre microsociété à l'échelle internationale, pour peu que nous nous en donnions les moyens. Je pense qu'on doit bien à la population de Montréal, à cette population aussi bien diversifiée et pluraliste qui symbolise le Québec moderne, de ce que le Québec peut produire de mieux, de nous doter des moyens nécessaires à réaliser ce grand défi. Voilà, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre. Par la suite, je reconnaîtrai M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques directement, car il doit, par la suite, s'absenter pour accueillir une délégation étrangère. Il sera remplacé par son collègue de Shefford, M. le

député Paré. Alors, Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le maire, et je salue les gens qui vous accompagnent. C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai pris connaissance de votre mémoire. Alors, dans votre mémoire justement, vous faites ressortir de façon extrêmement éloquente que le potentiel d'accueil de Montréal n'a pas été dépassé par le nombre d'immigrants et d'immigrantes, et même que Montréal a un retard de rattrapage en matière d'immigration par rapport aux villes importantes du centre et de l'Ouest canadien.

Je trouve que c'est extrêmement pertinent. Il faut le dire et le répéter, particulièrement à l'heure où il y a des organismes qui manifestent leur crainte d'être submergés, en quelque sorte, par la population immigrante. En effet, je constatais, ce matin, que cette opinion d'ouverture n'est pas partagée par tous les groupes. Vous avez pris connaissance dans les journaux, ce matin, de deux groupes, deux organismes qui sont venus nous voir hier, entre autres le Mouvement national des Québécois et aussi la Société Saint-Jean-Baptiste, qui ne sont pas nécessairement en faveur d'une hausse de l'immigration.

Soit dit en passant, le gouvernement n'a pas encore décidé des niveaux pour les trois prochaines années, c'est pourquoi nous tenons cette commission parlementaire, et le chiffre de 55 000 est un nombre qui apparaît dans l'énoncé comme un exemple. Je rappelle aussi que la ville de Montréal vient au 13e rang au Canada pour le pourcentage de sa population immigrée qui est de 16 %, par exemple, en comparaison à 36 % dans la région de Toronto. Donc, cette capacité d'absorption, cette capacité d'accueil de Montréal est manifeste dans votre mémoire. Vous nous avez expliqué aussi ce qu'a fait la ville pour favoriser les relations interculturelles. Vous nous pariez aussi de vos projets, de vos attentes, notamment en termes de soutien financier. Ce que j'ai trouvé particulièrement notable, c'est le ton avec lequel tout cela est dit. J'ai eu du plaisir aussi à vous entendre parler d'immigration et d'intégration sur un ton aussi serein.

Le mandat de mon ministère serait certainement plus facile à remplir si un plus grand nombre d'intervenants publics, privés et socio-économiques manifestaient autant d'enthousiasme.

Alors, vous l'avez mentionné aussi, M. le maire, que l'intégration est un processus complexe qui se fait aussi sur plusieurs générations. Donc, dans ce sens, qu'auriez-vous à dire aux personnes et aux organismes qui s'inquiètent du niveau d'immigration suggéré par l'énoncé et qui croient qu'il faudrait arrêter ou ralentir l'immigration - et ça, je pense que c'est important - jusqu'à ce que la population d'origine immigrante déjà en place s'intègre totalement.

M. Doré: D'abord, parce que l'intégration est un processus continu, je pense qu'il y a deux problèmes. La société québécoise a commencé sur le tard à se préoccuper de l'intégration des nouveaux arrivants. On l'a dit, ce n'est que depuis les années soixante-dix que, vraiment, on s'est penché sur cette question, qu'on s'est doté d'outils. Je me permets de faire une réponse en deux temps. Il y a donc, pour une partie des populations qui sont déjà établies chez nous, des problèmes. Je vous donne des exemples. Je pense que la population des minorités visibles, la population noire d'origine anglophone, aussi bien celle de souche nous venant des États-Unis que celle qui nous est venue des Caraïbes ou d'ailleurs et qui, dans les années cinquante, soixante ou soixante-dix, n'a pas pu faire l'apprentissage de la langue de la majorité, a de sérieux problèmes actuellement. Et de ce point de vue là, on a identifié qu'il nous fallait - et l'énoncé en parie également - créer des ateliers, généraliser la francisation. On n'a pas à en faire uniquement à travers les COFI, à travers l'école. Actuellement, une partie des problèmes que nous rencontrons dans les programmes d'accès à l'égalité sont liés à l'insuffisance de l'apprentissage de la langue de la majorité. Et la réponse là-dessus - j'ai déjà eu l'occasion de le dire - je ne pense pas que ce soit la responsabilité des autorités municipales de Montréal de créer des cours de francisation pour l'échec de notre système des années cinquante à soixante-quinze, en particulier, dont on paye maintenant le prix. Je pense, là-dessus, que ça me semble évident.

Par contre, pour l'avenir, je pense que si nous avons une approche globale quant à l'intégration... et je pense, là-dessus, que le ministère dont le siège est à Montréal, qui a une vision non seulement verticale mais surtout horizontale, est capable de travailler en "partnership", et je pense qu'on va essayer de le développer de plus en plus, en ayant une vision ou aussi bien une approche par le biais du loisir que par le biais du travail, que par le biais des réseaux des affaires sociales, que par le biais de la santé le "partnership" deviendra une politique globale et intégrée. Si on ajoute les ressources suffisantes du point de vue du rattrapage qu'il nous a fait faire, moi, j'ai l'intime conviction effectivement, que Montréal, est capable d'absorber ce que l'on a actuellement comme nouveaux arrivants, contrairement à l'impression de beaucoup de gens, à savoir qu'on a diminué l'immigration. Les grosses vagues d'immigration ont été dans les années cinquante et soixante. Elles sont plus visibles maintenant parce qu'elles ne sont plus d'origine européenne. C'est peut-être là la difficulté, mais il faut aussi travailler sur l'ouverture de la majorité.

Michel Hamelin, tantôt, disait: Chez nous, on a des cours de sensibilisation à la réalité interculturelle. On fait la même chose à Montréal auprès de la majorité francophone de notre fonction publique. L'ouverture à la réalité

interculturelle est un travail qui va prendre encore plusieurs décennies. Tout ce travail-là doit se faire en même temps. Mais je suis globalement convaincu, contrairement à certaines personnes qui sont un peu frileuses sur la question, que la société québécoise va être encore plus dynamique, va pouvoir encore jouer un rôle, je pense, plus original si elle maintient sa vitalité culturelle, qu'elle l'enrichit par une approche interculturelle. Et l'interculturalisme, c'est l'enrichissement des uns par les autres de la culture de chacun, tout en ayant un lien de réciprocité qui est la culture de la majorité, qui est le lieu de convergence de l'échange. Ça, je pense que oui, on a ce qu'il faut comme société pour vivre cette réalité.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le maire. Je voudrais revenir à la page 47 de votre mémoire, lorsque vous signalez que 10 % des prestataires de la sécurité du revenu à Montréal sont des revendicateurs de statut de réfugié. Vous nous recommandez aussi de préciser nos orientations en matière d'accès de ces personnes aux services auxquels les autres catégories ont droit en matière d'intégration. À votre avis, afin de ne pas amplifier le mouvement des revendicateurs, le gouvernement devrait-il restreindre l'accès au programme ou, au contraire, l'élargir?

M. Ooré: Vous savez, là, on entre, Mme la ministre, dans une appréciation, je pense, que ce n'est pas des programmes et des chiffres, la tête ou l'intellectuel qui doit parler, mais le coeur. Nous avons des problèmes comme société: Montréal a le plus haut taux de chômage de toutes les régions métropolitaines du Canada; je pense qu'on en est tous très préoccupés. Et nonobstant cela, on continue à penser que l'immigration n'est pas un facteur d'appauvrissement; il peut être éventuellement, un facteur de redémarrage. Le rapport du Conseil économique du Canada illustre bien que si Montréal ne se développe pas par l'immigration, notamment au même rythme que d'autres villes, elle va perdre du terrain. Et on parle notamment par comparaison à Toronto et Vancouver. (11 heures)

Cela dit, quand on parle des réfugiés, quand on parle d'être une terre d'accueil pour des gens qui fuient parce que leur sécurité personnelle ou celle de leurs proches est en cause, on ne parle plus de chiffres et de statistiques, on parie d'aide humanitaire, on parle d'ouverture aux autres et de faire notre part comme microsociété à l'échelle internationale dans l'accueil des personnes qui veulent tenter, finalement, de refaire leur vie dans un contexte où elles ne sont plus l'objet d'ostracisme de quelque forme que ce soit. Et de ce point de vue là, je dis: Je ne pense pas qu'on doive resserrer. Je pense qu'au contraire, de pouvoir même rendre admissible à des gens arrivant chez nous, à l'aide sociale, est un témoignage très clair de la générosité avec laquelle, comme société riche que nous sommes, vue à l'échelle internationale, et de la responsabilité que nous assumons à l'échelle de la planète, de faire notre part dans ce travail-là. Alors, moi, j'ai plutôt tendance à vous répondre que c'est par ce biais-là que j'aurais tendance à prendre le problème.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Merci, Mme la ministre. Alors, contrairement à l'usage où nous passons au... D'autres députés de la formation ministérielle avaient demandé la parole. Je vous reconnaîtrai par la suite, Mme la députée, parce que M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, comme je le disais précédemment, a des activités extérieures, m'a demandé s'il pouvait intervenir tout de suite et je vais le reconnaître. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: II aurait été très indélicat, M. le Président, que je ne sois pas là pour m'adresser à M. mon maire. Mesdames, M. Jean-Bart, M. le maire, M. le conseiller municipal, je pense qu'il y a des choses qui devaient être dites et vous l'avez fait. Malheureusement, oui, le Québec a accusé des retards jusqu'en 1975. Il faut dire que dans le cas de notre ville, puisque mon sentiment d'appartenance est très fort, l'administration qui vous a précédés a péché par une très grande insouciance, je dirais même une négligence, et je pense que ce doit être dit à l'intérieur de cette commission, que c'est à l'arrivée de ce gouvernement municipal que, finalement, ce problème est devenu une préoccupation et une préoccupation qui s'est traduite immédiatement par des actions très concrètes. Je pense que la vérité a ses droits. S'il y a des choses à reprocher à Montréal, certes, nous les accepterons, mais il ne faut quand même pas oublier que nous avons quand même des réussites.

J'ai regardé dans votre mémoire, M. le maire, notamment au niveau des conclusions, au chapitre 5.1 des ressources suffisantes, un financement équitable. Chat échaudé craint l'eau froide. Après avoir écouté votre intervention d'hier soir, je dirais plutôt que lion blessé ne se laissera plus agresser. La ville de Montréal a l'intention d'être partenaire, partie prenante du processus d'accession aux nouveaux immigrants, mais cela ne se fera pas en pelletant dans sa cour, comme on le dit dans l'expression populaire. Est-ce que vous pourriez, M. le maire, préciser de nouveau de façon très ferme que vous avez l'intention d'y participer, mais que c'est une responsabilité première de l'État québécois et qu'il ne doit pas y avoir toute forme - vous me permettrez l'expression, je

l'espère - de dumping financier sur notre administration municipale, même si nous recevons la plus grande partie de l'immigration.

M. Doré: Oui. Je pense que, M. le Président, si vous me permettez, la phrase que j'ai utilisée tantôt, je vais la reprendre à dessein. L'intégration des nouveaux arrivants n'est pas un problème de Montréal. Il s'agit d'un enjeu de la société québécoise qui se vit à Montréal. J'ai en tête, en particulier - et je ne fais pas de reproche - je constate que le réflexe n'y est pas. Je voyais récemment le président du Conseil scolaire de l'île, M. Mongeau, faire état, fort justement, de l'insuffisance des ressources au niveau scolaire pour faire la partie du travail que le réseau scolaire doit faire dans un processus d'ensemble d'intégration, et qui suggérait que pour financer le tout, on devait le faire par une surtaxe sur le foncier, sur les immeubles à Montréal, une surtaxe qui servirait à financer la commission scolaire pour son effort additionnel, le commun des moyens. Je vois le président qui fait non. Je pourrais dire que c'est oui. La proposition du Conseil scolaire était à l'effet que le gouvernement doit faire un bout et qu'un grand bout devait venir des ressources du milieu. Bien, je dis que là, ça n'a pas de sens. Si la société québécoise accepte, effectivement, de relever globalement le défi de l'intégration, ne demandons pas aux seuls Montréalais d'en faire les frais du financement.

Je dis aussi que la ville fait un effort. La ville investit dans ce domaine. La ville a déjà mis beaucoup de ressources dans ce secteur et, dans bien des cas, dans des secteurs qui ne sont pas strictement de sa compétence mais au sujet desquels elle agit parce que ça se passe sur son territoire. J'ai souvent eu l'occasion de dire que trop souvent, on aborde la réalité québécoise un peu sous l'angle qu'on l'a divisée, il y a déjà 100 ans, dans notre Constitution, par secteurs. On a rajouté des ministères et on a une verticalité dans l'analyse des choses comme si les problèmes, à partir du vécu dans une ville, n'étaient pas interpénétrés. Ce qui se passe dans les villes est à l'échelle horizontale; tout est interrelié.

Le loisir est lié à l'habitation comme il est lié aux conditions de vie, comme il est lié aux problèmes du sous-emploi. Alors, tout ça se vit sur un territoire. C'est clair qu'on travaille à la coordination des efforts. On fait, dans les champs de nos juridictions, des efforts additionnels, mais à un moment donné, ce qu'on dit, c'est que si on veut aller plus loin, ça ne peut pas se financer par l'impôt foncier et sur les seules épaules des Montréalais. Ça doit l'être à partir des sources générales qui émergent de la société québécoise et qui sont l'impôt sur le revenu et le fonds consolidé du Québec.

Et de ce point de vue là, tout ce que je veux dire aux membres de la commission, c'est que le message doit être clair au gouvernement. Si nous adhérons et si nous faisons une adhésion, même avec certaines réserves... Moi, j'aurais tendance à me dire plutôt enthousiaste à l'idée d'augmenter l'immigration, à l'idée d'en faire un défi de société. Il faut que le corollaire soit... Il va falloir mettre le prix parce que si nous ne le faisons pas, nous allons le payer, mais beaucoup plus cher plus tard.

Quand ça se détériore, quand des quartiers deviennent en difficultés, quand il faut, dans certains cas, plutôt que de payer, de fournir du soutien à un groupe culturel... un groupe d'action communautaire d'une communauté culturelle qui n'a pas besoin de beaucoup de ressources, mais d'un peu de soutien pour faire le travail, quand, en bout de ligne, il va falloir payer des professionnels du réseau des affaires sociales pour réparer les pots cassés, ça va nous coûter cinq et dix fois le prix que ça nous aurait coûté si on avait eu du soutien à la bonne place. C'est de ça qu'on parle.

Et dans certains cas, il faut dénormer un peu, il faut donner plus de marge aux ministères, notamment, je veux dire, pour faire face à ces réalités-là. Les programmes gouvernementaux... On s'est rendu compte, dans nos propres programmes, à la ville... dans le loisir, c'était trop rigide. On a essayé de développer de nouveaux partenariats actifs. Il n'y a pas de modèle unique; c'est adapté à la clientèle, adapté aux besoins. C'est cette approche-là qu'il nous faut faire pour mieux utiliser le dollar, dynamiser et avoir des effets de levier. C'est de ça qu'on parte et si on ne fait pas ça, on va rater le bateau. Et à terme, c'est un peu comme la politique, mais là, je ne veux pas mélanger les gens, mais je maintiens que les décisions gouvernementales, sur le plan des municipalités et des transferts, vont finir par se payer un jour en investissements beaucoup plus chers que le gouvernement. Ce qu'il pense gagner à court terme, il risque de le payer fort cher dans dix ans.

Dans le domaine de l'immigration, c'est la même chose. Si on ne se dote pas des moyens de nos stratégies - c'est une marotte, mais j'en suis profondément convaincu - nous allons devoir inévitablement le payer, le prix, mais on va le payer en termes, je pense, de dégradation, de manque de développement, de problèmes sociaux accrus, de tensions inutiles qu'on aurait pu éviter et qu'on pourrait au contraire dynamiser.

M. Boulerice: Ma deuxième question, M. le maire... Je vais être obligé de faire un court préambule, mais je suis heureux de vous la poser, vous avez remarqué, puisque j'ai la présence à cette commission de mon collègue, le député de Shefford, qui est porte-parole de l'Opposition en matière d'habitation. Je pense, M. le maire, que s'il y a un dossier où vous êtes très informé, c'est ce dossier. Vous êtes alimenté d'ailleurs

par un de vos collègues avec lequel nous avons toujours beaucoup de plaisir à travailler, qui est M. Lavallée, qui est responsable de ce dossier au niveau de l'Hôtel de ville.

Vous avez parlé de discrimination en matière d'accès au logement et vous avez parlé de quartiers en difficultés. Je pense que M. Blais et M. Lajeunesse vous sensibilisent tous les jours à ce qui est la problématique de quartiers en difficultés... le centre sud en est un, le Plateau-Mont-Royal en est un et ce sont deux quartiers qui, de par le tissu de leurs gens - et vous les connaissez bien puisque vous êtes un résident de ce quartier, M. le maire - où existe une population qui est accueillante envers l'immigration.

Et on parle de niveaux d'immigration, peut-être en tentant de vouloir dire: Si on en admet moins, on est moins généreux. Mais il faut faire attention. Il n'y a pas d'adéquation mathématique à ce niveau-là. Quand on regarde les difficultés de logement à Montréal, M. le maire, notamment au niveau des coopératives d'habitation où les groupes de recherche technique reçoivent depuis cinq ans les mêmes budgets, quoiqu'ils soient plus nombreux; quand on regarde l'habitation sociale, depuis 1985, à Montréal - vous me permettrez cette expression bien québécoise - a pris une "drop" sociale, pour paraphraser notre amie Clémence Desrochers, comment pourrions-nous faire une adéquation de générosité envers le nombre d'immigrants que nous allons recevoir et nos capacités d'accueil en termes d'habitation, alors que, comme je vous le disais, le logement social, sous les deux formes que je vous ai énoncées, diminue dangereusement depuis 1985? Dans les quartiers où il y a rénovation, l'accès est extrêmement difficile à cause des prix élevés et la proportion d'immigrants investisseurs que je souhaite, elle pourra peut-être aller au Rockhill ou au Sanctuaire, mais l'immigration très ordinaire, dans son sens noble - je ne méprise pas - elle aura des difficultés d'habitation. N'est-ce pas, à votre point de vue, un peu criminel de notre part d'inciter des gens à venir s'établir ici, si on les transpose dans des conditions d'habitation qui sont à peu près égales à celles qu'ils connaissaient dans leur pays d'origine?

M. Doré: M. le Président, ayant eu l'occasion de visiter un certain nombre des pays d'origine des nouveaux arrivants de Montréal et ayant vu les conditions d'habitation, je peux vous dire qu'on est quand même assez loin des conditions socio-sanitaires que j'ai pu voir ailleurs, cela dit.

M. Boulerice: Sauf qu'on les invite dans une société de consommation.

M. Doré: Oui, tout à fait. Non, mais je pense que le constat que le député fait de la rareté des sommes pour du logement dit social, que ce soit sous forme de coopératives, d'organismes sans but lucratif ou de HLM, donc, dans la construction dite neuve, elle est réelle. Les sommes affectées à ces fins, du côté de la Société centrale d'hypothèques et de logement, ont été diminuées. Celles du côté de la Société d'habitation du Québec n'ont pas pu suivre le rythme jusqu'à maintenant. Je pense, là-dessus, que c'est une réalité à laquelle on fait face. Comme on a tenté, je dirais, d'innover face à cette réalité, je pense qu'il faut que les membres de la commission soient conscients que la ville a mis en place un ambitieux projet dans le domaine de l'habitation et qui est le projet d'achat-rénovation dans le domaine de l'habitation existante. C'est vrai qu'il faut construire du logement neuf adapté, mais il est exact aussi de savoir qu'à Montréal, avec un taux de vacance qui approche maintenant 3 % et quelque, il y a à peu près de 8000 à 10 000 unités de logement qui sont en disponibilité théorique - je dis bien théorique statistique. En pratique, là où elles se concentrent et elles sont en plus grand nombre dans bien des cas et en très mauvais état, ce sont les vieilles conciergeries des années cinquante, dans bien des quartiers, souvent à forte densité ethnique.

La ville a donc lancé un programme, via une société paramunicipale, qui est un programme d'acquisition de logements existants, de formation des locataires, très souvent d'ailleurs des gens des communautés culturelles et des minorités visibles, pour qu'ils apprennent collectivement la gestion de ces logements, par le biais d'une coopérative, d'en faire la restauration et de les rétrocéder. Finalement, ce qu'on fait, c'est qu'on finit par faire du logement restauré qui est au moins à la moitié du prix du logement neuf. Donc, avec les mêmes sommes d'argent ou la moitié des sommes d'argent, on en fait autant; ou avec les mêmes sommes d'argent, on en fait deux fois plus. Actuellement, la ville a 70 000 000 $ d'acquisitions et est propriétaire de 4000 unités de logement, dont, dans bien des cas, des rues complètes dans Côte-des-Neiges et dans Notre-Dame-de-Grâce. On est en train, actuellement, de commencer la restauration.

Donc, on va faire une intervention majeure par ce biais-là, appuyés, devrais-je le dire, cette année, par le gouvernement du Québec, par le nouveau budget que le gouvernement a ajouté dans le contexte économique et qui vient amplifier le travail. La ville avait déjà mis cette année... on avait fait passer le budget de restauration de 10 000 000 $ à 18 000 000 $. Le gouvernement du Québec a fait passer le sien à 40 000 000 $. La combinaison des deux, pour Montréal, va faire que, non seulement ça aura un impact important, mais ça va permettre, je pense, d'augmenter substantiellement l'offre de logements. Ça ne règle pas tous les problèmes, j'en suis profondément convaincu, mais je pense que c'est une illustration qu'avec un peu d'irna-

gination, on peut mieux utiliser le rare dollar dont nous disposons pour des fins d'habitation.

Cela dit, je ne pense pas que le problème d'habitation et la capacité que nous avons de loger les nouveaux arrivants à Montréal soient un facteur déterminant dans la fixation dans notre capacité d'accueil. C'est un élément qu'on pourra prendre en compte, je pense bien, dans l'ouverture, mais je pense qu'il y a beaucoup d'autres considérations dans la fixation définitive de ce que devraient être les niveaux d'immigration qui doivent être pris en compte. Encore une fois - je reviens - c'est fondamentalement un ensemble des ressources que nous sommes disposés à mettre de l'avant pour soutenir une politique d'intégration, lesquelles vont être déterminantes dans la fixation des niveaux.

M. Boulerice: M. le maire, dans votre mémoire, vous parlez d'une ville qui est devenue cosmopolite, et les villes cosmopolites ont forcément des charmes que les villes qui ne le sont pas forcément n'ont pas. C'est ce qui fait l'attrait. D'ailleurs, M. le Président vous disait tantôt que j'accueillerai tantôt une délégation étrangère qui a séjourné trois jours à Montréal, et ils étaient émerveillés de visiter notre ville. Ils la sentaient très européenne dans son esprit, dans son essence, nord-américaine, il va de soi, dans son architecture, mais ils sentaient qu'ils étaient dans une ville qui avait un caractère unique en Amérique du Nord. (11 h 15)

Mais il y a une chose, par contre, et la semaine dernière, il y avait un article de M. Denis Lessard, que vous connaissez bien puisque vous le lisez, et qui dévoilait les statistiques du Conseil de la langue française, qui démontraient une très nette stagnation pour ce qui est du français comme langue de travail. Quand on sait qu'il y a plusieurs dizaines de milliers, si je n'inclus que Montréal, d'entreprises de moins de 50 employés dont la langue de travail est l'anglais puisque la loi ne s'applique pas, est-ce que vous êtes en faveur d'une extension de la loi, selon le modèle de la loi 91 qui a été présentée, à l'effet que la langue de travail, le français langue de travail soit extensionné aux entreprises de moins de 50 personnes, de façon à ce qu'il y ait une véritable valorisation de la langue? Une langue qu'on laisse au vestiaire de son usine et de son entreprise est une langue dévalorisée. Une langue de culture est importante, mais une langue qui n'est pas une langue de travail, c'est une langue de salon.

M. Doré: Oui, c'est vrai que j'ai lu le document. D'ailleurs, j'ai demandé d'avoir davantage, parce que je pense qu'il faut aller au fond des choses quand on fait un peu l'appréciation d'une étude de cette portée. Mais je pense que le constat, il est double. D'une part, les cadres des grandes entreprises de Montréal sont davantage francophones qu'ils ne l'étaient. Cela dit, et conséquemment, dans la langue de tous les jours, la langue française, à ce niveau-là, devient la langue de travail. Cela dit, dans le contexte d'Internationalisation, je dirais, de l'économie et du village planétaire qu'est devenue notre planète, sur le plan économique comme sur tout le reste, la plupart des gens qui détiennent des postes de commande sont dans une situation de bilinguisme fonctionnel. Et je pense, là-dessus, qu'il n'y a personne qui va s'en étonner, que pour commercer avec l'extérieur, nous utilisions la langue passe-partout. C'est l'espéranto des années quatre-vingt-dix, disons-le comme ça. Qu'on le veuille ou non, c'est ça la réalité et c'est vrai sur le plan commercial, économique comme ça l'est sur le plan scientifique. Là-dessus, je pense que c'est un avantage pour Montréal que d'avoir un environnement culturel qui soit francophone dans un contexte nord-américain et où les francophones, qui enrichissent le contexte nord-américain d'une culture différente et originale, sont en même temps des gens qui possèdent cette langue internationale, je dirais, du commerce et de l'économie.

Cela dit, ça n'explique pas et ça ne justifie pas le fait que pour des entreprises de 50 employés et moins, même dans les autres, dans le quotidien du travail, pour les gens qui ne sont pas en interface avec l'extérieur, que la langue de travail continue d'être l'anglais. Et là-dessus, je pense que là aussi, quand on parle de ressources à consentir, ça ne peut pas se faire uniquement par la coercition dans bien des cas. Ça suppose des programmes de soutien et d'aide, surtout pour les plus petites entreprises qui sont plus fragiles et qui n'ont pas les ressources pour y faire face, et ça fait partie des choix qu'il nous faut faire quand on fait une politique, comment dirais-je, d'intégration, et ce n'est pas juste l'école.

Je l'ai dit tantôt: c'est l'emploi. C'est les programmes de francisation qu'il nous faut créer aussi pour permettre de faire le rattrapage pour des clientèles qu'on a ratées à l'époque. C'est un ensemble de composantes et de moyens dont il faut se doter, coordonnés, vus sur une base horizontale, en partenariat avec le milieu. Et là-dessus, je pense que l'organisme déterminant pour le gouvernement, c'est son ministère, qui peut coordonner sur une base sectorielle l'ensemble des interventions sur un territoire donné et dans la région. Mais je suis d'accord avec vous. C'est un sujet de préoccupation qui devrait, je pense, amener les décideurs gouvernementaux à revoir l'allocation et les politiques de ce point de vue. Mais il ne faut pas s'en alarmer au point de ne pas constater qu'il y a quand même progression importante de la pénétration, je dirais, de la langue française dans les lieux de décision, même si les gens, dans les faits, quand ils sont en interface avec l'externe,

sont en situation de bilinguisme fonctionnel.

M. Boulerice: Par contre, à l'inverse, nous assistons, malheureusement encore, à une présence de véritables ghettos d'emplois à Montréal. Je sais que Montréal veut être une capitale de la mode. Une capitale de la mode signifie textile. Je ne vous ressortira! pas le sempiternel exemple de la rue Chabanel, mais l'absence d'une politique comme telle fait en sorte que Montréal a des ghettos d'emplois. Mais ce n'est pas uniquement des ghettos linguistiques. Ça devient aussi des ghettos socio-économiques qui mettent en danger la progression sociale et économique, je le répète, d'une large partie d'une population que nous avons invitée à venir s'établir chez nous, d'où une responsabilité accrue...

M. Doré: Tout à fait d'accord, et je pense que c'est parmi les choses lorsqu'on fait un examen de la réalité montréalaise, qui nous amènent à dire que l'intégration ne passe pas juste par l'école.

M. Boulerice: M. le maire, c'est mon collègue, député de Shefford, qui vous remerciera au nom de l'Opposition officielle. Je vous prie de m'excuser, M. le Président, et même si Mme la députée de Bourget n'est pas membre de la commission, l'Opposition officielle donne son consentement à ce qu'elle puisse intervenir. Je pense qu'elle va apprécier cette générosité et pratiquer la réciprocité.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, et avant de vous passer la parole, Mme la députée de Bourget, vu que M. le maire, vous avez remarqué que j'ai acquiescé ou j'ai désacquiescé, vous vous êtes posé la question, à ce que vous disiez, je vais vous informer que j'ai acquiescé à ce que vous disiez. Je peux vous assurer... d'ailleurs, nous en avons parlé, lors d'une séance de travail que nous avons eue privément au mois de janvier, que je ne pourrai, comme député montréalais, de même que pour mes collègues, considérer que seul le potentiel fiscal montréalais soit mis à contribution par taxe ou surtaxe pour contribuer à l'intégration de tous les immigrants qui viennent s'établir au Québec, mais qui, pour des raisons que vous avez très bien expliquées d'ailleurs, doivent résider à Montréal, et que j'entends, avec mes collègues, certainement défendre cette position que vous partagez, je le crois.

M. Doré: Vous m'excuserez, M. le Président, d'avoir mal interprété votre signe de tête.

Le Président (M. Gobé): C'était un non qui voulait dire oui.

M. Doré: D'accord.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Alors, ceci étant dit, je vais maintenant, avec le consentement très, très sympatique de l'Opposition, passer la parole à Mme la députée de Bourget.

Mme Boucher Bacon: Oui, j'aimerais, juste avant, question de procédure, est-ce que Mme la ministre a terminé?

Le Président (M. Gobé): Oui, oui, vous avez la parole, Mme la députée.

Mme Boucher Bacon: Merci. Alors, je ne sais pas si mon collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques va regretter de m'avoir donné la parole, mais moi, je voulais dire que je ne partage pas du tout ce qu'on a voulu faire croire, que Montréal ressemblait à un tiers monde puisque j'y vis et j'en suis fière. Alors, surtout en page 52, lorsqu'on voit, non pas les efforts mais vraiment tout ce que les équipements culturels des quartiers, des bibliothèques, des maisons de culture, les centres communautaires et j'en passe... Je reviens au rapport que vous avez fait sur les aspects multi-ethniques. Alors, je pense que la culture a une place et puis, on n'est pas le tiers monde. Alors, je voulais juste rectifier et j'ai un autre aussi - pas une mise en garde - mais je pense qu'on n'avait pas le bon forum pour parler, disons, des transferts et j'aimerais m'en tenir à la culture puisque c'est le but de notre commission et peut-être de ne pas vous ingérer en lion et peut-être de voir l'ouverture que notre gouvernement a faite dimanche dans son discours, et ce que M. Ryan... et d'être prudent peut-être avant de mordre. Ceci étant dit, j'aimerais, en page 51, lire un petit peu, pour le bien de la commission, votre premier paragraphe sur l'accès du logement, 4.2.4: "La Ville de Montréal se réjouit de l'importance qu'a choisi d'accorder l'énoncé de politique à la question de l'accès au logement des membres des communautés culturelles. Cette question soulève en effet plusieurs enjeux qui sont fondamentaux pour la convivialité des quartiers de la ville centrale."

Alors moi, dans votre mémoire, comme l'a indiqué Mme la ministre, vous avez été très généreux et je vous en remercie. Alors, je voudrais, sans vous poser une question piège ni faire une suggestion, vous dire que vous signalez l'importance de la discrimination dont sont victimes les minorités visibles dans le secteur du logement. Vous vous dites être disposé à collaborer étroitement avec plusieurs instances gouvernementales, entre autres le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, la Société d'habitation du Québec, les Affaires municipales. Vous avez prévu différentes mesures, dont la session de sensibilisation auprès de divers groupes cibles, la mise en oeuvre de

plans de communication auprès des Québécois des communautés culturelles, et je trouve ça extraordinaire, finalement, la traduction des baux types en diverses langues et l'analyse des besoins de logement des familles à faible revenu des communautés culturelles. Alors, sans voir une question piège, j'aimerais que vous élaboriez, à savoir, avez-vous entrepris des contacts ou pensé à travailler avec la Commission des droits de la personne, qui se préoccupe beaucoup de la question de la discrimination du logement ou des loyers?

Le Président (M. Gobé): M. Doré.

M. Doré: Oui. Merci, M. le Président. On a, je pense... oui. On a déjà pris des contacts. La ville a la responsabilité de l'application du code du logement. Alors, nous, on s'est davantage mis dans la mise aux normes des logements et la conformité de la qualité des logements du point de vue de leur habitabilité. C'est, bien sûr, la Régie et la Commission qui, quant à des cas de discrimination, peuvent éventuellement agir et/ou sévir.

Le ministère... On mentionne le ministère parce qu'on pense que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration a peut-être comme responsabilité d'agir comme l'élément de sensibilisation, de fournir des ressources de sensabiiisation à l'interculturalisme, aux propriétaires d'un certain nombre de ces immeubles qui peuvent avoir des comportements discriminatoires, mais en bout de ligne, je pense que ce qu'il faudrait éventuellement mettre en place, c'est une action concertée avec, peut-être, s'il dit nécessaire, quelques cas types. Il va falloir que les Montréalais se rendent compte, que ceux qui pratiquent cette discrimination - et on a plusieurs cas qui sont quand même préoccupants -se rendent compte qu'il s'agit là, d'abord, d'une attitude qui est contraire à la Charte, qui est sanctionnable, qui peut comporter des pénalités, et que, éventuellement, il faut les persuader tout le temps. Mais, dans certains cas, il faut peut-être faire quelques exemples pour qu'on puisse commencer à alerter et à changer les comportements.

Je pense qu'il y a là une préoccupation indéniable de notre part sur la nécessité d'être un peu plus vigoureux quant à l'application de droits qui existent dans les chartes et sur papier, mais qui, en pratique, continuent malheureusement d'être bafoués, faute de sensibilité et peut-être faute de peu de moyens ou de cas d'exemples. Et souvent, la meilleure façon de le faire, c'est de se concerter et s'entendre sur une stratégie qui fasse qu'on les mette en lumière et qu'on ait peut-être un effet de levier plus important. C'est un peu, je pense, l'optique dans laquelle on le fait. La ville travaille - je l'ai dit tantôt, en réponse à la question du député de l'Opposition - beaucoup aussi à trouver des moyens différents et alternatifs, pour répondre à la demande de besoins dits sociaux ou, en tous cas, abordables et de qualité, et on a aussi l'appui maintenant, je pense, très net du gouvernement à travers l'intervention que le ministre responsable de l'habitation intermunicipale, M. Ryan, a faite récemment. D'ailleurs, M. Ryan et moi, on doit, la semaine prochaine, faire une conférence de presse pour annoncer l'action conjointe du gouvernement du Québec et de la ville là-dessus. Mais ce n'est qu'une partie du problème.

On aura beau avoir des beaux logements aux normes, encore faut-il que les gens pour lesquels ils sont destinés puissent y avoir accès. C'est plus facile, évidemment, quand la propriété est collective. On préconise beaucoup des coops interculturelles. Ça a donné de bons résultats; là où l'expérience a été tentée, ça a enrichi généralement et ça a ouvert l'horizon de beaucoup de gens. J'ai été en contact, moi, avec beaucoup d'entre elles, notamment dans ce qu'on appelait les terrains des usines Angus, et c'est vraiment quelque chose, je pense aussi, qui est prometteur. Mais dans le logement privé traditionnel, il faut qu'ils aient accès aux logements indépendamment de la couleur, de la race ou de la provenance culturelle.

Le dernier élément - je pense que c'est important - il faut aussi travailler avec les groupes représentatifs des communautés. Parce que, très souvent, les groupes... On le fait beaucoup, nous, à la ville; on a fait beaucoup de colloques avec chacune des communautés pour bien comprendre que, dans bien des cas, les différences culturelles sont telles, qu'il n'y a pas de cours à... Et on l'a souligné dans le document, il faut le faire, ça fait partie de l'apprentissage. L'intégration à la vie urbaine de Montréal, l'intégration à la société québécoise... Les pompiers chez nous, ce n'est pas des policiers. Les pompiers, les gens ne paient pas pour; c'est gratuit. Alors, tu n'as pas besoin, quand le feu poigne... tu peux les appeler. Je ne vais pas recommencer avec ça, là, mais ça passe aussi par les vidanges. Je veux dire, ça ne marche pas comme ailleurs, tu sais, quand tu vis dans un territoire, c'est normal, je veux dire, les gens pour lesquels... je veux dire, la nature fait le travail à leur place. Ils ont dit: Va... La nature leur permet. A Montréal ça ne marche pas comme ça. Alors donc, l'ensemble de l'apprentissage des règles en matière sociosanitaire est aussi important pour que, globalement, il n'y ait pas de dégradation de... Tu as beau faire des logements de qualité, il ne faut pas qu'ils se dégradent rapidement. En ce sens-là, c'est pour ça que la formation pour former des coops, la sensibilisation à cette réalité, l'appui et le soutien des groupes communautaires qui nous aident à faire ce travail-là, c'est un peu tout cela qui va permettre de régler les problèmes de logement.

Le Président (M. Gobé): O.K. M. le maire. Merci, Mme la députée de Bourget. M. le député de l'Acadie, vous aviez une courte question, je crois, à poser. Vous m'aviez fait signe...

M. Bordeleau: Oui.

Le Président (M. Gobé): ...très rapidement, parce que le temps tourne, malheureusement, mais quand même, je vous reconnais. (11 h 30)

M. Bordeleau: Ça va. Je vous remercie, M. le Président. Dans votre mémoire, vous pariez de l'évolution de la ville de Montréal. Vous parlez de la diversité culturelle, raciale et ethnique des différents quartiers. Vous nous avez mentionné, tout à l'heure... vous avez utilisé l'expression "d'une nouvelle identité montréalaise", et j'aimerais profiter de l'occasion du contexte particulier que nous avons ici, et aussi de votre passage à la commission - je ne vais pas vous demander de faire de la prospective et de dire ce que sera l'avenir, parce que probablement personne ne peut le faire - mais j'aimerais peut-être dans le contexte de notre réflexion, vous entendre sur ce que vous souhaiteriez, dans votre esprit, que la ville de Montréal soit dans une ou deux générations. Peut-être en comparaison avec la situation actuelle. C'est peut-être plus facile, des fois, de se situer par rapport à certaines lacunes qui peuvent exister actuellement et je pense, surtout ici dans le contexte de notre discussion, c'est-à-dire celui de l'immigration. Je fais référence aussi aux nombreuses questions que vous vous êtes posées dans votre mémoire, aux pages 40 et 41, où vous faites référence à toute une série de points sur lesquels vous vous interrogez, sans avoir nécessairement les réponses actuellement.

M. Doré: Vous avez identifié... aux pages 40 et 41, vous dites.

M. Bordeleau: Aux pages 40 et 41. Il y a toute une série de questions que vous vous posez.

M. Doré: Oui. D'accord. Parfait. J'essaie de voir. Oui. Autour de l'interculturalisme. Je pense que la notion importante là-dessus, c'est celle qu'on essaie d'identifier autour de la question... en fait, de ce qu'on a appelé, nous, l'interculturalisme à la ville de Montréal et qui, je pense, est une valeur importante. Je l'ai dit tantôt et, non seulement c'est l'échange entre les cultures, mais dans une approche de réciprocité, à partir d'une culture commune de base qui est la culture francophone. Si vous me demandez ce que je souhaite que soit le Québec ou Montréal, la métropole du Québec dans deux générations, bien, je souhaite qu'elle soit toujours la métropole de la francophonie d'Amérique, mais une métropole où la francophonie sera, je dirais, davantage celle d'une société pluraliste et moins homogène que celle qu'on a connue. Il n'y a rien qui me réjouit plus, comme maire de Montréal, que...

Vous savez que les étudiants de quatrième année, au niveau primaire, font tous un travail qui est centré sur leur ville, enfin sur l'apprentissage de leur environnement et de la ville. Alors, j'accepte volontiers, au rythme de tous les trois ou quatre mois environ, d'aller dans une école rencontrer les étudiants de quatrième année et répondre à leurs questions. Il n'y a rien qui ne me fascine plus que d'entendre, de voir devant moi des étudiants dont on voit manifestement, en les examinant, que les parents sont d'origine latino-américaine, arabe, asiatique, africaine, de voir, que tous se parlent dans la langue de Vigneault - disons-le comme ça, je ne dirais pas Molière, mais davantage Vigneault -et, dans certains cas, avec l'accent deux fois trop prononcé de Montréal - ça, c'est moins heureux - mais ça fait partie de cette réalité.

Ce sont ces jeunes-là qui vont faire le Montréal de demain et, dans ce sens-là, je pense que le Québec sera une société... sera toujours, doit toujours conserver la capacité de garder son originalité et son caractère distinct. C'est fondamental. C'est non seulement le reflet de ce qu'est notre majorité mais. C'est là un facteur, je dirais, à mon point de vue, sur lequel on doit articuler notre avenir et notre différence. Et je pense que les gens d'autres communautés, acceptent volontiers de jouer ce rôle-là avec nous, de le faire en toute complicité et en y trouvant leur satisfaction et leur épanouissement. Mais, encore une fois, pour peu que le Québec demeure actif et énergique au plan économique - il y a toujours un facteur d'attraction - il doit se doter d'outils qui permettent, justement, à l'interculturalisme de devenir une réalité et une nouvelle valeur aussi bien pour les francophones.

Et là, je vais vous poser un problème et je pense que la commission va devoir en résoudre un, mais je pense qu'il y a des solutions aussi là-dessus. La responsabilité qu'ont les francophones de la région de Montréal qui vivent dans des villes qui sont homogènes, ceux des classes moyennes, des classes moyennes supérieures qui ont fait le choix de vivre dans la périphérie et qui, donc, connaissent moins cette réalité, ils ont aussi une responsabilité et, en ce sens là, si on veut relever le défi de l'interculturalisme, il faudrait peut-être développer des partenariats. Il est tout à fait concevable, pour faciliter l'intégration d'une famille de nouveaux arrivants, qu'on puisse parler de parrainage. On peut demander à une famille qui vit sur la rive nord, dans les basses Laurentides au même titre qu'elle vit à Laval ou sur la rive sud, de dire: Seriez-vous d'accord pour que vous puissiez, pendant la première année, parrainer? Parrainer veut dire rendre visite, accueillir, rencontrer, discuter peut-être une fois par mois avec une

famille qui arrive, de façon à combler un vide. Il ne faut pas que le nouvel arrivant ne soit qu'en contact avec des gens de sa communauté. Là, le danger c'est d'en faire davantage un ghetto. C'est la même chose à l'école. Un nouvel arrivant qui rentre dans une école devrait normalement être pris en charge et parrainé par un élève de la majorité ou un élève qui est déjà présent. Je donne une série d'exemples pour dire que ce n'est pas uniquement une affaire de pouvoirs publics. Ce n'est pas uniquement une affaire de la ville de Montréal et du réseau du ministère. C'est un choix de société et il faut le partager comme tel, il faut se donner les instruments. Et c'est comme ça qu'on va faire l'intégration.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Je dois malheureusement vous interrompre et je passerai maintenant la parole à M. le député de Shefford. Très rapidement, un mot de conclusion, parce que nous avons déjà dépassé le temps.

M. Paré: Oui, merci M. le Président. Ça va être très rapide. Pour vous remercier, les gens de la ville de Montréal, M. le maire en tête, pour dire que votre présence était non seulement importante, mais indispensable parce que, comme vous le disiez et vous l'avez répété à maintes occasions, l'immigration et l'intégration - et c'est tellement vrai - c'est un défi de la société québécoise, mais qui se vit à Montréal. Et je pense que ça, c'est une réalité et c'est bon de l'avoir d'une façon aussi simple et aussi succincte ramenée, rappelée et avec des exemples comme le parrainage que vous venez de nous apporter en dernier. Je suis content que vous ayez parlé passablement d'habitation et de logement, parce qu'à chaque année, lorsqu'on regarde les rapports du Protecteur du citoyen ou de la Commission des droits de la personne, le harcèlement aux minorités, c'est toujours ramené comme un des problèmes majeurs. Il va falloir que comme société, on règle ça et ça, ça veut dire une sensibilisation auprès des propriétaires, entre autres. On n'a pas le droit de faire ça à nos nouveaux arrivants. Et je conclus en disant que votre message est très clair et très simple et il se résume en trois phrases que vous avez aussi répétées et qu'on retrouve dans votre texte: c'est une responsabilité du Québec. Il faut se donner les moyens de notre stratégie, et la dernière qu'on trouve en page 14, l'intégration économique, constitue à maints égards le principal défi que doit relever le nouvel arrivant parce que lui, comme nous, les nouveaux comme les anciens, ce qu'on doit avoir avant tout pour s'intégrer, c'est un emploi.

Alors, merci beaucoup de votre présence, et je suis sûr que les membres de la commission vont tenir compte de vos propos.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Shefford. Mme la ministre, votre conclusion, rapidement.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le maire. Je voudrais aussi remercier vos collaborateurs et collaboratrices pour la préparation du mémoire. Moi, je suis très heureuse de constater que vous connaissez bien votre dossier. Vous le défendez avec conviction. Je peux vous assurer de mon entière collaboration de même que de la collaboration du ministère. Je sais que nous travaillons actuellement en concertation pour en arriver à des signatures d'ententes, et je puis aussi vous assurer que le gouvernement entend soutenir financièrement son énoncé. Comme je le mentionnais et j'ai déjà eu l'occasion de le mentionner, il s'agit d'un budget de l'ordre de 30 000 000 $ d'argent neuf au cours des trois prochaines années, de budget de développement. Je dois vous dire aussi que nous avons prévu, entre autres, 500 000 $ pour encourager des cours de français en milieu de travail, entre autres plusieurs millions de dollars pour les écoles à forte densité ethnique. Donc, ce sont deux préoccupations de la ville de Montréal, et vous comprendrez aussi que presque tous les budgets affectés à l'intégration seront dépensés dans la région montréalaise. Je dois vous dire aussi que le budget du ministère a été triplé au cours des dernières années, et que suite à l'entente que nous avons signée avec le gouvernement fédéral, nous avons une marge de manoeuvre beaucoup plus grande aussi pour être capables d'unifier non seulement nos budgets, mais aussi nos actions.

Alors, je vous remercie de votre collaboration et bon voyage de retour.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. le maire, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier de votre témoignage ainsi que vos collaborateurs, et à titre de député de Montréal-Est cette fois-ci, et président du caucus de l'est, permettez-moi de vous assurer que nous avons pris bonne note de vos recommandations et que nous en tiendrons compte.

Alors, je vais maintenant suspendre les travaux de cette commission pour une minute, afin de permettre au groupe suivant de venir s'installer. Donc, les travaux de la commission sont suspendus pour une minute.

(Suspension de la séance à 11 h 39)

(Reprisée 11 h 41)

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, s'il vous plaît, je vous invite à prendre place autour de la table et je demande aux intervenants de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain de bien vouloir s'avancer afin de pouvoir s'installer.

Alors, la commission de la culture reprend sa séance et je demanderai aux témoins de bien vouloir s'asseoir.

M. le député de Shefford, nous...

Alors, la commission de la culture va maintenant, dans la continuation de son mandat qui est de tenir une consultation générale sur l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration intitulé Au Québec pour bâtir ensemble ainsi que sur les niveaux d'immigration souhaités pour les années 1992, 1993 et 1994, continuer ses travaux. Et je demanderai à Mme Nycol Pageau Goyette, présidente, et à Mme Suzanne Lalonde, directrice générale adjointe, de bien vouloir procéder à la présentation de leur mémoire. Mme Pageau, vous avez la parole, s'il vous plaît.

M. le député de Saint-Louis, si vous voulez participer à ces travaux, vous êtes bienvenu.

Des voix: Ha, ha, ha!

Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Mme Pageau Goyette (Nycol): Je pense bien que notre mémoire va être un peu moins percutant que celui que nous avons déposé cette semaine sur les télécommunications, d'abord, parce que l'énoncé de politique était fort bien fait et que, dans l'ensemble, nous étions, d'une façon générale, assez d'accord avec ce qu'il contenait. Alors, j'imagine que vous l'avez lu. Nous allons le repasser ensemble.

Alors, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain est heureuse de soumettre ce mémoire en réponse à l'énoncé de politique du gouvernement du Québec en matière d'immigration et d'intégration. La Chambre a accueilli très favorablement la récente entente Ottawa-Québec en vertu de laquelle le Québec aura désormais l'exclusivité de la sélection de ses immigrants indépendants, ce qui représente environ 60 % de tous nos immigrants. Nous croyons en effet que c'est cette catégorie d'immigrants qui nous aidera à bâtir le Québec de l'an 2000. Nous jugeons louable la concertation des efforts des différents ministères et intervenants dans le dossier de l'immigration et la publication d'une politique à l'échelle gouvernementale plutôt qu'à l'échelle ministérielle. La Chambre est d'accord, en théorie, avec l'énoncé. Associer immigration aux quatre grands défis que sont le redressement démographique, la prospérité économique, la pérennité du fait français et l'ouverture sur le monde nous semble tout à fait juste. C'est d'ailleurs cette même réflexion qui a incité la Chambre, il y a quatre ans maintenant, à mettre sur pied un comité d'accueil et de partenariat. Nous étions conscients, en effet, du rôle actif que nous devions jouer sur le plan interculturel et sur celui de la société dont nous nous devons d'être le reflet.

Comme chacun sait, les immigrants influencent non seulement nos habitudes, mais aussi certaines de nos façons de faire. À l'heure de l'internationalisation du commerce, les relations interculturelles contribuent à notre connaissance des us et coutumes d'autres pays où la façon de faire des affaires peut différer considérablement de la nôtre. On pense notamment aux pays d'Asie et d'Europe de l'Est qui constituent de formidables marchés potentiels, mais qui exigent des approches souvent aux antipodes de nos façons de faire habituelles. On voit d'ailleurs de plus en plus d'entreprises exportatrices embaucher des cadres qui peuvent contribuer efficacement à l'ouverture de nouveaux marchés dans leur pays d'origine grâce aux connaissances et aux contacts qu'ils conservent dans ces pays. Nous croyons qu'il y aurait certainement lieu d'utiliser davantage les réseaux des différents groupes ethniques établis ici pour faciliter nos relations d'affaires avec d'autres pays.

À part ces liens qu'elle est à développer avec la Conférence des chambres de commerce européennes et d'autres chambres de commerce, la Chambre du Montréal métropolitain entretient également des relations avec un certain nombre de fonctionnaires des deux paliers de gouvernement. Dans ce dossier comme dans plusieurs autres, elle se fait le rassembleur des intervenants qui sont en mesure de faire évoluer les choses et offre aux gens d'affaires d'ici et de l'étranger un lieu de rencontres et d'échanges. (11 h 45)

II existe donc un tout début de concertation pour en arriver à cerner nos besoins en immigration, mais cela ne suffit pas. Il doit également y avoir une offensive concertée, notamment auprès des gens d'affaires, des entrepreneurs et des investisseurs de l'étranger pour les intéresser au Québec.

Nous nous devons de faire un pas de plus à l'étranger pour aller chercher les gens qui nous intéressent. Il nous faut carrément prendre les devants et, à partir d'une connaissance approfondie de l'économie québécoise et de ses besoins, promouvoir le Québec comme une place d'affaires exceptionnelle. Nous devons aller chercher, proposer à des candidats qui présentent de l'intérêt pour nous les possibilités qui leur sont offertes ici. il faudrait en arriver à ce que les entrepreneurs, d'où qu'ils proviennent, aient l'impression non seulement que le Québec a besoin d'eux, mais qu'eux aussi ont besoin du Québec pour réussir.

Les États-Unis ont exercé un pouvoir d'attraction extraordinaire sur les étrangers parce qu'ils représentaient un pays où la réussite était possible. C'est cette image de P"american dream" apprêtée à l'extraordinaire sauce québécoise qu'il faut offrir aux candidats qui nous intéressent.

La période semble particulièrement bien choisie pour passer à l'attaque. Plusieurs inves-

tisseurs et gens d'affaires de Hong Kong sont en train de décider de leur avenir. La guerre du golfe Persique a provoqué aussi de grands remous et bouleversé les règles du jeu. L'Europe de 1992 amènera sans doute plusieurs entrepreneurs des pays d'Europe à repenser leur stratégie en fonction de la globalisation des marchés. C'est à nous de les attirer chez nous. C'est à nous de leur faire valoir nos avantages, car au-delà des politiques, c'est une telle approche qui devrait inspirer tous les intervenants dont la mission consiste à sélectionner les immigrants.

Les immigrants qui intéressent en premier lieu le monde des affaires, comme nous le mentionnions précédemment, sont les immigrants indépendants, c'est-à-dire les gens d'affaires, les investisseurs et les travailleurs autonomes, en raison de la contribution qu'ils sont susceptibles d'apporter au développement de notre société.

Plus la sélection sera rigoureuse, plus les critères de choix seront établis en fonction des besoins du Québec dans les divers domaines de son activité, plus le Québec sera bien servi par ses nouveaux arrivants. C'est dans ce processus de sélection que nous devons nous montrer à la fois plus méticuleux et plus imaginatrfs. Pour cela, les services du gouvernement qui oeuvrent à l'étranger doivent travailler de concert avec l'entreprise publique et privée pour connaître le type de spécialistes requis et répondre aux besoins identifiés.

Il faudrait également voir à accélérer le processus d'immigration. Trop souvent, nous disent les immigrants, les délais entre l'identification des besoins et l'arrivée des immigrants forcent les entreprises à abandonner leurs projets et les exposent peut-être à rater le virage technologique. Il arrive aussi que l'on conseille à une entreprise, après qu'elle a entrepris maintes démarches et négociations, d'embaucher plutôt un Québécois ou une Québécoise, alors que c'est précisément parce que le type d'expertise qu'elle recherchait n'existait pas sur le marché québécois qu'elle a effectué ses recherches à l'étranger. Vaudrait mieux faciliter la tâche aux entreprises dans la recherche d'employés à l'étranger que de chercher à leur mettre des bâtons dans les roues.

Le gouvernement craint qu'un accent trop marqué sur les seules retombées économiques de l'immigration amènerait à privilégier la venue de gens d'affaires qui, compte tenu de la situation géopolitique actuelle, proviennent majoritairement des bassins non francophones. Pourtant, les statistiques démontrent que, dans le passé, les immigrants possédant un niveau élevé d'éducation se sont toujours plus facilement intégrés aux populations locales où ils s'établissent. Une économie saine et viable exercera un attrait certain sur les immigrants, quelle que soit leur langue d'origine. Ils s'identifieront à leur pays d'adoption et chercheront à s'y adapter le plus rapidement possible.

De 1961 à 1986, le pourcentage d'immigrants allophones qui ont déclaré connaître le français est passé de 45 % à 65 %. Plus la société québécoise présentera un visage accueillant et dynamique, plus, croyons-nous, cette tendance s'accentuera. Il vaudrait donc mieux privilégier une sélection rigoureuse qui tienne compte d'un ensemble de facteurs que de privilégier un facteur tel la langue qui, en lui-même, n'est pas garant d'intégration. À notre avis, les facteurs économiques, culturels, religieux et autres ont tout autant - sinon beaucoup plus dans certains cas - de poids que celui de la langue.

La reconnaissance de certains diplômes, la dévalorisation de l'expertise acquise dans le pays d'origine de même que les délais souvent trop longs pour obtenir des équivalences ont nui à l'immigration de gens disposant d'une formation et d'un niveau d'éducation supérieurs ou les ont empêchés de pratiquer chez nous leur profession. Il est regrettable pour le Québec de gaspiller une expertise qui est parfois unique.

Il y a donc lieu d'éviter de se refermer dans des considérations tatillonnes d'équivalence. Il faut au contraire, à partir d'un certain minimum requis, cela va de soi, considérer certains des éléments différents de formation et d'expertise comme des façons d'enrichir nos propres façons de faire et des sources éventuelles d'innovation.

Trop souvent, au sein du gouvernement, on agit comme si les politiques d'immigration ne concernaient que le seul ministère de l'Immigration. Les fonctionnaires d'un ministère sont ignorants des programmes mis en place par un autre. Citons l'exemple de ce chercheur qui, par le biais d'un programme du ministère de l'Immigration, devait bénéficier de deux années de revenus non imposables. Les fonctionnaires du ministère du Revenu n'étaient pas au courant de ce programme et insistaient pour que le chercheur paie ses impôts. Il a dû entreprendre des démarches afin que le ministère des Communautés culturelles écrive au ministère du Revenu pour éclaircir la situation.

Notre comité reçoit nombre de ces cas bizarres qui donnent à notre administration une image d'inefficacité. Il vous revient, je crois, d'organiser la concertation entre le ministère de l'Immigration et celui de l'Industrie et du Commerce, celui de la Main-d'oeuvre, celui de l'Éducation et tous les autres impliqués.

L'énoncé de politique du gouvernement du Québec soulève le problème de la concentration des immigrants dans la région montréalaise et propose de favoriser la régionalisation de l'immigration. Cette orientation pourrait possiblement contribuer à rétablir un certain équilibre démographique entre la région métropolitaine et les régions périphériques. Elle va cependant à l'encontre des tendances observées non seulement au Québec, mais partout au Canada et sans doute dans la plupart des pays du monde. Les

immigrants s'orientent naturellement vers les grandes villes. En général, l'emploi y est plus abondant et les réseaux culturels linguistiques et ethniques y sont déjà établis, précieux atouts pour qui cherche à s'adapter à un nouvel environnement. Enfin, les ressources d'accueil et de formation y sont souvent concentrées.

Trop miser sur le projet de décentralisation de l'immigration serait, à notre avis, peu réaliste et drainerait budgets, ressources et énergies. Voyons les choses telles qu'elles sont: la grande région métropolitaine de Montréal est sans équivoque la région la plus touchée par une politique d'immigration. C'est là qu'il faut investir une bonne part des budgets et non dans des régions peu touchées par le phénomène de l'immigration. Une décentralisation exigerait la mise en place dans les diverses régions de structures et de programmes d'accueil qui, à l'heure actuelle, y sont pratiquement inexistants, alors que les ressources déjà existantes à Montréal ont dramatiquement besoin d'être augmentées et améliorées. Les ressources financières sont une denrée rare par les temps qui courent. Rationalisons par souci d'efficacité, mais aussi d'équité.

Nous croyons que toute politique d'immigration doit être ancrée dans une réalité concrète et que tout programme doit être élaboré en concertation avec les institutions et les milieux concernés: les commissions scolaires, les gouvernements municipaux, les entreprises, les chambres de commerce, etc.

C'est avec plaisir que la Chambre a pris connaissance de l'entente récente entre la Commission d'initiative et de développement économiques de Montréal et le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration pour la mise sur pied d'un programme destiné à aider les immigrants, gens d'affaires et à favoriser leur implantation à Montréal.

Dans le même ordre d'idées, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec devrait être élargi pour inclure des représentants du milieu des affaires. La Chambre serait heureuse de participer à une telle initiative.

Nous trouvons également important de développer des programmes de sensibilisation destinés aux Québécois de souche. Les confrontations culturelles menacent les habitudes, ébranlent la perception du réel, suscitent une peur que l'on ne peut balayer du revers de la main. C'est en nous permettant des différences, en apprenant à nous respecter les uns les autres, en sensibilisant les gens à l'apport et à l'enrichissement d'une immigration bien planifiée et bien intégrée que nous arriverons à bâtir le Québec de demain.

Les priorités pour nous sont, en bref, à établir au chapitre de l'immigration et devraient être les suivantes: une recherche plus proactive de candidats à l'immigration, notamment d'entre- preneurs et d'investisseurs; deuxièmement, une sélection rigoureuse des immigrante qui tienne compte de nos besoins en main-d'oeuvre; troisièmement, une sélection qui tienne compte davantage de J'adaptabifité des candidats plutôt que de leur origine linguistique comme telle; quatrièmement, la reconnaissance des qualifications des immigrants; cinquièmement, un renforcement des services d'accueil et de francisation dans la région de Montréal; sixièmement, une sensibilisation des Québécois à l'apport culturel, économique et social des immigrants, et, enfin, une concertation des efforts à tous les paliers des secteurs gouvernementaux, publics et privés. Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Mme la présidente, je vous remercie et je vais maintenant passer la parole, pour une période de 15 minutes, à Mme la ministre de l'Immigration.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci beaucoup, Mme Pageau Goyette, pour la présentation de votre mémoire. Mme Pageau Goyette, la Chambre de commerce a mis sur pied, il y a quatre ans, un comité d'accueil et de partenariat dont le mandat est de favoriser les liens entre gens d'affaires des diverses communautés et de promouvoir la région métropolitaine auprès des investisseurs étrangers. J'aimerais bien que vous puissiez nous parler des réalisations de ce comité, s'il y a des difficultés que vous avez rencontrées, par exemple, dans l'atteinte de ces objectifs, des pistes qu'if a explorées et qui pourraient être utilisées aussi actuellement.

Mme Pageau Goyette: Lorsque le comité a été mis en place, il y avait un grand enthousiasme de la part des bénévoles qui y travaillent. D'abord, on s'était dit à ce comité: Nous allons devenir le phénomène intégrateur des immigrants. Nous allons pouvoir les intégrer à la communauté d'affaires, les inviter à tous nos cocktails, à toutes nos réceptions et à tout ce qu'il faut. Finalement, ça ne s'est pas vraiment passé comme ça. Pourquoi? Parce que l'information ne circule pas. On ne sait pas qui arrive, quand ils arrivent, qui les pilote. Est-ce qu'ils sont accueillis aux aéroports? On avait même pensé à les accueillir aux aéroports, mais on n'a pas l'information. Et à défaut d'avoir l'information, c'est très difficile d'agir et on n'a pas été capable de trouver cette information-là.

Donc, ce fut la première année où on s'est cherché un peu une mission, où on a tenté, toujours avec les moyens du bord, de faire ce qu'il y avait à faire de ce côté-là. La deuxième chose, on s'est dit: Si on faisait la promotion de Montréal auprès des gens d'affaires et si on établissait des liens plus serrés, par exemple, avec les conseillers en immigration, ceux donc, qui, à notre avis étaient sur le terrain et étaient là pour attirer ces gens d'affaires. Nous avons

donc été présents avec eux. Mais là aussi, non pas que les relations sont difficiles, au contraire, elles vont très bien, sauf qu'on ne voyait pas encore notre rôle à ce niveau. Donc, deuxième et presque troisième année de cette implication. Évidemment, les délégations qui viennent à Montréal sont accueillies par ce comité. Bien, il se fait beaucoup de choses quand même, et je parle des objectifs que le comité essayait d'atteindre et avec lesquels il a eu un peu de difficultés.

L'an dernier et cette année, il a fait rédiger et rédigé, obtenu dans bien des cas des commandites pour prévoir un guide pour gens d'affaires et investisseurs, un guide où on touche diverses problématiques. Par exemple, un bureau d'avocats qui dit comment on s'implante à Montréal et comment on le fait, où on trouve les informations pertinentes. On n'est pas encore arrivé à commanditer totalement ce guide qui est fort bien fait. Si vous en voulez des copies, la plupart des textes sont prêts, mais on n'est pas encore arrivé à trouver tout l'argent dont on avait besoin pour l'imprimer et le publier. Je pense, Mme la ministre, que vous avez d'ailleurs collaboré à ce projet avec une contribution de 10 000 $, je crois. Il nous en manque encore un tout petit bout pour réaliser ce guide qui est fort bien fait. J'aimerais ça que vous le voyiez; on en est très fier. Voilà où en est le comité.

Je dois vous dire aussi que ce comité est celui vers lequel on dirige les plaintes. C'est notre bureau des plaintes à la Chambre pour ce qui est de toutes les misères qu'endurent certains candidats à l'immigration. On n'est pas équipé vraiment pour traiter ces plaintes-là, mais on les reçoit en se disant: Ça va venir enrichir nos présentations ou nos représentations envers les divers intervenants. Voilà, j'espère que j'ai pu répondre adéquatement.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Donc, je pense bien qu'une collaboration beaucoup plus étroite entre le ministère et votre organisme serait probablement souhaitable. Vous savez que nous avons l'intention d'ouvrir des bureaux d'accueil justement à deux aéroports: Dorval et Mirabel. Nous avons déjà commencé à donner des sessions de formation en collaboration avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, entre autres, pour pouvoir renseigner les gens qui arrivent. Aussi, nous avons signé une entente avec la ville de Montréal pour être en mesure d'offrir à ces gens d'affaires qui arrivent, des projets d'emploi, des projets d'entreprise et aussi trouver des locaux et ainsi de suite. Donc, je me rends compte qu'il y a un besoin absolument essentiel de concerter nos actions, parce que je me rends compte aussi que plusieurs organismes ou plusieurs groupes agissent et veulent agir. Ce n'est pas la mauvaise volonté, au contraire. Je pense que ces organismes ont une très bonne volonté, mais, cependant, c'est que nos actions étant un peu éparpillées, on n'arrive pas vraiment à cibler. C'est dans ce sens-là, je pense, que ça va être important d'avoir une concertation beaucoup plus étendue, beaucoup plus élaborée. (12 heures)

Mme Pageau Goyette: Je présume que j'aurais pu vous faire une meilleure présentation du comité dans le sens de vous dire que tout allait bien. Mais ce serait un petit peu vous mentir parce qu'on a de la difficulté. Difficulté à se trouver une utilité qui soit vraiment... une utilité - voilà, c'est le mot - qui rejoigne les objectifs d'un ensemble de participants. Alors, on a commencé à développer... Il s'est fait quand même des choses en quatre ans. Bien sûr, on arrive à des conclusions. On a commencé à développer des liens assez serrés avec la CUM, avec la ville de Montréal et, dans ce cadre-là, peut-être qu'il va surgir des projets intéressants. Cette année, la CUM m'a même prêté comme conseiller Jean Isseri, dont j'ai parfois abusé, mais c'est très utile pour nous parce qu'on ne sait pas toujours comment s'y prendre. On ne sait pas toujours comment aborder les problèmes.

Par exemple, dans ma thématique cette année, j'aurais voulu, et je le fais volontiers, rapprocher la Chambre des groupes culturels. Je leur ai dit: Je ne veux pas vous inviter chez nous, je veux que vous m'invitiez à aller chez vous. Et c'est assez inhabituel, semble-t-il, et ça a marché. Ça marche lentement, mais ça marche. Et je suis accueillie assez fréquemment, maintenant, chez les groupes culturels et je commence à comprendre les problématiques. Mais la difficulté chez nous, c'est qu'on ne sait pas qui sont les leaders dans ces groupes-là. On ne veut pas non plus faire de faux pas et on n'a pas les outils pour arriver à être vraiment très efficaces à ce niveau-là. Alors, voilà pourquoi on s'est dits: Rabattons-nous sur les choses dans lesquelles nous sommes bons et publions ce guide, qui est un outil de travail, finalement, pour nous et pour les gens d'affaires en général. Et je pense que là, on va pouvoir être un peu plus utiles. Mais si, Mme la ministre, nous pouvions un jour jouer un rôle un peu plus grand en votre compagnie, nous serions fort aises de cette suggestion.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Mme Pageau Goyette, vous misez beaucoup sur la catégorie des gens d'affaires dans votre mémoire. Vous parlez beaucoup des gens d'affaires. Je sais, par exemple, que vous avez sûrement pris connaissance d'une étude du Conseil économique. D'ailleurs, ce Conseil est venu récemment se faire entendre. Et on minimisait passablement les effets positifs de l'immigration économique. Mais vous, sur le plancher, sur le terrain, est-ce que vous sentez vraiment ce phénomène ou si vous sentez comme plusieurs autres aussi que, vraiment, c'est important parce que ces gens arrivent avec des capitaux, quand même, surtout

en période de récession. Parfois, ce sont les seuls capitaux nouveaux qui sont injectés dans l'économie du Québec.

Mme Pageau Goyette: Et qui ne font pas de ponction fiscale. Ce sont des capitaux qui nous arrivent tout frais, tout neufs et qui ne nous coûtent rien; rien, je veux dire, à développer comme programme. Oui, nous pensons que c'est intéressant. Nous pensons également que, dans notre internationalisation, c'est essentiel. Ces gens-là nous ouvrent des marchés, nous font comprendre les habitudes de fonctionnement dans d'autres pays et, à notre avis, c'est tout à fait essentiel. Il faudrait revoir les chiffres, peut-être, dans notre Chambre à nous, mais je suis certaine que les investissements sont considérables et souvent plus qu'on le pense.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais je pense qu'ils pourraient l'être davantage s'ils étaient mieux planifiés ou si on aidait davantage ces personnes à créer...

Mme Pageau Goyette: Oui. Nous tentons, à l'heure actuelle, de mettre au point un projet où nous accepterions de recevoir les sommes que ces immigrants doivent déposer lorsqu'ils viennent et essayer peut-être de valoriser ces sommes-là plutôt que de les laisser dormir dans un compte en banque. Alors, on est en train de voir comment on peut davantage aider ces gens-là à trouver un rendement sur leur avoir et à faire profiter Montréal, bien sûr, de cette nouvelle manne. Alors, on a le comité de fiscalité qui travaille avec le comité d'accueil et d'immigration. Alors, je pense qu'on va arriver, finalement, à trouver notre niche, comme on dit dans le monde des affaires.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous savez aussi que, pour répondre au défi de développement du Québec, le gouvernement veut et doit poursuivre concurremment cinq objectifs. Bon. Je pense que si je vous les répète, il y a les objectifs démographique, linguistique, économique, familial et humanitaire. J'avais l'occasion de parler, hier, avec le président de la Société Saint-Jean-Baptiste et nous discutions de ces différents objectifs parce que je mentionnais que, dans les niveaux... Bon. Si je pose ce point-là, c'est parce que la Société Saint-Jean-Baptiste nous disait: II faut baisser les niveaux, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas réussi l'intégration de tous les gens qui se trouvent actuellement sur le territoire. Je lui faisais part qu'il y a déjà, quand même, une clientèle - par exemple, la réunification familiale, de même que les réfugiés - qui est une catégorie qui nous est induite, dans le sens qu'elle arrive de toute façon, dépendamment des Québécois qui font venir leur famille - c'est tout à fait normal - et que pour être capable d'atteindre l'objectif d'augmenter, par exemple, l'immigration francophone de même que l'immigration économique, il fallait à ce moment-là que les niveaux soient un peu plus élevés, sinon je ne pourrais pas être en mesure d'atteindre ces objectifs. Et on me disait, par exemple... et j'ai posé fa question, je mentionnais: Est-ce que, par exemple, si on devait laisser un objectif par rapport à un autre, parce que si nous devons réduire les niveaux, je vais être obligée nécessairement d'abandonner possiblement un ou deux objectifs? Et je mentionnais, je disais: Est-ce que, par exemple, pour vous, l'objectif d'immigration francophone est plus important que l'immigration des gens d'affaires? Et on me disait: On préférerait laisser tomber les gens d'affaires parce qu'on sait que les gens d'affaires sont davantage de langue anglaise, finalement, que de langue française et on préférerait laisser tomber le côté gens d'affaires plutôt que le côté francophone. Est-ce que vous, vous êtes de cette opinion?

Mme Pageau Goyette: Non, pas du tout. Je pense qu'il faut, quant à nous en tout cas, favoriser les gens d'affaires. Ce sont ceux qui apportent le capital. Ce sont ceux qui vont nous permettre de nous développer. Et ce que nous croyons et ce que nous vivons, c'est que les gens d'affaires qui ont une certaine éducation, une certaine richesse, finalement, s'intègrent fort bien. Ils apprennent à parler français et je pense qu'ils sont loyaux à l'égard de leur terre d'accueil. Pour nous, le facteur linguistique n'est pas primordial. Bien sûr, on doit le favoriser dans la mesure du possible, mais je pense qu'il faut aller vers d'autres critères, et ceux qui vont faciliter l'intégration sont, à notre avis, beaucoup plus importants parce que c'est de là que vont venir les guerres, si elles doivent venir, et il faut éviter ça à tout prix. On a assez de la constitution pour se battre. On peut choisir d'autres sujets, mais pas celui-là.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, vous avez confiance, finalement, que même si la personne ne parle pas le français, qu'avec des cours de français et qu'avec une bonne volonté, on pourrait atteindre cet objectif.

Mme Pageau Goyette: Tout à fait. Il faut que nous, par exemple, comme peuple, on soit certain de ce qu'on offre et de ce qu'on veut être et ça, je ne suis pas toujours certaine que le message est très clair. Qu'on vit et travaille ici en français et que c'est une société qui se veut distincte par sa langue et sa culture, et ça, il faut l'affirmer, il faut le maintenir, il faut être fiers de ce que nous sommes. Et parfois, on a tendance à s'excuser, on a tendance à s'excuser. On le fait très souvent au lieu de s'affirmer.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Vous men-

tionnez, à la page 6 de votre mémoire, que plus la sélection sera rigoureuse, plus les critères de choix seront établis en fonction des besoins du Québec dans les divers domaines de son activité, mieux le Québec sera servi par ses nouveaux arrivants. Ce que vous mentionnez, c'est très intéressant et, à la lecture de l'énoncé, vous avez pu constater que nous voulons sélectionner des gens d'affaires ayant une véritable d'expérience d'affaires, ayant un projet sérieux et réalisable, qui vont s'installer au Québec. Et là, je dois vous dire que j'ai donné des directives à cet effet dans nos différents bureaux à l'étranger, pour s'assurer que les gens d'affaires qui veulent vraiment venir au Québec aient la motivation, non seulement la motivation mais vont véritablement investir au Québec.

Donc, nous avons entrepris, comme je le mentionnais tout à l'heure, des séances, par exemple, de sensibilisation avec les consultants privés, entre autres, afin qu'ils effectuent une présélection des candidats selon nos critères de sélection, dans le sens que je pense que c'est important que ces consultants qui sont sur le terrain, qui font aussi de la prospection, puissent sélectionner en fonction de nos besoins et non pas, par exemple, en fonction de leurs besoins. Parce qu'on sait très bien, par exemple, qu'une personne, lorsqu'elle arrivera ici, devra véritablement créer son entreprise. Jusqu'à maintenant, on n'a pas toujours été... On a été un petit peu - comment pourrais-je dire - on n'a pas toujours été aussi vigilants qu'on aurait dû l'être à ce niveau-là et aussi, comme on ne connaissait pas les besoins soit de la région de Montréal, soit des autres régions et les besoins du Québec en termes de main-d'oeuvre qualifiée, par exemple, en termes d'investissement, c'était difficile pour nous de faire le lien entre la demande et les besoins et de sélectionner en fonction des besoins du Québec. Donc, nous avons l'intention d'être beaucoup plus vigilants à ce niveau-là et de s'assurer que la sélection que le Québec fera, elle devra répondre justement aux besoins.

Donc, je voudrais savoir quels devraient être, selon vous, les critères de sélection des candidats gens d'affaires? Est-ce que vous avez une idée là-dessus? Est-ce que vous pouvez... Là, je vous donnais quelques exemples, mais est-ce que vous avez d'autres idées, d'autres solutions à me suggérer?

Mme Pageau Goyette: Je pense qu'il faudrait que j'y réfléchisse. On pourrait, par exemple, vous fournir un avis là-dessus si vous le souhaitez, Mme la ministre. Ça nous fera plaisir de faire travailler les gens et de les mettre à contribution. Je sais que ça ne répond pas à votre question, mais je pense que c'est la meilleure façon dont je pourrais vous être utile. Ce que je voulais dire, juste avant que vous me posiez votre question, c'est que quand on pense à des critères rigoureux et à une sélection rigoureuse, ça ne veut pas dire d'être intolérant ou de ne pas comprendre ce que l'immigrant essaie de faire. Parmi les cas qui nous ont été soumis, les cas problèmes qui nous ont été soumis, il y en a quelques-uns où les conseillers ou - je ne sais pas comment vous les appelez - les gens de votre ministère ont été complètement comme à côté de la "track". Ils ne comprenaient pas comment ça se passait dans le pays. Ils ne comprenaient pas, par exemple, qu'une personne avait telle ou telle option chez elle et, donc, ils disaient: Chez nous, ça ne peut pas marcher, ce n'est pas viable ou ça n'a pas de sens, alors que, parce que les conditions économiques ou les conditions de marché sont différentes dans d'autres pays, il faut comprendre cette situation-là, et je ne suis pas toujours certaine que vos conseillers, enfin, les gens qui sont là, sont bien au fait de ces situations-là.

Il faut, je pense, savoir jauger, un peu comme le banquier fait avec nos plans d'affaires et se fier un peu à ce que nous sommes et à ce que nous vendons comme plan, et on a beaucoup de ces plaintes-là. Comme si les gens ne connaissaient pas la culture, les modes, les façons de faire dans certains pays et que donc, les plans d'affaires qui leur ont été soumis ou les bilans qui leur ont été soumis n'étaient pas acceptables. Je pense que quand on parle de sélection rigoureuse, on veut dire: On ne veut pas n'importe qui, de n'importe quelle façon et on ne veut pas que ces gens-là se retrouvent encore une fois dans la restauration. On a autre chose à faire pour se bâtir un pays que d'aller dans la restauration, et c'est dans ce sens-là, je pense, qu'il faut avoir une meilleure adéquation entre les besoins et la recherche de candidats. Est-ce que je retiens que vous souhaiteriez que nous vous soumettions certains de ces critères qui nous...

Mme Gagnon-Tremblay: Écoutez, c'est sûr que si vous en aviez quelques-uns, je pense que ce serait intéressant...

Mme Pageau Goyette: Oui, et nous le ferons avec grand plaisir.

Mme Gagnon-Tremblay: Naturellement, quand je parie de critères, je pense à des critères aussi. C'est qu'il y a aussi toujours celui de la gestion des affaires. Je pense que quelqu'un qui nous arrive avec un beau plan ou un beau projet mais qui n'a jamais géré d'entreprise, donc, qui n'a jamais géré de commerce, je pense qu'on est à même de se poser des questions, même quand le projet est préparé, nous est présenté avec beaucoup de dollars au bout de la ligne.

Mme Pageau Goyette: Tout à fait Non, non, je partage ça El je ne voudrais pas non plus

qu'on tombe dans l'excès contraire...

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord.

Mme Pageau Goyette: ...comme ça arrive parfois, qu'on suit le livre tellement...

Mme Gagnon-Tremblay: C'est ça.

Mme Pageau Goyette: ...qu'on ne veut pas se tromper. Alors on achète tous un IBM et donc, on ne donne la chance à personne de marquer des points. Et ça, c'est un avantage. Une autre chose, peut-être, qui... cette fois, je ne voulais pas passer à travers le comité, donc, je vous parle un peu personnellement. Il me semble que pour réaliser le Québec de demain, nous, les gens d'affaires avons été, pendant les derniers 20 ans, des espèces de bâtisseurs. On s'est tous lancés dans l'entreprise et on y réussit très bien. Il me semble qu'on arrive à un niveau, à l'heure actuelle, où il faut passer sur un autre plateau, il faut faire cette espèce de grand pas de géant qui va nous amener, un peu comme Bombardier l'a fait, à partir d'un produit bien fait, d'une structure et d'un service bien montés, à s'internationaliser, à comprendre...

Et je ne suis pas certaine que nos entrepreneurs ont tout ce qu'il faut, à l'heure actuelle, pour gérer cette croissance-là. Et dans ce sens-là, il m'apparaît que, d'ici cinq ans, il va falloir recourir, aller chercher dans le monde entier les meilleurs gestionnaires, ceux qui vont nous permettre, justement, d'atteindre ces hauts niveaux de performance.

Et la aussi, je ne suis pas sûre que ça entre dans les normes, dans les traces qui ont été fixées, et je me dis que ça va devenir une situation où nous devrons nous soucier de cette perspective-là. Il va nous falloir aller chercher dans le monde entier les meilleurs gestionnaires, les personnes les plus aptes à nous amener à cet autre niveau. Il ne faut pas avoir peur de faire autre chose.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci beaucoup, Mme la présidente.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la présidente. M. le député de Richelieu, vous avez levé la main. Avez-vous une question? Non? Vous êtes satisfait. Très bien. Alors, je vais maintenant passer à M. le député de Shefford pour une période d'une quinzaine de minutes. (12 h 15)

M. Paré: Oui, merci M. le Président. Alors, bienvenue, Mme la présidente, Mme la directrice générale. Je dois dire, à la lecture de votre mémoire et à l'échange que vous venez d'avoir, on se rend compte qu'effectivement, votre mémoire témoigne de la préoccupation de gens d'affaires qu'on retrouve dans les chambres de commerce. C'est bien que ce soit comme ça et c'est le niveau sur lequel je veux aussi vous questionner. Il a été question tantôt... Mme la ministre mentionnait que des groupes se sont présentés ici en disant qu'il faut peut-être limiter le nombre d'entrées pour un certain temps, parce qu'on a quatre défis, finalement, qu'on retrouve même à l'intérieur de votre introduction et, parmi ceux-là, il y a la prospérité économique, le redressement démographique, la pérennité du fait français et l'ouverture sur le monde. Je pense qu'on est tous d'accord avec ça. C'est sur les moyens qu'on diffère et c'est toujours comme ça ou, plus souvent qu'autrement, c'est comme ça.

Vous dites qu'il faut favoriser l'immigration, il faut être très sélectifs, très exigeants et être proactifs. Mais vous n'intervenez pas, vous ne mentionnez pas, dans le texte que vous nous avez présenté, un nombre d'immigrants. Je vous pose la question aussi simplement que ça: Est-ce que vous pensez que 55 000, étant donné que vous mentionnez, comme vos prédécesseurs ce matin des deux groupes qui sont aussi de Montréal, que 55 000, c'était un nombre qui était quelque chose de passablement correct? Est-ce que vous avez pensé à un nombre quelconque qui serait acceptable, intégrable et en même temps qui répondrait aux quatre défis qu'on se fixe par la politique?

Mme Pageau Goyette: Je pense que ce n'est pas le nombre qui est l'objectif en soi, c'est davantage la qualité de l'intégration qui est l'objectif à atteindre. Je pense que, si on atteignait le nombre, tant mieux, mais si on atteint ce nombre-là et qu'on intègre mal ces gens-là, qu'ils ne sont pas heureux chez nous et qu'ils ne nous rendent pas heureux, je ne vois pas ce qu'on aurait atteint comme société. Je sais que je diffère un peu en cela peut-être du Conseil du patronat qui, lui, a dit qu'il fallait ouvrir les vannes et faire entrer tout le monde. Là-dessus, je suis un peu plus réticente parce que je me dis qu'il faut que nous soyons bien. Il faut que ces gens-là s'intègrent bien pour avoir une société qui soit la plus harmonieuse possible. Alors, pour moi, l'objectif n'est pas d'atteindre un nombre, c'est d'atteindre de réussir cette intégration. Ça, c'est l'objectif, à mon avis, derrière lequel on doit mettre tous nos efforts, beaucoup plus que d'atteindre un nombre. Je comprends ce que Mme la ministre dit, à savoir que, pour atteindre les objectifs qu'on s'est fixés comme société, idéalement, voici le nombre qu'on devrait atteindre. Je partage tout à fait ça, mais pas au détriment de notre qualité de vie, notre qualité de société.

M. Paré: L'intégration au bénéfice des nouveaux arrivants et de la société qui les accueille.

Mme Pageau Goyette: Oui.

M. Paré: Un peu dans l'ordre où vous avez fait la présentation de votre mémoire, on retrouve immédiatement un pont interculturel. Ça, je dois vous dire que je suis d'accord avec vous. De toute façon c'est reconnu: la société québécoise est une société très ouverte, très accueillante et je pense que même les premiers ambassadeurs du Canada, c'a été des Québécois par les missionnaires qu'on a envoyés un peu partout. Donc, je pense qu'on a une expertise qui est très forte et on a une image qui reflète la réalité par rapport à la perception qu'ont les gens des autres continents sur le Québec, qui est une perception très positive et tant mieux pour nous. Il faut utiliser ça.

Mais vous dites qu'il faut utiliser - je trouve ça très bien - qu'il y aurait certainement lieu d'utiliser davantage les réseaux des différents groupes ethniques établis ici pour faciliter nos relations d'affaires avec d'autres pays. Je ne sais pas si on l'a déjà utilisé en commission, mais je dois vous dire qu'il y a des exemples. Il serait probablement bon de les utiliser ailleurs. Moi, je vais vous en donner un que je connais bien: c'est Granby. Pourquoi, dans le parc industriel, on retrouve des dizaines et des dizaines d'entreprises étrangères qui sont de Grande-Bretagne, de France, de Suisse, d'Allemagne, d'Italie, un peu des États-Unis aussi, mais beaucoup d'Europe de l'Ouest? C'est parce qu'on a su utiliser, justement, la présence de groupes chez nous. Ça a fait boule de neige à un moment donné, il n'y a pas à dire. Il n'y a pas beaucoup d'immigrants à Granby. Là, ça fait que l'intégration est très simple, très facile. C'est l'harmonie dans la facilité parce que le nombre le justifie.

La présence de dizaines d'entreprises, finalement, ça se fait par des échanges qui sont souvent informels et qu'on aurait peut-être avantage, comme société, à aider. Je pense ici aux villes jumelées. C'est une association qui n'est, en soi, pas gouvernementale, qui est de fraternité et d'échange entre les communautés locales, comme on appelle, les municipalités, le terme courant utilisé au Québec. Mais les liens qu'on fait amènent des échanges et ça nous amène à établir des contacts entre gens d'affaires et, finalement, ils s'établissent chez nous. Moi, je peux vous dire, par un exemple très concret, lors d'une délégation des gens du Commissariat industriel de Granby pour aller chercher des entreprises italiennes, bien, on a demandé à des Italiens qui ont implanté une usine à Granby de faire partie de la délégation et, finalement, ce sont eux qui sont allés vendre à d'autres Italiens, avec la même perception, les mêmes sentiments, leur venue au Québec. Et ça ne réussit pas toujours, mais ça réussit passablement bien quand on regarde l'implantation d'usines européennes chez nous. Moi, je pense que c'est une façon qu'on doit faire, non pas les engager, non pas - comment dirais-je ça... il ne faut pas qu'ils deviennent des fonctionnaires, des gens du gouvernement. Ce sont des alliés qu'on va chercher et ils vont dans la délégation comme des gens d'affaires et non pas comme des représentants de la municipalité ou du gouvernement, des gens d'affaires qui veulent attirer chez nous des entreprises. Moi, je pense que c'est ce genre d'exemple qu'il faut utiliser.

Mme Pageau Goyette: Si je peux me permettre... Oui, il y a d'autres exemples et on commence seulement à les voir resurgir. Par exemple, nous, nous sommes liés avec d'autres chambres de commerce. On pense à Osaka avec laquelle nous avons des liens très suivis, mais il faut s'occuper, il faut investir là-dedans; ce n'est pas nécessairement facile. Il faut le faire. Mais je pense aussi depuis que nous sommes de mieux en mieux intégrés avec les universités. Les professeurs dans le monde entier ont des alliés, ont des gens avec qui ils travaillent, ont des secteurs d'activité qu'ils connaissent très bien, et je vous dis: Les gens d'affaires commencent à goûter au réseau des professeurs d'université, et je vous jure d'ici trois ou quatre ans, on va avoir découvert le monde à cause des professeurs d'université. Mais il y a toutes sortes de choses qui bouillonnent maintenant, qui se brassent et, effectivement, ces liens commencent à se créer.

Notre exemple, cette semaine: Un membre de la Chambre a téléphoné en disant: Moi, je connais bien le président de la Chambre de commerce de Koweït Cîty et, le lendemain, nous avions une délégation qui était en train de s'organiser pour aller là-bas, pour aller rencontrer des gens d'affaires d'un même secteur. Vous voyez, à travers des membres donc, dans ce cas-là, arabes, la relation s'est faite. Mais, on n'était pas sensibilisé à ça ou conscient de cette valeur-là, il y a quelques années, et on parle de quelques années, hein. Ça ne fait que commencer à percevoir cette richesse, et les exemples que vous donnez sont éloquents à cet égard.

M. Paré: Mais il faut en profiter, spécialement quand vous pariez de ponts interculturels et d'offensive concertée. On n'a pas bien, bien le choix de se concerter avec ce qu'on a et ce qu'on peut contrôler parce que veux, veux pas, le Québec n'est pas présent officiellement partout dans le monde et à certains endroits, d'après un exemple que je viens de vivre, même dans certaines ambassades canadiennes, on parle la langue du pays, l'anglais. Donc, pour le Québec, ce n'est pas très, très valorisant ou aidant par rapport à nos quatre objectifs du début. Donc, si on veut promouvoir le Québec comme une place d'affaires exceptionnelle, c'est par rapport aux réseaux sur lesquels on a une certaine emprise et qui sont des contacts directs, puisque ce sont les moyens qu'on possède présentement.

Mme Pageau Goyette: C'est aussi en donnant l'image d'une société de gagnants qu'on va attirer ces gens-là et ça, il faut le faire de plus en plus. C'est ce que nous sommes et c'est ce que nous allons montrer à la face du monde.

M. Paré: Bien. Justement, en parlant de ça...

Mme Pageau Goyette: Même si c'est dur de ce temps-là.

M. Paré: Vous avez dit tantôt... vous avez raison. L'intégration, ce n'est pas seulement une affaire de langue. Les gens peuvent parler, apprendre le français, puis l'utiliser sans être intégrés à la société québécoise. Donc, c'est plus que la langue, mais en même temps, vous dites, dans les priorités... la troisième: "Une sélection qui tienne compte davantage de l'adaptabilrté des candidats plutôt que de leur origine linguistique comme telle."

Est-ce que vous ne pensez pas, étant donné - toujours j'y reviens parce que c'est dans nos quatre grands défis, il y a le redressement démographique et il y a la pérennité du fait français - est-ce que vous ne pensez pas que, dans les avantages de l'adaptabilité, parce que c'est général, c'est vaste, c'est en même temps flou, l'adaptabilité, est-ce que vous ne pensez pas que la connaissance du français est une chose en soi importante pour s'adapter, étant donné qu'on a entendu ce matin, puis à d'autres occasions, que dans les difficultés d'adaptation, c'est le manque de connaissance du français? Donc, s'il ne l'a pas, l'adaptabilité doit être plus difficile, et M. le maire disait tantôt que même chez des immigrants qui sont ici depuis quelques générations, le problème d'adap-tabilité est le manque de connaissance du français. Est-ce que vous ne croyez pas qu'on doit tenir compte de... Si on doit tenir compte de l'adaptabilité des candidats, il doit y avoir un facteur ou un pourcentage important qui soit la connaissance du français puisque - puis je conclus là-dessus avant que vous me répondiez - la réalité veut que les immigrants viennent presque en totalité dans la région de Montréal, là où se vivent, finalement, les deux cultures. Et vous l'avez dit tantôt, et je trouvais ça bien, en disant: notre problème à nous, il va falloir qu'on se branche. Ça devient le problème des immigrants aussi parce qu'ils deviennent partie de notre société. Et s'ils sont à Montréal, ils le vivent. Ils sont poignes dans le même tourbillon que nous autres.

Est-ce que vous ne croyez pas que comme on doit se brancher et qu'on veut que le Québec soit une société cosmopolite, mais qui se rejoint au niveau d'une société française, que ça doit être une exigence ou qu'en tout cas, on doive y donner comme un point important la connaissance du français dans l'intégration et la venue des immigrants.

Mme Pageau Goyette: Je pense qu'on peut y donner un point important et on le souhaite, bien sûr. On souhaiterait que toutes les grandes compétences à travers le monde soient francophones. C'est ce qu'on souhaiterait, mais la réalité est tout autre. Est-ce qu'il faut se priver d'investissements importants? Est-ce qu'il faut se priver de ressources importantes parce que ces gens-là ne parlent pas français ou n'ont pas du français une connaissance suffisante? Je pense qu'il faut dire que nous travaillons en français, que nous sommes une société francophone, qu'ils devront apprendre le français et vivre en français. Mais est-ce qu'il faut se priver, parce qu'on veut protéger à tout prix la langue française de cette façon-là? Je veux dire, c'est une barrière qui m'apparait énorme à l'entrée, quant à moi. Et j'ai beaucoup plus confiance qu'en étant affirmatifs, qu'en étant clairs sur ce que nous sommes, ces gens-là vont venir en toute connaissance de cause et vont savoir qu'ils doivent s'adapter. Et on le disait, tout à l'heure: dans une ou deux générations, espérons-le, ces gens-là seront tout à fait francophones. Et il faut miser là, il faut mettre les ressources là, à notre avis, beaucoup plus que de mettre ou dresser une barrière à l'entrée qui soit: Si tu n'as pas une connaissance suffisante du français, tu n'es pas accepté, même si tu réponds à tous les autres critères d'adaptabilité, de conformité à nos valeurs et tout ça. Et je trouverais ça bien dommage. Je pense qu'on ne peut pas se priver. Il faut être ouvert comme société.

Le Président (M. Gobé): En terminant, M. le député de Shefford.

M. Paré: Déjà. Oh mon Dieu!

Le Président (M. Gobé): Ça passe très vite. C'est très intéressant. Le temps coule et ne revient pas.

M. Paré: Un dernier commentaire, et ça m'amène toujours sur la venue des immigrants par rapport aux objectifs dont vous parlez depuis le début. Votre deuxième priorité, une sélection rigoureuse des immigrants qui tienne compte de nos besoins de main-d'oeuvre. Et je vais vous faire un commentaire, et si vous avez le temps d'en passer un aussi. Je suis d'accord avec ça qu'on aille chercher l'expertise et la connaissance, et vous dites, je ne me souviens plus à quelle page, à un moment donné, aller là ou l'expertise nous manque. Sauf que, de façon exceptionnelle oui, et dans une réponse tantôt, vous avez dit aussi qu'il faut déjà se préparer parce que d'ici cinq ans, avec les changements, l'ouverture sur le monde et tout ce qui s'en vient, on n'a pas fini la mondialisation. Le grand village interplanétaire, oui, les échanges vont être plus faciles. Il faut être ouvert et il faut vraiment être partie de toute cette évolution qui

s'en vient. Sauf qu'il ne faudrait pas prendre la deuxième priorité comme on va combler, finalement, nos besoins de main-d'oeuvre par rapport à l'immigration. Il faut surtout pousser, à mon avis, etd'ici cinq ans encore plus, sachant les changements qui s'en viennent, pour être capable de former notre main-d'oeuvre. Et ça, là-dessus, moi, je pense qu'il va falloir, comme société, très rapidement penser à tous ceux qui ne travaillent pas, à tous ceux qui ne sont pas prêts et aux besoins de l'entreprise et que combler nos besoins de main-d'oeuvre par l'immigration, ce soit vraiment complémentaire et que ce ne soit pas une des façons de préparer nos besoins de l'entreprise en disant: II y a toujours l'immigration. C'était juste un message que je voulais passer, parce que c'est probablement dans le sens où vous le mettez et, là-dessus, on va être tout à fait d'accord.

Mme Pageau Goyette: C'est partagé.

M. Paré: O. K. Alors, puisque malheureusement le temps qui m'est imparti est terminé, je vous remercie bien gros de votre présentation. Ça été très intéressant, mais malheureusement trop court.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le député de Shefford. Juste avant de passer la parole à la ministre, j'aurais une petite précision a vous demander. Vous avez tout à l'heure mentionné, à deux reprises d'ailleurs, que nous aurions besoin, dans quelques années, de faire appel de manière assez importante à de hauts gestionnaires ou des gestionnaires très qualifiés. Et là, je présume qu'on ne parlait pas de gérants de succursale. On parlait de gens dans le "top management". Est-ce à dire que vous entrevoyez une pénurie au Québec de ce genre de gestionnaires et est-ce qu'il n'y aurait pas, dès maintenant, une suggestion que vous pourriez faire pour que nous prenions les mesures pour en avoir?

Mme Pageau Goyette: Je disais ça parce que c'est une réflexion très personnelle. Je ne l'ai pas validée auprès de mes gens, mais on peut voir, je ne dirais pas un essoufflement des entrepreneurs à l'heure actuelle, mais une espèce... On est des bâtisseurs, nous, et pour bâtir à l'autre niveau, il va nous prendre, à mon avis, pour une génération tout au moins, de ces espèces de grands gestionnaires, comme on retrouve dans les grandes entreprises internationales, et j'ai très confiance, par exemple, que la génération de mon fils va venir combler ce grand vide au niveau de la gestion. Mais c'est une question d'une génération. Alors...

Le Président (M. Gobé): Est-ce à dire que nos barons, nos Pierre Lortie, Paul Gobeil of autres administrateurs ne seraient pas... Les enfants de la génération tranquille, la génération qui a développé les affaires au Québec ne serait pas capable ou ne serait pas suffisante.

Mme Pageau Goyette: Non. Je pense qu'il y a des gens qui sont parfaitement capables et parfaitement compétents pour le faire, mais je dis que dans nos PME, ce n'est pas la règle. Bon. Il y a un Pierre Lortie; il n'y en a pas 25 et c'est un peu ce que je veux vous dire.

Le Président (M. Gobé): Je comprends, oui.

Mme Pageau Goyette: Mais il faudra avoir la capacité et la sensibilité pour aller chercher... Ne pas se gêner pour aller chercher de meilleures compétences pour aller à ce niveau-là. C'est un peu ce que je voulais dire.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, Mme la présidente de la Chambre de commerce. Maintenant, Mme la ministre. Je vous passe la parole pour...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, bien sûr, je voudrais vous remercier. Je pense que nous avons un grand défi à relever et avec la collaboration de tous et de toutes, je pense, que nous pourrons le relever ce défi. Moi, je suis très confiante et très optimiste et, bien sûr, je prends en considération les recommandations de votre mémoire et je vous remercie beaucoup de cette présentation.

Mme Pageau Goyette:... d'être venue.

Le Président (M. Gobé): Mme la présidente, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier d'être venue nous rencontrer ce matin, et soyez assurée que nous avons apprécié votre prestation, et nous allons en tenir compte. Alors, sur ce, je vous souhaite un bon appétit et je vais suspendre les travaux de la commission jusqu'à 16 h 30 cet après-midi, pour la continuation des débats. Alors, la commission suspend ses travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 16 h 36)

Le Président (M. Doyon): Si chacun voulait prendre sa place, s'il vous plaît. Donc, la commission de la culture reprend ses travaux. Nous allons procéder à l'écoute d'un mémoire qui nous est présenté par le Mouvement pour une école moderne et ouverte qui, d'après les renseignements que j'ai, devrait être représenté par M. Yves Poulin, Mme Clara Pires, Mme Jasmire Polifort, M Richard Cordeau et Mme Jacqueline Montpetit.

Je vois qu'ils ont pris place à la table de

nos invités. Je les invite donc à se présenter et à procéder à la lecture de leur mémoire ou de son résumé. Après ça... ça dure une vingtaine de minutes... après, pour un temps égal, les membres du parti ministériel, la ministre en particulier, et les membres de l'Opposition, les représentants de l'Opposition, engagent la discussion avec vous pour la même longueur de temps. Alors, vous pouvez procéder aux présentations.

Mouvement pour une école moderne et ouverte

M. Poulin (Yves): Alors, M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission, il me fait plaisir de prendre la parole au nom du Mouvement pour une école moderne et ouverte. Je vous présente rapidement celles et ceux qui m'accompagnent. En commençant par mon extrême gauche, donc votre droite, Jacqueline Montpetit, qui est membre du parti du MEMO et qui a travaillé à la rédaction du projet; Clara Pires, qui est commissaire MEMO à la CECM; Jasmire Polifort, commissaire aussi à la CECM; Richard Cordeau qui est du parti et qui a travaillé le mémoire avec Jacqueline, et moi-même, Yves Poulin, président du MEMO.

Le Président (M. Doyon): Soyez les bienvenus.

M. Poulin (Yves): Merci beaucoup, M. le Président Doyon. Avant d'embarquer peut-être directement dans le sujet, je veux simplement rappeler que le MEMO est un jeune parti politique, même s'il a déjà deux élections à son actif, un jeune parti politique sur le plan scolaire. À la dernière élection, comme vous le savez peut-être, nous avons quand même eu 48 % du vote exprimé. Je pense que ça démontre un peu les tendances qui se présentent actuellement dans la société montréalaise. Et peut-être, pour la première fois aussi, on retrouve un parti politique scolaire qui est capable de durer plus qu'une élection, mais qui travaille et réfléchit depuis maintenant déjà quatre ans.

Les membres du MEMO se sont toujours préoccupés, d'une façon toute spéciale, de la question de la politique de l'immigration parce que c'est évidemment une réalité très importante dans la société montréalaise, et un chapitre entier, d'ailleurs, du programme du MEMO porte sur notre intervention, celle qu'on devrait avoir au niveau des communautés culturelles. Donc, aujourd'hui, ce que nous allons vous présenter, ce n'est pas quelque chose qu'on a préparé nécessairement uniquement pour la commission, mais je pense que c'est une réflexion qui se fait déjà depuis quatre ans par rapport à toute cette politique. Et d'ailleurs, je rappelle qu'aux dernières élections nous avons essayé d'être un peu réalistes par rapport à la société montréalaise, et 25 % des candidats du MEMO venaient des communautés culturelles. D'ailleurs, celles qui représentent les commissaires aujourd'hui le sont aussi.

Ce qui motive notre intervention aujourd'hui, c'est d'abord, bien sûr, le fait que Montréal est la plate-forme de l'arrivée de toutes les communautés immigrantes au Québec. Et même si on parle de régionalisation, même si tout le monde le souhaite, on sait fort bien que presque tous les immigrants vont continuer à arriver à Montréal et, pour la majorité, s'installer à Montréal, compte tenu de la situation économique du Québec. Il faudra donc toujours se préoccuper de la capacité d'accueil du Québec, mais aussi de la capacité d'accueil de Montréal.

Notre deuxième motivation dans notre intervention d'aujourd'hui est le contexte scolaire, bien sûr, dans lequel on vit à Montréal. Je ne pense pas que je vais vous apprendre énormément de choses en vous disant que le contexte scolaire à Montréal n'est pas nécessairement très facile à vivre actuellement. Mais deux éléments nous préoccupent principalement: c'est la dimension interculturelle dans le projet éducatif et, d'autre part, les résistances que l'on rencontre actuellement dans le milieu scolaire montréalais. On vous rappelle que l'école est un lieu d'intégration excessivement important au niveau des communautés culturelles. Elle doit jouer un rôle prépondérant. Je pense que dans toute la démarche de réflexion que vous avez entreprise sur cette intégration, nous souhaitons que vous n'oubliiez pas le phénomène de l'école.

Au niveau de l'école, on rappelle que deux clientèles nous préoccupent particulièrement, bien sûr, la clientèle des jeunes. Et je vous rappelle ici une petite phrase de notre programme où on dit que l'école doit se préoccuper autant du développement des habiletés et des attitudes que de l'acquisition des connaissances. Il y a là des fois deux façons différentes de percevoir l'école comme étant juste l'endroit des connaissances et, d'autre part, aussi une école de formation. Au niveau des adultes, dans notre programme, on rappelait qu'il faut mettre sur pied les services nécessaires d'information, d'accueil, de référence, d'orientation et de reconnaissance des acquis.

Je terminerai mon préambule en vous rappelant que l'école montréalaise vit des situations difficiles si on regarde les deux commissions scolaires les plus importantes au Québec, soit celle de la CECM et celle de la CEPGM, deux commissions scolaires qui offrent des résistances très fortes aux changements, principalement en ce qui concerne la politique de l'immigration. Bien sûr que le discours est là autant dans l'une ou l'autre des deux commissions scolaires, mais, dans la réalité, si on regarde au niveau de la CECM, on agit encore comme si la clientèle était monoethnique et monoconfessionnelle, alors qu'on se rend compte aussi qu'un grand pourcentage des élèves francophones à Montréal se dirigent vers la CEPGM. Et même si la CEPGM a peut-être une ouverture

un peu plus grande dans son discours au niveau de l'intégration des allophones, il reste qu'on doit reconnaître que ça va se faire dans une atmophère anglophone, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas.

Et je termine en rappelant que ces deux commissions scolaires là sont les deux commissions scolaires qui s'opposent - et elles l'ont dit publiquement - à la loi 107, au fait qu'on ait des commissions scolaires linguistiques à Montréal, un élément important du MEMO, pour être capable de se donner un outil parmi d'autres - ce n'est pas le seul - mais un outil pour nous aider à l'intégration des immigrants.

Le Président (M. Doyon): M. Poulin. Est-ce que quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose? Alors, c'est ouvert.

Mme Polifort (Jasmire): Les points d'accord que nous avons sur l'énoncé de politique, le MEMO désire tout d'abord souligner sa satisfaction vis-à-vis de l'initiative du gouvernement d'articuler un énoncé de politique qui prend en compte les volets d'immigration et d'intégration et de le soumettre à la consultation publique.

Cet énoncé met en lumière les aspects positifs de l'immigration. Contrairement à une vision plus traditionnelle et encore présente au Québec, où l'immigration est encore perçue comme un phénomène que l'on doit subir, l'immigration est vue d'une façon réaliste et dynamique et son importance pour le développement du Québec y est très clairement affirmée.

L'énoncé greffe aussi une vision de rapprochement qui amène le Québec à se reconnaître comme une société pluraliste et ouverte. C'est là un acquis de taille pour une société qui, il y a encore peu de temps, se définissait comme société monolithique, homogène. L'énoncé reconnaît aussi l'apport des personnes qui se joignent à la société québécoise et qui, par ailleurs, par leurs réalisation personnelles et collectives, ont contribué à son développement.

L'énoncé de politique met l'accent sur les relations inter-communautaires, un volet qui vient confronter la politique d'intégration proposée et qui nous semble garant de son succès. Cette préoccupation de maintenir et d'harmoniser les relations intercommunautaires nous apparaît, en effet, comme une condition essentielle à la réussite d'une politique d'intégration. (16 h 45)

Par rapport au contrat moral, l'approche positive de l'énoncé s'appuie sur la notion de contrat moral, qui nous apparaît également comme un ajout précieux. La définition claire et explicite des droits et obligations des immigrants et de la société d'accueil doit constituer la clef de voûte de cet énoncé et remporte certainement notre adhésion. En ce qui a trait au contrat moral, l'énoncé propose quatre axes prioritaires, soit le principe de vie démocratique, la perspective d'une société pluraliste, le français comme la langue communautaire.

Particulièrement en regard du français comme langue commune, le programme du MEMO, au chapitre de la diversité ethnoculturelle, propose des engagements que je vais vous lire: "Promouvoir le français comme langue commune de tous les Québécois et comme clef maîtresse d'une intégration harmonieuse à la société québécoise; veiller à ce que l'ensemble des intervenants scolaires témoignent de l'importance et du respect qu'il faut accorder au français, langue commune de tous les Québécois; veiller à ce que chaque équipe-école du secteur français se dote d'un plan d'action propre à assurer l'environnement français requis pour protéger les jeunes issus des communautés culturelles; dans le secteur anglais, prendre les mesures nécessaires pour assurer chez tous les élèves une parfaite connaissance du français."

Quand on parle d'effort de coordination, je pense qu'il y a un projet de société. Déjà, en 1981, le plan d'action du gouvernement à l'intention des communautés culturelles, intitulé Autant de façons d'être Québécois, s'insère dans le projet de société multiculturelle, proposant des mesures d'application dans des domaines précis: santé, travail, administration publique, condition féminine.

Finalement, parmi les points positifs que le MEMO tient à souligner, il faut se rappeler que la coordination gouvernementale est pour renforcer et soutenir la politique d'immigration et d'intégration. Sans cette dimension, nous croyons que l'énoncé de politique risque de demeurer lettre morte, particulièrement en matière d'intégration, et de rejoindre le domaine déjà achalandé des voeux pieux.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Polrfort. Mme Pires.

Mme Pires (Clara): Merci. Il m'incombe de parler maintenant de nos critiques sur l'énoncé de politique.

Nous avons analysé l'énoncé de politique selon notre domaine d'intervention qui est l'éducation. Et c'est pourquoi on a décidé de ne pas se prononcer sur des niveaux d'immigration parce qu'on croit qu'on manque d'expertise pour vous parler là-dessus.

On est pourtant bien content de voir que l'énoncé de politique reconnaît les avantages de l'immigration et leurs apports. Donc, on s'est intéressé à des objectifs de fond poursuivis dans l'énoncé, mais on remarque trois aspects plus importants où on trouve que ce n'est pas très clair. L'un se rapporte à l'absence de la notion d'un projet de société. Il est très important de lier clairement la politique d'immigration du Québec à son projet de société. Il est très important que les personnes qui arrivent ici

sachent à quoi elles doivent s'attendre, finalement. Et ce n'est que quand les conditions sont très claires que le contrat moral peut vraiment fonctionner.

Cette définition d'un projet de société, évidemment, incombe à la société d'accueil, et cette société d'accueil - nous tenons à le réaffirmer - c'est une société formée par toutes ses composantes. Et c'est pourquoi on trouve que l'énoncé escamote un peu la réalité de la société d'accueil, dans le sens où la définition des communautés culturelles n'est pas claire. On affiche un parti pris pour le pluralisme, mais on glisse encore souvent dans la différence entre les uns et les autres, ceux qui sont différents et, en plus, les communautés anglaises et autochtones sont absentes. Or, on ne peut pas composer un plan d'action réaliste pour les communautés qui forment la société d'accueil, quand on sait que certaines des communautés culturelles se sont intégrées à \h communauté anglophone. Alors, qu'est-ce qu'on va faire de ces communautés-là? On aimerait que ce soit plus clair. Bon.

D'un autre côté, on parle beaucoup de la capacité d'accueil. Les niveaux d'immigration sont fortement coreliés à la capacité d'accueil. Or, il nous apparaît que cette capacité dépend largement d'une volonté politique, et c'est la volonté politique de mettre sur pied des mesures claires et clairement appuyées aussi par des fonds ou de l'argent. Et c'est aussi la volonté politique, en ce qui concerne la langue du Québec. Pour nous, c'est l'intégration des communautés... parce que la condition préalable à ce qu'il y ait une intégration, c'est exactement l'apprentissage du français. C'est le français. Ça va être le ciment qui va nous unir. Moi, je parle, je ne suis pas née ici, mais je suis une luso-Québecois. Moi, je veux développer l'aspect québécois. Pour moi, le projet de société passe par la contribution de toutes ces communautés et pour dessiner l'espace culturel dans lequel on va vivre. C'est un espace culturel que je vois très dynamique, vers l'avenir et non pas figé dans le passé. Mais c'est très important, donc, que le statut de la langue française soit clairement établi.

Un autre point sur lequel on a des remarques à faire, c'est la question de l'immigration francophone. L'énoncé décrit comme objectif l'augmentation de l'immigration francophone. On n'est pas contre l'immigration francophone, ça c'est sûr, mais on trouve que c'est irréaliste, étant donné que le bassin immigrant possible francophone n'est pas très grand. On voit nos expériences aussi dans le passé et, pour nous, ça dépend encore une fois de la question du statut du français et lorsque la réalité, nous disons, d'un Québec parlant français sera clairement établie et véhiculée de façon cohérente par tous les ministères, il sera nettement plus facile d'envoyer un message non ambigu aux candidats à l'immigration. Et je trouve ça très important. Il ne sera plus nécessaire de rechercher un profil de parlant français, mais plutôt un profil de candidats désireux d'apprendre la langue française. Je suis sûre que vous êtes au courant que, quand on parie d'augmenter l'immigration francophone, il y a beaucoup de communautés qui sont particulièrement touchées, parce qu'elles n'ont pas eu une colonisation francophone. Its ont peur. Mais, ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas capables ou désireux d'apprendre le français. Donc, c'est surtout sur cet aspect, la capacité, le désir d'apprendre le français. On vous parle des Chiliens. Moi, je pourrais mentionner ma communauté elle-même. Ce n'est pas lorsque c'est clair, quels sont les paramètres, que les communautés vont réagir adéquatement.

Aussi, autre chose très importante, c'est que, bien sûr, en termes d'intégration, pour l'apprentissage du français, il faut mettre en place les ressources nécessaires. J'ai déjà parlé de fonds, mais c'est aussi faire appel aux ressources existantes dans cette société d'accueil, qui sont toutes les institutions, mais aussi tous les organismes sociaux, notamment les organismes des communautés culturelles. C'est très important parce que vous savez très bien, ce sont les délais dans l'apprentissage du français, c'est le temps que ça prend pour avoir accès à un cours qui découragent beaucoup de personnes et qui les amènent à sortir du Québec.

Finalement, bon, l'école, qui est notre domaine privilégié et aussi un lien privilégié d'intégration. Nous sommes un peu déçus parce que les structures scolaires dans les commissions scolaires ne sont pas vues comme des partenaires tels que les municipalités, des partenaires à part entière, en ce qui concerne l'intégration des immigrants. À ce chapitre le MEMO - je me permets de vous le lire - a défini les perspectives d'action scolaire envers l'ensemble des élèves et envers la société québécoise. L'école a une responsabilité d'harmonisation et d'intégration culturelle entre Québécois de souche francophone et Québécois issus des autres communautés culturelles. Une éducation résolument ouverte sur le monde, positive face aux relations interculturelles et respectueuse des droits fondamentaux constitue la seule voie possible pour arriver à une société qui a choisi la voie de l'unité dans la diversité. L'unité, toujours pour moi, c'est l'importance du français dans la diversité.

Et donc, pour nous, le gouvernement doit signifier explicitement sa reconnaissance de l'école comme partenaire majeur de l'intégration et lui consacrer les ressources nécessaires à la réalisation de son mandat. Nous trouvons que les mesures qu'on lit dans les pages 56 et 76 de l'énoncé sont timides et insuffisantes. Il ne suffit pas d'ajouter des enseignants. Il faut procéder à la formation de tous les intervenants en milieu scolaire, d'ailleurs comme partout dans les institutions québécoises. Je trouve qu'il y a deux aspects fondamentaux. Un, c'est la sensibilisation

des intervenants, et je parle, dans notre cas, des commissions scolaires, mais je pourrais l'élargir aux ministères, organismes et institutions, comme on commence à le faire au MSSS; c'est la promotion des relations harmonieuses entre les élèves des différents groupes. Bon, je ne veux pas vous fatiguer. Vous avez le texte devant vous. C'est aussi - mais ça c'est un aspect important - prendre les mesures nécessaires pour que la composition du personnel des écoles et des centres administratifs reflète la diversité ethnoculturelle et ce, dans chaque catégorie d'emploi. Ça, c'est l'autre aspect très important dans l'intégration. Ce sont tous les programmes, les programmes d'accès à l'égalité dans les commissions scolaires, mais dans toutes les institutions gouvernementales et même peut-être une exigence pour les compagnies qui transigent avec le gouvernement. Ça je dépasse un peu le cadre de notre mémoire.

Le Président (M. Doyon): Le temps étant écoulé, vous pouvez terminer. Il restera moins de temps pour la discussion après.

Mme Pires: Très bien. Nous, pour nous, c'est très important d'impliquer toujours les communautés culturelles dans les prises de décision, de favoriser une éducation civique et de favoriser aussi l'enseignement de l'histoire comme un autre aspect du ciment qui doit nous lier.

En conclusion, nous croyons donc qu'il faut élargir le cadre de l'énoncé de politique pour y inclure le projet de définition de la société québécoise et que le gouvernement doit supporter activement le processus d'affirmation de la société québécoise et exercer un leadership en matière d'immigration, comme il le fait en matière économique. Et un point spécifique, face à la question des réfugiés, il doit se départir de son attitude attentiste et assumer ses responsabilités, en appliquant trop sur la convention de Genève. Il nous apparaît en effet inconcevable que le volet des réfugiés soit ignoré dans le cadre d'une politique qui veut être cohérente et intégrée.

Moi, j'aimerais, en terminant, voir accentuer l'importance qu'on accorde au MCCI dans un rôle de leadership par rapport au gouvernement. Personnellement, je trouve ça très important pour qu'on arrive à une intégration. Merci. (17 heures)

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Pires. Mme la ministre, pour une quinzaine de minutes.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, je vous remercie. C'est avec plaisir que nous vous accueillons à cette commission parlementaire.

Avant de passer à ma première question, vous y avez fait allusion... et de même que, je pense que c'est un ou deux groupes aussi, concernant la définition des Québécois des communautés culturelles. Peut-être que je pourrais apporter certaines précisions parce que je ne l'ai pas fait l'autre jour, mais vous revenez encore à la charge en disant que vous êtes un peu déçus de voir qu'on ne définit pas ce qu'on entend. Alors, je vais vous le dire, ce que nous, nous entendons.

C'est bien sûr que, pour nous, les Québécois des communautés culturelles sont des citoyens canadiens, résidant au Québec, d'une origine ethnique autre que française, britannique ou autochtone. On sait que les Britanniques et les autochtones ne sont pas couverts par la présente politique à cause de raisons historiques évidentes et du contrôle qu'ils exercent sur leurs institutions. Alors, pour nous, aucun de ces termes n'est dérogatoire ni ne vise à exclure qui que ce soit. Personne n'est forcé de s'identifier à une communauté culturelle particulière et, aux yeux du gouvernement, les Québécois de communautés culturelles ou les minorités visibles sont d'abord et avant tout des Québécois. Mais, sur le plan anthropologique, tous les Québécois sont membres d'une communauté culturelle et non les seuls descendants d'immigrants.

Cependant, à défaut de termes plus satisfaisants, ces concepts sont utilisés, car parfois, il nous permettent d'identifier certains groupes ayant des problèmes de participation à la société québécoise et pour lesquels il faut mettre en plan des mesures de rattrapage. Alors, c'est très difficile de trouver un terme parce qu'il faut quand même identifier, faire une certaine identification parce que vous avez affaire à un groupe qui a besoin de mesures de rattrapage et aussi, parfois, on l'utilise parce qu'il y a une forte proportion de personnes d'origines diverses qui continuent à garder un sentiment d'appartenance à leur communauté d'origine, même si elles sont bien intégrées à la société québécoise. Alors, peut-être que ça vous éclaire sur ce que nous, nous entendons comme Québécois des communautés culturelles.

Mme Pires: Merci.

Le Président (M. Doyon): M Corbeau. M. Cordeau (Richard): Cordeau. Oui. Le Président (M. Doyon): M. Cordeau.

M. Cordeau: Quand nous nous sommes penchés justement sur la définition des termes qu'on devrait employer, nous avons... Nous savons, par exemple, que, dans le pays souverain comme en Europe, on emploie généralement le terme de minorité nationale. On sait que c'est pour la conjoncture que nous avons au Québec et au Canada, c'est encore difficile. Mais ce que nous voulions dire, c'est que, par le fait qu'on fait comme trois catégories de gens: la communauté québécoise entre guillements, les autres communautés culturelles et, en plus, les commu-

nautés anglaise, anglophone et amérindienne, ça commençait à faire beaucoup d'étiquettes. Alors, on s'est demandé de quelle façon, dans le contexte encore une fois, la définition d'un projet de société, donc, un ensemble dans lequel on intègre des gens... Par exemple, pensons à la communauté italienne. La communauté italienne, je vois difficilement comment la communauté italienne n'a pas autant de vieilles souches que la communauté québécoise francophone. Mais, quelque part, la communauté italienne s'insère dans cette définition d'une communauté culturelle. Alors, on se retrouve avec trois ou quatre dénominations et on trouve ça un peu dangereux déjà avant de partir.

Mme Gagnon-Tremblay: Sauf que, naturellement, comme je vous le dis, il s'agit d'une politique d'immigration et, lorsqu'on parle d'immigration, là, je ne voulais pas inclure - pour toutes sortes de raisons historiques évidentes, comme je vous le disais tout à l'heure - les Britanniques et les autochtones.

Ma première question est: dans votre mémoire, aux pages 9 et 10, vous soulignez à juste titre que la sélection d'une immigration plus francophone que par le passé ne suffit pas à elle seule à assurer la pérennité du fait français. Et je partage cette vision. D'ailleurs, l'énoncé identifie clairement la nécessité de développer des mesures d'apprentissage du français, de valoriser, entre autres, son usage auprès des immigrants aliophones qui continueront à représenter la majorité des nouveaux arrivants. Leur intégration à la majorité francophone constitue un important facteur, cependant, de cette pérennité qui nous tient tous à coeur. Il y a un article de votre programme qui souligne la nécessité pour l'ensemble des intervenants scolaires de témoigner de l'importance et du respect à accorder au français. Pouvez-vous élaborer sur les moyens que vous croyez qu'on devrait mettre en oeuvre pour arriver à ces résultats et, en particulier, pour favoriser l'usage du français comme langue commune d'échange entre les élèves de diverses origines? Il y a un sujet qui a fait l'objet d'un récent débat, vous vous en souviendrez, à la CECM, et on aimerait bien savoir quel type d'approche vous semble la plus susceptible, je dirais, de marcher auprès des jeunes, entre autres.

Mme Pires: Moi, je dirais qu'il n'y a pas une seule approche et pas juste auprès des jeunes. C'est-à-dire que, quand on parle de l'apprentissage du français, je crois que pour que ce soit vraiment efficace, même au niveau de leur scolarité, il faut aussi s'adresser à leurs parents. Donc, pour moi, c'est très important, tout le programme de l'école qui s'adresse aux parents. Il y a en a quelques-uns, mais qui sont timides. Aussi, parce qu'il y a un problème d'apprentissage du français, je crois qu'il ne faut pas que l'enseignement du français se passe exclusivement dans les écoles, contrairement à ce que la CECM dit, mais je ne suis pas sûre que toutes les personnes qui arrivent soient prêtes ou soient capables d'apprendre dans un milieu très institutionnalisé comme ça, à l'école, surtout si elles n'ont pas beaucoup de scolarité. Mais, de toute façon, à l'école, c'est sûr qu'il doit y avoir une préoccupation spéciale avec les parents. Là... Je me suis un peu perdue parce que...

Mme Gagnon-Tremblay: Ce qui arrive, c'est que je pense, par exemple, à l'école, c'est ce qui me préoccupe davantage, étant donné, là, que vous représentez quand même le milieu scolaire.

Mme Pires: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: À l'école, quelles sont les mesures qu'on doit prendre? Est-ce que, par exemple, les étudiants doivent parler français également dans les corridors, dans les salles de jeux...

Mme Pires: Non. Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Bon. Je vous parlais, tout à l'heure, il y a eu ce débat qui a eu lieu, à un moment donné, mais cependant, on n'a pas nécessairement été éclairés là-dessus. Il y a eu des positions très controversées. Mais qu'est-ce que vous préconisez? Est-ce que vous croyez, par exemple, qu'il y a des mesures qui devraient être incitatives, d'autres qui pourraient être davantage coercitives ou comment vous voyez ça?

Le Président (M. Doyon): Mme Montpetit, vous voulez répondre?

Mme Montpetit (Jacqueline): Oui. Voici. Déjà dans son programme, le MEMO parlait justement de cette réalité de tensions interethniques. Et on retrouve, en page 13 de notre mémoire, une référence face à ce genre de problème là. En fait, notre attitude dit: On ne croit pas à des solutions miracles et on ne croit pas que c'est avec des coups de baguette magique qu'on va vite régler ce type de problème là. Quand on dit, par exemple, que dès le primaire, il faut favoriser chez les jeunes une véritable éducation civique visant une prise de conscience de leurs droits et responsabilités et développer des attitudes critiques face à diverses réalités du quartier, du Québec, du monde; de même, quand on dit qu'il faut ouvrir l'horizon culturel des jeunes de toutes origines dans une perspective de formation interculturelle, de compréhension internationale et de contribution à l'édification d'une culture québécoise, ce qu'on veut dire par là, ce n'est pas d'ajouter des programmes, ce n'est pas de faire des nouveaux programmes. On dit qu'il y a une manière de penser, une manière de vivre avec des différences et avec des apports

divers. Il y a une manière d'intégrer, dans les matières, dans les programmes, dans notre manière de vivre à l'école, une manière d'être ensemble, même différents. Et, on pense que ça, ça peut se faire tout doucement, à l'école et en dehors de l'école, comme disait Clara, et c'est un peu comme l'air qu'on respire, c'est quelque chose qu'on doit entreprendre avec beaucoup de persévérance et une volonté ferme d'y arriver avec le temps. Il n'y a pas de solutions magiques et rapides...

Mme Gagnon-Tremblay: Tout à l'heure, vous avez parlé...

Mme Montpetit: ...et contraignantes surtout.

Mme Pires: Est-ce qu'on peut ajouter quelque chose, c'est que nous...

Le Président (M. Doyon): Oui, rapidement, Mme Pires.

Mme Pires: ...c'est qu'on n'est pas pour des solutions coercitives qui n'ont pas raison d'être à l'école, surtout au secondaire. Ça, c'est vraiment la meilleure façon de mettre tous les élèves à parler anglais.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous avez parlé, tout à l'heure, d'exemples de projets hors école. Qu'est-ce que vous entendez par projets hors école? Est-ce que vous avez des exemples à me donner?

Mme Pires: Bon, nous, dans notre programme, nous parlons beaucoup d'une école communautaire, c'est-à-dire une école qui est ouverte aux organismes du milieu même. Et nous trouvons que, dans le cas précisément, non seulement de l'apprentissage du français, mais du brassage culturel, les organismes des communautés culturelles sont dans une position très bonne. C'est parce qu'ils sont de bons traducteurs et interprètes. Ils peuvent faire la transition, la traduction de la société d'ici, la culture d'ici vis-à-vis des immigrants, ceux qui arrivent.

L'école ne dort pas se fermer à ces ressources-là. J'ai été, il y a quelques temps, dans un organisme communautaire. On a traité avec les écoles pour avoir exactement un programme pour les parents de l'apprentissage du français. C'était difficile, mais on l'a réussi au moins une année. Mais il y a toutes sortes d'autres projets spécifiques, que ce soit même dans l'aide des classes de devoirs, notamment en ce qui concerne la langue, qui pourraient être faits par d'autres sources.

Mme Gagnon-Tremblay: Si vous avez des suggestions, nous les acceptons volontiers. Peut-être qu'aujourd'hui le temps nous limite un peu, mais si jamais vous avez d'autres suggestions, vous pourrez nous les faire parvenir et on les prendra en considération.

Mme Pires: Merci.

Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais aussi, en dernier lieu, vous proposer aussi de revoir l'emplacement des classes d'accueil actuelles et à venir en aide, afin, justement, que celles-ci soient nécessairement déplacées ou implantées dans les milieux à forte concentration francophone. Il en a été question avec d'autres commissions scolaires et, justement, je me rendais compte qu'un facteur de concentration est possiblement les classes d'accueil. Parce qu'on nous disait qu'une fois que la personne a été accueillie dans cette classe, souvent elle ne veut pas quitter ses amis et puis elle demeure dans cette même école. Donc, on retrouve une forte concentration. Et vous proposez, là aussi, de revoir l'emplacement des classes d'accueil. Qu'est-ce que vous proposez, par exemple? Parce que ça suppose aussi qu'il y a des logements aussi tout près de certaines classes. Il faut quand même faire aussi, à ce moment-là, la coordination entre les logements et naturellement ces écoles-là. Est-ce que vous iriez aussi seulement pour les classes d'accueil, pendant un certain temps, jusqu'à déplacer et véhiculer, par exemple, les élèves pour ces classes d'accueil? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Montpetit: En fart, quand on vous parlait, au tout début, de l'effort de coordination qui doit s'exercer, à savoir que ça ne peut pas être fait par un seul ministère. En fait, il y a un ensemble de mesures, effectivement, tant au niveau du logement qu'au niveau du travail. Ce qu'on trouve, les distorsions, les contradictions qui se trouvent dans l'ensemble de la société se reflètent très bien à l'école.

Alors si on veut, quand on veut agir sur l'école, il faut aussi agir à d'autres paliers. Et en ce sens-là, dans nos gouvernements, il faut que l'ensemble des ministères s'y mette si on veut agir en profondeur sur ces questions. Et ça aurait des effets, effectivement, sur l'école.

Mme Pires: Oui, c'est ça. Elle a parlé des déséquilibres. Montréal démontre les déséquilibres de l'économie sur l'île de Montréal. Donc, le fait qu'il y a des logements bon marché dans un certain endroit, évidemment, va favoriser une concentration non seulement de nouveaux arrivés, mais aussi de la population pauvre de Montréal avec tous les problèmes.

Donc, il faut une action qui dépasse bien le cadre des commissions scolaires. Vous nous posez la question du transport des enfants. C'est très difficile d'y répondre. Je ne sais pas, moi, personnellement - et ça, c'est vraiment personnel - de ce que j'ai lu d'autres expériences de transport, ce n'est pas vraiment une solution

idéale. En ce moment déjà, les enfants voyagent énormément.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, moi aussi, j'ai quand même eu connaissance d'expériences qui n'ont pas été nécessairement prometteuses, sauf qu'il s'agissait seulement de classes d'accueil... l'année, là, un an, seulement pour les classes d'accueil. (17 h 15)

Mme Pires: Bien, c'est sûr qu'il ne faudrait pas concentrer toutes les classes d'accueil dans une même école, pour tout un bassin. Non. Moi, ce que je proposerais, c'est qu'il y ait, disons, un nombre limite de classes d'accueil dans chaque école, qu'on ne dépasse pas un certain niveau. Ça, c'est sûr, même.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Pires. M. le député de Shefford.

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Alors, M. le président, Mmes les conseillères, mesdames et messieurs du MEMO, bienvenue. Je dois dire que je trouve très intéressantes les discussions, mais aussi le mémoire parce qu'il va vraiment au fond des choses. Et il exprime clairement des inquiétudes que vous avez et qui se réfèrent à la réalité vécue. Et je commence là-dessus parce qu'à mon avis, c'est aussi la base de toute la discussion, quand on trouve à la page 8, le regard critique sur l'énoncé de politique, c'est l'absence de la notion de projet de société. Vous le spécifiez et vous en avez parlé, mais on le retrouve ici et je pense qu'on ne peut pas y échapper. Ce serait impensable et on a un débat qui est un peu particulier, pour ne pas dire excessivement particulier au Québec, qu'on ne retrouve probablement pas dans beaucoup de communautés. Ce débat, ce que le maire Doré, ce matin, finalement, appelait "les deux visages de Montréal".

Les deux communautés - et ça nous amène dans un débat particulier... qui nous fait parier qu'il faut de l'immigration effectivement. On est un jeune pays avec beaucoup d'espace et de richesses, et il faut être ouvert sur le monde. Et là-dessus, je pense qu'il y a unanimité, mais nous, on doit parier en même temps d'intégration. Et l'intégration, on en parie aussi dans les autres communautés, mais nous, on a une facette tout à fait particulière d'en parier, c'est intégré à quel groupe, parmi les deux groupes, qui sont en présence à Montréal, et c'est aussi - et vous l'avez dit - c'est une réalité montréalaise.

Je reviendrai tantôt, si le temps nous le permet, sur la régionalisation, mais pour le moment, et pour vous qui êtes ici, c'est par rapport à ce problème québécois que vous vivez, mais qui se vit à Montréal. La réalité fait que les immigrants sont presque en totalité dans la grande région de Montréal. Mais oui, on a un problème de société. Et il faut qu'il y ait un projet et vous le dites - et c'est la dernière phrase de la page 8 - "l'intégration est un processus essentiel, à la condition toutefois de savoir, dès le départ, à quelle société on souhaite intégrer les nouveaux arrivants." Et intégrer à ce qu'on est, il faut définir ce qu'on est. Alors dire, entre nous... il faut se la poser, la question. On ne peut plus passer au-delà des véritables débats au Québec. Et je vais vous dire, c'est souvent en étant à l'extérieur du Québec, qu'on se retrouve entre Québécois et qu'on se la pose, la véritable question, dans un climat détendu, mais avec toute la franchise nécessaire, et on se dit: On est quoi? On est Canadiens, on est Canadiens français, on est Québécois? Et quand on n'est pas capable de se définir soi-même, essayons d'intégrer les Québécois. Je vais vous dire: on a un problème qui est majeur. Et vous avez raison. L'absence de notion de projet de société, présentement, complique les choses.

Quand les gens arrivent à Montréal et qu'on voit une manchette qui veut qu'il y ait une autre province pour les Anglo-Québécois, bien, les gens qui arrivent dans le West Island, effectivement, ils sont pris dans un débat que nous, on ne règle pas. Ils sont victimes, finalement, du débat qui est le nôtre, mais qui devient le leur. Et ça devient notre problème à tout le monde, mais il va falloir, comme société, qu'on le règle.

Et ça m'amène à une première question. Premièrement, oui, je dois dire, même ce matin, la présidente de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain a amené ce dossier en disant: Commençons par nous demander qui nous sommes et on pourra dire aux gens qui viennent s'ajouter à notre société qui on sera ensemble. Si on le définissait, le projet de société, et si on pouvait faire ce qu'on veut, je vous demande à vous, étant donné qu'on retrouve dans votre mémoire que les deux grandes commissions scolaires s'objectent présentement à la loi 107 et aux commissions scolaires sur une base linguistique. Votre choix à vous, si on pouvait - et je le ramène sur une base montréalaise - ce serait quoi, le système idéal de commission scolaire -et on viendra ensuite à l'école et à d'autres instances - le système idéal de commission scolaire pour avoir l'intégration la plus harmonieuse possible?

M. Poulin (Yves): J'ai quelques notes parce que j'y ai réfléchi quand même depuis quelques années. Bien sûr, que le MEMO comme tel, dans les dernières années, a accepté la vision de commissions scolaires linguistiques à Montréal. Notre inquiétude, actuellement, c'est, bien sûr, comment on va mettre ça sur pied, parce que si on se retrouve avec une commission scolaire francophone, une commission scolaire anglophone, une commission scolaire confessionnelle catholique, une commission scolaire protestante, on

craint vraiment - je m'en allais dire un terme - en tout cas, on craint que ce soit un peu mélangeant par rapport à ça. Il n'y a peut-être pas d'idéal là-dedans. Un certain nombre d'intervenants vont jusqu'à souhaiter une commission scolaire unifiée à l'intérieur d'une ville qui est Montréal et qui se donne les moyens d'arriver. D'autres vont parler même d'une commission scolaire unifiée au niveau de l'île de Montréal, donc qui rejoint un peu tout ce qui regarde le Conseil scolaire parce qu'on parle, aujourd'hui, de la question des communautés culturelles, mais on sait qu'il y a deux grandes problématiques à Montréal, et l'autre problématique est celle de la pauvreté. C'est en s'unifiant ensemble parce que, qu'on soit dans ^ l'une ou l'autre des commissions scolaires de l'île de Montréal, on a affaire autant au problème de l'intégration des immigrants qu'au problème de la pauvreté.

Alors, est-ce qu'à un moment donné, il faudrait vraiment s'unir ensemble pour mieux partager, d'une part, nos ressources et mieux partager les problèmes? Mais on est capable, par exemple, de vivre, je pense, d'une façon intéressante à l'intérieur de la proposition de \a loi 107, sauf que ce qu'on souhaiterait, c'est que la loi 107 aille au bout. Donc, uniquement deux commissions scolaires: une commission scolaire francophone et une commission scolaire anglophone, mais que ça ne se superpose pas aux commissions scolaires existantes, et à ce niveau-là, ce qu'on souhaite, c'est que, dans le débat actuel par rapport à la constitution, le gouvernement prenne position pour aller à Ottawa, que ce soit dans n'importe quelle formule - on ne veut pas s'embarquer sur les formules aujourd'hui - mais dans n'importe quelle formule, qu'on aille régler une fois pour toutes le problème de l'article 93, pour se donner les moyens au Québec de régler le problème des commissions scolaires.

M. Paré: Même les gens de la ville de Montréal, ce matin, ont reconnu, finalement que les structures scolaires actuelles nuisent à ce qu'on veut faire d'une façon simple et harmonieuse.

M. Poulin (Yves): C'est ce qu'on dit dans notre mémoire.

M. Paré: Exactement. Vous dites aussi, dans votre mémoire, effectivement, qu'il doit y avoir, en attendant, en tout cas, un projet de société, un facteur qui nous unit parce que les gens ont choisi de venir à Montréal, donc, de se retrouver dans une communauté culturelle. Et la seule différence avec les autres communautés nord-américaines, c'est la culture française, donc, c'est la langue française. Et vous en parlez abondamment et vous le dites, là, en page 10: "Lorsque la réalité d'un Québec parlant français sera clairement établie..." Effectivement, il faut qu'il y ait un signal et l'intégration, c'est ça, c'est qu'on puisse communiquer ensemble dans une langue qui est commune à toutes les communautés. Donc, c'est l'enrichissement de la collectivité, qu'il y en ait plusieurs, mais qu'on se retrouve avec une seule langue qui soit commune. Et à la page 10, vous faites état que c'est plus que la langue, c'est la culture, finalement. Il faut trouver les moyens pour que les gens n'apprennent pas seulement le français, mais s'intègrent et vivent en français et, pour ce faire, il ne faut pas seulement aller dans le sens d'attirer des francophones des autres pays, mais des gens qui vont accepter par choix de venir vivre en français au Québec. Et ça, on retrouve ça, et vous donnez, et je vous demande de...

Ma question est là-dessus, à la fin de votre premier paragraphe de la page 10, vous dites: "Quatrièmement, en situation d'arbitrage entre les priorités économique et francophone, cette dernière risque d'être mise de côté sous les contraintes des impératifs économiques, comme ce fut le cas lors de l'implantation de l'usine Hyundai, par exemple." Ma question, c'est: C'est quoi votre perception en ce cas précis, étant donné que, bon, vous le voyez avec les yeux des gens de Montréal et moi, je le vis parce que c'est tout à fait dans ma région, chez moi? C'est quoi la perception que vous avez de l'exemple de Hyundai?

M. Cordeau: La perception que nous avons eue de ce cas, en particulier, entre autres là - il y en a d'autres - c'est qu'à un moment donné, le critère francophone ou un autre critère qui est apparu je ne sais pas quand dans l'histoire, mais c'est dernièrement, dans la dernière décennie, "francophonisable". Alors, on a des types des fois, des concepts assez... Alors, parce qu'effectivement, il y avait un plan de développement puis un enracinement. On est allé chercher des capitaux étrangers et une usine étrangère. On avait, je crois, accordé un certain délai pour les cadres et pour des employés de l'extérieur de l'implantation et puis, par la pratique, il semble, selon les couvertures de presse, que l'apprentissage de la langue ne s'est pas fait. Ça ne s'est pas fait, l'apprentissage de la langue française. Bien sûr, nous sommes conscients que, comme dans d'autres pays, c'est le critère économique qui, de toute façon, détermine si le facteur, disons, le plus dominant dans l'ensemble des facteurs et dans l'ensemble de la liste de pointage... qu'on peut analyser les ministères à Ottawa comme au Québec qui détermine... Mais on voudrait peut-être, à la fois, on est pour accorder plus de points non seulement pour la connaissance, mais pour la capacité d'apprentissage de la langue française, mais en même temps, on ne voudrait pas effectivement que certains cas favorisent, au bout de la ligne... que le caractère francophone ne soit vraiment pas agressé, mais devienne secondaire à ce point-là.

Le Président (M. Doyon): Quelqu'un d'autre voudrait-il ajouter autre chose? Oui, Mme Montpetit.

Mme Montpetit: En fait aussi, c'est parce qu'on donne l'impression que la volonté de vivre en français et de faire du français le ciment de notre vie commune, on a l'impression que cette volonté-là n'est pas suffisamment ferme. On a l'impression que tout lâche. C'est, bien sûr, que les facteurs économiques ont toujours beaucoup de poids. Ça, on le sait qu'on aura toujours à compter avec cette réalité-là, mais c'est pire que pire - je m'excuse pour l'expression - quand on se retrouve dans un contexte où on a de la difficulté à vivre en français. C'est ça la réalité.

Le Président (M. Doyon): Je ne vous posais pas la question. Je vous ai dit que votre perception était fausse. Je voulais juste l'entendre, je dois vous dire. En tout cas, elle n'est pas complètement fausse et c'est la preuve qu'effectivement le signal n'est pas très clair. Vous avez raison. Si dans une région à 96 % ou 97 % francophone, des cas comme ça se produisent, imaginez-vous si l'implantation avait eu lieu dans l'Outaouais ou dans l'ouest de Montréal. Effectivement, là-dessus vous avez raison. Parmi les mesures que vous proposez, parce que vous proposez des mesures pour intégrer les gens à la culture québécoise... il y en a, on en retrouve à la page 14, et je dois vous dire que je les trouve très intéressantes: Élargir l'enseignement du français aux dimensions historique, sociale, économique et littéraire du Québec et de la francophonie et, la deuxième, s'assurer de la maîtrise de l'histoire nationale du Québec afin que tous les étudiants partagent le même héritage. Je dois vous dire: il y a des commissaires à la table et je pense qu'on peut se parler franchement parce que vous avez une responsabilité d'élus, tout comme nous. C'est impensable que l'histoire du Québec ne soit pas enseignée et à partir du niveau primaire. Comment peut-on penser qu'une société va savoir où elle va, si elle ne sait pas d'où elle vient et si on n'enseigne pas aux jeunes c'est quoi ce peuple qu'il y a en terre québécoise? Comment va-t-on penser qu'ils vont vouloir perpétuer des choses? Je vais vous dire, c'est une très bonne suggestion et je ne sais pas à quel point... Je ne sais pas si, parmi les dames commissaires qui peuvent me répondre là-dessus, jusqu'à quel point on est avancé et jusqu'où on peut aller pour l'enseignement de l'histoire dans les écoles, rapidement, pour que non seulement les nouveaux Québécois, mais les Québécois qui sont ici depuis plus longtemps connaissent aussi la même histoire. Parce que je ne suis pas sûr que l'histoire du Québec soit suffisamment enseignée et suffisamment connue des Québécois, jeunes et moins jeunes.

Mme Pires: Je suis tout à fait d'accord avec ça. Je trouve qu'on connaît mal l'histoire ici, mais c'est exactement... Vous l'avez dit: ce n'est pas juste pour les nouveaux arrivés. À mon avis, il y a peut-être des fois un malentendu. C'est qu'on parle beaucoup d'interculturel, mais on en parle toujours en rapport avec ceux qui viennent. Or, l'intercufturel est un mouvement des deux côtés. Et c'est très important. On a dit avant que l'éducation interculturelle, c'était l'éducation de tous au culturel, c'est-à-dire la formation de tout le monde à comprendre les différentes cultures et la nôtre. Celle de chacun y est incluse. Si on ne comprend pas, si on ne fait pas ce type d'introspection, la communication devient très difficile parce qu'on va créer des malentendus gigantesques. Donc, pour nous, ça, ce sont des mesures... (17 h 30)

Moi, je trouve qu'une mémoire historique partagée est très importante. Là langue est très importante. La géographie, moi je dirais aussi, est très importante sur ce sujet. Mais aussi le type d'approche pédagogique, dans les écoles, qui implique un changement non seulement des contenus, mais aussi des pratiques pédagogiques. Ça, c'est très important. On parle rarement, mais c'est aussi important, sinon plus important. La façon dont on approche des enfants d'une autre souche... S'il n'y a pas des attentes très élevées, ils ne vont pas réussir.

Donc, pour moi, l'interculturel, l'approche interculturelle, ça va avec toute cette question de la langue, de l'histoire. Il faut créer un ciment. Et moi, je le vois vers l'avenir. C'est pourquoi l'intégration, oui, on change dans une culture américaine du nord, francophone, qui est la culture québécoise, mais qui n'est pas figée. Ce n'est pas collé dans le plomb. C'est quelque chose qui est très dynamique - à Montréal, on le voit tous les jours - mais qui va continuer d'être dynamique avec cette participation. Donc, c'est très important, exactement, que la culture québécoise soit un lieu de convergence de cette partie, de cette souche, de cette mémoire historique, de cette langue comme ciment principal et aussi de tous les autres accords parce qu'on construit vers l'avenir.

Le Président (M. Ooyon): Merci, Mme Pires. M. le député, en terminant, s'il vous plaît?

M. Paré: En terminant, malheureusement, on n'aura pas le temps pour la régionalisation. Je vais juste vous remercier. Comme je vous le disais, au début, votre mémoire est très intéressant, touche véritablement aux vrais problèmes que l'on vit comme Québécois par rapport aux nouveaux venus et à l'intégration. Et vous avez dit, au tout début, que l'école est le lieu d'intégration primordial et vous avez un rôle important à jouer, les gens du MEMO, à ce niveau-là, à Montréal, et je vous souhaite bonne chance ou

on se souhaite bonne chance ensemble.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre, à votre tour.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je veux vous remercier pour nous avoir fait partager vos expériences. Je peux vous assurer de mon entière collaboration, de même que la collaboration du ministère, et si vous avez des suggestions à nous proposer... parce que nous sommes toujours à la recherche de suggestions. Vous savez que ce grand défi que nous devons relever dans l'intégration, nous sommes relativement nouveaux. Je dis nouveaux et nous sommes peut-être les premiers à avoir une politique d'intégration, mais nous avons aussi beaucoup à apprendre à partir des expériences vécues. Alors, si vous avez des suggestions, nous les accueillerons avec plaisir. Merci beaucoup de votre présentation.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, merci à tous les cinq. Merci d'avoir pris la peine de préparer un mémoire, d'être venus nous le présenter et d'avoir discuté de son contenu avec les membres de cette commission. Nous en sommes reconnaissants. Alors, si vous voulez bien prendre la peine de vous retirer. Maintenant, je permettrai à d'autres intervenants de s'approcher de la table et de vous remplacer. Merci beaucoup encore.

Bienvenue aux représentants du Mouvement national des Québécois. Je pense qu'ils sont représentés par le président, M. Sylvain Simard. Il y a aussi Mme Danielle Gagné, M. Edmond Orban et M. Antoine Dubé, d'après les renseignements que j'ai ici. Si vous voulez bien nous faire le plaisir de vous présenter, ensuite procéder à la lecture de votre mémoire et, après ça, la discussion s'engagera selon les règles habituelles. Alors, vous avez la parole.

Mouvement national des Québécois

M. Simard (Sylvain): M. le Président, merci de nous accueillir. Nous allons, M. Orban et moi, essayer de vous présenter l'essentiel de nos propositions, sans lire le mémoire et en allant directement aux faits. Je présume, avec raison sans doute, que députés et ministres ont pris connaissance attentivement du texte.

Le Président (M. Doyon): M Simard, pourriez-vous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

M. Simard: M. Antoine Dubé, à gauche, est président de la Société nationale des Québécois de la Capitale; Edmond Orban est politicologue à l'Université de Montréal, spécialiste des systèmes politiques et des questions d'intégration; Danielle Gagné, à ma gauche, est directrice générale du

Mouvement national des Québécois et Québécoises.

Le Président (M. Doyon): Bienvenue à tout le monde.

M. Simard: Tout d'abord, M. le Président, notre présence ici se situe dans votre démarche, dans la démarche du ministère qui a présenté un énoncé de politique, mais également à l'intérieur de notre évolution à nous comme mouvement national. Vous savez que nous représentons 14 sociétés régionales sur tout le territoire du Québec, depuis 1834, et que nous représentons plus de 160 000 membres. Et ce mouvement nationaliste québécois est à la croisée des chemins et a entrepris une réflexion en profondeur sur les phénomènes de population au Québec, autant en ce qui concerne la démographie que le vieillissement, que l'immigration.

Cela nous a amenés dans toutes les régions du Québec pendant l'automne, jusqu'au mois de février, dans des assemblées où nous pensions n'intéresser personne, mais pour vous donner un exemple du succès encouru, un certain lundi soir de novembre, à Saint-Narcisse, comté de Champlain, il y avait 170 personnes qui discutaient de population au Québec. La population actuellement est très préoccupée, est très sensible à son avenir démographique et il est très important d'en tenir compte.

Nous avons tenu au cours des dernières semaines, la presse et les médias en ont fait largement écho, des colloques qui se poursuivent d'ailleurs ce week-end à Trois-Rivières, des colloques de spécialistes, des panels entre spécialistes et des gens de nos sociétés, pour creuser plus en profondeur un certain nombre d'aspects. Deux de ces colloques se sont tenus à Montréal et ont porté sur les questions spécifiques d'immigration, l'apport des communautés culturelles à la culture québécoise, il y a un mois, et tout récemment, toujours à Montréal, l'intégration scolaire des immigrants sur le territoire montréalais. Voilà pour le plan d'action du Mouvement national des Québécois, et vous dire à quel point l'interrogation lancée par le document ministériel arrivait tout à fait, était tout à fait pertinente dans notre démarche.

Notre objectif est très clair dans le mémoire. Nous regardons cette situation, cette question de l'immigration sous l'angle de l'intégration linguistique et culturelle. Je vais essayer avec vous de cheminer pendant sept ou huit minutes, et je demanderais ensuite à mon collègue, Edmond Orban, de faire part, entre autres sur ces questions d'intégration culturelle, des réflexions que suscitent chez lui un certain nombre d'expériences étrangères qu'il a pu étudier.

Tout d'abord, les composantes de cette intégration, on les connaît. Le remarquable mémoire du MEMO tout à l'heure nous les

rappelait, des questions d'ordre culturel, mais aussi linguistique. Évidemment, nous pourrions envisager la question économique, encore que là il nous semble que les outils pour créer les paramètres de définition de la situation semblent très lâches. Vous avez eu d'ailleurs des avis totalement contradictoires sur cette question. Il faut, soit dit en passant, se méfier de ceux qui visent à créer de vastes réservoirs de main-d'oeuvre sans se préoccuper des conséquences sociales, culturelles que cela peut impliquer. Des visions à courte vue comme celles-là, la France des années 1960 l'a connu, plusieurs pays étrangers ont manqué de prévision dans cet accueil de l'immigration et se sont retrouvés avec des sérieux problèmes sur lesquels ils ont peu de prise par la suite.

Notre position sur l'une des conclusions centrales, l'une des propositions centrales de l'énoncé de politique a pu susciter chez certains une certaine méfiance. Les mouvements nationalistes, et on l'a vu encore hier, certains journalistes avaient prévu notre venue, déjà on fait des articles aujourd'hui sur ce que nous n'avions pas encore dit, dès que les mouvements nationalistes abordent la question de l'immigration, surtout lorsqu'ils essaient de tempérer un certain discours, fuse immédiatement un certain relent d'accusation de racisme. Eh bien, sachez une chose, le Mouvement national des Québécois, je peux le dire après cette longue consultation, est extrêmement ouvert à l'immigration. Et c'est ce que nous adoptons d'emblée dans l'énoncé de politique, c'est cette politique d'ouverture à l'immigration. C'est ce préjugé favorable à l'immigration, ces considérations positives, non pas d'un remède palliatif, mais comme quelque chose qui arrive très positivement dans le décor de notre existence collective. Et, en ce sens-là, nous sommes très à l'aise pour parler d'immigration, sans du tout nous sentir coupables par rapport à cette notion d'accueil aux autres.

Par ailleurs, il faut bien le dire, au-delà des considérations morales, au-delà des préjugés, le racisme naît de conditions objectives, lorsqu'un certain seuil de tolérance est trop provoqué, lorsque des déséquilibres dans une société apparaissent de façon trop claire. Je ne dis pas qu'il est souhaitable, je ne dis pas qu'il est normal, mais il est constatable dans presque tous les pays du monde, et si vous n'êtes pas d'accord vous me citerez des exemples contraires, dans presque tous les pays du monde on constate certaines tensions, la naissance de certaines réactions de rejet. Heureusement au Québec, nous n'avons pas encore vécu cela, nous commençons dans certains secteurs de Montréal à en sentir certains signes d'apparition, mais Dieu veuille que nos gouvernants soient assez sages pour faire en sorte que nous ne nous trouvions pas, par excès de confiance, dans quelques années, avec de véritables problèmes de tension raciale. Nous ne nous le souhaitons pas.

L'immigration, nous l'avons vu avec tous les experts que nous avons consultés - je constatais la présence d'un démographe ici aujourd'hui, qui fait partie de ces très nombreux spécialistes que nous avons consultés au cours des derniers mois - l'immigration n'est pas une panacée universelle à nos problèmes démographiques. Trop souvent, les gens disent: Si nous ne réussissons pas à régler nos problèmes démographiques, nous allons combler par une immigration. C'est aussi simple que ça. D'abord les démographes vous diront que ça ne règle que très partiellement le problème. Le vieillissement des populations ne se règle pas, par exemple, assez curieusement, statistiquement, par l'immigration. Donc, il faudra régler nos problèmes de population à d'autres niveaux. Entre autres par des politiques familiales drôlement plus déterminées qu'elles ne le sont actuellement. Il va bien falloir que nos sociétés évoluent vers une acceptation de l'enfant autant que de la deuxième voiture. Et ce mouvement, peut-être que cette prise de conscience commence actuellement, mais nous n'en sommes pas là. Mais l'immigration, ce n'est pas la panacée universelle à tous les problèmes démographiques. L'immigration, ce n'est pas une main-d'oeuvre taillable et corvéable à merci pour tous les donneurs d'emplois, ou potentiellement donneurs d'emplois. Il est trop facile d'avoir une attitude parfaitement libérale, dans le sens le plus économique du terme, et ouverte, dans le seul but de se créer des réservoirs de main-d'oeuvre qui sont potentiellement extrêmement dangereux socialement.

Autre facteur dans cette notion d'intégration tant culturelle que linguistique, d'abord l'inefficacité de la loi 101 dans des secteurs cruciaux de l'intégration des immigrants. Vous savez, les nouveaux arrivants au Québec ne vont pas travailler chez Northern Telecom, au gouvernement du Québec ou à Bell Canada. Ils vont travailler dans de petites entreprises. Souvent, où ils retrouvent d'autres travailleurs et travailleuses ayant les mêmes origines ethniques ou d'autres origines ethniques, où ils conserveront donc relativement longtemps leur langue d'origine. Les études démontrent que la rétention de la langue d'origine est la plus forte à Montréal dans tous les cas observés en Amérique du Nord. Nos immigrants hésitent avant de choisir, on peut les comprendre. De plus, la langue de travail de ces entreprises de moins de 50 employés est la plupart du temps, puisque ces entreprises échappent à la loi 101, est dans la plupart des cas l'anglais. L'intégration première se fait pour les immigrants, au niveau du travail, en anglais. (17 h 45)

Pour une véritable intégration, il faudrait aussi que le message que nous transmettons à ceux qui viennent d'arriver, à ceux qui vont venir, soit un message clair. On l'a souligné tout à l'heure, mais peut-être convient-il de le

rappeler: le message que reçoivent les immigrants ne peut pas être plus clair que le message que nous nous envoyons à nous-mêmes. Est-ce que les immigrants ont cessé d'écouter la télévision samedi soir ou dimanche après-midi? Est-ce que les immigrants viennent en Amérique ou viennent au Canada ou viennent au Québec? Savent-ils que le Québec qui les accueillera sera une terre française? Les intentions de l'énoncé de politique ministérielle sur la sélection d'immigrants potentiels francophonisables ou francophones est extrêmement louable et nous avions d'ailleurs dans le passé - et c'était assez normal, c'était notre rôle de le faire - souvent fait cette proposition et nous sommes extrêmement heureux que nous allions maintenant dans cette direction. Cependant, ce sera un long travail. Des résistances existent. Il ne suffit pas d'avoir l'intention de le faire. Nous ne possédons pas tous les instruments d'un État. Les États dans lesquels nous allons puiser prioritairement n'auront pas tous des réactions positives. C'est une démarche qui va s'établir, qui va réussir, en sommes-nous persuadés, mais sur un certain long terme, en un moyen et un long terme, donc tenir compte déjà d'une intégration de 40 % de francophones ou francophonisables pour créer des quotas pour les prochaines années en les poussant à 55 000, il nous semble que c'est très présomptueux sur les résultats d'une politique qui n'est vraiment pas encore existante et dont on ne voit pas dans le document trace des structures qui lui permettront de fonctionner efficacement. Nul doute qu'ils fonctionneront efficacement, mais il faut donner aussi au temps sa chance. On ne peut pas dire que l'an prochain ou dans deux ans il y aura effectivement 40 % de personnes qu'on peut identifier comme facilement francophonisables ou francophones.

Voilà, intégration culturelle, intégration linguistique, ces problèmes ne nous sont pas particuliers, mais ils sont plus difficiles à vivre ici à cause de notre situation. Je demanderais à Edmond Orban là-dessus de prendre le relais.

Le Président (M. Doyon): M. Orban, nous vous écoutons.

M. Orban (Edmond): Évidemment, ce dont on a besoin quand on étudie ce type de problème, c'est d'un minimum de cadre et je dirais de principe. Et ce minimum de cadre, on ne peut le construire qu'en comparant notre situation avec celle d'autres pays. Et les pays avec lesquels nous sommes le plus familiers sont les États-Unis, la France, la Belgique, la Suisse; d'autant plus que dans trois de ces pays-là, il y a la dimension francophone. Tout de suite, dès le départ - je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit à ce sujet-là parce que ça paraît évident - mais la grande différence du Québec par rapport aux pays précités et même par rapport à certaines régions des pays précités, je pense par exemple aux cantons francophones suisses ou bien à la partie francophone de la Belgique, c'est que nous sommes extrêmement limités au point de vue des deux volets, le volet immigration et le volet intégration. Dans ces pays-là, contrairement à ce que nous observons ici, on ne se soucie guère du problème de l'intégration; on laisse ça à l'entreprise privée, aux gouvernements locaux, etc. Par contre, ici, la menace je dirais d'assimilation à long terme étant extrêmement différente à cet égard-là, je comprends qu'on soit beaucoup plus soucieux des deux volets.

Donc, limite en ce qui concerne le pouvoir en matière d'immigration et limite en ce qui concerne le pouvoir d'intégration. Alors clairement, qu'est-ce que ça veut dire? C'est qu'un immigrant qui vit aux États-Unis, je pense qu'il n'a pas à se poser la question du choix de la langue, c'est absolument évident. La même chose en France. Par contre, dans des petits pays comme la Suisse et la Belgique, c'est beaucoup moins évident. Ça n'empêche que même dans ces petits pays, même dans des tout petits cantons comme le canton de Genève ou de Vaud, ou bien la province de Liège par exemple en Belgique, les règles du jeu sont clairement établies. Et c'est en français que tout se fait; donc, il n'y a pas d'hésitation à cet égard-là. C'est qu'on sauve, on évite une somme considérable de problèmes à partir du moment où cette simple question-là est résolue.

Ici, pour des raisons d'ordre historique et aussi parfois d'incapacité ou de manque de volonté, je vous laisse le choix des épithètes, comment dirais-je, cette ambiguïté continue. À mon avis, ça, c'est un obstacle majeur à l'intégration. Tant qu'un immigrant - moi-même j'en suis un, il y a 30 ans que je suis ici, sauf que je me considère comme Québécois - ne voit pas clairement quelle est la majorité, quelle est sa culture, quelle est son histoire, quelle est son identité, bien, c'est sûr qu'une greffe ne peut pas se faire sur un tronc qui n'est pas suffisamment solide. Je pense qu'il faudrait réfléchir beaucoup sur cet aspect-là. On a un formidable potentiel ici au Québec, on a une histoire qui est unique au monde, mais je pense qu'on n'est pas assez conscient de ce potentiel-là et on n'est pas assez exigeant sous prétexte de respecter la liberté individuelle et le pluralisme, etc. Donc, sur ce point-là, moi, je suis catégorique. Il faut d'abord se respecter soi-même, imposer ses règles du jeu et l'immigrant va s'ajuster.

Un deuxième point qu'il faudrait souligner, en comparant les expériences des laboratoires étrangers, c'est que l'intégration prend beaucoup de temps. On parle de la loi de Hansen par exemple, qu'il faut trois générations pour être, je ne dirai pas assimilés complètement, ce n'est pas un idéal d'être assimilés complètement, mais intégrés d'une façon confortable Évidemment, ce processus est accéléré d'une façon considérable si les différences au départ sont beaucoup plus

réduites, si on a une communauté de langue et de culture. C'est pour ça que je pense que c'est absolument important de souligner la question vitale d'un recrutement de francophones. Moi, j'aurais beaucoup aimé insister sur cet aspect-là parce qu'il y a toute une procédure à mettre en place, des mécanismes très concrets, c'est toute une politique qui serait extrêmement intéressante à étudier. On n'a pas le temps de le faire, je suis ici au niveau des principes. Donc, compte tenu de cette perspective-là, c'est sûr que c'est une des données qu'il faudrait privilégier.

Un troisième point que je voudrais souligner et, ici, je serais dans le prolongement de ce que mon collègue vient de dire, c'est que on est ici, au Québec, moi, je pense qu'il y a peu de sociétés qui soient aussi ouvertes et aussi accueillantes, aussi peu xénophobes, moi je veux bien discuter de ça avec n'importe qui. Je connais beaucoup de pays, j'ai séjourné dans énormément de pays, j'ai étudié ces questions-là et, quand on parie du pluralisme, je pense qu'ici on le pratique même peut-être trop aux dépens de nos propres intérêts et de notre propre survie. Maintenant, quand on parle de pluralisme, ça n'empêche qu'il y a des choses qu'on pourrait améliorer. C'est un principe de base, mais là il faudrait essayer de l'appliquer. Très rapidement, comment est-ce qu'on pourrait, par exemple, pratiquer le pluralisme face aux immigrants? J'entendais les interventions tantôt et je crois qu'effectivement l'immigrant doit se brancher, mais considérant le nombre d'années, parfois de générations, qu'il faut pour s'intégrer complètement, il faudrait laisser des transitions, il faudrait faire ça d'une façon humaine. Je trouve à ce point de vue le modèle américain fort intéressant.

J'ai étudié pendant plusieurs années le modèle des Franco-Américains. Je constate que les Franco-Américains, tant qu'ils n'étaient pas acceptés, tant que, je dirais, on persécutait leur langue, voire leur religion, notamment au XIXe siècle et jusqu'à une bonne partie même du XXe siècle, du moins avant la deuxième guerre mondiale, il y avait un taux d'intégration extrêmement faible. Et ça, ça se traduit par des indicateurs comme les mariages avec d'autres groupes américains, la situation des institutions sociales primaires comme les églises, les associations, etc., et on va constater que cette minorité qui semblait la moins assimilable, entre guillemets, s'est assimilée, mais là presque dans le sens complet du terme, à partir du moment où aux États-Unis on a pratiqué une politique beaucoup plus libérale, beaucoup plus pluraliste. On a laissé des transitions se faire, on a même donné des cours de langue française pour permettre aux Franco-Américains de s'angliciser plus rapidement; en Suède, c'est la même chose. En Suède on donne des cours en yougoslave par exemple aux petits Yougoslaves dans les écoles maternelles et même en première, parce que ça, ça fait partie du pluralisme. Il ne faut pas qu'ils soient cassés de leur première culture, sinon ça peut être très grave. Ils vont être déracinés et il n'y a rien de plus grave qu'un déraciné, il n'y a rien de plus explosif qu'un déraciné, et rien de plus difficile par conséquent à intégrer. Donc, quand on parle de "new pluralism" ou de nouveau pluralisme, je serais intéressé, moi, à discuter de ces aspects-là, des choses très concrètes comme, par exemple, l'enseignement dans la langue de celui qui arrive ici, l'utilisation aussi des immigrants servant de lien entre la société d'accueil et leur groupe d'origine.

Je pense qu'au point de vue esprit, ça, c'est quand même fort important aussi de prendre des moyens opérationnels qui permettent de traduire ce nouveau pluralisme et je dirais qu'il est extrêmement efficace. Et ce que les Américains ont compris entre autres, c'est que ce n'est pas en brusquant les gens qu'on va les intégrer. Ça prend du temps, ça prend de la patience et aussi il faut leur ménager un certain, comment dirais-je, un certain souvenir de ce qu'ils apportent. D'ailleurs, cet apport de l'étranger peut être intéressant aussi, a condition toutefois, et là je suis catégorique, qu'il se branche et qu'il se greffe sur le tronc principal. Ça, je pense qu'il ne faut pas hésiter sur ce point-là. Mais il faut leur laisser le temps et il faut leur ménager, comment dirais-je, certaines transitions et aussi leur permettre de garder une partie de leur héritage. Alors là, vous voyez, on entre sur un terrain qui est quand même très complexe parce que ça veut dire quoi concrètement une partie de leur héritage, etc. Parce qu'il ne faut pas non plus créer des ghettos, renforcer des ghettos.

Ici, il y a un point d'équilibre qu'il faut trouver en fonction des ressources, en fonction des circonstances, en fonction des groupes aussi. Je termine en disant qu'on aurait quand même grandement intérêt, si on veut faciliter l'intégration - puisqu'on m'a demandé de traiter de ce volet-là - si on prend des gens qui sont francophones ou francophonisables et, si on doit faire un choix, moi, je dois dire que je préférerais prendre, par exemple, des Roumains plutôt que des gens de l'Est qui ne savent pas un mot de français, s'il faut faire un choix dans ces régions-là. Si on prend la partie asiatique, s'il faut recruter quelques centaines d'asiatiques parmi les réfugiés, par exemple, sur lesquels on a très peu de prise - entre parenthèses, à cause du système politique - eh bien, pourquoi ne pas favoriser des Cambodgiens ou des Vietnamiens qui parient français? Donc, c'est sur des questions très précises comme celles-là qu'on peut quand même avoir une certaine prise sur la capacité d'immigration et, par conséquent, d'intégration. Je pense que je dépasse un peu mon temps, mais il y a énormément de choses à dire, c'est évident.

Le Président (M. Doyon): Vous allez pouvoir continuer, M. Orban, parce que les questions vous permettront probablement d'élaborer. Mme la ministre, quelques questions?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Je l'ai lu d'ailleurs avec beaucoup d'attention. Comme il ne nous reste que quelques minutes, je voudrais passer immédiatement à la première question.

Aux pages 17 et 18 de votre mémoire, vous exprimez de sérieuses craintes sur l'acceptation du fait français par les Québécois des communautés culturelles. Vous n'êtes pas les seuls. Je sais qu'il y a d'autres groupes aussi qui ont apporté ces réticences et je me dis, à ce moment-là, qu'est-ce qui vous amène à avoir de telles craintes? Parce que, depuis le tout début où nous avons rencontré beaucoup de groupes de Québécois des communautés culturelles qui sont venus nous dire comment pour eux, par exemple, le fait français était tellement important et qu'ils étaient prêts à adhérer à la langue française et à utiliser la langue française. Je me dis, à ce moment-là, croyez-vous que ces attitudes-là sont généralisées? Qu'est-ce qui vous fait craindre ça? Est-ce que vous avez, par exemple, des données ou des exemples et aussi, peut-être, qu'est-ce que vous pourriez faire comme mouvement à l'intention des communautés pour développer l'acceptation du fait français et l'usage du français parmi ces communautés?

Le Président (M. Doyon): M. Simard.

M. Simard: M. le Président ou Mme la ministre, évidemment, toute personne qui vit ou travaille dans certains secteurs de Montréal sait très bien que, au-delà des bonnes intentions de tout le monde, la réalité est encore difficile en termes d'intégration linguistique et culturelle. Sans présenter une vision trop alarmiste, puisque nous voulons gagner, il faut au moins montrer que nous sommes gagnants si nous voulons que les gens se joignent à nous, mais il reste, soyons honnêtes, que les problèmes d'intégration linguistique et culturelle sont loin, mais alors loin d'être résolus à Montréal aujourd'hui. Je dis à Montréal parce qu'il y a une dimension que nous n'avons pas eu le temps encore d'aborder, mais qui est capitale dans la compréhension des problèmes qui sont soulevés par l'énoncé de politique, c'est le fait que 87 % des immigrants viennent dans Montréal même, dans l'île de Montréal, 92 % à moins de 50 kilomètres autour, les études sont extrêmement claires là-dessus. Vous savez bien que ce n'est pas un problème de Rivière-du-Loup, de Chicoutimi ou de Sept-îles, l'immigration. C'est un problème essentiellement montréalais, d'ailleurs qui tire une partie de sa dynamique et de son acuité du fait qu'il est concentré dans une seule ville, d'où l'augmentation du problème du fait qu'une bonne partie des francophones ont quitté le coeur de Montréal, ce qui fait qu'on assiste à une ghettoïsation de plus en plus forte, c'est-à-dire qu'on demande à de moins en moins de francophones d'intégrer de plus en plus d'allophones. (18 heures)

Quelles que soient les bonnes attitudes de part et d'autre, ayons un discours extrêmement optimiste et pensons que tout le monde, tous les immigrants veulent s'intégrer à la majorité francophone et que tous les Québécois francophones sont très heureux de les aider, à condition qu'ils ne soient pas toujours parfaitement réunis, vous en conviendrez, malgré cela, il reste qu'il y a des masses critiques nécessaires pour réussir cette opération-là qui, dans certains secteurs de Montréal - et je ne veux pas être alarmiste, je demanderai simplement à lire les études qui ont été réalisées, entre autres pour le compte de l'Office de la langue française - dans certains secteurs de Montréal, dans certaines écoles, déjà le processus est tellement avancé que cette francisation n'est, à toutes fins pratiques, pas possible. 80 % d'allophones à Saint-Luc. Comment voulez-vous que les 20 % de francophones de souche puissent réussir cette tâche insurmontable d'être des éléments d'intégration au français? Ce qui se passe en pratique, et tous les enseignants vous le diront, c'est eux qui sont intégrés à la seule langue commune à ces 45 ethnies, c'est-à-dire l'anglais.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais est-ce que vous calculez cependant, quand on parle d'allophones... Bon, on sait, par exemple, que vous avez plusieurs générations. Pour certains groupes, ils qualifient toujours d'allophones la deuxième ou la troisième génération. Donc, ce qui veut dire qu'on ne sera jamais capable, compte tenu du nombre... Est-ce que, vous aussi, vous faites cette différence ou, pour vous, quand vous pariez d'allophones, c'est davantage cette première génération que la deuxième ou la troisième?

M. Simard: Oh! Je ne voudrais pas qu'on ait une querelle sémantique ici. Que les nouveaux arrivants, évidemment, possèdent plus fortement leur langue d'origine à la première génération, c'est évident. La loi 101 a fait en sorte, nous le savons tous, que l'enseignement, au moins au primaire et au secondaire, de ces populations se fait en français, il faut donc espérer que le français soit la langue d'usage en deuxième et troisième générations.

Malheureusement, les études, tout en montrant d'énormes progrès du français, nous indiquent en même temps que la greffe n'est pas prise de façon aussi claire que certains, béatement, voudraient le croire. Il y a encore une large proportion de ceux qui viennent ici qui, rendus à l'âge adulte, en deuxième et troisième générations, ne se joignent pas au groupe majoritaire francophone, mais au groupe anglo-

phone, vivent en anglais. Et ce n'est pas des peurs de mouvement, nationalistes québécois qui sont lancées ici. Ce sont des réalités observables et observées par les démographes. Sans en faire des absolus qui devraient nous rendre frileux et repliés sur nous-mêmes, ce sont là des indications à être très prudents.

Je ne voudrais pas, Mme la ministre, que dans 10, 15 ou 20 ans, face à un désastre à ce point de vue là, on dise: Mme Gagnon-Tremblay, vous vous souvenez, au début des années quatre-vingt-dix, a ouvert larges les portes; comment voulez-vous que la situation n'ait pas dégénéré dans cette direction-là? Nous appelons à une prudence minimale parce que nous ne sommes pas certains que les moyens dont vous disposez, le gouvernement du Québec, pas juste votre ministère, le gouvernement qui n'est pas un État souverain, vous le savez bien, qui dispose dans votre secteur d'un peu plus de moyens qu'auparavant, mais, avec la faiblesse de nos moyens, nous sommes obligés de constater à l'heure actuelle que nous n'avons pas tous les moyens nécessaires pour réussir l'intégration dont Edmond Orban parlait tout à l'heure, intégration qui est complexe. Ce n'est pas juste la langue.

La première génération dont vous nous parlez, elle doit s'intégrer à des moeurs démocratiques souvent. Elle doit s'intégrer à une vision de l'égalité des citoyens dans une société démocratique, les relations hommes-femmes, par exemple, les relations parents-enfants, toutes les caractéristiques culturelles d'habillement, de nourriture. On demande énormément à une première génération d'immigrants. Eh bien! on lui demande en plus parfois de faire des choix linguistiques à notre place. On lui impose d'avoir plus de vertus qu'une bonne partie d'entre nous n'a. C'est un peu cette précaution que nous voulons que vous preniez.

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Simard. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Vous nous signalez aussi, clairement, la priorité que vous accordez à l'impact socioculturel de l'immigration par rapport à son impact économique. On a encore entendu des groupes qui nous ont dit: Nous privilégions l'immigration économique. D'autres: Nous privilégions l'immigration francophone. Parce que vous savez que, comme gouvernement, on doit faire un arbitrage entre les objectifs linguistiques, économiques, familiaux, humanitaires, et même démographiques, pour poursuivre, finalement, atteindre nos objectifs.

Et je pense qu'à ce moment-là, dans la pratique, ça revient à dire que parfois on a des choix difficiles à faire parce qu'on sait, par exemple, que vous avez un fort pourcentage - je dirais peut-être 50 % - de la population de l'immigration, bon, ça nous provient de la réunification des familles, des réfugiés. Donc, vous comprenez que pour être capable d'atteindre, par exemple, les objectifs soit francophones soit encore linguistiques, soit encore économiques, il nous faut parfois augmenter notre niveau pour atteindre ces objectifs-là.

Par contre, on sait aussi que le bassin principal d'immigrants investisseurs ou entrepreneurs provient de Hong Kong, entre autres. Donc, on sait que la langue utilisée est la langue anglaise, est-ce que, par exemple, vous privilégiez... Est-ce qu'on doit faire un équilibre ou, par exemple, est-ce qu'on peut se passer également de l'immigration économique pour essayer d'atteindre davantage l'immigration francophone ou si on doit avoir un équilibre entre les deux?

M. Simard: Vous avez parlé vous-même des objectifs. Tout cela est en fonction des objectifs qu'on a. Si l'objectif de l'immigration est de relever l'économie chancelante, je vous souhaite bonne chance. Toutes les études démontrent bien que c'est une opération qui, à court, moyen et long termes, n'a pas d'effet économique évident. À très, très long terme, une société ne pourrait pas progresser sans une évolution de sa population. Mais les bénéfices à moyen et court termes sont à peu près nuls. Les coûts correspondants étant très élevés.

Une immigration... Faire peser dans la balance les objectifs économiques d'un gouvernement ou d'une société et la préservation d'un certain nombre d'acquis sociolinguistiques, il me semble que c'est poser un faux problème du fait que, d'abord - vous le savez sans doute, mais ça devient une évidence de plus en plus grande - une bonne partie de l'immigration asiatique qui vient au Québec, quitte le Québec très rapidement après avoir bénéficié de notre générosité d'accueil, et ça, c'est un phénomène qui commence à se concrétiser de façon assez évidente. Et on ne va pas baser notre politique sur un phénomène extrêmement partiel, qui est très rare dans l'histoire...

Mme Gagnon-Tremblay: Mais j'ai le goût de vous arrêter.

M. Simard: ...une fermeture de ville.

Mme Gagnon-Tremblay: J'ai le goût de vous arrêter, M. Simard, et je pense que nous devons admettre que nous nous en sommes occupés très peu. Nous avons laissé ces personnes à elles-mêmes. On ne les a pas accueillies. On ne s'est pas occupé qu'elles s'établissent véritablement au Québec, qu'elles aient la motivation de venir au Québec et aussi qu'elles investissent au Québec. Alors, je pense qu'aussi il y a des modifications qu'on veut bien apporter.

M. Simard: Mme la ministre, je n'ai pas

envie de polémiquer. Nous sommes ici en train d'échanger et on était trop suave pour que je le relève. Revenons à l'objectif. Il s'agit pour nous, l'immigration, tout ce qui touche la population, on ne va pas parler de démographie, de naissance, de vieillissement, on n'a pas le temps. Mais tout ce qui touche l'immigration, tout ce qui touche la population, c'est capital. Dans une petite société comme la nôtre, vous savez, vos objectifs si on les appliquait, par exemple, à l'État voisin américain, ça voudrait dire environ 2 500 000 à 3 000 000 d'immigrants par année. C'est un objectif énorme par rapport... Nous sommes donc dans une fragilité. Je ne veux pas dire que vos chiffres en absolu sont très élevés. C'est que notre situation est très fragile. C'est quand même assez particulier d'être dans cet océan anglophone d'une culture différente et de vouloir maintenir notre identité. Ce n'est quand même pas un phénomène qui se passe partout. Les phénomènes que M. Orban a étudiés dans d'autres sociétés, ce sont des sociétés qui ont beaucoup plus de sécurité, en termes culturels. Elles peuvent donc avoir une intégration beaucoup plus facile. Donc, les arbitrages dont vous parlez ne devraient pas exister puisque la condition sine qua non à notre survie, à notre existence et à notre développement, c'est le maintien de notre identité francophone en Amérique.

D'abord ça, et ensuite si des considérations de type économique doivent intervenir, il faut les faire intervenir. Mais nous ne résoudrons pas la plupart de nos problèmes de type économique uniquement par des questions d'immigration. Et si on veut aller dans cette direction-là, il me semble que la voie la plus riche, c'est la voie de l'étude de la possibilité d'incitation à la régionalisation de l'immigration parce que, effectivement, économiquement, il y a d'énormes problèmes dans les régions du Québec par absence de compétences dans certains secteurs. Je vais demander peut-être à M. Orban un complément d'information.

Le Président (M. Doyon): M. Orban.

M. Orban: Oui, sur quelques points. L'immigration, pour certains pays, c'est sûr que c'a été un facteur déterminant, si on prend les États-Unis par exemple, c'est le cas le plus patent, même la France après la première guerre mondiale. Ici, ça se présente dans un tout autre contexte. J'en reviens à ce qui a été dit, je ne voudrais pas répéter, mais enfin il faut tenir compte de la capacité d'absorption. Moi, je n'ai pas d'étude sous les yeux nous disant ce qu'on peut absorber sur le plan strictement économique si on ne veut pas accentuer le chômage qui est quand même déjà très élevé.

Ceci dit, il y a trois catégories d'immigrants, en gros. Réunion des familles. C'est sûr que la marge de manoeuvre est extrêmement limitée. Il y a tous les précédents, tous les acquis, toutes les lois qui sont passées et sur lesquelles on ne peut pas revenir. La deuxième catégorie: réfugiés politiques. Là aussi, c'est quand même de la compétence du fédéral. Peut-être que le gouvernement du Québec pourrait quand même avoir une certaine influence, mais certainement pas un pouvoir de décision. Moi, la question que je me pose... C'est sûr qu'il faut faire preuve d'humanité et accueillir des réfugiés, mais pourquoi ne pas donner la priorité, encore une fois, à des réfugiés qui parlent français ou qui sont francophonisables? Si on a devant nous des dizaines de millions de gens, pourquoi ne pas privilégier la dimension intégration, capacité d'intégration? C'est notre droit le plus strict, tout en étant extrêmement ouvert, tout en apportant cette aide. Voilà. C'est une perspective, à mon sens, qu'il faudrait revoir. Les réfugiés politiques, donner... C'est pour ça que je parlais du Cambodge et du Vietnam, à titre purement d'exemples. Si je devais choisir parmi les Asiatiques, je donnerais priorité à ces gens-là; la même chose en ce qui concerne le Liban, la Roumanie, etc. Ça, c'est pour ces deux catégories.

Si je prends la troisième catégorie, À mon sens, on n'a pas suffisamment prospecté, jusqu'à preuve du contraire, le marché francophone fort avancé sur le plan technologique. Je pense à la France qui est quand même encore une grande puissance, qu'on le veuille ou pas, 56 000 000 d'habitants. Je sais bien que la France, la Belgique, la Suisse ne sont pas des pays exportant de la main-d'oeuvre. Ce sont des pays d'immigration. Dans ces pays-là, il y a jusqu'à 7 %, 8 %, 9 % de la population qui sont des étrangers. Mais ça n'empêche que, sur les 56 000 000, sur les 10 000 000 de Belges et de Suisses - parce que je comprends chez les Suisses, par exemple, les Suisses de langue allemande, parce que ces gens-là s'intégreraient très rapidement à la francophonie. Je connais beaucoup de Suisses de langue allemande ou de Belges de langue flamande qui s'intègrent rapidement à la communauté québécoise. Combien de noms, les De Koninck et compagnie, sont d'origine de ces pays-là? Alors, ce que je dis, c'est que, sur le plan de l'immigration économique, moi, je mettrais l'accent très fortement sur ces pays-là, y compris le grand duché de Luxembourg qui est un des pays les plus riches au monde, entre parenthèses, avec ses 300 000 habitants. Je donnerais priorité sur le plan de l'immigration à caractère économique.

Il y a toute une prospection à faire. Je sais bien que ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile parce que pour un Français, c'est très difficile de s'intégrer à l'étranger. Il ne faut pas recruter n'importe quel Français. Il y a des tests à passer. Il faut qu'il soit bien conscient des difficultés ici. Il y a toute une préparation à faire des deux côtés de l'océan, j'en suis bien

conscient. Ça n'empêche que, par expérience - parce que je vais souvent dans ces pays-là - je dis qu'il y a quand même plusieurs milliers de jeunes Français, surtout de la province - je ne parle pas du Parisien, peut-être que j'ai des préjugés contre le Parisien à cause d'une certaine arrogance, parfois - mais il y a des milliers de francophones d'Europe qui, dûment avertis des conditions qui ne sont pas faciles... Parce que toute immigration est difficile, vous savez. Je suis privilégié à ce point de vue là, j'ai reçu un accueil extraordinaire. C'est la plus belle expérience de ma vie. Mais à côté de cela, il y en a beaucoup pour qui c'est difficile, à cause d'eux-mêmes et aussi à cause du mode de préparation, à cause d'obstacles psychologiques.

Mais ceci dit, je reviens à mon point de départ. Je dis que, dans cette francophonie qui est quand même très avancée sur le plan économique, il y a un bassin qu'il faudrait prospecter d'une façon beaucoup plus systématique et, surtout, en allant sur le terrain, dans la province et en utilisant éventuellement des gens qui proviennent de ces pays-là et qui pourraient faire leur choix, connaissant les deux côtés, même si, à un moment donné, ils sont davantage définitivement d'un côté... (18 h 15)

Le Président (M. Doyon): Merci, monsieur...

M. Orban: ...bassin de la francophonie, à haute technologie. Moi je connais beaucoup de gens dans ces pays-là que je viens de mentionner qui s'intégreraient ici et assez rapidement. Mais à condition qu'ils connaissent les règles du jeu, qu'ils ne pensent pas que ça va être le paradis et que ça va être facile, parce qu'à la première génération, forcément, il y a des problèmes. Il y a des problèmes, et c'est pour ça qu'il faut prendre des gens qui soient suffisamment dynamiques, il ne suffit pas d'avoir un diplôme. Il faudrait peut-être revoir nos façons de faire les interviews, les questionnaires, etc., vous savez. Il ne s'agit pas de recruter des pantouflards. Il s'agit de recruter la crème, mais il y a de ces éléments-là qu'on pourrait intégrer au Québec et qui en feraient leur patrie, en feraient leur patrie. Il n'y a pas tellement de différence, finalement. Moi, je dois dire, je suis d'origine wallonne. Je me suis senti tout de suite Québécois. Pour moi, c'est ma patrie et j'aime son histoire. J'habite dans le nord maintenant. Je pense à ces générations qui ont travaillé cette terre-là. Ils ressemblent à mes ancêtres. Je me sens de la même famille. Je ne me suis jamais senti un étranger ici. Je crois qu'il y en a un certain nombre qui voudraient venir ici. En tout cas, il faudrait travailler systématiquement ces mécanismes-là, sinon, je trouve qu'on passe à côté d'un bassin qui est quand même extrêmement riche...

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Orban.

Le passage du temps m'oblige à passer la parole au député de Shefford qui pourra continuer le dialogue avec vous, étant donné que le temps s'est écoulé depuis qu'on a commencé.

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Très rapidement. Juste un petit commentaire et ensuite je vais passer aux questions pour permettre de clarifier des choses. En premier, c'est juste comme une espèce de petit bémol que je veux amener en nous invitant tous à une certaine prudence par rapport à ce que vous avez appelé, M. Simard, peut-être le faux débat. Il faudrait faire attention de ne pas mettre en contradiction francophonie et économie, parce que ce n'est pas vrai. Il y a ce danger quand on dit qu'on a le choix entre la francophonie et l'économie dans le choix de nos investisseurs, et ça, je ne voudrais surtout pas qu'il y ait même la moindre perception là-dessus, parce que ça nous ramène au mémoire du MEMO, juste avant vous, qui disait qu'il faut qu'il y ait des signaux clairs qui soient donnés aux investisseurs comme à tous les autres immigrants que s'ils viennent au Québec ça se passe en français. Parce que les gens de Hong Kong, qu'ils soient des investisseurs résidents ou familiaux ou investisseurs, vont décider d'immigrer en France en sachant très bien que ça va se passer en français et s'ils font la même chose en Italie, ça va se passer en italien. Il faut qu'ils sachent que, s'ils viennent à Montréal et au Québec, ça va se passer en français, qu'ils viennent comme... peu importe le qualificatif d'immigrant qui décide de s'implanter au Québec, sinon ça voudrait dire qu'on lance un signal en disant que si vous décidez d'immigrer au Québec parce que votre famille est déjà implantée ici, vous pouvez être pauvre et que si vous êtes riche vous pourrez immigrer comme un anglophone. Et ça, je dois vous dire, on doit éliminer dès maintenant de notre esprit pareille orientation. C'est impensable: francophonie et économie, ce n'est pas des choix un par rapport à l'autre. C'est un choix de venir au Québec et de vivre en français.

Moi, ma première question - parce que vous avez identifié beaucoup de situations, de difficultés et beaucoup de commentaires que je trouve intéressants. Vous avez parlé dans votre présentation d'intégration des gens, intégration des immigrants, intégration culturelle. Quels devraient être, selon vous, les principaux éléments d'une politique d'intégration?

M. Simard: Ils sont évidemment multiples. Tous les deux, nous pouvons intervenir là-dessus, mais nous allons aller rapidement. Déjà tout à l'heure les gens du MEMO vous ont parlé évidemment de la très grande importance du milieu scolaire. Le milieu du travail, que j'ai évoqué tout à l'heure, est extrêmement important. Si linguistiquement il n'y a pas déjà un premier contact avec la majorité, il n'y aura...

enfin, ça prendra des générations avant que cette intégration se fasse. Mais l'intégration, elfe se fait à condition que les gens vivent avec d'autres gens que de leurs propres origines. Le problème, je m'excuse de le présenter sous forme de problème, mais on peut le voir aussi sous forme de solution, il va falloir faire d'énormes efforts pour que l'immigration au Québec puisse être orientée par voie d'incitatifs vers des régions autres que Montréal. Je sais que c'est un objectif qui est très difficilement réalisable, mais c'est un défi que nous devons réaliser. Alors, enseignement, éducation, milieu de travail, régionalisation, évolution des mentalités, elle est déjà avancée; ce n'est pas complété. Il faut que les structures scolaires, par exemple, on a parlé du problème de la confessionnalité tout à l'heure, il faut que tout ce qui divise face à l'accueil des immigrants soit mis de côté pour réunir ce qui unit, pour utiliser ce qui unit. Il va falloir que les Québécois francophones, extrêmement accueillants comme disait M. Edmond Orban tout à l'heure, très peu xénophobes et racistes fondamentalement, n'ayant pas d'expérience historique dans cette direction-là, ils acquièrent, par contre, des réflexes d'intégration, d'accueil beaucoup plus forts que ceux qu'ils ont actuellement. Nous avons vécu dans deux univers ces deux solitudes, l'une intégrant et l'autre vivant en marge des réseaux d'immigration. Il va falloir que l'on se rende compte que notre évolution à nous, que notre avenir passe aussi par l'accueil de l'immigration et il va falloir donc nous former davantage à cette aptitude à intégrer l'étranger.

Quand vous avez écouté les Jeux de Séoul et que vous avez entendu ce jeune immigré coréen à Montréal décrire avec un accent du nord de la rue Jarry ce que nous avions l'occasion d'observer, vous avez tous été émus comme moi. Il y a de plus en plus une prise de conscience de la réussite possible dans ce domaine. Mais encore faut-il que nous évoluions aussi. Et il y a deux mondes, il y a le monde montréalais et il y a la province, il y a les régions. Malheureusement, il faut bien le dire - d'ailleurs Mme la ministre demandait ce qu'on pouvait faire dans ce domaine-là tout à l'heure - l'un des objectifs majeurs de ce que nous faisons actuellement, c'est justement de faire prendre conscience aux gens des régions que l'immigration, c'est une problématique nouvelle et qui doit être envisagée en face. Inversement, faire comprendre aux gens de Montréal qu'il y a des problèmes de dépopulation dans les régions. Il y a un dialogue de sourds entre Montréal et les régions, il y a une incompréhension de l'étendue de la réalité de l'immigration dans les régions du Québec qui est extrêmement dommageable. Alors, évidemment, M. Orban pourra vous donner d'autres éléments. Je ne veux pas tomber dans les techniques d'immigration, mais voilà quelques pistes fondamen- tales, il me semble, pour une intégration réussie. Le Président (M. Doyon): M. Orban.

M. Orban: Oui, évidemment, si on parte de politique d'intégration, le premier stade - on revient à ce stade-là - c'est la francisation. Donc, là, on revient à la question qui a été moult fois répétée: Le français langue de travail, le français dans l'éducation, le français langue de culture, etc. Alors, quand on dit politique d'intégration dans ce sens là, vous voyez que c'est immense comme politique.

Ceci dit, je dirais qu'il y a quand même une énorme différence suivant les régions. Je pense que quand on vit ici à Québec, c'est très confortable, on n'a absolument aucun sentiment de menace pour sa langue ou sa culture. Par contre, si vous vivez, même dans la ville de Laval, comme à Chomedey ou dans Montréal-Ouest, c'est un tout autre monde, c'est un tout autre contexte. Alors, politique d'intégration, ça peut être extrêmement variable d'une région à l'autre. Moi, je dirais qu'il faudrait avoir un plan à géométrie variable ici, en ce qui concerne les politiques d'intégration, mais moi, je dirais que, pour ne pas se perdre dans les différents stades, justement, d'assimilation ou d'intégration - assimilation entre guillemets - il faudrait commencer par l'intégration au milieu francophone. Si on parle de politique d'intégration, moi, je trouve ça vraiment effrayant parce que ça implique tellement d'institutions, ça touche au monde du travail, ça touche au monde de l'éducation, au monde du loisir, ça touche au problème des régions, ça touche au problème des mentalités, parce que, malgré l'esprit d'ouverture qu'on constate ici au Québec comparativement à ce qu'on observe en France par exemple, je dirais qu'il y a quand même beaucoup à faire pour essayer de comprendre l'étranger. Je pense que dans tous les pays du monde, tout ce qui est un petit peu différent, on a des réticences, on en a un petit peu peur, c'est un réflexe conservateur, c'est universel, ce sera toujours ça.

Mais il faut dépasser un petit peu ce stade-là et concrètement - parce que moi, j'aime bien les choses concrètes aussi - comment peut-on procéder à cela? Mais ça, ça dépend des enseignants, ça dépend des journalistes, ça dépend des fonctionnaires, ça dépend de l'engagement aussi de gens des minorités dans la fonction publique, dans les corps de police, c'est ça l'intégration, trouver des agents concrets sur le terrain qui servent de liens. Je pense qu'on n'utilise pas assez les immigrants eux-mêmes pour servir de lien entre la société d'accueil et puis ces multiples sociétés et sous-sociétés qu'on essaie d'intégrer et qui prennent beaucoup de temps et de patience, de part et d'autre. Il faut voir des points d'articulation en s'appuyant sur des ressources dont on dispose déjà, les utiliser d'une façon plus rationnelle, plus économique.

Moi, ce sont les lignes directrices que j'imprimerais et puis que j'essaierais de concrétiser. Voilà quelques idées qui me viennent en tête comme ça. C'est sûr qu'on pourrait faire un plan beaucoup plus élaboré, mais en partant de ces lignes directrices qui sont, encore une fois, intégrées, comment dirais-je, avec patience, mais en utilisant les ressources qu'on a déjà sur place. Ce qui n'implique pas des dépenses astronomiques sur le plan financier, si on est capable d'utiliser un énorme potentiel de bonne volonté. Mais il faut aller le chercher. Il faut trouver le déclic. Il y a des boutons sur lesquels il faut appuyer, vous savez. La psychologie joue un rôle incroyable. Il y a des gens qui vous paraissent de glace, qui vous paraissent complètement étrangers, mais si vous savez aller les chercher, vous pouvez les rallier à votre cause et à votre patrie rapidement. Je dis ça comme ça, de façon un peu impromptue, mais ce ne sont pas des propos en l'air. Ça repose sur beaucoup d'expérience pratique et sur des théories, parce que je peux allier la théorie à la pratique.

Le Président (M. Doyon): M. le député.

M. Paré: Oui. Je voudrais aller plus en profondeur sur un sujet dont on est en train de traiter, la régionalisation. Écoutez, votre réponse, finalement, c'est souhaitable. Moi, peut-être en me faisant un peu l'avocat du diable pour qu'on réussisse à trouver ensemble des moyens de réussir, je veux savoir si c'est possible, en prenant... Quelques constatations, je pense. Si on regarde ailleurs, les gens qui décident d'émigrer vont, en très grande partie, ce n'est pas unique au Québec, dans les grandes villes. On regarde la même chose en Ontario, ça va surtout à Toronto, et en Colombie-Britannique, ça va surtout à Vancouver, et au Québec, ça va surtout à Montréal. Aux États-Unis, c'est un peu différent, c'est sûr, ils ne vont pas tous à New York, mais ils vont dans les grandes villes comme New York, Chicago, Los Angeles, et c'est à coups de millions, ces municipalités-là. Les immigrants qui décident de devenir des Québécois ont un but, c'est évident, c'est d'avoir probablement une meilleure situation. Donc, comment fait-on pour avoir une meilleure situation? C'est en ayant un emploi. Donc on va là où l'économie est très dynamique et où ça bouge.

On a des exemples au Québec. Oui, c'est à Montréal, mais ça commence à s'étendre en Montérégie. Pourquoi? Parce que la Montérégie est une région en pleine effervescence. Est-ce qu'on peut penser, ou trouvez-nous des moyens de favoriser l'immigration dans les régions, en sachant que le débat de plusieurs régions au Québec - parce qu'il y a un manque de politique de développement régional - le grand débat des régions comme l'Abitibi, la Gaspésie et même le Saguenay-Lac-Saint-Jean, c'est de garder leurs jeunes chez eux. Donc, des régions qui se vident.

Est-ce qu'on peut penser, avec ce contexte qu'on connaît, si on regarde les chiffres officiels où il y a des régions qui sont plutôt en perte de population, comment peut-on penser régionaliser? Donc, est-ce que vous êtes favorable, est-ce que vous trouvez que c'est souhaitable, la régionalisation? Et si vous me dites oui à cette question, est-ce que c'est possible?

M. Simard: Très, très rapidement puisque nous sommes à la fin de notre rencontre, quelques pistes de solution dans cette direction-là. D'abord, il n'est pas question de forcer, vous comprendrez bien qu'on ne fera pas naître le passeport intérieur et il n'y a aucune société, même les plus totalitaires, qui arrivera jamais à forcer les gens à vivre dans une région. Donc, c'est sur une base volontaire. La réussite, elle existe ailleurs. Si vous regardez, les études de Michel Paillé le démontrent, en Ontario, par exemple, dans les villes de plus de 100 000 habitants, il n'est pas rare de trouver, dans Hamilton, un peu partout, Waterloo, Kingston, il n'est pas rare de retrouver des proportions de 20 %, 25 % de population d'origine, de nouveaux arrivants d'une ou deux générations. Donc, ça existe, une régionalisation en Ontario. Ce n'est pas un phénomène que nous inventons. Cependant, ça se heurte ici essentiellement à deux facteurs, à deux obstacles. Le premier, que vous avez parfaitement mentionné, qui est l'obstacle économique. S'il y a du chômage au Saguenay, l'immigration ne va pas se diriger vers le Saguenay. Il y a toutes sortes de raisons qui font que les immigrants vont dans les grands centres, entre autres retrouver des gens de même origine, se retrouver dans un ensemble qui les intégrera plus facilement, qui leur offrira plus de services dont ils ont besoin, eux déjà dépaysés. D'ailleurs, les gens d'Abitibi, ils émigrent aussi à Montréal, les gens du Saguenay ils émigrent aussi à Montréal, pas à Thetford Mines. C'est normal que les gens se retrouvent à Montréal. Cependant, et là il y a tout un nouveau phénomène, et Roger Paré en est certainement conscient, on a vu ensemble les débats entre autres devant la commission Bélanger-Campeau. Il y a tout un mouvement de prise en charge des régions par elles-mêmes, et de prise en charge économique et politique.

Et il va falloir que dans ce devenir économique et politique des régions, il y ait une part faite au recrutement, à l'attraction, à l'intérêt pour combler les besoins de main-d'oeuvre présents et à venir par l'immigration. En Europe déjà, par la régionalisation en France par exemple, des initiatives sont prises par des régions pour attirer certains types d'immigrants dont on a particulièrement besoin. La région de Lyon, Rhône-Alpes, donne l'exemple entre autres en maîtrisant, relativement complètement, avec l'aide de l'État national évidemment, sa politique d'immigration. Donc il va falloir responsabiliser

les régions à cette déperdition de personnes dont vous parliez tout à l'heure, les jeunes s'en vont, mais les besoins sont là. Dans toute communauté, "Deux Québec en un" l'a assez bien montré, lorsque le pharmacien, lorsque le postier, lorsque le plombier sont partis, il y a un point de non retour. Les communautés dépérissent. Il va falloir peut-être pendant un certain temps les recruter ailleurs.

Le Président (M. Doyon): M. Orban, brièvement s'il vous plaît.

M. Orban: Oui, évidemment, ça fait partie d'une politique de développement régional, mais ça n'empêche que, sans que ça soit parfait, loin de là, je vois un pays comme la Suède où on accueille quand même assez bien l'immigrant finlandais, ça ne se fait qu'en collaboration avec les régions. Les régions vont dire, par le biais de certaines institutions et, comment dirais-je, des bureaux de placement par exemple, on a besoin d'autant de personnes de telle ou telle qualification. Et cette articulation qui se fait est évidemment en collaboration non seulement avec le gouvernement de Stockholm, mais également le gouvernement d'Helsinki. Donc, ça fait partie d'une politique de développement régional, mais dont, comment dirais-je, le fer de lance est constitué par les bureaux de placement.

Le Président (M. Doyon): Merci monsieur, oui, oui, quelques secondes seulement.

M. Dubé (Antoine): 30 secondes.

Le Président (M. Doyon): Oui, on vous écoute.

M. Dubé: Ce n'est pas du chauvinisme là, je voudrais juste parier de fa région de Québec. Je ne vous apprendrai rien pour vous dire que la région de Québec, ou la région de la capitale, à mon avis a déjà une capacité d'accueil, des efforts assez intéressants de faits et je pense a aussi une capacité de rétention. Et je voudrais juste, pour ne pas m'étendre longuement, mais quand vous disiez, Mme la ministre, quels sont les efforts que fait le MNQ ou ses sociétés membres face à l'accueil, parce que, lorsqu'on a des gens qui sont issus de communautés culturelles différentes, je pense qu'il faut faire des efforts.

Je veux juste illustrer un événement, celui de l'événement de la Fête nationale. Cette année la thématique, c'est "Heureux d'être ensemble". Bien nous, ça nous a fait penser, dans la région de Québec, que, pas simplement par un petit projet local parce qu'on a à tenir un événement d'envergure nationale, mais on a pris des contacts avec la CALCQ, l'Association des communautés multiethniques ici de la région, pour qu'elles soient intégrées à la fête, pour qu'elles se sentent elles aussi dans la fête. Et elles ont démontré tout de suite un intérêt et un enthousiasme intéressant. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup M. Dubé. M. le député, quelques mots de conclusion.

M. Paré: Oui, bien en concluant, merci beaucoup de votre présence ici puis de votre mémoire. Je dois dire, je vais vous féliciter de l'initiative du mouvement d'organiser des colloques régionaux. Je dois vous dire que ça donne beaucoup de crédibilité à votre présentation, puisque vous êtes très représentatifs par le fait même, et c'est certainement, je pense que ça va être unanime... On va reconnaître, tous, que c'est un excellent moyen de sensibilisation des différentes régions du Québec, le fait de permettre aux gens de se rassembler et d'en discuter. Alors merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Seulement, en terminant, je voudrais peut-être rapidement revenir sur la régionalisation. C'est sûr qu'on mise beaucoup sur la régionalisation. Nous avons implanté différentes directions régionales, non pas dans toutes les régions du Québec, je pense qu'on se doit d'expérimenter entre autres certaines régions. Et je le dis toujours aussi, la régionalisation, on ne peut pas l'imposer à l'immigrant et on ne peut pas l'imposer non plus à la région. Je pense qu'il faut préparer et changer des attitudes, des mentalités, et il faut aussi avoir des structures d'accueil. Alors je pense qu'on doit travailler là-dessus et le fait, justement, de tenir ces colloques, vous le mentionniez tout à l'heure, ça permet de modifier certaines attitudes et je pense que c'est XovA à fait louable.

Alors moi je veux, bien sûr, vous remercier de votre réflexion. On sait que le défi de l'intégration, c'est un grand défi qu'on devra tous relever ensemble. Je ne pense pas que ce soit uniquement la responsabilité de la ministre qui vous parle ou du gouvernement, mais on doit interpeller tous les intervenants. Toute la société doit être interpellée, et je pense que nous avons énormément d'effort à investir. Alors, je vous remercie beaucoup de votre réflexion.

Le Président (M. Doyon): Vous me permettrez de vous remercier personnellement au nom des membres de la commission. Votre mémoire était très intéressant, la discussion aussi. Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures, au moment où nous recevrons le Centre pour femmes immigrantes de Sherbrooke. Alors, suspension des travaux.

(Suspension de la séance à 18 h 36)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Forget): Je demanderais aux membres de la commission de bien vouloir prendre place.

Je voudrais demander au président ou à la présidente du groupe de bien vouloir se présenter.

Centre pour femmes immigrantes de Sherbrooke

Mme Bassaietti (Teresa): Bonsoir, mon nom est Teresa Bassaietti, et je suis présidente du Centre pour femmes immigrantes de Sherbrooke. Ça nous fait très plaisir d'être avec vous. Je vais laisser les autres se présenter.

Le Président (M. Forget): Alors, voici le procédé: vous avez une période de 30 minutes, vous avez 10 minutes pour exposer votre document, et les intervenants, Mme la ministre et le député de l'Opposition auront 10 minutes également chacun. Alors, la parole est à vous.

Mme Bassaietti: D'abord, on vient avec l'esprit qu'en plus d'être écouté, s'il y avait la possibilité que les gens qui vont nous écouter aujourd'hui puissent passer à l'action, ce sera tant mieux. En tant que groupe communautaire au service des femmes immigrantes de la région depuis huit ans, on a été très touché par l'énoncé de politique sorti par Mme la ministre, Mme Gagnon-Tremblay, car on a été touché par plusieurs points dans lesquels le centre travaille depuis huit ans. On n'a pas pu analyser au complet cet énoncé de politique parce que, quand même, ça a été très long. Cependant, on va toucher quelques points qui nous ont touchés au fond de notre coeur. La première partie, c'est "L'immigration: un facteur de développement du Québec". Le contexte. Parmi les mesures concrètes prises récemment par le gouvernement du Québec en matière d'immigration, le document mentionne, à la page 7, la mise en oeuvre de l'obligation contractuelle en 1988. Tout en reconnaissant l'intérêt de ces mesures, nous nous demandons quelle peut être leur efficacité si elles ne sont pas assorties de sanctions. De plus, nous aimerions savoir combien d'entreprises ont été soumises à cette obligation contractuelle depuis 1988, quelle est la proportion de celles qui ont respecté intégralement cette obligation et si leur liste a été publiée. De telles données permettraient une première évaluation de l'efficacité du mécanisme prévu pour favoriser l'intégration des immigrants à la société québécoise. Parce que c'est très bien d'avoir des programmes d'accès à l'égalité et des obligations contractuelles, mais si on ne connaît pas les statistiques ou la quantité de femmes immigrantes qui ont pu vraiment bénéficier de ces programmes, je pense que, à ce moment-là, les programmes ne risquent pas d'être très intéressants.

Ensuite de ça, un contrat moral garant d'une intégration réussie. La notion de contrat moral, à la page 15, nous paraît passablement floue. En effet, elle associe le concept juridique de contrat à l'idée d'engagements moraux. Or, tout contrat entraîne des effets juridiques garantis, ce qui est précisément étranger aux devoirs purement moraux. On pourra élaborer peut-être pendant les questions, parce qu'on aimerait quand même toucher dans les 10 minutes les points les plus importants.

Dans la partie II, une immigration contribuant au développement d'une société francophone et d'une économie prospère. Soutenir la réunification familiale et l'adoption internationale. Je pense que c'est très important, ce point-là, parce que la famille peut signifier un grand support pour les immigrants déjà établis ici, et puis peut aider beaucoup à contribuer à l'épanouissement de cet immigrant. Il nous semble que ce sera un grand pas en avant. La question du parrainage, par exemple, n'aurait pas une durée de 10 ans comme avant mais de 3 ans plutôt. Et puis ce sera certain qu'il y aura certaines conditions qui devront accompagner ce délai de temps, parce qu'il ne faut pas non plus que les familles ou que les immigrants qui sont prêts à accueillir quelqu'un membre de leur famille soient évalués très fortement au coût de la vie québécoise. Les familles vont faire un effort pour accueillir quelqu'un de la famille, mais s'il y a trop d'exigences à cet égard, ça va être très difficile que quelqu'un de la famille puisse servir de parrain pour la personne qui va arriver.

Maximiser les retombées économiques de la sélection des travailleurs indépendants et de l'immigration temporaire. Le programme expérimental fondé sur le critère d'adaptabilité professionnelle des candidats est susceptible de corriger les faiblesses des outils de sélection présentés à la page 27. Cependant, certains critères comme les qualités personnelles des candidats ne sont pas suffisamment bien définis et reposent dans une trop large mesure sur la capacité de jugement de l'agent d'immigration chargé de la sélection. Ce programme pourrait être avantageusement, complété par une amélioration des procédures de reconnaissance de l'expérience professionnelle et des diplômes acquis dans le pays d'origine, pour que l'immigrant soit soumis à des conditions moins restrictives d'accès à l'emploi. Tout en ayant à s'adapter à de nouvelles normes, l'immigrant serait ainsi plus à même de faire profiter l'économie du Québec de son expertise originelle, acquise dans un contexte différent, ce qui constitue certainement un facteur dynamisant pour le milieu de travail. Nous croyons qu'une trop grande insistance sur l'équivalence de la formation conduit à éliminer des candidats dont l'apport pourrait être précieux pour l'économie québécoise. C'est d'ailleurs ce genre d'argument qui est souvent invoqué pour justifier la néces-

site de tenir compte des acquis expérientiels dans l'accès à l'emploi et à la formation pour les personnes déjà établies au Québec.

La partie III, c'est "Une langue commune, une pleine participation, et des relations intercommunautaires harmonieuses: l'assurance d'une intégration réussie". Un long titre. Les caractéristiques du processus d'intégration. En soulignant les interrelations entre les différentes dimensions où se déploie le processus d'intégration, à la page 45, le document laisse supposer que l'intégration linguistique, culturelle, socio-économique, institutionnelle et personnelle se situe sur le même plan. Nous croyons, pour notre part, que cette mission est trompeuse.

À travers notre expérience d'intervention auprès des femmes immigrantes, nous avons maintes fois constaté que l'insertion au marché du travail constitue un facteur déterminant qui exerce un effet d'entraînement sur les autres dimensions de l'intégration sociale. Selon nous, l'accès à l'emploi est le pivot de l'intégration. Une fois que l'immigrante a maîtrisé les éléments du français qui lui permettent de se débrouiller dans sa vie quotidienne, seuls les contacts continus avec des collègues de travail lui fournissent la motivation de se perfectionner dans la langue du pays d'accueil ainsi que les conditions concrètes d'un apprentissage linguistique continu et durable.

L'accès à l'emploi constitue une condition essentielle à l'intégration sociale et psychologique. Quelle immigrante en recherche d'emploi peut être intéressée à jouer un rôle actif dans un comité d'école? Quelle est la probabilité de se faire des amis parmi les Québécois de souche, si on n'a même pas un milieu de travail? A-t-on songé à l'humiliation que peut ressentir un immigrant obligé de solliciter de l'aide sociale?

Par ailleurs, nous regrettons que les auteurs du document se contentent d'un constat passif du fait que l'intégration se fait à des rythmes différents et qu'elle est avant tout matière d'individus, à la page 46. Nous croyons qu'une telle position traduit un certain fatalisme. Nous nous attendions à trouver dans cet énoncé de politique une analyse serrée des facteurs psychologiques et sociaux susceptibles d'expliquer ces différents rythmes. Une telle analyse aurait permis d'identifier des domaines dans lesquels l'intervention gouvernementale pourrait contribuer directement ou indirectement à éliminer un certain nombre d'obstacles à l'intégration des immigrants.

Accroître l'accessibilité et la qualité des services d'apprentissage du français. En tant qu'organisme dispensant des cours de français aux immigrants et immigrantes, nous sommes pleinement d'accord avec la nécessité de renforcer et de diversifier les services d'apprentissage du français et d'intensifier le développement pédagogique. Ces services doivent être beaucoup plus accessibles, notamment aux femmes. L'ap- prentissage d'une langue seconde est complexe et pose des difficultés variées, selon les liens particuliers entre la langue maternelle et la langue seconde. C'est pourquoi un enseignement uniforme du français à des immigrants de différentes langues comporte une efficacité forcément limitée. L'enseignement du français peut être considérablement amélioré lorsqu'il prend appui sur les acquis linguistiques dans la langue maternelle. C'est pourquoi nous croyons que les membres des communautés culturelles déjà intégrés au Québec et maîtrisant bien le français devraient être associés très étroitement à l'organisation des programmes de francisation, afin d'offrir des conditions d'apprentissage linguistique qui tiennent compte des caractéristiques de la langue d'origine.

Bon. Assurer l'accueil des nouveaux arrivants et soutenir leur première insertion socio-économique. Je pense que c'est un des points qui a été le plus important parce que, au cours de l'année 1989-1990, notre organisme a mis sur pied, suite à une étude de faisabilité, un projet d'intégration professionnelle pour les femmes immigrantes de la région de l'Estrie. C'était un projet financé par Emploi et Immigration Canada, qui nous a permis d'intégrer sur le marché du travail 15 femmes immigrantes de 12 pays différents. Alors, on aimerait faire état des résultats obtenus, sauf que vu que c'est un petit peu long, je pense que ça a été un grand pas pour nous. (20 h 15)

II y a 10 femmes immigrantes qui travaillent aujourd'hui dans les divers milieux hospitaliers de Sherbrooke et elles sont en train de s'intégrer dans le milieu. Ça a été la meilleure preuve et la meilleure efficacité qu'on puisse trouver. Maintenant, elles se débrouillent pour apprendre la langue, elles peuvent participer à différents niveaux. Les résultats obtenus démontrent bien que des projets novateurs comme celui-là peuvent favoriser le développement du marché du travail tout en offrant à nos femmes et aux organismes féminins la chance de développer de nouvelles compétences et d'essayer d'utiliser des moyens originaux de s'attaquer aux problèmes d'emploi particuliers auxquels sont confrontées les femmes immigrantes.

Favoriser la régionalisation de l'immigration dans une perspective de développement régional. Alors, les différentes mesures prévues pour favoriser la régionalisation de l'immigration sont fort louables, mais nous croyons qu'elles ne tiennent pas compte suffisamment de la problématique spécifique de l'emploi en régions. Nous aurions souhaité trouver dans le document une analyse approfondie de ces difficultés auxquelles nous avons été souvent confrontés et qui expliquent, au moins partiellement, pourquoi seulement une faible proportion d'immigrants s'établit en régions de façon permanente.

Dans le cadre restreint de notre mémoire,

nous aimerions surtout souligner l'importance du phénomène de la discrimination institutionnelle ou systémique comme obstable à l'intégration des immigrants au marché du travail. Selon notre expérience, les institutions et organismes de la région sont peu sensibilisés à cette question et, par conséquent, sont mal outillés pour prendre les mesures nécessaires pour contrer le phénomène. Là rareté et la précarité des emplois en régions, l'homogénéité culturelle relative de la population, l'absence de traditions diversifiées en matière d'accueil et d'intégration des immigrants, l'absence de débats publics sur les questions relatives à l'immigration et, enfin, la sous-représentation des Néo-Québécois dans les postes décisionnels sont autant de facteurs susceptibles d'accroître l'incidence de la discrimination systémique qui risque de rendre inopérantes plusieurs des mesures prévues dans l'énoncé de politique.

La formation interculturelle des intervenants. Globablement, nous sommes en accord avec les mesures visant à favoriser la formation interculturelle des intervenants. Nous aimerions cependant souligner la nécessité de demeurer vigilant dans ce domaine fortement marqué par des courants idéologiques et pouvant facilement donner lieu à des pratiques pédagogiques ambiguës, pouvant aller à l'encontre des effets recherchés. Ainsi, par exemple, la conscience des intervenants de tenir compte des caractéristiques de la clientèle immigrante peut donner lieu dans certains cas à des interventions de type paternaliste ou subtilement ethnocentriques qui ne valorisent pas la prise en charge et l'autonomie des immigrants et les privent, par le fait même, de certaines informations cruciales pour l'adaptation à la société québécoise. Alors, pour éviter les effets pervers de la formation interculturelle, nous croyons qu'elle devrait donner lieu à des recherches évaluatives largement diffusées et que les Néo-Québécois de différentes origines devraient être associés à la conception et à l'évaluation des programmes de formation interculturelle au même titre que les Québécois de souche.

Enfin, nous aimerions insister sur le fait que la formation interculturelle est avant tout très étroitement liée à la capacité des intervenants de se remettre en question et d'analyser de façon critique des pratiques d'intervention fortement institutionalisées. Trop souvent, hélas, une telle formation se situe au niveau des discours qui contribuent à se donner bonne conscience sans avoir à changer quoi que ce soit dans les pratiques professionnelles et la structure des rapports interpersonnels et intercommunautaires.

Alors, je finirai avec quelques recommandations. Je pense qu'on a laissé nos enfants en garderie. On a fait un long voyage, alors on aimerait beaucoup quand même que le déplacement en vaille la peine. Alors, comme je vous l'ai dit au début, si les gens, en plus de nous écouter, contribuent à ce que ces recommandations puissent se voir mises à l'action, on aura fait un bon voyage. Alors, les recommandations. Le Centre pour femmes immigrantes de Sherbrooke souhaite que l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration Au Québec pour bâtir ensemble soit modifié dans le sens des recommandations suivantes: 1. Que les mesures mises en oeuvre par le gouvernement du Québec pour faciliter le processus d'intégration des immigrants accordent la priorité à l'insertion au marché du travail. 2. Que des mesures précises et vigoureuses soient prises par le gouvernement du Québec pour contrer la discrimination systémique dont sont victimes les immigrants, notamment les femmes immigrantes et les membres des minorités visibles, dans tous les secteurs de la vie sociale, mais plus spécifiquement dans l'accès à l'emploi. 3. Que le gouvernement du Québec reconnaisse explicitement les communautés culturelles et les organismes qui les représentent comme des partenaires dans les processus d'accueil, d'adaptation et d'intégration de nouveaux arrivants. Nous souhaitons que le gouvernement du Québec combatte vigoureusement la conception prévalant dans certains milieux selon laquelle les immigrants et les membres des communautés culturelles sont avant tout des consommateurs de services. On aimerait devenir sujets. 4. Que le gouvernement du Québec assure un financement substantiel et continu des organismes non gouvernementaux pluriethniques, en tenant compte de l'importance du rôle qu'ils jouent dans la prestation de services d'accueil, d'adaptation et d'intégration des immigrants et des Québécois des communautés culturelles. Nous souhaitons que le gouvernement québécois fasse connaître l'apport de ces organismes à la vie sociale, économique et culturelle du pays. 5. Que le gouvernement du Québec apporte un soutien technique et financier dans la collecte et te traitement des données statistiques concernant les communautés culturelles établies en régions. En effet, il est nécessaire de se fonder sur des statistiques valides pour planifier les besoins actuels et futurs des membres des communautés culturelles. Les organismes pluriethniques et les services aux immigrants constituent certainement une source précieuse de données, compte tenu des compétences linguistiques et culturelles de leur personnel.

Alors, les personnes suivantes ont travaillé à la confection de ce mémoire: Mme Hélène Hensler, secrétaire du conseil d'administration du Centre pour femmes immigrantes; Me Jacques Mehu, c'est un homme, car les hommes sont de notre côté. On lui dit bienvenue. Et puis Nutan Kalevar nous accompagne ce soir. Elle est membre du conseil d'administration.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame.

Merci beaucoup. Mme la ministre, pour cinq ou six minutes.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme Bas-saletti. Vous comprendrez, M. le Président, que ça me fait grand plaisir d'accueillir des gens de ma région, des gens de Sherbrooke qui ont fait tout ce trajet pour venir justement présenter leur mémoire. Je voudrais, bien sûr, vous remercier aussi d'avoir pris la peine d'élaborer un mémoire et de nous faire connaître vos recommandations. Ma première question, Mme Bassalet-ti, s'adresse à l'une ou l'autre d'entre vous. Dans votre présentation, vous avez expliqué en quoi consistait le projet d'intégration professionnelle pour les immigrantes de l'Estrie que vous avez mis en 1989-1990, et vous avez fait mention de nombreuses femmes qui sont sur le marché du travail. Pouvez-vous m'identifier dans quels secteurs d'activité ces personnes se sont trouvé du travail?

Mme Bassaletti: Pour répondre à la question, c'était, comme je l'ai dit, dans le cadre d'un projet subventionné par Emploi et Immigration Canada. On avait élaboré un projet à partir d'une étude de marché que le Centre pour femmes avait faite pour savoir quels étaient les besoins de la région en matière d'emploi. Alors, une fois qu'on avait déterminé que les besoins de la précarité d'emploi c'était au niveau des restaurants, des caissières et des préposées aux malades, on a vu qu'il y avait des précarités d'emplois parce que les emplois étaient très mal payés, comme dans le secteur des manufactures de textile. Cependant, dans les hôpitaux, on a vu que les salaires, quand même, c'était 8 $ et plus et que c'étaient quand même des tâches dont les exigences n'étaient pas tellement rigoureuses car ça prenait un secondaire V.

Alors, une fois qu'on eut fait l'étude du marché, le Centre pour femmes immigrantes a monté un plan de formation en tenant compte du profil des femmes immigrantes pour venir répondre aussi aux besoins du marché de l'emploi. Alors, ce plan de formation a tenu compte de trois choses très importantes. D'abord, la capacité linguistique, parce qu'il fallait préparer les femmes immigrantes qui n'étaient pas très soutenues du point de vue linguistique pour confronter le marché du travail canadien. Alors, pendant 10 semaines, on a amélioré la capacité de communiquer en français. Pendant 20 semaines, on a formé les femmes de manière théorico-pratique de façon qu'elles puissent connaître les tâches qu'elles allaient accomplir en tant que préposées aux malades.

Ensuite de ça, les 10 dernières semaines étaient consacrées à des stages, parce que sans expérience de travail on ne peut pas travailler. Alors, finalement, les stages étaient tellement bien faits... On a eu une difficulté d'abord parce qu'on était un organisme nouveau do femmes immigrantes, alors c'a été difficile au début pour trouver des stages. Mais finalement, à la fin, on a eu 21 places de stages et on avait seulement 15 joueurs à placer. Nos femmes ont travaillé tellement fort, elles ont développé l'empathie, la dextérité. On a fait de la supervision. Ça a été vraiment très dynamique. Et puis, finalement, on a placé toutes nos femmes.

Mme Gagnon-Tremblay: Elles ont conservé leur emploi?

Mme Bassaletti: Jusqu'à aujourd'hui, il y a 10 femmes sur 15 qui sont sur le marché de l'emploi. Il y a 13 femmes qui ont suivi le projet de principe à la fin. Il y en a deux qui ont dû abandonner pour des problèmes de santé. Et sur les 13 femmes, il y en a 10 qui travaillent aujourd'hui dans le milieu hospitalier. Elles sont très contentes. Elles sont en train de connaître le marché du travail canadien. Elles ont abandonné le bien-être social et je pense que ça a été un grand pas pour le centre. Je ne sais si Me Mehu peut compléter.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, comme vous le savez, nous avons ouvert une direction régionale dans la région de l'Estrie, dans la région de Sherbrooke. Nous voulons, bien sûr, aussi, développer différents partenariats, pour être en mesure de donner les services à la clientèle. Je voudrais savoir: Est-ce que votre centre de femmes travaille aussi, par exemple, avec les cercles de fermières ou l'AFEAS, de sorte que l'on puisse parrainer des femmes qui sont des Québécoises d'origine avec ces nouvelles arrivantes qui, parfois... Est-ce qu'on a fait ce genre de jumelage? On a aussi une clientèle de réfugiés. On a une clientèle dans la région de Sherbrooke. On a une forte proportion de catégories de réfugiés. Souvent, ces personnes-là ont besoin d'entraînement, que ce soit, par exemple, au niveau des appareils ménagers, que ce soit, par exemple, au niveau d'échanges de nourriture, de budget, des choses comme ça. Est-ce qu'on a pensé, à un moment donné, à jumeler ces personnes-là pour les parrainer et faire en sorte qu'il y ait des liens qui se créent, pour vous aider justement à relever ce défi?

Mme Bassaletti: Bon. D'abord, nous autres, le parrainage ou le marrainage... On aimerait plutôt être autonomes. C'est certain, dans la question que vous nous posez, qu'il y a des actions concrètes qui se font dans notre organisme. On a des ateliers d'éducation interculturelle dans lesquels on invite divers organismes qui existent dans la région, qui peuvent aider beaucoup les femmes immigrantes dans le processus d'intégration. Par exemple, on fait des conférences sur l'aide juridique: Quels sont les services que les femmes immigrantes peuvent avoir? On lail des conférences, par exemple,

pour remplir les feuilles d'impôt. On fait souvent des ateliers. À toutes les fins de mois, on fait des ateliers interculturels où les Québécois de souche sont invités aussi. Mais comme je vous le dis, il reste que la principale préoccupation de la femme immigrante en régions, c'est l'emploi. Parce que c'est bien d'être à côté de quelqu'un, d'être parrainé, marraine, mais ce qui est intéressant, c'est de devenir autonome financièrement. Une fois que les gens deviennent autonomes financièrement, c'est à ce moment-là seulement qu'ils ont le goût de partager, d'être avec d'autres gens d'ici.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Naturellement, c'est bien. Je pense que l'action que vous faites est une bonne action. Mais c'est toujours bien aussi, on essaie toujours, et je pense que c'est l'un des objectifs de notre énoncé de politique, de jumeler davantage ces nouvelles arrivantes ou ces nouveaux arrivants avec la société d'accueil. Bien sûr, aussi, des Québécois des communautés culturelles font partie de cette société d'accueil. Mais ce n'est pas mauvais parfois d'y aller carrément en impliquant des Québécois d'origine, ne serait-ce que pour les sensibiliser à l'importance du rôle qu'ils ont à jouer.

Mme Bassaletti: Je pense qu'on a fait un grand pas. Le centre, depuis longtemps, milite avec d'autres groupes de femmes parce que la situation des femmes est assez précaire, pas seulement pour les femmes immigrantes, sauf que c'est plus évident pour nous en plus parce qu'il y a un nouveau milieu de vie à connaître, des nouvelles valeurs, la langue intégrée et l'emploi intégré. Je pense que, malheureusement, dans la région, on est dans une situation de minorité. Alors, c'est très difficile de trouver des attitudes pas seulement ethnocentristes, mais aussi anthropologiques. C'est-à-dire qu'on a beaucoup de risques a faire passer nos idées quand on est vraiment dans une situation de minorité.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Je vais faire ça vite parce que, malheureusement, on n'a pas grand temps. Je veux vous remercier et vous dire que je considère que votre mémoire, même si on n'a pas grand temps, répond à une foule de questions des membres de la commission parce que, depuis le matin, un des sujets importants qu'on traite ici et qu'on essaie de solutionner, c'est la régionalisation des nouveaux Québécois. On se pose des questions entre nous et on en a posé à des gens qui sont des maires, des gens des commissions scolaires, de tous les groupes, mais vous êtes en train de répondre, vous, par votre expérience. Finalement, qu'est-ce qui fait que des immigrantes et des immigrants vont choisir de devenir des Québécois vivant en régions? Je vous écoutais attentivement lors de la lecture de votre mémoire. Si je le prenais presquement page par page, à partir de 6, en tout cas, je me rends compte que les gens vont choisir d'aller en régions à la condition qu'ils aient de l'emploi. Et tout est basé là-dessus. En page 6, on parle d'emploi; en page 7, on va même en disant: "Selon nous, l'accès à l'emploi est le pivot de l'intégration." Et on demande de meilleurs apprentissages du français pour être mieux intégré au marché du travail, pour pouvoir être plus autonome. (20 h 30)

Donc, si je comprends bien, finalement, tout le fil conducteur de votre mémoire et du message que vous voulez nous passer, c'est que les nouveaux Québécois et les nouvelles Québécoises qui vont venir sont prêts à aller en régions, pour autant que les régions soient capables de leur fournir ce qui est l'essentiel, c'est-à-dire l'emploi, et le reste, évidemment, qui est connexe à ça, c'est-à-dire des services, un bon enseignement du français et qu'on puisse être bien intégré. Et vous répondez, encore d'une façon plus spécifique, quels moyens on doit prendre, par le premier paragraphe de la page 10, où vous donnez toute une série de mesures. Vous les donnez à la négative, d'une certaine façon, en disant que: II n'y a pas ça, ça rend compliqué, mais s'il y avait ça, c'est qu'on a réglé les problèmes. C'est-à-dire dire que vous nous passez un message que je trouve très important par rapport à fa volonté de permettre la régionalisation des nouveaux venus. Je le trouve important et je voulais vous passer le message parce que, par rapport à tout ce dont on a discuté aujourd'hui, j'ai l'impression que vous êtes en train de répondre sans avoir été présente, ici, durant les débats qui vous ont précédée.

J'aurais une ou deux questions, très rapidement, et je vais vous poser les deux. Ça vous donnera le temps d'élaborer. La première, c'est un peu personnel. Je vous la pose: Si ceux et celles qui viennent choisissent un endroit pour avoir un emploi, est-ce que, en ce qui vous concerne, vous avez choisi Sherbrooke parce que vous voyiez une chance de placement de travail et d'avancement professionnel dans votre cas? Et l'autre question que je vous pose tout de suite... C'est sûr qu'on parle de services, on parle aussi de problèmes vécus par les femmes immigrantes, que ce soit dans le milieu du travail ou dans toutes sortes d'autres domaines, dont le social. Et moi, pour avoir rencontré bien des gens à Montréal, dans le domaine de l'habitation, je sais qu'il y a beaucoup de harcèlement et, finalement, de décisions qui sont prises qui sont contre la charte des... finalement, qui sont dénoncées. Est-ce que - et je pense que non mais je vous le demande - en régions, vous vivez ces mêmes problèmes au niveau du logement et de l'habitation que plusieurs de vos concitoyennes vivent

dans la métropole?

Le Président (M. Doyon): Mme Bassaletti ou... Vous êtes madame?

Mme Bassaletti: Oui, je peux répondre si vous voulez.

Le Président (M. Doyon): Comme vous voudrez.

Mme Bassaletti: O.K. Allez.

Le Président (M. Doyon): Est-ce que vous voulez vous identifier, s'il vous plaît?

Mme Hensler (Hélène): Oui. Hélène Hensler. Moi, je n'ai pas vraiment de statistiques sur le phénomène de refus de logement. Il existait certainement il y a 15 ou 20 ans. Maintenant, actuellement, je pense que le taux d'inoccupation de logements, à Sherbrooke, en est un des plus élevés du Québec. Alors, probablement que le phénomène a moins d'incidence. Je ne sais pas si Teresa a entendu parler de personnes qui se sont plaintes de s'être vu refuser des logements.

Mme Bassaletti: À partir de notre expérience, je pense que Me Mehu a aidé - justement, ça fait deux ans - une femme salvadorienne et monoparentale, avec quatre enfants, qui avait des problèmes, justement, pour se loger parce que les propriétaires trouvaient qu'ils faisaient trop de bruit. Mais une fois qu'elle eut déménagé, les propriétaires ne trouvaient pas seulement qu'ils faisaient trop de bruit mais que les enfants dérangeaient trop. Les enfants descendaient les escaliers, puis les enfants montaient les escaliers. Finalement, ça a été très dérangeant, surtout pour les familles des communautés culturelles parce qu'elles sont très nombreuses. Alors, je ne sais pas si Me Mehu pourrait élaborer plus, mais je pense que la problématique se vit tout le long de la province parce que, au niveau social, de l'intégration, de logement, de harcèlement... C'est vraiment problématique pour les femmes immigrantes parce qu'il y a des coutumes et des valeurs très différentes à casser avant de s'intégrer. On sait qu'il y a une sous-représentation, par exemple, au niveau du Québec car 22 % des femmes immigrantes font du travail de manufacture et de textile pour moins de 6 % de femmes québécoises qui font ce travail-là. On sait que le secteur des manufactures, c'est la place où on offre les conditions de travail et de salaire les plus précaires. Moi, j'ai déjà travaillé dans les manufactures et je sais ce que c'est. Pendant huit mois, j'ai dû me battre dans des conditions salariales terribles. Je ne pouvais pas pratiquer mon français parce que c'est l'italien ou le portugais que tu pouvais apprendre, mais ce n'était pas du tout le français. La seule personne québécoise que j'ai trouvée là-bas, c'était la présidente du syndicat. Alors, je sais qu'au niveau des logements, j'ai vécu des problèmes, pas personnellement, mais plusieurs de nos femmes ont eu des problèmes à se loger. On sait qu'à Sherbrooke, à un moment donné, l'année passée, il y a eu une rencontre en dehors de la bibliothèque municipale, justement c'était la Journée de la discrimination, et puis cette journée-là n'a pas pu avoir lieu parce que les gens qui allaient faire cette manifestation-là ont été chassés des lieux. On sait que beaucoup de membres des communautés culturelles, des fois, quand ils appartiennent aux minorités visibles, ils se font aider par une Québécoise pour visiter le logement et, après ça, ils signent le contrat.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. M. le député, une dernière question peut-être.

M. Paré: Une dernière question. Bien, ça va être un commentaire pour vous remercier, étant donné que les échanges sont très courts, et pour vous dire que moi, je suis d'accord, en tout cas, qu'on étudie sérieusement vos recommandations, mais la recommandation 4. Parce que même s'il y a des services gouvernementaux et même si on les étend en régions, il ne faudra pas oublier que des organismes où les gens se regroupent et s'identifient plus facilement vont être capables de rendre probablement un meilleur service aux nouveaux et aux nouvelles arrivantes. Qu'on pense à la Régie du logement, les gens n'y iront probablement pas, premièrement, parce qu'ils ont moins de bureaux et, ensuite, ça coûte quelque chose pour y aller, et surtout que les gens vont voir ça comme une institution juridique, alors que si c'est un groupe, comme vous dites, pluriethnique ou communautaire, les gens ont déjà une attirance, une sympathie, ils se sentent plus écoutés. Moi, je pense que si on veut l'implantation d'une politique d'intégration et d'immigration régionalisée, il va falloir que dans les régions, les gens retrouvent ce genre d'organisme qui est plus près d'eux parce que plus souvent qu'autrement - et vous en êtes la preuve - les gens qui sont responsables de ces groupes-là ont vécu ces problèmes et sont capables de les comprendre et de les aider davantage.

Alors, je vous remercie beaucoup de la présentation de votre mémoire. Vous êtes un exemple que l'immigration, c'est possible aussi dans les régions du Québec.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Écoutez, moi aussi, je veux vous remercier. Je dois vous dire que nous sommes actuellement à réévaluer l'ensemble de nos programmes de subventions, parce que nous croyons que nous pouvons peut-être encore faire mieux avec ce que nous avons,

tout en y ajoutant aussi en plus. Je dois vous dire que les programmes de subventions devront répondre dorénavant aux objectifs qu'on s'est fixés dans notre énoncé de politique.

Bien sûr que cette année, étant donné que nous récupérons aussi certains programmes du gouvernement fédéral, en vertu de l'entente que nous avons signée en février dernier, nous maintiendrons nos programmes de subventions tels quels cette année pour les améliorer, et les modifier à compter de 1992,1992-1993.

Alors, écoutez, bien sûr que le temps passe tellement rapidement. On aura probablement l'occasion d'en discuter plus en profondeur peut-être en régions. Je vous remercie. Je trouve ça tout à fait intéressant. Votre réflexion est intéressante et, bien sûr, je vous souhaite un bon voyage de retour.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, merci beaucoup au Centre pour femmes immigrantes de votre présentation et votre présence ici parmi nous, au nom des membres de la commission. Je vous permettrais maintenant de vous retirer pour permettre aux intervenants suivants de prendre votre place. Merci beaucoup, bonsoir.

À l'ordre, s'il vous plaît! L'intervenant suivant prévu à notre ordre du jour est M. Donald L'Espérance. Je ne le vois pas dans la salle, il est peut-être absent. De toute façon, nous allons procéder, avec l'accord de la commission, s'il y a un consentement à entendre le Réseau d'action et d'information pour les femmes. J'invite ses représentants à s'avancer et à prendre place à la table de nos invités. Leur souhaitant la bienvenue, je les invite à procéder à la présentation de leur groupe, des membres qui le composent. Après ça, nous allons passer environ une heure ensemble: une vingtaine de minutes pour la présentation de votre mémoire... Les règles habituelles que vous connaissez bien et que je ne répète pas. Nous vous écoutons.

Réseau d'action et d'information pour les femmes

Mme Dolment (Marcelle): Je vous présente celle qui présente le mémoire, Micheline Lavoie, qui est responsable du mémoire.

Le Président (M. Doyon): À votre droite?

Mme Dolment: À ma droite, oui, Micheline Lavoie.

Mme Lavoie (Micheline): Bonsoir.

Mme Dolment: Micheline Therrien, qui a participé au comité de rédaction aussi.

Mme Therrien (Micheline): Bonsoir.

Mme Dolment: Et Lily Audet. Ce sont toutes des personnes qui ont discuté sur le fond du mémoire que nous présentons.

Le Président (M. Doyon): Et vous êtes?

Mme Dolment: Je m'excuse, Marcelle Dolment...

Le Président (M. Doyon): Pour fins d'enregistrement de nos...

Mme Dolment: Bien sûr.

Le Président (M. Doyon): ...délibérations.

Mme Dolment: Oui, parce que ce n'est peut-être pas la première fois que vous me voyez, mais enfin. Marcelle Dolment, du Réseau d'action et d'information pour les femmes.

Le Président (M. Doyon): Je ne transcris pas...

Mme Dolment: Nous sommes très heureuses de revoir Mme Gagnon-Tremblay. Si on pouvait avoir deux ministres à la Condition féminine, ce serait l'idéal. Ha, ha, ha! Pour ne pas vous avoir perdue. Je voudrais en profiter quand même pour vous remercier de tout ce que vous avez fait pour les femmes. C'a été extraordinaire, tout ce que vous nous avez apporté et le dynamisme que vous nous avez apporté. Ça nous aura donné un peu confiance.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, vous êtes gentille.

Mme Lavoie: Alors, je peux commencer? Le Président (M. Doyon): Oui, allez.

Mme Lavoie: Le Réseau d'action et d'information pour les femmes, le RAIF, organisme préoccupé par l'évolution de notre société québécoise, s'est vivement intéressé à la politique gouvernementale sur l'immigration et l'intégration des communautés culturelles. Il s'intéresse surtout à la place que doit y prendre l'égalité des sexes comme valeur de base de notre société dont il faut défendre les acquis qui pourraient être menacés par l'immigration de cultures provenant de pays où la femme est considérée et traitée en inférieure. Par ailleurs, le RAIF estime que l'égalité des sexes pourrait être un moyen puissant d'unification de notre société et d'attrait pour les autres, ceux et celles qui recherchent une société juste. C'est ce qu'a relaté le journaliste Jean V. Dufresne à la radio d'État: Bien que détenant un poste important en Afrique du Nord, un père de famille a décidé d'émigrer au Québec. Pourquoi? À cause des lois sur l'égalité des femmes et de leurs conditions de

vie. Il ne voulait pas élever ses filles dans un pays qui leur refusait les plus élémentaires droits et libertés de la personne.

Contrat moral. Le RAIF est heureux de l'orientation de la politique sur l'immigration et l'intégration définie dans l'énoncé de la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, Mme Monique Gagnon-Tremblay. On insiste dès le départ sur le contrat moral qu'implique l'immigration de nouveaux arrivants et de nouvelles arrivantes et sur les acquis de la tradition démocratique québécoise que les Québécois de toute origine doivent pouvoir s'approprier. Que le gouvernement se rende compte que l'immigration doit se faire en fonction des capacités économiques d'absorption du Québec nous rassure. On devrait y ajouter en fonction de ses capacités socio-culturelles d'absorption. Le gouvernement rappelle avec à-propos que l'intégration se joue à deux. C'est aussi la ligne de pensée du RAIF qu'il aimerait développer ici et compléter.

L'énoncé de politique. Quelques réserves cependant. L'unilinguisme masculin du document gouvernemental nous a étonnées. Les femmes sont oblitérées, voilées dans tant de cultures dont certaines et certains membres émigrent ici que c'est un bien mauvais exemple que l'on donne en escamotant 52 % de la population québécoise dans le langage, malgré tous les efforts faits depuis 20 ans pour corriger cette rédaction des textes discriminatoire, malgré les prises de position de l'Office de la langue française, de la Commission des droits de la personne, du Conseil du statut de la femme, de Radio-Canada, de la Chambre de commerce et de nombre d'autres organismes. (20 h 45)

Autre déception. La conclusion de l'énoncé sous le titre "L'enrichissement à notre portée", page 87, limite les objectifs pour assurer l'avenir du Québec au redressement économique, à la pérennité du fait français et de l'ouverture sur le monde. Il y manque une composante, l'évolution sociale. Cet axe de notre vie collective est aussi, sinon plus important que l'économie et la langue. L'ouverture sur le monde, c'est bien, mais sur quel monde? Ouverture n'est pas équivalent de progrès et d'évolution. Pour nous, les choix de société qui fondent le Québec doivent être ceux qui permettent d'accroître son potentiel économique et intellectuel, sa culture et d'instaurer plus de justice et d'égalité, surtout celle des sexes. Il faut se préoccuper autant de sexisme que de racisme qui a trop souvent tendance à occulter le premier.

Aussi on ne doit pas craindre d'aborder directement les problèmes liés à l'immigration, car il y en a. Une approche trop feutrée comme nous a paru être celle de l'énoncé n'aide pas à l'amélioration des relations entre population d'accueil et population immigrante car on risque ainsi de laisser pourrir les problèmes plutôt que de les solutionner puisqu'on ne les identifie pas.

Notre présent et notre avenir en seront affectés, l'immigration les influençant fortement.

La société québécoise. Cependant, selon le RAIF, il serait temps de nous redéfinir et de sortir du cadre étroit d'une identité qui se réduirait à son appartenance à tel ou tel groupe linguistique. La spécificité québécoise, c'est en premier lieu sa géographie qui est son berceau. Ses racines, elles sont, premièrement, autochtones; deuxièmement, francophones; troisièmement, anglophones et, quatrièmement, de plus en plus allophones.

Le peuple est souverain et les classes n'existent pour ainsi dire pas et, quand elles se dessinent, elles sont tout ce qu'il y a de plus mobile. La recherche de liberté et d'égalité est continue. Les femmes jouent dans la collectivité un rôle important qui s'accentue sans cesse sur tous les plans.

Le Québec a prouvé qu'il était ouvert aux nouvelles idées comme aux nouveaux apports démographiques à l'extérieur, en autant qu'on n'adopte pas envers nous des comportements arrogants, ce qui a malheureusement été quelquefois le cas.

Mais il est clair que les vagues d'immigrants et d'immigrantes successives modifieront considérablement le visage du Québec dans quelques décennies, ce qui ne trouble nullement le RAIF qui y voit plutôt un défi intéressant s'il est bien relevé et s'il est bien géré.

L'immigration, richesse et exemple. En effet, l'apport de l'immigration est une source d'enrichissement pour notre société. L'expérience nous démontre que les connaissances, le dynamisme et la vaillance dont font preuve les personnes des autres ethnies sont un acquis positif. Cette population a un taux de chômage moins élevé que celui de la population native, et ceci, après seulement 10 ans de vie au Québec. La solidarité dont ils font preuve entre eux est impressionnante, de même que leur capacité de travail.

Il faut reconnaître les efforts d'intégration des immigrants et immigrantes au marché du travail ou encore leur volonté de se créer des emplois dans de multiples entreprises, eux qui arrivent souvent au pays avec presque rien en poche. Ce qu'ils ont, ils l'ont mérité. Nous devrions tendre à intégrer toutes ces qualités. L'intégration peut se faire dans les deux sens. Mais le fondement de la société québécoise moderne, les principes qui la structurent et la dirigent contenus dans la Charte des droits et libertés de la personne doivent, eux, demeurer inaltérables. Toutes les autres contingences, toutes les politiques doivent être en accord avec ces règles de vie québécoises. Mais si la politique d'intégration n'est pas éclairée, cet équilibre peut être bouleversé et faire subir un recul aux luttes que les femmes et les hommes du Québec ont menées depuis tant d'années pour en faire un pays où l'égalité soit de plus en plus réalité.

L'égalité des sexes, fondement de la société.

C'est pourquoi nous recommandons qu'un choix judicieux soit fait des candidates et candidats à l'immigration afin de préserver les acquis de cette lutte. Nous nous expliquons. Il faudrait privilégier et accorder des points lors de l'évaluation des candidates et des candidats à l'immigration pour l'ouverture d'esprit envers l'égalité de principe et concrète des femmes avec les hommes, comme on veut désormais en accorder pour l'adaptabilité professionnelle sur laquelle l'énoncé insiste avec raison. L'adaptabilité sociale est tout aussi importante pour l'avenir pacifique et qualitatif du Québec car l'acceptation de l'égalité est certainement un critère critique pour s'adapter au Québec et pour s'entendre entre les diverses générations d'immigrantes et d'immigrants. N'accorde-t-on pas des points pour le leadership, qualité plus ou moins pertinente pour s'établir ici alors que l'acceptation de l'égalité des femmes est fondamentale?

Cette prise de position ferme et claire envers l'égalité des sexes, valorisée par plus d'hommes immigrants qu'on ne le croit, même quand ils viennent de cultures réfractaires à ce principe, aura plusieurs avantages: faire comprendre l'importance de bien traiter les femmes dans des pays où on ne peut modifier ces comportements de l'extérieur, donner une excellente image de notre pays, transmettre dès le départ des indications sur notre mode de vie, ce qui facilitera ensuite aux immigrantes et immigrants leur adaptation à leur nouvelle culture et, surtout, éviter de modifier à long terme la composition de la population avec des éléments susceptibles d'inférioriser les Québécoises qui commencent à s'en sortir. Nous ne saurions trop insister sur cet aspect de la politique d'immigration. Comme pour les naissances, ce n'est pas tant la quantité qu'il faut privilégier, mais la qualité. Ainsi on répondra aux objectifs de la politique d'immigration et d'intégration énoncés en page 17: "Leur degré de participation - des immigrants et immigrantes et de leurs descendantes et descendants - aux divers volets de la société constitue donc le principal indicateur de leur degré d'intégration" et "il - l'immigrant ou l'immigrante - est également en droit de s'attendre que la collectivité d'accueil lui permette, comme à l'ensemble des Québécois, de participer à la définition des grandes orientations de notre société." C'est pourquoi nous sommes en faveur de ce contrat moral dont parle l'énoncé et que devra respecter toute personne désireuse de s'établir ici.

Préalables à l'immigration. Les femmes et les hommes qui veulent immigrer devront être renseignés sur nos lois concernant l'égalité des sexes et être prêts à les respecter dans leur vie quotidienne, dans leurs pratiques religieuses et dans l'exercice de leurs diverses fonctions et tenir compte des coutumes de leur pays d'adoption. Ils devront savoir, après en avoir été informés avant de venir s'établir au Québec, que les femmes ont des droits et parmi ces droits, en tout premier lieu, celui de ne pas être violentées, celui d'avoir accès à l'éducation et à la formation, à la liberté de parole et de mouvement, égalité de responsabilité dans les décisions concernant les enfants et au partage des biens familiaux en cas de rupture, à l'administration indépendante de leurs propres biens. En somme, mêmes droits et devoirs pour les femmes que pour les hommes. Il nous semble qu'on n'insiste pas assez sur ces éléments dans la préparation à l'immigration dans les pays d'origine. Nous suggérons donc que des personnes-ressources, des fonctionnaires, des organismes en place dans ces pays et ici même, au Québec, que les consultants et spécialement le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration se donnent comme mandat de bien faire connaître aux futurs immigrants et immigrantes les lois auxquelles ils et elles devront se conformer et les obligations qu'ils endossent à ce chapitre. Pour ce faire, il faudra voir à ce que la formation des agents et agentes d'information soit adéquate. Des réunions de groupes pourront être organisées dans les pays d'origine avec les candidats et candidates à l'immigration afin de les renseigner adéquatement et de mettre en commun les questions que ces personnes peuvent se poser sur notre pays et sur notre mode de vie.

Moyens pour faciliter l'intégration. Relais d'information. On sait que certains immigrants et immigrantes sont parrainés ou marraines. Ceux-ci devraient se faire un devoir de renseigner leurs protégés sur ces questions. Cette sensibilisation soit aussi s'étendre aux immigrants et immigrantes de deuxième et troisième générations que l'énoncé de politique dit vouloir rejoindre. Trop de femmes établies ici depuis longtemps vivent en marge de la société québécoise parce que leur culture les confine à la maison. Il ne semble pas qu'on se soit attaché à contourner cet obstacle.

Les organismes d'immigrantes sont sans doute les mieux placés pour aider à libérer ces femmes de cet aspect de leur culture. Les écoles peuvent aussi les rejoindre via les enfants.

Le français comme mode d'information. Puisque des cours sont offerts aux immigrantes et aux immigrants, ce que le RAI F encourage totalement, pourquoi ne pas en profiter pour les informer sur ce qu'est notre société, la Charte des droits, les droits de la famille, les normes du travail, etc., dans les textes mêmes des cours, par exemple: dictées, textes de compréhension, traductions? Nous ferions ainsi d'une pierre deux coups. Les leçons de français gagneraient en intérêt. Il serait aussi important de prévoir pour les femmes qui ne peuvent se déplacer, soit à cause de jeunes enfants dont elles ont la charge, soit à cause de leur âge, pour les grands-parents, des cours télévisés, car la connaissance de la langue est avec l'ouverture d'esprit et l'acceptation de l'égalité des femmes le facteur le plus

important pour l'intégration.

La religion, une barrière à l'intégration de nos immigrants et immigrantes.

Le Président (M. Doyon): Encore quelques minutes, madame. Je vous signale qu'il reste trois ou quatre minutes à votre présentation.

Mme Lavoie: II faudra bien faire comprendre que la religion n'est pas au-dessus de la Charte québécoise et des lois. Le RAIF est d'avis qu'il serait opportun de choisir des gens qui n'ont pas une approche intégriste de la religion car, trop souvent, la religion est une barrière à l'intégration. Certains signes extérieurs sont assez éloquents à ce sujet. Par exemple, le port du voile pour les femmes. La femme voilée affiche qu'elle n'est pas l'égale de l'homme puisque lui n'a pas à se cacher, le port du poignard pour les Sikhs, objet de violence en soi. Imagine-t-on la difficulté qu'un jeune aurait de se faire inviter par des Québécois d'origine ainsi armé? Le port du turban dans la GRC. Il devrait pourtant sauter aux yeux que l'uniforme d'un ou d'une représentante de l'autorité devrait être neutre. Comment une femme peut-elle faire confiance à un agent qui annonce ainsi que ses croyances passent avant son appartenance aux forces de l'ordre quand on sait à quel point certaines religions dans la religion sikh infériorisent les femmes et les malmènent? Serons-nous témoins du même manque de jugement à la Sûreté du Québec dans un avenir rapproché?

Soulignons que nous ne rejetons pas la différence mais uniquement les éléments qui sont à réprouver comme ceux mentionnés plus haut.

Mme Dolment: Pratiques interdites. De plus, nous nous opposons totalement à toute pratique mutilante telle que la clitorectomie. Cette pratique devrait être interdite et criminalisée sans délai avant que trop de jeunes immigrantes ne soient mutilées. On sait ce qui s'est passé en France où des médecins exécutaient la mutilation chirurgicale pour éviter pire, voir l'annexe d'ailleurs à ce sujet-là, la boucherie sans anes-thésie. Les familles immigrantes devront s'engager avant de venir au pays à ne pas mutiler ainsi leurs filles, sinon elles seront sujettes à l'expulsion.

Confessionnalité. De notre côté, il serait bon de revoir nos politiques au sujet de la confessionnal ité de nos écoles, d'autant plus que nous savons que par le passé, certaines ethnies se sont dirigées du côté anglophone, le secteur francophone étant à peu près uniquement catholique de par la loi et la Constitution. Nous suggérons donc de retirer de nos écoles l'enseignement religieux, compte tenu du pluralisme des croyances ainsi que de la non-croyance qui existent actuellement au Québec.

L'école n'a pas à privilégier telle ou telle religion. La charte à ce chapitre émet des signes et des articles absolument illogiques et contradictoires afin de satisfaire tout le monde politiquement. Une charte cohérente est de plus en plus nécessaire. L'enseignement religieux doit, comme dans les pays évolués, être transmis par les Églises ou la famille, dans leur propre champ d'action, non à l'école. Une autre barrière à l'intégration des communautés culturelles serait abolie, voire un autre article sur la question de l'enseignement du coran, à Brassard.

Les postes. Il est important de permettre aux immigrants et aux immigrantes l'accès aux emplois de haute direction dans la fonction publique, mais il faut être vigilant et voir à ce que cette intégration ne se fasse pas au détriment de l'accès des femmes à ces mêmes postes. On créerait une discrimination à rebours et un ressentiment dans la population en négligeant les femmes.

De plus, ces derniers et ces dernières se doivent, lorsqu'ils ou lorsqu'elles accèdent à des postes clés, de respecter nos coutumes, c'est-à-dire apprendre que les rapports ne sont pas aussi hiérarchisés que dans d'autres pays.

Travailleurs et travailleuses. Pour les emplois intermédiaires du secteur professionnel ou la main-d'oeuvre générale où se retrouvent très souvent les femmes immigrantes, une grande vigilance doit être exercée afin que ces employés ne subissent pas de harcèlement sexuel qui est trop souvent leur lot, afin qu'elles ne soient pas sous-payées et afin que les normes minimales de travail soient respectées, congés divers, congés parentaux, temps supplémentaire, période de repos, salaire minimum. Des cours de langue informatifs traitant de ces sujets seront alors très appropriés.

Il ne faudrait pas que les immigrants et les immigrantes augmentent encore plus le taux de pauvreté des femmes au Québec.

Une des recommandations de l'énoncé corrigera une des grandes carences de la protection due à la travailleuse domestique, l'obligation pour l'employeur de faire signer un contrat stipulant les conditions et le salaire avant de faire venir une immigrante.

Le logement. On a souvent noté que certains propriétaires hésitent à louer à des immigrants et immigrantes, surtout si elles ou ils sont de minorité visible ou louent plus cher, ce qui est reconnu comme une forme de discrimination. Ces propriétaires se justifient en prétendant que ce type de locataire n'entretient pas toujours bien les lieux d'où refus de leur louer ou augmentation du loyer. Il faudra donc informer les immigrants et les immigrantes des normes exigées par les propriétaires québécois qui ne sont pas nécessairement celles de leur pays. On leur évitera ainsi bien des problèmes.

Tous ces points que nous décrivons sapent le processus d'intégration ou peuvent susciter le rejet. (21 heures)

Gestion des fonds pour l'immigration: réinvestissement et remboursement. Les dépenses qu'il faut assumer pour les services qui sont offerts aux immigrantes et immigrants sont importantes. Il serait donc équitable de trouver les moyens de les diminuer sans pour autant réduire les services. La solution, une mesure d'autofinancement.

Premièrement, les entrepreneurs immigrants qui font des profits devraient être tenus de réinvestir leurs profits au Québec, du moins pour une portion de ces profits, pendant les premières années de leur arrivée au pays. Deuxièmement, les dépenses engendrées par les cours et l'assistance financière fournie à l'arrivée devraient être remboursées à l'intérieur d'une période donnée si les immigrants et immigrantes trouvent un travail qui leur permet de le faire. Quand la population ici s'instruit avec les prêts et bourses ou qu'elle reçoit d'autres avantages, elle est tenue à une forme de cotisation. Le même principe devrait être valable pour les immigrantes et immigrants. Le ressentiment qu'engendre parfois dans la population la multiplicité des services et de l'aide fournie aux nouveaux arrivants et arrivantes diminuerait sans doute de façon appréciable, ce qui n'exclut pas une certaine forme d'aide sans remboursement.

Service de perception des pensions alimentaires. On fait état dans l'énoncé des problèmes qu'éprouvent certaines immigrantes que leur conjoint a abandonnées sans le sou avec des enfants. Un véritable service de perception automatique obligatoire et universel, dont Mme la ministre a souvent entendu parler lorsqu'elle était à la Condition féminine, avec toute la puissance que lui accorderait son élargissement pourrait solutionner bien des défections et diminuer la facture de l'aide accordée à ces immigrantes et à leurs enfants, tout en leur assurant un meilleur avenir.

Agriculture. Concernant les immigrants et immigrantes qui désireraient s'établir sur des terres agricoles, il serait important d'exiger que les futurs propriétaires aient demeuré au Québec au moins 24 mois avant d'acquérir une exploitation agricole, ceci dans le but d'éviter le contrôle étranger des territoires du Québec.

Mariages blancs et fiancés. Si l'État a accordé certains privilèges aux couples qui se marient, c'est que cet engagement formel et soumis à tout un code est considéré comme la première étape pour l'établissement d'une famille. C'est pourquoi, au Québec, les homosexuels et les lesbiennes ne peuvent se marier. Il ne faut donc pas le détourner de son but et s'en servir à de toutes autres fins qui deviennent injustes pour les autres. Ainsi des mariages blancs, on a vu plusieurs films là-dessus. Se marier afin de permettre à un immigrant ou à une immigrante de rentrer au pays en passant devant les autres et en s'évitant certaines exigences. Nous demandons au gouvernement de mettre fin à ce com- merce inacceptable. Il y a aussi danger que des personnes indésirables s'introduisent au pays par ce moyen relativement facile. De nombreux abus ont été relevés à ce sujet. Les fiancés - dont on parle dans l'énoncé de politique - ne font pas encore partie de la famille. C'est notre culture qui a priorité et non celle du pays d'origine. Là aussi, il risque d'y avoir des abus. Chaque immigrant ou immigrante adulte doit être interviewé et accepté selon les critères réguliers et non parce qu'il ou elle est la fiancée d'un membre de la famille.

Conjoints et conjointes. Le RAI F a été très heureux de lire une recommandation d'énoncé qui colle aux nouvelles réalités. Citation: «Finalement, pour refléter le rôle que joue la famille dans la rétention des candidats indépendants et traduire la présence de plus en plus marquée des conjoints sur le marché du travail, il faudra davantage tenir compte, lors de la révision de la grille de sélection, de la présence d'enfants et des caractéristiques socioprofessionnelles des conjoints.» Nous soulignons cette partie-là.

Démographie...

Le Président (M. Doyon): Mme Dolment, je me vois dans l'obligation de vous rappeler que le temps qui vous est alloué est écoulé. Si vous voulez bien aller vers la conclusion, s'il vous plaît.

Mme Dolment: II nous reste juste quelques lignes...

Le Président (M. Doyon): Allez-y.

Mme Dolment: ...et j'ai remarqué que les autres avaient eu cinq minutes de plus, si vous nous le permettez. Est-ce que tout le monde est d'accord?

Le Président (M. Doyon): C'est le Président qui décide de ça, madame. Vous pouvez continuer.

Mme Dolment: Merci beaucoup. Surtout que c'est notre député.

Le Président (M. Doyon): Oui. Allez, madame.

Mme Dolment: Ce n'est pas du favoritisme, là.

Le Président (M. Doyon): Non, non, mais nous vous écoutons.

M. Dolment: Démographie. Apport québécois ou extérieur. Le RAI F est conscient des problèmes démographiques au Québec. Le RAIF a d'ailleurs toujours préconisé des politiques familiales avantageuses et incitatives pour les familles québécoises désireuses de mettre au

monde des enfants, mais qui doivent en restreindre le nombre à cause des obligations financières qu'elles ne peuvent assumer ou à cause de l'incertitude de l'avenir du couple moderne dont la femme aura souvent à payer le prix en pauvreté, elle qui aura généralement à prendre soin de ses enfants s'il y a rupture.

L'immigration est certes une solution à notre démographie décroissante, mais ne serait-il pas... Excusez-moi, vous voyez, je m'étais minutée. L'immigration est certes une solution à notre démographie décroissante, mais ne serait-il pas plus raisonnable et logique d'investir tout d'abord dans nos familles québécoises déjà établies et ainsi satisfaire le désir de nos jeunes couples d'être parents en les aidant: garderies, congés parentaux, crédits d'impôt de personnes mariées ou droit individuel à l'aide sociale afin qu'elles ne soient pas sans le sou et dépendantes entièrement de l'autre conjoint?

Les politiques familiales doivent être réalistes et convenir aux besoins des familles et surtout des femmes, qui sont les productrices de la société. Nous ne sommes pas les seules à le préconiser. Le Conseil des affaires sociales l'a déjà fait et, tout récemment, le Conseil scolaire de l'île de Montréal reprenait exactement la même argumentation dans un mémoire assez alarmiste, faisant état de la disparition en cours de la majorité francophone sur l'île de Montréal. Citation: "L'immigration, même francophone, n'est pas la solution miracle pour garantir une vitalité démographique à long terme, assurer le rajeunissement de la population et garantir la survivance du fait français", signale le mémoire. "Québec doit aller plus loin et plus vite avec sa politique familiale", recommande-t-on plutôt. "Il faut aussi encourager les familles francophones à demeurer sur l'île de Montréal et en inciter de nouvelles à se joindre à elles." Le mémoire a été adopté à l'unanimité, lundi soir, par les 37 commissaires du conseil représentant les 6 commissions scolaires catholiques et_ les 2 commissions scolaires protestantes de l'île de Montréal. C'est fort ça. Il sera déposé cette semaine à la commission parlementaire de la culture qui tient des audiences publiques sur ce projet de politique d'immigration.

Immigration imprudente. L'énoncé de politique préconise une augmentation soutenue et réaliste des niveaux d'immigration dans son plan triennal, à la page 42. Le réalisme exige que l'on tienne compte de la possibilité d'intégration à la société québécoise qui ne doit pas être submergée par une immigration galopante mais qui doit pouvoir la digérer progressivement. L'intention du gouvernement de retourner régulièrement devant la population à ce sujet est nécessaire. Il faudrait aussi éviter les excès de générosité de l'entente Cullen-Couture qui, par humanisme économique et désir de prévilégier l'immigration francophone, a fait venir au pays des personnes qui n'étaient pas préparées à faire face aux nécessités d'une bonne insertion dans leur pays d'accueil, n'ayant pas le bagage nécessaire. Il en est résulté de sérieux problèmes dont la population du pays d'accueil a eu à souffrir et a encore à souffrir; je me réfère à certains articles que La Presse a publiés récemment.

Multiculturalisme. La notion de multiculturalisme préconisée par le fédéral n'aide en rien l'intégration des communautés culturelles. Cette conception qui se voulait accueillante et tolérante ne rencontre pas les aspirations des immigrants et immigrantes en les rendant à leurs origines alors que les membres de ces communautés culturelles étaient venus chercher de nouveaux horizons. Plusieurs s'en sont plaints et plaintes en entrevue. Que l'on respecte ces ethnies, bien. Mais leur culture doit être secondaire à celle du pays qu'il ou elle adopte. Pour cela, il faut que le Québec développe une personnalité forte qui va au-delà de la langue, une personnalité aux valeurs profondes et modernes, susceptibles d'attirer les meilleurs éléments des autres communautés. Le pays doit avoir une âme et réussir à intégrer harmonieusement les nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes en créant l'unité nécessaire à son développement. Rien de mieux que la poursuite d'un idéal pour y arriver, l'idéal de l'évolution de notre société vers l'égalité des sexes.

Conclusion. Il se peut que la société québécoise francophone disparaisse un jour car les cultures naissent et meurent, mais, du moins, les acquis sociaux d'égalité des sexes que nous aurons réussi à obtenir pourront être transmis aux autres cultures qui habiteront le Québec et qui continueront, nous l'espérons, cette évolution sociale importante entre toutes car elle touche la plus ancienne et la plus profonde des injustices humaines. Le Québec d'aujourd'hui peut beaucoup pour cette vision d'avenir et la politique d'immigration et d'intégration en étant un des lieux privilégiés. Merci pour la prolongation.

Le Président (M. Doyon): Alors, merci. Mme la ministre, pour une quinzaine de minutes.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Alors, merci, mesdames. M. le Président, je voudrais justement faire part du fait que j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec Mme Dolment au cours des quatre années à la Condition féminine. Je pense que Mme Dolment a toujours été une défenderesse des droits des femmes et elle continue encore dans cette veine. Cependant, c'est un dossier qui est fort différent. C'est un dossier qui est très différent et on se rend compte qu'on a de plus en plus besoin aussi de cette formation, de cette éducation interculturelle pour pouvoir échanger davantage. Donc, dans ce sens-là, je pense qu'aussi bien dans toutes les régions du Québec, on a un rôle comme gouvernement à jouer au niveau de l'éducation interculturelle.

Dans votre mémoire, le RAIF, vous deman-

dez qu'on accorde des points pour l'adaptabilité sociale pour les personnes qui veulent venir s'installer au Québec. Alors, vous aimeriez que tous ceux et celles qui immigrent chez nous aient une ouverture d'esprit face à l'égalité, entre autres, entre les hommes et les femmes, et je comprends votre préoccupation pour avoir oeuvré dans le domaine. Mais je trouve que, d'une certaine façon, vous placez très haut la barre en ce qui concerne nos futures concitoyens et concitoyennes par rapport, entre autres, à nos Québécois et Québécoises de souche. Vous savez qu'il y a ici, au Québec - on ne peut pas se le cacher - un certain nombre d'individus qui sont tout à fait fermés face à l'égalité des femmes et des hommes. On a aussi de l'éducation à faire ici même. On sait très bien qu'il y a encore beaucoup de réticences. Alors, vous imaginez que là on demande aux autres aussi de faire ia même chose, mais on a aussi dans notre propre milieu certaines réticences. Là où nous nous rejoignons cependant, c'est au niveau des informations à donner aux candidats et aux candidates à l'immigration justement avant qu'ils ou qu'elles ne fassent le choix de venir s'établir au Québec sur, entre autres, le statut, bien sûr, de la femme dans notre société. Et nous sommes à préparer des documents qui vont être remis à l'étranger aux personnes désireuses de venir s'installer.

Est-ce que vous avez, d'une part, des suggestions sur les éléments d'information de base sur la situation des femmes que les candidats et candidates à l'immigration devraient recevoir? Et, d'autre part, nous avons beaucoup discuté aussi, entre autres avec le Conseil du statut de la femme qui nous suggérait la possibilité - je pense que c'est le Conseil du statut de la femme - d'évaluer également la conjointe. Vous savez que lorsque le requérant principal vient pour une entrevue de sélection, nous nous basons sur ce requérant principal pour l'évaluer, selon notre grille de sélection, et nous prenons en considération ce requérant principal et, automatiquement, la conjointe et les enfants sont acceptés. Bien sûr, il y a par contre des points qui sont alloués, par exemple, sur la connaissance du français de la part de la conjointe, mais on n'accorde aucun point, par exemple, ou on ne se préoccupe pas de l'adaptabilité de la conjointe, que ce sort par exemple au niveau du marché du travail, alors qu'on sait qu'ici, bon, 60 % ou 70 % de nos femmes sont sur le marché du travail ou seront sur le marché du travail, parce que deux emplois, aujourd'hui, deux personnes, les deux conjoints sur le marché du travail, c'est un besoin, c'est une nécessité, ce n'est pas un luxe, finalement. Dans ce sens-là, ça crée naturellement... ça peut créer certains problèmes, parfois, au niveau culturel. Est-ce que vous seriez portées à ce qu'on se penche davantage sur l'adaptabilité également de la conjointe, ou uniquement sur le requérant principal?

Mme Lavoie: Non. Je pense qu'on se pencherait aussi sur la question de l'adaptabilité de la conjointe aussi parce que, comme on l'a vu précédemment, le groupe qui nous a précédées, les femmes sont aussi très intéressées à intégrer le marché du travail. Donc, ce serait quelque chose d'important puis d'enrichissant aussi pour nous d'avoir des femmes qui auraient des capacités de travail, surtout si on parle de régionalisation. Alors là, ces femmes pourraient aussi s'intégrer au marché du travail un petit peu partout dans la province de Québec, pas seulement dans les grands centres. Alors, je crois qu'il serait important de s'en préoccuper aussi.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce qu'on devrait accorder, par exemple, autant de points, ou on devrait accorder autant de considération, par exemple, à cette conjointe qu'au requérant principal, ou sensiblement la même chose, ou...

Mme Lavoie: Je pense que bien souvent les femmes vont peut-être demeurer à la maison un petit moment, parce qu'elles ont de jeunes enfants. Elles n'auront peut-être pas l'intention d'intégrer le marché du travail maintenant, mais éventuellement elles auront le désir de l'intégrer et il faudra qu'elles l'intègrent. À ce moment-là, je crois qu'il est important d'évaluer la conjointe autant que le requérant principal.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous... Mme Dolment: Mais peut-être que... Mme Gagnon-Tremblay: Oui, madame.

Mme Dolment: Ce n'est peut-être pas nécessaire d'évaluer immédiatement ses connaissances, d'abord la langue... pas la langue, mais je veux dire ses capacités au point de vue travail, mais plutôt son tempérament, c'est-à-dire une personne qui est amorphe ou qui va peut-être être abandonnée plus tard, parce que c'est à ça que vous avez fait référence dans votre énoncé de politique. Il y a des femmes qui sont abandonnées par le conjoint qui a fait venir ou qui vient avec sa femme, puis là, ça reste à la charge de la société. Mais il ne faut pas oublier une chose aussi, c'est que si le libre-échange se fait avec le Mexique, bien des postes qui sont actuellement occupés par des immigrantes, surtout dans le domaine du textile, on sait que ça va disparaître. Alors, il ne faudrait pas calculer, par contre, dans les capacités, dans l'évaluation qu'on va faire de la conjointe, dire: Oui, elle va pouvoir, elle veut travailler en manufacture ou elle veut travailler dans ce genre de travail qui va disparaître éventuellement, dans une dizaine d'années. Je pense qu'il y a beaucoup de postes que les immigrantes occupent actuellement qui vont disparaître. Alors, ce qui est important, c'est un peu comme pour le français,

c'est la possibilité, pas nécessairement qu'elles soient françaises, mais la possibilité qu'elles puissent apprendre le français. La même chose, c'est la possibilité que cette femme-là ait l'air dégourdi ou qu'elle ait l'air autonome. Évidemment, ce n'est peut-être pas facile à évaluer, mais ça se voit, quand même, d'une certaine façon. Si on lui pose des questions: Qu'est-ce que vous allez faire plus tard? Moi, je veux rester à la maison tout le temps...

Mme Lavoie: Finalement, ce serait son potentiel à l'intégration éventuelle, même si ce n'est pas dès le moment où elle va arriver ici, au Québec.

Mme Gagnon-Tremblay: À une intégration économique.

Mme Lavoie: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: I riez-vous jusqu'à dire que si, par exemple, la conjointe, bon, ne donnait pas des signes d'une intégration économique réussie, que ça pourrait aller jusqu'à renoncer au requérant principal?

Mme Lavoie: Moi, je pense que oui, parce que finalement, on a des acquis ici, au Québec, les femmes s'intègrent de plus en plus. Si on accueille des gens, des femmes qui ne sont pas intéressées à s'intégrer au marché du travail, ça veut dire que ces femmes-là ne sont pas intéressées à s'intégrer à la vie sociale, à la vie économique. Donc, ça pourra se répercuter de génération en génération. Je pense donc que ce serait préférable d'avoir... Pourrait être un poids aussi pour la société éventuellement, alors... (21 h 15)

Mme Gagnon-Tremblay: Mais croyez-vous cependant qu'une femme qui désire rester à la maison et avoir charge d'enfants et tout ça, qu'elle n'a pas ce choix, qu'elle n'a pas ce droit aussi, que ça ne veut pas dire que, même si, par exemple, peut-être au-delà de 60 % de nos femmes québécoises sont sur le marché du travail, on ne peut pas permettre aussi et que ce n'est pas louable pour d'autres de faire ce choix de demeurer à la maison et d'élever les enfants?

Mme Lavoie: C'est un choix louable, oui, mais il reste que c'est important de faire comprendre à ces femmes-là que, si un jour elles ne vivent plus avec leur conjoint qui s'occupe de les faire vivre, elles auront à se faire vivre elles-mêmes, donc à travailler pour ne pas qu'elles soient un poids pour la société, qu'elles soient sur l'aide sociale et qu'elles augmentent le taux de pauvreté chez les femmes.

Mme Gagnon-Tremblay: En somme, c'est davantage la formation ou l'éducation qu'on aurait à prendre en compte.

Mme Lavoie: Oui, et le potentiel.

Mme Dolmerrt: Mais il y a une question d'égalité aussi. Si on parle d'égalité des sexes, on évalue... Est-ce qu'on ferait l'inverse si l'homme disait: Moi, je ne veux rien faire? Est-ce qu'on accepterait? Et la conjointe dirait: Oui, mais moi je travaille et je veux travailler. Et l'homme dit: Bien, moi, je ne veux rien faire. Est-ce que vous l'accepteriez? Je pense qu'il faut traiter un peu également les deux. Si on dit qu'on veut l'égalité des sexes, je pense que, quand on va évaluer les conjoints et les conjointes qui veulent émigrer au pays, évidemment, il faut tenir compte que les femmes ont les enfants et que s'il y a une famille, la femme va élever l'enfant, mais il faut qu'elle tienne compte aussi que la société change. Ce n'est plus la même société qu'il y a 10 ans. On sait qu'il y a beaucoup de divorces. On sait que maintenant ça prend souvent deux salaires. Je crois que c'est important. Savez-vous, on n'en a pas discuté, de cette question-là. Vous soulevez un point intéressant.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous parlez aussi, dans votre mémoire, de ne sélectionner que des immigrantes et immigrants qui n'ont pas une approche intégriste de la religion. C'est très sensible. Ne croyez-vous pas que dans une société démocratique, ce dont le gouvernement doit se préoccuper, c'est du respect des lois et de la Charte des droits, et non de l'approche personnelle qu'ont les gens de leur religion?

Mme Lavoie: Mais c'est qu'on mentionne aussi que c'est selon les religions dans lesquelles les femmes sont infériorisées. On fait référence à ces religions-là. On trouve que la Charte des droits et libertés doit passer avant la religion pour que les acquis qu'on a en égalité des sexes, qu'on ne recule pas là-dedans finalement, à cause de certaines religions comme ça.

Mme Dolment: II faut souligner aussi que la charte est très contradictoire et qu'elle a besoin d'être refaite. Parce que, quand on dit qu'on veut respecter l'égalité des femmes et que, par contre, on veut respecter les religions, ça va tout à fait à l'encontre. On sait qu'il y a des religions qui ne respectent pas du tout l'égalité des femmes. Là, ce qui nous inquiète un petit peu, bien qu'on ait parlé... Je pense que vous êtes très au courant du dossier de Brossard, qu'il était question d'enseigner le coran. On a justement appelé à la commission scolaire de Brossard et on a parlé à une personne qui est très au courant et qui nous a dit - d'ailleurs, vous aviez communiqué vous aussi, vous êtes très au courant du dossier - seulement qu'il y a bien des parents qui ont été inquiétés par ça. Donc, la liberté de religion, oui, de façon personnelle, mais pas endossée par l'école. Alors, quand l'école

enseigne la religion, nous, on a parlé à des professeurs qui disent: Écoutez, nous, on essaie de se libérer de l'enseignement de la religion, parce que c'est dépassé vraiment que ce soit fait à l'école, que les gens le fassent dans les églises - on le dit bien dans le mémoire - et les familles.

Vous savez que dans la plupart des pays, comme en Europe, c'est la séparation de l'Eglise et de l'État et aux États-Unis aussi, c'est la séparation de l'Église et de l'État. Je pense qu'au Québec, il est temps qu'on y vienne parce qu'autrement, on va avoir des méchants problèmes quand toutes les sectes vont demander à pouvoir... Elles vont se regrouper, admettons, autour d'une école et vont dire: Là, on veut que telle école enseigne gratuitement telle religion. Que ce soit les témoins de Jéhovah, que ce soit les Sikhs, que ce soit n'importe quoi, on va se retrouver avec des problèmes qui vont être bien plus graves. Alors, c'est sûr que la loi 107, avec l'article 5, permet à une école d'enseigner telle religion. L'article 228 dit qu'il faut respecter la morale et qu'il n'y ait pas de discrimination. Mais allez donc prouver ça. Est-ce qu'on va faire une cause avec chaque école? Alors, je pense que la façon de procéder, ça va être vraiment de modifier la loi 107 pour faire en sorte qu'il y ait séparation de l'Église et de l'État et qu'on n'enseigne plus les religions dans les écoles.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, mesdames.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député de Prévost, avec le consentement de la commission, une courte question.

M. Forget: Est-ce que vous permettez? Oui. Merci, M. le Président. Voici, mesdames, vous avez parlé de l'agriculture tout à l'heure. Si j'ai bien compris, un immigrant devrait être deux ans avant de pouvoir avoir une ferme, dans votre mémoire?

Mme Lavoie: Oui. Nous autres, on avait pensé finalement que quelqu'un qui viendrait s'établir au Québec et qui, en arrivant, avait le droit d'acquérir une terre, on ne sait pas, il pourrait s'en retourner et puis finalement posséderait, s'en retournerait dans son pays et posséderait nos terres, nos territoires ici; alors nos territoires risqueraient d'être possédés par des gens qui ne vivraient pas ici, au Québec. Ça serait ça.

M. Forget: Ça m'amène à vous poser une question. Si, par exemple, un immigrant s'achète un restaurant, il a le droit présentement. Pour quelle raison il n'aurait pas le droit d'acheter une ferme? Parce que vous savez, il y a quand même de très, très bons immigrants qui sont arrivés ici, puis il se sont acheté une ferme, et ce sont de très bons producteurs. Si vous attendez deux ans, écoutez, c'est quand même beaucoup d'argent. Le type en question qui s'en vient ici s'installer pour avoir une ferme, et puis il attend deux ans, bien, il y a une partie de son avoir qui est peut-être dépensée.

Mme Lavoie: Oui, mais c'était pour protéger finalement les territoires agricoles, les territoires du Québec, pour s'assurer qu'ils ne soient pas possédés par des intérêts étrangers.

M. Forget: Vous êtes sûre qu'il y a un danger.

Mme Lavoie: Bien, disons que... Bien, c'est une...

M. Forget: Moi, je vais vous dire bien franchement que, comme producteur agricole, je trouve ça fort un petit peu.

Mme Lavoie: Vous trouvez ça fort. Bien, peut-être que deux ans, c'est trop. En tout cas, il s'agit d'être très vigilant là-dessus. Ça serait peut-être moins que deux ans, mais disons que...

M. Forget: D'accord.

Mme Lavoie: Nous autres, on parlait de deux ans pour bien s'assurer que les gens soient intéressés à vivre ici et participer à la vie agricole du Québec.

Mme Dolment: Je dois dire que ma collègue, pour parler comme vous parlez, est très au courant parce que le milieu agricole, d'une certaine façon, elle le côtoie depuis très longtemps.

Mme Lavoie: J'ai vécu dans des régions agricoles plusieurs années et j'ai vu un petit peu ce qui se passait.

M. Forget: Oui, justement.

Mme Lavoie: J'ai écouté les gens et puis tout ça.

M. Forget: Remarquez bien que j'ai été 16 ans président d'une coopérative, et de très, très bons producteurs agricoles... J'avais quand même une couple de Hollandais qui venaient directement de Hollande, et j'ai eu quand même une couple de Belges qui sont venus s'installer; ils étaient très, très efficaces en agriculture. Ils sont arrivés ici, ils ont acheté leur ferme, ils ont parti... des jeunes...

Mme Lavoie: Oui, vous avez raison, je le sais aussi.

M. Forget: Alors, c'est pour ça... Ça m'inquiète un petit peu lorsque vous dîtes que...

Mme Lavoie: Non, ce n'est pas. La question, c'est que moi aussi, j'en ai connu. J'ai connu des Suisses allemands qui sont venus s'installer, puis vraiment ce sont de très bons producteurs, ils sont très sérieux. Mais c'est pour éviter que nos territoires, que nos terres soient possédées par des étrangers. Il s'agirait d'être vigilant là-dessus pour s'assurer que...

M. Forget: Bon. À date, je ne pense pas qu'au Québec présentement on ait un problème sur ce plan-là, au niveau de l'agriculture.

Mme Lavoie: Mais si on n'a pas de problème, c'est peut-être mieux de prévoir.

M. Forget: Par contre, on a eu un problème avec des lots achetés par des étrangers qui sont restés tels quels. Ça, c'est évident.

Mme Lavoie: Oui.

M. Forget: Mais comme producteurs comme tels là... c'est plutôt rare.

Mme Lavoie: Mais disons que c'est à prévoir. Il faut prévenir ces choses-là parce que ce sont des choses qui peuvent arriver.

Mme Dolmerrt: Ils peuvent prétendre qu'ils veulent être producteurs et ne pas produire, juste pour avoir une raison pour acheter, parce que surtout là, avec tout ce qui se passe dans le monde, le Québec pour le moment est très tranquille. Et c'est très tentant. On sait qu'il y a des pays... même les États-Unis sont en train de voir... même à New York, on le sait, ils sont quasiment dépossédés de leurs lieux les plus sacrés si on peut dire. Mais au Québec, c'est déjà commencé qu'il y a des gens...

Le Président (M. Ooyon): Je vais permettre... Un instant. Je vais permettre maintenant au député de Shefford de continuer la conversation, le temps lui revenant maintenant. Merci, M. le député. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Ne vous découragez pas, mesdames, on va probablement reprendre le même sujet parce que je trouve ça très intéressant.

À la lecture de votre mémoire, puis en écoutant ça, je me rends compte à quel point vous voulez préserver des valeurs qui sont fondamentales par rapport à ce qu'on est. Et moi, je pense là-dessus qu'on est pas mal tous d'accord. Je vais vous dire, on est particulier, on est ce qu'on est, et puis il y a eu des luttes très importantes qui ont été menées et qui nous ont amenés à la situation qu'on connaît aujour- d'hui. Et entre autres, et vous le spécifiez là, vous dites: L'égalité des sexes, fondement de la société. Et quand on sort un peu et qu'on regarde ce qui se passe ailleurs, on peut être content effectivement que, comme société, on ait réussi à aller, je n'oserais pas dire aussi loin, mais à se rendre où on est rendu parce que tout n'est pas gagné, tout n'est pas acquis, il reste encore des luttes à faire. Mais comme société, on est passablement avancé.

Qu'on veuille préserver nos valeurs, ça, moi, je dois dire que je suis d'accord. Moi, si je décidais d'aller demeurer à Los Angeles ou bien même à Toronto, j'accepterais les règles du jeu. Je serais quelqu'un qui est accueilli, donc j'accepterais de vivre tel que les gens vivent, et c'est un choix que je ferais. Si je décide d'aller vivre à Paris ou si je décide d'aller vivre à Rome, c'est que c'est là que ça me tente d'aller vivre, non pas pour les changer, mais pour vivre avec eux autres, en fonction de leurs principes, de leur mode de vie et de la société qu'ils se sont donnée. Là-dessus, j'en suis.

Et je pourrais en prendre bien des pages. Entre autres, quand vous dites que vous êtes contre le multiculturalisme, moi aussi. Ça, c'est une façon de dire qu'on empêche d'avoir une culture. Au Québec, on a essayé assez longtemps de nous l'enlever, maintenant qu'on parle de moins en moins de multiculturalisme, mais d'intégration, bien, je dis: Bravo! De ce côté-là aussi, on a eu de chaudes luttes, on a fait de grands pas, puis on est rendu assez loin. Sauf que j'ai en même temps bien confiance en nous autres. Et vous aussi. À preuve, à la page 14, vers la toute fin, vous dites: Le Québec développe une personnalité forte qui va au-delà de sa langue. Et c'est ça, le vrai secret. Je pense que c'est d'avoir une personnalité forte qui va faire qu'elle va être attirante et qu'elle ne sera pas menacée. Par contre - et je vous le dis tel que je le pense - je pense qu'il y a une contradiction que je ne suis pas sûr d'être prêt à partager avec vous autres, en ce sens que... Par exemple, à la page 4, on parle de la Charte des droits et libertés. Et ça fait partie de nos richesses, de ce qu'on possède, de ce qu'on s'est donné comme société, et qui permet le respect des droits et des libertés. Donc, vivre et laisser vivre, mais tel que la société, ici, s'est habituée à le faire et selon notre culture et nos coutumes.

Par contre, à la page 6, quand vous dites: "Préalables à l'immigration", est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a contradiction entre la Charte des droits et libertés qui permet à chacun... avec le respect, par exemple, de la majorité et du voisin et des autres... parce que la liberté des uns finit où la liberté des autres commence et, finalement, dans une société, il faut respecter son voisin et la collectivité. Est-ce qu'il n'y a pas contradiction entre la Charte des droits et libertés qui permet justement à

chacun d'avoir des convictions et des façons de vivre et le paragraphe qui dit: "Les femmes et les hommes qui veulent immigrer devront être renseignés - oui - sur nos lois concernant l'égalité des sexes et être prêts à les respecter dans leur vie quotidienne - jusque-là, je n'ai aucun problème - dans leurs pratiques religieuses..."? Je comprends les exemples que vous avez donnés et \e comprends que si on poussait à V extrême te laisser-îaire et tout permettre à tout \e monde, et l'exemple que vous avez donné, chacun, finalement, va s'habiller comme il veut. On va avoir des polices en chameau. Là, moi, je pense qu'on a des normes à se donner, comme société, et à faire respecter. En disant: "Le Québec développe une personnalité forte", ça veut dire qu'il y a des choses qu'il fait respecter aussi. Mais est-ce que vous ne pensez pas que c'est contre la charte, finalement, parce qu'on prend des choses excessives ou des exceptions ou des dangers réels, mais qu'on peut peut-être empêcher par des obligations? Vous vous rappellerez que dans la police, ça a changé, mais ça prenait tel poids et telle grandeur. Bien, finalement, on a changé ça et maintenant, on peut être policier plus petit, moins pesant et heureusement. Même les femmes, là. Enfin! Mais est-ce que vous ne pensez pas que là, dans leur pratique religieuse, on ne va pas attaquer de plein front la Charte des droits et libertés?

Mme Dolment: C'est-à-dire qu'il faut comprendre que quand on parle de la pratique religieuse, c'est qu'ils sont obligés d'être renseignés sur nos lois. Mais si on parie à des musulmans intégristes, on va leur dire: Écoutez, là, votre religion vous dit, vous, que la femme est inférieure. Il y a même des pays, en Afrique du Nord, vous savez, où l'homme vote pour sa femme, en plus, bon. C'est un âne. Sa femme, c'est l'équivalent d'un âne, bon. Si ces gens-là veulent immigrer au Québec... la femme l'accepte, évidemment, parce qu'elle vit de cette façon-là... il faut bien leur dire: Écoutez, Mahomet a peut-être dit ce qu'il voulait, le coran dit peut-être ce que vous voulez, mais quand on vient au Québec, même si votre pratique religieuse vous dit que la femme est inférieure et que vous pouvez la mettre dehors en lui disant trois fois: Je ne veux plus de toi... Vous vous en venez au Québec, la femme a les même droits, les mêmes égalités, peu importent vos pratiques religieuses. Maintenant, s'ils veulent le pratiquer rendus ici, en faisant leur salut cinq fois par jour, ils le feront bien. Mais si ça attaque un droit fondamental d'égalité des sexes qui est le plus fondamental de tous dans la société, là, ça ne marche plus.

Et c'est pour ça qu'on dit que la Charte est contradictoire. Parce que finalement, dans la Charte, il y a deux affaires qui ne vont pas ensemble. Il y a des droits fondamentaux qui sont plus importants que la langue, d'ailleurs, parce que la langue... On peut changer de langue, mais on ne change pas de sexe. Alors, il y a des choses qui sont fondamentales. C'est la même affaire pour les races ou la couleur. Ça, on ne peut pas changer: on est noir ou... Bon, en tout cas. Par contre, les religions, ça doit être soumis, il y a une hiérarchie dans la charte. Les religions doivent être soumises à des droits aussi fondamentaux que l'égalité des sexes. Même si une religion nous dit: Elle est inférieure, la femme, c'est bien de valeur, ça passe après. De toute façon, les religions... Ça, ce sont de fausses représentations. Personne n'est revenu de l'autre côté de la mort pour nous dire: Écoutez, c'est la religion catholique, ou ce sont les musulmans ou les boudhistes. Si on était né au Japon, on serait d'une autre religion. C'est de la fausse représentation. Il y a des choses qui ne changent jamais et c'est l'égalité des êtres.

Alors, je pense qu'il n'y a pas de contradiction, c'est dans la Charte qu'il y a une contradiction. C'est pour ça qu'on demande que la Charte soit changée. Nous, on n'a jamais été d'accord avec la façon dont la Charte est rédigée. Et l'article 93, aussi, de la Constitution... On espère qu'on va la réécrire, la Constitution, et que ça va disparaître, l'article 93. On a vu que plusieurs des intervenants qui sont venus ici ont soulevé d'ailleurs le problème de l'article 93. Et c'est un des éléments qui ont fait qu'on n'a pas pu intégrer les immigrants et les immigrantes comme d'ailleurs... Je pense que les anglophones, il serait à peu près temps qu'ils se débarrassent de la reine parce que ça aussi, ça a été un handicap à nous intégrer et nous sentir Canadiens. Le lieutenant-gouverneur, le gouverneur-général, la reine, c'est un peu dépassé. Même affaire pour les religions. (21 h 30)

M. Paré: Je comprends un peu mieux, je dois dire. C'est mieux avec l'explication que ce que j'en avais lu. O.K.? Parce que vous dites...

Mme Dolment: Bien, c'est résumé un petit peu là.

M. Paré: Mais je maintiens quand même que moi, j'y vois une certaine contradiction en ce sens que même si la pratique religieuse fait que dans sa tête et dans leur tête, le couple, l'homme, de par sa pratique religieuse, est supérieur à la femme, on ne pourra pas aller juger de l'intérieur. Sauf que n'oubliez pas que par notre Charte des droits et libertés, un couple, qu'il soit musulman ou n'importe quel... vient ici selon sa mentalité et sa pratique religieuse, la femme étant inférieure, nous, dans nos lois et avec la charte dans la pratique quotidienne, la femme a son droit à l'égalité parce que la charte c'est le droit individuel des citoyens. Alors, moi, je ne pense pas qu'on doive jouer dans la pratique religieuse des gens, sauf qu'ils seront contraints - et ça, ils ne pourront pas déroger

là-dessus - au respect des droits individuels. Donc, même s'il se pense supérieur à sa femme, sa femme est égale en arrivant ici par rapport à nos lois et par rapport à la charte. Ceci étant dit, très rapidement...

Mme Dolment: Je voudrais juste ajouter une affaire parce qu'on a parlé à des groupes d'immigrantes et elles nous ont apporté le même exemple. Elles ont dit: Écoutez, vous pouvez l'enseigner et le demander avant qu'ils viennent ici, au Canada, et leur expliquer la Charte. Nous, on veut que la Charte soit enseignée une fois rendus au Canada et qu'avant, on leur explique ce qui les attend. Mais elles ont dit: Ce n'est pas sûr que ça va être appliqué. On a dit: Non, mais au moins ils sauront. Elles ont dit: C'est vrai. Alors, au moins, l'homme saura qu'il n'est pas correct quand il traite sa femme de même. On ne peut pas aller dans sa maison, mais la femme saura qu'elle a des droits. C'est déjà un départ. Alors, il y en avait qui disaient ici, que les Québécois n'étaient pas tous corrects et ne traitaient pas toujours leur femme en égale. Mais là, on a une chance avant d'accepter quelqu'un de faire une certaine formation. Pourquoi ne pas en profiter? Les autres, bien, on va essayer de faire autrement mais...

M. Paré: O.K. Très rapidement, deux autres petits points. Le premier, vous en avez traité tantôt, je pense, avec Mme la ministre. Je veux y revenir rapidement, il s'agit de l'école. C'est une institution très importante dans toutes les sociétés et dans la nôtre aussi évidemment parce que c'est un moyen d'intégration, mais c'est un moyen de formation pour tous les Québécois et toutes les Québécoises. Je pense que vous êtes venues à la commission quand il a été question justement des réformes du monde scolaire. Je me rappelle très bien les débats qu'on a eus sur la loi 3, la loi 40, ensuite la loi 106 et la loi 107. Il y a eu des débats déchirants et palpitants. Je me rappelle les galeries pleines parce qu'il ne fallait pas changer le statut confessionnel non pas des écoles, des commissions scolaires. La loi 107 est venue apporter, à mon avis, ce qui était un correctif essentiel pour une société moderne: des commissions scolaires maintenant linguistiques avec des écoles qui peuvent être catholiques, qui peuvent être ouvertes, qui peuvent être neutres, qui peuvent être multiconfessionnelles, au choix des parents utilisateurs par rapport au projet pédagogique ou à l'objet de l'école qu'on se donne.

Ne trouvez-vous pas que c'est quand même une bonne école de permettre à l'intérieur qu'on ait, les parents qui le demandent, ou l'enseignement d'une religion, d'une autre religion ou l'enseignement de la morale? Là, vous dites là-dedans qu'on doit donner à chacune des Églises l'enseignement comme tel. Est-ce que vous ne pensez pas que dans les valeurs québécoises - et là, je ne me prends pas pour un curé, loin de là - mais est-ce que vous ne pensez pas que dans les valeurs québécoises, par rapport à ce qu'on a entendu ici, en commission parlementaire, et ce qu'on voit au Québec, les parents qui veulent qu'il y ait un enseignement religieux ne trouveraient pas une place à l'extérieur de l'école pour le donner, comment je dirais ça donc, connaissant la situation de l'Église actuelle? Ce que vous demandez effectivement, et c'est la demande que vous faites, que les pas qu'on a faits par rapport aux commissions scolaires maintenant qui ne sont plus confessionnelles, aux écoles qui peuvent l'être ou non, tout dépendant d'une demande des parents à la commission scolaire, ce que vous demandez, c'est qu'il n'y ait plus d'enseignement religieux dans les écoles? C'est vraiment la demande ultime que vous faites.

Mme Lavoie: Oui. On demande que ce ne soit plus pris en charge par l'État. Finalement, que chaque Église ou chaque secte prenne en charge elle-même l'enseignement religieux et qu'elle trouve un lieu pour le faire, que ce ne soit pas l'État ni les écoles, étant donné les ethnies multiples qui arrivent de plus en plus, puis ça va compliquer les choses, finalement. On trouve que chaque Église, chaque religion devrait se prendre en charge à ce niveau-là. Puis la famille, c'est sûr, la famille.

Mme Dolment: Non, parce qu'il y a un danger à ça. C'est que si l'école le donne, c'est-à-dire qu'il y a une crédibilité qui s'attache à ça, alors l'imam, parce que ça va être donné par l'imam, admettons, si ce sont des musulmans, si c'est donné à l'école, les gens disent: C'est l'école, donc c'est correct. Même, il y a des jeunes qui ne sont pas musulmans qui peuvent être attirés, ils disent: L'école l'endosse, donc on peut devenir musulman. Justement, il y avait une ligne ouverte où ce sont les jeunes, à Radio-Canada, puis lui il était avec un petit témoin de Jéhovah, puis il voulait devenir témoin de Jéhovah, sa mère s'arrachait les cheveux. Si ça arrive dans l'école, que c'est enseigné par l'école en plus, c'est sûr qu'il va dire: C'est correct, l'école l'enseigne. Non, la religion n'a pas sa place à l'école. Les États-Unis l'ont compris, la France l'a compris, la plupart des pays l'ont compris. On est encore 20 ans en arrière des autres, ici au Québec. Il est à peu près temps qu'on donne... peut-être qu'on soit en avant des autres au lieu de toujours traîner derrière puis attendre que tout le monde l'ait fait. Ça n'a pas sa place et ça va créer des problèmes, puis il faut voir d'avance les problèmes qui s'en viennent. C'est comme quand on conduit, il faut voir cinq autos en avant de soi. Je pense qu'il est temps qu'on modifie encore la loi, même si elle a été modifiée, qu'on modifie la loi sur l'éducation pour dire que, désormais, les gens qui voudront

l'enseignement... On n'a pas d'argent, on n'a plus d'argent. Est-ce qu'on va payer des imams, puis on va payer tous les ministres de tous les cultes qu'on veut pour enseigner à l'école, alors qu'on manque d'argent même pour le nécessaire? Il est à peu près temps qu'on prenne les décisions importantes qui sont et économiques et fondamentales au point de vue des droits puis du respect des consciences.

M. Paré: O.K. C'est très clair. Dernière question, je vous ramène à la dernière question de mon collègue juste avant moi, c'est concernant les terres agricoles.

Mme Dolment: Pardon, excusez-moi?

M. Paré: Les terres agricoles. Je vous avais dit qu'on y reviendrait très rapidement...

Mme Dolment: Notre spécialiste est là.

M. Paré: Moi, je dois vous dire, qu'on ne permette pas à des nouveaux venus de devenir propriétaires d'une terre, j'ai l'impression qu'on se prive d'une forme de régionalisation par rapport aux Néo-Québécois, parce que c'est une façon de les intégrer complètement puisqu'ils deviennent même propriétaires d'un terrain. Est-ce que du fait de les empêcher de devenir propriétaires d'une ferme, on ne fait pas en sorte qu'il y ait deux sortes d'immigrants investisseurs au Québec, un qui va venir acheter une terre, il n'a pas le droit ou il doit vivre ici deux ans avant, alors que l'autre qui va venir acheter, je ne sais pas, moi, un building à Montréal ou bien non un gros commerce ici, à Québec, qui très souvent va coûter des millions puis c'est plus important, puis il peut être propriétaire d'une entreprise de 350 emplois, lui aurait le droit du jour au lendemain de se porter acquéreur - mon Dieu, je ne voudrais pas prendre une chose démesurée - mais pourrait devenir propriétaire d'un supermarché avec des centaines d'employés, lui a le droit maintenant, et l'autre, une terre, il n'aurait pas le droit? Je comprends votre crainte. Par contre, si, dans le texte, vous aviez dit que les immigrants ne peuvent pas acheter une terre à moins de vouloir s'établir, je vous dirais peut-être pour empêcher la spéculation ou empêcher... Mais là, vous avez marqué "qui désireraient s'établir sur des terres agricoles". S'il veut s'établir, c'est qu'il veut venir demeurer. Je trouve qu'on va loin de vouloir empêcher ça. Je vous passe le commentaire tel que je le pense.

Mme Lavoie: À ce moment-là, il faudrait peut-être demander que les gens s'engagent finalement à exploiter cette terre-là pour un certain temps, pour s'assurer que c'est vraiment dans le but de l'exploiter et non de la spéculation.

M. Paré: O.K. Disons qu'on commence à se rejoindre. Dans ma tête à moi, s'établir sur une ferme, c'est exploiter une ferme. Moi en tout cas, c'est...

Mme Lavoie: Oui.

Mme Dolment: Oui, mais c'est un petit peu le problème qu'on a, d'ailleurs, avec les immigrants entrepreneurs, puis ça a été d'ailleurs dénoncé dans les journaux, où ils venaient ici puis ils disaient: Oui, oui, on va investir tant. Ils arrivaient avec leurs millions, les gens qui sont riches, et puis qui ne restaient pas et puis qui s'en allaient. C'était juste le pied à terre, c'était juste pour entrer puis, après ça, ils repartaient avec leur argent. Ça c'est fait, d'ailleurs, puis là ils ont décidé de prendre, des moyens, pour essayer d'éviter ça, puis ils vont en prendre, des moyens, pour éviter ça. C'est la même chose pour les terres agricoles. Il ne faut pas oublier qu'une terre agricole, c'est vaste. Un building, c'est vrai que c'est important, mais une terre agricole, écoutez... Le Québec, même s'il a l'air très grand, on sait qu'il y a très peu de terres arables, très, très peu de terres arables.

Le Président (M. Doyon): M. le député, quelques mots de remerciement, peut-être.

M. Paré: Merci beaucoup. Ça a été très intéressant et ça a été des discussions franches. Je pense que c'est important pour l'éclairage des membres de la commission. Alors, merci de l'intérêt que vous avez porté à la commission et de la vigueur des propos malgré l'heure tardive. Merci.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Gagnon-Tremblay: Bien sûr, moi aussi, je voudrais vous remercier. Je pense que vous êtes le premier groupe à avoir un discours, je dirais, aussi ouvert sur la question des droits et des religions. On se rend compte cependant de l'importance de bien informer les gens à l'étranger et je dois vous dire que dans ce sens-là, nous ferons tout pour que le contrat moral, entre autres, soit respecté. Alors, merci beaucoup de la présentation de votre mémoire.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup de votre mémoire. Donc, cette commission ajourne ses travaux jusqu'à demain matin, neuf heures trente.

(Fin de la séance à 21 h 41)

Document(s) associé(s) à la séance