L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 16 mai 1991 - Vol. 31 N° 33

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 117 - Loi modifiant la Loi sur le cinéma


Journal des débats

 

(Dix heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Doyon): Donc, la commission de la culture entreprend, ce matin, des travaux pour exercer un mandat qui lui a été confié par l'Assemblée. Il s'agit, pour la commission de la culture, de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude du projet de loi 117 qui est la Loi modifiant la Loi sur le cinéma. Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplaçants?

La Secrétaire: II n'y a aucun remplacement.

Le Président (M. Doyon): II n'y a aucun remplacement. Quelques mots pour souhaiter la bienvenue aux membres de cette commission. Les travaux vont se poursuivre pendant quelques jours. Bonjour à Mme la ministre, aux collègues députés, ainsi qu'au porte-parole officiel de l'Opposition. Mme la ministre, vous avez peut-être quelques remarques préliminaires à faire avant que nous entendions les intervenants, auquel cas je vous laisse la parole.

Remarques préliminaires Mme Liza Frulla-Hébert

Mme Frulla-Hébert: Merci. Premièrement, je tiens à saluer tous les membres de la commission de la culture. Je veux saluer aussi, tout particulièrement, les groupes qui viennent nous présenter leurs réflexions aujourd'hui.

M. le Président, si vous permettez, je vais résumer un peu l'intention et aussi les objectifs du projet de loi. Le projet de loi sur lequel se penche aujourd'hui cette commission, et que j'ai déposé à l'Assemblée nationale le 21 mars dernier, est très attendu. Les modifications qu'il propose à la loi actuelle sur le cinéma traitent de questions qui préoccupent à la fois les amateurs cinéphiles et les artisans d'une industrie en croissance au Québec. Aussi, l'importance du projet de loi 117 se mesure-telle moins par le nombre d'articles touchés par la révision que par l'aspect fondamental des mesures qui y sont énoncées.

Le cinéma et ses moyens de diffusion évoluent constamment. Le contexte social change aussi. Bref, toutes ces modifications interpellent notre intervention en tant que législateurs et nous convient à évaluer périodiquement la justesse et la pertinence de la Loi sur le cinéma.

Les mesures proposées par le projet de loi que j'ai déposé découlent d'une observation soutenue et d'une consultation ouverte auprès de ceux et celles qui veulent un produit culturel de qualité projeté sur nos écrans. Un volet important de ce projet de loi porte sur de nouvelles catégories de classement. C'est dans l'esprit d'un consensus social et d'une réponse au phénomène de la violence sur nos écrans, dans le respect des valeurs et des perceptions actuelles des cinéphiles de tous les âges, que nous intervenons comme législateurs. Il n'est nullement question d'ingérence de l'État dans ce qui demeure la responsabilité morale des parents. Nous voulons simplement établir des paramètres nouveaux qui, j'en suis certaine, nous aideront dans notre effort collectif pour contrer la violence dans notre société. Mais c'est aussi l'appui à l'industrie québécoise du cinéma qui motive notre intervention. Cette industrie connaît depuis plus de 10 ans des progrès remarquables tant en termes de quantité que de qualité des oeuvres produites. Il faut souligner, par ailleurs» le rôle que jouent les institutions chargées de maintenir les liens entre l'État, l'industrie et le public. Elles encouragent le développement du cinéma au Québec et assurent un service de qualité aux consommateurs de films.

Ainsi, mon ministère a-t-il pu compter sur la collaboration indéfectible de l'Institut québécois du cinéma qui s'est acquitté, au cours des dernières années, de mandats considérables, notamment celui de tenir des audiences publiques sur deux aspects importants du projet de loi devant nous aujourd'hui, soit les permis d'exploitation des lieux de présentation de films et le classement des films.

C'est aussi en se livrant à un suivi minutieux des films présentés dans nos salles et nos ciné-parcs que l'Institut a pu formuler, en tant qu'organisme représentatif du milieu cinématographique, des recommandations relatives à la pertinence du français sur nos écrans. Nous nous sommes inspirés largement de ces recommandations au moment de rédiger ce projet de loi.

Nous avons, de plus, entrepris d'apporter des changements au mécanisme de définition des orientations du plan d'aide financière et, de ce fait, de préciser les responsabilités de la ministre et de la SOGIC quant à la planification du soutien financier. Enfin, les pouvoirs réglementaires de la Régie du cinéma ainsi que ceux du gouvernement ont été mis à jour.

Bref, M. le Président, nous avons procédé à l'examen serré des dispositions de la Loi sur le cinéma, indéniablement guidés par les commentaires et les suggestions recueillis au sein des groupes et des organismes intéressés. L'ultime consultation qui débute dans le cadre de cette commission parlementaire viendra, j'en suis certaine, confirmer la pertinence de notre

démarche.

Permettez-moi, avant de laisser la parole à nos invités, d'exposer brièvement les modifications que nous proposons. Elles ont essentiellement pour but d'accroître le nombre de films et de copies de films visés en français; de réduire les délais de présentation sur nos écrans des versions françaises; de garantir l'accès aux films en langues autres que le français; d'encourager l'industrie du doublage au Québec, une industrie qui, je le rappelle, emploie plus de 500 personnes et génère un chiffre d'affaires d'environ 8 500 000 $; d'établir, en matière de classement, de nouvelles catégories de films de manière à mieux protéger nos jeunes contre la violence à l'écran et, de façon cohérente, d'étendre l'application de ce système de classement au commerce au détail de vidéocassettes.

En ce qui a trait au français à l'écran, nous proposons donc une modification de l'article 83 sur les règles d'émission des visas sur les films. Selon ces règles actuellement en vigueur, les distributeurs de films en version autre qu'en version française demandent, de façon générale, des visas temporaires de 60 jours pour chacune des copies qu'ils veulent mettre en circulation. Cette mesure permet donc l'exploitation d'un film uniquement en anglais pendant deux mois, sans aucune limite quant au nombre de copies.

Cette disposition n'a pas freiné la baisse des projections en français, baisse que déplorait, dans son rapport de 1982, la commission Four-nier, alors qu'elle dénonçait le fait qu'à peine 60 % des projections à Montréal étaient françaises. Toutefois, le Bureau de la statistique du Québec note que, pour la première fois depuis 1981, les projections en français au Québec se situaient, en 1990, au-dessus de 60 % comparativement à une moyenne de 55 % au cours des huit années précédentes.

Cependant, à Montréal, cette moyenne se situait encore à 40%. Bien que l'industrie ait prouvé qu'elle pouvait faire preuve d'autodiscipline, la situation doit encore s'améliorer. Dès lors, le défi qu'il nous faut relever comporte trois objectifs: l'accès plus rapide aux films en français; l'accès garanti à des films en d'autres langues que le français; l'essor de notre industrie du doublage.

Une des nouvelles règles que nous proposons vise à obliger les distributeurs à rendre disponibles les versions françaises des films au moment de la délivrance des visas. Ceci devrait permettre d'éviter que, sous le prétexte de faire une exploitation massive d'un film en version originale, les distributeurs retiennent la sortie de sa version française. (10 h 45)

Au moment de l'émission des visas, nous maintenons la règle du un pour un, c'est-à-dire que le nombre de visas accordés pour des copies de films autres que françaises ne peut pas dépasser celui des copies en version française.

Les copies sous-titrées en français pourront recevoir des visas permanents sans toutefois permettre l'application de la règle du un pour un.

Lorsqu'un distributeur fait ia preuve qu'il a un contrat pour faire doubler un film au Québec dans un délai jugé raisonnable par la Régie, I obtiendra les visas demandés pour les copies en version non française. Cette disposition est de nature à encourager le doublage au Québec, d'autant plus que le gouvernement entend réglementer la durée pendant laquelle des copies non doublées des films en versions autres que françaises peuvent être présentées.

L'Institut québécois du cinéma a recommandé que, pour ces films non doublés, soient accordés, selon le nombre de copies, des visas temporaires de 45 jours ou de 60 jours. Au terme de ces délais, la Régie pourra accorder un visa pour une seule copie d'un film non doublé.

Voilà donc l'essentiel des mesures que nous entendons prendre afin d'améliorer la situation du français sur nos écrans et d'encourager des sorties plus rapides de films doublés ici, au Québec.

Le deuxième changement important que nous proposons porte sur le classement des fims. À ce sujet, les audiences tenues par l'Institut ont permis d'établir que les catégories de classement devaient être revues et adaptées aux réalités actuelles, dont la propension à la violence dans notre société. Cette violence devient parfois plus dure et plus réelle encore lorsque projetée dans nos salles de cinéma. L'Institut parle même d'une surenchère d'effets sensationnalistes.

Régir le classement des films et fixer les conditions d'accès doivent être des gestes réfléchis qui assureront le fragile équilibre entre une trop grande permissivité décriée par certains et ia censure qui ignore les libertés fondamentales. C'est ici qu'intervient le consensus social. D'ailleurs, je tiens à souligner que les propositions formulées sur ce sujet sont le reflet des consultations publiques entreprises par l'Institut québécois du cinéma. Nous les soumettons cette fois à cette commission parlementaire.

Nous retenons donc quatre catégories de classement de films:

Le "visa général": ce visa atteste que le film ainsi classé peut être vu par tous; "13 ans et plus", c'est-à-dire accessible aux personnes de 13 ans et plus, de même qu'aux jeunes de 12 ans et moins, s'ils sont accompagnés d'un adulte, "16 ans et plus": les films de cette catégorie ne peuvent être vus que par les personnes de 16 ans et plus, "18 ans et plus": les films de cette catégorie sont des films strictement réservés aux adultes.

Le système de classement devra désormais aussi s'appliquer au secteur de la vidéocassette. Les audiences prévues par l'Institut ont d'ailleurs

fait état de l'incohérence entre les mesures prises à l'endroit des films projetés en salle par rapport à celles concernant la vidéocassette vendue ou louée. Les mêmes règles seront donc désormais appliquées.

Au-delà de ce projet de loi, il faudra aussi réfléchir, dans ce contexte, à la question de la télévision. Est-il normal qu'un film classé 18 ans par la Régie puisse être vu par des jeunes à des heures de grande écoute? D'autres modifications sont aussi soumises à l'attention de la commission, notamment en ce qui a trait aux permis d'exploitation. Nous procédons également à l'abrogation d'articles désuets ou qui n'ont jamais fait l'objet d'une promulgation depuis leur adoption en 1983.

Enfin, les mesures proposées dans ce projet de loi ne remplacent pas une politique québécoise du cinéma. Ma priorité, comme vous le savez, M. le Président, demeure l'instauration d'une politique globale de la culture, présentement en voie d'élaboration dans le cadre du mandat confié au groupe Arpin. Viendra ensuite une politique complète sur le cinéma qui, par la force des choses, sera conforme aux orientations culturelles que nous aurons prises.

J'invite donc les membres de cette commission à recevoir les représentants des groupes qui nous ont adressé leurs mémoires avec la même ouverture d'esprit et la même volonté qui nous animent de parvenir à un texte de loi satisfaisant, applicable et respectueux des droits et libertés fondamentales.

Si nous avons fait le choix de présenter ce projet de loi après le dépôt, c'est que nous étions conscients que ce projet pouvait encore être bonifié et que nous voulions laisser le plus de latitude possible aux intéressés de faire connaître leur point de vue. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, pour des remarques dans le même cadre.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, Mme la ministre, chers collègues de la commission de la culture, tout en n'oubliant pas notre secrétaire qui est notre principal adjoint et qui nous revient après une courte absence, mais qui nous a paru fort longue, j'aborderai le débat qui nous concerne en rappelant - mais persuadé que tout le monde en est conscient - que le cinéma est un canal important de l'expression de la culture québécoise en raison de son impact comme art, mais aussi comme produit de consommation à grande échelle à travers les cinémas, les vidéo-clubs, la télévision. Le cinéma québécois, en l'espace de 20 ans, est passé d'un cinéma d'artisan en une industrie véritable, sans pour autant compromettre son originalité et son potentiel créatif.

Le cinéma québécois est aussi devenu un ambassadeur remarquable du Québec et de son identité culturelle à l'étranger. Songeons notamment à l'Oscar remporté par M. Frédéric Back pour son remarquable dessin animé "L'homme qui plantait des arbres" ou encore aux mises en nomination pour l'Oscar du meilleur film étranger, dans le cas du "Déclin de l'empire américain" et de "Jésus de Montréal", réalisés par le cinéaste Denys Arcand.

On produit chaque année au Québec de 10 à 15 longs métrages, une douzaine de documentaires et une vingtaine de téléfilms. C'est considérable pour une communauté de 6 000 000 d'individus. Pourtant, notre industrie cinématographique est confrontée à des défis considérables dans un marché aux perspectives restreintes et largement contrôlées par des intérêts non québécois.

Le marché du cinéma, au Québec, est en mutation par suite de l'éclatement des habitudes de consommation des produits cinématographiques chez nos compatriotes. Le marché des cassettes vidéo a connu un essor considérable depuis l'adoption de la loi-cadre sur le cinéma en 1983. Ce secteur génère aujourd'hui des recettes trois fois plus importantes que les recettes des salles de cinéma. Ces dernières ont dû s'adapter. Plusieurs salles ont fermé en région, malheureusement, alors que d'importants travaux de rénovation ont été entrepris en milieu d'urbain en vue d'aménager des salles plus petites et offrant une meilleure condition de présentation des films dont la durée d'exploitation en salle est de plus en plus courte, ce qui n'est pas sans conséquences pour la situation du français sur nos écrans.

De plus, le processus d'intégration verticale de l'industrie s'est accentué. Toujours fort de son emprise sur le secteur de la distribution et de la diffusion, le cinéma américain occupe 75 % de la programmation de nos salles de cinéma. 70 % des salles de cinéma, au Québec, appartiennent aux réseaux Cinéplex Odéon et Famous Players, propriétés de "majors" américains via des filiales canadiennes. L'on comprendra que les productions cinématographiques québécoises éprouvent des difficultés majeures - pour ne pas dire "major" - à se faire place sur nos écrans.

Parallèlement à cela, les artisans du secteur du cinéma québécois doivent composer avec une fragmentation des interventions gouvernementales réparties entre deux paliers de gouvernement, deux ministères québécois impliqués, celui des Affaires culturelles pour le soutien au cinéma et celui des Communications pour la production télévisuelle et, finalement, deux principaux organismes subventionnaires, la Société générale des industries culturelles et Téléfilms Canada, dans une conjoncture de restrictions budgétaires, faut-il noter.

Cette fragmentation, source d'inefficacité, draine beaucoup d'énergie au sein du milieu cinématographique québécois. C'est donc dans ce contexte que l'industrie cinématographique québécoise doit chaque jour s'adapter à la réalité d'un marché changeant, sur lequel elle a eu peu de contrôle, tout en devant tenir compte d'un soutien financier de l'État de plus en plus précaire.

Ces remarques sur la situation du cinéma québécois m'apparaissent importantes, M. le Président, lorsque l'on veut évaluer la portée des mesures proposées par le projet de loi 117, Loi modifiant la Loi sur le cinéma. Ce projet de loi poursuit essentiellement quatre objectifs. Le premier, instauration d'un plan triennal de soutien financier au secteur privé du cinéma. Deuxièmement, l'établissement d'une nouvelle grille de classement des films fondée sur deux nouvelles catégories restrictives, 13 ans et plus, 16 ans et plus. De plus - sans pléonasme - ces dispositions sur le classement s'appliqueront dorénavant aux cassettes vidéo. Troisièmement point, proposition d'un nouvel article 83 sur les mesures visant à assurer une place accrue du français sur nos écrans. Et, quatrièmement, modification de la composition du conseil d'administration de l'Institut québécois du cinéma, dont le nombre de membres passera de 11 à 13, afin d'y inclure un représentant du secteur du commerce de matériel vidéo et un représentant des consommateurs.

Le projet de loi propose l'instauration d'un plan triennal de soutien financier du secteur privé du cinéma, sous la responsabilité du ministre des Affaires culturelles. Avant d'arrêter les modalités du plan triennal, le ministre devra recevoir l'avis de l'Institut québécois du cinéma. De son côté, la SOGIC sera responsable de la gestion de ce plan triennal. L'Opposition officielle, M4 le Président, souscrit au principe d'un tel plan triennal parce qu'il ne peut que contribuer à une plus grande stabilité des modalités d'intervention de l'État en matière de soutien au cinéma. Cela correspond aux attentes du milieu québécois du cinéma qui, par la voie de l'Institut québécois du cinéma, dans un document intitulé "Orientations en matière de cinéma" remis en janvier 1990 à Mme Robillard, prédécesseure de l'actuelle ministre, déplorait le manque de stabilité des interventions de l'État québécois en matière de cinéma, et je cite: "La définition d'orientations pour la responsabilité ministérielle et rétablissement d'objectifs clairs et de cibles précises pour les programmes sont des prérequis qui ne sont pas actuellement assurés afin de maximiser les effets de l'intervention publique."

Au-delà du principe même du plan triennal, il lui faut une volonté politique réelle d'application, et cela doit se traduire dans les faits par le financement adéquat du plan, ainsi que par une capacité de concrétiser les objectifs d'un tel plan triennal par des mesures de soutien adaptées aux besoins du milieu. Sur le plan administratif, cela requiert de la Société générale des industries culturelles la capacité de livrer la marchandise si l'on veut atteindre les objectifs fixés dans le plan triennal par le ministre. Or, la SOGIC fait l'objet de récriminations nombreuses de la pan" de divers intervenants du milieu du cinéma. L'on sait que la SOGIC occupe le mandat d'administrer les programmes de soutien financier au cinéma par suite de l'abolition de la Société générale du cinéma décrétée par la loi 59, parrainée par Mme Lise Bacon, prédécesseure de la prédécesseure de l'actuelle ministre, et adoptée par l'Assemblée nationale en décembre 1987. L'Opposition avait alors manifesté son désaccord à l'égard de la disparition de la Société générale du cinéma. Il semble que la SOGIC n'ait pas su relever le défi d'assumer le mandat de la Société générale du cinéma. Les milieux du cinéma lui reprochent beaucoup son insensibilité à l'égard des réalités du milieu, ainsi que la lenteur à statuer sur des demandes d'aide. Certains producteurs ont dû d'ailleurs attendre jusqu'à un an pour obtenir une réponse. Le mHieu s'exprimait sans équivoque sur la gestion de la SOGIC dans le document "Orientations en matière de cinéma", toujours proposé en janvier 1990 par l'Institut québécois du cinéma à la ministre d'alors, Mme Lucienne Robillard, et je cite: "Pour la plupart des associations, la disparition de la Société générale du cinéma du Québec dans la fusion qui a permis de créer la SOGIC s'avère un recul, voire même un échec. La perte de visibilité du cinéma qui n'a pas été compensée par un meilleur soutien financier et l'avènement d'un organisme bureaucratique au sein duquel les professionnels du cinéma ne se reconnaissent pas d'interlocuteur sont à la base de ce diagnostic. Le taire ou le ramener à une opposition simpliste entre organismes gouvernementaux serait faire preuve d'un manque de jugement. Les reproches adressés à la SOGIC font l'unanimité dans la profession et confirment qu'un fossé s'est creusé entre les deux. Son absence des débats importants, son attitude distante, son refus de travailler en relations soutenues avec les milieux, la remise en question de sa compétence professionnelle, sa bureaucratisation sont autant de critiques sévères entendues lors des consultations." Fin de la citation.

Compte tenu du jugement sévère porté par le milieu à l'égard de la SOGIC, cette dernière devra apporter des changements majeurs au chapitre de sa gestion si l'on souhaite vraiment que les objectifs du plan triennal deviennent autre chose que des objectifs théoriques. Vous comprendrez, dans ces circonstances, que je m'explique fort mal que la SOGIC ait décliné l'invitation de venir témoigner à cette commission dans le cadre des auditions publiques relatives au projet de loi 117. Le refus de témoigner de la SOGIC est tout à fait incompréhensible et inadmissible, car non seulement il

s'agit d'une société d'État financée à même des crédits votés par l'Assemblée nationale, mais en plus, la SOGIC est directement concernée par le projet de loi qui la désigne comme gestionnaire du plan triennal de soutien financier destiné au cinéma. Son témoignage est tout à fait essentiel pour savoir comment elle compte gérer, dans le quotidien, les objectifs de ce plan et le traduire en termes de mesures concrètes propres à sa réalisation. (11 heures)

Au-delà de la gestion, le plan triennal doit pouvoir compter sur des ressources financières adéquates pour sa réalisation. La SOGIC consacre actuellement environ 13 000 000 $ au cinéma. Depuis 1985-1986, le fonds de soutien au cinéma a évolué en dents de scie entre le gel des crédits ou l'indexation, alors que le milieu était confronté à une hausse marquée des crédits de production. Le système de déductions fiscales a connu plusieurs modifications avant d'être transformé en décembre dernier en des crédits d'impôt pour les producteurs. Or, cinq mois après son annonce, le programme des crédits d'impôt n'est toujours pas en vigueur, le règlement d'application n'ayant pas encore été approuvé. Cette situation retarde les activités de tournage de certaines productions.

Cela m'amène à parler d'un autre article du projet de loi qui abolit l'article 109 de l'actuelle Loi sur le cinéma. Cet article, élément clé de la Loi sur le cinéma adoptée en 1983, prévoit que tout détenteur de permis de distribution doit réinvestir une somme pouvant aller jusqu'à 10 % de ses recettes au financement de productions cinématographiques québécoises, il s'agit là d'un principe important du réinvestissement des profits que tirent les "majors" au chapitre de la distribution et de l'exploitation des films au Québec.

Le cinéma américain, je le rappelle, occupe 70 % du temps-écran de nos salles. Il est tout à fait approprié de concevoir qu'une partie de leurs profits réalisés dans notre marché serve à financer, en partie, nos productions cinématographiques. Cet article 109 n'a jamais été promulgué en raison de la résistance farouche des "majors" qui a conduit, en octobre 1986, à la signature d'une entente entre Mme Bacon et M. Valenti, porte-parole des "majors". Cette entente a permis aux distributeurs québécois d'accroître leurs revenus, principalement par la distribution des films européens, soit une portion somme toute modeste de la programmation de nos salles de cinéma. Par le projet de loi 117, la ministre abolit carrément l'article 109, sans autre alternative. Nous regrettons vivement cet empressement injustifié à abolir cet article, à moins que cela ne soit une exigence des "majors" en vue du renouvellement de l'entente conclue à l'automne 1986 et qui vient à échéance le 31 décembre prochain.

Il serait souhaitable que la ministre fasse le point sur l'état des négociations avec les "majors", sur le renouvellement de l'entente, sur la distribution des films en salle, tout en lui rappelant qu'une entente similaire n'a toujours pas été conclue pour le marché de plus en plus lucratif de la distribution du matériel vidéo. Pourquoi abolir aujourd'hui cet article? Est-ce par résignation pure et simple à l'égard de ce principe fort important? Est-elle en train de conclure une entente avec les "majors" sur une contribution financière au soutien à la production des films québécois? Cela serait plutôt, pour le moins, étonnant. En abandonnant un tel principe, la ministre envoie un message de résignation tranquille aux "majors", ce qui affaiblit la capacité de négociation du Québec face à des gens qui, plus que jamais, pourront prétendre que le marché québécois, c'est une partie de leur "domestic market". La ministre a choisi de renoncer à ce principe de réinvestissement prévu dans la loi 101. C'est son droit. Nous le déplorons. La loi 109, dis-je plutôt. De toute façon, les lois sont toujours touchées. Elle doit nous dire quelle est l'alternative à cette décision. Entend-elle accroître le budget de l'État québécois consacré au cinéma de façon substantielle, au chapitre, notamment, de l'aide à la production ou de la mise en marché? Cela reste la seule alternative possible pour le milieu. Je souhaiterais donc connaître les intentions de la ministre à cet égard, tout en lui disant que l'accroissement du budget consacré au cinéma est tout à fait compatible avec l'objectif du 1 % pour la culture.

Le projet de loi 117 propose un nouvel article relativement aux conditions reliées à l'émission des visas pour les films présentés dans une autre langue que le français. On sait que l'article 83 actuel de la Loi sur le cinéma, découlant de l'adoption du projet de loi 59, le 17 décembre 1987, avec l'appui de l'Opposition officielle, n'a jamais été promulgué en raison du moratoire décrété par la ministre d'alors, suite aux pressions du milieu. Selon les dernières données disponibles, on note une amélioration de la situation du français sur nos écrans, amélioration sensible, mais non pas exagérée. La part des projections en français est passée de 54,9 % en 1988 à 61 % en 1990. L'assistance aux projections en français est passée de 52,5 % en 1988 à 57 % en 1990. Cette situation s'explique en bonne partie par le fait que les "majors" ont réalisé qu'en diffusant plus rapidement une version doublée en français de leur film à gros succès, les "blockbusters", cela leur permettrait d'accroître les retombées commerciales de leurs films. Le moratoire ne pouvant durer éternellement, la ministre, plutôt que de promulguer l'article 83, a choisi de le remplacer par un autre. L'article 83 proposé par le projet de loi 117 introduit, certes, le principe de la simultanéité de l'exploitation des copies anglaises et françaises d'un film, au premier paragraphe. Mais

les choses se gâtent au quatrième, alors que l'on stipule qu'un visa temporaire peut être émis, selon les conditions prévues par règlement, sans préciser, contrairement à l'article 83 actuel, un délai de 60 jours et le retrait du visa temporaire pour une période d'au moins 180 jours si le film ne fait pas l'objet, n'a pas fait, dis-je plutôt, l'objet d'une version doublée en français avant l'expiration du délai de 60 jours. À sa face même, le nouvel article 83 constitue un recul par rapport aux dispositions de la loi actuelle, qui prévoyait une espèce d'épée de Damoclès incitant les distributeurs à faire doubler leurs films en français plus rapidement. Afin de mieux mesurer les interventions réelles de la ministre, il nous apparaît essentiel de connaître le contenu du projet de règlement relatif à l'émission des visas temporaires tout en regrettant, une fois de plus, que le législatif perde un droit de regard au profit du pouvoir réglementaire de l'exécutif. La ministre devra accepter de le déposer ce matin afin que les intervenants du milieu puissent connaître les intentions du gouvernement quant à l'émission d'un visa temporaire. J'entends profiter des auditions publiques pour discuter avec les intervenants de l'impact réel du moratoire et des conséquences du nouvel article 83, moins acceptable pour nous que celui adopté dans le cadre de la loi 59 en décembre 1987.

Pour ce qui est du nouveau système de classement par catégorie d'âge, le projet de loi introduit, à l'article 14, une nouvelle grille de classement des films réparti en quatre catégories: visa général, 13 ans et plus, 16 ans et plus, 18 ans et plus. Toute la question du classement des films fait l'objet d'un débat important suite à la prolifération de films pornographiques et de films comportant des scènes multiples de violence Ce débat est sujet à controverse puisqu'il renvoie à des échelles de valeurs personnelles, quoiqu'on se rappelle la polémique déclenchée autour du film "Batman" à l'été 1989. Ce débat public sur le classement des films est quelque peu faussé dans la mesure où des films présentant un fort contenu d'actes violents sont aussi diffusés à la télévision aux heures de grande écoute sans véritable contrôle. Nous sommes d'accord avec la proposition du projet de loi visant à élargir l'application du système de classement par catégorie d'âge au secteur des vidéocassettes. Cependant, nous contestons, en dépit des objectifs louables qu'il laisse sous-tendre, la pertinence de créer une catégorie restrictive "16 ans et plus" entre la catégorie "13 ans et plus" et celle relative aux "18 ans et plus". Nous doutons sérieusement du caractère applicable dune telle grille. En effet, comment évaluer, à partir de critères objectifs, d'instruments d'évaluation rigoureux, la possibilité d'établir une distinction nette entre un film comportant des actes de violence destiné à un spectateur de 18 ans et plus et un autre... âgé de 16 ans et plus. Cela compliquera aussi la tâche des exploitants de salles de cinéma. D'ailleurs, dans son mémoire, la Régie du cinéma, chargée, en vertu de la Loi sur le cinéma, d'établir le classement des films, considère elle-même une catégorie "16 ans et plus" comme injustifiée et difficilement défendable. "La Régie - je cite - quant à elle, ne peut parvenir à bien cerner quels critères pourraient déterminer qu'un film puisse être vu par des personnes âgées de "16 ans et plus" et qu'un autre puisse être vu par des personnes âgées de "18 ans et plus". Tout comme la Régie du cinéma, il nous apparaît plus réaliste d'établir une distinction très nette pour les films "18 ans et plus" en les répartissant en deux catégories, l'une réservée spécifiquement aux films pornographiques et une autre catégorie pour les films violents ou traitant d'une thématique difficile.

Bien qu'en étant d'accord, en principe, avec l'ajout de deux nouveaux membres à l'Institut québécois du cinéma, notamment la présence d'un représentant du secteur du matériel vidéo, il faut être conscient que cette proposition peut rendre plus difficile l'obtention de consensus au sein de l'Institut où cohabitent les représentants de divers maillons de l'industrie avec leurs intérêts spécifiques.

Voilà, M. le Président, les remarques préliminaires que je voulais formuler sur le contenu du projet de loi 117 avant d'entreprendre le processus d'auditions publiques qui nous permettra de mieux saisir, à partir du témoignage de divers intervenants, l'impact du projet de loi sur la réalité complexe d'un secteur d'activité qui contribue à façonner et à refléter notre identité culturelle. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Est-ce qu'il y a d'autres membres de la commission qui veulent faire des remarques préliminaires? Mme la ministre, quelques...

Mme Uza Frulla-Hébert (réplique)

Mme Frulla-Hébert: M. le Président, seulement...

Le Président (M. Doyon): ..brèves remarques de réplique peut-être?

Mme Frulla-Hébert: Oui, parce que nous allons discuter de certaines choses qui ont été dites ici et avec lesquelles je ne suis pas d'accord... article par article. Seulement une précision, par exemple, à titre d'information. Au niveau du programme d'aide automatique. Il est en vigueur depuis le 19 décembre 1990 parce que rétroactif. Il a fallu, cependant, attendre le discours sur le budget pour modifier la mesure qui était si importante au niveau de la production, c'est-à-dire la mesure qui passe du 5-7 au 6-10 au niveau de l'employabilité. Le projet de règlement sur l'article 83, ce sont les proposi-

tions de l'IQC, nous allons entendre des groupes et nous aurons un projet de règlement définitif.

Le Président (M. Doyon): Oui, sans trop retarder les personnes, alors, allez-y, M. le député.

M. Boulerice: Tout simplement pour lui dire: La ministre est-elle consciente que le financement intérimaire n'est pas encore appliqué, ce qui fait qu'il y a des gens qui ont tourné sans savoir s'ils seraient remboursés, s'ils recevraient l'aide nécessaire? Ça complique quand même un peu la vie, admettez-le.

Mme Frulla-Hébert: Les études préliminaires ont été faites, l'application du programme sera faite durant cette semaine. Ils ont quand même eu des garanties, si on peut dire, non officielles, ce qui était très important et personnel d'ailleurs. Mais ce qui est très important aussi, c'est de modifier finalement l'application de la mesure 5-7 versus 6-10 comme vous savez, et ça, nous avons réussi à convaincre les intervenants impliqués et maintenant, la mesure est appliquée. Je dois dire aussi que nous avons eu énormément de félicitations du ministre.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Nous allons donc, sans plus tarder, procéder à l'audition proprement dite, la consultation proprement dite des groupes.

Le premier groupe sur ma liste est le Conseil du statut de la femme, je vois qu'il sont présents. Je les invite à bien vouloir prendre place à la table en avant ici, à s'installer. Je leur souhaite donc la plus cordiale des bienvenues. Ils sont le premier groupe à venir nous voir. Je suis sûr qu'ils ont des choses très importantes à nous dire. J'invite Mme Lavigne, que je vois devant moi, à présenter les personnes qui l'accompagnent, et après ça, à faire la présentation de son mémoire. Nous y consacrerons environ une heure. Vous aurez une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire ou en faire un résumé. Les députés ministériels, y compris Mme la ministre, bien sûr, disposeront d'une vingtaine de minutes ou à peu près pour vous interroger, vous poser des questions, discuter avec vous. Il en sera de même pour les membres de l'Opposition. C'est la façon procéder que nous allons adopter. Alors, Mme Lavigne, vous avez la parole.

Auditions Conseil du statut de la femme

Mme Lavigne (Marie): Merci, M. le Président. D'abord, je vais présenter mes collègues. À ma droite, Me Jocelyne Olivier, secrétaire générale du Conseil du statut de la femme, et à ma gauche, Mme Colombe Cliche, qui est la directrice des communications au Conseil.

M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, je vous remercie d'entendre le Conseil du statut de la femme devant cette commission sur le projet de loi 117, Loi modifiant la Loi sur le cinéma. Comme vous le savez, il y a plusieurs années que le Conseil se préoccupe de l'influence des médias sur les attitudes et les rôles dévolus aux femmes et aux hommes dans la société.

En 1981, le Conseil présentait un mémoire à la Commission d'étude sur le cinéma et l'audiovisuel dans lequel il s'opposait à la mise en circulation d'une nouvelle classe de films par un réseau spécialisé de cinéma X. Pour le CSF, cette nouvelle classification aurait permis, à ce moment, de propager encore davantage un discours glorificateur au sujet des crimes commis contre les femmes. Dans ses commentaires sur le rapport de cette même Commission ainsi que dans son mémoire sur le projet de loi 109 en 1983, le Conseil réitérait ses positions concernant la nécessité de la représentation des intérêts de la population, et des femmes en particulier, à l'intérieur de l'organisme de surveillance du cinéma; l'intérêt d'une formulation et de la diffusion publique des critères devant présider à rémission de visas et au classement de films; le droit de recours de la population au regard des décisions de l'organisme chargé de la surveillance des films; et enfin, la question de la violence, et surtout de la violence sexuelle envers les femmes qui, contrairement à ce que certains pourraient croire, perdure et même augmente.

Le Conseil est également préoccupé par la question de l'image des femmes dans les médias, les vidéoclips et le cinéma. Ainsi, une étude sur les stéréotypes sexistes dans les vidéoclips menée pour le compte du Conseil par un chercheur de l'Université Laval démontre que dans les vidéoclips, 46 % de ceux-ci présentent des manifestations de sexisme et 27 % montrent des relations homme-femme où l'on retrouve de la violence sous une forme ou sous une autre. (11 h 15)

De même, dans une étude du CRTC faite par la firme Erin Research en 1988, on demande que les émissions de radio et de télévision réservent aussi une place secondaire aux femmes.

Aujourd'hui, donc, on ne peut plus nier le rôle important que jouent les documents audiovisuels dans notre société, notamment en ce qui a trait à la transmission des valeurs auprès des jeunes. C'est pourquoi le Conseil est heureux de constater que, dans le projet de loi modifiant la Loi sur le cinéma, le gouvernement révise le classement des films et l'étend désormais aux vidéocassettes. Les recommandations que le Conseil présente dans le cadre de cette commission parlementaire touchent principalement cette partie de la loi.

Dans le document intitulé "Le classement des films au Québec" qui a été produit par la Régie du cinéma en décembre dernier, l'évalua-

tion d'un film doit se réaliser, dit-on, en tenant compte du consensus social et du seuil de tolérance de la société québécoise contemporaine.

Or, même si la notion fluide de consensus social est difficile à évaluer, il appert que le seuil de tolérance de la société québécoise face à la violence en général et face à la violence faite aux femmes a considérablement diminué depuis quelques années. Pour contrer la violence, divers milieux ont entrepris des campagnes d'information et de sensibilisation. Ainsi, depuis longtemps, de nombreux groupes de femmes et des groupes communautaires attirent l'attention du gouvernement sur les problèmes qu'entraînent dans notre société toutes les formes de violence et, en particulier, la violence conjugale, les agressions sexuelles et la violence familiale.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux a également mené, il y a quelques années, une importante campagne de publicité sur la violence conjugale. Dans la foulée de ces actions de sensibilisation, des personnes oeuvrant dans les réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux sont invitées à dépister cette violence.

De plus, en 1989, les évêques ont produit un document sur la "Violence en héritage" et on mène, au sein de l'Église, de nombreuses activités d'animation sur ce sujet. Enfin, récemment, même la Chambre des notaires s'est associée à la Fédération des ressources d'hébergement pour femmes violentées et en difficulté et a lancé une campagne qui porte sur le thème "La violence enfante la violence".

Les groupes de femmes et les divers milieux d'intervention sur la violence tentent d'obtenir et cela, au-delà des intentions de principe, des actions plus claires de la part de l'État. Dans cette optique, même si le Conseil n'a pas d'objection particulière au classement des films, tel qu'il a été proposé dans le projet de loi, il croit que ce classement doit se faire en tenant compte des intérêts de la population. En conséquence, nous recommandons que la Régie du cinéma prévoie des mécanismes et des critères lui permettant de s'assurer que le classement des films et des vidéocassettes soit effectué dans le respect des droits de la personne et, en particulier, des droits des femmes; en second lieu, que la Régie du cinéma mène une campagne d'information auprès du public dans le but de faire connaître les critères quant à l'émission des visas et au classement des films.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur l'interprétation qui peut être faite de l'alinéa 1 de l'article 77 de la loi qui prévoit dispenser du classement le film produit à des fins de promotion commerciale. Il va de soi qu'on comprend que le législateur veut viser un film qui ferait la promotion d'Hydro-Québec ou d'une entreprise. Néanmoins, on s'interroge. Est-ce à dire que les vidéocassettes, de type vidéoclip ou vidéomagazi-ne, ou ce qu'on appelle aussi des vidéos musi- caux, qui sont accessibles chez le commerçant qui distribue le matériel au public, seraient dispensées de classement parce qu'on pourrait prétendre les inclure dans la catégorie du matériel promotionnel destiné à la vente de disques? Comme ce matériel peut aussi présenter des scènes de violence, nous recommandons au législateur que soit ajoutée, à l'exception prévue à l'alinéa 1 de l'article 77, les vidéocassettes de type vidéoclip ou vidéomagazine accessibles chez le commerçant.

Lors des dernières audiences publiques de l'Institut québécois du cinéma sur le classement, plusieurs organismes et corporations, dont Paci-jou, la Corporation des psychologues, l'Office des communications sociales, sont venus témoigner de leurs craintes face à la diffusion de plus en plus grande d'images sexistes et violentes auprès des jeunes. Là-dessus, je pense que vous connaissez bien les mémoires qui ont été présentés à ce moment.

La tendance à la baisse du seuil de tolérance de la société québécoise face à la violence amène une dénonciation de plus en plus grande des images sexistes et violentes à l'égard des femmes.

En effet, ces images qui sont une expression inexacte des aspirations et des réalités vécues par les femmes ont un impact sur les jeunes. Nous constatons, à notre grand regret, que la violence à l'égard des femmes est souvent banalisée, que ce soit dans les médias, au cinéma ou dans les vidéos. Ainsi, nous croyons qu'il est temps que la société québécoise, c'est-à-dire parents, écoles, industrie cinématographique, assume sa responsabilité dans la transmission des valeurs. Il ne suffit donc plus de dénoncer le sexisme et la violence, il faut également s'inscrire dans une démarche de prévention. En ce sens, nous recommandons que le classement des films donne lieu à une surveillance et à un contrôle rigoureux quant à l'accessibilité de ces produits auprès du public mineur et que, consé-quemment, la Régie du cinéma établisse les règlements et veille à leur application.

De plus, nous croyons comprendre que, par ticulièrement préoccupé par des questions de violence, le législateur a voulu, en créant une quatrième catégorie de classement, c'est-à-dire celle de "18 ans et plus", limiter l'accès aux films ayant un caractère de grande violence ou présentant des activités sexuelles très explicites aux seules personnes âgées de "18 ans et plus". C'est du moins ce qui ressort du document explicatif et aussi des propos de la ministre qui nous permettent de comprendre l'existence d'une telle catégorie.

C'est pourquoi nous recommandons de rendre plus explicites les motifs du classement "18 ans et plus" en ajoutant au texte de loi que les films ne peuvent être vus que par des personnes de "18 ans et plus" à cause, notamment, de leur caractère de grande violence ou présentant des

activités sexuelles explicites.

D'autre part, nous nous interrogeons sur les conséquences que pourrait avoir l'ajout de la catégorie "16 à 18 ans" sur le classement des films. En effet, n'y aurait-il pas un danger qu'une partie des films, particulièrement ceux d'une très grande violence présentement classés "18 ans et plus", passe à la catégorie des 16 ans?

De plus, nous tenons à souligner qu'il ne faudrait pas que ce glissement possible de films, de la catégorie "18 ans et plus" à celle des 16 ans, ait pour conséquence d'introduire des films présentement sans visa à la .catégorie "18 ans et plus", d'autant plus que la Régie pourra, par règlement, caractériser certains films. Il ne faudrait pas que cette disposition permette indirectement la reconnaissance de films de catégorie x. Cet aspect est particulièrement important dans le cas du matériel vidéo puisqu'il est impossible de contrôler l'âge de la personne qui le visionne. En effet, on sait tous que la personne qui l'utilise et celle qui loue le vidéo peuvent être de catégories d'âge fort différentes.

Par ailleurs, il importe de rappeler que la Convention sur les droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989, reconnaît la nécessité de protéger l'enfant contre toute forme d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle. Cette convention prévoit que les États signataires prendront toutes les mesures appropriées pour empêcher que les enfants ne soient exploités aux fins de la production de spectacles ou de matériel à caractère pornographique.

Ainsi, dans le but de favoriser la protection de la jeunesse et d'empêcher l'exploitation et les abus sexuels à l'égard, notamment, des jeunes femmes, le Conseil recommande qu'à l'article 81 du projet de loi soit ajoutée, comme autre motif de rejet d'un film, la notion d'exploitation sexuelle des personnes mineures.

Nous considérons également que c'est au gouvernement que revient la responsabilité de veiller à l'application de ses règlements en matière de surveillance auprès du public mineur. Nous nous interrogeons sur la capacité de la Régie de remplir efficacement son mandat d'inspection puisqu'elle compte 10 inspecteurs pour 129 salles de cinéma et qu'elle devra, en raison de son nouveau mandat, couvrir environ 4000 lieux de commerce au détail de matériel vidéo sur l'ensemble du territoire québécois. C'est pourquoi nous recommandons que le législateur s'assure que la Régie du cinéma dispose de l'effectif suffisant pour remplir efficacement son nouveau mandat d'inspection.

En conclusion, nous espérons que les réflexions du Conseil serviront à l'élaboration d'une loi du cinéma qui encourage le respect et l'intégrité des individus ainsi que l'égalité des sexes. En ce sens, il est intéressant de noter que la modification visant à encourager l'industrie du doublage des films au Québec contribuera sans doute à augmenter le nombre d'emplois associés à cette industrie, ce qui devrait avoir aussi des effets positifs sur le nombre de femmes qui y travaillent.

Le CSF désire également souligner l'importance que revêt, pour l'ensemble des organismes régis par la Loi sur le cinéma, la présence des femmes au sein des conseils d'administration. Ainsi, nous nous réjouissons que l'Institut québécois du cinéma ait actuellement une représentation égale de femmes et d'hommes, et que deux des trois membres de la Régie du cinéma soient des femmes. Cette pratique devrait être maintenue et devrait être aussi étendue à la SOGIC. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre. Vous avez droit à 17 minutes et demie.

Mme Frulla-Hébert: Merci de votre précision.

Le Président (M. Gobé): Par la suite, l'Opposition aura droit à 17 minutes et demie aussi. Le député du Parti Égalité, s'il le désire...

Mme Frulla-Hébert: Je suis rendue à 16 minutes, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): ...pourra avoir cinq minutes.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Lavigne. Je tiens seulement à dire combien votre contribution nous est précieuse, mais ça nous fait grandement plaisir aussi de vous voir ouvrir cette commission. C'est sûr que votre position nous tient à coeur. J'ai quelques précisions, parce que vous savez que c'est toujours très difficile, finalement, de réglementer, d'une part, et de ne pas censurer... Là, tu sais... donc entre la réglementation et la censure, d'autre part. Bon, évidemment, ça fait appel aux droits et libertés d'expression, etc.

Si je comprends bien, vous n'avez pas d'objection particulière aux propositions du projet de loi sur le classement des films. Vous croyez quand même que le classement, enfin, tel qu'on le propose, tient compte des intérêts de la population. Par contre, vous recommandez que la Régie prévoie - et je cite - des mécanismes et des critères permettant de s'assurer que le classement soit fait dans le respect des droits de la personne, en particulier celui des femmes. Vous parlez aussi d'une campagne d'information pour faire connaître ces critères. C'est difficile. Quand on parle de critères et qu'on arrive dans la définition - les gens de la Régie sont ici, d'ailleurs - est-ce que vous pouvez élaborer un peu plus au niveau des critères, du comment et des mécanismes, en fait, comment ceci pourrait être applicable? Évidemment, je le répète, au ni-

veau du classement, il y a toujours l'intention, les grands principes et ensuite, l'application sur le terrain. Alors, si vous pouviez nous aider là-dessus.

Mme Lavigne: Merci. Dans un premier lieu, parmi les mécanismes, ce qui nous semble particulièrement important, c'est de faire connaître à la population, finalement, les critères ou les paramètres sur lesquels la Régie se base pour, à la fois, donner un visa et faire les classements. Dans ce sens-là, je pense que les initiatives récentes de la Régie sont intéressantes dans la mesure où elles permettent au public de saisir à partir de quoi on le fait, de connaître ces grands paramètres, de connaître ces paramètres que la Régie a d'ailleurs publiés dans un document. Quand on parle de resserrer peut-être par rapport à ces critères et de le faire dans une optique de respect des droits des femmes... Si on prend, par exemple, un des paramètres qu'utilise la Régie - la notion de discrimination - je pense que c'est important, dune part, que les citoyens le sachent et aussi, qu'on puisse savoir de façon assez claire et d'intégrer... de la même façon qu'un film qui, ouvertement, serait un film de discrimination à l'égard des Autochtones, des Noirs, ou de... religions différentes et qui aurait une propagande haineuse risque de se retrouver sans visa. De la même façon, il importe que les citoyennes puissent savoir qu'il y a une forme de discrimination sexiste qui, elle, s'apparente à une forme de propagande haineuse. Donc, à la fois de l'information et à la fois, peut-être, davantage de précisions sur ce qu'on entend par discrimination. De la même façon, ce qu'on entend par le respect dû à la vie, ce qui concerne les atteintes a l'intégrité corporelle. Ce qu'il peut être important que la Régie fasse dans un premier temps, c'est, je crois, de continuer la démarche qui a été amorcée récemment, que le public soit davantage informé et qu'on puisse savoir ce sur quoi les critères se basent.

Par ailleurs, il y a aussi toute une possibilité. L'article 167 de la loi est modifié et, à ce moment-là, le pouvoir de la Régie en termes de réglementation sera beaucoup plus large qu'il ne l'était. Et, dans ce sens-là, il serait intéressant... Je pense que tout va se jouer au niveau de la réglementation là-dedans. La Régie pourra prévoir certains mécanismes concernant l'étalage, ce qui pourrait vouloir dire que la Régie pourrait prévoir dans la réglementation qu'on regroupe les films selon leur classification, donc, qui devient un soutien - qui n'est pas de la censure - aux parents qui savent que les enfants, c'est dans tel coin qu'ils peuvent choisir leurs vidéos, ce qui facilite... (11 h 30)

II y a la règle. Il y a des possibilités de placer ailleurs les films qui sont réservés à des "18 ans et plus". Il y a des possibilités d'inscrire sur des films quel type de film on a. Et, dans ce sens-là, c'est un outil éducatif qui permettra aux parents d'exercer, en toute connaissance de cause... d'orienter leurs enfants vers les différents produits.

La Régie a aussi un pouvoir en ce qui concerne l'affichage. Et, à cet égard-là, la question de l'affichage est aussi extrêmement importante. Et il y a ce pouvoir qui devrait être vu dans le sens du respect de la population et du respect de ce consensus social, donc, qui se concrétise très clairement au niveau de la réglementation.

Mme Frulla-Hébert: Juste une précision, parce que vous parlez - évidemment, notre but, c'est d'étendre la classification, c'est pour ça qu'on est ici - au niveau de la vidéocassette. Il y a, je dirais, des craintes et certaines réticences, justement. On va entendre d'autres groupes la semaine prochaine, en commission parlementaire, qui disent: Oui, il y a classement; oui, il y a information, mais on ne peut pas se substituer, par exemple, au rôle du parent. Alors, l'argument est que l'enfant vient chercher... Parfait, excepté qu'on ne peut pas contrôler ce qu'il fait à la maison et on ne peut pas contrôler aussi l'enfant qui vient reporter... Alors, on dit: Bon, bien, si on empêche, par exemple, un enfant de 16 ans ou de moins de 16 ans, comment peut-on faire au niveau des marchands même pour dire: Là, à ce moment-là, cet enfant a 16 ans. Quand il vient reporter, c'est l'enfant de 12 ans qui vient souvent reporter pour le parent. C'est tout le contrôle au niveau du marchand même de vidéo. Est-ce que vous avez quelques opinions à ce sujet-là?

Mme Lavigne: Oui, je peux partir d'une expérience personnelle. J'ai déjà, par distraction, en faisant un lapin la semaine dernière, envoyé ma fille; il me manquait du vin blanc. J'ai dit: Écoute, va à La Maisonnée chercher une bouteille de vin blanc pour que je finisse ma recette. Elle est revenue bredouille en disant: Je ne peux pas acheter du vin blanc, je ne suis pas assez grande. La Maisonnée établit ce contrôle. La Maisonnée ne vend pas un paquet de cigarettes à un enfant; La Maisonnée ne le fait pas non plus pour une bouteille de vin. Ce type de contrôle... et il y a d'autres réglementations. Un enfant ne peut pas aller dans un bar; un enfant ne peut pas acheter de l'alcool dans un dépanneur, ni des cigarettes. Et si ça s'applique chez les milliers de dépanneurs qui existent au Québec, je comprends mal qu'on ne puisse pas l'appliquer à ce type de produit. C'est une dynamique qui est très semblable. Et, à cet égard, la question pourrait se produire au niveau des salles. Je pense que des gens pourraient dire: Écoutez, il n'y a pas de carte obligatoire au Québec. Comment fait-on pour savoir si quelqu'un a 16 ans ou s'il a 18 ans?

Là-dessus, d'une part, la Régie pourra, par réglementation, voir à l'implantation peut-être

graduelle... Mais je tiens à rappeler que, dans la plupart des écoles au Québec, les enfants ont effectivement des cartes. Les enfants à l'école élémentaire n'en ont pas et, s'ils sont à l'école élémentaire, c'est que, en principe, ils n'ont pas l'âge d'aller chercher le matériel qui est pour les 14 ans... qui est pour des enfants plus âgés. Et les enfants ont généralement des cartes qui servent ou pour prendre l'autobus ou carrément la carte du collège, parce que c'est tout à fait la mode d'en avoir. Et pour les plus âgés aussi, c'est extrêmement important, parce qu'ils tiennent à aller dans certains lieux et ont besoin de cette carte.

Alors, cette question de dire: II n'y a même pas possibilité de contrôle, je pense que c'est un faux débat. Il faudrait vérifier dans certaines commissions scolaires où il n'y a pas de transport en commun, où on n'en a pas senti le besoin, mais il semble que c'est une pratique qui soit généralisée. Il suffirait, à cet égard, d'une note à différentes commissions scolaires pour que, d'ici un an, ça fasse partie de l'outillage des étudiants qui, de toute façon, se font à peu près obligatoirement photographier au début de chaque année. Alors, je pense que ce n'est pas particulièrement complexe.

Mme Frulla-Hébert: Mais il y a aussi la carte d'assurance-maladie. Remarquez qu'il n'y a pas la photo.

Mme Lavigne: Aussi.

Mme Frulla-Hébert: Mais je dois vous dire que ce n'est pas tellement en salle de cinéma. La difficulté a été soulevée surtout dans le mémoire de l'Association des commerçants de matériel vidéo et ce n'est pas aux 18 ans, parce que les 18 ans, c'est relativement facile. C'est beaucoup plus aux applications du 13 ans et du 16 ans, mais vous avez quand même apporté des bonnes... Parce que, évidemment, on prend certains arguments pour, justement, les opposer à d'autres, juste pour voir, finalement, le fondement réel de ces réticences.

Il y a une autre chose parce que le temps presse. Au niveau du vidéoclip, vous avez raison; effectivement, la loi parle d'exclure le matériel promotionnel. Il y a deux choses: le vidéoclip peut être du spectacle en soi ou encore, considéré comme il l'est présentement, comme la promotion d'un disque. Alors, en ce sens-là, le vidéoclip est exclu. Je dois vous dire, par contre, que je suis extrêmement sensible, finalement, aux recommandations dans le mémoire quant aux vidéoclips et nous allons étudier ensemble, avec la Régie, cette problématique.

Il y a aussi le glissement du 18 aux 16 ans au niveau des catégories. Ce n'est pas du tout notre intention, évidemment, de voir ce glissement ou, enfin, que ce glissement arrive. Par contre, tout en parlant à certains groupes de psychologues, on dit aussi qu'à 16 ans, maintenant, l'acceptabilité de certaines choses est, en fait, plus commune et aussi plus réaliste, nos enfants étant exposés, donc matures plus rapidement qu'avant. C'est ce qu'on dit. Certains groupes disent ça. Est-ce que vous pourriez juste élaborer là-dessus?

Mme Lavigne: Écoutez, là-dessus, je pense que le problème n'est peut-être pas tant au niveau de ce qui est dans le 18 ans qui pourrait glisser dans le 16 ans, mais de la grande porte qu'on ouvrirait dans le "18 ans et plus". À ce moment-là, on a souvent tendance a confondre ou, en tout cas, à associer sexualité très explicite et pornographie. Et la question qu'on se pose: Est-ce à dire que l'existence d'une catégorie de "18 ans et plus"... Comme on ramènerait une grande partie de la production qui est dans le 18 ans dans le "16 ans et plus", à ce moment-là, des films qui étaient réputés contraires aux bonnes moeurs ou qui auraient une violence qui serait plus du côté, bon, qui serait de type pornographique se retrouveraient désormais avec visa parce qu'on dirait: On n'a plus le... Bon. Et ça, cette possibilité, cette élasticité au niveau du "18 ans et plus", où on se demande si on ne se retrouve pas avec un glissement... D'autant plus que la Régie reconnaît elle-même que plus de 50 % des films sont des films dits de "sexploitation" et, à cet égard-là, est-ce que ça veut dire que toute une partie de cette production-là glisse par en bas et qu'on a une sexualité encore plus violente dans les "18 ans et plus"?

C'est le type d'interrogation qu'on se pose et peut-être que la façon d'y répondre, c'est que le public soit informé de façon un peu plus précise de ce que signifient ce "16 ans et plus" et ce "18 ans et plus". H faut que la loi, aussi, tel qu'on le formule dans une recommandation, reprenne essentiellement ce qu'on a dans le document explicatif de la loi, où on précise ce qu'est la catégorie de "18 ans et plus" et on précise ce que sont les deux autres catégories. Finalement, toute personne qui regarde ça, en regardant les quatre catégories, se dit: Mais qu'on se complique la vie! Sauf que je pense que le législateur avait une raison d'inscrire quatre catégories, dans une optique de transparence et aussi pour faire en sorte que ça ne fluctue pas au gré des diverses réglementations ou au gré des idéologies qui prévaudront au sein de la Régie, afin que le public puisse être assuré du sens réel des catégories.

Mme Frulla-Hébert: Parfait. Merci, Mme Lavigne. Je veux seulement vous dire qu'au niveau de l'élargissement du "18 ans et plus", si on dit: Certains films seront reclassés avec justesse dans le 16 ans et, à ce moment-là, 18 ans et plus, on peut s'en permettre plus. Ce n'est pas du tout notre intention; l'ordre public ou les bonnes moeurs, tel qu'on le dit, demeurent

tels que jugés présentement. On parle de "sexploitation" au niveau des mineurs, et ça, c'est déjà un motif, dans les faits, de refus. Alors, on n'ouvre pas plus les 18 ans, au contraire. C'est peut-être tout simplement pour reclasser plus justement et couper l'accès aux jeunes qui pouvaient se rendre... Un enfant de 8 ans pouvait voir des films classés jusqu'à 18 ans.

Mme Lavigne: Est-ce que je peux me permettre de compléter? Je pense que le type de préoccupation qu'on a est aussi d'avoir des catégories claires et précises, dans la mesure où... Pour ce qui est du marché du cinéma en salle, c'est assez facilement contrôlable, mais la difficulté, c'est que les enfants sont de grands consommateurs de vidéocassettes et, effectivement, la personne qui loue et celle qui regarde n'est pas nécessairement la même. Je conçois que c'est aux parents d'exercer un type de responsabilité, mais il est aussi très important qu'on n'assiste pas à un élargissement et que ce qui était une production qui circulait déjà illégalement au Québec, amplement, se retrouve dans ces commerces de matériel vidéo. C'est à cet égard qu'il importe que ce ne soit pas une porte ouverte, parce qu'on sait que, indirectement, des gens qui n'ont pas l'âge requis pourront avoir accès à ce type de matériel. C'est pourquoi il importe d'être particulièrement vigilant.

Mme Frulla-Hébert: Parfait, merci. Pour moi, Mme Lavigne, croyez qu'on prend vraiment bonne note de vos recommandations et, encore une fois, je tiens à vous assurer qu'au niveau du vidéoclip, nous en sommes très conscients et qu'on va le regarder ensuite de près avec la Régie.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez vous aussi 10 minutes.

M. Boulerice: Je vous remercie, vous m'en avez enlevé moins qu'à Mme la ministre dans votre présentation. Mme Lavigne, Mme Olivier, Mme Cliche, je pense que ça nous aurait été probablement beaucoup plus difficile d'aborder certains thèmes si vous ne vous étiez pas présentées aussi spontanément, comme vous le faites à cette commission. Vous faites depuis des années un travail extrêmement important pour ce qui est de l'abolition des stéréotypes et de la violence. Je ne sais pas comment vous mesurez votre action, mais moi, je pourrais vous donner de nombreux exemples qui prouvent que, même si vous, peut-être, vous pensez que ça ne progresse pas aussi rapidement, au contraire, votre discours a fait impression.

Il y a des questions que je me pose Bon, au départ, je pense que c'est très intéressant d'avoir la catégorie de classement des films par âges applicable sur les vidéocassettes, ne serait-ce que parce que c'est un indicatif pour les parents. Les parents ne sont pas des critiques de cinéma. Ils n'ont pas fait de prévisionnement. Ils ont vu une publicité, un extrait qui peut-être est tentant et incitatif à le prendre, mais quant à son contenu comme tel, ils n'ont pas cette notion-là au départ lorsqu'ils posent le geste de prendre. Donc, le fait d'y mettre un indicatif, je pense, permet de mieux les guider comme tel.

Dans le cas du matériel pornographique, c'est très clair, c'est "18 ans et plus" et, déjà, la réglementation oblige les vidéo-clubs à avoir une section complètement distincte, fermée, et avec la mise en garde "18 ans et plus", etc. Par contre, où je m'interroge, c'est sur la nouvelle catégorie "16 ans et plus", par rapport à "18 ans et plus". Les films de violence, comment va-t-on mesurer ça? À 16 ans, on aurait droit à 22 meurtres durant le film et à 18 ans, on serait suffisamment mature pour en absorber 42? Je fais très "charge" - une forme grammaticale acceptable - mais comment va-t-on mesurer cela? Vous avez les mêmes réticences que nous? Moi je trouve ça un peu bizarre. Et deuxièmement, l'identification du 16 ans. Je ne connais pas votre jeune fille, mais vous savez, je vais prendre un exemple. Ma nièce, elle, n'a pas 18 ans, mais mon Dieu, on lui en donnerait bien 21. Il n'y a pas de carte d'identité obligatoire, et même s'il y en avait une, mon Dieu, vous savez que c'est facile d'en avoir sur le marché noir. (11 h 45)

Mme Lavigne: D'accord. Pour ce qui est du nombre de catégories, je pense que, comme vous le dites vous-même, il s'agit d'un instrument qui permet de cibler davantage ce que sont les différentes productions. Parce que, écoutez, quand les enfants vont chercher un film, je ne me tape pas l'ensemble des films qu'ils regardent. Je dois dire qu'il y a un certain ennui à ça et je ne les regarde pas. Et comme parent, et pour l'ensemble des parents, je pense que c'est un indicateur qui nous permet de voir... On connaît son enfant, on connaît son niveau de sensibilité, on connaît sa réceptivité à différents éléments. Ça peut être un guide extrêmement précieux pour des parents, dépendant de la maturité d'un enfant, qu'un film qui est à un niveau de violence... Bien sûr, vous me direz: C'est difficile de dire, si c'est moyennement violent, plus ou moins violent ou extrêmement violent.

Là-dessus, je pense que la Régie est assez bien équipée. Les documents qu'ils ont produits montrent qu'il y a toute une réflexion. Il y a des grilles, des paramètres qui permettent d'identifier - parce qu'on le voit dans un contexte - qui permettent de voir si une violence est associée à un contexte. Et il y a des possibilités d'identifier. Si on peut le faire pour trois catégories, je pense qu'on peut aussi facilement le faire pour quatre catégories.

La question qu'on pose, effectivement, c'est

que, évidemment, il peut y avoir un danger de glissement, mais là-dessus, il faut le voir dans la mesure où on conçoit que ces catégories ne sont pas des éléments de censure; elles sont essentiellement des repères. Elles sont des repères qui disent juste ça: jusqu'à tel âge et jusqu'à tel âge. Bon, ces types de repères, qu'ils soient vus comme des indicateurs... C'est-à-dire, ils demeurent... Ils ne sont pas des indicateurs - pardon - mais ils sont là ou ils n'y sont pas. Les enfants ne doivent pas aller à des films d'autres catégories d'âge. Néanmoins, ils permettent de savoir au moins, quand une production vidéo entre dans la maison, que les plus jeunes ou les amis y ont accès ou pas. Et dans ce sens-là, c'est important qu'on indique aussi sur la production le type de classement auquel le film fait référence. Et on se dit: Si c'est possible pour trois catégories, sûrement que ça peut être possible pour quatre catégories.

Pour ce qui est de la question des cartes, écoutez, on connaît la problématique. Plusieurs personnes dans cette salle ont sûrement connu des amis dans leur classe, ou même ont peut-être déjà emprunté des cartes d'amis à un certain âge. Cette question-là, on sait que ça se fait. Ça, il y a une responsabilité des parents là-dedans, une responsabilité que les parents sont en mesure d'établir, ou un type de contrôle par rapport aux enfants. Évidemment, on ne demandera pas aux législateurs là-dessus, d'avoir une... Il y a une difficulté qui est là, mais qui fait partie, je pense, de choses avec lesquelles les parents sont déjà habitués à transiger, que ça concerne l'accès dans les bars ou, en tout cas, ce qui est permis à partir d'un certain âge.

M. Boulerice: Pour ce qui est des cartes d'identité, Mme Lavigne, vous allez convenir que, pour la majorité des membres de cette commission, nous sommes beaucoup plus de l'époque de livres à l'index que des vidéo-cassettes. Mais la Régie dit, Mme Lavigne, qu'elle ne sera pas capable de l'appliquer. La Régie dit que l'introduction de la catégorie "16 ans et plus", elle ne sera pas capable de l'appliquer.

Mme Lavigne: Je dois vous dire que ce n'est pas une position de la Régie qui était connue à ce jour. Je pense que les entrevues qui ont été faites dans les médias disaient qu'on réfléchissait à la question, à la Régie. Si la Régie voit certains éléments, je pense que... Elle a peut-être ses raisons, mais je comprends quand même mal que ça ne soit pas faisable. Et si la Régie croit que ce n'est pas faisable parce qu'elle craint un glissement et par peur du glissement de différentes catégories... Bon, il faudrait le discuter, mais je dois vous dire qu'on n'a pas pu avoir ce type de discussion avec la Régie. Nous n'avons pas vu le mémoire de la Régie. Et, de bonne foi, il nous semble que s'il est possible d'avoir trois catégories... Je vais laisser ma collègue continuer là-dessus parce que... Bon... Mme Olivier (Jocelyne): Je pense...

Mme Lavigne: ...et s'il est possible d'avoir - c'est ça - trois catégories, il me semblait que quatre, c'était possible. Mais je laisse Mme Olivier continuer.

Mme Olivier: Un des avantages qu'on a vu, finalement, à la création d'une quatrième catégorie, c'est de limiter l'accès des "13 ans et plus" à certains types de films, accompagnés de leurs parents. On peut difficilement... Bon. Il y avait le danger du glissement, mais un des avantages, c'est que, actuellement, les "14 ans et plus" accompagnés de leurs parents peuvent avoir accès à certains films qui sont limités aux "14 ans et plus". L'avantage de la création d'une quatrième catégorie, c'est quand même de limiter l'accès des "13 ans et plus" à une certaine catégorie de films auxquels les "16 ans et plus" pourraient assister, mais pas des enfants même accompagnés de leurs parents. C'est, il me semble, un des avantages de la création de la quatrième catégorie.

M. Boulerice: Oui, mais il y des films de violence de "18 ans et plus" qui risquent d'être accessibles. Ils vont se retrouver dans la catégorie "16 ans et plus", donc le glissement risque de se faire également.

Mme Lavigne: Je m'excuse, je n'ai pas compris.

M. Boulerice: Bon, je m'excuse, Mme Lavigne.

Mme Lavigne: Vous étiez loin de votre micro et je n'ai vraiment pas entendu.

M. Boulerice: Je dis qu'il y a des catégories de classement "18 ans et plus" qui risquent d'être ramenées à "16 ans et plus", des films de violence, je parle. Je ne parle pas des films dits pornographiques. Donc, le glissement 13 ans, 14 ans, risque également de se faire dans cette direction-là.

Mme Olivier: Oui, mais c'est une des inquiétudes qu'on a formulées dans notre mémoire; il y a une sensibilité à ce phénomène-là. Ce qu'on dit, c'est qu'on parle aujourd'hui d'accessibilité. On ne souhaite pas un glissement ou un élargissement parce qu'on a des préoccupations à l'égard du véhicule du sexisme et de la violence. Par ailleurs, il y a toute une clientèle... Bon. On sait aussi... Je pense que Mme la ministre faisait référence à des regroupements ou à des gens qui vont intervenir en disant qu'il y a une certaine ouverture qu'on peut reconnaître chez des adolescents de 16 ans et plus. Vous avez fait

référence tout à l'heure à votre nièce. Moi, j'ai une fille de 16 ans qui, effectivement, peut avoir l'air de 21 ans, mais il y a aussi une maturité ou il y a... Ce qu'on peut constater chez des jeunes entre 16 et 18 ans, on ne le retrouve pas nécessairement chez des jeunes entre 13 et 16 ans, même s'il y a des jeunes filles de 14 ans qui ont l'air d'en avoir 18.

Alors, le pendant ou l'avantage de l'un et de l'autre, c'est peut être de limiter l'accès de certains films à des jeunes de 13 ans ot plus et ce, même accompagnés de leurs parents Ils peuvent se trouver des adultes ou des gens qui ont l'air plus vieux, qui sont consentants. Il y a toutes sortes de facteurs où, même s'il y a des parents qui peuvent assister à un film avec leur enfant, du fait qu'ils soient là, ils ne seront pas nécessairement en mesure de contrer tout ce qui est véhiculé dans le film.

Alors, ce qu'il faut évaluer, c'est l'avantage et les inconvénients, comme dans toute situation, mais peut-être que la limitation de l'accès à certains films pour des "13 ans et plus" va compenser pour certains inconvénients qu'on pourra retrouver. On peut aussi faire confiance à la Régie pour évaluer ou mettre sur pied des mécanismes qui permettront qu'on ne se retrouve pas dans une situation qui soit aussi déplorable.

M. Boulerice: Vous énoncez des principes auxquels je ne suis pas insensible sauf que, tentez, ne serait-ce que quelques instants, de vous mettre dans notre peau. Nous sommes les législateurs, donc nous devrons inclure dans une loi, dans une réglementation qui, après, sera remise à la Régie qui devra exercer... Donc, là, c'est moins facile pour nous. Je ne dis pas qu'on ne veut pas, mais ce n'est pas facile de mettre dans une loi tous les termes. Alors, moi, je serais tenté de vous dire: Qu'est-ce qu'on peut voir à 16 ans qu'on ne peut pas voir à 18 ans? Et qu'est-ce qu'on peut voir à 18 ans qu'on ne peut pas voir à 16 ans? Entre 13 et 18 ans, je comprends, là, qu'il y a vraiment un monde assez vaste pour une grande partie de nos adolescents, mais entre 16 ans et 18 ans, c'est un petit peu plus restreint et ça m'apparaît un petit peu plus flou. Je pourrais même faire la distinction entre filles de 16 à 18 ans et garçons de 16 à 18 ans; vous savez comme moi qu'il peut y avoir un monde. Je ne veux pas pratiquer mon vieux métier, là, mais vous savez qu'il peut y avoir un monde.

Mme La vigne: Écoutez, là-dessus, je pense que... Bon. C'est sûr que ça prend des critères, mais il y déjà une indication assez claire dans les documents de la loi où on parle de sexualité très explicite ou de très grande violence. Moi, je peux dire qu'à partir du moment où c'est clair qu'un film est de très grande violence, personnellement, je n'ai aucun goût d'aller voir ce film. De façon générale, ça m'ennuie, dois-je dire, et c'est le cas, je pense, de beaucoup de téléspec tateurs. Là, ça devient clair qu'un film pour "18 ans et plus" est un film de très grande violence ou un film de sexualité très explicite; une grande partie des spectateurs adultes ont aussi ce point de repère. Et si moi, comme adulte, je trouve que ça m'empêche de dormir d'avoir vu un film d'horreur - parce que je n'aime pas les films d'horreur - j'aime autant le savoir, savoir qu'il est dans les 18 ans et plus, ce film d'horreur, et aussi savoir que les enfants, même s'ils ont 16 ans... À 16 ans, 18 ans, ça fait des cauchemars aussi. C'est un indicatif dans la mesure où on place les films avec ces catégories-là, alors que les films pour les 16 ans, effectivement, c'est des films qu'un ensemble d'adultes qui ne sont pas à la recherche de sensations fortes en termes de violence peuvent voir.

Et là, je conçois que, effectivement, dans les 16 ans et plus... Il y a une différence entre 16 ans et 18 ans à ce moment-là. Effectivement, ce qu'on craint, ce qu'on ne veut pas, c'est que des films qui sont de forte violence à un moment et qui sont pour les "18 ans et plus" baissent pour les 16 ans. Le critère de la violence, il me semble que c'est assez clair, ce qui s'inscrit entre ce qui est d'une grande violence et... Prenez les films d'horreur; je pense que vous savez ce que c'est, et c'est possible de le faire.

M. Boulerice: Je reviens toujours, Mme Lavigne, et ce n'est pas du harcèlement, rassurez-vous. Au niveau des intentions, moi, je les comprends très bien, vos intentions et, je vous le répète, je pense qu'on y est tous sensibles. Je veux dire que si, géographiquement, on nous a distribués, je pense qu'on aurait dû nous mettre sur une table droite au niveau de cette loi. Mais nous, on va avoir l'application, Mme Lavigne Là, déjà, vous dites: un film de grande violence. Spontanément, je vais dire: Mais c'est quoi, une grande violence? 20 meurtres, c'est moyenne violence, 40 meurtres, c'est grande violence et là, je vais vous ramener la notion d'atrocité. Je vous dis: Je pense qu'on saisit vos intentions, mais il va falloir que la Régie l'applique et si la Régie l'applique, moi, je veux qu'elle l'applique bien pour que ça ne soit pas resté que quelque chose de très théorique qu'on a mis dans la loi, mais qui n'a pas vraiment de suivi. Ça ne sera pas possible que, en fin de compte, ça soit - si vous permettez cette expression du vocabulaire quotidien - un "free-for-all".

Mme Lavigne: Écoutez, là-dessus.. Bon, en principe, la Régie a une longue expertise sur ces questions et la Régie est quand même... Ils ont un ensemble de critères et des mécanimes qui leur permettent de discuter ensemble et d'établir ce qui est moyennement violent et d'une grande violence. Je conçois que ce n'est pas simple. De la même façon que d'examiner le sexisme dans un manuel scolaire, ce n'est pas simple, mais ça

s'est fait. Il y a un bureau d'approbation du matériel didactique qui est capable de le travailler, de l'étudier. Il y a eu des instruments méthodologiques qui ont été mis sur pied; il y a toute une démarche qui s'est faite et ça s'applique. Les éditeurs sont capables de travailler avec ça. Ça s'applique pour le racisme, ça s'applique pour la discrimination en matière de religion. Il y a des équipes qui sont extrêmement... qui sont spécialisées dans ce type de travail-là et qui peuvent le faire.

Si on est capables de le faire pour du matériel scolaire par rapport à un produit audiovisuel, on peut aussi baliser et identifier. Et à cet égard, je pense qu'il s'agit essentiellement... Je ne crois pas que le fond de la question soit une question de possibilité méthodologique. C'est d'abord et avant tout une question de choix qui est fait parce que, à partir du moment où on décide de... Et la catégorie... De toute façon, la catégorie "13 ans et plus" étant, à beaucoup d'égards, pas très différente du visa général, dans la mesure où, s'il est accompagné d'un parent, un enfant qui a 8 ans ou 9 ans peut le voir, je me dis: II y a des possibilités d'avoir des outils; il s'agit de voir fondamentalement ce qui est à la base des motivations de la Régie du cinéma de proposer de revenir à trois catégories.

Mais dans le fond, si on veut en avoir quatre, je pense que les outils méthodologiques, c'est relativement secondaire parce qu'on aurait pu... C'est un problème qui en découle, mais ça se surmonte et ça se règle alors que... On aurait pu tenir le même argument il y a un certain nombre d'années en disant: Écoutez, des films, ça ne se classe pas. Comment peut-on identifier que... Bon. Il y a eu une époque où on aurait voulu n'avoir aucune forme de classification, où on évoquait ce même type d'arguments en disant: Écoutez, on n'est pas capable d'identifier et de donner des indications qu'un film a un degré x de violence ou un degré x de manifestation sexuelle explicite et, à cet égard, c'est possible. Je pense que c'est fondamentalement une question d'orientation, et les outils peuvent être construits si on le désire. (12 heures)

M. Boulerice: Ma dernière question, Mme Lavigne. On est tout à fait d'accord avec l'ajout de la notion d'exploitation de personne mineure. Ça, je pense qu'il n'y a rien de plus dégradant, effectivement. Ça doit faire l'objet d'un motif de rejet du film, tel que cité à l'article 81. Est-ce que vous plaidez aussi en faveur d'un contrôle plus vigoureux de l'accès de certains films au public mineur? Pour quelles raisons? Et avez-vous des critiques à formuler à cet égard pour ce qui est du rôle de surveillance de la Régie, puisque vous proposez aussi d'accroître ses effectifs?

Mme Lavigne: Non, on ne propose pas d'accroître les effectifs de la Régie. Ce que nous proposons, c'est qu'on s'assure que la Régie ait les effectifs suffisants et nécessaires qui peuvent s'assurer notre recommandation. C'est que le législateur s'assure que la Régie ait le nombre d'inspecteurs requis, d'autant plus que son mandat s'élargit et qu'il va aussi directement découler du type de réglementation que la Régie instaurera à la suite de l'approbation de la réglementation, par le gouvernement ce qui pourrait amener des tâches d'inspection qui seraient plus larges. De l'aveu de la Régie, semble-t-il, le nombre d'inspecteurs est satisfaisant. La question que nous nous posons néanmoins, c'est qu'il nous semble quand même qu'au-delà des 129 salles de cinéma se rajoutent l'ensemble des lieux vidéo et on se dit... Ce qu'on espère, en tout cas, c'est qu'il y ait des évaluations qui soient faites et que, là-dessus, on ne lésine pas sur la nécessité de faire en sorte que la loi et la réglementation puissent être appliquées adéquatement.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Lavigne. Rapidement, M. le député.

M. Boulerice: Bien rapidement, Mme Lavigne...

Le Président (M. Gobé): En conclusion.

M. Boulerice: ...nous allons avoir notre premier différend. Ça va marquer l'histoire. Moi, je ne crois pas que ça sera possible de réaliser... Si on veut ajouter une autre catégorie, compte tenu que le vidéo, c'est 4000 points de distribution, moi, je ne pense pas que la Régie soit capable de le faire sans une augmentation très significative de ses effectifs. Si on veut que la réglementation qu'on accorde, eh bien, qu'elle soit appliquée vraiment partout à l'échelle du Québec, alors... Je vous dis que non. Moi, je pense qu'on doit augmenter de façon très considérable, sinon elle n'arrivera pas à le faire. Sur ce léger désaccord, donc, qui était sur la forme et non pas sur le fond...

Mme Lavigne: Écoutez, c'est qu'on n'est pas...

M. Boulerice: ...sur les moyens, dis-je, plutôt.

Mme Lavigne: ...en désaccord avec vous, mais ce qu'on veut, nous, c'est s'assurer que le législateur s'assure que la Régie dispose de l'effectif suffisant pour remplir efficacement son nouveau mandat d'inspection et qu'elle le fasse adéquatement, sauf que nous ne sommes pas en position, comme Conseil, d'identifier combien de temps prend une tournée d'inspection dans l'ensemble des 4000 lieux et des 129 salles de cinéma. Nous ne sommes pas liés à la gestion de cet organisme, nous n'avons pas les outils, sauf

que nous disons: II est important, si on donne cette responsabilité à la Régie, qu'elle ait les outils pour faire appliquer sa loi, sauf que nous sommes, comme Conseil, dans l'impossibilité de faire une recommandation d'accroissement des effectifs dans la mesure où on ne sait pas ce que ça signifie concrètement de le faire. Alors, ce qu'on dit néanmoins, pour que l'esprit de la loi soit respecté, c'est qu'il nous importe qu'on ne lésine pas sur les effectifs d'inspection s'il y a un besoin.

Le Président (M. Gobé): Merci, Madame. Mme la ministre, en conclusion.

Mme Frulla-Hébert: En conclusion...

Le Président (M. Gobé): ...le mot de remerciement.

Mme Frulla-Hébert: ...premièrement, je tiens à vous remercier sincèrement, vous toutes. Deux choses pour vous rassurer: la Régie verra l'augmentation de ses effectifs, c'est prévu; et au niveau du classement, je comprends, par exemple, toute la notion de nuances, là: qu'est-ce qui est violent, pas violent et tout ça. Par contre, la Régie a du personnel formé pour le juger et il restera toujours une certaine partie de subjectivité. Mais quand on dit que c'est impossible d'avoir des classements, je tiens à informer cette commission qu'au niveau des catégories, l'Argentine a quatre catégories; l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne et la Norvège en ont six; la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, les États-Unis et la France, eh bien alors, tout pour vous dire qu'ils en ont, une classification; les autres...

Une voix: Oui, mais l'application...

Mme Frulla-Hébert: Non Non Les autres pays ont d'autres classifications; s'ils sont capables de les opérer, on pourrait y voir II va y avoir des difficultés au niveau des marchands de matériel vidéo et je les comprends. Par contre, il faut maintenant peser le possible et le non-possible; chose certaine c'est que, par expérience, d'autres pays le font.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, Mme Lavigne. Merci, Mesdames. Ceci met fin à votre témoignage. Je vais donc suspendre les travaux jusqu'à 15 h 30 cet après-midi, en cette salle, où nous reprendrons la suite des travaux. On y entendra Pacijou Alors, la séance est maintenant suspendue. Bon appétit à tout le monde.

Mme Lavigne: Merci beaucoup (Suspension de la séance à 12 h 7)

(Reprise à 15 h 36)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de la culture va maintenant continuer les travaux qu'elle avait entrepris ce matin. Nous avons le plaisir de recevoir, comme premiers intervenants, le groupe Pacijou qui est représenté par Mme Savard, Mme Chabot ainsi que par M. Brodeur.

Pacijou

Vous connaissez nos règles qui sont relativement simples. On dispose d'une heure pour vous entendre et discuter avec vous. Une vingtaine de minutes sont consacrées à votre présentation Après ça, les membres de l'équipe ministérielle vont discuter, vous interroger pour une période équivalente de temps et, après ça, les membres de l'Opposition ou le représentant de l'Opposition officielle fera la même chose.

Je vous suggérerais tout d'abord de vous présenter. Je sais que vous m'avez fait tout à l'heure une demande à laquelle je m'empresse d'acquiescer, c'est-à-dire de procéder au filmage vidéo de votre présentation. Alors, je vais vous expliquer les règles à suivre. C'est les mêmes règles qu'on suit ici, à l'Assemblée. Je pense que ça fait votre affaire et il n'y a pas de problème avec ça. Après ça, vous m'avez parlé - vous le direz peut-être tout à l'heure - d'un document que vous voulez distribuer. Mme la secrétaire va s'en charger avec plaisir, et les membres de la commission auront en main ce document-là.

En ce qui concerne la présentation vidéo que vous vouliez faire, j'en ai discuté avec les membres de la commission. Ma première réaction, je vous l'ai fait connaître tout à l'heure. Ça été que ce n'était pas dans les habitudes de cette commission, en tout cas, d'accepter que ça se fasse de cette façon, compte tenu que, comme je vous le disais, cette commission est un endroit pour discuter, pour échanger, et les présentations se font verbalement. Je suis sûr que vous pouvez être très convaincants par les paroles que vous avez à prononcer

D'un autre côté, nous sommes dans un domaine un peu particulier qui touche l'image et, à titre exceptionnel... Je voudrais que ça soit bien compris ici, à cette commission; il ne s'agira pas d'un précédent. C'est un cas d'espèce, parce que nous parlons de cinéma, parce que nous parlons d'images. Nous allons donc permettre un court vidéo que vous pourrez présenter à l'intérieur du temps qui vous est alloué, pour les quelques minutes dont vous avez besoin, étant bien entendu que nous le faisons à titre exceptionnel parce que c'est une commission qui siège sur le cinéma, dans le cadre de l'étude d'un projet de loi qui porte sur le cinéma, et étant aussi bien entendu que c'est comme ça que c'est compris et qu'on ne pourra pas procéder dif féremment à d'autres occasions. Je pense que ça

devrait faire votre affaire, alors nous allons procéder comme ça.

Et ce que je tiens à dire aussi, c'est que malgré le fait de présenter un vidéo aux membres de cette commission, nous ne sommes pas ici des juges ou des gens qui sont ici pour apprécier des cas d'espèce qui sont présentés, disant que, ça, c'est excessif, ça, c'est bon, et voici comment les choses devraient se faire. Nous ne sommes pas la Régie du cinéma. Nous ne sommes rien d'approchant. Alors, c'est un petit peu ce que j'avais voulu éviter au début, mais on va faire une exception. Nous allons vous permettre de nous présenter votre court vidéo.

M. Boulerice: On n'est pas allés à Cannes, on a droit à notre petit festival nous aussi.

Le Président (M. Ooyon): C'est ça. On ne parlera pas de ceux qui y sont allés. Mme Savard, vous pouvez peut-être procéder à la présentation des gens qui vous accompagnent. Vous avez la parole pour le temps que je vous ai indiqué. Donc, à vous.

Mme Savard (Diane): Bonjour, Mme la ministre, bonjour messieurs, mesdames. J'aimerais d'abord vous remercier pour le fait que vous nous permettiez de nous faire entendre aujourd'hui. Je me joins à Marie-France Chabot, qui est membre de Pacijou et qui est aussi psychologue et juriste, et à M. Jacques Brodeur qui est enseignant. Aujourd'hui, je suis un petit peu énervée.

D'abord, je vais vous présenter Pacijou. Pacijou, c'est un organisme indépendant à but non lucratif qui, dans les années quatre-vingt, comme de nombreux autres organismes, avait constaté un accroissement de la violence chez les jeunes et dans la société en général. Nous, ce qui nous a particulièrement intéressés, c'est toute la question culturelle, c'est-à-dire les films et les jouets qu'on offrait aux enfants. On s'est rapidement aperçus qu'au niveau des films, des émissions pour enfants et de la culture en général, il y avait aussi une augmentation de la violence et, entre autres, une prolifération des héros qui faisaient la promotion de la violence comme mode normal de fonctionner.

Alors, depuis quatre ans, Pacijou travaille d'abord à faire une sensibilisation auprès des jeunes sur cette violence-là. Peut-être que vous avez entendu parler de la campagne que nous avons menée dans les écoles du Québec où on demandait aux jeunes de se départir d'un de leurs jouets de guerre pour réaliser des sculptures pour la paix qui seront érigées à Montréal et à Québec. Pacijou veut aussi travailler encore dans le sens de trouver des alternatives aux jouets de guerre. Dans ce sens-là, on a proposé l'an dernier, en collaboration avec d'autres organismes, des psychologues, des pédiatres, de nombreux organismes, un concours dans les éco- les où les jeunes étaient amenés à imaginer des jeux, des jouets ou des contes qui feraient la promotion d'autres valeurs que la violence, le racisme, le sexisme, etc, donc, des jeux pour la paix.

Notre action s'inscrit dans l'esprit de la Convention internationale des droits de l'enfant. Cette Convention, qui a été signée par le Canada, comprend d'ailleurs une quantité de principes qui se retrouvent dans nos deux chartes, la canadienne et la québécoise. J'aimerais, entre autres, attirer votre attention sur deux articles de cette Convention internationale des droits de l'enfant qui, à notre avis, touchent plus précisément la question des médias. Alors, je cite ici l'article 29: "Les États conviennent que l'éducation de l'enfant doit viser à inculquer à l'enfant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Évidemment, les États-parties conviennent également que l'enfant doit être préparé à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre et dans un esprit de paix, de tolérance, d'égalité entre les sexes, d'amitié entre tous les peuples et groupes ethniques nationaux et religieux et avec les personnes d'origine autochtone. L'article 17 de cette Convention prévoit aussi que les médias ont une rôle important à jouer dans l'application de ces principes. Nous avons apporté avec nous des courts extraits de films qui sont largement diffusés pour vous permettre de constater, comme nous, l'écart, le clivage, le grand fossé qui existe entre les discours qu'on tient, les voeux que l'on a dans nos chartes et dans cette Convention et la réalité qu'on suggère aux enfants. Alors, avant de continuer, j'aimerais que vous puissiez visionner les quatre extraits qu'on vous a apportés.

(Suspension de la séance à 15 h 44)

(Reprise à 15 h 48)

Mme Savard: Ça, c'est un film, hein? Ce ne sont pas des extraits que nous avons faits. C'est un film qui se vend comme tel. Les meilleures mises en échec de la décennie. Il y en avait un autre qu'on devait voir, un dernier.

Le Président (M. Doyon): On a compris le message.

Mme Savard: Vous avez compris?

Le Président (M. Doyon): C'est des choses dont on était fort au courant, malheureusement.

Mme Savard: Bon. Eh bien! En tout cas, ne serait-ce que pour mettre encore un peu d'assaisonnement sur tout ça, 129 meurtres dans 103 minutes de film, c'est ce qu'on voit quand on écoute "Rambo"; 166 actes de violence quand on écoute les "Ninja Turtles" 84 actes d'agression à

l'heure - tout à l'heure, on l'a vu - c'est la moyenne qu'on voit dans les "G.I. Joe" qui sont donnés tous les jours aux enfants, les fins de semaine, le samedi. En moyenne, un jeune, le temps qu'il ait fait ses cours primaire et secondaire, on calcule qu'il aura vu environ 13 000 meurtres. Alors, on est loin du discours à la pratique.

Pacijou, l'an dernier, a publié un document que nous aimerions vous remettre, dans lequel, notamment, on fait allusion au fait que, chez les jeunes, le sens critique se développe avec le temps et avec l'aide de ses éducateurs et qu'il serait erroné de croire que, avant 13 ans, un jeune est capable d'avoir l'esprit critique à l'égard des publicités ou à l'égard des fictions qui font la promotion de la violence comme mode normal de solution des conflits. D'ailleurs, c'est sur cette même base-là que la Cour suprême du Canada a validé la Loi sur la protection du consommateur, concernant justement la diffusion des publicités pour les enfants de 13 ans.

Alors, ce que nous voulons aujourd'hui, en gros, c'est, finalement, qu'on décide d'une façon urgente de faire un rapprochement entre ce que nous voulons véhiculer comme valeurs aux enfants et ce que nous voulons leur mettre entre les mains pour développer ces pratiques-là. Il est urgent de fournir aux jeunes des outils pour développer des valeurs d'entraide, de coopération, de justice, d'égalité et de respect de la vie humaine. Alors, là-dessus, dans ce mémoire, on vous propose quelques moyens d'intervention. Je laisse la parole à Marie-France Chabot.

Le Président (M. Doyon): Mme Chabot.

Mme Chabot (Marie-France): Merci, M le Président, Mme la ministre, membres de la commission. D'abord, de façon générale, Pacijou est satisfait.. voudrait saluer les efforts qui sont déjà présents dans le projet de loi actuel. Nos interventions vont dans le sens d'accentuer un certain nombre d'orientations. Alors, je vais passer rapidement. Je présume que, quand même, vous avez parcouru le mémoire, mais je vais soulever au passage les éléments les plus importants.

Tout d'abord, puisqu'il s'agit finalement de vigilance sociale, puisque, dans le cadre de la loi, il y a des institutions qui ont pour mandat de scruter le contenu des films ou des vidéos qui sont proposés pour fins de visa, puisqu'il s'agit de vigilance, nous pensons que ce qui est proposé à l'article 8 du projet, à savoir d'identifier trois personnes supplémentaires qui représenteraient des champs d'intérêt prioritaires pour l'Institut, nous suggérons que, déjà, soit décidé qu'une de ces trois personnes-là devrait - donc, on identifie un des champs d'intérêt qui devrait être prioritaire - avoir pour mission spécifique de surveiller la question de la protection des intérêts de la jeunesse en matière de cinéma et de vidéo.

On sait qu'il y a déjà une personne qui est là pour surveiller les intérêts des consommateurs, mais c'est un mandat qui est très large. Si une personne a à surveiller tous les intérêts de tous les consommateurs, on pense que, malheureusement, ça ne lui permettra pas de prioriser ou de donner l'importance nécessaire à la question des valeurs qui sont véhiculées auprès des jeunes du Québec. Alors, notre demande va dans ce sens-là, soit sous la forme d'identification d'un champ prioritaire, soit sous la forme d'un ajout dans la loi, en disant: Une personne pour sauvegarder les intérêts de la jeunesse.

Le reste de mon intervention va concerner la question du classement, c'est-à-dire des types de visas et de la mise en oeuvre du classement. Le projet de loi, là-dessus, commence d'abord par dire à l'article 77 qu'un certain nombre de produits vont être exemptés du classement et, nommément, au premier paragraphe de l'article 77, à la page 8 du projet de loi, on dit que serait dispensé de classement "le film produit à des fins de promotion industrielle ou commerciale à l'exception du film-annonce portant sur un film non dispensé du classement". Pacijou croit qu'il y a là une incohérence avec la Loi sur la protection du consommateur, dans la mesure où on a interdit dans un des articles de cette loi-là la publicité destinée aux enfants de moins de 13 ans. Cet énoncé-là est beaucoup trop général et devrait être restreint en mentionnant que les films de promotion publicitaire devraient faire l'objet d'une analyse, eux aussi, et particulièrement qu'on devrait faire attention à ce qui est présenté aux jeunes de moins de 13 ans.

De façon générale, donc, on ne voit pas pourquoi ce qui est interdit à la télévision serait permis dans les salles de cinéma. Pour nous, c'est sûr qu'on est d'accord avec la position générale concernant la publicité, mais on voudrait qu'une attention particulière soit portée à la question des films qui font la promotion de produits qui, eux, font la promotion de la violence. Donc, cette dispense-là nous apparaît trop large.

Deuxièmement, à l'article 81 de la loi, nous aimons beaucoup le premier alinéa qui identifie que pourraient se voir refuser un visa les films qui vont à rencontre de l'ordre public, et notamment ceux qui encouragent ou soutiennent la violence sexuelle. C'est bien évident qu'on ne va pas s'objecter à ça. Au contraire, on voudrait que ce soit un peu élargi dans le sens où, on sait que, quand on donne un exemple, on n'exclut rien d'autre, mais on indique quand même dans quel univers vont se situer les produits qui vont contre l'ordre public.

On pense que, ici, c'est trop restreint de ne parler que de violence sexuelle. Il faudrait, selon nous C'a l'air de dire que, peut-être, les autres types de violence vont moins à rencontre de l'ordre public, ou ça pourrait être interprété. Comme c'est déjà très difficile, pour les gens

qui ont à faire l'analyse, de démêler entre ce qui va contre l'ordre public et ce qui ne va pas... On sait que, dans d'autres lois du Québec, c'est toujours difficile à interpréter, qu'on soit juge ou juriste. Il serait utile, on pense, d'ajouter une ligne directrice et d'ajouter à la notion de violence sexuelle: "Et toute autre forme de violence faite à rencontre des enfants ou des adultes". On ne voit pas pourquoi ça irait moins à rencontre de l'ordre public quand ce n'est pas de la violence sexuelle.

Pour le reste, il s'agit donc de voir comment on va mettre en oeuvre cette volonté de vigilance et cette volonté de ne pas, je dirais, bourrer le crâne de nos enfants - de la jeunesse en particulier, donc - d'idées de violence et de ne pas banaliser cette chose-là. On dit: Pacijou reconnaît qu'il s'agit là d'une entreprise périlleuse, difficile, et qu'il n'y a pas de raccourci quantitatif simpliste pour faire une telle oeuvre de vigilance et de scrutin. Dans ce sens-là, on pense qu'il y a de l'énergie à mettre dans une grille d'analyse qui pourrait peut-être être confiée aux membres de l'Institut dont le champ d'intérêt prioritaire serait la sauvegarde de l'intérêt de la jeunesse, mais on donne déjà quelques suggestions particulières.

C'est bien sûr qu'on suggère que le visa soit refusé quand un film fait la promotion de la violence en général, mais on sait qu'il faut la définir, cette promotion-là. Encourage, soutient... Mais on dit aussi: Bon, il y aura un certain nombre de films qui passeront à travers la grille d'analyse et qui recevront un visa. Peut-être que, nous, on aurait une grille d'analyse plus sévère que ce qui sera retenu. On ne peut pas préjuger, mais on dit: Ceux qui, déjà, contiennent beaucoup d'actes de violence, même s'ils sont considérés comme n'en faisant pas la promotion, étant donné qu'à long terme, le fait d'en voir beaucoup banalise la violence, nous désensibilise, fait qu'on réagit moins fortement, on pense qu'il faudrait qu'il y ait une... Puisque le projet de loi le permet, qu'on puisse caractériser... C'est mentionné au dernier alinéa de l'article 81, c'est permis de caractériser les films. On voudrait que ceux qui reçoivent quand même un visa de "18 ans et plus", mais qui contiennent beaucoup de violence, portent une mention: "Film contenant de la grande violence" et une mise en garde du même type que ce qu'on voit sur les paquets de cigarettes. Vous avez ça à la page 8 de notre mémoire. On voudrait que soit inscrite, sur les films qui auraient passé à travers la grille d'analyse, la mention suivante: "Le danger d'influencer de façon dommageable le comportement et la santé mentale croît avec l'usage." Ces affirmations sont quand même fondées sur des recherches faites au niveau de l'ONU, de l'UNESCO et, finalement, la Corporation des psychologues de la province est d'accord avec ces choses-là. Donc, essentiellement, un resserrement de la grille, un élargissement de la notion de violence au-delà de la question de la violence sexuelle et une mention claire pour dire qu'il faut faire attention, qu'il faut être vigilant.

Le Président (M. Doyon): Mme Chabot, il resterait environ une minute au temps qui vous était alloué. Si vous voulez résumer ou, en tout cas, il restera moins de temps, si les parlementaires sont d'accord, pour la discussion ultérieure.

Mme Chabot: J'ai terminé, pour ma part. Le Président (M. Doyon): Très bien. Mme Chabot: M. Brodeur.

Le Président (M. Doyon): M. Brodeur.

(16 heures)

M. Brodeur (Jacques): Merci. Messieurs, mesdames, la partie que j'ai à faire, si je dois la faire en une minute, se résume en quelques mots. Le projet de loi lui-même mentionne qu'il y aura de l'argent destiné à des entreprises de cinéma. Pacijou propose que ce soit de l'argent qui soit destiné a des groupes qui ont des alternatives à proposer à l'utilisation de la violence comme mode de solution de conflits, par voie de règlement ou inclus dans la loi. Deuxièmement - et voilà quelque chose d'assez nouveau - nous proposons à cette loi de reconnaître officiellement le principe, dans le domaine culturel, du pollueur-payeur. Il y a quelqu'un qui met en circulation des produits qui font la promotion de la violence ou qui la rendent banale. Nous proposons qu'il y ait une taxe imposée à l'utilisation de ces produits, taxe qui pourra être utilisée pour toute forme d'indemnisation de victimes d'actes criminels, et particulièrement les femmes victimes de violence au foyer, violence conjugale, et d'enfants victimes de violence. Vous savez que, dans notre pays, il y a des maisons d'hébergement où des personnes sont obligées d'aller se réfugier pour se cacher de leur propre mari, la personne qu'elles aiment le plus au monde. Nous croyons que les personnes qui bénéficient de la circulation de la violence dans notre société ont une responsabilité par rapport à ces dégâts sociaux, qui entraînent des coûts collectifs que nous sommes obligés d'assumer ensemble.

Notre proposition c'est que, lorsqu'une compagnie pollue un ruisseau, bien sûr, il y a des services publics qui se chargent de dépolluer le cours d'eau, mais les frais doivent être imputés à l'usine qui a été, par sa négligence, responsable de cette pollution-là. Nous proposons le même raisonnement dans le domaine de la culture. Il y a des gens qui font de l'argent avec la violence, qui la diffusent des centaines de fois à l'heure, pour des raisons tout à fait inutiles, auprès de clientèles qui sont absolument sans défense.

L'exemple le plus flagrant, actuellement, c'est la fureur qui existe chez les enfants d'âge préscolaire et primaire de se procurer un objet sur lequel est dessinée une tortue Ninja, parce que c'est le film qui en fait la promotion, de la violence. C'en est un film qui fait la promotion de la violence. Et ce film a même été reconnu par des enfants comme un produit toxique Sauf que, comme c'est un produit qui est béni, un produit pour lequel on peut se présenter dans n'importe quel club vidéo et obtenir, sans aucune espèce d'identification, une cassette de ce genre-là - on a même vu, chez certains concessionnaires de clubs vidéo, que des enfants voient ça pour leur troisième anniversaire. Le papa arrive avec le petit fiston sur les épaules; il vient chercher sa cassette: Oui, tu vas pouvoir voir la tortue Ninja, papa la loue pour une semaine. Pendant une semaine, combien de scènes de violence un enfant voit-il auxquelles il devient accoutumé? - Alors, plus tard, le jour où il a une chicane avec sa conjointe, pour toutes sortes de raisons, de troubles ou de difficultés dans lesquels il se trouve, comment, un jour, pourrions-nous arriver à dire que la société n'a aucune responsabilité à cet égard, que c'est cette personne-là qui est coupable, elle seule, d'avoir utilisé la violence contre sa propre conjointe?

Messieurs, dames, c'est ce que nous proposons à la partie 4 de notre mémoire. Nous espérons que ça pourrait être utile aux pollueurs, d'abord, de connaître l'existence d'un tel risque, d'une telle menace, d'une telle pénalité et, deux, que ce serait faire preuve de leur part d'une logique et d'une responsabilité par rapport à la circulation des produits qu'ils mettent à la disposition de la clientèle, particulièrement des jeunes.

Merci de votre attention pour la partie dont j'étais chargé. Il reste la conclusion de notre présidente Diane.

Le Président (M. Doyon): Oui. Allez-y, Mme Savard.

Mme Savard: Simplement, dire qu'effectivement, parce que je considère que l'environnement culturel qu'on donne aux jeunes est déterminant dans leur comportement et qu'il faudrait que les institutions aient enfin un rôle primordial à jouer là-dedans. Et je voulais souligner qu'il est intéressant de savoir que les jeunes viennent à l'école, évidemment, pour s'éduquer, pour apprendre des valeurs, mais le CRTC lui-même a fait des études et il semblerait que les enfants viennent à l'école 1000 heures par année, mais qu'ils écoutent la télévision 1300 heures par année. Alors, c'est comme une école parallèle. Et c'est à ça, nous autres, qu'on réagit beaucoup, puis on se dit que ce serait dangereux de laisser aux producteurs ou aux forces du marché le choix des valeurs qu'on doit donner aux jeunes On conclura là-dessus

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, Mme Savard. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: J'aimerais vous remercier d'être ici, d'abord; deuxièmement, non seulement vous féliciter pour votre travail mais aussi pour votre cause. Si nous avons regardé de près toute la classification des films et essayé de l'étendre - parce que c'est ce qu'on veut - à la vidéocassette c'est parce qu'effectivement il y a un besoin - on en est très conscients - qui est pressant et qui fait aussi le consensus social.

Maintenant, nous, dans notre loi, évidemment, on essaie d'établir des paramètres, autant des paramètres qui sont, si on parle de classification - selon ce qui est présenté, selon la recommandation de l'Institut - qui sont restrictifs, d'une certaine façon, et aussi informatifs, c'est-à-dire qu'il faut aussi informer la population et les parents. Je vous écoutais parler et, avec raison, vous nous parlez du cinéma, vous nous parlez des jouets, vous nous parlez... c'est autour de nous, partout. J'aimerais vous demander, Mme Chabot, qui êtes aussi pshychologue, et vous êtes psychologue professeur, etc., où nous, comme législateurs - parce que quelque part on a une responsabilité de législateur mais on sait très bien aussi jusqu'où on peut aller ou quels paramètres on peut établir, mais, quelque part, on sait où on commence et on ne sait pas tout à fait où est-ce qu'on finit - jusqu'où, nous, on peut aller et jusqu'où se situe la responsabilité des parents. Parce que le problème aussi, c'est effectivement que la société en soi doit se donner des mesures, mais c'est aussi, et on le remarque, les parents qui placent leurs enfants devant la télévision pour s'en débarasser, 26,3 heures par semaine, la consommation de télévision. Alors, je voulais juste vous demander un peu votre opinion sur où on doit arrêter, nous, comme législateurs, et ce qu'on doit faire ensuite pour informer les parents, ou ce que les groupes doivent faire pour informer les parents parce qu'il y a une responsabilité qui existe et qui, à notre avis, est peut-être un peu déficiente

Le Président (M. Doyon): Mme Chabot.

Mme Chabot: Bon, je pense qu'on n'est peut-être pas rendus vraiment au stade où il faut se demander: Est-ce qu'on est allés trop loin, ou bien où est-ce qu'il faut s'arrêter? Il me semble qu'on est encore dans les débuts. Mais je vous dirais, pour être mère moi aussi, qu'il faudrait du moins s'assurer qu'on ne vient pas compliquer la tâche aux parents, ne pas laisser les diffuseurs compliquer la tâche d'éducateur ou d'éducatrice. Le fait de savoir, par exemple, que tous les jours ou plusieurs fois par semaine, cette espèce de matériel toxique est disponible facilement et que le parent responsable devra donc mener une bataille, un débat, pour convaincre son enfant

que ce n'est pas bon, déjà, c'est lui compliquer la tâche. Parce qu'on ne peut pas présumer que les parents ne sont pas conscients des dangers que peuvent comporter ces choses-là. Les écoles travaillent beaucoup en collaboration avec les parents là-dessus. C'est sûr qu'il y a encore de l'éducation à faire. Et c'est la, dans notre conclusion, on pointait le partenariat entre le ministère de l'Éducation et le ministère des Affaires culturelles. Déjà, dans le temps, c'était M. Ryan qui était en fonction à ce niveau-là; il y a eu collaboration avec Pacijou et d'autres groupes pour qu'il y ait du matériel fourni aux écoles. Et quand c'est rendu dans les écoles, les professeurs travaillent avec les parents.

Ce qu'il faut, c'est aider les parents déjà conscients à renverser la vapeur. Parce que la pression du groupe, quand il y a trois enfants dans un groupe d'enfants, qui arrivent habillés en Ninja, les deux autres, si c'est un groupe de cinq, disent: Moi, je veux être comme les autres, parce que les autres sont majoritaires. Si dans un quartier... Déjà un bon nombre de parents sont conscientisés, mais ils sont minoritaires. Si l'école leur donne un support, ils prennent de la force et peut-être qu'on peut renverser la vapeur. Je dirais donc en conclusion: II faut travailler dans le sens de soutenir les forces déjà en place dans le monde scolaire, dans les groupes populaires, de sorte qu'eux vont faire leur travail de sensibilisation, toujours dans un climat de démocratie et de liberté, et peut-être empêcher un certain nombre de forces qui, elles, sont centrées sur d'autres intérêts de nuire.

Mme Frulla-Hébert: Mais dans le cas, par exemple, que vous soulevez du père, justement, qui va, pour la fête de son fils de trois ans, de quatre ans, louer un film Ninja Turtle comme cadeau, comment peut-on empêcher ça? Vous dites: II ne faut pas compliquer la tâche des parents. D'une part, c'est vrai, mais d'autre part, est-ce que, en 1991, les parents dont le contexte social a beaucoup changé - plus d'une famille est monoparentale - donc plus de responsabilités, plus de fatigue. Les parents travaillent, sont moins présents, etc. Vous ne trouvez pas qu'il y a un laxisme de la part des parents? Parce que bien souvent ils le savent, mais... Il n'y aurait pas un relâchement? Selon votre expérience, selon vos rencontres?

Mme Savard: Personnellement, je rencontre souvent des parents. En fait, dire que les parents sont vraiment informés du danger qui croît avec l'usage - on fait le parallèle avec la cigarette - ce n'est pas évident que les parents font ce lien-là. Parce qu'ils voient leur enfant, mais ils ne voient pas, comme nous, par exemple, dans les écoles, tout un environnement culturel. On voit bien l'impact que ça a. Mais quand les parents décident finalement de faire quelque chose, leur enfant leur répond qu'ils peuvent l'avoir n'importe comment au club vidéo. Tu as dix ans, si tu as un peu d'argent et que tu as une carte, tu vas te chercher toi-même ce que tu veux, même les films qui sont cotés "18 ans". "Robocop 2", par exemple, est accessible à n'importe quel enfant à partir de cinq ans dans les clubs vidéo. Et les parents font aussi confiance aux institutions qui présentent ça à la télévision, parce qu'ils imaginent que ces gens-là, ils ont réfléchi à tout et que ça a du bon sens. C'est souvent vrai qu'ils sont laissés devant la télévision, les enfants, mais je pense que de clarifier qu'il y a un danger, de l'inscrire carrément, ça donne, un, des arguments aux parents et, deux, une certitude. Parce qu'il y en a qui doutent. Vous savez, il y a toujours un psychologue pour dire le contraire. Il y a toujours quelqu'un pour dire le contraire. Il y a même des compagnies qui se trouvent des psychologues pour justifier ce qu'elles font. Donc, au nom de la liberté de ci et de ça, on fait n'importe quoi et on n'agit pius. C'est dans ce sens-là que si, comme gouvernement, on décidait qu'on faisait quelque chose là-dessus, au moins on aurait quelque chose de clair, de plus net. Ça aiderait les parents, les enfants aussi.

Le Président (M. Doyon): M. Brodeur, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Brodeur: Oui, la langue me démange parce que, lorsque nous avons ramassé ces fameux jouets de guerre pour les faire servir à un monument de paix, nous nous posions la même question que Mme Frulla-Hébert se pose: Comment allons-nous faire pour convaincre les enfants qu'ils peuvent se débarrasser de cette culture guerrière et violente et la faire servir à quelque chose de pacifique. Avant de l'essayer, on ne savait pas ce que les enfants allaient nous répondre mais quand on a reçu 6000, 10 000, 15 000, 20 000 jouets de guerre, on s'est aperçus que même les enfants n'attendaient qu'une occasion pour pouvoir investir de ce côté-là de leur avenir. C'est un peu la réflexion qu'on leur a fait faire. Les parents nous ont envoyé des lettres à l'école pour dire: Merci beaucoup. Moi, à toutes les fois que Noël approche ou que la fête de mon petit chouchou approche, sa grand-maman appelle et elle me dit: Qu'est-ce que Frédéric voudrait avoir, tu penses, pour sa fête? Bien, cet enfant-là, il désire quoi? Il désire ce que le média culturel le plus puissant actuellement en Amérique du Nord, la télévision, ce que ce média-là a proposé à cet enfant-là.

Comme la publicité est interdite aux enfants de moins de 13 ans, qu'est-ce que ces compagnies-là ont trouvé? Elles ont trouvé des dessinateurs qui ont conçu des scénarios d'émissions qui font maintenant la promotion d'un produit qui est disponible au magasin. La compagnie de télévision n'a même plus à payer pour produire quelqu'un qui lui fabrique une émission de

télévision, la compagnie de jouets s'est inventé un scénario et une émission pour faire vendre le produit au magasin. Alors, le petit Frédéric, pour Noël, qu'est-ce qu'il voudrait? Il aimerait bien la collection de "G.I. Joe". Alors, la grand-maman qui aime beaucoup son petit Frédéric, elle pense, elle, que le "G.I. Joe", coudon, elle est en train de faire les repas quand il regarde ça, elle no le sait pas ce que ça contient et elle ne l'a pas compté ce que ça faisait et elle dit que ça ne doit pas être si pire, que, dans le temps, on regardait Roy Rogers ou Rintintin ou tout le reste. Alors, la grand-maman, de bonne foi, elle pense que, pour faire plaisir à l'occasion de Noël, de la fête de la paix, oui, on peut acheter des "G.I. Joe". Voyez comment la roue est organisée pour que la promotion de ces produits que nous disons toxiques se fasse par elle-même et aille en se multipliant.

Quel est notre mécanisme à nous, notre façon de travailler comme groupe? Nous proposons aux enfants quelque chose d'encore plus extraordinaire que ce qu'ils avaient vu à la télévision: de faire servir leurs jouets à construire un monde de paix. Est-ce qu'on est en faveur de la paix, les amis? Là, les enfants disent oui. Alors, leurs bébelles qui servaient à mitrailler, ils les font tout à coup servir, avec leur jugeotte, à quelque chose qu'ils pourraient dire: Non. Moi là, je suis prêt à arrêter de jouer à la guerre si on peut me promettre qu'il n'y aura plus de chicane.

Parce que la première guerre à laquelle ils assistent, c'est celle qu'il y a dans la maison chez eux entre leur père et leur mère et elle est populaire, messieurs, dames. Elle est populaire, cette guerre-là. C'est la même guerre qui se produit dans les bouches de métro à Montréal et la même guerre qu'il y a dans les corridors de nos écoles ou au coin de certains abribus à la fin des fins de semaine pour certains groupes de jeunes à bottes lacées, assez hautes. C'est devenu une distraction, la fin de semaine de terminer sa soirée en frappant à coups de pied un individu qui attend l'autobus parce qu'on est une douzaine de gars et on veut avoir un peu de "fun". Je cite là, actuellement, les paroles du chef de police de Québec, M. Bergeron: Nous n'avons plus de mobiles, M. Brodeur, pour les crimes. Actuellement, les jeunes maltraitent quelqu'un d'autre pour le "fun". On reprend un élève dans les corridors, qui bouscule quelqu'un d'autre, on lui dit: Voyons, pourquoi tu lui dis qu'elle est une crisse de folle? Ah1 C'est juste pour le "fun", Jacques. C'est juste pour le fun" C'est mon amie. C'est devenu partie de la culture. Nous sommes bien ici dans une commis sion de la culture. Nous venons vous dire que, oui, il faut proposer des alternatives emballantes, excitantes, passionnantes aux enfants et ils n'attendent que ça.

Nous ne demandons pas au ministre ou a la ministre ou à l'ensemble du gouvernement d'inventer tout ce qui va être une alternative pour les enfants. Non, mais de soutenir ceux qui essaient d'en inventer et qui en trouvent. Voyez, notre caméraman porte actuellement un chandail de Mafalda. C'est un auteur argentin réfugié en Italie, qui nous a autorisés à faire imprimer sur 50 000 chandails le dessin de son héroïne, qu'il a inventée dans un régime militaire. Il l'a inventée et il l'a publiée. Il nous a permis de l'utiliser ici pendant qu'elle est en train de jeter dans une poubelle une carabine jouet et elle dit: Voilà la seule façon d'obtenir la paix dans le monde. Derrière chacun de nos chandails, il y a Michel Rivard qui a accepté d'écrire lui-même "Bâtir ici un pays sans sexisme, sans racisme, sans violence".

C'est plus le "fun" que juste bâtir un pays. Parce que ça, ça met une couleur et ça met un contenu appétissant, que le pays soit le Canada, l'Amérique du Nord, la planète entière ou le Québec, pour nous ce n'est pas là que la discussion porte C'est le contenu que va avoir cette société-là. Et c'est en train de devenir le chandail le plus vendu dans la région de Québec. Ce n'est plus la tortue Ninja qui règne dans la région de Québec. À La Super Enfant-Fête, ici cet après-midi, j'ai rencontré des centaines d'enfants avec leur chandail de la paix. Alors on leur a proposé une alternative et ils l'ont achetée. Excusez-moi de la longueur de la réponse. (16 h 15)

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Brodeur. Mme la ministre

Mme Frulla-Hébert: M. Brodeur, effective ment, quand on apporte des solutions positives... Dans notre cas bon on parle de la classification. C'est sûr qu'au niveau de la télévision ce qu'on veut c'est, par l'exemple, influencer les télédiffuseurs à en faire autant sachant que, pour l'instant en tout cas, (a réglementation est dans les mains du CRTC. Et on est aussi tous au courant des dessins animés japonais qui sont extrêmement violents, qu'on présente aux enfants.

Il y a quand même certaines objections, parce que tout le monde est d'accord sur la classification, tout le monde est d'accord qu'il y a quelque chose à faire. Et quand vous dites qu'il faut maintenant accorder le discours aux actions, il est temps de le faire. Par contre, il y a l'application aussi. Pour ce qui est des salles de cinéma, on va entendre leur mémoire la semaine prochaine Selon leur mémoire, il semblerait qu'il n'y ait pas trop de trouble. Par contre, au niveau des magasins de vidéo, par exemple, les marchands de vidéo, eux se voient avec un certain problème, c'est-à-dire comment juger l'âge de l'enfant. Parce que souvent l'enfant va venir chercher pour son père ou enfin l'enfant va venir rapporter. Eux disent: On ne peut pas contrôler à la maison non plus. Le

père peut bien venir le chercher lui-même et, à la maison, présenter à l'enfant ce qu'il veut. Comment voyez-vous ce contrôle puisqu'il n'y a pas de carte obligatoire, etc. ? Est-ce que vous trouvez que c'est une objection qui se tient ou...

M. Brodeur: Je sais que mes deux collègues ont une réponse, mais avant de vous la donner, je voulais vous signaler que les huit extraits de films que nous vous aurions présentés si on avait eu plus de temps passent du tout à fait banal, vraiment, du dessin animé pour enfants jusqu'au plus macabre. Dans tous les clubs vidéo où nous avons fait enquête pour obtenir ces cassettes-là, il n'y avait aucune mention d'âge requis - et je vois que, dans votre loi, il est supposé y en avoir - il y en avait antérieurement. Vous proposez de les changer, vous. Bien, les anciennes ne sont même pas là. La personne qui louait les cassettes ne savait même pas pour quelle catégorie d'enfants c'était réservé. Elle n'en avait même pas une idée. Nous avons examiné les cassettes elles-mêmes. Elles ne contenaient aucune consigne de ce côté-là. Je laisse maintenant la parole à mes collègues qui voulaient répondre.

Le Président (M. Doyon): Mme Savard.

Mme Savard: C'est ça. J'enchaîne là-dessus parce que le problème avec les vidéoclubs et la vente à des enfants de n'importe quel âge... Moi aussi j'ai vérifié un peu partout et c'est la même chose, sauf que pourquoi, dans les dépanneurs, on arrive d'une certaine façon à contrôler la vente de bière, par exemple, aux jeunes ou la vente des cigarettes? Il y a au moins quelque chose de clair là-dessus pour les jeunes sur cette vente-là. Pourquoi il n'y aurait pas la même chose au niveau des vidéos? Parce que quand on téléphone à ces gens-là, qui sont des distributeurs, qui sont avec les gens, ils ne sont même pas au courant de ce qui se passe. Tout ce qu'ils savent, c'est qu'il y a des films xxx et ceux-là, il n'est pas question de les donner aux enfants. Et moi, on m'a même répondu: Le critère c'est que quand on voit un sein, bien là on se dit: On ne donnera pas... On n'est pas des fous, on ne va pas louer ça à des enfants. C'est ça, les critères. Alors, déjà, clarifier ça.

Mme Frulla-Hébert: Pour vous répondre M. Brodeur, effectivement, la vidéocassette n'était pas classée à part des films, comme vous dites, de 18 ans qui sont... enfin, très, très explicites, etc., qui étaient mis à part. Donc, de là le besoin de les classer. Mais ceci dit, quand on parle de vente de bière, ça, c'est 18 ans. Il y a une catégorie. À 18 ans, on peut demander si la personne est adulte ou non. Mais là nous ce qu'on propose c'est 13 ans, 16 ans, 18 ans. Alors il y a des groupes qui font des représentations qui vont venir s'exprimer en commission par- lementaire et qui disent: On veut bien, mais ça va être difficilement contrôlable. Qu'est-ce que vous en pensez?

Le Président (M. Doyon): Simplement, brièvement, parce que le temps maintenant s'écoule. Je devrai donner la parole au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques tout de suite après. Vous avez la parole pour la réponse.

Mme Chabot: Peut-être une réponse courte qui sera nécessairement incomplète. On pourrait partir du principe que tous les vidéos violents, spécialement violents, ne devraient pas être vus par des jeunes de moins de 18 ans. Ça simplifierait si on mettait vraiment ces vidéos dans la catégorie des "18 ans et plus". À ce moment-là, ça simplifierait le travail des préposés et je vais plus loin, je pense que ça ne devrait pas être dans les étalages, dans la surface de circulation des clients, ça devrait être derrière le comptoir-Une voix: Oui.

Mme Chabot:... et qu'il devrait y avoir des catalogues, peut-être, que les personnes puissent feuilleter. C'est donc une forme d'irritant ou de barrière qui rend peut-être l'achat un petit peu plus difficile, qui rend ça moins accessible. C'est en partie symbolique, en partie concret, mais déjà il s'agirait de simplifier.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Chabot. Maintenant, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, Mme Savard, Mme Chabot, M. Brodeur, j'aurais presque le goût de vous dire d'emblée - mais rassurez-vous, ce n'est pas une boutade pour déprécier ce que vous avez fait - que dans le vidéo, il manquait peut-être aussi les images du Parlement de Taiwan, puisque nul n'est à l'abri de la violence. Vous avez sans doute vu ces scènes extrêmement disgracieuses, à la télévision. Vous nous apportez une réflexion qui est extrêmement riche avec, par contre, la contrainte, pour mes collègues et moi, d'une commission parlementaire où, forcément, le temps est limité sauf que, comme vous discutez de valeurs comme telles, c'est un petit peu... je vous avoue, très frustrant pour nous d'amorcer un débat avec vous au moment où on préférerait peut-être qu'il dure trois heures, quatre heures, cinq heures, enfin, il y a matière à avoir une très longue réflexion avec vous à ce niveau-là.

Vous abordez une thématique qui m'a toujours préoccupé, celle du développement d'une culture nationale, et l'exemple de ces jouets de guerre pour la paix, c'est ça, le développement d'une culture nationale et non pas la nationalisation d'une culture étrangère et, effectivement, on a francisé tous ces trucs japonais ou américains. Ils parlent notre langue mais introduisent des

notions qui, nécessairement, n'étaient peut-être pas celles des Québécois, fondamentalement Mais l'habitude venant, enfin, c'est tentant, alors, on consomme, on consomme, on consomme et on y arrive et finalement, c'était un des grands défis que je voyais, il y a des années, dans un débat sur tout ce truc informatique en disant: Oui, d'accord, mais qu'est-ce qu'on va nous apporter avec cela si on ne crée pas, nous, nos propres choses? On n'a pas créé nos propres choses, nous sommes actuellement à consommer un produit qui est étranger et dont les valeurs sont étrangères. Et je pense que c'est ça que je voulais vous dire en disant: La richesse, la réflexion que vous amenez, sauf que, pas à notre décharge, mais une réalité à... Nous sommes législateurs et il y a là-dedans forcément des notions de valeurs.

Écoutez, c'est bien plus facile pour nous de voter une loi, on va dire: Vous avez droit, vous, Mme Brodeur, à cinq, et vous aurez une taxe. Si vous vous achetez un excédentaire, vous passez à huit. Ça, c'est facile, c'est très mathé matique, légiférer dans ces domaines-là pour nous. Bon. Il y a une tradition. Légiférer là où il y a des valeurs, je vous avoue que c'est difficile; c'est extrêmement difficile et j'essaie de voir dans quelle mesure je vais réussir à m'insérer à l'intérieur de ça.

Juste pour ajouter encore aux commentaires préliminaires, vous avez fait mention de l'école. On demande beaucoup à l'école; on demande plus souvent à l'école qu'on demande aux parents. L'école est le miroir de la société, il ne faut pas se le cacher. Si on change l'école, on change la société et si on change la société au lieu de changer l'école, je pense qu'il y a une interconnexion. Inévitablement, je me demande dans quelle mesure, à l'école, il se passe les choses que l'on souhaite. C'est là que l'on reçoit, à l'exception de la famille, les premières notions de valeur. Est-ce que l'école fait une bonne promotion? La question se pose. Je sais qu'il y a des écoles où on peut jouer avec le "PC", je m'excuse, l'ordinateur, mais on peut apporter ses jeux. Donc, il n'y a pas de contrôle.

Ceci dit, bon. Nous, on n'a pas de contrôle, ma collègue, la ministre l'a dit, on n'a pas de contrôle sur la télévision, ce n'est pas l'objet, je ne vous dis pas qu'il ne faudrait pas avoir un contrôle sur la télévision puisqu'on nous y montre... Mercredi, moi, j'ai écouté "Crocodile Dundee II" là, et mon Dieu! Qu'il s'en est tué, du monde, au cours de ce film. Et je me demande si ce n'est peut-être pas ça, la véritable pornographie. Mais enfin, la société est un peu hypocrite aussi lorsqu'elle discute de valeurs, vous allez en convenir avec moi. Maintenant, dans le cas précis de la loi que nous avons devant nous et sachant que cette violence-là, il faudra tout faire pour l'enlever, donc, je présume que vous êtes d'accord avec l'extension du classement de films par catégorie d'âge pour ce qui est des vidéocassettes.

Une voix: Oui, certainement.

M. Boulerice: Certainement. Bon, est-ce que vous souhaitez une plus grande réglementation en regard de la diffusion de films violents à la télévision aux heures de grande écoute? On n'a peut-être pas un CRTC mais on a quand même un pouvoir d'intervenir et de faire entendre une volonté politique... Vous allez là-dessus également Est-ce que la grille de classement des films qui est proposée actuellement par le projet de loi vous semble adéquate?

Mme Chabot: Nous avons mentionné que nous ne nous attaquons pas aux catégories telles qu'elles sont faites. Ce sont différents paliers. Ce qui est vital, c'est de savoir quelle grille d'analyse nous utiliserons et quelle est la proportion de ce matériel qui sera bloquée par le critère "film qui va à rencontre de l'ordre public" ou "vidéo qui va à rencontre de l'ordre public". Plus la grille va être lâche, plus ces catégories-là perdront leur sens. Si les critères de ce qui va à rencontre de l'ordre public sont laxistes, là, c'est dramatique mais ça va devenir finalement une échelle d'accessibilité au matériel. Nous souhaitons que les critères de la grille d'analyse soient rigoureux de sorte que ce qui passe à travers elle et qui devient accessible au visa général soit vraiment épuré. Si la grille est lâche, cet escalier-là perd son sens.

M. Boulerice: La grille, Mme Chabot, c'est la Régie du cinéma qui l'établit. C'est elle qui est en charge du contrôle et de la surveillance, donc de l'émission. Alors, quels seraient les éléments de grille que vous considérez insuffisants.

Mme Chabot: J'ai mentionné, si vous me permettez...

M. Boulerice: pour lesquels

Mme Chabot: à l'article 81 du projet de loi, on dit que devraient se voir refuser un visa ceux qui vont à rencontre de l'ordre public, notamment ceux qui encouragent ou soutiennent la violence sexuelle. Alors, nous disons: Ceci est trop restreint comme exemple contenu dans la loi elle-même On devrait aider ceux qui devront administrer la grille d'analyse et procéder au classement en leur indiquant que les films qui encouragent et soutiennent la violence, pas seulement sexuelle, mais la violence physique quelle qu'elle soit envers les enfants et les adultes. Qu'il y ait de la violence qui soit présente... c'est presque inévitable qu'il y en ait une certaine quantité puisque dans la vie, il y a des conflits et il y a quelquefois dans certains scénarios des événements qui tournent à la

violence. Un film pourrait présenter de la violence et être quand même un bon film dans la mesure où la morale de l'histoire nous dit que c'était un mauvais choix de solution ou que, du moins, on déplore ce choix de solution fait à ce moment-là. Si, par contre, le scénario du film encourage l'auditeur, quel que soit son âge, à utiliser cette modalité de résolution des conflits, de façon unique ou privilégiée, là, on dit: Même si ce n'est pas un viol, ça va contre l'ordre public. Donc, il faut que le "notamment" dans le projet de loi soit élucidé. Tous ceux et celles qui le liront, tous ceux qui auront à l'appliquer et ça pourra, si c'est présent dans la loi, faire son chemin dans les directives qui seront acheminées vers les distributeurs ou autrement.

M. Boulerice: D'accord. On discutait de valeurs, Mme Chabot. De façon à nous aider, je vais vous poser cette deuxième question. Le 26, Radio-Canada va entreprendre une série de cinq émissions sur la Révolution française. Il y a peut-être eu la Convention mais il y a eu la terreur. Il y a eu des têtes qui ont roulé. Est-ce qu'on va interdire la projection de ce film-là parce qu'il y a des scènes de violence ou bien donc vous me parlez de la violence, elle, fictive dans le sens de gratuite, le "Miami Vice" où on fabrique de toutes pièces des situations...

Mme Chabot: Écoutez...

M. Boulerice: ...qui entraînent des scènes de violence? (16 h 30)

Mme Savard: Ce qu'il faut comprendre dans ce qu'on dit, c'est qu'actuellement, à la télévision, avec les films, on est en train de faire croire aux jeunes que la meilleure façon de se comporter, et qu'il n'y en a pas d'autres possibles, c'est avec les poings ou les fusils, de toute façon, avec de la violence. Tous les scénarios qui nous sont proposés en fiction et qui mettent de l'avant des héros auxquels les jeunes ont le goût de s'identifier, je parle des Rambo, je parle des Rocky, les jeunes ont le goût de ressembler à ces personnes-là. Ils s'habillent comme eux, ils se comportent comme eux. C'est eux qu'on met de l'avant comme les vedettes: le citoyen modèle... Et le citoyen modèle, qu'est-ce qu'il fait? Ça lui prend du temps avant de se choquer. Ça, on est choqués quasiment 20 minutes avant lui, mais quand il est choqué, là, il n'y a plus rien à faire. Là, il n'y a plus personne qui résiste et, en fait, on est bien contents, on est comme défoulés. Mais après, qu'est-ce qui se passe? C'est que les jeunes font la même chose dans la cour de récréation ou même dans la rue.

Évidemment, des films historiques qui vont démontrer des faits ou même de la violence pour montrer que ça existe, on n'est pas pour mettre nos enfants dans des carcans, à l'abri de la réalité. On veut leur montrer la réalité telle qu'elle existe, mais ce n'est pas vrai que c'est la réalité, que pour gagner ou arriver à résoudre tes problèmes, il faille absolument éliminer le méchant parce qu'il faut toujours se poser la question. Là, pour l'instant, le méchant, il est bien défini, il est très stéréotypé, il est à la télévision. Mais le jour où le méchant, c'est nous, c'est là que le problème se pose. C'est parce que eux, dans leur tête, ils sont les bons, comme nous, on est les bons. On est tous les bons aujourd'hui. Mais le jour où l'enfant, le problème, c'est nous qui le posons, bien, c'est avec nous qu'il le règle, à la façon de son héros.

Et d'ailleurs, c'est intéressant de savoir que dans ma classe - j'ai fait des petits sondages de temps en temps - les enfants s'identifient à des héros. Les héros auxquels ils s'identifient sont tous des héros qui viennent des États-Unis et, là, les enfants ont envie d'aller s'installer aux États-Unis. Les enfants vivent par procuration avec les modèles qu'on leur donne et transposent ça dans leur réalité. Et c'est ça, nous autres, qu'on veut dire: Écoute, est-ce que c'est ça, la vision du monde qu'on a envie de montrer à nos enfants? Moi, je sais, comme enseignante, que ce n'est pas ça que je fais.

J'ai des gros volumes, épais comme ça, aussi avec le ministère de l'Éducation, des gens qui ont réfléchi et tout et d'un autre côté la télévision défait tout le travail qu'on fait, nous. Alors, c'est ça que je dis, qu'il faut qu'on travaille ensemble, avec le ministère des Affaires culturelles et le ministère de l'Éducation. Il faut que, nous, on soit soutenus à quelque part. Quand tu dis aux enfants que... Aie! Il y en a, par exemple, qui voient... L'autre veut lui voler son stationnement aux États-Unis et il tire une balle dans son pneu parce qu'il est fâché. Les élèves, qu'est-ce qu'ils répondent? Il n'y a rien là. C'est normal, ça, il n'y a rien là. Tu es là, tu... Les élèves circulent en se donnant des coups de poing, des coups de pied... Je vous dis: Ça n'a pas de bon sens! Et quand tu leur demandes: Bien, pourquoi tu as fait ça? Bien, il était sur mon chemin. C'était comme si, nous autres, on était les anormaux parce que la normalité, c'est rendu ça.

Il s'agirait peut-être de changer ça et de se dire: Écoutez, selon nous, la normalité, ce ne sera plus de mettre de l'avant ce genre de héros, ça va être autre chose. Ce n'est pas ça le genre de valeurs qu'on a envie que nos jeunes mettent de l'avant. C'est ça qu'on veut dire. C'est ça qu'on veut dire clairement.

Peut-être que nous autres, au Québec, on va être capables aussi d'influencer le monde au CRTC, au niveau du fédéral. Moi, j'y crois à ça. On a une loi ici. Bon, elle a ce qu'elle vaut la Loi sur la protection du consommateur, mais elle a quand même quelque chose de plus que ce qui se fait ailleurs et je pense qu'il faut absolument commencer à poser les premiers jalons, dire que

c'est dommageable. Actuellement, la violence augmente. Elle augmente à la télévision et ce n'est pas juste Pacijou qui dit ça. Il y a plein de monde qui le dit. On a aussi plein de chiffres à l'appui qu'on pourra peut-être vous fournir en plus, mais je pense qu'il faut agir là-dessus.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Une dernière question, M. le député, avec des remerciements peut-être.

M. Boulerice: Pour ma part, je pense que votre message s'est bien rendu et vous dites que dans l'aide au développement de l'industrie cinématographique au Québec... je pense qu'on devrait voir d'abord et avant tout, lorsqu'il s'agit de faire de la cinématographie pour les enfants, à investir dans des choses comme "Passe-Partout" qui, ça, est de la culture nationale, avec des valeurs qui nous sont propres... Enfin, des valeurs qui nous sont propres, mais qui sont quand même universelles, qui nous ressemblent - "La grenouille et la baleine", des choses comme celles-là - et non pas aller vers la nationalisation de produits étrangers avec des valeurs qui ne sont pas les nôtres... Enfin, des valeurs que nous ne voulons pas cultiver chez nous.

Je vous remercie de votre participation à cette commission. Je pense que vous allez sans doute provoquer un tournant.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: En terminant, évidemment, merci de votre participation. On a beaucoup parlé de télévision. Évidemment, la loi, ici, est pour donner ou, enfin, ce qu'on essaie de faire, c'est donner le ton dans la mesure où, d'une part - ce n'est pas que des voeux pieux - ce soit réalisable et, deuxièmement, aussi, parce qu'on y croit aussi, pour influencer les télédiffuseurs malgré que nous n'ayons aucune autorité sur les télédiffuseurs.

Maintenant, nous n'en avons pas parlé parce que, évidemment, le temps manque, mais au niveau de l'aide financière ou, enfin, les suggestions qui sont quand même novatrices, que vous proposez; eh bien! c'est sûr que ces suggestions ne vont pas dans la loi puisque c'est à la Régie qu'ils déterminent la tarification, mais nous en prenons bonne note et ensemble nous allons voir ou, enfin, étudier, si on veut, la faisabilité du principe.

Ceci dit, évidemment, tout comme vous, on est très conscients de ce qui se passe autour de nous et on essaie, dans la mesure où un législateur le peut, de le contrer, sans évidemment tomber dans la censure, parce que, là, on a d'autres groupes qui parlent de liberté d'expression, etc., etc. C'est toujours la ligne fine entre les deux, d'une part, mais, deuxièmement, en essayant aussi, par notre pouvoir d'influence, d'influencer les autres. Mais je répète aussi que les parents ont un grand rôle à jouer, ainsi que les éducateurs qui le font, quand même, à travers leur système, mais il y a aussi beaucoup et largement la part du parent.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors...

M. Boulerice: On a un extraordinaire témoin, M. le Président, pour nous parler de la violence devant ces...

Le Président (M. Doyon): Oui. On a des jeunes qui vont sûrement comprendre le message et la discussion que nous avons actuellement, qui porte justement sur les effets pervers de la violence, aussi bien au cinéma qu'à la télévision. Nous avons eu un témoignage qui nous a vraiment touchés de très près, le témoignage des gens qui représentent le groupe Pacijou. Ce témoignage-là a été très important et c'est avec beaucoup de plaisir que nous vous avons reçus. Nous vous remercions et nous demandons maintenant, peut-être, de nous permettre de recevoir le groupe qui vous suit. Merci, M. Brodeur, merci, Mme Savard et merci, Mme Chabot.

Une voix: Merci.

Association des cinémas parallèles du Québec

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.

Maintenant, tout en permettant aux gens qui viennent de nous faire leur présentation de nous quitter et de céder la place au groupe suivant, il s'agit de l'Association des cinémas parallèles du Québec. Il y a trois personnes qui sont censées représenter, selon la liste que j'ai devant moi, cette association. Il s'agit de M. Jean Saint-Arnaud, M. Michel Gagnon ainsi que Mme Martine Mauroy. Je les invite à prendre place en avant.

Je leur rappelle les règles qui régissent cette commission, comme les autres commissions, d'ailleurs, lors des consultations. Il s'agit d'une présentation et d'une consultation, en ce qui vous concerne, qui va durer une heure. Vous avez une vingtaine de minutes pour nous exposer ce que vous avez à nous dire et faire un résumé, si vous préférez procéder comme ça. Ensuite, le côté ministériel, les députés ministériels vont s'adresser à vous pendant environ une vingtaine de minutes, et pour terminer, un temps équivalent de la part de l'Opposition. Si vous voulez bien commencer. Il y a M. Saint-Arnaud, qui est le président, je présume, qui est juste devant moi Je l'invite à présenter les gens qui l'accompagnent et, tout de suite après, à commencer sa présentation.

M. Saint-Arnaud (Jean): Alors, à ma droite,

j'ai Mme Martine Mauroy, qui est la directrice de l'Association des cinémas parallèles du Québec, à ma gauche, Michel Gagnon, de Vic-toriaville, de Cinéma Plus à Victoriaville, Michel est vice-président de l'Association.

Alors, on va vous faire connaître cette association-là avant de vous faire connaître davantage nos positions. C'est une association qui a été créée en 1979, sous l'impulsion de Léo Cloutier, à Trois-Rivières. Ça regroupe une trentaine de salles parallèles. Des salles parallèles, c'est des ciné-clubs, mais c'est aussi des festivals de cinéma. Quand on parte de ciné-clubs, c'est des salles qui opèrent autant dans des salles commerciales que dans des salles institutionnelles comme, par exemple, des écoles, des salles communautaires, des salles municipales ou institutionnelles.

On a des membres un peu partout au Québec. On en a à Sept-îles, on en a à Jonquière, à Chicoutimi, à Rimouski, évidemment à Montréal, à Trois-Rivières, à Victoriaville, à Sainte-Thérèse, à Rouyn-Noranda. On est très représentatif. On est peut-être petit, c'est-à-dire qu'on est la pointe de l'iceberg des salles parallèles. Il y en a beaucoup qui... Il y en a un certain nombre qui ne sont pas membres. On fait vivre beaucoup de boîtes de sous-distribution, à Montréal. On a quand même un poids économique, et nos festivals servent de plus en plus à la mise en marché de films. Qu'on pense, par exemple, à la sortie de "Stan The Flasher", à Rouyn, ou encore "Love-moi", dernièrement, au rendez-vous du cinéma québécois. Alors, on joue un rôle à ce niveau-là, au Québec, au niveau du cinéma.

Alors, que ce soit dans le cadre d'activités régulières ou ponctuelles, les membres de l'Association des cinémas parallèles du Québec travaillent avec acharnement à la diffusion du septième art sur grand écran dans toutes les régions du Québec et contribuent grandement à l'éducation cinématographique d'un public souvent défavorisé culturellement, à cause de son éloi-gnement des grands centres.

C'est nous qui avons permis de diffuser, par exemple, des films comme "Jacques et Novembre" de Jean Beaudry, qui a remporté un succès au Japon. Ces films-là ont fait des carrières à Montréal, mais après ça, il n'y avait pas de marché. Alors, ce sont nos salles qui ont permis à ces films de tourner. Je pense, par exemple, à Léa Pool. Ces films ont tourné au Québec dans nos petites salles.

C'est nous aussi qui avons pavé la voie des salles commerciales comme à Sherbrooke, à Trois-Rivières. Il y a eu des périodes de désastre cinématographique et ce sont les salles parallèles qui tenaient le public en haleine. Vous avez le cas de Jonquière, où on va ouvrir une salle commerciale. Depuis peut-être cinq ans, c'est Ciné-Campus qui diffuse et qui va toujours continuer à diffuser du cinéma.

Maintenant, sur l'ensemble de la loi, évidemment, on est très, très favorables, on était très réjouis quand on en a pris connaissance. Ce n'est pas les premières représentations qu'on a faites. Avant, il y avait un certain nombre de choses qui ne nous plaisaient pas. Mais là on peut dire que, dans l'ensemble, on est très satisfaits.

Au niveau des catégories d'âges, en tant que tel, contrairement à Pacijou, on n'a pas vraiment d'opinion. On est satisfait de la question. On ne l'a pas abordée dans notre mémoire.

En ce qui concerne les permis d'exploitation, la modification de l'article 94 de la Loi sur la cinéma ramenant à trois le nombre de catégories de permis d'exploitation, c'est-à-dire: salles de cinéma, ciné-parcs et lieux d'exploitation polyvalents, apparaît positive à l'ACPQ, car elle simplifie et clarifie les règles régissant la délivrance des permis. On se rappelle qu'avant, il y avait des salles parallèles et il y avait des salles polyvalentes. Dans notre cas, ça nous divisait entre membres, dépendant du lieu où on opérait. Maintenant, on se retrouve dans une catégorie qui nous décrit bien.

L'Association est très heureuse de constater qu'aucune notion de contrôle discriminatoire des contenus et des délais de présentation n'est désormais rattachée au permis d'exploitation. On a parlé, à un certain moment donné, de dire que les salles parallèles, par exemple, pourraient exploiter un film six mois après la délivrance d'un visa. C'étaient des énoncés qui faisaient en sorte de nier les lois du marché. Et on souhaitait que ça continue justement à fonctionner selon les lois du marché et c'est ce qu'on voit dans le projet de loi; alors on trouve ça très sain. Toutefois, l'Association espère que les autres conditions dont il est fait mention à l'article 92.1 ne permettront pas à de telles notions de refaire surface. Si tel était le cas, il serait souhaitable que le milieu soit reconsulté.

N'oublions pas que l'exploitation d'un film sur grand écran au Québec est de plus en plus rapide et restreinte et que l'objectif principal de la profession doit être d'assurer la primauté du grand écran sur la vidéocassette et la télévision, dans la séquence de diffusion des films. Les distributeurs et les programmateurs, les premiers concernés, fixent les délais de présentation selon la loi du marché. Aussi des mesures incitatives et des actions concertées feront-elles plus que des interdictions pour l'amélioration de la diffusion du cinéma de qualité au Québec, dans le respect de cette dynamique propre au marché.

Les distributeurs québécois sont des gens d'affaires avertis; ils sont propriétaires de leur produit et sont donc les premiers intéressés à le diffuser de la meilleure façon, afin de rentabiliser leur investissement. Qu'un mauvais calcul amène l'un d'eux à brûler un film en le présentant trop tôt à la télévision, voilà une leçon qui lui servira sûrement pour l'avenir. Le bon sens

et les impératifs commerciaux seront toujours mille fois plus opérants qu'une quelconque réglementation.

Autre dimension à ne pas négliger, les normes techniques. La réglementation concernant les normes techniques devra tenir compte des ressources financières à la disposition des salles de cinéma en région. Parce que, tantôt, quand j'ai présenté les salles, il aurait fallu que je vous dise que ces salles-là sont surtout animées par des bénévoles et ce sont des activités ponctuelles, une fois par semaine, deux fois par semaine dans le cas de ciné-clubs comme Ciné-Campus, Trois-Rivières, c'est peut-être six fois par semaine, mais c'est quand même une structure non permanente. Certes, l'association adhère au principe de la meilleure qualité possible en matière de projection cinématographique, un idéal qui fait l'unanimité, mais elle estime qu'il faut toujours garder en tête la réalité des salles parallèles qui, en raison de leur gestion par des groupes bénévoles et de l'absence de personnel à temps plein, n'ont pas les moyens, sans programme d'aide, de s'équiper de la même façon que les salles de Famous Players ou de Cinéplex Odéon. D'ailleurs, là-dessus, il faut dire qu'on est comme coincés, les salles parallèles. Il y a, d'une part, le ministère des Affaires culturelles et il y a la SOGIC et, quand on veut s'équiper, on fait des demandes au ministère des Affaires culturelles, on nous envoie à la SOGIC et la SOGIC nous renvoie au ministère des Affaires culturelles. On est un entre champ qu'il faudrait définir. D'ailleurs ce matin on recevait justement une copie d'une demande de Jonquière à la SOGIC, qui a été refusée parce qu'on a besoin, nous aussi, de présenter des films avec des normes techniques intéressantes. Et il faut avoir dans la tête aussi que nos ciné-clubs, ce n'est pas le projecteur dans la salle. On opère comme des salles commerciales sauf qu'on n'est pas en Dolby stéréo. On n'a pas toujours les sièges aussi bien que les salles commerciales mais on est quand même dans des conditions très, très acceptables.

Les membres de l'Association n'en continuent pas moins de jouer un rôle de service culturel essentiel auprès d'un public défavorisé par son éloignement des grands centres. Pensez à Sept-îles, pensez à Rouyn, pensez à Baie-Comeau. C'est des places où on opère. C'est des places où on permet de faire circuler le cinéma québécois et le cinéma d'art et essai.

En ce sens, l'Association partage le discours de l'Association des propriétaires de cinémas du Québec, qui s'inquiète des effets pernicieux que pourraient avoir des normes peu réalistes, et déplore l'absence d'un fonds de soutien à la standardisation technique.

Le financement. Il ne suffit pas de subventionner la production des films québécois, encore faut-il qu'ils puissent être vus dans toutes les régions du Québec et dans les meilleures conditions possibles. Aussi faut-il accorder à la diffusion du cinéma sa juste part et reconnaître dans cette foulée le travail accompli par les salles parallèles en régions, en leur permettant d'accéder enfin au volet 4 du programme d'Aide à la diffusion de la Société générale des industries culturelles du Québec visant l'acquisition et la réfection d'équipement cinématographique et s'adressant exclusivement aux entreprises québécoises indépendantes d'exploitation de salles de cinéma.

Soulignons que l'étude sur le financement des arts et de la culture au Québec réalisée par Samson Bélair Deloitte et Touche établit comme un des cinq grands axes d'intervention dans le secteur culturel au Québec: "favoriser le développement de la demande et l'accroissement de la consommation. " L'Association et ses membres se consacrent depuis de nombreuses années au développement de la clientèle cinématographique, particulièrement en régions, sans bénéficier de l'aide financière du ministère des Affaires culturelles.

D'ailleurs, dans certaines régions comme Sherbrooke et Trois-Rivières, par exemple, les salles parallèles ont développé une importante clientèle de cinéphiles et ont joué un rôle de pionnier au sein de leur communauté. Un soutien assurant le fonctionnement et les frais reliés à la régionalisation des actions de l'Association ne pourrait avoir que des retombées positives sur ce réseau non commercial car il faut, rappelons-le, s'employer activement à stimuler la demande.

Dans ce sens, le maintien du volet 5 du programme d'Aide à la diffusion de la Société générale des industries culturelles consacré à l'aide à la diffusion régionale paraît essentiel pour nos membres. On doit maintenir ce programme de subventions aux copies destinées aux régions, lui donner de l'ampleur, établir une forme de contrôle sur une base régulière et s'assurer de diffuser l'information quant aux copies, de manière à atteindre les premiers intéressés, les salles en régions. On sait que parfois il y a une deuxième copie qui est faite et qu'elle s'en va à Québec. Ça prend du temps avant qu'elle se rende en région. Elle revient à Montréal et. Ça prend un contrôle.

Dans l'hypothèse fort probable où le cinéma américain occuperait de plus en plus de temps écran, puisqu'il est plus rapidement accessible en français à cause des mesures de la loi, il y aurait lieu de revoir ce programme de subventions et de l'appliquer à la production d'une deuxième copie de film, car l'exploitation de plusieurs films autres que les productions américaines se trouverait alors limitée à une seule copie, qui tarderait à être disponible en régions. Donc, si on double nos films plus vite, il va y avoir un plus grand accès du film américain et on a peur, nous, que le cinéma d'art et essai soit moins disponible. Donc il va falloir songer à un correctif avec ce programme-là.

Par ailleurs, l'Association estime que

l'établissement d'un programme d'aide pour les cinémas parallèles basé sur l'évaluation par des jurys régionaux formés par le ministère des Affaires culturelles, un peu sur le modèle pour Accès-scène et puis au niveau des arts visuels, des métiers d'art, etc., constituerait une solution permettant à court terme d'éviter d'autres fermetures de salles de cinémas parallèles dans les régions. Les activités et la démarche éducative des différents organismes seraient alors jugées par des représentants du milieu et dans la perspective d'une dynamique régionale intégrée.

Le français à l'écran. Même si l'Association n'est pas touchée au premier chef par les articles de la Loi sur le cinéma concernant l'obtention de visas, elle tient à souligner que les mesures mises de l'avant pour donner au français la place qui lui revient sur les écrans du Québec auront un impact positif sur l'intérêt des spectateurs, particulièrement en régions où l'accès aux produits cinématographiques s'en trouvera accru. (16 h 45)

Concernant l'Institut québécois du cinéma. Qu'il soit permis aux membres de l'Association de souhaiter que le réseau des salles non commerciales du Québec devienne enfin un des champs d'intérêt prioritaire de l'Institut québécois du cinéma et trouve ainsi une place officielle au sein de son conseil d'administration, au même titre que les autres partenaires de la communauté cinématographique québécoise. L'intérêt que manifeste actuellement l'Institut québécois du cinéma pour l'éducation cinématographique, un dossier sur lequel nous travaillons, pourrait faire en sorte qu'on puisse y jouer un rôle.

Conclusion. L'Association souhaite que le ministère des Affaires culturelles reconnaisse sans ambiguïté le travail accompli depuis de nombreuses années par les salles de cinéma parallèle et espère que les ajustements proposés à la Loi sur le cinéma seront suivis rapidement d'une véritable politique de la diffusion du cinéma au Québec, politique qui sera englobante et qui ferait une juste place au secteur non commercial, comme c'est le cas, par exemple, en France qui a inspiré plusieurs de nos programmes à la SOGIC ou en Belgique. Ce n'est qu'en s'engageant dans cette voie, forts des expériences du passé, qu'on préparera intelligemment l'avenir. Merci beaucoup.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. Saint-Arnaud. Alors, Mme la ministre, si vous avez des questions ou des interrogations.

Mme Frulla-Hébert: Oui, bien, enfin, M. Saint-Arnaud, au niveau de votre conclusion, bon, alors quand vous partez d'une véritable politique de la diffusion du cinéma au Québec, comme j'expliquais ce matin, il y aura l'énoncé d'une politique culturelle déposée par le groupe Arpin, qui fixe les grands paramètres - ce ne sera pas non plus un livre de recettes - à partir desquels on s'ajuste dans divers secteurs et là, on aura vraiment des mesures concrètes et on attend d'ailleurs la politique culturelle, l'énoncé d'une politique culturelle, justement, pour remettre une vraie politique sur le cinéma d'une part et, effectivement, toute la question du cinéma parallèle fera partie d'une grande section. Je veux vous rassurer là-dessus. On ne vous a pas oubliés. D'autre part... Je voudrais revenir d'abord aux normes techniques. Et, pour notre bonne compréhension, vous parlez des salles polyvalentes, c'est-à-dire des salles de cégep, etc., qui sont opérées par des bénévoles. D'un autre côté, on parle de normes techniques pour assurer aux cinéphiles québécois une certaine qualité. C'est ce qu'on impose, hein?, aux salles de cinéma, en fait, privées, les Famous Players et tout ça. Selon vous, au niveau de normes techniques que nous exigeons, comment peut-on exiger, si on veut, certaines normes techniques dans ces salles, polyvalentes si on veut, versus les exiger ou ne pas les exiger, dépendant... est-ce qu'on devrait? Et versus ce qu'on peut faire au niveau du privé. Et qui a la responsabilité? Est-ce que c'est, par exemple, le cégep en question, d'une part? Ou, comment peut-on imposer aux bénévoles de s'assurer que ces normes-là soient conformes, réalistes d'abord, mais conformes aussi à la qualité que nos consommateurs québécois peuvent ou, enfin, sont en droit d'attendre.

M. Saint-Arnaud: Bien, il faut dire, d'une part, qu'on regroupe... c'est-à-dire qu'on n'a pas beaucoup de ciné-clubs en institutions scolaires. Il y en a mais il n'y en a pas beaucoup et, où il y en a, le ministère de l'Education n'investit pas dans des équipements techniques. La plupart de nos membres sont des corporations sans but lucratif, avec conseil d'administration et tout ça, et puis... Bon. Pour nous, c'est qu'on veut avoir: des normes dans le sens qu'on veut présenter un produit de qualité à nos cinéphiles, mais si les normes techniques nous obligent à fermer nos établissements, on ne sera pas gagnant. Alors, c'est bien sûr qu'on peut penser, à ce moment-là, à des programmes d'aide pour ces ciné-clubs-là mais là, il faut évaluer justement la valeur des ciné-clubs, leur année d'existence, leur solidité et l'implication des municipalités aussi mais on en voudrait... On vise la qualité. Mais c'est sûr que quand on regarde les normes telles qu'elles étaient auparavant, c'était, même pour les salles commerciales indépendantes, difficilement applicable.

Mme Frulla-Hébert: Mais est-ce que, M. Saint-Arnaud, celles qui sont - parce qu'on a allégé beaucoup au niveau des normes techniques - proposées présentement et mises en applications - elles seront mises en application par la Régie - est-ce qu'elles sont trop spécifi-

ques ou restrictives pour les cinémas parallèles? Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Saint-Arnaud: Actuellement on a des salles qui répondent aux normes, si je pense au Centre d'essai de l'Université de Montréal ou au ciné-club par exemple de l'Université de Sherbrooke, c'est clair, la qualité est là, mais on a des petits ciné-clubs qui ne répondent vraiment pas a ces normes-là et ça nuirait à leur existence. Je n'ai pas...

Mme Frulla-Hébert: Ce que vous suggérez, c'est que, pour certains groupes ou petites salles, on les exclue, finalement, de cette obligation de fournir... peut-être pas la qualité que Famous Players, par exemple, pourrait offrir mais au moins exiger une certaine qualité.

Le Président (M. Doyon): M Gagnon.

M. Gagnon (Michel): Disons, peut-être qu'il pourrait y avoir un adoucissement pour les salles polyvalentes, où on opère surtout, et peut-être même pour certaines salles commerciales qui sont situées en régions. Je pense qu'une grosse partie des salles en régions vont avoir de la misère, je pense, à rejoindre les normes techniques. Alors, je pense qu'il va falloir y penser. D'ailleurs, vous allez recevoir la semaine prochaine, je pense, les salles commerciales; on va sûrement vous en parler.

Mme Frulla-Hébert: Oui.

M. Gagnon: Mais au niveau de nos salles à nous, peut-être qu'il pourrait y avoir un adoucissement...

Mme Frulla-Hébert: Compte tenu de la...

M. Gagnon: ...parce que si on ferme, ce n'est pas mieux.

Mme Frulla-Hébert: Oui Compte tenu de la situation...

M. Gagnon: Si on fait fermer plusieurs salles, ce n'est pas mieux.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que vous avez des exemples à nous donner là, de...

M. Gagnon: Moi, je pense par exemple, à des salles... Que voulez-vous! la salle est déjà bâtie, il y a une pente de l'arrière à l'avant, qui est de peut-être 20 pouces au lieu de 40 pouces ou des choses comme ça. Avec le plafond pas très haut, comme conséquence, les gens qui sont assis dans la salle, bon, ils ont des têtes, vous comprenez ce que je veux dire, il y a des têtes qui cachent l'écran. Mais on a même dans des salles ici à Montréal, même dans des salles de Famous Players, même des salles qui ont été bâties l'an passé.

Mme Frulla-Hébert: II y a un autre point que vous avez soulevé et je vous avoue que je ne vous ai pas tout à fait compris. Est-ce que vous pourriez reprendre la question de la copie supplémentaire? Sauf erreur, le programme de la SOGIC, tel qu'il est présentement, tel qu'il est défini, prévoit des copies pour les régions spécifiquement, je pense que c'est cinq copies pour les régions spécifiquement. Alors, quand vous parlez de la non-accessibilité, quand vous parlez des copies qui... une copie versus plusieurs copies à distribuer en régions, je ne sais pas là, il y a une mauvaise compréhension, j'aimerais ça que vous m'expliquiez plus...

Mme Mauroy (Martine): Le programme de la SOGIC fonctionne pour le moment, c'est que, premièrement, il y a très peu d'argent qui est réservé à ce volet-là du programme et il faut que le distributeur paie une copie pour se faire subventionner une deuxième copie. Ce qui fait que cette deuxième copie-là, qui est réservée aux régions, se ramasse souvent à Québec, au Clap; la région s'arrête là, on a de la difficulté à rattraper cette copie-là pour la faire circuler à Sept-lles, à Joliette, à Rimouski. C'est dans ce sens-là qu'on pense que, oui, la copie est réservée aux régions, de la façon dont c'est perçu, le mot région. Quand j'ai des rapports avec la SOGIC, c'est ce qui exclut la ville de Montréal, O.K.? Donc, c'est vrai que cette copie-là ne tourne pas dans un cinéma commercial à Montréal, mais elle ne tourne pas plus en régions.

Mme Frulla-Hébert: Parce que ce que vous me dites là, c'est que ce n'est pas cinq copies... C'est parce que dans le programme de la SOGIC...

Mme Mauroy: C'est deux copies, tu en fais une, tu en reçois une.

Mme Frulla-Hébert: Donc, c'est deux copies; tu en as une gratuite, et tu en paies une. (17 heures)

M. Saint-Arnaud: Mais si vous permettez, c'est qu'actuellement, bon, c'est surtout les petits distributeurs québécois; si on prend un film comme "Bagdad Café", il n'y avait pas 20 copies, il y avait 2 copies de ce film-là. Nous, ce dont on a peur, c'est que comme il va y avoir plus de temps-écran consacré aux films américains, nos distributeurs vont avoir plus de difficulté à diffuser leurs films et ils vont avoir tendance à faire faire moins de copies. Donc, nous, au bout, parce qu'on est au bout du circuit, ça va être difficile d'avoir une bonne copie, parce que la copie va avoir fait sa carrière. Donc, c'est un correctif qu'on veut

prévoir, parce qu'on pense, en tout cas, il y a une question: si c'est un temps-écran, je pense que ça se mesure. Si les productions américaines pénètrent davantage, le film d'art et essai va être tassé et puis... Donc, c'est à titre de correctif qu'on voudrait que ça puisse s'appliquer. C'est sûr qu'actuellement ça ne s'applique pas non plus d'une manière élégante. C'est vrai que c'est comme un truc, c'est qu'on envoie la copie à Québec et, après ça, on la retourne à Montréal et puis elle est en régions. Après ça, elle va retourner en régions, mais une fois que l'impact va être moins fort.

Mme Frulla-Hébert: Un dernier point. Vous n'avez pas touché la question du classement parce que vous dites que vous êtes d'accord avec le principe et tout ça. Dans le cas, par exemple, des cinémas parallèles, évidemment, le classement tel que présenté est soumis à partir de la recommandation de l'Institut, qui demande un contrôle plus serré: 13 ans, 16 ans, 18 ans, c'est un contrôle beaucoup plus serré. Comment voyez-vous l'opération? Est-ce que vous trouvez que c'est une opération qui va être applicable? Est-ce qu'il va y avoir des problèmes? Selon votre expérience.

M. Saint-Arnaud: Pour nous, on en a parlé et puis, il n'y aura pas de problème, il n'y en a pas actuellement. Il faut dire qu'on a des clientèles bien segmentées. Nos gens qui présentent des films pour enfants, leur produit est bien déterminé, sinon on a le film de ciné-club. Alors, on n'a pas vraiment de problème à appliquer, on continue à appliquer sauf que les catégories de visas changent.

Mme Frulla-Hébert: Mais là, il y a plus de catégories...

M. Saint-Arnaud: Oui.

Mme Frulla-Hébert: ...parce que quand on parle de 13 ans... restrictif ou accompagné d'un adulte, de 16 ans et de 18 ans... C'est vrai que vous avez quand même des clientèles cibles spécifiques, mais selon vous, au niveau du contrôle à apporter, vous ne voyez pas de problème?

M. Saint-Arnaud: Non, mais il faut voir aussi que les produits qu'on présente, si on se réfère à l'intervention de Pacijou, avant nous, c'est qu'on va quand même dans des créneaux de films - on parle de cinéma de qualité - c'est très peu du cinéma violent. C'est peut-être aussi pour ça que le problème ne sera pas très, très grand. Ou si on parle du film xxx, tout ça, ce n'est pas notre rayon non plus, alors...

Mme Frulla-Hébert: Parfait, M. Saint-Arnaud.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Saint-Arnaud. Merci, Mme la ministre. M. le député.

M. Boulerice: Je ne sais pas si c'est moi qui deviens inattentif ou aveugle, mais mon Dieu, qu'on voyait du cinéma italien; mon Dieu, qu'on voyait du cinéma allemand; mon Dieu, qu'on voyait d'autre cinéma, il y a un certain temps. Quand je lis les journaux de fin de semaine, cahier Arts et spectacles, mon Dieu, j'ai droit à je ne sais pas combien de "Rambo" 394 bis, simultanément, dans 16 salles du centre-ville à Montréal. Mon Dieu que c'est difficile d'avoir d'autres films! J'étais en aparté tantôt avec M. Charland, qui m'assiste a cette commission; j'avais vu, au mois d'août, à Montpellier - mais pas Montpelier, Vermont, il va de soi, Montpellier en France - "Bunker Palace", avec Trinti-gnant, c'a pris un an avant qu'il apparaisse sur les écrans au Québec. C'est une réalité qu'on constate. Je pense que la seule fenêtre ouverte et, entre parenthèses, on pourrait ressusciter le "Déclin de l'empire américain" dans deux salles, que je qualifiais d'excentriques à l'époque, qui était le "Crémazie", sur Saint-Denis, près de l'autoroute Métropolitain et Cinéma Place Longueuil sur la rive sud, alors que vous aviez, effectivement, au même moment, "Rambo" 300-5-4, mais la première version dans les salles du centre-ville. Donc, je pense que la véritable et seule fenêtre d'un autre cinéma, c'est vous autres, les cinémas parallèles.

Vous avez mentionné cette vision un peu restrictive. La Loi sur l'instruction publique disait: Sont catholiques ceux qui sont catholiques romains et sont protestants tous ceux qui ne sont pas catholiques romains. Je viens d'apprendre que Montréal, c'est Montréal et que tout ce qui n'est pas Montréal, c'est une région. Nouvelle donnée géographique. Vous avez mentionné des villes... J'étais à Rimouski, // y a quelques jours, et justement au niveau du cinéma, on se plaignait de la tristesse et de la désolation qui pouvaient exister où, effectivement, une des folles équipées de "Rambo" arrive très rapidement, mais pour ce qui est d'un autre cinéma, on doit attendre considérablement. Donc, quand vous souhaitez, effectivement, qu'il y ait une politique qui regarde le développement des salles parallèles, je peux vous dire que vous aurez à ce moment-la tout notre appui et j'ose espérer que le projet de loi ou le plan d'action qu'on nous présentera fera plutôt l'objet d'éloges que de critiques de la part de l'Opposition. Et ceci dit, lorsque vous avez débuté votre intervention, tantôt, M. Saint-Arnaud, vous avez parlé du peu de sensibilité que pouvait avoir la SOGIC face à votre réalité. Est-ce que vous pourriez développer un peu plus?

M. Saint-Arnaud: Et bien, c'est que la SOGIC considère que ce sont - évidemment, sauf les "majors", c'est-à-dire Famous et Ciné-

plex - les exploitants commerciaux de salles qui sont ses intervenants privilégiés. Ça se voit au niveau des programmes de subventions pour l'implantation des salles et pour l'équipement.

Par exemple, il y a eu des demandes de faites par Sainte-Thérèse - il y a Jonquière qui est plus récente - qu'on pourrait déposer ici pour Illustrer. Je ne saurais pas expliquer trop pourquoi. Lorsqu'on a eu des rénovations en ternies d'équipement, je peux vous donner des exemples. C'est le Séminaire des Trois-Rivières, dans le cadre d'une restauration de salle par le ministère des Affaires culturelles, c'est le Théâtre du cuivre à Rouyn, aussi dans le cadre d'une restauration - à ce moment-là, on a équipé le Théâtre du cuivre de bons projecteurs - à Chicoutimi, à l'Auditorium Dufour, où on a aussi un ciné-club, où c'est le ministère, dans le cadre d'une étude globale de la salle qui a investi au niveau des équipements. Mais aucune salle parallèle n'a pu obtenir d'aide de la SOGIC.

M. Boulerice: Vous avez déjà demandé à les rencontrer pour...?

M. Saint-Arnaud: Oui. On a demandé aussi des programmes particuliers d'aide pour le redémarrage des ciné-clubs, où on voudrait que les ciné-clubs, aidés des municipalités, puissent faire revivre des cinémas commerciaux fermés ou d'autres lieux. Il n'y a pas eu de suite à ça.

M. Boulerice: Je reprends ma question, M. Saint-Arnaud. Vous avez demandé de les rencontrer? Les avez-vous effectivement rencontrés?

Mme Mauroy: Nous les avons déjà invités à notre assemblée annuelle et ils sont venus. M. Robert Brisebois était là. Il nous a écoutés et ça s'est arrêté là. Je peux vous lire la réponse que Mme Loiselle du ciné-club de Jonquière a reçue de la SOGIC.

M. Boulerice: Oui, ça nous intéresse.

Mme Mauroy: "Nous regrettons toutefois de ne pouvoir l'accepter, notre mandat étant d'aider les entreprises québécoises indépendantes d'exploitation de salles de cinéma, c'est-à-dire toute entreprise dûment incorporée n'étant pas propriété des "majors".

M. Boulerice: Vous n'êtes pas des corporations, c'est votre grand drame.

Mme Mauroy: Nous sommes des corporations sans but lucratif.

M. Boulerice: Alors, vous n'êtes pas commerciales...

Mme Mauroy: Non.

M. Boulerice: ...donc pas couvertes par la SOGIC.

Mme Mauroy: C'est ça. Et quand Mme Loiselle a déposé la même demande à la Direction régionale du ministère des Affaires culturelles, elle s'est fait répondre: Vous ne relevez pas du ministère des Affaires culturelles; pour les équipements de cinéma, adressez-vous à la SOGIC.

M. Boulerice: Vous semblez entretenir certaines inquiétudes quant aux exigences de la réglementation sur les normes techniques de diffusion d'un film en salle. Est-ce que vous souhaitez, dans le règlement, des dispositions très spécifiques à l'égard des salles parallèles ou des mesures d'aide financière appropriées pour répondre aux exigences de la réglementation?

Mme Mauroy: Ce sont plutôt des mesures d'aide financière appropriées. Nous ne sommes pas contre le fait de répondre aux normes techniques, nous ne sommes pas contre le fait de faire des rénovations, nous ne sommes pas contre le fait d'acheter de l'équipement. Au contraire, nous sommes les plus heureux lorsqu'on peut présenter des films de la meilleure qualité possible pour le public. Mais ce qu'on veut dire, c'est que nous n'avons pas les fonds pour faire les rénovations partout.

M. Boulerice: Ça a été un peu abordé, il y a eu un commentaire de Mme la ministre à propos du rapport Arpin, mais "en attendant Godot", on va quand même poser des questions. Vous évoquiez la nécessité de la mise en place d'une véritable politique de diffusion du cinéma qui prévoit une juste place au secteur des salles parallèles. Est-ce que vous pouvez être un petit peu plus précis sur les éléments de cette politique de diffusion et sur les mesures qui devraient assurer cette juste place au cinéma parallèle dans tout le développement de la culture cinématographique des Québécois?

Mme Mauroy: La première chose à faire, ce serait de nous classer quelque part pour qu'on puisse avoir accès à de l'aide, que ce soit directement au ministère des Affaires culturelles, que ça soit à la SOGIC, mais c'est de nous donner une place quelque part.

M. Boulerice: Dites-moi. Je...

M. Saint-Arnaud: Évidemment, il faudrait avoir une place à l'Institut québécois du cinéma parce que c'est quand même l'organisme de consultation. Comme ça, on pourrait avoir voix au chapitre. Tantôt, je parlais... Il y a différents programmes de subvention qui sont inspirés des modèles français, très, très clairement, et les Français, les Belges. Il y avait des formes

d'aide; pour le cinéma d'art et essai ou les ciné-clubs. On a oublié cette partie là. On pourra l'ajouter.

M. Boulerice: Est-ce que vous avez fait une demande de participation au C. A. de l'Institut9

Mme Mauroy: On a déjà rencontré l'Institut à plusieurs reprises.

M. Saint-Arnaud: Mais c'est difficile. On ne peut faire une demande à un organisme quand, même l'Institut, sa composition, son rôle, c'est déterminé par la loi. Tu ne peux pas comme organisme...

M. Boulerice: Non, mais je veux dire, quand je dis une demande, leur dire: Mais écoutez, vous ne trouvez pas qu'il serait normal qu'on soit là en partenariat et ça été reçu comment, ça?

M. Saint-Arnaud: Alors, c'est-à-dire...

M. Boulerice: "Do not call us, we will call you".

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Saint-Arnaud: O. K. C'est-à-dire qu'on a abordé le volet comme on a tenté de le dire ici par l'éducation cinématographique. On a pu développer là-dessus mais on fait beaucoup d'activités auprès de la jeunesse pour les éduquer au cinéma. Et puis, c'est une des priorités de l'Institut. Alors, évidemment, directeur, on a dit qu'on pourrait être un intervenant valable là-dessus. Peut-être qu'on pourrait être un représentant des consommateurs aussi Remarquez qu'on regroupe des membres. Si on prend un ciné club comme Trois-Rivières, il y a 6000 membres. C'est une sorte de consommateurs.

M. Boulerice: Oui, vous êtes des consommateurs mais en mal de distribution.

Mme Mauroy: Oui. Ha,ha, ha!

M. Boulerice:... puisque vous n'avez rien. Ha, ha, ha! Effectivement. Moi, j'aurais une question qui n'était pas prévue dans le scénario des questions mais vous y avez fait allusion tantôt en disant que, quelquefois, la télévision pouvait brûler rapidement un film, une projection assez rapide. Bon, il y a quand même une cinématographie québécoise. Bon, elle n'est peut-être pas aussi étendue qu'on l'aurait souhaité eu égard à des pays de même taille que nous, qui ont développé une cinématographie importante. Comparons-nous à des éléments comparables et non pas uniquement avec les Français et les Américains, la Suède, etc., la Belgique même. Les films québécois sont à l'affiche. Ils ne sont pas dans des salles... Je vous parle de Montréal. Les films québécois parce que je ne peux taire abstraction... que voulez-vous? La géographie a fait que je suis député de Montréal. Les films québécois qui sont présentés ne sont pas dans des grandes salles, à moins qu'il y ait eu un battage publicitaire extraordinaire. Ces films-là disparaissent, etc. Chez vous, à travers tout ce réseau parallèle, est-ce qu'il y a une forte demande de reprise des classiques de la cinématographie québécoise9 Par exemple, "Mon oncle Antoine", qui est toujours un film très actuel par son contenu?

M. Saint-Arnaud: C'est un énorme problème que vous soulevez, M. le député. C'est tout le problème du patrimoine cinématographique. Souvent les droits sont éteints. Il y a des copies qui sont seulement en conservation à la voute de la cinémathèque à Boucherville et on n'a pas accès à ces copies-là puisqu'il n'y a pas de droits et on ne veut pas les faire circuler. Notre patrimoine cinématographique, si on parle de films anciens québécois et on peut se référer à avant 1970, on n'y a à peu près pas accès. C'est un grand problème. Par contre, on peut vous dire qu'on diffuse des choses qui sont difficiles à diffuser dans le réseau commercial. Si on prend un film comme "Au Chic Resto Pop", c'est peut-être votre comté.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Saint-Arnaud: Vous savez qu'à la mise en marché...

M. Boulerice: Mes collègues vont me le reprocher. Ne les provoquez pas.

M. Saint-Arnaud: Alors, vous savez qu'au niveau de la mise en marché, à l'Office national du film, c'est à Jonquière qu'ils ont jugé qu'ils avaient eu la meilleure exposition de leurs films, autant au niveau des médias que des spectateurs dans la salle et c'était fait par le Ciné-club de Jonquière. Sinon, ça ne serait pas passé dans le coin non plus. Ça ne serait pas passé même s'il y avait une salle commerciale. Vous prenez "Vues d'Afrique", qui se déroulait à Montréal la semaine dernière, c'était présenté à Trois-Rivières. Il y a eu des suites aussi à Jonquière, les Rendez-vous du cinéma québécois. Vous avez eu une semaine spéciale, à Trois-Rivières, de rediffusion de films québécois et ce n'est pas toujours les gros "hits" du cinéma québécois.

M. Boulerice: Est-ce que ce serait gros... M. Saint-Arnaud: Alors

M. Boulerice: Oui

(17 h 15)

M. Saint-Arnaud:... II y a un problème là-dessus parce que, souvent, les droits sont

éteints, souvent il n'y a pas de copie et c'est la même chose au niveau du cinéma d'art et essai. Vous prenez un film comme "Molière", c'est un film que, moi, je présente à peu près tous les deux ans. Je n'ai pas pu le faire cette année parce que les droits sont éteints Les droits n'ont pas été rachetés. Alors, on ne peut avoir accès à ce film, qui est d'une grande valeur cinématographique...

M. Gagnon: C'est difficile de faire...

M. Saint-Arnaud: et ça, c'est le commerce.

M. Gagnon: du cinéma de répertoire au Québec. C'est difficile d'en faire parce que. comme Jean disait, si ce n est pas les droits qui sont éteints, c'est la copie qui est dans un état tellement déplorable que personne ne peut passer ça.

M. Boulerice: Vous me dites que les mesures de conservation sont extrêmement déficientes9

M. Saint-Arnaud: Non

M. Gagnon: Sauf à la cinémathèque M. Boulerice: Sauf à la... Oui

M. Gagnon: Mais les films qui sont conservés à la cinémathèque passent à la cinémathèque, point. Ce n'est accessible nulle part ailleurs au Québec. Si, moi, je veux une copie qui est à la cinémathèque demain, c'est impossible

M. Boulerice: Je ne sais pas si ça entre dans le débat, mais disons que c'est pour mon plaisir personnel et il me semble que, une fois de temps en temps, j'ai le droit. L'Outremont avait.. Bon, on parle de l'importance de la vidéo. Vous savez que c est immense. L'Outremont avait une extraordinaire vidéothèque de cinéma de répertoire. Quand ç'a fermé, ça, ç'a disparu

M. Gagnon: Ce n'est pas disparu. M. Boulerice: C'est ou?

M. Gagnon: Ça été repris par quelqu'un d'autre à Montréal.

M. Saint-Arnaud: Ça été repris en partie par Prima Film, mais Prima Film

M. Gagnon: Vous voulez dire; les vidéos ou les films'?

M. Saint-Arnaud: Vous parlez des droits des films Prima Film en a racheté une partie;, mais il v en a que les droits. C'est que des droits sont achetés pour une période données et les droits s'éteignent. Même si tu as la copie, tu no peux l'exploiter. Tu n'es pas propriétaire d'une copie, tu es propriétaire de droits.

M. Boulerice: Les droits, oui D'accord. Tantôt, je partais en vous disant... C'est peut être gros comme affirmation, mais enfin, c'est vous qui en jugerez. Si on s'entend... - remarquez que c'est des choses qui sont peut être remises en question - il y a un corps de police pour une ville, il y a tout de même une pharmacie de garde, etc. Quand on regarde les régions, mais, dans le vrai sens du terme: l'Abitibi, le Saguenay, etc., est-ce que vous dites qu'il devrait y avoir, mais vraiment de façon obligatoire, dans son sens noble, la présence d'un cinéma parallèle si on veut véritablement parler de diffusion cinématographique au Québec? Que ça devrait être l'ensemble d'un réseau complète ment établi sur tout le territoire?

M. Gagnon: Absolument

M. Saint-Arnaud: Absolument

M. Gagnon: II existe déjà en partie On n'est pas, évidemment, partout. Ce qu'on fait, on le fait bénévolement, mais c'est sûr que le réseau pourrait être implanté. S'il y avait une aide qui était donnée à l'établissement de nouvelles salles, dans un premier temps, il pourrait y avoir un intérêt, à ce moment-là, dans d'autres villes où il n'y a rien, de partir quelque chose sans que ça coûte des sommes... Ce n'est pas des millions qu'on demande Établir une salle parallèle à Victoriaville, ça ne coûte pas 1 000 000 $ C'est des affaires de quelques milliers de dollars d'aide pour partir, mais il y a une clientèle. Dans chaque région de la province, il y a une clientèle qui fréquente ces salles là et ça, c'est officiel. Une clientèle qui peut varier, selon la grosseur de la ville, de 3 à 1000 personnes par semaine, qui fréquentent les salles.

M. Boulerice: On me dit que le Cine Campus a Trois Rivières, c'est un succès phénoménal.

M. Gagnon: Bien ça, le Ciné Campus a Trois Rivières, c'est le plus gros succès de ciné-club au Québec. II a déjà eu jusqu'à 10 000. 1? 000 membres. Ce n'est pas rien, ça. C'est eux autres qui ont fait survivre un peu le cinéma, à Trois Rivières, pendant de nombreuses années Pendant longtemps, à Trois Rivières, il y avait, je pense, une salle de cinéma et Ciné-Campus Maintenant, il s'est ouvert deux nouvelles salles de cinéma, des multisalles. Mais qui a tenu le flambeau pendant tout ce temps là? C'est Ciné-Campus Trois Rivières, qui fonctionnait 10 mois par année, 7 soirs par semaine

II y a eu Sherbrooke aussi qui a marche très tort, tellement tort qu'une salle commerciale s'est ouverte en leur prenant leur clientèle

Mais ça, c'est normal, on ne s'en plaint pas. Ça veut dire que tu pars quelque chose et ça devient tellement populaire que le réseau commercial s'en empare. Donc il y a quelque chose qui a été fait là. Nous autres ça fait 10 ans, à Victoriaville, et en général, dans les villes, ça fait 10 ou 12 ans que ça fonctionne et nous autres en tout cas on augmente toujours un peu.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, on termine notre temps.

M. Boulerice: Oui, c'est toujours malheureusement la fin, le générique F-l-N. Alors, Mme Mauroy, M. Gagnon, M. Saint-Arnaud, je vous remercie de votre présence. Je pense que vous apportez des éléments au sujet du cinéma parallèle qui sont extrêmement pertinents, à la fois dans le contexte de la loi ici et en fonction également d'une politique culturelle au Québec. Je vous remercie de votre présence et des commentaires dont nous allons tirer, j'ose espérer, profit. Merci.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: À vous trois, merci. Comme je vous le disais tantôt, on est très conscients de la lacune entre organismes à but lucratif et non lucratif. C'est là que ça se situe au niveau des programmes, évidemment au niveau du programme de la SOGIC. Ça, ça ne va pas dans la loi, ça va dans le programme de la SOGIC, parce qu'effectivement c'est la SOGIC, qui est la Société des industries culturelles qui a le rôle de - le ministère, d'une façon, a certains programmes et certains rôles - mais la SOGIC, au niveau des industries culturelles en a aussi, et là, qu'est-ce qui fait la différence entre le lucratif et le non lucratif? Donc, nous allons le regarder de près.

Maintenant, ceci dit, au niveau des droits, vous l'avez mentionné, nous recevons les distributeurs la semaine prochaine, alors nous aurons l'occasion de leur poser la question, parce qu'effectivement ce n'est pas nous, c'est les distributeurs qui doivent renouveler les droits. Alors, effectivement, s'il y a un réseau, eux ne le font pas non plus pour les beaux yeux du peuple, alors s'il y a un réseau, c'est pourquoi? Disons que, finalement, il y a peut-être un manque d'intérêt, et nous allons profiter de l'occasion de les rencontrer pour le leur demander. Tout simplement, pour terminer en disant, et ce que vous disiez: Quand on part quelque chose et que, finalement, le commercial s'en empare, c'est parce qu'il y a déjà eu un besoin fondamental... On est très conscients que dans les régions, toute la part du cinéma parallèle, non seulement pour le soutien à la création mais aussi pour la développer, puisqu'on montre des produits qui, finalement, sont souvent plus difficiles à voir que les gros produits américains et les gros "blockbusters", qui donnent à la société québécoise un apport culturel très valable. Et pour ce, soyez assurés que nous en sommes très conscients et que nous allons essayer de remédier à la situation.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, ceci termine la journée de cette commission. Je remercie MM. Saint-Arnaud et Gagnon, ainsi que Mme Mauroy en leur permettant de se retirer. Je suspends les travaux de cette commission et j'ajourne jusqu'à mardi prochain, où nous reprendrons à 15 h 30, après la période de questions. Donc a\ournement.

(Fin de la séance à 17 h 24)

Document(s) associé(s) à la séance