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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 16 octobre 1991 - Vol. 31 N° 45

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Doyon): La séance est donc ouverte.

M. Boulerice: M. le Président. Le Président (M. Doyon): Oui.

M. Boulerice: Si vous permettez, je voudrais m'excuser de ce retard, mais, que voulez-vous, avant d'être porte-parole, nous sommes d'abord et avant tout député de circonscription et il y a des urgences auxquelles on doit répondre.

Le Président (M. Doyon): Aucun reproche ne vous est fait, M. le député. C'est parfaitement compréhensible. Soyez bien à l'aise. Je rappelle très brièvement que le mandat de la commission est de faire des audiences publiques de façon à pouvoir évaluer les réactions à la proposition de politique culturelle qui a été faite le 14 juin et déposée en chambre. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements aujourd'hui?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Blais (Masson) est remplacé par M. Morin (Du-buc) et Mme Dupuis (Verchères) est remplacée par Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière).

Le Président (M. Doyon): Merci. Je m'abstiendrai de faire la lecture de l'ordre du jour. Les parlementaires l'ont en main, c'est affiché un peu partout, en tout cas, à la porte de cette commission.

Nous avons une journée très chargée. Nous commençons avec un peu de retard, donc je me verrai dans l'obligation de m'en tenir à un horaire très strict. Mes premiers mots seront des mots de bienvenue envers les gens de l'Orchestre symphonique de Québec. Je reconnais là le Dr François Couture à qui je souhaite la plus cordiale des bienvenues.

Nos règles sont les suivantes. Vous présentez les gens qui vous accompagnent et, ensuite, vous pouvez procéder à la lecture ou au résumé de votre mémoire, en prenant pour acquis que votre mémoire a été distribué, que les membres de la commission en ont pris connaissance. Mais vous faites à votre goût. Après une quinzaine de minutes de présentation, donc, la conversation s'engage pour le reste du temps avec les membres de cette commission. Alors, dès maintenant vous avez la parole. Nous sommes prêts à vous écouter.

Orchestre symphonique de Québec

M. Couture (François): M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, d'abord je dois vous remercier de nous avoir invités à présenter le mémoire de l'Orchestre symphonique à la commission parlementaire. Je m'empresse de vous présenter ceux qui m'accompagnent et qui jouent un rôle actif dans cette présentation: à ma droite, M. Gilles Marcotte, qui est vice-président de l'Orchestre et qui, jusqu'à la dernière assemblée générale, était le trésorier de l'Orchestre - c'est un homme de chiffres qui connaît bien les chiffres de l'Orchestre; à ma gauche, Mme Louise Laplante, que vous connaissez tous sans doute, qui est directeur général de l'Orchestre symphonique, et, à l'extrême gauche, M. Denis Létourneau, qui est représentant des musiciens.

Avant de céder la parole à Mme Laplante qui va nous faire un résumé de notre présentation, de notre mémoire, je pense que M. Létourneau aimerait adresser quelques mots aux membres de la commission parlementaire.

Le Président (M. Doyon): Très bien, M. Létourneau, vous avez la parole.

M. Létourneau (Denis): Oui, M. le Président, simplement pour vous dire que l'existence de l'Orchestre symphonique de Québec, sa vie, sa qualité commandent une démarche commune qui dépasse le conflit de travail qu'a vécu récemment l'organisme. C'est pourquoi les musiciens et l'administration de l'Orchestre symphonique de Québec viennent ensemble aujourd'hui pour vous faire connaître leurs réflexions suite à la publication du rapport Arpin. Merci.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Merci, M. Létourneau.

M. Couture: Je pense que je vais demander à Mme Laplante, qui connaît bien le dossier et le mémoire, de vous le résumer, de vous le présenter.

Le Président (M. Doyon): Mme Laplante, vous avez la parole.

Mme Laplante (Louise): Merci, M. le Président. Nous avons regardé ce mémoire d'un oeil extrêmement... avec grande satisfaction, je dirais. Non pas que nous soyons d'accord avec l'ensemble des recommandations - et je pense que le milieu culturel, on en a eu un aperçu récemment, n'est pas tout à fait d'accord sur toutes les recommandations - mais il reste que

c'est la première fois qu'on a vraiment une politique ou une intention de politique qui permet d'envisager une vision d'avenir. C'est dans ce sens que notre première recommandation, qui dit textuellement qu'on souhaite que le gouvernement du Québec donne suite à la proposition de politique de la culture et des arts préparée par le groupe-conseil Arpin, est faite.

Elle est faite dans le sens qu'il est temps que nous ayons une politique et qu'il est temps, grand temps, qu'on cesse finalement de préparer mémoire sur mémoire. Ce que les artistes attendent, c'est que le gouvernement prenne en charge sa culture et porte la culture à une dimension aussi importante que celle de l'économie et de la société, comme c'est recommandé par le rapport Arpin. C'est dans ce sens que nous faisons cette recommandation.

Dans un deuxième temps, nous avons porté nos recherches particulièrement sur le secteur de la musique et, évidemment, sur le cas particulier de l'Orchestre symphonique de Québec. En musique, il y a des difficultés extrêmement graves depuis de nombreuses années, entre autres l'absence d'une éducation musicale généralisée à l'ensemble de la population. Par ailleurs, vous avez un conservatoire et des écoles de musique qui produisent d'excellents musiciens. D'un autre côté, vous avez un marché qui offre beaucoup, parce qu'il y a d'excellents musiciens qui peuvent faire cet art, mais qui s'adresse finalement à une population qui n'a pas été éduquée à cet art.

C'est un problème qui est là depuis 20 ans au moins. C'est un problème que l'on a tenté, particulièrement avec la fédération des musiciens-éducateurs du Québec, de redresser. Il y a eu, il y a quelques années, des recommandations faites au ministre de l'Éducation pour, justement, tenter de régler ce problème. C'est un peu le sens de la recommandation quand on dit qu'en regard de son rôle de maître d'oeuvre de l'activité culturelle le ministère de la culture doit établir des politiques d'ensemble propres au secteur de la musique. Et je m'empresse d'ajouter qu'à l'intérieur de cet ensemble musical il doit accorder et établir clairement la spécificité des orchestres.

Vous savez que, depuis plusieurs années, il y a eu, comment dirais-je, une effervescence dans le domaine orchestral. On voit naître des orchestres un peu partout au Québec. Quel type d'orchestres? Combien de musiciens? Combien de semaines de travail? Qu'est-ce que ça apporte finalement au développement de la qualité musicale? Il est grand temps de voir, finalement, les grandes orientations de chacun de ces orchestres.

Nous croyons qu'il y a deux grands orchestres au Québec, au moins deux orchestres qui donnent à des musiciens l'essentiel, sinon la totalité de leur revenu. Évidemment, je parle de l'Orchestre symphonique de Québec et de l'Orchestre symphonique de Montréal. Ces deux orchestres-là sont en difficulté actuellement. L'Orchestre symphonique de Québec, en particulier, au niveau des conditions de travail, si l'on compare la rémunération des musiciens des deux orchestres, on constate un écart de près de 64 % dans les salaires versés pour un travail hebdomadaire similaire. Quand on examine le nombre de semaines, on compare 46 semaines de travail à temps complet pour les musiciens de l'OSM et entre 22 et 30 pour les musiciens de l'OSQ.

Il y a là une disparité et une incohérence dans la politique du développement, finalement, dans la politique du maintien du professionnalisme que les conservatoires et les écoles de musique ont créée. Vous savez que le ministère investit, je crois, environ 10 000 000 $ par année dans le conservatoire et à peine quelques millions de dollars pour les orchestres. Alors, c'est un peu le sens de cette recommandation.

En ce qui concerne l'Orchestre symphonique de Québec en particulier, nous croyons que nous avons trois mandats très particuliers: d'abord, de donner des concerts, de produire des concerts, d'avoir un appui à l'éducation musicale. Le rapport Arpin, je crois, parle d'un vaste programme d'accès à la culture. Nous voulons faire partie de ce programme. Bien sûr, nous sommes des producteurs d'abord, mais si l'Orchestre n'aide pas ou ne fait pas partie d'un tel programme d'accès à la culture, comment est-ce qu'on pourra rejoindre les différents publics, que ce soit dans les écoles ou dans les petites villes du Québec? C'est notre proposition quand à l'éducation musicale.

Nous croyons également que nous avons un autre secteur très important à développer: celui de la diffusion de la musique symphonique sur l'ensemble du territoire du Québec. Pendant de nombreuses années, l'orchestre a donné des concerts un peu partout au Québec. On a dû cesser de le faire faute de fonds. Il y a un an ou deux, nous avons été capables d'intéresser une compagnie privée, nommément Du Maurier Itée, à investir dans la diffusion de la musique symphonique. Il est évident que le partenariat privé ne peut pas suffire à établir véritablement un développement et une diffusion du répertoire symphonique en région. Nous souhaitons donc que ce soit un mandat spécifique qui puisse être accordé à l'orchestre et que l'orchestre soit subventionné spécifiquement à cette fin.

Nous croyons également que, comme l'Orchestre symphonique de Québec est à Québec, Québec étant la capitale, nous avons un rôle à jouer, un rôle de représentation, de promotion et de diffusion de la capitale à l'étranger. Cette ville a une qualité particulière: elle est la capitale, elle est le centre du monde francophone en Amérique. L'orchestre doit promouvoir la ville comme l'Orchestre symphonique de Montréal l'a fait pour la ville de Montréal.

Ce sont donc les trois aspects, les trois

mandats: produire des concerts et être un appui à l'éducation musicale, avoir un mandat de diffusion de la musique symphonique sur tout le territoire du Québec, en particulier dans l'Est, et, enfin, servir d'ambassadeur de la ville à l'étranger.

Pour cela, il faut consolider l'Orchestre symphonique de Québec, et j'aimerais attirer votre attention en page 13 du mémoire. Cet orchestre a connu une diminution de ses subventions équivalant à plus de 400 000 $ si on regarde la non-indexation des subventions depuis 1984. Ce n'est pas une perte en dollars, mais c'est une perte de 25 % de notre budget. C'est une des raisons majeures qui a fait que l'Orchestre s'est retrouvé dans une situation de crise la saison dernière. Une perte de 25 % de notre budget global en cinq ans, une perte théorique de 400 000 $, ça veut dire l'impossibilité de maintenir à Québec un orchestre qui travaille en permanence. C'est ce qui a mené au conflit de travail dont parlait M. Létourneau tout à l'heure et qui a fait que nous sommes allés en arbitrage pour régler le problème, le problème qui était récurrent.

Mais qu'est-ce que l'arbitre a dit? Il a dit qu'il fallait un statut spécial pour l'Orchestre symphonique de Québec. Il a reconnu les difficultés de l'Orchestre et il a dit que la preuve avait été faite devant lui que nous n'avions pas les moyens de continuer. Quand il parle d'un statut spécial, il parle, évidemment, d'un arbitre des conditions de travail. Mais ça rejoint exactement la recommandation du rapport Arpin qui parle de créer un statut d'institution culturelle nationale pour certains organismes majeurs du Québec. Et nous croyons... Nous sommes un orchestre majeur au Québec. Nous sommes l'un des deux seuls orchestres majeurs au Québec.

Nous avons, bien sûr, reçu des subventions de dépannage. Qu'est-ce que ça donne une subvention de dépannage? Ça donne un répit pour un certain temps, mais ça ne règle pas le problème du sous-financement récurrent et ça peut mener, finalement et très rapidement, à de nouveaux problèmes à moyen terme.

Nous proposons donc, M. le Président, que le ministère des Affaires culturelles procède à une étape de consolidation de cet orchestre, voit à nous donner les moyens de développer cet orchestre, et quand on parle de développement, M. le Président, on parle d'un orchestre qui compterait 80 musiciens. C'est un minimum dans ce sens qu'un grand orchestre compte 100 musiciens. C'est le cas de l'Orchestre symphonique de Montréal. On ne demande pas 100 musiciens à Québec parce qu'on trouve que c'est irréaliste, mais on pense que 80 musiciens travaillant, disons, 40 semaines avec un salaire à peu près décent, ce serait au moins satisfaisant à moyen terme et un objectif à réaliser dans les quelques années qui viennent. (10 heures)

Nous sommes dans un contexte difficile. On peut pleurer sur la petitesse de la ville en termes de population. On peut pleurer sur la difficulté d'aller chercher des fonds dans le secteur corporatif. Tout ça est vrai. La ville est petite, le public nous supporte, nous appuie, continue d'être là, mais il ne pourra pas... Il y a un certain plafonnement à cause du bassin de population restreint.

Quant au secteur corporatif, nous avons réussi, en cinq ans, à aller chercher de 8 % de nos revenus à 22 % de nos revenus actuellement. C'est considérable comme augmentation. En dollars réels, ça veut dire environ 1 000 000 $ que nous allons chercher dans le secteur privé de Québec. Je ne dis pas que nous sommes au fond du baril - on n'est jamais au fond du baril - mais il reste que 1 000 000 $ pour la ville de Québec, c'est beaucoup d'argent. Nous voyons qu'il y a un certain plafonnement du fait même que le secteur corporatif a ses propres limites et on ne peut vraiment pas compter sur une garantie, en tous les cas, de l'implication du secteur privé. Il faut recommencer. C'est toujours à reprendre. Seul un statut d'institution culturelle nationale avec des moyens appropriés pourrait nous permettre d'envisager un développement de l'Orchestre symphonique de Québec et de ne pas tomber de façon récurrente dans des problèmes financiers que nous avons vécus et que nous avons vécus de façon cyclique au cours des, j'oserais dire, 90 ans de son existence. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Laplante. Je pense que vous venez d'expliquer les problèmes de façon très éloquente. La région de Québec vous doit beaucoup. Je sais que vous faites l'impossible pour que la région de Québec soit dotée d'un orchestre de qualité malgré les difficultés qui sont omniprésentes et qui continuent de vous assiéger. Je sais aussi que Mme la ministre est fort sensible à la situation. Les solutions ne sont peut-être pas aussi facile qu'on pourrait le penser et elle va sûrement vouloir vous poser certaines questions, regarder les choses d'une façon un petit peu plus approfondie. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci. Merci, Mme Laplante. Bienvenue à tous et je tiens particulièrement à souhaiter la bienvenue à votre nouveau président, M. Couture. J'aimerais qu'on parle de deux choses. D'abord, j'aimerais qu'on parle de ce que vous dites: l'intégration et aussi le programme d'accès à la culture, donc l'accessibilité générale - on va en parler aussi durant la journée avec d'autres intervenants - et au niveau, justement, de cette classification d'institution nationale.

Je regardais tantôt avec Mme Courchesne, ma sous-ministre... On regardait l'aide apportée aux différents organismes dont les orchestres en

général et en particulier le vôtre. Il y a eu un plan de redressement, une entente, parce que, vous avez raison, les subventions n'ont pas toujours été indexées, mais, à partir de 1989, il y a eu une entente faite pour 1989... 1990, 1991, 1992. Maintenant, il faut retravailler cette entente où on est allé chercher des partenaires et où il y a eu augmentation au niveau de la subvention. C'est une entente en disant: Eh bien, là, à partir de ça, on va voir maintenant comment on peut faire aussi pour stabiliser.

Les subventions, en général - vous parlez aussi de faire la juste part entre un marché qui est plus petit... C'est plus difficile aussi d'aller chercher des subventions d'autres intervenants, donc du privé. Vous faites un très bon travail là-dessus, au niveau des abonnements aussi, je vous l'accorde, et c'est vrai que c'est plus difficile. Par contre, notre subvention correspond à 25 % du total versus, par exemple, l'Orchestre symphonique de Montréal où elle ne correspond qu'à 9 %. Donc, c'est tenu en ligne de compte aussi au niveau de l'implication de l'État.

Mais je veux revenir au niveau des statuts d'institution et de la consolidation. Au moment où on se parle, il y a l'Orchestre symphonique de Montréal et chez vous, l'Orchestre symphonique de Québec, il y a l'Orchestre métropolitain, il y a des orchestres partout, que ce soit au Saguenay-Lac-Saint-Jean, a Rouyn, bon, un peu partout. Donc, on subventionne énormément d'orchestres.

Vous, ce que vous nous dites, c'est de faire une classification; c'est un peu ce que l'Orchestre symphonique de Montréal disait aussi. Il disait: On veut avoir une vocation et on le fait là, on fait de l'action internationale, si on veut. Ce que vous dites, c'est qu'il revient à l'État de classifier certains organismes, dont, en particulier, votre secteur, des orchestres, de les classifier et, finalement, de fonctionner en fonction de cette classification-là. Vous allez même jusqu'à dire, si ma mémoire est bonne, au niveau des musiciens, de classifier aussi au niveau du statut, non seulement du statut, mais au niveau du salaire des musiciens.

Je veux revenir à la consolidation, ce qui m'amène à revenir à la consolidation. Au Québec, on est 6 000 000, en fait 7 200 000. On forme beaucoup de musiciens. Il faut leur donner des opportunités d'emploi. On subventionne énormément d'orchestres symphoniques, je vous l'ai dit tout à l'heure. On en subventionne 11, plus ou moins égal, mais on en subventionne 11, dont 2 gros. Quand vous parlez de consolidation, est-ce que, selon vous, vous qui êtes dans le milieu, l'État se doit de continuer à subventionner tous ces orchestres? C'est beaucoup plus que ce qui se fait ailleurs, si on veut, parce qu'on est notre propre mécène. Du mécénat au Québec, il y en a, mais pas beaucoup. Des grandes familles riches, il y en a, mais pas beaucoup. Donc, l'État est le mécène principal au niveau du Québec, c'est-à- dire qu'il subventionne énormément. Il subventionne la culture presque à 90 %, d'une certaine façon, sinon plus.

Alors, parlez-moi de cette consolidation-là. Vous nous dites ça, mais c'est sûr que l'Orchestre métropolitain va venir probablement la semaine prochaine et qu'il va nous dire la même chose. Les orchestres au niveau des régions nous disent: Mais nous, dans les régions, les gens viennent nous écouter, nous. Donc, la participation régionale et l'action régionale sont assumées par les orchestres que l'on subventionne dans les régions. Alors, parlez-nous de ce contexte-là.

Mme Laplante: D'abord, Mme la ministre, il y a deux façons de créer la qualité dans un orchestre: d'abord, en donnant des conditions de travail intéressantes aux musiciens, c'est-à-dire que ce qui fait leur qualité, c'est leur compétence. Si on veut attirer de bons musiciens, il faut leur donner des conditions de travail intéressantes.

Le deuxième aspect, c'est la qualité du jeu d'ensemble et la fréquence du jeu d'ensemble. Ce qui arrive dans un cas... Pourquoi l'Orchestre symphonique de Montréal est-il aussi extraordinaire? C'est parce qu'ils ont d'excellents musiciens travaillant à temps plein pendant l'année complète. À l'Orchestre symphonique de Québec, nous n'avons pas ce temps complet, même si les musiciens qui travaillent 30 semaines... On ne peut pas qualifier ça de temps complet dans le calendrier qui a 52 semaines.

Donc, plus des musiciens de bonne qualité travaillent ensemble longuement avec de bons chefs, plus vous aurez un orchestre de grande qualité. Nous croyons que ça ne sert à rien d'avoir des petits orchestres un peu partout qui, finalement, donnent un peu de travail comme ça, à la pige, à certains musiciens pour quelques semaines ou quelques heures de travail. Vous ne développerez pas la qualité musicale. C'est impossible. Il serait mieux de dire, pour commencer... Ça serait mieux d'ouvrir des postes à Québec et de dire: Venez travailler à Québec, les musiciens. Je serais heureuse d'ouvrir des postes à Québec, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Bon.

Mme Laplante: Je vous garantis qu'il y a beaucoup de musiciens qui feraient les auditions si on leur donnait des conditions intéressantes. Ensuite, on dit à cet orchestre: Vous allez diffuser la musique symphonique. Dans le fond, les petits orchestres que vous subventionnez, Mme la ministre, ce sont très souvent les mêmes musiciens qui se baladent de l'un à l'autre. Qu'est-ce que ça fait finalement pour la qualité musicale? On peut se poser la question.

Mme Frulla-Hébert: Je vous l'accorde dans la région de Montréal, par exemple, mais si on

va à Rouyn, en Abitibi - on en pariait hier, il y avait un représentant justement de... On en a eu plusieurs d'ailleurs des régions, dont l'Abitibi, et au Saguenay-Lac-Saint-Jean aussi, la même chose. Ils ont des orchestres. À Trois-Rivières aussi. Dans ces régions qui sont plus éloignées, moi, je veux bien leur faire une offre comme ça, mais je ne suis pas certaine que ça ferait le consensus, au contraire, parce que eux-mêmes nous disent que ça fait travailler les musiciens en région, que ça donne des débouchés.

Vous avez raison. Ce n'est pas... Ils ne prétendent pas non plus être des orchestres de la même envergure que chez vous ou que l'Orchestre symphonique de Montréal, entre autres, mais ce qu'on nous dit, c'est: Au niveau de la région, ça nous satisfait pleinement. On aime voir nos musiciens, ceux qui peuvent y participer, notre monde et ça contribue aussi beaucoup au rayonnement musical de la région. Si on classifie en disant que, bon, pariait, c'est vrai qu'on en a beaucoup d'orchestres, pour un milieu, un petit bassin tel que l'on est et que l'on dit: Eh bien, là, on consolide et on rationalise, qu'est-ce qu'on fait de toute cette discussion au niveau de la régionalisation qui finalement... Il n'y a pas un jour où on n'a pas cette discussion au niveau de l'importance des régions.

M. Létourneau (Denis): Si vous me permettez, Mme la ministre, je vais répondre. Dans le mémoire qui est proposé par l'Orchestre symphonique, justement, la diffusion et la vulgarisation du matériel symphonique reviendraient à l'Orchestre symphonique de Québec.

Maintenant, il est évident qu'il faut agir dans la société par priorités. C'est entendu, on a tous des choses dont on doit tenir compte, principalement en ce qui concerne les arts, l'argent. Bon. Cependant, je pense qu'il revient au ministère d'établir et de reconnaître les organismes qui diffusent le matériel artistique universellement reconnu et qui est propre a la civilisation occidentale dans laquelle nous évoluons. C'est ce qu'on pourrait appeler les arts, entre guillemets, consacrés - excusez le terme un peu liturgique de notre qualificatif - c'est-à-dire la musique, la danse, le théâtre, la littérature, j'en oublie peut-être, mais en gros.

C'est de la force et de l'appui que reçoivent ces arts-là que peuvent émerger une quantité d'autres formes d'art exploratoires, mais tout autant valables et nécessaires à une qualité de société qui encourage ses créateurs. Il faut d'abord reconnaître des organismes comme l'OSM ou l'OSQ, ou des grandes compagnies de théâtre, ou reconnaître la nécessité d'une diffusion de matériel reconnu dans tous les pays. Et ça, hélas, moi, en tant que musicien, et les collègues musiciens et les artistes en général, on trouve anormal d'avoir, à tous les deux ou trois ans, à entrevoir une situation d'urgence, une situation désastreuse quand nous véhiculons un matériel universellement reconnu. Ce n'est pas normal. C'est la force de ces organismes-là qui le diffuse qui va permettre une qualité dans notre société.

En Allemagne, il y a 90 orchestres subventionnés. Il ne faut pas en demander tant, c'est entendu. Mais ces gens-là... En Angleterre aussi, ou même aux États-Unis, la société a compris l'importance de foyers culturels importants qui reposent sur des valeurs sûres. La musique symphonique est une valeur sûre. Personne ici ne peut le contredire.

Ce qui fait l'équilibre dans une société, Mme la ministre, M. le Président, c'est l'équilibre des divers secteurs qui la composent. Et s'il y a des secteurs qui peuvent fonctionner un peu d'eux-mêmes, ou qui demandent une certaine loi et tout - quand même les commerces ou des choses comme ça - il y a définitivement d'autres secteurs qui sont plus difficiles, qui ont plus de difficultés à arriver dans une forme d'autonomie financière. Mme Laplante vous en a parlé tout à l'heure.

On peut demander au secteur privé, comme, par exemple, Du Maurier le fait pour l'OSQ, un appui et c'est tant mieux! Ça montre un intérêt. Mais, il ne faut pas, comme nous avons trop entendu, faire dépendre l'existence de ces organismes-là d'une réponse du secteur privé. Je pense que, s'il y a des gouvernements, s'il y a des États et s'il y a un appareil gouvernemental, c'est justement pour pallier à la société, aux secteurs moins forts, mais qui, par leur présence et leur vigueur, manifestent une qualité de vie à la hauteur de l'organisation que nous donnons à cette même société.

C'est à partir de ce moment-là, madame et M. le Président, qu'une société bien organisée peut devenir, par l'appui de l'État, une civilisation qui peut devenir intéressante. C'est d'abord à vous d'identifier ces choses-là, et je vous aide ce matin à les identifier, les arts qui doivent être d'abord consolidés, sûrs et ne pas avoir à craindre dans 2 ans... Ça fait 10 ans personnellement que je suis musicien à l'Orchestre symphonique de Québec, et à tous les 2 ou 3 ans, on se demande si, à Québec et pour le gouvernement, ce matériel si extraordinaire et si riche va pouvoir même pas vivre, mais survivre. Ce n'est pas normal d'une société qui se dit et qui se proclame avancée. Et, on le sait, ça nous coûte assez cher comme ça pour cet avancement-là. (10 h 15)

Le Président (M. Doyon): Dernière question, Mme la ministre, malheureusement.

Mme Frulla-Hébert: Je suis d'accord... Remarquez que je suis d'accord avec vous et c'est pour ça, dans le fond, que l'État, en soi, subventionne proportionnellement beaucoup plus l'Orchestre symphonique de Québec qu'il ne peut le faire pour l'Orchestre symphonique de Montréal, compte tenu des moyens. Moi, je veux

revenir... Vous qui êtes musicien, vous parlez de l'Allemagne, de la France, et Lander s'implique énormément. En France, c'est la même chose aussi au niveau des cantons, vous le savez comme moi. Et, je dirais même, dans le reste du Canada et dans l'Ontario, la situation est aussi très différente.

Nous, évidemment, les municipalités ne peuvent pas prendre leur orchestre et dire: Bon, eh bien, il y a de grands orchestres nationaux. Ça revient toujours à l'État, finalement. Ceci dit, vous qui êtes musicien, si on dit tout simplement: On donne le rôle de diffuseur à l'Orchestre symphonique de Québec, comme vous dites, au niveau de la région, qui pourrait être un rôle, honnêtement, qui serait un naturel, c'est un naturel, à ce moment-là, on cible. L'Orchestre symphonique de Montréal a son rôle à jouer, vous avez votre rôle à jouer, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas une question internationale, mais un rôle plus spécifique.

Bon, l'Orchestre métropolitain en aurait un aussi, mais, de toute façon, il y a un mécène, aussi, au niveau de l'Orchestre métropolitain, qui est super-important. Mais ceci dit, qu'est-ce qu'on fait avec les autres orchestres qui existent présentement et qui ont aussi fortement besoin de nous pour subsister et qui ne sont pas - ils le disent eux-mêmes - de même envergure que vos orchestres, mais qui semblent contribuer à la vie musicale et artistique de la région?

M. Létourneau (Denis): Qu'est-ce qu'on fait avec ces orchestres?

Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'on continue à les subventionner? Parce que, évidemment, le jour où on va classifier, ce n'est pas vrai que, demain matin, que ce soit d'un côté ou d'un autre, on va avoir de l'argent autant qu'on va en demander. Ce n'est pas vrai, ça, c'est se leurrer. Donc, il va falloir toujours faire des priorités quelque part, et c'est normal. À ce moment-là, la minute qu'on fait des priorités et qu'on classifie, cette classification-là aussi demande des ajustements. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on continue à subventionner, à...

Le Président (M. Doyon): M. Létoumeau.

M. Létoumeau (Denis): Je pense qu'il vous revient de déterminer de quelle façon chaque région doit être équilibrée, si vous voulez, au niveau des besoins qu'elle demande. C'est entendu que, moi, personnellement, en tant que musicien, je ne peux pas balayer d'un revers de la main tous ces organismes-là qui sont très vigoureux et qui sont pleins de bonne volonté. Cependant, il faut penser à une chose. C'est qu'en finalité de tout ça, en finalité du conservatoire de Chicoutimi, où il y a un orchestre, ou de tous les autres conservatoires - il y en a sept ou huit, je pense, au Québec - la finalité d'un apprentissage, c'est de pouvoir exercer son métier d'une façon professionnelle et avec des qualités de travail, des conditions de travail qui sont parallèles à la rigueur de la formation qu'on nous demande. Et c'est là où il y a un manque.

Je sais que je ne réponds pas entièrement à votre question, mais il y a des priorités et, Dieu merci, peut-être que les priorités nous permettent parfois de ne pas trop répondre à toutes les questions. Mais moi, je suis ici ce matin pour défendre la mienne, c'est-à-dire celle de l'Orchestre symphonique de Québec.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. Couture, M. Marcotte, Mme Laplante, M. Létourneau, je suis vraiment heureux de recevoir l'orchestre de notre capitale. La première question que je vais vous poser... J'ai lu votre première recommandation qui, à mon point de vue, est très explicite. Vous dites: "Que le gouvernement du Québec donne suite à la proposition de politique de la culture et des arts préparée par le groupe-conseil Arpin."

Il y a deux actions de base dans cette politique: la première est que la culture et les arts constituent une mission essentielle de l'État; la deuxième est que le Québec obtienne le rapatriement de tous les pouvoirs dans le domaine de la culture. Donc, vous endossez ces deux axiomes du rapport Arpin, c'est bien cela?

Le Président (M. Doyon): Mme Laplante.

Mme Laplante: Nous endossons, effectivement, la grande finalité qui est de faire de la culture une mission essentielle. Nous n'avons pas examiné la question du rapatriement en soi. J'ai expliqué tout à l'heure, au début, que donner suite à une proposition voulait dire faire enfin quelque chose, commencer par le commencement. La question du rapatriement va éventuellement se poser officiellement. Je pense même à l'automne 1992, de façon très précise. Je pense qu'il appartient au peuple du Québec de faire ce premier choix et, ensuite, on pourra étudier la question du rapatriement. Ce qu'on veut dire, c'est qu'il faut qu'on ait une politique. C'est très important, M. le député. Et les artistes seront toujours là pour rappeler le gouvernement à l'ordre s'il s'écarte, à leur point de vue, de leurs objectifs. Mais il faut vraiment commencer. Ça fait trop longtemps qu'on attend. C'était le sens de cette recommandation.

M. Boulerice: Mais vous convenez avec moi, Mme Laplante, que, s'il est bon, utile, voire même essentiel et impératif que l'État trace des voies, il faut également avoir les moyens. Et, actuellement, dans ce domaine, nous n'avons que des demi-moyens. Il faut en être conscient.

Mme Laplante: C'est juste, c'est juste.

M. Boulerice: Une deuxième chose. Vous avez fait état du financement au cours des cinq dernières années qui vous a atrocement pénalisés, à un point tel, d'ailleurs, qu'on s'est grandement et anxieusement interrogés sur la survie de l'Orchestre symphonique de Québec, orchestre de la capitale, certes, mais un orchestre qui a également une responsabilité pour tout l'est de notre territoire. Est-ce que vous estimez que l'Orchestre symphonique de Québec a été traité équitablement au niveau de son financement si l'on considère qu'un musée bien connu a vu un déficit de 3 500 000 $ épongé en l'espace de cinq minutes? Musée des beaux-arts de Montréal, madame.

Mme Laplante: M. le député, je répondrai de la façon suivante: Si mon enfant allait se noyer, je prendrais tout ce qu'on me donne pour le sauver. Je sais que ce gouvernement n'a pas de politique en ce moment, qu'il n'a pas les moyens. Je pense que les moyens viendront avec la politique.

M. Boulerice: Vous êtes en train de me dire qu'il n'y a pas eu de traitement financier plus avantageux parce qu'il n'y avait pas de politique?

Mme Laplante: C'est parce qu'il n'y avait probablement pas suffisamment de moyens. Je crois que les efforts ont été substantiels parce que, quand même, 1 200 000 $, c'est substantiel. Mais ce n'est pas assez. C'est là la difficulté. C'est substantiel à court terme parce que ça permet de sauver l'Orchestre, mais c'est insuffisant à moyen terme pour développer cet orchestre. Si on n'a pas de plus grands moyens dans les années qui viennent, on fera face aux mêmes problèmes - je vous le dis tout de suite - dans quelques années. C'est important qu'une politique soit établie, que des moyens soient accordés au ministère des Affaires culturelles, que le statut d'institution nationale que nous réclamons nous soit accordé et que les moyens financiers, à long terme, nous soient donnés pour que nous puissions développer l'Orchestre symphonique de Québec et non pas simplement le maintenir à bout de bras comme il est récurrent que nous le fassions tous les deux ou trois ans.

M. Boulerice: Mme Laplante, vous annoncez une donnée qui revient très souvent parmi les intervenants, à savoir les difficultés de planification financière. Ce que vous demandez c'est donc une certaine formule de financement qui soit triennale ou quinquennale - on pourra toujours s'entendre sur la durée - mais qu'il y ait un certain minimum respectable à l'intérieur de cela.

Mme Laplante: Excusez-moi, je ne saisis pas exactement votre question.

M. Boulerice: Je dis que vous faites intervenir vous aussi cette notion d'un financement soit triennal ou quinquennal qui vous permettrait - si on peut employer l'expression - de voir un petit peu plus loin que les scènes de la vie quotidienne. La programmation d'un orchestre symphonique, je pense que ça ne se fart pas, comme dit l'expression américaine, "happy-go-lucky way", à la bonne franquette.

Mme Laplante: Ça se fait au moins deux à trois ans d'avance.

M. Boulerice: Deux à trois ans d'avance. On parle beaucoup de l'incitation des entreprises et des individus à investir davantage auprès de nos institutions culturelles. Les deux questions que j'aimerais vous poser: Selon vous, quelles seraient les mesures fiscales qu'on pourrait adopter qui inciteraient les entreprises et les individus à investir davantage? En sous-question à cette première: Dans votre cas, quel a été l'apport de la formule d'appariement, qui avait été introduite par le ministre Clément Richard, qui a duré quelques années, mais qui a été abandonnée par le ministère?

Mme Laplante: M. le député, nous avons un fiscaliste avec nous à notre table, M. Marcotte. D'emblée, je peux vous dire que la formule, le reçu d'impôt à 100 %, ce serait déjà un bon moyen, mais je vais laisser la parole à M. Marcotte sur les questions de fiscalité.

Le Président (M. Doyon): M. Marcotte.

M. Marcotte (Gilles): Comptable agréé plutôt que fiscaliste. En fait, nous avons déjà le droit de réclamer, pour des déductions fiscales, les déductions qui viennent des compagnies. Alors, nous pouvons émettre des reçus de charité, ce qui leur permet, dans certains cas, de réclamer peut-être 50 % de la dépense payés par l'État. Est-ce qu'on pourrait avoir des mesures fiscales davantage incitatives? Peut-être à ce moment-là. Par contre, il y aurait peut-être la formule d'appariement qui nous permettrait - ça se fait dans certaines circonstances - d'aller chercher autant d'argent que l'État peut nous donner à ce moment-là.

Nous vivons présentement la récession et nous nous rendons compte que les entreprises - nous avions des bonnes entreprises dans le domaine des pâtes et papiers, vous connaissez le secteur des pâtes et papiers... Alors, c'est difficile de ces temps-ci. Nous dépendons d'eux jusqu'à un certain point, d'année en année. Nous avons obtenu des subventions spéciales pour les trois dernières années, mais ces subventions étaient pour combler des déficits du passé et non pas pour maintenir l'Orchestre. Alors, c'est

comme s'il fallait que l'Orchestre se rende toujours sur le bord de la faillite pour recevoir des subventions spéciales. Comme disait Mme Laplante ce serait plutôt important d'avoir des subventions planifiées à l'avance pour nous permettre d'opérer sur des bases régulières et non pas faire des déficits et, par après, aller quémander à l'État les sommes d'argent dont nous avons besoin.

Au niveau des mesures fiscales, je ne sais pas ce que l'État pourrait faire davantage. En fait, réclamer 2 $ de dépenses pour 1 $ donné-Peut-être que la formule d'appariement est préférable. Ça permet, à ce moment-là, aux administrateurs des organismes sans but lucratif de s'occuper d'aller chercher des fonds et l'État, par après, donne sa quote-part.

M. Boulerice: Vous pouvez convenir avec moi, M. Marcotte, que même si c'est une question de vocabulaire, il faudrait peut-être changer l'expression "reçu de charité" dans le cas des organismes culturels. Je vous avoue que ça me blesse personnellement.

M. Marcotte: Définitivement, mais ça fait partie des oeuvres de charité au niveau des gouvernements.

M. Boulerice: Voilà. Vous parlez de cette formule d'appariement, mais très spécifiquement chez vous, là, est-ce que ça a été un grand succès, ça vous a énormément aidé ou vous avez plus ou moins...

M. Marcotte: Je n'étais pas au conseil d'administration durant cette période-là. Je ne sais pas de quelle façon ça a pu fonctionner, l'appariement.

M. Couture: Malheureusement, je n'étais pas au conseil d'administration non plus à cette époque-là. Mais cette formule d'appariement a duré combien de temps? Elle n'existe plus depuis quand même quelques années.

M. Boulerice: Ça a été abandonné il y a deux ou trois ans, je crois.

Une voix: Plus que ça, je crois.

Le Président (M. Doyon): Une dernière question, M. le député.

M. Boulerice: On pourrait présumer... La majorité des organismes nous a dit que ça avait été une formule intéressante, donc on peut présumer que, pour l'Orchestre symphonique de Québec, ce n'était pas à dédaigner.

Mme Laplante: Si vous me permettez, M. le député, on pourrait ajouter que, comme, dans notre budget global, nos subventions privées sont passées de 8 % à 20 %, si on avait eu l'appariement, simplement, ça aurait été bien.

M. Boulerice: Je me suis demandé quand vous étiez pour le dire.

Le Président (M. Doyon): Quelques mots de remerciement, M. le député.

M. Boulerice: Bien, j'aurais aimé vous parler du Domaine Forget, mais le président est obligé de jouer son rôle même si c'est quelquefois très ingrat. Je connais son attachement pour l'Orchestre symphonique de Québec. Tout simplement, je vous remercie de votre présence, et l'idée d'en faire une institution nationale m'apparaît fort à propos, compte tenu que c'est l'orchestre de la capitale.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre. (10 h 30)

Mme Frulla-Hébert: Je me joins à mon collègue aussi pour vous remercier. La semaine dernière, on a eu, justement, votre plan de développement. On travaille de toute façon avec vous, ainsi que la Communauté urbaine de Québec, pour impliquer aussi les autres partenaires d'État, et cette idée de classification revient régulièrement. Alors, évidemment, ça va entrer aussi dans notre ordre de priorité. Merci.

Le Président (M. Doyon): Alors, vous me permettrez, au nom de la commission, de vous remercier et de vous dire que vous conservez l'appui qui est le vôtre auprès des députés de la région de Québec. J'arrive d'un voyage en Autriche où j'ai vu que la solution des institutions nationales, vraiment, non seulement pouvait servir de solution permanente à des problèmes qui sont, justement, permanents, mais avait un effet d'entraînement qui faisait que ces grandes institutions là servaient d'étalon de mesure, avaient un effet d'entraînement à la grandeur du pays et que, de la même façon qu'on ne remet pas en question nos universités, qu'on ne remet pas en question nos écoles et nos hôpitaux, d'avoir des institutions nationales bien définies, bien ciblées, bien évaluées, c'était une façon de résoudre de façon permanente le problème, sans rien enlever à d'autres. Et, de ce côté-là, je pense que la piste de solution que vous avez élaborée mérite d'être explorée, et comptez sur nous pour en reparler entre nous. Bravo, félicitations, merci beaucoup.

Alors, maintenant c'est le temps de recevoir, avec un peu de retard, malheureusement, Héritage Montréal. Je les invite à prendre place en avant. Je leur souhaite la bienvenue. Ils sont ici depuis le début de nos travaux ce matin. Je ne répète pas la façon dont nous procédons. Ils la connaissent. Nous sommes prêts à vous écouter dès maintenant. Je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. Soyez bien à l'aise; veuillez

vous présenter et, tout de suite après, commencer la lecture ou le résumé de votre rapport, comme il vous plaira.

Héritage Montréal

M. Bumbaru (Dinu): M. le Président, je suis Dinu Bumbaru, directeur général d'Héritage Montréal. Notre président, M. Forget, qui devait se présenter aujourd'hui, est malheureusement retenu à Montréal pour des raisons de santé. J'agirai en son nom et au nom du conseil d'administration qui est également représenté par M. Gérard Beaudet, ici présent, qui est membre de notre conseil.

Le Président (M. Doyon): Alors, très bien, nous écoutons et nous espérons que M. Forget se remettra rapidement.

M. Bumbaru: Ça dépend de la température, et ce n'est pas dû pour s'améliorer.

Le Président (M. Doyon): Ça ira au printemps.

M. Bumbaru: C'est ça, on peut prendre rendez-vous déjà. M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, Mme la sous-ministre également, nous tenons tout d'abord à remercier la commission de nous avoir invités à venir présenter. Enfin, inutile de souligner notre intérêt pour ce type d'action, de travail, dois-je dire, qui s'instaure au niveau de l'ensemble du gouvernement et donc de la société québécoise. Je pense que je traduis bien l'opinion de notre conseil en voyant là-dedans un geste qui est important, et c'est à ce titre que nous désirons participer de façon à le rendre non seulement important, mais également utile. Dans notre cas, on parle de politique de la culture et des arts. Nous voyons là-dedans l'objet de discuter plus particulièrement de notre champ d'intervention, qui est mentionné à quelques reprises dans le document. Il s'agit du patrimoine, de l'environnement bâti. Il s'agit, essentiellement, du paysage culturel à l'intérieur duquel évolue la société québécoise. Et qu'il s'agisse de milieu urbain, qu'il s'agisse de milieu rural, c'est donc sur l'ensemble de cet élément, qui est un acquis mais également la source d'un développement futur, que nous avons fait porter notre mémoire. Tout le monde a eu copie de ce document. Je ne m'attarderai pas à le résumer ou à le relire en public, mais simplement à faire ressortir quelques points.

La notion de patrimoine, dans notre cas, dépasse de loin celle qui est présentée dans le rapport et nous devons admettre avoir réagi assez fortement au document qui a été soumis. On emploiera le terme "rapport Arpin"; dans notre cas, il ne s'agit pas d'attaquer personnellement M. Arpin ou le groupe qui a travaillé sur ce document mais bien de voir, dans les lacunes de ce document, un élément un peu symptoma-tique d'une situation qui devrait être modifiée et d'une situation qui devrait être modifiée pour le meilleur, sinon je pense qu'on aura à faire face à des pertes de plus en plus sévères non seulement au niveau du patrimoine, mais également au niveau culturel sur l'ensemble du Québec. "Patrimoine", dans le rapport, est identifié comme étant... par certains éléments, est perçu comme un élément humaniste faisant partie de ce paysage culturel, mais trop souvent identifié comme étant un stock d'objets. Essentiellement, c'est d'une collection muséale qu'on parle. Il y a une référence qui est assez impressionnante à la page 264 de la version 2, de la deuxième impression du document, qui identifie le patrimoine comme étant... On pose la question: Doit-on garder deux, trois, cinq maisons victoriennes? Quelque chose comme ça. À cet égard, on se trouve à effectuer une régression, à notre avis, par rapport à l'ensemble du discours sur le patrimoine, et ce, non seulement dans une société évoluée comme la société québécoise, mais même dans des pays en voie de développement où on était déjà beaucoup plus loin que ce genre de discours là, qu'on parle de l'Amérique latine, de l'Afrique, de l'Asie, de l'Europe, enfin les notions d'inventaire sont déjà dépassées dans la pratique et dans la conception culturelle du patrimoine.

Ce n'est donc pas à titre d'organisme que nous sommes ici mais beaucoup plus par rapport à cette cause dont nous nous sommes fait, depuis 1975, les défenseurs à Montréal. On est arrivé de Montréal ce matin et nous sommes passés par le centre commercial qui est à côté, ici, du Parlement pour profiter, en fait un peu par hasard, d'une exposition, justement, sur le thème du patrimoine, exposition fort intéressante où on voyait un paquet de choses. Notamment, on voyait un article sur la démolition de la maison Van Horn qui est un peu à la source de l'action d'un organisme comme le nôtre. Et les organismes comme le nôtre ne sont pas seuls. Il n'y a pas qu'Héritage Montréal. On a identifié plusieurs centaines d'organismes semblables à travers la région montréalaise, à travers le territoire québécois et c'est un peu à titre de participants à ce mouvement que nous sommes ici.

Dans cet esprit, nous devons... J'ai mentionné notre action face à la définition du patrimoine dans le rapport. Cette réaction est également une réaction face à l'espèce de, enfin, j'emploierais quasiment le terme usurpation que le rapport représente par rapport à la notion de politique culturelle, politique de la culture. Une politique de la culture est un document, est une institution, est un document de référence similaire à un énoncé des droits de la personne et c'est un document fondamental pour une société. Par contre, le rapport en tant que tel utilise le

prestige et la nécessité qu'impose ce terme pour essentiellement traiter d'industrie des arts ou d'aspects très particuliers de la culture. La vision globale est présente dans les premières pages du rapport, enfin la préface du président du groupe, M. Arpin, est très encourageante lorsqu'il parie d'intégrer la culture au même titre que l'économique et le social parmi les préoccupations fondamentales d'une société, mais, malheureusement, il n'y a pas de réflexion, de reflet de cela dans le reste du document.

En fait, dans cet esprit, nous voyons la nécessité d'une stratégie avec une hiérarchie des politiques et des documents de référence: la culture en premier lieu, en second lieu les arts, la culture - je ne dirais pas la culture industrielle mais les industries culturelles - également le patrimoine, des documents qui devraient suivre dans une séquence ordonnée et stratégique de façon à orienter les choix mais également à orienter le développement.

Une politique de la culture est avant tout un document pour tout le gouvernement et on souligne à plusieurs reprises dans notre mémoire l'importance d'orienter l'ensemble de l'action gouvernementale par rapport à une préoccupation, comme la préoccupation culturelle, plutôt que d'en faire un document uniquement à l'égard du ministère des Affaires culturelles. On a parlé tantôt d'investissements, on a parlé de subventions, etc., qui sont des choses essentielles. Enfin, il ne faut pas voir dans notre présentation un rejet des autres champs mais, au contraire, une nécessité d'articuler l'ensemble de ces préoccupations. Malheureusement, le rapport est très timide à cet égard et nous croyons qu'il y a une nécessité d'avoir justement un reflet de la nature universelle de la culture dans une politique culturelle. Comme la langue s'utilise dans tous les ministères, pourquoi la culture ne devrait-elle pas faire partie des préoccupations de l'ensemble du gouvernement plutôt que d'être, finalement, le dernier bastion sur lequel le ministère des Affaires culturelles devra se replier en cas de désagrégation de la préoccupation?

En dernier lieu, je dois souligner un élément qui nous est apparu fort préoccupant dans le rapport, à savoir une certaine hiérarchisation sur le territoire de notions comme le patrimoine. On identifie facilement le patrimoine à Québec, à la vieille capitale qui est certainement un lieu important, d'ailleurs il a été reconnu par l'UNESCO à ce titre, mais nous croyons que le patrimoine n'est pas un phénomène uniquement localisé dans la Sainte Trinité à laquelle on fait référence dans notre mémoire, à savoir le Vieux-Québec, 111e d'Orléans et la Côte-de-Beaupré. Il y a une diffusion qui doit être réalisée de façon à sensibiliser tous les citoyens par rapport à ce qui est leur propre identité à travers toutes les régions du Québec, mais également une intervention à prévoir dans le sens de valoriser et de responsabiliser égale- ment les gens.

Un document, tel que celui qui est présenté, représente, avec ce genre d'élément, beaucoup plus une vision de culture gouvernementale plutôt qu'une politique de la culture dans ce sens. Notre point de départ par rapport à la notion de patrimoine et d'environnement bâti, c'est que la culture est le fait, en premier lieu, de chacun des individus et de chacune des personnes qui constituent une société et non pas uniquement le fait des institutions qui gèrent la culture - et, par les institutions, j'entends aussi bien les ministères que les musées, que les bibliothèques, que les galeries d'art ou les organismes faisant partie du groupe des industries culturelles - mais c'est également le fait de chacune des personnes, enfin les entreprises commerciales qui saccagent les centres-villes, les entreprises industrielles qui imposent des modes de développement qu'on commence à peine à commenter, à évaluer sur le plan environnemental, devraient également être responsables au point de vue culturel de leurs impacts.

Ce sont des éléments qui constituent, grosso modo, notre présentation, les points forts et je crois, enfin, que, pour faciliter la gestion de la présentation, il serait à propos de remettre la parole à la commission. Nous sommes prêts à répondre à vos questions à cet égard et nous nous excusons si, avec le temps, nous apportons d'autres points un petit peu indépendants par la suite. Merci.

Le Président (M. Khelfa): Merci. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bumbaru. Merci et bonjour, M. Beaudet. Je vous remercie d'être venus ici à la commission. En fait, vous différez des autres intervenants dans un sens où vous avez une vision, comparativement à d'autres, qui est pessimiste. Et là, dites-moi si je me trompe, mais qui semble pessimiste en ce qui a été fait en matière de patrimoine. Et votre conception de patrimoine est extrêmement large aussi. Par contre, en même temps, vous êtes réticents au niveau de l'implication des municipalités. Je vais fouiller un peu dans... Parce qu'on a vu le mémoire, évidemment, avant, comme vous l'avez dit, et j'aimerais qu'on se parle un peu de ça. C'est que, d'un côté, votre définition du patrimoine est très englobante, mais, d'un autre côté, on en parlait tantôt dans un autre secteur, malheureusement, il faut faire des choix et des priorités. Donc, dans ce contexte-là, j'aimerais savoir de votre part si vous établissez un ordre de priorités versus les problèmes auxquels on doit faire face. (10 h 45)

M. Bumbaru: Peut-être que la première priorité c'est d'avoir justement cette ligne directrice qui devrait traverser l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Il y a beaucoup

d'interventions qui pourraient facilement être positives au lieu d'être négatives et je ne voudrais pas présenter... Enfin, notre opinion n'est pas pessimiste parce que, avant tout, la notion de conservation est une notion optimiste. Nous croyons dans ce qui a été réalisé et nous croyons dans ce qui peut être réalisé. C'est un peu le "motto" de notre travail en matière de conservation du patrimoine. Cependant, nous croyons qu'il y a beaucoup d'actions qui sont malheureusement négatives par manque de compétence, simplement par manque de sensibilité. Quand on passe une autoroute dans un village, par exemple, ça pourrait être plus facile d'essayer de dialoguer, de voir un peu à planifier les choses facilement. Ceci n'implique pas nécessairement de votre part un investissement énorme; dans un premier temps, il s'agit de coordonner, il s'agit d'articuler. Au lieu d'avoir un gouvernement qui soit fait d'une série de duchés qui sont en lutte continuelle les uns contre les autres, peut-être avoir une espèce d'harmonisation interne qui pourrait être non seulement profitable pour le patrimoine mais également exemplaire. N'oublions pas que vous avez à appliquer une loi sur les propriétés privées, sur les droits individuels, et on constate que les gens qui appliquent les lois ou qui imposent finalement des restrictions aux droits individuels ne sont pas en mesure de représenter une position exemplaire à cet égard. Je pense qu'en termes de priorités, ça serait déjà une réussite énorme que d'atteindre ce genre de chose là. Je passerais la parole à M. Beaudet qui pourrait peut-être...

Mme Frulla-Hébert: Je veux juste mettre...

M. Bumbaru: Oui.

Mme Frulla-Hébert:... peut-être pour éclairer un peu notre discussion. Vous savez que, dans les années soixante-dix, le ministère était extrêmement présent au niveau du patrimoine, au point où on en était... Là, on parle de dirigisme; on en faisait au niveau des municipalités jusqu'au début des années quatre-vingt où, là, les municipalités faisaient pression pour avoir plus d'autonomie. Alors, honnêtement, on se faisait sortir à coups de pied.

M. Bumbaru: Oui.

Mme Frulla-Hébert: Donc, d'un autre côté, il a fallu, finalement, faire beaucoup plus d'incitations, et de là la loi, en disant que les municipalités devenaient partenaires tout en étant présentes, mais en embarquant aussi des municipalités avec nous. Et ça, vous semblez très réticents aussi là-dessus. Mais seulement pour vous dire que c'est une espèce de retour des choses parce qu'on l'a fait, ça.

M. Bumbaru: Je pense qu'il y a une question de perception par rapport à notre mémoire dans ce cas-ci. Ce n'est pas une réticence.

Mme Frulla-Hébert: Bien non. C'est ça que je voulais savoir, au niveau des municipalités et tout ça, juste pour fins de discussion parce que c'est important au niveau de leur implication, au niveau...

M. Bumbaru: Tout à fait.

Mme Frulla-Hébert:... du patrimoine, ce que vous vivez.

M. Bumbaru: Pour nous, il est important d'avoir des préoccupations qui soient absolues, autant que des préoccupations qui soient relatives au contexte local. Dans ce cas-là, il y a une responsabilité qui incombe à une société, à un gouvernement d'envergure nationale comme le gouvernement québécois. Mais ça n'empêche pas qu'il doive y avoir également une relation plus proche entre une population et l'application des outils. Maintenant, vous savez comme moi que, dans un milieu où il y a... Disons que le ministère peut jouer un rôle de référence peut-être beaucoup plus important qu'un rôle d'acteur à ce niveau-là. Si nous avons une réticence ou si on peut percevoir une réticence, c'est beaucoup plus au fait que vous parlez de partenariat, alors que, dans la réalité, on voit beaucoup plus un transfert, un dégagement du ministère par rapport à la question. C'est une connotation de ce...

Mme Frulla-Hébert:... au niveau des municipalités.

Le Président (M. Khelfa)): M. Beaudet... M. Beaudet (Gérard): Oui.

Le Président (M. Khelfa):... veuillez compléter.

M. Beaudet: Oui. D'abord, je vous dirais qu'il y a peut-être un certain pessimisme qui est un pessimisme notamment de terrain. Il faut parcourir le Québec et voir l'état déplorable dans lequel est le paysage bâti du Québec; c'est en train de se généraliser. Il faut faire référence aussi à des constats qui sont faits par des gens qui ne sont pas des spécialistes en patrimoine. Quand les agriculteurs, lors de leurs états généraux, ont tenu à rappeler à l'ensemble des intervenants gouvernementaux que la majorité des paysages culturels que les touristes fréquentent, que les touristes apprécient, ce sont les agriculteurs qui les ont façonnés, ce sont les agriculteurs qui les entretiennent et qu'on est en train d'assister au déclin de vastes régions, de régions complètes au Québec, c'est, finalement, une part importante d'un patrimoine qui est en

train de disparaître parce qu'il n'y a plus de forces vives pour le soutenir. Et ça, ça alimente évidemment le pessimisme, et, pour être de ceux qui fréquentent la majorité des régions du Québec pour y travailler dans le domaine du patrimoine, il n'y a rien de particulièrement encourageant. Il fallait entendre récemment Jacques Folch-Ribas parler justement de la banalisation du paysage bâti et aménagé du Québec pour réaliser à quel point on est loin du compte. C'est-à-dire que le nombre d'exemples à citer est peut-être très intéressant, mais il l'est à la condition qu'on cadre très serré sur cet exemple-là et qu'on oublie le reste. Juste en passant, je signalerai que, dans "Les Chemins de la mémoire", un bon nombre de bâtiments qui sont des monuments historiques classés ou reconnus ne sont représentés que par des photos anciennes, parce que, dans certains cas, ça aurait été très gênant de montrer l'état actuel du bâtiment. Et ça, malheureusement, il faut le constater.

D'autre part, il y a d'autres sources qui alimentent le pessimisme. Quand, au tableau 17 du document, on voit que le budget accordé au patrimoine historique, archéologique et naturel, qui est en pleine expansion, le nombre de bâtiments reconnus ou classés a augmenté avec les années, que ce budget-là qui représentait 7,74 % de l'enveloppe totale est passé à 4,3 %, et qu'en valeur absolue, sans tenir compte de l'inflation, c'est une diminution nette de 15,6 %, il y a là une préoccupation, parce que ce budget-là a trait spécifiquement a une responsabilité du ministère des Affaires culturelles, et non pas des municipalités, que d'autres devraient assumer de concert.

Pour ce qui est des autres organismes qui devraient assumer de concert, effectivement, les municipalités ont un rôle clé à jouer. Et je dirais même que, dans la plupart des cas, le rôle essentiel sera probablement joué au cours des années par les municipalités régionales de comté, dont certaines ont fait preuve d'une très belle originalité dans leur traitement non seulement du patrimoine mais même, dans certains cas, de la culture, sauf que ce qu'il faut voir, c'est que le désistement plus ou moins formel du ministère a créé un vacuum que ces organismes-là ne sont pas en mesure, pour la plupart, d'assumer présentement. Puis certaines municipalités le font très, très bien. Je pourrais vous en citer: Terre-bonne, Boucherville, Longueuil qui commence, Montréal, Québec, évidemment. Mais un bon nombre d'autres municipalités n'ont saisi l'occasion que pour se donner bonne conscience. Compte tenu que, notamment, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme les obligeait à identifier le patrimoine, le paysage culturel, beaucoup de ces organismes-là ont conclu des ententes avec le ministère, ont fait des études qui ont été tablettées, même souvent avant d'avoir été complétées, parce que ces organismes-là n'assument pas les conséquences d'une prise en charge d'un patrimoine que l'État ne peut plus prendre à ce niveau-là.

Et, pour beaucoup de municipalités, il est tout à fait dans la logique des choses de circonscrire dans un plan d'urbanisme le noyau traditionnel comme zone de patrimoine d'exception et, en même temps, d'émettre tous les permis qu'il faut, à tous les promoteurs qu'il faut, pour vider le vieux noyau de toute ses activités vives, de toutes ses forces vives. Et, on se retrouve avec des centres anciens en déclin, à l'intérieur desquels on a peu d'activités pour maintenir justement... Et, comme l'époque des coquilles qu'on a connue il y a 15, 20 ans, où on pouvait se permettre de restaurer des coquilles sans avoir de fonction, est révolue et révolue probablement à tout jamais, évidemment, ça cause des problèmes de taille. Parce qu'une vieille maison, on peut toujours la placarder, un vieux centre-ville abandonné, ça se placarde très, très mal. Il y a des problèmes majeurs. Je vous citerais des cas comme Sherbrooke, comme Chicoutimi, où c'est des problèmes urbains, mais c'est des problèmes urbains qui compromettent un patrimoine majeur, un patrimoine d'une richesse inouïe, mais qui est très sérieusement compromis au moment où on se parle.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Beaudet. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Merci, M. le Président. M. Bumbaru, M. Beaudet, je m'en voudrais en ce tout début d'intervention, de ne pas vous féliciter pour l'extraordinaire travail qu'Héritage Montréal fait - c'est non pas le député mais le citoyen de Montréal qui vous parle - notamment pour toute cette série de visites que vous organisez régulièrement, l'abondante documentation que vous produisez à chaque année.

Ma première question. Vous déplorez, dans votre mémoire, le caractère passéiste du secteur du patrimoine qui est proposé dans le rapport Arpin. Tantôt, on vous a dit que votre conception du patrimoine était très globale, mais je pense que c'est la conception la plus appropriée maintenant. Le patrimoine n'est plus que la maison historique, c'est végétal, animal, industriel, c'est tout. Donc, votre vision n'est pas globale, mais ceci dit, compte tenu du caractère dit passéiste, comme vous dites, quels devraient être, d'après vous, les fondements d'une politique du patrimoine au Québec?

M. Beaudet: Bon, je pense qu'au point de départ, l'énoncé d'un préjugé éminemment favorable pour le patrimoine, et un énoncé d'État, et non pas un énoncé d'un ministère ou d'un organisme à l'intérieur du ministère, serait un acquis de taille.

Entre autres, juste pour vous donner un exemple, quand on mentionne les organismes ou les autres ministères auxquels le ministère des

Affaires culturelles devrait s'adresser pour assurer une certaine coordination de l'action gouvernementale, il se trouve, comme par hasard, qu'il n'y a aucun organisme bâtisseur ou équipeur, à l'exception du ministère des Transports où, là, on ne leur confère que le rôle d'organismes qui affichent le patrimoine. Or, on sait qu'une grande partie du saccage du patrimoine se fait par l'État directement, par des ministères équipeurs, des ministères qui ont des implications directes sur le territoire et qui ont des ressources parfois considérables qui pourraient être mises à contribution, avec une coloration patrimoniale. On ne demande pas que le ministère des Affaires culturelles soit en charge de tout ça, mais qu'il y ait une espèce de coordination qui fasse suite à une préjugé favorable, lequel préjugé devrait être suivi. Et le ministère aurait le rôle, justement, de chien de garde à l'égard de ce préjugé-là. Juste pour vous donner un exemple. Est-ce qu'il est acceptable et normal que la SEPAQ trouve les moyens d'investir 1 500 000 $ pour une télécabine sur le site historique de Val-Jalbert et qu'en même temps la plupart des bâtiments du site restaurés il y a 20 ans soient déjà en train de s'endommager, à l'exception de trois ou quatre belles pièces situées au coeur même du site, et que l'usine, la pulperie, soit absolument sans aucun concept d'interprétation? Même la maquette, qui a dû coûter une petite fortune, n'est pas en état de fonctionnement depuis très longtemps.

Or, on a trouvé les moyens d'installer une télécabine de 1 500 000 $. Je n'ai rien contre la télécabine, surtout si ça attire davantage de monde, mais est-ce qu'on ne pourrait pas s'assurer que, dans ces cas-là, on puisse profiter du fait qu'il y ait un investissement de cette nature-là par un organisme qui n'a pas une vocation patrimoniale, pour au moins s'assurer qu'il y ait des retombées à incidence patrimoniale d'un geste comme celui-là et que ce ne soit pas un geste complètement déconnecté du site qui a été la raison d'être d'une intervention de l'État à un moment donné? Donc, s'assurer, par un préjugé favorable, qu'il y ait cette espèce de coordination là.

M. Boulerice: Oui, je sais qu'il y a eu certains saccages, M. Beaudet. D'ailleurs, dans votre mémoire, vous avez donné des exemples un peu tristes, dont un, sans doute, qui va toucher Mgr Hubert, qui nous fait le plaisir d'être avec nous aujourd'hui, qui est mont Saint-Gabriel à Saint-Bruno, une école que j'ai dû administrer à une autre époque.

Certains ont avancé, et j'ai été parmi ceux-ci, la création d'une société des biens culturels, des biens et sites culturels, qui serait un organisme qui aurait les pouvoirs du ministère mais qui serait indépendant du ministère, et qui aurait justement pour fonction de tout gérer cet ensemble avec un pouvoir décisionnel, et qui serait tenu de s'adjoindre les personnes-ressources nécessaires, d'une part.

Par contre, cette société aurait des antennes régionales, puisque le patrimoine n'est pas que dans deux ou trois villes, il est partout sur l'ensemble du territoire, et pourrait même agir, lorsqu'elle le jugerait à propos, dans l'intérêt d'une politique de protection, de valorisation du patrimoine, prendre une décision, même si le propriétaire est d'avis contraire. Que pensez-vous d'une telle approche?

M. Beaudet: Bon. Je pense qu'il faut faire la part des choses entre des catégories de patrimoine. Je pense qu'il y a une catégorie de patrimoine qu'on peut dire nationale, qui relève effectivement de l'État et de structures qui peuvent être mises en place par cet État-là pour gérer ou pour s'impliquer - à partir du moment où ça ne devient pas une propriété d'État - dans ces dossiers-là. Le problème, c'est que la notion de patrimoine ayant éclaté de manière considérable, le champ patrimonial n'est plus à la mesure de l'État. Et, dans ce sens-là, ce qu'il faut trouver le moyen de faire, c'est d'aider tous les organismes du milieu à prendre en charge la part du patrimoine qui n'est pas dite nationale.

Et je pense à un organisme comme le Fonds du patrimoine estrien, qui investit, qui acquiert des propriétés, les remet en état et les retourne sur le marché. Or, ces organismes-là, pour toutes sortes de raisons, dont un manque de tradition très évident au Québec, ont beaucoup de difficultés à fonctionner, et c'est comme ça dans à peu près tous les milieux. Il y a beaucoup de ressources dans les milieux disponibles, des ressources humaines, j'entend. Les ressources financières, c'est un autre problème. Il faudrait trouver un moyen pour que ces gens-là puissent justement mettre en oeuvre toutes les énergies qu'ils ont à consacrer à la cause du patrimoine.

Il y a des exemples ailleurs. On pense, entre autres, au littoral de la Grande-Bretagne qui a été sauvé par des trusts. Ce n'est pas l'État, ce sont des trusts qui ont sauvé l'ensemble du littoral qui est préservé en Grande-Bretagne. Donc, les formules existent, il s'agit essentiellement de leur donner les moyens.

Et je reviens, entre autres, sur ce que je mentionnais tout à l'heure, les municipalités et les municipalités régionales de comté sont évidemment des partenaires, sauf qu'il faudrait agir, dans certains cas, avec discernement. C'est-à-dire qu'il faudrait que ces gens-là fassent la preuve qu'ils livrent la marchandise. C'est bien beau de signer un protocole à 50-50 ou à 10-90, mais il faudrait que ces gens-là fassent la preuve que ce n'est pas seulement pour se donner bonne conscience face aux intervenants du monde du patrimoine. Or, présentement, c'est trop souvent le cas. (11 heures)

Évidemment, ça arrange tout le monde de pouvoir dire: On a fait ce qu'on avait à faire, n'en demandez pas plus. Il faudrait s'assurer qu'il y ait une espèce de continuité et, évidemment, privilégier ceux qui sont les plus dynamiques et qui font preuve, entre autres, d'originalité; qui font la preuve d'un certain impact, dans leur milieu, sur le patrimoine. Parce que le champ qui échappe à l'État présentement, en termes d'importance et d'étendue, est beaucoup plus considérable que le champ traditionnel dont s'est occupé l'État. Et c'est celui-là qui pose surtout problème parce que le bel élément est rendu isolé dans une masse de choses quasi innommables dans certains cas.

M. Boulerice: Comme dernière question dans cette foulée, quel bilan faites-vous des ententes intervenues entre le ministère et la ville de

Montréal pour la préservation et la mise en valeur du Vieux-Montréal?

M. Bumbaru: La formule de l'entente partagée nous apparaît fort intéressante parce qu'elle définit ce partenariat. Par contre, dans les faits, il faut voir qu'il s'agit... La question qui se pose est: Quels sont les principes sous-jacents? Qu'on parle de patrimoine, qu'on parle de culture, on parle également de principes qui sont plus fondamentaux, de choses qui ne sont pas tout à fait quantifiâmes autant que quali-fiables. Ces ententes posent souvent problème. Nous, à titre d'observateurs, on est appelés à regarder les deux en train de se battre constamment sur des objets qui, pour nous, Montréalais, apparaissent comme des objets importants. Alors, les préoccupations de l'un et de l'autre ne sont pas toujours harmonisées dans le sens commun de la conservation. Je prends le cas de Montréal parce que vous nous avez posé la question, mais c'est également celui qu'on connaît de plus près. On peut supposer que la chose est présente ailleurs.

Quelle est la définition de la conservation du patrimoine ou de la mise en valeur? Vous nous demandiez tout à l'heure quelle était la marge à donner à notre champ élargi du patrimoine. On peut peut-être renvoyer la question par rapport à celle de la conservation et de la mise en valeur. Le rapport ne pose pas ce genre de questions là non plus. Il manque de points de référence qui pourraient être éventuellement développés par une institution comme vous la décrivez mais qui devrait avoir un rôle un peu d'ombudsman, d'une certaine façon, rôle qui pourrait être étendu à l'ensemble du champ culturel plutôt que de le spécifier uniquement au patrimoine, mais ce n'est pas possible faute d'objet, de principes et de documents de référence. En juillet dernier, il y avait ici même, à Québec, une réunion des cités du patrimoine mondial où furent présentés des documents qui présentaient une innovation dans le sens qu'ils proposaient ce genre d'outils. Il y aurait peut-être intérêt à ce que le ministère qui, déjà, a produit un document sur les principes de restauration à l'occasion de ce colloque, amorce et conclue également une réflexion dans ce sens. On sait qu'il y a une politique du patrimoine qui est dans les airs depuis saecula saeculorum, depuis longtemps. Il y aurait peut-être intérêt à mener ce travail à terme dans un engrenage et une articulation avec une politique de la culture.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Bumbaru. M. le député, un mot de remerciement, si vous le voulez.

M. Boulerice: Merci. Je pense que le débat est ouvert. Il ne se termine pas ici par la fin de votre présentation. Je pense que le sujet va courir dans l'espoir qu'on arrête une politique bien ferme là-dessus. Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, M. Beaudet et M. Bumbaru. Effectivement, il y aurait d'autres questions qu'on aurait voulu vous poser sur le développement du Vieux-Montréal, approfondir au niveau des municipalités, la part du fédéral aussi, ce qui fait que, comme le disait mon collègue, et il a raison là-dessus, on est ici pour ouvrir la discussion et ouvrir les sujets. Nous allons évidemment approfondir certains autres sujets après. Je pense qu'on peut compter sur votre collaboration.

Le Président (M. Doyon): Alors, au nom des membres de la commission, je tiens à vous remercier, M. Beaudet et M. Bumbaru, pour la présentation ainsi que pour le temps que vous avez bien voulu nous consacrer. Merci beaucoup. Bon retour à Montréal.

Maintenant, l'heure est venue d'inviter les représentants de l'Assemblée des évêques du Québec à bien vouloir s'avancer et prendre place en avant.

À l'ordre! Mes premiers mots seront pour souhaiter la bienvenue à nos invités qui sont ici depuis le début, je pense. Ils savent comment nous procédons. On ne prendra pas de temps pour expliquer ça à nouveau. Les mots de bienvenue étant déjà dits, je les invite à faire leur présentation pour une quinzaine de minutes et ensuite la discussion va s'engager avec les membres de la commission. Vous avez donc la parole après les présentations d'usage.

Assemblée des évêques du Québec

M. Hubert (Bernard): M. le Président, Mme la ministre, mesdames, messieurs, ce n'est pas fréquent que l'Assemblée des évêques du Québec se présente en commission parlementaire. Bien

qu'intéressés à tous les projets de loi du Québec, les évêques laissent les autres membres de l'Église apporter leur point de vue, leur expertise, leur compétence sur les lois qui sont en discussion. Mais quand on évoque la culture, on parle de l'âme d'un peuple. Quand on veut promouvoir l'art, on veut que des lieux de transcendance soient plus accessibles.

À ce titre-là les évêques du Québec se sentent très concernés par l'avenir de la culture et des arts au Québec. C'est dans ce contexte que nous avons préparé un mémoire et, pour le défendre, pour le présenter, je suis heureux d'être accompagné ce matin de Mme Maryvonne Kendergi, musicologue, professeure émérite de l'Université de Montréal, et de M. André Beau-champ, du Centre justice et foi de Montréal, centre avec lequel l'Assemblée des évêques du Québec a préparé ce mémoire.

Je souligne que c'est un document qui est parrainé par le comité exécutif de l'Assemblée et non pas par l'ensemble de l'Assemblée puisque les temps ne nous permettaient pas une consultation de chaque membre.

Dans ce document, nous avons été impressionnés par le succès remporté par le groupe-conseil de préparer un instrument aussi intéressant en l'espace de quelques semaines, moins de quatre mois. Un travail qui mérite, à notre point de vue, des félicitations et l'expression de notre admiration.

En plus des points que nous avons soulignés dans notre mémoire, nous relevons plusieurs affirmations fort intéressantes et importantes pour l'avenir: l'importance de la formation culturelle à l'école, la place du cadre culturel de vie - les représentants d'Héritage Montréal tout à l'heure en ont fait état - la responsabilité des municipalités dans la promotion et le développement de la culture - nous sommes bien conscients que, dans ce partage de responsabilités, dans ce partenariat, il peut y avoir des tensions; peut-être les responsables municipaux craindront-ils qu'avec la responsabilité vienne une charge financière importante - les droits d'auteurs, la loi sur la culture.

Ce projet de donner au Québec une loi de la culture nous paraît quelque chose de fondamental et nous partageons le point de vue du groupe-conseil qui dit que ce devrait être là une mission essentielle de l'État que de promouvoir la culture et le développement des arts, d'en faire une priorité aussi importante que celle de l'économie et du social, avec les conséquences que cela comporte.

La culture doit être une trame essentielle du projet de société que les Québécois ont sans cesse à définir. Si, dans le passé, la religion a été un élément de cohésion pour l'unité du Québec, avec le pluralisme d'aujourd'hui, il faut regarder avec sérieux l'hypothèse que ce soit la culture qui devienne le lieu des consensus du Québec.

Nous sommes donc d'accord avec les trois finalités qui sont mentionnées par le rapport Arpin: de développer le monde de la culture et des arts, de favoriser l'accès de cette culture à tous les Québécois et d'accroître l'efficacité dans le service de l'État et de ses partenaires à l'égard de la culture. Mais ces éléments positifs étant nommés, nous voulons mettre en lumière certains silences du rapport Arpin, quelques points qui nous font perplexité.

Le premier, c'est celui d'un silence sur la contribution passée, actuelle et future des croyants à la culture du Québec. Notre histoire a été façonnée par le christianisme. Notre histoire n'a pas commencé en 1960. C'est toute la vie d'aujourd'hui qui est imprégnée par les valeurs qui ont façonné le passé: nos modes d'être, de penser, de vivre. Bien sûr que le ministère des Affaires culturelles a commencé au début des années soixante, mais il y avait de la culture auparavant. Du côté de la peinture, Osias Leduc, Lyman, Roberts, Goodridge, Borduas, Pellan, Dumouchel sont des gens qui ont travaillé avant 1960, et je laissserai à Mme Kendergi le soin de parier de ce qui a pu se faire en musique. Le théâtre, avec les Compagnons de Saint-Laurent, mais une multitude de pièces qui ont permis à des hommes et à des femmes de se cultiver et d'exprimer des aspirations à travers les arts de ce temps-là. Nous avons donc été déçus de voir qu'on ne faisait pas du tout allusion à cela, comme si ça ne faisait pas partie de notre héritage.

Pour vraiment bâtir l'avenir et comprendre le réel d'aujourd'hui, il est nécessaire de connaître l'essentiel de ce que nous avons vécu sur le plan culture chrétienne. En France, après 90 ans de laïcisme, une enquête faite en juin dernier, et qui a paru dans le prestigieux journal Le monde de l'éducation, fait état que 60 % des Français demandent que, dans l'école publique, en France, on introduise de nouveau l'histoire des religions. Le syndicat général des instituteurs, assez connu pour son militantisme, de même que la ligue de l'enseignement sont favorables de façon explicite à ce qu'on apporte l'histoire des religions dans le programme de culture des Français. Et on donne des exemples qui sont succulents. Un élève a demandé à son professeur: Le Carême, c'est quoi? Et pour l'aider à comprendre, le professeur lui a répondu: C'est le Ramadan des catholiques. Et un professeur de français pour expliquer "Les Fleurs du mal" de Baudelaire, avec ce beau poème "Harmonie d'un soir", s'est aperçu que l'inculture est totale, parce que Baudelaire fait rimer le mot "soir" avec "encensoir", "reposoir", "Hostensoir". Ceux qui n'ont pas connu les processions de la Fête-Dieu ne savent pas à quoi correspondent ces mots. L'inculture, disent les Français, engendre l'intolérance.

Alors, lorsqu'au Québec on veut développer la culture pour que le projet de société chez

nous soit harmonieux et permette aux Québécois et aux Québécoises de s'exprimer et de vivre dans l'harmonie, de créer, on ne peut pas faire l'économie de tout ce qui a été les éléments de notre passé et de notre héritage. Quand on coupe les racines, il n'y a plus de créativité qui soit assurée pour le long terme. Il faut aussi reconnaître que des croyants, il y en aura encore demain et que la culture sera aussi marquée d'une façon fort différente de celle du passé, de ce qu'on a connu, mais qu'elle sera aussi imprégnée des valeurs que des croyants vont apporter dans leur vie collective et dans l'expression des arts et de la culture.

Un autre silence nous a laissés perplexes. C'est celui de la rencontre des diverses cultures qui sont présentes actuellement au Québec: celles des autochtones, un mot en passant; celle des immigrants qui sont venus avec une richesse et qui sont prêts à la partager et qui ne s'en dépossèdent pas, à juste titre d'ailleurs. Si l'on veut qu'il y ait paix sociale, qu'il y ait harmonie, il faut qu'il y ait intégration des cultures. Il faut que l'on vise à ce que les cultures qui se rencontrent soient le lieu d'un enrichissement mutuel. (11 h 15)

Enfin, un dernier silence, celui de l'accessibilité de tous les Québécois et de toutes les Québécoises à la culture. Des intervenants qui sont passés avant nous ont parlé des régions. Mme la ministre est d'ailleurs intervenue pour rapporter ce point de vue là et faire écho à ce que d'autres intervenants avaient dit de l'importance des régions. Nous souscrivons à cette hypothèse que le Québec de demain ne sera fécond et ne sera un lieu de paix et de fécondité que si on ne s'arrête pas qu'à cultiver les grands centres de Montréal et de Québec. Le rapport parle des centres, des pôles, du développement culturel en parlant de Montréal, qui est la métropole, de Québec, qui est la capitale, et de l'ensemble régional sans trop s'attarder, détailler ce que veut dire cet ensemble régional.

Une recommandation qui parle de vérifier la pertinence des conseils régionaux de la culture nous permet de poser la question: Est-ce qu'on compte que, dans les régions, les Québécois et les Québécoises pourront non seulement être des consommateurs mais continuer à être des créateurs, des artistes, des gestionnaires de la culture? Non seulement il faut penser à un Québec qui soit l'ensemble du territoire, bien sûr avec des moyens qui sont proportionnés, avec des hiérarchies, mais où il y a accessibilité de tous et de toutes aux services que sont ceux de la culture.

On peut aussi poser la question de la place des pauvres dans l'accessibilité à la culture. Le mémoire parle du prix élevé parfois de l'entrée pour des spectacles, pour des expositions, ce qui est un obstacle, un handicap pour les pauvres. Mais est-ce qu'on est intéressé à leur donner à eux et elles aussi des moyens de créer, de s'exprimer, de vraiment avoir droit à faire la culture eux et elles aussi? Les industries culturelles sont aux mains des élites. Est-ce que le développement de la culture passe prioritairement, exclusivement par le développement des industries culturelles ou si c'est l'ensemble de la culture qui doit être promu pour que les industries puissent être rentables et avoir des gens intéressés?

Je ne ferai pas la lecture des sept recommandations, vous les connaissez. La pointe de notre mémoire, c'est de dire: Nous laissons à la libre discussion, au jeu démocratique, le soin de déterminer le partage des responsabilités entre les niveaux de gouvernement, les priorités à mettre dans le concret. Une politique est toujours faite d'éléments très concrets, mais une politique doit reposer sur des assises qui sont solides, qui sont stables. Ce qui nous interroge, c'est le silence sur les assises d'une éventuelle politique de la culture et des arts au Québec et nous souhaitons que des assises claires, qui sont en lien avec les silences que nous avons explicités, soient présentes dans un énoncé concernant la culture et la politique de la culture au Québec. Et nous remercions, M. le Président, les membres de la commission de nous avoir accueillis ce matin.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Monseigneur, M. Beauchamp, Mme Kendergi. D'abord, bienvenue. C'est un grand plaisir pour nous de vous accueillir. Il faut reconnaître la place que l'Église a joué sur le plan culturel au Québec depuis son origine. D'ailleurs, si on regarde la situation, près de 25 % des biens culturels immobiliers protégés sont, finalement, associés au patrimoine religieux, entre autres, sans compter toute la place au niveau de l'éducation. Et il y a deux ou trois choses qui, finalement, méritent un approfondissement, c'est d'abord la période avant 1960. Effectivement, on a touché 1960 jusqu'à 1980 parce que c'est un peu l'époque à partir de l'époque de la Révolution tranquille où, là, la culture, permettez-moi l'expression, s'organise, les réseaux, etc. Mais parlez-moi un peu de ce qui s'est passé aussi avant, de telle sorte qu'on va parler ensuite d'accessibilité, parce que, évidemment, ça, c'est toujours une question qui me préoccupe beaucoup, et aussi, ensuite de ça, de révolution au niveau musical.

M. Hubert: Bon. J'ai fait allusion aux peintres. Je pourrais nommer, du côté de la littérature, des romanciers dont on parle peut-être moins mais qui ont été les pionniers et qui ont été les auteurs que les romanciers d'aujourd'hui ont lu, Robert Élie et les autres, en ce temps-là dans les années cinquante. J'ai été

longtemps dans le monde de l'éducation dans un collège de province à Valleyfield et nous avions, dans les années cinquante, chaque année, un événement très important qui s'appelait "La semaine de la culture". Ce n'était pas que pour les étudiants du classique, c'était ouvert à la population ouvrière de Valleyfield et c'était un événement très important. Il y avait un souci. Ils n'avaient pas les moyens, mais nous n'étions pas dans la préhistoire. Il s'est fait beaucoup de choses qui sont des choses très humbles mais qui avaient beaucoup de mérite et qui étaient enracinées dans le milieu. Moi, ce qui me paraît important dans l'avenir, c'est que nous donnions beaucoup d'allant aux artistes, aux créateurs, pour que le Québec soit connu, soit apprécié, soit visité, soit aimé. Mais tout cela ne pourra se faire que s'il y a un enracinement, que si la culture savante est enracinée dans la culture populaire. Et cette culture populaire elle est là dans nos façons de vivre. Moi, je viens d'une famille qui est nombreuse; je peux vous dire que la table, c'est très important chez mes frères et mes soeurs et chez moi. Qui nous a donné le goût de la table? Ce ne sont pas des fins restaurants très dispendieux, c'est ma famille, c'est ma mère qui cuisinait. La façon de décorer... M. Beaudet, tout à l'heure, d'Héritage Montréal, a parlé des villages. Bon, il y a quelque chose dans le patrimoine québécois qui n'est pas identifié à la culture savante, à des choses que l'on va exprimer sur le plan international par une exposition, mais qui corresponde à une richesse parce que c'est intégré à la façon de vivre et de penser.

Je laisse à Mme Kendergi qui a une expérience... On le sait, elle a travaillé beaucoup avant 1960 dans le monde de la musique. Je lui laisse le soin d'apporter des exemples et M. Beauchamp, qui est un homme qui a touché à plusieurs cordes, pourra aussi apporter des exemples pour montrer comment, au fond, la culture, elle est là depuis longtemps, sauf qu'il n'y avait pas de ministère des Affaires culturelles, il n'y avait pas de moyens puissants, il n'y avait pas un vouloir-vivre collectif par rapport à ça, mais il y avait une réalité et c'est celle-là qui est le matériau le plus important pour faire un énoncé de la politique et la politique elle-même, je pense.

Mme Frulla-Hébert: Excusez-moi. Juste avant de vous laisser la parole, parce qu'à partir de ça, justement, à vous entendre parler - et c'est ce qu'on nous dit et ce qu'on va nous dire même tantôt - c'est qu'effectivement on a donné une grande poussée au niveau des industries culturelles, au niveau des grands réseaux, des grands musées, bon, pour se doter de ces grosses infrastructures, mais, encore une fois et en référence au passé, est-ce que vous avez aussi l'impression qu'on a délaissé la base même et la création pour s'aventurer au niveau des indus- tries qui font travailler, etc. et qui donnent un rayonnement international? Est-ce que c'est un peu ça? À vous écouter parler, finalement, on dirait que c'est un petit peu ça que je dénote, et je vais vous laisser...

M. Hubert: Oui, je vais être très bref et je laisserai à M. Beauchamp le soin de parler de cette question-là. Moi, la lecture du document, du rapport Arpin, je l'ai faite avec un crayon à la main en entier. Ça me donne beaucoup l'impression que l'avenir va passer par le développement des industries culturelles. Je pense qu'en partie c'est vrai mais, si ce n'était que ça, on verserait dans l'économisme.

Mme Kendergi (Maryvonne): On me donne la parole, sans attendre de question. D'abord, je dois me permettre, en vous saluant, Mme la ministre et MM. les membres de cette commission présents ici, de dire que ça m'est un honneur de participer à cet exposé, en tant que femme, en tant qu'aînée du septième âge, comme j'aime à le dire, et en tant que Québécoise à part entière, même si je ne suis pas née au Québec, ni même de souche française puisque, ai-je besoin de vous le dire, je suis Arménienne de naissance, née pendant le génocide de 1915.

La musicienne d'abord. Et permettez-moi de vous décevoir, je voudrais insister sur autre chose, soit maintenant, soit après, mais comme musicienne, oui, le passé de notre histoire de la musique au Québec est important, parce que la musique, au Canada, a commencé au Québec. Et ça, il ne faut pas l'oublier et il faut peut-être plus que jamais le mettre en évidence. Ça paraît peut-être drôle d'entendre cela de la bouche de quelqu'un qui se consacre à la musique d'aujourd'hui sinon à celle de demain, mais, du point de vue historique - je n'ai pas le temps et je ne veux pas faire un exposé là-dessus - à partir des premières pièces - et là, ma mémoire, excusez-là, elle est tout d'un coup infidèle - à partir de 1534, même, je pense que nous avons des pièces musicales et je fais surtout référence à un document qui a pris une portée internationale et c'est "Le Livre d'orgue de Montréal", qui est un incunable, si je puis dire, et autour de... C'est là une preuve tangible de ce qu'a été la musique ici et, naturellement, par l'intervention, par l'action de l'Église. Ce sont des faits historiques qu'on ne peut pas nier.

Puisque vous vouliez que je fasse état avant 1960, je cite deux grands noms qui sont d'évidence internationale: Calixa Lavallée, d'une part, qui est dans le domaine de la création musicale, pas pour son hymne national mais pour ses oeuvres d'opéra de dimension internationale, jusqu'à Claude Champagne et Papineau-Couture qui est encore vivant et qui a commencé à composer avant 1960.

Mais si vous permettez ou alors si vous voulez que je revienne, ce sont les deux autres

points pour lesquels, moi, j'avais accepté avec enthousiasme de venir ici: je veux parler de l'accessibilité de la culture à la pauvreté et je veux parler des immigrants. Alors, à vous de décider quand vous voulez que... Je peux continuer.

Mme Frulla-Hébert: On peut parler de l'accessibilité, d'ailleurs, parce que c'est un sujet qui nous préoccupe. Il y a toujours aussi ce double rôle entre le développement élitiste, d'une part, qui est aussi nécessaire et, finalement, toute l'accessibilité de nos actions. Alors...

Mme Kendergi: Oui. Je crois qu'il faut remercier le rapport Arpin de faire au moins certaines mentions de principe, ne fût-ce que dès le début du chapitre 2, dont j'ai eu le résumé: le droit universellement reconnu à la culture. Dans ce sens-là, j'ai le privilège d'être associée, depuis quelques années, disons à une interaction au milieu de la pauvreté à Montréal et, notamment - je pense que le député, M. Boulerice, est bien au courant - il y a, dans Hochelaga-Mai-sonneuve, un groupe du chic Resto Pop, le Resto Pop qui m'est devenu une sorte de modèle de la place des pauvres dans notre culture. Autrement dit, il ne faut pas les considérer uniquement comme des consommateurs. C'est bon, les maisons de la culture, c'est bon de leur donner accès à des spectacles, encore que je me permets de citer une expérience. Nous avons donné une soirée Gilles-Vigneault au profit de l'autre association dans laquelle je suis engagée, qui est ATD Quart-Monde, dont le principe est la culture, les arts autant que le pain. À cette soirée Gilles-Vigneault, nombre d'assistants à la soirée qui étaient venus - et on s'était arrangé pour qu'Antonine Maillet ou, je ne sais pas, Pierre Jasmin, du Conservatoire de l'UQAM, soient encadrés par nos amis du milieu de la pauvreté... Combien d'entre eux ont dit qu'ils venaient pour la première fois dans une salle de spectacle autre qu'un cinéma. C'est grave et ça demande réflexion. Et pour dire qu'ils sont créateurs autant que consommateurs, je veux simplement énoncer ici le projet extraordinaire que le Resto Pop a pris en main pour une semaine d'animation totale du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Je considère comme un honneur qu'on m'ait appelée à participer à ce projet pour ce qui est du volet musical. Cela veut dire quoi? Une chorale, leur apprendre des chants, demander à certains d'entre eux même de créer des oeuvres. Enfin, ce que je veux dire: des créateurs autant que des consommateurs. Qu'on me permette de dire que je faisais partie du Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal. Je l'ai quitté parce que les réunions de notre sectoriel se tenaient le seul jour où je pouvais aller au Resto-Pop faire répéter ma chorale. (11 h 30)

Après cette déclaration de principe, j'en viens, si vous le permettez, aux immigrants. J'en suis une qui a eu la chance extraordinaire d'abord de ne pas venir en réfugiée. J'ai été plutôt... Et je ne le dis pas par vanité mais par hommage à ce geste qui a été posé. J'ai été retenue ici par le directeur d'alors, Marc Thibault, des émissions éducatives et culturelles de Radio-Canada, pour entreprendre une série d'émissions et ça m'a donné ici une carrière que je n'aurais jamais eue en France, malgré tout mon passé et mes diplômes.

Nous sommes quelques-uns à pouvoir témoigner de cet accueil et de cette générosité du Québec, mais j'ai l'impression, c'est-à-dire que je remarque dans le résumé qu'ils sont un peu absents des énoncés. Je suis sûre qu'ils sont absents dans la pensée des auteurs du rapport. Alors, est-ce qu'on ne pourrait pas leur donner une place plus explicite? On ne pourrait pas envisager des mesures? Il y en a. On me dira qu'il y a des festivals multiculturels, etc. Mais ne devrions-nous pas penser - et, tout d'un coup, je me sens plus Québécoise qu'immigrante - ne devrions-nous pas davantage penser à toute la richesse qu'ils peuvent apporter en les intégrant, sans qu'ils perdent leur identité? La richesse des langues. Imaginons combien peut être extraordinaire une oeuvre musicale... Il y en a eu d'ailleurs. Je pense à une oeuvre de Gilles Tremblay, qui a utilisé, dans ses vêpres de la Vierge, le terme "Alléluia", dans plusieurs langues, pas Alléluia, hommage à la Vierge. Alors, est-ce qu'il ne faudrait pas penser davantage à les mettre à contribution et, pour cela, leur indiquer que, dans le haut lieu, dans les gouvernants de notre Québec, on pense à eux, là aussi, en tant que participants autant que consommateurs?

Je me permets de répliquer à Mgr Hubert sur son anecdote du Ramadan des catholiques pour ce qui est du Carême. Eh bien, voilà peut-être un échange. Après tout, le Ramadan, Muhammad l'a institué par référence au Carême des chrétiens et c'est peut-être un juste retour des choses. Après tout, pourquoi ne pas évaluer une tradition chrétienne par une tradition d'une autre culture, aussi différente qu'elle soit de la nôtre? Je vous remercie de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. Excellence, très chère Mme Kendergi, M. Beauchamp. Juste deux petites observations. La première, je pense que personne ne nie l'apport indéniable que, je ne dirais pas la, mais les religions ont laissé au niveau des civilisations et, forcément, des arts et de la culture. Certes, on va voir Versailles, mais on va voir Notre-Dame. Et vous savez comme moi qu'on commence par aller voir Notre-Dame avant d'aller voir Versailles. On pourrait même peut-

être donner une petite connotation Europe de l'Est en disant: II y en a peut-être encore certains qui font la file pour aller au tombeau de Lénine, mais on ne néglige pas ces magnifiques églises qui sont à l'intérieur de l'enceinte du Kremlin. Donc, il y a forcément une richesse, une valeur extraordinaire. Et, dans le cas du Québec, il faut dire que cela a joué, et, peut-être compte tenu du contexte que nous avons vécu, d'une façon plus sensible que chez certains.

Mme Kendergi disait que la musique sur ce continent est née au Québec, mais, pour l'ensemble de notre population - et je suis en train de me demander si, aujourd'hui, ce n'est pas encore valable pour bien des gens - le premier contact et le seul endroit où ils auront entendu du Bach, c'est à l'église, avec les grandes orgues.

Ce qui m'amène, Excellence, Mme Kendergi, M. Beauchamp, à vous poser deux questions qui sont vraiment au centre de mes préoccupations, non pas uniquement à titre de porte-parole pour les arts et la culture, mais de député d'une circonscription que vous connaissez bien, Mgr Hubert, que M. Beauchamp connaît bien et que Mme Kendergi connaît bien aussi puisqu'elle y oeuvre presque quotidiennement, qui est justement l'accès, l'accès à la culture. Je ne suis pas député d'une circonscription très riche. On a souvent donné à la culture la connotation d'un produit de luxe laissé à une élite. Il m'est déjà arrivé d'offrir à de mes concitoyens ou concitoyennes des billets pour la Place des Arts, qu'ils ont acceptés, mais ils n'y sont pas allés parce que c'était inaccessible pour eux. La Place des Arts était un grand temple de la culture, il fallait être coiffé, il fallait avoir une belle robe, et ils étaient peut-être victimes de ces images "glamour" qu'on voit à la télévision où il faut une longue limousine noire qui vous amène, et il y a les réflecteurs qui éclairent.

Et combien - et ça, je suis persuadé, autant mes collègues, là, que le président de séance, que Mme la ministre - combien de fois faisons-nous le tour de ce qu'on appelle les clubs de l'âge d'or! Je n'aime pas le mot, moi non plus, Mme Kendergi, je dis les aînés ou le septième âge, etc. C'est une grande partie de notre population et je pense qu'il ne faut pas la négliger, et je serais déçu qu'on en rie, etc. Ils ont des droits. On voit que la seule activité, malheureusement, qui leur est offerte est ce traditionnel bingo, qui nous permet, d'ailleurs, de mesurer l'importance de la surmédication des personnes âgées. J'ai remarqué que tous les pitons, comme on dit en bon québécois, sont dans des pots de médicaments.

Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce que nous avons manqué au niveau de la pédagogie, c'est-à-dire une espèce d'éducation, une espèce d'apprivoisement, et quand je dis "pédagogie", face à des gens qui n'ont peut-être pas le bagage intellectuel d'autres... Je ne dis pas qu'il faut être gnangnan avec eux, il faut toujours compter sur l'intelligence des gens. Intelligence et éducation n'ont rien à voir avec instruction, je pense que tout le monde le sait. Où avons-nous manqué, d'après vous?

M. Beauchamp (André): Si vous me le permettez. Quand Mgr Hubert, tantôt, demandait qu'il soit fondamental qu'avant toute politique il y ait une espèce d'énoncé ou de saisie de la politique, c'est un des problèmes du document, c'est qu'on sent bien que l'industrie culturelle demande à fond de train, avec raison, parce qu'on a fait passer la culture, depuis une trentaine d'années, à une entreprise et elle est de moins en moins le reflet de la vie et de plus en plus une entreprise, une espèce d'installation d'un marché. C'est peut-être fatal, mais il est indispensable qu'un gouvernement, là-dessus, puisse dire et décoder, pour sa part, ses orientations et, ensuite, orienter des choses.

Je vous donne un exemple: la politique de la ville de Montréal sur les maisons de la culture. J'ai dû enquêter sur une maison de la culture à Montréal pour m'apercevoir qu'en moins de 10 ans, la politique des maisons de la culture à Montréal a viré complètement. À l'origine, elle était perçue comme une humble maison qu'on mettait au service des citoyens pour leur permettre d'exprimer leur culture, c'était la maison des gens, et la culture était saisie comme une chose qui surgissait de la base. En moins de 10 ans, c'est devenu de mini-Places des Arts où ce sont des professionnels qui viennent performer pour que les gens les écoutent. C'est-à-dire que vous avez inversé le rapport et la culture est devenue un objet qu'on consomme, même là. D'après moi, là, il y a un problème de société assez fondamental. On avait une culture, tantôt, d'origine; on a une culture orale, on n'a pas une culture écrite. C'est le problème du rapport Durham, "ce peuple sans culture et sans histoire". On avait une histoire, on avait une culture, mais ce n'était pas la culture cultivée de l'Anglais qui venait ici, c'était autre chose. Bellarmin, dont j'ai été l'éditeur, a publié 30 volumes de "Les vieux m'ont conté", qui sont le répertoire oral de structure mentale qu'on retrouve dans toutes les cultures et qui remonte bien plus loin que l'époque coloniale ou même que l'époque française.

Alors, il y a là un acquis. Comment la culture se transmettait-elle autrefois, puisque les gens savaient jouer de la musique, les gens savaient chanter? Une certaine catégorie de gens avaient accès à des arts, bon, aux arts cultivés de la culture savante. Ça se transmettait fondamentalement par les institutions scolaires, les professeurs enseignaient le chant, on chantait à l'école, et par le milieu familial. Ça s'est désintégré. Écoutez, par exemple, "À l'école de la musique" à Radio-Canada; on s'aperçoit que l'enseignement de la musique au Québec, dans les

écoles, c'est effrayant! c'est disparu, littéralement. Il y a des petites poussées, modestes, là-dedans, en disant: II faudrait peut-être réintroduire, dans la maquette académique, un certain nombre de choses. Le danger, c'est de s'en aller vers du "hardware", en anglais, des grosses institutions, très coûteuses, une "marchandisation" du rapport culturel et d'oublier ces humbles choses où les gens, dans un "Resto Pop" ou ailleurs, vivent et se symbolisent, c'est-à-dire disent des choses à travers des rites, des symboles, des chansons et des danses. Quel est le type de relation qu'ils établissent les uns à l'égard des autres? La culture, c'est ce par quoi on se dit et qui nous fait devenir ce que nous sommes en le disant.

On ne sait pas la méthodologie pour le faire, mais il me semble fondamental qu'un État puisse avoir là-dessus une conception pour qu'il puisse articuler, d'un côté, la culture savante et, donc, élitiste, coûteuse, indispensable... Tantôt, l'Orchestre symphonique de Québec faisait ses doléances, on les comprend, mais que ce niveau-là ne se dissocie pas, non plus, de l'accès du peuple à la culture. Sinon, qu'est-ce qu'on va faire? On va faire un peuple de plus en plus aliéné dans sa culture et ça, c'est le contraire d'une politique, voyez-vous? Ça, c'est une politique en fonction des gens qui font de l'argent sur la culture. Mais ce n'est plus une politique qui permet au peuple d'être et de progresser en possédant son propre instrument intellectuel par lequel il devient. Ça, cette tension-là, il faut venir à des choses... soutenir la base et soutenir par la base, par des petits moyens. Je ne voudrais pas qu'on fasse 50 Places des Arts dans le Québec. En tout cas, personnellement, ce n'est pas ça, la priorité. C'est comment la musique, la danse, la lecture, ça peut surgir à ras de sol - on a des instruments; on n'est pas d'une si grande pauvreté - et comment refaire le mécanisme à l'inverse. C'est pour ça qu'une orientation fondamentale là-dessus, dans une pensée politique, est tout à fait importante.

M. Boulerice: J'ai bien peur que ce soit la seule question supplémentaire que va m'autoriser le président. Vous reconnaissez que le Québec est cassé en deux, qu'il est cassé socialement, qu'il est cassé économiquement et qu'il devient même cassé culturellement. Vous dites qu'il ne peut y avoir de développement économique sans développement culturel, qu'il ne peut pas y avoir de développement culturel sans développement économique régional, puisque les régions sont malheureusement oubliées dans le rapport. D'après vous, comment le ministère des Affaires culturelles peut-il faire sa part dans cette lutte collective contre ces pauvretés - employons le terme, là?

M. Hubert: Ma réponse à ça est dans le rapport Arpin. J'ai été réjoui de lire que le ministère des Affaires culturelles ne devait pas être comme un propriétaire de la culture et des arts en disant: C'est mon domaine et je suis réticent à l'action de tout autre ministère québécois dans ce champ-là. Il faut qu'il y ait une action latérale ou horizontale qui permette à l'ensemble de l'État québécois de dire, par rapport à un développement de la culture chez nous, quels sont les enjeux et comment, ensemble, dans le respect des spécificités ministérielles, mais ensemble, on va relever ces défis-là: participation des pauvres, participation des immigrants, participation des gens qui sont dans les régions. Ce phénomène de la culture, actuellement, est comme un iceberg, qui est surtout identifié à l'élite des arts et de la culture. C'est très important et c'est stimulant pour la base, mais il ne faut pas que ça s'isole. A mon sens, il ne faut pas que ce soit le ministère des Affaires culturelles seul qui ait la responsabilité de mettre tout cela en oeuvre. Ça va être une mission essentielle de l'État dans la mesure où l'ensemble des instances gouvernementales va porter collégialement cette responsabilité.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mgr Hubert. M. le député, quelques mots de remerciement, si vous le voulez. (11 h 45)

M. Boulerice: Oui, je veux remercier très chaleureusement Mgr Hubert, M. Beauchamp et Mme Kendergi. Mais sans vouloir vous corriger, Excellence, oui, le conseil des évêques intervient. J'ai eu le plaisir d'entendre vos collègues, notamment Mgr Valois pour ce qui est des questions d'immigration, de justice et de santé, et vous avez toujours apporté un éclairage qui nous a été profondément utile. Vous venez de récidiver. De grâce, faites-le de nouveau sur d'autres sujets. Merci de votre présence, et meilleurs voeux, Mme Kendergi.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, Monseigneur, M. Beauchamp et Mme Kendergi. Je pense que vos propos ont été plus que pertinents. Vous allez voir, au cours de cette commission, qu'il y a plusieurs groupes qui vont nous demander de revenir, justement, à la source même et à la base. Je dois vous dire que nous avons été enchantés du message que vous nous envoyez, d'une part, message qui est positif mais qui est aussi extrêmement, extrêmement stimulant. Merci beaucoup.

M. Hubert: Merci, madame.

Le Président (M. Doyon): Alors, mes remerciements s'ajoutent à ceux que vous venez d'entendre, en vous souhaitant que vous continuiez, justement, à suivre de près ce qui se passe ici. Je pense que c'est quelque chose

d'intérêt pour tous de vous entendre comme ça. Ça nous aide énormément. Merci, en vous permettant de vous retirer de la table.

Je vais maintenant inviter le groupe qui vous suit à bien vouloir prendre votre place. Il s'agit maintenant du Regroupement des centres d'artistes autogérés, qui sont nos derniers invités pour cet avant-midi. On a le plaisir de les avoir avec nous depuis le début de l'avant-midi ou à peu près, je pense, oui. Ils savent maintenant comment nous procédons. Je les invite à procéder aux présentations tel qu'on le fait normalement et, ensuite, à faire la lecture de leur mémoire ou, en tout cas, à en faire le résumé. Donc, vous avez la parole. On vous écoute dès maintenant.

Regroupement des centres d'artistes autogérés du Québec

M. Arteau (Gilles): Bien. Bonjour. Si vous le permettez, j'inviterais les personnes qui m'accompagnent à se présenter à tour de rôle et, ensuite, nous ferons la présentation de notre intervention.

Le Président (M. Doyon): Très bien.

Mme Brouillette (Carole): Carole Brouillette, coordonnatrice à La Centrale, un centre pour les femmes artistes à Montréal, et historienne de l'art.

Mme Landry (Diane): Diane Landry, présidente d'Espace virtuel, centre d'artistes dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, plus précisément à Chicoutimi, et porte-parole et des centres régionaux et des régions au niveau du Regroupement des centres d'artistes autogérés.

M. Gilbert (Bastien): Bastien Gilbert, directeur du Regroupement des centres d'artistes autogérés depuis presque sa fondation et aussi administrateur bénévole, si on peut dire, pour l'Association des artistes du domaine réputé des arts visuels.

M. Arteau: Mon nom est Gilles Arteau. Je suis fondateur d'une coopérative d'artistes à Québec qui s'appelle Obscure. Je préside le Regroupement des centres d'artistes autogérés du Québec et l'Association des artistes du domaine réputé des arts visuels.

Avant de passer au vif du sujet, je demanderais à M. Bastien Gilbert de présenter très succinctement les deux organismes dont nous serons les porte-parole.

Le Président (M. Doyon): M. Gilbert.

M. Gilbert: Bonjour. Donc, nous représentons ici deux associations, deux organismes. Je commencerai par vous présenter celui qui est le plus ancien des deux, le Regroupement des centres d'artistes autogérés du Québec. Il a été fondé en 1986 pour représenter les centres d'artistes sur la scène québécoise et aussi auprès de certaines instances municipales, où rien ne se faisait, disons, à un niveau national pour promouvoir les centres d'artistes. Les centres d'artistes ont donc senti le besoin de se regrouper; 17 centres à l'origine en provenance de 5 ou 6 régions du Québec. Nous sommes actuellement 34 centres depuis la fin de semaine; 25 centres sont des membres, ce qu'on appelle réguliers et une dizaine d'autres, 9 autres sont des membres associés. Précisons d'abord ce qu'est un centre d'artistes.

Un centre d'artistes, c'est un lieu, pour commencer, de diffusion ou, dans certains cas aussi, ce sont des lieux de production, qui sont fondés et gérés par des artistes, d'où ce terme "autogérés". On parle d'ailleurs, dans le cas des centres d'artistes, de collectifs d'artistes. Pour une grande majorité d'entre eux, c'est donc une majorité d'artistes, je vous donnerai tout à l'heure les domaines dans lesquels ces artistes-là s'expriment, mais pas uniquement des artistes. Il y a aussi, comme vous pouvez le voir à cette table et comme vous pouvez le voir dans la salle aussi, des gens qui sont critiques, ou historiens, ou conservateurs. Enfin, autour des collectifs d'artistes se regroupent donc non seulement des artistes pratiquants, comme on dit, mais aussi des professionnels liés à l'expression artistique.

Les formes d'expression qui sont favorisées par les centres d'artistes, on les retrouve dans la loi 78; on parle de peinture, de sculpture, évidemment les formes les plus anciennes, mais aussi des formes comme la vidéo, la performance, l'installation, le multimédia. On travaille aussi avec le laser. On va travailler maintenant avec le fax. On travaille aussi sur photocopieur. Donc, vous remarquerez, vous noterez que les centres d'artistes, ce sont des lieux de création, des lieux de recherche, et c'est donc très important de le noter. Ces centres d'artistes, d'ailleurs, ont été mis sur pied depuis une vingtaine d'années précisément pour couvrir un secteur qui était négligé, puisque, comme vous ne l'ignorez pas, souvent, quand on pense aux arts visuels, on fait presque uniquement référence aux galeries commerciales. Les artistes trouvaient donc que toutes ces formes d'expression là étaient beaucoup trop liées au commerce et ils ont donc voulu s'en dégager, d'autant plus que les galeries commerciales n'étaient pas capables ou n'arrivaient pas à exposer ou à montrer des formes d'expression qui, considéraient-elles à l'époque, n'étaient pas vendables. Donc, les artistes se sont donné leurs propres moyens de montrer leurs travaux au public ou de les montrer aussi à leurs collègues.

Les centres d'artistes existent actuellement dans une dizaine de régions au Québec, non seulement à Montréal, non seulement à Québec, mais aussi au Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans

l'Outaouais, dans la région de Sherbrooke, à Victoriaville, Trois-Rivières, Matane, Rimouski, Catieton, et j'en passe. Donc, c'est une implantation à la grandeur du territoire québécois qui les caractérise et c'est extrêmement important pour le Regroupement des centres d'artistes, cette représentation régionale. D'ailleurs, Diane, tout à l'heure, vous fera bien voir l'importance que ça a pour nous, cette représentation. Le Regroupement, ce n'est pas uniquement un truc montréalais ou québécois et ce n'est surtout pas quelque chose qui est uniquement métropolitain.

Voilà pour le Regroupement. Je peux signaler comme détail aussi que le Regroupement est administré par un conseil d'administration qui a voulu tenir compte de cette représentation régionale, avec trois représentants pour Montréal, deux pour Québec et trois pour les autres régions du Québec. Nous sommes aussi un organisme qui assure non seulement une certaine représentation, mais qui développe un certain nombre de projets, qui assure une certaine formation auprès ou des gestionnaires ou des artistes qui entourent les centres d'artistes. Voilà. Et récemment, c'est-à-dire il y a deux ans, on a publié un répertoire, donc, des centres d'artistes, pour en faire une sorte de description et une sorte de promotion, qui sera republié l'automne prochain, en 1992. Voilà pour le Regroupement des centres d'artistes autogérés.

L'Association des artistes du domaine réputé des arts visuels, quant à elle, est une association fondée plus récemment, il y a un an et demi, c'est-à-dire en février 1990. À la différence du Regroupement, elle ne représente pas des lieux de diffusion, mais elle représente des artistes professionnels en arts visuels. D'où cette association a-t-elle été fondée? Elle a été fondée, en fait, pour répondre, pour s'inscrire dans le cadre, disons, de la loi 78 sur le statut professionnel des artistes du domaine des arts visuels, et elle veut, elle travaille à représenter tous les artistes du domaine des arts visuels au Québec. Jusqu'à la loi 78, il y avait donc des secteurs; les peintres ou les sculpteurs avaient leur propre association, qui étaient plutôt des associations de promotion, et les artistes étaient représentés selon des disciplines. La grande différence avec l'AADRAV, c'est qu'elle veut représenter tous les artistes, quelle que soit leur discipline. Évidemment, toute l'existence de cette association est liée aussi à cette loi 78 et à la commission, pas de formation professionnelle...

Une voix: De reconnaissance...

M. Gilbert: La Commission de reconnaissance des associations d'artistes. Notre cause est pendante, si on veut, devant cette instance puisque, actuellement, nous sommes deux associations à vouloir représenter les artistes au Québec, mais possiblement qu'il n'y en aura qu'une, soit par décision de la Commission de reconnaissance, soit que les artistes arrivent à ne former qu'une seule association.

L'AADRAV, donc, existe depuis cinq ans. Elle existe uniquement grâce, actuellement, aux cotisations de ses membres. Elle a eu une petite subvention des Affaires culturelles l'année dernière, rien cette année. C'est donc ses membres qui la font vivre, bénévolement, ainsi que le Regroupement qui lui assure un appui - comment je dirais? - logistique. D'accord? L'Association regroupe actuellement environ - le chiffre est presque exact d'ailleurs - 500 artistes professionnels du Québec et c'est une association aussi qui veut couvrir tout le Québec, toutes les régions du Québec. Ce qu'on ignore souvent, c'est qu'il y a donc des artistes à la grandeur du Québec. Des artistes du domaine des arts visuels, il y en a à la grandeur du Québec, et l'Association, l'AADRAV, donc, assure une représentation dans ses statuts, dans ses règlements généraux, elle veut assurer une représentation au régional. Je crois qu'au moins cinq artistes doivent provenir de cinq régions différentes du Québec, cinq ou six artistes doivent provenir de cinq ou six disciplines différentes aussi. Donc, une association qui veut vraiment couvrir le territoire québécois dans son entier et c'est possible, puisqu'il y a des artistes dans toutes les régions du Québec.

Les deux organismes que nous représentons ici aujourd'hui, même s'ils sont relativement peu connus, le sont quand même, commencent à l'être pas mal dans le milieu artistique, dans le milieu des arts visuels, et ils le sont singulièrement, je le répète encore une fois, à la grandeur du Québec, puisque les centres d'artistes sont des lieux particulièrement bien organisés ou qui essaient de bien s'organiser et dans différentes régions. Et si les centres d'artistes présentent, donc, des disciplines du domaine des arts visuels, souvent aussi il y a des artistes d'autres secteurs. Il y a du théâtre qui va se faire parfois autour des centres d'artistes, il y a des lectures de poésie qui vont se faire là, des conférences qui vont s'y donner, etc. Donc, ce sont vraiment des lieux assez bien organisés et ils ont tendance, d'ailleurs, à s'organiser dans les régions. On le voit au Saguenay-Lac-Saint-Jean où ils ont maintenant formé leur propre association. On va le voir à Québec aussi où cette tendance à se regrouper est en train de se produire. Donc, particulièrement bien inscrits maintenant, depuis une vingtaine d'années, dans la trame artistique du Québec, on peut maintenant y placer les centres d'artistes. Voilà. Et je devrais ajouter que l'AADRAV origine, quant à elle, des artistes qui formaient tous ces collectifs d'artistes dans les différentes régions. Voilà.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Gilbert. M. Arteau.

M. Arteau: Je n'ai pas l'intention de

résumer le mémoire qui vous a été remis, puisque vous en avez copie et que j'imagine que vous en avez pris connaissance. J'irai assez rapidement et vivement à l'essentiel en disant dès le départ que le dépôt de la proposition d'une politique de la culture et des arts par la commission Arpin a eu pour effet, chez nous, de nous déclarer envahis, pour quelques mois et peut-être pour très longtemps, d'une immense méfiance. On avait, pendant quelques années, été saisis, au contraire, par une sorte de confiance. On s'était dit: Tiens, peut-être que le ministère des Affaires culturelles va réussir à comprendre l'évolution et à partager l'évolution du travail, de la création artistique, de la production artistique sur le terrain d'artistes que nous regroupons et qui atteignent une taille relativement importante, puisqu'on parle des créateurs, qui atteignent une taille d'environ 2000 personnes. (12 heures)

On avait osé espérer que le créateur vivant dans le domaine des arts visuels, qui n'est plus quelqu'un qui ne fait que des arts plastiques au sens ancien - il en fait parfois mais il ne fait plus que des arts plastiques au sens traditionnel - on aurait trouvé une oreille attentive, une audience et des compréhensions à l'égard de ses moyens de production, à l'égard de ses moyens de création et à l'égard de son implication dans son tissu sociocommunautaire, afin que son art, sa production aide à l'évolution de la culture québécoise d'aujourd'hui et qu'il soit en mesure de partager cet art et cette production avec ceux qui l'entourent dans les milieux communautaires où il travaille. Car les centres d'artistes sont l'équivalent d'intervenants communautaires. Ils ne sont pas des galeries parallèles. Ils ne sont pas des vendeurs d'objets dits artistiques. Ils ne sont pas des offres de consommation culturelle pour des gens qu'on considère de plus en plus comme n'étant que des consommateurs.

La politique qui a été déposée, le projet de politique qui a été déposé, l'énoncé de politique qui a été déposé, si on ose l'appeler comme ça, ne distingue, encore une fois, même pas deux termes de base qui sont "culture" et "art", ne prend même pas la peine d'essayer de les définir pour savoir de quoi nous allons discuter entre nous et amalgame allègrement tous les volets d'intervention du ministère des Affaires culturelles en prétendant, en plus, les élargir. Alors, il faudrait à la fois parler d'industrie culturelle, il faudrait à la fois parler d'institutions nationales, il faudrait à la fois parler de patrimoine, il faudrait à la fois parler du spectacle, il faudrait à la fois parler des arts indépendants, il faudrait amalgamer l'ensemble pour essayer de concocter une sorte de résultante qui prétendrait délimiter les coordonnées d'une politique dont les termes, pour nous, lorsqu'on lit ce rapport Arpin, ne se résument qu'à une seule, mais vraiment une seule intention, celle de rentabiliser la production artistique, celle de faire en sorte que les créa- tions artistiques soient, un jour ou l'autre, exportables, commercial isables, consommables par un citoyen, qui se réduirait à la consommation des oeuvres d'art. Une perspective comme celle-là ne nous intéresse pas du tout. Une approche de l'art qui en fasse uniquement un objet de consommation ne nous intéresse d'aucune manière.

Par ailleurs, ce rapport contient une proposition de rapatriement des pouvoirs d'Ottawa au Québec et, compte tenu de la situation dans laquelle se trouvent les artistes que nous représentons dans le domaine des arts visuels, nous nous retrouvons dans cette position parfaitement paradoxale, incroyable, que nous n'aurions même pas osé envisager il y a quelques années, de préférer, aujourd'hui, relever de l'autorité d'un organisme comme le Conseil des arts du Canada qu'imaginer que le ministère des Affaires culturelles gérerait tous les fonds grâce auxquels on arrive très péniblement à créer. Ce n'est rien de très réjouissant et c'est la situation, parce que nous n'avons plus confiance. Et je pense que c'est fort inquiétant le jour où les artistes vivants n'ont plus confiance. Lorsqu'on lit la perception qu'a du Québec ce rapport et, notamment, des régions du Québec, notre réaction n'en est plus une de méfiance, c'est une réaction de gêne, et je laisserai Diane Landry en parler.

Mme Landry: Je commencerai donc par citer le rapport Arpin à la page 74 qui dit: "Le monde entier est déjà chez nous et nous sommes présents au monde." C'est du moins ce que les régions osaient croire jusqu'à maintenant. Comme centre fonctionnant dans ce qui est défini par le rapport Arpin comme l'ensemble régional mixte dans une région qui, de surcroît, est dite périphérique - là, je parle spécifiquement de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean - nous ne pouvions nous permettre de laisser à d'autres le soin de clamer à haute et intelligible voix notre frustration et notre indignation à voir les régions confinées à n'être que des consommatrices d'une culture qui aurait reçu l'imprimatur de la métropole et de la capitale.

La fierté d'un peuple se bâtit sur le quotidien et généralement dans l'environnement immédiat dans lequel les individus se définissent eux-mêmes comme étant Québécois et Québécoises, étant assurés d'être partie prenante dans l'élaboration d'une culture qui leur soit propre et à laquelle tous et chacun puissent s'identifier.

Pour le moment et avant de nous empêtrer dans les broussailles épineuses de ce mont Royal et de ces plaines qui auraient posé un défi même à Abraham, revenons-en à la base du propos. Chacun des centres oeuvrant en région a sa raison d'être. Tous sont nécessaires dans l'actuelle infrastructure culturelle, je dis bien nécessaire, pour les artistes, producteurs et créateurs. Si, dans cet ensemble, les spécificités

sont importantes, il n'en reste pas moins que tous, nous partageons des objectifs communs dont les moindres ne sont pas la défense du statut de l'artiste, l'amélioration de leurs conditions socio-économiques, la volonté que nous avons de leur donner des lieux d'action, d'intervention et d'information auxquels ils puissent avoir accès, des lieux où recherche, création et expérimentation sont des leitmotive sur lesquels nous appuyons notre action et, par le fait même, l'activité de production des artistes.

Le réseau culturel que l'on propose afin de favoriser l'accès à la culture à tous est le suivant: trois grands pôles se développant dans un dialogue continuel, soit, comme premier pôle, Montréal, qui n'est pas une région, mais une métropole; comme second pôle, Québec, qui n'est pas une région, mais une capitale; comme dernier pôle, un ensemble régional mixte.

En principe, ces trois pôles devraient s'articuler sur trois paliers: en une sorte de symbiose entre Québec et Montréal, entre chacune de ces deux villes et l'ensemble régional et entre les villes d'un ensemble régional. On vient d'établir le principe idéal de la tournée: Montréal et Québec diffusant leurs productions vers les régions et d'une région à l'autre, les régions, quant à elles, se diffusant entre elles, et on nous affirme que c'est avec enthousiasme que nous devons reconnaître le rôle national de Montréal en matière de diffusion culturelle.

Pour nous convaincre de cela, on énonce que 86 % de l'activité économique du secteur culturel québécois provient de la région métropolitaine de Montréal, ce qui nous semble normal étant donné que la majorité des grands organismes et des industries culturelles y est concentrée. On nous parle ensuite de l'importance de Pentrepreneurship" exercé tant par les créateurs et les interprètes que par les gestionnaires culturels et de l'originalité des produits et des investissements dans tous les domaines. Encore là, un tel constat est inévitable puisque la majorité des créateurs et des interprètes se retrouve à Montréal afin de profiter des infrastructures qui s'y trouvent et d'avoir une chance de faire une carrière professionnelle.

Nous - je parle des centres d'artistes oeuvrant en région, Montréal et Québec, que je considère moi-même comme étant aussi des régions - nous travaillons activement pour que de semblables infrastructures existent chez nous et facilitent le travail des artistes. On nous dit ensuite que des entreprises importantes sont localisées à Montréal en raison de la qualité de la vie culturelle qu'on y mène. Les régions aimeraient bien qu'il en soit de même chez elles. L'on ajoute, et je cite: "II est normal que les créateurs, les artistes et les autres professionnels du domaine culturel se concentrent à Montréal et que les principaux équipements et les grands organismes culturels s'y trouvent." On ajoute ensuite que, par contre, Montréal ne doit pas se contenter de drainer les forces vives régionales, mais retourner dans les régions les beaux produits culturels qu'elle a à nous offrir. Ce qui revient à dire que l'ensemble des Québécois, du moins ceux qui ne vivent ni à Montréal ni à Québec, se verra présenter une image montréalaise de la culture, de ce que la métropole aura retenu comme devant être le meilleur et sur lequel elle pourra apposer son sceau de qualité. Et nous devons trouver cela normal. Quelqu'un peut-il nous expliquer pourquoi?

Je pense que c'est le meilleur exemple d'un raisonnement clos à l'intérieur d'un système clos dont le moins qu'on puisse dire est qu'il est suffisant et imbu de lui-même. Il y a de quoi se sentir provinciaux, dans le sens qu'on donnait à ce mot au XIXe siècle en France. Balzac, en parlant des provinciaux, disait que leur principale occupation était de démontrer aux Parisiens l'existence, l'esprit et la sagesse de la province. En serions-nous encore là? À la lecture du rapport Arpin, nous ne sommes pas loin de le croire. Ce même rapport incite le gouvernement à conclure un pacte culturel avec sa métropole en lui reconnaissant un rôle national, bien que cela soit perçu comme menaçant pour les autres régions.

On nous affirme en plus qu'une telle politique pourrait apporter des bénéfices à l'ensemble du Québec. De quels bénéfices s'agit-il? Nous croyons que les seuls bénéfices que les régions pourraient en retirer seraient de devenir des consommatrices d'une culture ayant reçu l'approbation métropolitaine et d'être éliminées du circuit de production. Peut-on parler ici de bénéfices? Nous en doutons. Et nous en doutons malgré les voeux pieux voulant que la métropole ne se satisfasse pas d'une action de diffusion culturelle vers les régions et ne se contente pas de drainer les forces vives régionales, mais qu'elle devrait être le lieu de diffusion privilégié des créations et des productions qui ne sont pas issues de son territoire. Sauf que, s'il est facile pour la métropole de diffuser dans les régions étant donné l'arsenal médiatique dont elle dispose, il n'en est pas de même pour les producteurs et les diffuseurs régionaux qui savent pertinemment qu'une telle aventure est remplie d'embûches. Nous croyons qu'une telle façon de voir est inadmissible.

À notre avis, le réseau culturel qu'on nous propose devrait être inversé si l'on admet que la base d'analyse reste toujours la création et les créateurs. La base de la politique culturelle devrait être le créateur producteur travaillant dans son milieu et supporté par une infrastructure de production et de diffusion solide qui lui donne accès au national et à l'international. Non, nous ne sommes pas enthousiastes face au réseau culturel qu'on nous propose. Non, nous n'admettons pas que Montréal draine les forces vives régionales. Et oui, nous nous refusons à nous voir cantonnés dans un rôle de consommateurs

culturels. Nous voulons être des agents actifs dans la construction d'une culture qui nous représente.

Dans l'optique du rapport Arpin, les seules raisons d'être des régions dans le réseau culturel sont de demeurer le réservoir pour que Montréal et Québec puissent puiser leur matière première et constituer un bassin intéressant pour présenter leurs productions afin de les rentabiliser.

À un certain moment dans le rapport Arpin, on ajoute, et c'est très ironique, en parlant des conséquences négatives qu'a eues la disparition de la production télévisuelle régionale de Radio-Québec et de Radio-Canada dans plusieurs régions du Québec: "Nous pensons que ces décisions ont été prises sans évaluer avec suffisamment de finesse les enjeux en cause et les effets négatifs et lourds de conséquences à long terme sur la vie et le développement culturel des régions atteintes par ces réductions de service." A-t-on, ici, évalué avec assez de finesse ce que l'on nous propose? Nous ne le pensons pas.

Les centres d'artistes régionaux ont comme mandat et comme objectif premier d'être des instances d'intervention tant en termes de production et de diffusion, instances qui sont d'un calibre comparable à celles des autres régions du Québec, Montréal y compris, Québec aussi, il va sans dire. Nous ne tenons nullement à rester silencieux devant des propositions et des recommandations qui vont à l'encontre de notre développement et qui auraient comme conséquence de marginaliser toute dynamique culturelle régionale. En ce sens, nous sommes solidaires de tous les groupes qui s'élèveront en faux contre le réseau culturel qui nous est ici proposé.

M. Arteau: Permettez-moi de conclure cette présentation par quelques mots à propos des artistes du domaine des arts visuels eux-mêmes et des propositions qui sont faites à l'intérieur du rapport Arpin pour permettre qu'ils aient un revenu minimum décent. (12 h 15)

Dans ce rapport, lorsque l'on parle du revenu des artistes du domaine des arts visuels, on envisage deux perspectives pour l'amélioration de leurs revenus. L'une de ces perspectives, c'est le marché de l'art, l'éternel et fantastique marché de l'art qui n'existe pas au Canada, et quiconque connaît ce qu'est le marché de l'art pourra vous démontrer qu'il n'en existe qu'un véritable, marché de l'art, au plan international actuellement et c'est le marché américain. Le marché européen est un marché d'État, ce n'est pas un marché privé, et, s'il est vivant, le marché européen, sur le plan privé, c'est parce qu'il y a des acheteurs américains. Le marché de l'art n'est qu'un marché américain. Et comment peut-on prétendre que des artistes du domaine des arts visuels au Québec vont connaître une croissance de la qualité de leurs revenus par le biais d'un marché de l'art inexistant? Quelle est cette espèce de facétie superbe qui permettrait de croire qu'il y a des collectionneurs et des acheteurs en nombre suffisant pour faire vivre plus de 2000 artistes du domaine des arts visuels, et surtout dans un domaine des arts visuels qui ne produit plus, aujourd'hui, que des objets? On n'a pas le droit, je pense, de vendre un "perfor-meur" ni de l'acheter. Comment va-t-il améliorer ses conditions de vie par le biais du marché, ce "performeur", ou le vidéaste, ou celui qui fait des installations?

On propose ensuite une deuxième éventuelle solution pour améliorer la qualité des revenus des artistes du domaine des arts visuels et c'est l'amélioration du droit d'auteur. Comment le Québec pourra-t-il améliorer les conditions de la Loi sur le droit d'auteur alors qu'il n'a aucune autorité législative en la matière? Première question. Deuxième question: Même si cette loi était améliorée, qui va percevoir les droits? D'ici au jour où le Québec aura l'autorité législative et où une société de perception verra le jour et d'ici au jour où le marché de l'art existera, au Québec ou au Canada, comment entendez-vous assurer un minimum de qualité de vie aux artistes du domaine des arts visuels?

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Arteau. Compte tenu du temps que le Regroupement a pris, il reste environ cinq minutes à chacune des formations politiques pour s'entretenir très brièvement avec vous. C'est malheureux, mais l'horaire est ainsi fait.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Arteau. Bienvenue à vous tous. Je peux comprendre, finalement, votre position et je la respecte profondément. Par contre, je veux quand même mettre en perspective le rapport Arpin par rapport à la démarche que l'on fait. Le rapport Arpin, c'est une réflexion faite par les gens de l'extérieur et qui est une base de discussion. On conteste avec plaisir, on réfute certaines choses qui ont été dites, on les interprète positivement, négativement, c'est parfait, c'est là pour ça. Mais le rapport Arpin n'est pas la politique culturelle, le rapport Arpin n'est pas la démarche du gouvernement, c'est une base de discussion et si cette discussion, engendrée par le rapport Arpin, fait en sorte que les régions viennent fortement se parler, se définir, eh bien, tant mieux. Cette commission parlementaire est quand même une commission parlementaire qui est tout de même une première, les gens sont ici, les gens s'expriment avec franchise et on discute tous ensemble. Alors, je veux juste vous rassurer là-dessus, c'est une base de discussion. Alors, il n'est pas question, ensuite, de prendre ça et de l'appliquer directement en disant: Montréal, Québec et les autres. Au contraire. Par contre, cette position a engendré énormément de discussions, ce qui fait que plusieurs régions viennent

de plusieurs secteurs nous donner aussi leur point de vue et leur opinion, et je pense que ça, au niveau de la discussion, c'est très important.

J'aimerais vous parler aussi, parce que le temps presse, au niveau du Conseil des arts. Bon, je comprends effectivement votre crainte que, si c'est centralisé, s'il y a une place au niveau des fonds, il y a un risque. On a beaucoup parlé de la fondation d'un Conseil des arts ou, enfin, d'un similaire québécois. Parce qu'il semble aussi que notre fonctionnement, malgré qu'il se fasse par jury, malgré, malgré, malgré, provenant du ministère, malgré que l'on donne beaucoup plus au niveau financier - notre clientèle est plus éclatée versus celle du Conseil des arts, mais la somme totale, elle est presque le double ici, au Québec, versus ce que le Conseil des arts donne, finalement, sa proportion québécoise - il semblerait qu'on sente un certain dirigisme. C'est écrit même dans votre mémoire en disant: Bon, ce serait bien parce qu'il faut sortir du clan politicien, etc., ce qui ne se produit pas, mais il semblerait... la perception est là. Alors, moi, j'aimerais que vous élaboriez là-dessus. Est-ce que cet organisme tout à fait indépendant serait au moins une des solutions pour éviter cette méfiance, d'un côté, et, deuxièmement, cette perception de dirigisme qui, entre autres, en tout cas au niveau de la création, au niveau des contenus, n'existe pas?

Le Président (M. Doyort): M. Arteau.

M. Arteau: II est certain que non seulement la création d'un Conseil des arts au Québec serait une des solutions qui réduiraient la méfiance, mais je dirais que c'est une condition essentielle si on veut parler de l'avenir de la culture québécoise. Je ne le dirais pas uniquement pour des motifs d'intervention politique arbitraire qui existent - il n'en existe pas une panoplie à l'infini, mais il en existe; ne nous cachons point la réalité - je le dirais surtout selon la formule fondamentale du Conseil des arts. Le Conseil des arts du Canada, à l'époque de sa fondation, devait normalement être un organisme autonome économiquement aussi. Il ne devait pas relever d'une dotation budgétaire parlementaire comme c'est le cas maintenant. Et, dans le mesure où il se met à relever d'une dotation parlementaire tel que c'est le cas maintenant, la réalité fait en sorte que le Conseil des arts n'en est plus une, solution. S'il faut qu'on crée au Québec un Conseil des arts avec des pouvoirs relativement étendus sans l'assurer d'une large autonomie économique, financière, indépendante d'une expression politique annuelle, je pense que ce n'est pas une solution. Il est très facile d'étrangler des organismes comme ceux-là tout simplement par le biais du budget.

L'autre question que bien des gens vous ont soumise, je pense, et qui nous préoccupe consi- dérablement, c'est que beaucoup des mandats exercés par le Conseil des arts du Canada et, malheureusement, par le ministère des Communications sont des mandats qui ne sont pas pris en charge, qui ne sont pas considérés par le ministère des Affaires culturelles. Il va falloir, un jour ou l'autre, si le Québec veut rapatrier les pouvoirs, qu'il définisse lui-même des politiques claires à cet égard-là. Exemple, tous les arts médiatiques indépendants. Le Québec, dans le domaine des arts médiatiques indépendants, n'a pas de politique claire. Il n'a pas de programme de soutien. Il est en train de laisser aller à l'abandon tout ce champ de travail. Toute la recherche en informatique appliquée aux arts, il n'en existe pas. Il existe des programmes annexes, il existe des détours pour y arriver, des programmes d'aide à la recherche, etc., mais de véritables programmes qui s'appliquent à l'informatique, il n'y en a pas. C'est devenu un instrument de travail des artistes, ça, un instrument courant.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M. Arteau a touché un sujet fondamental. Je pense que tout le secteur des communications, dans le sens le plus générique du terme, est partie intégrante d'une politique des arts et de la culture. Mais ceci dit, je peux toujours comprendre une certaine méfiance, M. Arteau, surtout qu'il y a des attentes qui, malheureusement, n'ont pas été respectées. Vous avez parlé du statut de l'artiste, etc., du droit d'auteur. Sauf que, là, je vous avoue, je vous le dis avec toute candeur, voir un peu de contradiction. Vous souhaitez qu'on ait les pouvoirs législatifs, mais, par contre, vous préférez que certains sous restent plutôt à Ottawa. Quand on parle de droit d'auteur, il faudrait aller dans la notion de droit voisin et non pas uniquement cette conception typiquement nord-américaine du "copyright", c'est tout.

Vous parlez de dirigisme et c'est là que ça me heurte comme individu et également comme législateur québécois, M. Arteau. Au moment où il y a la commission Castonguay-Dobbie, vous savez qu'il y a un comité mixte actuellement qui s'adresse à tous les intervenants culturels et qui vous pose la question: Qu'est-ce que vous pouvez faire de plus pour l'unité nationale canadienne? Avouez que le dirigisme, mon Dieu, l'autre côté de la rivière Outaouais, ça se pratique. Est-ce que vos subventions vous seront données demain en fonction de votre grande profession de foi sur l'unité nationale canadienne? Vous savez, il faut se méfier un peu là. C'est vrai que, quelquefois, dans le jardin du voisin c'est plus vert, mais, quelquefois, l'herbe est en formica et non pas nécessairement végétale.

Vous avez parlé des régions. Oui, la réaction est très vigoureuse provenant de la part des

régions, et j'ai été le premier à dire que c'était malheureusement une grande lacune du rapport Arpin. Mais ce que j'observe - et là je m'adresse à vous, madame, puisque vous venez du Saguenay - ce que je trouve extraordinaire... Cette espèce de confiance en soi des régions m'émerveille. Les régions viennent ici depuis trois semaines et nous disent: Donnez-nous notre enveloppe; à part les sous que l'on ramasse au niveau du mécénat, etc., notre seul bailleur de fonds c'est vous, l'État québécois; donnez-nous notre enveloppe, on est capables de définir nos priorités, nos actions; venez même vérifier notre gestion si vous voulez. Je trouve ça un degré de confiance en soi extraordinaire de la part des régions et, deuxièmement, l'axiome qu'elles sont capables de décider elles-mêmes et non pas quelqu'un en haut du 32e étage d'un building. Lorsque le plafond atmosphérique est bas comme aujourd'hui, je pense qu'on ne voit pas jusque dans votre belle région.

Mais vous ne croyez pas qu'à rencontre, que vous faites un peu l'inverse, à savoir que, si à partir d'un principe de "arm's length" et de recréer un Conseil des arts qui, entre parenthèses, existait, mais on l'a aboli il y a deux ans... J'avais dit: Gardons-le, on ne sait jamais, ça pourrait peut-être nous servir. Bon, manque de prévoyance de la part du législateur. Mais vous ne croyez pas que c'est un peu là un manque de confiance en vous et un manque de confiance, si vous voulez, en la force des milieux de la culture de dire: Oui, vous êtes capables de le faire et on est capables de vous surveiller? Parce que, rassurez-vous, ceux qui prennent les décisions sont très conscients que, depuis le début de cette commission - et ça va se confirmer jusqu'à la fin - on est à un point presque de rupture entre le législatif et le milieu culturel. Je pense que les législateurs sont capables de se mettre, si vous me permettez l'expression, des garde-fous. On sait quel prix il y aurait à payer, non pas pour l'individu, je ne parle pas juste de la sanction électorale, mais je parle de l'avenir et du devenir du Québec comme nation, comme société.

C'étaient un peu les remarques et commentaires que je voulais vous faire, en ajoutant peut-être une dernière. J'ai l'impression que vous avez oublié peut-être un peu une question fondamentale. Avant de dire que le rapport Arpin fait de l'oeuvre d'art un produit de consommation, M. Arteau, pourquoi les gens consomment, achètent, acquièrent des objets d'art? Je dois vous avouer qu'entre la nouvelle voiture, 8 cylindres, 350 chevaux-vapeur et une très belle sculpture ou une gravure ou une toile, il y a un choix plus qu'un choix de consommation, à mon point de vue. Et je pourrais continuer encore plus loin en disant: II faut développer un marché de l'art. Il y aurait des choses faciles pour le faire, par exemple un REART; c'est une petite mesure, mais qui, déjà, donnerait un allant, ceci dit.

Le Président (M. Doyon): M. Arteau, ou madame.

Mme Brouillettte: Oui, je répondrais peut-être sur la question de confiance. Je pense qu'il n'est pas question de non-confiance en nous, il est question de non-confiance envers le ministère et, si on peut appeler ça, d'une réflexion qui est en train de se passer. On a tellement confiance en soi qu'à chaque jour on s'occupe à survivre. C'est plus que de la confiance, là-dessus.

Ensuite, sur le marché de l'art, quand vous dites qu'entre acheter un tableau qu'on met dans sa maison et une voiture il y a sûrement une différence, je l'espère, moi aussi, sauf que, quand on veut s'intéresser à la réflexion en arts visuels, c'est ce qui motive l'achat, quoique je trouve que les connexions sont un peu chambran-lantes. On s'intéresse à l'art, pas pour posséder forcément un tableau dans son salon. On peut aller voir une performance et s'intéresser à la réflexion que ça suscite et, là, le rapport de consommation est complètement différent. Le terme "consommation", d'après moi, est inapproprié, on s'en va s'intéresser à une réflexion. Alors, je trouve que discuter de consommation, ça en vient aliénant quelque part, on tourne sur quelque chose et on oublie d'autres sphères qui sont mises en place par la création.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame.

M. Boulerice: À ce niveau-là, vous avez raison.

Le Président (M. Doyon): M. le député, quelques mots de remerciement, si vous voulez bien.

M. Boulerice: Vous avez été dérangeants, peut-être, à certains égards. Vous avez sans doute remarqué nos mimiques durant que vous interveniez. Je pense que c'est le propre de l'artiste de déranger des certitudes. Je vous en remercie.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui, effectivement. Premièrement, on vous remercie. Deuxièmement, et encore une fois, soyez convaincus que ce qu'on fait présentement, c'est tout simplement parce que plusieurs groupes et plusieurs intervenants nous ont dit que ça ne marchait plus. Après 30 ans, 60 programmes plus tard, puis tout ça, ça ne marche plus. Alors, l'intention est tout simplement d'essayer de voir, d'abord, une façon peut-être un peu plus fonctionnelle, un peu plus allégée, justement, de pouvoir encourager, d'abord, la création et, ensuite, le peuple québé-

cois à s'y intéresser, tout simplement. Ça ne se fait pas en vase clos et ça ne se fera pas en vase clos, non plus, parce que, finalement, les politiques, on ne les fait pas pour nous, hein? Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors, au nom des membres de la commission, il me reste à vous remercier de votre présentation et d'avoir bien voulu vous prêter à cet échange de vues. Il me reste maintenant à suspendre les travaux jusqu'à 15 h 30, après la période des affaires courantes à l'Assemblée.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 16 h 18)

Le Président (M. Doyon): La commission reprend ses travaux en recevant l'Université du Québec à Montréal tout en m'excusant, au nom de la commission et des parlementaires, pour le retard qui est le nôtre. On devait vous entendre à 15 h 30, malheureusement, on commence avec au-delà de trois quarts d'heure de retard. On ne pouvait pas commencer avant, on attendait l'ordre de l'Assemblée pour commencer nos travaux. Alors, c'est la raison principale du retard. Dans les circonstances... Mme la ministre, avez-vous une demande à faire concernant le déroulement des travaux?

Mme Frulla-Hébert: Pour l'instant, comme on est très, très en retard... Combien en a-t-on à reprendre? Il y aurait peut-être...

Le Président (M. Doyon): On a pratiquement une heure de retard.

Mme Frulla-Hébert: On a une heure de retard, alors ça veut dire qu'on finirait à 19 heures.

Le Président (M. Doyon): On finirait à 19 h 30.

Mme Frulla-Hébert: Oh! À moins de demandera...

Le Président (M. Doyon): Parlez plus fort, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que ce serait possible, compte tenu du retard qui était hors de notre contrôle, de demander au dernier groupe, celui de 17 h 45, de reprendre en soirée?

Le Président (M. Doyon): La chose est possible, mais avec le consentement de l'Opposition. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: On pourrait reprendre en soirée. À quelle heure, M. le Président?

Le Président (M. Doyon): Entendre la Canadian Actor's Equity Association à 20 heures au lieu de les entendre à 17 h 45. L'autre possibilité qu'il y aurait, M. le député et Mme la ministre, ça serait...

M. Boulerice: Si c'était à 19 h 30, M. le Président, l'Opposition serait consentante à écourter l'heure du dîner pour recevoir la Canadian Actor's Equity Association.

Mme Frulla-Hébert: Ca veut dire qu'on finirait à quelle heure?

Le Président (M. Doyon): C'est la possibilité ou on peut tenter d'abréger les rencontres de cet après-midi si...

Mme Frulla-Hébert: Non, non.

M. Boulerice: Je ne souhaite pas, personnellement, abréger.

Le Président (M. Doyon): Non, d'accord. C'est une possibilité que j'évoque tout simplement.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce qu'on s'entend pour recommencer vers 17 h 45, 19 h 45 plutôt? Entre les deux, je dois aller... compte tenu que l'orateur... Ce n'est pas dû à ici mais c'est dû à l'autre côté, je m'excuse.

M. Boulerice: Je m'excuse, madame, mais vous ne pouvez prêter quoi que ce soit. L'Opposition, elle a des droits dans ce Parlement et les assumera.

Mme Frulla-Hébert: Et elle s'en est servi, monsieur.

M. Boulerice: Si vous souhaitez, madame, obtenir un consentement, je vous serai reconnaissant de bien vouloir le formuler avec la gentillesse requise. Je serai capable de m'expli-quer auprès des intervenants, madame, quant au bien-fondé des interventions que nous faisons en cette Chambre.

Ceci étant dit, vous souhaitez que l'on reprenne à 19 h 45?

Mme Frulla-Hébert: À19 h 45, si possible. Le Président (M. Doyon): Avec quel groupe?

Mme Frulla-Hébert: Si on a le consentement aussi du groupe Canadian Actor's Equity Association.

Le Président (M. Doyon): Est-ce que la

Canadian Actor's Equity Association est prête à être entendue à 19 h 45 ce soir au lieu de 17 h 45 ce soir?

Une voix: Ça veut dire qu'on arrive à Montréal vers une heure du matin. Si on n'a pas le choix, on n'a pas le choix.

Le Président (M. Doyon): Je ne veux pas vous créer d'embêtements. C'est une requête qui est faite de la part des parlementaires. Une suspension pour deux minutes. Suspension.

(Suspension de la séance à 16 h 22)

(Reprise à 16 h 23)

Le Président (M. Doyon): Donc, les parlementaires, avec la bienveillance du groupe représenté par la Canadian Actor's Equity Association, nous serons dans l'obligation de vous entendre, si vous n'en faites pas une grosse différence, à 19 h 45, ce soir, le tout premier groupe, ce qui vous libérera vers 20 h 30. Vous serez libéré vers 20 h 30, ce qui vous met vers 23 heures à Montréal.

Une voix: On est prêts à vous dire que ça ne prendra pas plus de 20 minutes ou 25 minutes de votre temps, si ça vous aide un peu dans le...

Le Président (M. Doyon): Très bien. Merci beaucoup. Merci de votre compréhension. Donc, nous allons entendre dès maintenant le premier groupe qui est l'Université du Québec à Montréal, représentée par M. Claude Corbo que je vois ici. Je lui souhaite la bienvenue et lui demande de bien vouloir présenter les gens qui l'accompagnent et, après ça, de faire la présentation de son mémoire ou un résumé qu'il voudra bien nous faire. Ensuite, la conversation s'engage avec les deux côtés de la table pour le temps qui restera sur les trois quarts d'heure qui sont prévus. Vous avez la parole, M. le recteur.

Université du Québec à Montréal

M. Corbo (Claude): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je suis accompagné, à ma gauche immédiate, par Mme Rose-Marie Arbour, vice-doyenne de la famille des arts de l'Université du Québec à Montréal, à sa gauche, par Mme Suzanne Lemerise, directrice du département des arts plastiques de l'Université, à ma droite immédiate, par M. François Carreau, le doyen des études avancées et de la recherche, et, à sa droite, par Mme Ginette Legault, administratrice de la recherche à l'Université du Québec à Montréal.

Le Président (M. Doyon): Cordiale bien- venue.

M. Corbo: Merci, M. le Président. M. le Président, mesdames et messieurs, nous vous remercions d'avoir bien voulu entendre l'Université du Québec à Montréal à votre commission. La brièveté des délais entre le dépôt du rapport du groupe-conseil et l'échéance pour le dépôt des mémoires explique que l'Université du Québec à Montréal a choisi de limiter son intervention aux questions qui concernent particulièrement la formation d'artistes, d'enseignants de l'art et à la question de la création en milieu universitaire. Mes collègues et moi-même serons ravis de répondre à vos questions. Vous me permettrez, toutefois, de vous soumettre un certain nombre de considérations provenant de notre mémoire.

Je veux, dans un premier temps, vous rappeler que l'Université du Québec à Montréal est sûrement l'un des principaux intervenants universitaires en arts au Québec et au Canada. C'est un lieu important pour la création, la formation en arts et pour l'analyse et la réflexion sur l'activité culturelle. À l'heure actuelle, près de 200 professeurs de carrière et autant de chargés de cours interviennent dans un certain nombre de domaines disciplinaires: les arts plastiques, le design, le théâtre, la musique, la danse, les études littéraires, les communications, l'histoire de l'art, la muséologie et la sémiologie. Le secteur des arts de l'UQAM, avec celui des lettres et des communications, couvre donc à peu près tous les arts visuels et les arts d'interprétation. Ses ressources professorales se caractérisent par une diversité de modes d'intervention. Nous sommes engagés en formation au premier cycle, où il y a environ 4500 étudiants dans l'un ou l'autre de nos programmes dans le secteur des arts, des lettres et des communications. Aux études de deuxième cycle, il y a environ 500 étudiants. Au troisième cycle, nous formons des créateurs, des artistes, des pédagogues aux trois ordres d'enseignement, des intervenants, des animateurs, des analystes, des historiens, des théoriciens des arts et de la culture. Donc, une intervention en termes de formation, une intervention en termes de création. Nous avons continuellement encouragé les professeurs du secteur des arts à poursuivre une activité de création. Nous avons élaboré des modes d'appréciation et de financement de la création et nous encourageons les professeurs à soutenir leur création par une réflexion théorique sur le processus.

L'Université du Québec à Montréal intervient également dans le domaine des arts et de la culture par une recherche, une réflexion, par la formation de pédagogues et par des activités de diffusion. Ainsi, vous connaissez la Galerie de l'Université du Québec à Montréal, le Centre de design. Vous connaissez également la nouvelle agora de la danse qui a été bâtie en consultation avec le milieu, grâce, entre autres, à une

collaboration financière du ministère des Affaires culturelles. Vous connaissez également les productions de l'Université du Québec à Montréal. Les oeuvres de danse ou de théâtre que montent les professeurs et les étudiants dans le cours de leurs activités de formation et de recherche sont rendues accessibles à la population montréalaise. De façon générale, je pense que l'Université du Québec à Montréal, depuis 1969, contribue de façon significative à la recherche sur les arts, à la vitalité et à la diversité de la vie culturelle montréalaise et québécoise.

Dans le contexte de son expérience comme établissement d'enseignement universitaire engagé dans les arts, l'Université du Québec à Montréal vous soumet un certain nombre de recommandations qui sont de nature à éclairer cette commission dans sa réflexion sur le rapport du groupe-conseil et dans sa réflexion sur l'élaboration d'une politique culturelle du Québec.

Nous recommandons donc, premièrement, que les universités québécoises et l'Université du Québec à Montréal, en particulier, soient associées de près à l'élaboration de la future politique culturelle du Québec et au plan d'action qui en découlera.

Nous recommandons, deuxièmement, que l'Université du Québec à Montréal soit membre du groupe de travail éventuellement responsable d'établir une concertation entre le ministère des Affaires culturelles, le ministère de l'Éducation, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science et les divers milieux culturels en matière de formation des enseignants pour les divers ordres d'éducation.

Nous recommandons, troisièmement, que l'Université du Québec à Montréal soit reconnue comme partenaire dans la définition du mandat d'un éventuel observatoire des politiques culturelles.

Finalement, nous recommandons que l'Université du Québec à Montréal soit associée aux efforts du gouvernement du Québec en matière d'échanges internationaux entre artistes et créateurs d'ici et d'ailleurs, et que cette université soit reconnue comme étant un lieu privilégié de tels échanges internationaux aux plans professionnel, critique et théorique.

Voilà donc des recommandations que nous vous soumettons à la lumière de notre expérience comme université engagée dans le secteur des arts.

Nous souhaitons également, en deuxième lieu, vous faire certaines remarques sur le thème de la culture, des arts et du destin de la société québécoise. L'UQAM, vous le savez, est une institution typiquement québécoise profondément attachée à sa société d'appartenance et passionnément soucieuse du devenir de la société québécoise. L'UQAM croit que le destin du Québec, comme société distincte, est indissociable de la force et de la richesse de ses arts et de sa culture. L'UQAM croit, de plus, que les arts et la culture sont un moyen privilégié pour le Québec de s'épanouir à tous les plans, y compris le plan économique, et de contribuer de façon originale à l'aventure de l'humanité et à son patrimoine commun.

Dans ce contexte, l'UQAM vous soumet des idées précises. Les industries culturelles exigent, au départ et à leur source, la force créative des artistes québécois. Cela nous apparaît fondamental. Il n'y a d'industrie culturelle que dans la mesure où il y a d'abord des créateurs. Les objectifs et les conditions de la création ne peuvent se confondre à ceux des industries culturelles. Nous croyons que l'État doit s'assurer de garantir la liberté de l'artiste et favoriser le développement de la recherche en arts sans choisir pour le milieu ni privilégier des tendances particulières. C'est l'expérience que nous vivons en milieu universitaire de permettre à différents groupes, différentes tendances, différentes visions, différentes esthétiques de se réaliser. Nous croyons, comme université, que les arts doivent garder une certaine distance par rapport au pouvoir politique et économique et, à ce moment-ci de l'évolution des choses, il nous paraît essentiel que l'on tienne compte de nouvelles technologies et que l'on encourage l'éclosion de nouvelles formes d'expression artistique, une alliance nouvelle, en somme, des arts et des sciences.

À la lumière de ces réflexions que nous vous soumettons sur les arts, la culture et le destin de la société québécoise, nous recommandons en particulier que le gouvernement du Québec assure de nouvelles sources de financement pour la recherche en création afin de développer notamment des laboratoires d'expérimentation en arts. Partout à travers les pays occidentaux, je le signale, on assiste à un rapprochement entre les sciences, les nouvelles technologies et les arts. Cela suppose l'accès des créateurs à des technologies qui ne leur sont pas toujours à portée de main. Dans ce contexte, cela doit préoccuper le gouvernement et il doit faciliter, par ses sources de financement, les expériences nouvelles de création et d'expérimentation en arts.

Pour conclure, nous aimerions vous rappeler un problème particulier qui confronte les universités sur le thème de l'aide financière à la création en milieu universitaire. Cette rencontre avec votre commission est sûrement pour nous, de l'Université du Québec à Montréal, l'occasion d'aborder un vieux dossier qui a fait l'objet de discussions depuis bien des années, mais qui n'a toujours pas trouvé de solution: c'est la question de l'aide financière aux arts et à la création en milieu universitaire.

Contrairement aux collègues des autres disciplines, les sciences sociales, les sciences de la nature, qui ont accès à des fonds pour assurer leurs activités de création, les professeurs créateurs en milieu universitaire ne peuvent

bénéficier de fonds pour les activités de création. Ni le ministère des Affaires culturelles, ni le Conseil des arts du Canada, ni les organismes subventionnâmes publics, qu'il s'agisse, à Ottawa, du Conseil de recherches en sciences humaines ou du fonds FCAR au Québec, ne financent la création en milieu universitaire, malgré les représentations des universités, dont l'UQAM, depuis 10 ans, malgré la décision du gouvernement du Québec, à la création de l'UQAM, d'intégrer les arts à l'université, malgré les recommandations de la Société royale du Canada en 1990. Il n'y a pas d'aide financière pour les créateurs en milieu universitaire, et j'insiste pour dire qu'il ne s'agit pas là d'un caprice de la part des universitaires. La création en milieu universitaire a, entre autres, comme objectif de contribuer à la formation des étudiants et des étudiantes de la relève. La raison fondamentale pour laquelle on pratique la recherche en milieu universitaire, c'est pour assurer une meilleure formation aux étudiants et aux étudiantes en sciences pures, en sciences appliquées, en sciences sociales. L'équivalent de la recherche dans les disciplines artistiques, c'est la création. La création, ce n'est pas juste pour faire plaisir aux professeurs. Mais en associant des étudiants aux travaux de création des professeurs, on améliore la formation de ces étudiants et de ces étudiantes, comme en associant les étudiants et les étudiantes aux travaux de recherche des professeurs dans les disciplines traditionnelles, on améliore leur formation. Pour cela, il faut que les professeurs créateurs en milieu universitaire puissent aussi avoir accès à des fonds de création.

Le gouvernement du Québec donc, nous l'invitons à clarifier les règles en matière de financement de la création produite par le corps professoral dans les universités québécoises, en sachant toujours que ce n'est pas simplement pour faire plaisir aux professeurs, mais que c'est pour permettre aux professeurs, en associant les étudiants et étudiantes à leur création, leur processus de création, de leur donner une meilleure formation.

Voilà donc la substance des propos que voulait vous tenir l'Université du Québec à Montréal. Je vous remercie de votre attention. Mes collègues et moi-même sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, M. le recteur. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Ça me fait grand, grand plaisir de vous accueillir, M. Corbo ainsi que vos collègues.

L'Université du Québec constitue un intervenant majeur dans toute la formation et le perfectionnement de plusieurs disciplines. Vous avez touché un point qui nous est sensible et un point aussi dont on a parlé beaucoup les semai- nes précédentes, c'est-à-dire tout le côté de la recherche et du développement. On parlait justement d'avoir la possibilité, tel que vous le dites, d'avoir un fonds de recherche et développement de sorte que la création puisse évoluer, se développer et qu'on puisse tout simplement se permettre de se tromper parce que le problème dans le milieu, c'est qu'il ne faut pas se tromper. Il faut être bon à tout coup, il ne faut pas se tromper, êtes-vous capable d'élaborer un peu votre vision de ça? Comment on pourrait faire en sorte qu'il y ait ce fonds de recherche et développement? Ça relèverait de qui?

M. Corbo: Je pense que le doyen Carreau peut répondre à cette question, Mme la ministre.

Le Président (M. Doyon): M. le doyen.

M. Carreau (François): Merci. En fait, il y a différentes possibilités. Il est certain que les artistes en milieu universitaire ne voudraient pas être jugés comme étant des artistes de deuxième classe. Donc, il ne s'agit pas qu'ils aient accès à des fonds pour lesquels les critères d'évaluation seraient moindres. Je pense que c'est une précaution importante à prendre d'emblée, au point de départ.

La façon de le faire. Une façon, ça serait sans doute d'avoir une enveloppe réservée mais évaluée avec les mêmes critères pour la création en milieu universitaire dans le sens d'une contribution directe ou indirecte à la formation des étudiants en milieu universitaire.

M. Corbo: Vous savez, il s'est développé une expertise avec le fonds FCAR du côté des sciences pures et des sciences sociales. On peut faire la même chose avec les arts, avec la création.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que c'est possible alors de combiner... Parce qu'on parle de fonds de recherche et développement au niveau universitaire et on parie aussi, au niveau du développement, des arts en général. Est-ce que c'est possible de faire un lien entre les deux? Est-ce qu'il pourrait y avoir une interaction?

M. Carreau: Faire le lien avec les fonds de recherche?

Mme Frulla-Hébert: Non, je m'explique. On a beaucoup parié du développement des arts en général au Québec. Il y a quelques groupes qui ont soulevé la possibilité, pour nous, d'avoir un fonds comme un fonds d'aide aux artistes, un fonds de recherche et de développement. Ça, c'est une chose. Maintenant, vous parlez aussi de fonds de recherche et développement pour des artistes en milieu universitaire en disant que les normes d'excellence se doivent d'être les mêmes que dans le secteur dit privé, par exemple, pour

qualifier les deux: universitaire versus privé. Est-ce que c'est possible de penser à une interaction entre les deux?

M. Carreau: Sans doute. J'aimerais vous faire part d'une préoccupation qu'ont nos collègues universitaires. Dans l'ensemble, ils ont accès aux fonds qui sont prévus pour la création. Donc, que ce soit pour la recherche et le développement en arts, je pense qu'ils y ont accès. Cependant, la difficulté qu'il y a, c'est que le milieu perçoit les demandes qui viennent des professeurs d'université comme étant une compétition injuste pour des fonds qui sont rares. Je pense qu'il faut avoir cette préoccupation à l'esprit. C'est que, dans le fond, l'université a un rôle important dans fa formation des artistes, mais le milieu, comme tel, est porté à penser que les artistes en milieu universitaire sont en concurrence, pour les mêmes fonds, avec les artistes qui ne sont pas en milieu universitaire. Alors, c'est une difficulté réelle mais, à mon avis, on doit trouver une solution parce que, autrement, on défavorise, à ce moment-là, la création en milieu universitaire et une partie de la liberté des... En fait, en milieu universitaire, les artistes peuvent sans doute aller un peu plus loin qu'ils ne le pourraient dans des conditions normales. Je parle, entre autres, des arts d'interprétation.

Mme Frulla-Hébert: Ce qui m'amène à ma deuxième question. Quand vous dites que ça ne va nulle part, qu'est-ce qui arrive au niveau du budget des universités dans ce cas-là? Est-ce qu'à ce moment-ià les budgets universitaires ne devraient pas - parce que vous faites justement de la formation très avancée et poussée dans le domaine culturel - être suffisants pour répondre à ce besoin-là?

M. Corbo: Mme la ministre, je voudrais vous signaler que la question que vous posez peut conduire à un raisonnement dangereux parce qu'on pourrait se retourner vers les sciences pures ou les sciences sociales et dire: Dans le fond, est-ce que le budget qu'on donne aux universités ne suffit pas pour faire la recherche? Ça n'est pas le cas au sens où les universités ont un budget pour fonctionner, payer des salaires, assurer des locaux. Nous fournissons aux professeurs en arts une infrastructure minimale, comme nous le faisons pour les professeurs en sciences sociales ou en sciences pures. Mais au-delà de ça, la recherche ou, éventuellement, la création comportent des coûts supplémentaires qui n'émargent pas les budgets des universités.

M. Carreau: À même le budget de fonctionnement des universités, nous réservons une enveloppe pour faire du développement, c'est-à-dire pour faire du démarrage en recherche, que ce soit en sciences naturelles, en sciences sociales ou en sciences humaines, mais aussi pour la création. Mais, normalement, ces budgets sont insuffisants pour assurer l'ensemble des activités de sorte qu'on a besoin d'une aide spéciale. C'est la raison pour laquelle, dans les autres secteurs de l'université, on s'adresse aux organismes, que ce soit le fonds FCAR, les conseils fédéraux, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, le Conseil de recherches en sciences humaines ou encore le Conseil de recherches médicales. Ce sont là les organismes qui financent le gros de la recherche qui est faite à l'université. C'est 85 % de la recherche qui sont financés par un apport de fonds extérieurs.

Mme Frulla-Hébert: Vous faites aussi état du fait que votre université veut devenir une espèce de creuset entre les communautés ethniques et la communauté francophone. Quels sont, d'après vous, les principaux moyens pour réussir et atteindre cet objectif-là? Évidemment, on en a aussi beaucoup parlé de cette... je ne dirais pas intégration, mais de l'apport des communautés culturelles à la culture québécoise.

M. Corbo: Je pense, Mme la ministre, que l'Université du Québec à Montréal comme, du reste, l'ensemble des universités francophones - mais peut-être plus parce qu'elle est à Montréal - doit faire un effort particulier pour attirer, accueillir et former des jeunes gens venant des communautés culturelles. À l'heure actuelle, environ de 5 % à 6 % des étudiants des universités québécoises francophones proviennent des communautés culturelles, alors que c'est de l'ordre de 18 % à 20 % à McGill ou à Concordia. Alors, je pense qu'on a une responsabilité. On cherche les moyens, on cherche à prendre contact, on cherche a développer un intérêt pour cette université dans les communautés. Ce n'est pas le genre de chose qu'on fait du jour au lendemain et ça dépend aussi de la conjoncture plus générale du Québec, comme vous le soupçonnez bien.

Le Président (M. Doyon): Merci. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. (16 h 45)

M. Boulerice: M. le recteur, M. le doyen, mesdames, la première question que j'aimerais vous poser, c'est... Vous le savez comme moi, vous l'avez lu, le rapport Arpin vise à accorder à la culture une place aussi importante que le social et l'économique; c'est déjà un énoncé important, forcément, au sein des actions de l'État. Mais comment, d'après vous, le Québec peut-il y arriver avec les moyens limités dont il dispose? Deuxièmement, est-ce qu'on peut parler d'une véritable politique culturelle sans intégrer la dimension des communications? Je la pose, connaissant la réputation de votre université au niveau des communications.

Mme Arbour (Rose-Marie): Le premier élément qui est: Est-ce que le Québec peut, effectivement, a les moyens... Est-ce que c'est vraiment de former des artistes ou d'avoir une politique sur le plan de la création? Avec les universités qui forment les artistes actuellement, avec les compétences - par exemple, je pense à l'UQAM, sur le plan des professeurs et même des programmes - je pense qu'effectivement le Québec peut se permettre d'avoir une politique à la fois de formation d'artistes, à la fois d'aide à la production artistique et aussi d'aide à la diffusion. Je pense qu'il s'agit de savoir où sont les compétences. Par exemple, un des volets d'une politique culturelle, ce serait justement, lorsque le ministère des Affaires culturelles pose des questions, a des problèmes à résoudre, de faire beaucoup plus appel aux compétences qui sont au sein des universités, particulièrement dans le secteur des arts en ce qui a trait, en tout cas, aux arts en tant que tels.

Quant au deuxième volet de votre question, c'est-à-dire toute la dimension des communications, effectivement, le rapport que nous déposons aujourd'hui, c'est beaucoup plus limité à la question du secteur des arts à l'UQAM. Le temps ainsi que l'été faisaient qu'il y avait peut-être plus de professeurs qui étaient libres pour travailler sur cette question à ce moment-là. Il y a eu une difficulté, effectivement, pour rejoindre les gens pour aborder une question reliée à la culture et aux communications d'une façon beaucoup plus vaste.

M. Boulerice: Mais, de votre avis, il est extrêmement difficile d'avoir une politique des arts et de la culture sans y englober l'immense volet des communications.

Mme Arbour: Tout à fait.

M. Boulerice: II y a trop d'interrelation, c'est trop interpénétré pour compartimenter.

Mme Arbour: Oui, c'est tout à fait juste d'autant plus que, lorsque vous voyez les programmes de formation des étudiants à l'UQAM, effectivement, ça va des arts, en passant par les lettres, aux communications, qui incluent autant journalisme, cinéma, vidéo que toutes les nouvelles technologies. L'UQAM est un des intervenants principaux dans la formation, justement, des gens qui sont reliés au domaine des communications, au domaine des arts ou de la création en tant que telle.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Mercier.

M. Godin: Oui, M. le Président. Merci. Messieurs, mesdames, un des aspects importants du rapport Arpin, c'est de proposer que le Québec devienne le seul intervenant dans le domaine de la culture et des arts, et il ne peut pas le faire sans que le fédéral transmette au Québec, en vertu des vases communicants, tous les fonds que lui administre, qu'il distribue dans la nature et dont il se sert, d'ailleurs, pour affirmer sa présence et faire concurrence, au Québec, au ministère des Affaires culturelles, de manière à ce que, s'il est partout, on ne l'oublie pas. Quand viendra le jour de voter, il y a des gens qui vont se dire: Moi, je vote pour le fédéral parce qu'il m'a déjà aidé, parce qu'il a aidé mon institution. Je suis sûr que ce n'est pas étranger au comportement du fédéral dans ses attitudes.

J'aimerais savoir si les porte-parole de l'Université du Québec à Montréal sont d'accord pour endosser ce que Mme la ministre disait il y a un mois - et qui n'est plus tout à fait ce qu'elle dit aujourd'hui - et s'ils sont d'accord que le Québec rapatrie et les pouvoirs et les fonds dans le domaine de la culture.

M. Corbo: M. le Président, au risque de décevoir le député et cette commission, je dois vous dire que l'Université du Québec comme telle n'a pas de position constitutionnelle non plus que sur cette recommandation du rapport. Cependant, je pense que mes collègues, qui sont très près du milieu des créateurs et des artistes, peuvent avoir des réflexions à soumettre à la commission.

Mme Arbour: Oui, à ce propos, la plupart des professeurs qui sont dans le secteur des arts, en tout cas, sont tout à fait pour un rapatriement des pouvoirs en autant que ce soit à l'échelle du Québec et non pas uniquement dans le domaine de la culture parce que la culture est indissociable des éléments économiques, politiques et, enfin, de tout le développement du Québec. Ce serait un peu comme parler de la culture et des arts comme si c'était la cerise sur le gâteau, de vouloir enlever la cerise et de la mettre ailleurs. Alors, c'est vraiment une entreprise à l'échelle du Québec. Je pense, à ce moment-là, qu'à la question posée "Est-ce qu'on va rapatrier les fonds de la culture, comme tels?" la plupart des gens ont beaucoup de réticences parce qu'ils ne veulent pas être le lieu d'expérimentation d'une autonomisation, d'un fait ou d'un état d'indépendance.

Je pense que, d'autre part, une des inquiétudes des artistes est à savoir comment seront gérés ces fonds. Il faudra d'abord les récupérer. Il y a beaucoup de scepticisme là-dessus. Enfin, ça, c'est autre chose, mais surtout comment ils seront gérés. Dans ce sens-là, la plupart ont cette vision d'une espèce de conseil des arts qui serait paragouvernemental et où ce seraient les pairs qui jugeraient les artistes beaucoup plus qu'une intégration, si on peut dire, des fonds culturels et d'une politique culturelle à même les gouvernements en place. On le sait, il y a beaucoup de couleurs qui déteignent sur les

politiques culturelles à partir du moment où les décisions sont prises à l'intérieur même des instances gouvernementales.

M. Godin: M. le Président, je tiens à dire au recteur, M. Corbo, que je ne suis pas ici pour être déçu ou content. Je suis ici pour m'informer et, surtout, obtenir de vous ce que vous pensez profondément sur ces questions-là. Donc, moi, au fond, que quelqu'un me dise: Je m'en fous totalement, ça n'a pas aucune influence. C'est ma perception personnelle de la personne qui est là ou de l'institution qu'elle représente et au nom de laquelle elle parle.

M. Corbo: Écoutez, M. le Président, l'Université du Québec à Montréal, comme communauté universitaire, n'a pas vraiment de position sur les questions constitutionnelles. Je pense que nous sommes très préoccupés de ne pas être victime, comme institution, de querelles entre les gouvernements, et nous souhaitons que l'action des gouvernements soit complémentaire plus qu'en concurrence. Cela étant, je pense qu'on va regarder comment les choses vont évoluer.

M. Godin: D'accord.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le recteur. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, peut-être une dernière question?

M. Boulerice: Une dernière question. Je comprends votre observation. Effectivement, la SARDEC nous le disait hier, il y a une méfiance face au gouvernement actuel au sujet du transfert latéral de tout l'argent, compte tenu du passé assez lourd de l'administration actuelle dans le domaine de la culture: absence de lois structurelles, non-atteinte du 1 %, etc. Mais si on vous garantit le principe du "arm's length" avec le Conseil des arts, etc., il me semble que ce soit acceptable pour vous. Je pense vous avoir compris dans votre chose, mais l'université étant le monde de la pensée et de l'analyse, la question que j'aimerais vous poser, c'est: Quel devrait-être le mandat, voire même la composition de l'observatoire des politiques culturelles qui est proposé par le rapport Arpin?

M. Corbo: L'objectif d'un tel observatoire est d'en faire un lieu qui permet de bien connaître l'évolution des politiques culturelles, des pratiques, de la réalité. Il nous semble que cet organisme doit être doté d'un mandat clair et précis pour éviter toute confusion, que cet organisme doit peut-être avoir une certaine distance vis-à-vis du ministère comme tel - le gouvernement - que cet organisme doit être capable d'aller chercher dans les universités les ressources qui lui permettront de faire les recherches, même les recherches très pratiques et très concrètes qu'il a le mandat de faire parce que, dans les universités, il y a des ressources pour ce faire. C'est un organisme qui devrait donc demeurer léger et je pense qu'il serait utile qu'à cet organisme soient associées, d'une façon ou de l'autre, les universités québécoises. Maintenant, ça, c'est une remarque que je fais. Je ne sais pas si mes collègues veulent compléter.

Le Président (M. Doyon): M. le député, peut-être un mot de remerciement, si vous le voulez bien.

M. Boulerice: Oui. Je note bien que l'Université, effectivement, qui a ses penseurs et surtout ses créateurs également dans le domaine des arts et de la culture, veut être mise à profit. Effectivement, une société qui n'utilise pas à son plein rendement ses intellectuels est une société qui s'appauvrit elle-même très, très rapidement. Je retiendrai, par tout ce que vous avez dit, ce dernier élément. Je voudrais vous remercier, M. Corbo, M. Carreau et vos collègues.

M. Corbo: Merci.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Oui, je vous remercie, M. Corbo ainsi que vos collègues. Après cette commission, c'est sûr que la politique culturelle ne sera pas - je l'ai dit tantôt, d'ailleurs - en vase clos mais en collaboration avec nos divers milieux parce qu'une politique se fait, justement... C'est pour le Québec, ce n'est pas pour nous. Donc, c'est sûr que nous acceptons avec joie l'invitation de votre collaboration à l'élaboration, d'une part. Aussi, comme on parle d'enjeu culturel - c'est une politique culturelle - je pense que votre réflexion à se limiter justement au domaine culturel était très juste. Merci.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Alors, il me reste, au nom de la commission, à vous remercier d'avoir bien voulu, premièrement, attendre le temps que vous avez dû attendre et, deuxièmement, de vous être prêtés à cet exercice. Merci beaucoup.

M. Corbo: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Alors, tout en vous donnant le temps de vous retirer de la table, j'invite maintenant le groupe suivant - il s'agit de la Société des musées québécois - à bien vouloir prendre votre place.

Maintenant que nos invités ont eu le temps de prendre place à la table, je leur indique que tes mêmes règles vont s'appliquer à leur présentation qu'à celle qui a été faite par les gens qui les ont précédés. Je ne prendrai pas plus de temps pour vous les indiquer. Je vous invite, cependant à vous présenter et à procéder dès

maintenant. Je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues et je vous laisse la parole.

Société des musées québécois

Mme Gascon (France): Merci, M. le Président. Alors, je voudrais d'abord vous présenter les gens qui m'accompagnent. À mon extrême gauche, M. Guy Bouchard, qui est directeur du musée Louis-Hémon, à Péribonka, et qui est secrétaire de la Société des musées québécois; à ma gauche, M. Michel Perron, qui est directeur du Musée d'art de Joliette et également membre du conseil d'administration de la Société des musées québécois. Mon nom est France Gascon. Je suis conservatrice en chef au musée McCord d'histoire canadienne à Montréal et présidente de la Société des musées québécois. À ma droite, Mme Sylvie Gagnon, qui est directrice générale de la SMQ, et, à mon extrême droite, M. Laurier Lacroix, qui est directeur du programme de muséologie à l'Université du Québec à Montréal et également vice-président de la Société des musées québécois.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, distingués membres de la commission, après ces présentations d'usage, je voudrais ajouter d'autres présentations, maintenant, qui vont peut-être vous permettre de mieux connaître la Société des musées québécois. (17 heures)

La Société des musées québécois est l'organisme qui représente l'ensemble du milieu muséal québécois. Elle regroupe à la fois des institutions à caractère muséal et des professionnels qui oeuvrent dans ce domaine. Elle compte actuellement plus de 700 membres. Notre définition de l'institution muséale est celle qui est internationalement reconnue. Elle inclut aussi bien le musée proprement dit que le centre d'exposition, le centre d'interprétation ou le lieu historique, ou encore l'institution qui serait à vocation artistique, technique ou scientifique.

La SMQ a comme principal objectif de promouvoir l'avancement de la muséologie au Québec et elle privilégie des formes d'intervention qui vont toucher, d'abord et avant tout, évidemment, ses membres, mais qui rejoindront aussi les communautés qui soutiennent et encouragent les musées ainsi que les divers partenaires publics ou privés dont l'appui est essentiel à la survie de nos institutions.

Alors, la SMQ, comme vous avez probablement pu le constater, a placé en annexe à son mémoire les grandes lignes du projet de politique muséale que notre milieu attend déjà depuis de nombreuses années. Mme la ministre ayant convenu de rencontrer, au terme de cette commission parlementaire, plus exactement le 7 novembre, un large groupe de représentants de la communauté muséale afin de discuter du projet de politique muséale en cours d'élaboration en ce moment au ministère, nous avons préféré repor- ter à ce moment-là la discussion sur les problèmes affectant de manière très spécifique le secteur muséal québécois, ainsi que les solutions que nous envisageons.

Nous nous en tiendrons donc pour aujourd'hui au cadre général de réflexion proposé par le groupe-conseil et nous concentrerons donc notre attention, comme nous l'avons fait d'ailleurs dans notre mémoire, sur fa proposition de politique culturelle en tant que telle. D'ailleurs, vous allez sûrement constater que les commentaires que nous allons faire sont très liés au texte même de la proposition Arpin. C'est un choix délibéré de notre mémoire, mais aussi de notre présentation aujourd'hui. Nous avons considéré que la proposition Arpin posait des questions qui nous permettaient, à nous, de questionner, de revoir et d'examiner des enjeux de société qui étaient extrêmement importants. C'est pour ça que nous nous en tiendrons à quelque chose qui pourrait peut-être vous apparaître à un certain moment comme une analyse de texte, mais qui ouvre la voie, ouvre la porte, selon nous, à une discussion sur les problèmes fondamentaux.

La Société des musées québécois tient d'abord à redire ici sa satisfaction d'avoir constaté que le groupe-conseil dirigé par M. Roland Arpin proposait de faire du développement culturel une des priorités de l'État, et qu'il l'ait dit sous la forme d'une démonstration aussi convaincante que convaincue. La toute première étape menant à la formulation et à l'adoption d'une nouvelle politique est l'expression d'une volonté. On a déjà vu des volontés qui étaient étriquées, tièdes ou exprimées de façon détournée. Rien de tout cela dans le rapport Arpin qui nous amène sans détour à sa conclusion essentielle, à savoir que le développement culturel est un choix de société devenu, dans le Québec d'aujourd'hui, incontournable. En d'autres termes, il y avait un effort de rhétorique à être fourni à cette étape du processus, et nous apprécions énormément qu'il l'ait été avec autant de force et de conviction.

Il y a une masse énorme de préjugés à renverser à propos du développement culturel et ce n'est pas avec des raisonnements étroits et quelques analyses trop pointues qu'on va les renverser, mais avec une vision généreuse et ambitieuse comme celle qui anime, d'après nous, le rapport Arpin. Il nous faut faire face à la réalité et nous armer en conséquence. Tant et aussi longtemps que la société québécoise considérera, comme elle le fait en ce moment - je pense qu'il ne faut pas avoir peur des mots -que le développement culturel est un luxe dont on peut se passer, que la culture, c'est peut-être toujours davantage l'affaire des autres, à la rigueur celle des élites, et tant qu'on n'aura pas saisi que le développement culturel est interdépendant du développement économique et social, l'épanouissement de notre vie culturelle

va demeurer au plus bas niveau dans notre échelle de valeurs collectives et tout ce qui la concerne va continuer de susciter de la méfiance, voire même du mépris.

Cela dit, même si la Société des musées québécois partage entièrement la grande et noble ambition de faire du développement culturel une des priorités de la collectivité québécoise, nous croyons qu'une telle ambition aurait mérité d'être soutenue par une stratégie beaucoup mieux définie. L'espace culturel est un espace dynamique qui met en présence des volontés et des intérêts aussi nombreux que divers. Ce sera le rôle de la politique culturelle de faire converger ceux-ci vers des buts communs. Il ne suffira pas d'affirmer la volonté de l'État, aussi forte soit-elle. Une vision dirigiste risque, de toute façon, de demeurer abstraite. Un véritable leadership du gouvernement québécois en matière culturelle va nécessiter de la part de celui-ci une reconnaissance plus poussée des attentes et des motivations de ses divers partenaires, le milieu culturel compris. Parce que la question stratégique des rapports avec les partenaires de l'État y est largement escamotée, la proposition Arpin nous semble, de ce fait, sérieusement limitée dans sa portée.

Nous ne partageons pas, en particulier, la vision qui est donnée des régions. Celles-ci sont abordées comme un vide qui serait à combler par une cartographie. Il n'y a rien, de notre point de vue, qui assurera là la relance régionale. De son côté, la réalité pluriethnique, et celle de Montréal en particulier, est à peine effleurée dans le document. Il s'agit pourtant, cet enjeu-ci comme le précédent, d'enjeux qui sont majeurs pour la société québécoise et un projet de politique culturelle ne pouvait se permettre de les éviter. D'autre part, intimer l'ordre aux municipalités de coopérer ne nous semble pas approprié et nous aurions plutôt voulu voir esquisser, et nous nous attendons, devrais-je préciser, à voir esquisser le plus rapidement possible une véritable analyse de l'approche décentralisatrice dont le Québec pourrait et devrait se doter en matière culturelle.

Également décevante nous a semblée l'approche préconisée dans les rapports de l'État avec le grand mécénat. Celui-ci a joué un rôle important, en particulier dans le domaine muséal. Les musées au Québec ne seraient pas ce qu'ils seraient sans l'apport de grands mécènes. De ce point de vue, de vagues intentions globales et l'expression empressée de sa gratitude ne constituent pas, à nos yeux, une proposition satisfaisante et nous nous serions attendus à plus de précision face à des partenaires qui ont précédé l'État sur un terrain que celui-ci voudrait maintenant, semble-t-il, occuper.

Maintenant, à propos des liens avec le fédéral, nous regrettons que la valeur de l'apport du fédéral dans le domaine culturel n'ait pas encore été chiffrée de manière précise. Une base de négociation doit être établie le plus rapidement possible, sinon le milieu culturel risque de se retrouver perdant. Et on pense, d'ailleurs, que la division qui règne à ce sujet dans le milieu culturel, et, je pense, que cette commission a fait émerger jusqu'à maintenant, est peut-être nourrie par cette absence de documentation sur la valeur de l'apport du fédéral. Et, nous aimerions, d'ailleurs, souligner aussi à ce sujet-là que le calcul devrait faire une large part aux institutions et aux agences fédérales qui ont mérité, au fil des ans, le plus grand respect de la communauté culturelle québécoise. Il faudra aussi, nous croyons, en tirer les leçons qui s'imposent.

Sur un autre plan, nous encourageons la création d'un ministère de la culture chargé, entre autres, de faire valoir la mission culturelle auprès des autres ministères. Mais là encore, nous nous interrogeons sur la façon dont ce ministère pourrait gagner en influence, alors même qu'on assiste à une érosion constante du pouvoir des ministères à vocation non économique. Et là aussi, je précise notre pensée. Ce n'est pas qu'on veuille minimiser l'impact économique des activités culturelles; les musées seraient très mal placés pour le faire. Je crois que les études sont de plus en plus nombreuses, qui ont permis non seulement de constater l'impact économique des activités muséales, mais aussi de les évaluer avec de plus en plus de précision. Mais on regrette cependant une tendance qu'il y a, qu'on constate, à privilégier l'impact économique, et parfois au détriment d'autres impacts de l'activité muséale.

Un autre point important, maintenant. Nous ne croyons pas que la recommandation à l'effet d'inciter les grands musées à exporter encore plus d'expositions vers les régions soit un remède adapté aux problèmes vécus par les musées en région, car ceux-ci en verront probablement leur dépendance encore plus accentuée. Seul l'accès à des fonds suffisants leur permettra de se réaliser en tant qu'institutions autonomes. Ce qui voudrait dire aussi, peut-être, pour les musées régionaux, d'exporter davantage vers d'autres régions et que l'échange ne se fasse pas nécessairement entre tes grandes institutions et les petites mais de façon multidirectionnelle.

D'un autre point de vue encore, que l'on puisse retrouver une expertise centrale de tout premier ordre dans ce futur ministère de la culture est une condition essentielle pour assurer le succès d'une politique culturelle. Les services reliés aux musées, pour parler de ce que nous connaissons le mieux, sont pourtant, à ce moment-ci, assurés, au ministère des Affaires culturelles, par un personnel qui n'a jamais été aussi réduit. Il s'agit d'un autre revirement que semble souhaiter le rapport Arpin, un autre miracle, oserais-je dire, mais dont il ne nous laisse pas deviner par quelle voie il pourrait survenir. Les milieux culturels devront aussi trouver dans ce ministère des garanties que les

décisions seront prises à l'abri des pressions politiques, en mettant un terme, aussi, aux politiques de saupoudrage, et sans pour autant faire en sorte que la relève soit étouffée.

Dans une plus large perspective maintenant, nous aurions souhaité que la proposition Arpin reconnaisse que les musées échappaient à certains découpages arbitraires que le rapport a fait siens, par exemple celui qu'il trace entre la création et la diffusion - nous sommes mal à l'aise avec ça parce que, dans les musées, nous faisons à la fois l'une et l'autre - ou encore entre la culture artistique et la culture scientifique. Les musées reconnaissent tout aussi bien le patrimoine artistique, historique, archéologique, archivistique et scientifique que technique, et la liste pourrait s'allonger. Et j'ajouterais aussi que ce sont des distinctions que le public, lui, fait aussi de moins en moins.

Également, une meilleure introduction aux nécessaires mesures de rattrapage que l'État devra mettre en place aurait préparé le terrain de manière beaucoup plus efficace aux sous-secteurs culturels qui devront plaider pour une augmentation substantielle de l'investissement de l'État dans leur domaine. Nos revendications pour le secteur des musées, qui apparaissent en annexe à notre mémoire, comme je le disais au début de cette présentation, montrent à quel point l'intervention de l'État est nécessaire pour que le développement du secteur muséal se fasse de manière ordonnée, en tirant le meilleur parti des ressources disponibles, ainsi que pour le bénéfice de l'ensemble de la société québécoise.

En terminant, je sens le besoin de préciser ici que la longue liste de déceptions que je viens d'égrener est d'abord et avant tout le fait d'une proposition ambitieuse qui incite à élever le niveau de nos exigences. La barre a été placée très haut et nous souhaitons que ce soit à ce niveau que la discussion se poursuive. Par les recommandations qu'elle va faire, la commission que vous présidez a une chance historique de secouer la méfiance que la société québécoise a trop largement servie à ses créateurs. Il est temps que le gouvernement prenne acte de la colère qui ne cesse de grandir dans le milieu culturel et pose un geste significatif. Il faut, de la part de cette commission, un engagement ferme.

Si la volonté exprimée dans le rapport Arpin ne trouve pas ici d'écho, si l'on préfère les faux-fuyants à la véritable politique culturelle sur laquelle le Québec devrait pouvoir compter, on peut s'attendre à ce que se détériorent encore davantage les liens de confiance qui subsistent encore - nous croyons qu'ils subsistent encore - entre les pouvoirs publics et les milieux culturels. On peut aussi s'attendre à un mouvement de désaffection encore plus prononcé de la part de certains milieux culturels. Et ce sera d'autant plus malheureux, de notre point de vue qui est celui des musées, mais le point de vue des musées est toujours un peu aussi celui du public, parce que le musée est toujours entre les créateurs et le public, donc du point de vue du public qui, lui, n'a jamais manifesté autant qu'aujourd'hui le goût de se réapproprier sa vie culturelle, pour autant, cependant, qu'on lui en laisse la chance.

Alors, nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de présenter notre point de vue. Nous serons heureux de répondre à vos questions et nous pouvons vous dire aussi que nous allons continuer de suivre avec beaucoup d'intérêt la suite de vos travaux. Merci.

Le Président (M. Paré): Alors, merci beaucoup Mme Gascon. Nous allons maintenant entreprendre les échanges avec les membres de la commission, et la parole est à Mme la ministre des Affaires culturelles. (17 h 15)

Mme Frulla-Hébert: Merci, Mme Gascon. Bienvenue à vous tous. D'entrée de jeu, je veux souligner la qualité exceptionnelle du mémoire et aussi l'apport que vous faites, justement, de par vos recommandations, au document de réflexion qui est le document sur la politique de la culture et des arts. J'aimerais vous poser une question, parce que ça revient régulièrement. Vous parlez de désaffection du milieu, de méfiance du milieu. Par contre, elle semble être là... Bon, on en parle, suite, justement, à votre conclusion verbale. On en parle. Et quand les milieux viennent - et vous n'avez pas tort - on va parler d'une certaine méfiance, mais elle semble être là, aussi, depuis très longtemps. C'est toujours la méfiance entre les créateurs et des paliers gouvernementaux, méfiance... La preuve, à un moment donné, on parle de maîtrise d'oeuvre. Tout de suite, on pense contrôle au niveau de la création et dirigisme. C'est ce qu'on reçoit. On a été surpris de recevoir ça, mais c'est ce qu'on lit de l'autre côté. Et quand on regarde le développement, si on veut, et ça depuis 30 ans, que ce soit d'un gouvernement ou d'un autre, l'effort mis... Même au niveau financier, ce qu'on a fait, aussi, depuis 30 ans, on a fait quand même de grands pas et il y a eu des efforts financiers considérables, aussi, de mis au niveau de ce développement.

On parle aussi d'une méfiance face au gouvernement provincial versus, par exemple - et ça, c'est revenu aussi - la façon de gérer du fédéral, c'est-à-dire ce fameux "arm's length" dont on entend parler depuis 15 jours. Par contre, si on regarde les programmes, tout se fait, au niveau provincial, par jury et l'aide donnée, comparativement au budget du Conseil des arts, par exemple, est une proportion de 3 000 000 $ à 5 000 000 $. Mais pourtant, on a l'impression que c'est plus neutre, qu'ils en font plus, mais c'est l'inverse. C'est vrai que notre public, ou enfin nos clientèles sont plus éclatées, mais c'est l'inverse. Alors, j'aimerais ça que vous

me reparliez de ça, de cette méfiance-là, et est-ce qu'elle tient seulement au niveau du besoin financier constant et du manque d'argent? Est-ce que c'est juste ça? Est-ce que ça se limite à une question de sous ou est-ce plus que ça?

Mme Gascon: Je suis contente qu'on aborde la discussion sur cet aspect-là parce que je pense qu'il a coloré les débats. Je trouve qu'il y a beaucoup de sentiments qui sont rassortis dans les débats. Je crois que parler de méfiance... Je faisais référence à un sentiment qui est latent, mais je pense que ce serait peut-être plus précis de justifier ou d'expliquer cette méfiance qui est, je crois, liée à quelque chose de très précis, qui est plus une manifestation d'impatience face au ministère des Affaires culturelles, au gouvernement, aux interventions du gouvernement en général.

Il y a des doléances qui ont été exprimées depuis longtemps. Le milieu culturel demande aussi depuis très longtemps que le développement culturel devienne une priorité de l'État, qu'il y ait des fonds suffisants qui soient accordés au développement culturel dans chacun des secteurs. Et il n'y a pas eu, vraiment, on n'a pas senti cet appui. Et cette impatience, mol, je pense, est en train de dégénérer en quelque chose qui s'appelle des liens de confiance qui sont en train, peut-être, d'être remis en question.

Et je crois que, comme l'attente n'a jamais été aussi grande, à ce moment-ci, c'est simplement un sentiment d'impatience qui est exacerbé. La Société des musées québécois, quant à elle, croit encore dans le processus mais considère en même temps, participe à ce mouvement d'impatience parce qu'on considère que c'est une dernière chance que nous avons, à ce moment-ci. Il faut que le processus nous amène à une politique culturelle digne de ce nom qui nous donne les cadres réglementaires dont nous avons besoin, ainsi que le soutien financier, le cadre global de soutien financier que nous attendons.

Pour ce qui est de la question du dirigisme, nous n'avons pas, nous aussi, dans notre mémoire, craint vraiment le dirigisme. Nous avons plutôt craint des intentions qui étaient trop abstraites et qui, dans leur caractère trop abstrait, ne nous informaient pas sur le type de relations qui seraient établies entre le ministère des Affaires culturelles et ses clientèles. Nous étions très étonnés, dans la proposition Arpin, par exemple, de ne pas trouver de référence à ces institutions, à cette culture de politique culturelle que l'on trouve dans d'autres pays, que l'on trouve aussi au Canada anglais, où un principe comme le "arm's length" est très important et fondamental, est évoqué à presque chaque moment où on rediscute les institutions, les agences, les rapports entre les gouvernements et les clientèles. Alors, cette volonté exprimée de façon trop abstraite ouvrait la porte à toutes sortes de choses. Et je pense que si la question avait été posée d'entrée de jeu, si un modèle avait été proposé, quitte à le raffiner... Mais là, il n'y avait pas vraiment de modèle qui était proposé. Enfin, il y aurait long à dire parce que le fédéral donne l'heure.

Mme Frulla-Hébert: De toute façon, c'était quand même un document de réflexion, et ce n'est pas la politique culturelle du Québec, là. Alors, c'était vraiment en guise de document de réflexion. Je veux revenir, parce que le temps passe... Vous parlez des grandes institutions versus les petites, et des grands musées. D'abord, s'il y a un groupe qui est au courant de la pression financière de ces grandes institutions sur nos budgets... Je parle d'un budget de fonctionnement, par exemple, d'à peu près 8 500 000 $ au niveau du Musée d'art contemporain, qui s'ajoute l'an prochain, etc. Évidemment, on augmente les pieds carrés, on augmente la pression financière; et c'est normal, et c'est bien. Par contre, comment les musées, ces grandes institutions, qui nous en demandent beaucoup au niveau budgétaire, par exemple, comment celles-ci peuvent-elles contribuer et, si c'est possible, aider les autres musées en région?

Mme Gascon: Nous disons, à ce propos-là, que les grands musées d'État peuvent faire leur part, mais que la suggestion qui était faite de leur intimer l'ordre, presque - c'est ce que nous avons compris - de proposer des expositions aux petits musées n'était qu'un volet, qu'un moyen parmi beaucoup d'autres et qu'il y avait peut-être d'autres moyens qui permettraient encore beaucoup mieux et encore davantage aux institutions régionales de se donner les moyens et de les faire s'épanouir en tant qu'institutions autonomes pouvant aussi produire un produit original, identifié à leur région. L'activité muséale est, elle aussi, multiforme. Il y a plusieurs propositions, plusieurs possibilités et, d'un certain point de vue, ça nous semblait même la moins intéressante et celle qui pouvait peut-être avoir l'impact le moins intéressant sur la relance régionale.

Mme Frulla-Hébert: Je reviens encore. Si on donnait un mandat à ces grands musées, par exemple, d'aider au régionalisme, si on leur donnait justement à cause, donc, de l'impact financier et pour se faire excuser de coûter si cher, le mandat d'aider, si ce n'est pas par les grandes expositions ou... Est-ce qu'il y a une façon de le faire ou si c'est utopique de penser que les grandes institutions, par leur compétence, peuvent aider?

Mme Gascon: Je vous dirais là-dessus, Mme la ministre, que nos membres ont précisément - parce que la Société des musées québécois a des membres à travers toute la province - réagi assez fortement, justement, à ce terme-là. On a

très bien senti que c'était de l'aide qu'on apportait aux régions, et vous savez comme moi comment les régions résistent à cette mentalité d'assistance ou d'assistanat dans laquelle on veut les maintenir. Elles cherchent plutôt à s'approprier les moyens qui leur permettront d'être autre chose que des points de service. Il y a là des susceptibilités qui sont tout à fait exacerbées et cette aide-là, je crois que si on la voit en termes d'échanges entre des institutions...

Mme Frulla-Hébert: De la collaboration.

Mme Gascon: Les musées sont comme n'importe quelle entreprise; plus le réseau d'échanges sera vivant et dynamique, plus les institutions à travers la province y gagneront. Et si on conçoit ça en termes d'échanges et non pas de déversement d'un produit, d'exportation...

Mme Frulla-Hébert: Non, mais de la collaboration.

Mme Gascon: ...et que ça se fasse toujours dans la même direction, je crois que la même problématique, le même moyen sera perçu autrement et avec des effets qui seront aussi beaucoup plus bénéfiques à l'ensemble du réseau. Il y a peut-être un complément de réponse...

Le Président (M. Paré): Oui, oui, si vous voulez compléter.

Mme Gascon: ...qui pourrait peut-être...

M. Perron (Michel): Peut-être, très brièvement, si vous me permettez. Effectivement, je crois qu'on ne peut pas envisager la question des rapports entre les institutions muséales - grandes et plus petites institutions - essentiellement sur l'aspect de l'aide des grandes institutions versus les petites. Mais je crois qu'on devrait... Et je pense que, de toute façon, cette réalité-là n'est pas... C'est une vision qui est fausse, si je peux me permettre, parce que, dans les faits, le réseau des musées régionaux a accompli, depuis déjà un bon nombre d'années, un certain nombre de réalisations qui lui permettent d'accéder à une autonomie et de garder, en fin de compte, son propre mandat. Je pense qu'on devrait effectivement conserver la notion d'aide, de support et d'entraide entre les institutions de différentes tailles. On devrait aussi penser à la question fondamentale des petites institutions, qui est leur sous-financement. En réalité, la première façon d'aider des musées de plus petite taille, ce serait peut-être de leur donner des subventions de fonctionnement qui leur permettraient de développer leur propre autonomie d'une façon plus claire et plus évidente.

Il y a aussi la question, lorsqu'on parle d'interaction entre Institutions... Par expérien- ce - j'oeuvre dans un petit musée, le Musée d'art de Joliette - je peux vous dire que c'est beaucoup plus simple, dans les faits, de partager et d'échanger avec des institutions de même taille, entre différentes régions. À ce moment-là, il y a un réseau possible et potentiel qui existe entre institutions de même taille. On doit constater qu'actuellement l'absence de programme facilitant ces échanges interréseaux est une difficulté. Il y aurait quelque chose de très pratique à court terme qui permettrait cette notion de réseau d'une façon beaucoup plus viable qu'un réseau qui partirait des grandes institutions vers les petites. Personnellement, je doute un peu qu'on puisse régler le problème essentiellement par une question de sens unique, les grandes vers les petites. Merci.

Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. M. le député.

M. Boulerice: Oui. Mme Gascon, messieurs. Mme Gascon, je ne peux pas m'empêcher de vivre quand même un peu de nostalgie. Nous avons vécu ensemble une belle aventure qui va se matérialiser bientôt, je l'espère, y compris le jardin de sculpture, j'ose l'espérer.

Un commentaire et une question. À la page 9, sous la rubrique "Le fédéral", je pense que vous donnez quand même un élément intéressant, à savoir qu'il faudrait disposer de chiffres précis quant à la valeur de l'investissement fédéral en matière culturelle. Je le lis au niveau des équipements comme tels parce que, au niveau des dépenses publiques, en 1988-1989, au chapitre des musées, les dépenses du gouvernement fédéral ont été de 124 208 000 $. Si on partait du principe qu'avec un rapatriement - reste à savoir si la ministre le souhaite; ça, c'est une autre histoire - à partir d'un rapatriement au niveau du fédéral, donnons 25 %, ce qui est très arbitraire - ce serait plus, compte tenu de notre capacité de contribution au niveau des impôts - cela nous donnerait approximativement 36 000 000 $ de plus, ce qui permettrait de doubler le budget québécois actuel d'aide aux musées. Sauf qu'il y a un petit hic, par contre: le gouvernement fédéral nous laisse une immense carcasse qui serait extrêmement difficile à gérer, qui est le Musée des civilisations, actuellement à Hull, et qui faisait rigoler bien des Européens qui disaient: Mon Dieu, que vous avez des civilisations sur ce continent!

Ceci étant dit - et j'étais heureux d'entendre le directeur du magnifique musée de ma belle ville natale, Joliette, évidemment - j'aimerais poser la question: Comment, en matière de relations entre l'État et le mécénat... Bon, vous déplorez l'absence de propositions concrètes dans le document comme tel. Quelle devrait être cette relation? Sur quelles bases pourrait-elle

être plus constructive qu'à l'heure actuelle? Je rajouterais simplement que certains musées de Montréal, non pas que je veuille que ce soit absolument Joliette qui donne la réponse mais... Le seul mécénat qu'il y avait à Joliette, c'étaient les clercs de Saint-Viateur. Malheureusement, il n'en reste plus beaucoup. Il y a un financement facile au niveau du mécénat pour les grands musées montréalais, mais, en région, comment vous vivez ça? (17 h 30)

Mme Gascon: J'aimerais peut-être réagir un peu au préambule de votre question, ce qui me permettrait de compléter peut-être la réponse que je donnais à Mme la ministre il y a quelque temps, quand on parlait du fédéral. Notre inquiétude visait effectivement une évaluation qui ne nous semblait pas faite, de la part du fédéral, dans le champ culturel et en particulier dans le secteur des musées. Nous nous interrogions aussi sur la valeur qu'on mettrait à une aide qui a été, par rapport à celle du provincial, par rapport à celle du gouvernement québécois, relativement minime, mais qui a eu un impact majeur. Par exemple, les chiffres qu'on avait pour 1989 nous disaient que le fédéral avait contribué pour environ 2 000 000 $ pour le budget de fonctionnement des musées, alors que le provincial était allé au-delà de 27 000 000 $. Ce qu'on observe, nous, de notre point de vue, c'est que l'aide du fédéral, même si elle est beaucoup plus minime, a toujours un effet structurant très important sur les programmes. Par exemple, à la Société des musées québécois, nous avons mis sur pied un réseau informatique qui va permettre de documenter et d'informatiser les collections des musées et, véritablement, d'amener les musées dans la technologie du XXe siècle.

M. Boulerice: C'est une lacune du rapport Arpin de ne pas avoir inclus aussi tout le grand domaine des communications.

Mme Gascon: C'est-à-dire que ça relève du domaine de la muséologie. Ça n'est pas vraiment dans... Si on considère ça vraiment comme étant dans le champ culturel, c'est dans la fonction, une des fonctions primordiales du musée de documenter ses collections. Mais, ce que je veux dire, c'est que nous avons obtenu... C'est ce genre d'aide que nous allons chercher à Ottawa, que nous avons été très contents de trouver à Ottawa. Il y a aussi, au fédéral, une expertise, par exemple sur un réseau canadien d'information pour le patrimoine. Ce n'est pas seulement des programmes qui ont été mis en place. Ça a pris 15 ans, ça a pris 20 ans dans certains cas; il y a des erreurs qui ont été faites. Il y a un retard qu'il va falloir pallier si nous nous mettons en place. Je pense que c'est une condition essentielle, si le Québec rapatrie les pouvoirs en matière culturelle, d'instaurer des programmes qui auront un impact similaire à celui qu'Ottawa a eu jusqu'à présent. On ne fera pas ça en six mois, en un an. On a vu, le fédéral a pris beaucoup de temps pour mettre en place ces programmes-là, attirer l'expertise aussi, parce que tous ces programmes-là doivent être pensés, conçus et gérés par la suite par des gens très, très compétents. Il y a une valeur à mettre là-dessus et je pense que c'est beaucoup plus élevé que la valeur de ce qui peut être compté. C'est un problème extrêmement important, et ce n'est pas pour être capricieux et difficiles en disant qu'il faut faire cet exercice-là. Cet exercice-là doit être fait, et je pense que notre milieu muséal et les autres milieux culturels ont, avec raison, beaucoup d'inquiétude. C'est une opération d'envergure. Alors, c'est pour ça que nous exprimons constamment, à ce propos-là, nos inquiétudes.

Quant au deuxième volet de votre question sur notre, je dirais, insatisfaction concernant les mesures qui étaient proposées pour encourager ou favoriser de meilleures relations, des relations plus productives avec le grand mécénat, nous aurions souhaité, là aussi, quelque chose de plus... une proposition, quelle qu'elle soit, et nous avons des exemples. On sait qu'il y a en Europe, en France, par exemple, des relations qui sont établies avec les grands mécènes, avec les municipalités, parce que la problématique est la même aussi avec les pouvoirs régionaux. Il faut mettre sur la table un partage des pouvoirs, il va falloir que le contrôle sur la culture soit départagé avec tous les partenaires qui voudront bien participer à l'opération. Ce seront les mécènes, ce seront les municipalités, mais il doit y avoir un enjeu qui doit être partagé. Et là, il y a des modèles qui existent et que nous aurions voulu voir amener ici comme base de discussion, peut-être d'abord, mais peut-être aussi pour montrer le sérieux de cette démarche. Si on veut élargir la grande famille culturelle, les intérêts qui s'y manifestent, je crois qu'il doit y avoir un appât.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Gascon. M. le député de Mercier.

M. Godin: M. le Président, ça me frappe depuis le début qu'il y ait des groupes qui sont obsédés par le "arm's length", comme s'il y avait déjà eu un ministère ou des ministres qui intervenaient massivement. J'entends par là, pas massivement financièrement, mais massivement comme si on arrivait avec un coup de masse sur une institution donnée ou un créateur donné. Et moi, je vous avoue, M. le Président, que je suis beaucoup plus obsédé par la créativité que le Québec manifeste de mille et une manières que par le maudit "arm's length" qui n'a pas tellement produit, au Canada anglais - du moins, c'est ce qu'on lit dans les journaux partout - de créateurs plus nombreux qu'ici per capita. Je pense qu'ils sont moins nombreux qu'ici sur une

base per capita. Donc, ne soyons pas obsédés par le "arm's length".

Dans nos comtés, les députés ont un petit budget minable qu'on appelle un budget hors norme. Et, il y a une dizaine d'années, un nommé Guy Caron est venu me voir pour avoir une subvention pour aller apprendre l'art du cirque dans les pays baltes, avant qu'ils soient en guerre ou indépendants. Et moi, j'ai débloqué 600 $, à ce moment-là. Et c'a donné ce qu'on appelle aujourd'hui le Cirque du Soleil. Il n'y avait pas du tout de "arm's length". C'est moi qui ai signé le chèque et puis qui l'ai remis à M. Caron. S'il y avait eu un "arm's length", il y aurait eu un jury, puis peut-être que la création du Cirque du Soleil aurait été retardée de plusieurs années, tandis que ce qu'on a maintenant, c'est le Cirque du Soleil qui marche, qui s'en va faire une tournée mondiale bientôt. Je m'en réjouis et je ne me pose pas de questions en me couchant le soir: Est-ce que le "arm" était assez long? Pas du tout. Ça n'a pas d'importance, le "arm's length". Tout dépend du talent des gens qui demandent le coup de main ou l'aide, de leur capacité de création, je dirais, "inarrêtable". Et c'est ce qu'on voit au Québec, beaucoup plus.

Je le dis sans honte devant les gens de I'Actor's Equity. Pour des raisons mystérieuses... Donc, ce ne sont pas les "pousseux de crayons" constitutionnels qui font que le Québec est encore là. Ce sont les "pousseux de crayons", les artistes; les dessins de Suzor-Côté dans les tableaux. Ce sont ces crayons-là qui font que le Québec existe et existera, déjouant en cela tous les calculs de Lord Durham, tous les calculs, tous les pronostics, toutes les prémonitions qu'on a pu voir dans le passé. Et c'est pour ça que, comme les musées sont les dépositaires de ces oeuvres-là, ils jouent un rôle fondamental qui déjoue les prévisions de disparition que le Québec entend régulièrement, lui qui a réussi à ne jamais disparaître, à ne jamais être noyé sous le nombre ou quoi que ce soit d'autre grâce à la vitalité des...

Je sais qu'à une époque, quand j'étais sur la ferme de notre voisin, quand la chatte avait eu trop de chats dans l'année, on en mettait une portée dans une poche en jute, puis on la maudissait dans le fleuve, et puis on disait: Ils ont disparu. Puis, tout à coup, il nous revenait un petit chat tout mouillé qui avait réussi à déchirer la poche et puis à venir montrer qu'il existait encore. C'était sûrement le plus créateur du groupe ou peut-être le seul créateur du groupe.

Je pense qu'à cet égard, si on compare la survie du Québec par rapport aux autres provinces canadiennes, il y a ici un moteur, le talent, une motricité de talent qui est, à mon avis, incomparable. Et si, tout d'un coup, il y a un des aspects qui diminue, un autre le remplace. C'est ainsi qu'à une époque, c'était le théâtre, et maintenant, c'est la danse moderne. Et ça n'arrête jamais, cette espèce de carrousel de la créativité des Québécois et des Québécoises. Ça roule toujours parce que, souvent, il y a des musées qui assurent la continuité et la continuation des artistes et que des jeunes artistes peuvent voir dans les musées de leur ville ou de leur région des oeuvres faites par d'autres Québécois, et que ça les inspire, et qu'ils prennent la relève à leur tour. Et quand on dit relève, on dit continuité, continuation, perpétuation du talent québécois, du peuple québécois. Et, donc, au diable le "arm's length", en ce qui me concerne, et vive la créativité! C'est mon slogan pour conclure sur le rapport Arpin.

Mme Gascon: Vous semblez faire une équation, là, à laquelle je ne pense pas que le milieu muséal souscrirait. Je ne pense pas qu'on puisse associer un mode de gestion qui met le pouvoir politique à distance des décisions proprement culturelles avec une sclérose qui empêcherait la relève de se manifester. Moi, je pense que vous avez fait preuve d'énormément de flair lorsque vous avez attribué la subvention à quelqu'un qui est devenu ensuite important au Cirque du Soleil et qui a pu faire ses preuves. Moi, je pense qu'un jury aurait pu aussi faire preuve de flair. Je pense qu'il y a des décisions, qui sont prises par des individus, qui peuvent être bien prises et qu'il y a aussi des systèmes de jury qui fonctionnent extrêmement bien. Je ne serais pas prête à faire l'équation immédiatement que l'un mène directement à l'autre. À propos du "arm's length"...

M. Godin: Je n'ai pas fait, non plus, d'équation. Je voudrais bien être clair là-dessus. Je dis que l'obsession de l'un peut avoir des effets négatifs par rapport à l'autre.

Mme Gascon: Je serais d'accord avec vous que chacun des systèmes peut avoir des effets pervers et qu'il faut être vigilant dans chacun des cas, mais je pense que c'est un problème de gestion, que d'autres sont passés par là et qu'il y a moyen de tirer le meilleur parti possible d'un système comme celui-là. Je voudrais simplement, peut-être, ajouter, parce que nous sommes aussi très proches de la communauté canadienne qui s'inquiète aussi beaucoup, en ce moment, du respect de ce principe auquel elle tient beaucoup plus qu'au Québec, parce que ça ne fait pas partie, traditionnellement, des moeurs québécoises, un principe comme celui-là, mais ce rapprochement entre les impératifs politiques et les choix culturels, on le voit tous les jours et, particulièrement, on peut peut-être parler ici d'un cas qu'on a souvent mentionné à la Société des musées québécois. Dans la nouvelle politique muséale fédérale, par exemple, les expositions, les projets qui sont maintenant privilégiés pour les subventions sont les expositions qui vont voyager d'une province à l'autre. Alors là, on a

un objectif qui est celui du ministère fédéral des Communications: l'unité canadienne. C'est écrit en toutes lettres dans la politique muséale fédérale, ce qu'on leur a reproché parce que, nous, nous avons dit: Ça défavorise le Québec. Le Québec tend d'abord à se reconstituer comme groupe à l'intérieur des limites du Québec et il y a plus de difficultés à faire circuler une exposition entre Régina et Saskatoon qu'entre Joliette et...

M. Boulerice: Trois-Rivières.

Mme Gascon: Enfin, vous voyez tout de suite la problématique. En plus de ça, bon, peut-être que le milieu muséal québécois était dans son cycle de vie à un autre moment et qu'on était plus intéressés à mettre en valeur nos collections permanentes qu'à les faire circuler a mari usque ad mare. Alors, tout ça, ce sont des impératifs politiques. C'est peut-être à la limite du principe du "arm's length", mais ça se manifeste quelquefois de manière extrêmement subtile et le milieu culturel, parce qu'il est sous-financé, doit faire les gymnastiques nécessaires pour se conformer à tout ça et, en même temps, être fidèle à ses objectifs comme institution culturelle. C'est une gymnastique assez difficile. Alors, le "arm's length" et ses principes d'institutions comme celles qui sont proposées dans le rapport Arpin - un observatoire des politiques des organismes qui permettrait à la politique culturelle de pouvoir cheminer et de suivre des objectifs qui lui sont propres - ça nous semble extrêmement nécessaire.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Gascon. Alors, M. le député de Mercier, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, un mot de remerciement, si vous en avez le goût.

M. Boulerice: Oui, effectivement. Je pense que la discussion que vous venez d'avoir avec mon collègue, député de Mercier, ancien ministre de la culture, mérite d'être relue après ça, dans la transcription.

M. Godin: Je vous l'enverrai, M. le député. (17 h 45)

M. Boulerice: Je vous remercie. Bon. Il y a bien d'autres sujets, inévitablement, qu'on aurait aimé développer, mais je vous souhaite bonne chance à votre rencontre du 7 novembre. C'est une loi que j'attends dans ce Parlement depuis mon entrée, le 3 décembre 1985. Vous savez, au niveau de la culture on est, au Parlement, un peu dans la situation d'un réparateur de Maytag; non pas que tout va bien, mais on ne fait rien. J'ose espérer qu'on ne prendra pas prétexte qu'une politique globale n'est pas constituée pour retarder, encore une fois, un énoncé de politique sur les musées au Québec et, notamment, qu'on va régler une fois pour toutes le problème de l'accréditation des musées et du financement des musées. Je vous assure, en tant que représentants de la Société des musées québécois, de la vigilance de l'Opposition et surtout de son porte-parole pour qui les musées... Mon Dieu, ai-je besoin de vous faire la preuve de mon intérêt? Je pense que c'est connu. Merci bien, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Merci, M. le député. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, Mme Gascon et à vous tous. Je pense qu'on parle d'une politique muséale; elle est là depuis longtemps, vous le savez; on le sait aussi. On n'a pas l'intention de la faire traîner, alors rendez-vous le 7 novembre.

Mme Gascon: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. Alors, tout en vous permettant de vous retirer, si vous le voulez bien, et en vous exprimant, au nom de la commission, les remerciements les plus sincères pour avoir pris le temps de nous rencontrer et de discuter avec vous, je vous souhaite bon retour. Nous en sommes maintenant à recevoir et à entendre le Conseil culturel de la Montérégie. Je les remercie de leur patience. Ils sont ici depuis un bon moment. La Montérégie n'est sûrement pas une région très éloignée, mais, quand même, on peut la qualifier de région. Je leur demande de bien vouloir s'avancer.

Une voix: Ils sont loin du lac Saint-Jean.

Le Président (M. Doyon): Ha, ha, ha! Oui, ils sont loin du lac Saint-Jean. Alors, je leur souhaite la bienvenue. Comme aux autres groupes, je les invite à bien vouloir se présenter, tout d'abord... Oui, vous aurez de l'eau, bien sûr.

M. Boulerice: Pourtant, vous êtes au bord de la rivière.

Le Président (M. Doyon): Vous avez donc une quinzaine de minutes pour faire votre présentation. Ensuite, on procède à la discussion, tel que ça s'est passé avec les autres groupes. Je vous donne la parole dès maintenant, après que vous aurez bu votre verre d'eau, bien sûr.

Conseil culturel de la Montérégie

M. Blackburn (Richard): Mme la ministre, M. le Président, membres de la commission, nous sommes ravis. Il y a plusieurs députés de la Montérégie; c'est vraiment exceptionnel. On se sent...

Une voix: Même le ministre responsable.

M. Blackburn (Richard): Même le ministre responsable. C'est extraordinaire. On est vraiment chez nous, ici. Alors, je vais présenter les gens qui sont avec moi: Mme Maude Céré, directrice du Conseil culturel de la Montérégie; Carole Boucher, adjointe administrative, et moi-même, Richard Blackburn. Je suis président du Conseil culturel. Je suis aussi directeur général du Théâtre de la Dame de Coeur. Je vais laisser la parole, pour débuter, à Mme Céré.

Le Président (M. Doyon): Mme Céré.

Mme Céré (Maude): Bonjour, tout le monde. J'aimerais peut-être m'assurer que, dans vos documents, vous avez aussi la lettre d'appui à notre mémoire de la Société montérégienne de développement ainsi que l'appui de la table patrimoine-histoire de notre région. Alors, ça semble fait. D'autre part, j'aimerais vous mentionner aussi que le Conseil culturel, dès la rentrée, en septembre, s'est mis à travailler énormément et étroitement avec tous ses groupes, toutes ses tables disciplinaires, et j'espère que vous aurez aussi l'occasion d'entendre les intervenants en arts d'interprétation. Ils étaient tous présents lors de notre rencontre et de notre travail au niveau de leur propre mémoire, ainsi que les musées de la Montérégie, qui sont au nombre de 55, et qui étaient aussi très présents et actifs dans la rédaction de leur mémoire. Nous allons procéder à une lecture partielle. Nous allons donc sauter quelques paragraphes pour plutôt argumenter avec des exemples de notre région.

La dialectique création-diffusion est à la base du rapport Arpin et la politique culturelle proposée s'apparente beaucoup à une stratégie de mise en marché des productions de création des professionnels des arts de la métropole et de la capitale. Le reste du territoire québécois est réduit à un bassin de consommateurs de ces produits et ceux-ci ne sont qu'un des marchés possibles pour ces deux centres de création qui aspirent aussi à déboucher sur les marchés internationaux.

Cette visée gestionnaire des arts, avancée au nom de l'efficacité administrative et de la rentabilité des productions artistiques, conçue selon les schémas de pensée d'une industrie culturelle empruntant ses critères d'action à la philosophie de l'organisation et de l'"entrepre-neurship" est enrubannée dans un discours ronronnant sur la culture dans toutes ses dimensions, sur la création, l'ouverture au monde, la compétence professionnelle, l'éducation culturelle, etc.

Nous avons développé notre mémoire autour de quatre idées: les rapports entre les champs d'action arts et culture; les rapports entre les types de production: professionnelle, semi-professionnelle et amateure; les rapports entre les niveaux d'intervention: internationale, nationale, régionale et locale et, finalement, les rapports entre les acteurs sociaux: l'État, les municipalités et les organismes sans but lucratif.

En tant qu'organisme régional subventionné par l'État et sans but lucratif, mandaté pour oeuvrer au développement culturel d'une région, nous nous attarderons évidemment davantage aux deux derniers aspects. Notre réflexion ne vise pas d'abord à invalider le rapport Arpin qui comprend de nombreuses idées intéressantes dans le cadre de son approche globale, mais à l'enrichir pour que la politique culturelle du Québec embrasse toute la société, si on décide un jour de la mettre en oeuvre.

Alors, comme je le disais plus tôt, les deux premiers chapitres, je vais vous les faire en quelques mots parce qu'on a voulu davantage mettre l'accent sur les deux derniers aspects qui nous concernent comme organisme représentant la culture professionnelle en région.

Alors, le premier rapport, c'était entre les champs d'action arts et culture. Nous considérons que le rapport Arpin a oublié de grands pans de notre culture, notamment la langue, l'éducation, l'histoire, la science, la philosophie. Également, il a mentionné, évidemment, dans certains passages intéressant le cadre de vie, le patrimoine et la littérature, mais comme de vagues champs d'intervention. D'autre part, au niveau de la culture professionnelle, semi-professionnelle et amateure, on considère... Évidemment, ce n'est pas notre rôle de défendre la culture amateure, sauf qu'une véritable politique culturelle, à notre avis, gagnerait en humanisme et en générosité si elle avait cette préoccupation-là, parce que, comme le disent d'ailleurs même M. Arpin ou ses collègues, il y a 60 % de la population qui est laissée pour compte dans cette politique culturelle là, cette partie de la population qui ne consomme pas les produits culturels qu'on lui offre actuellement.

Je pense que, pour l'instant, c'est les aspects particuliers qu'on voulait faire voir dans ces deux premiers items là. Nous allons davantage explorer ce qui concerne la région.

Mme Boucher (Carole): La géographie des auteurs du rapport Arpin ignore la région québécoise et, à notre avis, il ne s'agit pas d'un oubli mais d'une stratégie délibérée. Ceci reste incompréhensible tout au long de la lecture du document. La position confie au niveau local, c'est-à-dire aux municipalités, d'énormes responsabilités en matière culturelle, elle pousse aux nues les interventions dites nationales, en les localisant à Montréal et à Québec, et elle fait du niveau international un nec plus ultra avec, pour conséquence logique, une priorité certaine à l'art exportable.

M. Blackburn (Richard): La création en région, la richesse de la création régionale. L'idée maîtresse que nous retenons dans le

document, c'est enracinement, dans le sens où la véritable culture québécoise porte ses racines sur tout l'ensemble du territoire habité. La création est plurielle, oui, mais ses racines le sont aussi. Je pense que c'est évident. Et puisque la création est la pierre d'angle de la culture, c'est d'abord et avant tout sur l'inventivité et le génie même de ses créateurs que devrait se baser le rapport Arpin. Il ne fait aucun doute pour nous que la culture en région est dynamique et originale, et en dépit du fait qu'elle a toujours possédé peu de moyens, elle a comblé cette pauvreté par son immense pouvoir de créativité. La compétence existe chez nous, il faut aussi la développer et la maintenir.

Vous savez très bien, comme nous, qu'il y a très peu de créateurs qui sont nés au coin de Saint-Laurent et de Sainte-Catherine, le parc culturel industriel de Montréal. À part Michel Tremblay, je pense qu'il n'y en a pas d'autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blackburn (Richard): Plus qu'un simple lieu de tournées. La lecture du rapport donne à croire que les régions deviendraient presque exclusivement un vaste bassin de diffusion de la culture provenant de Montréal et de Québec. Les régions ne sont pas que des réceptacles destinés à recevoir la grande culture officielle, on n'est pas les premiers à vous le dire. Cette idée dénote une condescendance notable, je pense qu'il faut l'admettre. De toute façon, l'état actuel des équipements ne permet pas de recevoir les grosses productions. Il faut plutôt reconnaître la création et la production régionales, encourager leur diffusion par des moyens concrets et consolider les organismes culturels régionaux au même titre que ceux de la métropole et de la capitale. La relève.

Mme Boucher: Nous constatons que le rapport fait piètre mention de l'importance d'accorder une aide substantielle et significative à la relève. Sans elle, comment prétendre vouloir construire l'avenir, maintenir les racines en vie? Les régions sont continuellement en relève. Elles abreuvent sans cesse la culture nationale de leurs créateurs et nourrissent en partie la production des grandes villes. On peut citer en exemple ici le cas du Haut 3° impérial de Granby qui est un centre de création et de diffusion où les membres se consacrent surtout à l'installation en arts visuels. Et ces gens-là prennent leur place de plus en plus. On les voit. Ils sont invités occasionnellement pour des événements ponctuels à Montréal. Comment auraient-ils pu émerger sans un soutien? Pourtant, au début, ces gens-là n'avaient pas nécessairement fait leurs preuves. Alors, pour nous, c'est un exemple qui vous dit à quel point c'est important de soutenir la relève. Il convient donc de prévoir des programmes qui favoriseront l'émergence d'une relève forte et dynamique.

Le décloisonnement du programme du 1 %. Nous appuyons l'idée d'élargir le programme d'intégration des arts à l'architecture. Cependant, nous ne croyons pas qu'un décloisonnement régional soit souhaitable. D'une part, il risque de se faire au détriment des artistes en région, puisque les grands noms ayant leurs racines dans un milieu urbain ont toujours l'avantage d'une plus grande visibilité. D'autre part, le fait qu'une oeuvre réalisée en région soit associée à un artiste local aidera toujours à servir la cause de l'art auprès du public local. Notre crainte par rapport au décloisonnement, c'est d'abord et avant tout que la circulation se fasse à sens unique, c'est-à-dire que les artistes des grands centres urbains soient invités à travailler en région, mais que le contraire se voie plutôt rarement, sinon jamais. On a vécu un cas, récemment, pour une bibliothèque publique. On a invité les gens de la Montérégie à soumettre des projets pour une verrière. Il y a cinq artistes qui ont soumis des dossiers. Parmi ces gens-là, il y avait des gens qui avaient déjà réalisé des 1 %, donc la compétence de ces gens-là, ieur capacité de réaliser le projet ne pouvait pas être mise en doute. Pourtant, on est allé chercher un artiste de Montréal.

On a des grands noms en Montérégie: Yvon Cozic, Louis Archambault, Maurice Savoie, qui font beaucoup de contrats de 1 %, mais ils les font en Montérégie. Ces gens-là sont très rarement invités à travailler à Montréal dans ce cadre-là, bien précis, ce programme-là bien précis de l'intégration des arts à l'architecture. Nous, on dit donc que la culture doit être accessible à tous, dans la mesure où elle s'inscrit dans chacune des régions et qu'elle sensibilise les gens à sa cause.

Mme Céré: L'internationalisme. Enracinement d'une culture qui nous est propre et qui veut s'ouvrir au monde. La conquête des marchés mondiaux s'avère délicate dans le sens où elle nous apparaît Importante, voire même essentielle, mais présente certains risques dans la mesure où on demande aux produits culturels de se confondre aux modèles ou plutôt aux modes internationales. Il ne faudrait pas que la culture devienne le reflet de l'économie et que l'art exportable devienne le seul à être subvention-nable.

Le rapport Arpin semble oublier que beaucoup d'oeuvres créées et produites en région circulent à l'étranger. Les oeuvres exportables ne se créent pas uniquement à Montréal et à Québec, et l'aide à l'exportation doit s'adresser à tout le territoire québécois. Dans notre région, notamment, nous avons deux compagnies de théâtre professionnel, l'Arrière-scène et le Carton, qui, déjà - dans le cas du Carton depuis cinq ans environ - circulent à travers plusieurs pays d'Europe. Alors, nous pensons qu'il est effec-

tivement important de soutenir, pas uniquement l'aide au niveau de l'internationalisme des grandes institutions nationales, mais aussi des organismes qui sont établis en région.

Le financement des organismes. Nous nous élevons contre la notion fallacieuse de saupoudrage. Certes, il faut rationaliser les dépenses publiques, mais pas au détriment des petits organismes qui ont une importance majeure pour le développement culturel du Québec. Beaucoup d'organismes ont effectivement reçu des subventions dérisoires du ministère des Affaires culturelles, mais ces sommes modestes leur ont tout de même permis de subsister. De plus, en accordant une subvention, si petite soit-elle, le ministère des Affaires culturelles accorde une reconnaissance nécessaire à l'organisme, qui lui permet de prendre sa place parmi ses pairs. Le point de vue du rapport sur cette réalité est méprisant et ressemble plus à une cabale en faveur des institutions majeures qu'à une connaissance réelle de la réalité culturelle au Québec. Évidemment, la performance d'un organisme qui reçoit des millions en subvention risque d'être plus spectaculaire que celle d'un organisme vivant de miettes en région. Mais le développement culturel du Québec, s'il veut être intégré et bien implanté, doit se fonder sur l'expression artistique de ses citoyens, là où ils se trouvent. Il ne faut pas baser la future politique culturelle principalement sur les grandes institutions. L'État doit subventionner la culture partout où elle se manifeste.

La supposée surabondance actuelle de l'offre ne constitue pas un problème en région. Il faut permettre l'émergence continuelle de nouveaux créateurs et de nouveaux organismes. C'est le renouvellement de la création qui en dépend. (18 heures)

J'aimerais peut-être répondre à une question de Mme la ministre, tantôt, qui était adressée aux gens des musées. Vous allez peut-être me trouver audacieuse par rapport à tout ça, mais je pense qu'on pourrait peut-être éviter le saupoudrage des organismes régionaux, notamment les musées, mais ça pourrait être le cas de tous les organismes de théâtre, de musique, de danse, etc. Par exemple, nos grandes institutions nationales, comme je prends le Musée de la civilisation, qui a un budget énorme... Et moi, je me dis: Si on veut vraiment développer la civilisation du Québec profond dans toutes ses dimensions, pourquoi ne pas utiliser une large part - je dirais même de 10 000 000 $ à 15 000 000 $ - qui serait retournée aux régions, et là on ferait vraiment du développement culturel en région.

On pourrait permettre le professionnalisme en région. On pourrait permettre à tous les gens, les professionnels, de se faire des c.v. qui soient reconnus. Là, la tendance, c'est qu'évidemment on a hâte de sortir des régions pour avoir un vrai salaire, une vraie reconnaissance dans son action, pour aller joindre le lot des grands musées, alors qu'on pourrait travailler en région, être fiers et continuer. Parce qu'il y a une qualité de vie quand même qu'on choisit quand on adopte de vivre en région. Nous pensons qu'effectivement, si cette redistribution-là était faite dans les régions, elle aurait plus d'impact que de continuer à faire des grandes expositions. On pourrait, je pense, avec de 10 000 000 $ à 15 000 000 $ de moins au Musée de la civilisation, faire quand même un excellent travail professionnel, peut-être étaler sur un mois ou deux de plus les expositions dans le temps, mais, au moins, les expositions pourraient être faites en région et l'action culturelle pourrait vraiment être liée au développement et aux besoins des régions.

Alors, c'est une dimension. D'autre part, même pour l'internationalisme, il n'y a pas que les grandes institutions - je l'ai peut-être mentionné - qui devraient avoir accès à ces programmes d'aide au niveau international parce que, effectivement, il y a énormément de petits organismes qui ont cette dynamique-là, qui ont développé des... En particulier, je pense au Théâtre de la Dame de Coeur à Upton, qui a une réputation maintenant internationale. Je pense à des écomusées, des musées qui ont développé des particularités et qui font que le Québec est reconnu pour sa nouvelle muséologie. Je vous en ai parlé il y a deux semaines.

Il y a différents cas comme ça où il y a une circulation des produits culturels de qualité professionnelle, mais qui sont en région. Alors, de ces deux points de vue là, je pense que c'est possible, avec les mêmes budgets - sauf qu'on en voudrait évidemment plus - qu'il y ait une meilleure justice et équité entre les grandes institutions et le développement des organismes en région.

Mme Boucher: On aborde maintenant la question de la vision du territoire, qui a été adoptée par le rapport Arpin. On divise le Québec en trois pôles, c'est-à-dire Montréal, Québec puis les régions. Cette division, d'après nous, est fausse. On parle de Montréal, une métropole. On dit qu'il y a 3 700 000 habitants à Montréal, c'est-à-dire qu'on englobe les régions de Laurentides, Lanaudière, Laval et Montérégie dans ce qu'on appelle Montréal. On parle de Québec, qui est une ville extrêmememt charmante - et on comprend l'importance mondiale de son patrimoine - mais, encore une fois, on englobe les régions de Portneuf, Charlevoix, Chaudière-Appalaches, qui sont des régions qui ont besoin aussi d'être supportées dans leur développement.

Enfin, on parie des régions. C'est une espèce de mot indéfinissable, puis on ignore que chaque région a ses spécificités propres et a son dynamisme propre. Je retourne à mon texte pour vous dire qu'il faut reconnaître que le génie à la

fois original et authentique habite l'ensemble du territoire québécois. C'est sûr qu'on reconnaît qu'à Montréal et à Québec if y a une effervescence culturelle particulière, sauf qu'il ne faut pas oublier que, dans les régions, il y a aussi des foyers culturels qui ont émergé, surtout depuis l'avènement des cégeps, des universités. Il y a des villes qui sont des foyers culturels: Chicouti-mi, Rouyn-Noranda, Rimouski et j'en passe.

Il faut donc considérer l'apport des régions au développement global du Québec comme quelque chose qui est important et qui a un caractère propre. Radios et télévisions communautaires, centres culturels, musées sont nés du dynamisme de gens qui ne dépendent pas du Montréal culturel, et plusieurs événements importants existent aussi en région sans le soutien de Montréal.

Mme Céré: Alors, justement, parlons-en de Montréal et de sa zone d'influence. Lorsque le rapport Arpin parle de Montréal et de sa zone d'influence, il fait une différence importante entre la provenance géographique de l'offre et celle de la demande. Là, ça fait référence au rapport sur le financement des arts de M. Coupet où tout était axé sur cette articulation-là: offre et demande. Alors, on reprend la même logique. La demande, c'est, paraît-il, la population des régions périphériques de Montréal, quand on parle du Montréal dans le rapport Arpin, soit Laval, Laurentides, Montérégie, Lanaudière.

Par contre, quand il est question de l'offre, cela se résume encore une fois aux 10 kilomètres carrés du centre-ville de Montréal, ce qui nous fait nous inquiéter du développement culturel des organismes qui sont en train de se mettre en place et qui sont, dans certains cas, en vitesse de croisière.

Même si, vu d'en haut, on regarde la carte géographique du Québec - évidemment, on parle de l'ancienne région administrative 06 - ce n'est pas si évident que ça qu'il y a une facilité de déplacement et d'accessibilité. Quand on parle de Mont-Laurier, qui est à 238 kilomètres de Montréal, de Saint-Michel-des-Saints, à 157 kilomètres, et d'Upton, à 96 kilomètres. Même ceux qui sont soi-disant assez proches de la Rive-Sud, comme Valleyfleld et Châteauguay, ont des difficultés. Ce n'est pas si évident qu'on va retraverser les ponts, le soir, après une journée de travail, pour venir consommer au centre-ville de Montréal, d'autant plus qu'il faut respecter les choix des citoyens qui décident... Bon.

On a fait des structures administratives pour reconnaître cette région, la Montérégie, comme notre région, mais aussi il y a le choix des habitants qui, par souci de qualité, décident de sortir du centre-ville de Montréal et de vivre en région, en région limitrophe de Montréal, mais qui ont aussi le goût de consommer de la culture dans leur environnement immédiat. Alors, il faut donc, d'après nous, reconnaître... Nous sommes très inquiets parce que, dans le rapport Arpin, c'est un sous-entendu constant où, quand il est question de Montréal, on englobe toute la vieille région 06 et, quand il est question de l'offre, évidemment, il n'y a plus d'argent pour Laurentides, Lanaudière, Montérégie, Laval, mais il n'y en a que pour ce centre-ville, ses grandes institutions qui sont situées à Montréal.

Alors, pour ce qui est de la Montérégie, la crédibilité de la théorie des trois pôles a été sérieusement mise en doute à la lecture du portrait de notre région, parfois englobée dans ce Grand Montréal, parfois dans le bassin de l'ensemble de la province. Il nous semble évident que nous n'existons pas et que nous ne sommes qu'une annexe de la métropole, et, là encore, pas toujours. Alors, on en a un petit peu assez d'être à l'ombre de Montréal parce que nous avons vraiment une dynamique propre et une personnalité qui est en train d'émerger au niveau de la Montérégie, même dans sa création.

Donc, la Montérégie, avec presque ses 1 200 000 habitants, avec ses 1617 artistes professionnels reconnus - alors, nous avons puisé ce chiffre à travers tous les bottins des associations nationales; il y a quand même une masse critique d'artistes professionnels importante, imposante dans notre région - ses 704 organismes culturels professionnels, nous pensons que nous pouvons aussi offrir à notre population des possibilités de développement culturel.

M. Blackburn (Richard): Au niveau des rapports entre les acteurs sociaux, l'État, les municipalités, les organismes sans but lucratif, regardons la cartographie du Québec. Établir d'en haut la cartographie du Québec, à partir d'une liste établie par des gens, si compétents soient-ils, totalement désincarnés des réalités de création, production et diffusion régionale, nous apparaît complètement illusoire, pour ne pas dire autocratique. Nous avons pris l'habitude en région, notamment par l'exercice heureux des sommets socioéconomiques, de déterminer clairement et avec réalisme les priorités de développement régional.

D'autre part, le ministère achève la déconcentration et non la décentralisation, comme l'indique justement le rapport Arpin, de son appareil en région. Nous pensons que les régions doivent conserver des marges de manoeuvre dans le choix des organismes qu'elles veulent reconnaître et subventionner. Il faut reconnaître que des centaines d'organismes ont réussi à bout de bras, sans ressources financières suffisantes, avec quelques professionnels et beaucoup de bénévolat (34 % des effectifs), à faire du travail exceptionnel et ces organismes, dans bien des cas, rayonnent au niveau International. Que la politique culturelle prévoie de hausser au moins trois fois plus le budget actuellement alloué aux régions et vous verrez que le Québec tout entier en bénéficiera tant du point de vue économique, social

que culturel.

Mme Boucher: Parlons maintenant du futur ministère de la culture. Nous croyons aussi que le ministère des Affaires culturelles doit devenir le chef d'orchestre du développement culturel du Québec et non pas le maître d'oeuvre. Nous déplorons son manque actuel de leadership qui doit maintenant faire place à un rayonnement horizontal auprès des autres ministères et à un dynamisme accru. Ça, on trouve ça très important que le ministère soit un peu le porteur de la mission culturelle à tous les niveaux d'activité du Québec.

Nous, on a vécu l'année passée un cas tragique, qui a été la démolition du collège des frères Saint-Gabriel à Saint-Bruno, un édifice que toute la population voulait conserver, et la décision de le démolir a été prise par le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, et le milieu n'a pas été partie prise... On n'a pas consulté le milieu pour prendre cette décision-là et le ministère des Affaires culturelles n'a pas participé à la décision de démolir cet édifice-là. On trouve que c'est le genre de situation qui ne doit pas se renouveler, c'est évident.

Donc, la priorité doit être... Évidemment, la priorité, c'est le soutien au développement culturel, mais, au niveau du gouvernement, c'est la coordination des activités de l'ensemble de l'appareil gouvernemental touchant de près ou de loin à la culture. Quant à orienter le développement culturel, il ne sera en mesure de le faire que s'il se colle au dynamisme des milieux culturels. La création d'un tel ministère permettra d'affirmer l'importance de la culture au Québec comme moyen de développement social et économique.

Quelques mots sur les directions régionales du ministère des Affaires culturelles. On croit que le développement culturel régional profiterait d'une véritable décentralisation et non pas seulement d'une déconcentration administrative au profit des directions régionales du MAC. Les DRAC doivent maintenant obtenir un véritable pouvoir décisionnel concernant leurs opérations, sauf que, si on accorde plus de pouvoirs, évidemment, il y a des responsabilités accrues et ces responsabilités-là, d'après nous, c'est au niveau de l'écoute du milieu.

Donc, l'action du ministère des Affaires culturelles doit être adaptée à la réalité particulière de chaque région et, pour ce faire, les DRAC doivent collaborer étroitement avec, entre autres, les conseils régionaux de la culture, qui sont les responsables de la concertation régionale. L'implantation réelle des DRAC dans le milieu fera en sorte que leurs décisions refléteront les besoins et les volontés réelles de la région.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme Boucher. Je dois vous avertir que, malheureusement, le temps est maintenant dépassé pour votre présentation. Alors, nous avons le choix suivant: ou les parties vous laissent continuer et la discussion en sera d'autant réduite entre les deux groupes, ou alors nous commençons dès maintenant le dialogue avec Mme la ministre ou M. le député de Laporte. Alors, Mme la ministre, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Je crois que, dans cette commission, le choix appartient aux intervenants. Je laisse...

M. Blackburn (Richard): Un petit budget de deux minutes et ça pourrait..

Le Président (M. Gobé): Alors, par la suite, il nous restera quand même moins de temps pour le dialogue. Vous pouvez y aller.

M. Blackburn (Richard): Merci beaucoup. Les conseils régionaux de la culture. Avec l'émergence de très nombreux regroupements d'artistes au niveau national et au niveau régional, la réalité change et une redistribution des rôles est maintenant essentielle. Les conseils régionaux de la culture doivent cependant rester les seuls organismes de concertation dans leur milieu -j'avais prévu un coup de poing sur la table, merci - les CRC restant des interlocuteurs importants. Ils sont les seuls organismes capables de rassembler les nombreux artistes et organismes culturels d'une région, quel que soit leur champ d'action. Le milieu régional a besoin d'un porte-parole capable de témoigner de la diversité des besoins.

Même les associations régionales sentent le besoin de faire partie d'une confrérie plus large. Les CRC ne sont pas des associations disciplinaires et l'expertise accumulée depuis leur création garantit le pouvoir de représentation de l'ensemble régional et assure le maintien d'une vision globale. En fait, c'est que les CRC vivent d'une perpétuelle concertation. Ça veut dire que les CRC ont toujours l'heure juste parce qu'ils consultent tout le temps. Et ça, on est toujours à la température et à la pression normale au niveau des informations, et ça, c'est très important.

Mme Céré: Alors, peut-être juste quelques mots. On avait pensé développer la notion des instances décisionnelles régionales. Nous aurions aimé que le rapport Arpin et, éventuellement, votre commission se penchent sur cette instance décisionnelle régionale, une espèce de palier gouvernemental, parce que nous pensons qu'effectivement c'est au niveau des régions qu'on doit vraiment voir le développement social, économique, industriel et culturel. Nous n'avons pas de propositions précises là-dessus, sauf qu'on souhaiterait que votre commission se penche sur cette question-là. Peut-être que tu peux conclure.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gobé): Alors, je tiens à vous remercier pour votre présentation. Nous allons maintenant passer à la discussion et, avant de demander à M. le député de Laporte de prendre la parole, vu qu'il m'a soumis la demande, je demanderai le consentement en vertu de l'article 132, parce qu'il n'est pas membre en titre de cette commission.

M. Boulerlce: Consentement, M. le Président.

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Gobé): Et j'en profite pour le demander pour le député de La Prairie qui, probablement, va vouloir intervenir. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour lui tout à l'heure?

M. Godin: Est-ce qu'on peut lui accorder après qu'il aura parlé ou...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Là, il sera trop tard, malheureusement. Alors, M. le député de Laporte, vous avez la parole. Je vous rappelle qu'il reste huit minutes de chaque côté, car il doit y avoir, à 18 h 30, un caucus du parti au pouvoir qui va se tenir en cette salle.

M. Bourbeau: Je vous remercie, M. le Président, de nous accueillir, le député de La Prairie et moi, à cette commission. La dernière fois que j'ai rencontré le député de La Prairie en Montérégie, d'ailleurs, c'était dans une activité culturelle, à La Prairie, dans cette magnifique église de La Prairie que vous avez sûrement tous visitée.

Je souhaite la bienvenue à nos amis du Conseil culturel de la Montérégie, à Mme Boucher, Mme Céré et aussi surtout à M. le président Blackburn, que j'ai l'occasion de rencontrer de temps à autre et qui, disons-le, est un des artistes les plus connus de la Montégérie, qui fait honneur à la région avec les magnifiques spectacles qu'il nous monte régulièrement au Théâtre de la Dame de coeur d'Upton. Je tiens d'ailleurs à féliciter M. Blackburn pour sa récente élection au poste de membre du comité exécutif de la Société montérégienne de développement, si mes informations sont bonnes.

M. Blackburn (Richard): Merci, M. le ministre. (18 h 15)

M. Bourbeau: D'autant plus que j'étais présent pour voter à l'occasion. Intéressant, le point de vue du Conseil culturel de la Montérégie, qui, dans des mots d'ailleurs que j'aimerais apprendre par coeur pour pouvoir les répéter à l'occasion, situe très bien la Montérégie par rapport à Montréal. Bien sûr, la région est limitrophe à Montréal dans un certain sens. On se plaît régulièrement à profiter des apports culturels que Montréal peut nous apporter, mais, d'autre part, la région de la Montérégie est aussi une région qui a son propre devenir et qui, depuis quelques années, est en train de devenir un milieu très effervescent dans tous les domaines, que ce soit dans le domaine économique et/ou dans le domaine culturel.

On ne dira jamais assez comment la Monté-régie n'est pas la succursale de Montréal et comment on doit la considérer comme une région autonome, dynamique et qui comprend pas loin de 20 % de la population du Québec, 17 %, si ma mémoire est fidèle. Il n'y a pas d'autres régions au Québec comme celle-là, mis à part, bien sûr, Montréal, M. le Président, en toute déférence pour vous et pour le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, et le député de Pointe-aux-Trembles, bien sûr, qui représente Montréal, mais, à part Montréal, il n'y a pas d'autres régions que la Montérégie en termes d'importance. On cherche... Au Québec, il n'y a aucune autre région qui s'approche, même en termes de population, de ça, et je pense qu'il faut en tenir compte. Il faut en tenir compte. On ne peut pas traiter la Montérégie comme une région où il y aurait 100 000 personnes. Il y a quand même une population tellement importante qu'elle doit avoir une place prépondérante dans les politiques gouvernementales. En faire un dortoir simplement de Montréal, c'est une grave erreur.

Alors, votre mémoire le souligne très bien. Je ne veux pas entrer dans les détails du mémoire parce que je ne suis pas un expert en la matière - je n'ai pas eu l'occasion de lire tous les mémoires - mais je suis convaincu que le point de vue que vous défendez est le point de vue que défendent tous ceux qui habitent la région et qui ont pris conscience, depuis un certain nombre d'années, de l'importance de faire en sorte que la Montérégie ait sa propre dynamique.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, je vous recommande fortement de prendre en considération le point de vue extrêmement clair qu'a fait valoir le Conseil culturel de la Monté-régie...

M. Boulerice: C'est un désaveu flagrant!

M. Bourbeau: ...et je peux vous assurer que je serai là à ses côtés...

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M. le député.

M. Bourbeau: ...pour lui rappeler, en tout lieu et en toute occasion, le contenu de votre mémoire. Merci.

Le Président (M. Gobé): Vous savez, M. le député de Laporte, que nous prenons toujours en considération vos recommandations. M. le député de Richelieu, rapidement.

M. Khelfa: D'accord. Merci. Après la présentation...

Le Président (M. Gobé): Parce que le temps est passé, mais on va vous donner... Vous avez une question depuis tout à l'heure à poser.

M. Khelfa: D'accord. Après la présentation élogieuse du ministre responsable de la Montéré-grie qui connaît très bien le territoire puis qui est très dynamique avec le caucus pour le développement culturel et économique de la région, j'aurais une petite question d'ordre d'information.

Vous avez mentionné que la concertation doit relever de la structure des CRC, puis vous avez mentionné qu'il faut créer de nouveaux organismes, les conseils régionaux des arts. C'est deux choses. Là, voulez-vous m'expliquer le rôle du conseil régional des arts par rapport au rôle des municipalités et par rapport aux entreprises culturelles qui existent sur le territoire, par rapport à une sorte de dynamisme et le rôle du ministère lui-même? Est-ce qu'il sera seulement... Vous avez mentionné qu'il ne doit pas être indicateur, comme rôle; il doit avoir un rôle de défenseur, il défend seulement ou bien pense à la politique en général. Voulez-vous me situer le cadre général de ses structures par rapport à la fonction, le pourcentage et le pouvoir de chacun?

Mme Céré: Alors, pour ce qui est de la concertation, nous pensons que c'est uniquement les conseils régionaux de la culture qui peuvent réellement faire de la concertation. Le ministère, évidemment, gère des programmes, supervise des jurys, des comités de sélection, tout ça. Il doit se garder des marges de manoeuvre. Sauf que la réelle concertation régionale se fait par l'organisme de concertation qui existe en place, depuis 14 ans, dans toutes les régions du Québec, actuellement, sauf Montréal et Laval.

Donc, nous pensons que la concertation... On ne peut pas être à la fois juge et partie, donner de l'argent et faire de la concertation. Ça prend un organisme. Même si on tombait, du jour au lendemain... six mois plus tard, vous allez avoir - et c'est humain - un organisme qui va naître. C'est comme naturel que les organismes aient besoin d'une représentation et de porte-parole pour pouvoir pousser, défendre leurs idées, leurs concepts et donner une vision globale de ce développement-là.

Par rapport au conseil des arts que nous amenons dans le document, nous sommes en train... nous avons un comité de réflexion sur pied actuellement sur cette question-là. L'état actuel de notre réflexion, parce que nous n'avons pas donné la recette, on est en train de travailler dessus, sauf qu'on souhaiterait que la commission s'y penche aussi parce qu'on pense que c'est peut-être là une solution intéressante pour compléter le financement, qui viendrait du ministère des Affaires culturelles, au niveau de la région et au niveau national. Alors, ce complément serait fait...

Par exemple, nous, on a 1 200 000 habitants en Montérégie. Il y a 15 municipalités régionales de comté. Mettez 0,50 $ par habitant qui seraient prélevés par les municipalités et la structure des MRC; ça nous fait, en trois ans, un fonds de 1 500 000 $ qui pourrait être redistribué pour compléter, améliorer la redistribution au niveau du ministère des Affaires culturelles. Ça pourrait être en termes d'appartement par rapport aux organismes qui sont déjà subventionnés et sous forme de jury pour des bourses ou des prix au niveau des individus.

Donc, on pense que, là, les municipalités, c'est davantage à ce niveau-là que leur rôle devrait jouer parce qu'on est très inquiets de donner l'entièreté de la responsabilité du financement aux municipalités.

M. Khelfa: Donc, vous demandez aux MRC de participer financièrement au nom des municipalités.

Mme Céré: Oui.

M. Khelfa: Puis, à ce moment-là, quel est le pouvoir de ces MRC à l'intérieur de votre cadre?

Mme Céré: Mais c'est-à-dire que, nous, on travaille, on commence cette réflexion-là, sauf qu'au Québec on sait qu'il y a plusieurs municipalités régionales de comté qui subventionnent largement la culture. J'ai eu l'occasion, parce que je suis proche de cette région-là... Dans la Beauce, la MRC subventionne. C'est inouï. Je pense que c'est 17 $ par habitant. C'est rendu énorme, la subvention qui est accordée à tous les organismes culturels de cette région-là. On ne dit pas qu'on a la solution - on est en train, nous, de travailler là-dessus - mais on pense que, là, il y a peut-être une façon de voir parce que, nous, on pense que les municipalités doivent jouer un rôle et, effectivement, au niveau de la formation et de la sensibilisation de la population, ce qu'ils font est très bien d'ailleurs et n'est pas mentionné dans le rapport Arpin.

On pense que les municipalités doivent aider au niveau des équipements majeurs dans leur localité, sauf que la structure des organismes n'est pas liée aux municipalités. Elle a toujours une dimension régionale. Un musée n'est pas le musée d'une ville; il est le musée d'une région. La même chose pour une salle de spectacle. Alors, les petites municipalités contribuent, c'est-à-dire bénéficient de la salle de spectacle,

du musée et ne paient jamais de sous, finalement, sauf les gens et Individus qui y participent.

On pense qu'il y aurait une meilleure équité et un meilleur retour d'argent si les municipalités collaboraient à ce niveau-là, pas au niveau direct dans leur municipalité de subventionner l'aide et la création parce que, là, on a plusieurs cas où on est très méfiants au niveau de l'ingérence, par exemple, des municipalités dans des organismes culturels. Alors, on pense que ce serait davantage là un rôle intéressant.

Le Président (M. Gobé): Merci. Mme Céré: II y aurait...

Le Président (M. Gobé): Terminez. Allez-y, mais très rapidement.

Mme Céré: C'est parce que... Comme je vous le disais, nous, on est rendus là dans notre état et on est en contact...

M. Blackburn (Richard): On cherche.

Mme Céré: ...avec plusieurs municipalités, il faut le dire, et ce n'est pas si inintéressant que ça, l'approche. Effectivement, les municipalités vont se faire dire encore une fois: Du pelletage dans la cour de, sauf que cette façon-là peut-être pourrait être mieux perçue des municipalités parce que...

M. Blackburn (Richard): II faut trouver une proportion, une proportion convenable.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup.

Malheureusement, c'est tout le temps qui était imparti à M. le député de Richelieu, et je voudrais maintenant le passer à M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Moi, je suis très content d'être ici aujourd'hui, de participer un peu à l'indignation des représentants de notre conseil culturel vis-à-vis du rapport Arpin. Moi, ce qui m'étonne, quand on regarde les 113 recommandations, c'est qu'il n'y en a à peu près pas qui traitent des besoins ou des activités culturelles en région. Je vous avoue que j'ai été consterné. Autant j'ai de l'admiration pour ce que M. Arpin fait au Musée de la civilisation, autant je suis convaincu qu'on aurait beaucoup de Roland Arpin en région si on leur donnait les moyens, que ce soit d'animer un musée, un théâtre ou une salle de concert, peu importe.

Et moi, je pense que le Conseil culturel de la Montérégie mérite toutes nos félicitations pour la présentation bien claire. C'est évident qu'il faut reconnaître aux régions le même droit de se développer que celui qu'on accorde à Montréal ou à Québec dans le rapport Arpin.

Vous faites bien aussi, à mon avis, de rappeler qu'ils ont négligé des pans entiers de la culture; l'histoire, par exemple. Moi, ça me touche plus particulièrement parce que, l'an prochain, à La Prairie, dans la ville de La Prairie, nous célébrons le 325e anniversaire de la ville de La Prairie. C'est l'une des municipalités les plus anciennes après Montréal; La Prairie, Longueuil, Boucherville, Sorel, dans cet ordre-là. Mais...

Une voix: Témiscouata.

M. Lazure: ...je voudrais aussi, M. le Président, faire valoir que le Conseil culturel de la Montérégie est extrêmement dynamique et semble avoir trouvé le moyen de bien travailler avec les fonctionnaires. Ça débouche sur la question que j'ai à poser.

Vous parlez d'une véritable décentralisation avec des pouvoirs de décision qui seraient confiés à la Direction régionale du ministère. On peut faire le parallèle avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, où on donne de plus en plus de pouvoirs décisionnels aux conseils régionaux de la santé et des services sociaux qui sont, à toutes fins pratiques, comme une émanation du ministère.

Moi, ça m'étonne que les directions régionales n'aient pas plus d'autorité de décision. Alors, la question que je pose: Est-ce que, d'après vous, la Direction régionale - soyons précis - de la Montérégie souhaite avoir cette autonomie, ce pouvoir décisionnel?

Deuxièmement, qu'est-ce que ce serait l'ordre de grandeur d'un budget régional qui serait administré par la Direction régionale du ministère, mais en collaboration avec votre conseil?

Mme Céré: Vous me posez une question pour laquelle ce n'est pas à nous de répondre, peut-être.

M. Lazure: Votre évaluation.

Mme Céré: Je ne veux pas embarrasser notre directeur régional avec qui on a d'excellents rapports. Moi, je pense qu'effectivement... Ce qui nous inquiétait dans le rapport Arpin, c'est ta fameuse cartographie du Québec; la liste décidée d'en haut. Alors, dans les régions, on avait pris... Il y avait des jurys. Bien, il y en a encore. Sauf que, dans le rapport Arpin, à la lecture qu'on en fait, il n'y aurait plus cette marge de manoeuvre-là. On déciderait quel musée on va garder, quelle compagnie de théâtre, quelle salle de spectacle. Les marges de manoeuvre qu'on avait, en tout cas semble-t-il, seraient comme mises en péril et les directions régionales ne deviendraient que des gestionnaires...

Là, je suis en train de parler pour les

directions régionales, mais on les appuie dans cette démarche-là. On pense que c'est important de maintenir en région des décisions qui nous concernent. C'est bien évident que d'avoir une reconnaissance nationale, c'est important pour les organismes en région, mais c'est important aussi que la région détermine quel organisme au niveau de la relève, par exemple...

Comme là, actuellement, nous avons une compagnie de théâtre qui s'appelle Moult scéni-ques, qui a obtenu tous les meilleurs pointages au niveau des arts d'interprétation. Normalement, elle a fait son deux ans de purgatoire avant d'accéder à des subventions de fonctionnement. Elle ne les a pas eues parce que, bon, tout avait été décidé d'en haut. Les organismes... Vous savez qu'en théâtre, cette année, il y a eu de grands coups de couperet qui sont tombés; dans certaines régions même, le théâtre a complètement disparu. Nous, on s'inquiète de ces décisions-là.

La même chose au niveau du patrimoine. On a parlé du collège des frères Saint-Gabriel tantôt. Peut-être que l'édifice n'était pas accessible à une reconnaissance, un classement national, quoique des commissaires en aient dit autrement. Sauf que si, en région, on avait pu prendre cette décision-là, aujourd'hui, il serait peut-être debout, cet édifice-là, parce que, même si les municipalités ont le pouvoir de citer, elles ne le font pas parce que souvent ce n'est pas politiquement rentable dans leurs milieux locaux.

Alors, il y a beaucoup de décisions qui pourraient être prises au niveau régional qui contribueraient au développement et qui seraient plus proches des capacités de la vie culturelle et de la vie tout court, finalement.

M. Blackburn (Richard): Pour l'efficacité d'une région, pour que tout ce qui se construit sous la concertation se puisse simplement. On le sait, de toute façon; on l'a vu à l'intérieur des sommets, ce qui peut se construire par la concertation...

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Merci, docteur.

Mme la députée de Marie-Victorin, vous avez demandé la parole. Est-ce l'article 132 s'applique à vous aussi? Est-ce qu'il y a consentement de part et d'autre?

Une voix: Oui, oui.

Mme Vermette: Quelques minutes tout simplement.

Le Président (M. Gobé): Je vous en prie. Rapidement par contre, mais vous pouvez y aller quand même. Prenez...

Mme Vermette: Alors, bien sûr, il y a certaines vérités qui ont été dites et je pense qu'on ne peut pas passer à côté; c'est incontournable. On a toujours laissé la région de la Montérégie... Parce qu'elle vit à proximité des ponts, on dit qu'en fait on peut aller facilement recevoir nos services à Montréal, dans la grande région métropolitaine. Je pense que ces gens-là n'habitent pas la Rive-Sud ou la Montérégie pour avoir un tel réflexe parce que, lorsqu'on regarde le développement démographique de la Montérégie, actuellement, lorsqu'on regarde le nombre d'artistes qui vivent actuellement en Montérégie, très peu peuvent vivre de leur art, actuellement. Ils sont tous obligés de s'exporter à l'extérieur de la Montérégie pour pouvoir suffire et vivre en fonction de leur art. Ils ont de la difficulté à avoir une reconnaissance.

Il y a des choses qui ont été dites tantôt. Très souvent, on reçoit les artistes de Montréal et ce sont eux qui prennent, finalement, tout le mérite, alors que nos propres artistes ont de la difficulté à se faire connaître chez nous. Je pense que ça mérite, en tout cas, de regarder en fait l'orientation, actuellement, du rapport Arpin parce qu'on laisse tomber vraiment des gens qui ont du génie au niveau de nos régions, et ce n'est pas facile pour eux aussi, au niveau du financement, de trouver le financement nécessaire pour développer leur talent et mettre à profit, en tout cas, leur créativité pour l'ensemble d'une collectivité.

Il faut croire aussi que, dans les régions, il y a des villes plus riches que d'autres et que c'est important aussi qu'on puisse trouver un moyen pour que cette culture... Ce n'est pas parce qu'on est éloignés qu'on n'a pas le droit non plus à la culture. Je pense que c'est une denrée qui doit être accessible à tous. C'est la seule façon de relever aussi le niveau culturel d'une société, à mon avis.

Alors, il y avait des points que vous avez relevés qui étaient très importants. Vous avez parlé de la stabilité, qui était un des objets très importants, surtout dans les régions, parce que, très souvent, on décourage nos artistes dans les régions, des organismes ou des troupes parce qu'ils ont de la difficulté à survivre, et ça je trouve ça très malheureux de mettre en péril, en fin de compte, des troupes ou des organismes parce qu'ils vivent en région.

Le Président (M. Gobé): On vous remercie de ces paroles pleines de sagesse. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, si vous voulez en profiter pour conclure de votre côté, et, par la suite, je reviendrai à Mme la ministre.

M. Boulerice: Oui, je vais conclure. Bon, depuis l'élection du gouvernement libéral, en décembre 1985, les conseils régionaux de la culture ont eu leurs subventions gelées, non indexées, ce qui a signifié une baisse de vos capacités de 20 % en termes budgétaires. Je ne

parlerai pas du climat d'insécurité énorme dans lequel les conseils ont dû, je ne dirais pas vivre, mais survivre, puisque vous ne saviez pas si vous étiez pour exister.

Avec mes collègues de la Montérégie, je vous ai rencontrés, je vous ai fait part de notre position. Je vous informe qu'elle n'a pas changé et qu'elle ne changera pas. Les conseils régionaux de la culture doivent demeurer dans toutes les régions du Québec et ils devront être considérés, par le ministère des arts, de la culture et des communications, comme des interlocuteurs privilégiés. Soyez assurés de cette position, quant à nous, et toute l'action gouvernementale pour le présent gouvernement sera scrutée à la loupe en fonction de cet énoncé.

Alors, M. Blackburn, Mme Céré et Mme Boucher, je vous remercie d'être venus, vous aussi, exprimer la voix des régions. La voix des régions est toujours porteuse d'espoir et surtout d'une confiance en soi qui est énorme. Et ça, il ne faut pas la décevoir. Merci de votre participation.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Oui, j'aimerais dire un petit mot en terminant. Vous me permettrez de plagier le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques en disant, entre guillemets: "Depuis l'élection de gouvernement libéral, en décembre 1985" - c'est les mots qu'il employait, M. le Président - la Montérégie a enfin son bureau régional des Affaires culturelles, ce qu'elle n'avait jamais eu...

M. Boulerice: ...une cent de plus.

M. Bourbeau: ...M. le Président, sous le présent gouvernement. Et vous me permettrez de remercier...

Le Président (M. Gobé): En conclusion, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: ...nos amis du Conseil culturel de la Montérégie qui savent ce que c'est qu'un gouvernement qui prend des actions. Merci.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: Bon! Après avoir laissé parler tout le monde, le député de Laporte a plagié mon plagiat parce que, effectivement... et pour vous informer aussi que, si les régions n'étaient pas importantes... On peut bien dire, bon: Le rapport Arpin. etc., je ne pense pas que l'intention était là. D'ailleurs, cost Gilles Bélanger qui représentait les régions. Si les régions n'étaient pas importantes, évidemment, nous n'aurions pas, justement, ouvert des bureaux régionaux. Chacun des bureaux régionaux, maintenant, depuis le 4 avril dernier, a son propre budget qu'il gère selon, évidemment, certains prérequis, mais qu'il gère. Donc, il y a une autonomie donnée dans les régions. Qu'ils manquent de fonds, je pense qu'ils en manquent tous. Vous disiez que nos artistes ont de la difficulté à vivre. Je pense que ce n'est pas juste en Montérégie. C'est partout, et à Montréal aussi. Alors, ça, c'est une réalité, donc, à laquelle il va falloir s'attaquer. Mais, effectivement, aux régions ou à toute l'activité des régions, on y croit et on va continuer d'y croire. Soyez-en sûrs.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, mesdames et messieurs. Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier de votre présentation. Je vais maintenant suspendre les travaux jusqu'à 19 h 45, ce soir, en cette salle. La commission est suspendue.

(Suspension de la séance à 18 h 35)

(Reprise à 19 h 53)

Le Président (M. Gobé): La commission de la culture va maintenant recommencer ses auditions. Je vous rappellerai que notre mandat ce soir est de continuer la consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts.

Sans plus attendre, nous allons maintenant recevoir le Canadian Actor's Equity Association, que nous devions entendre à 17 h 45, mais, pour des raisons de contraction d'horaire, nous n'avons pu le faire. Donc, nous allons commencer dès maintenant. Je vous demanderais donc de vous présenter et de commencer votre présentation sans plus tarder.

Mme Needles (Jane): Bonjour, monsieur. Le Président (M. Gobé): Bonjour, madame. Canadian Actor's Equity Association

Mme Needles: M. le Président, Mme la ministre et les membres de la commission, merci de nous avoir accueillis chez vous.

Je m'appelle Jane Needles. Je suis membre du Canadian Actor's Equity Association. Je suis aussi professeur en gestion des arts à l'Université Concordia et à l'École nationale de théâtre et administratrice dans les arts en général. Mon collègue, à côté de moi, c'est le Dr Philip Spensloy, comédien et aussi professeur à l'Uni versllé de Concordia dans notre département de théâtre.

On va être très brefs ce soir. On a un

autobus à prendre à 21 heures. Ce que je vais faire, c'est prendre le petit mémoire qu'on a envoyé en mentionnant juste quelques choses. Mon collègue va prendre la parole après moi. Si je fais des erreurs en français, je m'excuse au commencement.

Le Président (M. Gobé): Je vous en prie, madame. Allez-y.

Mme Needles: Canadian Actor's Equity représente plus de 5000 comédiens, mais pas uniquement des comédiens; des membres aussi des arts d'interprétation partout au Canada. Au Québec, la cotisation, c'est 360, autant des membres francophones qu'anglophones. Après 1967, on a commencé une série d'ententes entre l'Union des artistes et l'Equity pour avoir une juridiction égale entre les deux, pour qu'un membre de l'un puisse travailler dans l'autre juridiction sans avoir besoin de faire une cotisation à l'autre.

Canadian Actor's Equity a peur d'une chose qui est en train de se faire en ce moment: c'est la dévolution qui est en train de se faire au niveau fédéral. Comme résultat, il y a un groupe qui s'est formé maintenant, qui s'appelle le Common Agenda Alliance. C'est pour défendre le droit de... le gouvernement fédéral, qui garde son droit de tenir les organismes fédéraux, tels que Radio-Canada et l'Office national du film. En même temps, l'organisme reconnaît que Québec, c'est un secteur spécial à cause de la mosaïque culturelle qui existe ici. C'est autant francophone qu'anglophone, et il y a aussi les autres groupes ethniques. On est concernés par le fait qu'avec le rapport Arpin, les droits de toutes ces communautés, ce ne sera pas adressé. Dans le rapport Arpin, il n'y a aucune référence à des gens qui ne sont pas des francophones. Peut-être que c'est là entre les phrases, mais on ne le voit pas par écrit.

Il y a plusieurs choses dans le rapport Arpin pour lesquelles Equity applaudit. Ce sont les structures budgétaires, la possibilité qu'il y aura des budgets de trois ans pour les grands organismes, des services en général pour tout le monde, des sources différentes, des levées de fonds et de l'enseignement professionnel, et la promotion des artistes du Québec en dehors de la province.

Mais il y a certaines recommandations qui sont faites dans le rapport qui nous concernent. On a travaillé depuis longtemps, les francophones et les anglophones ensemble, pour avoir un milieu qui travaille ensemble, en province aussi bien qu'en dehors de la province, puis on ne veut pas que ça change. Au terme du budget, Equity trouve difficile d'accepter la proposition que les sources d'argent, ça vienne d'une source seulement parce qu'on a déjà de l'argent qui vient d'ailleurs, du gouvernement fédéral, spécifiquement dans le sens des gros organismes comme Radio-Canada, l'Office national du film. Comment est-ce que Québec peut supporter les problèmes budgétaires qu'ils ont trouvés en ce moment, parce qu'ils ne sont même pas capables d'obtenir le 1 % qu'on a demandé depuis cinq ans? On a eu des promesses, mais ce n'est jamais... Enfin.

Dans le secteur anglophone, oui, c'est centralisé à Montréal, mais il y a plusieurs petites poches qui sont en dehors de Montréal, dans les Cantons-de-l'Est, par exempte, même ici dans la ville de Québec. On veut augmenter le profil de l'artiste anglophone dans le secteur québécois, dans le secteur francophone et, à cet égard, faire des tournées, c'est très essentiel.

En même temps, les recommandations du rapport Arpin suggèrent que les fonds devraient aller pour les projets 'tried and true", dit-on en anglais. Ça veut dire pas pour des choses nécessairement expérimentales, et ça, c'est complètement contraire à la vie d'un artiste dont le mandat est de présenter constamment un défi au public "at large". Sans avoir les pouvoirs de faire ces démarches, comment est-ce qu'ils peuvent le faire, comment est-ce qu'ils sont capables de relever le défi? On supporte complètement le rapport qui a été soumis par le Québec Drama Federation. Maintenant, je vais passer la parole à mon collègue.

M. Spensley (Philip): Merci, Jane. M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, je veux exprimer juste un peu mes "credentials" québécoises avant de commencer. Je suis comédien. Je suis vice-président du comité de consultation montréalais du Actor's Equity Association. Alors, je parle pour les artistes de théâtre anglophones québécois et la contribution qu'on a faite à la culture du Québec et qu'on continue de faire. Je suis membre du CFAD. C'est le comité sur la formation en art dramatique pour le... CQT?

Mme Needles: CQT, Conseil québécois du théâtre.

M. Spensley: Oui, c'est ça. Je m'excuse. Je suis un peu nerveux. Je représente les anglophones sur ce comité. Je suis un des fondateurs de la Québec Drama Federation, un des fondateurs de l'Association québécoise d'enseignement d'art dramatique et fondateur du Département de théâtre à l'Université Concordia. Là, j'ai enseigné l'histoire du théâtre pendant plus de 25 ans et ces mêmes formes de conditions qui donnaient encouragement, opportunité et développement au grand mouvement culturel mondial.

Je veux parler un peu de la culture, du sens de la culture dans une société. Alors, quand j'ai joué le rôle de Frank Burns dans "Lance et compte", il y a un moment où j'entrais dans le "locker-room" pour faire un petit discours aux joueurs et je disais, là: II y a quelqu'un ici qui

connaît déjà mon petit discours. Ça ne fait rien. Il vaut toujours mieux se rafraîchir la mémoire plutôt que d'avoir du trouble après. Alors, encore, je fais ça devant vous. Quand j'ai lu les 113 recommandations du rapport Arpin, j'étais assez encouragé. J'ai pensé encore que c'est le Québec qui mène le Canada, comme le Québec a fait avec le statut de l'artiste, par exemple.

J'ai pensé que le Parlement fédéral discutait d'une telle politique pour la culture canadienne. Il y a beaucoup dans ce rapport qui est bon: par exemple, la reconnaissance que la société se compose de considérations sociales, économiques et culturelles, que la culture et les considérations économiques sont séparées, que la base de la vie culturelle, c'est la création et que l'initiation à la culture commence tôt dans l'éducation. Oui, on va avoir besoin d'une plus forte collaboration entre les ministères de la culture et de l'Éducation. C'est bon. Le Québec, culturelle-ment, c'est une société diversifiée.

En même temps, on a quelques réserves concernant quelques recommandations du rapport Arpin. Il y a des doutes qui piquent la conscience de l'artiste et qui piquent l'artiste anglophone. Quand j'ai lu les recommandations après 71, j'ai pensé à quelques problèmes, pas trop, excepté que, quand j'ai lu les justifications pour les recommandations, j'ai eu beaucoup de "piques" sur la conscience.

Alors, "what's bad?" L'art on dit, c'est pour le service de la société. C'est bon. Oui, je pense ça. Mais pas pour des intérêts nationaux, nationalistes comme définis par un gouvernement. L'art, c'est pour le peuple et ça commence en bas. Les directions sont là et pas comme ça.

Sous le régime de Staline en Russie, il y avait une déclaration de l'art par le gouvernement, le "state realism". C'est tuer complètement la création, complètement. Sans doute, ce n'est pas l'intention des personnes qui ont écrit le rapport Arpin, mais c'est une possibilité, c'est tout, c'est un "pique".

Je me pose la question. Alors, pour qui est la culture? Qui va diriger et qui va suivre? Le rôle de l'artiste dans la société, c'est pour montrer la société. Alors, Voltaire a dit qu'il faut travailler dans le jardin. Qui va travailler dans le jardin? Quels sont les petits pépins qui vont grandir? Le gouvernement a un rôle très, très important de donner soutien, encouragement, de créer un climat, mais pas pour imposer quelque chose aux artistes: Qu'est-ce qui va grandir?

Je ne suis pas certain, dans les recommandations du rapport Arpin, que ce n'est pas possible pour le gouvernement de parler comme ça. C'est une question: Qui va décider des politiques? Qui va décider des évaluations? Alors, la question de "central control" ou "arm's length", c'est très important, je pense, pour le soutien de l'art, pour le théâtre, la danse, la musique, les autres choses culturelles dans la vie culturelle. Qu'il y ait un "arm's length", une distance, que les gens qui donnent la monnaie n'aient pas la puissance directe de dire: Fais ça, fais ça, fais ça, pas vous, pas vous, pas vous, parce que c'est une question de politique, c'est très important. Il n'y a pas de question de politique.

Alors, un autre petit point. Pierre Trudeau, quand il était premier ministre du Canada, a dit en 1966 que le Canada avait deux langues, mais aucune culture. Je ne le pense pas. Il y a une culture canadienne qui le rend distinct, comme le Québec est distinct culturellement. Je suis certain, je n'ai aucun doute que le Canada existe aujourd'hui grâce à la contribution et à la réalité de la culture française canadienne. Même le Québec existe aujourd'hui grâce au Canada. Je pense ça. C'est l'histoire. Le futur, c'est autre chose, mais, pour l'histoire, c'est ça. L'un sauf l'autre. On devrait partir des États-Unis maintenant, et la question devant nous peut-être est une confirmation de George Thomas et pas de cette question-ci.

La culture, c'est quoi? Le Canada n'est pas les États-Unis. Le Québec reste le Québec. La culture canadienne a été enrichie par la contribution culturelle des Québécois. Même la culture québécoise a été enrichie par la contribution de la culture anglophone québécoise et continue d'être enrichie.

Le deuxième problème, un autre problème, pour nous, c'est la question de la langue. Le rapport, aux pages 46, 47, je pense, dit que la culture et la langue sont synonymes. Même chose. Moi, je pense que la culture transcende la langue. La langue et la culture ne sont pas la même chose. Nous sommes tous ici vraiment des exemples vivants de cette réalité. Les artistes ici, au Québec, travaillent dans les deux langues. J'en suis un exemple moi-même.

Je veux dire que la culture se crée constamment. Ce n'est pas fixé. Ce n'est pas à être fixé. La question pour subventionner le "tried and true", comme ma collègue l'a dit, c'est contraire absolument à la vie de l'artiste. C'est le déjà fait, ce qui existe. C'est de l'interprétation seulement; ce n'est pas de la création. La création devrait être nouvelle tout le temps. Un troisième problème...

Le Président (M. Gobé): En conclusion.

M. Spensley: Deux minutes.

Le Président (M. Gobé): Oui, allez-y.

M. Spensley: Un troisième problème, c'est la question d'évaluation par le ministère. Je me demande quelle politique on va avoir là. On ne pense pas à un "jury system", un système de jury. On dit non. Le jury des "fellow artists", des collègues, les experts, les vrais experts qui travaillent dans le métier chaque jour, c'est une

possibilité.

Une autre possibilité - c'est "a personal point of view" - c'est que les décisions soient basées sur un point de vue politique. Alors, ce sont des questions qui piquent l'artiste ici et qui piquent spécialement l'artiste anglophone ici.

Alors, je veux, en conclusion, vous donner certaines recommandations du Canadian Actor's Equity: respecter la société distincte du Québec, la culture distincte du Québec, que le français, c'est la langue première, sans doute, mais, en même temps, la communauté anglophone, on ne peut pas ignorer qu'on a besoin d'une représentation anglophone dans un tel ministère, d'assistance pour formuler, d'assistance, d'aide pour administrer et pour prendre les décisions pour la politique. Merci. (20 h 15)

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Spensley. Il reste sept minutes de chaque côté. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci. Je vous remercie de l'intérêt que vous portez ici à la culture. Maintenant, comme vous, il m'apparaît essentiel que les artistes aient la possibilité de s'alimenter aussi à d'autres cultures. Si le rapport Arpin n'a pas fait statut de la culture anglophone et francophone, c'est parce que toute culture au Québec, ça fait partie d'un bassin, si on veut, d'un bassin global, sans faire de catégories. Mais puisque vous êtes un organisme qui représente des organismes canadiens, j'aimerais échanger certaines questions avec vous.

Vous parliez du fameux... On en a beaucoup discuté aussi cet après-midi du "arm's length" et, effectivement, ça a toujours l'air d'être la solution idéale. Vous dites - je ne sais pas si je vous ai bien compris - mais il semblerait, en tout cas selon vous, qu'ici, au Québec - et là, je ne suis pas certaine si je vous ai bien compris - il y a un peu d'ingérence politique dans les décisions versus, par exemple, à Ottawa où le Conseil des arts est complètement un organisme à part qui détermine justement, si on veut, à qui vont les subventions.

Je suis un peu surprise de cette position-là parce que, au Québec, on fonctionne de la même façon, par des jurys, des jurys de pairs et, finalement, quant à la décision à savoir si l'argent va d'une place à une autre, il n'y a absolument aucune intervention au niveau du contenu, au contraire.

Par contre, ce fameux Conseil des arts, il peut y avoir aussi une intervention, c'est-à-dire qu'il peut y avoir... et il y a eu beaucoup de plaintes aussi là-dessus. C'est parce qu'on n'en parle plus de ce temps-là, mais il y a eu beaucoup de plaintes là-dessus, du fait que le Conseil des arts, effectivement, gère un certain budget déterminé par des gens qui sont là depuis 20 ou 25 ans et qui ont, finalement, une espèce de... ou qu'il s'est formé une espèce de "body system" qui fait en sorte que, bien souvent, on s'est aperçu aussi qu'il pouvait y avoir un contrôle non pas par la politique, mais par les gens qui sont là et par les pairs. Alors, comment on fait pour réconcilier les deux et quel serait le meilleur système?

Mme Needles: Si on avait la réponse, nous autres, on pourrait peut-être le suggérer ce soir, mais vraiment, moi, je pars personnellement d'expériences que j'ai eues ici, à Québec, malheureusement, et parce que je travaille avec plusieurs compagnies anglophones qui ont eu beaucoup de problèmes avec le ministère.

Même une possibilité, il est arrivé une fois où j'ai été demandée moi-même pour être membre d'un jury, par mes copains, mes collègues, ici, à Montréal. C'a été envoyé à Québec et je n'ai rien entendu depuis ce temps-là. Puis ça, ça peut être une autre chose.

Mais, dans la façon anglophone, le travail anglophone, des fois, c'est très difficile d'avoir les oreilles qui écoutent vraiment nos besoins en même temps qu'elles écoutent les besoins francophones. Parce qu'on travaille tellement ensemble maintenant. Il y a beaucoup de choses francophones qui sortent de la province, en Ontario, même dans le reste du Canada, des choses qui viennent ici, à Québec, des compagnies anglophones ici, à Montréal, qui font spécifiquement leur travail avec les francophones pour que dans des spectables, de la danse ou n'importe quoi, ce soit les deux langues ensemble qui travaillent ensemble. Je pense qu'on devrait trouver une façon qui fasse que ce soit beaucoup plus régi ou qu'on prenne connaissance qu'on est là, qu'on fait notre part de travail ensemble.

Mme Frulla-Hébert: Oui, peut-être au niveau de... Je pense qu'on n'est pas contre, finalement, le partenariat et la bonne collaboration, au contraire, mais vous semblez aussi très inquiets au niveau d'une source de financement versus plusieurs. Vous réaffirmez d'ailleurs que le gouvernement fédéral doit réaffirmer et renforcer son engagement dans le champ de la culture canadienne et, à ce titre, augmenter son implication financière.

Vous parlez toujours de la culture canadienne, mais, ici, on vit des problèmes justement au niveau du pouvoir de dépenser du fédéral et au niveau des duplications de programmes qui coûtent énormément de sous et d'énergie. Mais vous semblez dire: II faut absolument garder les deux paliers, absolument. Est-ce que vous pourriez expliquer un peu plus?

Mme Needles: Dans ce sens-là, moi, j'ai travaillé sur le rapport qui a été fait pour le ministre par le QDF. J'ai travaillé beaucoup là-dedans. On a découvert à ce moment des déséquilibres entre les fonds qui sont disponibles pour les compagnies francophones et pour les

compagnies anglophones qui sont au même niveau - môme nombre de spectacles qu'elles font par année, etc. - ce n'était pas égal. On peut comprendre qu'il y ait une raison pour laquelle ce n'est pas égal, mais il y a peut-être une façon de regarder ça dans le sens que, nous autres, on compte autant que des francophones dans cette province-ci.

Mme Frulla-Hébert: Vous savez, il y a eu aussi, par tradition - et je ne vous le dis pas... D'ailleurs, on est ici pour discuter. Parce que, si tout était parfait, on ne serait pas ici non plus personne. C'est vrai qu'il y a eu une tradition, à un moment donné, où les groupes, les artistes anglophones allaient aussi plus naturellement vers le Conseil des arts, tout simplement plus naturellement vers le Conseil des arts, versus les groupes francophones qui allaient plus naturellement vers le gouvernement provincial, question de répartition au niveau... enfin, attirance linguistique. Appelez-le comme vous voulez. Mais il y a eu ça aussi, de telle sorte que les groupes se sont développés parallèlement.

Par contre, si les fonds - parce que c'est ce qui est le plus important au moment où on se parle - se retrouvent au Québec, à ce moment-là, ça revient au même. C'est toujours la masse monétaire, finalement. Il n'y a pas un groupe qui est venu qui ne nous a pas parlé d'argent. Alors, c'est toujours la masse monétaire qui semble la plus importante...

Mme Needles: C'est le problème artistique.

Mme Frulla-Hébert: ...qui prend une espèce d'emprise sur les grandes discussions.

Mme Needles: C'est juste peut-être pour suggérer que, vraiment, une des choses les plus importantes pour le secteur anglophone, c'est qu'il y ait une personne ou des personnages visibles dans le ministère, qui travaillent de leur côté, en même temps qu'avec les francophones. Moi, je dépense la plupart de mon temps à travailler avec des francophones puis je veux que ce soit au niveau ministériel, que la même chose arrive.

Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, il nous reste sept minutes.

M. Boulerice: Je prendrai le temps qui m'est dévolu. Mme Needles, M. Spensiey... M. Spensley, vous avez fait état que Staline avait créé une culture d'État. Est-ce que vous avez vu ce "news release", House of Commons, qui est le Soviet suprême du Canada, où vous avez... Tous les groupes culturels recevront, très bientôt... tous ceux qui l'ont reçu, on vous dit: Comment vos activités contribuent-elles actuellement à la création création d'une identité canadienne commune et à l'augmentation de la fierté nationale? Comment pourriez-vous modifier ou améliorer vos activités pour augmenter cette contribution? Quelles modifications pourrait-on apporter aux programmes, aux activités, aux politiques et aux initiatives du gouvernement pour améliorer votre contribution?

Je veux dire: Est-ce qu'il y a un artiste québécois, qu'il soit francophone, anglophone, allophone, qui a déjà reçu du ministère des Affaires culturelles du Québec un document aussi fasciste que celui-ci?

M. Spensley: Je ne sais pas s'il est fasciste ou pas. Je n'ai pas lu ça.

M. Boulerice: J'ai le plaisir de vous en offrir une copie.

M. Spensley: Je suis content de faire ça et de répliquer après. Maintenant, je ne sais pas de quoi vous parlez.

M. Boulerice: J'ose espérer que vous le dénoncerez avec moi. Je vous en donnerai une copie volontiers, "but you are not a garbage can. Because that is real garbage. To my standard, that is real garbage".

Mme Needles, quand on dit "rapatrier les pouvoirs", c'est également rapatrier l'argent, cela ne veut pas dire qu'on rapatrie uniquement les pouvoirs. Et avec l'argent que nous avons actuellement, c'est nous qui allons assumer la charge de Radio-Canada, du National Film Board et de ces choses-là. Avec le rapatriement des pouvoirs va le rapatriement de l'argent également. Il faut se dire cela.

Mme Needles: Oui, oui.

M. Boulerice: Si je vous dis que tout ce qui est injecté actuellement au ministère fédéral des Communications, au Secrétariat d'État et qui est affecté à la culture, aux communications est transféré latéralement au ministère québécois correspondant qui a le principe du "arm's length", quelle inquiétude avez-vous?

Mme Needles: L'inquiétude que des promesses sont toujours faites pour être cassées.

M. Boulerice: Pardon? Je m'excuse.

Mme Needles: Que des promesses sont toujours faites pour être cassées, c'est ça. "Promises can always be broken", on dit en anglais.

M. Boulerice: Oui, mais "I guess that politicians now feel that votes for them is just the same as applause for the actors. If you lack

of them, you are both out, both, of the scene. " Mme Needles: C'est ça. "Out the scene".

M. Boulerice: And I think that we are at a stage where the next one who will come up and show himself with promises he cannot respect is a dead man or she Is a dead woman because I do not believe that you will be coming again in an inquiry commission for the report. I think it is just the last call you are giving to the politicians. Am I right about that?

M. Spensley: On espère. Mme Needles: On espère.

M. Boulerice: You hope. O. K., because to that question, the Québec Drama Federation said: Sir, if it is so that the money goes straight without any interference of someone grabbing on it because when money drives in front of you, you know, you are tempted, and is the arm's length, we do agree. We do not mind.

Mme Needles: If the English are represented, if it is arm's length.

M. Boulerice: Yes. But about the representation that bothers me, am I going to... First, I am just fed up to see an Armenian born Quebecker, who is a painter, who wants to make an exhibition of his paintings, he has to go and knock at the Ministry for Cultural Communities and Immigration. To me, the only door is the Ministry of Culture. I have to put in mind that the Anglophone community in Québec, no matters what is the constitutional status of Québec, is part of the Québec culture.

M. Spensley: Oui, c'est vrai, mais ce n'est pas nécessairement compris. Le travail des artistes anglophones n'est pas toujours tout le temps pour la plupart compris par les artistes français, de même que les activités des artistes, leur travail n'est pas tout le temps toujours compris par les artistes anglophones. Alors, s'il y a un jury comprenant entièrement des artistes francophones, et qu'il y a quelques représentations par les compagnies, par les artistes anglophones qui vont demander, s'il vous plaît, quelque chose, et que le comité dit: Qui sont ces gens-là? C'est quoi, ça? Je ne connais pas ça.

C'est une réalité ici, et la communauté anglophone est "trapped" dans cette réalité. C'est nécessaire, très nécessaire pour la représentation de la communauté anglophone qu'elle soit assise sur ces jurys, pour informer le reste du jury, par exemple. Moi, j'ai servi sur quelgues jurys pour le FCAR, pour le ministère de l'Éducation. Tout le temps on m'a demandé: Mais c'est qui ça? C'est quoi, ça?

Alors, malheureusement, c'est une réalité que le secteur français ne comprend pas ce que fait le secteur anglophone, et le contraire est aussi vrai. Alors, c'est nécessaire de collaborer dans chaque situation et la situation de la question du jury, c'est nécessaire. C'est tout. (20 h 30)

Mme Needles: Pour ajouter un petit point à ça, monsieur, la façon de travailler des anglophones et des francophones dans le secteur des arts culturels est complètement différente, spécifiquement dans les arts d'interprétation. La façon de payer les comédiens pour des répétitions en anglais, puis de ne pas payer en français, ça arrive à la fin à la même chose, mais c'est deux façons différentes de travailler. Et même, c'était écrit dans un article du Globe and Mail, samedi passé, la différence entre les deux. C'est très important de savoir ça, parce que les francophones ont un avantage sur les anglophones, c'est qu'ils ne sont pas payés pour des répétitions, alors ils ont beaucoup plus de temps pour réaliser un spectacle. Les anglophones n'ont que trois semaines pour monter un spectacle; plus que ça, ils n'ont pas assez d'argent. Alors, c'est une chose dont il faut tenir compte, que c'est une façon de travailler qui est complètement différente. Pour cette raison spécifique, il devrait y avoir un représentant anglophone et même allophone sur des jurys, ou sur des groupes, ou des organismes qui vont faire des décisions d'après la culture, pour être sûr que tout est compris dans tous les secteurs qui travaillent tous dans la même mosaïque ici, au Québec.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Malheureusement, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques...

M. Boulerice: There are any...

Le Président (M. Gobé):... je vous demanderais d'avoir la gentillesse de vouloir conclure.

M. Boulerice: And you have to catch your bus.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Boulerice: I mean, we could work on that, the last part about the jury. I am always afraid about the closest numerous. You say: O. K. for Anglophones, but maybe we get an open-minded francophone. I mean, there are probably few of them. Great bet, I mean few left. Ha, ha, ha! Or just in some regards, when we deal about visual arts, there are some times when I would rather have an open-minded anglophone that... Period. Because I do not want to loose any vote. O. K. ? Just like for the applause. Is it clear?

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député

de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je pense que le temps est maintenant terminé pour vous. Mme la ministre, en conclusion, s'il vous plaît.

Mme Frulla-Hébert: Le temps nous presse. Merci, Mme Needles et M. Spensley. Tout simplement pour vous dire qu'on sait qu'on a du travail à faire au niveau du ministère, effectivement, non pas pour encourager la création anglophone ou multiculturelle, au contraire, mais comme représentant, par exemple, pour vraiment, comme vous dites, bien comprendre ça. On est conscient de ça. Alors, on vous remercie de nous avoir amené vos problèmes ici. Encore une fois, merci d'avoir attendu et d'avoir été patients.

M. Spensley: Merci, Mme la ministre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Je dois maintenant vous demander de vous retirer. Je vais demander à l'autre groupe de bien vouloir se présenter.

M. Godin: Est-ce que Mme la ministre m'accorderait même pas une minute, mais quelques fractions d'une minute pour un dernier message à nos amis de la Canadian Actor's Equity?

Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. le député, mais rapidement. Je vous en prie.

M. Godin: Mais est-ce que Mme la ministre a accepté?

Le Président (M. Gobé): Ce n'est pas la ministre qui décide du temps, c'est la présidence.

M. Godin: Ah bon! Attention à vous, Mme la ministre.

Le Président (M. Gobé): Mais rapidement, M. le député.

M. Godin: Vos pouvoirs s'en vont, là. Le Président (M. Gobé): Faites vite.

M. Godin: Oui. Alors, premièrement, je veux vous féliciter de participer à nos activités parlementaires. Ça indique bien votre volonté de faire partie du Québec. Soyez sûr que, pour les jurys, notre parti, à André Boulerice et à moi, peut s'engager dès maintenant à ce que nous fassions toujours appel à vos talents, à votre expérience surtout, j'imagine, M. Philip.

M. Spensley: Spensley.

M. Godin: The elder statesman of the Equity.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Mercier.

M. Godin: Pour que vous soyez présent sur les jurys qui attribueront les bourses et les prix du gouvernement du Québec.

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M. le député. Merci beaucoup. Vous pouvez maintenant vous retirer. J'appellerai donc le groupe suivant qui est la Société historique de la Gaspésie et Conseil régional de concertation et de développement de la Gaspésie et des Iles-de-la-Madeleine. Si vous voulez bien venir prendre place à l'avant, afin que nous puissions commencer votre audition.

Alors, mesdames et monsieur, bonjour. Il me fait plaisir de vous accueillir ici. Peut-être que vous pourriez vous présenter sans plus tarder et, par la suite, vous commencerez votre présentation.

Mme Gagnon (Pascale): Pascale Gagnon, de la Société historique de la Gaspésie.

Le Président (M. Gobé): Bonjour.

Mme Gélinas (Cécile): Cécile Gélinas, directrice du Musée de la Gaspésie.

Le Président (M. Gobé): Bonsoir, plutôt.

M. Forest (Yvon): Bonsoir. Yvon Forest, du CRCD de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.

Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M. Forest. Alors, vous pouvez commencer votre présentation.

M. Boulerice: ...les lumières du parlement et non pas de la ville.

Le Président (M. Gobé): M. le député, votre temps de parole viendra par la suite.

M. Boulerice: On peut faire des "inside jokes" avec les gens de la Gaspésie.

Société historique de la Gaspésie

et Conseil régional de concertation

et de développement de la Gaspésie

et des Îles-de-la-Madeleine

M. Forest: D'abord, nous tenons à vous remercier beaucoup de nous donner l'opportunité de nous faire entendre dans le cadre de cette commission. Vous avez reçu le mémoire. Alors, vous en avez sans doute pris connaissance, lu abondamment. Comme il est un peu épais, nous n'ajouterons pas par une lecture exhaustive, mais ferons plutôt un court résumé qui vous a été distribué, j'espère, dans le cadre d'un petit document plus mince qui s'appelle "Résumé du

mémoire".

Alors, je commence avec l'introduction. Mis sur pied en février 1991 par la ministre des Affaires culturelles, Mme Frulla-Hébert, afin de faire des propositions pour une nouvelle politique de la culture et des arts, le groupe-conseil, présidé par M. Roland Arpin, a livré son travail en juin 1991. La présente commission parlementaire nous donne donc l'occasion de faire connaître les réactions de la Société historique de la Gaspésie et du CRCD Gaspésie-Les îles qui ont cosigné le présent mémoire afin de faire valoir le point de vue de notre région.

D'entrée de jeu, nous reconnaissons la principale vertu du rapport Arpin, qui est de recommander au gouvernement d'accorder une place aussi importante au culturel qu'à l'économique ou au social. Le rapport, en cela, montre beaucoup de vertus et montre aussi, par endroits, une rassurante compréhension des conditions d'émergence de la création culturelle, allant jusqu'à dire qu'elle peut se manifester partout sur le territoire. Mais, en ce qui nous concerne, nous, les régions, l'enchantement se brise un peu lorsque arrivent les recommandations.

En effet, les lumières de la ville ont visiblement ébloui les auteurs du rapport Arpin et jeté dans l'ombre le soutien essentiel qui doit être apporté à la création culturelle en région. Parce que l'État doit établir un seuil en deçà duquel la vitalité de la création est menacée, parce que les ressources de l'État sont limitées, parce qu'il faut mettre un terme au saupoudrage, parce qu'il faut favoriser la rentabilité, la performance et le rendement, etc., les auteurs du rapport tombent dans le piège du métropocentrisme ou du soutien massif aux grands centres, mais beaucoup plus tiède aux régions.

Au départ, le rapport Arpin énonce une approche que nous trouvons simpliste et tronquée des réalités régionales. Le Québec est présenté selon la typologie des trois pôles, soit le pôle Montréal la métropole, le pôle Québec la capitale et le pôle l'ensemble régional. Il est, à notre avis, aberrant de constater que le rapport Arpin traite les régions comme un ensemble un peu indifférencié, comme si l'Estrie et la Gaspésie, pour ne prendre qu'un exemple, vivaient la même problématique et appelaient le même genre de solution mur à mur. Pourtant, nul besoin d'une longue démonstration pour comprendre que la Gaspésie-Les îles se distingue des autres régions du Québec tant par son isolement géographique, son caractère maritime unique au Québec, les caractéristiques de son peuplement linéaire que par sa structure urbaine particulière, caractérisée par un chapelet de municipalités de dimensions comparables et par l'absence d'un pôle urbain de plus de 10 000 habitants. De plus, il faut considérer la diversité ethnique insoupçonnée de sa population issue de souches française, britannique, acadienne, basque, anglo-normande, irlan- daise, écossaise, allemande, Scandinave, micmac, etc. Nous sommes donc loin de l'homogénéité ethnique du Saguenay-Lac-Saint-Jean, par exemple, ou de la dualité anglaise-française de l'Estrie, et encore plus loin de la pertinence d'une approche mur à mur de l'État face aux régions du Québec.

D'autre part, le rapport Arpin recommande que le ministère appuie Québec et Montréal comme pôles nationaux et internationaux de création et de production culturelles, alors que les régions seraient confinées au rôle passif de consommateur de culture. Créons en ville et consommons en région, ce serait cela une politique de développement culturel pour le Québec? Cette orientation se doit évidemment d'être rejetée car, si elle était approuvée par l'État, cela reviendrait à accentuer le dépeuplement des régions au profit des grands centres. Au contraire, disons-nous, c'est la responsabilité de l'État de freiner et de renverser cette tendance déjà trop puissante. Il lui revient de soutenir la création et le rayonnement national et international de cette création, peu importe où elle se trouve sur notre territoire, sous peine de voir nos régions se vider irrémédiablement de leurs créateurs. Il importe donc que l'État fasse tout pour éviter que le Québec ne se résume plus qu'à Montréal et à son désert québécois.

Est-il trop tard pour soutenir la création culturelle en région? Est-ce peine perdue, compte tenu que nos produits culturels doivent maintenant être mis en circuit à Montréal, à Paris ou à New York? C'est comme si notre politique de développement culturel ne devait tenir compte que du fonctionnement de la ligue majeure et négligeait l'importance et le caractère formateur et essentiel des ligues mineures. Comment négliger le rôle du Festival de la chanson de Petite-Vallée - bien oui, c'est en Gaspésie -dans la carrière d'un Nelson Minville, ou de Granby, dans la carrière de Luc de LaRochelière? Ce sont de ces ligues mineures qu'on parle. Bien plus, pourquoi le rayonnement national et international ne serait-il réservé qu'aux seules collections des musées de Montréal et de Québec? Pourquoi l'État ne soutiendrait-il pas le Musée micmac de Restigouche quand il échange des collections avec les musées de l'Amérique du Sud, comme c'est le cas présentement, ou le Musée de la Gaspésie, ou le Musée acadien dans leurs efforts pour faire connaître notre culture à l'extérieur de la région? Des exemples du genre sont légion.

La vitalité culturelle de notre région est réelle, même si toujours précaire. Et cette vitalité culturelle régionale est essentielle pour nourrir la vitalité culturelle du Québec tout entier. La force des régions fera la force du Québec. Il n'est qu'à rappeler que la plupart de nos téléséries vedettes campent en majorité leur action dans le terroir de nos régions: "Le temps d'une paix" dans Charlevoix, "Les filles de Caleb"

dans la Mauricie, "L'héritage" dans le Bas-Saint-Laurent, et j'en passe. Historiquement, les régions ont alimenté l'imaginaire québécois chacune à sa façon, selon les caractéristiques qui leur étaient propres. Car, nous le rappelons, les réalités régionales ne forment pas un bloc homogène et se doivent d'être étudiées en fonction de leurs spécificités qui, il faut le souligner, s'enracinent toujours dans leur vécu, dans leurs traditions, dans leur histoire et dans leur patrimoine. Pour ce faire, il faut aussi que la culture régionale, son histoire et son patrimoine soient valorisés et enseignés dans le milieu régional lui-même. D'où l'importance que nous accordons dans notre mémoire et que nous retrouvons en partie, d'ailleurs, dans le rapport Arpin quant à la revalorisation de l'éducation culturelle, tant par l'inscription de l'histoire et de la culture régionale dans le curriculum scolaire que par une meilleure interpénétration entre le milieu scolaire et les institutions culturelles et muséales de la région. Car c'est en valorisant la culture et le patrimoine régional à l'école que nous rendrons nos citoyens fiers de leur région et de leur culture, d'une part, et que nous pourrons éveiller, d'autre part, la capacité de création qui sommeille en eux, et cela pour le bénéfice du Québec tout entier.

Nul ne peut donc sciemment condamner à l'extinction cette contribution des régions à la culture québécoise sous prétexte que les régions sont trop petites pour soutenir une création culturelle valable. Hormis le cinéma, où les moyens techniques sont imposants, la création culturelle peut naître et s'exprimer à peu près partout sur le territoire. C'est pour la diffusion de ces oeuvres, tout comme du patrimoine régional, que le soutien de l'État est particulièrement nécessaire, et cela vaut tout autant pour la diffusion des oeuvres et du patrimoine régional vers les centres que pour la diffusion du centre vers les régions.

Un autre aspect du rapport Arpin attire aussi l'attention, c'est le rôle plus actif qu'il destine aux municipalités, particulièrement en regard du financement des arts et de la culture. Que les municipalités viennent ajouter au financement des arts et de la culture peut apparaître séduisant. Mais encore faut-il, d'une part, que l'État n'en profite pas pour se désengager d'autant, dans lequel cas le développement culturel ne s'en trouverait aucunement amélioré. D'autre part, il faut considérer que le monde municipal vient de connaître une quasi-révolution avec la réforme Ryan qui a ajouté de nouvelles dépenses prioritaires, voirie secondaire, tertiaire, service de police, etc., à l'agenda des municipalités, sans pour autant les munir de nouvelles sources de revenus. Dans ce contexte, un nouveau transfert de responsabilités culturelles serait non seulement perçu comme un irritant additionnel, mais risque en outre d'atterrir bien à la queue de la liste des priorités municipales.

Aussi serait-il plus approprié que le financement local de la culture et des arts soit encouragé par une participation égale de l'État par le biais d'un fonds d'appariement, par exemple: un dollar de l'État pour chaque dollar investi par le milieu.

En ce qui concerne maintenant les conseils de la culture. Alors que nous espérions un appui du rapport Arpin, celui-ci s'est fait distant. Non seulement le rapport Arpin ne se prononce-t-il pas sur sa pertinence ou son utilité, mais il ne suggère aucune fonction pouvant lui être dévolue, ce qui revient à dire qu'il ne lui trouve guère de raison d'être. À cela, le mémoire Société histori-que-CRCD rappelle que la région Gaspésie-Les îles revendique, depuis deux ans déjà, la mise en place d'une structure de concertation culturelle qui lui soit propre, pour diverses raisons: spécificité culturelle de la Gaspésie-Les îles, besoin de concertation et de services en commun de ses créateurs, nécessité d'une instance pour les représenter à l'échelle provinciale. (20 h 45)

Nous savons, par ailleurs, qu'une réévaluation est en cours sur les conseils de la culture, tant au ministère des Affaires culturelles que par le comité Bernier. En ce qui concerne la Gaspésie-Les îles, notre évaluation des conseils nous amène à deux conclusions. Premièrement, le milieu culturel d'une région périphérique, telle la nôtre, ne peut pas, à notre avis, être privé d'un tel lieu de concertation, de ressourcement, d'expression et d'animation culturelle. Qu'en régions immédiatement périphériques aux grands centres, les artistes et les institutions culturelles aient moins tendance à demander ce genre de service à leur conseil, cela se peut et il y a probablement des explications logiques à cet état de choses: proximité des foyers culturels nationaux, des associations nationales, des lieux de formation, etc. Cependant, pour les régions éloignées, cette structure de concertation et d'animation culturelle prend toute son importance pour créer et animer, en région, des foyers culturels pouvant compenser pour l'absence de ces foyers nationaux à proximité de nous. Donc, le ministère, à notre avis, ne doit certainement pas jeter le bébé avec l'eau du bain et condamner à l'extinction les conseils régionaux de la culture parce qu'ils apparaissent moins pertinents dans certaines régions.

Deuxièmement, pour qu'une instance régionale de concertation culturelle joue pleinement son rôle d'animateur et de lieu de concertation, il faut, de façon évidente, qu'elle soit modelée selon les besoins et les caractéristiques de son milieu régional. C'est dans cette optique que, d'une part, la Gaspésie-Les îles revendique l'implantation d'une instance qui lui soit propre, donc distincte de celle de l'Est du Québec, et, d'autre part, que nous menons une vaste consultation régionale pour en définir les orientations, le mode de fonctionnement et les priorités d'action. D'entrée de jeu, nous prenons donc le

risque que notre instance de concertation culturelle soit éventuellement différente du modèle standard. En corollaire, nous prenons le risque que le ministère nous accordera la marge de manoeuvre nécessaire pour que cette instance soit modelée pour mieux répondre à nos besoins et à notre spécificité. Car nous croyons que, là comme ailleurs, le mur à mur n'a plus sa raison d'être lorsque nous visons une meilleure efficience.

Enfin, nous croyons aussi qu'il est illusoire de penser faire jouer le rôle d'une instance régionale de concertation culturelle à une direction régionale du ministère, car ses mandats sont incompatibles avec les mandats du ministère. En particulier, les fonctions d'animation et de représentation d'une telle instance viendraient en contradiction immédiate avec les fonctions de contrôle et d'évaluation des subventions des projets par le ministère. Fusionner les deux structures signifierait l'internalisation de ces contradictions et créerait des situations impossibles où le fonctionnaire devrait, d'une main, encourager et stimuler l'effervescence créatrice et, de l'autre main, freiner le flot des demandes pour respecter son budget. D'ailleurs, auquel de ses deux patrons devrait-il allégeance? Aux créateurs et aux institutions culturelles de son milieu qui le presseraient d'animer, de susciter et de revendiquer éventuellement, bref, d'allumer? Ou à son ministre, qui lui demanderait de contrôler, d'appliquer des normes, de gérer des enveloppes toujours plus petites que les demandes, en bref, trop souvent de freiner et d'éteindre un peu ce brasier inassouvissable d'attentes?

Aussi, pour toutes ces raisons, recommandons-nous le maintien de cette structure des instances régionales de concertation culturelle et son implantation dans notre région.

En conclusion, le mémoire rappelle à la commission parlementaire que l'avenir du Québec ne peut être pensé sans que soit pensé l'avenir des régions. Les régions, et particulièrement la nôtre, ont besoin d'un soutien régionalisé et spécifique à la création culturelle en région, de façon à ce qu'elles puissent continuer à avoir une vie culturelle propre, prête à rayonner sur le Québec et sur le monde. Nous allons maintenant conclure avec...

Le Président (M. Gobé): M. Forest, le temps qui vous était alloué est déjà dépassé. Mais si c'est très court, nous allons vous écouter.

M. Forest: Non.

Le Président (M. Gobé): La discussion va pouvoir commencer. Vous allez pouvoir revenir...

M. Forest: En fait, c'était pour vous faire lecture, à nouveau, des recommandations qui sont présentes dans notre mémoire. Mais nous assumons que vous les avez bien lues.

Le Président (M. Gobé): Oui. Les membres de la commission prennent connaissance de tous les mémoires, indépendamment si les gens en font la lecture complète ou simplement un résumé. Quand il y a des mémoires très volumineux, les 15 minutes ne suffiraient pas pour en faire la lecture. Donc, soyez assuré que l'ensemble des membres de cette commission ont pris connaissance de tous ces rapports. Maintenant, je vais donc, un peu comme la coutume établie en cette commission le veut... Lorsqu'il y a un groupe qui vient d'une région et qu'on a un député en cette Chambre qui désire intervenir, s'il n'est pas membre de cette commission, en vertu de l'article 132 de notre règlement, nous demandons le consentement pour que ce membre puisse intervenir. Donc, je demande le consentement pour notre collègue, le député de Gaspé.

M. Boulerice: Consentement, M. le Président.

M. Godin: Consentement accordé avec plaisir.

Le Président (M. Gobé): Avec plaisir, merci. M. le député de Gaspé, nous allons donc vous écouter. Vous avez la parole.

M. Beaudin: D'abord, c'est avec beaucoup de fierté que je veux saluer la Société historique de la Gaspésie et indiquer à cette commission qu'en Gaspésie, la Société historique, au-delà de sa mission de gardienne du patrimoine chez nous, a été l'instigatrice et un élément motivateur dans le domaine culturel pour l'ensemble de la région de la Gaspésie, tant en publiant elle-même une revue, qui s'appelle La Revue de la Société historique de la Gaspésie, qu'en créant un prix culturel annuel, en encourageant également la production, la diffusion de spectacles, en motivant encore une fois, pour faire une brève histoire, nos jeunes talents chez nous, à la grandeur de la Gaspésie, et en encourageant différents événements que vous avez soulignés dans votre mémoire.

La question que je voudrais vous poser, sans plus de préambule... Mme la ministre des Affaires culturelles a fait une visite dans la région de la Gaspésie il n'y a pas tellement longtemps, peut-être un mois. Elle a eu l'occasion de rencontrer les maires des principales municipalités de notre région et a soulevé le problème du financement culturel, et particulièrement des nuances apportées aux budgets municipaux, titrés, entre guillemets, budget de loisir, qui, normalement, devraient comprendre une partie pour la culture. Je pense que, dans votre mémoire, vous avez assez bien décrit la difficulté que pourraient rencontrer les municipalités concernant un financement dans le domaine culturel. Alors, je voudrais savoir, peut-être, dans votre esprit, quelle serait la façon d'inciter

ou d'amener les municipalités à intégrer à leur budget de loisir une partie signifiante pour le soutien du secteur culturel, des activités culturelles dans la région? Ma question, peut-être, peut s'adresser à n'importe quel des intervenants.

Le Président (M. Gobé): M. Forest, c'est vous qui allez avoir l'honneur de répondre. Allez.

M. Forest: C'est une question, en effet, importante et, par contre, très complexe. L'éveil des municipalités aux matières culturelles est loin d'être complété au Québec. Dans plusieurs cas, on peut même dire qu'il n'est pas débuté. Certaines municipalités ont fait des pas de géant à cet effet-là, mais, chez nous, on n'a pas nécessairement eu un contexte favorable. Ça n'a pas germé, peut-être, aussi vite qu'on l'aurait voulu. Pour répondre à votre question, il y a un gros travail d'animation et de sensibilisation à effectuer et, par ça, il y a des organismes, telle la Société historique, mais aussi une instance d'animation culturelle, anciennement les conseils de la culture, ou d'autres institutions muséales, qui doivent jouer un rôle. Ils doivent s'impliquer dans le milieu et ils doivent parier à ces maires, à ces élus municipaux, à ces conseillers et faire valoir, en particulier en Gaspésie, le rôle de substrat à l'industrie touristique que peut jouer la culture chez nous, le patrimoine. Parce que, sans ces dizaines de centres d'interprétation, de maisons et de lieux historiques, on retiendrait beaucoup moins le tourisme. Et ça, ça peut se communiquer et ça peut être un argument qui va convaincre à la longue, en faisant convaincre.

Évidemment, ce ne sont que des paroles. J'imagine que vous attendez un peu plus que ça comme réponse. Il y a une question de timing aussi. Si on arrive aujourd'hui et qu'on ajoute, par-dessus la pile de ce que la réforme Ryan a déjà amené, la question culturelle, la réponse, je l'ai sentie en tout cas chez nous, risque d'être un peu terne. L'enthousiasme risque de ne pas être fort. Il y a un timing pour revenir à la charge, j'ai l'impression. Mais une mesure comme le 1 %, à moins que je ne sois dans l'erreur, dans la construction d'une bâtisse de l'État québécois, qui est consacré à une oeuvre d'art qui est présentée dans le hall d'entrée, généralement, ou à l'extérieur, si on peut en arriver à ce que ce 1 %, cette tradition du 1 % s'exécute automatiquement dans toute construction publique municipale en plus de provinciale - peut-être que c'est déjà le cas, mais, à ma connaissance, ce n'est pas le cas - déjà, ce serait un pas énorme d'acquis. Et ça, c'est un petit pas qui peut être franchi progressivement. Mais, on l'a souligné abondamment, il ne faut pas trop compter sur ce mécénat municipal, dans un premier temps ou à très court terme. Il faut y aller par des petites opérations démonstratrices comme ça qui vont finir par susciter un mouvement généralisé.

M. Beaudin: Est-ce que vous avez l'impression, M. Forest, que la tentative ou la sensibilisation auprès du niveau municipal pour une forme de financement éventuelle serait plus facile si elle se faisait d'abord par les MRC?

M. Forest: Un financement des MRC qui irait chercher dans les municipalités l'équivalent de la quote-part?

M. Beaudin: Parce que, vous savez, la presque totalité des municipalités dans la région de la Gaspésie sont des municipalités de moins de 5000 habitants. Je dirais même que la très grande majorité ont moins de 2000 habitants. On a perçu, au cours de ces dernières années, que les mouvements innovateurs, la réceptivité a été peut-être plus marquée, plus significative auprès des MRC qu'auprès des petites municipalité qui, pour la très grande majorité, n'ont aucune structure administrative, sauf un secrétaire-trésorier qui, parfois, est à temps partiel. Alors, dans ce sens-là, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, dans un avenir prochain, de faire une tentative auprès des MRC plutôt que d'essayer de procéder auprès des municipalités?

M. Forest: C'est une avenue intéressante. Je vais ouvrir une petite parenthèse sur le rapport Arpin comme tel où on sentait d'abord, je dirais, une relation beaucoup plus directe entre le ministère et les municipalités. Vous venez de mettre le doigt sur une des difficultés qui vont se poser en Gaspésie si on veut opérer comme ça. Plusieurs municipalités sont inférieures à 1000 habitants et il est très difficile d'avoir une articulation d'un discours culturel dans ces conditions-là. La MRC est déjà une instance un peu plus articulée, mais, compte tenu, si on parie pour chez nous... On a 113 000 habitants en Gaspésie, c'est déjà beaucoup moins que certaines villes; le discours doit s'implanter d'abord à l'échelle régionale, en espérant que le concours des MRC va se greffer à ça. À mon point de vue, on aurait peut-être plus de succès en opérant à l'échelle régionale.

M. Beaudin: Alors, je vous remercie. Je veux vous féliciter, encore une fois, pour le contenu de votre mémoire et répéter ce que je disais au début. Je pense que la Société historique de la Gaspésie est un organisme qui serait à créer s'il n'était pas là.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Gaspé. Mme la ministre...

Mme Frulla-Hébert: Une petite question...

Le Président (M. Gobé): ...une question rapidement?

Mme Frulla-Hébert: ...parce que je sais que

le temps presse. Merci beaucoup d'être ici. Merci d'avoir accepté aussi l'invitation. Vous savez, quand vous parlez des régions, effectivement, on en a discuté ensemble d'ailleurs, ce n'est pas du tout l'intention non plus d'en arriver à dire: Bien, un bloc monolithique que sont les régions et, ensuite, on a Montréal et Québec. D'ailleurs, c'était - et je pensais le voir ce soir - M. Bélanger, Jules Bélanger, qui représentait d'ailleurs les régions au niveau du rapport Arpin. Alors, je suis certaine - connaissant M. Bélanger - que ce n'était pas non plus son intention.

Ceci dit, vous indiquez aussi, dans votre mémoire, que vous tentez, depuis deux ans, la mise en place d'une structure de concertation, d'une part. Vous savez qu'on va avoir un bureau régional, ce printemps, en Gaspésie pour, justement, être plus près de la population et mieux la servir. Expliquez-nous donc un peu... Vous aviez une idée, si je me souviens bien, et vous en avez parlé même tantôt, d'un CRC éclaté. Hier, le maire de Roberval, par exemple, nous a dit: Bien, les CRC, on trouve que, chez nous, ils se cherchent une vocation. Ailleurs, en Abitibi, par exemple, ils sont extrêmement présents. Dans d'autres régions... À Sherbrooke, par exemple, il y a tellement d'instances qui participent au développement culturel que, quelque part, oui, il y a un chevauchement et, encore là, les CRC se cherchent peut-être une vocation aussi. Alors, en quoi, chez vous, ce nouveau concept dont vous parlez pourrait-il, finalement, vous aider ou mieux vous aider?

M. Forest: C'est un concept qui est encore au stade de consultation. On ne peut pas affirmer ici que c'est la position de la Gaspésie-Les îles, à ce stade-ci.

Mme Frulla-Hébert: D'accord, mais... (21 heures)

M. Forest: C'est une hypothèse de travail qui vise à corriger deux difficultés dans la structure actuelle du conseil de la culture que nous connaissons habituellement. L'approche par discipline. Dans les conseils de la culture, on fait une approche surtout par discipline: les arts d'interprétation, les arts visuels. Il y a des comités de travail, etc. Dans certains cas, même dans plusieurs cas, on n'a pas un nombre d'artistes suffisant dans une discipline pour faire un comité de plus de deux personnes. C'est déjà un petit peu un problème. Deuxièmement, il y a aussi l'aspect des arcanes spécialisés que ça constitue et qui n'ont pas l'effet voulu de pénétration de la culture dans le vécu quotidien, dans l'imaginaire de la région. Donc, ils ne valorisent pas la culture directement dans l'action de la région. On privilégie, dans l'hypothèse dont vous parlez, une approche plus horizontale que verticale. Et ça serait donc de la manière suivante. Il y a, à notre sens, quatre institutions culturelles qui sont implantées sur notre territoire depuis quelques années: le Musée de la Gaspésie, le Musée acadien à Bonaventure, la BCP, la Bibliothèque centrale de prêt, et Arrimage, aux Îles-de-la-Madeleine, qui joue un rôle d'animation et qui est aussi un foyer culturel important dans une sous-région, si on veut, de la grande région Gaspésie-Les îles.

L'optique d'un conseil éclaté est vraiment de se rapprocher de ces gens à un point tel qu'on leur confie, dans un certain cas, le mandat d'animer. L'animation culturelle se ferait par ces institutions culturelles avec une demi-tâche, par exemple, au sein de chacune de ces institutions. L'instance régionale, quant à elle, est vraiment un coordonnateur de ces initiatives et a pour rôle, d'abord, de faire le lien entre ces gens-là, mais aussi de préparer des projets d'animation culturelle qui définissent une culture gaspésienne, qui contribuent à définir la culture gaspésienne et à la faire rayonner. Exemple: organiser un collogue ou un symposium sur le rôle de Percé dans la vie culturelle québécoise. On voit très bien une instance régionale le faire et jouer vraiment un rôle de leader, d'animateur culturel pour définir l'imaginaire gaspésien, mais en étant vraiment, comme on dit, "groundée" ou rattachée aux institutions culturelles.

Mettons que c'est le Musée de la Gaspésie qui est porteur de cette idée; il soumet à l'instance régionale son projet. Outre les 20 000 $, par exemple, qui seraient accordés pour son agent qui fait l'animation régionale, il y a un financement additionnel pour l'organisation de ce colloque-là qui provient de l'instance régionale.

Donc, ce sont un peu les caractéristiques d'un conseil de la culture éclaté qui va être soumis en consultation. L'autre caractéristique, un peu, d'ailleurs, dans le même sens que le rapport Arpin, dans le but de donner au culturel une place aussi importante que le social ou l'économique, c'est de faire une commission ou de faire un siège permanent à une instance plus vaste, qui est une instance multisectorielle régionale de concertation, et d'acquérir là une place à table, à côté du représentant du tourisme, ou des industriels de la forêt, ou des industriels de la pêche, pour qu'on puisse se parler dans le casque, comme on dit, pour dire que le blocage de route, à un moment donné, lorsqu'il y a un problème dans les pêches, ça vient tuer le tourisme puis ça vient tuer les événements culturels qu'on est en train de mettre sur pied. Et on peut leur dire directement, parce qu'on est horizontal.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Forest. Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Sur un ton incisif maniant l'ironie, mais pour la bonne cause, je pense que vous avez dressé un portrait on ne peut plus

fidèle de la situation en Gaspésie. J'aurai, avant le questionnement, trois commentaires. Est-ce que vous avez expliqué à mon honorable collègue, le député de Gaspé, que c'est bien difficile pour les municipalités de faire davantage, alors qu'elles viennent de recevoir un plein camion de nouvelles responsabilités qui leur a été versé dans leur cour, un conteneur, presque, par le ministre Ryan - puis il a voté pour; il n'a pas voté contre - et qu'en plus de ça, compte tenu du taux effarant, voire même désastreux de chômage chez vous, les impôts locaux, ça ne grossit pas?

Alors, je dis: C'est beau de dire aux municipalités: Vous allez faire plus, mais, quand tu es à moins un, ça ne fait plus de différence de dire: Donne donc moins deux. Ce serait peut-être intéressant. Lorsque je suis allé à Rimouski, effectivement, les gens du conseil de l'Est m'ont dit que vous aviez la volonté de vous constituer en conseil régional autonome et distinct en association avec les autres, puisqu'il y a une conférence, donc vous seriez présent, mais qu'à la place vous auriez droit à une direction générale du ministère. C'a un avantage. Vous allez avoir les formulaires de contrôle plus rapidement, mais je ne vois pas en quoi ça va vous aider dans cette concertation-là, puisque ce n'est pas le rôle, en définitive, des directions.

Est-ce que c'est vrai que le seul organisme de diffusion de spectacles, chez vous, qui était à Matane, est maintenant, malheureusement, disparu?

Mme Gélinas: C'est des spectacles à Gaspé, mais c'est un organisme à but non lucratif qui fait des spectacles au cours de la saison hivernale. Autour de Gaspé, il y a seulement un organisme.

M. Boulerice: D'accord.

Mme Gélinas: Comme équipement aussi, présentement, nous avons un nouvel équipement en Gaspésie, qui est à New Richmond dans la baie des Chaleurs.

M. Boulerice: D'accord. Vous dites: L'avenir du Québec ne peut être pensé sans l'avenir des régions. Ça me rappelle une remarque que me faisait ma collègue députée de Chicoutimi, Mme Blackburn, qui est d'ailleurs originaire de votre région, qui disait: Si Québec, la capitale, est la tête, et Montréal, la métropole, les poumons, mais qu'on a des membres atrophiés, ça ne fait pas un corps tellement en bonne santé. Donc, je pense qu'il y a énormément de pertinence dans votre rapport. Je vais vous poser la question: Quels devraient être les moyens pour soutenir concrètement la création en région et sa diffusion pour que, justement, les régions obtiennent la juste place qui leur revient, hors de tout doute?

Mme Gélinas: En Gaspésie, on se sent toujours très éloigné. Tous les artistes et toutes les institutions de création sont toujours à travailler seuls. On a toujours des rapports avec Rimouski, mais c'est quand même à cinq heures de route, là, dans notre cas, ce qui ne favorise vraiment pas les échanges, mais aussi au point de vue de la motivation et de la création. Aussi, à partir de la Gaspésie, pour les organismes comme le Musée ou la Société historique, on est toujours en quête de financement et on est toujours un peu seul dans notre lutte. C'est pour ça aussi qu'on pensait... Que ce soit un conseil de la culture, ou qu'on l'appelle un conseil de la culture éclaté, ou que ce soit une division du ministère des Affaires culturelles, on se sentirait beaucoup plus appuyé, ce qui favoriserait aussi la création. Moi, je ne vois pas non plus - qu'importe la structure, un conseil de la culture éclaté ou un conseil de la culture - en quoi ça empêcherait qu'il y ait une division du ministère des Affaires culturelles en Gaspésie. Je pense que les deux peuvent travailler conjointement et doublement favoriser la création.

M. Boulerice: Mais ce n'est pas la panacée. Il faut vraiment l'établissement rapide de votre propre et autonome conseil régional de la culture. Au sujet du financement, on parle beaucoup du mécénat. J'expliquais à des groupes que, dans ma circonscription, en faisant le tour à pied, je vais ramasser probablement une dizaine de multinationales. Bravo! Mais, quand on se promène à pied à Gaspé, malheureusement, certes, le décor est beau, le paysage est vraiment superbe, mais ma chance de buter sur la porte d'une multinationale est faible. Le mécénat a toujours ses limites. Il y a une capacité de donner, il y a des choix qui se font, etc. Il y a eu un instrument extrêmement intéressant qui avait été mis sur pied par Clément Richard, à l'époque où il était ministre des Affaires culturelles, qui était l'appariement: 1 $ dans 1 $. Après ça, bien, c'est tombé à: Ramassez 1 $, je vous donnerai 0,50 $, ça, ça a été la mathématique de Mme Bacon, et, après ça, on l'a carrément aboli. Alors, les deux questions que je vous pose, c'est: Qu'est-ce que ça avait comme impact, chez vous, l'appariement, mais dans son sens original? Est-ce que ça vous a aidé? Maintenant, si ça n'existe plus, comment est-ce que ça peut vous nuire de ne pas l'avoir, ce système d'ap-pariement, dans une région où, comme je vous le dis, les multinationales, ça ne court pas les coins de rue?

Mme Gélinas: Le fonds d'appariement, pour nous, ça avait été très profitable. Pour la Société historique et le Musée, nous sommes un peu jalousés parce que nous avons un mécène, à Montréal, qui nous envoie un peu d'argent annuellement, comme cadeau de Noël. Tout le monde nous envie, mais ça équivaut à 2 % de

notre budget. Ça, tout le monde nous envie. Lorsqu'on avait le fonds d'appariement... C'est sûr qu'on va aussi chercher de l'argent dans le milieu, via une fondation, via diverses activités, des levées de fonds et tout, ce qui nous aide à produire. La première source, c'est vraiment la production soit d'outils comme le livre, ou d'outils de recherche, ou la production d'expositions. C'est vraiment traduit dans des gestes concrets. C'est pour ça aussi qu'on redemande le fonds d'appariement, parce qu'on investit tellement de temps à aller se chercher du financement, à aller se chercher des fonds soit auprès de mécènes, auprès de petites entreprises, auprès de commanditaires. Notre personnel, au Musée, emploie un temps énorme à des tâches justement pour aller chercher du financement. Que ce soit doublé par l'État, ça facilite vraiment beaucoup notre travail et ça nous permet aussi de travailler vraiment nos fonctions premières qui sont des fonctions de muséologie, de recherche et de diffusion.

M. Boulerice: Donc, au départ, c'est important et le rapport Arpin parle de rationalisation dans les subventions et il parle de mettre fin au saupoudrage. Ça devait arriver pour vous, là. Les robinets sont complètement fermés, il ne reste plus rien, c'est ça.

Mme Gélinas: Oui. Le saupoudrage, on en a eu peur aussi. Pour éviter le saupoudrage, on voyait, on pressentait des critères qualificatifs, qualitatifs. Nous, ça nous faisait peur dans le sens que, dans une région éloignée comme la Gaspésie où certains intervenants travaillent vraiment seuls, quand on a à compétitionner et à analyser avec les mêmes critères que quelqu'un qui travaille bien encadré dans un milieu comme Montréal, ça nous faisait peur aussi d'établir certains de ces critères-là.

M. Boulerice: Dans le cas d'une région comme la vôtre, où, malheureusement, la triste réalité est celle d'une situation économique particulièrement difficile, quel est l'impact des taxes sur les produits, c'est-à-dire sur les créations qui sont en vente et sur les manifestations culturelles où bientôt, à partir du 1er janvier, à moins qu'on ne change, il y aura 27,5 % de taxes, si je désire aller vous entendre chanter dans une salle à Gaspé? C'est aberrant!

M. Forest: À ce titre-là, l'impact est généralisé dans ta province de Québec. Nous ne sommes pas très différents. Cependant, je vous souligne une étude qui a été faite récemment sur la consommation de produits culturels en Gaspésie, comparativement au reste du Québec, et il s'avère que, chez nous, ce n'est pas un problème de demandes, c'est un problème d'offres. Les gens consommeraient beaucoup plus s'il y avait plus d'offres, et c'est généralisé pour l'ensemble des arts d'interprétation et du cinéma, etc. Donc, pour répondre à votre question, oui, il y a un impact, mais on n'est pas très différent, à ce titre-là, sinon qu'il y a encore une infrastructure un peu déficiente pour la diffusion.

M. Boulerice: Une dernière et brève question. On parle du rapatriement, c'est-à-dire les juridictions, les pouvoirs politiques de législation, et ça signifie également les sommes correspondantes. À partir du principe... et je pourrais peut-être vous donner un exemple de l'action fédérale. Le gouvernement fédéral, en 1988-1989, a dépensé, au niveau de la muséologie, 124 208 000 $. La proportion du Québec équivaut, dans un cas des transferts de l'argent, à environ 36 000 000 $, ce qui permettrait au Québec, qui donne déjà aux alentours de 41 %, de pratiquement doubler son budget au niveau de la muséologie. Alors, à partir du principe que toutes les sommes dépensées actuellement au ministère fédéral des Communications et au Secrétariat d'État se retrouveraient réinjectées dans le correspondant québécois, lequel aurait tous les pouvoirs et vous garantissant le principe du "arm's length", c'est-à-dire le Conseil des arts, non-ingérence de l'État, non pas la philosophie colbertiste comme le dénonce le député de LaFontaine à juste titre, est-ce que, pour vous, ce rapatriement nanti des pouvoirs du Québec est quelque chose d'intéressant? (21 h 15)

Mme Gélinas: Moi, je considérerais ça intéressant. Présentement, nous faisons affaire avec deux intervenants, qui sont le ministère des Affaires culturelles et Communications Canada, qui ont des programmes qui se juxtaposent qui ont aussi des programmes complémentaires. Donc, si on fait telle ou telle actitivé à l'intérieur du musée, nos subventions sont demandées à Communications Canada ou, pour d'autres, c'est le ministère des Affaires culturelles. Moi, je le verrais très bien avec un rapatriement des fonds... que notre subvention au fonctionnement soit haussée et qu'on puisse produire. Parce qu'il y a des secteurs d'activité, à l'intérieur des musées, où on est plus facilement servi par Communications Canada. Pour les expositions itinérantes, pour la circulation des expositions itinérantes, pour la fabrication, on est mieux servi au fédéral.

Mais moi, je verrais très bien, par exemple, que ce soit fait seulement à une instance, qu'on arrive au gouvernement provincial et qu'on puisse négocier tous nos secteurs d'activité à l'intérieur même de notre subvention au fonctionnement. Présentement, on divise toujours...

Le Président (M. Gobé): Merci, madame.

Malheureusement, c'était là tout le temps qui nous était imparti. M. le député de Mercier, vous avez demandé la parole...

M. Godin: Eh oui...

Le Président (M. Gobé): ...et j'ai grand-peine à vous la refuser, malgré le fait que le temps coule. Si ce n'est pas trop long, M. le député, même si on a déjà dépassé un peu.

M. Godin: M. le Président, je vous jure que ce ne sera pas long.

Le Président (M. Gobé): Vos questions étant toujours très pertinentes, on va vous laisser la poser.

M. Godin: Ce n'est pas une question, c'est un commentaire.

Le Président (M. Gobé): Raison de plus.

M. Godin: M. Forest, je ne peux pas vous dire à quel point je suis d'accord avec votre mémoire, parce que, nous, les péquistes, ça fait des années qu'on dit: Les petits pays sont merveilleux parce que ce sont eux qui alimentent la culture de la civilisation, un peu comme les rivières à saumon permettent que les saumons se multiplient dans l'océan et enrichissent ainsi l'océan. Et je me rappelle, il n'y a pas si longtemps, à Percé, il y avait un centre d'art animé par Suzanne Guité, une très grande artiste qui a d'ailleurs exposé à Montréal régulièrement en plus d'avoir ses oeuvres dans les plus grands musées du monde et les meilleures collections du pays.

Il y avait donc, à Percé, qui n'est pas le plus gros des villages en chapelet échelonnés le long de la mer et du golfe, un des grands centres de la culture irlandaise, le restaurant-bar d'Alcide Maloney où, chaque soir, il y avait des concours de chansons irlandaises qu'Alcide, d'ailleurs, gagnait toujours parce que c'est un pur-sang. Donc, on a là un exemple d'un petit village de rien au point de vue importance économique, où une grande artiste est venue au monde, a fait son oeuvre sur place, à Percé même, et, dans son centre d'art, attirait chaque jour des centaines de visiteurs, de touristes ou d'amateurs d'art. Connexe à ce centre d'art, il y avait une salle de spectacles dans laquelle il y a eu des spectacles de Michel Tremblay présentés par des comédiens de Montréal qui avaient loué pour l'été la maison Molson - si je me trompe, M. le député, vous me corrigerez - pour pouvoir jouer, l'été, à Percé.

La plupart du temps, d'ailleurs, cette salle minuscule était plutôt pleine que vide. Alors, voilà un exemple frappant, si vous voulez, de ce qu'une action d'une seule animatrice de talent comme Mme Suzanne Guité peut changer dans la vie culturelle de toute une région. Les gens faisaient de grands, grands bouts de chemin pour aller à Percé, non pas seulement pour le rocher Percé, mais pour les oeuvres d'art qu'ils trou- vaient là et les spectacles qui se donnaient là. J'aimerais savoir si ce centre d'art est encore vivant.

M. Forest: Malheureusement, non.

M. Godin: Est-ce que le ministère aurait pu le garder vivant ou si seule Suzanne Guité était le moteur et l'inspiratrice de ce centre d'art? Autrement dit, est-ce que l'argent aurait pu être suffisant pour le maintenir en vie, avec un animateur ou une animatrice?

Mme Gélinas: Moi, je le crois. Je crois qu'avec de l'argent, le centre d'art aurait pu continuer sa vocation vraiment d'animation dans le milieu. Présentement, le centre d'art est toujours là. Il s'y fait un peu de théâtre occasionnellement et il y a encore un restaurant, mais il n'y a plus vraiment cette vie, cette dynamique-là.

M. Godin: Est-ce que I'lrish Center Alcide Maloney fonctionne toujours?

M. Forest: Toujours.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Mercier, vous avez terminé?

M. Godin: Oui. Je passerais la parole à M. Farrah, s'il voulait se joindre à nous, parce que...

Une voix: C'est tantôt, lui. M. Godin: D'accord.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie,

M. le député de Mercier. J'avais une question. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques a employé, tout à l'heure, à plusieurs reprises, le mot "mécène", et je m'interrogeais à savoir s'il connaissait la signification de pourquoi on emploie ce mot-là.

M. Boulerice: Passionné d'étymologie comme je le suis, je suis suspendu à vos lèvres, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): La manière dont on l'emploie peut porter quelquefois à confusion. Mécène était le ministre de l'empereur Auguste, en 25 avant Jésus-Christ, et c'est le premier premier ministre ou ministre d'État qui, à l'époque, a décidé de subventionner les artistes qui vantaient la gloire d'Auguste, le grand empereur romain. Alors, bien entendu, on a appelé ça, par la suite, le mécénat, mais son action première était non pas d'encourager les arts, mais d'encourager les gens à faire des statues et à écrire des pamphlets à la gloire d'Auguste. Alors, ça demande une certaine

prudence lorsqu'on parle de mécénat ou de mécène. Je pense que ce n'était pas dans ce sens-là que vous vouliez l'employer.

M. Boulerice: C'est fou, M. le Président, ce que vous avez des souvenirs! Je suis vraiment très content pour vous.

Le Président (M. Gobé): Ayant été appelé à présider une partie de cette commission et connaissant votre érudition, je me suis replongé dans mes lectures de secondaire et de cours classique.

M. Boulerice: Bon, il se fait tard et je pense que nos invités conviendront qu'il n'est pas mauvais de mettre un petit peu d'humour. J'aimerais leur dire qu'au fur et à mesure que la commission progresse, il va de soi que les parlementaires accumulent un certain bagage qui nous est livré par vous. Je vous dirai à vous, qui êtes des régionaux... D'ailleurs, entre parenthèses, méfiez-vous. Dans un groupe de Montréalais, demandez: Ceux qui sont nés à Montréal, levez la main, et on n'est pas nombreux. Ni mon collègue ni moi ne sommes Montréalais. Lui est Trifluvien et je suis Joliettain, et il vient du Nord Pas-de-Calais.

Je vous dirai brièvement ce que j'ai dit à tous les autres groupes qui sont en provenance des régions: Ce qui m'émerveille mais ce qui m'effraie en tant que législateur, puisque nous devrons prendre une décision, ce qui m'émerveille chez vous, c'est cette extraordinaire confiance en vous que vous avez encore malgré les énormes difficultés auxquelles vous êtes confrontés. Et si nous devions trahir cette confiance en vous que vous avez en ne vous donnant pas les moyens de faire du développement culturel dans votre région - et le développement culturel précède le développement économique, je me rattacherai toujours à cette philosophie - eh bien, je crois que ce serait très triste, non pas uniquement pour nos petites personnes à nous, mais pour le Québec et sa population. Alors, je vous remercie de votre présence.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Merci encore. Je tiens seulement à rappeler, par exemple... parce que, effectivement, comme M. le député, mon confrère, disait, c'est important cette vitalité, cette croyance, maintenant, il faut quand même remettre aussi les choses en perspective. Il y a un bureau régional qui s'en vient chez vous, au printemps. Nous avons inauguré une salle de spectacles à New Richmond. Il y en a une autre en projet à Chandler. C'est quand même une région qu'on considère extrêmement importante. On connaît aussi les difficultés, effectivement, ne serait-ce que par l'éloignement. Par contre, vous avez aussi de très beaux avantages au niveau du patrimoine et au niveau du paysage.

Par contre, quand vous parliez de convaincre les gens de faire de la pédagogie, je pense qu'il y a encore beaucoup de pédagogie à faire à Percé où on se fait sortir à coups de pied. Alors, je vous encourage à aller dans ce sens.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la ministre. En terminant, avant de vous remercier, j'aimerais, moi, souligner une particularité que je découvre devant ces commissions. C'est que, depuis le tout début, chaque fois qu'on a des groupes régionaux, les députés régionaux viennent, et assistent, et sont là pour écouter non seulement leurs groupes de leur région, mais probablement pour nous les faire valoir, après. Soyez assurés que votre message est entendu par la commission et aussi par vos députés qui probablement se feront encore les porte-parole de vos préoccupations. Je tiens à vous remercier, je vous souhaite un bon retour chez vous. Je vais maintenant appeler le groupe suivant qui est la MRC de Montmagny.

La commission reprend maintenant ses auditions. Nous allons donc entendre les représentants de la MRC, la municipalité régionale de comté de Montmagny, qui est représentée, si j'en crois ma feuille, par M. Jacques Dumas, préfet. Bonjour, M. le préfet. Est-ce qu'on vous appelle comme ça?

M. Dumas (Jacques): Pardon?

Le Président (M. Gobé): Est-ce qu'on vous appelle M. le préfet?

M. Dumas: Souvent, chez moi, on m'appelle Jacques, tout court.

M. Boulerice: Le député de LaFontaine est plutôt habitué à dire "M. le commissaire de la République".

Le Président (M. Gobé): Les préfets sont une créature de l'empereur Napoléon et les commissaires de la République, du nouvel empereur, M. Mitterrand. Je préfère ceux de Napoléon.

M. Boulerice: Qui a succédé à Giscard 1er.

Le Président (M. Gobé): M. Racine, coor-donnateur en aménagement. Bonsoir, M. Racine. M. Bernard Létourneau.

M. Létourneau (Bernard): Bonsoir.

Le Président (M. Gobé): Et je vois qu'il y a une quatrième personne.

M. Normand (Gilbert): Gilbert Normand, maire de Montmagny.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. le maire. Vous pouvez maintenant, sans plus attendre, commencer votre présentation et, par la suite, nous dialoguerons avec les différents intervenants autour de cette table.

Municipalité régionale de comté de Montmagny

M. Dumas: Merci. Merci, Mme la ministre, mesdames, messieurs. Je tiens à vous remercier de l'occasion que vous donnez à notre coin de venir vous rencontrer. Si vous avez eu beaucoup de gens versés dans la culture aujourd'hui, je pense que les dernières interventions vont venir peut-être - si je parle pour moi, il y aura mes collègues tantôt - de personnages qui voient plutôt la culture sous un angle de rentabilité pour nos régions. Après avoir lu le rapport Arpin, et je ne l'ai pas lu au complet, il y a des passages qui sont épeurants, surtout ceux qui semblent attirer... Les plus épeurants sont peut-être ceux qui parlent des régions. Ça peut avoir peut-être de mauvaises répercussions pour nous. C'est heureux qu'on ait aujourd'hui à parler de culture. Ça semble intéresser beaucoup de monde, parce que, même dans la presse, hier au soir ou aujourd'hui, mon attention a été attirée par des commentaires.

M. Boulerice:...

Le Président (M. Gobé): M. le député, s'il vous plaît. (21 h 30)

M. Dumas: Remarquez, je n'entends rien que ce que je peux et non ce que je veux. Des commentaires qui semblent favorables et intéresser les gens des régions du Québec, en dehors de Québec et de Montréal. Si la MRC de Montmagny est ici aujourd'hui, c'est que, dans le passé, nous avons eu de très bonnes collaborations avec les Affaires culturelles. Depuis 1983, la MRC de Montmagny a travaillé avec les Affaires culturelles à mettre en valeur le patrimoine et le développement de la culture sur tout le territoire de la MRC.

Tantôt, j'écoutais un monsieur qui demandait quoi faire pour intéresser les gens des régions, les petites municipalités, un peu plus à la culture. En passant, ça m'est venu. Vous devriez faire pression, lorsque les municipalités ont de l'argent à dépenser pour rénover le patrimoine culturel, pour qu'on ne soit pas soumis à la CCQ. Chez nous, dans ma municipalité, la rénovation d'une bâtisse patrimoniale avec les normes des entrepreneurs, avec les normes de la CCQ - dans le temps ça s'appelait l'OCQ - ça s'élevait à tout près de 200 000 $ et on l'a faite pour 90 000 $, sans subvention et sans respecter les normes salariales. En passant, je crois que ça serait un point pour encourager la sauvegarde des bâtisses patrimoniales.

Dans les réalisations de la MRC de Montmagny avec les Affaires culturelles, nous avons eu des expositions sur le patrimoine, de la restauration de bâtiments, des projets de mise en valeur des bâtiments publics - manoir Couillard Dupuis et manoir Taché - et jusqu'à des expositions d'artistes internationaux. Lorsque le rapport Arpin parle du restant de la population, il oublie qu'il y a beaucoup de gens qui sont passés à Grosse-Île. La MRC de Montmagny est l'instigatrice du développement du parc national de Grosse-Île. Tout ça pour vous dire qu'on aime ça ou j'aimais ça travailler avec le ministère des Affaires culturelles parce que je me rappelle des années où il était plus généreux. Je me demande si sa générosité a de la misère à traverser le fleuve. Pas plus tard que dans LeSoleil du 7 octobre, on disait que les Affaires culturelles avait 16 000 000 $ pour la rive nord et 2 000 000 $ pour Chaudière-Appalaches. On va finir par croire qu'on n'a seulement que les trois premières lettres de la culture chez nous.

Dans les stratégies, on a réussi à développer une conscience culturelle dans notre milieu et on y a travaillé. On a préparé beaucoup de pians à date. On a des bâtiments, et c'est surtout un des aspects du rapport Arpin, les bâtiments culturels qui sont éparpillés dans le Québec, qui ne semblent pas avoir de l'importance pour eux. Ces bâtiments culturels ont de l'importance pour moi parce que c'est une valeur; en plus d'être quelque chose du patrimoine, c'est un produit touristique plaisant, facile à vendre, intéressant à vendre et non polluant. Des projets comme ça, je peux vous en nommer. Dans la MRC de Montmagny, il y a le manoir Dénéchaud, le moulin Ouellette, le manoir Taché, les sites archéologiques de l'île aux Oies. Il ne faudrait pas oublier que notre région a 300 ans d'histoire. À deux milles de chez moi, il y a des vestiges de la guerre des Américains.

Lorsque nous lisons dans le rapport, à la page 45, que la population est un élément qui orientera les programmes culturels, quelques lignes plus loin on peut lire que la population à l'extérieur de Montréal et de Québec est qualifiée de population "restante" ou "éparpillée". J'espère que les budgets qui vont se rendre chez nous ne seront pas les restants éparpillés.

Tout ça pour vous dire que Montmagny et les municipalités qui l'entourent recèlent de nombreux bâtiments patrimoniaux. Notre région seule ne peut pas mettre en valeur cette richesse nationale. Cette richesse qu'on a encore réussi à conserver fait partie du patrimoine de tout le peuple du Québec et je verrais mal qu'on soit seuls les responsables de conserver ça. Il ne faudrait pas oublier qu'il y a beaucoup de gens de Montréal, je pense que quelqu'un le soulignait aujourd'hui, qui viennent de la Gaspésie et qui viennent du Bas-du-Fleuve, et leurs racines sont

encore dans notre région.

Pour moi, la culture et le patrimoine, ça signifie une qualité de vie. La qualité de vie, ça signifie le développement des régions. Quand on a une bonne qualité de vie dans une région, que la région est accueillante, hospitalière, ça attire le développement industriel. Le développement industriel égale emploi, emploi = revenu, revenu= loisirs, loisirs = culture. Comme dirait M. Bouras-sa: C'est une manière de faire un carré avec un cercle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Je ne sais pas ce qu'il a pondu mais en tout cas.

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, s'il vous plaît!

M. Dumas: Ça fait que c'est très important.

Le Président (M. Gobé): M. Dumas, oui, s'il vous plaît.

M. Dumas: Oui?

Le Président (M. Gobé): Si vous voulez conclure.

M. Dumas: Je conclus. Pour nous, sauver notre patrimoine culturel, c'est quasi garantir une industrie pour notre région. En concluant, parce que j'étais rendu à ma conclusion...

Le Président (M. Gobé): Allez-y, je vous en prie, M. Dumas. Nous vous écoutons avec plaisir.

M. Dumas: Juste une petite anecdote là. Je demeure en avant de la compagnie Garant et depuis que la compagnie Garant, qui fait des manches de hache à Saint-François de Montmagny, a été vendue à des Américains, 80 % du staff demeure à Québec. Ça montre que les gens qui ont des gros salaires dans notre industrie ne trouvent pas qu'il y a assez d'activités culturelles chez nous. Ils sont plus attirés vers la ville. La qualité de vie qu'on aurait chez nous encouragerait des professionnels qui viennent travailler dans nos usines à rester dans notre région et ce serait ça, la richesse que provoquerait le développement de la culture chez nous. Je vous remercie de votre attention. Je n'ai pas lu le rapport parce qu'il est mince. Je suis sûr que vous avez eu le temps de le lire. Je vais céder la parole à mon copain, M. Normand.

Le Président (M. Gobé): Malheureusement, vous ne pouvez plus céder la parole, M. le préfet...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dumas: Ah! je m'excuse.

Le Président (M. Gobé): ...car le temps est maintenant dépassé, mais peut-être que, dans la discussion qui va s'ensuivre, quand je vais demander le consentement à cette assemblée pour que le député de votre région, M. Réal Gauvin, puisse, en vertu de l'article 132, participer à nos débats... Alors, s'il y a consentement...

Mme Frulla-Hébert: Bien oui! M. Boulerice: Évidemment.

Le Président (M. Gobé): ...peut-être qu'on va lui demander de vous faire sortir les choses que vous vouliez nous dire. M. le député de Montmagny, vous avez la parole.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Je remercie mes collègues, justement, de me permettre d'abord de vous faire remarquer qu'il y a trois représentants de la MRC de Montmagny qui sont ici présents, le préfet et des collaborateurs et le maire de la ville de Montmagny. Je pense qu'il est facile, sur la côte sud, dans la région de Montmagny, comté que je représente, de croire à la culture, au développement culturel, et plus spécifiquement - un peu ce que rapportait le préfet de la MRC de Montmagny - à tout ce qui relève du patrimoine de notre région. Je dis "il est facile" parce qu'on a l'occasion de voir un peu partout sur le territoire, et plus spécifiquement à proximité, je pense, de ce qu'on appelle, nous, la vallée du fleuve Saint-Laurent. Il a fait allusion tantôt au phénomène de la Grosse-Île qui est un phénomène, Je pense, dans le sens que le site de la Grosse-Île est connu sur le plan nord-américain, évidemment. Les gens de la région de la Côte-Sud, les gens de la région de Montmagny, de la MRC de Montmagny ont su développer, d'abord, cette partie-là. Et la population y croit, parce qu'elle supporte la grande région de Montmagny et la ville de Montmagny. Le maire de Montmagny a beaucoup de facilité à faire remarquer et à vendre des projets de développement culturel. On a juste à se rappeler du manoir Taché récemment et on pourrait en citer bien d'autres que M. le préfet a déjà cités. Et ce phénomène-là, c'est la très grande région de Montmagny. Et je sais très bien que ce dont je parle là... Le député de Mercier connaît très bien la région de Montmagny pour la visiter de temps en temps. Il est probablement en mesure aussi de confirmer un peu ce qu'on avance sur la perception des gens de cette région-là, la perception qu'ils ont de l'importance du développement patrimonial.

Donc, c'est un peu ce que je voulais faire ressortir, M. le Président. Je sais très bien que mes collègues sauront poser des questions. Une petite question pour demander au maire de Montmagny la vision... On sait que ça fait déjà

plusieurs années, comme M. le préfet le mentionnait tantôt, qu'il y a eu une concertation pour faire ressortir les éléments patrimoniaux dans notre région, et ça pourrait peut-être permettre à M. Normand d'ajouter ce que M. le préfet voulait qu'il ajoute.

M. Normand: Merci, M. Gauvin.

Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. le maire.

M. Normand: Pour enchaîner dans le même sens que M. le préfet, effectivement, nous avons à coeur l'aménagement de nos bâtiments, même si parfois il faut partir de zéro, comme on l'a déjà fait en certains cas, et ça nous permet de nous faire un peu plus écouter.

M. Boulerice: Un mea culpa apprécié, M. le maire. On est quittes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Normand: Absolument, la culture, c'est toujours la culture. Ça demande parfois de l'émondage. Alors, j'enchaîne comme ceci. Dans le rapport, il y a une chose intéressante que je me suis permis de vérifier en ce qui a trait principalement aux activités des musées. D'ailleurs, j'ai pris la liberté, la semaine dernière, d'aller rencontrer M. Pierre Théberge, directeur général du Musée des beaux-arts de Montréal, pour avoir un peu la perception qu'un homme comme lui pouvait avoir de cette suggestion qui apparaît, d'ailleurs, dans le rapport Arpin, de faire jouer aux grands musées un peu le rôle d'un grand frère face aux régions, pour permettre à toutes ces collections qui dorment dans les caves des musées de pouvoir aller se promener en région.

Il existe actuellement un programme fédéral qui permet justement la "muséotechnie", mais c'est quand même relativement limité et on m'a laissé entendre que le fédéral tentait de se retirer de ce champ d'activité. Alors, j'espère que le gouvernement provincial va trouver une formule pour maintenir cette activité et aussi, j'irais même jusqu'à dire, pour obliger les musées à y participer. Pour nous, les municipalités de petite taille comme Montmagny, il n'est pas facile de présenter des spectacles ou des expositions de qualité. Actuellement, nous en présentons une à Montmagny. Je pense que ça a assez fait les manchettes pour que tout le monde le sache. C'est une exposition conjointe de M. Jean-Paul Riopelle et de M. Jean-Julien Bour-gault. Je vous invite d'ailleurs tous à venir voir ça, c'est à ne pas manquer. Et la municipalité de Montmagny s'est lancée - je pense qu'il faut bien le dire - dans cette aventure sans trop savoir comment ça finirait. On avait l'occasion de le faire avec un artiste comme Jean-Paul

Riopelle et je pense qu'on ne pouvait pas laisser passer l'occasion. On a investi, actuellement, 300 000 $ pour faire cette exposition. Nous avons reçu - et nous le remercions - 5000 $ du ministère des Affaires culturelles et nous allons, j'en suis convaincu, nous autofinancer, et nos entrées sont gratuites. Nous l'avons fait avec nos moyens. Ce qui nous a aidés, c'est justement la participation de l'artiste, parce que l'artiste, M. Riopelle, dit toujours: Un vrai mécène, c'est quelqu'un qui est près de mes cents. M. Riopelle a produit une sérigraphie avec laquelle on finance l'exposition actuellement. (21 h 45)

Tout ça pour dire que nous allons recevoir près de 25 000 visiteurs à Montmagny, dans un bâtiment qui, actuellement, est inutilisé. Moi, je demande ceci. J'ai ici, en main, la revue Chantiers, que vous avez probablement vue, du mois de septembre, qui fart état des 400 000 000 $ qui ont été dépensés au Québec, en musées, durant les deux dernières années. Je pense que c'est important d'avoir des musées. Sacha Guitry, d'ailleurs, disait, à un moment donné, quand quelqu'un reprochait aux élus de dépenser l'argent dans des monuments et des structures effarantes, que c'était peut-être la seule façon qu'ils avaient trouvée de laisser de l'argent de côté aux citoyens.

D'un autre côté, si on veut avoir des collections de prestige et d'envergure pour mettre à l'intérieur de ces musées, il faut aussi supporter nos artistes. Ça, c'est un fait encore important de pouvoir, par exemple, supporter nos artistes soit par l'achat d'oeuvres ou encore par des bourses. C'est encore un autre facteur important. Souvent, les artistes sont obligés de vivre d'autres choses pour être un vrai artiste et un vrai artiste, ça ne peut pas se permettre de vivre d'autres choses que de son art. Ou ça fait comme Van Gogh qui n'a jamais vendu une peinture. Et je me permets de faire cette définition. Quelqu'un disait, à un moment donné: Tel artiste est un professionnel et tel autre ne l'est pas parce que lui vend ses oeuvres et que l'autre ne les vend pas. Est-ce que Van Gogh était un professionnel? Il n'en a jamais vendu de son vivant.

Maintenant, ce qui m'inquiète le plus, justement, c'est: Est-ce qu'on met l'argent aux bons endroits? Actuellement, dans ce que j'appellerais les arts visuels, la culture comme telle, parce que c'est un domaine qui m'intéresse particulièrement, est-ce qu'on peut être en mesure, justement, de compter sur les structures existantes, ces montants d'argent qui ont été investis, pour participer à ces collections qui sont disponibles dans ces grands musées? C'est la question que je veux poser à Mme la ministre. Est-ce qu'il y a quelque chose de prévu dans ce sens-là pour qu'on puisse avoir accès, en tant que petite municipalité régionale, aux collections existantes actuellement au Québec dans les

différents musées?

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez répondre, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Enfin, ce que vous dites, c'est au niveau des collections qui se promènent, tout simplement au niveau des échanges. C'est ça?

M. Normand: Bien, c'est-à-dire qu'actuellement, ce qui se promène, c'est surtout la "mu-séotechnie"...

Mme Frulla-Hébert: Oui, mais il y a quand même certains échanges.

M. Normand: ...comme Léonard de Vinci, des choses comme ça.

Mme Frulla-Hébert: Non, ce qu'on fait, finalement, c'est de l'aide, comme on fait régulièrement, aux projets. Donc, s'il y a un projet qui est soumis, un projet intéressant, si c'est pour monter une exposition, par exemple, effectivement, oui, il y a de l'aide, il y a un programme tout simplement auquel on peut faire application.

M. Normand: Ce que je veux dire c'est: Est-ce que, dans l'avenir, cette voie-là va être élargie davantage par rapport...

Mme Frulla-Hébert: C'est ça. D'ailleurs, c'est ce qu'on fait présentement et c'est pourquoi la commission... Au niveau des programmes que nous avons, il y a un réaménagement à faire, d'une part, et, deuxièmement, il faut maintenant réanalyser les besoins, et réanalyser les besoins en fonction du développement qui a été fait et en fonction des demandes. Maintenant, quand on parle de collaboration - parce que j'écoutais M. le préfet - ou de partenariat avec les municipalités, c'est exactement ce qu'on veut dire aussi, c'est de travailler en partenariat, finalement, et ça, l'exposition que vous avez ou que vous tenez présentement, je pense que c'est à peu près un des meilleurs exemples, c'est d'essayer de travailler aussi en partenariat avec les municipalités pour monter des choses. Mais est-ce que ça va venir... De là cette politique culturelle et à savoir si ça va correspondre aux besoins.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. M. le député de Montmagny-L'Islet, un mot de conclusion à M. le maire de votre ville.

M. Normand: Je veux simplement rajouter là-dessus.

Le Président (M. Gobé): Je m'excuse, mais le temps alloué à ce côté-ci est maintenant terminé. Je vais devoir transférer de l'autre côté.

Je m'en excuse, mais il faut suivre, sinon on finirait à des heures impossibles. Il y a beaucoup de groupes qui passent. Vous savez, on a 274 groupes. Alors, M. le député, peut-être en conclusion rapide.

M. Gauvin: M. le Président, si vous me permettiez d'ajouter que tout l'effort qui est fait au niveau de la côte sud, plus précisément dans la région de Montmagny, M. le préfet l'a mentionné, on doit remercier les représentants du ministère des Affaires culturelles qui couvrent la région Chaudière-Appalaches de leur collaboration, parce que je pense que ça fait partie aussi de l'incitation qui permet aux gens de notre région de se développer. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Je dois maintenant passer la parole à M. le porte-parole de l'Opposition officielle en matière de culture, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le préfet, je pense que vous nous avez dit, en des termes simples mais très sentis, des choses fort intéressantes et j'ai un peu le sentiment que par votre voix, c'est probablement le Québec le plus authentique qui s'est exprimé. On parle de la France profonde, alors c'est le Québec profond qui s'est exprimé par votre voix.

M. le député de Montmagny-L'Islet a félicité les gens du ministère pour la région Chaudière-Appalaches, sauf que vous avez dit que, dans la chaudière qui se promenait dans Appalaches, il y avait moins d'argent que dans celle de la Côte-Nord, mais, ça, c'est une autre chose qu'on tentera de régler tantôt.

Quant à M. le maire de Montmagny, eh bien, sans référence biblique, si saint Paul a eu son chemin de Damas, M. Normand, vous avez eu votre chemin de Montréal, vous, là.

M. Normand: Je pense qu'il y a plus d'avenues, de liens directs là, actuellement.

M. Boulerice: Voilà. O.K. pour l'émondage, M. le maire, mais plus de rasage, parce que, là, je vais me fâcher pour de vrai.

Ceci dit, je dois quand même... On adopte un ton peut-être un peu badin là, mais il y a des choses sérieuses. Je dois quand même vous féliciter pour cette démarche que vous avez faite face au musée. Je pense que c'était une prospective drôlement intéressante d'aller voir un musée et d'essayer d'obtenir une espèce de parrainage en disant: Bon, toi, le grand musée, voudrais-tu jouer une espèce de grand frère pour nous qui, forcément, ne pouvons pas avoir un musée de cette taille-là à Montmagny? Je pense que c'était une initiative vraiment très heureuse que vous avez eue. Donc, les questions que je vais vous poser... Et j'avais le goût de vous faire une

dernière blague. Vous parlez tellement des arts visuels que Je suis en train de me demander, lorsque le ministre Côté va ouvrir sa galerie d'art, est-ce que c'est vous qui allez être directeur de sa galerie?

M. Normand: Non, mais je peux lui amener des artistes.

M. Boulerice: Vous pouvez lui amener des artistes, maintenant que vous avez fait le travail de prospection. Effectivement, l'exposition Rio-pelle attire beaucoup. Je pourrais même vous dire que - et je vous prie de me croire, c'est très sérieux - des amis britanniques à moi ont fait le détour pour aller à Montmagny durant la fin de semaine pour voir cette exposition, tellement elle est belle. Riopelle a une grande renommée en Europe, vous le savez.

Ceci étant dit, pour une région comme la vôtre, quelle est l'importance de ce qu'on appelle les écomusées où on présente vraiment la culture de la population? Et vous n'êtes pas sans savoir qu'on se languit d'attente pour une politique d'accréditation des écomusées. Il est reconnu que cette nouvelle forme de muséologie extrêmement importante, extrêmement dynamique contribue énormément, comme le disait M. le préfet, au développement touristique des régions comme la vôtre parce que ça attire.

M. Normand: Bien écoutez, si vous me permettez, on a actuellement, d'ailleurs, un projet conjointement avec l'OPDQ en ce qui a trait à un centre d'éducation et d'interprétation pour Grosse-Île et pour La Sauvagine à Montmagny, projet qui, en principe, devrait débuter aussitôt l'exposition Riopelle terminée. La culture, vous savez, c'est l'ouverture de l'esprit. M. le préfet a dit tantôt que c'était une rentabilité. C'est vrai, c'est une rentabilité intellectuelle, mais je crois que ce qui est important - et, personnellement, c'est ce que je visais quand on a accepté de faire l'exposition Riopelle - c'est de permettre à notre population d'avoir ce contact avec cette forme d'art qu'elle ne peut pas avoir autrement.

Les gens de Montmagny n'iront pas payer 10 $ au musée de Montréal à partir du 21 novembre pour aller voir Riopelle, alors qu'ils peuvent le voir cinq fois par jour chez nous gratuitement, actuellement. Et l'écomusée dont vous parlez, c'est vrai que c'est important, et je pense qu'il faut le faire sous forme d'éducation. Et on a d'ailleurs fait conjointement avec la commission scolaire de la Côte-du-Sud un cahier pédagogique pour l'exposition en cours, actuellement, Riopelle-Bourgault, cahier pédagogique qui est adresse aux professeurs et qui a été distribué dans toutes les écoles de la région et toutes les commissions scolaires du Québec. Et actuellement, les enfants circulent par autobus complets pour venir voir cette exposition avec explications de leur professeur et tout.

Et ce qu'on vise avec l'écomusée, actuellement, en ce qui concerne La Sauvagine et Grosse-Île, c'est absolument la même chose, c'est un centre d'éducation et d'interprétation. Et à l'intérieur de cet écomusée, on veut conserver une salle polyvalente où on pourra continuer, dans l'avenir, a avoir le type d'exposition qu'on présente actuellement. C'est à peu près la vision qu'on a actuellement en ce qui concerne les écomusées.

M. Boulerice: Vous avez réussi un défi qui est majeur, qui est un événement ponctuel, mais où il y aura des acquis à travers ce que vous avez fait avec votre commission scolaire primaire ou intégrée, je ne sais pas, là, peu importe. Donc, il y a des acquis à cette exposition-là. Vous êtes en train - et le mot est noble, il ne faut pas en avoir peur même si certains puristes font un peu le bec fin - de préparer une consommation culturelle auprès d'une jeune génération chez vous et je pense que cela est important. Je pense qu'il faut louer des initiatives comme celle-d.

Maintenant, vous avez entendu le discours précédemment. On demande aux municipalités de faire plus, aux MRC de faire plus, etc. Sauf que la situation est la même pour vous également à Montmagny: un camion s'est arrêté dans votre cour durant la nuit et vous a laissé sa charge sur votre terrain et, là, vous êtes pris avec ça. Vous êtes même obligé de payer vous-même la police pour garder le terrain. Financièrement, est-ce que vous pouvez consentir à plus actuellement?

M. Normand: Je pense que non. On ne pourra pas consentir plus sur le budget. La seule chose, c'est qu'il va falloir trouver des moyens Imaginatifs pour amener des revenus parce que, comme on l'a dit, c'est une rentabilité. Moi, je peux vous dire que, si cette exposition-là, avec le Carrefour mondial d'accordéon qui a eu lieu au début de septembre, n'avait pas été présentée à Montmagny cet automne, il y a des restaurants et des hôtels qui auraient dû fermer leurs portes cet hiver. Et actuellement, la manne que ceci a apportée permet justement cette rentabilité financière, mais, pour aller là, il faut avoir amené notre population à une ouverture d'esprit. Moi, je peux vous dire que le plus difficile dans tout ça, ça n'a pas été d'organiser l'exposition, ça a été de convaincre les citoyens que c'était rentable de l'organiser. C'est ça qui a été le plus difficile. Je pense que c'est l'éducation de nos régions qu'il faut faire. C'est ça qu'il faut viser et c'est pour ça que, moi, je reviens à la charge pour que le matériel didactique, le matériel muséologique qui existe actuellement, qui est là, au lieu qu'il dorme dans les caves des musées, soit disponible pour les régions. C'est un acquis qu'on a actuellement. Ça peut coûter quelques

frais, mais peut-être que les municipalités seraient prêtes à avoir des pièces d'importance à Gaspé, à Rivière-du-Loup ou à Chicoutimi pour les présenter à leur population. Payer les frais de transport, si ce n'est que ça. En tout cas, qu'il y ait un programme de cet ordre-là parce que, ce qu'il faut, c'est éduquer notre population.

Vous avez lu comme moi L'actualité où on fait référence qu'il y a 39,8 % de la population qui a déjà mis les pieds dans un musée au Québec. Alors, la population de Montmagny n'est pas différente du reste du Québec. Et je pense que c'est pareil un peu partout ailleurs. Et plus vous vous éloignez dans les régions, peut-être que le pourcentage baisse encore davantage.

M. Théberge nous disait l'autre jour qu'avec les 300 000 pieds de plancher qu'ifs auront avec leur nouveau musée ils envisagent 500 000 visiteurs annuellement, ce qui fait une moyenne d'environ 10 000 visiteurs par semaine. Moi, je considère que, pour un investissement comme celui-là, ce n'est pas beaucoup, parce que, toutes proportions gardées, on peut faire beaucoup mieux avec les moyens qu'on a chez nous, si on peut avoir accès aux richesses culturelles.

M. Boulerice: Si je vous comprends bien, M. Normand, vous demandez justement un partage de la richesse culturelle, mais partage de la richesse culturelle dans le sens de ce que l'on possède en termes de production.

M. Normand: Absolument. La collection de Maurice Duplessis, pourquoi elle n'Irait pas se promener à Chicoutimi ou en Abitibi?

M. Boulerice: Je serai un jour heureux de vous envoyer la collection Boulerice à Montmagny. Ah! il y a des Francine Beauvais très intéressants chez moi.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, votre collègue, le député de Mercier, ayant demandé la parole, il reste peut-être deux minutes, M. le député de Mercier, sur le temps du...

M. Godin: Mon collègue est trop, trop disert, il aime trop ça parler. Sans s'écouter, remarquez bien.

Le Président (M. Gobé): II est fort intéressant, remarquez bien. Je crois que tout le monde écoute d'une manière quasi religieuse les propos du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: J'ai un bon confrère comme voisin.

M. Godin: M. le Président, je veux demander au maire à quelle place se tient l'exposition Riopelle dans sa ville? Ça se tient où précisément?

M. Normand: Au Théâtre de l'oie blanche, sur le camping de l'oie, à travers les oies! (22 heures)

M. Godin: Autre question. Ma dernière, M. le Président, si vous permettez.

Le Président (M. Gobé): Oui, je vous en prie.

M. Godin: Le musée de... M. Normand: Grosse-Île.

M. Godin: ...Grosse-Île, oui, il y en a une partie qui est sur la terre ferme?

M. Normand: Oui.

M. Godin: Dans le parc. Quelle partie attire le plus de monde?

M. Normand: C'est-à-dire qu'actuellement il n'existe pas encore, le centre d'interprétation comme tel. On a quelques maquettes, actuellement, à montrer au public. Mais le centre d'interprétation comme tel serait sur la terre ferme et serait ce que j'appellerais une prémisse aux visiteurs qui veulent aller à Grosse-Île par la suite.

M. Godin: Est-ce qu'il y a des projets pour IHe aux Grues?

M. Normand: Oui, il y a des projets pour l'île aux Grues actuellement aussi, parce que l'archipel, qui s'appelle maintenant l'archipel de l'île aux Grues...

M. Godin: Comme par hasard.

M. Normand: ...est quand même situé dans la MRC de Montmagny.

M. Godin: Et le bateau s'appelle, lui, le Grues-des-îles, je pense?

M. Normand: C'est ça. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Mercier. D'ailleurs, M. le maire, je dois vous dire, et vous le savez sans doute, que votre député, le député de Montmagny-I'lslet, chaque année organise, pour les députés de l'Assemblée nationale, un voyage dans votre ville pour le Festival de l'oie blanche et je souhaite que, la prochaine fois, il nous amène visiter votre musée, en plus.

M. Normand: De toute façon, si vous venez le 24 octobre, vous pourrez en même temps visiter l'exposition, parce que ça se termine le

27 octobre.

Le Président (M. Gobé): Alors, à ce moment-là, II pourra en faire la promotion auprès des autres collègues. Ça nous fera plaisir d'y aller.

M. Normand: Le festival ouvre demain soir.

Le Président (M. Gobé): Vous savez, pour des Montréalais comme nous, recevoir son invitation est toujours un plaisir. Ça nous permet de découvrir des régions avec un bon guide, comme votre député, et de vous rencontrer vous et d'autres personnes, d'ailleurs.

M. Normand: Ça me fera plaisir.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: Alors, comme il est de tradition quand nos députés sont là, la conversation se fait à plusieurs. On voudrait d'ailleurs vous remercier d'avoir été ici. Je répète que cette exposition Riopelle-Bourgault est quand même un modèle en termes de partenariat entre la MRC, la ville, le ministère et l'artiste. Et ce sont des expériences aussi à continuer et à multiplier. Revenir aussi un peu en faisant remarquer malheureusement que, sur la rive nord, nous avons Québec, et Québec est tout de même ville-patrimoine mondial, et que, pour les 16 000 000 $, évidemment il y a toute l'entente MAC-villes, alors c'est sûr que ça débalance un peu quand on parle au niveau des proportions. Mais, chose certaine, c'est que je pense que nous sommes actifs dans votre région et nous allons continuer à l'être et à vous soutenir dans vos projets. Merci, M. le maire. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre, M. le préfet, M. le maire, MM. les collaborateurs. M. le préfet, vous avez un dernier mot à nous dire?

M. Dumas: Question additionnelle à Mme la ministre. Mol, j'aimerais profiter de l'occasion pour dire au gouvernement, s'il a envie de mettre la direction culturelle de Chaudière-Appalaches sur la rive sud, qu'il se rappelle que Montmagny serait peut-être un site à privilégier.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Le message est entendu. Vous voulez dire quelque chose, M. le député de...

M. Boulerice: Oui, je voulais saluer M. le préfet. Je voulais saluer M. le maire de Montmagny - à partir du vieil adage "qui bene amat, bene castigat", "qui aime bien, châtie bien", c'est un événement historique: on aura assisté à la réhabilitation culturelle du maire de Montmagny, pour un langage un peu maoïste - et remercier également M. Racine et M. Létourneau. Non, vous nous avez quand même appris quelque chose: oui, il faut des sous, il faudra toujours beaucoup plus de sous pour la culture. Mais ce qui est intéressant, c'est de voir le foisonnement des idées. Je pense que les gens de Chaudière-Appalaches nous ont donné une belle illustration de ce que c'est le potentiel créateur. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. Merci, messieurs. Ceci met fin à votre audition. Elle a été fort intéressante et on vous remercie d'être venus, au nom des membres de toute cette commission.

J'inviterais maintenant le groupe suivant, soit les représentants du groupe Arrimage, à bien vouloir se présenter en avant.

Mesdames et messieurs, si vous voulez bien prendre place autour de la table. La commission de la culture va maintenant reprendre ses travaux et je demanderais aux représentants du groupe Arrimage de bien vouloir s'installer. Bien, je vais vous présenter: M. François Turbide, président. C'est exact? Bonsoir, M. Turbide. M. Claude Richard, vice-président.

M. Richard (Claude): Oui.

Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M. Richard. Alors, vous pouvez maintenant commencer votre présentation. Par la suite, les représentants du groupe ministériel interviendront et seront suivis du représentant de l'Opposition officielle. Alors, vous avez la parole.

Arrimage

M. Turbide (François): Bon. D'abord, je vais nous présenter. C'est qu'on est président et vice-président, mais je voudrais mentionner qu'Arrimage est une corporation qui est formée principalement de membres bénévoles; donc on travaille à temps plein sur... Claude Richard est à l'association touristique, directeur de la promotion et, moi, je suis un artisan, un souffleur de verre aux Îles-de-la-Madeleine et je m'occupe d'Arrimage, mais comme ça. On a une permanente qui s'occupe à demi-temps des affaires d'Arrimage mais qui n'est pas là parce que, évidemment, on n'a pas suffisamment de budget pour amener plus de monde qu'il n'en faut ici et qu'on essaie de profiter des occasions pour venir siéger à des conseils comme celui-ci.

Donc, pour présenter Arrimage un peu, on s'occupe de développement culturel en remplacement d'une corporation qui était rattachée à la MRC depuis 10 ans. C'est composé principalement des intéressés, c'est-à-dire des producteurs et des diffuseurs, des promoteurs et des artistes, des individus ou des organismes qui sont direc-

tement impliqués dans la vie culturelle de chez nous. Ça donne un outil qui est un peu plus représentatif des différents secteurs d'activité culturelle aux Îles-de-la-Madeleine. Arrimage se veut aussi un lieu de rassemblement et de concertation pour les artistes, les organismes, les intervenants du milieu. Actuellement, on compte 130 membres cotisants.

Les objectifs et les mandats qu'on poursuit sont de rassembler et de concerter les artistes, d'établir un programme de développement culturel aux Îles-de-la-Madeleine en collaboration avec ces gens-là, d'assurer avec les organismes et les intervenants concernés une planification des activités culturelles sur l'ensemble du territoire, d'agir à titre d'organisme-ressource du milieu et puis de s'occuper de promotion, de diffusion par la publication de tous genres de documents, revues, livres ou périodiques qui peuvent intéresser nos membres. En plus d'avoir mis sur pied un bureau qui peut offrir une permanence à mi-temps, on offre aussi un soutien ponctuel aux intervenants culturels.

Et Arrimage, malgré sa courte existence, a réalisé quand même la publication d'un répertoire général des ressources culturelles, humaines et autres du territoire. On a installé un lieu permanent d'exposition à l'aérogare chez nous pour permettre aux créateurs et aux créatrices en arts visuels de faire connaître leurs oeuvres. On a vu à la production et à la diffusion d'un calendrier de programmation culturelle pour l'été, parce qu'il vient beaucoup de monde, de façon à faire la promotion de tout ce qui se fait comme spectacles, expositions, toute activité, disons, à caractère artistique ou culturel chez nous. Ça a été tiré à 7500 exemplaires. En plus, on a établi un kiosque d'information là-dessus avec une billetterie pour l'ensemble des Îles-de-la-Madeleine.

On publie mensuellement un bulletin de liaison qu'on appelle Voyons Voir et, depuis peu, il y a un concours d'exposition en arts visuels au bureau du député, M. Farrah, qui est doté d'une bourse de 2000 $ qui est partagée entre quatre personnes qui exposent alternativement trois mois chacune sur un an. Et, en plus, on tient, de temps à autre, des ateliers de formation et d'information pour nos membres.

Ce sont là, certes, des réalisations dont la corporation est fière, mais ça représente peu de chose en regard des efforts qu'il reste à faire pour supporter efficacement la production artistique et développer l'expression de la culture chez nous, favoriser la créativité, accroître le rayonnement des artistes, tant ici qu'à l'extérieur, et offrir au public des produits de consommation culturelle auxquels il a droit.

Chaque année, on reçoit 25 000 $ du ministère des Affaires culturelles pour fonctionner comme corporation, qui vont majoritairement pour assurer la permanence. La MRC des Îles-de-la-Madeleine nous supporte aussi en nous don- nant une subvention, enfin une participation financière de l'ordre de 3000 $, plus des services de secrétariat, etc., photocopies, téléphones et bureaux qui ont aussi une valeur de 3000 $.

Avant de nous lancer dans des dossiers qu'on sait exigeants et qui nous prendraient du temps, on aimerait définir avec le ministère quels sont exactement nos mandats, nos modes de financement, ainsi que les partenaires avec lesquels on va devoir travailler dans la perspective de l'application d'une nouvelle politique culturelle et des arts au Québec.

Pour ce qui est de la proposition Arpin, en somme, on partage les finalités de la politique qui est proposée, c'est-à-dire que, bon, on est d'accord avec les grands objectifs, comme développer le domaine des arts et de la culture. À ce chapitre, on appuie la recommandation qui vise à favoriser la création et à situer le créateur, l'artiste et sa démarche créatrice comme la pierre angulaire des arts et de la culture au Québec. On veux rappeler cependant que les conditions de la recherche et de la pratique artistique au Québec ne sont pas les mêmes dans les grands centres qu'en région. La proposition est souvent peu précise sur ce plan-là et les recommandations pour favoriser la création partout sur le territoire québécois ne sont également pas très précises. On se demande s'il y aurait des mesures concrètes pour rendre viable la pratique artistique chez nous. Plusieurs recommandations visent à assurer la stabilité et l'épanouissement des organismes culturels. Les recommandations touchant la restauration, les assises budgétaires, les organismes de création et de diffusion, qui sont les recommandations 8, 9, 10, 11 et 14, devraient également s'appliquer aux organismes qui ont aussi des mandats de concertation multidisciplinaires, particulièrement en région éloignée. Il en va de la survie de la vitalité culturelle dans les régions où ces regroupements sont essentiels pour pouvoir assurer le développement de l'activité culturelle et artistique.

Pour ce qui est de favoriser l'accès à la vie culturelle, les propositions 48 à 52 sont plus spécifiques à ce que le rapport Arpin appelle l'ensemble régional; cette expression, quant à nous, nous laisse songeurs. Elle laisse entendre que tout le Québec, à l'exception des deux grands centres urbains, serait un ensemble régional uniforme. Est-ce qu'il n'y a pas de la disparité régionale en matière de culture? Une politique de la culture et des arts ne devrait-elle pas proposer des solutions concrètes pour atténuer les disparités qui existent? Il y a des dangers certains à voir presque tout le Québec comme une grande région.

Dans la culture comme dans les autres domaines, ce que l'on peut faire est en grande partie déterminé par l'argent qu'on y consacre. C'est essentiel que la culture soit traitée au pair de l'économie et du social à la table des grandes

décisions qui modèlent le Québec. Quoiqu'elle ne donne pas véritablement d'indications sur le repositionnement budgétaire de la culture par rapport aux autres priorités gouvernementales, la proposition, dans sa recommandation 99, énonce deux mesures concrètes par lesquelles la TVQ pourrait servir à soutenir la culture.

Mais pour ce qui est de la contribution du secteur privé et des individus au maintien de ce haut standard professionnel qu'exigent les Québécois, elle ne va guère au-delà des incitations et des encouragements en suggérant des avantages fiscaux pour les mécènes. Nous appuyons cependant le fait d'étendre au secteur privé la politique du 1 % actuellement appliquée aux édifices du secteur public, soit sous forme de commandes, lors d'importantes constructions, de locations d'oeuvres d'art ou de présentation d'événements artistiques, afin d'intégrer la culture au monde du travail. Étant donné l'inévitable corrélation entre le financement et l'autonomie, il nous paraît important, surtout dans l'éventualité d'un rapatriement de toutes les compétences culturelles au Québec, que l'autonomie non seulement des régions, mais aussi des diverses instances du ministère soit rigoureusement garantie, et ce, afin de ne pas sombrer dans une centralisation excessive. Il faut garantir l'autonomie des organismes régionaux de concertation comme le nôtre. (22 h 15)

La proposition nous apparaît peu précise sur le partage des juridictions en matière de gestion de la culture. Elle fait état de partenariat, d'association du ministère avec le milieu municipal, de partage des tâches entre les CRC et d'autres intervenants régionaux. Peut-être y a-t-il lieu de redéfinir les rôles et mandats de certains organismes. Toutefois, il nous apparaît indéniable que la nouvelle politique culturelle doit reconnaître le rôle essentiel des organismes régionaux de concertation qui s'occupent de développement culturel sur le territoire.

Si nous partageons les grands objectifs de la proposition de politique de la culture et des arts, nous décelons cependant une lacune majeure dans l'analyse de la problématique culturelle québécoise: la réalité régionale. Considérer l'ensemble du territoire du Québec comme une seule grande région, c'est oublier la diversité culturelle de chacune des régions.

Notre expérience aux Îles-de-la-Madeleine, et nous sommes persuadés de ne pas être la seule région à vivre ces situations, nous démontre qu'il demeure encore bien des choses à accomplir pour qu'un accès à la vie culturelle non pas équitable, par rapport aux métropoles, mais décent nous soit acquis. Il ne s'agit pas de faire venir chez nous les 80 camions-remorques d'une production comme "Le Fantôme de l'Opéra", mais d'un strict minimum.

Côté médiatique, les réseaux de télévision commerciale - TVA, Quatre-Saisons et autres - et même notre télévision d'État - Radio-Québec - ne nous sont accessibles que par le câble, c'est-à-dire qu'on doit payer pour recevoir ces services qui, autrement, sont gratuits presque partout ailleurs.

Côté événements culturels, outre la période estivale où une abondance de spectacles sont présentés - il y en avait 70 pour les 2 mois de la saison! - il n'en est présenté aucun les 10 autres mois de l'année ou, enfin, très peu. La faute est imputable à nombre de facteurs, dont l'absence de salles de spectacles adéquates, mais surtout au coût excessif du transport. Il est frustrant pour les Madelinots désireux d'entretenir une vie culturelle participative de voir les productions québécoises effectuer des tournées en Acadie, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse ou île-du-Prince-Édouard, et souvent grâce à des octrois du MAC, et ne jamais faire escale chez nous.

On nous dira que ces problèmes trouvent réponse dans les recommandations 48 à 52 de la proposition. Soit, mais nous trouvons qu'elles y répondent de façon vague. Concrètement, il faudrait que soient déterminées avec les régions éloignées, au prorata de leur population sans doute, des modalités de subvention au transport qui leur permettraient d'avoir accès à un certain nombre de représentations artistiques par année, en dehors de la saison touristique.

Enfin, le rapport Arpin nous signale la façon dont sont réparties les dépenses publiques au titre des arts et de la culture dans divers pays européens où la participation financière régionale et municipale semble infiniment plus importante que chez nous et les arts aussi mieux se porter, mais la structure démographique et municipale de ces pays ressemble si peu à la nôtre, avec le quart des municipalités comptant moins de 1000 habitants, qu'aucune comparaison n'est possible. Ce qui ressort du tableau, par contre, c'est que la gestion des arts et de la culture revient, dans presque tous les pays, aux instances régionales et municipales dans une proportion excédant 50 %, sauf en Italie, où c'est 48 %. C'est peut-être un modèle décisionnel dont on pourrait s'inspirer. Notre expérience, toute-fols, nous démontre qu'il y a beaucoup à faire dans le monde municipal pour qu'on se sente tributaire d'une réelle responsabilité culturelle. Arrimage souscrit à cette orientation, mais croit que le partage devrait se faire graduellement, si on veut vraiment supporter la vitalité de la culture dans les régions.

Nous souhaitons également que la nouvelle politique culturelle du Québec fasse plus de cas des régions, qui sont trop souvent considérées comme de simples réceptacles de la production culturelle des grands centres, et cela, sans nier que les grands pôles culturels, comme New York, Paris, Montréal ou Québec, sont nécessaires à l'épanouissement et au rayonnement de la culture.

En tant que consommateurs de produits culturels, il est essentiel que les Madelinots soient dotés au plus tôt des équipements nécessaires à la présentation de ces produits, comme une salle de spectacles ou des salles d'exposition. Cela s'inscrit à l'intérieur de l'objectif de rendre la culture accessible à l'ensemble des Québécois énoncé dans la proposition.

Mais nous ne devons pas être perçus uniquement comme des consommateurs de culture. Il existe, dans notre archipel, un noyau de créateurs de compétence reconnue, certains internationalement. Leur discours s'inspire de leur environnement propre. Qu'ils soient confrontés aux autres discours artistiques nous apparaît aussi important au bouillonnement nécessaire à la richesse culturelle que la confrontation qui existe dans les grands centres entre les divers mouvements, regroupements, écoles, tendances ou chapelles auxquels s'identifient les créateurs de la ville.

Il s'agit donc de reconsidérer la polarité grands centres versus régions en faveur de ces dernières, d'abord en favorisant la création, en la soutenant, en voyant à l'éducation et au perfectionnement des artistes et des artisans, notamment en rendant les compétences professionnelles accessibles dans les régions et en procurant aux créateurs les outils indispensables à leur créativité. À cet égard, celui de la consommation culturelle aussi, la mise sur pied d'une maison de la culture dans l'archipel pourrait être une heureuse initiative. Ensuite, il faudrait favoriser le rayonnement des productions culturelles locales vers d'autres régions du Québec, les grands centres et le marché international, ce qui aurait des répercussions sur les autres secteurs d'activité dans les régions, si chroniquement accablées des symptômes du sous-développement et de son inévitable corollaire, la stagnation économique.

Pour cela, il convient que la politique culturelle du Québec se fonde sur l'autonomie des régions, un peu à la manière dont cela s'est avéré un succès dans le secteur du tourisme, car autant chaque région offre des paysages et des produits touristiques différents, autant leur spécificité culturelle diffère en dépit des découpages administratifs du gouvernement.

Nous souhaitons donc que les regroupements culturels régionaux soient considérés comme des intervenants privilégiés dans leur domaine, de la même façon dont le sont les associations touristiques régionales, et qu'ils jouissent d'un financement adéquat sur une base triennale afin de mener à bien leur mission. Nous considérons qu'en raison de la spécificité indéniable des Îles-de-la-Madeleine nous constituons une région culturelle autonome du Québec et nous souhaitons être représentés comme telle dans les organismes de concertation financés. Voilà.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, monsieur. Et je vais maintenant demander le consentement en vertu de l'article^ 132 afin que notre collègue, le député des Îles-de-la-Madeleine, puisse intervenir, vu qu'il est votre député régional.

M. Boulerice: Je vais en délibérer avec mon collègue. Ha, ha, ha! Non, je pense qu'on comprend la fierté légitime de notre collègue des Iles-de-la-Madeleine. Alors consentement, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): M. le député des Îles-de-la-Madeleine, vous avez maintenant la parole.

M. Farrah: Merci, M. le Président, et merci, cher collègue, pour ce droit de parole. Dans un premier temps, je veux féliciter et souhaiter la plus cordiale des bienvenues à l'Assemblée nationale à deux personnes qui viennent de mon coin, de chez nous, soit Claude Richard et François Turbide, et leur exprimer toute ma gratitude pour l'excellence de leur travail au sein de la communauté, dis-je, culturelle, dans le sens large du terme, aux Îles-de-la-Madeleine. Je pense qu'aux îles c'est l'instinct de survie, souvent. On est sur une He, donc provenant, d'antécédences, des gens de la mer, alors c'est peut-être le premier réflexe qu'on a devant nous.

Et je peux vous dire qu'au niveau de la culture, c'est la même chose, dans le sens que, lorsque la MRC s'est dégagée un peu de sa mission culturelle... quoiqu'elle collabore quand même avec Arrimage, mais elle l'a quand même délaissée dans le passé. Et nous, aux îles, grâce à Arrimage, on n'a pas attendu non plus une intervention ponctuelle du ministère, en souhaitant un bureau local chez nous ou en souhaitant un fonctionnaire aux îles pour défendre le milieu culturel. Il y a eu une prise en main du milieu et je pense que c'est un signe, quand même, de prise en main des gens et que c'est un signe, aussi, de la fierté qu'on a au niveau de la culture, chez nous.

Et je pense qu'on fait un peu bande à part dans ce sens-là, et c'est la question qui va suivre. Compte tenu des priorités budgétaires auxquelles on doit faire face, difficultés financières, aussi, au sein du gouvernement, des municipalités, peu importe quel palier... Moi, j'ai une réflexion qui... Je n'ai pas assisté, ici, aux débats de la commission de la culture sur le rapport Arpin, malheureusement, en tout temps. Je me demande s'il y a eu une réflexion en ce qui concerne les structures, dans le sens suivant. L'interrogation que je me pose, c'est: Est-ce que ça vaut la peine d'investir dans les structures, compte tenu des besoins financiers qu'on a en ce qui concerne la diffusion de la culture, notamment?

Et je m'explique. Il y a une grosse rivalité ou, en tout cas, les gens de Gaspé veulent un

bureau régional. Je pense que c'est légitime comme demande, ça peut être louable. Mais, dans les circonstances actuelles, je me demande si ça devrait être la priorité du ministère d'investir dans une structure et non pas d'investir dans le produit culturel comme tel, au niveau des artistes comme tels. Alors ma question est la suivante au groupe Arrimage. Vous avez fait aussi allusion aux ATR, à ce qui se passe au niveau du ministère du Tourisme. Comme vous savez, au ministère du Tourisme, il n'y a pas de direction régionale, alors ce sont les ATR qui font en sorte d'être les interlocuteurs privilégiés du ministère. Je pense que c'est très efficace et à moindre coût, également, qu'une grosse structure de bureaux, de fonctionnaires, etc.

Et le but des Affaires culturelles, non plus, n'est pas de créer des jobs au niveau des fonctionnaires, mais je pense que c'est de créer des emplois, mais par le biais des produits culturels. Alors, j'aimerais vous entendre à ce sujet-là. Qu'est-ce que vous voulez vraiment dire par là? Est-ce que le fait d'en arriver à un genre de politique régionale de la culture par l'entremise, peut-être, de groupes comme vous ou des ATR, ça pourrait faire en sorte d'être aussi efficace que la structure qu'on connaît actuellement, et ce, à moindre coût pour évidemment donner plus d'argent au niveau de la culture comme telle?

M. Turbide: On a suggéré que le ministère, peut-être, s'inspire du fonctionnement des régions, du fonctionnement du ministère du Tourisme pour administrer les régions dans le sens suivant, c'est que, dans le tourisme, il y a des régions qui sont reconnues, qui correspondent à un produit touristique assez bien délimité, assez précis, et il y a une association locale qui existe. Chaque association a une subvention de base qui est la même dans toute la province et, après ça, le ministère du Tourisme va subventionner, dans une deuxième mesure, en fonction de ce que l'association peut aller chercher comme financement dans le milieu. Donc, si on va chercher 1 $, le ministère donne 1 $, ce qui fait que, par exemple, dans la région de Montréal, étant donné qu'il y a plus d'intervenants, ils vont aller chercher plus d'argent comme membres, évidemment, et qu'ils vont recevoir plus du ministère. Là-dessus, peut-être que M. Richard pourrait plus vous expliquer comment ça fonctionne. Bien, il nous semblait que ça pouvait être une façon peut-être élégante d'administrer, mais il faudrait peut-être aussi que le découpage régional corresponde à des bassins culturels, entre parenthèses, qui soient assez... qui correspondent vraiment à une culture précise. Comme nous autres, dans notre cas... Je ne sais pas, la Gaspésie, elle a peut-être raison de faire sa demande aussi, mais, en tout cas, II me semblait que ça pouvait être un modèle à suivre.

M. Farrah: Si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Allez-y, M. le député, vous avez la parole.

M. Farrah: Est-ce que vous pensez que l'ajout d'un bureau local ou régional à Gaspé peut faire en sorte d'améliorer la situation culturelle, entre guillemets, dans la région?

M. Turbide: Dans notre cas, c'est évident que non, surtout si... Moi, ce qu'on m'a dit, c'est que, par exemple, Rimouski est une direction régionale puis que la Gaspésie devient un bureau de la direction, et puis que les Îles-de-la-Madeleine, c'était comme la troisième étape en arrière. D'une part, ça ne nous intéresse pas. Peut-être qu'on a été gâtés un peu parce qu'on a vécu une situation un peu particulière dans toute la province, c'est-à-dire qu'on était la seule région qui bénéficiait d'une subvention plus directe et puis qu'on avait une personne qui était engagée, qui travaillait avec la MRC chez nous, mais on ne dépendait pas directement de la région. C'est-à-dire qu'on dépendait de la région mais, enfin, on avait quelqu'un qui s'occupait chez nous des développements culturels. Alors, c'est évident que, pour nous, s'il faut passer par Gaspé pour aller à Rimouski, puis venir à Québec après, ça ne nous intéresse pas. Maintenant, je pense que ça, c'étaient des rumeurs. J'espère que ce n'est que des rumeurs. Il faudrait voir aussi si, à la lumière de tout ce qui s'est passé à la commission ici, le ministère va prendre des décisions quant à la façon dont il va gérer la culture à l'avenir. Ça, je ne le sais pas. Peut-être que la ministre pourrait répondre à la question.

M. Farrah: Un mot juste en terminant...

Le Président (M. Gobé): C'est vous qui avez la parole. Je vous avertirai quand votre temps sera fini.

M. Farrah: Non, ça va, parce qu'on veut entendre la ministre également. Peut-être en terminant remercier le groupe Arrimage pour leur présentation. Je pense qu'elle était tout à fait justifiée, d'une part. Deuxièmement aussi, je voudrais peut-être juste m'arrêter quelques instants sur... Lors de leur présentation, ils ont fait mention qu'au bureau du député, chez nous, on a une exposition visuelle d'artistes des îles. Alors, la façon dont ça a fonctionné: j'ai pris mon budget discrétionnaire, j'ai donné une subvention à Arrimage qui eux, par la suite, ont formé un jury; on a choisi quatre gagnants, de façon très objective de la part d'Arrimage, et les quatre gagnants exposent chez nous durant un an. Alors, c'est quatre mois chacun.

M. Boulerice: J'ai commencé ça en 1986.

M. Farrah: Non, mais c'est que le bureau de comté, quand même, ça appartient à tout le monde. C'est un bureau gouvernemental. Alors, ça rend la culture, en tout cas, visuelle, dans ce sens-là, beaucoup accessible aux gens, et on va devenir un petit, un mini-musée, chez nous. J'invite les collègues à aller de l'avant dans ce sens-là parce que ça fait en sorte quand même que notre bureau appartient à tout le monde, que tout le monde vient le voir. Alors, je remercie Arrimage pour leur collaboration dans ce dossier-là particulièrement.

Le Président (M. Gobé): On voit bien là votre implication dans les arts, M. le député. C'est bien, c'est une excellente initiative. Je pense que ça vaut la peine d'encourager des artistes locaux à l'occasion. Mme la ministre, il reste quelques minutes. Oui.

Mme Frulla-Hébert: Rapidement, en réponse. Le bureau régional ou la direction régionale qui va s'implanter en Gaspésie, c'est tout simplement en fonction des demandes - et on l'a vu d'ailleurs par le groupe avant - d'avoir justement une présence en Gaspésie, d'une part. Deuxièmement, quand un bureau régional se forme, ce n'est pas d'ajouter une structure pour une structure; habituellement, ce sont des gens que l'on déplace puisque, au moment où on se parle, on se gère avec 9,7 % du budget versus 13 % qui est normal dans les autres ministères et 11 % et 12 % dans l'industrie privée. Alors, ce n'est pas parce qu'on abuse en termes de structures. Mais, à féliciter, par contre, l'initiative du milieu et, là-dessus, on a participé justement parce qu'on essaie finalement de s'adapter à des cas particuliers et on va essayer de s'adapter encore plus parce qu'on nous dit aussi régulièrement que - et de là ma question - les normes qui sont nationales, qui sont là pour nos programmes, les normes ne s'appliquent pas ou s'appliquent difficilement bien souvent à des conditions spécifiques, c'est-à-dire qu'on a des normes pour le Québec et que, quand on arrive dans des milieux un peu particuliers, bien là, c'est quand même plus difficile et les milieux en sont pénalisés. Est-ce que vous sentez ça un peu chez vous ou... (22 h 30)

M. Turbide: Bien, disons que peut-être dans ce cas-là particulièrement, dans le cas de la subvention qu'on reçoit ou, enfin, de la façon dont ça a fonctionné chez nous, on ne s'est peut-être pas senti pénalisés, c'est-à-dire que, moi, je ne voudrais pas qu'on embarque dans une structure qui fasse que, par exemple, la Gaspésie qui, je pense, revendique à bon droit d'avoir une structure, comme nous autres on le fait chez nous, bien qu'on soit obligés d'embarquer dans celle de la région de la Gaspésie supposément parce qu'on fait partie de la région Gaspésie-Les Iles. Là, je pense que je me sentirais pénalisé. Par contre, je pense qu'on peut travailler ensemble. Ça ne veut pas dire qu'on ne veut pas collaborer avec Gaspé là, mais je pense qu'on veut être certains qu'on ne perde pas au moins les avantages qu'on avait. Puis, on est aussi d'avis que les Îles-de-la-Madeleine représentent peut-être une portion de la région qui a une spécificité, ne serait-ce que l'insularité, nos racines acadiennes puis le fait que, bon, on appartient au Québec, finalement, qu'on est Québécois, si on veut, culturellement parlant, depuis peu. Ça a fait un ensemble chez nous, je pense, qu'on peut qualifier d'original. Et on peut peut-être aussi, je pense, travailler avec les Gaspésiens pour faire en sorte que le modèle qu'on a chez nous soit applicable chez eux à une échelle différente. Je ne sais pas, ils peuvent peut-être diviser la Gaspésie en régions culturelles aussi spécifiques que chez nous et puis appliquer le modèle qu'on a chez nous, puis on marchera de même en région après.

Mais, pour le reste, je pense qu'il faudrait voir, je ne sais pas, après ça, en proportion des budgets qui se donnent ailleurs et puis de ce à quoi on a droit chez nous, si Arrimage peut être considéré et reconnu par le ministère. C'est un peu ça qu'on voulait jusqu'à maintenant, que la région ou Arrimage soit reconnu, et que, de ce fait, la reconnaissance amène une certaine sécurité financière, puis qu'on puisse travailler à l'aise, puis là peut-être s'attaquer à des dossiers à long terme. Nous autres, c'est à peu près ça notre...

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie. C'est là malheureusement tout le temps qui était alloué. Je devrai maintenant passer la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le député, vous avez la parole.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Si M. Turbide et M. Richard me le permettent, je vais quand^ même offrir mes félicitations au député des Îles-de-la-Madeleine pour avoir organisé ce concours d'arts visuels et lui dire que je trouve extrêmement rassurant pour moi de voir qu'il fait des expositions dans son bureau. J'ai commencé cela au tout début de l'année 1986, en me demandant si je serais imité. L'exemple est peut-être venu de loin géographiquement, mais il est là de façon éclatante. Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, continuez.

M. Farrah: Ça, c'est des fleurs.

M. Boulerice: Oui, c'est des fleurs. M. Turbide, M. Richard, bon, des commentaires. Premièrement, je vous avoue, à mon grand étonnement - c'est vrai qu'on ne peut pas tout savoir, sous prétexte qu'on est député là - apprendre que les réseaux, tels que TVA, Quatre-

Saisons et, vous avez raison d'insister, notre télévision d'État, ne sont accessibles que par câble, c'est-à-dire que vous devez payer pour recevoir ces services qui sont gratuits partout ailleurs. Je dois dire que je trouve personnellement cette situation-là scandaleuse. Je pense que le message devra porter haut et comptez sur nous pour le répéter. J'ai bien l'impression, au-delà des lignes partisanes qu'un Parlement a et se doit d'avoir - parce que c'est ça les fondements de la démocratie - que le député des Îles-de-la-Madeleine s'associera à toute action visant à corriger cette situation.

Maintenant, une assertion. Vous dites: "Nous considérons qu'en raison de la spécifité indéniable des Iles-de-la-Madeleine, nous constituons une région culturelle autonome du Québec, et nous souhaitons être représentés comme telle dans les organismes de concertation financés." Je pense que oui. Il faut se rendre à l'évidence, il y a une situation géographique tout à fait particulière. D'ailleurs, on pourrait, dans votre cas, faire cette bonne vieille blague du journal britannique qui, lors d'une tempête sur la Manche, avait titré "Le continent isolé". Lorsqu'il y a une tempête dans le golfe, le journal des Iles devrait dire "Le Québec isolé des Îles-de-la-Madeleine".

Mais, au-delà de ce trait d'humour, je pense que les îles sont aussi distinctes, si vous voulez, de la terre ferme, pour employer l'expression, que le Québec se dit distinct du Canada. Je pense que, peu importe la portée du mot, il doit y avoir une reconnaissance d'un statut distinct dans le cas des îles ou de l'insularité, donc des centaines de kilomètres à faire, et aussi le développement d'une culture, d'une authenticité qu'on ne peut pas dénier. Votre dernier considérant reçoit de notre part un appui sans réserve.

Maintenant, vous dites: "Mais nous ne devons pas être perçus uniquement comme consommateurs de culture." Bon, c'est un fait que vous êtes producteurs; vous l'êtes de façon éloquente. Sauf que le drame, c'est que la diffusion de vos produits culturels, de vos oeuvres plutôt, de vos productions, dépendant qu'il s'agit d'objets ou de manifestations, malheureusement, le côté médiatique ne nous les fait pas connaître suffisamment, ce qui est, à un certain point de vue, regrettable. Il y a peut-être un correctif au niveau des médias. Si jamais on reprenait une régionalisation de la télévision d'État, je pense qu'il devrait y avoir nécessairement une antenne aux Îles-de-la-Madeleine, pour reprendre ce que je disais tantôt, ce statut tout à fait particulier que vous avez.

Maintenant, là où le bât blesse... et vous l'avez dit, vous avez dit: On est réalistes. On ne demande pas d'avoir les 20 camions-remorques du "Fantôme de l'Opéra". Entre parenthèses, je l'ai vu à Londres, puis... Non, c'était à Toronto, mais en tout cas. Ceci dit, la salle de spectacles adéquate dont vous parlez est une salle, forcément, qui se devrait d'être polyvalente, c'est-à-dire qu'elle devrait être capable d'accueillir de la musique, qu'elle devrait être capable d'accueillir du théâtre, qu'elle devrait être capable d'accueillir de la danse. C'est une salle de combien de places qui vous est nécessaire?

M. Turbide: Ça pourrait être, je ne sais pas, de 300 à 400, là-dedans. Disons que les études qui ont été faites jusqu'à maintenant ont été à peu près de cette taille-là. Mais ce n'est pas nécessaire de construire non plus... En fait, il faudrait peut-être aménager un espace qui contienne à peu près ce nombre de sièges, mais surtout avoir un espace scénique qui permette d'avoir des productions comme celles que le continent pourrait exporter chez nous, admettons.

Disons que c'est un vieux dossier chez nous et puis on le ramène ici à l'occasion de cette consultation, mais on se débrouille quand même avec les moyens qu'on a. Puis je trouve que, compte tenu de l'équipement qu'on a chez nous, il y a une vivacité, une production qui est assez phénoménale, surtout l'été.

M. Boulerice: Oui, c'est vrai que, l'été, il y a un afflux touristique extrêmement fort chez vous.

M. Turbide: Oui.

M. Boulerice: Les îles, c'est presque mythique. Je ne veux pas être flatteur, mais, dans l'esprit des gens, les îles, c'est les couleurs, c'est la plage, etc. Mais est-ce que je vous ai compris? Vous m'avez dit qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'en construire une nouvelle, mais d'aménager quelque chose qui existe déjà?

M. Turbide: C'est-à-dire que, moi, j'ai déjà participé à une étude parce que, il y a un certain temps - j'étais là - on avait étudié différentes possibilités, dont l'aménagement d'un auditorium qui existe déjà à l'école. Je pense, puisqu'on parie de budget, que c'est évident qu'on n'a jamais les sous pour faire des infrastructures partout, mais peut-être que, des fois, il suffit d'avoir un peu d'Imagination et que le ministère de l'Éducation collabore avec le ministère des Affaires culturelles pour être en mesure de donner un service. Là, on se chicane à savoir qui va avoir la responsabilité d'engager le concierge et de faire le ménage après, mais, ça, peut-être qu'on pourrait passer par-dessus ça puis se dire que, s'il y a une infrastructure quelque part, on peut l'aménager. En autant qu'on s'entende, disons, sur la finalité de l'édifice puis sur son utilisation polyvalente, on peut arriver, je pense... avec la construction maintenant, on est capables de réparer, d'agrandir et d'aménager des salles avec des espaces qui sont valables pour des productions qui pourraient

éventuellement venir chez nous et avec une capacité qui serait conséquente. Je pense en tout cas que c'est faisable. C'est une question de sous, mais disons que c'est peut-être une des caractéristiques ou, enfin, une des possibilités; lorsqu'une association ou une corporation comme Arrimage existe dans une région, on peut peut-être discuter de problèmes comme ça et, à un moment donné, faire des suggestions que, je ne sais pas, le ministère des Affaires culturelles voit plus difficilement ou qu'un bureau régional a peut-être de la difficulté à concevoir. On peut arriver à trouver des solutions ingénieuses. Parce qu'on est pris avec des considérations budgétaires, je pense qu'on peut se sortir du pétrin comme ça. C'est une suggestion que je fais.

Le Président (M. Gobé): En conclusion, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: En conclusion, je dirai à M. Turbide et à M. Richard que, oui, ils ont raison. C'est vraiment frustrant pour les Madelinots d'avoir effectivement des productions québécoises pour lesquelles on donne une aide de subvention en Acadie, à l'île-du-Prince-Édouard, au Nou-veau-Brunswick, en Nouvelle-Ecosse et qu'effectivement elles ne fassent pas escale chez eux. Et même si elles ne le voulaient pas, je pense qu'on pourrait avoir des incitatifs qui feraient en sorte qu'elles y aillent. Mais, là, la situation que vous vivez, c'est qu'avec ou sans incitatifs, si elles voulaient y aller, il n'y a pas de salle. Il n'y a rien pour des productions dites, entre guillemets, respectables.

M. Turbide: Non. Actuellement, disons qu'il y a beaucoup de petites salles municipales. Il y a des infrastructures de ce type-là. Mais une salle de concert...

M. Boulerice: Oui, la salle des loisirs.

M. Turbide: Oui, c'est ça.

M. Boulerice: Et ça ne répond pas...

M. Turbide: Vous savez, moi, je ne suis pas pour jouer les éternels - je dirais - martyrs, non plus. Je ne voudrais pas qu'on me colle cette étiquette-là. Je pense qu'on se dit que, chez nous, c'est vrai qu'on n'en a jamais assez, je pense, partout où on est et qu'un équipement comme ça serait souhaitable et serait bienvenu. Ça fait longtemps qu'on en parle. Je pense que, malgré tout, on s'est occupé d'avoir quand même des spectacles. Il y a beaucoup de choses qui existent l'été; il y a une programmation qui est assez surprenante. Mais il faut dire aussi que, dans le passé, il y a eu des investissements qui ont été faits, peut-être même un peu exagérément, je ne sais pas, par exemple dans le sport, et puis, aujourd'hui, on en subit les contrecoups.

Si on avait moins investi dans les arenas, aujourd'hui, on aurait moins à investir pour l'entretien des patinoires et peut-être qu'il y en aurait plus pour la culture.

M. Boulerice: Ne me parlez pas de stade!

Le Président (M. Gobé): Alors, merci beaucoup.

M. Boulerice: Une toute petite dernière. Le Président (M. Gobé): Oui, oui.

M. Boulerice: De toute façon, ils sont venus de tellement loin, M. le Président. Je vous sais tellement compréhensif. Est-ce qu'il y a une troupe de théâtre sur l'île?

M. Turbide: Une troupe de théâtre? Pas en permanence. Disons qu'il y a des gens qui constituent des équipes. Il y a du théâtre d'été qui se fait. En dehors, disons, de la saison, de temps en temps, il y a des représentations, mais il n'y a pas de troupe, disons, officiellement sur les îles, à temps plein.

M. Boulerice: Tout en en parlant, quand on parlait de la salle, j'avais une idée. Vous direz: Elle vaut ce qu'elle vaut.

M. Turbide: Oui.

M. Boulerice: Vous connaissez cette notion américaine du "off-Broadway" où combien de troupes quittent, l'été, pour aller dans des petites communautés. Exemple: Pour la majorité, en tout cas, des Montréalais et des gens de la ville de Québec, pour qui c'est facilement accessible par la route, vous avez, à Ogunquit, The Ogunquit Play House où c'est vraiment du "off-Broadway", et ça contribue à la promotion touristique d'une région comme celle-là. Alors, je me disais: La journée où on aurait une salle respectable - vous ne demandez pas Covent Garden, vous êtes raisonnables - il y aurait peut-être l'hypothèse d'une troupe québécoise qui serait intéressée, par la notion du "off-Broadway", à s'installer aux îles. Donc, du théâtre durant une grande partie, quand même - l'été, ça a des chances de durer quelquefois - et ça aurait un impact merveilleux. Il y a des paysages naturels extraordinaires chez vous, la présence de la mer, mais ça ajouterait encore, cet élément culturel, pour y aller et ça inciterait peut-être, parce que c'a toujours un effet de rebondissement, à la création de troupes amateurs, parce que plus on en voit, plus on a le goût d'en manger après.

M. Turbide: Oui, mais il y a une tradition de théâtre qui date quand même, je ne sais pas, peut-être de 20 ans, qui est fait chez nous par

un professeur de la polyvalente qui, maintenant, n'est plus mais, en tout cas, qui a fait qu'il y a eu beaucoup de talents, à un certain moment, et une grosse activité théâtrale. Et aujourd'hui, il y a des gens d'ici, de chez nous, qui sont des comédiens, mais qui travaillent plutôt ailleurs, qui pourraient éventuellement revenir.

Là où je trouve que la suggestion est intéressante, c'est de créer des activités comme ça qui, finalement, attirent, bon, qui ont un effet sur la réputation des Îles-de-la-Madeleine et puis qui peuvent constituer des activités qui, par exemple, par le biais du tourisme, vont amener une fréquentation des îles et, par le fait même, disons, augmenter ce qu'on pourrait appeler les retombées économiques de la culture. Je pense que c'est une chose sur laquelle, nous, en tout cas, on table. M. Richard, je pense, peut en parler aussi, dans le tourisme, lorsqu'on vend les Îles-de-la-Madeleine, on vend, entre autres, la culture ou, enfin, la production artistique qui s'y fait.

M. Boulerice: Merci.

Le Président (M. Gobé): Vous avez terminé, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques?

M. Boulerice: Oui, oui. Je vais remercier M. Turbide et M. Richard en les assurant de ma plus entière collaboration et en leur offrant mes voeux les meilleurs. Bon retour, en espérant que ie continent ne soit pas isolé des îles.

M. Turbide: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, vous avez terminé?

M. Farrah: Oui, ça va.

Le Président (M. Gobé): Un dernier mot. Non? Merci. Très bien. Mme la ministre, le mot de la fin.

Mme Frulla-Hébert: M. Turbide, je veux simplement vous féliciter, d'abord, pour la bourse que vous avez reçue et pour la présentation que vous avez faite à l'exposition ou à une exposition des métiers d'art à Los Angeles, d'une part. Deuxièmement, je voudrais revenir sur la salle de spectacles. Vous savez que le ministère a beaucoup poussé sur une salle de spectacles en 1986 et qu'il n'y avait pas eu de consensus au niveau des MRC, mais, s'il y a un nouveau projet, le ministère est encore extrêmement ouvert à ce projet-là. Merci.

M. Turbide: On est très heureux de l'entendre.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. Turbide,

M. Richard, nous vous remercions d'être venus devant nous, vous venez de loin. Je vous souhaite, au nom des membres de cette commission, un bon retour mais pas ce soir. Et à une prochaine fois.

La commission ajourne ses travaux à demain matin, 9 h 30, en cette salle.

(Fin de la séance à 22 h 48)

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