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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 22 octobre 1991 - Vol. 31 N° 47

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts


Journal des débats

 

(Quinze heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Gobé): Mesdames et messieurs, si vous voulez bien prendre place, la commission de la culture va maintenant entamer ses travaux pour la journée et pour la semaine. Je vois que nous avons quorum en cette commission. Donc, la séance est maintenant ouverte et je vous rappellerai très rapidement, le mandat de notre commission parlementaire, qui est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur la proposition de politique de la culture et des arts, cela faisant suite au dépôt du rapport Arpin qui a été initié par Mme la ministre des Affaires culturelles. M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacements, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Alors, il n'y a pas de remplacements. Donc, sans plus tarder, je vais vous lire l'ordre... Y a-t-il des remplacements, M. le député?

M. Boulerice: II n'y aura pas de remplacements officiels comme tels, mais nous allons convenir que les députés représentant les circonscriptions où sont situés les organismes obtiendront la permission, en vertu de l'article 132 de notre règlement.

Le Président (M. Gobé): Oui. D'ailleurs, c'est la tradition maintenant depuis qu'on a cette consultation.

M. Boulerice: Depuis votre présidence, oui.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. J'ai toujours eu votre collaboration pour que les députés des circonscriptions de régions, lorsque les groupes viennent à cette commission, puissent intervenir. Mme la ministre a elle aussi toujours fait en sorte que ses députés puissent, de notre côté, participer au maximum de leur expertise.

Je vais maintenant faire lecture de notre ordre du jour. Nous sommes le mardi 22 octobre 1991. Nous allons entendre à 15 h 30, c'est-à-dire dès maintenant, le Regroupement des télévisions communautaires et locales du Québec; à 16 h 15, la ville de Mont-Laurier; à 17 heures, les représentants de l'École nationale de cirque; à 17 h 45, le Musée des beaux-arts de Montréal et ses représentants, bien entendu. Nous suspendrons à 18 h 30 et nous reprendrons à 20 heures, et nous entendrons alors l'École des hautes études commerciales de Montréal; à 20 h 45, les représentants de la ville de Sept-îles; à 21 h 30, le Centre de valorisation du patrimoine vivant et nous ajournerons vers 22 h 15, pour reprendre nos travaux demain.

Je demanderais maintenant aux représentants du Regroupement des télévisions communautaires et locales du Québec de bien vouloir prendre place en avant.

Bonjour, messieurs. Avant de vous présenter, je rappellerai rapidement les règles qui vont régir cette commission. Nous avons un temps alloué de 45 minutes réparties de la façon suivante: 15 minutes maximum pour faire la présentation de votre mémoire - vous n'êtes pas obligés de les utiliser - 15 minutes du côté de Mme la ministre des Affaires culturelles pour dialoguer avec vous, et (a même chose du côté de M. le représentant de l'Opposition officielle en matière d'affaires culturelles. S'il y a du temps qui est un peu en ballottage, la présidence se réserve le droit de pouvoir apprécier la répartition.

Alors, ceci met fin à cette présentation. Je vous demanderais maintenant de bien vouloir vous présenter et de commencer votre mémoire, sans plus attendre.

Regroupement des télévisions communautaires et locales du Québec

M. Bourdages (Pierre-Paul): Merci, M. le Président. Alors, je me présente, Pierre-Paul Bourdages. Je suis avocat et, dans mes temps libres, entre autres, président du Regroupement des télévisions communautaires et locales du Québec. Je vous présente les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, M. Daniel Cayer, directeur du réseau des télévisions communautaires, et, à ma droite, M. Régis Pelletier, signataire du mémoire et directeur des services généraux.

Le Président (M. Gobé): Alors, bonjour, messieurs. Vous pouvez commencer votre présentation.

M. Bourdages: M. le Président, je vous remercie. Je veux remercier la commission de nous avoir donné l'opportunité de présenter notre point de vue - comme vous avez pu le constater, notre point de vue limité - qui, essentiellement, fait état de deux questions sur lesquelles je vais revenir brièvement tantôt. Mais je veux vous présenter rapidement notre organisation. Il s'agit d'une organisation qui regroupe une vingtaine de télévisions communautaires au Québec, qui elles-mêmes représentent au-delà de 200 000 abonnés, comme il est indiqué, entre autres, à la page 141 du rapport.

Cependant, ce qu'il importe, je pense, de signaler ici, c'est que l'ensemble des télévisions communautaires du Québec traverse, comme vous le savez, sans doute, Mme la ministre, M. le député Boulerice, une crise importante, une crise d'Identité, certes, et une crise financière. Cette crise financière, elle n'est pas différente de celle que traversent toutes les autres organisations reliées au milieu culturel ou plus largement en ce qui nous concerne reliées au milieu des communications.

Néanmoins, je pense que notre organisation a un point de vue à faire valoir et, essentiellement, ce point de vue porte sur deux questions que nous avons exposées dans notre dossier. Premièrement, l'on estime qu'à l'heure actuelle, dans le contexte qui est débattu, les télévisions communautaires et locales, par le biais de leur regroupement, peuvent générer une activité productive sur le plan de la diffusion des messages culturels.

Et, à cet égard, je veux, Mme la ministre, M. le Président, M. Boulerice, vous référer au document du rapport Arpin, et plus particulièrement à la page 116 du document, qui établit en substance ce qui nous paraît être le cadre de notre intervention. "La télévision, dit le document, est devenue un diffuseur souple et omniprésent, capable de transporter rapidement aux quatre coins du Québec n'importe quelle activité d'art d'interprétation et certaines activités des arts visuels."

Également, vous avez, à la page 137, et de façon un petit peu plus précise, le commentaire suivant, en bas de page: "Pour un grand nombre de Québécois, la télévision et la radio demeurent les plus accessibles, souvent les seuls et assurément les moins coûteux des moyens d'accès à la culture, d'ici et d'ailleurs. Ces médias doivent devenir les principaux outils de promotion et de diffusion de l'activité culturelle."

Or, à cet égard - le rapport en fait état et je pense que les études abondent en ce sens - on a, dans le système de la radiodiffusion canadienne, une organisation de réseaux publics, de réseaux privés et de câblodistribution. Les télés sont reliées à l'industrie de la câblodistri-bution qui, comme vous le savez, en vertu du règlement du CRTC de 1986, permet aux corporations que nous représentons d'exister et de diffuser leur message.

Ce qui importe au-delà de tout, Mme la ministre, c'est de souligner, comme le fait le rapport à la page 140 - j'en fais un très court extrait, je me réfère particulièrement au paragraphe 2 avant la fin de la page 140: "Le rôle joué par les entreprises de télévision communautaire est devenu un élément important du caractère et du développement distincts du Québec dans le système de la radiodiffusion. Ces TVC sont de plus en plus considérées comme le média télévisuel régional ou sous-régional." Je pense qu'il faut faire une place aux corpora- tions que nous représentons, mais dans une voie bien précise qui est celle de permettre d'élargir la diffusion du message culturel en région.

À cet égard, Mme la ministre, je pense que la problématique est très bien exposée à la page 132, deuxième paragraphe avant la fin, où on y lit: "Le ministère devrait, par tous les moyens, favoriser la circulation des activités culturelles produites en région". Alors, entre Montréal et Québec, d'une part, et, évidemment, la circulation entre les régions elles-mêmes.

À cet égard, je pense qu'on peut trouver une place de choix considérant le fait suivant. Premièrement, les médias publics, les réseaux publics particulièrement et également les réseaux privés vivent une situation de concurrence effrénée sur le plan du marché. Je pense qu'on n'exposera pas très longtemps là-dessus. Deuxièmement, l'espèce de déconcentration, pour ne pas dire davantage, des réseaux publics dans l'activité de la radiodiffusion canadienne, particulièrement le retrait de Radio-Canada de certaines régions, permet, à moyen terme - je veux être précis là-dessus - à des organisations comme les nôtres de trouver leur place au soleil.

Et je veux, avant de terminer ce court exposé, Mme la ministre, vous signaler le moyen que l'on favorise à cet égard, et il apparaît au paragraphe 4 de notre mémoire, lorsqu'on y lit: "La promotion des activités culturelles locales et régionales est un des secteurs privilégiés d'intervention des corporations. De plus, un certain nombre d'entre elles réalisent des portraits et des reportages sur les artistes de leur région, tout en assurant une couverture des activités culturelles. Il serait tout indiqué d'encourager une diffusion plus large de ces reportages mettant en relief les artistes établis dans les diverses régions du Québec." Alors, Mme la ministre, un des moyens privilégiés à cet égard est la constitution et la mise en oeuvre d'un réseau, qu'on retrouve au paragraphe suivant, dont on pourra discuter si cela vous convient un peu plus tard.

En terminant, je veux vous signaler ce qui apparaît clairement au document, à la question qui portait sur: "Quels genres d'émissions préférez-vous?" Je n'ai pas, malheureusement, la page exacte devant les yeux, mais je note particulièrement... À la page 117, voilà. "Quels genres d'émissions préférez-vous?" Le premier choix d'un rapport de l'IQOP en 1990 était les documentaires. Or, la télé communautaire diffuse et se veut, de plus en plus, un diffuseur à large portée de ce message societal pour l'ensemble du territoire québécois. Alors, voilà les quelques observations d'entrée de jeu, Mme la ministre, M. le Président, que je voulais vous adresser. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, M. Bourdages. Et sans plus attendre, maintenant,

Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Bourdages. Bienvenue, M. Cayer, M. Pelletier. Il y a quelques questions qui se posent un peu automatiquement. Vous parlez de votre rôle culturel que vous assumez dans diverses régions du Québec. Vous parlez aussi de mettre sur pied un réseau couvrant l'ensemble du canal communautaire, qui aurait une vocation culturelle. On va en parler en deuxième temps.

Premier temps, j'aimerais avoir des explications supplémentaires quant à votre opposition au transfert de la Direction générale des médias aux Affaires culturelles, par exemple. Vous êtes un des seuls intervenants à dire que les deux devraient rester chacun de leur côté, puisqu'une politique des communications déborde largement le cadre culturel et qu'on doit y inclure aussi l'information, etc. Est-ce que c'est si loin que ça de ce qu'on tente de faire? On est ici, tout simplement parce qu'il y a besoin de changements et on va apporter des changements. Mais d'un certain... Je trouve ça intéressant et je suis un peu intriguée de cette position-là. Alors, est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus, s'il vous plaît?

M. Bourdages: Écoutez, notre point de vue est exprimé par notre directeur général en début de mémoire, à la page 2. En fait, l'on indique que nous nous interrogeons sur la pertinence d'un tel transfert pour ensuite apporter un commentaire qui nous permet, je dirais, de suggérer actuellement le maintien de la direction des médias au ministère des Communications du Québec. Cependant, ceci étant dit, je pense qu'il faut situer le cadre. Si progressivement l'on veut établir au Québec une politique globale de la culture - et j'indique bien: globale de la culture, c'est une condition sine qua non de ma réflexion - il faut, je pense, le faire de la façon la plus systématique et systémique possible.

Et, à cet égard, la politique des communications qu'est en train de mettre en oeuvre le ministre des Communications est une plaque tournante et, de façon tout à fait prioritaire, il y a la question du rapatriement des pouvoirs, en particulier en regard de Radio-Canada. Il ne s'agit pas que de Radio-Canada, mais nous pensons que, dans la mesure où cette politique globale de la culture ne peut être mise en oeuvre maintenant à cause de ce problème, je dirais, de compétence constitutionnelle, il faut maintenir le statu quo.

Toutefois, s'il est possible de faire la démonstration qu'une politique globale... Dans le rapport du groupe Arpin, je pense que c'est très édifiant de nous signaler que les médias que nous représentons dans notre champ de compétence constituent un lieu d'accès privilégié à la culture. À cet égard, il est évident qu'il faudrait développer une politique cohérente. Dans cette mesure, la direction des médias pourrait aller au MAC. Ça ne poserait pas, dans cette mesure, de problème. Il y a une condition pour nous, c'est de pouvoir nous assurer qu'on pourra mettre en oeuvre cette politique globale de la culture.

Mme Frulla-Hébert: D'accord. Ce que vous dites, c'est une synergie, en fait, entre les deux ou encore une grande politique chevauchant, incluant les deux secteurs.

M. Bourdages: Bien, c'est ça. C'est comme si on pariait en termes de gestion, je dirais une gestion "staff" et une gestion "line", si vous me permettez les termes un peu anglophones. Alors, à cet égard, je pense qu'aux Communications on est davantage, au moment où on se parle, "staff". C'est comme si on disait, dans l'état actuel des choses: La diffusion du message en environnement, en éducation, à la justice, par exemple, devrait faire l'objet d'un rapatriement sectoriel. On se dit: Si on va à la culture, on y va de façon globale ou on n'y va pas du tout.

Mme Frulla-Hébert: D'accord, je comprends. Il y a une chose, par exemple. M. Chagnon, la première semaine de notre commission, est venu justement présenter un mémoire. Il pariait du paysage télévisuel qui va se transformer considérablement d'ici une dizaine d'années; d'ailleurs, on voit déjà les premiers changements en Europe, partout. On parie beaucoup d'une télévision à la carte, d'une télévision où l'on choisira ses programmes, avec toutes les conséquences que ça peut entraîner. Vous pariez de bâtir un réseau, justement, de télévision communautaire.

M. Bourdages: Oui.

Mme Frulla-Hébert: Compte tenu de ce qui s'en vient - et on sait que ça va s'en venir...

M. Bourdages: Oui.

Mme Frulla-Hébert: ...on n'arrêtera pas le progrès - où est-ce que vous vous situez à l'intérieur de tout ça? C'est quoi, vos prévisions vers l'avenir?

M. Bourdages: Bon. C'est une excellente question. Je dirais que la prémisse: pour nous, la réglementation - parce qu'il faut en parler -parier - singulièrement du CRTC à l'égard de la télédistribution nous apparaît essentielle dans la mesure où elle a comme mission de protéger les plus vulnérables. C'est le cas des télés communautaires qui n'existent que depuis une vingtaine d'années. On a quand même fait beaucoup de chemin depuis une vingtaine d'années, mais on est à parfaire, et notre gestion, et notre message, et notre contenu. Mais il est certain pour nous que le message de la télé à la carte représente à court terme, je dirais, un danger pour

notre organisation, parce que, là, c'est le libre choix.

Mme Frulla-Hébert: Voilà!

M. Bourdages: II est évident que les gens ne choisiront pas spontanément le message d'une programmation communautaire à moins, bien sûr, d'être en région. On a des exemples - Saint-Félicien, Buckingham, Cap-à-TAigle - où ça fonctionne très bien, mais c'est tout le principe de l'identité régionale par rapport à cette espèce de concentration urbaine. Alors, dans cette mesure-là, nous, ça nous apparaît un petit peu menaçant.

D'autre part, je pense que ce qu'il faut dire, c'est que progressivement nos organisations - et elles apprennent à le faire; ce n'est pas facile quand on a vécu de l'aide de l'État pendant une vingtaine d'années - se retrouvent à développer des moyens nouveaux de gestion, de financement, de programmation.

Alors, on a cependant notre créneau et notre créneau, à mon sens, c'est le message de la localité ou de la région, que de façon économique les réseaux ne peuvent pas diffuser. On le voit en région et ça fonctionne très bien, mais il est certain que, quand on vous adresse un message du type de celui de M. Chagnon qui, par ailleurs, représente la plus importante entreprise de câblodistribution au Québec et, singulièrement, 75 % de nos membres, bien, on y réfléchit.

Il n'en demeure pas moins que de deux choses l'une: si on considère, comme on l'indique dans le document, que la télé communautaire est un outil de développement distinct pour la société québécoise, il faut alors trouver les moyens de privilégier cet outil-là. Pas simplement par le financement, il y a d'autres méthodes de soutien. Il y a des méthodes d'encourager la gestion de ces organisations-là. Il y a des méthodes également - et je le dis très clairement - où l'État pourrait sous-traiter, avec notre organisation, la production de certains messages, que ce soit dans les organismes comme la Régie de l'assurance automobile, par exemple, le ministère du Tourisme, le ministère de l'Environnement.

Il y a là, pour nous, une chasse gardée nous permettant, en contrepartie, de garder notre message vivant. Il ne faut pas oublier que le rapport économique entre les télés communautaires et les télés conventionnelles est tout à fait disproportionné, strictement sur le plan des coûts-bénéfices. On ne fonctionne qu'avec des bénévoles. Notre défi, c'est d'avoir des bénévoles compétents.

Mme Frulla-Hébert: Parlant de bénévoles compétents, ça m'amène à une espèce de stratégie que nous voulions développer quand j'étais au ministère des Communications. Pour connaître, de toute façon, tout le réseau des Communications et y avoir oeuvré, je trouvais que, dans la mesure où les radios communautaires, par exemple, exerçaient aussi un rôle important au niveau de l'information, au niveau local, dans certaines municipalités, spécialement aussi les municipalités éloignées où c'est vraiment un besoin - je pense aux Îles-de-la-Madeleine - former du personnel au niveau des radios communautaires pourrait servir aussi de bassin, si on veut, donc, une espèce d'école de formation pour, ensuite, les chaînes de radio privées. On s'est aperçu - en tout cas, moi, je l'ai vu - que, dans les radios privées, c'était difficile de recruter du monde et du bon monde; ça ne pleut pas. C'est un talent et le talent est là, il faut l'exploiter. Est-ce qu'on pourrait penser à un même principe, si on veut, au niveau des télés communautaires, par exemple, c'est-à-dire un réseau de télévision qui donne l'information, mais qui aussi serait un bassin en termes de formation?

M. Bourdages: Je suis absolument d'accord avec vous. Ça se fait spontanément. Je dirais, il y a quelques - et vous me permettrez l'expression un peu amusante, à Québec - Eric Lin-dros...

Mme Frulla-Hébert: Oui.

M. Bourdages: ...qui émergent de certaines télés communautaires, mais de façon systématique ça n'existe pas. Je pense qu'il pourrait y avoir un programme...

Mme Frulla-Hébert: Un mariage.

M. Bourdages: ...oui, avec les gens de la câblodistribution, les gens du ministère, où on encouragerait ces gens-là à trouver un débouché éventuellement. Mais c'est certain qu'on aurait des ressources assez exceptionnelles. On l'a déjà vécu.

D'autre part, vous parlez des radios communautaires, Mme la ministre. Je veux vous signaler qu'à notre sens il ne faut pas que l'on discrimine quant au traitement. Si les médias communautaires sont à la fois les radios et les télés, je comprends qu'il y ait des arguments historiques, je respecte ça. Mais, je pense qu'on a terminé notre purgatoire. Vous comprenez ce que je veux dire. Le PAMEC va aux radios communautaires, j'en suis, mais nous, on n'en a plus. Il y a eu l'époque... Je peux avoir compris le message. Je pense qu'on a fait et qu'on est en train de faire la preuve de notre redressement. Mais je pense que c'est là deux poids, deux mesures. Bien sûr, vous allez me répondre: Ils ont un statut juridique un peu différent du nôtre au CRTC. Ça va de soi, mais à moyen terme je pense qu'il faut essayer d'équivaloir ces deux types, je dirais, de diffuseurs quant au traitement qu'on leur accorde.

Mme Frulla-Hébert: Je veux juste revenir,

en terminant, à votre réseau. Vous parlez d'avoir un réseau qui couvrirait l'ensemble du territoire, d'une part, un moyen de diffusion privilégié pour la culture parce qu'il faut trouver un créneau spécifique. On connaît le contexte télévisuel présentement et c'est le marasme, il n'y a pas d'autre mot. Compte tenu encore là de tous les changements et compte tenu aussi de votre approche qui au niveau des communautés culturelles est assez spécifique, pariez-moi donc un peu de ce réseau-là. Est-ce que vous pensez justement à ce genre de ciblage là?

M. Bourdages: Je vais inviter, si vous le permettez, M. Cayer, qui est responsable du dossier, à vous en entretenir quelques minutes.

M. Cayer (Daniel): Bonjour, Mme le ministre.

Mme Frulla-Hébert: Bonjour.

M. Cayer: Bonjour. Le réseau a été créé officiellement le 1er avril de cette année et je dirais que le champ d'intervention du réseau est le même que celui des télévisions communautaires, c'est-à-dire que la programmation du réseau va être une programmation axée sur le social, l'humanitaire et le communautaire, sauf que l'échelle ou le rayonnement va être provincial. Donc, on reste dans les balises établies par le CRTC, mais on donne plus d'envergure au niveau géographique à la programmation. Ce qu'on fait, c'est que nous avons actuellement environ 20 télévisions communautaires d'affiliées. Il en existe 90 au Québec. Il faut comprendre que le paysage télévisuel au niveau de la télévision communautaire est divisé en deux au Québec. Le câblodistributeur lui-même opère environ 40 télévisions communautaires et il y a environ le même nombre qui est géré par des entreprises sans but lucratif comme celles que nous représentons. (16 heures)

Donc, l'ensemble de ces télévisions-là au Québec nous assure une diffusion de nos émissions qui est provinciale. Notre créneau, c'est véritablement le créneau societal, c'est-à-dire que, d'après les études que nous avons, d'après les sondages que nous avons faits, il existe une place au Québec pour un positionnement semblable. Il existe une niche au Québec pour un réseau qui veut diffuser de l'émission sociétale, c'est-à-dire à caractère exclusivement social, communautaire et humanitaire. L'exemple que je donnerais, ce serait PBS aux États-Unis, dans un contexte québécois. À ce niveau-là, nous avons réellement la mentalité d'un canal spécialisé. Il y a RDS pour les sports, Le canal famille pour la famille. Nous, ce qu'on viserait, toutes proportions gardées, parce qu'il y a des différences légales, ce serait un réseau avec des émissions sociétales, à grande diffusion au Québec.

Il existe énormément de productions soit gouvernementales, soit privées, soit produites par nos propres télévisions ou produites par le réseau, qui trouveraient facilement leur place dans une programmation comme celle-là. Sur le plan de la publicité, nous n'entrerions pas dans le champ des télévisions conventionnelles parce que la publicité traditionnelle éclair nous est interdite. On fonctionne plutôt sur le plan de la commandite. Il y a énormément de corporations majeures au Québec qui sont de plus en plus intéressées, à cause des problématiques d'environnement et tout ça, à des commandites sociétales. Donc, en gros, c'est le résumé rapide que je pourrais faire sur le réseau.

Le Président (M. Khelfa): II reste une minute, madame.

Mme Frulla-Hébert: Au niveau de PBS, par exemple, comme vous le savez, PBS fait appel directement aux fonds, c'est-à-dire à la population. C'est sûr que, encore là, compte tenu de la difficulté même de nos grandes télévisions, qu'elles soient privées ou même publiques, à aller chercher des fonds - vous parliez de commandites - est-ce qu'au niveau de l'avenir vous le voyez rose ou plutôt gris?

M. Cayer: C'est-à-dire que, moi, je crois que, pour la télévision communautaire, dans la mesure où son message est accepté auprès de la collectivité, dans la mesure où les enjeux sociaux, communautaires et humanitaires deviennent de plus en plus vitaux dans notre société, il n'y a aucune difficulté à demeurer sur le plan de la commandite, même si on fait beaucoup d'efforts sur le plan de la publicité. Il y a des projets-pilotes qui ont été avancés. Mais, quant à moi - et c'est une opinion purement personnelle - je crois que l'engagement des corporations et du gouvernement auprès des enjeux sociétaux, ça serait suffisant pour faire vivre convenablement un réseau de télévision communautaire axé sur le societal.

Le Président (M. Khelfa): Merci beaucoup. Le temps étant écoulé, je passe la parole au député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et critique officiel de l'Opposition.

M. Boulerice: Oui. M. Bourdages, M. Cayer, M. Pelletier, heureux de vous accueillir à cette commission. Je m'en voudrais si je ne faisais pas un court préambule pour souligner l'importance du rôle des télévisions communautaires notamment au chapitre de l'information locale et régionale dans un contexte où, on le sait, les grands réseaux quittent les régions. Et même dans ma région, puisque je considère non pas ma ville natale, M. Bourdages, mais ma ville d'adoption comme une région également, la télévision

communautaire joue son rôle au niveau de l'information locale, celle des quartiers, celle qu'on appelle, à Montréal, des petites patries, avec des émissions que vous connaissez sans doute comme "Au Coeur du faubourg". C'est notre image que l'on voit à la télévision. Donc, c'est quelque chose à quoi, forcément, on s'identifie.

J'ai toujours prétendu que c'était les Québécois qui avaient inventé la vidéo, non pas la mécanique comme telle, mais son utilisation. Dans le même rôle, j'ai toujours prétendu que c'était les Québécois qui avaient inventé la télévision communautaire. Je pense qu'elle est née ici, au Québec, avec une qualité, surtout une innovation et forcément une recherche. Et, quand on regarde, on s'aperçoit que beaucoup qui sont actuellement dans lesdits grands réseaux sont passés par la télévision communautaire d'abord. On a parlé tantôt de radio. Le grand phénomène Rock et Belles Oreilles, c'est un phénomène de radio communautaire. C'est CIBL-FM, 101,5, Montréal. Donc, la télévision communautaire a inévitablement sa place comme telle.

La première question que j'aimerais vous poser, je voudrais savoir si je vous ai bien compris à la fois dans le mémoire et dans le message que vous livrez. Certes, oui, vous parlez de mise sur pied d'un réseau qui couvre l'ensemble du canal communautaire. Donc, vous voulez développer votre rôle d'émetteur, surtout de producteur local, et, après ça, de diffuseur avec une extension nationale par la constitution de ce réseau. Mais si je vous comprends bien, vous souhaiteriez également être, en quelque sorte - et, là, c'est une phrase que je vais inventer, donc, elle vaut ce qu'elle vaut - une espèce de composante associative de la télédiffusion nationale au Québec.

M. Bourdages: Tout à fait.

M. Boulerice: Chers collègues, quand on maîtrise bien le dossier, ça va mieux.

M. Bourdages: Je pense que l'organisation des TVC est née dans un contexte politique particulier. Sauf que cette organisation-là a fait des petits, et les gens dans les milieux se sont retrouvés et ont appris à développer avec le milieu un partenariat important. Et, dans cette mesure, M. le député, je pense qu'il est essentiel, si la culture, comme le dit le mémoire, appartient à tous sans distinction, de commencer - ce n'est pas un reproche, c'est un constat - à donner aux TVC dans le milieu l'importance qui leur revient au niveau national.

M. Boulerice: Je vais même tenter de vous amener un petit peu plus loin, M. Bourdages. Oui, Radio-Canada s'est retirée. Je pense qu'il y a un effet vraiment désastreux au niveau des régions. Mais précédemment à Radio-Canada, en 1986, on a opéré un immense saccage dans les antennes régionales de Radio-Québec. Est-ce que la télévision communautaire est capable d'affirmer aujourd'hui que ces antennes de Radio-Québec qui sont disparues, et d'ailleurs toutes les régions... Je ne sais pas ce que M. le maire de Mont-Laurier va nous dire tantôt, mais en tant que maire d'une région éloignée, puisque ça prend quand même quelques heures pour s'y rendre, il va nous dire comment c'a été désastreux. Donc, est-ce que la télévision communautaire est en position de nous dire: Si vous avez l'intention de rétablir des antennes de Radio-Québec, passez donc par nous?

M. Bourdages: Non. M. Boulerice: Non?

M. Bourdages: Non. Pas à court terme. Ce serait, à mon sens, nous conduire à une espèce de marasme certain. D'une part, on n'a pas le statut juridique pour y arriver, à court terme. Et, d'autre part, on n'a certainement pas, je dirais, les conditions objectives pour réaliser cette mission-là. Je pense que le créneau que doivent occuper les télés communautaires, c'est un créneau qui est davantage celui du rapport, je dirais, diffusion-contenu dans une région pour des problèmes bien particuliers et ainsi de coiffer dans l'ensemble une espèce d'identité ou une originalité québécoise.

En d'autres termes, les régions - et le rapport Arpin le souligne clairement - sont une des trois composantes du territoire québécois. Je pense que c'est une des premières fois où aussi clairement on indique un rôle culturel défini pour Montréal, un rôle culturel défini pour Québec et les environs, et un rôle culturel défini pour les régions. Quand on parle d'établir une cartographie des équipements culturels, c'est très clair, à mon point de vue, que le message qu'on souligne par là, c'est: si on va dans cette direction-là rationalisons notre activité, grand Dieu!

Mais, nous, on vous dit la même chose. Par exemple, on fait une activité régionale à Amos, avec, je ne sais pas moi, Jean Lapointe, qui vient s'y produire. Eh bien, bon sang! demandons aux télés communautaires dans le milieu de produire cette activité-là pour le bénéfice de la communauté, avec des ententes à développer. Bien sûr, ça ne se fera pas du jour au lendemain, on en convient. On parle de permettre aux régions d'avoir accès à des artistes nationaux pour des questions d'éviter la discrimination. On n'y arrivera pas si on pense qu'à chaque fois "Les Beaux Dimanches" vont nous diffuser... Enfin, vous comprenez ce que je veux dire.

M. Boulerice: Oui.

M. Bourdages: Donc, on pense qu'il y a un

terrain propice, pour des raisons et économiques et stratégiques, qu'on peut occuper maintenant, mais à moyen terme.

M. Boulerice: C'est probablement moi qui ai mal formulé ma question, mais c'était dans le sens que vous avez indiqué, que je le souhaitais, là. Alors, je pense que, là-dessus, on se rejoint. Vous l'avez très bien perçu. Il y a toujours une connotation développement économique avec développement culturel. Une très brève, parce que j'ai aussi une autre question très importante, à mon point de vue, à vous poser. On me disait - mon Dieu, il y a peut-être cinq ans, six ans ou sept ans - qu'un emploi dans l'énergie nucléaire, ça coûtait 400 000 $ pour le créer; dans la télévision communautaire, si j'actualise les chiffres, c'est aux alentours de 8000 $. Est-ce que ça tient toujours?

M. Bourdages: En tout cas, c'est certainement plus près de 8000 $ que de 400 000 $.

M. Boulerice: D'accord. M. Bourdages - ça, j'ai cru quand même le sentir un peu dans votre discours et dans celui de vos collègues - il n'y a pas possibilité d'avoir une politique des arts et de la culture sans avoir le lien essentiel des communications. C'est un pan complet. C'est faire fausse route que de compartimenter arts et culture en disant: Bien, un jour, on fera peut-être une éventuelle jonction avec les communications. Ça ne va pas.

M. Bourdages: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Là, je ne veux pas entrer dans le débat constitutionnel qui nourrit vos vies quotidiennes, mesdames et messieurs, mais une chose est certaine, pour nous, c'est que la politique globale de la culture doit nécessairement s'accompagner, je dirais, d'une plus large autonomie quant aux pouvoirs de l'État en matière de communications; autant dire, sinon, que l'on s'en va à la dérive.

M. Boulerice: Alors, à partir de la plus grande autonomie, vous invoquez un peu, par ricochet, M. Bourdages, le principe du "arm's length". Justement, je vais vous faire patauger dans cette mélasse constitutionnelle. Les rapatriements, au niveau de la culture et des communications, les télévisions communautaires peuvent vivre avec ça?

M. Bourdages: Écoutez, je vais vous dire une chose, d'entrée de jeu, et, encore une fois, c'est un constat, ce n'est pas un reproche. Quand on a eu la crise, en 1987, par suite du retrait de l'État, par le biais de son PAMEC, de notre financement statutaire, ce qui nous a aidés - c'est malheureux de le dire, mais c'est un constat - c'est l'entente-cadre EDER de développement régional Canada-Québec, qui nous a permis cette transition-ià. Ce que je veux dire par là, c'est que pour nous, que ce soit Québec ou que ce soit le Canada qui administre une politique des communications, ce qui est essentiel, c'est qu'elle soit cohérente. À cet égard, je laisserai à chacun d'entre vous le soin des conclusions, mais il y a une chose qui est certaine, c'est que, si la cohérence de cette politique des communications passe par, je dirais, un rapatriement quasi exclusif des pouvoirs, bien, ce sera le cas. Si on est capables de composer avec des pouvoirs qui sont... Je lisais, ce matin, le commentaire de M. Cannon à l'ACRTF à Toronto, hier. Bien, si c'est possible, nous, on est des gens qui vont gérer une activité qui est une activité télévisuelle et on veut que vous nous donniez, comme responsables de la société, les moyens de le faire.

Tout ce que je veux signaler, c'est que, si cette politique n'est pas cohérente, nous, les télés communautaires, les premières, on va être drôlement agressées parce que, vous le savez très bien, on est inscrites dans le système de la radiodiffusion canadienne. On obéit à une réglementation par le biais de la câblodrffusion, qui est le règlement du CRTC sur la télédistribution, et on sait que la dualité au CRTC n'est pas reconnue. Alors, à cet égard, les télés communautaires les plus dynamiques, malgré qu'elles soient en période de recherche, c'est au Québec; ce n'est pas dans le reste du Canada.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en terminant.

M. Boulerice: Oui. Une dernière question. Vous avez dit: Forcément, s'il y avait une plus grande cohérence. Là, elle viendrait de Québec, si on rapatrie. La preuve de la cohérence, ce serait à nous de la faire. Mais, dans le domaine de la radiotélédiffusion, ça n'a jamais été le Québec qu'on a traité d'incohérent; ça a toujours été beaucoup plus le CRTC, les organismes réglementaires fédéraux qui ne tenaient jamais compte de la situation proprement québécoise.

M. Bourdages: Je n'ai aucun commentaire à ajouter à ce que vous dites.

M. Boulerice: "Qui ne dit mot consent", disait le vieux dicton. M. le Président, je crois que mon collègue, l'ancien ministre de la culture, aimerait poser une question.

Le Président (M. Gobé:) Oui, même si le temps est écoulé, on va vous donner une petite minute, M. le député. Je souhaiterais que vous me fassiez signe un petit peu avant.

M. Godin: Je suis sûr que la ministre, dans sa générosité bien connue et coutumière, n'aurait pas d'objection à ce que nous prolongions, ou prolongeassions - je ne sais pas comment dire ça

en bon français - de quelques secondes.

Le Président (M. Gobé): Alors, allez-y, M. le député.

M. Godin: Vous avez affaire au CRTC, vous, à l'occasion?

M. Bourdages: Oui.

M. Godin: Oui. On a parlé, déjà, d'avoir un CRTQ. On a vu les grosses machines de la radio et de la télévision se lamenter, sur leurs propres chaînes d'ailleurs, que ce serait - mon Dieu! - la fin du monde. Elles disaient même en pleurant: Pas encore des règlements! D'après vous, est-ce qu'on peut imaginer l'existence d'un CRTQ pour Québec et non pas "C" pour Canada? Ils nous ont montré ça comme étant presque une activité magique.

M. Bourdages: Écoutez, M. le député, pour nous, télévisions communautaires, c'est réaliste. C'est clair que c'est réaliste à cause de la nature même de nos activités. Elles sont intraterritoria-les. Elles n'ont aucune portée extraterritoriale, ce qui n'est pas le cas de l'industrie de la câblodistribution, en général. Premier commentaire.

Deuxième commentaire. Je pense qu'un organisme de réglementation, qui serait un organisme québécois - et c'est la thèse qu'on défend - protège davantage ceux dont les ressources sont plus limitées, mais qui, par ailleurs, ont une importance dans le tissu social, socio-économique ou socioculturel québécois. Dans cette mesure-là, nous, ce qui nous fait le plus peur, à court terme, c'est la déréglementation. On en parlait avec Mme la ministre, la télé à la carte, pour nous, à court terme, c'est épouvantable.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Bourdages. Merci, M. le député. Malheureusement, nous devons...

M. Bourdages: Merci, M. le Président, Mme la ministre, messieurs...

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, un mot de la fin, en terminant?

Mme Frulla-Hébert: Oui, M. Bourdages, merci. Merci, M. Cayer, M. Pelletier. Effectivement, quand vous pariez de télévision à la carte, finalement, est-ce l'avenir? Je pose la question maintenant: Est-ce l'avenir? Je pense que ce sont les Québécois qui, aussi, vont décider. Dans certaines régions, c'est déjà commencé et ça fonctionne bien. Dans d'autres, ils n'ont pas le succès escompté.

Ceci dit, comme vous voyez, mon collègue est en train de travailler à une vaste politique au niveau des communications. C'est sûr qu'on ne travaille pas, non plus, en vase clos. Ça fait partie aussi de tout ce désir de changement. On est quand même très conscients aussi de l'état des médias; que ce soit la radio, que ce soit la télévision et même aussi quand on parie des revenus publicitaires, peut-être dans une moins grande envergure, mais aussi au niveau des imprimés, tous en arrachent, au moment où on se parie. Il va absolument falloir redéfinir - je ne peux pas parier pour mon collègue - au moins le paysage, en termes télévisuels, radiophoniques, enfin, des communications en général. Alors, merci de votre apport, de votre prestation. Soyez certains que nous allons travailler et que nous travaillons en collaboration avec les Communications.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Oui, M. le député, vous aviez terminé, mais...

M. Boulerice: Oui, mais, enfin... M. Bourdages, M. Cayer, M. Pelletier, merci. Je pense qu'on va retenir avec vous qu'effectivement il est difficile d'imaginer ce que sera la télévision de demain tellement les bouleversements qui s'en viennent sont immenses. Sauf que la question que l'on devra se poser est: Comment gère-t-on et comment administre-t-on? Gérer est facile, mais est-ce qu'on administre en fonction d'une particularité qui est celle du Québec et de sa culture ou est-ce qu'on administre en fonction d'un océan versus un autre océan? Il ne faut surtout pas oublier que tout l'audiovisuel et les communications dans leur ensemble, c'est un gigantesque marché de 6 000 000 000 $. Est-ce que ces 6 000 000 000 $ sont québécois ou "Canadian"? La question nous appartient. Merci.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, avez-vous une réponse a cette question?

Mme Frulla-Hébert: Si on ajoute le secteur des télécommunications, c'est 9 500 000 000 $.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Je n'ai pas parié des satellites.

Le Président (M. Gobé): Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: Non, le secteur des télécommunications et...

Le Président (M. Gobé): Mais on voit que vous connaissez bien vos dossiers.

Mme Frulla-Hébert: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Alors, ceci met fin

à votre audition. Nous vous remercions au nom des membres de cette commission de vous être présentés devant nous. Soyez assurés que votre mémoire nous a intéressés et nous en tiendrons compte. Je vous remercie beaucoup.

J'appelle maintenant les représentants de la ville de Mont-Laurier afin qu'ils prennent place en avant. Je vais suspendre une minute, le temps que cela se fasse.

(Suspension de la séance à 16 h 21)

(Reprise à 16 h 22)

Le Président (M. Gobé): Nous reprenons nos travaux. M. le maire de la ville de Mont-Laurier, M. Jacques Brisebois, vous représentez votre ville à cette commission qui fait, comme vous le savez, une consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts, qui découle du dépôt du rapport Arpin qui avait été instauré et demandé par Mme la ministre des Affaires culturelles. M. le maire, vous avez maintenant la parole pour faire votre présentation.

Ville de Mont-Laurier

M. Brisebois (Jacques): M. le Président, mesdames et messieurs, d'abord, je voudrais vous dire que j'aurais souhaité que la responsable à la ville de Mont-Laurier de ce domaine-là puisse venir présenter le mémoire, sauf que, son père étant décédé jeudi dernier, j'ai été appelé à la remplacer.

Ceci dit, si le Québec est divisé en trois pôles - si j'ai bien compris le rapport Arpin, il y a Montréal, Québec et l'ensemble régional - il est clair que ce dont il s'agit ici, c'est du troisième pôle. Il s'agit en effet d'un constat assez factuel de la gestion de la culture en région par une petite ville-centre. La situation, donc, qui est décrite dans le mémoire est loin d'être unique, on en convient. On vit ce que bien d'autres sous-centres au Québec vivent. C'est peut-être finalement l'intérêt du mémoire qui est avant tout un témoignage qui aurait pu s'intituler tout à fait: Grandeurs et misères de la gestion culturelle en région.

Permettez-moi de vous rappeler rapidement la situation de la MRC d'Antoine-Labelle. D'abord, au niveau géographique, la MRC d'Antoine-Labelle est située à 230 kilomètres au nord de Montréal. Elle est située sur l'axe routier de la route 117 et elle est aux confins, finalement, de trois régions: l'Abitibi, l'Outaouais et la région montréalaise. Donc, c'est une jonction qui est considérée par le voyageur comme une halte naturelle, donc un marché particulier auquel on doit proposer un motif pour considérer Mont-Laurier dans sa destination. Le tourisme se développe surtout autour de ses attraits naturels: la pêche, la chasse, la villégiature et la moto-neige. Évidemment, elle est très riche de lacs et de montagnes et la MRC d'Antoine-Labelle espère toujours l'amélioration de son réseau routier pour accéder à sa réelle part de développement économique. Si pour plusieurs elle est un corridor, pour d'autres, elle est un cadre de vie. La MRC compte 22 municipalités rurales et une seule ville, la ville de Mont-Laurier, qui se partagent une population d'environ 32 000 habitants, sur un très grand territoire, d'ailleurs.

Au point de vue économique, la situation de la MRC, je pense que les statistiques parient d'elles-mêmes: le taux de scolarité postsecondaire de la population active en 1986 était de 37,8 % et on se situait sur les 99 MRC au Québec au 85e rang; le taux d'inoccupation chez la population de 15 ans et plus, au 77e rang; le revenu moyen d'emploi de la population de 15 ans et plus, au 77e rang également.

Au niveau social, la situation n'est pas plus souriante. La proportion de prestataires d'aide sociale - et je peux vous dire que c'est une vérification qui date de quelques jours - est de 18,5 % et s'accompagne d'un taux de chômage à peu près équivalent. Le revenu moyen des ménages se situe actuellement autour de 26 000 $, ce qui nous place au 95e rang des MRC au Québec.

Toutes ces statistiques énoncées, il n'en reste pas moins que la MRC d'Antoine-Labelle se place au 37e rang lorsqu'il s'agit des dépenses en loisirs et culture avec 63,86 $ par personne qui sont dépensés au niveau de la MRC. Vous allez comprendre presque immédiatement comment ça s'explique, tout ça, ce qui nous permet de décrire davantage la ville de Mont-Laurier au sein de la MRC.

Mont-Laurier est un intervenant de premier plan: 25 % de la population de la MRC y vivent. C'est, à toutes fins pratiques, cette proportion de la population qui finance l'ensemble des infrastructures de loisirs et de culture, principalement aréna, piscine, Maison de la culture et programmation de spectacles professionnels.

En 1990, la ville de Mont-Laurier consacrait aux loisirs et à la culture 14 % du budget global, pour un montant de 1 157 000 $. 32 % de cette somme est consacrée à l'animation culturelle: spectacles et bibliothèque municipale, principalement. En y joignant les dépenses administratives relatives aux activités culturelles et les subventions versées, on peut atteindre 36 % du budget loisirs et culture. Ce qui veut dire que le secteur culturel absorbe 4 % du budget global de la ville. Comparée à la MRC qui occupe le 37e rang avec 63,86 $ de dépenses en loisirs et culture par personne, cette moyenne s'élève donc à 148 $ pour les Lauriermontois, soit 56 % plus élevée que pour les autres habitants de la MRC.

Mme la ministre, ce n'est pas pour vous lancer un pavé, mais je pense qu'on doit le souligner quand même: dans les conditions où on

se retrouve, une petite ville comme la nôtre, particulièrement par rapport à des dépenses qui sont afférentes à la culture, vous comprendrez que la réforme Ryan nous a fait très, très mal.

Donc, pour une ville de 8500 habitants, jouer le rôle de sous-centre régional peut s'avérer à la fois nécessaire, mais épuisant lorsqu'il s'agit de se doter d'infrastructures. Le problème devient encore plus aigu lorsque les municipalités satellites profitent de ces infrastructures sans en assumer les frais. Je peux vous dire qu'on tente actuellement de faire partager par un ensemble plus grand au niveau de la région ces dépenses-là, mais c'est très difficile et on le vit de façon aiguë, d'ailleurs, ce problème-là. Donc, si vous voulez, dans le fond, si vous vous représentez Mont-Laurier, c'est - à une plus petite échelle, évidemment, de façon proportionnelle - un peu la même situation que Montréal où finalement les gens profitent des services, mais vont habiter les banlieues. Ce qui fait, par exemple, qu'au niveau de la taxation Mont-Laurier a un taux de taxation global de 2,53 $ les 100 $ d'évaluation alors que, quand on regarde les voisins, la moyenne du taux de taxation est de 0,97 $. Donc, il y a un départage important entre les municipalités. Finalement, 25 % de la population autre qu'à Mont-Laurier habite à quelques minutes, près du centre-ville.

Donc, si on est disposé à respecter et à reconnaître le droit d'accès à la culture, il faut également posséder les moyens de le faire. Car entre reconnaître un droit et s'en reconnaître la responsabilité se dresse évidemment la capacité financière d'y accéder ou la capacité de taxer.

Si on regarde rapidement l'inventaire des ressources et des intervenants, je pense que la ville de Mont-Laurier a fait des efforts immenses pour favoriser la création et assurer aussi l'accessibilité. Je pense que c'est des buts qui sont avoués dans le rapport Arpin. Je pense que la ville de Mont-Laurier fait des efforts dans ce sens-là. Donc, au fil des ans, le cadre de la vie culturelle de la MRC s'est organisé dans la ville de Mont-Laurier particulièrement.

D'abord, je pense qu'on devrait souligner l'apport de son école normale et de son ancien séminaire, à l'époque. Tantôt je parlais à M. Fernand Lalonde. Je voudrais souligner au passage que son père, Maurice Lalonde, a été le premier historien régional qui a écrit une histoire de Mont-Laurier et, d'ailleurs, je rappelais à M. Lalonde que ma mère lui avait enseigné au primaire.

Donc, on revient à l'inventaire des ressources. La Maison de la culture, c'est un édifice municipal qui est tout récent et qui loge, à lui seul, plusieurs institutions culturelles: la bibliothèque municipale, qui enregistre 62 000 prêts de volumes et de documents par année, et qui est très active; la Société historique qu'on héberge, évidemment, gratuitement et qui fait un travail énorme au niveau de la recherche, au niveau des documents d'archives; le Centre d'exposition qu'on loge également gratuitement, qui est accrédité par le MAC, qui présente une programmation régulière très variée destinée au grand public et privilégie la clientèle scolaire; des locaux également mis à la disposition d'une quinzaine d'organismes de loisirs socioculturels dont certains sont plus près du secteur des arts et de la culture. Vous avez, je pense, la nomenclature ici: une association de musiciens, une chorale, des clubs de danse, une troupe de théâtre, la troupe Mont-serrat qui a fêté ses 20 années d'existence en 1990, qui a présenté une vingtaine de productions et, entre autres, des productions qui ont été écrites localement. J'en soulignerai deux: une pour souligner le 150e anniversaire des patriotes, qui s'appelait "Le demi-lys et le lion" qui a été diffusée assez largement au niveau du Québec. On a même été au Festival international canadien à Halifax où on a obtenu une deuxième place. Également, on a écrit une pièce qui s'appelle "Mme Armand", qui a été aussi diffusée par le réseau des gens âgés et qui raconte un peu le quotidien des gens âgés.

Donc, c'est une troupe qui a oeuvré avec le statut de troupe semi-professionnelle pendant 15 ans, mais finalement on a dû troquer ce statut-là pour celui d'amateur, essoufflés par les exigences du MAC difficiles à rencontrer en région.

Enfin, d'autres organismes logent leurs activités à la Maison de la culture et ceci sans être, à proprement dit, des organismes culturels.

Le Président (M. Gobé): Je vais devoir vous demander de conclure parce que votre temps est maintenant, malheureusement, écoulé...

M. Brisebois: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): ...et j'aimerais passer la parole à Mme la ministre. Allez-y rapidement, en conclusion.

M. Brisebois: Oui, rapidement, donc. De toute façon, vous avez pu en prendre connaissance. Actuellement, on a un problème très particulier. Au niveau de la diffusion, Mont-Laurier a été, je pense, un exemple et vos personnes au ministère le reconnaissent. Au niveau de la diffusion, Mont-Laurier a fait des efforts immenses pour assurer une diffusion la plus large possible. Mais les conditions de salle actuellement sont extrêmement difficiles et je pense qu'on est devant un cul-de-sac un peu, où on retrouve une petite population qui assume des services pour un plus grand nombre de personnes, qui n'a pas nécessairement les moyens d'avoir une salle, mais pour qui c'est essentiel, je pense.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup.

M. Brisebois: Ça me fait plaisir, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, vous avez maintenant la parole.

Mme Frulla-Hébert: Merci beaucoup, M. le maire. Je me souviens, quand j'ai fait le tour des régions et que j'ai rencontré les gens des Laurentides, Basses-Laurentides et Hautes-Laurentides, qu'il y avait des représentants ou une représentante de chez vous. On a parlé, d'ailleurs, du dynamisme de la ville et des gens, justement, pour stimuler, si on veut, la présence culturelle chez vous, d'une part; et on a parlé aussi de toute cette problématique de régions qui sont dans une situation de centres ou encore de sous-centres. Je dois vous dire qu'il y a plusieurs municipalités qui sont venues nous voir, plusieurs maires, conseillers qui, dans certains cas, ont une problématique qui est similaire à la vôtre.

J'aimerais vous demander, d'abord, dans un premier temps, et parce que ça a été un peu discuté dans son ensemble et que, bon, si on veut s'asseoir, par exemple, avec la table Québec-municipalités, il faut en arriver aussi avec des propositions qui sont assez précises pour qu'on puisse en discuter ensemble... Vous, quand vous parlez qu'il y a 25 % des gens qui demeurent à l'extérieur de Mont-Laurier, qui bénéficient des équipements, finalement, pourriez-vous me dire s'il y a aussi des obstacles? Est-ce que les municipalités s'entendent ensemble, justement, pour partager une partie de la facture, par exemple, de certains équipements, s'il est démontré qu'elles en bénéficient, de ces équipements-là?

M. Brisebois: Si vous étiez en région chez nous, vous assisteriez à une épreuve de force, un petit peu, entre les municipalités. D'ailleurs, je lisais le rapport Arpin, je pense qu'on s'illusionne un peu quand on s'imagine que les MRC sont actuellement prêtes à s'entendre là-dessus. En tout cas, si on prend l'exemple de la MRC chez nous, je peux vous dire que c'est loin d'être gagné. Les gens profitent facilement des services, mais, quand on leur demande de payer, ce n'est pas aussi évident que ça, malheureusement.

Mme Frulla-Hébert: M. le maire, vous faites partie de la MRC d'Antoine-Labelle.

M. Brisebois: Oui.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que ce serait possible, parce que, encore là, on se retrouve dans une même situation où il y a des villes qui sont très dynamiques et où les autres, celles qui les entourent, font un peu fonction de parasites par rapport à ces villes-là... Selon vous, selon votre expérience sur le terrain, qu'est-ce qu'il y aurait à faire? Comment fait-on, finalement, pour obliger ou, enfin, s'organiser avec un certain système pour que les autres aussi participent?

M. Brisebois: Je pense, Mme la ministre, qu'il y a deux options. Il y a l'option la plus lente qui fait en sorte qu'on essaie d'établir des ententes; c'est ce qu'on essaie de faire actuellement dans les circonstances. Et l'autre façon, c'est par décret, évidemment, et je suis un des tenants - je pense que je ne suis pas populaire quand je le dis - des regroupements municipaux. Actuellement, au Québec, je pense qu'il y a beaucoup trop de municipalités; c'est un problème immense et qui nuit considérablement au développement du Québec, et au niveau culturel je pense que c'est aussi vrai. On se retrouve avec des toutes petites entités et, au nom du sentiment d'appartenance, je pense qu'on supporte financièrement comme à tous les autres niveaux des situations qui vont devenir intenables. Mais, pour l'instant, je pense que, politiquement, c'est difficile pour les gouvernements, je le comprends d'ailleurs, ce n'est pas facile. Je pense qu'il va falloir un jour qu'on y arrive quand même. Mais, si on prend le chemin des ententes, je pense que c'est la patience, il faut être déterminés et très patients, sauf qu'on arrive devant des situations où, actuellement, par exemple, en temps plus difficile de récession, tout le monde a les mêmes problèmes financiers et budgétaires. Nous, on a les mêmes problèmes chez nous.

Je vous parlais de la réforme Ryan tantôt. Écoutez, 200 000 $, 300 000 $. À chaque fois que je dois augmenter les taxes chez nous, à Mont-Laurier, j'augmente le différentiel entre chez nous et les banlieues. Donc, je viens créer une pression supplémentaire sur la ville puisque j'encourage les gens à s'en aller vers l'extérieur de la ville. Et qui s'en va vers l'extérieur de la ville? Ce sont les jeunes ménages qui profitent de ce genre de services là et qui ne le paient pas du tout. Et, en contrepartie, qui s'en vient chez nous? Ce sont les gens plus âgés qui ont besoin d'autres types de services, mais qui n'ont pas nécessairement les moyens de payer pour ce genre de services là. C'est une situation extrêmement difficile actuellement.

Mme Frulla-Hébert: Mais il y a certaines instances, par exemple, qui existent déjà, où les municipalités doivent se regrouper. C'est parce que c'est toujours, tu sais... Je répète toujours que, finalement, la culture appartient aux Québécois et c'est à nous maintenant de décider d'en faire ce qu'on en veut. Vous, dans les municipalités d'ailleurs, vous êtes très, très près de votre population et il y a plusieurs maires aussi qui disent... On le voit, nous, aux demandes du ministère: il y a des projets, projets de bibliothèques, projets de salles de spectacle, où le ministère est prêt à embarquer, mais, finalement, le projet est battu par un référendum au niveau de la municipalité. Pour vous qui êtes sur

le terrain d'abord, est-ce que les gens de votre municipalité ou des municipalités environnantes sont plus sensibles, justement, à l'apport culturel, à ce que ça peut apporter au niveau de la qualité de vie d'une municipalité spécialement... Bon, je dis "spécialement", d'une municipalité, point; ça ne fait aucune différence que ce soit une grande municipalité, une petite, une plus éloignée, d'une part. Deuxièmement, si la réponse est oui, est-ce qu'à ce moment-là, si cette sensibilité-là est accrue, c'est possible de penser, quand on s'assoit à la table Québec-municipalités, de créer une espèce d'organisme où les gens sont obligés de participer, tel que, bon, il y en a, je pense, au niveau des déchets, au niveau de la dépollution des eaux?

M. Brisebois: C'est plus facile de se réunir au niveau des déchets qu'au niveau de la culture.

Mme Frulla-Hébert: Oui, bien, c'est ça. Oui. M. Brisebois: Malheureusement, oui. Mme Frulla-Hébert: C'est dommage, oui.

M. Brisebois: Chez nous, on a une Régie intermunicipale des déchets, effectivement. Moi, je suis au conseil municipal depuis 1985. À chaque année, on a amené le sujet et, au niveau des loisirs, je peux vous dire que, pour la première fois, il y a une entente de 6 municipalités sur 10 qui a été conclue. Donc, les municipalités ont accepté de conclure une entente avec la ville de Mont-Laurier au niveau des loisirs et de la culture. Donc, il ne faut pas, je pense, être pessimistes, je veux dire, mais c'est lent et c'est long. Effectivement, je pense qu'il y a un intérêt accru, mais, quant à moi, je pense qu'il va falloir penser éventuellement à obliger... Effectivement, je pense que c'est une piste qu'on ne doit pas négliger, de toute façon.

Mme Frulla-Hébert: Vous parlez aussi d'un fonds de financement. Vous suggérez que l'État constitue "un fonds de financement supplémentaire distinctif pour l'implantation d'un équipement culturel, quand vous partez, finalement, quand on répartit la richesse, de prendre en considération...

M. Brisebois: L'indice.

Mme Frulla-Hébert:... l'indice de la richesse d'une région, et cela vous a amené l'idée d'avoir un fonds, justement, supplémentaire distinctif. Est-ce que vous pourriez élaborer un petit peu sur cette idée-là?

M. Brisebois: Bien, je pense que vous avez dit l'essentiel. Écoutez, quand on regarde les statistiques, pas seulement les statistiques, mais la situation réelle dans laquelle on retrouve une région comme la nôtre - et je discutais, la semaine dernière, avec des gens de votre ministère au sujet d'une salle de spectacle - c'est évident que, quand même je voudrais qu'on me dise: Tu es subventionnable à 75 % pour un projet de 5 000 000 $, 6 000 000 $, quand bien même je voudrais vendre aux gens chez nous les 25 %, je ne suis pas capable de le faire, c'est impossible, compte tenu qu'il y a 40 % de mes gens qui sont soit sur l'aide sociale, soit sur l'assurance-chômage. Je pense qu'on doit tenir compte de ces situations-là de façon particulière et je pense qu'une salle de spectacle dans une région comme la nôtre... On a démontré, d'abord, qu'il y a un marché qui est limité, mais qu'il y a un marché, qu'on peut faire de la diffusion et permettre non pas seulement, je pense, à des individus, mais à des collectivités d'avoir accès au même niveau de diffusion que dans les grands centres.

Mme Frulla-Hébert: Mais, à ce moment-là, est-ce qu'une participation globale au niveau de la MRC... On sait qu'on a des expériences aussi en Gaspésie, qui n'est pas riche, riche, non plus, on a implanté des salles de spectacle à 75 %, puis la participation globale du milieu a totalisé 25 %. Est-ce que la solution - parce que c'est important, ça, il faut quand même le considérer - à ce moment-là, à tous ces problèmes-là ne serait pas, justement, et je reviens encore à votre suggestion, de dire: Bien, là, au niveau des MRC, il faut que les gens se regroupent et il faut quand même faire des pressions, qu'elles soient morales, qu'elles soient locales, hein, pour que, moralement, les autres bénéficiaires embarquent?

M. Brisebois: Oui, je partage votre avis là-dessus, Mme la ministre. C'est évident que, si vous demandez aux villes ce qu'elles pensent de la facture qui est refilée aux petites municipalités au niveau de la police, bien, je vous dirai que, sans être enthousiastes, on n'est pas nécessairement, non plus, en profond désaccord. Sauf qu'il est évident que ce n'est pas nécessairement... C'est sûr que la recherche d'entente est toujours la meilleure façon, sauf que, quand ce n'est pas possible, bien, coudon, il faut y aller d'une autre manière.

Mme Frulla-Hébert: En terminant, dans la plupart des municipalités, vous parlez de loisirs et de culture ensemble et, évidemment, c'est difficile de faire la part des choses parce que ça fait partie d'un tout global dans vos budgets. Est-ce qu'il y aurait lieu, finalement, de séparer maintenant - là, on parte de 1991 - les deux? Avant, il y en a beaucoup qui ont dit: Oui, on met loisirs et culture, ce qui fait que c'est plus facile, au niveau de la population, de passer la facture culture, parce que, finalement, ça regroupe l'ensemble, loisirs et culture.

M. Brisebois: Mais je peux vous dire que, chez nous, on a eu, selon les époques, des situations où la culture était autonome et indépendante du loisir sportif. De façon administrative et quand on fait l'attribution des tâches à un conseil municipal, il n'en reste pas moins que je pense que c'est des préoccupations qui se rejoignent. Ce dont on doit s'assurer - et je pense que là-dessus la ville de Mont-Laurier l'a fait - c'est que la culture ne soit pas le parent pauvre au niveau de ce qu'on appelle loisirs et culture.

Mme Frulla-Hébert: Ce que c'était avant, oui. (16 h 45)

M. Brisebois: Mais, au niveau administratif, qu'on mette ensemble ces choses-là, moi, ça ne me pose pas tellement de problème, encore une fois en autant qu'on accorde l'importance qu'on doit lui accorder au niveau de la culture. Le cheminement qu'on a fait chez nous m'apparàît tout à fait correct en ce sens-là.

Mme Frulla-Hébert: Parfait. M. le maire, merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: M. le maire, tout en vous accueillant et en vous souhaitant la bienvenue à cette commission, je dois vous exprimer les regrets du député de Labelle, mon collègue, M. Léonard, qui aurait bien aimé être avec nous cet après-midi, mais d'autres obligations parlementaires le privent du plaisir d'être ici.

J'aimerais tout d'abord vous poser une première question, mais qui est vraiment très, très ciblée sur la ville de Mont-Laurier et la situation que vivent les Lauriermontois. Est-ce que vous pouvez m'expliquer pourquoi, au terme de l'étude qui a été commandée par la ville et le ministère, qui visait à améliorer les conditions de diffusion, on a fermé la salle de spectacle en 1990, en pleine saison, que, depuis cette date, Mont-Laurier n'a plus de salle professionnelle et que les organismes culturels locaux ont dû se relocaliser ailleurs? Où est-ce qu'on en est là-dedans?

M. Brisebois: Rapidement, M. Boulerice, je peux vous dire que ça a été quelque chose d'assez déchirant, au niveau du conseil municipal, de devoir prendre une telle décision. On avait commandé une étude au niveau de l'amélioration scénique de la salle académique de la polyvalente Saint-Joseph. Malheureusement, ce qu'on a obtenu comme constat, c'est qu'il y avait des dangers importants au niveau de la sécurité publique. Donc, on ne pouvait pas, moralement, je pense, faire autre chose que dire: Écoutez, la situation est telle que nous devons la rendre publique. Ce qui a été fait et ce qui a amené le ministère de l'Éducation et les assureurs privés de la commission scolaire à mettre un holà sur l'ouverture de cette salle-là.

Je peux vous dire actuellement qu'on devrait rouvrir la salle avec des changements minimes, finalement, à peu près dans les mêmes conditions où on l'avait laissée, et les assureurs, comme le ministère de l'Éducation, semblent être d'accord, finalement, à nous dire que, bon, si la salle a fonctionné pendant 60 ans, je pense qu'elle pourrait continuer à le faire encore. Donc, c'est une nouvelle toute récente et on devrait, je pense, être en mesure de reprendre la diffusion dans cette salle-là à compter de janvier. Ce que je voudrais vous dire aussi, c'est qu'on est bien conscients que cette salle-là n'est pas nécessairement adéquate pour faire de la diffusion de spectacles tels qu'on les conçoit aujourd'hui.

M. Boulerice: D'accord. M. Brisebois, vous évoquiez les difficultés des organismes culturels en région à se faire reconnaître du ministère et vous avez employé le cas de la troupe de théâtre Montserrat qui a eu, durant 15 ans tout au moins, un statut de troupe semi-professionnelle, pour y renoncer récemment en raison des exigences difficiles à rencontrer, exigences posées par le ministère. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu davantage, justement, sur ces problèmes inhérents aux programmes nationaux normes mur-à-mur, par rapport à la réalité d'une région comme la vôtre?

M. Brisebois: J'ai deux exemples. Au niveau de la troupe, effectivement, si je me souviens bien, c'est le nombre de productions qu'on devait faire à chaque année, je pense, qui faisait en sorte que... Je pense qu'il fallait en avoir trois et c'était difficile. Les gens de la troupe Montserrat, même si on parlait d'une troupe semi-professionnelle, tout le monde, ce sont des bénévoles voués à la cause du théâtre, mais c'étaient des bénévoles. Donc, c'était difficile pour la troupe de rencontrer effectivement la norme de trois productions annuelles. Ce qui a fait qu'on a dû abandonner ce statut-là et, évidemment, les avantages qui étaient également inhérents à ça.

L'autre exemple, c'est celui de la salle de spectacle, je pense. Malgré la bonne volonté - je pense à M. Jean-Marc Parent, entre autres, qui est plein de bonne volonté à l'égard de la ville - par rapport au travail qui a été fait précédemment par les gens du milieu, il n'en reste pas moins que, quand on parie des normes au niveau d'une salle de spectacle, on doit répondre à des choses très spécifiques au ministère des Affaires culturelles. Chez nous, je ne pense pas qu'on puisse uniquement parier d'une salle de spectacle, ça doit être plus

multidisciplinaire que ça, on doit pouvoir penser plus en termes communautaires et ça, ça pose un certain nombre de problèmes.

M. Boulerice: M. Brisebois, votre municipalité consent beaucoup... Veux veux pas, plusieurs maires interviennent; donc, on est en train d'établir un certain palmarès de l'action culturelle des municipalités et je pense qu'il y a des efforts. Mais, dans le cas d'une concertation, et la ministre parle de la table des municipalités... Votre mémoire, lui, se campe, on le voit au point 5, c'est-à-dire à la dernière page, et vous êtes le tout premier à le faire, mais de façon très claire. Vous dites: "Le constat est clair." Bon, je répète le mot. "La ville de Mont-Laurier convient de la nécessité de poursuivre sa mission en soutenant et en consolidant les acquis. Le ministère doit cependant voir l'action municipale comme un "accélérant" au développement culturel et artistique du Québec et non pas comme une substitution de son rôle. Limité par la capacité de payer de ses citoyens, aucun développement des infrastructures d'accueil à la diffusion de spectacles ne pourra voir le jour sans une intervention "indexée" de l'État en regard de l'indice économique de notre région. Les programmes du ministère, à défaut de pouvoir pallier à l'effort fiscal pouvant être consenti par une municipalité, devront pouvoir contenir une marge d'ouverture suffisante pour considérer des propositions novatrices lorsqu'elles sont admises par le milieu concerné et pouvant s'avérer bénéfiques pour ce dernier."

Dans le premier paragraphe, si je comprends bien, M. le maire, vous dites, comme la majorité des régions: Nous sommes capables de gérer nos choses en région; cessez le normatif norme mur-à-mur; nous, les gens de Mont-Laurier, les gens des Hautes-Laurentides, on sait ce qui est bon ou ce qui est valable et ce que nous sommes capables de faire. C'est bien ça qu'on doit lire? Dans le deuxième, c'est: Nous n'allons pas nous asseoir et assister à un délestage, et vous devez tenir compte des particularités des régions; si vous nous dites que nous sommes particuliers, les régions, eh bien, vous devez observer toutes les facettes de nos particularités. C'est bien ça que vous dites? C'est un peu un avertissement: On ne va pas s'asseoir pour n'importe quoi et n'importe comment.

M. Brisebois: C'est un peu un avertissement, c'est vrai, et c'est clair que la piste des ententes intermunicipales et du support des autres municipalités, c'est indispensable. Sauf que, même à ça, il reste quand même que la MRC dans son ensemble est au 90e rang sur 99 à peu près à tous les chapitres. Donc, nous, on dit: Effectivement, l'État a un pouvoir régulateur à ce niveau-là et doit tenir compte de cette situation-là.

Et je reviens à la question de la salle de spectacle. Il est clair que, chez nous, on doit mettre en commun, pas seulement avec les autres municipalités, mais également avec les autres intervenants potentiels sur le territoire... Et, quand on parle de commission scolaire, on parle de pavillon collégial. Quand on parie de salle de spectacle, on est un petit peu campés comme étant, finalement, à peu près les seuls intervenants potentiels. Alors que, nous, on dit: S'il y avait une mise en commun et si les normes nous permettaient un peu de souplesse, bien, peut-être qu'on réussirait, effectivement, à répondre à un besoin qui est évident et on rendrait service, de toute façon, je pense, à l'ensemble culturel du Québec, dans tous les sens du terme.

M. Boulerice: D'accord. Une dernière et toute brève question, M. le maire. Quelles sont les relations que vous avez avec votre conseil de la culture et quelle est l'importance, pour vous, du conseil de la culture?

M. Brisebois: Je vais vous répondre d'une façon très vague parce que je ne suis pas le spécialiste de la question. Je peux vous dire que je pense que les relations sont excellentes avec le conseil de la culture et je peux vous dire une chose aussi, c'est qu'actuellement le conseil de la culture pousse très fort pour que Mont-Laurier reprenne la diffusion parce qu'on s'est rendu compte du dynamisme de la ville de Mont-Laurier à ce niveau-là et les gens sont des ardents défenseurs, je pense, de la ville de Mont-Laurier au niveau de la région, parce qu'ils se sont rendu compte de la capacité de cette sous-région-là à faire des choses au niveau culturel.

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le maire. M. Brisebois: Ça me fait plaisir.

M. Boulerice: Je crois, M. le Président, que mon collègue désire-Le Président (M. Gobé): Merci. Oui, il vous reste quelques minutes, allez-y.

M. Godin: Merci, M. le Président, de votre compréhension et générosité. M. le maire Brisebois, est-ce que vous pourriez me dire si, dans votre ville, il y a une collaboration de la municipalité, bien sûr, du système scolaire - ma question porte là-dessus - et du conseil de la culture? Est-ce que les intervenants possibles...

M. Brisebois: Oui, M. Godin...

M. Godin: ...mettent l'épaule à la roue ensemble pour que ce qui existe soit maintenu et ce qui est nécessaire s'ajoute éventuellement?

M. Brisebois: Je vous donnerai trois exemples rapidement. Effectivement, il y a beaucoup de collaboration quand même, déjà, à la base

avec la commission scolaire. On n'a pas attendu que les gens nous le disent, on a fait des choses à ce niveau-là. Je peux vous dire que d'Aventure T, qui est un des programmes du ministère des Affaires culturelles pour faire connaître le théâtre aux jeunes, il y a une collaboration de tous les instants avec la commission scolaire. Au niveau de Passe-Partout, ça se fait dans les locaux de la ville de Mont-I_aurier, même si c'est un programme qui s'adresse au scolaire. On a une entente au niveau de ce qu'on appelle Ciné-Congé, avec la commission scolaire, pour permettre, encore une fois, aux élèves de la région de pouvoir bénéficier d'une autre forme de culture. Donc, oui, en général, il y a une excellente collaboration entre la ville de Mont-Laurier et la commission scolaire.

M. Godin: Alors, je pense que c'est un modèle qui devrait être exporté vers d'autres régions comme la vôtre, de manière à ce que partout où il y a ces institutions-là, commission scolaire, municipalité et le ministère des Affaires culturelles ou un conseil de la culture, les trois mettent l'épaule à la roue ensemble et dotent une municipalité comme la vôtre, qui n'a pas un budget aussi faramineux que celui de la ville de Montréal...

M. Brisebois: Non, malheureusement.

M. Godin: ...ou de Trois-Rivières ou Amos, d'une salle de spectacle ou d'une salle de cinéma même improvisée, comme quand on allait voir, le samedi soir, à l'académie de La Salle, à Trois-Rivières, du cinéma. C'est ainsi que des talents se sont développés pour la critique de cinéma ou pour le goût de faire des films. C'est comme ça que le Québec arrivera, à mon avis, à déceler tous ses talents dans l'ensemble du territoire et formera une relève qui assurera, je dirais, la présence du Québec culturel au-delà des "pous-seux" de crayon constitutionnels, parce que, moi, je pense que, si le Québec existe et surtout veut exister dans l'avenir, c'est par ses créateurs et créatrices qu'il le fera. Souvent, l'étincelle apparaît dans la municipalité grâce à la fusion, même temporaire, des institutions existantes, toutes d'ailleurs étant le fruit du travail des payeurs de taxes. C'est pour qu'on n'en échappe pas un, autrement dit, qu'il y ait un filet aux mailles assez serrées dans tout le Québec pour qu'on ne laisse pas échapper un seul de nos talents, mais qu'au contraire il ait l'occasion, ce talent-là, d'enrichir ses connaissances, sa propre culture, et de contribuer, de rendre aux citoyens du Québec un peu de ce qu'il aura reçu d'eux autres sous forme de création quelle qu'elle soit, un livre, une pièce de musique, une pièce de théâtre, un tableau, une exposition, un spectacle de cirque, puisque je vois dans la salle des gens qui enseignent les métiers du cirque, qui ont...

Le Président (M. Gobé): Ils vont venir après, M. le député. Ils vont venir devant nous.

M. Godin: Oui, mais, M. le Président, vous ne m'empêcherez pas de m'adresser à qui je veux dans la salle...

Le Président (M. Gobé): Non, c'est parce que le temps...

M. Godin: ...à moins que ce ne soit ma soeur, ma mère ou...

Le Président (M. Gobé): Non, non, mais le temps est maintenant écoulé...

M. Godin: Écoulé?

Le Président (M. Gobé): ...et nous allons rencontrer les gens du cirque aussitôt après. C'est ça que je voulais vous faire savoir gentiment.

M. Godin: Merci, M. le Président. Effectivement, c'était gentil et je vous reconnais bien là. Alors, M. le Président, j'ai terminé.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, un petit mot de remerciement?

M. Godin: M. le maire, je vous remercie.

M. Boulerice: Oui, en vous remerciant, M. le maire, de nous avoir fait part du vécu, de ce que pouvait être une ville dans votre situation et, surtout, je me rattacherai encore à votre point 5 qui est, à mon point de vue, une condition sine qua non de dialogue si on veut en arriver à des résultats concrets dans une région comme la vôtre. Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire, d'avoir accepté notre invitation, d'une part, d'être venu ici nous voir. Vous savez qu'il y a toujours eu une très belle collaboration entre votre ville et, vous l'avez mentionné tout à l'heure, le ministère. Modulation des programmes. Effectivement, vous savez qu'on ne serait pas ici si on ne voulait pas avoir de changement. Donc, oui, profond besoin de changement. Il y a plusieurs personnes, d'ailleurs, plusieurs maires ou autres, qui ont parlé de modulation des programmes et, effectivement, on va regarder ça de très, très, très près. Entre-temps, vous pouvez être assuré que nous allons continuer à collaborer avec vous, évidemment, si on peut aussi se fier sur vous pour prendre le leadership aussi au niveau des autres municipalités environnantes et répandre la bonne parole. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. Merci, M. le maire. Nous vous remercions d'être venu devant nous aujourd'hui, et d'un peu loin, et soyez assuré que les membres de cette commission l'apprécient. Je vous prie de transmettre à tous vos concitoyens de Mont-Laurier notre sympathie et nos remerciements pour cet apport à notre commission parlementaire.

M. Brisebois: M. le Président, si vous me le permettez.

Le Président (M. Gobé): Le dernier, dernier, parce que je dois, malheureusement, entendre le groupe suivant.

M. Brisebois: Je pense que M. Bruno Lussato, dans le rapport Arpin, parlait de manie industrielle. Je pense qu'on devrait également parler de manie de mondialisation qui ne devrait jamais empêcher qu'on redécouvre l'espace local, qui est l'espace de référence pour l'individu. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le maire. Soyez assuré que votre commentaire a été entendu. Alors, vous pouvez maintenant vous retirer. J'inviterai les représentants de l'École nationale de cirque à bien vouloir prendre place en avant afin que nous puissions commencer leur audition. Je vais, en attendant, suspendre pour une minute.

(Suspension de la séance à 17 h 3)

(Reprise à 17 h 5)

Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et messieurs, si vous voulez bien rejoindre vos places, car nous allons reprendre nos auditions. Je tiens à saluer les représentants de l'École nationale de cirque. Alors, M. Michel Noël, président?

M. Noël (Michel): Voilà.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, M. Noël.

M. Noël: Bonjour.

Le Président (M. Gobé): Mme Julie Lachan-ce, directrice pédagogique. Bonjour, madame. M. Gervais Harvey, directeur administratif. Bonjour, monsieur. M. Jan-Rok Achard, directeur général. Bonjour, monsieur. Alors, sans plus tarder, vous pouvez maintenant commencer votre présentation et vous avez, pour ce faire, 15 minutes.

École nationale de cirque M. Noël: Merci. Mon nom est Michel Noël.

Je suis le président du conseil d'administration de l'École nationale de cirque.

Mme la ministre, M. le Président, M. Boulerice, M. Godin et les représentants de l'Opposition, Mme la sous-ministre, l'ensemble du personnel du ministère des Affaires culturelles, merci de nous fournir l'occasion de partager avec vous notre réflexion, notre point de vue sur la proposition "Une politique de la culture et des arts". Nous tous de l'École nationale de cirque, les étudiants, les formateurs, le personnel, la direction et les administrateurs, avons le sentiment profond de participer à un moment important de l'histoire des arts et de la culture au Québec. Nous attendons beaucoup de cette commission parlementaire. Le résultat de vos travaux, les décisions concrètes que vous prendrez doivent nécessairement marquer l'histoire artistique du Québec et de sa culture.

Le Québec traverse une période excessivement difficile, économiquement et artistiquement. Plusieurs institutions et entreprises artistiques sont, d'après nous, aux soins intensifs. Une bonne partie d'entre elles sont même rendues aux soins palliatifs. C'est à l'État qu'il appartient de décider si elles y resteront ou si elles en sortiront. C'est à la société québécoise dans son ensemble qu'il appartient de décider du traitement qui s'impose.

L'art ne peut mourir. Par ailleurs, les artistes, ceux et celles qui font de l'art leur vie, sont, pour la plupart, dans une position précaire, ce qui nous amène souvent à nous demander si le ministère des Affaires culturelles ne s'est pas transformé brièvement en ministère des soins palliatifs. Assistons-nous à une épidémie qui ravage ceux et celles qui nourrissent l'âme des Québécois et Québécoises, qui enrichissent leur identité, qui fournissent l'oxygène émotif, affectif? Continuons-nous à détruire systématiquement les hommes et les femmes qui, au ministère des Affaires culturelles, ont le syndrome de la croyance aux arts et aux artistes?

Cette commission en est une de l'espoir. Elle doit redonner une dignité à ces travailleurs de l'art, aux artistes, aux créateurs, ainsi qu'aux gestionnaires de l'art. Nous ne voulons pas mourir. Nous avons la rage de vivre. Nous voulons d'un ministère de la création. Nous voulons d'un ministère de l'art et de la culture.

Je vous présente maintenant les maîtres de piste de l'École de cirque. Ce sont eux qui trouvent, inventent les moyens pour rendre possible le cheminement de la création qui est celui d'une école d'art. Ce sont eux également qui rendent possible l'aventure exaltante et risquée de la formation artistique dans les arts du cirque. Julie Lachance, directrice pédagogique, Gervais Harvey, directeur administratif, et Jan-Rok Achard, le directeur général; ils constituent à eux l'équipe de l'École.

L'an dernier, l'École célébrait son 10e anniversaire, 10 ans marqués par la naissance des

arts du cirque au pays, 10 ans au cours desquels les créateurs, les artistes et les entreprises de cirque de chez nous se sont acquis une réputation d'excellence qui va bien au-delà de nos frontières. Ils sont reconnus pour leur audace, leur persévérance, leur talent, leur création et leur sens de l'innovation. Ils se sont distingués dans plusieurs concours internationaux. L'École est sans cesse sollicitée pour participer avec ses étudiants à des concours, à des événements internationaux, si bien qu'au cours des derniers mois des invitations lui ont été faites par la Chine, l'Espagne, la Russie, Cuba, l'Italie, la Belgique, la Hongrie, la France. Les promoteurs japonais ont même demandé à l'École de créer, à Tokyo, une copie conforme de ce que nous avions inventé ici; n'eût été la difficulté de l'apprentissage de la langue, ce serait, quant à nous, chose déjà faite.

L'École est née en 1980 au centre Immaculée Conception. Elle a eu un père, de la Sablonnière. Sans son soutien, sa confiance inébranlable en la jeunesse, nous ne serions pas avec vous aujourd'hui. En 1986, l'École acquiert son autonomie corporative. Entre-temps, en 1984, le Québec assistait et participait à la naissance du Cirque du Soleil. L'École a joué et continuera de jouer un rôle essentiel dans l'évolution des arts du cirque au pays et dans le monde. La très grande majorité des artistes de cirque du pays sont passés par notre École. Ils vont continuer de contribuer brillamment au succès du Cirque du Soleil et à d'autres cirques dans le monde. En 1985, le Cirque du Soleil est venu chercher à notre École son propre directeur artistique, Guy Caron. C'est à lui que fut confiée la direction artistique du spectacle le "Cirque réinventé", que vous avez tous vu. Il demeurera directeur artistique jusqu'en 1988. C'est également à l'École que furent montés la plupart des numéros de ce spectacle.

Fragile et vulnérable, présentement l'École l'est tout autant, sinon plus que la majorité des entreprises artistiques du Québec. Tout comme elles, l'École est à la recherche de moyens lui permettant de réaliser pleinement sa mission, c'est-à-dire la formation et la création. La recherche, le développement et l'innovation font partie de la mission d'une école d'art. Cette mission, pour être rencontrée adéquatement, doit être servie par une certaine stabilité financière, ce qui n'est pas le cas de notre École. Comment l'École peut-elle assurer une continuité à ceux et celles qui s'inscrivent dans ce cheminement artistique alors que, de six mois en six mois, elle se demande si elle pourra continuer de vivre? Comment pourrait-elle maintenir sa crédibilité sur le plan national et international en continuant d'être dans cette situation précaire? Comment assurer aux étudiants et aux artistes qui la fréquentent que l'École respectera ses engagements envers eux?

L'École nationale de cirque est unique au

Québec, unique au Canada et unique en Amérique. Sa vie, son développement, son avenir sont intimement liés à la volonté de l'État de la reconnaître en tant qu'école supérieure, en tant qu'institution nationale dédiée à la formation professionnelle et au perfectionnement des artistes de cirque, une reconnaissance qui implique de lui fournir les moyens de poursuivre sa recherche de l'excellence. C'est dans une école supérieure que se forment les futurs ambassadeurs artistiques dans le domaine du cirque, ces ambassadeurs qui font la fierté de nos hommes et femmes politiques.

Les arts du cirque sont devenus et vont demeurer des symboles de l'excellence artistique au Québec. L'État doit être prêt à donner et à reconnaître la nécessité de donner à la formation de l'élite artistique des institutions qui pourront être autonomes, qui pourront être libres parce qu'on leur en aura accordé les moyens. L'autonomie, la liberté, des éléments essentiels pour que les jeunes artistes, pour que ceux et celles qui sont déjà dans la pratique puissent continuer d'avoir le goût de prendre ce beau et magnifique risque qu'est la création. 1992-1993 est une année cruciale pour l'École de cirque. C'est une année déterminante pour son avenir. C'est une année où nous souhaitons voir le ministère des Affaires culturelles devenir le ministère des arts et de la culture. Nous désirons lui voir reconnaître son rôle et son implication dans la formation artistique de l'élite. C'est à l'État de lui donner les moyens de jouer ce rôle indispensable.

L'École nationale de cirque est une école supérieure, c'est une école pour l'élite artistique dans les arts du cirque. C'est au ministère des Affaires culturelles qu'elle voit sa place et c'est avec ce ministère qu'elle vit un sentiment d'appartenance. L'École nationale de cirque est essentielle au développement des arts du cirque, c'est une école unique, comme je vous le disais, au Québec, au Canada et en Amérique. Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie beaucoup. Je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre, pour 15 minutes.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Noël. Merci beaucoup...

M. Boulerice: Je m'excuse, je crois que monsieur voulait rajouter un tout petit peu. Je pense que la ministre et moi n'avons aucune objection à ce que notre temps soit réduit de deux, trois minutes, de façon à ce qu'il puisse s'exprimer, M. le Président.

M. Noël: M. le Président et Mme la ministre, j'aimerais que notre directeur général, M. Achard, puisse intervenir quelque peu. Je vous ai résumé l'essentiel de notre vision et de ce qu'est l'École. J'aimerais quand même que ceux qui font

le travail au quotidien aient la chance de s'exprimer. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, vu qu'il semble y avoir consentement de part et d'autre et que c'est la règle de notre commission, je vais donc accéder à votre demande. M. le directeur général, vous avez la parole. (17 h 15)

M. Achard (Jan-Rok): Merci. Quand je me retrouve ici cet après-midi, je n'ai pas le goût de vous faire du cirque, mais j'ai le goût de vous en parler. J'ai le goût de parler, pour quelques secondes, de l'unicité de l'École. Qu'est-ce que c'est d'être unique pour une école? J'ai le goût d'essayer de vous faire comprendre comment cette unicité-là, elle est importante, comment l'autonomie et la liberté de l'École est importante.

Je voudrais vous étayer rapidement la condition des autres écoles dans d'autres pays dans le monde. La majorité des écoles de cirque dans le monde appartiennent à des entreprises de cirque, ou elles appartiennent à l'État, ce qui n'est pas le cas de la nôtre. Quand on appartient à une entreprise, on fait tout en fonction de l'entreprise. L'avantage que l'École a, c'est de faire la formation en fonction d'une formation artistique. Quand on appartient à une entreprise, les artistes qui y sont n'ont pas le choix de faire ce qu'ils veulent, de prendre la spécialité qu'ils veulent. Ils prennent et ils font la formation en fonction des besoins de production de l'entreprise.

L'École a la liberté et l'autonomie nécessaires pour faire appel à la création des étudiants, à leurs choix, à leur liberté et aux risques de la création. Quand on appartient à une entreprise comme c'est le cas de la Chine, comme c'est le cas de la Russie, les étudiants font partie de la vente, parce que ce sont des pays qui exportent, qui vendent des produits. Les artistes qui font partie du produit n'ont pas d'autre choix que de faire partie des transactions. Ce n'est pas le cas à l'École; on ne vend rien, on n'est pas des agents, mais nos étudiants travaillent dans le monde.

Être unique, ça veut aussi dire avoir les moyens de ne pas se soumettre aux règles et aux normes que l'on retrouve très souvent dans des ministères comme celui de l'Éducation, celui de l'Enseignement supérieur et de la Science, qui sont souvent, permettez-moi la parenthèse, déconnectés de la réalité de la pratique artistique. C'est difficile, dans une école de cirque comme la nôtre, de se faire dire qu'il faut se restreindre à faire une année scolaire de 30 semaines alors que, pour des raisons de sécurité, des questions de formation, une année scolaire dans une école de cirque doit être de 40 semaines.

Il est difficile d'arrimer, d'adapter les normes, les règles du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science à la formation artistique. Tous les collèges au Québec qui ont, dans leur domaine, des options théâtre ou des options musique vivent la difficulté de gérer les arts dans le milieu de l'enseignement. On voudrait échapper à ça, mais on n'en a peut-être pas le choix. C'est pour ça que, dans le mémoire, on vous disait que, par moment, nous sommes un peu contorsionnistes. On n'en a pas, souvent, le choix. Et c'est une question qu'on va vous poser et sur laquelle on reviendra: Est-ce que le ministère est prêt à reconnaître une responsabilité importante dans la formation de l'élite artistique? Est-ce qu'on est prêt à aller là-dedans?

Notre choix comme école, c'est d'être capable de grandir, c'est d'être capable de vivre avec les gens, de vivre avec les artistes, connecté sur la vie artistique, sur la pratique artistique, mais, en même temps, peut-être pour quelques-uns d'entre vous autres, le paradoxe, c'est d'être autonome, de s'appartenir. On est prêt à devenir une institution nationale, on est prêt à accepter un cahier de charges, on est prêt aussi a assumer l'autonomie et la liberté nécessaires à la création artistique.

Dans une école comme la nôtre, on retrouve deux sortes de clientèles. On retrouve des interprètes et on retrouve des créateurs producteurs. Je n'aurais pas le goût de voir à l'École quelqu'un imposer à un artiste ce qu'il doit faire. Je préfère voir des étudiants et des artistes venir explorer, prendre le risque, vivre l'aventure exaltante de créer, de vous toucher. On a une rage de vivre dans cette École-là, on a une rage de rayonnement. On a une crédibilité. On vous demande juste de nous aider à la soutenir, la crédibilité. On vous demande juste de nous dire si vous êtes prêts à faire en sorte qu'au Québec l'État du Québec dise: Oui, nous voulons des institutions d'élite pour la formation artistique au Québec. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Achard. Mme la ministre, il vous reste 10 minutes, 12 minutes.

Mme Frulla-Hébert: Je vous remercie tous. D'abord, bienvenue, M. Noël, Mme Lachance, M. Harvey et M. Achard.

Ce que vous soulevez, c'est une question... Vous savez, je le répète et je pense que je vais le répéter jusqu'à la fin, dans un monde parfait, on ne serait pas ici, personne. Si on est ici et si on a commandé cette commission parlementaire, si l'initiative vient de moi, c'est parce que, effectivement, on est prêts à apporter des changements, et des changements, de toute façon, on en a besoin et, effectivement, après 30 ans, c'est urgent qu'on en fasse.

Tout le dossier, finalement, de la formation professionnelle, on en parle, justement, au niveau de la musique, de l'art dramatique. On s'aperçoit

aussi qu'au niveau de l'enseignement supérieur les universités développent aussi de la formation, en musique, par exemple. Je ne ferai pas le tour, mais ce que je veux vous poser comme question... On sait que vous travaillez avec le ministère de l'Enseignement supérieur. D'abord, il y a plusieurs ministères avec qui vous travaillez. Effectivement, ça ne doit pas être facile non plus, parce que coordonner tout ça et harmoniser tout ça, je suis certaine que ce n'est pas facile. Vous avez cette accréditation-là au niveau du ministère de l'Enseignement supérieur, par exemple, et ce que vous nous dites, c'est: Ça ne règle pas nos problèmes parce qu'ils sont dans des normes ou, en tout cas, ils ont des normes qui sont tellement rigides que, pour nous autres, c'est inapplicable. Mais il y a tout le dossier de la formation qui, finalement, est sur la table au niveau gouvernemental, parce qu'on s'aperçoit que dans la formation professionnelle, il y a, là aussi, un grand besoin de changement. Est-ce que les deux sont à ce point conflictuels qu'il ne faudrait pas aller vers le ministère de l'Éducation, mais plus s'en venir vers le ministère des Affaires culturelles? Nous, on se pose la question aussi. Quand on est dans l'ère du changement et qu'on dit: Ça en prend des changements, tout est ouvert et tout est sur la table. Là, on se pose la question en disant: À l'inverse, est-ce que le ministère des Affaires culturelles se doit de prendre la formation professionnelle et est-ce que c'est de notre ressort? Il faut se poser la question quand on veut établir une politique.

M. Achard: J'ai le goût de vous répondre des choses qui seront peut-être un peu brutales, mais qui font partie de la réalité dans laquelle on est. On va parler du ministère de l'Éducation et, après ça, on parlera brièvement du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. On parle, dans le rapport Arpin, de la sensibilisation, de l'accès et tout ça. On parle même de la formation dite de base. En passant, nous, on ne croit pas à la hiérarchisation en termes de niveaux de scolarité. Un artiste qui participe à un spectacle, un enfant qui fait le Gala de musique du Canada, qui a sept ans et qui joue Rachmaninov, on ne dit pas: Bravo! c'est un enfant de l'élémentaire, c'est un artiste de l'élémentaire. Non, on dit: C'est un artiste.

Je pense qu'en formation artistique, tout en tenant compte qu'il y a des niveaux d'évolution dans la formation, on ne peut pas prendre les normes rigides, rigoureuses, qui sont sans doute légitimes, de la formation "paramétrée", si on peut employer cette expression-là. Quand on vous dit: Nous voulons que le ministère des Affaires culturelles, ou le ministère des arts et de la culture, reconnaisse la formation professionnelle, c'est qu'on se dit que c'est là où il y a un lien immédiat avec la pratique professionnelle. C'est difficile de "paramétrer" un artiste comme on "paramètre" un avocat ou un scientifi- que. Il y a une marge de manoeuvre dont on a besoin. On vous dit qu'on vit un sentiment d'appartenance avec un ministère qui est dans le contenu, qui est dans la création. Voilà pour un premier volet.

Vous parlez de formation ou de perfectionnement. Dans les arts du cirque, on n'a pas le choix; on ne peut pas s'arrêter 22 mois et recommencer à faire du trapèze le lendemain. Mais attention! la prudence qu'on aura tout le temps, et c'est, au départ, la mission d'une école, c'est la formation de futurs créateurs, d'artistes. Que les entreprises aient des besoins, nous sommes d'accord avec ça et on est prêts à y répondre, mais parallèlement et dans la mesure où les moyens nous seront fournis pour le faire. On ne peut pas d'une façon spontanée dire: Je déplace mes programmes, je déplace ceux qui sont engagés dans un cheminement de trois, quatre, cinq ou sept ans pour faire place à d'autres gens. On est prêts à travailler avec les entreprises, mais avec les artistes de ces entreprises-là. On n'est pas prêts à intégrer, dans une école dite d'art, de la formation immédiate, complète pour des gens qui ont des besoins ponctuels.

Là où j'étais un tout petit peu hésitant et presque un peu choqué dans le rapport Arpin, c'est quand on parle de donner à de la main-d'oeuvre accès à la nouvelle technologie. Dans les arts, la nouvelle technologie, elle existe sur le plan de la fabrication. Quand on parle de la création, c'est difficile de parler de nouvelle technologie, particulièrement dans les arts du cirque. La création, c'est dans notre bedaine, c'est dans notre tête. Pour compléter, c'est clair que, pour nous, la rigidité - et on n'en fait pas un défaut, mais ça fait partie de la "game" - du ministère de l'Enseignement supérieur et de celui de l'Éducation ne convient absolument pas à la formation dite artistique professionnelle.

Mme Frulla-Hébert: Est-ce que vous voyez, par exemple, parce que c'est important, ce dossier de la formation... Parce que le système, tel qu'on le connaît présentement dans toute formation professionnelle, que ce soit dans notre secteur ou dans d'autres secteurs, on s'aperçoit, en bout de ligne - et je pense que ça a été mis sur la table et décrié, ne serait-ce que par M. Gérald Tremblay et par notre ministre de la Main-d'oeuvre aussi - qu'il n'est plus applicable. Alors, il va y avoir, finalement, une espèce de flexibilité obligatoire, que ce soit dans tous les secteurs. Par exemple, justement, dans notre secteur à nous, parce que c'est très particulier et parce que, justement - et vous avez raison, vous y avez touché - c'est un secteur artistique, donc il faut avoir l'environnement pour développer cette création, est-ce qu'on ne pourrait pas se servir de ça aussi à titre d'exemple pour, justement, faire en sorte que l'Enseignement supérieur, finalement, se "flexibilise", si vous me

permettez ce terme?

M. Achard: Ce que l'on se fait dire souvent par les gens de ce ministère-là, c'est: À partir du moment où on met un élastique, tout le monde va avoir besoin de l'élastique. On met dans le régime pédagogique du collégial: Vous avez droit à des dérogations. On vous dit: Présentez-nous des programmes où il n'y a aucune dérogation, il faut que vous soyez conformes. Je me dis: Quand on veut reconnaître la spécificité d'une chose, on ne l'amène pas à s'embarquer dans des démarches de dérogation pour se faire reconnaître. La spécificité de la formation artistique, c'est une chose qui va de soi, ce n'est pas une spécificité de dérogation, et la flexibilité est toujours limitée. Je pense que, quand on est contorsionné longtemps... On peut le faire 15 minutes, peut-être une heure; le faire deux ou trois ans, ça va peut-être causer des problèmes de colonne. Et je me dis: II faut faire attention pour ne pas mêler, pour moi, les besoins, la légitimité de ce qu'on fait en termes de normes, en termes de règles dans ces ministères-là, tout en disant, ou chez vous ou ailleurs: Écoutez, on va établir, en quelque part, des règles qui sont particulières à la formation artistique. On n'essaiera pas de faire d'un département de théâtre un département de chimie.

Mme Frulla-Hébert: Évidemment.

M. Achard: On ne donnera pas les mêmes critères d'évaluation, ou même de prestation ou d'allocation d'enseignement dans une formation en cirque, comme on va les donner en informatique. Au trapèze, je peux difficilement être 10 à la fois. Je peux avoir cependant 10 micros.

Mme Frulla-Hébert: Là, j'essayais de faire le parallèle aussi au niveau des arts visuels. Il me reste deux minutes. Vous avez touché un point aussi au niveau des débouchés. Vous dites: Nous, on donne une formation; cette formation-là, c'est une formation qui est artistique, une formation où on développe l'excellence, mais on ne travaille pas en fonction des entreprises, comme ça peut se faire aussi dans d'autres pays où c'est le cirque qui a son école, mais on a des gens qui sont là, qui sont compétents et eux se trouvent, finalement, des débouchés ou répondent, finalement, à certains besoins. C'est unique, de toute façon, au Canada, mais comment voyez-vous, justement, ces ouvertures, ces débouchés-là?

M. Achard: La partie fascinante qu'on vit depuis quelques années à l'École, en tout cas depuis à peu près 1987-1988, c'est, d'une part, le marché du travail dans les arts du cirque; il n'y a pas de frontières, il est planétaire. On a nos voisins au 1217, Notre-Dame est, qui sont le

Cirque du Soleil, on ne veut pas les négliger. Ils sont sur place. Ils peuvent venir prendre une petite marche pour voir ce qui se passe. À quelque part, il pourrait y avoir, à l'endroit des étudiants, je dirais, une première option. Cependant, il ne faut pas, pour moi, restreindre le marché d'un artiste uniquement à celui de son pays. L'expression artistique dans les arts du cirque, d'autant plus, n'a pas de barrière linguistique. Et ce qu'on a vécu depuis 1988, c'est que nos étudiants sont appelés à travers le monde, que ce soit en France, que ce soit en Italie, que ce soit aux États-Unis, que ce soit en Australie, les étudiants trouvent là un marché. (17 h 30)

Alors, je pense que, de ce côté-là, on a une problématique fortement intéressante parce qu'on n'est pas capables de répondre à la demande, mais à la demande de gens qui ont le goût d'innover. Le marché international ou même le marché national ne fera appel qu'à des gens qui ont une certaine forme d'excellence. Comme on est reconnus un tout petit peu pour l'audace et la témérité dont on fait part, il y a un rejaillissement aussi par rapport à ça.

Alors, si les gens du Cirque du Soleil veulent des gens de l'École nationale de cirque, le 417 de la rue Berri leur est constamment ouvert, mais on ne ferme pas nos portes au monde et on ne veut pas fermer nos portes au monde.

Mme Frulla-Hébert: Je comprends. Merci.

Le Président (M. Gobé): II vous reste une couple de minutes, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Ah oui, bon! Au niveau de l'École, tout le développement, finalement, de cette discipline qui est les arts du cirque, au niveau de toute la politique culturelle qu'on amène - parce que c'est un développement qui est hautement artistique, qui est spécifique aussi et, comme vous le dites, qui est unique aussi à nous; je pense qu'on a développé une expertise grâce à vous - comment voyez-vous finalement son rôle au niveau de cette politique culturelle?

M. Achard: Moi, Mme Hébert, je vais être un petit peu effronté, mais je trouve que le mot "culture", il est difficile à assumer dans une entreprise artistique.

Mme Frulla-Hébert: II est gros.

M. Achard: J'aimerais ça qu'au départ, si on parle d'une politique, on parle d'une politique des arts et de la culture. Il y a des distinctions pour moi importantes.

Mme Frulla-Hébert: C'est un peu la suggestion, finalement, du rapport Arpln.

M. Achard: Dans un deuxième temps, je vous dirais que la formation... Et je n'aime pas le mot parce que, par moments, c'est un peu étriqué, mais on n'a pas le choix de dire que, pour faire le métier de l'art, peu importe la discipline et la forme, on doit faire appel à des gens qui ont un sens de l'excellence. On doit fournir, favoriser, faciliter l'accès à des institutions d'excellence à l'élite artistique, que ce soit en arts visuels ou en cirque.

J'aimerais peut-être voir la politique et particulièrement la position du ministère des Affaires culturelles mettre un accent fort sur la partie élitique et je ne dirais pas un bémol, mais un accent aussi fort sur le fait que, dans d'autres ministères comme celui de l'Enseignement supérieur et de la Science, on se connecte à la réalité de la formation artistique, peu importe le niveau de scolarité, mais qu'on pense aussi en termes de potentiel, qu'on cesse de penser qu'un artiste, c'est un élémentaire, c'est un secondaire. Est-ce que le TNM engage des D.E.C., des bacs ou des Ph.D.? Il engage des artistes. Est-ce que l'OSM engage des maîtrises, des D.E.C. ou des D.E.S.? Il engage des artistes. Est-ce qu'on va faire passer une annonce pour les auditions en disant: Tous les D.E.C, tous les D.E.S., tous les...

Une voix: Ça s'est déjà fait.

M. Achard: Non, non, ce n'est pas ça. Mais ça ne veut pas dire que, dans les arts, on n'est pas capables de rigueur, mais pas nécessairement celle que sont par moments les carcans des autres ministères.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Achard.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Achard.

Alors, je vais maintenant passer la parole au porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'affaires culturelles. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Mme Lachance, messieurs, si je vous comprends bien, le problème fondamental, c'est comment votre école peut demeurer elle-même en misant sur un financement forcément plus stable, mais sans avoir à renier, disons, une partie importante de ce qu'elle est pour se conformer aux exigences gouvernementales. C'est ça que vous dites.

M. Achard: Est-ce que vous pourriez répéter un tout petit peu? Vous parlez...

M. Boulerice: Je dis: Moi, si j'ai bien compris, là, votre intervention...

M. Achard: Oui.

M. Boulerice: ...le problème fondamental pour vous, c'est comment votre école peut demeurer elle-même en misant sur un financement forcément plus stable, parce que vous en voulez un, mais sans pour autant avoir absolument à renier une partie importante de ce que vous êtes pour vous conformer aux exigences gouvernementales multiples et fragmentées qui sont MEIC, MESS, enfin, toute cette panoplie de sigles que l'on a.

M. Achard: Une des réponses que, moi, je peux vous suggérer ou vous proposer, c'est ce que je disais tout à l'heure. C'est clair que, quand on fait de la contorsion avec huit ou neuf ministères, c'est difficile de s'y retrouver. Chacun de ces ministères-là a ses règles, a ses attentes, a ses exigences. Ce qu'on vous dit: Est-ce qu'on peut arriver - et je parle de l'État - à dire: Nous avons besoin d'institutions nationales pour l'élite artistique et on va leur faire confiance, mais on va quand même leur donner une prescription, un cahier de charges, ce qui va nous permettre d'avoir...

C'est évident qu'on en a besoin, de notre stabilité financière. Quelqu'un qui s'embarque pour huit ans n'a pas le goût de se faire dire après six mois: Non, tu n'auras pas les cours qui s'en viennent. On a besoin de ça, c'est évident. Mais ce qu'on vous dit, c'est: On "peut-u" reconnaître la formation artistique professionnelle comme une chose distincte de la chimie, de la bio, du droit, du commerce? On fait de l'art, on fait de la création.

M. Boulerice: Donc, oui, il y a forcément une implication d'autres ministères, sauf que là transpire un problème et ces ministères-là, forcément, n'ont pas une conception de ce qu'est l'art, de ce qu'est la culture, etc. Donc, vous tombez inévitablement dans le normatif de ces ministères-là. Il n'y a pas de sensibilité. C'est ça qui est le gros du problème.

M. Achard: Me permettez-vous une anecdote, M. Boulerice?

M. Boulerice: Oui, j'aimerais bien. Ce sont toujours les meilleures illustrations.

M. Achard: J'ai travaillé dans un collège public pendant 12 ans. Je me souviens d'un jour où j'ai engagé quelqu'un que tout le monde connaît, qui s'appelait Claude Jutra. Claude Jutra avait, dans son curriculum, un doctorat en médecine. Ça m'a permis de lui donner un cachet de metteur en scène très correct. Quelques mois après, j'ai engagé quelqu'un qui avait 25 ans de métier, mais qui, dans son curriculum, n'existait pas; il n'avait pas de doctorat, il n'avait pas de maîtrise. Ça m'a pris beaucoup, beaucoup de moyens, de pressions pour faire reconnaître que le professionnalisme de cette personne-là depuis 25 ans était tout aussi bon que le Ph.D. en

médecine qui n'avait rien à voir avec le théâtre. Ça fait partie, je dirais, des incongruités de certaines choses qu'on vit dans le milieu des arts. Je ne crache pas sur la diplomation. Je trouve ça important.

M. Boulerice: Ça ne peut pas être un absolu.

Mme Frulla-Hébert: Mais, par moments, ce n'est pas une chose absolue, en tout cas, dans notre cas.

M. Boulerice: M. Achard, oui, on donne le statut de national à des institutions. Bon, au départ, j'ai toujours prétendu qu'il n'y a pas de grand peuple s'il n'y a pas de grands symboles et s'il n'y a pas de grandes institutions. Donc, on donne un statut de national. Très souvent, c'est un qualificatif qui est un peu là pour être là. Mais, quand on donne à une école un statut de national, la vraie signification, la vraie dimension de national, c'est quoi pour vous?

M. Achard: Dans le contexte actuel, je dirais que c'est a mari usque ad mare. On est dans un pays qui, pour le moment, s'appelle le Canada. Mais...

M. Boulerice: Non, je ne parle pas en termes de juridiction et d'étendue de territoire.

M. Achard: Ah! Vous parlez...

M. Boulerice: Vous me parlez de mer. Moi, je peux vous proposer le choix d'un lac, le lac Saint-Jean...

M. Achard: D'accord.

M. Boulerice: ...qui est plus beau que le lac Meech. Mais enfin, c'est une autre histoire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Achard: Une institution nationale, M. Boulerice, est nécessairement une institution qui devient une espèce de référence de l'excellence. Finalement, sans jouer sur le sens hégémonique du terme, on devrait s'y référer, avec laquelle on devrait travailler, mais, en même temps, une référence qui va faire qu'elle a des obligations de rayonnement.

M. Godin: Et de qualité.

M. Achard: II n'est pas exclu qu'une institution nationale ait des satellites, entre guillemets. Il n'est pas exclu qu'une école nationale de cirque puisse avoir un certain nombre de ramifications, ce qui permettrait peut-être de rendre l'accessibilité plus grande. Mais la première chose que je souhaiterais pour une institution nationale, c'est d'assurer qu'on a le contrôle sur la qualité de ce qui se fait, qu'on ne s'éparpille pas, qu'on n'a pas 25 programmes de cirque différents. Pour moi, une institution nationale, ça signifie l'excellence, ce qu'il y a de mieux.

M. Boulerice: D'accord. Et qu'on ne lui donne pas ce titre uniquement dans un sens qualitatif, un peu: Vous êtes bien beaux, vous êtes bien gentils, voilà, gratte-bedaine, claque dans le dos, pour employer les phrases d'humour que vous faites et qui sont appréciées, mais que ce soit assorti forcément d'un certain quantitatif.

M. Achard: Sûrement.

M. Boulerice: Sûrement. D'accord. M. le Président, je crois que mon collègue, le député de Mercier et ancien ministre de la culture, aimerait intervenir.

Le Président (M. Gobé): Oui, avec plaisir, surtout que vous avez...

M. Godin: M. le Président, comme ma collègue de Marie-Victorin doit quitter instamment ou bientôt, je lui cède mon droit de parole.

Le Président (M. Gobé): Alors, en vertu de l'article 132, Mme la députée, avec le consentement unanime des membres de cette commission...

Mme Vermette: C'est vrai. Je ne suis pas membre de la commission.

Le Président (M. Gobé): ...nous vous cédons la parole pour quelques minutes parce que si, le député de Mercier...

Mme Vermette: Oui, il veut parler.

Le Président (M. Gobé): ...veut intervenir, il reste quatre minutes.

M. Godin: Évidemment, je vais intervenir.

Mme Vermette: En fait, je voulais dire que je vous remercie pour avoir mis autant de passion dans votre démonstration, à quel point il y a nécessité, justement, de faire cette distinction entre les arts et toute autre forme de formation. J'espère que votre message va bien être passé. Vous l'avez très bien livré. J'espère qu'en fait on va en tenir compte au moment où on aura à faire une politique parce que, effectivement, les arts, c'est complètement quelque chose de différent et on ne peut pas, en fait, les considérer sous le même angle que les autres formations en général. Ce n'est pas nécessairement du ressort toujours académique, tel qu'on le conçoit à l'heure actuelle. Je vous remercie.

M. Achard: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. M. le député de Mercier.

M. Godin: Si vous acceptez que j'enchaîne sur vos propos, Mme la députée. Alors, M. le Président, d'abord, je reprends l'expression de Mme la députée, ma voisine, à savoir que la passion de M. Jan-Rok Achard illustre bien la complexité de la création. Également, votre hargne contre le ministère de l'Éducation mettant ses grosses raquettes dans votre institution est un jugement, je dirais, implacable sur notre système d'éducation et surtout sur l'incompréhension de ce système-là par rapport à des réalités aussi subtiles, impalpables que la créativité ou la création.

Moi, je ne connais pas un artiste dans l'histoire de l'art, que ce soit la peinture, le cirque ou la littérature, qui brandisse un diplôme d'une école ou d'une université pour expliquer son talent. Ni Grock, probablement le plus grand clown du monde, ni Réjean Ducharme, ni Claude Jutra ne brandissaient leurs diplômes d'une école de cinéma ou d'une école de littérature. Par ailleurs, je connais à New York une école qui s'appelle le Seven Arts Society, où on n'engage que des artistes qui prêtent leur machine a innover, leur cerveau, pendant un certain nombre de mois pour tenter de transmettre à de jeunes Américains, à des jeunes New-Yorkais qu'est-ce que c'est et comment trouver l'étincelle de la création en eux-mêmes, ce qui débouche sur des chefs-d'oeuvre, que ce soient les chefs-d'oeuvre qu'on a vus en allant voir le Cirque du Soleil et qui ont fait l'unanimité sous toutes les latitudes.

Pourriez-vous me rappeler, M. Noël, en quelle année est-ce que Caron était chargé de l'École?

M. Noël: Guy Caron est entré à l'École en 1982. Il a quitté l'École en 1988 et il a été happé par le Cirque du Soleil à partir de 1985 jusqu'à 1988.

M. Godin: Parce que je me souviens qu'à cette époque-là, en 1982-1983, moi, j'avais un petit budget qu'on appelle, chez tous les députés, le budget hors normes. Je me souviens que Caron était venu me voir et j'avais débloqué quelques centaines de dollars, je ne sais pas pour quelles fins. Je ne sais pas si c'était lui qui voulait aller suivre des cours en Europe ou en donner chez de la Sablonnière.

M. Achard: C'est l'année où il est allé à Budapest.

M. Godin: Puis je me flatte d'avoir été l'un des premiers à manifester quelque intérêt et quelque sympathie, compréhension et surtout compréhension financière des besoins d'une telle école. Quand on voit la facilité avec laquelle vos élèves se placent presque où ils veulent dans le monde, on se dit vraiment que la création se passe dans les abîmes, les abysses, devrais-je dire, comme Nelligan disait, insondables et glauques, pour reprendre son adjectif, et que, par conséquent, le marché pour ça est infini. Si je vous demandais, parmi vos anciens élèves, combien n'ont pas su trouver un emploi, combien sont en chômage aujourd'hui, auriez-vous une réponse là-dessus?

M. Achard: II n'y a pas de chômage chez nous.

M. Godin: II n'y a pas de chômage. Ha, ha, ha!

M. Achard: Notre problème, c'est de répondre au marché du travail. Il n'y a pas de chômage à l'École nationale de cirque, ni pour ceux qui en sortent, ni pour ceux qui y reviennent.

M. Godin: Maintenant, autre question qui est plus psychologique, celle-là. Comment peut-on expliquer que les Québécois et Québécoises ont un talent particulier pour le cirque? Est-ce que ça tient à l'histoire du Québec qui est toujours sur la corde raide?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Alors, une réponse rapide, M. Achard, s'il vous plaît.

M. Achard: C'est une réponse qui pourrait être de la haute voltige. Je vais essayer de vous l'épargner.

Le Président (M. Gobé): Alors, je tiens à vous remercier. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, le mot de remerciement?

M. Godin: On attend une réponse de M. Achard.

M. Achard: Vous savez, c'est une réponse qui va peut-être être un petit peu caricaturale. On n'a pas de tradition. Donc, on a pu enfreindre les traditions, on a pu essayer des choses, on a pu prendre des risques. Quand on se retrouve dans des pays comme ceux de l'Est, la France ou certains pays d'Europe où la tradition est très forte, la prise de risques créatifs dans les arts du cirque est beaucoup plus difficile. Ici, on a eu comme la chance, en quelque part, de ne pas avoir une tradition qui nous a étouffés. On n'était pas ignorants ou on ne connaissait pas tout et on s'est permis, à partir de là, de s'essayer, de prendre le risque de...

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Achard. Merci, M. le député de Mercier. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, très rapidement, s'il vous plaît.

M. Boulerice: M. le Président, M. Achard a donné comme réponse à mon collègue, le député de Mercier, un peu, à quelques mots près, ce que, moi, j'aurais aimé dire à l'École nationale de cirque. Alors, merci de vous être salués par vous-mêmes. En ajoutant qu'on s'est commis, en cette commission - du moins quelques-uns -lorsqu'on parlait de Québec en disant: Lorsqu'on donne à une ville le statut de capitale, il y a des obligations qui en découlent. Et, lorsque l'on donne à une école le qualificatif de "nationale", il y a forcément, dans mon esprit, des obligations particulières de l'État envers cette école. C'est dans cet esprit que j'aborde votre mémoire et que je retiendrai ce que vous y demandez.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre?

Mme Frulla-Hébert: Merci, oui, à vous tous. M. Achard, vous savez qu'on travaille quand même très bien et très proche de vous, et on y croit. Bon, en plus, finalement, d'être un centre de création artistique explosif, innovateur, quand vous dites aussi: II y a des débouchés, on n'en a pas, on n'est pas capables d'en fournir, je pense que ça aussi, c'est un exemple.

Mais vous avez fait avancer le débat au niveau de la formation parce que, comme je vous dis, nous, on veut des changements. Je vais procéder à des changements, mais excepté qu'on met tout sur la table aussi. Et ils ne seront pas que constitutionnels, parce qu'il y a beaucoup de changements administratifs que nous avons besoin aussi d'y voir. Alors, c'est pour ça qu'on mettait tout aussi sur la table, et le dossier de la formation, en général, il l'est aussi, chez nous, sur la table et je me pose beaucoup de questions. Alors, merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. Achard, messieurs, madame, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier d'être venus aujourd'hui nous faire part de vos expériences, de vos réflexions devant cette commission qui a été initiée à la demande de Mme la ministre des Affaires culturelles. Je tiens à vous assurer que nous avons pris bonne note de vos recommandations et de vos commentaires. Vous pouvez maintenant vous retirer.

Je demanderai maintenant aux représentants du Musée des beaux-arts de Montréal de bien vouloir prendre place et je vais suspendre une minute pour ce faire.

(Suspension de la séance à 17 h 49)

(Reprisée 17 h 51)

Le Président (M. Gobé): La commission de la culture reprend maintenant ses travaux. Nous allons recevoir les représentants du Musée des beaux-arts de Montréal, M. Pierre Théberge, le directeur. Bonjour, M. Théberge. Bonsoir, pardon.

M. Théberge (Pierre): Bonsoir.

Le Président (M. Gobé): M. John Porter, conservateur en chef. Bonsoir, M. Porter. Et M. Fernand Lalonde, président du conseil d'administration. Bonsoir, M. Lalonde, et bienvenue dans cette enceinte que vous avez connue bien avant nous qui sommes tous ici. Il nous fait plaisir de vous y accueillir maintenant, nous qui avons été, à un moment donné, vos élèves probablement. Alors, c'est avec plaisir que nous allons vous entendre expliquer votre mémoire.

M. Lalonde (Fernand): Ils n'ont pas tous bien tourné, d'après ce que je vois. Il y en a encore dans l'Opposition.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lalonde: M. Guy Parent aussi, qui est notre contrôleur.

Le Président (M. Gobé): Je m'excuse, M. Parent. Je ne vous avais pas sur ma liste. Nous sommes prêts à vous écouter, M. Lalonde.

Musée des beaux-arts de Montréal

M. Lalonde: Je vous remercie beaucoup, M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés, Mmes les députées. La lecture de notre mémoire sera un exercice d'équipe.

Le Musée des beaux-arts de Montréal est le plus ancien musée d'art du Canada et l'un des plus remarquables. Fondé en 1860, le Musée compte plus de 25 000 objets, dont la plupart ont été donnés par des Montréalais.

En raison de la diversité et de la richesse de ses collections, le Musée des beaux-arts se définit comme une institution à vocation universelle et encyclopédique, tout en accordant "une attention particulière à l'art québécois et canadien dont le dynamisme culturel de Montréal est l'un des ferments les plus significatifs."

Corporation à but non lucratif, le Musée compte sur le soutien du grand public et sur l'appui des gouvernements, des entreprises et des fondations pour élargir ses activités et jouer un rôle moteur, au plan culturel, sur la scène québécoise et internationale. De plus, il ne faut pas oublier qu'à titre de point d'attraction de la ville le Musée génère des retombées économiques appréciables sur l'économie montréalaise et québécoise. L'ouverture d'un nouveau pavillon, le pavillon Jean-Noël-Desmarais, en novembre 1991.

c'est-à-dire dans quelques semaines, viendra consolider ces précieux atouts culturels et économiques, tout en assurant à l'institution un plus grand rayonnement tant au pays qu'à l'étranger. Cet espace additionnel permettra au Musée de mieux déployer les oeuvres de ses collections dont plusieurs ont été gardées en réserve depuis des années et aussi de lancer, en matière de conservation et d'éducation, des initiatives encore plus énergiques qui contribueront de mieux en mieux à l'évolution culturelle québécoise.

Le Musée des beaux-arts de Montréal a son identité propre. Aucun autre musée du Québec, ni du Canada, ne lui ressemble. Important musée encyclopédique du pays, il représente tous les moyens d'expression: peinture, sculpture, arts graphiques, arts décoratifs, oeuvres de cinq continents, de toutes les époques, de l'Assyrie et de l'Egypte ancienne jusqu'à nos jours.

Le Musée s'est donné pour mission de rendre accessibles au plus grand nombre de gens possible - et je pense que c'est le passage essentiel de notre présentation - les grandes oeuvres d'art d'ici et d'ailleurs, d'hier et d'aujourd'hui. Il a organisé au fil des ans plusieurs grandes expositions qui ont reçu la faveur des foules.

En organisant d'importantes expositions, le Musée a fait connaître récemment au grand public les oeuvres d'artistes québécois comme James Wilson Morrice, Alfred Laliberté, Paul-Émile Borduas. D'autres expositions consacrées à Jean-Paul Riopelle... Si vous voulez, on pourrait faire circuler un cahier qui vient à peine d'être produit - donc, peut-être que le messager pourrait aller le porter au président, qui pourrait le faire circuler - un cahier du catalogue de la rétrospective Riopelle. Ça pourra quand même égayer vos minutes. Ce n'est pas terminé. D'autres expositions consacrées à Jean-Paul Riopelie et aux frères Edward et W.S. Maxwell et Ozias Leduc sont en préparation. Les artistes d'ici occupent également une grande place dans sa collection permanente que des achats et des dons viennent régulièrement enrichir.

Étant donné l'importance des dons d'oeuvres d'art à notre institution, le Musée des beaux-arts de Montréal est en faveur de toute mesure incitant les individus et les sociétés à collectionner les oeuvres d'art et voit d'un bon oeil la recommandation du rapport Arpin quant à "l'application - et je cite - de mesures fiscales aux particuliers pour l'acquisition d'oeuvres d'art", entre autres dans l'espoir que les oeuvres ainsi acquises par les particuliers viendront éventuellement enrichir ses collections.

Le Musée agit aussi sur le plan international. Vous le savez, vous avez sans doute eu le plaisir de voir ses expositions. Il a organisé de grandes expositions consacrées à des artistes aussi importants que Picasso, Miro, Léonard de Vinci, Marc Chagall, Salvador Dali, ainsi qu'à des époques et des mouvements aussi importants que ceux du Japon des shoguns, des chefs-d'oeuvre de l'impressionnisme et, actuellement, des Années 20 à Berlin, Paris et New York. Ces expositions au total ont attiré plus de 2 100 000 visiteurs depuis 1985. Depuis justement cette date, ces grandes expositions ont généré ce qu'on pourrait appeler des profits, c'est-à-dire le surplus des revenus sur les dépenses directes reliées à ces expositions-là, de 2 350 000 $ en cinq ans et quelque chose.

Là encore, nous croyons, à l'instar du rapport Arpin, qu'il serait bon - et je cite - "que les actions internationales dans les arts et la culture soient favorisées par les programmes du gouvernement du Québec". Nous avons d'ailleurs toujours joui de l'appui entier du gouvernement pour toutes ces initiatives et nous le félicitons de cette bonne collaboration et, en particulier, avec le ministère des Affaires culturelles.

Les efforts du Musée pour ouvrir les Québécois sur eux-mêmes et sur le monde ont été fort appréciés si l'on en juge par le nombre de visiteurs enregistré par le Musée, nombre qui est passé de 417 000 en 1987-1988 à 510 000 en 1990-1991, période quand même de récession, au moins en partie. Ce taux de fréquentation vient confirmer l'enracinement de l'institution dans notre société.

Une étude réalisée en novembre 1990 par l'équipe Samson, Bélair, Deloitte & Touche pour le compte du ministère des Affaires culturelles, d'ailleurs, notait une augmentation de la fréquentation non pas seulement du Musée des beaux-arts, mais des musées en général. On disait: On note une plus grande diversification de la fréquentation selon le groupe d'âge puisqu'elle a augmenté plus fortement chez les jeunes de 15 à 17 ans (+ 30 %) et chez les personnes âgées de 45 ans et plus (+ 14 %)."

Fait également intéressant, le Musée rejoint maintenant un plus vaste public et accueille des gens de tous les âges et de tous les milieux. Les hommes, qui traditionnellement fréquentaient moins les musées, sont maintenant aussi présents que les femmes.

Grâce à ses activités, le Musée jouit d'une renommée internationale qui le place parmi les grands musées d'Amérique du Nord. Son influence et son rayonnement débordent la scène québécoise et contribuent à faire de Montréal une ville de calibre international. Je demanderai à M. Théberge de continuer.

M. Théberge: Le rapport Arpin recommande: "que soit maintenue et développée la dimension culturelle du Grand Montréal, foyer de création, lieu à forte densité d'action culturelle et pôle culturel ayant une portée nationale".

Quant à lui, le Musée des beaux-arts de Montréal entend maintenir le dynamisme de sa contribution à l'évolution culturelle de notre

société. Chaque année, le Musée attire des visiteurs de tous les coins du pays et du monde entier. Les retombées économiques des activités du Musée pour Montréal et pour le Québec en général sont donc loin d'être négligeables. Ainsi l'exposition consacrée à Léonard de Vinci en 1987 prévoyait générer des retombées économiques de l'ordre de 24 000 000 $ sur le plan touristique.

La vocation du Musée s'exerce dans d'autres domaines complémentaires et à la diffusion des oeuvres se greffe une foule d'autres activités qui contribuent à l'action culturelle de l'institution.

La vision globale du Musée serait incomplète si on omettait de mentionner son laboratoire de restauration et de conservation qui a pour but de mettre en valeur et de préserver notre patrimoine. Il s'agit du seul laboratoire au Québec qui est directement rattaché à un musée et il est un des mieux équipés en Amérique du Nord. Durant l'exercice 1990-1991, 2716 oeuvres ont été examinées et 1662 ont été restaurées, entre autres dans le cadre du réaménagement des collections lié à l'ouverture du nouveau pavillon.

Grâce à la bibliothèque du Musée des beaux-arts, le public a accès à une quantité imposante d'ouvrages sur l'art, car on y trouve plus de 100 000 titres. Par exemple, en 1990-1991, la bibliothèque a accueilli 3616 personnes qui ont consulté 11 868 titres, soit une augmentation de près de 22 % par rapport à l'exercice précédent. Le personnel a aussi répondu à 2102 demandes de renseignements téléphoniques. Fait intéressant à noter, il s'agit de la première bibliothèque du genre à avoir été créée au Canada et elle demeure aujourd'hui la plus importante au Québec.

Une orientation pédagogique a inspiré la création d'un Service éducatif et culturel qui, par sa qualité et ses nombreuses activités - ateliers d'appréciation de l'art et de création pour les adultes, les enfants, les familles, les écoliers; rencontres, visites, diaporamas commentés et audioguides; programmes de films, conférences, concerts - est l'un des plus importants au Québec. En 1990-1991 encore, le taux de fréquentation aux activités spécifiquement du Service éducatif et culturel s'élevait à 40 133 personnes, ce qui est énorme compte tenu de l'exiguïté des locaux.

Le Musée est aussi le plus important éditeur d'art au Québec. Ainsi, en 1990-1991, le Service des publications du Musée a publié plus de 12 catalogues d'expositions et de nombreux documents pédagogiques, tant en français qu'en anglais. Plusieurs catalogues ont connu des tirages et des taux de ventes fort importants dont, par exemple, 20 000 exemplaires du catalogue Léonard de Vinci édité en 1987 qui se sont vendus ici et dans le monde. M. Parent me faisait remarquer qu'on a déjà vendu plus de 41 000 exemplaires du catalogue Picasso édité en 1985.

Le rapport Arpin recommande: "que les institutions nationales [...] aient l'obligation d'élaborer des programmes d'activités à l'intention des régions". Nous nous identifions, bien sûr, à ces institutions nationales.

Existant depuis plus de 15 ans, le Service de diffusion du Musée met en circulation environ six expositions itinérantes par année, expositions qui sont accueillies par diverses institutions à travers le Québec et qui sont vues par des milliers de personnes. Par exemple, des expositions itinérantes du Musée des beaux-arts ont été présentées dans une vingtaine de villes du Québec, dont Montréal et Québec, bien sûr, mais Chicoutimi, Rivière-du-Loup, Rimouski, Sherbrooke, Gaspé, Joliette, La Baie, etc. Depuis 1985, c'est plus d'un million de visiteurs à travers le Canada qui ont vu et apprécié les expositions du Service de diffusion du Musée. Je dois préciser qu'au Canada nous sommes l'un des derniers musées - parce qu'il y a eu des programmes de diffusion mais qui se sont éliminés peu à peu - à avoir un programme aussi énergique de diffusion des expositions.

Concernant le patrimoine culturel, le rapport Arpin recommande: "que l'aspect éducatif du patrimoine soit valorisé davantage et qu'un programme d'intervention pédagogique à l'intention des enseignants et des jeunes soit élaboré". Nous voulons souligner que le Musée des beaux-arts collabore déjà avec l'Université de Montréal et l'Université du Québec à Montréal dans la mise en application du programme de maîtrise en muséologie. Par exemple, la collaboration du Musée avec les universités québécoises se manifeste aussi par la mise sur pied conjointe d'expositions de grande envergure comme "Le meuble de bon goût à l'époque victorienne au Québec", organisée en collaboration avec l'Université Laval et avec le Musée de la civilisation de Québec - encore là, c'est une première au niveau de la collaboration entre musées et institutions universitaires dans l'organisation d'expositions - qui se tiendra donc au Musée en 1992-1993.

Le Musée des beaux-arts jouit aussi de la collaboration des historiens de l'art de nos universités, qui nous offrent leur expertise tant dans les domaines des acquisitions que de la programmation et des expositions. Le Musée prête généreusement les oeuvres de sa collection permanente à d'autres institutions muséologiques. Par exemple, nous avons prêté plusieurs oeuvres à l'exposition qui vient de s'ouvrir au Musée du Québec sur la "Peinture au Québec, 1820-1850".

La construction du nouveau pavillon Jean-Noël-Desmarais marque une autre étape dans l'histoire du Musée. L'immeuble, d'une superficie de 22 000 mètres carrés - et non pas 18 000, selon la feuille qu'on vous a passée - qui se trouve vis-à-vis du Musée d'origine ouvrira ses portes en novembre de cette année et viendra accroître l'importance du Musée en permettant

un plus grand rayonnement de ses oeuvres.

L'institution disposera donc d'un espace supplémentaire pour faire connaître les oeuvres de sa collection permanente. La proportion des oeuvres exposées passera de moins de 2 % actuellement à environ 20 % du total des oeuvres de la collection permanente. De nouvelles salles pourront aussi accueillir des expositions temporaires de plus grande envergure et le Service éducatif et culturel jouira enfin de conditions de travail plus propices à l'expansion de ses activités.

Il va sans dire que ce grand projet d'agrandissement n'aurait pu être réalisé sans l'appui inconditionnel du gouvernement du Québec qui a chiffré sa contribution pour la construction du nouveau pavillon à 33 000 000 $ sur l'ensemble.

Corporation indépendante à charte publique créée par la Loi sur le Musée des beaux-arts en 1972, le Musée a, en fait, une double personnalité, l'une publique, l'autre privée, dont il tire sa force et sa spécificité. Le Musée jouit de l'appui incontestable du public par son taux de fréquentation élevé et du soutien du secteur privé, dont la contribution aux campagnes annuelles de financement et aux activités de commandite est considérable. Soulignons ici que le secteur privé a versé la somme de 27 500 000 $ à "La Campagne du Musée 1988-1993", en vue du financement des travaux d'agrandissement.

Il va de soi qu'en raison des sommes que nécessite l'acquisition et la conservation des oeuvres, ainsi que l'organisation d'expositions, une institution de l'envergure du Musée des beaux-arts de Montréal ne pourrait survivre sans l'aide de l'État. Le Musée a besoin d'un soutien financier à la mesure de sa mission, de son envergure, de sa programmation et de ses nouveaux espaces, et cela, en proportion avec ce qui est accordé à d'autres grands musées ici au Québec. Avec l'agrandissement du Musée, nous souhaitons donc vivement que le gouvernement du Québec continue de nous appuyer avec vigueur en augmentant sa contribution à l'organisme, au même titre que d'autres secteurs de recherche et développement.

Nous sommes reconnaissants, bien sûr, au gouvernement du Canada, au Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal, et tout particulièrement au gouvernement du Québec pour leur appui financier continu depuis plusieurs années. Le ministère des Affaires culturelles, notamment, a versé presque 90 % de la totalité des subventions reçues de tous les niveaux de gouvernement pendant l'année fiscale 1990-1991, et qui représentent environ 45 % du budget total du Musée. Nous tenons à remercier la ministre, Mme Liza Frulla-Hébert, pour son attention et son dévouement à la cause du Musée. Cet appui sera encore plus crucial dans les années à venir, au cours desquelles le Musée nouvellement agrandi entreprendra un programme d'expositions toujours plus diversifié, cherchant à rejoindre de nouveaux publics auxquels il offrira des services de mieux en mieux adaptés à leurs besoins.

Le Musée des beaux-arts de Montréal souhaite le maintien du partenariat qui existe déjà entre le secteur public et le secteur privé que nous vivons actuellement au Musée. Comme le souligne le rapport Arpin, "le partenariat est une recherche pour tous et en particulier pour le ministère des Affaires culturelles, qui devra s'y appuyer de plus en plus, sous réserve de définir certaines de ses priorités et de ses façons de travailler".

En conclusion, le Musée des beaux-arts de Montréal adhère donc à plusieurs lignes directrices de la proposition de politique de la culture et des arts préparée par le groupe-conseil sous la présidence de M. Arpin pour favoriser un plus grand accès de la population aux oeuvres d'art qui font partie de son propre patrimoine autant que du patrimoine mondial.

Le Musée a choisi de réitérer sa demande d'un financement accru du gouvernement du Québec, afin qu'il puisse conserver l'élan donné par plusieurs années de grands progrès et concrétisé par le nouveau pavillon Jean-Noël-Desmarais.

Un musée, c'est comme une personne, comme un peuple: s'il n'avance pas, il recule. L'intégration du nouveau pavillon Jean-Noël-Desmarais dans nos activités quotidiennes ne se fera avec succès, au plus grand bénéfice du Québec, que s'il est appuyé sur un financement solide et sans équivoque.

Le Musée des beaux-arts de Montréal pourra ainsi poursuivre ses objectifs qui sont, entre autres, de présenter des expositions de haute qualité et de créer de nouvelles activités culturelle et sociales, lesquelles sont le pivot de la vie culturelle québécoise. Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie. Votre présentation est terminée? Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Théberge. Bonjour à tous. Ça tombe bien. Justement, j'ai été chez vous, je le dis, dimanche dernier. C'est encourageant, puis c'était plein.

M. Théberge: Merci.

Mme Frulla-Hébert: Les enfants, finalement... On voit ça quand vous parlez de l'accroissement de la fréquentation au niveau des jeunes de 15 à 17 ans et aussi au niveau des gens de 45 et plus. Finalement, on voyait aussi des familles, etc. Alors, je pense que c'est incontestable, l'apport du Musée des beaux-arts au niveau de la vie culturelle de Montréal.

Bien souvent, par exemple, je dois vous dire, au cours de la commission, on fait état du

Musée des beaux-arts, de la pression financière aussi que le Musée apporte non seulement au niveau des infrastructures - parce que ça, évidemment, ça fait partie du service de la dette, on doit aussi le payer chaque année, ne serait-ce que l'hypothèque de tout ça - mais aussi du fonctionnement. On a doublé le fonctionnement cette année à cause, justement, de la superficie en termes de pieds carrés. Mais vous, M. Thé-berge, au niveau du rôle du Musée, si je vous demandais: Un musée tel que le Musée des beaux-arts - on en a d'autres grandes institutions, mais là on parle de la vôtre - au niveau du développement culturel de Montréal et au niveau de son rayonnement en région - je vous la pose la question, là - est-ce que ça vaut 14 000 000 $ par année en termes de fonctionnement?

M. Théberge: Ça vaut plus que l'argent que vous y mettez. Sans faire de blague, vraiment, les expositions du Musée - je peux le dire sans honte, sans gêne - ont vraiment fait évoluer notre société. On a apporté ici des choses extraordinaires. On a fait connaître nos artistes, que ce soit l'exposition Borduas, que ce soit Léonard de Vinci. Les taux de fréquentation et la réaction du public, ce que les gens nous disent, comment les gens réagissent par rapport à ce qu'on apporte, c'est quelque chose, c'est un plus pour notre société. Ça, c'est indéniable.

Par rapport à notre action dans les régions, on le souligne dans notre présentation, on a un Service de diffusion. Je le dis: On est l'un des rares au Canada, au Québec, on est peut-être le seul, je pense, à avoir un Service de diffusion bien constitué, qui fonctionne depuis longtemps. On a fait des expositions, que ce soit Léonard de Vinci à Rivière-du-Loup ou à Chicoutimi, que ce soit la collaboration qu'on a donnée avec Montmagny pour l'organisation de l'exposition Riopel-le. Nous voulons développer aussi ces collaborations avec d'autres institutions à travers le Québec. C'est une question, souvent de la part des régions ou des localités, d'un équipement peut-être moins sophistiqué qu'il devrait être. Alors, il y a des questions de développement aussi dans les régions. Vous êtes sûrement au courant de ces problèmes.

Mais, pour nous, c'est certain que collaborer, que ce soit avec le Musée du Québec ou avec d'autres institutions beaucoup plus petites à travers la province, ça va de soi. Pour nous, c'est une question qui ne se pose même pas. Nous sommes ouverts à toutes les collaborations et à participer justement au développement culturel de l'ensemble du Québec. Ce n'est pas seulement le Musée des beaux-arts de Montréal, des Montréalais, mais, nous - et je crois que M. le président peut appuyer ça au nom du conseil - on se voit une vocation à la grandeur du Québec.

Mme Frulla-Hébert: Justement, je reviens au niveau de la diffusion parce que vous savez, bon, qu'il y a la Société des musées et puis tout ça. Mais c'est sûr que, quand on arrive avec des sommes, bon, de plusieurs millions de dollars en termes de fonctionnement, que ce soit chez vous ou maintenant, évidemment, avec l'agrandissement, au Musée d'art contemporain, que ça soit ici au Musée du Québec, au Musée de la civilisation, bon, c'est faramineux quand on regarde ça dans l'ensemble. Par contre, une société a tout de même besoin de ces grandes institutions-là au niveau de son rayonnement. M. Arpin disait lui-même qu'il fallait aussi, vous, les grandes institutions, vous faire pardonner justement pour le poids financier, bon, le stress financier que vous apportez à un budget, justement au niveau de la diffusion.

Vous avez parlé de l'aide que vous avez apportée, par exemple, à Montmagny. Ce qui serait bon de voir... Parce que, là, les musées régionaux viennent nous voir et nous disent: Un instant, on ne veut pas juste être des réceptacles, nous autres, là. On voudrait aussi développer non seulement une expertise, mais on veut aussi avoir nos expositions, puis on voudrait que ça soit dans les deux sens. Alors, comment voyez-vous ça, là?

M. Théberge: Bien, moi, je pense que c'est du cas par cas, dans beaucoup de cas, c'est le cas de le dire. Il s'agit simplement d'avoir un dialogue avec nos collègues, d'avoir des projets. On en a avec le Musée de la civilisation. Évidemment, c'est plus facile d'une certaine façon avec des institutions un peu plus grosses, que ça soit le Musée du Québec, le Musée de la civilisation, mais, quand on travaille avec Rivière-du-Loup pour leur apporter l'exposition Léonard de Vinci, bien, c'est Rivière-du-Loup qui reçoit, bien sûr, l'exposition, mais c'est eux qui font tout le travail en collaboration avec notre Service de diffusion, un travail d'animation, par exemple.

Vous parlez d'aide à la formation. On reçoit des stagiaires qui viennent d'autres régions, qui peuvent venir, que ça soit pour trois semaines ou trois mois, mais on les reçoit. On est toujours prêts à collaborer avec eux. Mais on n'a pas encore - et c'est une question qui a été soulevée - d'accords formels, si vous voulez, d'institution à institution, par exemple, un accord qu'on ferait avec Chicoutimi, avec Rivière-du-Loup ou avec, on en a parlé tout à l'heure, Montmagny. Nous sommes prêts à envisager ça. Mais on n'a pas de cadre formel. Comme je vous dis, ça dépend des projets. Si un musée en région veut monter une exposition spécifique avec l'aide du Musée, on lui offre toute notre aide. On peut faire circuler des expositions, par exemple, qui seraient organisées par d'autres institutions. On pourrait collaborer avec eux. On est ouverts à ça.

Mme Frulla-Hébert: C'est ça, au niveau des ententes. Je veux juste revenir, parce que le temps passe, au niveau des normes. Les musées nous disent souvent aussi au niveau des régions: Écoutez, comment voulez-vous qu'on organise des expositions, les normes, c'est fait pour des grands musées...

M. Théberge: Non.

Mme Frulla-Hébert: ...puis nous autres, que ça soit, bon, au niveau de la température, que ça soit au niveau de la hauteur des plafonds, etc., on n'est pas toujours selon les normes?

M. Théberge: Oui, c'est un problème. Ça, c'est un problème physique. C'est-à-dire qu'on ne peut pas mettre en danger une oeuvre, par exemple, une huile sur toile ou une huile sur bois; c'est fragile à cause des variations de température, d'humidité. Il faut qu'il y ait des conditions minimum de climatisation, d'humidité dans les lieux qui reçoivent les oeuvres. On manquerait à la nature et à la vocation du Musée si on envoyait des oeuvres qui se détérioreraient en cours de route. On nous le reprocherait à moyen ou à long terme. Ça serait détériorer la collection.

Alors, il y a donc un effort de la part des localités à avoir des lieux d'exposition qui soient un peu plus conformes aux normes. Vous dites que ce sont des normes pour des grands musées. C'est des normes pour tous les musées parce que ce sont les oeuvres d'art qui exigent ça. Ce n'est pas nous en haut qui, d'autorité, demandons ça, mais c'est la nature des matériaux qui doivent circuler qui demande ces normes-là. C'est sûr qu'on a des vitrines à microclimat, que la technologie avance, qu'on peut pallier à ces déficiences, mais il y a un certain niveau au-delà duquel on ne peut pas aller. (18 h 15)

M. Lalonde: J'aimerais, si c'est possible, enchaîner sur la première question, à savoir...

Le Président (M. Gobé): M. le ministre.

M. Lalonde: ...pourquoi tant d'argent. Voyant le rôle réellement du Musée des beaux-arts au Québec, sous-financer le Musée des beaux-arts de Montréal serait ralentir, en fait, l'élan qui a été donné depuis surtout les cinq, six dernières années. Ce n'est pas seulement le Musée des beaux-arts qui en souffrirait. Ce sont tous les autres qui profitent de ce rayonnement-là. C'est très important qu'au moment où nous allons ouvrir le nouveau pavillon le gouvernement ajuste son financement aux besoins de notre nouveau Musée, du nouveau Musée des beaux-arts de Montréal, mais qui rayonne dans tout le Québec et même à l'extérieur. Sans ça, on ralentirait l'élan qui a été donné.

Je pense que le gouvernement peut quand même se compter chanceux. On a 21 000 membres ainsi que d'autres bienfaiteurs qui fournissent près de 600 000 $ par année par des donations. C'est un Musée qui a deux personnalités, comme disait M. Théberge: et privée, et publique. C'est unique. À part quelques musées privés qu'il y a au Québec, les autres que le gouvernement finance, c'est à 100 %. Le fait de ralentir, à ce moment-là, je pense que c'est une tentation que, naturellement, la ministre va mettre de côté derechef.

Mme Frulla-Hébert: Par contre, encore là, si on se reporte à 10 ans, en fait, le Musée d'art contemporain était là et tout ça. Là, on est en train de se doter, avec le Musée du Québec, le Musée de la civilisation et tout ça... Il y a eu un grand effort de fait au niveau des grandes institutions nationales. Par exemple, au niveau du financement privé, on s'aperçoit que le Musée d'art contemporain aussi va aller chercher du financement privé parce que c'est dans son mandat. Il doit le faire. Est-ce que c'est possible de penser aussi que, pour ces institutions-là que nous avons créées et dont on a besoin, en fait, comme société qui se veut ne serait-ce que civilisée, au niveau du financement privé, parce que l'État ne peut pas tout prendre, on peut continuer à aller justement intéresser les gens à participer, finalement, dans leurs institutions?

M. Lalonde: En ce qui concerne le Musée des beaux-arts, sûrement. Nous avons d'ailleurs une levée de fonds annuelle, contrairement aux autres musées. Je sais que le Musée d'art contemporain cherche des fonds actuellement, mais c'est dans le cadre de ses nouveaux locaux. Nous avons une levée de fonds annuelle, nous avons des commanditaires, nous avons des sources et, naturellement, les visiteurs... Nous tentons de l'ouvrir... Le Musée des beaux-arts a ouvert ses portes toutes grandes depuis quelques années et le sentiment d'appartenance maintenant des Montréalais en particulier et des autres à leur Musée est très apparent, très concret, et on le voit par la fréquentation. On disait, tout à l'heure, quoi, 45 %.

Mme Frulla-Hébert: 35 %.

M. Lalonde: Le financement généreux du ministère ne compte que pour 45 % de nos revenus.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Lalonde. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Oui. M. le ministre, M. le directeur, messieurs, la toute première chose, oui, vous avez bien fait de la mentionner, c'est sans doute l'un des plus anciens musées. Je pense qu'il est à propos de le mentionner. Il y a eu

une très grande contribution de la communauté anglophone du Québec et, notamment, de celle de Montréal dans l'établissement de ce musée et je pense que c'est quelquefois un peu une injustice que de ne pas le mentionner et de se contenter des frictions actuelles et, sans aucun doute, probablement passagères.

Ceci étant dit, je me réjouis avec la ministre: Oui, il y a eu des décisions prises par le Conseil du trésor sous l'ancien gouvernement dont on peut se féliciter aujourd'hui. Les questions que je vous poserai après m'en être fait pirater une, dont j'avais donné la primeur à M. Lalonde tantôt, qui était cette espèce de parrainage avec Montmagny, qui semble être une heureuse initiative du maire qui a fait le voyage, surtout la qualité de la réception qu'il a eue chez vous... D'ailleurs, il nous en a parlé. Ça pourrait peut-être faire l'objet d'un autre débat à un autre moment. Mais, à la page 5, vous parlez de "l'application de mesures fiscales aux particuliers pour l'acquisition d'oeuvres d'art". Je me souviens, lors de la dernière campagne électorale, dans un débat radiophonique, j'avais émis l'idée de l'établissement d'un RÉART, régime épargne-art. Si la ministre veut me voler l'idée, il n'y aura aucun droit d'auteur. Je la lui cède volontiers. Mais, moi, j'avais bien spécifié l'acquisition d'oeuvres d'art d'artistes québécois. Je me sentais un peu mal à l'aise de dire: On va faire jouer le levier de la fiscalité québécoise pour encourager un art qui, sans doute peut-être est beau, mais qui n'est pas nécessairement le nôtre. Vous allez dans ce sens, sans l'avoir exprimé. C'est cela?

M. Théberge: Oui.

M. Boulerice: D'accord. Et vous dites aussi: "... dans l'espoir que les oeuvres ainsi acquises par les particuliers viendront ensuite enrichir ses collections". C'est bien entendu que je ne vais pas reprocher aux gens du Musée des beaux-arts de penser à eux, mais j'avais également avancé une autre idée - je ne sais pas dans quelle mesure vous la partagez en esprit d'équité - qui était de faire jouer aussi ce levier de la fiscalité de façon à permettre le don à certains musées régionaux qui, eux, sont en constitution d'une réserve. Vous savez que, traditionnellement, quand on est à Montréal, on donne chez vous, on donne au Musée d'art contemporain et on donne à McCord, mais le Musée de Rimouski aurait peut-être besoin d'un peu d'incitatifs. Donc, vous ne seriez pas égoïstes. Vous accepteriez une mesure comme celle-ci.

M. Théberge: Bien, d'accord. Moi, je suis tout à fait d'accord.

M. Boulerice: Une autre question et celle-ci, je l'adresserais à M. Lalonde. M. Lalonde, tout le monde sait que vous avez eu une carrière politique, député, ministre, vous êtes impliqué dans le milieu des affaires. M. Landry, éditeur de La Presse, est venu récemment et nous a expliqué comment on constituait un conseil d'administration. On a vu celui de l'Opéra de Montréal et M. Landry nous disait: Vous savez, on n'est pas là pour la gloriole, on n'est pas là pour le plaisir de dire: J'appartiens au conseil d'administration du Musée, ce qui est effectivement prestigieux, mais, si on y est, on doit donner tant, on doit s'engager à aller chercher tant et on doit véritablement centrer notre présence, non pas en disant: Mon Dieu, que c'est joli sur mon curriculum vitae et sur mes cartes de visite, mais on doit être les premiers à manifester un appui au Musée et travailler justement au niveau du partenariat entre le privé et l'institution. Alors, est-ce que vous pensez qu'il serait peut-être temps que l'on commence un peu à regarder nos lois quant aux nominations dans les conseils d'administration de grandes institutions culturelles?

M. Lalonde: Bien, en fait, nos lois, je ne sais pas exactement à quelles lois vous référez. Je sais qu'il y a actuellement une grande liberté. Il n'y a pas de profil, disons, contraignant pour choisir les membres de conseils, mais essentiellement, ce qu'on cherche, c'est des personnes qui peuvent donner, qui peuvent donner de leur temps, de leur talent et de leurs contacts dans leur réseau - parce que, au fond, il s'agit de ça - non seulement sur le plan financier, mais oui, sur le plan financier, pas de façon à cotiser les membres du conseil et à dire: À tous les ans, si tu veux être sur mon conseil, ça va te coûter tant, non, mais pour les impliquer dans les exercices de levée de fonds sans doute. Et aussi, en ce qui concerne le Musée, le Musée a des comités qui doivent décider des acquisitions. Donc, ils doivent vraiment faire preuve d'une connaissance des arts, en particulier dans certaines périodes, et tout ça, c'est bénévole.

Je voudrais profiter de votre question pour souligner le temps et les talents qui sont, tout à fait secrètement, presque, en cachette ou presque, mais en fait hors des yeux du public, consacrés par des membres des conseils d'administration, soit des maisons de théâtre, des orchestres. Et la gloire qu'on peut aller chercher là, je vous le jure, si quelqu'un y va pour ça, il est détrompé rapidement parce qu'il y a beaucoup de travail, il y a des responsabilités. On pense que ça fonctionne tout seul entre le ministère et, disons, la direction, mais je pense que M. Théberge pourrait en témoigner... En ce qui concerne le Musée des beaux-arts, je viens d'arriver. Je peux en parler avec assez de liberté parce que je n'ai aucun crédit pour ce qui s'est passé jusqu'à maintenant, mais n'eût été l'implication, le dévouement et la vision, en particulier - puis, j'aimerais le mentionner ici - de M. Bernard Lamarre dans les dernières années et

du conseil d'administration qui l'a appuyé, on n'en serait pas rendus là actuellement avec un Musée des beaux-arts qui est quelque chose qui marche très bien.

Ici, je suis convaincu que vous avez été témoins, que vous avez entendu des gens qui sont venus vous dire que ça fonctionne mal, que les temps sont difficiles. Effectivement, oui, il y a des choses difficiles, on le sait. Dans le théâtre, je participe aussi un peu modestement au TNM, c'est difficile, mais au Musée des beaux-arts, ça va bien. Profitons-en pour le conserver comme il faut. On n'a besoin de rien guérir. Il s'agit simplement de continuer. On a un déficit d'à peine, d'un peu moins de 200 000 $, ce qui est très peu pour une organisation de cette taille. Mais, pour revenir à votre question, les membres des conseils d'administration, ce qu'on cherche, c'est des gens qui peuvent donner et, effectivement, c'est ce qu'on trouve.

M. Boulerice: Donc, les conseils d'administration des musées devaient être tout au moins consultés dans la nomination de nouveaux membres de façon à ce qu'ils puissent avoir les gens un peu qu'ils souhaitent.

M. Lalonde: Que les membres du conseil soient consultés pour les nouveaux membres?

M. Boulerice: Je dis que l'administration du musée, que le conseil soit...

M. Lalonde: Oh! En fait, moi, j'arrive et je n'en ai pas nommé encore. Il y en a un qui vient d'être nommé juge. Ça me fait une vacance et puis, apparemment... Le gouvernement nomme une certaine partie de nos membres, 9...

Une voix: Sur 21.

M. Lalonde: ...sur 21, et les autres sont élus par l'assemblée annuelle des membres à tous les ans, comme une société.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de Verchères, vous avez demandé la parole et il reste peu de temps.

M. Lalonde: Ah bon! Alors, là, je ne veux pas m'étendre là-dessus. Mais on n'a pas de problème au niveau des conseils d'administration. On a des gens qui veulent se dévouer et qui le font.

Le Président (M. Gobé): Mme la députée de Verchères, vous avez la parole.

Mme Dupuis: Oui. Moi, j'aimerais savoir si le Musée des beaux-arts, ça ne l'aiderait pas, lui aussi... Au niveau financier, on trouve que 14 000 000 $, c'est beaucoup, alors que ça ne répond pas aux besoins. Si les régions étaient dotées de musées ou d'endroits, d'institutions qui répondent aux normes muséologiques et qui feraient en sorte que les expositions qui viennent au Musée des beaux-arts, les expositions internationales ou la collection puissent circuler en région, on ne dirait pas, si je prends le point de vue des régions: Tout va vers Montréal, bien sûr, Montréal est gâtée, les grands centres, Québec et tout, et ceci permettrait aux régions d'avoir accès aux mêmes expositions, qu'elles soient internationales ou même de sortir les collections. Peut-être que ça serait un prétexte pour les sortir, les faire voir en région et amener les gens des régions à comprendre l'art moderne et à cheminer dans ce sens-là. Croyez-vous que ce serait essentiel que, dans des points stratégiques, le Québec se dote, et le plus rapidement possible, d'institutions qui répondent aux normes muséologiques et que le Musée des beaux-arts collabore avec beaucoup de générosité à des expositions itinérantes?

M. Théberge: Je suis tout à fait d'accord avec ça par rapport aux normes et par rapport à l'action du Musée. Je dois vous souligner que tout ce que nous avons fait jusqu'ici depuis une quinzaine d'années par notre Service de diffusion des expositions l'a toujours été à partir de notre collection permanente. Il y aura toujours un problème par rapport aux grandes expositions qu'on fait venir de l'étranger, où il y a des conditions de prêt, mais on peut toujours trouver une façon de, si vous voulez, tailler le projet à une mesure autre que celle, par exemple, de l'ampleur des Années 20 qui ne pourrait pas circuler, d'ailleurs qui ne circulera pas ailleurs dans le monde. Mais c'est certain que nous voulons continuer et nous aimerions développer de plus en plus ce secteur.

Le Président (M. Gobé): On vous remercie. M. Théberge: Pour nous, il n'y a pas de...

Mme Dupuis: Est-ce que ça amènerait des coûts additionnels au Musée ou si ça ne pourrait pas, en bout de ligne, être économiquement et socialement rentable pour le Musée?

M. Théberge: Des coûts additionnels, peut-être, mais je pense que les coûts... Il y a des coûts quand même des institutions qui reçoivent les expositions, que ça soit pour le transport, que ça soit pour l'aménagement.

Mme Dupuis: Les assurances.

M. Théberge: C'est sûr que ça entraîne des coûts additionnels. Il n'y a pas de doute là-dessus.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup.

Mme la députée de Verchères, c'est malheureusement tout le temps que nous avions. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, en terminant, un mot de remerciement.

M. Boulerice: II y aurait eu bien des choses. Alors, je vais vous remercier, M. Lalonde, M. Porter et M. Parent. Je terminerai avec M. Théberge. Il fut un temps où l'on croyait que seul un directeur provenant de l'étranger pouvait faire un grand musée. Vous avez fait de façon éclatante la preuve que les talents, les qualités, on pouvait les trouver chez nous. Merci.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. le...

M. Théberge: Kamouraska. Je vous remercie, mais je voudrais souligner que c'est un travail d'équipe aussi.

Le Président (M. Gobé): ...député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: Merci à vous tous. Ça fait du bien, c'est vrai, de se faire dire: Nous autres, ça marche. C'est bien. Mais je regardais ça. Il y a quelque chose vraiment qui m'a frappée. Il faut que je le mentionne. À la page 49 de ce que vous m'avez présenté, à un moment donné, il y a les deux paragraphes et c'est extrait du catalogue de l'exposition Jean-Paul Riopelle, Ottawa, Galerie nationale, Canada, 1962-1963. On dit: "Riopelle reste canadien sans qu'il ait voulu et sans que les Canadiens aient tenté de quelque façon de se l'approprier." Je ne sais pas où on a sauté parce que, finalement, je pense qu'en 1990 on disait: reste canadien, notamment québécois ou reste québécois. En tout cas, ça m'a frappée.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre.

Mme Frulla-Hébert: Alors, merci beaucoup. On y croit, à votre Musée, évidemment, et 14 000 000 $ plus tard, on y croit sûrement.

M. Lalonde: 14 000 000 $, seulement! Bon, on va s'en reparler.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Mme la ministre, je vous remercie. M. Lalonde, étant donné vos antécédents en cette Chambre, vous avez droit peut-être à un mot de la fin si les membres y consentent.

M. Lalonde: Bien, pour vous remercier, les anciens collègues, qu'il me fait plaisir de voir, y compris...

M. Godin: II en reste un peu de son temps.

M. Lalonde: J'ai revécu quelques moments ici avec beaucoup de plaisir, surtout si c'est au service du Musée des beaux-arts de Montréal.

Le Président (M. Gobé): Je vous remercie, M. Lalonde. Soyez assuré que nous conservons tous un excellent souvenir de votre passage dans cette Chambre et du travail que vous avez accompli.

Ceci met fin à nos travaux pour cet après-midi. Je dois, malheureusement...

M. Godin: Si M. Lalonde, étant donné notre passé commun à la Chambre bleue, veut me passer quelques secondes de son temps, à lui, et la ministre aussi d'ailleurs, la tradition va être respectée. Je tiens à féliciter le Musée parce que c'est le seul musée récent qui n'a pas de pyramide entre ses deux ailes, contrairement au Musée du Québec, ici sur les Plaines, contrairement au Musée du Louvre. Je pense que ça mérite des félicitations pour avoir résisté à la tentation de demander une pyramide au-dessus de la rue Sherbrooke qui aurait pu...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lalonde: Ce serait tellement agréable...

M. Godin: ...avoir des troubles de toit.

M. Lalonde: ...d'accepter vos félicitations, mais on doit passer aux aveux. Si vous regardez bien en passant, il y en a une toute petite pyramide, juste à l'entrée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lalonde: Semble-t-il qu'on n'a pas résisté complètement à la tentation.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vais donc suspendre les travaux jusqu'à ce soir, 20 heures, en cette Chambre, je remercie les représentants du Musée des beaux-arts. Je vous souhaite une bonne soirée et un bon retour à Montréal. La commission est maintenant suspendue.

(Suspension de la séance à 18 h 34)

(Reprise à 20 h 12)

Le Président (M. Gobé): Alors, mesdames et messieurs, bonsoir. La commission de la culture va donc maintenant reprendre ses travaux pour la soirée et nous allons entendre, à 20 heures - donc dès maintenant - l'École des hautes études commerciales. Par la suite, à 20 h 45, la ville de Sept-îles; à 21 h 30, le Centre de valorisation du patrimoine vivant et, à 22 h 15,

nous ajournerons. Et je vous rappelle rapidement le mandat de notre commission, ce soir, qui est de tenir une consultation générale sur la proposition de politique de la culture et des arts, ceci faisant suite au dépôt du rapport Arpin, et cette commission et ce rapport étant, bien entendu, initiés par Mme la ministre des Affaires culturelles.

Je demanderais donc aux gens représentant l'École des hautes études commerciales de bien vouloir prendre place en avant de cette table. Bonsoir, messieurs. Est-ce que vous avez de la difficulté à voir? C'est parce que je vous voyais mettre la main... Alors, il nous fait plaisir de vous accueillir ici, ce soir. Si j'en crois la feuille que j'ai devant moi, vous êtes M. François Colbert, titulaire de fa chaire de gestion des arts - bonsoir, M. Colbert - et M. Mario Beau-lac, professeur de recherche et coordonnateur de la chaire. Bonsoir, M. Beaulac. Vous pouvez, sans plus tarder, commencer l'exposé de votre mémoire. Vous avez, pour ce faire, 15 minutes. Vous n'êtes pas obligés de les utiliser complètement. Vous pouvez commencer la discussion avec la ministre et le représentant de l'Opposition officielle dès que vous le jugerez nécessaire. Le mémoire a été soumis à la commission et les membres en prennent connaissance, de toute façon. Alors, vous avez la parole.

École des hautes études commerciales

M. Colbert (François): Parfaft. Effectivement, je n'ai pas l'intention de relire le mémoire, peut-être simplement de mettre en lumière certains des arguments. Comme vous avez pu le constater, on se serait peut-être attendu à ce que les HEC fassent une démonstration économique, ce que nous n'avons pas fait, ce que nous avons choisi de ne pas faire puisque toutes les études d'impact économique ou de rentabilité ou d'impact touristique ont déjà démontré l'importance de la culture. Et je me suis permis, dans mon mémoire, comme vous l'avez vu, d'affirmer que, par exemple, s'il n'y avait pas d'artistes, il n'y aurait pas de secteur publicitaire puisqu'il n'y aurait personne devant les caméras, derrière, pour faire la musique, etc. Donc, je vais passer sous silence ces aspects-là.

Notre mémoire était beaucoup plus centré sur des distinctions. On a fait une distinction entre développement culturel et politique artistique, et aussi entre création et diffusion. Alors, si je me réfère à ce que nous avons dit pour ce qui est de la politique des arts, vous aurez remarqué que, lorsqu'on parle de politique des arts, on a parlé de recherche de l'excellence qui nous semble fondamentale, et l'excellence où qu'elle soit. Et c'est ici, quand on parle de politique des arts, qu'il faut, à notre avis, . distinguer création de diffusion. Il est normal, à notre avis, que, par exemple, Montréal ait un

Nous souscrivons, à ce moment-là, à l'idée que, si on décide de créer un ministère de la culture, ce ministère ait le pouvoir de mettre à contribution d'autres ministères, Affaires municipales, Industrie et Commerce, mais, surtout, Éducation, alors qu'une politique des arts est autre chose, à notre avis. Une politique des arts doit être plurielle parce que les arts d'interprétation sont une chose, le patrimoine en est une autre. Quand on parle d'arts d'interprétation, la création se fait à Montréal et se fait aussi en région, à certains endroits. C'est la raison pour laquelle on a parlé d'excellence puisqu'il peut y avoir excellence en région, il doit y avoir excellence en région et, à notre avis, une politique des arts tient compte de cela. S'il y a un festival du film, de qualité, important à Rouyn-Noranda, je pense qu'il faut l'encourager. S'il y a un musée des religions de qualité à Joliette, à notre avis il faut l'encourager. Donc, première distinction, politique des arts versus politique de développement culturel et création versus diffusion.

Lorsqu'on parie de diffusion, cela nous amène à l'autre idée que nous avons émise, c'est-à-dire le parti pris pour le consommateur. Je pense qu'il faut se rappeler que, dans nos sociétés modernes, les consommateurs contribuables qui sont assis dans leur salon le soir se retrouvent à Montréal soudainement par la magie du petit écran. En ce sens, l'idée d'une cartographie des équipements nous semble importante parce qu'une politique des arts permet ou est la pierre d'assise d'une politique culturelle et que l'accessibilité matérielle, c'est-à-dire des salles de spectacle ou des musées en région, nous semble importante.

Le troisième élément qui nous tient à coeur aussi, j'aimerais en parler parce que je pense qu'on n'en parle pas suffisamment souvent et qu'il y a un préjugé tenace dans la population, c'est le défi "managerial" de gérer un organisme

culturel. Pour la population, ce qu'on dit, c'est que les artistes sont mal gérés, les artistes ne savent pas se gérer. Moi, personnellement, en tant que titulaire de la chaire de gestion des arts, pour avoir été dans ce domaine depuis au-delà de 15 ans, j'ai vu de très bons gestionnaires dans le domaine des arts. J'ai vu des artistes très bons gestionnaires, alors que j'ai vu des gestionnaires du domaine manufacturier qui étaient plutôt artistes que gestionnaires. À mon avis, l'expertise ou la qualité des gestionnaires est répartie uniformément soit dans les industries manufacturières, soit dans le domaine de la culture. Les entreprises culturelles ou les entreprises artistiques oeuvrent - et je pense qu'il faut le rappeler - dans un contexte de risque permanent et d'incertitude structurelle, dans le sens que, lorsqu'on parle d'une entreprise artistique ou culturelle, on parle d'une entreprise qui gère et qui développe des nouveaux produits tout le temps. N'importe quel étudiant, dans son cours d'introduction au "marketing" se fait dire que la "business" la plus risquée en ville, finalement, c'est de lancer des nouveaux produits et que des entreprises manufacturières ou autres y vont avec parcimonie en prenant toutes sortes de précautions. Or, dans le domaine des arts et de la culture, c'est l'essence même de prendre des risques, l'essence même de lancer des nouveaux produits. Même quand on monte un Molière, c'est différent puisque le metteur en scène n'est pas le même, les acteurs ne sont pas les mêmes et on ne sait pas si le public va aimer cette mise en scène là. C'est aussi risqué parce qu'on prévoit d'avance la mort du produit, ce que dans le domaine manufacturier, on ne fait pas. À cause des contraintes, par exemple, dans le domaine des musées, à une exposition, quand on réunit les oeuvres, ces oeuvres sont attendues ailleurs. Donc, même si l'exposition marche très bien, à une certaine date il faut l'arrêter. Alors, on ne peut même pas miser sur le succès des produits, alors que dans les autres domaines on peut le faire, et on le fait d'ailleurs. Donc, quand on parle d'une politique des arts, à notre avis, il est important de prendre en compte ces particularités du domaine culturel et artistique, c'est-à-dire le défi permanent de la gestion du risque. C'était le troisième élément que je voulais signaler dans notre mémoire.

Par ailleurs, en conclusion, nous avons fait ressortir un certain nombre de points. Par exemple, sur la suggestion qui est faite de créer un observatoire des politiques culturelles, il est certain qu'on manque de ressources documentaires. Il y a toute une série d'aspects qui ne sont pas documentés. Nous pensons que c'est certainement utile d'avoir un observatoire des politiques culturelles, mais, à notre avis, il existe déjà un réseau de chercheurs et nous pensons que, compte tenu des maigres ressources consacrées aux arts et à la culture, on ne devrait pas priver les arts et la culture de ressources pour créer un observatoire des politiques culturelles, mais on devrait miser sur les acteurs existants, bon, évidemment, chez nous, à l'École des hautes études commerciales, mais il y en a ailleurs, il y a l'Institut québécois de recherche sur la culture, l'INRS, des chercheurs à l'Université du Québec à Trois-Rivières, à Laval. Il y a un réseau de chercheurs que, je pense, nous devrions mettre à profit plutôt que de créer une autre structure parce que, comme on sait, créer une structure, c'est simple et c'est facile mais la "décréer", c'est quelque chose qu'on a plus de difficulté à faire.

L'autre aspect que nous avons aussi abordé dans le mémoire, c'est la question du rôle des municipalités. Je pense que le débat n'est pas clos sur le rôle des municipalités. Je pense qu'il faut y réfléchir. Je pense que leur rôle n'est pas nécessairement clair, mais qu'une politique du développement culturel - et là, je ne parle pas d'une politique des arts, mais d'une politique de développement culturel - doit certainement en tenir compte parce que la culture, c'est une dimension plutôt qu'un secteur. La culture doit se retrouver partout dans la vie des citoyens et se retrouve partout dans la vie des citoyens. Peut-être qu'il faudrait réfléchir au rôle des municipalités en ce sens-là plutôt que dans le sens d'une politique artistique ou des arts, plutôt dans le sens d'une politique de développement culturel.

Finalement, toute la question du secteur privé. Nous avons abordé cette question-là dans notre mémoire. À notre avis, le secteur privé n'est pas une panacée. Le Québec n'est pas les États-Unis. Le Québec a des grandes entreprises, mais n'en a pas à profusion. Le Québec n'a pas de fondations à profusion non plus et, à notre avis, l'entreprise privée ne peut pas remplacer une politique des arts ou de la culture. D'abord, parce que les fonds octroyés aux arts ou à la culture vont être fluctuants selon la santé de l'économie. Les budgets les premiers coupés par les entreprises sont les budgets de dons, d'une part.

D'autre part, si on parle de recherche de commandite ou si on parle de commandite par les entreprises, surtout les grandes, il faut savoir que ces fonds-là viennent du budget publicitaire et qu'ils sont analysés de la même façon qu'une annonce publicitaire placée dans un journal ou dans une émission de télévision, et que, donc, le commanditaire cherche l'impact maximum et que, donc, ça favorise les grandes entreprises du domaine des arts et de la culture et non pas les petites. Or, la majorité des entreprises dans le domaine des arts et de la culture sont de petites entreprises. Donc, il nous semble important de rappeler ce fait que le financement privé, oui, je pense qu'on peut le développer, je pense qu'au Québec on l'a développé au cours des 10 dernières années, mais il reste que ce n'est pas une panacée.

Donc, pour terminer ce rapide tour d'horizon des points que nous voulions faire ressortir dans notre mémoire, je pense que nous avons essayé de montrer la nécessité d'une politique artistique rigoureuse dans le contexte où on réfléchit à une politique de développement culturel qui est beaucoup plus large. Et, si on parle de politique artistique ou de politique des arts, à mon avis, on parle d'excellence. On fait une différence entre création et diffusion et on prend en compte le consommateur, surtout si on parle de diffusion, et on prend en compte aussi le défi "managerial" auquel font face les gestionnaires du domaine culturel.

M. le Président, c'était un résumé succinct et rapide du mémoire.

Le Président (M. Gobé): Alors, je vous remercie beaucoup. Nous allons maintenant passer à Mme la ministre. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla-Hébert: Oui, merci, M. Colbert. Bonsoir, M. Beaulac. Vous sortez d'un colloque international, cette fin de semaine-ci, justement sur différentes politiques culturelles. Il y a des gens du ministère d'ailleurs qui y sont allés et qui m'en ont parlé avec grand éloge et grand bien. J'aimerais que vous nous fassiez part, finalement, de certaines réflexions. On va revenir ensuite au ministère, c'est-à-dire à votre analyse en ce qui concerne le rapport Arpin et au mémoire, mais j'aimerais profiter de vous un petit peu pour que vous nous fassiez part de certaines réflexions au niveau, par exemple, des finalités d'une politique culturelle. Et vous y touchez, aussi, dans votre mémoire. On a développé énormément de programmes. Le ministère a 30 ans, on a besoin de changement. Les analyses nous ont dit aussi que ce qu'on fait là, en termes de fonctionnement, n'est plus efficace ou moins adapté à ce qui se passe ou, si on veut, à la réalité culturelle des années quatre-vingt-dix. Donc, besoin de changement. De ce que vous avez entendu au niveau international, comment se compare-ton, par exemple?

M. Beaulac (Mario): Bien écoutez, je ne prétends pas pouvoir faire la synthèse de tout ce qui s'est dit durant ce colloque-là.

Mme Frulla-Hébert: Non, on ne vous demande pas ça non plus.

M. Beaulac: Mais ça a été un colloque qui a été effectivement très intéressant et vous savez qu'on a abordé quatre grands thèmes. On a discuté des modèles d'intervention culturelle étatique, dans une première table ronde, on a discuté de la question de l'offre et de la demande de produits culturels, on a discuté de l'évaluation et, enfin, du financement des arts et de la culture.

Par rapport aux finalités, pour répondre à votre question, M. Rigaud, dans son exposé synthèse de clôture, et j'étais d'accord avec lui, en autant que je peux avoir saisi l'ensemble des discussions, a fait ressortir quatre finalités. La première, sur laquelle il a mis l'accent, c'était le rôle d'une politique culturelle dans l'épanouissement de la création. Ça, il a beaucoup insisté là-dessus. La seconde, c'était la nécessité de prendre en compte d'une manière extrêmement rigoureuse la question du patrimoine dans le cadre d'une politique culturelle pour des questions de nature identitaire qui sont propres, enfin qui sont communes à des projets nationaux, quels qu'ils soient. La troisième finalité, c'était la question de l'accessibilité aux produits culturels. La quatrième - et c'était très intéressant - c'était la question d'une politique culturelle et artistique qui favorise le dialogue des cultures, le dialogue des communautés culturelles à l'intérieur d'une collectivité et le dialogue des cultures nationales. Et je pense que ça résumait bien les principales finalités à l'action culturelle qui ont été discutées durant le colloque.

Mme Frulla-Hébert: Par rapport à ça, maintenant, si on revient au rapport Arpin, le rapport Arpin qui a été soumis, à un moment donné... Oui, il y a des choses qui sont extrêmement positives, mais il y a certaines personnes qui sont venues ici, certains groupes, plutôt, qui sont venus ici, devant la commission, qui ont émis certaines réserves, réserves qui n'apparaissaient pas au début, à la sortie, mais qui, bon, tout à coup, valent la peine, quand même, qu'on s'y penche, en disant que le rapport était peut-être un peu bureaucratique. On a parlé aussi de réserves au niveau bureaucratique, donc contrôle de l'État sur la création, la gestion. Est-ce que vous avez senti ça, vous autres?

M. Colbert: Non. Moi, pour ma part, non; on n'a pas senti ça. Notre position, à la chaire de gestion des arts, étant un petit peu... pas au-dessus mais, enfin, à côté, on fait peut-être une lecture un petit peu différente. J'ai l'impression que les milieux culturels et artistiques ont exprimé une crainte, je pense, peut-être plutôt qu'une réalité exprimée dans le rapport Arpin. Parce que les artistes sont sensibles à la liberté de création, ce qui est, je pense, normal dans toute société. Mais nous, on n'a pas senti ce que vous venez d'énoncer. (20 h 30)

Mme Frulla-Hébert: Vous dites, à un moment donné, que la politique des arts doit encourager l'excellence partout où elle jaillit, même en région. Encore là, au niveau du rapport Arpin, on a beaucoup parlé du rôle des régions, effectivement un rôle important, et au lieu de parler de Montréal de parler de Québec et des régions. De toute façon, M. Turgeon, qui est

cosignataire du rapport Arpin, a vraiment exprimé le fait qu'on ne parle pas des régions comme bloc monolithique mais, quelque part, encore là, certains groupes l'ont interprété de cette façon. Alors, parlons des 16 régions du Québec, une métropole, une capitale.

Mais ceci dit, encore là, vous dites que, économiquement, c'est impensable de prétendre, par exemple, créer des centres d'excellence partout et dans chacune des régions, et dans toutes les disciplines aussi à la fois. Il faut quand même aussi être réaliste. Maintenant, par contre, il y en a qui nous ont suggéré ou qui suggèrent la formation d'un conseil des arts ou de conseils des arts régionaux aussi. Comme on est en train de tout revoir au niveau des structures en général, qu'est-ce que vous pensez de cette suggestion-là, par exemple?

M. Beaulac: Vous voulez savoir ce que j'en pense.

Mme Frulla-Hébert: En fait, d'une formation. Est-ce que ça fonctionnerait bien? Vous savez, on n'est pas ici pour alourdir au niveau des structures là. L'idée, c'est tout à fait l'inverse, c'est-à-dire de dégager, de rafraîchir, d'être plus flexibles dans la mesure où un gouvernement peut se permettre d'être plus flexible en gérant des fonds publics. Donc, il y a des suggestions qui ont dit: Bon, là, qu'on sorte du ministère, qu'il y ait un conseil des arts, ou appelons-le comme on veut, toujours avec l'espèce de politique du "arm's lenght" et aussi que ça s'applique au niveau des régions. Une structure semblable, est-ce que...

M. Beaulac: Par rapport aux régions, en tout cas, moi, ma tête n'est pas faite par rapport à cette question des régions. Quand je lisais le rapport Arpin, je n'étais pas tout à fait convaincu que la typologie que le rapport Arpin dresse (métropole, capitale, régions) était suffisamment nuancée. Donc, on pourrait y revenir.

Par rapport à la question du conseil des arts, si on retient la distinction que M. Colbert faisait tout à l'heure entre la culture comme une dimension de la vie sociale versus la culture comme un secteur, je pourrais tout à fait bien imaginer qu'une politique des arts, c'est-à-dire une politique d'aide à la création et une politique de soutien à la diffusion - parce que là il y aura des programmes qui seront associés à ça, j'imagine - puisse être gérée par un conseil des arts.

Maintenant, je reviens au colloque parce qu'on a beaucoup discuté de cette question. Il semblait qu'il se dégageait une idée... Évidemment, le colloque n'a pas tranché la question. La proposition d'un ministère de la culture... Et il y a eu beaucoup de critiques par rapport à de l'interventionnisme, à du dirigisme possible et à des impositions par en haut.

Mme Frulla-Hébert: C'est ça, c'est de là que ça venait.

M. Beaulac: Bon, par ailleurs, il y a plusieurs intervenants qui ont fait valoir le fait qu'un ministère de la culture, surtout dans une approche transversale ou horizontale, et un ministre de la culture avec un leadership qui infiltre et qui diffuse à travers tout l'appareil, a un pouvoir d'infléchir et d'initier une politique du développement culturel qu'un conseil des arts n'a pas. Un conseil des arts, finalement, ça peut tout à fait bien gérer une politique artistique, mais ce n'est peut-être pas... En tout cas, au colloque, cela n'a pas fait l'unanimité, mais c'est quand même ressorti très clairement qu'un conseil des arts, ça n'a pas le leadership nécessaire pour, dans un temps long, impulser, si vous me permettez cette expression-là, une action culturelle durable.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et, par la suite, en vertu de l'article 132, je reconnaîtrai M. le député de... Non, c'est l'autre après. Je m'excuse. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, M. Beaulac, M. Colbert. M. Colbert, avant votre arrivée, le président de la commission déjà dénonçait un de vos ancêtres qui a occupé les fonctions prestigieuses de premier ministre de Louis XIV, mais on ne reviendra pas là-dessus. Oui, vous aviez un colloque fort intéressant. D'ailleurs, un conseiller spécial à mon bureau y assistait et m'en a fait un rapport passablement élogieux dans le sens que c'était très dense en termes de contenu. Et j'ai toujours dit que l'art était un lieu privilégié d'affrontement dans son sens très positif et je pense que ça a été le cas. Il y a eu des discussions assez vives, m'a-t-on rapporté.

Oui, il y a beaucoup de questions que j'aimerais vous poser, mais je sais que le temps va nous limiter; donc, je vais être obligé de faire une sélection. Vous dressez, aux pages 8 et 9 de votre mémoire, un tableau qui m'apparaît assez juste de la réalité, réalité qui est complexe, à laquelle on est confronté, si on est gestionnaire en art, à savoir le contexte de risque permanent et d'incertitude structurelle. Pour plusieurs organismes culturels, c'est ce contexte qui explique les crises cycliques budgétaires et non pas une mauvaise gestion, un peu comme l'opinion publique semble vouloir l'accréditer. Donc, cette analyse, moi, je la trouve tout à fait appropriée. Mais, selon vous, par quel moyen on pourrait limiter les facteurs d'incertitude structurelle au niveau du financement de leurs activités?

M. Colbert: Je pense qu'on ne pourra jamais, à mon avis, créer des parachutes suffi-

sants pour régler toutes les situations. Je pense que c'est plus une question, à mon avis, de politique et d'attitude. C'est risqué. Et, comme dans le cas d'un nouveau produit manufacturier, on a beau faire tous les tests qu'on veut, parfois ça marche, parfois ça ne marche pas et le test ne nous le révèle pas. Évidemment, et parallèlement à votre question, on peut se dire: Oui, on pourrait peut-être avoir un budget qui soit mis de côté pour justement donner un coup de main à des entreprises qui, une année, de façon très conjoncturelle, pas par mauvaise gestion, mais à cause de la conjoncture, ont des problèmes. Mais ça pourrait peut-être entraîner le fait que des organismes artistiques se fient là-dessus. C'est une crainte, à mon avis, qui pourrait être justifiée.

Par ailleurs, je pense qu'on pourrait imaginer un certain nombre de mécanismes. Sans avoir fait le tour de la question au complet, je pense qu'une des dimensions importantes des entreprises dans le domaine artistique, c'est qu'on n'a pas de fonds de réserve. Il y a eu, au cours des 30 dernières années, pour une raison ou pour une autre, une perception de la part des gestionnaires et des directions artistiques que c'est mal vu de faire des surplus parce que nos subventions vont être coupées, par exemple. Donc, on vise l'équilibre budgétaire. Et, de toute façon, comme on a de très maigres ressources, on les investit en entier. Bon, une des solutions pourrait être d'avoir des fonds de réserve, de permettre des fonds de réserve, par exemple, ou d'obliger des fonds de réserve pour chacune des entreprises, en cas de coup dur. Ça pourrait être une solution. Mais je pense qu'on ne trouvera jamais de solution qui règle tous les problèmes. C'est structurel. C'est un risque permanent. Il faut être en mesure de faire la différence entre une mauvaise gestion et le risque normal d'un marché qui est vraiment très particulier. Et ça, c'est probablement une des questions les plus difficiles, à mon avis, à résoudre lorsqu'on parle de politique des arts.

M. Boulerice: Est-ce que le ministère des Affaires culturelles, puisque c'est l'appellation actuelle, dispose, au moment où on dialogue, des outils qui lui permettent d'aspirer concrètement à exercer ce leadership, leadership rassembleur - j'emploie le mot que vous employez - que tous lui souhaitent, et est-ce qu'on peut parler véritablement de leadership de ce ministère s'il n'a aucune emprise sur le secteur des communications?

M. Colbert: Bien, à notre avis, si on parle d'une politique de développement culturel, il devrait pouvoir avoir une emprise non seulement sur les communications, mais aussi sur d'autres ministères. Parce que, quand on parle de développement culturel, l'éducation est une pierre d'assise importante. Toutes les études à travers le monde démontrent que les futurs consommateurs sont dans les écoles présentement et que, lorsque des enfants sont exposés en bas âge à un art ou à des arts, les chances qu'ils s'y intéressent plus tard dans la vie comme adultes sont significativement plus grandes que lorsqu'ils n'ont pas été confrontés à ces produits-là. Donc, si on parlait d'un ministère de la culture, ça impliquerait probablement - il faudrait voir, je ne suis pas juriste - une loi spéciale qui permette à un ministère des Affaires culturelles ou de la culture d'avoir, pas une certaine emprise, mais, enfin, un certain mot à dire sur un certain nombre d'interventions d'autres ministères, dont les Communications, effectivement.

Par ailleurs, quand on parle de communications, au colloque aussi - peut-être que Mario pourra en parler un peu plus - certains intervenants ont souligné que, par exemple, la culture doit être transcendante a des émissions de télévision. C'est une chose d'avoir une télévision d'État qui programme des émissions de type culturel, mais on peut parler de culture ailleurs. On peut parler de culture dans les bulletins de nouvelles; ça peut être transcendant. À mon avis, si on parie de communications à ce moment-là, surtout si on parle de communications télé, parce que ça rejoint beaucoup de monde, je pense qu'il faut prendre cette dimension-là en ligne de compte.

M. Boulerice: Quand vous proposez une politique des arts, vous dites qu'elle doit favoriser, comme objectif fondamental, le soutien à l'excellence, tout en étant conscients, forcément, que ça va soulever certaines sensibilités de la part des régions. D'ailleurs, aucune des régions ne s'est gênée - je n'aurais pas vu la raison pour laquelle elles ne l'auraient pas fait - de faire part de cette sensibilité et de cette susceptibilité. Vous recommandez, vous, mais très clairement, de mettre fin au saupoudrage.

La question que je vous pose, je crois que vous l'avez devinée immédiatement: Est-ce que vous êtes conscients que, pour bon nombre d'organismes culturels en région, la subvention, même minime et modeste, joue un rôle primordial?

M. Beaulac: Est-ce que nous sommes conscients de ça? Oui, bien sûr. Qui doit supporter un organisme culturel en région et poursuivant quel objectif? En tout cas, notre mémoire était très clair. Moi, je crois que, dans une politique des arts où on veut supporter la création et l'excellence, j'opterais radicalement pour les organismes qui sont jugés - il faudrait voir de quelle manière on le fait - par les pairs ou autrement comme correspondant aux critères. Nous avons mis de l'avant des critères d'excellence et, dans mon esprit, c'est très clair, qu'ils correspondent à ces critères-là. Je crois que ces critères d'excellence peuvent être... Je crois que

des organismes culturels en région peuvent tout à fait se qualifier selon ces critères-là. Je suis conscient, par ailleurs, que peut-être le fait d'être isolé ou le fait d'être en périphérie et le fait de ne pas avoir accès à de larges marchés peuvent hypothéquer un organisme culturel ou un créateur, mais je ne vois pas comment on peut faire une politique du deux poids, deux mesures.

Le Président (M. Gobé): Alors...

M. Colbert: C'est que dans le mémoire aussi, si je peux me permettre...

Le Président (M. Gobé): Oui, en terminant, s'il vous plaît, parce que le temps, malheureusement, est réglementé.

M. Colbert: ...on parle aussi d'une politique de développement culturel. En ce sens-là, il y a, à notre avis, toute une série d'actions en région qui se font et qui sont importantes. C'est la raison pour laquelle dans notre mémoire on parle des deux. Dans notre esprit, en tout cas, l'une ne peut pas aller sans l'autre. Si on dit qu'une politique des arts, c'est telle chose et c'est clair, et une politique de développement culturel, c'est telle chose et c'est clair, je pense que les régions vont être bien servies, les créateurs vont être bien servis, tout le monde va être bien servi.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Colbert. M. le député de...

M. Godin: Mercier.

Le Président (M. Gobé): ...Mercier, vous aviez une courte question, m'avez-vous fait signe?

M. Godin: Elle peut être longue, est-ce qu'il reste un peu de temps?

Le Président (M. Gobé): Non, il ne reste plus de temps, malheureusement. Mais, si elle est courte, on va vous laisser la poser pareil.

M. Godin: À chaque fois, ça arrive comme ça. C'est mon collègue qui est trop vorace. "Jaws number 4", c'est lui.

Le Président (M. Gobé): Vous remarquez que le président a essayé de l'avertir à quelques reprises...

M. Godin: Bien oui.

Le Président (M. Gobé): ...afin de vous passer la parole. On va vous passer la parole pareil.

M. Godin: D'ailleurs, je vous en remercie.

MM. les économistes ou professeurs d'économie, peut-on envisager une opération au plan de la fiscalité pour que les entreprises aient un intérêt réel et palpable, s! je puis dire, en espèces sonnantes et trébuchantes, d'investir dans les arts ou dans la formation d'artistes pour leur entreprise à eux, puisqu'on leur donne des déductions d'impôt en cas de formation technique? Ne pourrions-nous pas - enfin, si j'étais avec le ministre des Finances, je poserais la question à ses conseillers - envisager également des déductions d'impôt plus significatives et alléchantes pour l'entreprise qui met au point un programme ou de formation ou de donation à des institutions culturelles de sa région pour que, précisément, les fonds proviennent d'autres sources que du ministère? D'ailleurs, je constate que la ministre est habillée en robe de bure pour bien montrer qu'elle était au bord de l'ordre des frères mendiants.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): S'il vous plaît, M. Colbert, avez-vous une réponse aux interrogations...

M. Godin: C'est ma question, monsieur.

Mme Frulla-Hébert: Je fais vraiment pitié, il manque le voile.

Le Président (M. Gobé): ...de M. le député de Mercier?

M. Colbert: Oui, je...

Le Président (M. Gobé): Non pas sur la bure de madame, mais sur la fiscalité.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Colbert: Évidemment, je pense que oui. Évidemment, dans le passé, il y a des formes d'exemptions fiscales qui ont été proposées. Il y en a qui ont été, dans le domaine du film, notamment, tentées. Votre collègue, député et ministre des Finances, je ne suis pas certain qu'il ne voudrait pas dire son mot, parce que, effectivement, quand on donne des déductions fiscales, ce sont des rentrées de moins au gouvernement, mais je pense qu'il y a là une piste qui pourrait être envisagée, étudiée.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Colbert. Merci, M. le député de Mercier. Mme la ministre...

Mme Frulla-Hébert: Merci.

Le Président (M. Gobé): ...pour ne pas dire ma révérende ministre.

Mme Frulla-Hébert: Ha, ha, ha! J'aime ça! Merci, M. le Colbert, M. Beaulac. Il y aurait une foule de choses, on aurait pu continuer la discussion; de toute façon, on va la continuer plus tard. Je vous remercie beaucoup de votre participation. J'ai l'impression qu'on a juste effleuré le sujet, mais on va continuer la discussion au niveau du saupoudrage, au niveau de... Parce que, là, il faut quand même aussi parler de gestion, veux veux pas. Alors, merci beaucoup de votre "rapport".

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. Colbert, M. Beaulac, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Soyez assurés que nous avons pris bonne note de votre mémoire et de vos recommandations, et nous vous remercions de votre participation. Ceci met fin à votre audition, vous pouvez maintenant vous retirer.

Je vais maintenant appeler les représentants de la ville de Sept-îles et leur demander de bien vouloir venir prendre place en avant de cette table.

Je vais suspendre une minute, le temps que vous vous installiez. Peut-être que Mme la ministre va aller remercier ou saluer les gens de l'École des hautes études commerciales.

(Suspension de la séance à 20 h 49)

(Reprise à 20 h 50)

Le Président (M. Gobé): Alors, nous allons maintenant reprendre nos auditions et il me fait plaisir d'accueillir les représentants de la ville de Sept-îles qui sont, si j'en crois la feuille que j'ai devant moi, M. le maire Jean-Marc Dion...

M. Dion (Jean-Marc): Bonsoir.

Le Président (M. Gobé): Bonsoir, M. Dion. Bienvenue parmi nous. Et M. Jacques Sauvageau, directeur du Service municipal des loisirs et de la culture de ladite municipalité, bien entendu. Alors, bonsoir, M. Sauvageau.

M. Sauvageau (Jacques): Bonsoir.

Le Président (M. Gobé): II me fait plaisir de vous accueillir. Vous pouvez commencer votre présentation. Vous avez une quinzaine de minutes. Je répète que vous n'êtes pas obligés de l'utiliser complètement; ce temps est, à ce moment-là, réparti entre les différents intervenants, dépendant du nombre de questions qui se posent. Alors, vous avez la parole.

Ville de Sept-îles

M. Dion: Très bien. Merci beaucoup, M. le Président. La ville de Sept-îles est heureuse de saisir cette opportunité pour présenter un mémoire à la commission de la culture. Nous désirons profiter de cette occasion pour vous sensibiliser sur l'intérêt historique et les efforts que la ville de Sept-îles a toujours faits pour le développement culturel et également vous sensibiliser aux problèmes auxquels est confrontée une municipalité comme la nôtre. Enfin, nous désirons essayer de trouver des voies de solution réalistes, concrètes et adaptées afin d'assurer l'épanouissement de nos citoyens et citoyennes en matière de culture et participer à l'avenir du développement de la culture et des arts en général.

Nous ne pouvons passer sous silence notre appréciation de la qualité et de la profondeur de la réflexion du groupe-conseil et nous tenons à préciser la qualité de la photographie de la situation culturelle au Québec en 1991, aussi bien que la créativité dans la recherche de solutions dont a fait preuve votre comité. Il est donc important de préciser que nous faisons nôtre une grande partie des éléments du constat aussi bien que de nombreuses recommandations.

De toutes les études et observations qui ont été faites sur les municipalités de la Côte-Nord, on peut préciser certains facteurs déterminants qui ont façonné le développement de nos municipalités et qui contribuent à orienter leur avenir. Les principaux sont les suivants: l'éloignement géographique des municipalités entre elles et l'éloignement des grands centres; l'isolement des centres de décision gouvernementale; la structure économique centrée presque exclusivement sur l'industrie du fer et du bois; la quasi-inexistence d'institutions qui, normalement, participent au rayonnement de la culture et des arts.

Ces facteurs conjugués ont eu des conséquences très importantes sur la façon dont les municipalités de la Côte-Nord se sont développées. Cela se traduit aussi par le fait notamment que notre population a un taux de scolarisation moins élevé qu'ailleurs et que nous sommes la seule région administrative du Québec qui ne possède pas de campus universitaire. Toute l'organisation du loisir et de la culture repose sur la municipalité. Peu d'entreprises privées en loisir, pas de grands centres ou institutions gouvernementales, peu d'équipement culturel, pas d'université, de séminaire, de conservatoire, presque pas de tournées. Tout est plus coûteux à organiser et, phénomène dû aux facteurs cités plus haut, le volume des demandes et des besoins est plus grand qu'ailleurs.

Heureusement, de récentes implications gouvernementales majeures permettront à très court terme de doter Sept-îles d'une salle de spectacle propice à la diffusion d'activités culturelles, tant professionnelles que régionales et locales également. À ce chapitre, nous profitons évidemment de l'occasion pour remercier une fois de plus Mme la ministre Liza Frulla-Hébert pour la participation majeure et essentielle du ministère au

projet de la salle de spectacle actuellement en chantier.

Malgré l'émergence récente de la ville de Sept-îles, la préoccupation culturelle a toujours été présente tout au long des années. La ville s'associait à des individus et à des associations pour promouvoir le développement des arts et de la culture. Ce tissu de collaborations et de soutiens résulte en 1991 en une très grande présence de la ville dans le domaine des arts d'interprétation par la gratuité des locaux et d'autres soutiens techniques, logistiques et financiers à six organismes; par un soutien à la diffusion grâce à une aide financière et logistique au comité de spectacle, théâtre d'été; par le soutien financier à l'aide à la diffusion sur des sites fortement fréquentés en période estivale; par un soutien logistique et financier à des événements majeurs; par un soutien logistique et financier au Salon du livre; par une politique d'aide lors du lancement d'un livre d'un auteur de la région; par un très grand effort également financier de la ville en regard du soutien à sa bibliothèque (700 000 $ par année), avec une dépense de plus de 25 $ per capita, ce qui se situe très au-delà de la moyenne provinciale; par un soutien financier de l'ordre de 80 000 $ par année pour les opérations régulières du Musée régional de la Côte-Nord et par un soutien financier de plus de 25 000 $ par année pour les opérations ' régulières du Vieux-Poste, en plus d'un soutien additionnel variable au chapitre des immobilisations, des réparations majeures pour les deux sites préalablement cités, soit 25 000 $ en 1990; par un soutien financier particulier pour certains projets spéciaux: 52 000 $ en 1990 pour la constitution d'une exposition itinérante sur Clarke City; 5000 $ en 1991 pour l'opération saisonnière d'une exposition itinérante; par le développement de la collection Histoire locale et régionale; par la participation financière de 33 000 $ à un projet de recherche sur la Côte-Nord et par la reconnaissance comme site d'intérêt historique du phare de l'île Corossol; par l'acquisition de fonds de documentation de la Côte-Nord et par un soutien à la Société historique du Golfe.

Domaine des équipements culturels. À même notre parc immobilier, de nombreux plateaux spécifiquement conçus pour la pratique d'activités culturelles sont mis à la disposition des individus, des organismes, des institutions scolaires, et ce, gratuitement dans la plupart des cas. S'il est vrai que les dépenses culturelles des municipalités du Québec s'élèvent à 200 000 000 $, ce qui représente un per capita de 29,40 $, la ville de Sept-îles, pour sa part, fait un effort double en assumant des dépenses de près de 60 $ per capita. On le voit donc, l'effort n'est pas plus grand qu'ailleurs, H est énorme.

Quoi qu'il advienne du nouveau partage des responsabilités et des nouvelles modalités de soutien de l'État envers la culture, la première recommandation de la ville de Sept-îles est la suivante: Que dans l'élaboration de tout nouveau partage de responsabilités entre l'État et le niveau municipal, autant que dans la révision ou l'élaboration de nouveaux programmes, l'effort réel global d'une municipalité soit pris en considération et constitue un facteur important d'analyse.

Jacques.

M. Sauvageau: Le retrait éventuel du ministère des Affaires culturelles de certains secteurs dont le loisir culturel que sous-tend la recommandation 5 nous apparaît un net recul principalement pour les régions périphériques et excentriques. L'impact que pourrait avoir l'application de cette recommandation s'avérerait très néfaste pour des organismes culturels de Sept-îles et également pour la région tout entière. Citons notamment les secteurs de l'enseignement musical, de la danse et du théâtre.

Il ne faut pas négliger le fait que certains soutiens financiers conjugués à d'autres interventions de partenaires et l'apport important du bénévolat créent un effet de synergie qu'aucun programme d'éducation populaire, de promotion et de sensibilisation ou quelque autre campagne n'arrivera à égaler en termes d'efficience: 10 000 $ de l'État consacrés à l'École de musique permettent d'aider la formation musicale d'environ 200 jeunes pendant toute une année.

À cet égard, nous formulons trois recommandations: Que le ministère mette sur pied un programme spécial de subvention à l'intention des régions visant à soutenir financièrement les organismes qui ont une forte influence régionale et locale dans le cadre de vie culturelle spécifique du milieu et qui, notamment, peuvent jouer un rôle clé pour conscientiser la population locale et régionale au fait culturel, participer au développement du marché, former une certaine relève et des émergents, pour reprendre un terme du rapport, favoriser l'accessibilité et la pratique de certaines formes d'activités culturelles et, enfin, regrouper les forces du milieu dans une discipline particulière.

Que ce programme de subvention soit adapté à chaque région en tenant compte des problématiques particulières de cette région et qu'il cadre dans un plan d'action global et dans des stratégies régionales de développement établis en collaboration avec les partenaires.

Et, enfin, que le ministère envisage un mode d'affiliation à une institution nationale ou à une école professionnelle, notamment pour le théâtre, la danse - on entend par là le ballet classique, le ballet-jazz et même la danse folklorique - ainsi que la musique de façon à s'assurer à la fois d'un encadrement de qualité et de favoriser le soutien, les transferts d'expertise et certains services de la part de ces institutions nationales, dont, entre autres, la formation

continue.

Vues de loin ces petites écoles disséminées sur le territoire québécois peuvent paraître gaspillage et saupoudrage ou encore du loisir culturel, mais, en réalité, ne devrait-on pas envisager plutôt ces manifestations comme des indices qu'il y a là un besoin et un marché? Comme le constatait la firme Samson, Bélair, Deloitte & Touche, "il existe un non-public important au Québec". Selon nous, en saupoudrant au bon endroit, on pourrait probablement mieux développer le marché et atténuer l'asymétrie dont parle le rapport. (21 heures)

C'est à l'égard de la vision du territoire du Québec et de la tendance à vouloir, pour fins de commodité, simplifier la réalité, la diversité et la complexité du contexte culturel québécois à un jeu d'ensembles et de pôles que nous avons le plus d'inquiétudes. Une telle vision géographique ne pourrait qu'accentuer la mise en place de normes et de programmes inadéquats, inadaptés, qui, se voulant des leviers de développement, se transforment en irritants, en contraintes, en frustrations qui accentuent le sentiment d'isolement des centres de décision.

Outre la timide recommandation 52 du rapport, nous ne sentons aucune orientation, aucun indice nous permettant d'entrevoir le développement et la stimulation du dynamisme et des spécificités régionales, non plus qu'aucune recommandation relativement à l'atténuation de l'asymétrie culturelle, ni non plus de stratégie de développement du marché du non-public, ni non plus de stratégie visant l'augmentation de la pratique d'activités culturelles. Tout semble "focusser" vers la consommation passive.

Nous ne partageons pas, non plus, sans nuance l'affirmation que Montréal est le creuset de l'avenir culturel du Québec. Ce serait reconnaître que l'avenir culturel du Québec ne se fera pas aussi en région. La culture québécoise, c'est aussi la potière de la Beauce, le peintre de Charlevoix, le poète qui a de l'eau salée dans les veines, le gigueux de Victoriaville, le sculpteur de Saint-Jean-Port-Joli, le chanteur amérindien, et l'Harmonie Jean-du-Nord gagnant un prix canadien.

De façon à stimuler et développer des activités culturelles spécifiques, d'accents différents, et à permettre l'expression de la vitalité de certaines disciplines dont le foyer principal ne se situe pas dans la métropole, nous recommandons, comme le faisait le rapport Samson, Bélair, la création dans chaque région d'un fonds régional pour le développement et que la ventilation et la répartition se fassent en concertation avec les municipalités et les milieux culturels. Également que Radio-Québec soit incitée à concevoir des programmations mettant en évidence les productions régionales et l'expression de la vitalité et de la diversité des facettes de la culture québécoise en région.

Le Président (M. Gobé): Votre temps est maintenant dépassé. Si vous vouliez peut-être conclure rapidement, afin que nous puissions commencer la discussion. De toute façon, comme je l'ai mentionné précédemment, les membres de la commission prennent connaissance de tous les mémoires. Peut-être que nous pourrions favoriser maintenant la discussion et le débat.

M. Sauvageau: Peut-être, en conclusion, répéter que...

Le Président (M. Gobé): Oui, oui, allez-y.

M. Sauvageau:... le sens principal des dernières recommandations ou du dernier chapitre que nous n'avons pas traité était à l'effet, effectivement, dans le principe d'un "partnership", que les éventuelles discussions sur le partage des responsabilités avec le milieu municipal devraient se faire en respectant le fait que les municipalités interviennent de façon très asymétrique un peu partout sur le territoire québécois et qu'il serait important de toujours garder à l'esprit de tenter de garder l'intérêt du milieu municipal qui existe, dans de nombreux cas, à l'égard du soutien à la culture.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup. Mme la ministre, s'il vous plaît.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le maire. Merci, M. Sauvageau. Finalement, quand je vous ai vus tantôt, ça me rappelle ma tournée aussi, ma visite chez vous, justement, pour annoncer cette salle de spectacle. Ça me rappelle aussi la façon dont on a brassé la cage à un autre intervenant qui retardait à mettre sa mise.

Ceci dit, je veux revenir un peu à ce que vous disiez tantôt et, ensuite de ça, je vais passer la parole à mon collègue. Vous dites: Les municipalités interviennent de façon asymétrique. On en a parlé, je pense, ensemble. Vous dites: Bon, ce serait bon de créer des fonds régionaux. Dans l'esprit du rapport Coupet, les fonds régionaux, c'était le provincial, le municipal et le privé ensemble ou, enfin, une création d'un genre de fonds géré par les instances locales ou ensemble, mais c'était une participation quand même tripartite. Si les municipalités interviennent de façon asymétrique - on a eu une bonne discussion cet après-midi, justement, avec le maire de Mont-Laurier - comment fait-on, dans la création de fonds régionaux, pour forcer d'autres municipalités qui bénéficient des infrastructures mais qui ne participent pas ou qui sont un peu parasites des villes participantes, comment fait-on pour forcer ces municipalités à participer aux fonds régionaux?

M. Dion: Quand vous faites la distribution annuelle de l'argent au point de vue culturel, je pense que vous exigez de chaque municipalité le

détail de leurs opérations, de ce qu'elles ont fait de concret pendant l'année et c'est justement cela. S'il y a certaines municipalités qui sont hésitantes, qui demandent mais qui ne produisent pas, je pense qu'à ce moment-là vous avez une bonne raison de ne pas être, je dirais, compatissante ou bien encore généreuse vis-à-vis ces municipalités-là. Je pense qu'à ce moment-ià chacune des municipalités devra faire son effort de façon à produire et à justifier l'argent qu'elle reçoit. S'il n'y a pas d'effort, je suis parfaitement d'accord à ce que les fonds soient coupés.

Mme Frulla-Hébert: Le problème, par exemple, c'est que, si on coupe les fonds, en bout de ligne, ceux qui en souffrent, c'est souvent les milieux aussi.

M. Dion: Mais, parfois, la souffrance donne de l'énergie.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Frulla-Hébert: On connaît ça, oui, merci. Je veux revenir, avant de passer la parole, et seulement faire une précision, par exemple, au niveau du loisir culturel. Vous savez que le loisir culturel - parce que vous en avez touché un mot dans votre mémoire - n'appartient pas au ministère des Affaires culturelles; il a été transféré, en 1977, avec budget, au niveau du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Alors, nous, on ne s'occupe que du côté professionnel.

Maintenant, je sais que, dans les régions qui sont plus éloignées, l'amateurisme se définit de façon très différente que dans des grands centres ou dans les régions qui bénéficient peut-être, ou qui sont plus près des grands centres.

M. Sauvageau: Effectivement, on souligne ce phénomène-là et on indique déjà, à notre lecture du rapport, certaines inquiétudes sur des disparitions éventuelles du soutien que le ministère des Affaires culturelles fait au niveau de certaines des écoles que l'on connaît en région, avec lesquelles on travaille en région, qui sont, peut-être sur une certaine ligne de démarcation entre le loisir culturel, comme vous le soulignez, et un certain professionnalisme.

Nous, on voit ça dans la facette que c'est une bonne occasion de développer le marché et d'aider justement une conscientisation. Et l'effet de synergie, comme on le soulignait, de la part de villes, de la part de bénévoles, de la part du ministère actuellement, amène un certain développement qui, autrement, ne se ferait probablement pas du tout. C'est un facteur qui n'est peut-être pas le même dans les grands centres, effectivement, mais c'est peut-être une des facettes, un des programmes que l'on penserait adapté aux régions sans nécessairement être adapté au milieu montréalais ou au milieu de

Québec. Maintenant, je ne pense pas que, dans notre vision des choses, les programmes qui pourraient s'appliquer en région doivent systématiquement s'appliquer sur tout le territoire québécois. Il y a effectivement de très grandes différenciations entre les grands milieux urbanisés et certaines régions excentriques.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le député de Richelieu, il vous reste cinq, six minutes.

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, j'aimerais vous féliciter pour votre dynamisme. Vous rayonnez sur tout l'ensemble de la Côte-Nord. Et votre mémoire nous amène des points très intéressants sur lesquels j'aimerais vous poser quelques questions d'éclaircissement. Vous mentionnez des solutions, des pistes de solution intéressantes quand vous parlez de partage des responsabilités, quand vous pariez de programme spécial de subvention, quand vous pariez d'un fonds régional, quand vous pariez de l'implication des institutions nationales. J'aimerais, en quelques mots, que vous nous expliquiez au niveau des programmes spéciaux de subvention à l'intention de régions bien spécifiques, est-ce que, dans votre évaluation personnelle, ce sont des programmes normes, des programmes discrétionnaires? Si c'est discrétionnaire, c'est par la municipalité, par les institutions locales, par le ministère? C'est quoi, le rôle du ministère par rapport à ça? Si vous vouliez nous dresser un tableau rapide.

M. Dion: Les programmes discrétionnaires sont très, très, très restreints. Je pense bien qu'ils n'existent pas.

M. Khelfa: Oui, ils n'existent pas ou presque.

M. Dion: Mais pour les programmes normaux, je demanderai à Jacques, c'est lui qui contrôle un petit peu les fonds. Alors, je pense qu'il serait à même, au point de vue bibliothèque, au point de vue culturel, en général, de nous expliquer là-dessus qu'est-ce qu'on reçoit.

M. Khelfa: Non, non, mais au niveau de votre présentation...

M. Dion: Du concept? M. Khelfa: Oui, d'accord. M. Dion: Jacques.

M. Sauvageau: Disons qu'on n'est pas allé très loin, parce que je pense que c'est une discussion que tes différents intervenants, les différents partenaires auraient à faire pour l'analyse du partage des responsabilités. Mais ce

qui nous apparaîtrait une voie à regarder, c'est à la fois une série de programmes qui pourraient être mis sur pied par le ministère, qui sont des programmes avec des normes assez faciles, assez applicables un petit peu partout, soit dans des champs d'activité spécifiques, soit dans l'ensemble du territoire québécois, lorsque c'est des programmes où on se rend compte que l'efficience, au bout, amène des résultats voulus.

Dans d'autres cas, quand on parle de situations de régions ou de particularités que vivent les milieux très urbanisés, il y a peut-être là à développer des possibilités de faire des ententes particulières entre partenaires. Et c'est peut-être dans les deux volets qu'il faut regarder un "partnership". C'est-à-dire que...

M. Khelfa: Dans un cas pareil, c'est qui, le maître d'oeuvre des programmes, dans votre esprit à vous?

M. Sauvageau: Selon nous, c'est le ministère qui devrait initier les programmes, les incitatifs de collaboration.

M. Khelfa: Et il demeure le maître d'oeuvre de la réalisation du programme. Quant à vous, comme partenaires, vous êtes partenaires à la réalisation.

M. Sauvageau: Écoutez, je pense que ça peut être très variable. Les niveaux d'intervention, autant des municipalités que du gouvernement, sont différents d'un dossier à l'autre. Quand on parle de gestion d'équipement, quand on parle de programmes incitatifs à la stimulation de la création, quand on parle de production, on ne peut pas penser que les municipalités vont s'impliquer de la même façon dans tout ça. Je pense que c'est un peu la même chose du côté du ministère. Il y a des niveaux d'intervention qui peuvent varier, dépendant du type de soutien qui est attendu. Les municipalités peuvent intervenir en termes de soutien, en termes de subventions ou d'utilisation d'équipement dans certains cas. Mais je ne pense pas qu'elles y vont nécessairement de la même façon dans l'aide à la production d'une troupe spécialisée.

M. Khelfa: Vous me corrigerez si j'ai mal compris. Si je comprends bien, la municipalité, dans votre esprit, devient le partenaire privilégié pour réaliser, sur son territoire, la création d'un fonds régional, la création des infrastructures culturelles, bien sûr en collaboration étroite et directe avec le MAC, avec le ministère.

M. Dion: Oui. Et le bureau régional. M. Khelfa: Et le bureau régional. M. Dion: C'est ça, oui.

Le Président (M. Gobé): C'est bien? Alors, Mme la ministre a quelques réflexions encore? Il vous reste quelques minutes.

Mme Frulla-Hébert: Oui. Dans l'ensemble, j'aimerais aussi que l'on parie des... Quand vous parlez d'un programme spécial de subvention pour les régions, encore une fois, est-ce que, parce que ce sont des régions éloignées, il faudrait mettre un programme spécial pour ces régions-là et un programme modulé, disons, pour les différentes régions?

M. Dion: Les mots "programme spécial", je pourrais peut-être vous citer un cas. L'école de musique, par exemple. Nous avons, évidemment, des professeurs à Sept-îles qui peuvent être accrédités dans une certaine mesure. Par contre, cela prend parfois un professeur qui vient soit de Québec, soit de Montréal, mais ces professeurs nous permettent également d'avoir un lien avec l'Université Laval et d'obtenir certains brevets censurés par l'Université Laval. Alors, à ce moment-là, la ville soutient cette institution qui est l'école de musique. C'est du spécial qu'on apporte et on approuve cela. Alors, quand on parle de programmes spéciaux, ça serait peut-être un ajout à ce qui se fait, mais qui n'est pas normalisé à travers la province. C'est un exemple. (21 h 15)

Mme Frulla-Hébert: D'accord. Une dernière question. Vous faites des suggestions intéressantes sur les types d'interventions que pourraient faire des institutions nationales. Cet après-midi, juste avant le souper, le Musée des beaux-arts est venu déposer un mémoire. Eux se disent - d'ailleurs, ils ont un programme de diffusion; c'est un exemple d'institution - prêts, ils le font déjà, à travailler en collaboration avec divers organismes régionaux - dans leur cas, c'est avec d'autres musées - pour aider à la diffusion. Est-ce que c'est dans... Finalement, votre suggestion, est-ce qu'elle va un peu dans cet...

M. Dion: Dans cette veine-là? Oui.

M. Sauvageau: Oui, effectivement. Je pense qu'il y a possiblement des niveaux de collaboration qui peuvent permettre aux institutions nationales, tout en venant en région afin de montrer des productions ou des expositions, d'aller plus loin et permettre également des échanges et des transferts d'expertise au niveau des intervenants régionaux. C'est dans ce sens-là, effectivement...

Mme Frulla-Hébert: Donc, c'est au niveau des échanges.

M. Sauvageau: ...que l'on fait les recommandations.

Mme Frulla-Hébert: Merci. Parfait.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques et, par la suite, je demanderai le consentement des membres afin de reconnaître, en vertu de [article 132, notre collègue, le député de Sept-Îles, qui nous fait le plaisir d'être avec nous ce soir à cette commission. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui. M.le maire, M. le directeur des services culturels, d'une part, je pense que je dois saluer l'ampleur de l'implication financière de votre municipalité dans le développement culturel. Je pourrais d'ailleurs fournir des chiffres très éloquents au niveau des bibliothèques pour démontrer à quel point la ville de Sept-Îles a à coeur cet élément fort important de la culture.

Oui, je vous sais fort préoccupé, M. le maire. Je sais même que votre fils aussi s'implique énormément dans le domaine culturel à Sept-îles. M. Sauvageau, vous avez, je crois, touché le fond du problème par votre recommandation 6. Au moment où, au nom de l'unité canadienne, j'ai droit à 60 secondes, au téléjournal de Radio-Canada, pour le dernier chien qui s'est fait écraser dans les rues de Moose Jaw, j'aimerais bien qu'il y ait une télévision qui me parle du Festival-Lien de Sept-îles. Malheureusement, ce n'est pas une réalité que nous vivons. Vous êtes allés, je crois, au fond des choses en disant que nous n'atteindrons pas le but que nous nous fixons dans l'élaboration d'une politique si, d'une part, nous n'avons pas ce moyen de faire connaître le Québec des régions, qui est très important.

Je me permettrai une très brève question, M. le maire, puisque, après, je passerai la parole à mon collègue et ami, le député de Duplessis. Nul ne connaît mieux votre région que lui, entre parenthèses. Alors, la question que je vous poserai, c'est: Vous avez parlé, ça, c'était à la recommandation 5, d'un fonds régional pour le développement; est-ce que vous pourriez brièvement me le préciser? Ça vient d'où, ça?

M. Dion: En parlant de fonds régional, moi, je peux vous assurer que je me lie et je me rallie toujours à notre bureau régional de Baie-Comeau. C'est la meilleure façon, je pense, d'avoir une bonne communication et d'avoir de bons résultats. Quand je parle de fonds régional, je ne parle pas d'avoir un 100 000 $, un 150 000 $ à la ville de Sept-îles. Régionalement, nous pourrions composer et redistribuer cela, et il n'y a pas de meilleur endroit que notre bureau régional, soit dit en passant, qui fonctionne très bien et avec lequel nous nous entendons très bien. C'est peut-être là la source, ce serait le coeur de distribution. Ce fonds-là, comme je disais tout à l'heure, pour la culture, peut-être pour un certain moment, à un endroit donné où, les fonds manquent, pourrait intervenir. Pas plus tard qu'il y a deux, trois semaines, nous avons accueilli la troupe de ballet les jeunes ballets québécois. Ils sont restés quatre, cinq jours à donner des cliniques. Ça, c'est bénéfique, ça, c'est bienfaisant pour une région. Ç'a été toute une découverte et également une semence au point de vue culturel. D'autres vont penser uniquement au point de vue sportif, le patin et le ski, mais l'autre côté est très important et, en ce qui me concerne, je serais prêt à faire le partage 50-50. Je ne me ferai peut-être pas aimer, mais quand même je pense que la santé, c'est l'équilibre justement dans tous ces éléments-là, et culturels et sportifs. Ce fonds régional là serait peut-être pour venir en aide, consolider certains coins du département de la culture qui sont peut-être en souffrance. Je ne sais pas si Jacques peut compléter.

M. Sauvageau: II y a effectivement, dans ce qui avait été souligné un peu plus tôt, la question d'un fonds régional composé, comme le suggérait le rapport Samson, Bélair, d'un triumvirat, mais, fondamentalement, la mission qu'on lui voit, à ce fonds-là, outre un certain nombre de programmes de subvention qu'on connaît ou qui pourraient peut-être continuer d'exister, qui sont assez facilement applicables parce que bien normes... On va revenir à l'exemple d'une biliothèque. Dans le domaine des bibliothèques, le ministère actuellement supporte les municipalités sur deux volets, sauf que des particularités qu'on vit, de ne pas avoir d'université, de compenser pour les quelque 350 adultes qui viennent cogner à notre porte, qui veulent de la documentation qu'on acquiert par notre fonds d'acquisition de volumes au détriment de l'ensemble de notre collection ou en plus de l'ensemble de notre collection, ça ne peut pas être interprété dans une norme normale. C'est une particularité que ne vit que la Côte-Nord. Donc, ce sont des genres de choses qu'un fonds régional, en plus des programmes ordinaires, pourrait peut-être permettre de régler par le biais de l'analyse du sous-développement ou de particularités que vivent certains milieux.

Pour les institutions dont on parlait tout à l'heure, que sont des écoles de musique, de danse, etc., on suggère qu'un fonds permette de continuer d'investir, permette à ces organismes-là d'intervenir en culture et, étant bien fait en partenariat avec les différents intervenants du milieu et le ministère, il peut se créer des réseaux de collaboration entre les différentes écoles sur le territoire, des économies d'échelle et même des services de la part d'institutions nationales. Donc, c'est un petit peu pour compenser des situations éventuelles de sous-développement qu'on verrait à la fois un fonds spécial adapté aux particularités que vit une région en parallèle avec d'autres programmes un

peu plus facilement normables et contrôlables un peu partout au Québec.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Sauva-geau. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Duplessis. Je veux dire auparavant, M. le député, que je m'excuse de vous avoir précédemment qualifié de "député de Sept-Îles". C'était là une erreur de la part de la présidence. Je suis tellement habitué à vous entendre parler de Sept-îles que j'avais malheureusement ce nom dans ma tête. Alors, vous m'en voyez désolé et vous êtes en effet le député du comté de Duplessis. M. le député de Duplessis, vous avez la parole.

M. Perron: Merci, M. le Président. J'admets d'emblée la correction que vous venez de faire parce que, effectivement, je ne suis pas seulement le député de Sept-îles, mais aussi le député de Duplessis malgré que je sois résident de Sept-îles. M. le Président, j'aimerais passer à certains commentaires d'usage et, bien sûr, dans un premier temps, souhaiter la bienvenue au maire de Sept-îles, M. Jean-Marc Dion, ainsi qu'à M. Jacques Sauvageau, le directeur culturel de la ville de Sept-îles, deux personnes qui, d'ailleurs, sont toujours très impliquées dans les milieux culturels. J'ai l'occasion de les rencontrer à plusieurs reprises à différents endroits lorsqu'il y a des activités culturelles dans le milieu et même à l'extérieur de Sept-îles parce qu'il y a beaucoup de gens qui participent dans la région de la Côte-Nord.

J'ai reçu le mémoire de la ville de Sept-îles en date du 8 octobre de la part de M. Sauvageau et je me suis fait un devoir de le lire de façon très attentive à deux reprises. Pour moi, il démontre d'abord et avant tout que la ville de Sept-îles a pris ses responsabilités pour établir un potentiel énorme malgré que le système culturel était en quelque sorte, depuis plusieurs années, sous-subventionné, comme on peut dire, si je peux m'exprimer ainsi. Il y a des points extrêmement intéressants qui ont été soulevés en rapport avec la réalité culturelle, l'implication financière de la ville de Sept-îles.

Il y a quatre points majeurs qui sont développés dans votre mémoire et qui, à mon sens, méritent qu'on y porte attention puisque ces quatre points majeurs ont permis d'amener 11 recommandations qui sont très importantes aussi pour nos milieux, non seulement pour la ville de Sept-îles mais aussi pour l'ensemble de la Côte-Nord, parce que autant Sept-îles que Baie-Comeau se sont toujours impliquées au niveau de la Côte-Nord dans une participation intermunicipale pour revaloriser le milieu culturel.

J'aurais deux derniers commentaires à faire avant de passer à quelques questions. C'est le commentaire concernant le per capita et je pense qu'il vaut la peine de relever ce que vous mentionnez à la page 7 et qu'on y porte une attention spéciale parce qu'on sent, à ce moment-là, que la ville de Sept-îles est très impliquée par rapport à d'autres municipalités, même à l'ensemble des municipalités, des villes du Québec. Lorsqu'on dit: "S'il est vrai que les dépenses culturelles des municipalités du Québec s'élèvent à 200 000 000 $, ce qui représente un per capita de 29, 40 $, la ville de Sept-îles pour sa part fait un effort double en assumant des dépenses de près de 60 $ per capita. " Et là, on continue: "On le voit donc, l'effort n'est pas plus grand qu'ailleurs, il est même énorme. " Et, là-dessus, vous avez raison lorsqu'on compare ça à d'autres municipalités.

D'autre part, il y a un deuxième point que je voudrais soulever. Et ça, ça se rapporte - puis vous le mentionnez dans votre mémoire aussi - à la bibliothèque municipale de la ville de Sept-îles. Pour l'aide au fonctionnement de la bibliothèque au cours des cinq dernières années, "la subvention du ministère des Affaires culturelles est passée de 20 % (112 000 $ en 1985) à 11, 9 % (81 000 $ en 1990), soit une diminution de 30 000 $. " Pendant ce temps - encore là, c'est un bel exemple de la participation culturelle de la ville de Sept-îles - la municipalité augmentait sa contribution "de 450 000 $ à 596 000 $, soit une augmentation de 146 000 $". Sept-îles augmentait sa contribution de 32 % pendant que le ministère des Affaires culturelles diminuait la sienne de 27 %. Et ça, c'est à la page 20 de votre mémoire.

Je pense qu'il est remarquable de voir comment la ville de Sept-Îles, de par ses institutions, à partir de l'institution politique jusqu'aux institutions administratives, s'est impliquée dans le domaine culturel. Puis, malgré les coupures du ministère des Affaires culturelles, la ville a continué d'être une grande responsable au niveau de la culture.

Maintenant, je voudrais passer aux questions. Puis je pense qu'il y a des questions qui sont drôlement importantes à poser pour le bénéfice des membres de la commission. Une première question. Sur la question du partenariat entre le ministère et les municipalités, vous proposez, dans la foulée du rapport Arpin, que tout nouveau partage des responsabilités tienne compte de l'effort réel global d'une municipalité. Pourriez-vous nous dire comment vous envisagez ce partage des responsabilités dans le contexte - je sais qu'il y a des gens qui n'aimeront peut-être pas ce que je vais dire - de la réforme Ryan? Je présume que ce que vous voulez dire, c'est que vous ne voulez pas que ça vous soit imposé sans discussion ou quoi que ce soit. Pourriez-vous expliquer davantage le fond de votre mémoire là-dessus?

M. Dion: Du mot "partage"? M. Sauvageau: Oui.

Le Président (M. Gobé): M. le maire. M. Sauvageau.

M. Perron: On parle du partage des responsabilités au niveau culturel.

M. Dion: Je ne sais pas. Jacques, as-tu quelque chose là-dessus?

M. Sauvageau: C'est-à-dire qu'il est élaboré, dans le rapport, toute une série d'hypothèses de partage de responsabilités entre le gouvernement provincial, le milieu municipal et même les intervenants privés. Nous n'avons pas spécifiquement fait relation au contexte qui se déroule actuellement des relations municipales et gouvernement, mais, simplement en ce qui a trait au rapport, peu importe ce qui serait envisagé, il faudrait que ce soit fait en tenant compte du contexte de l'effort global de l'implication des municipalités et que ce soit fait dans le contexte également global des autres types de relations qu'il peut y avoir entre le milieu municipal et l'État, et de l'assurance que l'on atteindra les objectifs recherchés qui est une amélioration de l'intervention des différents partenaires pour, à la fois, soutenir le développement culturel et, en même temps, en arriver a répondre aux besoins des différents clients un peu partout sur le territoire québécois. Donc, je pense que ce sont des choses à venir.

M. Perron: Toujours dans le cas de tout nouveau partage de responsabilités, vous mentionnez, à un certain moment, que tout changement de programme ou tout nouveau programme devrait faire l'objet de simulation préalable et d'ajustement pour en atténuer les éventuels impacts négatifs. Est-ce que vous pourriez expliquer davantage? (21 h 30)

M. Sauvageau: Oui, je peux prendre un exemple: l'intention gouvernementale d'il y a quelques années de modifier la façon d'appliquer les subventions dans les bibliothèques. Je pense que l'objectif est louable. Malheureusement, en ce qui nous concerne, on voit que le résultat a été à rencontre de l'objectif qui était recherché. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on signale que certaines applications, malheureusement, vont occasionnellement à rencontre des objectifs recherchés dans certains programmes. Ce sont des choses qui peuvent arriver. Donc, on suggère qu'il y ait un peu de simulation de faite avant l'application des programmes ou qu'il y ait correction des programmes lorsque des milieux sont pénalisés.

M. Perron: Est-ce que vous pourriez nous dire quels sont les problèmes que la ville de Sept-îles rencontre actuellement au niveau des programmes d'aide du ministère des Affaires culturelles, qui vous amènent d'ailleurs à plaider en faveur d'une modulation des programmes, c'est-à-dire de programmes qui reflètent les problématiques particulières régionales? Si j'ai bien compris, et je pense que là-dessus il faut être très conscient que, à l'intérieur de la région de la Côte-Nord, la ville de Sept-îles, au niveau culturel, peut être très différente de celle de Baie-Comeau, tout comme Baie-Comeau et Sept-îles sont très différentes des grands centres comme Montréal et Québec ou l'axe. J'aimerais que vous nous donniez, par des exemples assez précis, un plaidoyer qui serait favorable à nous faire comprendre le fond de votre pensée et le fond de l'évolution que devrait prendre le ministère afin d'être plus conforme aux besoins de chacun de nos milieux et même des petites municipalités.

M. Dion, vous me permettrez de vous dire une chose, parce que, quand vous avez dit ça, ça m'a un peu frappé; je pensais à Rivière-au-Tonnerre, je pensais à Rivière-Saint-Jean, je pensais à Magpie, et tout ça, lorsque vous avez dit qu'à un moment donné une municipalité qui ne rencontre pas certains objectifs on lui coupe les subventions. Lorsqu'on voit 90 % de chômage, d'aide sociale dans une petite municipalité comme RMère-au-Tonnerre, je ne sais pas si c'est à ça que vous...

M. Dion: Non. Je voulais dire que chaque année on examine ce que nous avons réalisé au point de vue culturel. Et, justement, on est pénalisés. Si vous n'avez rien produit, alors qu'il y a des choses qu'on peut produire sur une base régulière, chaque année, alors, je me demande pourquoi on se casserait la tête à dire: On va vous donner, envers et contre tout, une somme x, mais il n'y a aucune production dans l'année, et ça arrive, ça. Alors, je pose le problème: est-ce qu'on va continuer à leur en donner? Évidemment, ce n'est pas à moi à répondre. C'était dans ce sens-là. Si, nous, les sommes sont diminuées parce qu'on ne produit pas assez, mais, par contre, si je produis et si Baie-Comeau produit, il y a une somme à partager et on la partage, suivant ce qui a été fait dans l'année. Alors, quelqu'un qui n'a rien fait dans l'année, je suis bien d'accord pour lui donner quelques centimes, mais il faut que l'effort du milieu soit fait et non pas faire intervenir la pitié.

M. Perron: J'ai compris, M. le maire, que vous vouliez dire effectivement qu'à un moment donné il y a des municipalités qui vont intervenir au niveau culturel, parce qu'elles peuvent recevoir des subventions ici et là; ça va fonctionner pendant quelques mois d'été et il n'y a pas de continuité les années qui viennent. Et vous ne voyez pas l'utilité de continuer ça, parce qu'il n'y a pas de suite de donnée aux interventions qui ont été payées.

M. Dion: Ça prend un effort, oui.

M. Perron: Très souvent, c'est juste pour créer des emplois temporaires, très localisés, qui n'ont rien de concret pour les autres municipalités, à côté. Il n'y a même pas d'échange intermunicipal. C'est ça que vous voulez dire, je pense.

M. Dion: Oui. Ça prend un effort soutenu, quand même.

M. Perron: D'accord. Pourriez-vous élaborer maintenant sur...

Le Président (M. Gobé): Je m'excuse, mon cher collègue, mais le temps imparti est maintenant dépassé. Si vous vouliez peut-être conclure.

M. Perron: Oui.

Le Président (M. Gobé): J'ai laissé passer de cinq minutes, parce que, comme tradition, lorsqu'on reçoit un député d'une région, on lui donne le temps de pouvoir discuter avec ses commettants, mais là, malheureusement...

M. Perron: M. le Président, vous êtes très aimable et la ministre aussi.

Le Président (M. Gobé): Non, non, c'est une tradition à cette commission pour les audiences. On a, de manière informelle, avec Mme la ministre et M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, décidé de fonctionner de cette façon-là.

M. Perron: Vous avez parlé, dans votre mémoire, d'une modulation; c'est là-dessus qu'est ma question. Quels sont les problèmes que vous rencontrez actuellement au niveau des programmes d'aide du ministère des Affaires culturelles, qui vous amènent à plaider en faveur d'une modulation de programmes, c'est-à-dire de programmes qui reflètent les problématiques particulières régionales? M. Dion a parlé d'une partie, en réponse à la question que je lui ai posée à l'effet que j'étais plus ou moins d'accord avec ce qu'il a dit, mais après ça j'ai compris. Mais est-ce que, M. Sauvageau, vous pourriez nous répondre, élaborer davantage là-dessus? Je pense que c'est important qu'on se comprenne à ce niveau-là.

M. Sauvageau: Je vais répondre sur deux volets. Les commentaires qui ont été émis dans notre mémoire sont beaucoup plus en rapport avec certaines inquiétudes que l'on peut voir, que l'on a pu deviner à la lecture du rapport et un peu moins en relation avec des problèmes majeurs que l'on vit ou les relations qu'on a avec le ministère, actuellement, sur l'application de programmes.

En réalité, hormis le petit contexte que je situais tout à l'heure avec la bibliothèque, je pense que les relations, quand même, qu'on a avec le ministère sont excellentes, et les programmes, pour ceux qui existent, somme toute, amènent des bonnes collaborations. Sauf qu'on s'inquiète pour le futur, lorsqu'on risquerait de voir disparaître des programmes qui, actuellement, servent tantôt nos organismes, tantôt, évidemment, même la municipalité. Écoutez, on ne peut pas passer sous silence qu'actuellement on est en collaboration avec le ministère sur la réalisation d'un chantier majeur et que, pour cette part-là, c'est un programme qui nous agrée beaucoup. Parce je pense que c'est un bon exemple de collaboration, de "partnership", mais on situe ça dans le questionnement qu'amène le rapport.

Le Président (M. Gobé): Le mot de la fin, M. le député, et de remerciement en même temps.

M. Perron: Le mot de la fin par une question, et je ne ferai même pas de commentaires à la fin, M. le Président. Mon collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques a parlé d'un fonds régional, que vous mentionnez dans votre mémoire, d'ailleurs. Est-ce que vous pourriez nous dire de quelle façon serait financé ce fonds? Est-ce que c'est strictement par le ministère des Affaires culturelles ou si c'est une collaboration financière qui pourrait exister entre différentes parties comme les MRC, le ministère des Affaires culturelles, les milieux d'affaires, l'OPDQ, etc? Est-ce que c'est ça que vous voulez dire ou si c'est strictement le ministère des Affaires culturelles?

M. Dion: Oui, je pense que vous donnez des suggestions à Mme la ministre. Maintenant, nous, nous n'avons pas approfondi cela. Quand on parlait de fonds régional, c'était bien pour toute la région et je ne pense pas qu'on ait approfondi cette affaire-là, comme vous dites, à qui reviendrait le partage.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le maire, merci, M. Sauvageau. Mme la ministre, le mot de la fin.

Mme Frulla-Hébert: Oui. M. le maire et M. Sauvageau, merci beaucoup. Quand on parlait de fonds, l'idée de fonds, en tout cas, c'était, comme je le disais tantôt, dans le rapport Coupet, une entente tripartite entre le provincial, le municipal et aussi les entreprises privées. En tout cas, ceci dit, effectivement, on regarde la modulation des programmes par région. On a d'ailleurs modulé le programme, ne serait-ce que pour la salle de spectacle, considérant que c'était quand même en région éloignée et, évidemment, les coûts de construction en région éloignée dépassent et de beaucoup ceux qui sont en région peut-être un peu plus accessible. Ceci

dit, merci encore de votre participation, merci d'avoir répondu à notre invitation et c'est toujours un plaisir d'aller dans votre région.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la ministre. M. le maire, M. Sauvageau, au nom de tous les membres de cette commission, je tiens à vous remercier de votre collaboration, de votre participation. Ça nous a été très agréable de vous recevoir ce soir. Nous vous souhaitons un bon retour et je tiens à vous souhaiter, ainsi qu'à tous vos concitoyens, beaucoup de maisons de culture et de culture dans votre belle ville de Sept-îles. Au revoir, M. le maire.

Je vais maintenant demander au groupe suivant, soit le Centre de valorisation du patrimoine vivant, pardon, aux représentants du Centre de valorisation du patrimoine vivant de bien vouloir se présenter en avant sans plus tarder. Bonsoir, madame et messieurs. Si je comprends bien, nous avons Mme Margot Fortin, membre du conseil d'administration. Mme Fortin?

Une voix: Mme Martine Roberge qui remplace Mme Fortin.

Le Président (M. Gobé): Ah! Mme Roberge. Bonsoir, Mme Roberge. M. Denis Maheux, membre du conseil d'administration. Bonsoir, M. Maheux. Et M. Jean Du Berger, président. Alors, vous allez pouvoir présenter votre document. Je vous rappelle le mandat de notre commission, qui est une consultation sur la proposition de politique de la culture et des arts suite au rapport Arpin et initiée, bien entendu, à la demande de Mme la ministre des Affaires culturelles. Alors, vous avez maintenant la parole.

Centre de valorisation du patrimoine vivant

M. Du Berger (Jean): Merci, M. le Président. Alors, le Centre de valorisation du patrimoine vivant, dont je suis le président, n'est peut-être que le sommet d'un iceberg car je suis très sensible aux symboles. Et, ayant été formé à l'Université Laval par Luc Lacourcière, Félix-Antoine Savard, je suis conscient que je ne suis pas seul ici ce soir, mais aussi je suis comme un délégué des conteurs, des chanteurs, de tous ces artistes populaires du Québec et de la francophonie. Et notre Centre a justement pour fonction, comme nous le décrivons dans notre mémoire, d'être à l'écoute, de faire des recherches dans ce domaine-là et de faire aussi des activités que nous avons un peu décrites.

Le rapport Arpin, pour moi, a été rafraîchissant. Comme je l'ai dit dans le mémoire, dans une période où, enfin, c'est la technoculture qui parte, entendre parler de culture à côté de toutes les autres instances, c'était vraiment un horizon qui se dégageait. Et, quand même, ce que nous voulons souligner, c'est que, quand on lit le rapport et surtout après ça, même dans cette commission, nous avons vu que bien souvent la culture, c'est les industries culturelles, c'est toutes sortes d'instances institutionnelles. Et, je dois le souligner, on parle de cette culture au sens ethnologique du terme dans le rapport Arpin; on parle des croyances, des légendes, des coutumes, des vêtements, des mobiliers, des outils et, j'ai trouvé ça très ironique, à un moment donné, "et quoi encore..." Parce qu'on ne voulait rien oublier, on a dit: S'il y a des choses, ne nous faites pas le reproche, on l'a mentionné dans "et quoi encore..." Mais, quand même, on en parle.

Et ce que nous voulons surtout souligner, c'est que, derrière le terme de patrimoine... Je me suis aperçu, tout à l'heure, qu'on en parlait. Les professeurs des Hautes Études commerciales, qui m'ont précédé, ont parlé justement du patrimoine, c'était le deuxième volet du colloque auquel ils ont participé. Pour nous, au Québec, quand on parlait de patrimoine, eh bien, pendant longtemps, c'était le patrimoine bâti. Et nous savons tous les efforts qui ont été consacrés au patrimoine bâti: maisons retapées, églises sauvées. Et, d'ailleurs, le Canada lui-même, quand on parle de patrimoine, pensez à Parcs Canada... Ça me fait d'ailleurs penser à une pensée de Northrop Frye, de l'Université de Toronto, qui disait: Ce qui caractérise le Canada anglais, c'est "the garrison mentality", la mentalité de garnison. Et quand on pense à tout ce qu'ils sauvent, c'est des forts, des "blockhouses", des fortifications. Et, alors, là, vraiment, on disait que c'était le patrimoine.

Ce que nous voulons ici surtout souligner, en comparaissant devant vous, c'est que maintenant, de plus en plus, et l'UNESCO en a parlé un peu partout, il y a ce concept d'un patrimoine élargi, d'un patrimoine qui prend en compte non seulement ce qui est très tangible, mais aussi ce qui est... Enfin, on parle de patrimoine vivant, le patrimoine intangible. Les Américains parlent de "living heritage". On parle d'un patrimoine qui se trouve dans les porteurs de traditions. Et il y a plusieurs états... Je ne ferai pas ici - ça prend un peu une allure académique dans le mémoire que nous avons présenté - les distinctions des différents états, mais à un premier niveau, ça se vit au niveau de la vie quotidienne. Et très souvent... Ça m'a frappé, par exemple, dans l'intervention du maire de Sept-îles; quand il parle de culture, eh bien, c'est une culture institutionnelle, alors que nous savons, nous, ethnologues, que la Côte-Nord est pleine de toutes sortes de ressources patrimoniales d'un patrimoine de conteurs d'une vitalité incroyable, parce qu'il y a aussi cette culture-là.

Alors, on distingue en France, actuellement, des patrimoines: architectural, artistique, audiovisuel, écrit, enfoui, muséographique et musical, et aussi, par la mission ethnologique française commencée en 1980, il y a un patrimoine ethnologique qui est décrit: objets et ensembles

mobiliers, immeubles, paysages même aménagés, les biens fongibles, c'est-à-dire qui se consomment, tels que les espèces animales et végétales domestiquées ou cultivées, les espèces sauvages devenues partie intégrante de pratiques... Et, par la suite, les témoins actifs: des agents vivants (les artisans, conteurs, musiciens), des phénomènes collectifs aussi, comme les fêtes, les cérémonies, des savoirs spécialisés. Alors, on s'aperçoit que ça s'élargit beaucoup. (21 h 45)

Et il y a un consensus chez les scientifiques actuellement, un consensus qui s'est fait autour de plusieurs rencontres de l'UNESCO. À partir des années quatre-vingt, l'UNESCO, à Paris, a eu plusieurs rencontres d'experts auxquelles le Canada participait et où on est arrivé à élargir, à démontrer que le patrimoine couvrait... Et là, je cite le directeur général de l'UNESCO. Il dit que "le patrimoine culturel, comme point de repère et matrice à la fois de la continuité de ce peuple et de sa force de création et de renouvellement, a fait l'objet d'une réflexion des plus approfondies. Enfin, aux côtés des manifestations matérielles, tangibles du patrimoine, grandit l'importance de ses expressions immatérielles, traditions et coutumes, langues ou dialectes, musiques et danses, arts et artisanats, littérature."

Alors, nous avons élaboré sur ces définitions et surtout nous avons voulu parler des modes d'intervention, car il y a une action à faire. Il y a une action à faire. Évidemment, vous le savez, nous avons une longue tradition au Québec. Je me permets de vous rappeler que, depuis 1940, à l'Université Laval, il y a des archives qui ont été créées. Et ces archives de folklore ont accumulé un des plus grands fonds de la francophonie. Nous avons actuellement 70 000 chansons d'enregistrées, 10 000 contes, et il y a des contes là-dedans qui durent 2 heures, 10 000 légendes. C'est le plus grand fonds. Pour vous donner une idée statistique, le repiquage systématique, à raison de 8 heures par jour, va prendre 30 ans. Nous avons commencé il y a 10 ans, il y a encore 20 années de repiquage à faire de ce fonds-là. Alors, c'est un fonds énorme.

Donc, nous ne partons pas de zéro, mais la mission de l'université est de former et non pas de conserver ces choses, non pas d'entreprendre... Dans des projets de recherche, on peut le faire. Alors, c'est pour ça que le centre de valorisation se situe à ce moment-là comme un lieu qui peut instituer des enquêtes, qui peut continuer ce travail, qui peut vraiment développer ce qui a été entrepris autrefois dans les milieux académiques.

Alors, nous parlons de différentes approches. Il y a l'approche qu'on appelle de redécouverte, le travail dans les communautés même. Et, quand je parle de communautés, je me permets de dire maintenant... Parce que, pendant long- temps, moi le premier, quand je pensais à des traditions, je pensais aux traditions canadiennes-françaises et québécoises, à nos traditions. D'ailleurs, nous parlions toujours de notre folklore, de nos chansons. Et puis, dans tous les articles de Pierre-Georges Roy, c'était toujours nous, nous, nous. Et maintenant, dans le Québec actuel, je pense singulièrement à la ville de Montréal où, par exemple, je connais des directeurs d'école qui sont en face de plusieurs cultures. Alors, nous avons des communautés culturelles et nous avons des traditions. Et alors, à ce moment-là, d'aller dans ces communautés et de leur apprendre à être attentives, à conserver et à les présenter à d'autres parce que là... Et le point central de mon intervention, c'est ceci: le meilleur moyen d'arriver à faire se rencontrer les communautés culturelles dans une intercul-turalité, et nous sommes rendus là, eh bien, c'est par la connaissance de nos traditions profondes. C'est par nos mythes que nous pouvons nous rencontrer. C'est à ce niveau-là qu'on peut se rencontrer.

Alors, nous avons exposé, pour commencer, nos travaux, mais surtout nous croyons que le gouvernement du Québec doit, comme plusieurs gouvernements... Et c'est curieux, j'ai été conforté dans cette opinion-là lorsque j'ai été appelé comme expert auprès du gouvernement du Rwanda pour les conseiller dans la conservation de leurs traditions. Et c'est à ce moment-là, étant avec le ministre de la Culture du Rwanda qui me disait: Ce que vous faites au Québec, c'est incroyable et tout, que je me suis aperçu quand même que nous leur prêchions des choses et puis qu'il y avait encore des choses à faire ici. Et, à ce moment-là, j'ai découvert l'énorme mission que nous pourrions avoir collectivement.

Alors, nous exposons, pour commencer, qu'il faut que le Québec ait une vue d'ensemble de toutes les traditions culturelles qui sont dans son territoire - quand je parle de tout, ça va des Inuit jusqu'aux dernières communautés arrivées ici au Québec - et d'établir des banques de données, de faire des inventaires. Vous savez, c'est déjà commencé. Mais nous connaissons, nous, des groupes dans les régions - vous parliez des régions, il y a quelques instants - qui sont là, qui ont un matériel énorme. Il y a des gens au Lac-Saint-Jean qui ont des collections d'enregistrements qui vont se perdre. Alors, de faire l'inventaire des banques de données, des banques bibliographiques, de réinstituer des enquêtes systématiques. Comme on a fait pour le macroinventaire dans le domaine matériel, de le faire dans le domaine des traditions et des coutumes, d'aider des organismes locaux.

Et là, notre Centre, avec ses pauvres moyens - je dis bien "pauvres moyens", nous venons ici comme ces frères mendiants dont vous parliez tout à l'heure - eh bien, nous aidons des communautés, des groupes qui disent: Écoutez, nous avons chez nous des gens qui savent des...

Qu'est-ce qu'on doit faire? Et alors il y a lieu, je pense, de fournir une expertise aux régions, de favoriser des recherches et surtout de favoriser des publications et des événements pour faire connaître, et, enfin, je pense, de concert avec le ministère de l'Éducation, de favoriser la mise en place de programmes pédagogiques qui permettront de connaître ces traditions orales où il y a la plus grande richesse du monde. Si vous saviez la richesse de nos contes et la magnifique vitalité encore de certains conteurs que nous avons! Je pense à M. Fradette, de Bellechasse, qui a fait un malheur cet été à la place de l'hôtel de ville, et Jacques Labrecque, qui était avec moi, m'a dit: Qu'est-ce qu'on peut faire après ça, après ce conteur de Bellechasse? Alors, là, nous avons des traditions qu'il faut faire connaître.

En conclusion, eh bien, le rapport Arpin, qui passera peut-être à l'histoire sous ce nom-là, pose des jalons. Il pose des jalons et nous en reconnaissons les mérites. Il y a un grand plan et il y a une vision de la culture que peut-être il s'agit d'élargir, de compléter parce que ce patrimoine vivant, il est au milieu de nous, il est important, vous le savez, et surtout, je le dis, à un moment donné, il faut que nous construisions des ponts qui vont permettre la rencontre interculturelle entre les communautés. Parce que, si la connaissance de soi... Et vous savez à quel point notre ethnologie ici a été une ethnologie de soi, du proche, alors qu'il faut maintenant aller vers la connaissance de l'autre, en fait. Il faut continuer notre identité, mais aussi connaître les autres. Nous croyons que l'attention aux valeurs véhiculées par ces patrimoines peut nous permettre d'approfondir une reconnaissance.

Et je terminerai sur un point parce que, dans mes travaux que j'ai faits avec d'autres pays, eh bien, on a beaucoup, beaucoup parlé d'écologie de l'esprit. Vous savez à quel point nous sommes en train de sauver... Au Rwanda, on me montrait dans les collines - je n'ai pas osé y monter - on essayait de sauver 27 000 000 d'années d'évolution dans les gorilles du Rwanda. On disait: Parce que là, ce patrimoine génétique disparaîtra. Eh bien, c'est vrai et il faut garder la diversité culturelle, garder beaucoup parce que nous nous dirigeons peut-être vers "the graying out", une espèce de grisaille culturelle qui peut s'emparer de nous et, dans cette perspective-là, chaque culture, chaque témoignage qui disparaît, eh bien, c'est un petit peu des aspects de culture irremplaçables qui disparaissent. Il y a deux petites fleurs à Madagascar qu'on a sauvées de la disparition. On en a fait deux remèdes pour deux formes de cancer, à l'institut Pasteur de Paris, deux fleurs sauvages. Qu'est-ce qui nous dit que, dans des porteurs de traditions qui sont là, il n'y a pas justement des sagesses, des savoirs qui pourront nous permettre d'affronter ce temps qui est devant nous? J'ai terminé, monsieur.

Le Président (M. Gobé): Sur ces sages paroles, M. Du Berger, je vais maintenant passer la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles.

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. Du Berger. Je vous entendais parler et ça me rappelle encore une fois cet été, quand je suis allée en Gaspésie, à Bonaventure; quand nous avons inauguré la salle, il y avait un magnifique conteur, professeur de cégep - son nom m'échappe - qui venait de Paspébiac et qui racontait finalement la vie - la même chose aux Îles-de-la-Madeleine d'ailleurs - et, évidemment, ils nous ont entretenus et ils ont charmé, amusé, fait rire, fait songer aussi les gens qui étaient là. On s'est posé la question à savoir, mon Dieu, finalement, il faudrait que ces gens-là débordent de leur région et viennent conter aussi les réalités régionales à des gens des grandes villes et je dois dire spécifiquement Montréal. C'était tellement merveilleux et charmant. Alors, pour vous dire: Oui, il y a une grande sensibilité d'ailleurs au niveau de notre aide même cette année, là. Évidemment, c'est loin d'être tel que l'archéologie, comme le disait mon confrère, ou enfin tel que le patrimoine en termes de restauration, mais on en est aussi très, très sensibles.

Vous allez avoir des états généraux, je pense, en 1992. On vous aide sur ce projet-là aussi. Parlez-moi un peu de ça, de ce qui va se passer au niveau de ces états généraux là en 1992.

M. Du Berger: Eh bien, les états généraux, l'acte de fondation, c'est en 1989. À la maison Chevalier de Québec, ici, nous avons convoqué, nous du centre de valorisation, des intervenants, dont la liste est dans notre mémoire d'ailleurs, qui couvrent à peu près tous les groupes qui travaillent dans le domaine du patrimoine vivant, et aussi des individus.

À la suite de cela, nous avons organisé des ateliers à l'Université Laval l'an dernier, au printemps dernier, où nous avons eu plus de 250 participants qui venaient de tous les milieux, les artisanes, les gens qui travaillent le fléché dans la région de Lanaudière. Nous avons eu, évidemment, les gens de Radio-Canada qui s'occupent des émissions... Enfin, je pense que nous avons eu des gens de tous les milieux, des cinéastes qui ont travaillé dans le domaine. Et là, nous sommes en train... Nous avons retiré de tout ça beaucoup, beaucoup d'observations, beaucoup de recommandations, de tous les milieux, et ça vient de toute la province. Il y a un consensus qui se fait autour de certaines nécessités et évidemment, pour commencer, de recherches à faire, de recherches à instituer, à poursuivre, un lieu peut-être pour vraiment coordonner, où toute la synergie, éparse actuellement là, pourrait vraiment opérer.

Ensuite de cela, nous avons beaucoup réfléchi sur l'organisation justement de réseaux de communications, parce que c'est le grand problème que nous avons actuellement, ces réseaux de communications. Des gens dans les régions ont des ressources mais ignorent... On nous téléphone parfois et pour nous c'est facile, nous avons des ressources ici. Mais, à ce moment-là, je pense qu'un réseau, ça serait facile. J'ai une banque de données personnelle, dans ma carrière de professeur, de 13 000 références sur le folklore canadien, et singulièrement québécois, et tout ça sur un Macintosh. Alors, on pourrait l'opérationaliser de notre Centre, et là, vraiment, les gens viendraient chercher les données là-dedans.

Alors ça, c'est un besoin, un besoin d'information. Et puis, surtout, c'est de faire reconnaître ce concept de patrimoine vivant, en fait de patrimoine ethnologique, par l'État. Et, vous le savez, tous les gens qui viennent devant vous dans cette commission redisent tous la même chose. Mais nous sommes devant un secteur, peut-être le plus faible, le plus faible, parce que c'est porteur de traditions. Ces gens-là, évidemment, n'ont pas de moyens. Et je pense toujours au cas que vous connaissez bien, je pense, d'un génie que nous avions au Québec, Jean Carignan, qui conduisait un taxi à Montréal à la fin de sa vie, qui avait joué avec Yehudi Menuhin qui reconnaissait en lui un maître traditionnel, une autre tradition. Mais, à ce moment-là, vous savez, c'est un petit peu comme une blessure pour beaucoup d'entre nous, d'avoir vu cet homme. Et puis, il y en a d'autres. Il y a des maîtres artisans et des maîtres de la chanson, qui ont fini dans des conditions très difficiles.

Et alors c'est ces gens-là, en fin de compte, qui se sont fait entendre. Il y avait des gens très humbles avec nous. Des gens qui étaient là qui venaient, puis qui ont participé. Parce qu'il ne faudrait pas penser que le Centre, bon, c'est un petit groupe là. Nous avons 400 membres et puis ils viennent de tous les milieux, et nous avons beaucoup de gens de l'île d'Orléans par exemple, puis des porteurs authentiques qui sont avec nous.

Mme Frulla-Hébert: Effectivement, on vous donne un coup de main au projet, même au fonctionnement et puis tout ça, mais, comme vous dites, vous ne partez pas de rien, parce qu'il y a des banques de données et vous y travaillez, bon. Mais, on part aussi de rien au niveau d'un réseau et puis tout ça.

M. Du Berger: Voilà.

Mme Frulla-Hébert: Parce que, comme vous dites, c'est un domaine qui a été, moi je ne dirais pas négligé, je pense que, en soi, finalement mettre toutes ces actions-là... Oui, c'est vrai que c'est un domaine qui a été un peu méconnu, si on veut, mais, d'un autre côté, il y a quand même des activités qui font en sorte que le patrimoine vivant est mis en valeur. Je pense aux Sortilèges, par exemple, je pense au festival de folklore de Drummondville. Il y a des activités spontanées, mais qui prennent beaucoup d'ampleur et d'envergure, qui diffusent aussi notre patrimoine vivant. Ce que vous nous dites, vous, c'est maintenant de l'organiser et de le faire connaître. (22 heures)

M. Du Berger: Oui.

Mme Frulla-Hébert: Mais, depuis trois ans, on investit, nous, en ressources humaines pour la recherche méthodologique et aussi pour aider à constituer des banques de données. Qui se sert de ça? Est-ce que c'est connu maintenant?

M. Du Berger: Eh bien, justement, je pense qu'il y a aussi une question de faire connaître... Vous voulez dire: Au ministère, vous avez fait des travaux?

Mme Frulla-Hébert: C'est-à-dire qu'on me dit que le MAC a investi en ressources humaines pour la recherche méthodologique et la constitution de banques de données sur le patrimoine.

M. Du Berger: Vous avez un premier résultat, Mme la ministre, parce que vous avez ici l'auteur de la dernière publication du ministère sur le guide d'enquête qui est épuisé. Alors, il y a au moins 250 a 300 personnes qui l'ont... Et on va le réimprimer bientôt.

Mme Frulla-Hébert: Donc, il y a un intérêt plus que...

M. Du Berger: Absolument, actuellement. Et justement, je parlais - vous parliez des Sortilèges - avec Jimmy Di genova et, là-bas, à Montréal même, ils nous disent: Écoutez, donnez-nous... Ils ont besoin d'un guide. Ils ont besoin de choses comme ça. Oui, ils le disent et ils viennent à Laval chercher. Ils viennent aussi... Le Centre devient de plus en plus, de concert avec l'Université... Il y a une collaboration qui est instituée, vous le savez, entre l'Université Laval et le Centre, là-dessus. Et l'université, je le rappelle, son mandat est pédagogique.

Mme Frulla-Hébert: Oui, c'est ça.

M. Du Berger: Nous ne pouvons pas instituer... Nous pouvons créer, dans le Centre, mais on ne peut pas faire des outils.

Mme Frulla-Hébert: Donc, on parle beaucoup plus d'un organisme, comme vous disiez, dans le fond... Parce que, évidemment, l'université, ce n'est pas vraiment son mandat. Alors, ce serait

une espèce d'organisme central... M. Du Berger: Oui.

Mme Frulla-Hébert: ...et qui aurait une interaction régionale, dans le fond.

M. Du Berger: C'est ça.

Mme Frulla-Hébert: C'est ça que vous voulez dire, au niveau des réseaux?

M. Du Berger: Un organisme qui centraliserait, jusqu'à un certain point, les informations, qui pourrait aussi instituer des activités et puis... Parce que déjà la synergie est établie, on le sent, on le voit, nous sommes en très bons rapports un peu partout, là. Et, à ce moment-là, cet organisme pourrait être un centre de services, en collaboration avec le ministère, évidemment, à moins que le ministère, lui-même, décide de créer tous ces services-là.

Mme Frulla-Hébert: Non, oubliez ça. On me fait part... Et ça, c'est vrai, c'est une bonne remarque aussi. Nous, vous voyez, là, de toute façon, ne serait-ce que par l'augmentation, oui, on veut aider, mais une des difficultés est comment on fait pour identifier les vrais porteurs de traditions et ceux qui sont beaucoup plus influencés par les médias, qui vont reproduire, par exemple. Autrement dit, comment distinguer les vrais de ceux qui en font et, finalement, ça devient un spectacle?

M. Du Berger: D'accord. Alors, scientifiquement, eh bien, la réponse est celle-ci. Je m'excuse, là, l'adverbe, est terrible. C'est que c'est la communauté elle-même où s'insère ce porteur-là qui l'identifie. Ce sont les gens qui l'entourent qui disent: Voilà, lui, c'est un bon sculpteur. Voici un bon chanteur. Et un autre: Bien, celui-là est... D'ailleurs, mon maître, Luc Lacourcière, quand il arrivait dans un village, la première chose qu'il demandait aux enfants: Est-ce qu'il y a un bon conteur ici? Il n'allait jamais le demander au curé parce que le curé lui disait: Non, non, il n'y en a pas, parce que le seul détenteur de la parole, c'était lui. Mais les enfants l'orientaient vers le vrai conteur, le vieux menteur, le "ratoureux". Et là, à ce moment-là, c'était la communauté, le groupe lui-même. Et la première étape, c'est la communauté elle-même. Ensuite de ça, il y a d'autres niveaux et là la notion de patrimoine, évidemment, c'est... Parce que demander à des experts universitaires de dire: Voici, est-ce que lui-même est authentique? C'est la communauté qui le dit, c'est le groupe d'appartenance qui va le dire, qui va l'identifier. Après ça, évidemment, vous nous avez bien montré qu'il y a d'autres étapes où, là, ça devient beaucoup plus... C'est encore le patrimoine, mais avec une autre forme, si vous voulez.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la ministre. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez la parole.

M. Boulerice: Merci, M. le Président. Professeur Du Berger, Mme Roberge, M. Maheux, j'ai bien des raisons de me réjouir de votre présence en cette commission et surtout de la présentation de votre mémoire. En premier lieu, vous nous indiquez qu'il y a des tiroirs devenus un peu secrets dans lesquels il y a des richesses énormes et qu'on est en train d'oublier. Et, quelquefois, on oublie peut-être de les mettre dans des tiroirs, mais cette fois-ci, sous forme de protection et non pas que l'on veuille bien les oublier comme telles. Je ne pouvais pas m'em-pêcher, à la lecture de votre mémoire, de me rappeler l'épisode extrêmement valorisant pour le jeune homme que j'étais à l'époque, qui était une longue conversation avec un être extraordinaire que vous avez sans doute eu le plaisir de connaître beaucoup mieux que moi, qui était le professeur Barbeau. Vous faites d'ailleurs allusion au professeur Barbeau dans votre mémoire. On ne célèbre peut-être pas assez sa mémoire, malheureusement. Le professeur Trépanier aussi, que j'ai eu le plaisir de rencontrer, était un merveilleux raconteur et le faisait par la voie de la radiodiffusion aussi. Cela a touché énormément les gens de ma génération. Est-ce que les gens de l'actuelle génération ont ceci d'accessible? Je pense qu'on va être obligés de faire le constat mutuel: Malheureusement non, sauf peut-être dans certaines régions où les traditions existent. Mais, dans les milieux très urbanisés, on est en train de perdre ce fil conducteur qui nous mène à nos origines, et c'est ça qui est extrêmement tragique.

Un autre commentaire avant de passer au questionnement. Ce que vous dites dans votre mémoire, les références que vous faites également au sujet de l'UNESCO rejoignent de très près les préoccupations de la commission de la culture de l'Association internationale des parlementaires de langue française à laquelle la majorité d'entre nous appartiennent, sauf que mes fonctions de rapporteur officiel à cette Association me permettent de m'alimenter régulièrement dans les travaux de la commission. Vous n'êtes donc pas isolés, en termes de préoccupations. Je trouve agréable que vous fassiez référence au Rwanda puisque, sans faire part explicitement de l'expérience vécue avec vous dans ce pays, même l'Afrique commence à voir le danger de la perte de ses choses. Alors, vous imaginez, c'est dans un pays qui n'a pas un soutien technologique, des universités, des chercheurs et des professeurs. Dans notre cas à nous, je pense que cela serait doublement fautif, nous qui avons les moyens, de passer à côté.

Ceci étant dit, professeur Du Berger, si je

vous posais de façon très abrupte la question:

Pour vous, quels sont les éléments clés d'une politique de sauvegarde et de mise en valeur de ce patrimoine vivant?

M. Du Berger: Bon. Je reviens un peu sur notre mémoire. Évidemment, il faut faire un inventaire le plus rapide possible des ressources des milieux, de tous les milieux. En général, les sociétés d'histoire locales, il y a beaucoup, beaucoup de groupements culturels, un peu partout, ils le savent. Ils n'ont pas les moyens, quand même, ils n'ont pas les techniques très souvent. Alors, un inventaire de tous les milieux. Déjà, il y a certaines régions comme la Beauce qui est un exemple où, là, vraiment, il y a une sensibilité locale, mais les moyens ont manqué, même dans la Beauce, le pays de l'entrepreneur-ship. Sainte-Marie de Beauce a eu des difficultés avec le centre Marius-Barbeau et tout. Mais, quand même, il y a là un inventaire.

Une fois l'inventaire fait, la sauvegarde du matériel le plus tôt possible. Comme pour les monuments bâtis, la sauvegarde des porteurs de traditions. Je vous signale qu'il y a une dame à IHe d'Orléans dont la maison a passé au feu - elle était bien connue ici, dans la région, Mme Audet - et elle a perdu tout son matériel. Évidemment, elle a encore sa mémoire. Mais elle a 80 ans et c'est un de mes étudiants qui a recueilli son matériel, récemment. Alors, sauvegarder.

Une fois sauvegardé, mettre à la disposition. Je suis très sensible à ce que vous avez dit. Mme la ministre, quand vous avez parlé des Îles-de-la-Madeleine dont la voix ne se fait pas entendre à Montréal et je dirais même à Montréal cette voix des conteurs hassidim qu'on n'entend pas. J'ai eu une étudiante dont le grand-père était un conteur hassidim et j'ai une collection de contes de la vieille Russie, incroyable! Et une Portugaise. J'ai envoyé à mes collègues de Lisbonne le matériel recueilli à Montréal et ils avaient perdu cela au Portugal. Alors, je pense que notre pays, ici, est responsable aussi de ces traditions. Alors, donc, sauvegarde et la faire connaître. Une communication par l'écrit, par des émissions et, ensuite de cela, créer des événements. En fait, voyez-vous, c'est les étapes, et surtout aussi une recherche, je pense. On a parié, c'est revenu souvent dans les débats ici, de faire des recherches, approfondir, faire des rapports entre les cultures, créer des ponts. Et je pense que plus on acquiert de maturité, plus on est constructeur de ponts plutôt que creuseur de fossés. Enfin, là vous me l'avez demandé ex abrupto et puis l'ex abrupto donne aussi une réponse abrupte que je m'excuse de ne pas pouvoir fignoler.

M. Boulerice: Une question qui aura peut-être deux volets, professeur Ou Berger. Quels sont les liens qui existent entre un centre comme le vôtre, par exemple, et prenons le plus près et sans doute le plus beau - sage décision que le méchant ancien gouvernement a prise - le Musée de la civilisation?

M. Du Berger: Eh bien, le Musée a organisé des événements, à place Royale et un peu partout, et très souvent c'est le Centre qui organise l'événement. Lorsqu'il y a eu le Colloque des villes du patrimoine mondial, notre Centre a aussi organise quatre soirées à l'hôtel de ville et un peu partout avec des porteurs de traditions, des artistes traditionnels d'ici. Alors, c'est la collaboration, à date. Maintenant, éventuellement, on pourrait la développer. Mais notre Centre, vous savez, à côté du Musée de la civilisation, c'est quelque chose avec le bénévolat et vraiment ça tient toujours à une ficelle. Je peux même dire que nous allons fermer pendant un mois là, parce qu'on ne peut pas payer notre personnel. Alors, il y a une fermeture d'un mois du Centre alors qu'on est en train de préparer les états généraux. On ne peut pas. Alors, avec le Musée, parfois, donc, c'est une collaboration de services. On organise pour eux des événements.

M. Boulerice: Mais, professeur Du Berger, si vous me dites qu'au moment où vous préparez un événement aussi important votre Centre doit fermer pour un mois, la question que je vais vous poser tout de suite, c'est: Mais les organismes actifs dans le secteur et, notamment le vôtre, qu'est-ce qu'ils reçoivent actuellement du ministère?

M. Du Berger: Eh bien, les chiffres exacts, peut-être que M. Maheux peut m'aider là-dessus. Vraiment, moi, je n'ai pas apporté les feuilles de budget. Mais c'est une opération pour pouvoir arriver à reprendre... On reprend en janvier, évidemment. Mais...

M. Boulerice: C'est anormal que vous l'interrompiez.

M. Du Berger: C'est une opération comptable. On ne pouvait plus. Alors... Pardon?

M. Maheux (Denis): C'est-à-dire que le Centre va continuer à fonctionner, mais sous la forme de bénévolat parce qu'il ne sera plus possible de continuer notre fonctionnement avec des employés normalement rémunérés.

M. Du Berger: Alors, on va me référer les problèmes à l'Université et des choses du genre. On va opérer comme ça.

M. Boulerice: Dans votre cas à vous, l'aide gouvernementale est de combien?

Mme Frulla-Hébert: De 83 500 $, augmenta-

tionde52 000 $ sur l'année dernière.

M. Maheux: Dans notre cas, l'aide gouvernementale nous vient de plusieurs programmes. Elle n'est pas nécessairement de l'aide...

M. Boulerice: Ciblée dans un seul.

M. Maheux: C'est ça. C'est qu'on doit frapper à plusieurs portes puisque le patrimoine vivant comme tel n'a pas de porte d'entrée bien établie. Donc, c'est soit par des programmes comme les états généraux, qui est un de nos programmes les plus importants cette année - c'est-à-dire que la préparation de cette activité-là est une source importante de subventions - mais aussi dans l'organisation d'activités de promotion ou de diffusion. Par exemple, bientôt, le Festival international des arts traditionnels qu'on organise où on fait venir des porteurs de traditions de différents pays et, évidemment, des Québécois.

Le Président (M. Gobé): Je vais vous demander de conclure, M. le député.

M. Boulerice: Juste très, très brièvement. Le Président (M. Gobé): Oui, en conclusion.

M. Boulerice: Oui, il y a un archivage dans son sens noble, un inventaire, il reste à compléter, ça va de soi, parce qu'il y a encore un paquet de matériel peut-être répertorié mais non pas repris, des choses à découvrir. Vous avez sans doute entendu des interventions dans cette commission où on parlait de ce gigantesque domaine des communications. Et, quand je dis "communications", je ne parle pas de la radio et de la télévision, mais de tout le support technique. Est-ce qu'un organisme comme le vôtre a déjà commencé à amorcer une réflexion sur ce que représenterait, pour vous, l'acquisition de supports aussi importants - employons le terme - dans la valorisation du patrimoine vivant, c'est-à-dire son accessibilité? La, si je vous comprends bien, professeur Du Berger, l'accessibilité, pour moi, elle n'est que de me rendre à l'université. Il n'y a pas l'équivalent de la télévision active qui existe entre ces données-là et moi.

M. Du Berger: Le Centre est équipé, actuellement, d'un ordinateur, mais il n'est pas lié avec d'autres centres ou d'autres organismes. Évidemment, dans ce domaine-là, nous en sommes là actuellement, mais je vous signale que, ça, c'est une perspective qui pourrait, évidemment, accélérer beaucoup, beaucoup l'échange, parce que c'est l'isolement. Nous pensons à des régions, à l'Abttibi, par exemple, où des gens nous disent: Bien, là, il y a telles choses. Vous avez des livres. Qu'est-ce qu'on peut lire? Qu'est-ce qu'on peut consulter? Qu'est-ce qui s'est fait? Alors, là, c'est évident que ça accélérerait tout ce processus.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Du Berger.

M. Boulerice: Je conclurai, professeur Du Berger, Mme Roberge et M. Maheux, que votre mémoire, à lui seul, mériterait, sans aucun doute, une fin de semaine de réflexion collective et je souhaite qu'on puisse la faire. En guise de salutations, si on n'arrive pas à certaines choses que vous nous suggérez, malheureusement, on ne pourra pas faire un deuxième film aussi beau qui s'appellart "Pour la suite du monde".

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mme la ministre, en terminant.

Mme Frulla-Hébert: Merci, professeur Du Berger. En fait, on parlait d'aide. Oui, on a augmenté votre budget de 60 %, cette année, reflétant justement certaines activités, parce que vous avez l'aide au fonctionnement et l'aide aux projets. Alors, on a augmenté des deux côtés. Ceci dit, effectivement, il y a beaucoup à faire et on en est très, très conscients. Je vous écoutais parler et, à l'heure où on parle aussi beaucoup d'intégration, enfin, de nos immigrants, la connaissance de notre patrimoine, c'est aussi une très belle façon pour qu'on puisse se mieux connaître, autant nos nouveaux arrivants que nous, face aux nouveaux arrivants. Alors, soyez assurés - on l'a prouvé cette année, évidemment, dans la mesure du possible; quand les fonds sont illimités, c'est toujours plus facile - qu'on est quand même convaincus de la cause et on verra à ce que ça se reflète en travaillant toujours avec vous autres. Merci.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, Mme la ministre. M. Du Berger, M. Maheux et Mme Fortin, au nom des membres de cette commission, je tiens à vous remercier. Nous avons pris bonne note et connaissance de votre mémoire. Alors, ceci met fin à nos travaux pour la journée. Je vais donc maintenant ajourner nos travaux à demain, le mercredi 23 octobre, à 9 h 30 en cette salle. Les travaux de la commission sont maintenant ajournés.

(Fin de la séance à 22 h 19)

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