L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 3 mars 1993 - Vol. 32 N° 15

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le projet de loi n° 68, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé


Journal des débats

 

(Dix heures trois minutes)

Le Président (M. Doyon): La commission de la culture reprend ses travaux. Nous avons une journée assez remplie, donc nous allons commencer dès maintenant.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Bradet (Charlevoix) est remplacé par M. Bergeron (Deux-Montagnes); Mme Cardinal (Châteauguay) est remplacé par Mme Pelchat (Vachon); M. Charbonneau (Saint-Jean) est remplacé par M. Maltais (Saguenay) et M. Leclerc (Taschereau) est remplacé par M. Lafrenière (Gatineau).

Le Président (M. Doyon): Très bien. Donc, nous continuons nos travaux, comme je le disais, et nous allons le faire en recevant dès maintenant le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec et Information-ressources Femmes et logement. Je les invite dès maintenant à bien vouloir s'approcher. Je vous signale que les micros vont s'allumer automatiquement, vous n'avez pas à vous en occuper quand vous avez la parole.

Je vous souhaite donc la plus cordiale des bienvenues. Je vous indique que nos règles sont les suivantes. Vous disposez de 15 à 20 minutes pour nous faire part de vos représentations, en faisant un résumé de votre mémoire ou en en faisant la lecture, comme il vous plaira. Ensuite, les parlementaires disposent d'un partage de temps égal entre eux pour s'entretenir avec vous et demander certaines explications, certains éclaircissements, si la chose est nécessaire.

Si vous voulez bien vous présenter pour les fins de transcription de nos débats. Vous aurez, dès que vous l'aurez fait, le loisir de commencer votre présentation. Vous avez la parole.

Regroupement des comités logement et

associations de locataires du Québec (RCLALQ)

et Information-ressources

Femmes et logement (IRFL)

Mme Côté (Nathalie): Alors, bonjour. Je vous présente ma collègue, Marlène Dallaire, d'information-ressources Femmes et logement, qui est un organisme provincial de promotion et de défense des droits des femmes locataires. Moi, c'est Nathalie Côté, du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, qui regroupe environ une douzaine de comités logement et d'associations de locataires au Québec.

Alors, nous sommes...

Le Président (M. Doyon): Bienvenue.

Mme Côté: Pardon?

Le Président (M. Doyon): Bienvenue.

Mme Côté: Merci. Nous sommes heureuses de participer à cette consultation, puisque c'est la première fois que nous avons l'occasion de nous prononcer publiquement sur cette question. Nous travaillons quotidiennement sur divers aspects du logement, et une des questions qui nous préoccupent beaucoup est celle de la cueillette des renseignements personnels lors de la recherche d'un logement. Donc, dans un premier temps, nous tenterons de démontrer à quel point il y a des renseignements personnels qui circulent, dans le secteur du logement, qui sont recueillis et quels en sont les effets sur la population locataire. Dans un deuxième temps, Marlène Dallaire présentera notre point de vue, notre évaluation du projet de loi 68.

La location d'un logement est un service aux caractéristiques singulières, si on le compare à d'autres services de vente ou de location de biens. En effet, dans la location d'un logement, la relation d'affaires est souvent détournée au profit d'une relation plus personnelle, et ce, à cause du caractère très privé accolé aux services que les propriétaires offrent.

Lors de la recherche d'un logement, les aspirants locataires sont souvent contraints à fournir au propriétaire plusieurs informations personnelles, et cela même avant la conclusion du bail. De plus en plus de propriétaires demandent des renseignements personnels et, pour avoir la chance d'obtenir le logement, les aspirants et les aspirantes locataires n'ont pas d'autre choix que de fournir les renseignements demandés. La cueillette des renseignements personnels s'effectue par le biais de formulaires appelés formulaires d'offre de location. Les propriétaires peuvent également demander ces renseignements de vive voix ou bien référer à des tiers: organismes spécialisés, propriétaires précédents ou bureaux de crédit.

Nous allons vous remettre deux exemplaires de formulaires d'offre de location. Le premier est celui du Groupe Proprio, utilisé par 1800 propriétaires au Québec, et le second est utilisé par la SHDM, qui est la Société d'habitation et de développement de Montréal, qui possède 5350 logements à Montréal. Les formulaires sont ici, on...

Le Président (M. Doyon): Oui, on va en prendre connaissance, merci.

Mme Côté: Donc, en 1992, 2250 ménages ont rempli les formulaires de la SHDM que vous allez avoir entre les mains bientôt. La SHDM est un organisme paramunicipal, donc il n'est pas évident que la loi 68 pourra s'appliquer à cet organisme-là, ni la loi actuelle, la loi 64.

Une voix: La loi d'accès.

Mme Côté: La loi d'accès, oui, à l'information. Alors, vous avez les formulaires entre les mains?

Le Président (M. Doyon): Oui.

Mme Côté: On va jeter un bref coup d'oeil sur les informations qu'on demande dans le formulaire du Groupe Proprio. Alors, bon, on demande des renseignements, là, communs, l'adresse du logement, tout ça, ce qui est normal. Dans la section informations, on demande le numéro d'assurance-maladie, le numéro d'assurance sociale, l'état civil, le numéro de permis de conduire, cartes de crédit. On demande aussi à l'éventuel locataire d'indiquer où il habite actuellement. Alors, on demande des informations: l'adresse, depuis combien de temps, le montant du loyer, où il habitait avant et pour qui il travaille. On demande le genre d'emploi, depuis combien de temps, le numéro de téléphone, le salaire, votre banque, votre compte de chèques, votre compte d'épargne, enfin une foule d'informations qui n'ont aucun rapport avec la location d'un logement. On demande deux références obligatoires parmi votre famille, alors encore le nom, l'adresse, et, si le bail est signé avec un conjoint, un ami ou un endosseur, on demande encore les renseignements: numéro d'assurance-maladie, numéro d'assurance sociale, numéro de comptes de banque, salaire, genre d'emploi, numéro de téléphone, etc. Et, en plus, on demande un dépôt, ici, qui varie, j'imagine, selon le logement, et qui n'engage à rien, en fait, qui n'engage pas du tout le locataire. C'est un formulaire qui est strictement demandé lors de la visite du logement. (10 h 10)

Alors, le second formulaire, de la SHDM, demande des informations similaires. Par contre, ici, on demande des informations plus précises sur le sexe, les liens de parenté des colocataires ou des conjoints, l'état civil et la nationalité. Et aussi, bon, on demande les mêmes choses: les sources de revenus, les propriétaires actuels, les références bancaires et aussi, en cas d'urgence, les gens à appeler.

Alors, on sait que la cueillette est simple, facile et présente peu d'embûches, d'autant plus que les renseignements requis paraissent souvent anodins, voire légitimes. Et, même si la cueillette se fait à partir d'autres formulaires, autres que ceux-là, moins complets, par exemple, le réseau d'information des propriétaires leur permet d'ob- tenir beaucoup de renseignements sur les locataires seulement à partir du numéro d'assurance sociale. Cette cueillette de renseignements est utilisée à des fins précises, parfois lourdes de conséquences pour les locataires. Alors, les propriétaires cherchent le locataire ou la locataire idéale, avec certaines caractéristiques, souvent définies sur la base de préjugés. Les propriétaires se donnent ainsi le droit de choisir leurs locataires, ce qui ouvre grande la porte à de la discrimination.

Ainsi, la cueillette de renseignements personnels est l'un des moyens utilisés pour séparer le bon grain de l'ivraie, en plus de servir à constituer des listes noires de locataires. Évidemment, ces listes noires sont confidentielles et clandestines. Les locataires n'ont aucun contrôle sur l'utilisation des informations recueillies par les propriétaires. En plus, les locataires qui font face à un refus de louer le logement de la part du propriétaire ont beaucoup de difficultés à faire valoir leurs droits.

Les personnes à qui les propriétaires demandent les renseignements sont souvent les plus démunies, les familles monoparentales, les jeunes, les minorités ethniques, et la cueillette de renseignements personnels est une façon d'exercer une discrimination de plus en plus subtile et de plus en plus fréquente. Conséquem-ment, cela a des effets sur les conditions de logement des locataires discriminés. Lorsque ces locataires sont victimes de discrimination, ils et elles ont plus de difficultés à se trouver un logement et se retrouvent souvent avec les logements dont personne ne veut, c'est-à-dire des logements de moins bonne qualité, mal situés, trop chers, exigus et parfois même insalubres.

En fait, quelles que soient les conditions sociales des aspirants et aspirantes locataires, le laisser-aller dans l'utilisation de la cueillette de renseignements personnels par les propriétaires demeure inacceptable. Vu que le logement est une nécessité fondamentale comme le pain et le beurre, les locataires se retrouvent dans un cul-de-sac. Ils sont plus ou moins obligés de fournir une foule d'informations personnelles dont l'utilisation éventuelle leur échappe. Soit qu'ils subissent en silence les indiscrétions sur leur vie privée sans l'assurance d'avoir le logement convoité, soit qu'ils refusent de fournir les renseignements au risque de se voir refuser le logement. Merci. Marlène.

Le Président (M. Doyon): Oui, madame.

Mme Dallaire (Marlène): Je vais poursuivre sur le projet de loi 68 comme tel. Je ne sais pas si vous avez déjà eu des représentations, jusqu'à maintenant, sur la situation dans le domaine du logement, dans le domaine de l'habitation. Oui? Vous ne serez pas étonnés qu'il y a certains articles du projet de loi qui ont particulièrement attiré notre attention, et nos critiques portent

plus particulièrement sur les articles 5, 6 et 7, qui nous paraissent, dans une certaine mesure, affaiblir la portée de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui est à l'étude aujourd'hui, et même, dans une certaine mesure, trahir l'esprit de la loi elle-même, c'est-à-dire la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

D'abord, l'article 5, où on peut lire que la personne qui constitue le dossier ne doit recueillir que les renseignements pertinents à l'objet de celui-ci. Le terme «pertinents», dans un contexte comme celui qui nous préoccupe, c'est-à-dire le secteur de l'habitation, nous semble être un terme beaucoup trop ambigu et très aléatoire, surtout lorsqu'on le relie à l'article 8 du projet de loi, qui donne un droit de refus, une présomption en faveur des individus qui refuseront de donner des renseignements qu'ils jugeront non pertinents. Ce qu'on constate, dans notre pratique, c'est que ce qu'un propriétaire considère comme étant un renseignement pertinent n'est pas obligatoirement pertinent pour l'objet du dossier en cause, c'est-à-dire la location du logement comme telle. Selon nous, on ne peut laisser une disposition aussi importante du projet de loi dans un flou comme à l'heure actuelle. La notion de pertinence est beaucoup trop large, beaucoup trop généreuse également, et il nous semble que le terme «nécessaire» serait plus adéquat.

Pourquoi le terme «nécessaire»? Premièrement, parce que c'est la notion qui est utilisée dans la loi d'accès à l'information dans le secteur public. En l'occurrence, il y aurait une plus grande concordance entre les deux lois, entre la loi pour le secteur privé et la loi pour le secteur public. En plus de ça, ça faciliterait grandement la gestion pour les entreprises et la compréhension aussi pour les consommateurs, de façon générale, qui n'auraient pas à se prêter à des règles du jeu différentes, dépendamment qu'ils font affaire avec des organisations privées ou avec des organisations publiques.

Deuxièmement, on constate que, de remplacer le terme «pertinents» par le terme «nécessaires», ça traduit beaucoup mieux l'esprit du Code civil du Québec, des dispositions qui vont entrer en vigueur bientôt, nommément l'article 37, où on pose comme préalable à la constitution d'un dossier un intérêt sérieux et légitime pour le faire. Or, on a vu, tout à l'heure, que, dans le cas des formulaires de location, on les donne à compléter à des aspirants et des aspirantes locataires, donc des personnes qui n'ont pas de liens de droit ni même de liens d'affaires, à proprement parler, avec la personne qui fait la collecte des renseignements personnels. Le formulaire de location est un prérequis avant même qu'il y ait un intérêt, à notre sens, un intérêt légitime pour la constitution du dossier, dans la mesure où il n'y a pas de lien de droit entre les deux parties, et ça ne donne aucune obligation au propriétaire, donc au prestateur du service, de signer un bail ou de conclure un bail, éventuellement, avec le locataire.

Nous nous rendons compte que les formulaires de location sont utilisés à des fins discriminatoires très fréquemment. Alors, nous considérons qu'une bonne façon d'éliminer à la source plusieurs cas de discrimination serait d'introduire, dans l'article 5 du projet de loi, la notion de «donnée sensible». Je pense que vous en avez déjà entendu parler, notamment par le Groupe de recherche informatique et droit, et je reprendrai leur définition de «donnée sensible» tirée du mémoire qu'il vous ont déjà soumis.

Alors, une donnée sensible est un renseignement susceptible d'engendrer diverses formes de discrimination condamnées par la Charte. En l'occurrence, il faudrait interdire la collecte et l'usage de données comportant un danger de discrimination inéquitable ou d'atteinte aux droits et libertés fondamentales. Dans les deux formulaires de location qu'on vous a présentés, des données sensibles, il y en a de nombreuses, notamment sur le formulaire de la SHDM, où on demande des informations sur la nationalité, sur l'état civil, sur les sources de revenus, les revenus de pension, les revenus d'emploi. Ce sont tous des motifs de discrimination qui sont clairement énoncés dans la Charte des droits et libertés de la personne. Nous partageons donc cette recommandation du Groupe de recherche informatique et droit concernant la notion de donnée sensible et nous pensons que ce serait pertinent de l'introduire aux fins de l'article 5.

Maintenant, le second article qui a attiré notre attention, c'est l'article 6, où on nous dit que la personne qui recueille des renseignements personnels sur autrui doit d'abord les recueillir auprès de la personne concernée. Toutefois, elle peut recueillir ces informations auprès d'un tiers à la condition que la collecte soit faite sans révéler à cette personne un renseignement dont la loi interdit la communication. (10 h 20)

Dans ce cas-ci, la condition, on la trouve assez simple à remplir et, surtout, un peu inutile en regard du respect de la vie privée. C'est-à-dire qu'une personne qui voudrait ne pas donner un renseignement personnel pour ne pas, éventuellement, dans le secteur du logement, avoir à subir de la discrimination ne serait pas du tout protégée, ne pourrait pas savoir d'aucune façon si ce renseignement-là ne pourrait être obtenu auprès de tiers. On pense, par exemple, à un ménage qui a un jeune enfant. Le fait d'avoir des enfants est un motif de discrimination très fréquent dans le secteur de la location de logement. Eh bien, si ce ménage voulait cacher l'existence de l'enfant, il n'aurait aucune garantie que l'information ne serait pas recueillie auprès d'un propriétaire précédent, ou auprès d'un membre de la famille, ou peu importe.

Selon nous, il est indispensable de limiter

et de baliser la cueillette des renseignements auprès de tiers et de la baliser, au moins, en fonction de deux critères. D'abord, la nature des renseignements. Il faudrait que ce soit précisé dans la loi que la collecte auprès de tiers ne puisse pas conduire à de la discrimination, donc, encore là, il faudrait introduire la notion de donnée sensible. Dans le cas de la collecte auprès de tiers, il faudrait également la limiter aux renseignements nécessaires à l'objet du dossier.

Ensuite, un autre article qui nous intéresse beaucoup, c'est l'article 7 du projet de loi, qui concerne la transparence quant à l'usage des renseignements recueillis. À l'article 7, le dernier alinéa, vous l'avez sûrement entendu citer à plusieurs reprises, on nous dit: «Le présent article ne s'applique pas à la collecte de renseignements faite à l'occasion de la fourniture d'un bien ou de la prestation d'un service si elle se limite aux renseignements normalement recueillis dans de telles circonstances.» Telle que libellée, cette portion de l'article 7 risque de tuer la Loi sur la protection des renseignements personnels, parce que ça donne une légitimité, voire même une certaine légalité à des pratiques qui sont courantes, qui sont normales, en termes de fréquence et d'occurence, bien qu'elles soient irréconciliables, ces pratiques, avec la protection de la vie privée.

Les formulaires d'offre de location, on l'a vu sous ces multiples formes, ce sont des pratiques qui sont très répandues dans le secteur du logement locatif. Est-ce qu'on doit comprendre, alors, que tous les propriétaires de logements locatifs tireront bénéfice de l'exception prévue à l'article 7? Dans ce cas, l'exception deviendra plutôt la règle et à peu près tous les propriétaires privés du Québec pourront ne pas divulguer les informations auxquelles ils devraient être soumis, suivant l'article 7.

En conclusion, nous nous questionnons également sur l'efficacité des recours qui sont proposés dans le projet de loi 68, c'est-à-dire les sanctions pénales qui sont prévues aux articles 83, 84 et 85. À long terme, les sanctions pénales peuvent avoir un effet dissuasif auprès d'éventuels délinquants, quoique les procédures pénales étant longues et ardues, ce n'est pas certain qu'on puisse éventuellement créer une jurisprudence à ce niveau-là. Nous croyons que, pour assurer un contrôle de la loi et un respect des droits, il faudrait davantage. Des recours civils seraient nécessaires, par exemple, des recours en dommages et intérêts qui permettraient aux personnes lésées d'obtenir une compensation et qui les encourageraient, évidemment, à dénoncer les abus, c'est-à-dire les entreprises qui ne respecteraient pas les dispositions de la loi. Sans intérêt direct particulier pour la personne lésée, les chances que les cas soient dénoncés auprès de la Commission sont beaucoup plus minces. Ensuite, il nous paraît indispensable que les ressources de la Commission d'accès à l'information soient augmentées de façon significative pour qu'elles puissent assumer pleinement les nouveaux pouvoirs et les nouveaux mandats qui lui seront conférés par la Loi sur la protection des renseignements personnels.

En résumé, nous recommandons que, à l'article 5, nous remplacions le mot «pertinents» par le mot «nécessaires», ensuite, à l'article 6, que la cueillette de renseignements personnels auprès de tiers soit limitée suivant des conditions très, très précises, et puis, concernant l'article 7, nous recommandons que soit retiré de la loi le dernier alinéa, qui donne des exceptions pour les entreprises existantes. Voilà. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup, madame.

M. le ministre.

M. Cannon: Oui, merci, M. le Président. Merci beaucoup pour la présentation du Regroupement et du groupe Information-ressources. Je vous avoue que c'est la première fois qu'on nous saisit, membres de la commission, de ces documents qui sont exigés à l'occasion d'une application pour fins de logement. Hier soir, on a eu l'occasion de rencontrer des gens, également, qui se portent à la défense des locataires. Ils nous ont fait état très largement de ce dont vous nous avez parlé ce matin.

Votre mémoire porte essentiellement, ou, enfin, en très grande partie, sur la cueillette des renseignements et ses effets. Au départ, je voudrais vous rassurer en vous disant que, au niveau de l'article 5, lorsque vous parlez de modifier l'article afin qu'on puisse tenir compte de ce qui est nécessaire, je pense que la démonstration a été faite, et elle est très claire, et que, de ce côté-là, nous allons resserrer cet article-là afin de tenir compte davantage de ce qui est inclus dans la loi d'accès du secteur public que de ce qui est inclus au niveau du Code civil.

Vous avez parlé également de la nature des renseignements auprès des tiers, qui ne doit pas conduire à la discrimination. Voilà une excellente suggestion. Vous savez, au niveau du deuxième alinéa, dépendant des groupes qui viennent témoigner devant nous, tantôt il y en a qui disent que c'est bien trop sévère et il y en a d'autres qui nous disent: Bien, c'est trop «laxe». Alors, de ce côté-là, on va examiner, avec les parlementaires, la possibilité de resserrer. Et la même chose au niveau de l'article 7, on va examiner aussi la portée de l'article 7 dans le sens dont vous nous avez parlé.

Ma première question, à la lumière... Et je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il y a là-dedans des documents, enfin des renseignements hautement sensibles, très délicats et qui n'ont visiblement aucune espèce de bon sens quant à

une demande d'application. Vous avez parlé de la nationalité et de la provenance des gens. Ça m'apparaH carrément discriminatoire, et je pense que, dans ce sens-là, j'abonde dans la même direction que vous. Le numéro d'assurance-maladie, le numéro d'assurance sociale, le permis de conduire, la carte de crédit, etc., ça n'a aucune espèce de bon sens. Donc, il va y avoir un resserrement de ce côté-là.

Je suis davantage attiré par la petite remarque qui se retrouve avec le document de la Société d'habitation et de développement de Montréal, en bas. Vous savez, toujours le «fine print», comme ils disent en anglais. Et la dernière phrase dit ceci: Cette demande sera annulée automatiquement après 12 mois. Est-ce que, madame, vous qui oeuvrez dans ce secteur-là et qui vous préoccupez beaucoup de la cueillette des renseignements et de ses effets, vous avez des exemples où cette disposition-là n'a pas été respectée et qu'effectivement on a constitué d'autres fichiers?

Mme Dallaire: J'ai communiqué, justement, avec la SHDM vendredi à ce sujet-là pour savoir, effectivement, ce qu'il advenait des centaines de milliers de demandes qu'ils recevaient à chaque année, parce que, bon, on m'a dit, l'année dernière entre autres, qu'ils avaient une centaine de logements vacants, une centaine de logements qui ont été offerts en location et pour lesquels ils ont fait remplir quelque 2200 demandes. Alors, ma question était de savoir ce qu'il advenait de tous ces dossiers qui étaient montés sur des individus. Je n'ai pas pu savoir de quelle façon c'était détruit ou de quelle façon c'était géré, Tout ce que je sais, c'est que, effectivement, il y a des fichiers permanents qui sont construits à partir de ces formulaires d'offre de location et que l'information peut circuler de différentes façons. Il n'y a pas de contrôle plus que ça. (10 h 30)

Ce qu'on m'a dit également, c'est que, à la SHDM, ils avaient un fichier permanent de - je n'ai pas les chiffres sous les yeux - 1900 et quelques ménages. Ce sont des informations qui touchent souvent plus qu'une personne puisqu'on demande des informations très précises sur toutes les personnes qui composent le ménage. Alors, ce sont des possibilités d'informations qui sont très, très, très grandes et, effectivement, c'est difficile de savoir comment c'est géré exactement.

M. Cannon: Mais c'est un organisme public... Mme Dallaire: Paramunicipal.

M. Cannon: ...qui tombe sous la juridiction de la loi d'accès à l'information.

Mme Dallaire: Ce n'est pas certain.

M. Cannon: Oui, oui.

Mme Dallaire: Ce n'est pas certain.

M. Cannon: Mon aviseur légal me dit que oui...

Mme Dallaire: Oui?

M. Cannon: ...Michel me dit que non et, vous, vous me dites que ce n'est pas certain.

Mme Dallaire: Ce n'est pas certain. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cannon: Alors, on se fie à l'aviseur légal. Bon. O.K. Mais vous n'avez pas de cas, par exemple, je ne sais pas, moi, où l'usage de ces listes, puisqu'il s'agit d'un fichier permanent, peut servir à d'autres fins, par exemple, que cette liste-là soit vendue à une firme pour fins d'abonnement à des revues, qu'elle soit vendue à une firme pour fins de prospection de cartes de crédit, qu'elle soit, bien sûr... Parce qu'on a parlé des listes noires, je pense qu'on a couvert cette chose-là. C'est une pratique qui existait, et M. Péladeau et les autres nous ont largement entretenus là-dessus depuis des années. Est-ce que vous avez des soupçons qui ont été effectivement fondés?

Mme Dallaire: On n'a pas fait d'enquête à ce sujet-là, sauf que, il ne faut pas se le cacher, il y a eu des révélations récemment à ce niveau-là. M. Bourdon, entre autres, en parlait dans le cas de sa mère. Dans le secteur de l'habitation, c'est très clair qu'il y a énormément de circulation d'informations, et des entreprises, comme la SHDM, les sociétés paramunicipales, ne sont pas à l'abri, comment dire, de personnes plus ou moins bien intentionnées qui pourraient décider de vendre des listes comme celles qui sont constituées à partir des formulaires d'offre de location. Mais on n'en a pas eu à notre connaissance. De toute façon, c'est toujours très difficile...

M. Cannon: C'est sûr, c'est sûr.

Mme Dallaire: ...de connaître la source. l'information n'est pas enregistrée. il n'y a pas de droit d'auteur qui est accolé aux informations qui circulent, malheureusement.

M. Cannon: Merci beaucoup, mesdames.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: D'abord, je voudrais vous remercier de votre témoignage. Les Montréalais

sont très, très massivement locataires, de telle sorte que, poser les problèmes liés à la location d'un logement à Montréal, c'est poser un problème qui touche plus de 70 % de la population. Maintenant, ce n'est pas simple. Parce qu'un demandeur d'une location, c'est un peu comme un demandeur d'emploi, il ou elle vit un rapport de force très inégal, dans ce sens que c'est bien sûr que les employeurs, par exemple, pour une demande d'emploi, obtiennent le consentement, entre guillemets, de la personne à lui faire une prise de sang pour savoir si elle consomme des drogues ou d'autres choses, parce que la personne veut l'emploi. Alors, dans ce sens-là, la loi fait bien, je pense, de préciser cette notion-là du consentement pour limiter, d'une certaine façon, ce à quoi on peut être requis de consentir. Dans le fond, c'est la même chose pour un locataire. Il veut un logement.

Les groupes qui sont venus hier, qui représentaient des gens de différents quartiers, mais qui opèrent à partir de Côte-des-Neiges, donc en milieu multiethnique, nous disaient que c'est inouï le nombre de renseignements qu'on demande aux locataires. Mais je suppose que vous devez vivre la même situation. Ils nous disaient: Ce n'est pas simple d'obtenir une plainte, parce que la personne qui subit une discrimination, elle continue de chercher parce qu'elle veut se loger et, une fois qu'elle a trouvé, elle est peu ou pas intéressée à faire une plainte contre le propriétaire qui l'a refusée. En plus, les personnes qui ont le plus de difficultés pour se trouver un logement et dont on abuse le plus sont, par définition, des personnes vulnérables. Ce sont des personnes qui ne veulent pas se singulariser, qui ne veulent pas s'afficher contre un propriétaire pour se retrouver sur une liste noire.

Hier soir, parmi les choses qu'on nous a proposées, il y avait l'idée d'un formulaire type de demande de renseignements. Et les personnes nous disaient que le bail type, c'a fait ricaner pendant des années, mais que c'est maintenant passé dans les moeurs. C'a été un progrès dans le sens que le bail type, ça fait qu'on signé toujours un bail où les chiffres et les indications peuvent changer, mais qui a un modèle et qui prévoit des droits pour les deux parties. Est-ce que c'est quelque chose qui vous apparaîtrait approprié, d'avoir un formulaire type de demande de renseignements?

Mme Dallaire: Le problème avec le formulaire type, c'est qu'il est quand même laissé à la discrétion... Même s'il était obligatoire, il pourrait facilement être piraté. Dans le cas du bail type, par exemple, c'est très facile d'ajouter des clauses, d'ajouter des cases. Il n'y aurait pas davantage de garanties qu'il n'y aurait pas d'abus de cueillette d'information. Non seulement il n'y aurait pas de garanties, mais ça donnerait une certaine légitimité, une certaine crédibilité à la cueillette dans la mesure où ce serait sur un formulaire officiel dont le propriétaire aurait ajouté, à la dactylo, le type de renseignement abusif qu'il veut demander. Alors, je ne crois pas que ce soit un remède adéquat pour le type de problème auquel on fait face.

M. Bourdon: Maintenant, dans le projet de loi, est-ce que vous trouvez assez de choses qui, d'après vous, pourraient aider à redresser la situation en faveur des locataires?

Mme Dallaire: Absolument. Nous sommes, dans l'ensemble, satisfaites du projet de loi. Il n'y a pas d'équivalent à l'heure actuelle, et il y a énormément, dans le secteur du logement locatif, de zones grises au niveau des droits des locataires. Par exemple, la Régie du logement intervient dans la relation propriétaire-locataire seulement à partir du moment où il y a un bail. Donc, toute la section prélocation, toute la relation qui précède le bail comme tel, notamment avec les formulaires d'offre de location, la Régie n'a pas de pouvoir là-dessus.

Maintenant, dans les cas de discrimination, ce qui reste aux individus, c'est de référer à la Commission des droits de la personne. Or, la Commission des droits de la personne a des pouvoirs limités également aux motifs de la Charte des droits et libertés. Et la question de la condition sociale n'est pas encore clairement définie par la Commission. Il y a d'autres motifs de discrimination également qui ne sont pas couverts. Donc, à l'heure actuelle, les recours puis les possibilités de faire valoir ses droits sont presque inexistants. En tout cas, ils sont très, très difficiles d'accès.

M. Bourdon: Nos interlocuteurs d'hier soir nous disaient qu'actuellement il y a une relative accalmie sur le front du logement à Montréal parce que le taux d'inoccupation voisine au-delà de 7 %. Mais est-ce que vous partagez leur analyse? Ce qu'ils disaient, c'est que c'est quand même urgent d'intervenir, notamment par le projet de loi qui est devant nous, parce que, disent-ils, c'est une situation qui est par nature temporaire. Et, quand la rareté va se recréer, il y aura encore des abus. Ils ne disaient pas qu'il n'y a pas actuellement d'abus, mais comme ils disent...

Mme Dallaire: J'espère! Je serais étonnée, d'ailleurs, qu'ils aient fait des affirmations comme celles-là.

M. Bourdon: C'est ça. Mais disons que les locataires, globalement, sont dans une situation relativement plus favorables à Montréal, parce que les propriétaires ont plus de difficultés à louer leurs logements. Je ne dis pas que ça enlève les abus. Mais, eux, ils disaient: Le petit répit qui peut exister n'est, de toute façon, que temporaire, parce qu'on va revenir graduellement

à une situation de rareté, puis, s'il n'y a pas eu quelque chose comme le projet de loi qui est devant nous d'adopté entre-temps, bien, il y a des choses qui vont revenir.

Maintenant, dans le projet de loi, est-ce que je dois comprendre que vous êtes d'accord que, les formulaires qu'on remplit, ça finit par donner lieu à un fichier et que la loi réglementerait aussi ce fichier, qu'on ne pourrait pas le transmettre et y inscrire n'importe quel renseignement sans le consentement de la personne?

Mme Dallaire: Absolument. (10 h 40)

M. Bourdon: Puis remarquez que le contrôle n'est pas simple, mais, quand on trouverait des exemples, les personnes auraient une base pour faire une plainte à la Commission d'accès.

Je sais que ce n'est pas facile en logement parce qu'il faut, par définition, mettre la chose juste. Je peux vous dire que, pour la sollicitation, j'ai un ami qui a trouvé un moyen de trouver les sources des nombreuses sollicitations. C'est qu'il s'abonne à un magazine puis il commet volontairement une erreur dans son nom. Puis, après ça, toutes les épaisses sollicitations qu'il reçoit avec le nom erroné, il connaît le magazine qui en est la source.

Mais, dans le fond, c'est que, sur un certain nombre d'années, tous les formulaires que les gens remplissent, ça peut finir par constituer un fichier impressionnant. Et, comme vous dites, le plus préoccupant, ce qui a déjà été les listes noires, c'est ce qu'on finit par mettre aussi qui déborde beaucoup de même le questionnaire qu'on a, sur les personnes, et qu'on se met à marquer au fer rouge pour dire à tous les propriétaires: Ne pas louer à telle, ou telle, ou telle personne.

Mme Dallaire: Absolument. Il y a des associations de propriétaires qui sont convaincus que, dans le secteur de l'habitation, il y a des fraudeurs professionnels, il y aurait des locataires qui seraient des fraudeurs professionnels. Je ne sais pas comment ils peuvent imaginer qu'on peut faire de l'argent dans ce secteur-là, mais, en tout cas... Il y a Crédit-Proprio, entre autres, qui invite ses membres à leur expédier le nom, le numéro d'assurance sociale et les motifs. Ils appellent ça le fichier des mauvais locataires. C'est très, très clair. Sauf que, pour le locataire, à l'heure actuelle, c'est impossible d'avoir accès au fichier qui est fait par Crédit-Proprio et d'aller vérifier les informations.

M. Bourdon: Et on n'entend pas parler d'une organisation de locataires qui ferait un fichier des mauvais propriétaires aussi.

Mme Dallaire: Non. Ha, ha, ha!

M. Bourdon: À cet égard-là, les deux choses sont vraies. En tout cas, je vous remercie beaucoup de vos représentations et soyez assurées qu'on va en tenir compte.

Mme Dallaire: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député. Merci, madame.

D'autres parlementaires désirent intervenir? Alors, il me reste, au nom du ministre, au nom du député de Pointe-aux-Trembles et de tous les membres de la commission, à vous remercier chaleureusement d'avoir pris la peine de vous rendre ici, à Québec, et de nous entretenir, présenter un mémoire, premièrement, et venir l'exposer à cette commission. Je suis certain que les réflexions que vous nous forcez à faire vont être fructueuses et nous obligeront à en tenir compte dans le projet de loi. Alors, merci beaucoup, et bon retour à Montréal.

Mme Dallaire: C'est nous qui vous remercions. Au revoir.

Le Président (M. Doyon): Merci, madame. Vous permettant de vous retirer, j'indique que la commission est maintenant prête a recevoir l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec. Si vous voulez bien vous préparer à avancer, s'il vous plaît.

Alors, j'invite donc M. Gaudelli, M. Savard et Mme Granger à bien vouloir prendre place en avant, s'il vous plaît. Je souhaite la bienvenue à nos invités à l'Assemblée nationale et en cette commission de la culture. Je leur indique que les mêmes règles vont s'appliquer. Ils sont ici depuis le début, je pense. Alors, vous avez 15, 20 minutes pour nous exposer votre point de vue en ce qui concerne le projet de loi 68 et, après ça, la discussion va s'engager entre vous et les parlementaires.

Alors, si vous voulez bien vous présenter pour que nous puissions savoir qui parle et que nous puissions l'indiquer dans le Journal des débats, et, tout de suite après, vous pourrez commencer votre exposé. Vous avez la parole.

Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec (AIAPQ)

M. Gaudelli (Giovanni): parfait. merci beaucoup. je suis giovanni gaudelli, le président de i'aiapq, et je suis accompagné aujourd'hui de mme lucie granger, directrice générale et secrétaire de i'aiapq, et de m. denis savard, administrateur responsable de notre comité de fiscalité et des affaires législatives de i'aiapq.

Le Président (M. Doyon): Bonjour.

M. Gaudelli: Bonjour. L'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec a vu le jour à l'automne 1989, en vertu de la Loi sur les intermédiaires de marché. Nous

sommes donc un organisme à adhésion obligatoire qui régit le droit de pratique de 12 000 agents et courtiers en assurance de personnes et de près de 1000 cabinets. Notre mission est double: protéger le public tout en assurant le professionnalisme de nos membres. Nous veillons donc à l'application intégrale d'un code de déontologie très strict qui régit le comportement professionnel de nos membres et encadre leur pratique. Du reste, en vertu de la loi qui nous régit, notre comité de discipline peut rendre des sanctions extrêmement sévères qui vont jusqu'à l'exclusion.

Récemment, dans le dossier de la liquidation des Coopérants, nous avons prouvé que nous sommes extrêmement sérieux dans l'application de nos règlements en prenant l'initiative d'une enquête qui a conduit à la mise en accusation de 16 de nos membres pour des manquements graves à notre code d'éthique. Par ailleurs, l'accès à la profession et au titre de pratique s'accompagne d'une formation obligatoire au cours de laquelle les aspirants apprennent le code de déontologie qui régit notre profession. De plus, nous rappelons régulièrement, dans nos communications internes, les règlements qui encadrent notre pratique.

Depuis sa fondation en 1989, notre association n'a donc pas développé une approche corporatiste, mais a plutôt pris au sérieux son mandat de protecteur du public. C'est, selon nous, la seule façon d'assurer la crédibilité de nos membres auprès du grand public. Cela m'amène à vous parler du projet de loi 68 sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

D'entrée de jeu, nous vous dirons que nous sommes d'accord avec l'esprit du projet de loi, mais que les intermédiaires en assurance de personnes doivent en être exclus. Pourquoi? Simplement parce que nous sommes déjà réglementés en cette matière et fort bien, d'ailleurs. Nous nous soumettons déjà au principe de votre projet de loi. Ni la protection du public ni notre efficacité en cette matière ne gagneront au sein d'une double structure de contrôle. L'activité d'intermédiaires en assurance de personnes est soumise à un ensemble d'obligations semblables à celles imposées à tout corps professionnel ayant comme objectif commun de protéger le public.

Le 1er septembre 1991, une importante réglementation, adoptée en vertu de la Loi sur les intermédiaires de marché, entrait en vigueur. Cette réglementation détermine les conditions d'exercice et la déontologie applicable aux intermédiaires en assurance de personnes. Le Conseil des assurances de personnes adoptait alors des règles précises sur la tenue des dossiers des clients et la protection des renseignements personnels qu'ils contiennent. La confidentialité des renseignements personnels est donc surveillée et sanctionnée par l'Association, conformément à cette loi.

Le projet de loi 68 prévoit l'abrogation de l'article 25 de la Loi sur les intermédiaires de marché. Nous comprenons que l'intention du législateur est de s'assurer que des mécanismes efficaces de protection des renseignements personnels soient mis en place dans toutes les sphères d'activité du secteur privé au Québec. Nous sommes d'avis que les règles actuellement en vigueur dans l'industrie permettent déjà de rencontrer rigoureusement les objectifs poursuivis par le législateur. Cependant, si des ajustements sont nécessaires, ils doivent être apportés à la législation existante. À ce titre, l'Association demeure disposée à contribuer à toute amélioration au cadre actuel. (10 h 50)

Contrairement à d'autres activités du secteur privé, l'industrie de l'assurance de personnes a comme particularité l'interaction de plusieurs intervenants dans la distribution et la vente de produits et services financiers. La transmission d'informations entre toutes les personnes appelées à intervenir doit être permise. Si chacun des intermédiaires entre le client et l'assureur devait être considéré comme un tiers au sens du projet de loi, l'application des règles qu'il prévoit se verrait complexe, voire impossible à appliquer en pratique.

Il demeure important, d'après nous, que l'information puisse circuler librement entre les différents intermédiaires et l'assureur impliqués dans la prestation d'un même bien ou d'un même service. Le règlement du Conseil des assurances de personnes prévoit déjà laquelle de ces personnes est responsable de la tenue du dossier, selon les circonstances. Il précise également ce qu'un intermédiaire qui cesse d'exercer doit faire avec ses dossiers de clients.

Cela dit, nous estimons que notre association doit conserver la juridiction exclusive de la protection des renseignements personnels et que celle-ci doit demeurer une condition d'exercice de l'activité d'intermédiaires en assurance de personnes. Je vous réfère aux articles de notre code de déontologie qui concernent particulièrement les notions de secret professionnel et de la confidentialité. Notre code évoque aussi notre responsabilité dans la transmission d'informations aux assureurs afin qu'ils puissent évaluer convenablement les risques et pour éviter les cas d'abus et de fraude dans les demandes de protection.

Pour appliquer notre réglementation et protéger le public, nous avons un comité de surveillance qui examine la conduite de nos membres et surveille leur pratique professionnelle. La loi lui confère les pleins pouvoirs d'enquête pour s'acquitter de son mandat. J'ai déjà, par ailleurs, évoqué les pouvoirs de notre comité de discipline, qui sont de même nature que tous les comités de discipline des autres corporations.

Sur ce sujet, vous me permettrez de souligner que notre association a rendu obliga-

toire l'assurance professionnelle pour tous nos membres. De plus, nous étudions présentement la possibilité d'inviter des représentants du grand public à siéger à notre comité de surveillance. Il est utile de rappeler que notre comité de surveillance est l'équivalent d'un syndic chez les autres corporations.

Il est important, chers amis, de souligner que, depuis 1989, nous n'avons reçu aucune plainte fondée de consommateurs quant à la divulgation ou l'usage abusif des renseignements confidentiels que détiennent nos membres. Par ailleurs, notre association relève de la juridiction de l'Inspecteur général des institutions financières. Celui-ci s'assure que I'AIAPQ s'acquitte de ses devoirs. Il ne nous paraît pas utile, pour assurer la protection du public dans le domaine des renseignements confidentiels, que nous soyons régis par deux instances. Cela n'est ni économique ni pratique. Cela n'apportera rien de plus à la protection du public à cet égard.

Voilà, mesdames et messieurs, l'essentiel des remarques que nous tenions à vous communiquer. Nous souhaitons évidemment que votre projet de loi soit amendé pour tenir compte de notre intervention auprès de vous, compte tenu du rôle que nous jouons déjà dans ce domaine, l'objectif n'étant pas la structure en soi mais le résultat. Or, tous les moyens sont en place pour que le résultat de protection du public soit atteint. Nous favorisons, cela va de soi, un mécanisme de collaboration entre l'Inspecteur général des institutions financières et la Commission. Nous pouvons vous assurer de la collaboration de I'AIAPQ dans le cadre réglementaire actuel pour l'application intégrale de l'esprit de votre projet de loi. Cela fait partie de notre mission. À ce sujet, je crois que nous sommes en avance sur plusieurs autres entreprises par la nature même de la loi qui nous a créés.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Gaudel-li.

M. Gaudelli: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Cannon: Merci, M. le Président.

Au départ, je dois vous dire que vous avez un bon code. Mais il y a un mémoire qui nous a été présenté par le Conseil des assurances de personnes, qui sera présenté demain, et qui est favorable au projet de loi. Je ne veux pas devancer, là, mais, enfin, notre lecture, c'est qu'ils sont favorables au projet de loi. Ce Conseil, qui a été créé en 1989 par la Loi sur les intermédiaires de marché, a pour mission principale d'assurer la protection du public par la surveillance et le contrôle des activités exercées par les intermédiaires de marché en assurances de personnes et par les cabinets qui les regrou- pent. Eux sont pour. Vous, vous êtes pour, mais en disant: Écoutez, on le fait déjà, on n'en a véritablement pas besoin, on a quand même une histoire derrière nous qui nous dit que vous n'avez pas besoin, dans le fond, de nous appliquer à la loi parce qu'on a un code de conduite.

Moi, je veux simplement vous dire, d'abord, que la loi 68, c'est une loi plancher, c'est une loi d'application générale qui a été présentée et sera adoptée pour assurer une meilleure cohérence à l'intérieur de notre comportement, dans le secteur privé, au sujet de la protection des renseignements. D'aucune façon cette loi n'empêche l'existence des codes. Au contraire, elle l'encourage. À l'article 86, je crois, où on traite de chevauchements, eh bien, ça, je me suis engagé, en commission, à date, pour éviter qu'il y ait des difficultés au niveau de l'application, on va corriger cette chose-là. Et la commission, bien sûr, pourra, elle, accepter le code si ça rencontre un certain nombre de principes de base.

Mon questionnement... Ah! peut-être un dernier point, aussi, en vous disant que le projet de loi a été soumis au Surintendant. Parce que le processus, évidemment, avant d'arriver en Chambre avec le dépôt d'un projet de loi et avant son approbation au Conseil des ministres, c'est que l'ensemble de mes collègues sont sensibilisés. Donc, ma collègue, la ministre déléguée aux Finances, l'a soumis au Surintendant et, effectivement, je présume que l'article 25 dont vous parlez ne fait pas de difficultés auprès du Surintendant. Au contraire, il y aura lieu, évidemment, d'avoir des protocoles d'entente entre la Commission d'accès à l'information et le Surintendant.

On a eu plusieurs groupes qui sont venus nous rencontrer et qui ont dit: Somme toute, écoutez, nous, on est pour le projet de loi, en principe, cependant, on voudrait être exclus, puisque notre comportement, un peu comme vous, ne présage, mais d'aucune façon, des difficultés avec les dispositions du principe des renseignements. Mais, dans bien des cas, on s'est aperçus que oui, il y avait un syndic qui pouvait gouverner le comportement, et peut-être dans votre cas, des intermédiaires et ceux qui jouent là-dedans, mais que l'individu, le consommateur, pour qui, dans le fond, cette loi-là a été construite et faite, lui, n'a peut-être pas autant de recours.

Alors, ma question est la suivante: Le consommateur qui traite avec vous a-t-il accès à son dossier en cas de litige? S'il a accès, tant mieux. Est-ce qu'il peut rectifier son dossier? S'il ne peut pas rectifier son dossier et on lui refuse accès, quel est son recours?

M. Gaudelli: On ne lui refuse pas accès.

M. Cannon: Comment? (11 heures)

M. Gaudelli: On ne lui refuse pas accès à son dossier. Il a accès à son dossier n'importe quand; il peut même avoir les copies de tout ce qui est dans son dossier. Ce qui affecte son dossier médical, c'est des informations que... Beaucoup de fois, même l'intermédiaire n:a pas ces informations-là, parce que c'est très confidentiel.

M. Cannon: C'est transmis par code, hein, je pense?

M. Gaudelli: Oui, et c'est transmis de médecin à médecin. Donc, l'intermédiaire ne sait même pas le contenu de ces informations-là. Et ce que nous voulions dire aujourd'hui, ce n'était pas juste le fait que, peut-être, à date, notre comportement est bien, mais que nous avons le mécanisme pour que, s'il n'était pas bien, faire quelque chose. Ce n'est pas juste de dire: Mais on a fait nos gentils, et là ça nous exclut de la loi. Non. Comme vous voyez...

M. Cannon: Non, c'est ce que j'ai mentionné au début, là.

M. Gaudelli: Exactement.

M. Cannon: On ne remet pas en cause votre code. Et je pense que vous avez indiqué qu'il n'y avait quand même pas beaucoup de plaintes, là, qui ont été formulées au départ.

M. Gaudelli: Et je peux vous dire aussi que toute plainte d'un consommateur qu'on recevrait, pour quelque raison que ce soit, ce serait la première plainte que nous regarderions. Donc, elle s'en va automatiquement en haut de la pile de plaintes, là...

M. Cannon: Ah! il y a une pile de plaintes.

M. Gaudelli: ...que le comité de surveillance aurait. Mais le consommateur est toujours le premier que nous regardons. Toujours, toujours, toujours.

M. Cannon: O.K. Mais le genre de plainte pourrait être quoi, par exemple?

M. Gaudelli: Ah! le genre de plainte que nous recevons présentement, c'est des plaintes de remplacement, d'un client qui sent que, peut-être, il n'a pas été bien conseillé par un intermédiaire pour changer un produit d'une compagnie ou d'une autre. Mais, à date, on n'a pas eu de plainte qu'il y aurait certaines informations confidentielles qui auraient été divulguées...

M. Cannon: Transmises ailleurs.

M. Gaudelli: ...à un tiers sans autorisation.

M. Cannon: Alors, c'est davantage des plaintes qui portent sur l'exercice de la profession plutôt que sur un individu qui, lui, a été lésé ou se sent lésé et qui voudrait corriger un tort. Est-ce que c'est bien ça?

M. Gaudelli: Oui.

M. Cannon: Bon. C'est pour ça, là, que, voyez-vous, tout à l'heure, je vous parlais d'essayer de régler cette question de chevauchements. Je ne dis pas que ça va se produire demain matin, mais il est possible qu'un jour ça se produise. Et le projet de loi qui est ici, devant nous, est un projet de loi qui vise davantage la protection du consommateur, ce qui ne veut pas dire que ce que vous faites n'est pas bien. Au contraire, je l'encourage, je le félicite, même. Mais ça permet une espèce de double protection: d'abord pour les membres de votre association, vos pairs, mais aussi pour les individus. Et, dans ce sens-là, je pense que ça ne crée pas une difficulté outre mesure que de le voir appliqué. Ça donne simplement recours à l'individu de se présenter devant la Commission d'accès à l'information où lui pourra, évidemment, présenter son cas et le faire arbitrer à ce niveau-là, même avant une médiation, que sais-je. C'est ça, le principe qui est en cause.

M. Gaudelli: Oui. De la façon que nous le voyons - juste une idée - dans le cas d'appel, disons qu'une personne fait une plainte envers nous et qu'elle n'est pas contente de la décision du comité de discipline, qu'elle fasse appel à la Commission, je vois un type de travail de ce genre-là fonctionner très bien.

M. Cannon: Oui, c'est ça. Parce que, dans le fond, voyez-vous, s'il n'y en a pas, de loi d'application, là, il y a le Code civil.

M. Gaudelli: Exactement.

M. Cannon: C'est ça. O.K. Merci.

M. Gaudelli: Bienvenue.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre.

M. le député.

M. Bourdon: Bien, d'abord, je voudrais vous remercier de votre mémoire et vous dire que vous êtes à la hauteur, comme vous l'étiez lors de la consultation, dans le sens que vous conciliez bien, je trouve, comme association, vos fonctions économiques avec les droits du citoyen, qui ne sont pas inconciliables mais dont il faut, je pense, tenir compte. Puis l'article 25 de la loi qui vous régit, si on me permet, je le trouve mieux fait que l'article 17 du projet de loi. Je changerai peut-être d'idée après que l'aviseur

légal m'aura bien expliqué, mais, là, c'est un peu l'ancien négociateur syndical qui parle. Votre texte est de portée plus générale, et il me semble plus clair. J'ai appris en négociations que, quand on prévoit des cas et qu'on fait une liste, ce qu'on a oublié dans la liste n'y est pas, entre autres.

Votre texte dit: «Sauf s'ils sont requis par une personne ou un organisme ayant le pouvoir de contraindre à leur communication, les renseignements personnels qu'un intermédiaire de marché en assurance recueille à l'occasion de l'exercice de ses activités ne peuvent être divulgués». Alors, je pense aux psychologues et aux conseillers d'orientation, hier, qui nous disaient: Si vous dites, à l'article 17, qu'on peut le fournir à un organisme ayant compétence, ayant le pouvoir de... Mais le projet de loi ne parle pas du pouvoir de contraindre. Elles nous disent toutes les deux, les deux corporations: La CSST, ça n'a pas le pouvoir de contraindre, mais il va falloir qu'on fournisse parce que, si on ne fournit pas, eux autres, ils peuvent embaucher quelqu'un d'autre, après, pour faire le travail. Donc, j'aime mieux votre texte, parce qu'on parle d'une personne ou d'un organisme ayant le pouvoir de contraindre, bon, puis vous dites, dans le fond, par ça: Bien, si un corps policier obtient un mandat de perquisition, on va l'exécuter. Mais vous parlez du pouvoir de contraindre. C'est une affaire qui m'apparait claire.

Je voudrais saluer aussi l'ouverture que vous avez de ce que la loi actuelle continue de s'appliquer. Puis, comme le ministre le souligne, comme c'est prévu dans le Code civil et qu'il y aurait un recours éventuel devant les tribunaux ordinaires, la Commission pourrait se greffer en appel et se surimprimer à votre comité de discipline. Et, dans le fond, il y aurait intérêt à le faire pour tous les professionnels, parce que l'idée n'est pas que la Commission soit une structure lourde, mais on voudrait qu'elle soit une structure qui sait vraiment ce qui se passe dans tous les domaines. Et, si les lois ou les pratiques méritent d'être changées, moi, je compte que la Commission arrivera avec des suggestions. Mais, a priori, on est mieux de ne pas faire table rase de ce qui existe déjà, puis dire: Ce qui marche va continuer de marcher, puis, comme le Code civil prévoit déjà les droits des citoyens, de dire: Bien, au lieu d'aller en appel n'importe où, si l'intéressé n'est pas content, bien, il fera une plainte à la Commission des droits, qui en jugera. Puis, ça donnerait à la Commission non seulement le pouvoir de décider - puis elle fait rapport régulièrement à l'Assemblée nationale - mais je pense que ça lui donnerait une vision des pratiques, de ce qui se fait. Puis, s'il y a des corrections à faire, on pourra les faire.

Alors, je n'ai malheureusement pas de questions, pour la bonne raison que je suis d'accord avec ce que vous dites, puis je n'ai pas de questions parce que ça fait toujours un peu bebête de poser une question dans le genre: Êtes-vous d'accord avec moi qui suis d'accord avec vous?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourdon: Je suis d'accord avec vous.

M. Cannon: C'est circulaire, Michel.

Le Président (M. Doyon): Ça risque de le devenir, en tout cas. Donc, je n'allongerai pas le débat inutilement. La seule raison, ce serait d'avoir le plaisir de vous garder plus longtemps avec nous, mais ça ne me parait pas valable dans les circonstances. Il me reste à vous remercier. Et je pense que le ministre et le député de Pointe-aux-Trembles ont été suffisamment clairs sur la façon dont votre point de vue est reçu. Donc, merci beaucoup, et bon retour, chacun d'entre vous, chez vous. Et soyez assurés que ça a été - je me répète - un plaisir de vous avoir. Merci.

Alors, on se donne cinq minutes de suspension.

(Suspension de la séance à 11 h 9)

(Reprise à 11 h 17)

Le Président (M. Doyon): À l'ordre, s'il vous plaît. Nous sommes un peu en avance sur notre horaire, mais nous allons quand même poursuivre nos travaux en recevant les représentants - il y en a un pour le moment, M. Saul-nier; l'autre arrivera peut-être un petit peu plus tard - de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Donc, j'invite M. Saulnier à bien vouloir prendre place en avant. Et je m'aperçois que M. François Bourque est absent pour le moment, sauf qu'avec l'accord des membres de la commission, dès qu'il arrivera, il pourra se joindre à M. Saulnier et répondre aux questions que les membres de la commission pourront avoir.

Alors, M. Saulnier, vous êtes au courant de notre façon de faire. Vous êtes le bienvenu...

M. Saulnier (Alain): Merci.

Le Président (M. Doyon): ...et vous avez la parole dès maintenant. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous. Nous vous écoutons.

Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ)

M. Saulnier: Oui. Et, comme je sais que votre temps est très précieux, je ne voulais pas retarder indûment...

Le Président (M. Doyon): Merci.

M. Saulnier: ...cette réunion. Alors, peut-être pour ceux qui ne sont pas au courant de ce qu'est la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, tout simplement, en résumant, il y a actuellement 1168 membres enregistrés - de ce matin - à la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, regroupant au-delà de 150 entreprises dans l'ensemble du Québec.

Alors, l'objet de notre mémoire, c'est qu'il nous apparaît, à nous de la Fédération, qu'il y a une certaine ambiguïté dans un des éléments de la loi, et c'est à ce niveau-là qu'on voudrait faire porter notre intervention. Je pense que le projet de loi, tel que le législateur a voulu l'écrire, n'avait pas comme objectif déclaré de constituer une entrave au travail des journalistes ou à la liberté de presse. Mais, en voulant réglementer les entreprises en général, ce qu'on peut identifier, c'est que le projet de loi en arrive à frapper par la bande, comme on dit, le travail journalistique en imposant des mécanismes de contrôle de l'information qui nous apparaissent, à nous, inacceptables.

Je voudrais attirer votre attention. C'est que, déjà, dans l'article 1 de la loi, on précise que le projet de loi s'applique à toute personne qui exploite une entreprise au sens de l'article 1525 du Code civil, qui énonce: «Constitue l'exploitation d'une entreprise l'exercice, par une ou plusieurs personnes, d'une activité économique organisée, qu'elle soit ou non à caractère commercial, consistant dans la production ou la réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation de services.» Et, déjà, l'article 88 du même projet de loi étend cette définition à «une association ou une société qui détient des renseignements personnels sur ses membres ou sur des tiers».

En d'autres mots, selon les avis juridiques que nous avons obtenus, tout journaliste, qu'il soit salarié ou pigiste, tombe dans le champ d'application du projet de loi. C'est l'interprétation de nos experts, que nous avons consultés, notamment de la firme Lafleur Brown, à Montréal, dont Marc-André Blanchard était un des avocats consultés. (11 h 20)

Alors, dans son esprit et sa lettre, le projet de loi 68 vise à ce que la collecte, la conservation, l'utilisation et la communication des renseignements personnels soient strictement encadrées. En ce sens, tenter d'appliquer ces règles aux journalistes reviendrait à nier ce qu'est le journalisme et, par le fait même, à brimer la liberté de presse.

L'article 5 prévoit que «la personne qui constitue un dossier ne doit recueillir que des renseignements pertinents à l'objet du dossier». Or, le journaliste qui commence une recherche sur un sujet ne sait pas nécessairement ce qu'il va trouver. Il va à la pêche, parfois au lac

Delage, parfois au lac à l'Épaule, et les informations glanées ici et là peuvent le mettre sur des pistes aussi intéressantes qu'insoupçonnées au point de départ. Un journaliste accumule toujours beaucoup plus d'information que nécessaire pour arriver à obtenir celle qu'il jugera d'un réel intérêt public. Il est souvent impossible de définir à l'avance les éléments d'information qui peuvent être pertinents. Dans ce sens-là, l'article 5 serait absolument inacceptable pour nous et inapplicable.

Le deuxième alinéa qui stipule que «ces renseignements doivent être recueillis par des moyens licites», ça aussi, ça pose problème, parce que ça peut être à la fois redondant et dangereux. Redondant en ce sens que nul n'est censé violer la loi, et, à notre avis, les journalistes ne sont pas au-dessus des règles de la loi. Dangereux parce que cet alinéa peut servir à empêcher la diffusion d'informations d'intérêt public obtenues de façon licite par un journaliste, mais dont la source première serait un acte illicite. Évidemment, la célèbre affaire Wilhelmy-Tremblay, lors du référendum, est un exemple éloquent dans ce sens-là. Mais remontons ailleurs, si vous le voulez bien. L'affaire du Watergate n'aurait jamais eu lieu si on avait mis en application ce type de règlement aux États-Unis.

L'article 7 oblige la personne qui collecte l'information à informer la personne visée de l'objet du dossier et de son droit de le consulter. À notre avis, le dernier alinéa de cet article n'exempterait pas les journalistes du journal Le Devoir de s'y conformer. Pour des motifs évidents, il est pourtant impossible, pour les journalistes, de se conformer à de telles dispositions. Ils peuvent avoir à construire des dossiers sur des individus dont les actions sont répréhen-sibles. Faudrait-il que les journalistes leur dévoilent à l'avance toutes leurs cartes, risquant par là de faire échouer le reportage? Pour ies mêmes raisons, le droit de consultation et de rectification du dossier est impraticable. Plus encore, il pourrait tarir les sources confidentielles des journalistes, celles-ci sachant que de tierces personnes peuvent avoir accès aux dossiers des journalistes.

L'article 11, l'article 12 sont autant, aussi, d'articles qui viennent, à ce moment-là, limiter l'exercice de la liberté de presse, à notre avis. Et, en ce qui concerne l'article 24, le droit d'accès à son dossier, eh bien, ça, à notre point de vue, ça pourrait vraiment créer une situation tout à fait inconfortable pour tout journaliste qui fait un travail qu'on appelle le journalisme d'enquête.

Donc, à notre avis, il est évident que, si les règles précédentes devaient régir le travail journalistique, il y aurait là une entrave majeure à la liberté de presse. Et c'est notre opinion. Les journalistes auraient le devoir de s'y opposer fermement. L'article 1, d'ailleurs, de la Charte du

journalisme de la Fédération en fait une obligation: «La lutte pour la liberté de l'information est une obligation. Toute entrave à l'accès aux sources d'information, à la recherche des faits, à la diffusion des événements et des opinions porte atteinte à la liberté de l'information. Les restrictions, les pressions ou menaces, qu'elles viennent de particuliers ou d'organismes privés ou publics, doivent être combattues et dénoncées.»

Et, là-dessus, les journalistes sont assez en bonne compagnie sur ce terrain, puisque plusieurs jugements viennent confirmer... Par exemple, l'article 2b de la Charte canadienne des droits et libertés énonce, parmi les libertés fondamentales: «la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de presse et des autres moyens de communication». La Cour suprême aussi, dans un jugement concernant The Edmonton Journal, a reconnu l'importance particulière du travail des journalistes et des médias. On a également affirme que l'importance de ce rôle et la manière dont il doit être rempli doivent faire l'objet de préoccupations spéciales.

Dans l'affaire concernant la Société Radio-Canada contre le Procureur général du Nouveau-Brunswick, la Cour suprême a affirmé notamment que ce sont les médias qui, en réunissant et en diffusant des informations, permettent aux membres de notre société de se former une opinion éclairée sur les questions susceptibles d'avoir un effet important sur la vie et le bien-être de tous et chacun.

Dans un autre jugement, l'affaire Société Radio-Canada contre Lessard, la Cour suprême a affirmé notamment que les informations détenues par les médias ont droit à une attention toute particulière en raison de l'importance du rôle que ceux-ci jouent dans une société libre et démocratique. Donc, le rôle de la presse a été reconnu dans notre société comme participant à la recherche de la vérité sur les questions d'intérêt public.

Ailleurs, et c'est important de le souligner, aux États-Unis, par exemple, tout le matériel accumulé par les journalistes ou les médias est inaccessible, à moins qu'il n'y ait des raisons probables de croire que les personnes qui sont en possession du matériel aient commis ou soient en train de commettre une infraction criminelle ou qu'il n'y ait de sérieuses raisons de croire que le matériel en question soit nécessaire pour sauvegarder la vie humaine ou prévenir des blessures graves.

En Angleterre, dans un dossier concernant l'affaire Senior contre Holdsworth, on dit: «II y a la situation très particulière du journaliste ou du reporter qui recueille des informations d'intérêt public. Les tribunaux respectent son travail et ne l'entraveront pas plus qu'il ne le faut.» Vous allez me dire: Peut-être que ça va changer avec le projet de loi qui s'en vient, mais, peu importe, pour l'instant, c'est déjà enregistré dans la jurisprudence en Angleterre.

Et la jurisprudence n'hésite pas, comme on peut le constater, à reconnaître au travail journalistique des caractéristiques très particulières dont il faut tenir compte dans la formulation des lois.

L'automne dernier, par exemple, la Commission européenne a révisé un premier projet de loi sur la protection des données. La nouvelle proposition reconnaît le conflit potentiel entre le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression. La Commission a demandé aux États membres de la Communauté européenne d'établir des dérogations pour la presse, les médias audiovisuels et les journalistes.

Dans le projet de loi - et peut-être que ça aurait pu nous apparaître comme étant une dérogation intéressante - on indique que «la présente loi n'a pas pour objet de restreindre l'utilisation licite de renseignements personnels à une fin d'information légitime du public». Alors, à première vue, on pourrait croire qu'il s'agit là de la clause de dérogation que souhaiteraient tous les journalistes au Québec. Mais, à l'examen, cet alinéa paraît insuffisant pour soustraire l'activité journalistique à l'application des dispositions prévues dans le projet de loi. On y parle d'utilisation des renseignements personnels, alors que le projet de loi fait partout une enumeration beaucoup plus complète de son champ d'application. On y parle d'«une personne qui recueille, détient, utilise ou communique» de tels renseignements. Doit-on comprendre que le mot «utilisation» de l'alinéa 3 recouvre tous ces aspects? Ou bien doit-on l'entendre dans un sens limité qui exclut la collecte, la conservation et la communication des renseignements?

L'expression «utilisation licite» pose aussi problème. Si on tient pour acquis que toute utilisation contraire aux obligations contenues dans le projet de loi est illicite, des informations d'un grand intérêt public mais illicites au sens du projet de loi devraient rester cachées au public.

Également, le mot «légitime» pose problème. Dans son sens premier, une information légitime est une information légale. Dans cette acception, il y a, encore une fois, redondance. Il va de soi qu'une loi ne recommandera pas de poser des actes illégaux. Le législateur ne parlant pas pour ne rien dire, on peut donc penser que le mot «légitime» revêt un autre sens, plus large. Mais lequel? Établi selon quelles balises? En tenant compte de l'intérêt public, ou pas? Le projet de loi ne dit rien là-dessus. On peut croire que le législateur a voulu maintenir une possibilité d'intervention sur le contenu de l'information médiatique en renvoyant la balle dans le camp des juges. Mais alors, le projet de loi 68 ferait des juges les nouveaux directeurs de l'information, et ce n'est pas toujours heureux, laissez-moi vous le dire.

La formulation de l'alinéa 3 de l'article 1 laisse entendre que nos lois actuelles, celles sur le libelle ou la diffamation, par exemple, ne

sont pas adéquates pour régler les problèmes causés par la diffusion de certaines informations dans les médias. Dans la problématique de la protection des renseignements personnels, il y a pourtant une différence énorme entre les renseignements colligés, échangés et utilisés par les entreprises privées dans le plus grand secret et à des fins de gains et les renseignements détenus par les journalistes.

Alors, pour conclure, chez les journalistes, l'information n'a qu'une seule finalité possible: être diffusée ou publiée. Mais, avant d'en arriver là, elle aura été scrutée, évaluée en termes d'intérêt public. C'est ce qu'on appelle le traitement journalistique d'une information brute. C'est la tâche des médias. Si l'information à caractère personnel ne présente pas un tel intérêt, elle demeure enfouie dans les calepins de notes, sans avoir le moindre effet sur qui que ce soit. Le crédit de quelqu'un, par exemple, n'en sera pas le moins du monde affecté. Si, par contre, cette information est jugée d'intérêt public, c'est le public en général qui pourra en prendre connaissance. (11 h 30)

Tout se fait ouvertement, avec l'acceptation des conséquences possibles: le journaliste et le média peuvent être traînés en justice sous diverses accusations. Les lois existent déjà, donc, à cet effet, ce qui n'est pas le cas des entreprises qui échangent entre elles des informations à caractère personnel.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que le projet de loi 68 doit être amendé de manière à exclure spécifiquement le matériel journalistique de son champ d'application. Nous ne voulons pas soustraire des individus, les journalistes, à la loi. Je le rappelle et je le souligne, nous ne sommes pas au-dessus des lois.

Au Québec, il n'y a par contre pas de définition légale de ce qu'est un journaliste. Ce serait peut-être très long, ici, d'expliquer les raisons qui invoquent tout cela, mais il reste une chose, c'est que nous croyons, par contre, qu'il est possible de soustraire une certaine catégorie de documents du champ d'application de la loi: le matériel journalistique quel que soit sa forme ou son genre. Par forme, il faut entendre du matériel écrit ou audiovisuel et, par genre, les divers genres journalistiques: recherche, édito-riaux, reportages, analyses, chroniques. C'est pourquoi nous avons un amendement à proposer, et c'est le seul, c'est l'amendement suivant à l'article 1: Biffer la phrase «La présente loi n'a pas pour objet de restreindre l'utilisation licite de renseignements personnels à une fin d'information légitime du public» et la remplacer par «La présente loi ne s'applique pas à la cueillette, la conservation, l'utilisation et la diffusion de tout matériel journalistique quel que soit son genre et la forme sous laquelle il peut se présenter.»

Je vous remercie.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. Saul-nier.

M. le ministre.

M. Cannon: Merci, M. Saulnier, d'avoir bien voulu vous déplacer et de venir nous rencontrer ce matin sur une question quand même très importante au niveau de la pratique de votre profession. À la blague, vous disiez, tout à l'heure, que les journalistes, souvent, vont à la pêche au lac à l'Épaule, au lac des Neiges. Je peux vous dire qu'au lac à l'Épaule il ne reste plus de poisson; il n'y en a plus, là.

Le Président (M. Doyon): C'est pour ça qu'ils se concentrent sur les politiciens.

M. Cannon: Oui, c'est ça. Ha, ha, ha! Le Président (M. Doyon): Ha, ha, ha!

M. Saulnier: ...à ce moment-là, c'est qui, le poisson? Ha, ha, ha!

M. Cannon: Ha, ha, ha! Oui. On me dit: Est-ce que les poissons sont d'intérêt public?

M. Saulnier: Ah! La surpêche, oui.

M. Cannon: Je veux vous rassurer quant à l'intention que nous avons. Et quand je dis «nous avons», c'est parce que j'ai toujours prétendu que cette commission parlementaire examine une recommandation qui a été faite en 1988, recommandation qui visait, justement, à faire en sorte - quand je dis «recommandation», la recommandation de la commission de la culture -que les dispositions de la loi d'accès soient étendues au secteur privé. Contrairement à ce qu'on a prétendu hier, certains porte-parole, que c'était exclusivement limité à des secteurs dans le secteur privé, la recommandation de la commission de la culture, c'était de l'étendre partout.

Pour vous rassurer, je vous dirais que nous allons nous inspirer très largement de ce qui est celle de la directive européenne. Il n'est nullement notre intention, comme parlementaires, de venir restreindre la liberté de presse. Pour ajouter à cela, je vous lirai simplement ce qui est écrit au niveau de la directive européenne, à l'article 9, où c'est spécifié: «Traitement de données à caractère personnel et liberté d'expression. En vue de concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d'expression, les États membres prévoient, pour les traitements de données à caractère personnel effectués à des fins de journalisme par les organismes de presse et de l'audiovisuel, ainsi que par les journalistes, des dérogations aux dispositions de la présente directive.»

J'ai bien noté l'amendement que vous proposiez au texte. Je ne peux pas vous dire que

ça sera cet amendement-là, mais ce sera définitivement dans le sens de la directive européenne.

En passant peut-être rapidement à un autre sujet, c'est une question que j'ai posée à bien des organismes qui, depuis quatre jours maintenant, cinq même, se présentent devant nous. Je suis tenté de vous demander: Est-ce que vous avez un code d'éthique qui encadre le travail journalistique et qui balise ce qui est d'intérêt public, dans un premier temps, et, dans un deuxième temps, si vous seriez assez aimable de nous donner des exemples des renseignements personnels qui peuvent être diffusés dans l'intérêt public?

M. Saulnier: En ce qui concerne la première question, je vous dirai que, de façon générale, au Québec, l'ensemble des hebdos, les grandes entreprises de presse - je pense à La Presse, au Journal de Montréal et de Québec, je pense à TVA, et Radio-Canada a fait oeuvre de pionnier dans ce domaine - se sont dotés de ce ' qu'on appelle un code d'éthique ou de déontologie ou une politique journalistique.

En ce qui concerne les journalistes qui ne font pas partie de ces entreprises, à la Fédération professionnelle, nous avons adopté, en 1987, ce qu'on appelle, nous, la Charte du journalisme. Cette Charte du journalisme fait partie des statuts et des règlements de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Je vous dirai que, de manière générale, je pense que la majorité des journalistes s'en inspirent, d'autant plus que c'est renforcé par les pressions additionnelles de leurs employeurs qui, eux, doivent aussi se soumettre à des règles. Bien sûr, ça ne veut pas dire que certains ne s'en écartent pas à l'occasion, je serais malhonnête de dire que tout le monde ici, au Québec, pratique un journalisme hors de tout doute, de la même manière que c'est le cas dans tous les décors professionnels ici, au Québec, mais, je pense qu'il existe suffisamment de pressions et de règles pour qu'il y ait ce que j'appelle une autodiscipline.

Régulièrement, et c'est d'ailleurs une des responsabilités confiées à la Fédération, nous voyons nous-mêmes à faire en sorte que, à l'occasion de colloques, à l'occasion de congrès, il y ait une réflexion, une véritable autocritique, entre guillemets, qui soit effectuée par les journalistes pour, justement, s'interroger sur ces questions.

Je vous donne comme exemple l'affaire Wilhelmy-Tremblay, qui a été l'objet d'un débat à notre dernier congrès qui s'est tenu ici, à Québec, en décembre dernier. Tout ce débat soulevait effectivement la question de la vie privée et de l'intérêt public. Ce n'est pas facile de trancher ça au couteau, cette question-là, et, de l'avis de l'ensemble des experts que nous avons consultés là-dessus, nous, il n'est pas certain que ce soit aussi facile que l'un et l'autre des camps pouvaient l'avancer dans le célèbre procès qui a finalement avorté, qui n'a jamais eu lieu. Moi, pour ma part, je pense qu'il va falloir que ce procès ait lieu un jour, c'est-à-dire qu'on soit capable de confronter ces deux données de protection de la vie privée et d'intérêt public pour faire avancer le droit et peut-être même éprouver les différentes prérogatives qui existent à l'intérieur de la charte canadienne et de la charte québécoise des droits de la personne. Ça, ça m'apparaît comme important qu'on puisse le faire. D'ailleurs, je dirais qu'il y va de la responsabilité professionnelle des journalistes de contribuer à ce débat.

Par ailleurs, en ce qui concerne des exemples de ce qui relève de la vie privée, de la vie personnelle et ce qui relève de l'intérêt public, je vous dirais qu'au Québec on a une tradition particulièrement différente de ce qu'on retrouve dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. Aux États-Unis, on ne se pose pas de question, on publie puis on verra après; c'est ça la règle. Puis, il y aura des procès, on ira jusqu'au bout, en Cour suprême. De toute manière, même la Cour suprême a donné raison - dans le cas de l'affaire du Watergate, c'est ce qui s'est produit - aux journalistes qui avaient le droit de publier les dossiers du Watergate.

Au Canada anglais, on a pu voir qu'à un certain moment donné, lors de ce que j'appellerais les événements concernant des personnages influents de la vie politique, notamment, on a pu voir, moi, ce que j'appellerais une approche un peu différente où on accorde un peu plus d'importance et d'insistance à la couverture de la vie personnelle, de la vie privée des gens. Ici, au Québec, il y a eu quelques exemples, mais ils sont assez rares, je dirais. Il y a eu un événement malheureux, il y a quelques années, qui impliquait un député de l'Assemblée nationale, d'ailleurs, au sujet de fameux vidéos qui étaient tournés ici, si vous vous rappelez, et qui, de fait, n'étaient pas tournés.

Est-ce que c'est de la pudeur? Est-ce que c'est l'esprit de famille de la grande famille québécoise, comme on le dit à l'occasion, tricotée serrée, qu'on se protège les uns les autres? Je n'ai pas d'opinion tranchée là-dessus. Mais, ce que je dirais, c'est que je ne pense pas qu'on puisse accuser les journalistes au Québec de faire un excès de péché dans ce sens-là, et encore moins si on se compare avec ce qui se produit en Grande-Bretagne. Là, c'est la folie furieuse, et Dieu nous épargne de tout ça ici!

M. Cannon: Merci.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le ministre. Merci, M. Saulnier.

M. le député de Pointe-aux-Trembles. (11 h 40)

M. Bourdon: M. le Président, je voudrais d'abord dire au porte-parole de la Fédération que

l'amendement que la Fédération propose m'ap-paraît correct. Dans une vie antérieure, j'ai été journaliste, puis syndicaliste dans le secteur des communications, et je considère que le texte du projet de loi est dangereux, parce que ça dit: «La présente loi n'a pas pour objet de restreindre l'utilisation licite - et je souligne "licite" -de renseignements personnels à une fin d'information légitime du public.» Alors, à cet égard-là, «licite», «légitime», vous avez raison dans votre mémoire de le souligner, dès qu'il y a un qualificatif, ça veut dire qu'un avocat peut s'en servir. Soyons...

Le Président (m. doyon): j'invite dès maintenant . m. bourque à se joindre à nous. on s'est permis de commencer sans vous, m. bourque, étant d'accord pour que vous preniez place dès votre arrivée. oui, m. le député de pointe-aux-trembles, excusez-moi.

M. Bourdon: Alors, je salue M. François Bourque, vice-président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Donc, les deux termes, là, «licite» et «légitime» ouvraient la porte à des procédures. Il est certain que, quand un journaliste va chercher des renseignements en soi personnels, ça peut être sur un personnage public qui n'a pas intérêt à ce qu'on publie à son sujet et qui, rapidement, trouverait un avocat pour aller en cour dire qu'on a fait la cueillette, ou la conservation, ou l'utilisation d'un renseignement d'une façon qui n'est pas licite ou qui n'est pas légitime.

Vous aviez raison, M. Saulnier, de dire aussi que la cueillette des renseignements et leur utilisation appartiennent à des règles différentes. Dans l'histoire du journalisme nord-américain, il y a souvent des pas en avant qui ont été faits par des informations qui n'ont pas toujours été divulguées ou obtenues d'une façon légale. Le haut-fonctionnaire, dit-on, de la Maison-Blanche qui rencontrait les journalistes du Washington Post manquait peut-être à son serment. La question, c'est: Est-ce que c'était d'intérêt public, ce qu'il révélait aux deux journalistes? Et, dans ce sens-là, je préfère de loin votre amendement parce qu'il est plus large et qu'il ne met pas de qualificatif qui entraînerait presque nécessairement des procédures pour empêcher que le public soit informé. À la blague, je dirais que l'information qui me fait mal comme homme politique, je ne la trouve pas licite ni légitime, c'est comme normal.

Vous avez mentionné l'attitude des journalistes du Québec à l'endroit du respect de la vie privée, et je pense qu'ils se démarquent nettement, à cet égard-là, de ce qui est pratiqué aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Au Canada anglais, la tradition est plus ambiguë et il y a des tentations de recourir aux procédés américains. Je voudrais lire, tel quel, ici, l'article 8 de votre charte, qui dit: «Les faits touchant la vie privée des personnes, y compris des personnes publiques, et pouvant porter atteinte à leur intimité, ne doivent être révélés que s'ils peuvent avoir des effets sur la vie collective, et en distinguant ce qui relève de l'intérêt public ou de la curiosité publique.» Fin de la citation. Je trouve particulièrement astucieux de faire une distinction entre l'intérêt public et la curiosité publique. C'est sûr qu'il y a, dans le public, des personnes qui sont d'une curiosité insatiable; ça ne veut pas dire que les médias doivent satisfaire cette curiosité publique.

À l'occasion, il y a eu une occasion récente aussi où on a pu l'observer, cette pudeur, comme vous mentionniez, cette décence, quant à moi, là, c'est la maladie de notre premier ministre. Il y a des médias qui ont sorti des choses, et des médias et des journalistes qui ont dit: Écoutez, les témoignages de médecins qui ne sont pas médecins traitants du premier ministre, ça doit être utilisé avec beaucoup de discernement, parce qu'il s'agit d'une personne; il est une institution et il est le premier ministre, mais c'est aussi une personne. Un médecin qui ne l'a pas soigné qui parle de sa maladie, bien, il y a là comme un problème.

Je soulignerais, à cet égard, qu'il y a des bons signes, comme des magazines et des journaux qui ont des chroniques, des médias où on analyse le travail des médias sans complaisance. C'est un milieu où l'autocritique est abondamment pratiquée, puis on pourrait suggérer à bien d'autres professionnels d'avoir un sens autocritique aussi développé. Et Radio-Canada - je trouve ça remarquable - a une émission hebdomadaire à la radio et une à la télévision sur les médias, qui ne porte pas que sur les questions d'éthique et de comportement, mais où, à l'occasion, les médias se remettent en cause eux-mêmes pour voir la façon dont ils traitent des questions.

Alors, dans ce sens-là, moi, je trouve qu'on devrait retenir votre amendement ou quelque chose s'en approchant parce qu'on enlève de la loi ce que personne ici, et pas le ministre, n'a voulu y mettre. L'idée de la loi n'est pas, d'aucune façon, de restreindre la liberté de presse, et vous en convenez aussi, sauf que, vous savez, c'est un peu comme dans la chanson: «Visa le noir, tua le blanc.» Autant être précis et clair.

J'apprécie, entre autres, dans votre amendement, le fait que vous parliez du matériel journalistique. Je l'apprécie parce que les entreprises de presse sont des entreprises à la fois journalistiques et économiques. Mais le magazine L'actualité, ou Le Soleil, ou La Presse sont aussi des entreprises économiques au même titre que toutes les autres, et je pense que la loi doit s'appliquer à elles. Par exemple, si on restreint le commerce des listes nominatives et qu'un journal ou un magazine contrevient à la loi pour ce qui est de sa liste d'abonnés, on ne parle plus

de matériel journalistique, on parle d'instrument de travail économique, pour la partie des entreprises d'information, qui en fait des entreprises comme toutes les autres. Alors, je pense qu'il y aurait lieu de le retenir.

Je vous poserais une question qui fait appel au journaliste, dans le fond: Pensez-vous que les lobbies très puissants qui s'opposent à l'adoption de la loi qui est devant nous - et vous n'en êtes pas, je pense à la téléphonie, les assurances, les banques - vont être assez puissants pour empêcher la volonté de réforme du ministre de donner des suites législatives?

M. Saulnier: Le piège est large comme ça! Ha, ha, ha! Écoutez, je représente ici vraiment la Fédération professionnelle, donc je ne voudrais pas donner mon opinion personnelle sur ce dossier. En d'autres circonstances, je le ferai volontiers.

Je voudrais quand même retenir un élément important de ce que vous avez souligné. Moi, il m'apparaît important que les journalistes se po-licent eux-mêmes, s'autoréglementent et s'auto-disciplinent. Et je pense que c'est le signe d'une société mature, le jour où les journalistes sont capables de faire preuve de cette force de caractère, de cette force professionnelle que d'être justement capables eux-mêmes de se donner les balises à l'intérieur desquelles ils peuvent exercer ce métier-là.

Il peut parfois être facile pour un législateur - et quel qu'il soit, de quelque allégeance qu'il soit, et c'est le cas dans tous les pays occidentaux, dans toutes les démocraties - de vouloir réglementer sous prétexte d'un excès qui aurait pu se produire de la part d'un journaliste ou d'un média, de vouloir tenter de limiter la liberté d'expression, et peut-être même pas dans un but avoué de vouloir mettre fin ou de ralentir, si on veut, la force d'un régime démocratique. Mais, pour contrecarrer ce genre d'excès, moi, je pense que la meilleure règle et la règle d'or en information, c'est que les journalistes assument cette responsabilité-là. Ça ne veut pas dire qu'il ne puisse pas y avoir d'échanges entre le législateur et les journalistes, par exemple, quant au lien ou cette frontière qu'on doit définir entre «vie privée» et «intérêt public», on doit nécessairement constamment échanger sur ces questions-là. Mais je pense qu'il sera beaucoup plus heureux pour la démocratie, pour la viabilité de la démocratie et sa vitalité que les journalistes puissent le faire eux-mêmes.

Moi, je peux vous assurer, en tout cas, au nom de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, qu'on entend le faire. On n'est pas une corporation où on défendrait des intérêts corporatistes au sens péjoratif du terme, je dirais, ici, nous sommes vraiment un groupe de journalistes qui ont à coeur la défense du droit du public à l'information et la défense de la liberté d'expression dans notre Québec, et, pour nous, c'est important de pouvoir le faire ainsi.

(11 h 50)

M. Bourdon: Je voudrais peut-être ajouter que les journalistes ne sont pas indifférents à l'existence de la Commission d'accès à l'information. Parce que la Commission, elle a un double rôle: protéger les renseignements personnels et garantir le droit du citoyen, puis ça inclut le journaliste, à avoir accès à des informations qui sont d'intérêt public. Je pense qu'à cet égard il y a une heureuse tradition qui fait deux choses: d'une p?.rt, généralement, le président de la Commission est ou a été un journaliste - dans le cas présent, c'est Paul-André Comeau, un journaliste entouré d'un grand respect, et un respect qui est justifié - et, d'autre part, la Commission d'accès permet aux journalistes de faire leur métier régulièrement en ayant accès à des documents qui sont publics.

Puis l'autre volet, c'est que la Commission n'est pas soumise au ministre ou au gouvernement, mais rend des comptes à l'Assemblée nationale comme telle, ce qui donne une plus grande transparence. Ça fait partie des fonctions dites réservées dans l'État québécois, qui sont des comptes du Protecteur du citoyen, de la Commission des droits de la personne, de la Commission d'accès à l'information, de se rendre à l'Assemblée nationale directement, sans passer par des intermédiaires. Et je pense que c'est heureux. Ce n'est pas parce que l'Assemblée nationale a des vertus particulières, mais le faire comme ça, c'est empêcher qu'il y ait des entraves à la liberté d'information, puis à la liberté d'action de ces grands secteurs où les libertés fondamentales sont en jeu, d'une certaine façon.

Alors, dans ce sens-là, je pense que, même si chaque député, à titre individuel, à l'occasion, n'a pas aimé ce qu'il a lu dans les médias, ce qui est juste un signe de santé de la part des médias, il reste que l'Assemblée nationale comme telle se pose en défenseur de la liberté d'information, et ça, je pense que c'est normal dans une société. Les partis se succèdent au pouvoir mais l'Assemblée nationale, comme institution, elle, demeure, puis, dans le sens le plus élevé, représente l'intérêt collectif commun de la société qu'elle représente.

Le Président (M. Doyon): Merci, M. le député.

Oui, la situation très particulière des journalistes oblige le législateur à tenir compte du rôle qui est le leur. La contrepartie de ça, évidemment, c'est l'obligation encore plus exigeante qu'ont les journalistes vis-à-vis de la rectitude et de l'exactitude des renseignements qui sont diffusés. On se rend compte qu'il y a un effet multiplicateur au travail journalistique. Il est bien sûr qu'il est désagréable pour une personne de voir sa cote de crédit mal évaluée par Équifax, sauf que ça a un effet limité, dans

ce sens que ce n'est pas de notoriété publique et ce n'est pas publié et répandu à la grandeur de la population, à la grandeur de la province, parfois du pays. Alors, de là, d'après moi, doit découler une obligation encore plus stricte d'exactitude et de rectitude, d'autant plus que les moyens de rectification sont pratiquement inexistants. Les corporations professionnelles ont un syndic auquel on peut faire appel en tant que consommateur de services professionnels, mais le recours, pour faire rectifier une information fausse publiée ou diffusée, est extrêmement aléatoire.

Je ne sais pas si vous avez des réflexions à ajouter là-dessus. Je n'annonce rien, je ne dis rien de nouveau dans ce sens-là, sauf que les faits m'apparaissent militer dans ce sens-là. Je ne sais pas si vous avez une réflexion. Oui, M. Bourque.

M. Bourque (François): Oui, j'aurais peut-être envie de réagir un petit peu à ce que vous venez de dire. Vous avez raison lorsque vous soulignez le fait que, du côté des journalistes, il n'y a pas de corporation professionnelle qui oblige les journalistes ou qui impose des mesures disciplinaires, qui oblige les journalistes à rectifier les choses. Par contre, il faut se souvenir qu'il y a quand même un conseil de presse qui existe et qui remplit ce rôle, bon, parfois avec certains délais qu'on peut déplorer. Il serait sans doute souhaitable que ces interventions se fassent plus rapidement, qu'elles soient mieux diffusées, mais, enfin, ça existe quand même, c'est un recours qu'il est possible d'utiliser, pour les citoyens et tous les groupes qui se croient lésés.

On l'a souligné aussi tout à l'heure, il y a plusieurs émissions d'information qui portent un regard critique sur le travail des journalistes. Soyez assurés que ce travail d'autocritique se fait aussi dans toutes les boîtes. Même si ça ne se fait pas en public, les journalistes, étant critiques de nature, sont souvent les premiers à regarder leur journal le matin et à déplorer tel ou tel excès, tel ou tel dérapage. Ce travail de réflexion est constant, se fait tous les jours, dans à peu près toutes les boîtes. Alors, ça conduit à une espèce d'autodiscipline chez les journalistes. Lorsqu'on s'aperçoit qu'on a erré, qu'on s'est trompé, même si ce n'est pas fait de façon formelle, lorsqu'on réécrit ou lorsqu'on republie l'information sur un sujet ou l'autre, je pense qu'il y a une espèce de correction qui se fait un peu naturellement, aussi.

Il y a aussi des journaux, des médias qui publient carrément des rectificatifs ou des corrections, soit sous la menace d'avocats ou parce qu'ils se sont aperçus qu'ils étaient allés trop loin, qu'ils se sont trompés. Donc, il y a quand même un certain nombre de mesures qui font en sorte que les journaux et les médias en général peuvent se corriger, même si ça ne se fait pas par le biais d'une corporation professionnelle ou d'un comité de discipline.

Le Président (M. Doyon): Oui. Il me vient une question à l'esprit. Est-ce que les rédacteurs de titres sont membres de votre fédération?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Saulnier: Oui.

Une voix: ...de l'autocritique. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Est-ce que ça se parle, ce monde-là, oui?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Saulnier: Est-ce qu'on est toujours dans la commission qui parle des renseignements personnels?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Doyon): Parfois, il arrive que - ça s'est déjà vu, disons - des titres, premièrement, peuvent renfermer des renseignements personnels et ne pas être tout à fait conformes au corps de l'article lui-même. On sait que, très souvent, les titres ont un impact qui est encore plus considérable que l'article de fond que vous vous êtes fendus à travailler et à fouiller. Très souvent, c'est votre rédacteur de titres qui va laisser la dernière impression, ou parfois la seule impression, alors que votre article, lui, même s'il est fouillé, même s'il est bien fait, etc., peu de gens s'en soucieront, faute de temps, etc.

M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Merci. M. le Président, vous soulevez un point important, et je pense que la question de rigueur, de l'exactitude de l'information journalistique est très importante. Moi-même, en effet, j'ai eu quelques expériences avec le Conseil de presse. Moi, j'ai gagné deux causes devant le Conseil de presse, où le jugement a été rendu, mais deux ans plus tard, où le contexte de la plainte est presque inutile. Alors, ça, c'est une question qu'il est très important que le président mentionne.

Je veux aussi ajouter ma voix à celles du ministre et du député de Pointe-aux-Trembles, de la volonté de cette commission de clarifier cette ambiguïté. Le ministre, depuis le début de ces audiences, a été très clair là-dessus, qu'il voulait changer ça ou améliorer la loi pour éliminer cette ambiguïté.

Moi, je veux juste savoir... Vous parlez, dans votre mémoire, de tout matériel journalistique, quel que soit son genre. Je ne pense pas que cette loi affecte le média électronique qui, en effet, est réglementé par le CRTC. Est-ce que

cette loi va toucher le média électronique ou si c'est seulement le média écrit qui est vraiment affecté par la loi? Parce que, comme vous le savez, l'électronique est réglementé directement par le CRTC.

M. Saulnier: Oui. Ce que je dirais en ce qui concerne les médias électroniques, c'est que, dans notre esprit, en tout cas, cette loi-là touche au matériel des médias électroniques. Nous avons, nous, élaboré notre mémoire en fonction de cet élément-là. Donc, ça nous apparaît important que cette loi, même si le CRTC peut exister, ait une certaine forme de juridiction en ce qui concerne la télédiffusion et la radiodiffusion. À mon avis, cette loi-là touche aussi l'ensemble de ce qu'on peut appeler les médias électroniques au Québec. À moins d'avis contraire, nos avis juridiques à nous confirment ça.

M. Libman: je présume aussi que la question de l'accès aux notes des journalistes, l'exactitude, toutes ces questions, vous croyez, tombent à l'intérieur du cadre de cette loi?

M. Saulnier: Oui, de ce qu'on comprend. M. Libman: O.K.

M. Saulnier: Juste pour ajouter aussi. Vous mentionnez le Conseil de presse. Vous partiez d'un délai de deux ans. François Bourque, le vice-président, l'a souligné, à notre avis, il faut absolument aussi améliorer la performance, si on veut, du Conseil de presse. La Fédération a été à l'origine de la création du Conseil de presse du Québec et on souhaite, nous, lui donner plus de dents, plus de mordant, si on veut. (12 heures)

Actuellement, c'est un tribunal d'honneur qui peut émettre une conclusion pour qu'il y ait une rectification dans les médias, mais certains médias au Québec ne publient pas...

M. Libman: Exactement.

M. Saulnier: ...tout bêtement, les conclusions du Conseil de presse. Nous travaillons activement à l'intérieur du Conseil de presse pour qu'on puisse faire en sorte que toutes ses décisions soient vraiment publiées, et pas juste dans un petit cahier, en bas de page, à côté de la colonne des décès.

M. Libman: Exactement.

Le Président (M. Doyon): Oui, merci. M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez terminé? M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Oui, ce que je voudrais ajouter, pour ce qui est de l'élément juridictionnel, et que le député de D'Arcy-McGee a soulevé, c'est que, oui, le CRTC réglemente l'usage des ondes au Québec, mais le Code civil est de juridiction québécoise, et c'est même un des effets de l'Acte de Québec de 1774 de reconnaître le Code civil. À cet égard-là, les articles 35 à 41, entre autres, s'appliquent, mais la Loi sur la presse aussi existe en fonction du Code civil et a toute sa portée. D'ailleurs, on en a eu un signe dans ce qu'on a convenu d'appeler l'affaire Wilhelmy: la Cour supérieure a pris des décisions qui touchaient les médias tant électroniques qu'écrits, parce que c'est de juridiction des tribunaux québécois. Je pense qu'à cet égard-là il n'y a pas d'ambiguïté.

M. Cannon: L'exemple de la publicité destinée aux enfants, Michel, dont tu parlais l'autre jour.

M. Bourdon: La publicité destinée aux enfants en est un exemple. La Cour suprême a décidé que, oui, le CRTC réglemente les ondes, mais le Québec a passé une législation en vertu du Code civil pour interdire la publicité destinée aux enfants à la radio et à la télévision, et la Cour suprême a décidé que le Québec avait exercé ses pouvoirs dans sa juridiction...

M. Cannon: C'est ça.

M. Bourdon: ...parce que le Code civil touche la famille, les enfants et qu'on peut... Autrement dit, dans ce sens-là, le Québec a juridiction sur le contenu à l'égard du Code civil même si le contenant, on le sait, est assujetti au CRTC.

Le Président (M. Doyon): Bon! Est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent intervenir? Alors, ça termine pour cet avant-midi. Il me reste à remercier M. Bourque et M. Saulnier. M. Bourque, vous voudrez nous excuser d'avoir commencé sans vous. Je sais que vous étiez convoqué pour midi, alors vous n'étiez pas coupable de quelque retard que ce soit, mais nous avions l'accord de M. Saulnier pour commencer.

Donc, je suspends les travaux jusqu'à 16 heures et j'indique qu'à 16 heures je serai remplacé par le député de LaFontaine comme président.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

(Repriseà16h1)

Le Président (M. Gobé): La commission de la culture va commencer ses travaux. Je vous rappelle le mandat de notre commission, cet après-midi, qui est de tenir une consultation générale et des auditions publiques sur le projet

de loi 68, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Nous entendrons cet après-midi, à partir de 16 heures, les représentants de l'Association sur l'accès et la protection de l'information; à 17 heures, les représentants du Bureau d'animation et information logement du Québec métropolitain inc. Nous suspendrons à 18 heures, pour reprendre à 20 heures, où nous entendrons l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec et, à 21 heures, les représentants de la Ligue des droits et libertés. Ceci mettra fin aux travaux de la commission pour la journée, aux environs de 22 heures.

M. le ministre, vous avez demandé la parole.

M. Cannon: Oui, simplement pour... À la suite, Michel, de discussions avec notre aviseur légal, c'est de te remettre le répertoire des responsables de l'accès aux documents; en effet, pour la Société d'habitation et de développement de Montréal, il s'agit de Me François Houle. Je te le laisse, Michel. C'est bien, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Alors, pour les besoins de l'enregistrement, ça s'adressait, M. le ministre, à M. le député de Pointe-aux-Trembles.

Une voix: Oui. Michel, c'est le député de Pointe-aux-Trembles.

Le Président (M. Gobé): C'est cela. Alors, merci beaucoup.

Je vais donc maintenant demander aux représentants de l'Association sur l'accès et la protection de l'information de bien vouloir se présenter, du moins, le porte-parole, de présenter les gens qui l'accompagnent. Par la suite, vous pourrez commencer votre audition, votre témoignage. Vous avez 20 minutes, approximativement, pour ce faire; ensuite, 20 minutes appartiennent au côté du gouvernement et 20 minutes au côté de l'Opposition, avec alternance, si nécessaire. Si tout va bien, on n'est pas picosseux sur une minute ou deux.

Alors, vous avez la parole.

Association sur l'accès et la protection de l'information (AAPI)

M. Fortier (Jocelyn): Merci beaucoup. Alors, mon nom est Jocelyn Fortier. Dans la vie de tous les jours, je suis vice-président aux affaires juridiques de la Société des traversiers du Québec et, également, responsable de l'application de la Loi sur l'accès à la Société des traversiers du Québec, d'où mon implication en tant que président de l'Association sur l'accès et la protection de l'information. À ma gauche, mon collègue Richard Juneau, qui est chef de division à la gestion de l'information à la

STCUM dans la vie de tous les jours et qui est également le trésorier de l'Association; à ma droite, Me Rémi Poliquin, qui est secrétaire de la commission scolaire Sault-Saint-Louis et, également, qui est le secrétaire de l'Association sur l'accès et la protection de l'information.

Le Président (M. Gobé): Alors, bienvenue à cette commission.

M. Fortier: Merci. Je présume, évidemment, que vous connaissez l'Association sur l'accès et la protection de l'information, qui a été constituée en 1991 et qui a pour objectif de regrouper les personnes qui, au sein des organismes publics, effectivement, oeuvrent à la mise en application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

L'un des objectifs de l'Association est de favoriser la recherche et la réflexion en matière d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels. En théorie, nous sommes donc forts d'une expérience d'au moins... d'une expérience de 10 ans avec une loi qui, à tout le moins sur une partie, est similaire à celle qui est discutée ici aujourd'hui.

Je ne vous redonnerai pas, évidemment, mon mémoire, qui a déjà été transmis à la commission. Je vais plutôt me permettre de souligner certains des points qui, pour nous, sont les plus importants, des points qui sont majeurs, en me gardant, pour le dessert, l'aspect des responsables eux-mêmes, que ce soit dans le projet de loi ou que ce soit dans notre loi. C'est évidemment notre denrée de tous les jours en tant qu'association.

La première chose qui nous tient particulièrement à coeur dans ce mémoire, c'est ce qu'on retrouve à la page 2, toute la notion de pertinence versus nécessaire. On a fait un texte, ici, sur lequel je ne reviendrai pas. C'est surtout, en fait... Ce qui nous taquine un peu, qui nous achale un peu, si on veut, c'est qu'on trouve que la notion de pertinence est un peu trop large et qu'on devrait effectivement s'attacher à la nécessité d'une information. Ce qui peut être pertinent pour un organisme ou ce qui peut être pour moi pertinent dans la gestion d'un dossier ou d'une relation contractuelle n'est pas obligatoirement nécessaire à cette notion-là. C'est pour ça qu'on suggère de remplacer le mot «pertinents» par «nécessaires», et, ça aussi, à la lumière d'une certaine jurisprudence de la Commission d'accès qui a déjà défini ce terme.

La deuxième chose qui nous titille un peu, c'est l'aspect de la mise à jour des fichiers lorsqu'on impose, à notre avis - et c'est ce qu'on retrouve à la page 3 - une obligation de résultat. Alors, évidemment, on estime que ce n'est pas toujours facile. L'expérience des 10 dernières années démontre que ce n'est pas facile, et ce, même si certaines lois vont imposer

au citoyen d'informer l'organisme de ses changements d'adresse, de ses modifications. L'expérience enseigne que le citoyen ne le fera pas toujours, et nous estimons qu'imposer une obligation de résultat à l'entreprise privée va nécessairement imposer le fardeau de s'établir des services d'enquête et autres.

À titre d'exemple, qu'on sache seulement que, même à la RAMQ et a la SAAQ, les dossiers ne sont peut-être pas toujours à la fine pointe, à tout le moins au niveau des adresses et coordonnées. Ça se vérifie généralement quand vient le temps du renouvellement, que ce soit du permis de conduire ou de la carte-soleil, ou encore quand vient le temps de la perception des amendes pour les infractions au Code de la sécurité routière. Occasionnellement, on doit faire des recherches assez longues pour retracer l'individu. Pourtant, théoriquement, il ne s'est écoulé qu'une seule année ou, au maximum, deux années.

La troisième chose qu'on retrouve tout au long de notre mémoire, finalement, c'est qu'à chaque fois qu'on découvre, dans ce projet de loi, des nouveautés auxquelles nous applaudissons - et nous ne nous sommes pas gênés pour le faire - nous mentionnons également qu'il pourrait être avantageux d'appareiller ces innovations avec la loi actuelle, celle que nous connaissons mieux, la Loi sur l'accès. Évidemment, on n'est pas ici pour discuter de la Loi sur l'accès; cependant, un jour ou l'autre, on devra le faire. Lorsque nous applaudissons à une initiative, nous croyons qu'elle devrait être implantée éventuellement et que c'est dans cette optique qu'on devrait le faire: implanter ces choses dans la Loi sur l'accès de façon à pouvoir appareiller ces deux lois, ce qui simplifierait la gestion et, éventuellement, la compréhension aussi pour le citoyen.

Notre point majeur est, évidemment, tout ce qui concerne le responsable de l'accès ou le responsable de la protection de la vie privée dans le présent projet de loi et les infractions, entre autres, les pénalités qu'on peut lui reprocher.

Nous avons, dans un premier temps, dans le texte même, suggéré qu'on puisse officialiser la possibilité de délégation à des répondants. C'est une notion qui est utilisée actuellement dans les entreprises publiques d'envergure. C'est une réalité qui n'est évidemment pas formalisée par la Loi sur l'accès, mais qui se vit, où des responsables qui détiennent déjà une autorité déléguée ont sous-délégué - je mets évidemment des guillemets parce que la sous-délégation ne doit pas être faite - entre guillemets, certaines de leurs fonctions à des répondants régionaux, locaux ou autres pour faciliter, justement, l'accès, pour accélérer le processus de traitement des dossiers.

Il est bien évident que, pour respecter l'esprit de la loi actuelle et ce projet de loi là, s'il n'y a pas de modifications qui y sont apportées, les demandes formelles, officielles donnant ouverture à des recours devant la Commission d'accès doivent être adressées au responsable. Mais, si on pouvait innover avec la notion du répondant, on pourrait peut-être effectivement accélérer ces recours en évitant qu'une demande adressée à un répondant et qui a été rejetée, refusée doive être refaite, pour respecter l'esprit de la loi et pour ouvrir le recours, doive être refaite formellement, officiellement au responsable qui, lui, à nouveau, la refusera, mais, cette fois, selon les formes prescrites par la loi. (16 h 10)

C'est ce que nous avions repéré au moment de l'élaboration de notre mémoire, l'existence, la nomination d'un responsable et la suggestion d'ajouter un répondant. Nous avons aussi, dans ce mémoire, émis certains commentaires au niveau des infractions et des peines, des infractions générales, qu'on retrouve à la page 9. Notre questionnement était sur la tête de Turc qu'on vise lorsqu'on établit les infractions de responsabilité stricte. Nous en arrivions à la conclusion qu'on ne devrait pas tirer sur le chauffeur, tirer simplement sur le responsable, le répondant, s'il en est éventuellement, ou même le simple employé, alors que, dans le fond, l'autorité, le pouvoir décisionnel, ce n'est pas là qu'il se trouve, mais il se trouve dans la plus haute autorité de l'organisme.

Ce que nos réflexions additionnelles nous amènent à suggérer, qu'on ne retrouve pas dans le mémoire comme tel, ici, c'est peut-être un hybride, partant de ce que le projet de loi ici suggère et notre loi à nous, aux organismes publics. La Loi sur l'accès prévoit que le responsable de droit est la plus haute autorité de l'organisme. La Loi sur l'accès prévoit également que la plus haute autorité, le responsable de droit peut déléguer, et c'est ce qui se fait, en fait, dans la majorité des organismes. Malgré le fait qu'on ait, dans tous les organismes, un responsable délégué, il n'en demeure pas moins vrai qu'en bout de piste, l'autorité, la responsabilité de l'organisme appartient au responsable de droit.

La position que nous occupons, en tant qu'Association sur l'accès et la protection de l'information, nous a amenés à constater que - ce n'est pas fréquent maintenant, après 10 ans, évidemment, mais, malheureusement, ça existe quand même - certains organismes, certaines autres autorités vont être tentées de nommer un responsable délégué sans lui fournir les outils adéquats, sans lui fournir la possibilité d'acquérir ces outils, sans lui fournir la possibilité d'acquérir les connaissances appropriées et, en bout de piste, n'écouteront pas non plus les conseils, recommandations ou demandes faites par leur responsable délégué. Si on revient à la présente loi, où le responsable est effectivement l'équivalent d'un responsable délégué, parce qu'on ne

vise pas la plus haute autorité, c'est la plus belle façon, soumettons-nous, de créer des boucs émissaires désignés. L'entreprise privée étant ce qu'elle est, ayant une notion de profit, de rentabilité et d'efficacité, il n'est pas évident, à notre esprit, qu'on favorisera la formation, la latitude et le pouvoir du responsable, au même titre que la majorité des entreprises d'État l'ont fait au cours des 10 dernières années.

Nous soumettons qu'il pourrait être avantageux que la responsabilité de la loi, de l'application de la loi, générant des infractions de responsabilité stricte, soit attribuée à la plus haute autorité de l'organisme; que, dans un deuxième temps, cette plus haute autorité, ce responsable désigné par la loi puisse avoir le pouvoir de se nommer un responsable délégué qui, lui, ne serait astreint qu'à des responsabilités dites de «mens rea», dites d'établissement de faute volontaire, et, finalement, troisièmement, que ce responsable délégué puisse s'adjoindre des répondants, avec possibilité de lui déléguer certaines fonctions, certains pouvoirs pour accélérer le traitement des dossiers du justiciable, en bout de piste.

En conclusion sur cette présentation, on a entendu, depuis deux semaines, diverses interventions. Il est bien évident que, pour plusieurs entreprises, plusieurs intervenants, ce projet de loi peut sembler être un monstre qu'il faille abattre. C'est effectivement, peut-être, ce que plusieurs organismes d'État avaient comme sentiment, il y a une douzaine d'années, lorsqu'on était au niveau de l'étude de la loi sur l'accès et la protection. Pour un, personnellement, je n'étais pas très, très, très chaud, en 1982, lorsqu'on a vu apparaître cette loi. C'est la crainte de l'inconnu, c'est la crainte du nouveau, c'est évident.

Après 10 ans d'application, quelques années de rodage bien nécessaires, quelques années d'ajustement, l'Association en vient à la conclusion que la loi qui nous régit, nous, a été bénéfique, que les contraintes ou les inconvénients qu'on lui voyait - il y en a eu, qui sont encore fort probablement là pour nos dirigeants ou nos organismes - sont drôlement contrebalancés, «contre-équilibres» par la protection qui est maintenant accordée, à tout le moins au sein des entreprises publiques, à la vie privée des citoyens.

Face à ce monde où, en tant que citoyen, on est de plus en plus fiché, si on me permet cette espèce d'anglicisme, je pense qu'il est nécessaire, effectivement, qu'un projet de l'ordre du projet de loi 68 puisse être adopté, avec ses difficultés d'application, oui, mais qui ne sont pas insurmontables, l'entreprise gouvernementale l'ayant démontré.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Fortier. M. le ministre, vous avez maintenant une vingtaine de minutes.

M. Cannon: Merci, M. le Président.

M. Fortier, merci. Merci aux gens de l'Association sur l'accès. Ça me fait plaisir de vous retrouver aujourd'hui, d'autant plus que je me rappelle, au château Frontenac, lorsqu'on a présidé au lancement de cette Association, combien important pour la loi d'accès à l'information au niveau du secteur public... Et je pense que vos judicieux conseils, à la fin, quant à r«insurmontabilité» d'appliquer une loi, je pense qu'on a, depuis 10 ans, démontré que c'est possible et que, dans le secteur privé, on va pouvoir y arriver.

Je dois, au départ, vous signifier, évidemment, la grande expérience et les connaissances que vous possédez comme association, particulièrement à titre de responsable des renseignements personnels dans le secteur public. L'ensemble des recommandations que vous avez proposées sont susceptibles, à mon avis, d'améliorer le projet de loi 68. Vous me permettrez peut-être de discuter de quelques articles. Mon attention est attirée à l'article 11. Je voudrais vous rassurer. On est prêt à le retravailler, mais nous parlons ici d'obligation de moyens plutôt que d'obligation de résultats. Lorsque nous avons inclus dans le texte les termes «doit veiller», c'était, pour nous, une indication qu'il s'agissait là d'une obligation de moyens et que, deuxièmement, on est préoccupé par le fait d'obtenir des informations sur autrui exactes et complètes pour servir à l'objet de leur constitution, donc, au moment de la prise de décision. Je sais qu'il y a beaucoup d'associations patronales qui se sont préoccupées de cette chose-là, lançant en l'air leurs mains, en disant: Mais c'est absolument impossible, cette tâche gigantesque, de nous rendre aux obligations que vous nous imposez! Alors, à vous, je le dis, c'est une obligation de moyens, ici. Il faut refaire le texte, le resserrer pour qu'il puisse indiquer clairement ce que nous, comme législateurs, nous pensons. Nous allons le faire.

Il y avait l'autre point qui touche l'article 25, et vous avez complété sur l'article 25 du projet de loi à l'égard de celui ou celle qui a la responsabilité d'assurer la protection des renseignements. J'ai écouté attentivement vos commentaires là-dessus. À votre opinion, qui devrait être, dans une entreprise, la personne fondée, désignée officiellement par la loi pour assumer cette fonction-là? (16 h 20)

M. Fortier: Évidemment, ce que nous connaissons, nous, c'est les entreprises gouvernementales où on a désigné le responsable de la loi, la plus haute autorité de l'organisme. Notre premier réflexe est effectivement, même pour l'entreprise privée, de nous rabattre sur la plus haute autorité dans l'organisme. Par contre, nous sommes bien conscients que, dans l'entreprise privée, il y a certains organismes dont la plus haute autorité se trouve peut-être à Tombouctou

ou à Zanzibar, ce qui devient plus difficile à rendre contraignable au sens de la loi. Il faudrait donc peut-être trouver une façon de l'attribuer à la plus haute autorité de l'organisme au Québec, de notre juridiction, que ce soit la filiale ou autre. Mais nous demeurons d'opinion que ce doit être le premier le responsable, la plus haute autorité de la boîte, là, qui aura le pouvoir du «black box», mais la plus haute autorité restant ici, au Québec.

M. Cannon: En tant que juriste, Me Fortier, vous nous suggérez de l'écrire comme ça?

M. Fortier: Pas tout à fait. M. Cannon: O.K.

M. Fortier: Je ne parle pas en tant que juriste, pour l'instant.

M. Cannon: Peut-être sur un autre point. Vous avez beaucoup d'expérience avec la Commission d'accès à l'information. Je sais qu'il y a eu des inquiétudes, enfin des inquiétudes tantôt fondées et peut-être tantôt moins fondées, sur la nécessité de bien encadrer l'action ou le travail de la Commission d'accès à l'information, d'abord comme adjudicateur, comme responsable de la communication, parfois comme médiateur, parfois comme fournisseur d'informations, etc. Il y a un certain nombre de rôles qu'on veut faire jouer à la Commission d'accès à l'information. Est-ce que vous vous êtes penchés sur cette chose-là? Comment pourrions-nous modeler la Commission d'accès pour éviter ce que certains appellent des conflits d'intérêts potentiels au niveau de la prise de décision, dans certains cas, par rapport à une conciliation ou à un rôle d'information ou de médiation?

M. Fortier: En fait, nous avons quand même l'expérience de la Commission depuis 10 ans. Je ne crois pas qu'on retrouve plus de cadres rigides face à la Commission d'accès à l'information dans la loi qui nous régit, nous, versus le projet de loi actuel. La Commission, au cours des 10 dernières années... Bon, des fois on s'est frictionné à elle, on s'est frotté, mais, malgré toutes les réserves que j'ai pu avoir au début, je dois dire que, jusqu'à ce jour, elle a fait son travail professionnellement, quel que soit le chapeau qu'elle portait. Ce n'est pas non plus la première commission qui porte 2 ou 3 chapeaux différents et qui accomplit ses devoirs avec honnêteté et éthique, disons-le. Ça n'empêche pas parfois de ne pas être toujours d'accord avec ce qu'elle dit ou ce qu'elle fait, mais, moi, à ce stade-ci, je serais porté à dire: Bien, allons-y; une loi, ça se modifie, si la Commission charrie. Mais l'expérience passée ne démontre pas que la Commission charrie. Alors, je serais porté à dire d'y aller comme ça. S'il faut éventuellement la restreindre plus, bien, on amendera la loi. J'ai mon collègue qui aimerait ajouter un mot.

M. Juneau (Richard): Juste renchérir un peu sur le rôle de la Commission. Effectivement, je pense que ce qui sera drôlement important, c'est les moyens qu'elle aura pour faire son travail. Depuis le temps qu'elle est en place, elle fait un travail... M. Fortier le mentionnait, au niveau de l'éthique, tout ça, oui, mais, lorsqu'on parle d'information et de communication en matière d'application de cette loi-là, moi, en tout cas, j'ai, à certaines occasions, eu des réserves. À titre de responsable dans les organismes publics, souvent nous sommes les gens qui avons à former le personnel pour la protection des renseignements personnels. Je me suis aperçu, au cours de mes années, au moins huit ans que je m'occupe d'accès dans les organismes publics, que nous sommes ceux qui informons le personnel sur la protection et la notion de renseignements personnels, et on prend souvent des exemples de compagnies externes. Tout le monde connaît les cas qu'on prend lorsqu'on fait de la formation en accès ou en protection de renseignements personnels. J'ai trouvé qu'on a peut-être fait, auprès de la population en général, comme responsable d'accès, parce que nos employés dans nos organismes sont là, une bonne diffusion ou, en tout cas, on a sensibilisé les gens à la protection des renseignements personnels. Ce rôle-là, la Commission l'a fait du mieux qu'elle a pu avec les moyens qu'elle avait. Le ministère a effectivement fait un travail là-dedans, mais je pense que, pour l'ensemble des citoyens, il va falloir mettre un petit peu plus de bouchées doubles.

On en parle depuis deux semaines. On sait que ça fait un bout de temps, mais, la loi 65, elle existe depuis 10 ans. Mais ça va comme ça. Alors, il y aura peut-être à donner moyen pour que la communication, pour que l'information se rende aux gens.

M. Cannon: Peut-être une dernière question, M. Fortier, qui concerne l'article 17, paragraphe 6°. Vous dites que cette disposition cause des difficultés dans le secteur public lorsque la sécurité du public est en danger et qu'il serait judicieux d'ajouter les mots «ou la sécurité d'autrui par la personne concernée». Pourriez-vous expliciter davantage cette idée-là?

M. Fortier: En fait, ce qu'on a vu dans cet article, c'est justement la possibilité de communiquer à une personne qui est un tiers des informations parfois hautement sensibles sur une personne dont la vie est en danger. Bon. Jusque-là, ça va. Je n'ai aucun problème. J'ai un suicidaire sur le bord de l'édifice ici, que son psychiatre, son psychanaliste communique au policier en devoir, qui va essayer de le faire descendre de là, l'information sur son état

psychologique, je pense que c'est clair, c'est une application claire de l'article. Mais, si, au lieu d'un suicidaire, on a une prise d'otage et qu'on a affaire alors à un kidnappeur, entre guillemets, on n'est plus dans le cas de 17, paragraphe 6°, ici, pour donner de l'information peut-être à un tiers qui ne sera pas policier autorisé à recevoir l'information. Je pense à ce qu'on voit souvent, un médiateur du type Claude Poirier qui peut être appelé à faire de la médiation dans ce dossier. Là, c'est la sécurité, c'est la vie d'autrui qui est en danger. L'information est détenue sur la personne concernée, mais on ne pourrait pas la divulguer parce que M. Poirier, lui, n'est pas autorisé à recevoir cette information-là. Par contre, c'est peut-être la personne qui va dénouer l'impasse.

M. Cannon: Vous dites, là, d'élargir un peu la disposition.

M. Fortier: Dans ce cas-là, élargir légèrement la disposition lorsque c'est la sécurité d'autrui ou du public qui est en danger.

M. Cannon: O.K. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.

M. le député de Pointe-aux-Trembles, pas d'intervention? Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez la parole.

M. Libman: Bienvenue à notre commission. Je veux parler des articles 21 et 23. Vous soulignez un problème très important, ici, dans la loi. On donne l'impression qu'il y a une personne qui possède une seule liste et que c'est facile pour quelqu'un de corriger cette petite erreur, mais vous dites avec raison... Vous parlez également de la liste maîtresse ayant donné naissance à cette sous-liste et de toute autre sous-liste générée par la liste maltresse.

Idéalement, ce sera ou c'est l'objectif de cette loi de donner à quelqu'un la possibilité d'enlever son nom de toutes les listes en circulation. Mais comment vous voyez pratiquement que ce que vous suggérez pourrait marcher, votre suggestion, ici?

M. Fortier: En fait, l'idée qui est sous-entendue ici, c'est peut-être ce qu'on vit tous à un moment ou à un autre, c'est le téléphone qui sonne un soir chez vous qui est du télémarketing: M. Fortier, on veut vous vendre une paire de chaussettes, ou quoi que ce soit d'autre. Évidemment, le projet de loi, actuellement, prévoit qu'on pourrait, à ce moment-là, dire au «télémarketeur»: Raie mon nom, je ne veux plus que vous m'appeliez. Nous, ce qu'on suggère, c'est qu'au surplus, à partir du moment où on dit à ce démarcheur-là: Raie mon nom, lui-même doit faire le nécessaire, devra faire le nécessaire pour faire remonter l'information, retourner l'information à celui qui a vendu la liste et, à partir de là, celui qui a vendu la liste devra la rayer et devra la faire rayer des sous-listes vendues.

Tous ces noms-là viennent d'une liste quelque part. On le retrouve de deux façons. On le retrouve aussi du point de vue - vous excuserez l'anglicisme - de ce qu'on appelle le «junk mail» qu'on retrouve tous dans nos boîtes à lettres. Encore une fois, c'est la même chose. Notre nom a été vendu à un fabricant de listes quelque part qui, lui, l'a vendu. Ce n'est pas moi qui ai demandé d'avoir mon nom là. Ce n'est pas moi qui ai consenti. Or, à partir du moment où je rejoins l'un de ceux qui me harcèlent et que je lui dis: Raie et fais rayer, c'est lui qui devrait avoir la responsabilité de remonter. Je comprends, vous allez me dire: Bien, de quelle façon on peut le contrôler ou l'appliquer?

M. Libman: La complexité de tout ça est énorme.

M. Fortier: Mais il y a des façons, à un moment donné. Si, au bout de un, deux, trois mois, je continue à recevoir de l'information qui provient de la même liste - et ça, il y a éventuellement des façons de le reconnaître - bien, ce sera peut-être un des devoirs de la Commission de prendre les mesures nécessaires, au même titre qu'elle débarque chez moi, à l'occasion, si elle a reçu une plainte d'un citoyen à l'effet que j'aurais transgressé la loi.

M. Libman: Mais, en effet, c'est une complexité énorme, vous avez raison, que cette commission doit examiner, je pense, parce que ça commence toute une série... un effet de dominos. Une fois que votre nom est sur une liste, ça déclenche toutes les autres listes. Je n'ai aucune idée, à ce moment-là, comment ça pourrait marcher pratiquement, même votre suggestion, parce que, quand vous recevrez un appel de télémarketing, un soir, par quelqu'un qui a été engagé seulement pour faire un appel, quel accès est-ce que cette personne aura à toutes les autres listes qui sont en circulation, et même l'autre instance de leur compagnie pour savoir l'origine, d'où ils ont reçu votre nom, si vous comprenez ce que je veux dire?

M. Fortier: C'est bien évident que c'est excessivement complexe. C'est peut-être une utopie, j'en conviens. Je ne crois pas qu'il faudrait à ce stade-ci retarder l'adoption de cette loi pour cette problématique, mais nous tenions à la soulever. Nous tenions à soulever qu'elle existe et qu'à un moment ou l'autre il faudra peut-être s'y pencher parce que, d'une façon ou de l'autre, c'est un problème qui va aller en s'amplifiant avec les années, c'est bien évident. (16 h 30)

M. Libman: Est-ce que vous suggérez, par exemple, que chaque organisme qui sollicite votre nom, si c'est une revue ou une compagnie qui vend des listes, doive demander à la personne qui s'abonne à ce moment-là si elle veut cocher une boîte, par exemple, pour donner la permission à cette compagnie d'origine de vendre la liste? Ça c'est une démarche qui pourrait être légiférée par l'Assemblée nationale, par exemple.

M. Fortier: Ça, ça peut être une première étape, mais la loi prévoit qu'on peut malgré tout, quand même, constituer des listes. Il y a des façons simples d'en constituer, à tout le moins pour le télémarketing, en jouant simplement avec l'annuaire téléphonique. Il suffit de le prendre et d'installer quelqu'un sur la saisie de données et on va monter une liste de télémarketing qu'on pourra vendre à n'importe qui. Et ça, je n'aurai ni consenti ni refusé, parce que j'accepte quand même que mon nom soit dans l'annuaire téléphonique. Et ce n'est pas nécessairement Bell Canada qui va donner une copie de sa disquette avec mon nom dessus. N'importe qui peut la reconstituer, cette liste-là.

Ce qu'on dit, c'est qu'à partir du moment où on permet par la loi que, pour des fins, ça puisse être fait, parce que, d'un autre côté, on dit: Si vous le faites et que le citoyen que vous harcelez en l'utilisant vous dit: Je ne veux plus que vous me harceliez, vous devrez cesser de le faire... C'est ça qu'on dit dans le fond. Bien nous, on dit, on va plus loin que ça: si celui qui harcèle n'a pas constitué la liste, l'a achetée, bien, il faudra qu'il prévienne son vendeur pour que le vendeur fasse la correction. Mais, évidemment, c'est une problématique, on en est conscients, de vérification après; de quelle façon on va donner des dents à ces aspects-là? C'est pour ça qu'on dit que c'est peut-être une utopie, ce n'est peut-être pas nécessaire de retarder l'adoption de la loi pour modifier et trouver la bonne recette, mais il faudrait le garder parce que, éventuellement, il va falloir amender pour ça.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Fortier.

M. Libman: II faut juste examiner une mécanique sur...

Le Président (M. Gobé): M. le ministre.

M. Cannon: Oui. C'est simplement pour dire qu'un jour, vous pouvez refuser telle sollicitation par voie de télémarketing, mais rien ne me dit que le lendemain vous n'avez pas changé d'idée. C'est pour ça, là, il faut...

M. Fortier: Ça, je suis bien d'accord.

M. Cannon: II faut toujours que vous ayez cette possibilité.

M. Fortier: Ça, je suis d'accord. Je suis d'accord que je peux dire à un: Ne me sollicitez plus, vous, et arrêter là. Mais je peux vous dire: Ne me sollicitez plus, et je ne veux plus qu'on m'appelle, et prévenez l'auteur de votre liste.

M. Cannon: O.K.

Le Président (M. Gobé): M. Fortier, j'aurais peut-être une...

M. Libman: M. le Président...

Le Président (M. Gobé): M. le député, oui, allez-y.

M. Libman: J'aimerais avoir vos opinions sur les inquiétudes de certaines entreprises à cause de l'article 103, l'obligation de contacter chaque personne. Est-ce que vous êtes sensible à leurs préoccupations? Il y a la question s'ils doivent contacter chaque personne par écrit ou par téléphone. Quelle est votre réaction à trouver peut-être une ligne d'équilibre entre ces préoccupations et l'importance de cet article?

M. Fortier: Je vous dirai qu'en tant que représentant des responsables ça ne m'a pas outré outre mesure, on ne s'est pas penchés là-dessus, parce que, en tarit que responsables, on n'a pas de problématique avec cet article. Si vous me demandez mon opinion en tant que justiciable, je vais vous dire: Bravo a cet article!

M. Libman: Sûrement, ça, je comprends bien, sauf que nous essayons de trouver la ligne d'équilibre pour satisfaire l'esprit de la loi mais, en même temps, ne pas imposer un fardeau trop lourd à certaines entreprises. Si votre position sur la loi est d'essayer de trouver une façon d'améliorer cette loi, même pour les entreprises, quelle façon pouvez-vous suggérer?

M. Fortier: Par une déclaration de fichier au public; mais, encore là, ce n'est pas nécessairement le but exact poursuivi par 103. On ne s'est pas penchés sur cette problématique qui, pour nous, n'en est pas une. Je comprends que c'en est une pour certaines entreprises privées, j'en suis, mais, pour nous, ça n'en est pas une.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Libman, M. le député.

M. Fortier, on parlait de sollicitation téléphonique. Vous savez que les listes- Oui, monsieur, je vous passe la parole dans une minute, M. le député. Les listes téléphoniques dont vous parliez sont confectionnées bien souvent à partir de l'annuaire téléphonique, et on sait que, pour ne pas être dans l'annuaire téléphonique, il faut payer pour que notre nom n'apparaisse pas. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il pourrait être intéressant que la décision du

citoyen d'être ou de ne pas être dans l'annuaire téléphonique soit gratuite? Ça ne faciliterait pas, à ce moment-là, le libre choix d'être dérangé par des solliciteurs ou de ne pas être dérangé?

M. Fortier: Je pense que ce serait effectivement une bonne façon de faciliter le libre choix puisque, pour un, je trouve aberrant que, parce qu'on veut protéger notre vie privée, on doive payer plus cher que les autres.

Le Président (M. Gobé): 4 $ par mois. M. Fortier: Voilà!

Le Président (M. Gobé): M. le député de Richelieu.

M. Khelfa: Merci, M. le Président.

Me Fortier, il m'a semblé comprendre qu'il pourrait y avoir un marché de listes, de vente et d'achat de listes de noms. Pouvez-vous nous expliquer qui est l'acheteur, qui est le vendeur et comment ça se fait?

M. Fortier: mon doux, l'acheteur et le vendeur... l'acheteur est toute personne voulant acheter un produit, que ce soit par la poste ou par téléphone.

M. Khelfa: Mais le vendeur?

M. Fortier: Le vendeur, bien, c'est celui qui est assez fin pour se constituer une liste à quelque part. C'est de la libre...

M. Khelfa: Mais qui peut la constituer?

M. Fortier: N'importe qui peut constituer une liste. N'importe qui peut constituer une liste à partir de l'annuaire téléphonique, entre autres, et ça, on le retrouve fréquemment.

M. Khelfa: Équifax peut la constituer et la vendre?

M. Fortier: Équifax pourrait théoriquement, à partir de la liste des gens qui sont dans son système, constituer une liste. Les cartes de crédit. Quelle est l'idée de base? La plupart des marchands, de plus en plus, lorsque vous payez avec votre carte de crédit, vous demandent votre numéro de téléphone. Je m'excuse, ils n'ont pas à avoir ça; ce n'est pas nécessaire. C'est peut-être pertinent pour eux, mais ce n'est pas nécessaire; et pourquoi est-ce pertinent, maintenant? Je dis que ce n'est pas nécessaire parce que, si ma carte fonctionne dans sa «chick-chick», bien, elle est bonne. C'était peut-être nécessaire il y a 10 ans, parce qu'on n'était pas capable de vérifier si la marge de crédit était atteinte, mais, maintenant, quand on passe la carte de crédit dans l'électronique, que l'ordinateur central dit:

Oui, la carte de crédit de Jocelyn Fortier est bonne; oui, j'autorise son achat à 50 $, parce qu'il n'a pas défoncé sa carte, il n'a pas atteint sa marge, et que du même souffle on me dit: Signez avec votre numéro de téléphone, je ne le donne pas.

Pourquoi est-ce pertinent pour le marchand, ou pourquoi est-ce pertinent pour Visa ou un autre? Parce qu'à partir de là, avec votre numéro de téléphone, le type d'achat ou le magasin où vous avez acheté et votre nom, on vient de savoir quelle sorte d'acheteur vous êtes. On vient de définir que vous êtes peut-être un acheteur de jouets d'enfant. Donc, si vous êtes un acheteur de jouets d'enfant régulièrement, vous avez probablement des enfants. Donc, vous êtes peut-être un acheteur de couches, aussi; et, à partir de là, on va remonter la chaîne, et c'est comme ça qu'on se constitue des listes. Qui vend des listes? Visa vend des listes. MasterCard vend des listes. American Express vend des listes. Le Barreau du Québec, probablement. Il n'y a rien qui contrôle ça.

Une voix: Le Barreau, oui, oui, c'est clair.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. Fortier.

Une voix: Sauf l'Association sur l'accès. M. Khelfa: Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Fortier, merci.

M. Fortier: Effectivement, j'oserais dire que les seuls qui ne vendent pas de listes, d'après ce que j'en sais, c'est nous, actuellement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Khelfa: Est-ce que vous en avez l'intention?

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Fortier: De vendre notre liste? Absolument pas. Et, d'ailleurs, vous remarquerez qu'on applaudit au fait que la loi s'applique aussi à nous, puisque, de toute façon, implicitement, on l'applique, actuellement. Nous sommes très jaloux de la protection de notre liste de membres.

M. Khelfa: Merci, M. Fortier.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Richelieu.

M. le ministre, vous avez la parole. (16 h 40)

M. Cannon: Peut-être, en terminant, une autre question à M. Fortier et aux gens de l'Association. Je sais que l'Association est

relativement jeune - par contre, beaucoup d'expérience - et que cette Association vise à regrouper les gens qui s'occupent de la protection des renseignements dans le secteur public. Cependant, ce matin, M. Fortier, les collègues ont eu l'occasion d'entendre un groupe d'information sur le logement qui est venu nous distribuer une fiche qui s'intitule «Demande de logement». À la blague, mon collègue de Pointe-aux-Trembles et moi, on voulait savoir si cette Société en question, qui s'appelle la Société d'habitation et de développement de Montréal, tombait sous l'empire de la loi d'accès. Or, comme préambule, tout à l'heure, j'indiquais que oui, elle tombe sous l'empire.

Moi, j'aurais un voeu à formuler, puisque, à la lecture de cette demande-là, je m'aperçois qu'on pose des questions qui touchent la nationalité des individus, on pose des questions qui touchent le numéro d'assurance sociale, qui touchent le permis de conduire, qui touchent l'état civil. Or, ce sont là des renseignements qui ne sont pas pertinents, qui ne sont pas nécessaires à une prise de décision pour qu'un individu puisse ultérieurement avoir un logement décent et raisonnable dans la région de Montréal. Alors, ma suggestion très simple, M. le président de l'Association: Vous est-il possible de parler à ces gens-là, ou même de demander à ce qu'il y ait quelqu'un, je pense que c'est Me François... C'est qui, Michel, que je t'avais donné?

Une voix: Qu'il fasse une plainte devant la Commission.

Une voix: Me François Houde.

M. Bourdon: C'est ça, François Houde.

M. Cannon: François Houde. Que quelqu'un fasse une plainte devant la Commission pour qu'on puisse au moins, là, avancer de ce côté-là.

M. Fortier: Je serais même porté à vous dire, M. le ministre, que fort probablement on n'indique même pas ce qu'on va faire avec ces renseignements-là et quelle en est l'utilité, pourquoi on les demande à rencontre de la loi. Et, à 99 contre 1, ce n'est pas le seul organisme qui fait ça, parce que j'ai déjà piqué moi-même...

M. Cannon: Exact.

M. Fortier: ...des colères en assistant à certains événements ou autres où des organismes, aussi couverts par la loi, me demandaient des choses comme mon numéro d'assurance sociale en me disant: C'est pour aller chercher une subvention. Ça n'a aucun rapport. C'est pour ça qu'on est là.

M. Cannon: Alors, on va continuer le travail de l'Association.

M. Fortier: C'est pour ça qu'on est là, pour essayer de former les gens. C'est pour ça que je vous disais tout à l'heure aussi que, s'il doit y avoir quelque part des infractions de responsabilités strictes à accorder, c'est à la plus haute autorité. Si ces gens-là, si le responsable qui a laissé passer ce questionnaire-là l'a laissé passer, c'est pourquoi? Parce qu'il n'est pas formé? Parce qu'il n'a pas assisté à nos activités? Parce qu'il ne s'est pas payé un cours à l'ENAP? Ou parce qu'il l'a dit et que son patron l'a envoyé promener? Je ne sais pas. Mais, si le responsable avait été formé, saisi de cette problématique, s'il connaissait toute l'ampleur des devoirs qui lui sont imposés par la loi, vous n'auriez pas ce formulaire-là, si son patron ne le bloque pas. Et c'est là qu'on en arrive, effectivement, à la responsabilité de la plus haute autorité, parce que, même si le responsable fait sa job, s'il dit à son patron: Ça ne peut pas être fait, voici mes recommandations, si le patron dit non, bien, il va s'écraser, le responsable.

M. Cannon: Alors, est-ce qu'on se donne rendez-vous à l'occasion de la révision de la loi d'accès, secteur public?

M. Fortier: Vous pouvez être assuré que nous serons présents.

M. Cannon: Je vous promets que ma première question, justement, portera là-dessus. Ha, ha, ha!

M. Fortier: Excellent, on en prend bonne note.

M. Cannon: O.K.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Fortier. Merci, M. le ministre.

Ceci met donc fin à votre témoignage, à votre intervention. Je vous remercie et je demanderais maintenant aux représentants du Bureau d'animation et information logement du Québec métropolitain inc. de bien vouloir venir se présenter. Je vais suspendre les travaux pour ce faire, pour une minute.

(Suspension de la séance à 16 h 44)

(Reprise à 16 h 45)

Le Président (M. Gobé): II nous fait plaisir d'accueillir les représentants du Bureau d'animation et information logement du Québec métropolitain. Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter et, par la suite, vous pourrez commencer votre témoignage ou votre intervention.

Bureau d'animation et information logement du Québec métropolitain inc. (BAIL)

M. Cusson (Denis): Bonjour. Mon nom, c'est Denis Cusson, je suis coordonnateur au Bureau d'animation et information logement. À ma droite, ma collègue, Nicole Dionne, qui est coordonnatrice à l'organisation et aussi responsable particulièrement du dossier de la discrimination et du harcèlement à l'endroit des locataires, et des femmes en particulier.

Mme Dionne (Nicole): Bonjour.

Le Président (M. Gobé): Vous pouvez commencer votre intervention.

M. Cusson: Le mémoire étant relativement bref, nous allons en faire une lecture non pas exhaustive, mais en reprenant de façon assez systématique les éléments du dossier du mémoire, étant donné que de notre côté, on n'a pas... Il nous apparaît que, si on veut protéger adéquatement les renseignements personnels, ce n'est pas en établissant une série de mécanismes de contrôle qu'on va assurer une protection, mais plutôt peut-être en réglant le problème à la source, soit dans la collecte elle-même des données.

Mais, d'abord, qu'est-ce qui fait qu'on arrive à cette conclusion-là? C'est en regardant quelle est la situation du logement au Québec et dans quelle mesure la loi 68 peut s'y appliquer. On reconnaît que le logement au Québec est une question fondamentale, même si ce n'est pas reconnu dans la Charte québécoise des droits comme étant un droit du citoyen comme tel, le droit au logement. Ça n'apparaît pas non plus dans la Charte canadienne des droits de la personne. Par contre, être locataire, c'est rarement un choix individuel que les gens font. On se retrouve locataire souvent par obligation plus que par choix.

Donc, si on regarde la situation de qu'est-ce qu'un locataire à l'heure actuelle dans la région de Québec, on constate que consacrer 25 % de ses revenus au logement, c'est le cas de la moitié des ménages locataires. Consacrer plus de 50 % de ses revenus, c'est une situation régulière quand on est une personne âgée ou quand on vit de l'aide sociale. C'est aussi faire face à du harcèlement et à de l'intimidation quand on est une femme ou une personne âgée. C'est aussi faire à de la discrimination quand on est une femme chef de famille, quand on est un jeune, quand on est une personne à faibles revenus ou sans revenu de travail. Donc, quand on est pauvre, on se retrouve souvent avec des logements qui sont en voie de «taudification».

La discrimination est souvent cachée sous le couvert de la solvabilité. Le logement étant un bien essentiel, le jeu de la concurrence ne joue pas de la même façon. On est en présence d'une monopolisation des logements entre les mains d'une poignée de gros propriétaires immobiliers. À titre d'exemple, pour la ville de Charlesbourg, 10,7 % des propriétaires possèdent la moitié du stock de logements de Charlesbourg. À eux seuls, 1,9 % des propriétaires possèdent 22 % du stock de logements. Entre les mains de 28 propriétaires, nos 10 %, on peut se donner les règles du jeu qu'on veut bien pour faire marcher le marché immobilier du logement dans la ville de Charlesbourg.

Le droit au logement doit être reconnu et protégé par une législation et une réglementation sévères. Le locataire doit avoir le droit de louer le logement convoité sans avoir à traîner le boulet de sa condition sociale, à s'inventer un conjoint, un emploi ou même à cacher ses enfants. Depuis 10 ans déjà, des banques d'informations spécifiques sur les locataires ont été créées par différentes associations de propriétaires immobiliers. Ces banques d'informations, que les instigateurs ont qualifié de «banques de bons locataires», ne sont rien d'autre qu'un moyen pour faire de la discrimination sous le couvert de la solvabilité du locataire.

La Charte des droits de la personne, par les articles 10 et 12, interdit formellement la discrimination, que ce soit fondé sur la race, la couleur, le sexe, pour raison de grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, la religion, etc. Par contre, les propriétaires immobiliers ne diront jamais: Je ne veux pas d'assistés sociaux, je ne veux pas d'enfants ici. On fait plutôt remplir une fiche de renseignements personnels qui s'appelle parfois «Demande de location», comme vous pouvez le voir en annexe et comme vous en avez discuté tantôt par rapport à la SHDM. La solvabilité n'est définitivement qu'un faux prétexte quand, de l'aveu même d'une agence de recouvrement, 78 % de leurs dossiers sont constitués de personnes ayant un emploi et que 42 % des propriétaires précédents avaient affirmé que leur ancien locataire payait bien son loyer.

Qu'ont donné, donc, les recherches de solvabilité? C'est que, finalement, on s'est basé sur le fait que - vous avez en annexe un article tiré d'Habitabec - on a loué un logement parce que c'était un homme qui faisait la demande de location, parce qu'il travaillait. On n'a pas, à mon sens, cherché à vérifier, effectivement, la solvabilité des personnes en question. (16 h 50)

La collecte d'informations personnelles pour la location d'un logement étant assurément un moyen pour camoufler la discrimination, nous croyons que le projet de loi devrait explicitement interdire la demande de collecte et la collecte d'informations pour les besoins de location de logement.

La loi, un pompier qui arrivera toujours trop tard. Le projet de loi comporte des éléments fort intéressants pour la protection des citoyens

et des citoyennes. Nous pensons particulièrement aux articles 5, 8, 11, 28 et 40. Toutefois, dans un domaine comme le logement locatif, les délais dans les recours jouent en faveur des contrevenants. Nous avons besoin d'une action directe et immédiate. Après un an et demi, à la sortie du jugement, le logement ne sera assurément plus disponible. Il ne faut pas oublier que la discrimination se fait surtout à l'endroit des personnes démunies économiquement ou socialement. Les tribunaux, qu'ils soient judiciaires ou administratifs, et les organismes gouvernementaux ne jouissent pas de la cote d'amour du peuple, des gens à faibles revenus.

À lui seul, l'article 8 devrait éliminer toute discrimination en matière de logement, et même rendre la collecte d'informations personnelles totalement inutile, sauf si le propriétaire immobilier veut jouer avec le dernier bout de phrase à l'alinéa 1, qui nous dit: «...sauf [...] s'il est pertinent à la conclusion et à l'exécution du contrat», argument que le propriétaire va utiliser, justement, pour dire que: Oui, ça me prend le numéro d'assurance sociale; oui, ça me prend le numéro de ci et de ça; ça me prend des informations personnelles pour pouvoir conclure le contrat.

Par contre, l'alinéa 2 nous dit: «En cas de doute, un renseignement personnel est considéré non pertinent.» Donc, le locataire peut considérer que le renseignement demandé est non pertinent. Sauf que, est-ce qu'ici le propriétaire va louer quand même le logement ou pas? Nous croyons qu'il reviendra aux locataires qui vont se faire refuser un logement de faire appel à la Commission, malgré l'alinéa 2. Le propriétaire ne consentira jamais un logement pour ensuite faire lui-même la demande à la Commission afin de prouver qu'il est en droit de demander certaines informations personnelles; le locataire sera donc privé de son logement. Quels seront les recours du locataire? Pratiquement aucun. Au plus, la Commission dira, par son article 51, alinéa 2, «de cesser ou de s'abstenir d'accomplir un acte», donc, de dire au propriétaire: Vous allez arrêter de demander le numéro d'assurance sociale. Mais ça ne donne pas plus le logement au locataire.

Le locataire qui s'est vu privé de ce logement ne pourra même pas avoir de recours en dédommagement puisque le propriétaire n'a exercé aucune discrimination officiellement, étant donné que le fait de demander un renseignement personnel, ce n'est pas exercer de la discrimination, étant donné que le renseignement sert à masquer la discrimination. À titre d'exemple, à la Commission des droits de la personne de Québec, il est extrêmement difficile de réussir à franchir la frontière du préposé à la réception des plaintes, dans le sens que, là aussi, il y a une sensibilisation à faire à la Commission, à Québec, sur qu'est-ce qui est une discrimination. Ce n'est pas gagné. On y travaille, mais ce n'est pas gagné.

La question quiz qui se retrouve aujourd'hui, c'est: Qui fera la cause type en matière de logement? La protection apparente des citoyens et des locataires, en particulier, est considérablement amoindrie par l'article 12 qui indiquera aux commerçants et aux propriétaires immobiliers la voie à suivre pour faire fi de l'esprit de la loi. Notre article 12 dit ceci: «Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu'il détient sur autrui ni les utiliser à des fins incompatibles avec celles de l'objet de la constitution du dossier, à moins que la personne concernée n'y consente ou que la présente loi le prévoit.» On donne ainsi l'échappatoire nécessaire au propriétaire pour pouvoir transmettre à un tiers des informations. Cette échappatoire est déjà utilisée par les propriétaires dans des demandes de location comme vous avez en annexe 1 où c'est carrément marqué: J'autorise qu'une enquête de crédit soit faite sur moi par l'association du propriétaire. Donc, par cet ajout-là, on se défile de l'esprit de la loi avec l'article 12, s'il y a un consentement volontaire du locataire.

Contrôler l'échange d'informations ou contrôler la collecte d'informations. Le meilleur moyen de protéger les citoyens et citoyennes contre la divulgation de renseignements personnels, c'est d'abord et avant tout en limitant la collecte d'informations. Le projet de loi 68 s'attaque essentiellement à la divulgation d'informations. Il nous apparaît un voeu pieux de tenter de contrôler l'échange et la divulgation d'informations. On ne fait que s'attaquer à des mécaniques, et vous savez fort bien que ces mécaniques peuvent être contournées de multiples façons. Vous en avez prévu une par l'article 12 qui est déjà utilisée par les propriétaires immobiliers, et même utilisée, je dirais, par le club Columbia, le club de disques Columbia; quand on devient membre du club de disques, on reçoit le contrat par la suite où c'est carrément marqué: J'autorise le club Columbia à vendre la liste des membres à d'autres organismes. Mais le contrat, on le reçoit après avoir payé 1,99 $ pour avoir des disques à moitié prix. Donc, encore là, on a des contrats prévus où le désistement, il est déjà indiqué, et on n'a finalement rien à dire après ça.

Il y a 30 ans, personne n'avait besoin de donner son numéro de compte bancaire, son numéro d'assurance sociale, son numéro de permis de conduire pour louer un logement. Comment se fait-il qu'aujourd'hui il faille donner tout cela à chaque fois que l'on veut seulement visiter un logement? Avant même de signer notre contrat, on nous demande toutes ces informations-là. Est-ce que les gens étaient plus solva-bles il y a 30, 40, 50 ans? Ce n'est pas évident.

De tout temps, on sait qu'il y a des personnes qui sont pauvres, d'autres qui sont riches. Aujourd'hui, l'immobilier est un moyen de faire de l'argent rapidement et facilement. Tous les

moyens sont bons: la discrimination et l'intimidation sont les plus utilisés. Demander des renseignements personnels pour louer un logement n'a d'autres fins que d'exercer une discrimination à l'endroit des personnes qui ne cadrent pas dans le profil du locataire que recherchent les propriétaires immobiliers. On demande donc que le projet de loi interdise formellement la demande d'informations personnelles pour la location d'un logement.

On va vous remettre un document qu'on a reçu après avoir fait parvenir le mémoire, qui va vous éclairer en même temps sur d'où vient le fait que la SHDM utilise une fiche de renseignements, comme il a été présenté ce matin, pour avoir de l'information sur les locataires. La feuille qu'on vous transmet, c'est une correspondance que la CORPIQ, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, fait parvenir à tous les propriétaires et même à des coopératives d'habitation. C'est via une coop d'habitation qu'on a pu obtenir ce renseignement qui nous vante les mérites du bail type de la CORPIQ. À cette heure, étant donné que la Régie du logement vend maintenant le bail, les propriétaires ont décidé de mettre sur pied leur propre bail, ce qui revient, selon la publicité, à être beaucoup moins coûteux que d'utiliser celui du gouvernement: la CORPIQ le vend à 1 $ pour deux copies tandis que le gouvernement le vend à 1,75 $ plus TPS.

Dans cette fiche, ce bail CORPIQ, on peut voir que le bail, ce n'est pas seulement que la description des lieux loués, mais on demande une série d'informations. Ce qui est intéressant dans le document, c'est qu'on nous indique le pourquoi qu'on nous demande toutes ces informations, et on peut se rendre compte que le seul objectif d'utiliser cette série d'informations, c'est au cas où le locataire déguerpirait ou qu'il serait en manque de paiement.

Donc, si on veut que ces informations-là ne soient pas transmises à gauche et à droite, qu'elles ne servent pas à des fins détournées de discrimination, je pense qu'il faut interdire carrément l'utilisation de fiches de renseignements. Merci.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Cusson. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Cannon: M. Cusson, Mme Dionne, bienvenue. Ça fait plaisir de rencontrer des gens de la région de Québec qui viennent parler de logements, parce que, mon collège de Pointe-aux-Trembles, c'est à Montréal, tous ses problèmes, et je m'aperçois que, bien sûr, ce n'est pas uniquement un fléau qui est réservé à un seul endroit, c'est effectivement répandu.

J'ai été frappé ici, encore une fois, par le document qui s'intitule «Demande de location». On retrouve que le numéro d'assurance sociale est requis, le numéro du permis de conduire, etc., d'autres informations qui sont véritablement d'aucune, mais d'aucune utilité pour qu'une personne puisse prendre une décision à savoir si oui ou non on doit louer. (17 heures)

Ce matin, à l'occasion d'un échange que nous avons eu avec un autre groupe, on a porté notre attention, je dirais, sur l'article 5 du projet de loi au niveau de ce que constituait les termes «pertinents» et «nécessaires», pour aboutir à la conclusion que je m'engage à ce que nous puissions changer le terme «pertinents» par le terme «nécessaires». La suggestion de ces gens, ce matin, c'était de dire, bon, qu'on peut faire un historique au niveau de la solvabilité des individus, après quoi c'est suffisant pour prendre une décision, à savoir si, oui ou non, la personne peut, effectivement, occuper le loyer. On n'a pas besoin de fournir d'autres renseignements. Et j'aimerais, dans un premier temps, connaître un peu votre opinion là-dessus, là, si on était capable de resserrer davantage cette chose-là, les informations nécessaires plutôt que des informations pertinentes, parce qu'on pourra toujours dire que le numéro d'assurance sociale, c'est pertinent.

M. Cusson: C'est difficile d'établir qu'est-ce qui est nécessaire à l'allocation d'un logement dans la mesure que, si on commence à négocier sur des éléments nécessaires, c'est qu'on accepte le principe même d'une fiche de renseignements. Et la base même d'une fiche de renseignements, c'est que ça va amener une discrimination.

M. Cannon: Ça, c'est ma deuxième question, M. Cusson. Dans le document que vous avez ici, là, avant même que vous ne le disiez, j'avais souligné les termes «j'autorise qu'une enquête de crédit soit faite sur moi par l'association du propriétaire», etc. Avez-vous des indications comme quoi, une fois que tout ça, c'est terminé et que c'est emmagasiné quelque part, puis qu'il y a des fiches de renseignements qui ont été compilées, avez-vous les informations comme quoi on les détruit, ces fiches, après, bien sûr, je ne sais pas, moi, que la finalité ou l'objet pour lequel on a sollicité une location a été complété? Est-ce que vous avez des indications comme quoi c'est...

M. Cusson: Non. Les fiches ne sont pas détruites. Est-ce que les fichiers sont bien maintenus? Ça, c'est un problème. En tout cas, de l'aveu de l'ancien président de la CORPIQ, qui est maintenant le président de Centraide Québec, le fichier ne serait peut-être pas en bon état, à l'heure actuelle, sauf que les fiches qu'il y a à l'intérieur n'ont jamais été détruites. Donc, des informations qui peuvent dater, pour un locataire, d'il y a cinq ans sont encore emmagasinées, puis les premières fiches de la CORPIQ, qu'on n'a pas annexées, allaient même jusqu'à donner

une appréciation du propriétaire sur le locataire au niveau de ses comportements, les fois qu'il a pu aller à la Régie, toutes ces informations-là.

M. Cannon: Ah oui?

M. Cusson: les fiches de départ pour constituer le fichier, en 1982-1983, allaient jusqu'à une analyse du comportement du locataire.

M. Cannon: Savez-vous si on fait d'autre chose? Vous me dites que ces fiches sont dans un état de désuétude. Est-ce que vous avez l'impression ou est-ce que vous avez des indications comme quoi ces fiches-là ont déjà servi à d'autres fins, qu'on ait pu, je ne sais pas, moi, vendre ces fiches, construire des listes noires de locataires, comme on a vu des cas auparavant?

M. Cusson: La menace est continuelle. Des locataires nous rapportent encore que, quand ils ont des démêlés avec le propriétaire, ils se font menacer d'être mis sur la liste noire et, donc, la crainte d'avoir de la difficulté à se trouver un nouveau logement est très présente chez les locataires, encore. Donc, les gens...

M. Cannon: Une espèce de...

M. Cusson: ...vont diminuer leurs demandes ou ils vont les taire, tout simplement, de peur de se retrouver sur une liste noire, parce que, étant donné... Quand ils signent la bail, ils ne se rendent pas compte de l'importance des informations qu'ils ont données. Mais c'est quand elle se retrouve avec un problème avec le propriétaire, puis qu'on lui met sous le nez: Je te mets sur la liste noire si tu vas à la Régie, que la personne, là, se rend compte: Ah! c'est vrai, j'ai donné mon numéro d'assurance sociale. C'est vrai, j'ai donné telle information. C'est pour ça que juste le... Est-ce qu'elle est utilisée, est-ce qu'elle est transmise? On ne le sait pas. Mais elle sert de menace continuelle.

M. Cannon: Mais le potentiel est là. Tout à l'heure, plus tôt dans votre intervention, M. Cusson, vous et Mme Dionne avez référé à des cas de harcèlement sexuel. Est-ce que vous avez des cas à témoigner aux membres de la commission?

Mme Dionne (Nicole): Ce que je voudrais préciser, d'abord, c'est qu'il s'agissait de harcèlement et non pas de harcèlement sexuel.

M. Cannon: D'accord.

Mme Dionne (Nicole): II faut bien faire la différence, elle est importante. Pour ce qui est de ces renseignements, pour donner un exemple concret et récent, hier, au Bureau, quelqu'un qui a téléphoné mentionnant que son propriétaire exigeait, évidemment, des renseignements sur lui pour lui accorder un logement. Ce que le locataire, lui, a consenti à donner, c'est le nom de son employeur, le nom et les coordonnées de son propriétaire actuel et c'est tout. Le propriétaire a exigé que son numéro d'assurance sociale soit aussi mentionné. Moi, je n'ai pas vu la fiche de location que le locataire a remplie, mais il a exigé que le numéro d'assurance sociale soit indiqué. Le locataire ayant refusé et ayant demandé au propriétaire l'utilisation, le propriétaire i'ji a simplement répondu: J'ai un ami qui est gérant de banque, je peux avoir tout ce que je veux avec ton numéro d'assurance sociale. Le locataire, ce qu'il a fait, c'est qu'il a téléphoné à la Régie du logement. Je ne mentionnerai pas la réponse de l'agent parce que c'est aberrant, mais le locataire nous a rappelés et ce que, lui, il me demandait, c'est: Est-ce que je prends le logement? Le logement m'intéresse, est-ce que je prends le logement? Moi, ce que je lui ai conseillé: Ne prends pas le logement. Parce qu'il a déjà eu une menace en disant: Écoute, moi, ce numéro-là, si je l'obtiens, j'aurai les renseignements sur toi parce que j'ai un copain qui est gérant de banque. Ce n'est peut-être pas vrai, mais il y a quand même cette menace-là, aussi.

Bon, il s'agit de ce cas-là, mais, dans l'ensemble, c'est souvent les femmes qui subissent ce type de menace là ou de harcèlement parce que, souvent, elles doivent donner même à la limite le nom de l'ex-conjoint. Parce que, si la femme, par exemple, a de faibles revenus, soit des revenus d'aide sociale ou de travail peu rémunéré, c'est qu'on demande tellement d'informations que ces femmes-là, qui veulent avoir un logement... Ce n'est pas facile, pour une femme qui a des faibles revenus et qui a des enfants à charge, de se trouver un logement à un prix qui lui convient et de qualité convenable, aussi. Donc, ces femmes-là se font demander une foule d'informations, une foule de renseignements sur leur vie privée. Quand on parle de numéros, c'est vraiment tout ce qu'on a comme numéros qui est demandé, et le propriétaire, parce que la personne a refusé une augmentation de loyer parce qu'elle a exigé des réparations ou de l'entretien, commence à faire des menaces: Écoute, moi, j'ai le nom de ton agent d'aide sociale, je vais faire des pressions, je vais déclarer que tu as un copain qui vient les fins de semaine. C'est tout ce genre de menaces là qui s'ajoute tout le temps à la pression que ces femmes-là subissent quotidiennement.

Donc, je pense qu'il se fait effectivement du harcèlement parce que les propriétaires ont beaucoup d'informations sur nous. Quelle utilisation en font-ils? On n'ose à peu près pas penser jusqu'où ça peut aller, mais on sait que les menaces, c'est toujours une épée de Damoclès qui pend sur le tête des locataires qui ont consenti à donner ces informations-là par méconnaissance de

leurs droits et qui sont pris avec ça tout le temps. Moi, j'essaie de faire comprendre aux gens que leur numéro d'assurance sociale, c'est le numéro qu'ils ont à vie. Même si vous n'êtes plus locataire de ce logement-là, qui dit que le propriétaire n'utilisera pas ce numéro-là pour s'informer sur vous, quand même faire un suivi? Puis c'est la même chose, ils demandent même les numéros de cartes de crédit, tout ça. Ça donne quoi de donner notre numéro de carte de crédit à un propriétaire? Je veux louer un logement, je ne veux pas acheter une maison, je ne veux pas acheter une voiture, là. C'est dans ce sens-là qu'effectivement il y a des pressions qui sont faites auprès des locataires et qu'il y a des conséquences, aussi, pour les locataires.

M. Cannon: Oui. C'est toujours la question de renseignements qui sont nécessaires.

Mme Dionne (Nicole): C'est ça. C'est que, moi, je pense, en tout cas, qu'on arrive comme à un...

M. Cannon: Oui. Et peut-être pour compléter, pour M. Cusson. On a parlé tantôt de constituer des fichiers, mais il y a quand même des dispositions, à la fois dans le Code civil, maintenant, mais aussi dans le projet de loi, qui fixent une durée de vie aux renseignements qui sont là. Une fois qu'il y a une décision qui est prise, c'est fini, là. La décision est prise.

M. Cusson: Avec le système informatique, on peut cacher de l'information.

M. Cannon: Mais c'est...

M. Cusson: Est-ce qu'il va y avoir un enquêteur qui va se promener dans toutes les...

M. Cannon: Bien, c'est-à-dire... Non, il y aurait...

M. Cusson: ...chez tous les propriétaires pour vérifier dans leur système informatique...

M. Cannon: Non, c'est clair, M. Cusson, qu'il n'y aura pas d'enquêteur, mais c'est la possibilité d'avoir un recours. Tout à l'heure, lorsque Mme Dionne faisait allusion au cas de la personne qui a communiqué avec elle hier soir, c'est sûr que, si vous aviez eu recours devant la Commission d'accès à l'information immédiatement, vous auriez pu référer l'individu à la Commission d'accès à l'information en disant: Allez là, ils vont faire le nécessaire pour pouvoir régler ça.

Mme Dionne (Nicole): Excusez-moi, mais c'est parce que vous me dites: Oui, ils auraient pu intervenir, tout ça. Oui, mais le locataire, il l'aurait eu quand, son logement, là?

M. Cusson: Pour donner une idée, on...

Mme Dionne (Nicole): C'est dans ce sens-là qu'il faut...

M. Cannon: Non, non. Je suis d'accord avec vous, je suis d'accord avec ça.

Mme Dionne (Nicole): C'est ça.

M. Cannon: Vous allez me dire: II ne l'aurait pas tout de suite. C'est sûr, c'est sûr. Mais je pense qu'au même titre qu'on a, il y a 10 ans, créé la loi d'accès à l'information dans le secteur public, et comme les gens qui ont passé avant vous ont dit qu'à ce moment-là c'était insurmontable, c'était quelque chose de grandiose, c'était difficile de rendre... Aujourd'hui, on entame la même chose pour le secteur privé et force est de constater qu'avec l'expérience, une fois qu'on aura établi, par exemple, si on est capable d'arrêter un formulaire qui, lui, contient les renseignements nécessaires, on va être capable d'éliminer, quant à moi, les éléments qui seront superflus. Alors, c'est une question d'éducation, aussi. Ça ne répond pas - et je suis tout à fait d'accord avec vous - ça ne donne pas demain matin le logement à votre type, mais c'est un pas dans la bonne direction, quant à moi. (17 h 10)

M. Cusson: Mais la Commission d'accès à l'information, il faudrait qu'il y ait, si on peut dire, une multitude de commissaires pour pouvoir entendre les causes. Pour donner un exemple, on a fait une demande, nous, pour avoir des décisions de la Régie du logement. Le processus entre le moment où on a fait notre demande à la Régie pour avoir des décisions puis la démarche avec la Commission d'accès à l'information, on se retrouve, aujourd'hui, à plus d'un an, entre le moment où on s'est fait refuser les décisions de la Régie et on a été entendu en novembre par la Commission d'accès à l'information, puis, aujourd'hui, on n'a toujours pas la décision à savoir si on a droit à ces documents. C'est pour ça que, quand on parle de délai, je veux bien qu'on accepte un délai d'une semaine, le locataire peut toujours attendre une semaine avant de se retrouver un nouveau logement, mais, là, quand la décision finale...

M. Cannon: En tout cas, je suis d'accord avec ce que vous me dites. Moi, j'ai l'impression que, lorsqu'on aura rendu une première cause où on aura créé jurisprudence dans ce secteur, comme une traînée de poudre, ça va se répandre auprès des propriétaires et des locataires, que la Commission d'accès à l'information a décidé telle chose. C'est un peu là-dessus que je me base. Je ne peux pas vous dire que, demain matin, le gouvernement va procéder à l'embauche de dizaines et de centaines de commissaires qui vont

se déployer sur l'ensemble du territoire, ce serait illusoire de le penser et même pour moi de le dire. Mais, c'est à la fois les inconvénients mais aussi la façon que l'on a, dans notre société, pour régler ces problèmes. Vous et moi, on peut peut-être, tantôt, aller prendre une bière-

Une voix: Tout régler.

M. Cannon: ...et on en aurait jusqu'à 10 heures demain matin à discuter de ces choses-là, que vous pouvez considérer comme étant des injustices. Mais, nous, comme législateurs, on vit aussi avec l'ensemble du contexte, et c'est ça.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.

M. le député de Pointe-aux-Trembles, vous avez la parole.

M. Bourdon: D'abord, je voudrais vous remercier de la teneur de votre mémoire. Ça fait trois organisations, trois groupes, parce que, à l'occasion, il y avait deux organisations ensemble, qui viennent devant cette commission pour décrire les difficultés que vous rencontrez. Ma première question, c'est: Pensez-vous que ce serait praticable d'interdire toute demande de renseignements du futur propriétaire à une personne qui demande un logement? Dans le sens que, dans le fond, le pouvoir d'obtenir des renseignements, et qu'il faut, je pense, limiter et contrôler, il provient du fait que le propriétaire est libre de louer son logement ou pas. C'est ce qui fait que le rapport de force est inégal et c'est ce pourquoi il faut que le législateur intervienne pour que la loi prévoie ce qu'il est légal de demander. Et j'ai tendance à être d'accord avec tous ceux qui disent qu'au lieu de «pertinents» il faudrait demander que ce soit des renseignements «nécessaires».

Spontanément, votre groupe, comme d'autres qui sont venus, disent que la preuve du revenu, le propriétaire précédent, c'est ce genre de renseignements qu'il est légitime d'avoir pour savoir si la personne va pouvoir payer le logement. Dans le fond, le propriétaire d'avant est une source qui a sa valeur. Il peut donner une mauvaise référence à l'occasion, mais, en tout cas, lui, au moins, il a le mérite d'avoir des choses pertinentes à dire parce qu'il est concerné, il est touché.

Et, dans le fond, je vous dis ça pour ce qui est des questionnaires, c'est que ce dont on s'aperçoit, c'est que la personne qui, dans notre société, jouit d'un pouvoir économique disproportionné par rapport à l'autre, c'est de la que vient la disproportion de moyens. Parce que, écoutez, j'ai déjà cherché des logements moi aussi, c'est sûr que le propriétaire, surtout en période où les logements sont rares, peut dire: Si ça ne marche pas, je ne te louerai pas. Dans le fond, c'est là qu'est le problème. Mais, je pense que ce serait un peu illusoire... Ne pensez-vous pas que ce serait un peu illusoire de dire: II ne peut pas y avoir de questionnaire?

Je vous donne un exemple. Ce qu'on peut penser, c'est que, s'il n'y a plus de questionnaire écrit, il va y avoir un questionnaire verbal qui va avoir tendance à avoir le même effet.

M. Cusson: Notre position à nous, c'est que le propriétaire devrait être obligé de louer à la première personne qui est prête à signer le bail. Il faut considérer que les locataires, ce n'est pas des imbéciles. Une personne qui va louer un logement est en mesure de faire le calcul de son effort au logement. Si elle a été dans une situation de devoir tout le temps payer 30 % de ses revenus, ce n'est pas au nouveau propriétaire de juger: 30 %, tu ne seras pas capable d'arriver. Si la personne est tout le temps arrivée avec 30 %, la personne est en mesure de faire cette évaluation-là.

Donc, de demander le revenu, ça revient à ce que c'est le propriétaire qui juge si notre effort au logement est adéquat. Par contre, nous autres, comme locataires, on ne peut pas dire au propriétaire: Faites-moi la preuve de votre solvabilité parce que, s'il y a un problème de logement que j'ai, quel moyen j'aurai de me faire rembourser les pertes que j'aurai eues? Le locataire n'a aucun moyen d'exiger du propriétaire la même preuve de solvabilité qu'on veut bien lui faire subir. Entendre cet argument de solvabilité, ça voudrait dire qu'aujourd'hui Raymond Malenfant ne serait pas capable de se trouver un logement. C'est ça que ça veut dire. Ça veut dire que Laurent Gagnon, à Québec, ne serait pas capable de se trouver un logement. J'en doute. Si Raymond Malenfant vient pour louer un logement ou Laurent Gagnon, on va lui louer, malgré ses faillites. On ne fera même pas de recherche de solvabilité. De toute façon, on peut constater que les banques ne l'ont même pas fait pour leur prêter.

Donc, la question de la solvabilité, de la recherche de revenu, ce n'est qu'un moyen d'éliminer à la base les personnes à faibles revenus. Donc, c'est quoi la marge de personnes dont on peut dire que, délibérément, elles vont aller se chercher un logement disant: Je n'ai pas les moyens, je déguerpirai, et tout ça? C'est reconnu, même de la part de la CORPIQ, que les mauvaises créances ne représentent guère plus de 3 % de leur revenu; 3 %, c'est le même taux de perte que le commerce au détail au niveau du vol à l'étalage, sauf en période de crise où le vol et le non-paiement de loyer peuvent augmenter. Mais ce n'est pas par mauvaise volonté de la part du locataire s'il y a des non-paiements de loyer. Et la loi, le Code civil prévoit des dispositions s'il y a des non-paiements ou des retards de paiements. Donc, que le propriétaire utilise les articles prévus au Code civil pour obtenir

justice s'il y a un non-paiement de loyer, mais qu'au départ on ne prenne pas les locataires comme étant des gens qui ne savent pas administrer et qui font des dépenses farfelues. Donc, interdire toute forme de demande, à mon sens, c'est réaliste, parce que ce serait reconnaître que le logement est un besoin et un droit social et qu'en conséquence on n'a pas à exercer quelque discrimination que ce soit.

M. Bourdon: Ma question est la suivante: Reconnaissez-vous, d'une part, qu'un contrat, ça intervient entre deux parties et, donc, qu'il faut être deux pour le conclure? Deuxièmement, que répondez-vous à ceux, hier soir, qui étaient devant nous, qui s'occupent de logement... Un des intervenants en gère avec d'autres 350 et fait remplir des questionnaires. Autrement dit, quand les intéressés eux-mêmes se retrouvent dans une coopérative, par exemple, ils font remplir des questionnaires aux personnes qui demandent de venir. J'ai connaissance d'une coopérative, dans mon comté, où il y a 178 sociétaires de la coopérative et, en 10 ans, ils n'ont pas perdu un sou de loyer. Mais ils font remplir un questionnaire qui est légal, qui ne comporte pas les défauts qu'on voit ici. Mais j'ajouterai que, quand il s'agit des coopératives, la connaissance des personnes est bien supérieure à ce que d'autres vont chercher dans un fichier ou dans un questionnaire, de telle sorte que les gens se prémunissent. (17 h 20)

Mais ne pensez-vous pas que de dire que le premier qui est prêt à signer un bail doit être accepté par le propriétaire, on ne parle plus de négociation de contrat puisque vous dites qu'il n'y en a pas deux qui décident, il y en a juste un?

M. Cusson: Peut-on parler de négociation de contrat dans le domaine du logement locatif à l'heure actuelle? Je ne crois pas, dans la mesure que le locataire doit se plier souvent, je dirais à 99 %, à l'offre que le propriétaire lui fait. À l'heure actuelle, le propriétaire n'indique pas l'ancien loyer le plus bas payé et le propriétaire n'a aucune pénalité. Le locataire voudrait avoir une négociation sur un pot de peinture, on lui dit: C'est comme ça ou tu vas ailleurs. Non, il n'y a pas de négociation de contrat qui se passe, à l'heure actuelle, dans le domaine du logement locatif, je m'excuse.

Est-ce que vous accepteriez que, quand vous allez chez Eaton, on vous demande d'ouvrir votre porte-monnaie et qu'on vérifie si vous avez les moyens d'acheter avant d'entrer? Parce que vous pourriez faire du vol à l'étalage si vous n'avez pas les moyens de payer. C'est un peu ça dans le domaine du logement à l'heure actuelle. C'est qu'on vérifie, avant même de pouvoir exercer notre relation contractuelle: As-tu les moyens de payer? Donc, qu'on me dise qu'il y a un marché du logement qui respecte le système de l'offre et de la demande et que ça respecte l'ensemble du marché qu'on connaît comme un bien de marchandise ordinaire, ce n'est pas vrai parce que, dans le commerce au détail, on n'agit absolument pas de la même façon quand on vient pour acheter un bien. On ne nous demande pas, avant de rentrer dans le magasin, si on a les moyens d'acheter. Dans le logement, c'a l'air d'être rendu ça la règle. Ce n'est pas normal qu'on doive montrer patte blanche. Là, ça commence. On prend l'exemple du revenu, mais le revenu, ça cache énormément de choses. Dans les fiches de renseignements, on demande l'employeur. À la limite, le propriétaire va téléphoner à l'employeur. Si l'employeur dit: Oui, c'est un organisateur syndical, il se passe quoi? Le propriétaire le refuse, non pas parce qu'il n'a pas d'emploi, mais parce que c'est un potentiel de quelqu'un qui pourrait organiser les autres dans le bloc. C'est qu'on n'en finit plus, à la limite, avec les demandes d'informations pour cacher de la discrimination.

M. Bourdon: Mais, écoutez, moi, je suis spontanément du côté des locataires, j'en suis un locataire à Montréal. Mais le propriétaire peut avoir besoin d'appeler l'employeur pour vérifier si la personne travaille là, et je ne pense pas qu'on puisse poser que c'est illégitime que celui qui loue le logement s'enquière de la capacité de payer de celui qui lui loue son logement. Et, je vous répète, on forme une coopérative et les gens, d'eux-mêmes, qui ne sont pas un empire immobilier, le font, parce qu'il me semble que c'est légitime de le faire. Ce qui n'est pas légitime, c'est de demander la nationalité de la personne, de demander son origine ethnique, de lui demander son numéro de carte de crédit, et on peut en ajouter un grand nombre. Mais, écoutez, je ne ferai pas un long débat là-dessus, dans le sens qu'il m'apparaft que, si un législateur mettait dans la loi que le propriétaire n'a pas le droit de se renseigner d'une façon légale et de demander les renseignements nécessaires à son locataire, j'ai l'impression que ça n'irait pas loin.

Cela dit, le problème qui est entier, c'est qu'il n'y a pas d'encadrement légal, à l'heure actuelle, pour limiter ce que le propriétaire est en droit de demander comme renseignements. Je pense que les abus sont fréquents.

M. Cusson: Mais où vous les mettez, les personnes jugées non solvables, que le propriétaire, que l'ensemble des propriétaires jugerait non solvables? Vous les mettez où? Vous les envoyez sur la liste d'attente des HLM? Vous faites quoi avec?

M. Bourdon: Moi, je...

M. Cusson: Si un propriétaire, si des

propriétaires peuvent dire systématiquement: Je refuse telle et telle personne, la personne va aller loger où? Sur le banc du parc?

M. Bourdon: Non, mais...

M. Cusson: C'est là qu'on se retrouve avec un problème d'accès au logement.

M. Bourdon: Non, non, mais il y a une façon de raisonner qui est par l'extrême. Je suis contre l'itinérance et je connais des propriétaires qui demandent des renseignements légitimes avant de louer. Il y a des organisations qui s'occupent de locataires, dans mon comté mettons, qui me disent que, à l'occasion, un locataire peut avoir un comportement reprehensible, un locataire, ou une femme, ou une personne à peau noire, ou un membre du Parti québécois ou un libéral. Ce que je veux dire c'est que ça ne veut pas dire qu'on préconise, par exemple, que les gens couchent dehors. Le droit au logement, à mon avis, existe, sauf que, un contrat, ça se fait à deux. Il faut limiter ce qu'un propriétaire est en droit de demander, parce qu'il y a une disproportion de moyens entre la personne qui veut louer et la personne qui loue, mais je pense qu'on ne peut pas poser que la personne qui loue n'a pas un droit légitime de se renseigner un peu, de demander des renseignements nécessaires à la personne qui veut louer.

Vous disiez tout à l'heure, par exemple, que le propriétaire n'a pas à poser de jugement de valeur sur la capacité de payer de la personne qui loue son logement, mais c'est parce que le créancier hypothécaire, lui, il va demander d'être payé par le propriétaire. Quelque part, il y a des endroits... Le propriétaire qui veut demander une hypothèque va avoir à répondre à des questions avant d'obtenir son hypothèque. Mais je ne pose pas d'aucune manière que le logement n'est pas un droit, ça m'apparait certain. Mais, dans notre système d'offre et de demande, c'est par un contrat que le droit s'exprime et, dans le contrat, je suis bien obligé de dire qu'il y a deux parties, et il faut reconnaître l'existence de deux parties.

M. Cusson: Je suis bien d'accord avec vous en principe, mais, si on prend le contrat qui s'appelle le bail d'un logement, moi, je vous dis que ce n'est pas un contrat qui se fait entre deux parties égalftaires. Parce qu'il y a une question de libre choix aussi dans la réalisation d'un contrat. Si le vendeur ne nous satisfait pas, on peut toujours aller en voir un autre, sur un bien non essentiel. Mais, quand on tombe sur un bien essentiel qui, à mon sens, est très peu contrôlé, à ce moment-là, on se retrouve à voir que la personne qui a besoin de ce bien-là a plié sur une foule de choses qui peuvent être sur des informations personnelles.

M. Bourdon: Maintenant, ce que je vous ajouterais là-dessus, c'est que j'ai négocié des conventions collectives pendant 20 ans et que je n'ai jamais eu le sentiment que le rapport était égalitaire. Et, encore, j'étais dans des secteurs où les travailleurs ne sont pas démunis. Et cela dit, par les temps qui courent, quand on négocie, on ne peut pas penser que les membres d'un syndicat ont tous la liberté d'aller travailler ailleurs s'ils n'aiment pas ça. Tout ça est toujours quelque chose de relatif.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Merci beaucoup.

M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez demandé la parole. Vous avez cinq minutes.

M. Libman: Merci, M. le Président.

Juste pour aussi souligner le point de vue du député de Pointe-aux-Trembles, oui, on comprend votre logique sur un côté de la médaille, mais il faut regarder l'autre côté de la médaille aussi. Si on oblige chaque propriétaire à laisser n'importe quelle personne venir occuper un logement sans vérifier l'information, ça ouvre la porte à beaucoup d'abus. Qu'est-ce qui va arrêter quelqu'un de venir et prendre un logement et, deux, trois mois après, il ne paie plus son loyer? Le propriétaire est dans une position très délicate s'il n'a aucune façon de savoir d'avance si cette personne est capable de payer et si elle ne va pas abuser de ce privilège une fois qu'elle reçoit les clés.

M. Cusson: Moi, je trouve que, quand ça vient, la question des droits des personnes pauvres, on parle tout le temps d'abus que ces pauvres-là pourraient faire d'une législation qui leur accorderait certains droits. Ça, je trouve ça déplorable que chaque fois que les démunis veulent revendiquer quelque chose ou qu'on veuille aller chercher un droit, on pense tout le temps qu'on va aller chercher de l'abus dans ce droit-là. Non, s'il y a une accessibilité plus grande au logement, je pense que ce que ça va amener tout simplement, ça va être pas mal moins de stress chez les gens, chez les locataires et ça va amener peut-être un véritable marché de négociation entre propriétaires et locataires. Parce que là, à ce moment-là, si on enlève la discrimination au niveau de l'accès au logement, là, je vais pouvoir dire au propriétaire: Moi, à 350 $, je n'ai pas les moyens de le payer, je le prendrais à 325 $. Lui, s'il dit: Non, je ne le loue pas à 325 $, j'ai au moins la possibilité d'aller voir un autre propriétaire et de marchander. Mais, à l'heure actuelle, ça n'existe pas parce qu'il y a un frein qui se fait au niveau de l'accès au logement lui-même, par des voies de discrimination. (17 h 30)

M. Libman: Mais qu'est-ce qui...

M. Cusson: Puis, au niveau du propriétaire immobilier, je n'ai absolument pas de craintes sur les problèmes financiers qu'il pourrait avoir parce qu'il n'y a pas beaucoup de propriétaires immobiliers, dans le locatif, qui se retrouvent en difficultés financières. Le système fiscal, le système de calcul des hausses de loyers, à la Régie, favorisent le propriétaire de façon très satisfaisante. Par exemple, le propriétaire voit toutes ses dépenses d'exploitation diminuées de ses revenus bruts, il est imposé sur son profit net. Vous et moi, on n'est pas imposé sur notre revenu net, si on peut dire, après avoir calculé toutes nos dépenses de logement, de consommation, etc., le propriétaire immobilier, oui. Ce qui fait que les propriétaires immobiliers, à l'heure actuelle, paient très, très peu d'impôt, avec toutes les échappatoires qu'ils ont, et même ils peuvent dire: J'ai un locataire qui n'a pas payé ce mois-ci, il a déguerpi ou x raisons; je le mets comme étant une dépense dans mon revenu, donc je diminue mon revenu imposable. Donc, le propriétaire est compensé par le système fiscal québécois et canadien. Je n'ai pas de craintes là-dessus, que les locataires vont abuser parce que ça va être plaisant de se retrouver à la Régie avec une cause de non-paiement de loyer ou de retard de paiement. Ce n'est pas vrai, ça.

M. Libman: Mais examinez le potentiel. Qu'est-ce qui va arrêter, à ce moment-là, quelqu'un de rentrer dans un édifice d'appartements de luxe, de signer le bail, parce que le propriétaire est obligé de lui laisser signer le bail, et de ne pas payer, après deux mois, trois mois? Qu'est-ce qui va l'arrêter?

M. Cusson: La loi permet que, le lendemain du 1er, le 2 du mois, si la personne n'a pas payé, le propriétaire peut aller à la Régie. Sa cause est entendue d'urgence dans les deux semaines.

M. Libman: Mais c'est très rare.

M. Cusson: Puis, ce sont des causes qui passent en dedans de cinq minutes, à la Régie du logement, tant à Québec qu'à Montréal. On a vu des rôles, sur des retards de paiement, de 137 causes en dedans de deux heures. Ça passe très rapidement. Le propriétaire, s'il attend trois mois avant de faire un recours à la Régie, il a un problème, il gère peut-être mal ses affaires au départ.

M. Libman: Juste la possibilité de quelqu'un de... Le propriétaire est obligé de lui donner un bail, il rentre deux semaines dans cet appartement, deux semaines dans un autre appartement, quatre semaines dans un autre appartement, ça ouvre la porte à beaucoup d'abus dans ce sens-là.

M. Cusson: Vous en connaissez beaucoup, vous, des personnes qui peuvent se balader d'un logement à l'autre en dedans d'un mois, qui ont comme seul baggage un «pacsac»? Parce que là, ce que vous me dites, c'est que la personne, elle se balade, elle fait le tour de la ville de Montréal ou elle fait le tour de la ville de Québec juste avec un «pacsac» sur le dos et que ça ne la dérange pas. Moi, je n'en connais pas beaucoup des gens comme ça; s'il y en a, ça représente quoi, comme pourcentage, de la population? Est-ce que ça représente 0,1 %? Est-ce qu'on fait une loi pour 0,1 %?

M. Libman: Non, mais, moi, je parle dans le contexte de votre suggestion qui oblige un propriétaire à donner un bail à n'importe quelle personne qui arrive. C'est ça la différence.

M. Cusson: Mais, moi, je joue avec l'intelligence des gens. Les gens qui n'ont pas les moyens de se payer un condo de luxe n'iront pas locataire pour le plaisir d'aller habiter là. C'est un «trip», ah oui, je me suis payé tel condo, le Mérici. Non, je ne pense pas que les gens «trippent» comme ça. Ce n'est pas le «trip» du pauvre monde.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Merci, M. Cusson.

M. Cusson: J'aurais peut-être une question à poser pour un éclaircissement sur un article.

Le Président (M. Gobé): Allez-y rapidement parce que votre temps est dépassé.

M. Cusson: C'est l'article 76 concernant la possibilité d'enquête.

Le Président (M. Gobé): À qui vous la posez, votre question?

M. Cusson: À savoir de préciser ce qu'on entend par «personne intéressée»? Est-ce qu'on veut parler... Parce que «personne intéressée», à l'heure actuelle, en tout cas par des jugements soit de la Régie ou d'autres tribunaux, ça s'est souvent résumé à la personne lésée. Est-ce qu'on veut parler ici, par «personne intéressée», des organismes de défenses de droits tels les associations de locataires, les comités de citoyens?

M. Cannon: Votre opinion là-dessus, c'est quoi?

M. Cusson: Moi, je pense qu'on devrait l'élargir aux comités de citoyens et associations de locataires dans la mesure où les personnes lésées sont souvent des personnes démunies qui, d'elles-mêmes, vont difficilement faire un recours devant même la Commission d'accès à l'information.

M. Cannon: O.K. Vos remarques sont prises en considération, M. Cusson. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci. Merci, M. Cusson, merci, Mme Dionne.

Ceci met fin à nos travaux pour l'après-midi. Je vais donc suspendre les travaux de cette commission jusqu'à 20 heures. La commission est suspendue. Bon appétit à tout le monde!

(Suspension de la séance à 17 h 35)

(Reprise à 20 h 4)

Le Président (M. Gobé): La commission de la culture va maintenant reprendre ses travaux. Je vous rappelle l'ordre du jour pour ce soir. Dès 20 heures, nous allons entendre les représentants de l'association des courtiers d'assurances de la province de québec.

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gobé): Par la suite, à 21 heures, nous entendrons les représentants de la ligue des droits et libertés. ceci mettra fin à nos travaux aux alentours de 22 heures. vous vous rappellerez aussi que les parties ont droit à 20 minutes chacune pour faire la présentation de leur mémoire; par la suite, le côté ministériel et le côté de l'opposition officielle, représenté par m. le ministre...

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gobé): ...le député de La Peltrie, et M. le député de Pointe-aux-Trembles, ont chacun 20 minutes...

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gobé): ...afin de pouvoir dialoguer avec vous. Alors, sans plus attendre, vous pouvez maintenant présenter les gens qui vous entourent et commencer votre témoignage.

Association des courtiers d'assurances de la province de Québec (ACAPQ)

M. Peliand (Pierre): M. le Président de la commission de la culture, membres de la commission, M. le ministre, j'aimerais présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui: à ma droite, M. Luc Grégoire, courtier d'assurances, premier vice-président de l'Association et président du comité d'inspection professionnelle; M. Jacques A. Auger, courtier d'assurances, vice-président de l'Association et président du comité des communications; M. Mario Lebrun, directeur général...

Une voix:...

M. Peliand: ...et Mme Suzanne Thomas, directrice des communications et relations publiques.

Le Président (M. Gobé): Bonjour, messieurs.

M. Peliand: L'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec est heureuse de participer aux délibérations de cette commission, à l'occasion de la consultation générale sur le projet de loi 68 sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. D'entrée de jeu, nous félicitons le ministre des Communications de l'initiative qu'il a eue d'inviter cette commission à traiter les problèmes que soulèvent la cueillette, le traitement, l'utilisation et la transmission des renseignements personnels. Nous saluons également le courage du ministre dans cette démarche de consultation et l'assurons, à l'avance, de notre engagement à appuyer toute initiative visant une meilleure protection de la vie privée.

Notre organisation, fondée il y a plus de 75 ans, poursuit une mission principale de protection du public et son adhésion est obligatoire pour tous les courtiers en assurance de dommages opérant sur le territoire du Québec. En cela, nous sommes différents des autres groupes de l'industrie de l'assurance de dommages qui ont comparu devant cette commission ou qui défileront prochainement. Si nous avons décidé d'intervenir dans le débat, c'est principalement parce que nous estimons que les 5200 courtiers que nous représentons contribuent, de façon exceptionnelle, au développement économique du Québec. Regroupés dans un peu plus de 1800 cabinets, ils administrent pour près de 2 800 000 000 $ de primes, dont environ 1 800 000 000 $ dans le seul domaine des lignes personnelles, automobile, habitation. C'est dire que les courtiers en assurance de dommages s'imposent donc comme des intervenants importants, aussi bien au niveau économique que sur le plan social, et ce, dans toutes les régions.

Certains membres de cette commission se souviendront qu'en octobre 1991 nous soumettions à la commission parlementaire des institutions un mémoire relatif à la protection de la vie privée. Nous réagissions alors à l'analyse et aux recommandations du rapport d'un comité interministériel intitulé «Vie privée: zone à accès restreint». Dans ce mémoire, notre organisme appuyait les efforts du gouvernement du Québec dans la protection de la vie privée des consommateurs, particulièrement en ce qui a trait aux renseignements personnels détenus par le secteur privé. À cet égard, nous nous disions particulièrement préoccupés par la situation entourant la constitution des fichiers personnels et des banques de données, ainsi que leur mise à jour, leur utilisation et leur transformation.

La position que nous présentions alors

n'était pas différente des représentations que nous vous exposons aujourd'hui. Nous estimons, en effet, qu'une législation est devenue essentielle pour assurer une meilleure protection des consommateurs contre toute ingérence dans leur vie privée. Nous croyons cependant que le projet de loi 68 n'est pas, pour le secteur du courtage en assurance de dommages, la solution au problème. En effet, l'article 25 de la Loi sur les intermédiaires de marché, adoptée en 1989, impose déjà aux intermédiaires de marché, notamment aux courtiers en assurance de dommages, un code de déontologie, une législation, une structure de contrôle et des mesures disciplinaires devant régir expressément la détention de renseignements privés sur la personne. Le problème - et nous l'énoncions à ce moment-là - c'est que le cadre de réglementation établi par cette Loi sur les intermédiaires de marché reste incomplet et déficient puisque celui-ci ne s'applique qu'aux intermédiaires de marché et non au personnel à l'emploi des institutions financières. Nous nous disions alors d'avis - et le sommes toujours - que, même si les intermédiaires de marché sont régis par des dispositions législatives quant à la communication et à l'échange des renseignements personnels, cela ne garantit en rien la protection des consommateurs vis-à-vis du commerce des informations personnelles les concernant.

La protection des consommateurs, quant à la transmission des renseignements personnels à leur égard, ne sera véritablement assurée que lorsque tous les intervenants et prestataires de services financiers disposant ou ayant accès à des renseignements personnels seront, eux aussi, assujettis à des règles de confidentialité. C'est pourquoi nous recommandions que le gouvernement étende aux institutions financières la législation qui régit déjà le secteur du courtage de l'assurance de dommages plutôt que de développer un nouveau cadre et une nouvelle législation d'application générale. (20 h 10}

II ne s'agissait pas pour nous - et nous estimons qu'il ne devrait pas en être ainsi non plus - d'élaborer un cadre nouveau qui affecterait, comme le projet de loi 68, l'économie générale de la Loi sur les intermédiaires de marché, notamment sur la possibilité offerte au courtier d'exercer des activités dans plus d'une discipline à la fois ou encore de s'associer afin de créer un cabinet multidisciplinaire. Depuis 1991, il nous apparaît évident que l'intérêt accru de la population et des médias sur les utilisateurs des renseignements personnels ou des banques de données à des fins autres que pour celles autrement ou initialement prévues, combiné aux allégations de transmission abusive ou illicite de renseignements personnels à des tierces parties sont des facteurs qui ont contribué à accélérer l'intervention du législateur. Nous ne sommes également pas sans deviner que les travaux, activités, analyses et mises en garde de toutes sortes émanant de la Commission d'accès à l'information ont très certainement eu une influence quelconque sur le dépôt du projet de loi 68.

Cependant, contrairement à ce que certains voudraient faire croire, nous sommes d'avis que la constitution, la mise à jour, l'utilisation et la transformation des renseignements personnels détenus par le secteur privé peuvent constituer certes un problème, mais ne justifient pas une intervention législative de la nature des dispositions contenues au projet de loi 68. Nous croyons que, si des correctifs apparaissent nécessaires, le projet de loi 68 ne s'impose pas comme la solution la plus opportune et la plus efficace. De fait, pour ce qui nous concerne, les dispositions qu'il contient semblent étrangères à la situation que nous évoquions en 1991. De façon particulière et en ce qui concerne notre domaine d'expertise du courtage en assurance de dommages, nous questionnons l'objectif même du projet de loi 68 et sa pertinence dans la mesure où il propose un cadre juridique additionnel et d'application générale qui s'ajoute aux dispositions législatives déjà existantes régissant les renseignements personnels. En plus d'impliquer un lot de procédures, de systèmes de contrôle et de surveillance et de sanctions, sans compter le fardeau administratif et financier, le projet de loi 68 suggère un cadre qui vient chambarder et déstabiliser l'économie générale d'autres lois existantes.

Comme nous y avons référé antérieurement, l'article 25 de la Loi sur les intermédiaires de marché et les dispositions déontologiques du règlement de l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec établissent déjà, à l'égard des courtiers, des règles strictes de confidentialité, devant régir l'utilisation des renseignements personnels. Pourquoi vouloir sortir, en quelque sorte, les courtiers du cadre de la Loi sur les intermédiaires de marché et les intégrer à l'intérieur d'une législation d'application générale, sans égard à la nature particulière du domaine et des activités de courtage? Qui plus est, en proposant d'abroger l'article 25 de la Loi sur les intermédiaires de marché, le projet de loi 68 enlève, dans une certaine mesure, le privilège de non-divulgation des renseignements que détiennent actuellement les courtiers. C'est dire que ce qui pourrait être compris comme un secret professionnel par un courtier n'en sera plus un, lors de l'entrée en vigueur du projet de loi 68.

Également, nous nous interrogeons sur l'approche proposée afin de réaliser l'objectif de protection de la confidentialité. Si le consentement préalable apparaît comme le principe central du projet de loi 68, pourquoi alors prévoir une série d'exceptions de la nature de celles annoncées aux articles 17, 18 et 20? À la lecture de ces exceptions, il est permis de se

demander si le non-consentement ne serait pas la règle et le consentement, l'exception. Comme organisme de contrôle et de surveillance des activités des courtiers dont la mission est d'assurer la protection du public, l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec estime qu'il s'agit là de brèches importantes dans l'obligation actuellement faite aux courtiers de ne divulguer les renseignements personnels en leur possession qu'avec l'autorisation spécifique de la personne concernée.

Nous nous inquiétons, en outre, de ce que le projet de loi 68 propose la mise en place d'un système de contrôle et de surveillance considérablement lourd et complexe. Par l'accroissement du mandat et des pouvoirs conférés à la Commission d'accès à l'information, il y a lieu de se demander si de telles attributions ne ressemblent pas à une tentative de bureaucratisation et de judiciarisation du domaine des renseignements personnels. Nous sommes étonnés de constater que le gouvernement veuille aller de l'avant avec les dispositions institutionnelles de ce projet de loi dans un contexte de compression des dépenses publiques et de réduction des effectifs gouvernementaux.

Sur la question de l'impact économique du projet de loi 68, il nous apparaît qu'il est difficile de mesurer avec certitude la valeur que le consommateur attribue à ce nouveau bien public, qui s'appelle la confidentialité. On peut penser que le projet de loi pourrait permettre de réduire les situations d'entrave à la confidentialité, mais les bénéfices ont-ils été mesurés? En ce qui concerne notre réseau de courtage, nous ne voyons aucun bénéfice. De façon coutu-mière, avant l'adoption de la Loi sur les intermédiaires de marché, en 1989, et depuis son entrée en vigueur, en 1991, les courtiers ont toujours été soucieux du respect de la confidentialité des renseignements obtenus de leurs clients. Il nous apparaît donc que, sur le strict plan économique, le projet de loi 68 ne saurait générer aucun bénéfice supplémentaire. Sur le plan des coûts, nous croyons sincèrement que c'est, une fois de plus, le public en général qui en défraiera la note. Dans l'ensemble donc, nous sommes d'avis que les coûts du projet 68 excéderont très largement les bénéfices, et ce, pour toutes les parties impliquées, tant pour les assureurs que pour notre réseau de distribution. L'effet net ne sera-t-il pas d'imposer une taxe supplémentaire?

Pour toutes ces raisons, nous estimons que les dispositions du projet de loi 68 entraîneraient des conséquences fâcheuses, tant pour notre industrie que pour le gouvernement. C'est pourquoi nous invitons ce dernier à repenser certains aspects du projet de loi 68 en acceptant le principe que chaque secteur de l'activité économique du Québec ne connaît pas les mêmes problèmes et qu'en ce sens la mise en place d'un cadre d'application générale, indistinctement des caractéristiques propres à chacun, ne nous paraît pas souhaitable. Comme en octobre 1991, nous estimons, en ce qui nous concerne, qu'il faut boucler la boucle en étendant aux institutions financières les règles de déontologie applicables aux courtiers et qui sont contenues à la Loi sur les intermédiaires de marché.

S'il était de l'intention du gouvernement d'aller de l'avant avec le projet de loi 68, l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec lui demande de soustraire l'industrie des intermédiaires de marché, dont les courtiers en assurance de dommage, de son application et de maintenir leur assujettissement au cadre d'application déjà existant à l'article 25 de la Loi sur les intermédiaires de marché, relativement à la protection des renseignements personnels. Nous vous remercions de votre attention et nous sommes maintenant disponibles afin de répondre aux questions des membres de cette commission.

Le Président (M. Gobé): Merci beaucoup, monsieur.

Je passe maintenant la parole à M. le ministre des Communications. M. le ministre.

M. Cannon: Merci beaucoup, M. le Président.

Bienvenue à tous et à toutes. Ça me fait plaisir de vous accueillir à l'Assemblée nationale, particulièrement dans le cadre de l'étude du projet de loi 68. Je dois vous dire que nous avons analysé votre rapport, votre mémoire, et j'examine attentivement ce soir ce que vous nous dites. En bref, vous nous dites: Nous sommes pour la protection des renseignements personnels; la loi, enfin, c'est une bonne loi dans une certaine mesure, mais, pour nous, non, pas nécessairement, on régit déjà nos affaires et puis ça va bien. Est-ce que je résume à peu près ce que vous me dites ce soir?

M. Pelland: À peu près. Effectivement, nous sommes d'accord que le public a besoin de protection au niveau des renseignements privés. Nous sommes d'accord, effectivement, que des mesures en ce sens doivent être énoncées par le gouvernement. Nous vous disons, dans notre énoncé d'ouverture ce soir et notre mémoire, que les courtiers d'assurances sont déjà très bien réglementés à ce niveau. Ce que nous considérons comme lacune, c'est que, nous, au niveau de la porte d'entrée des informations provenant de la clientèle, l'information est régie, mais, une fois qu'elle est transmise soit aux assureurs ou aux institutions financières, là on n'en a plus le contrôle. Donc, nous trouvons inéquitable d'avoir deux poids, deux mesures: réglementer l'intermédiaire de marché qui va chercher l'information et ne pas réglementer les institutions financières ou les compagnies d'assurances qui vont obtenir

de nous, avec l'assentiment du consommateur, la transmission de ces informations.

M. Cannon: O.K. Il faut quand même se situer et bien se comprendre. La loi que nous proposons, c'est une loi d'application qui découle des dispositions du Code civil. Cette loi d'application a pour objet d'être un plancher, si je peux m'exprimer ainsi, au niveau de la protection des renseignements personnels qui sont détenus dans le secteur privé. (20 h 20)

À plusieurs personnes qui sont venues témoigner devant nous, je leur posais simplement la question: Qu'en est-il au niveau de l'accès pour un individu, particulièrement dans le secteur que vous représentez, à son dossier? Qui autorise l'accès? Est-ce qu'on lui permet l'accès? Sous quelles conditions? Est-ce que cette personne-là, effectivement, a le droit de rectification? Si elle a le droit de rectification, comment ça se produit? Si c'est refusé, pourquoi c'est refusé, etc.? C'est la série de questions que je vous pose.

M. Pelland: En ce qui concerne le domaine du courtage en assurance, les différentes questions que vous venez d'énoncer, quant à moi, sont déjà parfaitement répondues dans l'encadrement actuel de la loi 134 et dans notre code de déontologie, à savoir que le client a constamment accès à son dossier. Un exemple pratique: un assuré décide de changer de courtier d'assurances pour aller tout simplement se faire servir ailleurs, va demander le relevé de ses données. Je n'ai jamais entendu parler de plainte à l'effet que le consommateur n'était pas capable de récupérer ces informations. La confidentialité de l'information a toujours été traditionnellement, avant la loi 134, quelque chose qui nous était très proche.

Mon épouse me reprochait, des fois, d'apprendre par ses amies des choses, dont les époux étaient assurés chez nous, que, moi, je savais, et elle me disait: Comment ça se fait que tu ne m'as pas dit ça? Bien! Ce qu'on apprend dans nos boîtes, c'est confidentiel. On n'en parle pas. Depuis la loi 134, c'est maintenant codifié et les règlements de déontologie de l'Association...

M. Cannon: Est-ce que c'est en vertu de la loi sur le partage du patrimoine qu'elle était capable de vous le dire?

M. Pelland: Je ne m'embarquerai pas dans ce détail. Depuis la loi 134, les règlements de déontologie de l'Association des courtiers, qui régissent les façons de travailler des courtiers, nous encadrent de façon beaucoup... je ne dirais pas plus stricte qu'avant, parce que, avant, l'encadrement était peut-être laissé un petit peu au sens civique de chacun des courtiers, mais, maintenant, c'est codifié dans un code de déontologie qui est passablement étanche. Quand on vous dit que la loi 68 ouvre des portes, toutes les mesures d'exception qui sont indiquées aux articles 17, 18 et 20, si je ne me trompe pas sur les numéros, sont encore plus ouvertes que ce que nous avons actuellement comme pratique de transmission d'informations.

M. Cannon: Écoutez, moi, je conclus que, si, évidemment, vous êtes, comme organisation, à la page, je dirais, de la protection des renseignements, donc, vous n'avez pas à vous inquiéter, ça devrait normalement bien se faire.

J'attire votre attention sur les articles 86 et 87. Bien que vous avez mentionné la question du chevauchement, je me suis engagé ici, devant les membres de la commission, à revoir toute cette question. Autrement dit, la Commission d'accès à l'information aurait le loisir de pouvoir dire: Oui, il y a un code de déontologie dans tel secteur d'activité économique qui s'applique et ce code nous apparaît tout à fait respectable des préoccupations que nous avons à l'égard des renseignements détenus dans le secteur privé. Alors, de ce côté, je pense que le texte doit être clarifié, je l'ai mentionné. Je me suis engagé à le faire.

Par ailleurs, je vous dirai simplement que - peut-être que ça ne s'applique pas chez vous mais à d'autres gens de ce secteur - alors que le Code des professions était en application... Plusieurs ont convenu de dire, ultimement: Bien, oui, c'est vrai. Il y a le Code des professions qui, somme toute, régit le comportement des membres de cette profession. Le syndic est là, bien sûr, pour sanctionner, etc. On connaît tout ça. Mais, dans le fond, la disposition, dans la loi 68, qui permet à un individu qui a été lésé, justement ou injustement, peu importe, ce n'est pas ça la cause, mais qui permet à cet individu-là d'avoir recours devant la Commission d'accès, dans le fond, ce n'est pas une si mauvaise chose que ça. Et c'est ça que nous proposons avec le projet de loi 68, c'est qu'un individu, celui qui veut voir son droit à la vie privée respecté, aura effectivement un recours devant la Commission d'accès à l'information. Alors, dans ce sens-là, c'est ce que nous proposons avec le projet de loi.

Je le répète, il y a des choses, au niveau du chevauchement, qui méritent d'être revues, d'être resserrées pour qu'effectivement le texte législatif reflète bien ce que le législateur veut bien dire. En terminant, je vous dirai que le projet de loi est le fruit d'une étude dans chacune des commissions et des comités au niveau du Conseil exécutif. Par conséquent, ma collègue, la ministre déléguée aux Finances, Mme Robic, a effectivement consulté le surintendant des institutions financières et, quant à lui, cette disposition-là ou, enfin, la législation qui est proposée ne lui crée pas trop de difficultés ou, enfin, ne lui crée pas de difficultés. Sinon, s'il y avait eu

des difficultés, effectivement, elle aurait été amendée et on aurait eu des changements. Mais telle qu'elle est ici, elle a reçu l'aval du surintendant.

Je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Ça va.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.

M. le député de Pointe-aux-Trembles, vous avez la parole.

M. Bourdon: Je voudrais d'abord vous féliciter du contenu du mémoire. C'est un de ceux qu'on a reçus jusqu'ici qui synthétisent le mieux l'état de la question. Dans le fond, ce que vous soulevez, c'est que le projet de loi, jusqu'à un certain point, est trop un décalque sur la loi déjà existante sur l'accès et la protection des renseignements dans le secteur public. Je dis ça parce que je n'interprète pas votre mémoire comme signifiant que vous dites: Pas dans ma cour, pas nous. Comme bien d'autres, vous invoquez qu'il y a déjà une loi qui protège vos clients et que votre principal problème, c'est qu'il n'y a aucune loi qui assujettit les compagnies d'assurances à qui vous transmettez des renseignements. Dans ce sens-là, tout en étant d'accord avec le principe du projet de loi - et je pense que vous l'êtes, aussi - là où je trouve qu'il manque sa cible, c'est quand il dit: Tout le monde, ça va être partout, tout le monde pareil, tout le temps. Il y a 240 000 professionnels, les professionnels au sens classique, vous en êtes aussi, qui nous invoquent qu'il y a déjà des dispositions qui les concernent.

Et votre article 25 ne me déplaît pas. Puis vous parlez de 17, 18 et d'autres et, dans ce sens-là, vous avez raison. Quand on veut embrasser trop large, mais qu'on sait que l'économie, le secteur privé, c'est les secteurs privés, ce n'est pas simple, bien, là, on est obligés de faire bien des exceptions. Je remarque, à la lecture du texte, que le vôtre est serré: «...sauf s'ils sont requis par une personne ou un organisme ayant le pouvoir de contraindre...», etc. Mais, vous autres, c'est plus facile parce que vous dites que les règlements, ils vont rester là, à moins qu'on n'ait le consentement de l'intéressé.

Alors, dans ce sens-là, ce sont des dispositions que je trouve, moi, à concilier. Et, dans ce sens-là, la question que je repose et que j'ai posée à d'autres, c'est: Est-ce que le projet de loi ne devrait pas tenir compte des autres législations qui régissent des tas de secteurs et donner comme mandat à la Commission d'accès d'agir en appel à la place des tribunaux ordinaires qui vont le faire en vertu des dispositions de 35 à 41 du Code civil? (20 h 30)

Ce que je veux dire par là, moi, c'est que, dans les assurances, le problème, on le voit avec Les Coopérants, c'est que la réglementation n'empêche pas les abus. J'en parle à l'aise des Coopérants parce que ce n'est pas les intermédiaires de marché qui sont en cour. Ils ont plutôt ramassé le paquet sur la gueule en même temps que la population, parce que c'est l'assurance qui a été dévaluée par ce qui s'est passé chez Les Coopérants. Donc, on ne peut pas dire qu'en assurance tous les secteurs sont bien assujettis, puis, dans le fond, l'Inspecteur général, je ne vois pas de raison de lui donner une médaille quand on voit ce qui s'est passé aux Coopérants.

Mais, donc, je pense qu'il y a des accommodements à faire parce qu'il y a une différence, moi, je trouve, entre un organisme qui dit: Je suis pour le contrôle, mais, moi, je n'ai pas besoin d'en faire parce que, moi, je suis bien parfait... Vous avez une mécanique et une loi qui vous régit. La loi des banques, je vous dirai franchement, ça ne comporte pas bien, bien de contraintes.

Puis ce qu'on sait, là, dans l'actualité immédiate, c'est que les banques, entre autres, fournissent les numéros de cartes de crédit à n'importe qui qui a 60 $ à donner à Équifax, c'est-à-dire un peu moins, là, depuis le 23 février, vu que Le Soleil en a parlé le 24. Équifax a commencé à être vertueux le 23. Mais les banques... puis qui invoquent la constitution, ils sont drapés dedans, là, ils sont tout de rouge, tout d'érable drapés, puis ils nous disent qu'ils sont parfaits. Bon.

Puis je vous répète ce que je leur ai dit: Bon, Olympia & York, ça ne devait pas être idéal, parce qu'ils ont pris un bouillon considérable, mais, eux autres, ils disent: On ne veut pas de réglementation, parce qu'on le fait déjà bien, puis on le fait déjà bien en vertu d'une loi qui est pleine de lacunes, puis, en plus, ils disent: Ce n'est pas votre pouvoir constitutionnel, bien que le Code civil, il n'ait pas besoin d'être de mon parti pour en convenir, ça fait quelques siècles que ça dépend de la province de Québec.

Mais je reviens à votre mémoire. Est-ce que vous conviendriez qu'il serait logique que la loi qui vous gouverne continue de s'appliquer et que la Commission d'accès à l'information remplisse les fins d'appel et de surveillance, aussi, des décisions qui pourraient être prises en vertu de votre mécanique actuelle, et ça, pour remplir les exigences qui sont contenues dans le Code civil?

Et, là, je fais une parenthèse. Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas assujettir l'assurance. Je parle des entreprises d'assurances. Parce que vous avez raison de le souligner. Ça ne se peut pas que les intermédiaires de marché soient réglementés, autoréglementés... Mais, vous savez, l'autoréglementation ne me frappe pas, dans votre cas, de la même manière que l'Association des banquiers canadiens. Ils nous soumettent un code d'éthique que, si tu n'es pas content, tu peux en parler au voisin, en pelletant la neige

devant chez vous, là.

Dans votre cas, les gens ont des recours. Le Code civil en crée de nouveaux, et la Commission d'accès pourrait être ce recours, pour une raison, c'est que ce serait un tribunal administratif qui aurait de l'expertise dans ce genre de questions là et qui deviendrait à l'accès et à la protection du renseignement, dans le fond, l'équivalent de ce qu'est le Tribunal des droits de la personne, maintenant, pour ce qui provient des questions de droits de la personne.

Je m'excuse de la longueur du préambule, mais je vous pose la question.

M. Pelland: Disons que, dans notre mémoire et dans notre discours d'ouverture, l'Association reprend une partie de votre énoncé, à savoir que les courtiers d'assurances, les intermédiaires de marché qui sont visés par la loi 134 sont déjà correctement cadrés, et ceci, par une loi qui est tout à fait récente, on parle de 1989, qui est entrée en vigueur en 1991. Donc, on ne parle pas d'une loi antique, là, qui devrait être renouvelée, remise, réouverte, et tout ça. Donc, sur ce point-là, je ne peux pas faire autrement que d'être d'accord avec vous.

En ce qui concerne le fait de voir la Commission siéger comme tribunal d'appel, ça pourrait être une solution intéressante, mais il s'agirait de voir des mécanismes plus précis, une élaboration plus précise sur ce thème et, également, des études de coûts de faisabilité et des répercussions financières de cette machine-là. Mais je pense que - mes collègues pourraient également être d'accord avec moi - c'est une approche qui mériterait, en tout cas, d'être considérée.

M. Bourdon: Ça m'amène à une sous-question, dans le fond. Le document sur lequel vous vous êtes prononcé, en 1991, parlait d'une loi d'application générale, mais créait des tables sectorielles pour ajuster l'intervention aux différents secteurs. Puis, malheureusement, le projet de loi qui est devant nous a abandonné cette idée-là. Est-ce que c'est une chose qui pourrait être discutée à l'intérieur d'une table sectorielle des assurances, par exemple, de voir comment ce secteur-là pourrait être assujetti à la loi?

M. Pelland: C'est également quelque chose que nous mentionnons dans notre mémoire et, si je ne m'abuse, également dans notre discours d'ouverture, que nous n'apprécions pas le fait de voir une loi uniforme qui traite tout le monde de la même façon, indépendamment des besoins de chacune des parties constituantes de l'industrie. Il y a différentes façons de travailler, il y a différents besoins, tant pour l'industrie que pour le consommateur, parce qu'il faut se rappeler que l'industrie, quand elle sert mal le consommateur, elle en prend plein la gueule.

Donc, quand on veut parler de l'industrie, ultimement, on finit toujours par parler du consommateur parce que c'est lui qui est le meilleur arbitre. si on fait mal notre ouvrage, on le sait assez vite, on perd le client.

M. Bourdon: Remarquez, quand je pariais de tables sectorielles, ce n'est pas pour faire des colloques indéfiniment. Moi, je verrais là-dedans des échéanciers où ça finit par faire un arrêté en conseil qui prévoit comment ça va fonctionner par secteur, parce que vous avez raison de dire que le public est nerveux. Quelqu'un qui a souscrit une assurance aux Coopérants, il peut se demander, les renseignements le concernant, ils sont rendus où maintenant? Qui va faire la succession aux Coopérants dans la gestion des dossiers? Puis je connais la réponse des entreprises d'assurances. Elles disent: Les risques qui ont été attribués à d'autres entreprises. Bien oui, mais, des fois, l'information peut rester à une place et le risque est rendu à l'autre place.

Dans le fond, je me permets de vous la poser la question, même si ce n'est pas directement de votre ressort: Est-ce que vous avez été rassuré par le contenu des banques de données très considérables que Les Coopérants avaient? Est-ce que vous savez, vous autres, où est-ce qu'elles sont rendues, ces banques de données là, et qui les gère maintenant?

M. Pelland: C'est un petit peu embêtant à répondre comme question parce que, d'une part, l'Association des courtiers est une association qui s'occupe d'assurances dites IARD et non pas d'assurance-vie.

M. Bourdon: O.K.

M. Pelland: Donc, tout ce qui s'appelle le dossier des Coopérants regardait plutôt les gens de I'AIAPQ, qui se présentait devant vous ce matin, et j'essaie d'être prudent en ne répondant que sur les questions où je me sens un petit peu plus en terrain familier.

M. Bourdon: D'accord. Mais, dans le fond, je m'en servais pour illustrer le fait, comme vous le soulignez dans votre mémoire, que les intermédiaires sont assujettis à des règles, mais que vous rapportez des données que vous recueillez avec l'accord de l'assuré à des entreprises qui, elles, ne sont pas assujetties.

Une voix: Exactement.

M. Grégoire (Luc): Si je peux me permettre. Dans ce sens-là, effectivement, les intermédiaires qui étaient à l'emploi des Coopérants ou de tout autre assureur du style sont réglementés aussi par la loi 134, sous le même article que 25 concernant la divulgation des renseignements de la vie privée. Maintenant, lorsque le renseignement est rendu dans l'institution financière, c'est

là qu'on disait, puis on se répète toujours, avec ce qu'on a dit, il y a deux ans, que, là, il n'y a plus de réglementation qui vient encadrer la divulgation de ces renseignements-là. Alors, là, on les perd, on ne sait pas où ils vont, on ne sait pas ce qui se passe avec ça. La porte d'entrée, autant chez les agents que chez les courtiers, elle est réglementée. C'est lorsqu'on arrive dans les institutions financières que, là, il y a un trou. (20 h 40)

M. Bourdon: Vous avez raison et, pour le public, c'est d'autant plus inquiétant dans le cas d'une entreprise qui est dissoute, qui est en faillite, et puis, là, les gens peuvent se demander... (farce que, écoutez, moi, je suis dans la société de consommation comme d'autres, je traite avec une courtière en assurance, et le rapport est éminemment plus proche qu'avec la compagnie, et les règles qui vous régissent m'apparaissent être des règles correctes.

Mais, dans le fond, moi, je pose la question: À votre égard, à l'égard des professionnels, si la loi faisait que la Commission venait en appel et que les règles particulières à votre secteur pouvaient être discutées lors d'une table sectorielle, ce qu'on pourrait voir se développer, au cours des années, c'est que la Commission d'accès aurait une expertise et ferait rapport sur ce qui se passe dans des secteurs qui étaient déjà réglementés et où elle siège en appel. Parce qu'on le sait que les bureaux de crédit, les agences de renseignements, les agences d'investigation, les courtiers en listes, ce sont des secteurs où l'intervention est urgente. Le vôtre, je dis qu'on pourrait utiliser la loi pour que la mécanique d'appel...

Ce que je veux dire, c'est que, si on n'y prend garde et si on laisse le Code civil en son état, les causes vous concernant vont finir par engorger les tribunaux ordinaires qui ne sont pas nécessairement compétents pour en traiter, et, là, ça va allonger, puis ça va judiciariser au sens strict, et on peut penser que la Commission a déjà un peu plus d'expertise dans ces questions-là. Maintenant, je n'essaie pas de vous arracher un consentement, comme vous dites. Si vous allez à une table sectorielle, vous allez demander comment, avec qui, à quel coût et de quelle manière.

Puisqu'on parle des coûts, c'est bien évident que ce que vous autres et les corporations professionnelles assumez déjà, si la Commission vient juste en dernier recours s'y ajouter, bien moi, comme député qui gère les fonds publics, je suis bien conscient qu'en vous laissant la responsabilité on vous laisse le coût aussi de ça. Dans ce sens-là, je trouve ça correct de le prendre en considération, quitte à ce que... Et je vous dis la même chose que j'ai dite aux corporations professionnelles. Peut-être que, dans Cinq ans, on dira: II faut que ça change, parce qu'il y a des corporations professionnelles où ça ne marche pas à notre gré. Mais les urgences, je ne les sens pas chez vous autant que dans les entreprises d'assurances, parce que Les Coopérants l'ont illustré, il y a un danger, on ne sait pas où les données sont rendues exactement. Puis la même chose en matière de crédit, là, on peut parler d'une jungle, puis il se passe n'importe quoi.

M. Pelland: C'est d'ailleurs ce qu'on dit dans notre mémoire, à l'effet que nous calculons, nous, être bien encadrés et souhaitons que les intervenants financiers, les institutions financières avec lesquelles nous transigeons le soient également. En ce qui nous concerne, nous, nous calculons avoir un encadrement qui est valable et qui est même, jusqu'à un certain degré, supérieur à ce que 68 présente.

Donc, je serais très intéressé de voir un projet un peu plus concrétisé de ce que vous avancez, qui pourrait, effectivement, être intéressant. Parce que les tribunaux administratifs ont toujours démontré qu'effectivement il y avait une expertise plus grande que les tribunaux généraux parce qu'ils travaillent exclusivement dans un domaine précis et qu'on ne peut pas faire autrement, à ce moment-là, qu'être beaucoup plus au fait de ce que ces tribunaux-là ont à gérer comme matière.

M. Bourdon: Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le ministre.

M. Cannon: Non, je n'ai plus de commentaires. Ça va.

Le Président (M. Gobé): Alors, ceci met donc fin à votre intervention. Au nom des membres de la commission, je vous remercie. Vous pouvez donc vous retirer, et je demanderai au groupe suivant, soit les représentants de la Ligue des droits et libertés, de bien vouloir venir prendre place en avant et, pour ce faire, je vais suspendre une minute.

(Suspension de la séance à 20 h 44)

(Reprise à 20 h 45)

Le Président (M. Gobé): La commission reprend maintenant ses travaux.

Nous vous souhaitons la bienvenue parmi nous. Sans plus attendre, je demanderais au représentant de votre groupe de bien vouloir se présenter et de présenter les gens qui l'accompagnent.

Ligue des droits et libertés

M. McKenzie (Gérald): Bonjour. Mon nom

est Gérald McKenzie. Je suis président de la Ligue des droits et libertés. J'ai avec moi Pierrot Péladeau, qui est membre de la Ligue des droits, il est responsable du dossier protection de la vie privée, télématique et liberté; aussi, Mme Joanne Barabé, qui est vice-présidente du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, qui a appuyé notre mémoire et qui interviendra ce soir au Point.

Le Président (M. Gobé): Alors, bonsoir. Vous pouvez donc maintenant commencer votre présentation.

M. McKenzie: On vous remercie de nous recevoir, M. le ministre et MM. les députés.

En 1988, lors d'un grand souper bénéfice marquant le vingt-cinquième anniversaire de la Ligue des droits et libertés, le ministre de la Justice est venu annoncer qu'en guise de cadeau d'anniversaire son gouvernement nous offrait l'adoption d'une législation de protection des renseignements personnels dans le secteur privé qui devait entrer en vigueur à la fin de 1989. Aujourd'hui, on est à notre trentième anniversaire et on vient de recevoir, de la main du ministre des Communications, le cadeau promis.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. McKenzie: J'espère que le ministre de la Justice est heureux de ça. Pour nous, ce n'est pas un cadeau pour la Ligue, évidemment, c'est un cadeau pour la population québécoise. Car, encore aujourd'hui, on reçoit hebdomadairement les cas de plusieurs personnes non déjà reçus par des associations de consommateurs et des syndicats.

Par exemple, cette dame en congé pour «burnout», dont son employeur a demandé une reconfirmation de diagnostic à une firme de conseil médical privée. Outre les examens médicaux, la personne s'est volontiers prêtée à une entrevue où elle a expliqué les conflits entre cadres qui ont provoqué son «burnout». Or, la firme-conseil n'a pas uniquement confirmé le diagnostic à l'employeur, mais a envoyé son dossier médical complet au directeur du personnel avec, en plus, le verbatim complet de cette entrevue. Ce verbatim a circulé à travers l'entreprise. En pratique, cette femme considère qu'elle ne peut plus retourner à son emploi et qu'elle devra donner sa démission. Elle imagine déjà ses difficultés à retrouver un emploi avec un «burnout» dans son curriculum vitae. Elle n'a aucune confiance dans les mesures disciplinaires des corporations professionnelles et n'a, en pratique, aucun autre recours d'accès aisé et peu coûteux.

Un autre exemple: Cet homme qui apprend qu'on a utilisé frauduleusement son nom et son numéro d'assurance sociale pour obtenir un logement, le téléphone et l'électricité, et dont des agences de recouvrement lui réclament maintenant les remboursements. Dans la mesure où il a donné son numéro d'assurance sociale à tant d'entreprises de toutes sortes qui, précisons-le, n'étaient pas requises de le demander, il lui est impossible de savoir d'où vient le bris de confidentialité qui a permis la fraude, et il n'a pas les moyens d'une telle enquête. Nous avons plusieurs cas de fraudes utilisant le numéro d'assurance sociale et les entreprises de services signalent elles-mêmes que les utilisations frauduleuses du numéro d'assurance sociale d'un tiers sont fréquentes.

D'autres cas sont illustrés dans la brochure «Gérard et Georgette» que vous avez reçue, «Gérard et Georgette, citoyens fichés» que nous avons coéditée en 1986. La commission a reçu une copie de cette brochure. Toutes ces personnes ont besoin d'un recours rapide, accessible et peu coûteux auprès d'un organisme ayant l'expertise adéquate. Le projet de loi 68 vient offrir un tel recours, même si nous avons certaines réserves sur le cumul des rôles que l'on veut faire jouer à la Commission.

Par ailleurs, le projet de loi 68 vient enfin assurer la transparence des pratiques informationnelles des entreprises. Les individus pourront beaucoup plus aisément connaître quelles sont les informations de base qui servent à alimenter les processus de décision grands et petits qui affectent leur vie: embauche, promotion, crédit, assurance, etc. Ils verront corriger ces informations.

La Ligue des droits et libertés ne peut donc que se réjouir de la volonté du ministre des Communications et de ce gouvernement de voir adoptée une législation de protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Cependant, nous devons souligner des faiblesses majeures du projet de loi tel qu'actuellement rédigé. Nous les avons soulignées dans notre mémoire. Nous en rappellerons ici quelques-unes. (20 h 50)

Un premier principe de protection des renseignements personnels veut qu'aucune pratique informationnelle, aucun fichier, aucun système d'information sur les personnes ne doit être secret, et une information adéquate à leur sujet doit être disponible. Voici une condition préalable à tout exercice des droits reconnus aux individus, notamment les droits d'accès et de correction aux renseignements détenus.

Or, tel que rédigé, l'article 7, prévoyant une obligation d'informer la personne concernée, ne s'applique pas dans la quasi-totalité des cas de rapports de consommation. La personne concernée ne sera donc pas informée des éléments inscrits sous les numéros 1 à 5. Ceci est inacceptable. En fait, il faut maintenir l'obligation d'information dans tous les cas, mais laisser le soin aux entreprises de développer la procédure la plus adéquate, par des pamphlets, des mentions au contrat ou sur la facture, des

mentions dans la correspondance, des précisions verbales lors de la collecte au téléphone, une affiche en vue. Dans notre mémoire, nous illustrons comment les entreprises donnent déjà ces informations.

En 4, il faudrait ajouter aux droits de consultation et de rectification l'information sur les recours disponibles, soit interne à l'entreprise, s'ils existent, soit auprès de la Commission d'accès à l'information ou d'un autre tribunal désigné par la loi.

À l'instar d'autres mémoires présentés devant vous, nous croyons qu'on devrait limiter les renseignements recueillis et détenus à ce qui est nécessaire à l'objet du dossier. Le fait qu'à l'article 8 on prenne la peine de préciser qu'en cas de doute un renseignement personnel est considéré non pertinent montre qu'on ne veut pas être moins exigeant, mais tout autant. Ainsi, l'emploi du terme «nécessaire» semble donc approprié et le seul souhaitable, eu égard à l'économie du régime de protection des renseignements personnels.

Aussi, tel que rédigé, l'article 8 semble actuellement sans grand effet pratique favorable à la personne concernée. En effet, l'entreprise aura généralement tendance à considérer que les renseignements qu'elle demande sont pertinents à la conclusion ou l'exécution d'un contrat. En conséquence, elle se mettra en position de pouvoir refuser un bien ou un service.

De plus, cet article ne s'applique tout simplement pas dans les contrats d'emploi ou de services professionnels, contractuels, pigistes, où de nombreux problèmes se sont posés, notamment en matière de collecte de renseignements médicaux. Cet article devrait être formulé de telle sorte que nul ne puisse refuser un emploi, au sens large du terme, un bien ou un service s'il y a mésentente sur le caractère nécessaire d'une information requise par l'entreprise qui n'est pas obligatoire ou autorisée en vertu de la loi.

L'entreprise serait donc amenée à trouver une solution à la mésentente par ses mécanismes internes de résolution de conflits ou par ceux offerts par la Commission. En pratique, les entreprises chercheraient à définir sectorielle-ment ce qu'il est nécessaire de recueillir par voie de codes particuliers ou de formulaires types recommandés.

Quant à l'article 11, outre des considérations d'archives, une entreprise ne devrait conserver, donc pouvoir utiliser, des renseignements personnels sous forme nominative au-delà de la durée nécessaire à la réalisation de l'objet, ce qui n'est pas clair dans l'article actuel, qui permet une conservation indéfinie des renseignements.

À l'instar des associations d'archivistes, nous souhaitons une mention des archives. Ainsi, la Ligue des droits et libertés archive à l'UQAM ses dossiers inactifs, dont certains contiennent des renseignements à caractère personnel sur son personnel, son conseil d'administration, ses bénévoles, son «membership». Ces dossiers servent régulièrement à des fins de recherche interne et externe, sauf que l'accès aux renseignements à caractère personnel est strictement encadré. Il faut donc faire respecter le principe de limitation en matière de conservation des renseignements personnels sans pour autant nous couper de l'histoire.

Quant à l'article 33 sur les restrictions à l'accès, nous proposons un test simple: si le professionnel de la santé physique ou mentale a considéré que la personne pouvait librement et en toute connaissance de cause consentir elle-même au traitement et, donc, signer les autorisations à cette fin, alors rien ne devrait interdire l'accès au dossier découlant du travail professionnel auquel elle a consenti.

Sur la question des flux transfrontières, nous croyons qu'il est possible, dans de nombreux cas, d'assurer l'exercice des droits des personnes concernées lorsque l'information est soit recueillie, soit détenue, soit utilisée par une personne ou une entreprise au Québec. Dans ces cas, c'est à travers la personne ou l'entreprise, au Québec, qui a recueilli, détenu ou utilisé les renseignements personnels que la personne devrait pouvoir exercer ses droits d'accès ou de correction à des informations qui sont détenues à l'étranger. Une application effective pourra donc nécessiter que les entreprises québécoises prennent des ententes contractuelles avec leurs correspondants étrangers. Si l'île-du-Prince-Édouard en était capable, nous ne doutons pas que le Québec le soit.

Enfin, il est probable que la question du cumul des mandats de la Commission d'accès soit réglée lors d'autres discussions à venir sur la réforme des tribunaux administratifs et la révision quinquennale de la loi sur l'accès à l'information. Cependant, nous croyons que, dans tous les cas, en matière de conseil, d'autorisation de communication, de régulation et de code de pratiques, la Commission devrait être tenue d'aviser préalablement les populations concernées de fournir toute information pertinente et d'entendre toute partie intéressée.

En conclusion, il est évident que nos commentaires se sont consacrés aux faiblesses du projet de loi 68. Les délais étaient assez courts pour nous, avec les moyens qu'on a. Nous n'avons pas réalisé une analyse article par article. Nous avons choisi un certain nombre d'éléments qui nous intéressaient. Le temps manquait et nous avons décidé de traiter d'un certain nombre de faiblesses où il faudrait consacrer des efforts.

Ceci dit, nous tenons à réitérer notre appui au principe d'une législation en ces matières. Il reste cependant des corrections majeures au projet de loi 68 pour qu'il soit à la hauteur des principes dont il s'inspire et dont il cherche à assurer l'application. Je vais passer la parole à

Mme Barabé, qui va vous entretenir d'un certain nombre d'éléments qu'on n'a pas touchés.

Le Président (M. Gobé): Vous avez la parole, madame.

Mme Barabé (Joanne): Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec adhère au mémoire de la Ligue des droits et libertés de la personne au nom de l'ensemble de ses membres. On sait de quoi il retourne en matière d'accès à l'information dans la fonction publique, en particulier. On se porte fort bien avec la loi d'accès qui existe et on souhaite que le privé ait quelque chose de similaire. C'est quelque chose qui urge, pour nous.

On a dénoncé dans les journaux, dernièrement, la situation de fonctionnaires qui, pour le bien de leur ministère ou du MMSR, ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, donnaient, dans la majorité des cas, des informations ou échangeaient des informations. Il y a pourtant une loi, vous allez me dire, au public, qui leur dit bien qu'ils ne devraient pas donner des informations sur des bénéficiaires d'aide sociale, sauf que, comme il faut toujours une occasion de pécher et que, quand on n'en a pas, on reste sain et pur, l'entreprise privée leur donne cette occasion-là, et on pense qu'il faut boucler la boucle à l'étape où on est. Les fonctionnaires qui font ça - et j'ai parlé personnellement à certains d'entre eux - le font pour le bien du ministère, pour sauver de l'argent aux contribuables. Mais on pense aussi que «Big Brother» doit être circonscrit dans l'ensemble de son action. Or, c'est un aspect pour lequel on pense que la boucle doit être bouclée. Il faut, au privé, le pendant de ce qui existe déjà au public.

Dans un autre champ qui me préoccupe particulièrement, au niveau des tests d'embauché et des enquêtes d'antécédents médicaux dans l'ensemble de la société actuelle, les gens recueillent le plus d'informations possible sur tout le monde. On embauche des gens et on veut savoir le plus possible ce à quoi ils rêvent la nuit, ce qu'ils pensent et ce qu'ils ne disent à personne. Les tests d'embauché peuvent être une occasion, si on ne les circonscrit pas à cette étape, de ficher carrément des gens qui se cherchent du travail. Dieu sait qu'il y en a beaucoup, dans la société québécoise, de gens qui cherchent du travail, et on prône même la réinsertion sociale des ex-psychiatrisés.

Que penser d'une situation où des firmes se spécialisent dans les tests d'embauché, dans des enquêtes de préembauche, dans des enquêtes d'antécédents médicaux, qui pourraient ficher systématiquement chacun des travailleurs potentiels, des travailleuses potentielles, à leur grand dam? À moins que la loi nous assure, par deux éléments particuliers... Un, la notion de nécessité, alors qu'on ne puisse recueillir que les informations nécessaires. Qu'on vérifie qu'un pi- lote d'avion ait un électrocardiogramme impeccable, j'en suis, mais qu'on s'assure des antécédents psychiatriques d'une téléphoniste-réceptionniste, ça me pose problème. (21 heures)

Alors, premièrement, la notion de nécessité et, deuxièmement, la notion du consentement explicite. C'est une chose de consentir, au moment où on cherche un emploi, à ce qu'on inventorie, à ce qu'on pose des questions, à ce qu'on vérifie des choses, mais que ce fichier circule à la grandeur des employeurs québécois par le biais d'une firme qui se spécialiserait dans le domaine, c'est une autre chose fort dangereuse pour l'ensemble de la population et, en ce sens-là, on souhaite que la loi puisse circonscrire au maximum.

Il y a un autre niveau, M. McKenzie y a fait référence tantôt, le cumul des mandats. Bon. Premièrement, le cumul des mandats, ça laisse à la Commission d'accès à l'information une masse de travail importante. Moi, je sais déjà, par expérience, qu'entre le moment où je demande une information à la Commission et le moment où on y répond, il peut s'écouler des délais importants. En décembre 1991, j'ai adressé à la Commission actuelle une demande d'information, une simple demande d'information, pas une procédure, et je n'ai eu ma réponse qu'en mai 1992. Six mois se sont écoulés entre la lettre où j'ai demandé une information sur un caractère qui me semblait confidentiel et le moment où un enquêteur a été disponible pour me répondre.

Qu'en sera-t-il si on surcharge la Commission de toutes les responsabilités qui sont déjà prévues dans la loi? Que la Commission soit apte à donner des avis, qu'elle soit apte à faire des enquêtes, qu'elle soit apte à agir comme tribunal pose évidemment tout le problème des conflits d'intérêts, surtout que les avis, on ne les fait pas en présence de toutes les parties, on les fait... Les conseils, on va les donner quand l'entreprise vient demander conseil, mais on ne consultera pas l'ensemble de la population là-dessus.

Mais, moi, ce que je pense, quand même, qui peut être le risque le plus important, c'est que ce conflit d'intérêts potentiel là soit utilisé par des entreprises qui ont intérêt à mettre des bâtons dans les roues le plus possible aux gens qui vont vouloir utiliser la loi pour contester des choses qui seraient plus ou moins acceptables au sens de la législation. Or, imaginez-vous le prétexte qui pourrait être invoqué par des entreprises - le conflit d'intérêts - pour mener des débats judiciaires, des longues sagas qui pourraient se rendre jusqu'à la Cour suprême et, à toutes fins pratiques, paralyser l'ensemble du système. Alors, je pense qu'on a intérêt, toutes les parties ont intérêt à avoir le maximum de transparence dans ce domaine-là.

L'expérience de la CDPQ devrait d'ailleurs nous guider à cet égard-là. La CDPQ a cru bon

de créer le tribunal; je pense que l'analyse qu'elle en a fait - depuis les années qu'elle travaille avec ça - est sûrement une analyse fort pertinente à cet égard-là. La Charte des droits et libertés reconnaît le droit à la vie privée comme un droit supralégislatif, il faut s'en rappeler. Et je pense que la population québécoise compte sur vous pour faire de ce principe qui est à la Charte quelque chose qui puisse s'articuler d'une façon concrète, technique, praticable et accessible pour tout le monde. Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Merci, Mme la vice-présidente.

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Cannon: Oui, merci. Au départ, vous me permettrez, M. McKenzie, Mme Barabé, M. Péladeau, de vous souhaiter la bienvenue. Je sais que M. Péladeau suit de près les délibérations de cette commission et des commissions antérieures. Ce n'est pas par déférence à vous que je vais limiter mes commentaires, c'est parce que, là, je n'ai presque plus de voix.

Je vous dirai, au départ, que je suis très heureux d'avoir entendu vos propos ce soir. Je vais me charger personnellement de transmettre votre mémoire à M. Dufour, du Conseil du patronat, qui semblait, hier, nous laisser présager ou nous laisser savoir que le respect des lois de la vie privée était uniquement sectorisé, ciblé dans quelques secteurs et que, de toute façon, ça allait terriblement bien au Québec, qu'on n'avait pas à se soucier de quoi que ce soit. Je suis aussi conscient que c'est une veille constante qui est exercée par les gens de la Ligue, et c'est une veille constante non seulement chez nous, mais également ailleurs. Alors, ça, j'en conviens parfaitement.

Je veux peut-être aborder avec vous non pas nécessairement l'essentiel, puisque je peux vous assurer tout de suite, au départ, que les remarques que vous avez formulées dans votre mémoire à l'égard des amendements à apporter seront prises en considération. Le projet de loi est effectivement un projet. Donc, par conséquent, il est perfectible. Et, moi, je considère que ce n'est pas simplement le projet de loi du ministre des Communications qui rend aujourd'hui le cadeau qui a été promis au mois de... je ne sais pas quand en 1988.

Une voix: En décembre.

M. Cannon: En décembre 1988. C'est le fruit d'un travail, quand même, de longue haleine, auquel plusieurs députés ont participé, et plusieurs associations. Et, moi, je ne suis qu'un des instruments à travers ça. Il y a mon collègue de Pointe-aux-Trembles, de D'Arcy-McGee, et tous les autres députés. Alors, on va essayer, Mme Barabé, d'être à la hauteur des attentes que vous nous avez fixées de ce côté-là.

C'est plutôt cette notion de tables sectorielles. Je vous avoue que mon collègue de Pointe-aux-Trembles revient avec ça et, moi, je vais vous dire, j'y ai pensé, j'y ai pensé sérieusement, à cette chose-là. Mais, au départ, non pas que je l'aie évacuée, mais ça m'apparaissait comme étant peut-être une façon de retarder, de reporter la mise en place des dispositions de la loi.

Je pars du principe que le petit monde que j'ai vu, qui est venu ici témoigner de ses difficultés, de ses problèmes, a besoin d'un recours efficace et immédiat. C'est sûr que ce n'est peut-être pas la meilleure chose au monde, ce n'est pas la chose la plus parfaite, mais ce petit monde a besoin de ça. Et mon inquiétude, c'est que, si je constitue des tables sectorielles, c'est vrai que c'est coûteux puis... Bon. Mais ça serait peut-être une opportunité pour des gens du secteur privé de dire: Bien, écoutez, on va constituer une table, 15, 20 personnes dans tel secteur, puis, dans 3 ans ou dans 5 ans, on va revenir et on va vous donner nos recommandations quant au code de conduite qu'on doit appliquer. Or, la Commission d'accès ou le législateur dirait: Bien, oui, il me semble qu'on devrait leur laisser l'opportunité de le faire. Il me semble que ça fait au moins, comme mon collègue de Pointe-aux-Trembles me dit, une bonne dizaine d'années qu'on en discute; je pense que c'est le temps d'agir.

Ce que nous avons introduit dans le projet de loi, c'est une disposition semblable à celle de la loi d'accès à l'information qui dit: Écoutez, après cinq ans, on pourra, tout le monde, s'asseoir ensemble pour voir quelle a été l'évolution dans une société qui se veut dynamique. Est-ce que c'est vrai que telle chose a été aussi marquée? Est-ce que c'est vrai que nous avons commis des abus dans tel secteur? Ça va nous permettre, il me semble, de rajuster notre tir au fur et à mesure et de ne pas nous doter d'une structure large. Mon conseiller juridique me dit qu'aux Pays-Bas - et peut-être que M. Péladeau est en mesure de le confirmer - il y a un système comme celui qui est proposé, de tables sectorielles et, après trois ans d'attente, il n'y a que 10 % des secteurs industriels qui ont déjà consenti. Et ce n'est pas les secteurs industriels ou les secteurs d'activité économique les plus importants: les banques n'y sont pas, les compagnies d'assurances n'y sont pas. C'est le petit qui dit: Bon, bien, dans le fond, je n'ai rien à perdre.

Alors, moi, je veux, avec ce projet de loi là, qu'on passe à l'action. Je veux, avec ce projet de loi là, qu'on puisse dire: Bien oui, il y a un recours; oui, les syndics existent, et ça n'empêche pas, dans le fond, les associations, comme on l'a vu, de déposer des codes de conduite ici. Et tant mieux si les codes de conduite sont bien blindés, tant mieux! Quand je

dis qu'on va voir à ce que le chevauchement soit corrigé, on verra à ce que le chevauchement soit corrigé pour que tout le monde puisse, sur le même pied, avoir une certaine cohérence dans l'application.

C'est pour ça que je rejette formellement l'idée de tables du GRID et tous les autres. En tout cas, je voulais faire cette sortie-là en disant que je m'excuse, que je ne voulais pas parler longtemps, mais j'ai l'impression d'avoir parlé très longtemps. Je me suis emporté. Alors, je vous laisse ça, et peut-être que M. Péladeau peut nous parler un peu de ça.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre.

M. Péladeau.

M. Péladeau (Pierrot): Bon! C'est ça. Vous avez parlé du GRID; je vais d'autant plus en parler que j'étais un des coauteurs de l'étude du GRID de 1986, et ça se situait aussi dans le contexte de 1986 où, quand on parlait d'autoré-glementation, on disait qu'il y avait une loi plancher et que, là, il y avait, pour l'application des principes, des tables sectorielles. Et c'était dans un objectif, à l'époque, d'éviter la politisation des débats entre les représentants des citoyens et les entreprises. Sauf que, bon, il y a beaucoup d'eau qui a coulé sous les ponts depuis. Il y a de l'expérience qui est rentrée.

Et l'autre aspect important aussi, c'est la mécanique. On a une loi devant nous qui impose une mécanique, c'est-à-dire qu'elle propose justement une loi plancher, et il y a une ouverture pour les codes qui pourrait être aménagée pour qu'elle soit beaucoup mieux balisée, mais... Et là, en pratique, ça va peut-être ressembler à des tables sectorielles, mais, dans la mesure où on adopte le cadre et que le cadre est là, moi, je pense que, pour les entreprises comme les agences de renseignements, les courtiers en listes, en tout cas, ces entreprises qui posent le plus problème, moi, l'impression que j'ai - j'en ai discuté avec des gens qui connaissent bien l'industrie durant le courant de la semaine -c'est clair que ces entreprises-là vont faire la queue pour faire adopter des codes sectoriels, parce qu'elles veulent un minimum de prévisibilité dans l'application des normes. (21 h 10)

Donc, je pense que, là où, par contre, l'idée de tables sectorielles est intéressante, c'est au niveau suivant. C'est que ce ne serait pas une histoire entre la Commission... Comme, présentement, ça se passe au niveau des avis qui sont donnés par la Commission, c'est une affaire entre la Commission, comme une espèce de fiduciaire des droits de la population ou fiduciaire, surtout, d'une loi, qui négocie ou qui donne un avis à un organisme qui fait une demande. Ici, ce serait un code plus qu'un projet précis, ou ça pourrait être un projet précis aussi.

Nous, ce qu'on suggère - on le fait clairement dans notre mémoire - c'est que, quand il y aura une demande d'avis pour faire approuver un code ou pour développer un avis sur un système particulier - il y a des systèmes transsectoriels aussi - dans ces cas-là, dans tous les cas les populations concernées seront mises dans le coup. C'est-à-dire, c'est leurs droits à elles, après tout, qu'on cherche à protéger, et il faut les entendre.

Donc, dans ce sens-là, je pense que l'idée de codes sectoriels a cet aspect-là. C'est d'asseoir - et puis, prenons des cas; on parle des assurances, de choses dans le genre - c'est d'asseoir - l'idée est encore bonne - c'est d'asseoir la Commission, d'asseoir peut-être des gens du ministère des Communications, d'autres ministères, des organismes, comme ça pourrait être l'Office des professions ou l'Office de la protection des consommateurs, dépendant du secteur, du côté gouvernemental, d'asseoir les entreprises et d'asseoir les représentants des populations concernées de façon à ce qu'on regarde, qu'on adopte, par exemple, des codes sectoriels de façon éclairée et que ce ne soit pas rien que du «rubber stamping». C'est ça, l'objectif, à ce niveau-là.

On pariait de l'expérience hollandaise. Il faut dire que la loi ouvrait la porte à ça, c'est-à-dire que, s'il n'y a pas de codes sectoriels, il ne se passe pas grand-chose. Il reste aussi qu'il faut se rendre compte que, dans certains secteurs où c'est fortement politisé ou que les intérêts sont vraiment divergents... Hier, on a eu le mémoire des associations de locataires, ou c'était très clair qu'ils ont tenté, avec la Commission des droits de la personne, depuis des années, alors que le problème date de 1982... Avec les listes, au nom des locataires, ils ont tenté, pendant des années, la Commission des droits de la personne, la Régie du logement, les associations de locataires, les associations de propriétaires, d'établir un formulaire type. Ils ne se sont jamais entendus. Et le secteur privé ne s'est jamais, entre-temps, même s'ils ne sont pas entendus, autoréglementé. Je pense que cette approche-là, effectivement, a échoué. Par contre, à partir du moment où on a une loi plancher, là, les droits sont là, les accès sont là; ce qui reste à décider, c'est de préciser ce qui est nécessaire, dans un contexte, pour des fins de prévention des causes devant la Commission. Là, je pense que c'est une autre dynamique où je pense qu'il va y avoir des secteurs d'entreprises qui vont, comme je vous dis, courir devant la Commission pour y aller.

Donc, dans ce sens-là, je pense que, effectivement, l'idée d'avoir un code de base, une loi-cadre qui établit les principes, avec l'ouverture aux codes sectoriels ou aux codes transsectoriels, c'est bon. Mais je pense que, de l'idée des tables sectorielles, il faut garder l'idée que tous les intervenants qui ont un mot à dire

vont pouvoir avoir l'occasion d'être entendus et, comme en commission parlementaire quand on adopte, ici, pour la loi générale, au niveau de la loi spécifique, on pourra, dans un temps x, entendre toutes les parties et adopter un code de conduite en conséquence de cause.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. Péladeau. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Je voudrais saluer nos amis et leur dire d'abord, en préliminaire, qu'il n'y a pas une façon péquiste ou libérale ou Parti Égalité de voir cette question-là. C'est une question de société qui nous interpelle comme parlementaires, tous, et qui touche la population. Les gens savent ce que ça veut dire, ce qui coule, et les journaux nous en entretiennent régulièrement. Vous avez raison de dire que, dans le crédit, c'est présentement plus visible, mais il y a des cabinets de psychologues et de médecins qui en commettent des grosses aussi, qui ont des conséquences très cruelles pour des citoyens.

Moi, je voudrais ajouter que, pour moi, les tables sectorielles, ce n'est pas pour qu'on fasse moins, mais ça serait pour qu'on fasse mieux ce qu'il y a à faire. Je ne parle pas de colloques et de tables de discussion, puis je dis, moi, que la loi doit avoir une portée générale, puis avoir des dents, puis être claire sur les endroits où on veut aller. Un exemple: je ne crois pas que c'est une solution de dire à tout le monde qu'Équifax a un dossier si on a acheté à crédit, on le sait déjà. J'aimerais ça avoir mon rapport de crédit et que tous ceux qui ont le droit de l'avoir l'aient. Puis, pour ça, on peut passer par les utilisateurs. Mais, après ça, c'est la croix et la bannière pour faire corriger, parce que des agences comme Équifax sont là pour vendre des renseignements, elles ne sont pas là pour corriger leurs renseignements. Et ce n'est pas centralisé, ça, la correction. Qui va prendre trois semaines pour aller corriger 21 rapports de crédit dans 21 bureaux de crédit? Si ma caisse populaire me donne mon rapport de crédit et que, moi, je note une inexactitude dedans puis qu'elle le transmet à Équifax ou à d'autres avec qui elle fait affaire, je voudrais qu'il y ait un mécanisme pour que corrigé à une place, ce soit corrigé dans toutes les places. Puis, pour ça, on n'a pas besoin d'une armée de fonctionnaires.

Il y a 1300 caisses populaires, puis il y 400 succursales bancaires au Québec. Bien, qu'ils rendent service au monde, qu'ils leur donnent les renseignements qu'ils ont à leur sujet, puis qu'ils reçoivent les plaintes. Parce que ce n'est pas tout le monde qui a une demi-journée pour aller à Anjou, chez Équifax, se faire niaiser par un formulaire, puis un fonctionnaire du privé. Ça peut être aussi arrogant qu'un fonctionnaire du public quand ça décide de l'être. Je ne dis pas que c'est la seule chose, les rapports de crédit, mais il va y avoir 5 000 000 de Québécois qui vont lire le leur. Je ne peux pas croire qu'il n'y a pas quelque chose de pédagogique là-dedans et qu'on ne leur dirait pas: Si tu penses que tu as vu des horreurs dans ton rapport de crédit, attends de lire ton rapport médical, puis attends de savoir qui l'a lu, ton rapport médical. Moi, c'est dans ce sens-là. Et je ne veux surtout pas polémiquer avec le ministre, parce que je sais qu'il y a, sur ce bâtiment puis au téléphone, une nuée de iobbyistes au travail. Ce n'est pas parce que Bell n'est pas venu devant nous que Bell, qui a inventé le téléphone, n'a pas le téléphone. Ils en ont, des téléphones. Ils en louent, ils en utilisent, puis ils sont déjà au travail.

Mais, à cet égard-là, je trouve qu'on a une responsabilité, comme parlementaires, de dire: On ne peut pas faire comme si on ignorait le problème. Et vous le posez bien, puis vous le posez large. Mais, par quel angle prendre ça pour qu'il se fasse quelque chose de concret? J'aime mieux une loi imparfaite que pas de loi, mais je voudrais une loi de portée générale; puis les tables sectorielles, je les vois simples, rapides, executives, avec des délais, puis, à la fin du délai, c'est encore l'État qui décide, là. Je ne veux pas proposer un corporatisme nouveau genre, mais, moi, j'aimerais ça qu'Équifax, à huis clos, dise comment ça pourrait se corriger, un rapport de crédit croche, autrement que de se faire dire: On peut mettre ta version; ça va te nuire. Et puis je voudrais que les institutions financières s'en occupent, parce que, écoutez, l'Association des banquiers, qui est infaillible et parfaite, nous a confirmé que les banques ne se communiquent pas de renseignements les unes aux autres. Elles ont une façon commune de retirer de l'argent dans un guichet mais ne se communiquent pas les renseignements. Puis, si quelqu'un veut faire faillite, il n'y a rien comme avoir 12 cartes de crédit, avec 12 marges de crédit de 5000 $, avant de faire faillite.

C'est parce que le système n'est pas juste mauvais pour les droits de la personne, il n'est pas efficace. Ce qu'on fait avec une grande exactitude, c'est nous dire que le député de Saint-Hyacinthe a payé son compte de téléphone en retard un été qu'il est allé en voyage. Mais, quand on est rendu à sept cartes de crédit, il n'y a pas un voyant lumineux qui s'allume nulle part. Sept cartes à 5000 $ chacune, quand tu en gagnes 21 000 $, ça devrait... Et pas dans le sens de la répression tout le temps. J'ai hâte de voir le Mouvement Desjardins. Je suis sûr que, eux autres, ils vont être sensibles à ça, de revenir peut-être aux sources, quand on s'occupait de dire au monde que, si on dépense deux fois plus qu'on ne gagne, on va finir par avoir des problèmes.

Mais je reviens à ça. Pour moi, dans les documents importants qui nous concernent, il y a les rapports de crédit, parce que, pour le citoyen moyen, il va découvrir que, depuis le temps qu'il

achète, c'est suivi à la trace puis il y a quelqu'un qui en sait beaucoup sur lui. C'est sûr que ça va être comme aux États-Unis; il va découvrir qu'il y a des erreurs, puis il va pouvoir les faire corriger. Puis, par tables sectorielles ou autrement, on va finir par étendre ça à d'autres domaines. Il faut prévenir la dissémination. Je trouve que M. McKenzie avait raison de dire que, pour ce qui est des flux transfrontières, on n'est pas obligé de s'en aller à la frontière puis de dire que le Québec est un pays, puis des affaires comme ça. Mais on sait que le Code civil nous donne mandat de réglementer ce qu'on a le droit d'utiliser comme information au Québec, d'où que ça vienne. Puis c'est par cet angle-là, je pense, qu'on peut en venir à bout.

Mais, pour être franc, je n'ai pas vraiment de questions à vous poser...

Des voix: Ha, ha, ha!

(21 h 20)

M. Bourdon: ...parce que, dans le fond, je peux vous le dire, je suis en parfait accord avec ce que j'ai entendu, puis je pense que, sur l'essentiel, on s'entend avec le ministre. Mais, le problème, c'est qu'il faudrait arriver avec la meilleure loi possible pour qu'elle s'applique et qu'elle fasse qu'on commence à étendre les droits des gens. Ce qui est commencé dans le secteur public - on va faire un bilan - ce n'est pas parfait, mais, au moins, il y a une loi, et c'est plus facile d'en amender une que d'en adopter une. Et je trouve que, parmi les personnes et organismes qui comptent pour nous aider à faire ça, il y a la Ligue des droits et libertés parce que, comme parlementaires, on ne peut pas ignorer ce qui se passe. Et, au surplus, même au plan de la rationalité économique, si on ne le fait pas, on va prendre du retard vis-à-vis d'autres pays. Il y a déjà huit provinces qui sont en avance sur nous, et on ne dira jamais assez ce que ça peut être que l'île-du-Prince-Édouard soit allée plus vite, plus loin que nous autres. Puis c'est dit en toute amitié pour l'île-du-Prince-Édouard, mais il faudrait qu'on accouche de quelque chose.

M. Cannon: C'est quoi, les huit provinces qui sont en avant de nous autres?

M. Bourdon: II y a l'Ontario et l'île-du-Prince-Édouard.

M. Cannon: non, mais c'est quoi, les huit provinces qui sont en avant de nous autres? est-ce que c'est au niveau des bureaux de crédit ou...

M. Bourdon: Les bureaux de crédit.

M. Péladeau: C'est au niveau des bureaux de crédit...

M. Cannon: Ah!

M. Péladeau: ...de l'utilisation du détecteur de mensonge. C'est à cause qu'ils ont, dans les autres provinces, une législation très, très sectorielle au niveau des agences. Par exemple, au niveau des agences d'investigation qui font des rapports sur les consommateurs, il y a de la législation aussi. Bon! C'est un peu comme le modèle américain, où il y a des législations; et c'est beaucoup des législations copiées sur les Américains. Donc, c'est beaucoup à ce niveau-là.

Juste peut-être un commentaire, là, sur la question des dossiers de crédit. Tout ça, effectivement, il va falloir préciser les règles. Et, d'ailleurs, il y a une recommandation très claire en page 25 de notre mémoire, qui dit que plutôt que d'essayer de le faire un petit peu à la pièce, de raboudiner quelque chose d'ici le mois de juin pour l'adoption de la loi, établissons la loi-cadre et donnons mandat exprès à la Commission d'accès de s'engager dans l'élaboration de codes de pratique ayant force réglementaire, prioritairement dans le secteur des intermédiaires de renseignements; puis, à l'intérieur de ça, prioritairement au niveau des agences de renseignements. Puis, nous, ce qu'on ajoute, ce qui ressemble beaucoup à l'idée de tables sectorielles, c'est-à-dire que cette élaboration devrait être faite publiquement, pas à huis clos, et avec la participation des populations concernées.

Ça fait que, nous, ce qu'on dit, c'est qu'on a effectivement... Parce que, effectivement, si on veut essayer d'embarquer dans la loi, immédiatement, plein d'affaires, ça va arriver. Et je pense qu'il faut que ça soit fait de cette façon-là parce que, ce qui risque d'arriver, c'est que... Il y a quatre projets de loi qui ont été préparés par le gouvernement depuis 1974, ici. On pourrait les ressortir, ils sont copiés sur les législations américaines. Sauf qu'on a de l'expérience, depuis 1970, sur ces lois-là. Les États-Unis pensent à réviser les leurs, et on a aussi de l'expérience au Québec. Ça fait qu'il faudrait le mettre, justement... Les questions que vous posez concernant l'application précise dans des cas précis, bien, c'est ça qui serait discuté, avec l'expérience des gens qui ont vécu et des plaintes... Parce qu'on les a, les plaintes, là. C'est ça.

Donc, je pense, là-dessus... Je n'ai pas... En fait, j'espère que ma non-réponse à une non-question a été comprise.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): M. le député de Pointe-aux-Trembles, avez-vous terminé?

M. Bourdon: Bien, je pense que ça fait le tour. Et l'idée de donner ce mandat-là à la Commission ne me déplaît pas, à condition que ça soit plus transparent que sa fonction conseil habituelle. Moi, je pense que, si les intéressés avaient été là quand on a donné cinq ans à la CSST pour mettre un voile de sécurité, un peu,

sur ce qu'il y a dans son ordinateur, il y a quelqu'un qui aurait dit que ça devrait être trois ans au lieu de cinq, je pense. En tout cas, ça ne veut pas dire qu'elle est parfaite, la Commission, mais vous avez raison, il ne s'agit pas d'organiser des palabres mais de dire à la Commission qu'elle doit opérationaliser en commençant par les agences de renseignements, secteur par secteur, ce qui va être contenu dans la loi de portée; générale, et ne pas attendre de tout avoir opérationalisé pour la mettre en vigueur. Et elle-même,; la Commission, va pouvoir, de cette façon-là - je trouve votre suggestion excellente - suivre le rythme de l'implantation, avec tout ce que ça comporte, parce que ça ne se fera pas du jour au lendemain. Parce que, si on pense: que le secteur public est complexe, le privé, c'est complexe. C'est d'évidence que ça ne sera pas demain la veille, mais j'aime l'idée de confier le mandat à la Commission de le faire. Et on dit: En commençant par le plus grave et en aboutissant à des résultats.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le ministre.

M. Cannon: Ça pourrait être la Commission, mais ça pourrait être aussi le ministère des Communications. Parce que, tantôt, là, la Commission va en avoir, des mandats. C'est... Pauvre Paul-André!

Le Président (M. Gobé): Merci, messieurs. M. Cannon: Madame.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame. Je m'excuse, je suis désolé. Madame, messieurs, merci. Ceci met donc fin à votre intervention. Vous pouvez donc vous retirer. Et ça met fin également aux travaux de notre commission pour ce jour. Je vais donc ajourner les travaux à demain matin, 11 heures, en cette salle.

(Fin de la séance à 21 h 26)

Document(s) associé(s) à la séance