L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de la culture

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de la culture

Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le jeudi 20 mai 1993 - Vol. 32 N° 26

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi n° 68, Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Doyon): Donc, bonjour à tous. La commission de la culture continue ses consultations particulières sur le projet de loi 86: c'est la Loi modifiant la Charte de la langue française.

Je rappelle que nous allons procéder à l'audition, cet avant-midi, d'un organisme, qui sera la Centrale de l'enseignement du Québec. Ses représentants sont déjà arrivés, d'après ce que je comprends.

Et, cet après-midi, nous en aurons un autre, qui sera l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, étant donné que la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal s'est jointe à l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec et a demandé de ne pas être entendue cet avant-midi.

M. le secrétaire, est-ce que vous avez des remplacements à nous donner?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président.

M. Fradet (Vimont) sera remplacé par Mme Boucher Bacon (Bourget); M. Leclerc (Taschereau) sera remplacé par M. Maltais (Saguenay); M. Boulerice (Sainte-Marie—Saint-Jacques) sera remplacé par M. Bélanger (Anjou); et M. Paré (Shefford), par M. Brassard (Lac-Saint-Jean).

Le Président (M. Doyon): Merci beaucoup.

Donc, j'invite les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec à bien vouloir s'approcher à la table de nos invités.

Je souhaite la bienvenue à Mme Pagé, la présidente, ainsi qu'à M. Gérard Lefebvre, le secrétaire-trésorier, de même qu'à M. Henri Laberge, confrère de classe. Bonjour, M. Laberge.

Vous connaissez nos règles: vous disposez d'un vingtaine de minutes, et, après ça, le temps se partage également entre les formations politiques, pour avoir l'occasion de s'entretenir avec vous.

Si vous voulez bien tout simplement vous nommer au début de votre présentation, pour les fins d'enregistrement.

Vous avez la parole.

Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)

Mme Pagé (Lorraine): Alors, merci.

Donc, je suis Lorraine Pagé, présidente de la CEQ.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les délégués, nous vous avons fait remettre le mémoire de la Centrale, je pense. C'est fait. Nous nous excusons de ne pas vous l'avoir fait parvenir à l'avance, mais les délais ont rendu cela impossible. J'essaierai quand même de suivre relativement le texte, donc, pour que vous puissiez vous retrouver facilement.

Nous savions que le gouvernement avait décidé de réautoriser l'affichage bilingue, donc, nous nous étions attendus à un projet de loi modifiant les dispositions actuelles de la Charte de la langue française à cet égard, donc, un projet de loi très court, portant essentiellement sur l'affichage public commercial et proposant quelques modifications mineures.

Or, nous nous retrouvons avec un projet de loi beaucoup plus substantiel — 65 articles, 16 pages de texte — et qui, dans plusieurs chapitres, à notre avis, s'attaque à des objectifs, des principes fondamentaux de la Charte de la langue française. En fait, c'est, de notre avis, un retour à l'esprit de la loi 22, qui institutionnalisait le bilinguisme. et je rappelle ici que la ceq a salué, en 1977, l'adoption de la charte de la langue française. nous avons toujours défendu son application. ce n'est pas parce que nous considérons la loi 101 comme un point d'arrivée définitif ou comme un monument intouchable, mais nous croyons qu'elle peut connaître des améliorations, cela va de soi. et c'est pour nous une législation très importante parce qu'elle doit être le premier pas dans un processus qui conduit à la conclusion d'un contrat social reliant les différents groupes linguistiques. mais, pour cela, pour que ce pacte social s'établisse, pour réunir les solitudes, il faut que le français soit affirmé comme langue commune. c'est la langue distinctive du québec, c'est la langue de la continuité historique au québec, c'est la langue maternelle et d'usage de 83 % des québécoises et des québécois, et c'est la langue qui est comprise et parlée par environ 95 % des québécois et des québécoises.

Donc, si nous nous opposons au projet de loi 86, ce n'est pas par dogmatisme, c'est parce que nous trouvons que ce projet de loi n'est pas bon, qu'il est même mauvais et qu'il nous déplaît dans son ensemble. Et nous avons choisi, non pas d'aborder l'ensemble des questions — ce qui serait impossible dans le temps qui nous est imparti — mais de nous concentrer sur les dispositions de la langue d'enseignement, puisque nous représentons, vous le savez, le personnel de l'éducation.

Alors, je suis en page 3 du mémoire. En note explicative, au début du texte du projet de loi 86, il est dit que «ce projet de loi modifie la Charte [...] afin d'harmoniser certaines de ses dispositions [...] avec les décisions rendues par différentes instances». Ces différentes instances, quelles sont-elles? D'abord, le Parlement du Royaume-Uni, qui, jusqu'en 1982, agissait et qui a adopté les modifications constitutionnelles, et, enfin, la Cour suprême du Canada, qui est habilitée à

interpréter la Constitution canadienne.

Mais nous nous demandons pourquoi il est si important et si urgent de faire ces harmonisations au lendemain de la victoire du Non au référendum, au Québec, puisque le Québec a donc dit non, à la fois à la Constitution de 1982 et à son renouvellement.

L'éducation est toujours de compétence exclusive provinciale; c'est d'ailleurs pour ça que le Parlement canadien n'avait pas pu, en 1982, intervenir directement dans les dispositions de la langue d'enseignement couverte dans la législation linguistique; il a demandé au Parlement de Londres de le faire à sa place. Et je pense que cet élément-là doit nous amener à rappeler que le peuple québécois a donc toujours dit non, à la fois à cet ordre constitutionnel de 1982 et à son réaménagement, la dernière fois. Et nous ne voyons absolument pas pourquoi l'Assemblée nationale, aujourd'hui, viendrait s'introduire dans la logique constitutionnelle qui a été rejetée par la population à deux reprises.

En page 6, autre élément sur lequel nous voulons attirer votre attention, c'est l'article 23 du projet de loi 86 qui a pour objet de faire endosser les dispositions de l'article 23 de la Charte canadienne des droits. Nous avions combattu cet article en 1982; il y avait, à notre avis, d'excellentes raisons pour le faire. Ces raisons-là sont toujours bonnes, et vous les avez en page 6 du mémoire et en page 7.

Nous trouvons donc toujours inacceptable que l'Assemblée nationale soumette ses propres critères d'admission à l'école anglaise au diktat de la Constitution canadienne. Mais nous allons plus loin dans l'analyse: non seulement le projet de loi 86 propose-t-il la soumission à des dispositions inacceptables de la Constitution canadienne, qui nous a été imposée, mais elle va au-delà de ce que cette Constitution exige, par la reformulation de la phrase introductive, à l'article 73. Page 8 du mémoire. Cet article, nous le rappelons, débute actuellement de la façon suivante: «Par dérogation à l'article 72, peuvent recevoir l'enseignement en anglais, à la demande de leur père et de leur mère». Le nouvel article se lit de la façon suivante: «Peuvent recevoir l'enseignement en anglais, à la demande de l'un de leurs parents». La conséquence d'une telle modification, c'est que, dans les cas où il y aurait divergence de vue entre les deux parents, c'est l'option de l'école anglaise qui triomphe. On peut bien souhaiter que les parents s'entendent; le législateur le souhaite sûrement, et nous aussi. Mais, dans le cas où il y a des divergences, la loi doit dire que c'est la règle générale qui s'applique, la règle générale étant le droit à l'école française. Donc, nous contestons cet amendement que le ministre introduit au nouvel article 73. On pourra bien nous dire que le nombre d'élèves impliqués n'est pas très élevé, nous en convenons, mais nous pensons qu'il faut apporter de l'importance au message qui est transmis et qui vient contredire l'esprit même de la Charte de la langue française en affirmant que, dans des situations où il y a un conflit de droit relatif à l'école française et à l'école anglaise, c'est l'école anglaise qui prévaudrait.

Nous recommandons donc de maintenir la règle établie par la loi 101 voulant qu'en cas de divergence entre les parents ce soit l'option de l'enseignement en français — donc, la règle générale — qui s'applique, quitte à préciser — parce que c'est important — que la demande pourrait être faite par un seul des parents ou par la personne assumant la garde, si aucun des titulaires de l'autorité parentale ne s'y oppose. Il faut tenir compte du fait que, dans certains cas, il n'y a qu'un parent qui peut agir, puisqu'on vit dans des situations de familles monoparentales plus fréquemment qu'auparavant.

Page 10: l'article 72 et l'immersion en anglais. Je voudrais particulièrement attirer votre attention sur ces éléments-là parce que nous entrons dans un débat qui n'est pas d'ordre linguistique ou politique, mais dans un débat d'ordre pédagogique et éducatif. L'article 22 du projet de loi 86 constitue une pièce majeure. Tout d'abord, on introduit la justification de l'immersion en anglais dans l'article même qui énonce la règle générale et non pas dans les articles qui énoncent les exceptions. De cette façon, l'immersion en anglais fait partie de la règle générale. Elle peut même être pratiquée partout et pour tous les groupes d'élèves. «L'enseignement se donne en français», dit le premier alinéa de l'article 72. Mais le deuxième alinéa s'empresse de préciser que cela n'empêche pas l'enseignement en anglais afin d'en favoriser l'apprentissage. Donc, ce qu'il faut comprendre, c'est que l'enseignement se donne en français, mais qu'il sera possible que les mathématiques, les sciences, l'histoire, la géographie soient enseignées en anglais. (10 h 20)

La nouvelle disposition ouvre-t-elle la porte à ce que des élèves inscrits au réseau francophone puissent recevoir leur enseignement, pendant un certain temps, dans les écoles du réseau anglophone? Ce n'est pas clair. Il faudrait que le gouvernement précise ses intentions. Mais, si c'est à l'école française que cet enseignement doit se donner, que cet enseignement en anglais doit se donner à l'école française, il faudrait donc modifier la composition du personnel enseignant et il faudrait maintenant avoir comme critère d'embauché, pour enseigner à l'école française, de pouvoir enseigner en anglais un certain nombre de matières.

La loi 86 indique que l'enseignement des différentes disciplines pourra se donner en anglais pour favoriser l'apprentissage de cette langue. À notre avis, on relègue au second plan l'objectif propre à chacune des disciplines. On n'enseigne pas la géographie pour enseigner l'anglais; on enseigne la géographie pour enseigner la géographie, avec les objectifs qui sont propres à cet enseignement. Mais ordonner l'enseignement des autres matières à l'apprentissage de l'anglais, c'est pervertir, à notre avis, la finalité de l'enseignement.

Nous aurions compris que le gouvernement propose le recours plus ou moins prolongé à la langue maternelle de l'élève lorsque ce recours s'avère nécessaire et profitable à l'apprentissage de diverses discipli-

nés. C'est ce qu'on fait dans les classes d'accueil, par exemple. Mais là, ce n'est pas de ça que l'on parle. Que l'enseignement de toutes les disciplines dans une langue donnée puisse éventuellement favoriser l'apprentissage de cette langue, nous l'admettons. Mais nous maintenons que, pour favoriser le meilleur apprentissage possible des diverses disciplines, le recours à une seule langue d'enseignement s'avère la formule la plus rentable, autant au plan pédagogique qu'au plan éducatif.

Pour un grand nombre d'élèves dans la région de Montréal, le français, langue nationale, est une deuxième langue en ordre d'importance. Pour eux, l'école francophone constitue un milieu d'immersion en français absolument indispensable. Cette immersion francophone doit se poursuivre au moins jusqu'à la fin du secondaire. Il ne faut pas raisonner dans l'abstrait au sujet des mérites éventuels de l'immersion. Tous les pays du monde reconnaissent que l'immersion linguistique est une méthode indiquée pour favoriser l'apprentissage de la langue nationale et pour favoriser l'intégration, mais ils n'y recourent pas pour l'enseignement des langues secondes. Et la réticence doit être encore plus grande dans un pays comme le nôtre, où la langue nationale a un statut de fragilité.

Il est important d'enseigner à l'école francophone d'autres langues que le français. Le Québec doit être un pays ouvert aux contacts avec les autres pays et aux langues maternelles des diverses composantes. Et là, ça ne veut pas dire seulement l'anglais, ça peut vouloir dire d'autres langues. Et il y a nécessité, oui, au Québec, d'améliorer l'enseignement, pas de la langue seconde — anglais exclusivement — mais des langues secondes.

L'école primaire et secondaire a besoin de tout son temps et de toutes ses énergies pour assurer l'immersion en français de tous les élèves qui lui sont confiés. Si le gouvernement veut améliorer l'apprentissage de l'anglais et des autres langues, il doit utiliser d'autres approches que celle de l'immersion linguistique, à commencer par exiger des commissions scolaires qu'elles respectent le temps prescrit pour l'enseignement de l'anglais, ce qui n'est pas fait.

Nous aimerions avoir l'occasion de discuter avec la ministre de l'Éducation des avantages et des effets pervers de diverses méthodes d'enseignement des langues, y compris la formule des bains linguistiques, qui ont commencé à s'implanter dans les écoles francophones. Mais ce n'est pas par le biais de dispositions relatives à la langue d'enseignement dans un débat à caractère linguistique qu'on peut aborder ces questions-là en pédagogues et en personnes responsables de l'éducation et de l'enseignement des langues.

Nous estimons que le gouvernement doit se préoccuper, tout d'abord et de toute urgence, de la qualité de l'apprentissage du français. Il y a eu tellement d'articles publiés dernièrement dans les journaux, tellement de reportages qui ont été faits à cet égard-là, que c'est un peu surprenant que l'urgence devienne l'enseignement de l'anglais, quand on voit les difficultés qu'on connaît dans l'enseignement et l'apprentissage du français.

En page 13, nous abordons la question du séjour temporaire. La loi 101 accordait au ministre de l'Éducation le pouvoir de soustraire les enfants concernés de l'application de l'article 72. Le projet de loi 86 lui en donnerait le devoir si une demande était formulée par l'un ou l'autre des parents. On pourra bien dire que ça ne concerne pas l'avenir linguistique, puisque ces gens ne sont qu'en séjour temporaire, mais comment fait-on pour s'assurer qu'un séjour qualifié de temporaire ne se transforme pas en séjour permanent? Alors, nous aurions préféré qu'on indique clairement que l'enseignement qui est reçu au Québec au titre d'un séjour temporaire est réputé avoir été reçu en français si le séjour temporaire devient un séjour permanent.

Les enfants en difficulté grave d'apprentissage, maintenant, autre élément très important. L'article 81 actuel de la loi 101 nous cause un problème. Il édicté que les enfants doivent être exemptés de l'application de l'article 72, sans préciser que les difficultés d'apprentissage ouvrant la possibilité de telle exemption tiennent au fait que l'enseignement se donne en français, mais il peut laisser au ministre de l'Éducation ou à la commission scolaire une certaine latitude pour répondre aux problèmes vécus par chaque enfant concerné, y compris le recours plus ou moins prolongé dans sa langue maternelle. C'est l'esprit qui a prévalu, par exemple, pour le Programme d'enseignement des langues d'origine, le PELO.

La reformulation qui est proposée édicté que c'est nécessairement en anglais que l'enfant qui présente des difficultés d'apprentissage — quelle que soit sa langue maternelle — aura le droit de recevoir l'enseignement, à la demande de l'un ou l'autre de ses parents.

C'est prendre pour acquis que l'anglais est une langue plus facile pour apprendre, pour n'importe quel élève, et, deuxièmement, ça laisse croire que le recours à l'anglais a un effet magique pour régler les problèmes graves d'apprentissage. Si le gouvernement est préoccupé des problèmes d'apprentissage des élèves qui ont une difficulté à apprendre en français, il devrait, à tout le moins en tant que considération humanitaire et éducative, dire que l'enfant peut recevoir, pour un temps, l'enseignement dans sa langue maternelle et non pas en anglais.

Pour un italophone, il sera beaucoup plus profitable, pour régler ses problèmes d'apprentissage, de pouvoir compter sur un temps d'enseignement en italien, par exemple, ou en portugais que d'avoir à travailler dans une troisième langue: outre sa langue maternelle et le français, qu'il aura commencé à apprendre, de l'insérer dans un apprentissage en anglais.

Alors, si ce sont des considérations pédagogiques, je pense qu'il faut absolument reformuler le projet de l'article 86 et qu'on envisage de préciser que l'exemption s'adresse à un enfant dont la difficulté d'apprentissage est en rapport direct avec le fait que l'enseignement lui est dispensé en français et que la commission scolaire puisse adopter la solution la plus appropriée, y

compris le recours plus ou moins prolongé à la langue maternelle de l'enfant.

Je passe maintenant à la fin, à la conclusion, à la page 18. On a beaucoup parlé du jugement du comité de l'ONU; je voudrais attirer l'attention des parlementaires sur un élément: il est un peu surprenant que le gouvernement se hâte tellement à satisfaire un avis du comité de l'ONU sur la langue d'affichage, alors même qu'il défend, à l'Assemblée nationale, un projet de loi 102 qui viole, de façon beaucoup plus évidente, les conventions internationales relatives à la liberté syndicale et qui contrevient à un avis qui a été donné, il y a 10 ans, par le Comité de la liberté syndicale de l'ONU, sur la loi 111. Mais la loi 102 reprend des éléments qui sont comparables à des éléments de la loi 105 et de la loi 111. Puisqu'un comité, il y a 10 ans, avait dit au Parti québécois que ce n'était pas utile de procéder de cette façon-là et que ça contrevenait à la règle de la liberté syndicale, il faudrait bien que le Parti libéral entende le même message et tienne compte des avis des comités de l'ONU, puisque c'est si important. Donc, les conventions internationales du travail sont des traités internationaux qui lient les pays qui les ratifient librement, et, 10 ans après avoir été avisé qu'une législation contrevenait à la convention, voilà que le gouvernement récidive avec un projet de loi qui est exactement dans la même lignée. Alors, nous pensons qu'à tout le moins il faudrait traiter les avis de l'ONU — quand il y en a — sur un même pied et s'ajuster en conséquence dans les législations qui sont traitées devant l'Assemblée nationale.

Alors, j'espère que je suis rentrée dans le temps, et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions, celles que nous avons abordées ou d'autres que le temps compté m'aura empêchée d'aborder de façon plus explicite dans l'exposé de départ.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Pagé. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Ryan: M. le Président, je remercie la CEQ d'être présente à nos travaux. Malheureusement, j'ai eu un peu de difficulté à suivre la présentation de Mme Pagé parce qu'elle s'est éloignée du texte dans le but de rester à l'intérieur des limites de temps qui ont été fixées par notre aménagement de l'horaire, et, en même temps que j'écoutais, j'essayais de suivre le texte avec des difficultés, parce que, encore une fois, vous avez voulu nous être utile en abrégeant votre présentation, mais ça me laisse un petit peu embarrassé. On va discuter quand même, évidemment. (10 h 30)

Je voudrais tout d'abord, là, vu que vous parlez d'éducation, souligner combien, personnellement, je regrette que vous souscriviez trop facilement à l'approche catastrophiste qui a été empruntée par plusieurs critiques du projet de loi. Je vous donne juste un exemple.

Actuellement, on a dans la loi un article qui dit que «peuvent recevoir l'enseignement en anglais, à la demande de leur père et de leur mère, les enfants», etc. Vous savez très bien que, dans le contexte actuel, à la demande du père et de la mère, ça crée toutes sortes de problèmes pratiques. Il y a au-delà de la moitié des foyers qui sont édifiés aujourd'hui qui seront brisés dans un an, trois ans ou cinq ans; c'est malheureux. Ça, on a fait face à toutes sortes de difficultés dans l'application de la loi. Là, on dit: à la demande de l'un des deux parents. Laissons-les tranquilles, ils ont des problèmes domestiques, je ne veux pas que les fonctionnaires viennent arbitrer ça.

Et il y a une autre disposition dans le projet de loi où on définit qui est le titulaire de l'autorité parentale, puis on élargit la notion de titulaire de l'autorité parentale — c'est à l'article 24, je ne sais pas si vous l'avez remarqué — et la définition que nous empruntons ici est calquée sur celle que nous avons introduite de mon temps, dans la Loi sur l'instruction publique, de manière à la rendre mieux ajustée aux réalités d'aujourd'hui. Avec le jeu combiné de ces deux dispositions, il n'y a aucune espèce de motif d'inquiétude, et je ne consentirai, pour aucune considération que j'ai entendue jusqu'à maintenant, à ce qu'on vienne... à ce régime qui lie inutilement à la fois les parents et les fonctionnaires dans l'application de cette loi. Ça, c'est un point, mais c'est juste un exemple. Je pense bien qu'il faut s'adapter aux réalités d'aujourd'hui, et vous le savez très bien.

En ce qui regarde la Constitution canadienne, nous ne sommes pas de l'école rigoriste à laquelle souscrit la CEQ. Je respecte son opinion; c'est l'opinion du Parti québécois en ces matières, d'ailleurs, il n'y a pas beaucoup de différence. Nous autres, nous considérons que la Constitution canadienne est un fait. Politiquement, nous avons toujours exprimé notre désaccord quant à la manière dont fut adoptée la Loi constitutionnelle de 1982, et notre désaccord demeure. Le Parti québécois, quand il était au pouvoir, a été obligé d'appliquer l'article 23 de la Loi constitutionnelle canadienne, qui traite du droit à l'éducation. Cet article, entre parenthèses, n'est pas un article barbare, c'est un article hautement civilisé; c'est un article qui ne crée pas beaucoup de problème dans l'application concrète.

On s'inquiète des riches qui pourraient passer par l'Outaouais pour venir au Québec ensuite. Moi-même, je représente une circonscription qui est limitrophe de l'Ontario et j'avais pris l'exemple, souvent, de parents de Grenville qui pourraient décider, par subterfuge, d'inscrire leurs enfants à l'école anglaise, en première année, à Hawkesbury, de l'autre côté du pont Perley. Puis, après ça, ils nous reviendraient avec un certificat: A reçu la majeure partie de son enseignement primaire en anglais. Des cas comme ça, on n'en a pas eu; on n'en a pas eu, dans la pratique. Les gens ne sont pas assez — à mon point de vue — rusés et assez maléfiques pour aller concevoir toutes sortes de choses... Il va arriver des cas particuliers, ici ou là, mais il faut gouverner en fonction des grands ensembles, puis je ne pense pas qu'ici, encore une fois, il y ait de danger

grave, d'aucune manière.

J'ai une étude, ici, du ministère de l'Éducation. Ce sont des notes de travail concernant l'impact des mesures que nous introduisons pour l'admission à l'école anglaise. Puis, de ces observations-là, il est clair que l'impact des assouplissements que nous proposons sera infiniment réduit, infiniment réduit. Puis, en temps utile, au stade de l'étude en commission, nous ferons la preuve de ça. Chacun des assouplissements qui sont apportés, tout en répondant à des situations pratiques qui ont été portées à notre attention à maintes reprises, donnera lieu à des résultats qui seront extrêmement modestes au plan numérique.

La CEQ s'inquiète — puis ça, ça me fait de la peine — de la disposition que nous introduisons à l'article 72 pour assouplir les possibilités d'apprentissage de la langue seconde. Moi, ça me renverse assez qu'on aille vouloir interdire par loi le recours à l'immersion comme méthode d'apprentissage d'une langue seconde, ça dépasse mon entendement, je vous le dis franchement. La loi actuelle est trop rigide de ce point de vue.

On fait des bains linguistiques... Vous semblez opposés aux bains linguistiques. Vous parlez des effets pernicieux. Vous en parlez dans votre texte. Franchement, on a fait des études sur les effets des bains linguistiques, et ils sont loin d'être pernicieux, loin d'être pernicieux, au contraire, très bienfaisants, dans l'ensemble.

Mais, actuellement, vous faites un bain linguistique, vous êtes obligés de vous faire accroire que, pendant trois mois, vous enseignez uniquement l'anglais, puis la seule exception qui est permise, c'est l'enseignement de la religion ou de la morale qui doit être fait dans la langue officielle. Pensez-vous que, pendant trois mois, ils vont parler rien que de la grammaire et de la syntaxe anglaises? Ils vont parler un peu de géographie, ils vont parler d'économie, ils vont parler de ceci et de ça. Je pense bien qu'il faut laisser un peu de marge, il faut laisser un petit peu de marge, puis l'objet de cette modification, c'est de permettre au ministère de l'Éducation de prévoir des modalités qui permettront d'améliorer l'apprentissage de la langue seconde, et en particulier la langue anglaise, pour des raisons évidentes, que seule l'Opposition n'a pas comprises encore. Cette modification que nous envisageons s'inscrit dans un document d'orientation qui a été préparé par le ministère de l'Éducation, d'ailleurs. Ça fait des années...

Vous parliez de l'apprentissage du français. Vous savez, moi, j'ai été ministre cinq ans à l'Éducation, et nous avons eu un programme intensif d'apprentissage du français, langue maternelle, qui a très bien fonctionné dans les écoles primaires; et j'espère que les effets se poursuivent aujourd'hui. Il fallait aborder le secondaire, mais, au primaire, là, on était prêt, les bases ont été jetées comme il faut pour l'apprentissage du français, et je rends hommage aux enseignants qui ont apporté une collaboration magnifique à ce programme, magnifique. Mais on nous disait: Quand est-ce que vous allez nous donner des instruments semblables pour l'apprentissage de la langue seconde? Alors, c'est ce que le projet de loi veut faire, bien simplement. On ne mentionne même pas l'immersion là-dedans. Tout ça fera l'objet de propositions en temps utile de la part de la ministre de l'Éducation, puis là, on pourra engager le débat de fond.

Moi, je ne suis pas un partisan aveugle de l'immersion. Je sais très bien que, si elle doit être retenue, il faut qu'elle le soit dans des conditions et suivant des modalités précises qu'il appartient à la ministre de l'Éducation de proposer au gouvernement. Elle ne peut même pas les adopter elle-même. Il faut que ce soit des modifications au régime pédagogique, puis nous savons tous que toute modification au régime pédagogique doit d'abord passer par le tamisage de l'examen du Conseil supérieur de l'éducation, entre autres. Alors, sur ce point-là, je ne comprends pas les objections qu'on voudrait faire à rencontre de la modification proposée. Plus j'écoute, plus je suis amené à considérer que les objections qu'on nous formule s'inspirent d'une conception très étroite, très étroite et inutilement — et dangereusement, même — rigide de la pédagogie des langues secondes. Et je défie qui que ce soit qui connaît vraiment l'apprentissage des langues secondes, qui a de l'autorité en ces matières, de venir nous dire qu'une mesure comme celle-ci ouvre la porte à n'importe quel dévoie-ment. Franchement, la démagogie doit avoir ses limites aussi.

J'arrive à une question... Si vous voulez commenter mes observations là-dessus, j'accueillerai vos remarques avec beaucoup d'intérêt, évidemment. J'ai noté que, dans votre texte, vous ne parlez pas de l'affichage. Est-ce que vous pourriez me dire quelle est la position de la CEQ, là, sur le projet de loi, sur les dispositions qui traitent de l'affichage?

Le Président (M. Doyon): Mme Pagé.

M. Ryan: J'ajoute juste un point, pour compléter.

En ce qui regarde la Constitution canadienne — j'ai commencé à en parler tantôt et je n'ai pas complété ce que j'allais dire — tout en ayant toujours des objections d'ordre politique à la manière dont certaines choses se sont faites, aussi longtemps que nous restons dans le Canada, nous devons observer les lois du Canada, celles qui ont été adoptées suivant les normes démocratiques que nous avons au Canada, et c'est pour ça que nous avons travaillé depuis ce temps à réparer cette situation-là, à la corriger. Nous avions souscrit à l'accord de Charlottetown dans ce dessein. Ça corrigeait plusieurs des choses qui avaient été faites d'une manière inacceptable pour nous, en 1982. La population n'a pas accepté l'accord de Charlottetown, nous avons accepté son verdict sans récriminer, sans arrière-pensée. Nous cherchons encore, mais, en attendant, il faut que les lois du Canada s'appliquent, et, tout ce que nous disons ici, nous appliquons ces lois en exerçant notre compétence propre.

Et la clause Canada, entre parenthèses, nous l'appliquons tous depuis des années. Elle a été appliquée

par le Parti québécois, nous l'appliquons, et là, nous avons, nous autres, l'audace — quelle audace! — de le dire franchement dans un texte de loi. Voilà.

Le Président (M. Doyon): Mme Pagé.

Mme Pagé: Oui, si vous le voulez, M. le Président, je n'élaborerai pas longtemps sur le débat concernant la Constitution canadienne. Je pense que nos points de vue sont irréconciliables, et on pourrait bien faire un long débat, mais... Ce serait probablement un débat intéressant, une bonne joute oratoire, là, mais on n'est pas ici pour cela; on est ici pour vous convaincre de certains éléments de la loi qui ne nous semblent pas satisfaisants, pernicieux. Vous avez dit que vous abordiez la commission parlementaire en espérant des débats vigoureux, empreints de rigueur, que vous étiez ouvert à considérer tout ça. Nous nous sommes présentés dans cet esprit, pas pour faire un exercice de style, pour se faire plaisir, mais vraiment pour attirer votre attention sur des éléments, vous demandant de les considérer. (10 h 40)

Alors, je vais revenir sur certaines questions. J'ai abordé, en page 8 de notre mémoire, l'article 73 actuel, qui débutait en disant: L'enseignement en anglais peut être reçu à la demande du père et de la mère, alors que le nouvel article que vous proposez dit: L'enseignement en anglais... à la demande de l'un des parents. J'ai insisté, dans ma présentation, en disant qu'on pouvait concevoir que cette formulation, disiez-vous, était là pour tenir compte de la réalité des familles monoparentales. Je l'ai moi-même mentionné dans mon exposé de départ. Ce que nous disons, c'est: Si c'est cela, votre préoccupation, ce n'est pas la bonne façon de l'exprimer. Il faut trouver une autre façon de l'exprimer, et il ne faut surtout pas faire... Pourquoi, quand il y a des accords entre les deux, c'est l'école anglaise qui prévaut et pas l'école française? Vous avez décidé de dire: Quand ils ne s'entendent pas, c'est l'école anglaise qui prévaut. À notre avis, quand ils ne s'entendent pas, ça doit être la règle générale qui prévaut.

Mais, deuxième élément, nous suggérons en plus — et vous l'avez en page 9 du mémoire — d'aller formuler directement une formulation qui pourrait permettre de régler le problème des familles monoparentales, en disant, par exemple, que la demande peut être faite par un seul parent ou la personne qui en assume la garde, si aucun des titulaires de l'autorité parentale ne s'y oppose. Et là, ça règle le problème que vous avez souligné par rapport aux familles monoparentales, qui est un réel problème — ce n'est pas moi qui vais le nier, vous comprenez — mais ce n'est pas la bonne façon que vous avez choisie d'introduire dans le projet de loi pour régler ce problème. C'est ce que nous vous soumettons avec beaucoup de respect.

Sur l'autre élément, l'article 72. L'immersion poursuit à la fois des objectifs de maîtrise de la langue maternelle et des objectifs d'intégration sociale. C'est pour ça que nous pouvons considérer que l'enseignement en français se dispense au Québec, même pour des enfants dont ce n'est pas langue maternelle. Et c'est pour ça, par exemple, que les immigrantes et les immigrants rejoignent les rangs de l'école française. Mais nous ne pensons pas que l'immersion est la bonne façon d'enseigner la langue seconde, puisqu'on subordonne l'atteinte des objectifs dans les autres matières à la maîtrise même de la langue seconde. Il y a d'autres formules plus intéressantes. Bien sûr, quand on fait un bain linguistique, on ne parle pas que de règles de grammaire, on aborde des sujets très diversifiés, pendant trois mois, en bain linguistique. Mais on n'aborde pas les sujets comme des matières dont il faut atteindre les objectifs, tel que prévu dans le régime pédagogique, avec la sanction qui en découle au niveau de la maîtrise du contenu de ces matières-là.

Et nous pensons que, si nous voulons améliorer l'enseignement de la langue seconde, il y a d'autres avenues plus intéressantes qui n'auraient pas les effets pernicieux de l'immersion. Et nous pouvons témoigner que le bain linguistique comporte certains avantages, mais, dans une optique de généralisation, par exemple, de cette approche, il y a des effets difficiles qu'on peut déjà entrevoir pour certaines catégories d'élèves.

Et si on faisait le débat sur des bases pédagogiques, éducatives, à ce sujet-là, nous aurions beaucoup de choses à invoquer. Nous avons constitué un dossier; nous avons rencontré les enseignantes et les enseignants qui travaillent en bain linguistique; nous sommes capables, dans une démarche tout à fait rigoureuse, de signaler les avantages, les inconvénients, les difficultés et même d'y aller de propositions très concrètes pour éliminer les difficultés et renforcer les avantages. Mais nous croyons que c'est de l'ordre d'un débat qu'il faut faire correctement autour de la question de l'apprentissage de langue seconde, et il ne faut pas confondre les objectifs éducatifs et pédagogiques avec des objectifs qui sont d'un autre ordre. Et, à notre avis, l'objectif qui est poursuivi par l'immersion en langue anglaise, ce ne sont pas d'abord des considérations pédagogiques et éducatives, c'est le contraire.

Aux plans pédagogique et éducatif, ce serait beaucoup plus avantageux de parler de renforcement du régime pédagogique, en s'assurant que le temps est dispensé correctement, et un soutien plus adéquat aux formules de bains linguistiques qui ont déjà commencé à être essayées dans certains milieux.

Sur l'affichage, vous avez, en page 18, ce que nous avions à vous dire sur la langue d'affichage. C'est délibérément que nous n'avons pas passé beaucoup de temps là-dessus. Nous avons voulu nous concentrer sur la langue d'enseignement.

Nous n'aimions pas la formule qui a été adoptée en 1988, mais on aime encore moins la formulation qui est adoptée aujourd'hui dans la loi 86, et je vous dirais qu'un des éléments c'est que nous pensons que ça ne nous rapproche pas de la conclusion d'un pacte social entre les différents groupes ethniques au Québec. Il n'y

a pas, par les dispositions de la loi d'affichage, un rapprochement entre les parties. On assiste même à un débat qui va de plus en plus en se polarisant. Dans ce contexte-là, on pense qu'il aurait été plus simple d'invoquer à nouveau «nonobstant* et d'essayer de créer les conditions qui amèneraient le Québec, une fois pour toutes, je l'espère, à faire un véritable débat, à conclure un véritable pacte social, qui ferait l'objet d'ententes entre toutes les communautés et qui ferait qu'on arrêterait de faire continuellement des révisions à notre législation linguistique: c'est la cinquième en 25 ans. Il devrait bien y avoir moyen, une fois pour toutes, d'asseoir les représentants des différentes communautés et d'en arriver à un équilibre social et linguistique où chacun en laisse un peu, mais où chacun en retrouve aussi, et qui nous donne une véritable paix linguistique. Et nous pensons que la loi 86 ne nous mettra pas en chemin vers ça et, dans ce cadre-là, nous aurions préféré que la clause «nonobstant» soit invoquée, qu'on prolonge tout simplement et qu'on essaie de créer les conditions de ce dialogue, qui est une donnée essentielle pour le développement social du Québec.

Le Président (M. Doyon): M. le ministre.

M. Ryan: Je veux juste rappeler, M. le Président, qu'à propos du père et de la mère — l'article 24 — comme je l'ai dit tantôt, résout le problème de manière claire. On dit bien: «Le parent qui peut faire les demandes prévues au présent chapitre» — y compris la demande prévue à 73 — «doit être titulaire de l'autorité parentale. Toutefois, la personne qui assume de fait la garde de l'enfant et qui n'est pas titulaire de l'autorité parentale peut également faire une telle demande à la condition que le titulaire de l'autorité parentale ne s'y oppose pas». Ne s'y oppose pas. Je pense que tout est prévu ici pour qu'on puisse agir de manière claire. Et, dans les cas où il y a désaccord entre le père et la mère, s'il arrive que c'est la mère qui s'occupe de l'enfant; le père ne s'en occupe pas, mais c'est une personne qui a des opinions politiques particulières: il ne veut pas entendre parler du tout de voir son enfant aller à l'école anglaise...

Est-ce que c'est le gouvernement qui va arbitrer ça? Selon votre formule, c'est le gouvernement qui serait obligé d'arbitrer ça. Moi, je ne pense pas qu'on doive s'embarquer là^dedans. Je pense qu'on est mieux... Il y a peut-être certaines situations où il y aura doute, mais, dans ce cas-là, que le doute joue en faveur de la liberté comme il est normal dans une démocratie, ça m'apparaît infiniment préférable. Encore une fois, au plan pédagogique, j'inscris mon opposition fondamentale à la position que défend devant nous la CEQ, et je regrette profondément qu'une position réactionnaire comme celle-là soit défendue par un corps qui représente tous les enseignants en ce qui regarde l'apprentissage...

Mme Pagé: M. le ministre, je ne vois pas...

M. Ryan: ...de la langue seconde.

Mme Pagé: ...qu'est-ce qui est réactionnaire.

M. Ryan: Non, non.

Mme Pagé: II y a deux personnes qui ne s'entendent pas. Il faut bien...

M. Ryan: Non, ce n'est pas sur ce point-là. C'est sur l'apprentissage de la langue seconde.

Mme Pagé: Ah! mais, écoutez, ce n'est pas réactionnaire, c'est et pédagogique et éducatif, M. le ministre. Nous sommes capables de vous présenter un dossier très étoffé sur l'enseignement des langues secondes. Nous sommes capables de poser un verdict très dur sur la réalité de l'enseignement des langues secondes. Nous en faisons les frais comme enseignantes et comme enseignants quand, dans les commissions scolaires, le temps prescrit n'est pas respecté, quand nos enseignants font état de manque de matériel, de manque de perfectionnement.

Ce que nous disons, c'est que l'immersion n'est pas la bonne façon pour les élèves d'apprendre à la fois l'anglais et les autres matières du programme qu'ils doivent apprendre. Et, s'il y a lieu d'améliorer l'enseignement de la langue seconde, il y a d'autres formules qui sont plus intéressantes que l'immersion. Les pays, en général, ne recourent pas à l'immersion pour l'enseignement des langues secondes. Il doit bien y avoir des raisons qui sont autre chose que politiques et linguistiques, qui sont éducatives et pédagogiques.

Alors, on est sur notre terrain quand on arrive là-dessus, M. le ministre, et je pense que nous pourrions vous présenter des documents, et nous en présenterons à la ministre de l'Éducation, mais, de nous faire accuser de réactionnaires quand nous nous plaçons sur le terrain de l'éducation et de la pédagogie, je trouve que, certainement, le mot a dépassé votre pensée.

M. Ryan: Non.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

Mme la présidente, messieurs, je voudrais vous souhaiter la bienvenue à cette commission au nom de l'Opposition officielle.

Peut-être qu'avant de commencer les questions je voudrais inviter le ministre à déposer le document auquel il faisait référence tout à l'heure. Le ministère a produit une analyse sur les effets de l'application de cette loi. Il refuse de nous donner les règlements; le minimum qu'il puisse faire, c'est de rendre public... Lui qui parle tellement de transparence et d'ouverture, j'espère qu'il n'hésitera pas à déposer aujourd'hui le document auquel il référait tout à l'heure.

M. Chevrette: L'avez-vous? (10 h 50)

Mme Blackburn: Oui?

M. Chevrette: M. le Président, est-ce qu'on peut...

Mme Blackburn: Est-ce qu'on peut demander au ministre s'il dépose le document?

Le Président (M. Doyon): Oui. M. le ministre, vous avez une demande, mais...

M. Ryan: Ce sont des notes de travail que j'ai pour mon usage.

Le Président (M. Doyon): ...je vous indique, M. le ministre, que l'article 214 ne s'applique pas aux notes personnelles que vous avez.

M. Ryan: Oui. J'ai indiqué, M. le Président, que je fournirai, au stade de l'étude détaillée du projet de loi, les renseignements substantiels à ce sujet et je réserve la fourniture de ces informations pour ce stade.

Mme Blackburn: Vous aurez remarqué comme moi que le ministre... Vous savez, si vous ne pensez pas comme lui... Le grand moralisateur, celui qui donne des leçons à tout le monde a utilisé de façon systématique un langage outrageant à votre égard. Évidemment, l'Opposition, on y est habitués.

Il a dit: Nous ne souscrivons pas à l'école rhétorique de la CEQ. Vous êtes des réactionnaires, la démagogie doit avoir ses limites, une conception étroite... Et, évidemment, l'Opposition n'a rien compris, encore une fois. Et ça, vous savez, il a pris 11 minutes pour poser la question alors qu'on vous invite généralement pour vous entendre.

Je voudrais dire d'entrée de jeu, pour ceux qui nous écoutent, que le ministre tente de minimiser l'importance de la loi. Pour bien illustrer l'importance de cette loi, rappelons qu'il y a 65 articles qui viennent modifier 24 dispositions, 24 articles de la loi 101, qui en contient 214. Et, quand on veut laisser l'impression que ça ne touche que ou essentiellement l'affichage, on ment à la population, puisqu'il y a 10 articles qui touchent l'affichage sur 65. Il y en a donc 55 qui viennent modifier en profondeur l'esprit de la loi 101, qui faisait essentiellement la chose suivante: c'est de faire du français la langue normale et nécessaire au Québec. Et là, ce qu'on est en train de dire: Ce ne sera plus nécessaire.

Et le premier mouvement, c'est de «bilinguiser», entre autres, les écoles françaises, alors que — je le rappelle — ce que demandent les Anglo-Québécois, c'est une meilleure connaissance du français pour leurs enfants parce qu'ils estiment que ça nuit à leur progrès, à leur avancement social dans les professions. La réponse qu'on nous donne, c'est: Apprenez l'anglais par les bains d'immersion aux jeunes francophones ou allopho- nes qui sont dans les écoles françaises.

Moi, j'aimerais vous entendre... Vous avez clairement établi, d'abord, qu'à l'article 81 on est en train de faire un glissement tout à fait surprenant parce que les enfants qui auraient des difficultés graves d'apprentissage, à la demande de l'un de leurs parents, pourraient recevoir l'enseignement en anglais; qu'ils soient hispanophones, qu'ils soient italophones, qu'ils soient grecs, ils pourraient dorénavant recevoir l'enseignement en anglais.

Pouvez-vous me donner une raison qui puisse soutenir une telle proposition? Aux plans logique et pédagogique, là.

Mme Pagé: Je vais vous donner des arguments qui sont fondés sur les compétences des enseignantes et des enseignants. C'est en les représentant et en représentant les personnels professionnels, par exemple, qui conseillent, dans le cas de mesures à mettre en place pour les enfants en difficulté, que nous pouvons faire état que, quand un enfant a des difficultés d'apprentissage, il y a parfois des difficultés d'apprentissage qui ne découlent pas de l'enseignement dans une langue ou dans une autre; il y a parfois des difficultés d'apprentissage qui n'ont rien à voir avec l'enseignement... dans quelle langue l'enseignement se fait. Il faut être capable de distinguer ces choses-là. Mais, quand un enfant a des difficultés à cause de la langue d'enseignement, la bonne façon de régler son problème, c'est de lui donner accès à un enseignement dans sa langue maternelle pour un temps donné. Et la langue maternelle, quand on est un italophone, ce n'est pas l'anglais; quand on est un Portugais, ce n'est pas l'anglais; quand on est un Vietnamien, ce n'est pas l'anglais.

Alors, si le ministre est préoccupé de la façon d'aider les enfants qui ont des difficultés, ce n'est pas de donner aux enfants qui ont des difficultés la possibilité d'étudier en anglais, c'est de donner aux enfants qui ont des difficultés la possibilité d'étudier dans leur langue maternelle quand il y a une difficulté qui est liée à l'usage d'une langue pour l'enseignement. Ça pourrait faire que certains enfants dont la langue maternelle est l'anglais puissent recevoir, pendant un temps, l'enseignement en anglais. On n'empêchera pas les enfants anglophones en difficulté de recevoir l'enseignement en anglais pour des raisons idéologiques. Mais il y a des cas où ce n'est pas en anglais qu'ils ont besoin de recevoir leur enseignement: c'est en italien, en portugais.

On pourra nous dire qu'on n'a pas les moyens qu'il faut pour le faire: ce n'est pas vrai. Nous avons, dans les écoles du Grand Montréal, où se retrouvent la majorité des enfants d'autres langues, des enseignantes et des enseignants dans les classes d'accueil, dans les Programmes d'enseignement des langues d'origine.

Nous avons aussi des gens habilités à donner de l'enseignement qui, peut-être, pourraient connaître là une embauche intéressante pour dispenser de l'enseignement. Ça permettrait d'avoir un corps enseignant qui est plus diversifié au plan ethnique, qui serait tout à fait

représentatif de la population. Donc, c'est accessible. Et, si c'est des préoccupations éducatives et pédagogiques, ce n'est pas comme ça qu'il faut libeller l'article du projet de loi.

Si on veut le maintenir comme ça, c'est parce que ce sont d'autres visées qu'on a, ce ne sont pas des visées pédagogiques. Qu'on n'essaie pas de faire croire que ce sont des visées éducatives.

Mme Blackburn: Quelle serait la valeur pédagogique de retirer un enfant, par exemple, l'aîné, qui fréquente déjà l'école française? Parce que son petit frère ou sa petite soeur a une difficulté d'apprentissage, on envoie l'aîné... on le retire de l'école française, on l'envoie aussi à l'école anglaise, sous prétexte que son petit frère a eu des difficultés et qu'on l'a inscrit à l'anglaise.

C'est quoi, l'idée qui peut soutenir une telle proposition? Est-ce que ça se défend?

Mme Pagé: Bien, ça ne se défend certainement pas aux plans pédagogique et éducatif. Ça doit certainement se défendre dans la vision du ministre. Mais, pour nous, si le problème, c'est l'enfant qui a des difficultés, on va s'occuper de l'enfant qui a des difficultés, pas de la famille.

Mme Blackburn: Dans le fond, le seul objectif, c'est de venir grossir les rangs des écoles anglaises; on n'en voit pas beaucoup d'autres.

J'aimerais vous entendre... Parce je sais qu'il y a un problème particulier dans la région métropolitaine. Évidemment, on sait que 90 % des immigrants s'installent dans la région de Montréal avec, évidemment, des effets tout à fait exceptionnels ou particuliers sur la composition linguistique des écoles à Montréal.

J'aimerais que vous me fassiez le bilan des classes d'immersion ou des bains linguistiques dans des écoles multiethniques, à composition multiethnique. Qu'est-ce que ça va nous donner? Quelle est la réalité actuelle et qu'est-ce que ça nous donnerait, ces bains linguistiques, par rapport à ces enfants qui en seraient à leur troisième langue — au primaire, on s'entend toujours?

Mme Pagé: Nous constatons que, pour les élèves qui ont un bain linguistique et pour qui c'est la troisième langue, l'apprentissage est plus laborieux, c'est évident. Parfois même, ça peut amener, quand l'enfant n'est pas arrivé depuis très longtemps au Québec, une difficulté au plan de l'apprentissage des langues. On va assister à beaucoup de transferts linguistiques, parce qu'il y a la langue maternelle, on est en train de consolider l'apprentissage du français, arrive un moment de bain linguistique — et là, on ne parle pas d'immersion, on parle seulement de bains linguistiques — mais on va constater que ces élèves-là vont avoir des difficultés, et leurs notes en français vont s'en ressentir. Donc, il y a une difficulté particulière.

Le deuxième effet pervers qu'on a constaté — qui n'est pas nécessairement pour les enfants de milieux pluriethniques ou d'origine étrangère, d'origine ethnique étrangère — ce sont les enfants qui ont des difficultés. Quand on leur demande de concentrer, dans une partie de l'année, l'atteinte de tous les objectifs dans toutes les autres matières pour accéder au bain linguistique, ils ont de la difficulté. Les élèves forts vont devenir parfois faibles, dans certains cas. Donc, ça cause des difficultés aux élèves qui ont un peu plus de lenteur dans l'apprentissage, et c'est un effet pervers auquel il faut être sensible.

Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des moyens de composer pour cela, mais ça doit nous inciter à beaucoup de prudence dans la généralisation des bains linguistiques et ça doit commander un soutien, une aide directe dans l'implantation de ce régime, dans le perfectionnement des enseignantes et des enseignants, dans le matériel disponible pour faire cet enseignement, ce qui n'est pas toujours le cas. Souvent, on l'a fait à la demande des parents, pour empêcher un exode vers l'école privée, des choses comme ça, et le moyen s'instaure, le bain linguistique se met en place, mais le perfectionnement n'a pas été adéquat, puis le matériel est tout à fait insuffisant.

Mme Blackburn: Et les classes d'immersion?

Mme Pagé: Les classes d'immersion, nous n'en avons pas du côté francophone et nous ne pensons pas que c'est une mesure qu'il faut rechercher, bien au contraire. Je l'ai expliqué dans l'exposé tout à l'heure. Nous pensons que faire... profiter de l'enseignement de l'anglais pour dispenser les autres enseignements, ça ne pourra qu'avoir des effets désastreux sur la capacité d'apprentissage des élèves et leur réussite dans l'ensemble des matières.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Lac-Saint-Jean. (11 heures)

M. Brassard: Sur le même sujet, je vous signale, Mme Pagé, que, à l'occasion d'un débat à l'Assemblée nationale sur une motion qui portait sur le projet de loi 86 ou sur la question linguistique, le ministre responsable de la Charte, qu'on a devant nous et qui, tout à l'heure, s'est montré très catégorique — il vous a même traitée de réactionnaire à ce sujet-là — il semble maintenant avoir trouvé la vérité tout entière, mais, à l'Assemblée nationale, ce n'était pas vraiment le cas.

Concernant cette disposition du projet de loi 86, il affirmait ceci, et je vous le cite: «En matière d'enseignement du français et d'apprentissage d'une langue seconde, l'initiative devra venir de la ministre de l'Éducation. Elle devra le faire sous forme de présentation de modifications au régime pédagogique. La ministre de l'Éducation n'a point indiqué — ah! c'est parce qu'on réclamait les règlements; on réclamait les règlements à l'Assemblée nationale — qu'elle entendait procéder tout de suite. Il faudra — remarquez bien ce qu'il dit, le respon-

sable de la Charte de la langue française — qu'elle procède à des études de son côté.» Sur la question de l'apprentissage et sur la question des bains linguistiques, puis des classes d'immersion. Je serais le plus étonné des hommes qu'elle fût en mesure de soumettre un projet de règlement dans l'immédiat.

Ça veut donc dire que, sur cette question-là, il faut reconnaître que le ministre responsable de la Charte de la langue française, lui, il détient toute la vérité. Il est sûr et certain que les classes d'immersion, que les bains linguistiques, ça n'a pas d'effets pervers, que c'est très bon sur le plan pédagogique. Il a l'éclairage et il a toutes les lumières. C'est ce qu'on a pu constater tout à l'heure.

Mais la ministre de l'Éducation, elle, qui est responsable des modifications au régime pédagogique, selon ce qu'il nous dit, ce n'est pas vrai, ce n'est pas tout à fait exact, elle, elle a besoin de procéder à des études de son côté. Lui, il sait tout, mais la ministre de l'Éducation, il faut qu'elle déclenche une série d'études pour être bien sûre que c'est dans cette voie-là qu'il faut s'engager.

Moi, ce que je retiens de votre mémoire sur cette question-là, c'est que vous avez parlé comme pédagogues, comme organisation syndicale regroupant des enseignants et des enseignantes, donc, qui ont des compétences pédagogiques. C'est sur ce plan-là que vous avez des réticences très graves à généraliser ou à permettre, à ouvrir la porte à la généralisation de ces bains linguistiques et de ces classes d'immersion. J'ai compris que vous avez déjà étudié, que vous vous êtes penchés sur cette question-là, que vous avez regardé ça sous un angle pédagogique et que vous êtes probablement dans le même état d'esprit que Mme la ministre de l'Éducation. Vous aussi, vous pensez qu'il faut faire des études avant d'introduire des dispositions semblables dans la Charte de la langue française. Il faut faire des études. C'est ce que la ministre de l'Éducation devra faire, au dire même du ministre responsable: «II faudra qu'elle procède à des études de son côté.» Bon! Il faudra qu'elle procède à des études.

M. Ryan: Elle ne peut même pas le faire.

M. Brassard: Comment elle ne peut même pas le faire? Voyons donc!

M. Ryan: La loi l'interdit.

M. Brassard: Le ministre de l'Éducation peut demander des études sur les impacts et les conséquences pédagogiques sur à peu près n'importe quoi; il n'y a rien qui l'en empêche, puis, il n'y a rien qui le lui interdit.

Donc, c'est dangereux. C'est ça que je comprends, c'est dangereux, c'est imprudent, c'est un manque de sagesse que d'introduire des dispositions dans un projet de loi portant sur la Charte de la langue française alors qu'on ne sait même pas, au gouvernement et au ministère de l'Éducation, quels sont les impacts et les conséquences pédagogiques d'une telle mesure et de la généralisation d'une telle mesure.

Mme Pagé: II y a une chose que l'éducation ne supporte pas, c'est l'improvisation. Alors, quand on veut améliorer l'enseignement de la langue seconde, qu'on veut développer des approches pédagogiques intéressantes, qui viennent nous permettre d'atteindre l'objectif d'amélioration de l'enseignement de la langue seconde, mais qui n'ont pas d'effets pervers pour les enfants en difficulté ou dans la maîtrise de la langue maternelle ou dans l'atteinte des objectifs des autres matières, il faut se donner le temps de voir les approches possibles, de les évaluer et d'aller de l'avant avec l'approche qui est la plus garante de succès en consentant les moyens pour que l'approche donne des résultats satisfaisants. Et, malheureusement, ce n'est pas tout à fait à ça qu'on assiste.

On a fait notre travail sérieusement. Moi, je ne veux pas me faire passer pour une avocate ou n'importe quoi, mais, sur le terrain de l'éducation et de la pédagogie, on sait comment ça marche, on a affaire à tous les jours dans les écoles. On est capables de dire que la plupart des pays, sinon la presque totalité des pays ne recourent pas à l'immersion pour l'enseignement de la langue seconde; on recourt à des formules intensives de l'anglais, ce qui est la formule de bain linguistique, mais il faut faire une différence entre l'enseignement intensif et l'immersion, c'est tout à fait différent aux plans pédagogique et éducatif.

Ce que nous disons, c'est que ça ne peut pas être là pour des raisons pédagogiques et éducatives, parce que si c'était ça, on ne l'introduirait pas. Ce n'est pas la meilleure approche.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Pagé. Mme Pagé: Donc, c'est là pour d'autres raisons.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme Pagé. Malheureusement, c'est tout le temps dont disposait le parti de l'Opposition officielle pour l'échange avec vous.

Il reste cinq minutes qui sont allouées au député de D'Arcy-McGee.

M. le député.

M. Libman: Merci, M. le Président.

Moi aussi, j'ai beaucoup de difficultés avec l'interprétation très étroite de la CEQ du projet de loi. Mais, aussi, j'ai des problèmes avec une logique un peu bizarre. Vous critiquez le projet de loi parce que ça ne représente pas un pacte social; c'est une expression que vous avez répétée trois, quatre fois ce matin. Ça ne représente pas un pacte social qui va établir un dialogue pour rapprocher les diverses communautés du Québec, mais, en même temps, vous voulez maintenir l'interdiction des autres langues sur la place publique. Alors, à

mon avis, il semble que vous critiquez le gouvernement pour ne pas établir un genre de dialogue, mais, en même temps, vous voulez ériger une barrière beaucoup plus haute entre les diverses communautés. Alors là, il y a une logique que j'ai de la difficulté à comprendre.

Sur la question de l'immersion, pour la communauté anglophone du Québec, et même les communautés anglophones dans le reste du Canada, les cours d'immersion en français ont vu un succès très important, ont aidé le jeune à bien maîtriser une langue seconde. Surtout ici, au Québec, les cours d'immersion ont vu un succès énorme pour aider les jeunes anglophones du Québec à maîtriser une deuxième langue, mais aussi pour aider le jeune à élargir ses horizons d'une façon très importante. La communauté anglophone du Québec ne panique pas de perdre sa langue maternelle, d'affaiblir la langue maternelle, et je ne vois pas la CEQ sauter à la défense de la communauté anglophone du Québec, qui risque de perdre sa langue à cause de l'immersion en français.

Vos affirmations de fragilité ou de vulnérabilité ou de l'influence pernicieuse ou de l'effet désastreux de l'immersion dans une autre langue que la langue maternelle en perspective de la communauté anglophone ne font aucun sens par les résultats qui parlent pour eux-mêmes: la communauté anglophone, aujourd'hui, est beaucoup plus bilingue qu'il y a 20 ans, et ça ne risque, d'aucune façon, la maîtrise de notre langue maternelle.

Alors, je veux savoir pourquoi il y a deux poids, deux mesures, ici, et pourquoi vous croyez que ça risque d'affaiblir la langue maternelle des jeunes francophones. Mais, en même temps, vous ne dites rien pour les jeunes anglophones qui ont, eux, l'opportunité de maîtriser une deuxième langue sans, d'aucune façon, perdre la force ou la capacité de maîtriser leur langue maternelle.

Le Président (M. Doyon): Une réponse qui ne devra pas dépasser deux minutes, Mme Pagé.

Mme Pagé: Oui, je vais essayer.

Alors, tout d'abord rappeler à M. Libman que la CEQ avait endossé l'ensemble des résolutions du rapport Chambers, à l'exception de la première.

M. Libman: La première, c'est le fondement du rapport Chambers. Franchement!

Mme Pagé: M. Libman, vous m'avez posé votre question. Est-ce que je peux donner ma réponse? Merci.

M. Libman: II ne reste pas beaucoup de temps, c'est pour ça. J'essaie de voler un peu de temps...

Mme Pagé: C'est ça. Donc, je n'ai pas beaucoup de temps, vous allez parler à ma place! C'est très bien.

Le Président (M. Doyon): Mme Pagé.

Mme Pagé: Bon. Alors, je disais que le rapport Chambers... la CEQ a donné son accord à l'ensemble des résolutions qui étaient là, à l'exception de la langue d'enseignement. Nous croyons qu'il y avait, dans ce rapport-là, des mesures, pour la communauté anglophone, qui méritaient d'être supportées et soutenues. Donc, voilà pour le premier élément.

Deuxième élément. Je voudrais vous rappeler que, oui, le bilinguisme chez les anglophones a progressé, mais c'est encore les francophones, au Québec, qui sont les plus bilingues au Canada, il faut se le rappeler. Donc, il y a un effet de maîtrise de la langue seconde qui est très présent pour les francophones au Québec. Le feu dans la maison, au Québec, il n'est pas au chapitre de l'enseignement de la langue seconde, même s'il y a des améliorations à consentir. Le véritable drame que nous vivons et qui est dans les journaux à toutes les semaines, et à la télé régulièrement, c'est la maîtrise et l'apprentissage du français. C'est comme si j'étais sur une autre planète, ce matin. Alors que tout le monde parle du drame de l'apprentissage et de la maîtrise du français, on fait un débat sur le sort de l'enseignement de l'anglais. Il a besoin d'être amélioré, c'est vrai, mais, s'il vous plaît, ne versons pas dans le mélodrame. Nous avons une urgence première, qui est l'amélioration et l'apprentissage du français, et nous avons, par ailleurs, à consentir des moyens pour améliorer l'enseignement de la langue seconde.

Ce que nous disons, c'est qu'au plan pédagogique ce n'est pas l'immersion qui est le meilleur moyen, c'est l'intensification de l'enseignement de l'anglais pendant un temps donné. Ce n'est pas de l'immersion. Il y a lieu de faire un débat éducatif et pédagogique là-dessus. (11 h 10)

Le Président (M. Doyon): II reste une minute, M. le député.

M. Libman: C'est sur le fait que... comment vous pouvez prétendre que l'apprentissage de l'anglais comme deuxième langue, avec la formule d'immersion, pourrait affaiblir la langue maternelle d'un jeune étudiant francophone, car, en même temps, c'est une façon d'élargir les horizons pour la communauté anglophone et, en même temps, on profite de l'apprentissage d'une deuxième langue?

Mme Pagé: Je n'ai pas dit ça, M. Libman. J'ai dit que quand on faisait de l'immersion en anglais, on subordonnait l'atteinte des objectifs dans les autres matières — et je ne parle pas du français, je parle de la géographie, de l'histoire, et ainsi de suite — à la maîtrise de l'anglais. C'est pour ça que l'immersion cause un problème à des enfants qui ont des difficultés, qui ont un rythme plus lent d'apprentissage. Un enseignant comprend ça!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Libman: Alors, je ne suis pas un enseignant...

Une dernière question...

Le Président (M. Doyon): C'est malheureusement tout le temps que nous pouvons consacrer à cet échange coloré.

Il me reste maintenant à remercier les représentants de la CEQ et à informer cette commission que nous allons reprendre nos travaux à 16 h 30, alors que nous recevrons les représentants de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec pour une heure, donc, de 16 h 30 à 17 h 30.

Suspension des travaux jusqu'à 16 h 30, donc.

(Suspension de la séance à 11 h 12)

(Reprise à 15 h 43)

Le Président (M. Doyon): La commission de la culture, conformément à l'ordre de l'Assemblée nationale, reprend ses travaux et devrait normalement entendre la Commission des écoles catholiques de Montréal qui a demandé un report de rencontre avec la commission. Dans les circonstances, et conformément à l'ordre, je suspends les travaux de cette commission et je les suspends...

Mme Blackburn: M. le Président, avant de suspendre les travaux, pour l'information des téléspectateurs et des membres de cette commission, est-ce que vous pourriez déposer la lettre de la CECM — je pense que c'est la Commission des écoles catholiques de Montréal qui devait être entendue à cette heure-ci — et...

Le Président (M. Doyon): Oui. C'est ce que je disais.

M. Blackburn: ...en faire la lecture, s'il vous plaît?

Le Président (M. Doyon): La Commission des écoles catholiques de Montréal devait être entendue à 15 h 30. Elle a écrit au secrétaire de la commission.

Mme Blackburn: Est-ce qu'on peut en avoir une copie?

Le Président (M. Doyon): Oui, vous en aurez une copie. Bon. «M. le secrétaire, j'ai bien reçu votre correspondance du 7 mai dernier dans laquelle vous invitiez la Commission des écoles catholiques de Montréal à présenter un mémoire dans le cadre de la commission parlementaire portant sur l'étude du projet de loi 86. «Après une consultation préliminaire, c'est à regret que je dois vous informer que la CECM ne sera pas en mesure d'envoyer ses représentants à cette commission parlementaire le jeudi 20 mai 1993, tel que nous l'indiquait votre lettre. «Par ailleurs, nous communiquerons de nouveau avec vous sitôt que notre consultation sera terminée avec les instances concernées de notre organisme. Veuillez agréer...» etc. Signé: Le président, François Ouimet.

J'indique à cette commission, en même temps... Laissez-moi terminer. J'indique à cette commission que j'ai été informé par le secrétaire que nous n'avions pas eu de nouvelle communication de la part de la CECM nous indiquant le moment où elle souhaitait ou pourrait avoir terminé ses consultations, ce qui lui permettrait d'être entendue par cette commission. Et c'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas procéder à 15 h 30, tel que prévu.

Mme Blackburn: Peut-être une question. Vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Doyon): Oui.

Mme Blackburn: Je pense que la façon de procéder du gouvernement, tant dans la convocation de cette commission que dans la convocation des groupes à être entendus devant cette commission, s'est faite de façon, je dirais, discourtoise.

Le Président (M. Doyon): Mme la députée...

Mme Blackburn: Le secrétariat n'a même pas vérifié...

Le Président (M. Doyon): ...je vous rappelle à l'ordre.

Mme Blackburn: Si vous permettez...

Le Président (M. Doyon): Non, non. Mme la députée, je suis ici pour constater l'absence de la CECM.

Mme Blackburn: Oui. Alors...

Le Président (M. Doyon): Ce que...

Mme Blackburn: M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Non. Je suspends les travaux jusqu'à 16 h 30. Suspension immédiate.

(Suspension de la séance à 15 h 45)

(Reprise à 16 h 39)

Le Président (M. Bradet): La commission reprend donc ses travaux.

Nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec.

M. le directeur général, M. D'Aoust, bienvenue à cette commission. Je vous ferai remarquer que vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. Après, il y a une période d'échange entre les parlementaires de 20 minutes de chaque côté et, si le Parti Égalité en fait une demande, il y a cinq minutes de prévues. Alors, vous pourriez nous présenter la personne qui vous accompagne et vous pourrez y aller tout de suite, M. le directeur général.

Association des commissions scolaires protestantes du Québec (ACSPQ)

M. D'Aoust (David): Je vous présente, M. le Président, messieurs, dames, membres de l'Assemblée nationale et membres de la commission, M. Allan Butler, qui est notre vice-président et également le président de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal. (16 h 40)

M. Butler (Allan): Thank you, Mr. President and members of the committee. I wish to apologize first for not appearing before you this morning as a part of the School Board of Greater Montréal, but I am sure you did not want to hear me twice.

Secondly, I apologize for sitting here for Mr. Riordon today, who would probably have made a much more adequate presentation to you. We will proceed, insofar as our presentation is concerned, by having Mr. D'Aoust present it to you in French and, then, I will give you a few, a little of my particular overview in English.

So, Mr. D'Aoust, will you take over, please?

M. D'Aoust: Merci, M. Butler.

Vous avez sans doute reçu copie de notre mémoire. Compte tenu du court laps de temps pour la préparation, nous n'avons pas procédé à un document sommaire. Alors, si vous me le permettez, je vais citer le texte tel quel. Premièrement, je voudrais vous remercier pour l'invitation qui nous permet de nous présenter ici, devant vous, et d'échanger sur le projet de loi 86.

Vous savez sans doute que ça fait 63 ans que l'Association des commissions scolaires protestantes existe au Québec. Comme vous l'avez peut-être déjà remarqué, nous représentons 338 écoles à travers la province, dont 249 écoles qui dispensent l'enseignement en anglais. Alors, nous avons de bonnes raisons d'être devant vous aujourd'hui et, encore une fois, nous apprécions l'invitation.

Suite à la dernière phase de l'intégration des commissions scolaires, vous avez aussi noté que nous sommes 17 commissions scolaires, mais 17 assez grandes commissions scolaires maintenant; notre nombre a été diminué de 29 à 17 le 1er juillet 1992. Nous regroupons quelque 86 300 élèves inscrits aux classes de maternelle jusqu'au secondaire, et environ 25 300 élèves reçoivent leur enseignement en français. Vous avez noté aussi que, depuis 1976, notre clientèle anglophone a baissé de 136 élèves, donc, plus de la moitié.

L'Association des commissions scolaires protestantes du Québec a déjà comparu devant une commission parlementaire comme celle-ci et continue de le faire, car la majorité de nos élèves continuent de recevoir un enseignement en anglais. De ce fait, l'Association a comparu devant la commission parlementaire sur le projet de loi 22, en 1974, sur le projet de loi 1, en 1977, et sur l'impact de la Charte de la langue française, en octobre 1983. Et, à l'époque, nous avons souligné, dans les trois mémoires présentés, nos préoccupations relatives à l'influence néfaste que la Charte de la langue française exerçait sur les jeunes Québécois anglophones et les effets adverses qu'elle a sur le maintien de la communauté anglophone au Québec. J'en parlerai peu longtemps parce que, j'en suis sûr, Alliance Québec vous en a parlé déjà.

Nous avons quelques préoccupations. Aujourd'hui, presque 15 ans après l'adoption de la Charte de la langue française, l'Association est plutôt préoccupée par la survie de ses services éducatifs dispensés aux élèves anglophones. Bien que l'on ait concentré nos efforts pour le maintien et le développement des écoles anglaises, vers la fin des années soixante-dix et quatre-vingt, on se préoccupe maintenant de la baisse des inscriptions dans les écoles anglaises et de la survie même des écoles anglaises au Québec, non seulement celles appartenant aux commissions scolaires protestantes.

L'Association demeure convaincue que l'Assemblée nationale devrait demander l'abrogation, par proclamation, de l'article 59 de la Charte canadienne des droits et libertés de façon à permettre la mise en vigueur au Québec de l'article 23.(l)a). Il n'y a rien de nouveau, ça a toujours été notre position. Je vous rappelle que ça demeure tel quel.

Dans le cas de référence Mahe, de la Cour suprême du Manitoba, ainsi que les autres jugements rendus en Alberta ou en Saskatchewan, avec le récent projet de loi 34, nous croyons que le moment est venu, pour le gouvernement du Québec, de faire preuve de sa bonne volonté et d'élargir l'accès à l'enseignement en anglais à tous les citoyens et citoyennes canadiens dont la langue maternelle est l'anglais. Il est regrettable que le projet de loi ne prévoit pas la mise en vigueur de l'article 23.(l)a).

L'Association perçoit le projet de loi 86 comme une démarche positive, d'ailleurs, de la part du gouvernement d'harmoniser certaines dispositions de la Charte de la langue française avec les décisions rendues par différentes instances. Nous apprécions... et, sans doute, vous avez remarqué que notre mémoire est en anglais et en français. Si vous n'avez pas trouvé la version française, M. le Président, c'est au verso.

Comme on peut le comprendre, la mise à jour de la Charte de la langue française, pour se conformer aux différentes décisions...

Excusez-moi, je me trompe, là, on est à la page 3.

L'Association perçoit le projet de loi 86 comme étant une démarche positive de la part du gouvernement d'harmoniser certaines dispositions de la Charte de la langue française avec les décisions rendues par différentes instances. Nous apprécions les dispositions en vertu desquelles les élèves déclarés admissibles à l'enseignement en anglais, en vertu de la Loi constitutionnelle, dont la clause Canada, conservent ce droit pour leurs descendants, même s'ils ou elles optent d'étudier en français. On était très préoccupés par ce fait, et semble-t-il que le projet de loi 86 règle une fois pour toutes ce problème. toutefois, l'avenir de la communauté anglophone de cette province ne cesse de nous préoccuper. depuis 1972, comme je l'ai cité, d'ailleurs, tantôt, le système scolaire anglais a subi un déclin de plus de 57 % de ses inscriptions. même si la baisse s'est quelque peu atténuée depuis 1986, cela suscite pour nous peu de véritable optimisme. depuis 1970, le système scolaire anglais a dû fermer environ un tiers de ses écoles à cause de la chute de 57 % de ses inscriptions; entre 1983 et 1990, les inscriptions dans les écoles anglaises, selon le conseil de la langue française, ont diminué de quelque 21 000 élèves, ou de 15 %, ce qui représente 10,2 % de la clientèle scolaire au québec; et je parle toujours de la clientèle scolaire inscrite dans le système public.

Au cours de cette même période, les inscriptions totales au Québec ont subi une baisse de 1 %. De plus, 11,8 % de tous les élèves admissibles à l'enseignement en anglais ont choisi de recevoir l'enseignement en français, ce qui signifie une hausse de 3 % au cours de cette même période de sept ans par rapport aux années antérieures. Comme on peut le comprendre, la mise à jour de la Charte de la langue française, pour se conformer aux diverses décisions législatives qui ont imposé des modifications à la Charte même, ne suscite aucun espoir pour les écoles anglaises viables et dynamiques, qui, dans plusieurs régions de la province, comme vous le savez sans doute, jouent un rôle social et culturel très important pour la communauté anglophone.

Ceci dit, nous rappelons aux membres de l'Assemblée nationale que les propositions du rapport Chambers, largement appuyées par la communauté anglophone voulant l'admission des enfants d'immigrants d'expression anglaise à l'école anglaise, auraient pu ralentir le déclin sans ponction appréciable sur le réseau francophone. Cela aurait redonné une certaine stabilité et un optimisme au réseau scolaire anglophone et à la population anglophone du Québec. le gouvernement du québec doit assumer ses responsabilités tant envers les communautés linguistiques minoritaires que majoritaires. en dépit du rapport du conseil de la langue française, selon lequel la situation des inscriptions dans les écoles anglaises s'est stabilisée, l'association, après avoir étudié les statistiques du ministère de l'éducation, demeure convaincue que, depuis 1990, le déclin des inscriptions dans les écoles anglaises se poursuit à raison d'environ 2,5 % par année, tandis que les inscriptions dans les écoles françaises continuent d'augmenter à raison de 0,5 % par année.

Sur la question de l'immigration, nous croyons que le Québec pourrait légitimement élargir l'accès à l'école anglaise à tous les immigrants qui viennent d'un pays du monde où l'on parle anglais et pour qui l'accessibilité à l'école anglaise est essentielle et qui, en conséquence, établiraient leur domicile dans une autre province canadienne. les projections récentes d'alliance québec et du groupe de travail chambers sur le réseau scolaire anglophone laissent entrevoir une augmentation probable des inscriptions dans les écoles anglaises de 0,25 % à cause des élèves dont la langue maternelle est l'anglais et qui fréquentent maintenant l'école française, mais qui opteront peut-être pour recevoir l'enseignement en anglais. et, même si le gouvernement actuel est vivement préoccupé par la discrimination face aux immigrants qui désirent s'établir au québec, parce qu'il devrait déterminer qui aurait accès à l'école anglaise lors de leur arrivée au québec, il pourrait décider, a priori, des pays d'origine qui seraient considérés d'expression anglaise. le recours à des tests de langue, comme c'était le cas avec la loi 22, ne s'avère pas nécessaire. le pays d'origine serait le facteur déterminant. (16 h 50)

La société québécoise n'a rien à perdre, d'après nous. Nous n'avons rien à perdre, car les immigrants de ces pays ne viennent pas s'établir au Québec, à l'heure actuelle, en nombre considérable. Ayant le choix, même bon nombre de ces immigrants de langue anglaise inscriraient, en dépit de leur droit et de celui de leurs enfants à l'enseignement en anglais, leurs enfants à l'école française et s'intégreraient facilement à la société québécoise. De plus, celles et ceux qui choisissent l'enseignement en anglais pourront contribuer à l'essor du système scolaire anglais.

Quant aux amendements à la Charte de la langue française, comme nous l'avons déjà indiqué, l'Association est très reconnaissante de la tentative, de la part du gouvernement actuel, de mettre à jour la Charte de la langue française afin d'harmoniser certaines de ses dispositions avec les décisions rendues par différentes instances et du retour au bon sens en ce qui a trait au droit à l'enseignement en anglais des descendants des élèves admissibles à l'enseignement en anglais, en vertu de la Loi constitutionnelle, la clause Canada, qui reçoivent l'enseignement actuellement en français et dont l'admissibilité a été confirmée en vertu de l'article 86 du chapitre VIII. Cette clause grand-père est logique et représente un pas dans la bonne direction, d'après nous.

L'Association apprécie également les amendements qui seront apportés à l'article 72 de la Charte de la langue française afin de permettre l'enseignement dans une langue autre que le français, conformément au régime pédagogique établi par le gouvernement en vertu de l'article 447 de la Loi sur l'instruction publique. Et je vous rappelle que nous desservons une clientèle francophone chez nous. Nous avons plusieurs écoles francophones à travers le Québec.

Une telle mesure ne serait pas scandaleuse mais plutôt appropriée. Il est essentiel que les élèves francophones aient la possibilité d'acquérir une bonne connaissance de l'anglais pour répondre aux exigences des emplois qui incluent les compétences en anglais langue seconde.

De plus, nous sommes heureux de constater que les mots «le père et la mère» — c'est peut-être une petite correction technique, mais c'est important pour nous — ces mots-là seront remplacés par les mots «l'un des parents» et qu'il y aura possibilité d'appel des décisions portant sur les demandes de déclaration d'admissibilité en vertu de l'article 86 de la Charte.

Toutefois, nous sommes préoccupés par la suppression du second alinéa de l'article 86.1. Pourquoi a-ton supprimé cet alinéa? Est-ce que cette matière est prévue dans un article du projet de loi 86? Peut-être que quelqu'un pourra répondre à cette question plus tard.

De plus, nous sommes préoccupés par le fait que le gouvernement continue à ne pas reconnaître l'enseignement en anglais dans une classe maternelle des autres provinces canadiennes comme de l'enseignement en anglais, en vertu des articles 73a et b, 86a et 86.1b. Nous croyons que l'expression «enseignement primaire» ou «primary instruction» inclut l'enseignement dans une classe maternelle. Il faudrait amender le projet de loi 86 de façon à préciser cela. Il est fort probable que, lors de l'application des paragraphes a et b de l'article 73, la majeure partie de l'enseignement en anglais du père et de la mère au Québec était à la maternelle. De plus, cette considération devrait s'appliquer également aux articles 86.1a et 86.1b.

Il est aussi probable qu'un enfant recevant l'enseignement en anglais dans une classe maternelle, dans une autre province canadienne, lorsque ses parents sont venus s'établir au Québec, nous croyons que l'enseignement en anglais dans une classe maternelle, dans une autre province canadienne, devrait être reconnu et que l'enfant devrait être déclaré admissible à l'enseignement en anglais. «Primary education» ou «primary instruction», d'après nous, dans les autres provinces, inclut la maternelle. Nous avons toujours cru cela et nous doutons que bon nombre de parents francophones ou allo-phones quitteraient le Québec afin d'établir leur domicile dans une autre province pour que leurs enfants complètent l'enseignement en anglais dans une classe maternelle et, par la suite, commencent la première année pour se déclarer avoir eu la majeure partie de leur enseignement primaire en anglais. Nous n'avons aucun chiffre qui prouve le contraire, mais nous n'avons aucun chiffre qui démontre que ça se fait déjà.

Au cours des 15 dernières années, il n'y a pas eu d'exode important temporaire hors de la province pour cette raison. Nous demandons que le projet de loi 86 soit amendé de façon à reconnaître l'enseignement dans une classe maternelle comme une année d'enseignement en anglais. C'est sûr pour nous que lorsque les parents des autres provinces au Canada inscrivent leurs enfants dans une maternelle en anglais, c'est fort probable que ces parents-là voudront bien que leurs enfants continuent en anglais.

Conclusion très brève. Nous avons limité nos commentaires aux changements du projet de loi 86 qui affectent notre système scolaire public, et particulièrement à l'admissibilité à l'enseignement en anglais. C'est la partie du projet de loi qui nous concerne le plus et qui affecte le fonctionnement de nos écoles.

Pour résumer, nous demandons que le projet de loi 86 soit amendé de façon à ajouter la disposition qui aurait pour effet de mettre en vigueur au Québec l'article 23.(1) de la Charte canadienne des droits et libertés conformément aux dispositions de l'article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Deuxièmement, au cas où la recommandation 1 ne soit pas adoptée, que les immigrants des pays du monde où on parle l'anglais aient accès à l'enseignement en anglais afin de contribuer à l'essor du système scolaire anglais.

Et, troisièmement, que le gouvernement du Québec assure l'ajout du paragraphe b à l'article 86.1 du projet de loi 86. J'admets, M. le Président, que c'est peut-être une faute de compréhension de notre part, et il faudrait peut-être le clarifier.

Quatrièmement, que le gouvernement du Québec apporte une modification à l'article 447 de la Loi sur l'instruction publique tel que prévu à l'article 59. Comme c'était déjà dit dans notre texte, nous favorisons cet amendement.

Et que le gouvernement du Québec apporte une modification à l'article 23 du projet de loi 86 afin de reconnaître l'enseignement dans une classe maternelle dans les autres provinces comme faisant partie de l'enseignement primaire reçu en anglais ailleurs au Canada. À moins que ce soit en français, je suis bien d'accord.

Et, sixièmement, que tous les règlements émanant de la modification à la Charte, apportée en vertu du projet de loi 86, soient minimes et brefs.

M. Butler: Mr. Chairman, if I could take over for a few minutes, I would draw you to page 1 of our brief and emphasize the fact that enrolment decline in our English sectors, insofar as the Protestant Boards are concerned, is tremendous. When you think of... currently, with a school population of 61 000 when we had a 137 000 students in 1976.

I also would, then, turn to page 3 of the brief and really urge consideration of the. implementation of the Charter of Rights by the introduction... making 23.(l)a) applicable to Québec. This will not make any difference to the anglophone community that is still here. It will not induce any more Anglophones to come to Québec, but it will certainly send a message to the rest of Canada to indicate that Anglophones are welcome in Québec, and it certainly will send a message to Anglophones that live here and are very, very fragile insofar as continuing domicile in Québec, that they are welcome to continue to stay. And that is the kind of message that the Government of Québec and the Parti québécois tried to

give — I quote in section 25 of their brief in English. Tried to give. But it is not...

The Parti québécois is unrealistic in what they are saying because the community, the anglophone community is terrifically fragile at this point in time. Unless the majority population sends a clear message to Anglophones now domiciled here, and a clear message to the rest of Canada that Anglophones are welcome in Québec, you can forget your anglophone population, I would say, within 10 years.

Secondly, I would say to you or draw to your attention that you have lost an anglophone population in the last 15 years, and I would ascribe it all to Bill 101 which has had a tremendous effect on the economics of Québec.

Le Président (M. Bradet): Alors, merci, M. Butler, de votre présentation.

Je reconnais maintenant, pour les 20 prochaines minutes, M. le ministre. Vos questions et vos commentaires. (17 heures)

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer la présence parmi nous de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, que j'ai eu l'occasion de fréquenter abondamment lorsque j'étais ministre de l'Éducation.

Je retrouve, à côté de M. Butler, président du Bureau des écoles protestantes du Grand Montréal, M. D'Aoust, que j'ai connu au temps où il était le directeur général de la commission scolaire protestante de Châ-teauguay et que j'avais moi-même recruté comme sous-ministre associé de foi protestante au ministère de l'Éducation. Je pensais qu'il allait faire une carrière plus longue au ministère de l'Éducation, mais je le félicite néanmoins du rôle qu'il a accepté à titre de directeur général de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec.

Toujours apprécié. Excellente collaboration de M. D'Aoust. Sa compréhension, par ses origines familiales, des deux volets de l'âme québécoise et...

Le Président (M. Bradet): S'il vous plaît! Allez-y, M. le ministre.

M. Ryan: Ça avait été interrompu.

Alors, j'apprécie la compréhension que M. D'Aoust a toujours manifestée de la réalité québécoise et je pense que nous pourrons avoir, cet après-midi, un échange de vues utile même si, sur plusieurs sujets, il est difficile d'en venir à des positions communes.

Le mémoire traite surtout de la question des écoles. Nous allons nous en tenir, dans l'échange, à cette question. Nous sommes conscients du déclin des inscriptions qui s'est produit dans les écoles anglophones. Nous avons fondamentalement les mêmes statistiques que celles que vous invoquez parce qu'elle proviennent des mêmes sources. Le déclin observé au cours des dernières années est indéniable et étayé par les statisti- ques. maintenant, ce déclin est attribuable, dans une proportion d'environ 50 %, à la diminution de la fécondité que nous avons observée autant du côté francophone que du côté anglophone. et les écoles francophones ont également subi un déclin prononcé au titre de la chute de la fécondité.

Une autre moitié du déclin est attribuable aux effets de la législation de l'Assemblée nationale, surtout au chapitre selon lequel les enfants de foyers immigrants doivent être inscrits à l'école française. Ce choix a été fait il y a déjà de nombreuses années maintenant et il a été respecté par tous les partis qui se sont succédé à la direction des affaires, à Québec. Et je constatais hier, en écoutant les représentants de la communauté italienne et de la communauté grecque, qui furent très intimement impliquées dans les polémiques relatives à l'inscription scolaire des enfants, il y a une vingtaine d'années, que ces deux communautés défendent maintenant le principe de l'inscription des enfants d'immigrants dans les écoles françaises. J'ai remarqué également que le mémoire du Congrès juif canadien ne traitait pas de ce sujet. Par conséquent, il n'a pas recommandé que la politique du gouvernement soit modifiée sur ce point précis.

Alors, il est en train de se créer un consensus au Québec. Il n'est pas encore définitif, et je voudrais qu'on abandonne toutes les illusions qu'on pourrait avoir de ce côté-là. Il y a encore de la discussion. La preuve en est dans la rencontre que nous avons aujourd'hui et dans d'autres rencontres que nous aurons. Mais il y a une opinion très fortement majoritaire voulant que cette règle soit maintenue, et cette opinion a été endossée, il y a quelques semaines à peine, par un organisme aussi représentatif que le Conseil général du Parti libéral du Québec. Et le gouvernement traduit, dans le projet de loi 86, cette résolution concernant l'orientation des enfants d'immigrants vers l'école française qui a été approuvée de nouveau par le Conseil général du Parti libéral du Québec.

Je dois, en conséquence, vous indiquer que la deuxième recommandation de votre mémoire n'a pas été retenue et ne peut pas être retenue par le gouvernement pour les raisons que je vous ai données et, deuxièmement, pour une autre raison qui nous préoccupe, c'est que nous ne voulons pas créer deux classes de citoyens, deux classes d'immigrants, en particulier. Si nous allions donner aux enfants d'immigrants le droit d'être inscrits à l'école anglaise, on pourrait lui demander, avec raison, comment il se fait que les enfants de parents francophones nés au Québec n'ont pas ce privilège. Et, s'ils ne l'ont pas, c'est parce qu'il a été décidé, il y a plusieurs années, que les francophones devaient s'imposer ce sacrifice afin d'assurer l'équilibre linguistique au Québec. Et ça aussi, c'est une position qui est fondamentale, qui fait partie d'un large accord dans les différentes couches de la société québécoise, compte tenu d'exceptions que nous respectons, par ailleurs.

Vous demandez qu'on en vienne préférentielle-ment à l'application de l'article 23.(1) de la Charte

canadienne des droits et libertés selon lequel l'inscription à l'école devrait être déterminée par la langue maternelle de l'enfant. Nous avons longtemps appliqué ce critère au Québec. Il avait conduit, il y a déjà une quinzaine d'années, à une situation extrêmement confuse, parce que de nombreux foyers immigrants inscrivaient leurs enfants à l'école anglaise en déclarant: Langue maternelle: anglais. Comme il n'y avait pas de moyen de vérification, la déclaration des parents faisait foi de tout. Et on s'est aperçu que les statistiques étaient devenues extrêmement trompeuses quant à l'origine linguistique réelle des enfants qu'on inscrivait ainsi à l'école anglaise.

Ce fut le début, le point de départ de toutes les législations linguistiques que nous avons au Québec, et, encore une fois, le gouvernement, après avoir mûrement pesé le pour et le contre, a décidé de maintenir cette politique, clairement et fermement.

Nous introduisons, d'autre part, dans le projet de loi 86 un certain nombre d'adoucissements qui permettront de disposer de cas particuliers qui se sont présentés en cours de route. J'ai constaté que le mémoire approuve ces modifications que nous proposons; j'en suis très heureux. Je pense que nous pouvons faire un bout de chemin ensemble de ce côté-là. Et je veux rassurer la délégation de l'Association des commissions scolaires protestantes en lui signalant que, selon les projections que nous faisons au ministère de l'Éducation et dont nous déposerons les éléments lors de l'étude détaillée du projet de loi, il est possible — même permis — d'entrevoir une légère augmentation de la clientèle des écoles anglaises au cours des cinq ou six prochaines années, en raison de la diminution de l'exode attribuable aux migrations interprovinciales et également en raison d'une certaine augmentation du taux de fécondité chez les mères de langue anglaise. Ça fait ça de pris.

Je pense que, peut-être, on ne sera pas obligés de discuter en termes aussi dramatisants que ceux des dernières années. Puis, au fond de ces questions, un climat de confiance... Aussi longtemps que n'existera pas un climat de confiance plus assuré, plus profond, c'est évident qu'il y aura toutes sortes de sauvegardes qui seront jugées nécessaires.

Quand je pense au procès qu'on voudrait nous faire pour l'expression «le père et la mère»; j'ai fait des vérifications pour l'édification de nos amis de l'Opposition: il paraît qu'il y a seulement eu quelques cas, dans six ans, trois ou quatre cas.

Une voix: ...

M. Ryan: Bien, on change parce qu'il y a eu trois ou quatre cas. Nous autres, ça nous intéresse, trois ou quatre cas. Quand ce sont des cas qui soulèvent des problèmes humains très sérieux, c'est le devoir du législateur de les régler, même si ça n'entre pas dans des catégories générales.

Moi, je l'ai dit souvent, c'est ma façon de concevoir le gouvernement, des choses humaines. Nous avons besoin de normes générales, mais nous avons besoin également de souplesse pour faire face aux situations humaines. Les cas humains, ce ne sont pas des numéros de dossiers: c'est bien plus que ça. Alors, de ce côté-là, je serai absolument intransigeant. Et je suis content de voir que, de ce côté-là, on a compris ça. Je ne comprends pas du tout qu'on fasse même des débats interminables là-dessus, dans le contexte sociologique et culturel où nous sommes aujourd'hui. Puis, les autres améliorations, nous les maintenons.

Vous avez posé une couple de questions; je voudrais vous interroger là-dessus. Vous parlez des enfants inscrits dans les classes maternelles dans d'autres provinces du Canada et dont vous souhaiteriez, lorsque leurs parents déménagent au Québec pendant l'année où ils sont en maternelle ou l'année qui suit — la fréquentation de l'école maternelle — qu'ils soient considérés comme admissibles à l'école anglaise. (17 h 10)

Voulez-vous nous donner des explications sur cette recommandation de votre mémoire, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bradet): M. D'Aoust.

M. D'Aoust: Si vous me permettez, M. le Président.

Nous savons déjà que les parents... Je vais vous donner un exemple: un couple marié de la Colombie-Britannique — leurs enfants étaient inscrits en maternelle — décide, pour une raison ou une autre, de leur gré, de déménager au Québec. Parce que la maternelle n'est pas reconnue — et le fait que l'enfant est peut-être rendu dans son cinquième, sixième mois — il ne peut pas être considéré comme étant eligible à recevoir l'enseignement en anglais. Par contre, si l'enfant avait déjà fréquenté la maternelle et avait déjà fait une année en école anglaise, il aurait été admissible. Mais là, je ne parle pas des cas, M. le ministre, de transfert par des compagnies, etc., ou de séjour temporaire dans les Forces canadiennes, mais je parle des parents qui, par leur volonté, décident de venir ici, au Québec — parce qu'il y a peut-être un emploi sur le marché, un emploi pour eux — et qui voudront s'installer ici.

Il y a plusieurs anglophones — et on commence avec une deuxième génération — qui ont quitté le Québec à un jeune âge et qui voudront bien retourner. Souvent, dans leur cas... Les cas varient, vous savez. S'ils étaient ici avant 1977 et avaient fait leurs études en anglais, ils seront éligibles, eux-mêmes et leurs enfants. Mais, souvent, s'ils étaient immigrants, s'ils n'étaient pas citoyens canadiens et s'ils n'ont pas fait leurs études en anglais, ils ne sont pas éligibles.

Nous avons déjà entendu parler de quelques cas... On connaît un cas seulement chez nous, où les parents, semble-t-il, ont fait exprès pour déménager en Ontario afin de rendre leur enfant eligible. Mais c'est le seul cas qu'on connaît, et c'était mal fait, en plus.

Alors, comme je vous disais, on ne voit pas un grand exode des parents du Québec pour demeurer dans

une autre province, établir leur domicile et inscrire leurs enfants au niveau de la maternelle et, au moins en première année, pour que leurs enfants soient aptes ou soient considérés comme étant éligibles à étudier en anglais.

Je pense que, pour nous, il s'agit d'une question de compréhension, M. le ministre. On sait très bien qu'en anglais... Quand on lit le texte, c'est marqué «primary instruction»; et, hors du Québec, «primary» — puis c'est une notion anglophone — ça a toujours inclus la maternelle. Alors, quand on parle de «elementary», à titre d'exemple, on parle toujours de la maternelle jusqu'à la sixième année. Et on pose la question: Est-ce que les parties prenantes à la Charte canadienne, eux aussi, pensaient à la maternelle? Et pourquoi qu'ils ne l'ont pas inscrit comme étant maternelle? Et qu'est-ce que ça donnera pour le Québec? Peut-être 300 ou 400 inscriptions par année, au maximum, mais peut-être même pas.

M. Ryan: Si vous me permettez, M. D'Aoust... Le Président (M. Bradet): M. Ryan.

M. Ryan: ...un enfant, dont les parents auraient reçu leur enseignement primaire en anglais, ailleurs au Canada, et dont la famille déménage au Québec, même s'il est inscrit seulement à la maternelle, peut être admis à l'école anglaise.

M. D'Aoust: Oui, ça, je le comprends très bien. Mais...

M. Ryan: Mais...

M. D'Aoust: ...les nouveaux arrivés, M. le ministre...

M. Ryan: Très bien.

M. D'Aoust: ...qui décident... qui ne sont pas devenus citoyens encore?

M. Ryan: Mais peut-être pourriez-vous nous apporter un complément d'information sur ce point précis, peut-être nous faire part, de manière plus précise, des expériences que vous avez constatées, des implications d'une proposition comme celle-là au point de vue numérique, par exemple. J'avais demandé qu'au ministère de l'Éducation on l'examine attentivement et qu'on nous fasse des recommandations à ce sujet.

M. D'Aoust: Avec plaisir.

M. Ryan: Ça va?

Pouvez-vous me parler un petit peu d'immersion? J'aimerais que vous me disiez comment on pratique l'apprentissage du français langue seconde dans les écoles anglaises et de l'anglais langue seconde dans les écoles françaises — les commissions scolaires protestantes — et les avantages ou les dangers pédagogiques que vous observez.

Le Président (M. Bradet): M. D'Aoust.

M. D'Aoust: M. le ministre, si vous me permettez, je vais parler du programme de base. Nous offrons à nos élèves, selon le régime pédagogique, le minimum, sauf à la maternelle, de 30 minutes par jour de français langue seconde. Ça, ils appellent ça le programme-cadre. J'arriverai à l'enseignement de l'anglais dans les écoles françaises.

Par la suite, il y a des programmes que les commissions scolaires ont déjà décidé d'implanter dans leur commission scolaire. À titre d'exemple, il y a l'immersion. Il y a l'immersion précoce et tardive.

Quand on parle d'immersion pour les anglophones, on parle de l'apprentissage de la lecture, de l'écriture dans une deuxième langue. Et ce n'est pas des programmes bilingues, là; dans les programmes bilingues — donc, c'est 50-50 — l'instruction, la lecture, l'orthographe, etc., se font dans la langue maternelle, et ça, c'est un programme bilingue.

On parle souvent des programmes d'immersion partielle, et ce sont des programmes bilingues: on ne devrait pas référer à ces programmes-là comme étant des programmes d'immersion. Souvent, dans une commission scolaire, il y a des programmes d'immersion qui débutent à partir de la maternelle jusqu'à la fin du primaire, et encore, en secondaire I et II.

Dans les mêmes commissions scolaires, on peut trouver ce qu'on appelle de l'immersion tardive, où les élèves débutent en septième et huitième années. Et nous remarquons, sur l'aspect de l'efficacité et au point de vue du coût-investissement, que, sauf pour l'accent et la prononciation — en tout cas, comme les Canadiens français — ceux qui commencent tard font presque aussi bien que ceux qui commencent de bonne heure. Mais là, c'est un choix des parents, et c'est sûr que ceux qui reçoivent l'immersion précoce parlent toujours beaucoup mieux: ils ont des automatismes, ils ont des réflexes, dans la langue seconde, qui sont plus automatiques. Et en secondaire III, IV, V — parce que là, on parle de sanction des études pour de vrai — semble-t-il que les parents ont toujours un peu de réticence à inscrire leurs enfants à des programmes qui se donnent en français. Alors, c'est toujours... les demandes sont en moins; et la plupart des commissions scolaires offrent environ 30 % du programme du secondaire III, IV et V en français.

Je vous rappelle que, une des conditions de la Charte de la langue française était que, pour pratiquer une profession au Québec, la personne soit compétente dans la langue seconde, au moins... la langue officielle au Québec, excusez-moi. Et, par la suite, vous avez reconnu cette compétence lorsque l'élève obtenait son certificat en enseignement... son D.E.S. en enseignement secondaire.

Du côté francophone, c'est une autre paire de manches. Comme vous le savez, la Charte ne permet pas l'enseignement d'autres matières en français. Alors, on parle purement et simplement de l'anglais langue seconde, 30 minutes par jour au secondaire... des périodes. Je ne nie pas qu'il peut y avoir des ajouts que... même des ajouts après les heures de classe, mais, aussi là, les parents d'enfants francophones, dans une même commission scolaire, comme le CEPGM, si je ne me trompe pas, revendiquent le même droit que les anglophones. Il est regrettable, là. Ce n'est pas le cas; il faut respecter un choix de société dont vous avez parlé auparavant.

Il y a aussi du français intensif, mais c'est moins connu dans le réseau protestant qu'ailleurs, et je pense que ça... ce programme-là apporte de bons résultats. Mais je dirai que les parents songent à avoir l'immersion en anglais pour leurs enfants, et même des programmes bilingues où possible.

Et je ne dis pas tout, parce qu'on n'a pas sondé notre population, là, du tout, mais je peux vous parler... Mes points de référence sont des gens que je connais, qui ont des enfants d'âge scolaire qui sont inscrits dans les écoles françaises du Québec, chez nous et dans les commissions scolaires catholiques.

Je ne sais pas si ça vous donne un bref survol de ce qui se passe, M. le ministre.

Il y a aussi, à la maternelle, quelques formules d'essai, dont les maternelles plein temps... dont il y a un demi-jour qui n'est pas subventionné par le ministère, mais que la commission scolaire décide de subventionner, parce que c'est un respect d'une demande locale... et c'est une autonomie locale, pour répondre aux besoins du milieu.

Le Président (M. Bradet): Alors, M. le... M. Ryan: Si...

Le Président (M. Bradet): ...ministre, il nous reste deux minutes, juste pour...

M. Ryan: J'ai peut-être juste une question rapide, là: Vous vous inquiétez de ce qui arrive à l'article 86.1, sous-paragraphe b. Vous croyez constater qu'on enlève cet article-là et vous demandez qu'il soit maintenu, si j'ai bien compris?

M. D'Aoust: Oui, c'est ça, M. le ministre. (17 h 20)

M. Ryan: Êtes-vous bien sûr que nous en proposions l'abrogation? Je n'ai pas cette impression-là. Quand nous parlons de la suppression du deuxième alinéa, là, c'est ce qui vient plus loin: c'est la disposition relative à la demande des parents. On pourra vérifier ce point-là. Je ne veux pas retenir l'attention de la commission plus longtemps là-dessus, mais j'ai l'impression que, peut-être, il y a une petite erreur de compréhension, de ce point de vue là, qui peut être corrigée.

Juste un tout dernier point. Par conséquent, à la lumière du tableau que vous avez brossé, la modification que le gouvernement propose à l'article 72 constituerait une amélioration, en ce sens qu'on aurait plus de possibilité de donner une chance sérieuse aux élèves francophones d'acquérir une meilleure maîtrise de l'anglais langue seconde.

M. D'Aoust: Absolument, M. le ministre. On y croit sincèrement.

M. Ryan: Merci.

Le Président (M. Bradet): Je m'excuse, le temps est terminé.

Je reconnais, maintenant, Mme la députée de Chicoutimi pour 15 minutes, étant donné que le député de Jacques-Cartier a exprimé le désir de prendre les dernières 5 minutes.

Il y a eu consentement à ce que le député de Jacques-Cartier...

Mme Blackburn: II y a consentement.

Le Président (M. Bradet): II y a consentement. Merci beaucoup.

Allez-y, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président.

M. D'Aoust, M. Butler, bonjour. Il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition officielle.

J'ai senti une légère différence dans le ton du ministre par rapport au groupe qu'on a rencontré ce matin, et il s'est dit heureux de la rencontre et de la compréhension que vous...

Des voix: Légère, légère?

Mme Blackburn: Oui. Et de la compréhension...

Des voix: C'est peu dire.

Mme Blackburn: ...si vous permettez... Le ministre appréciait la compréhension de la réalité québécoise que vous manifestiez. Je veux bien comprendre qu'il se sente plus à l'aise avec ces personnes qu'avec les représentants de la CEQ, mais je dois dire, pour le déplorer: je n'ai retrouvé, dans votre mémoire, aucune mention de la fragilité et de la vulnérabilité du fait français au Québec et en Amérique du Nord, alors que ça faisait l'essentiel de la trame de la plaidoirie du ministre, que le ministre a supervisée et qui a été adressée au comité des Nations unies, il y a tout juste une année. Alors, j'ai davantage senti un organisme qui venait et qui maintenait des positions plus traditionnelles, et, dans ce sens-là, ça ne m'a pas semblé manifester beaucoup d'ouverture quant à la compréhension de la réalité québécoise.

Mais j'aimerais revenir sur des questions parce que je préfère vous entendre. Vous dites, dans le fond, dans votre mémoire, vous êtes heureux, vous êtes satisfaits des pas qui... des propositions de modifications qui ont été faites, c'est un pas dans la bonne direction. Mais ça ne va pas assez loin, puisque vous demandez l'admissibilité à l'école anglaise pour tous les enfants étrangers qui auraient l'anglais comme langue maternelle ou qui viendraient... c'est plus loin que ça parce que vous dites: qui viendraient d'un pays anglais. Alors, ça va plus loin que l'anglais langue maternelle, dans le fond.

Mais j'aimerais, avec vous, qu'on puisse apprécier la portée des modifications qui sont entraînées, qui sont incluses dans le document, dans le projet de loi 86, particulièrement en ce qui touche à la clause grand-père. Vous dites: Elle est logique et elle représente un pas dans la bonne direction. Si tant est que les parents qui se sont inscrits dans les écoles françaises, alors qu'ils avaient droit à l'école anglaise, par le biais de cette clause grand-père, ça vous permettrait d'aller chercher combien d'élèves, dans votre évaluation?

Le Président (M. Bradet): M. D'Aoust.

Mme Blackburn: Si c'est un pas dans la bonne direction, j'imagine que vous avez évalué un peu les conséquences.

M. D'Aoust: Si vous permettez, je vais chercher dans mes documents.

Mme Blackburn: D'accord.

M. D'Aoust: Ils ne sont pas nombreux, Mme la députée.

Vous parlez des clauses canadiennes?

Mme Blackburn: Non. C'est la clause grand-père, là.

M. D'Aoust: Ah bon.

Mme Blackburn: L'article 72.

Une voix: L'article 26.

Mme Blackburn: L'article 26, qui vient modifier l'article 76.

M. Butler: There are 30 in our Board. I know that there are 120 in the Lakeshore Board.

M. D'Aoust: Environ 150, de ce qu'on connaît, Mme la députée.

Mme Blackburn: ... 150?

M. D'Aoust: ...150 que nous connaissons.

Mme Blackburn: Que vous connaissez.

M. Butler: But it is an ongoing situation. It is going to build itself...

M. D'Aoust: Ça fait boule de neige, Mme la députée.

Mme Blackburn: Oui, je sais, mais, potentiellement, comme vous estimez qu'il y en a quelque 9000 qui ont choisi l'école française, on peut penser que tous les enfants de ces 9000 pourraient, éventuellement, avoir accès à l'école anglaise. Ça peut représenter, selon vous, combien — 150 que vous connaissez — mais, avec une bonne campagne, là?

M. D'Aoust: Vous me permettez de réfléchir avec le vice-président? Un instant.

(Consultation)

Le Président (M. Bradet): M. D'Aoust.

M. D'Aoust: Si j'ai compris le sens de votre question, Mme Blackburn, les élèves qui sont déjà inscrits à l'enseignement en français et qui sont éligibles à l'enseignement anglais, s'ils décidaient de retourner demain, combien d'eux feraient ce choix-là?

Mme Blackburn: Non, mais combien seraient susceptibles d'avoir ce droit?

M. D'Aoust: Tous, tous. Ils sont déjà éligibles à l'enseignement en anglais.

Mme Blackburn: Mais quel pourcentage? Ça donne combien de personnes? Combien de têtes de pipe?

M. D'Aoust: Pour être sûr qu'on est sur la bonne longueur d'onde, madame...

Mme Blackburn: Non, ça va. Écoutez, à notre connaissance, c'est de l'ordre de 13 000.

M. D'Aoust: Oui.

Mme Blackburn: On nous dit que, bon, c'est 100, 150. Ça, c'est des personnes qui ont présenté leur demande, sauf que, lorsqu'on sait qu'il y a environ 9000 personnes-élèves qui ont droit à l'enseignement en anglais et qui sont dans les écoles françaises présentement, on peut penser qu'avec les descendants ça représente quelque 13 000 élèves additionnels, potentiellement. Je voulais juste vérifier ça un peu avec vous.

M. D'Aoust: Ça se peut. Je n'ai pas les chiffres. Je n'ai aucune idée de combien de ces élèves-là...

Mme Blackburn: D'accord.

M. D'Aoust: ...voudront et combien de leurs parents voudront, demain, que leurs enfants retournent à l'école anglaise. C'est un choix personnel qu'ils font.

Mme Blackburn: Oui.

M. D'Aoust: J'ai fait le même choix, comme vous savez, comme parent...

Mme Blackburn: Oui.

M. D'Aoust: .. .et je doute que, demain, ils décident de retourner à l'école anglaise. Ils ont fait un choix parce qu'ils veulent que leurs enfants soient bilingues ou qu'ils apprennent le français.

Je pense qu'on devrait parler d'un droit ici; c'est un droit acquis que les parents croyaient avoir et, au moment qu'ils ont inscrit leurs enfants dans une école française, ils se sont dit: Écoutez, on est protégés; on a le droit, par la clause canadienne, d'inscrire nos petits-enfants dans une école anglaise ou les parents de ces enfants-là auront le droit, comme la clause grand-père le dit. S'ils veulent, c'est toujours là.

C'est comme ceux des 9000 qui sont là, Mme Blackburn, qui sont déjà inscrits dans les écoles françaises pourront, demain, s'ils voulaient, retourner, mais je pense qu'il n'y a rien qui indique qu'ils prendront ce choix-là demain.

Mme Blackburn: Est-ce que... Vous dites également, en ce qui a trait à l'article 72 de la Charte, pour permettre l'enseignement dans une langue autre... l'enseignement de la langue seconde, vous dites au paragraphe 3.1, à l'article 447 de la loi: II élargira l'accès à l'enseignement en anglais et même aux classes d'immersion en anglais pour les élèves francophones. Une telle mesure ne serait pas scandaleuse et ça viendrait grossir les rangs de vos écoles. Ça veut dire... Comment concevez-vous ça pour arriver à une conclusion comme ça?

M. D'Aoust: Quand on a fait cette remarque, Mme Blackburn, ce n'était pas pour vous suggérer que ça gonflerait nos rangs. Du tout. C'est parce qu'on est responsable de l'enseignement en français de 25 000 élèves, et les parents nous revendiquent toujours un enseignement propre dans une langue seconde et ils disent toujours: Écoutez, ce n'est pas suffisant, ce que vous nous donnez. Et on leur dit toujours: II faut respecter la loi. La loi, c'est la loi, et nous vivons dans une société qui a déjà décidé. Et ces parents-là veulent que leurs enfants aient un enseignement dans une langue seconde et qu'ils soient capables de maîtriser cette langue. Je n'ai aucun doute quand vous dites: Nous ne voyons pas ça comme étant une mesure d'aller chercher une clientèle supplémentaire. Parce qu'ils seront là — pour... quoi? — pendant un an, deux ans? Ou je ne sais pas.

M. le ministre, vous pourriez en parler davantage. Mme Blackburn: Mais, potentiellement...

M. D'Aoust: Six mois, cinq mois? J'imagine que...

Mme Blackburn: Oui. C'est toujours...

M. D'Aoust: ...ce ne serait pas une licence...

Mme Blackburn: D'ailleurs, c'est toujours ce qu'on ignore, vous savez.

M. D'Aoust: Bien, écoutez, je sais comme vous, Mme la députée, que ce sera dans le règlement, mais je ne peux pas voler vos 20 minutes ou les 30 minutes que vous avez. Mais c'est sûr que ça ne serait pas un «ticket» ouvert; j'en suis sûr.

Mme Blackburn: Vous demandez, pour le Québec, l'accès à l'école anglaise pour tous les enfants qui viennent de pays où l'on parle anglais, pour utiliser votre expression précise.

Ça représenterait, selon vous, combien de personnes?

M. D'Aoust: Au Québec, au niveau de la maternelle, probablement 500 au maximum, et c'est peut-être là très fort. Je pense que le chiffre de 500 que nous avons évalué inclut ceux des autres provinces, s'ils avaient le droit de le faire.

Mme Blackburn: Tous les pays où l'on parle anglais...

M. D'Aoust: Oui.

Mme Blackburn: ...c'est 500, pour la maternelle seulement?

M. D'Aoust: Oui.

Mme Blackburn: Ça veut dire que, pour toutes les autres classes... J'imagine que le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration n'est pas loin des données lorsqu'il parle de 10 000. (17 h 30)

M. D'Aoust: Nous savons que dans les écoles françaises, en 1992-1993, il y a 16 124 élèves dont la langue maternelle est l'anglais. Nous le savons. Mais combien de ceux-là ont un certificat d'enseignement en anglais qui sont éligibles, qui ont fait un choix, et combien sont là parce que la Charte dit: Écoutez, vous devriez vous diriger vers l'école française?

Mme Blackburn: Est-ce qu'on peut comprendre de votre démarche aujourd'hui auprès de cette commission que, même si le gouvernement a fait un pas dans la

bonne direction, selon vous, ce n'est pas assez loin et vous êtes prêts à continuer la lutte pour gagner le dernier carré, c'est-à-dire l'accès à l'école anglaise pour les enfants d'immigrants, pour ne pas dire le libre choix un peu plus loin? Parce que vous y allez beaucoup par étapes, objectifs. Le prochain objectif, donc, c'est les enfants qui viennent de pays qui ont l'anglais comme langue d'usage.

M. D'Aoust: II va falloir...

Le Président (M. Bradet): M. D'Aoust, je dois vous interrompre.

Comme il y a un vote, nous allons donc suspendre les travaux et nous reviendrons à la fin du vote pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 31)

(Reprise à 17 h 47)

Le Président (M. Bradet): La commission reprend donc ses travaux.

Nous nous excusons auprès de l'Association des commissions scolaires protestantes pour ce vote, mais c'est le droit des députés, vous le savez.

Mme la députée de Chicoutimi, je veux vous faire remarquer qu'il reste cinq minutes à votre intervention.

Mme Blackburn: Bien. Alors, j'avais une question que je répète très brièvement. Vous dites que c'est un pas dans la bonne direction, mais vous souhaitez une plus large ouverture, c'est l'accès des enfants d'immigrants issus de pays dont la langue est l'anglais aux écoles anglaises. Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est que c'est un pas dans la bonne direction et que vous allez poursuivre le combat.

En même temps, comment définiriez-vous un pays dont la langue est l'anglais? Est-ce que l'Inde, le Pakistan, le Sri Lanka, est-ce que c'est, pour vous, des pays dont la langue est l'anglais, puisqu'ils ont l'anglais comme langue commune?

M. D'Aoust: Vous me permettez, Mme la députée de Chicoutimi, je vais commencer par votre deuxième question. J'imagine que l'Assemblée nationale elle-même déterminera les critères de reconnaissance des pays. D'après moi, si vous me le demandez comme humble citoyen, ça serait des pays où l'anglais est la langue parlée, est la langue officielle et où les parents sont éduqués dans cette langue-là, parlent toujours cette langue-là et travaillent dans cette langue-là, comme ça l'est pour la langue officielle au Québec, le français.

Quant à votre deuxième question, je voudrais faire la distinction entre la clause grand-père et l'accès aux écoles anglaises des immigrants. Je ne parle plus, là, des enfants ou des élèves des autres provinces. Nous calculons qu'il y a environ 3400 élèves inscrits dans les écoles françaises au Québec qui viennent de pays qu'on dit anglais; et, parmi ces 3400, combien d'eux seront aptes ou voudront s'inscrire dans une école anglaise? Il reste à le déterminer. Mais, même s'ils décidaient tous de venir à une école anglaise, ça ne représenterait qu'une légère augmentation d'environ 3 %. Mais il s'agirait de tous les élèves, et ils sont tous rendus à différents degrés. Je crois que ça ne sera jamais le cas. (17 h 50)

Mme Blackburn: Vous avez loué l'initiative du ministre de «bilinguiser» les écoles françaises comme étant un bon moyen d'apprendre l'anglais, langue seconde. Dans la tournée de consultation que j'ai faite au nom du Parti québécois pour préparer le rapport sur le statut de la minorité anglophone dans un Québec souverain, toutes les personnes que j'ai rencontrées, sans exception, ont déploré la piètre qualité de la maîtrise du français chez les jeunes Anglo-Québécois, et ça inquiétait profondément les parents qui sont venus nous dire que, en raison de cette piètre qualité du français, ça brimait leur capacité de promotion et ça pouvait même, dans une certaine mesure, expliquer l'exode. Et puis, vous procédez quand même par bains linguistiques, par immersion.

Alors, comment expliquez-vous que ce reproche vous soit adressé et que vous suggériez que la meilleure façon de l'apprendre, ça soit de procéder de cette manière?

Le Président (M. Bradet): M. D'Aoust.

Mme Blackburn: Pour les francophones, on s'entend.

M. D'Aoust: Mme la députée, premièrement, nous ne voyons aucunement comme possibilité, les mesures que vous trouvez dans le projet de loi 86, comme étant un effort pour «bilinguiser» l'école française, loin de là. Je connais le gouvernement, qui est très conservateur dans son approche à l'enseignement de l'anglais langue seconde pour les francophones; il y aura des limites assez sévères quant au temps d'instruction dans une autre matière ou d'immersion, etc.

Vous avez peut-être sondé quelques parents. J'imagine que des gens vous parlent souvent, mais les gens nous parlent aussi, et ce ne sont peut-être pas les mêmes gens. J'imagine que si on fait un sondage demain, ça pourrait changer d'ici une semaine, mais nous demeurons sous l'impression que les parents francophones veulent un meilleur apprentissage de la langue anglaise pour leurs enfants.

Mme Blackburn: Ça, je suis d'accord, mais ma question, c'est la suivante: Comme vous avez une bonne expérience là-dedans, de l'apprentissage du français langue seconde par l'immersion et par les bains linguistiques, comment expliquez-vous l'insatisfaction de nombreux parents chez vous qui estiment que, finalement,

ils ne maîtrisent pas bien le français? Et la réponse du ministre, c'est de dire aux francophones: Apprenez plus l'anglais. Mais ça, c'est une autre question. Comment expliquez-vous ça?

Le Président (M. Bradet): M. D'Aoust.

M. D'Aoust: Je prétends, Mme la députée, que ce n'est pas à cause du fait anglophone que les enfants ne maîtrisent pas leur langue maternelle. On a...

Mme Blackburn: Non, ce n'est pas ça, ma question, monsieur.

M. D'Aoust: ...des preuves, nous, on a des recherches qui nous indiquent que l'apprentissage d'une deuxième langue...

Le Président (M. Bradet): Alors, je vous remercie, M. D'Aoust. C'est malheureusement le temps qui nous était alloué.

Mme Blackburn: On pourrait peut-être le laisser...

Le Président (M. Bradet): Je reconnais maintenant le député de Jacques-Cartier.

Mme Blackburn: ...M. le Président, si vous permettez, terminer la réponse. Je pense que ça serait frustrant pour lui. Avec le consentement, là.

Le Président (M. Bradet): II pourra répondre tout en parlant au député de Jacques-Cartier qui, lui aussi, a le droit de parole pour cinq minutes.

Alors, pour une brève question, M. le député de Jacques-Cartier.

Mme Blackburn: Alors, vous voyez, nous, on aurait donné le consentement.

M. Cameron: I am willing to allow her to finish her question.

Mme Blackburn: Merci.

Non, je voulais juste... C'est la maîtrise du français langue seconde, c'est le reproche qu'on vous fait. Ils ne maîtrisent pas suffisamment bien, vos élèves, le français langue seconde, ce qui a des effets quant à leur capacité, selon les parents, de promotion dans certaines carrières, particulièrement dans la fonction publique, ce qui expliquerait en partie leur intérêt pour aller voir ce qui se passe ailleurs; l'exode, quoi.

Pourquoi est-ce qu'on vous fait ce reproche à vous qui utilisez précisément les bains linguistiques et l'immersion pour apprendre le français langue seconde? On vous reproche de ne pas avoir plus de succès. Je ne parle pas de la langue première mais de la langue seconde, du français langue seconde.

M. D'Aoust: S'il y a des reproches, Mme la députée, ce sont des reproches en termes de temps, le fait que les élèves n'ont pas assez d'enseignement dans la langue française, langue seconde. C'est le reproche que nous entendons souvent. Ils nous demandent d'investir plus, et nous n'avons pas les ressources pour investir plus.

Quant à la qualité de l'enseignement du français langue seconde au Québec, d'après mes expériences, je ne suis pas recherchiste, mais je suis très satisfait. Il y a des enfants qui parlent beaucoup mieux que moi-même, j'espère, et ils tombent sur le marché du travail en étant capables de travailler dans les deux langues.

Je regrette, si on prétend qu'un enfant qui suit des programmes de français langue seconde peut parler aussi bien qu'un Canadien français ou une Canadienne française, je pense qu'on attend trop. Par contre, ces enfants-là peuvent se débrouiller dans la langue seconde. Et, dans leur cas, c'est la langue française. Je ne me rappelle pas, Mme la députée, dans mon expérience comme administrateur ou gestionnaire scolaire, avoir entendu les parents parler à propos des programmes d'aujourd'hui, nous loger des critiques quant à la qualité de l'enseignement. Les personnes que nous engageons maintenant, ce sont des Canadiens français, des Canadiennes françaises, la plupart, et eux, d'après nous, ont bien maîtrisé la langue.

Mme Blackburn: Si je peux vous rassurer, vous parlez très bien le français.

M. D'Aoust: Merci.

Le Président (M. Bradet): Je reconnais maintenant M. le député de Jacques-Cartier pour une brève question. Il vous reste deux minutes et demie.

M. Cameron: Merci. I will be very brief. I would direct my question to Mr. Butler. Is it not correct that the problem is not just one of maintaining language instruction but, after all, of maintaining Protestant schools, that is, not in the religious sense so much but in the sense that those schools are themselves central institutions for the anglophone community of Québec, that we are worried about their decline in Montréal? We may have an anglo population in another generation that speaks excellent French, but it could still have no corporate institutions at all.

Le Président (M. Bradet): M. Butler.

M. Butler: I wish you would not address it... I am not here... In a sense, I am here representing the Protestant boards, and it is not my concern what was said earlier by Mr. Ryan. My concern is not of the absolute decline in our English schools and the growth of our French sector; that is not the issue. The issue we are talking about here, I believe, insofar as the anglo community is concerned, is the belief, whether it is true

or not, that they are not welcome here, in Québec. No matter what kind of changes you make — these are only minimal changes — you will never do anything for the anglophone community unless you stop people from leaving Québec, and I think that is the issue.

And there is not a message going out to people presently domiciled in Québec that they are welcome to stay here. That is why I say that if you gave a message, insofar as 23.1 is concerned, I do not think it would add anything insofar as basic growth to the English school system, but it would be a message of welcome, a message of concern from the Government of Québec that it is losing its anglophone population.

Mr. Ryan may think that it has bottomed out. I will tell you right now that the day that the economic improvement takes place in Ontario and the rest of Canada, you will still have an erosion. And I would suggest he check his statistics and find out currently how much of the money raised by the Québec Government for pensions is being paid to Anglophones outside of this province. I think he would be surprised at the results.

Le Président (M. Bradet): Alors, merci, M. Butler, M. D'Aoust, merci de votre présentation.

Il me reste à remercier les membres de cette commission.

La commission ajourne donc ses travaux au mardi 25 mai, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 59)

Document(s) associé(s) à la séance