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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 7 décembre 1993 - Vol. 32 N° 41

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi n° 135, Loi sur le Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec


Journal des débats

 

(Onze heures quarante-cinq minutes)

Le Président (M. LeSage): Veuillez prendre vos places, s'il vous plaît. Je déclare la séance de la commission de la culture ouverte.

Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 135, Loi sur le Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Doyon (Louis-Hébert) est remplacé M. Hamel (Sherbrooke); Mme Loiselle (Saint-Henri), par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet); M. Maltais (Saguenay), par M. Philibert (Trois-Rivières).

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le secrétaire. Je vous rappelle également l'ordre du jour que nous avons pour aujourd'hui. Nous devions commencer à 11 heures avec des remarques préliminaires. Nous avons également des représentants des étudiants, des représentants de l'Union des artistes, de l'Association des orchestres symphoniques, de la Guilde des musiciens du Québec, du Syndicat des professeurs de l'État du Québec et des représentants des directeurs de conservatoire.

Mme la ministre, vous avez des remarques préliminaires?

Remarques préliminaires Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Oui, merci, M. le Président. Chers membres de la commission de la culture, à vous tous chers élèves, quelques remarques préliminaires pour situer un peu dans son contexte le projet de loi qui est déposé à l'Assemblée nationale.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour entreprendre des consultations particulières sur ce projet de loi, le projet de loi 135, un projet de loi qui modifie la Loi sur le Conservatoire de musique et d'art dramatique. Nous aurons en effet, comme vous le dites, M. le Président, l'occasion d'entendre des représentants des élèves et du personnel du Conservatoire, bien sûr, mais aussi trois groupes représentatifs des milieux de la musique et de l'art dramatique, et d'échanger aussi avec vous et avec eux sur l'avenir des conservatoires.

Il s'agit en fait d'une étape que je qualifierais de déterminante dans le cheminement de cette institution dont les origines remontent à plus d'un demi-siècle. Le projet de loi 135 a été déposé à l'Assemblée nationale le 11 novembre dernier et l'adoption de son principe a fait l'objet d'un vote unanime en deuxième lecture jeudi dernier. C'est donc dire qu'il y a un consensus qui existe au sein de la deputation pour reconnaître l'importance du Conservatoire dans la vie culturelle du Québec et de ses régions. Ce consensus porte aussi sur la nécessité d'actualiser sa mission et de moderniser ses structures. Il ne fait aucun doute, M. le Président, que les groupes que nous entendrons aujourd'hui partagent avec nous ces objectifs.

Comme je le soulignais lors de mon intervention sur l'adoption du principe du projet de loi, il s'agit d'un projet important, dans la mesure où il vient concrétiser une démarche entreprise il y a plusieurs années déjà. Les membres de cette commission se souviendront sans doute que, au moment de la vaste consultation qui a précédé l'élaboration de la politique culturelle en 1991, plusieurs intervenants en formation ont tenu à souligner l'apport exceptionnel du Conservatoire pour favoriser l'excellence de la formation artistique au Québec. Bon nombre de représentants régionaux nous ont aussi fait part de l'importance du Conservatoire pour favoriser le dynamisme culturel au sein de leurs milieux respectifs.

Faut-il rappeler également que la politique culturelle adoptée en juin 1992 a été élaborée en étroite collaboration avec 21 ministères et organismes du gouvernement, dont, bien sûr, le ministère de l'Éducation et celui de l'Enseignement supérieur et de la Science.

En matière de formation, une des orientations de la politique culturelle confiées au ministère de la Culture et non au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science: elle confie la responsabilité de soutenir des écoles professionnelles complémentaires dans certains secteurs de l'activité artistique. Il ne s'agit donc pas d'intégrer les conservatoires au réseau d'enseignement régulier, bien au contraire.

Après plus de 50 ans, le projet de loi 135 vient donc assurer la pérennité du Conservatoire. Il actualise sa mission et bonifie son mode d'organisation en tenant compte notamment d'un environnement qui s'est considérablement modifié depuis 1942, car, par rapport à la loi de 1942, c'est d'un changement majeur qu'il s'agit et, comme tout changement majeur, on peut comprendre qu'il soulève certaines interrogations. C'est pourquoi je mise sur la consultation que nous entreprenons aujourd'hui pour cibler les problèmes auxquels il est actuellement confronté et aussi pour échanger sur les solutions que nous proposerons pour y remédier.

Je serai brève, M. le Président, car je veux laisser le plus de temps possible aux personnes qui se sont déplacées aujourd'hui pour se faire entendre.

Je voudrais néanmoins, pour le bénéfice des membres de cette commission et des personnes présentes, rappeler brièvement les grands objectifs qui nous ont guidés dans la rédaction du projet de loi 135. (11 h 50)

Le premier objectif vise à assurer et à consolider la mission pédagogique du Conservatoire. Depuis 50 ans, les conservatoires de musique et d'art dramatique ont bien évolué. Ils ont diversifié leurs programmes de formation pour s'ouvrir aux nouvelles disciplines qui émergent. Au fil des années, les conservatoires de musique, dans chacune des régions où ils sont installés, sont devenus des partenaires indispensables au développement culturel de leur milieu.

Autrement dit, le mandat qui a été confié à l'origine au Conservatoire ne correspond plus à l'ensemble des activités qui sont aujourd'hui les siennes. C'est le cas, notamment, des activités actuelles des conservatoires en région, qui soutiennent des organismes musicaux. C'est d'ailleurs ce qui explique pourquoi, en 1989, la mission des conservatoires de musique a été révisée et présentée dans un document intitulé «La mission du Conservatoire de musique du Québec: à l'heure du renouveau». Cette mission révisée comportait trois volets reliés à la formation professionnelle, au soutien de la formation musicale et initiale et au soutien d'organismes musicaux.

Le projet de loi 135 vient, enfin, reconnaître sur le plan législatif cette mission renouvelée et enrichie des conservatoires de musique. En art dramatique, il confirme le mandat des conservatoires à titre d'établissements de formation professionnelle supérieure. En musique, comme en art dramatique, il ouvre la porte à des activités de perfectionnement qui viendront répondre aux besoins exprimés par les professeurs et les élèves et aussi par de nombreux professionnels de nos milieux artistiques qui se sont eux-mêmes exprimés publiquement à l'automne 1991, ici même, lors de la consultation sur la politique culturelle.

Le deuxième objectif du projet de loi vise à conférer au Conservatoire une plus grande souplesse et une autonomie accrue pour réaliser son mandat. Les membres de cette commission reconnaîtront sans doute que, depuis 50 ans, l'appareil gouvernemental s'est considérablement modifié lorsque l'État a décidé d'intervenir massivement dans plusieurs secteurs de l'activité économique, culturelle et sociale. Cette évolution s'est évidemment traduite, sur le plan administratif, par une multiplication et une standardisation des mesures de contrôle, lesquelles peuvent difficilement s'adapter aux besoins et aux pratiques d'une institution d'enseignement. C'est le cas, particulièrement, des conservatoires, dont l'une des principales caractéristiques est d'offrir un enseignement personnalisé et modulé.

C'est pourquoi nous proposons de transformer le Conservatoire en une corporation autonome. On ne peut plus, aujourd'hui, envisager l'avenir d'une institution d'enseignement s?ns prévoir une participation active des élèves et des professeurs à sa gestion et à la définition de ses grandes orientations pédagogiques. Il faut aussi favoriser une concertation accrue entre les intervenants, afin de s'assurer que les activités du Conservatoire s'intègrent bien aux besoins des milieux où il évolue.

Enfin, faut-il rappeler que les élèves, qui sont au coeur de nos préoccupations dans cet exercice de réflexion, souhaitent voir leurs études reconnues au même titre que ceux et celles qui fréquentent nos collèges et nos universités, au titre de l'enseignement, entre autres.

En terminant, M. le Président, je veux souhaiter la plus cordiale bienvenue aux personnes qui sont déjà avec nous, de même qu'à celles qui les suivront bientôt. Nul doute que leurs commentaires contribueront à alimenter nos travaux lors de l'étude du projet de loi, article par article. Pour ma part, je peux vous assurer de mon ouverture à toute suggestion constructive en vue d'atteindre un objectif qui nous est commun: donner au Conservatoire l'appui dont il a besoin pour continuer de favoriser l'excellence de la formation artistique au Québec dans les secteurs et de la musique et de l'art dramatique, et ce, dans les grands centres et aussi dans les régions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Très bien, merci, Mme la ministre. Donc, les remarques préliminaires se poursuivront maintenant avec celles du député de Gouin, représentant de l'Opposition officielle sur le sujet. M. le député.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Un mot d'abord pour souhaiter la bienvenue à tous ceux et celles qui sont avec nous aujourd'hui, et peut-être rappeler que c'est à la demande de nombreux organismes, ainsi que sur les recommandations de l'Opposition officielle, que la ministre, la semaine dernière, acceptait de tenir cette consultation particulière sur le projet de loi 135. Il apparaissait, aux yeux des membres de l'Opposition officielle, essentiel d'enrichir le processus législatif par cette consultation. Pour nous, il apparaissait important aussi que l'ensemble des membres de cette commission — commission de la culture, qui a ce mandat particulier d'étudier chacun des articles du projet de loi — puissent recevoir les représentations des étudiants et des différents organismes, des professeurs et des gens intéressés par la question afin de, bien sûr, discuter avec eux, mais aussi dans une perspective où nous aurons, au cours des travaux qui suivront cette consultation, à bonifier, sans contredit, le projet de loi initialement déposé par la ministre.

Même si j'aurais souhaité entendre tous ceux et celles qui avaient manifesté un intérêt pour la question et même si, à l'évidence, tous en conviendront, c'est de façon précipitée que nous nous réunissons, je souhaite que les discussions de ce jour puissent être l'occasion d'entreprendre un véritable dialogue, ce qui, pour le profit de la ministre, est beaucoup plus que la liberté de parole.

Alors, donc, au moment d'entreprendre cette séance, je pense que ce que nous avons de mieux à faire, ce serait de mettre sur la table un certain nombre de principes qui vont nous éclairer pendant l'étude de ce projet de loi et pendant aussi les consultations que nous tiendrons aujourd'hui, ce matin et cet après-midi.

Le premier qui anime l'Opposition et qui, je sais, anime aussi plusieurs partenaires a trait à la pérennité de l'institution. Si nous avons, comme la ministre le soulignait tout à l'heure, voté en faveur du principe du projet de loi — ce qui est une des nombreuses étapes du processus législatif — c'est parce que nous avons la conviction que le maintien du statu quo, sous le prétexte traditionnel de protéger le Conservatoire des intempéries, aurait, à moyen terme, le même effet que son abolition. D'autres avant nous ont affirmé que, dans un milieu voué à la créativité et à l'émulation, les armures deviennent vite des sarcophages.

Il faut donc relever le défi qui consiste à transformer radicalement cette institution pour en faire le coeur de la formation artistique professionnelle et donner toute l'ampleur aussi à la vision qui animait ses fondateurs, et particulièrement Wilfrid Pelletier qui résumait ainsi sa vision des conservatoires. Wilfrid Pelletier écrivait: II nous faut engager les meilleurs professeurs de la province et faire appel à des maîtres étrangers pour les postes laissés vacants. Chacun des professeurs venant de l'extérieur devra avoir un adjoint qui accompagnera l'élève aux cours afin de pouvoir bénéficier lui-même des leçons d'un grand maître et ainsi assurer une formation professionnelle aux instrumentistes, chanteurs et compositeurs, ce qui comprend toutes les disciplines, bien sûr, pertinentes à cette formation.

Les professeurs du conservatoire de Montréal ont raison de vouloir redonner au secteur de création toute sa vigueur. Ainsi, il faut souligner les préoccupations qui ont trait au régime pédagogique. La pédagogie doit se baser sur le continuum des études musicales et assurer le développement de l'élève par un encadrement continu et individualisé. Cependant, là où le bât blesse, c'est que le contenu du projet de loi, à bien des égards, ne reprend pas dans son libellé cette volonté. Il y a encore lieu d'être inquiet lorsque la ministre nous dit, à l'occasion de l'adoption du principe du projet de loi, et je la cite: Ce qu'on veut par ce projet de loi, c'est justement clarifier le rôle des conservatoires pour que ces réseaux — disait-elle — les universités et écoles privées des conservatoires, soient complémentaires et non pas superposés ou, enfin, enseignant les mêmes choses ou fournissant les mêmes services. Pour le bien de l'élève, il est sûrement préférable qu'il poursuive ses études dans un grand centre.

Pour nous, au cours de ces travaux, il ne saurait être question de confondre la mission des conservatoires avec celle des autres réseaux qui participent à l'enseignement de la musique, si ce n'est à cause du mode particulier que les conservatoires ont d'enseigner la musique, et nous devons aujourd'hui plaider pour la spécificité et le maintien de cette vocation, ce qui nous amène bien loin d'un discours qui nous amènerait à parler de superposition ou de dédoublement avec les autres institutions publiques, ce que laisse entendre à l'heure actuelle la ministre sur cette question.

Un autre principe que nous devons clairement établir a trait à la présence des conservatoires en région. Bien sûr, nous comprenons avec la ministre qu'il ne saurait être question d'offrir une formation terminale dans chacun des secteurs d'activité, dans chacune des disciplines. Mais il y a une différence entre affirmer ce principe, d'un côté, et, d'un autre, inviter les étudiants à poursuivre leurs études dans des grands centres. (12 heures)

La ministre, par son propos, insuffle et nous démontre clairement sa volonté d'insuffler un mouvement des étudiants des conservatoires en région vers les grands centres. Nous nous opposons à cette façon de voir les choses parce que, pour nous, nous ne voyons pas pourquoi un conservatoire, qu'il soit à Trois-Rivières, qu'il soit à Chicoutimi, qu'il soit à Val-d'Or, ne puisse pas, dans des secteurs qu'il aura choisis et compte tenu des besoins de chacune des régions, offrir une formation terminale. Compte tenu aussi des implications significatives et de la présence des conservatoires et de l'impact qu'ils ont pour le développement et la vie culturelle de ces régions, agir autrement serait une grave erreur. Ainsi, nous attendons que la ministre ait le même courage que sa prédécesseure, qui affirmait clairement, au lieu de parler de superposition et de dédoublement, que les conservatoires régionaux sont là pour rester. Nous attendons aujourd'hui de la ministre qu'elle tienne cette même déclaration.

Il serait d'autant plus pertinent d'agir ainsi que plusieurs élèves aussi s'inquiètent sur la reconnaissance de leur diplôme. J'avais tout à l'heure l'occasion d'en glisser un mot rapidement, mais il est clair que l'article 20 est nettement insuffisant dans sa présentation. Ce serait utopique de croire que, parce que, soudainement, dans un projet de loi, nous retenons la possibilité que les diplômes soient reconnus par le ministère de l'Enseignement supérieur, pour autant ils vont l'être. Et, si la ministre peut, aujourd'hui, déjà nous déposer des ententes entre son ministère et le ministère de l'Enseignement supérieur sur cette question, qu'elle le fasse, parce que les étudiants ne paieront certainement pas pour leur formation si elle n'est pas reconnue. Il s'agit là d'un noeud important dans le débat et il faudra, bien sûr, beaucoup plus que l'article 20, qui pourrait, à certains égards, constituer une espèce de pensée magique. Et ce serait se leurrer de croire que, parce que c'est écrit dans l'article, où on dit: «...avec l'autorisation du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, le Conservatoire»... On dit que «le Conservatoire peut décerner le grade, diplôme, certificat ou autre attestation d'études universitaires auquel conduit un programme d'enseignement qu'il établit et met en oeuvre avec l'autorisation du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science». D'aucune façon nous n'avons des engagements clairs sur cette question.

Ce débat prend d'autant plus de relief que, derrière cette volonté de rajeunissement de l'institution, se cache aussi une volonté claire de revoir l'implication de l'État dans ce secteur et qu'il faut comprendre que ce projet de réforme est aussi mû par une éthique du rendement. Il est très clair, dans l'esprit de la ministre, que les étudiants et étudiantes de conservatoire auront à débourser des frais de scolarité, dès sans doute la prochaine session, sans pour autant avoir reçu des assurances, qui sont celles que je souhaite pouvoir obtenir de la ministre aujourd'hui. D'ailleurs, puisqu'il est toujours intéressant de suivre le fil de la pensée gouvernementale, nous essayons toujours de comprendre pourquoi la ministre ouvre ce débat que sa prédécesseure elle-même avait clos en déclarant: La ministre Lise Bacon promet de maintenir la gratuité des cours. Alors, aujourd'hui, nous demandons aux membres de cette commission: Qu'est-ce que la vice-première ministre avait que la ministre actuelle de la Culture n'a pas?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Et qu'attend-elle pour reprendre le même discours que sa collègue?

Finalement, M. le Président, nous devons aussi souligner toute la préoccupation qui a trait à la vie de l'institution, et je parle spécifiquement du personnel enseignant et non enseignant qui oeuvre dans ces institutions. Tout à l'heure, je parlais de cette possible centralisation de la structure qui est celle qui semble se dessiner dans le projet de loi et de ce courant que la ministre semblait insuffler des régions vers les grands centres. Je pense qu'il est d'abord démotivant, pour les gens qui oeuvrent au sein des conservatoires en région, de présenter ce genre de vision.

C'est d'autant plus décevant dans un contexte où le gouvernement, par son action, a suscité une très grande insécurité dans la fonction publique, et il faut bien se dire qu'à cet égard les conservatoires n'échappent pas à cette règle: la loi 198* les négociations dans les secteurs public et parapublic, un certain nombre de craintes qui font qu'à juste titre, aujourd'hui, les enseignants se demandent quelle réalité se cache derrière cette volonté de sortir les enseignants de la fonction publique. Nous devons regarder cette réalité dans un contexte, aussi, où les professeurs, publiquement, par le biais de leurs représentants, ont fait un certain nombre d'ouvertures qui sont significatives et dont nous devrons tenir compte au moment d'étudier le projet de loi.

Alors, M. le Président, je tenais tout simplement à faire ces quelques remarques préliminaires. Je pense qu'elles sont importantes et je souhaite que ces trois préoccupations seront celles qui nous animeront pendant ces travaux, et c'est sur ces questions que nous entendons encourager et questionner ceux et celles qui viendront se présenter devant nous aujourd'hui et cet après-midi.

Le Président (M. Doyon): Mme la ministre, il vous restait quelques minutes.

Mme Frulla: Brièvement...

M. Boisclair: Ce n'est pas l'ordre de la Chambre, M. le Président.

Le Président (M. Doyon): Pardon?

M. Boisclair: Ce n'est pas l'ordre de la Chambre.

Le Président (M. Doyon): Non, mais c'est la coutume. Si vous le voulez...

M. Boisclair: Qu'on procède à la période de... Il y a assez de gens qui sont ici.

Le Président (M. Doyon): Oui, oui, on va le faire, ne craignez pas. Alors, Mme la ministre, pour quelques minutes.

Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Bon. Brièvement. Si j'ai demandé la parole, c'est parce qu'on véhicule des choses qui, à mon avis, sont fort injustes et non justes. D'abord, quant à la volonté de Mme Bacon, quant au renouveau, ce que je disais, de l'orientation des conservatoires, c'est exactement ce qu'on fait, et que l'on prend, et qu'on légalise dans le projet de loi, d'une part. Deuxièmement, il est très facile de faire un communiqué de presse en prenant les deux premières phrases et les trois dernières phrases d'un discours qui a duré 20 minutes.

J'ai dit, et je le répète, que la seule façon d'assurer la pérennité des conservatoires et d'assurer la non-disparition des conservatoires, c'est de sortir les conservatoires, qui sont une direction du ministère, et d'en faire une corporation autonome. C'est la seule façon et nous allons en discuter tantôt.

Deuxièmement, quant à la diplomation, si Mme Bacon disait qu'il fallait continuer la gratuité, c'est parce que, justement, tant que les conservatoires sont une direction du ministère, vos diplômes d'études ne peuvent pas être reconnus par le ministère de l'Éducation, d'une part — c'est impossible par la loi — et, deuxièmement, tant que les diplômes — et ça je l'ai dit la semaine dernière à Mme Tremblay — ne seront pas reconnus par le ministère de l'Éducation, il n'y aura pas de frais de scolarité. Je veux que ce soit très clair. Par contre, une fois que les diplômes seront reconnus... Et on en parlera, justement, parce que Mme Robillard est à Strasbourg — c'est pour ça qu'elle n'est pas ici — mais elle nous a demandé, justement, de faire venir son collègue, député adjoint au niveau de l'éducation.

Tant que les programmes ne seront pas reconnus par le ministère de l'Enseignement supérieur, non, il n'y aura pas de frais de scolarité. Par contre, pour les faire reconnaître, il y a du travail qui est déjà amorcé. Donc, je nie ce qui a été dit dans les journaux, qu'il n'y a rien de fait; au contraire, le travail est déjà amorcé. Mais,

pour que ça se fasse, il faut que ça se fasse de corporation, c'est-à-dire une corporation qui a une loi propre avec le ministère de l'Enseignement supérieur. Tant que la corporation ne deviendra pas une personne morale, les diplômes ne peuvent pas être reconnus par le ministère de l'Enseignement supérieur.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre. Alors...

M. Boisclair: ...

Le Président (M. Doyon): Quoi?

M. Boisclair: Je peux utiliser un droit de...

Le Président (M. Doyon): Si vous me demandez la parole, M. le député, oui. Je signale en passant que vous m'avez signalé que l'ordre de la Chambre n'était pas à l'effet que la ministre ou vous-même puissiez parler. Je vous indique que l'ordre de la Chambre indique qu'il y aura des remarques préliminaires de 15 minutes de chacun des partis. Alors, à l'intérieur de ces 15 minutes, le président fait le partage du temps. Vous avez la parole.

M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, vous comprendrez qu'à ce moment-ci on s'attendrait à certainement plus de la ministre. Je conçois très bien que j'ai moi-même extrait des propos de son discours, mais qui sont des propos qui existent, qui ne sont pas là dans l'abstrait. Bien sûr qu'il faut pondérer en fonction de tout un discours, mais, lorsqu'on nous dit: Pour le bien de l'élève, il est sûrement préférable qu'il poursuive ses études dans un grand centre, eh bien, je pense que c'est le genre de déclaration qui sème la zizanie et qui sème la confusion, et la ministre en est la seule responsable sur cette question. (12 h 10)

Autre chose, quant à la question de la reconnaissance des diplômes, nous convenons très bien que le ministère de la Culture ne peut pas décerner des diplômes qui sont ceux que le ministère de l'Enseignement supérieur délivre à ses élèves en fonction d'un certain nombre de règles. Nous le savons très bien. Cependant, rien n'empêche la ministre de signer une entente avec le ministère de l'Enseignement supérieur, et cette nouvelle corporation qui sera créée se verra transférer toutes les obligations qui seront contractées dans cette entente. Voyons donc! Par exemple, rien n'empêche nos conservatoires aujourd'hui de renouveler les baux qu'ils occupent, là, pour les différents lieux physiques où ils offrent des services. S'ils sont renouvelés, toutes ces obligations contractuelles seront transférées à cette nouvelle corporation, de la même façon qu'une entente avec le ministère de l'Enseignement supérieur qui serait signée avec la ministre de la Culture, les obligations contenues dans cette entente pourraient être transférées à la nouvelle corporation.

La ministre peut très bien se prévaloir de cette responsabilité. Alors, si c'est le cas pour d'autres secteurs, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas le faire dans le cas des conservatoires. Qu'il y ait à tout le moins une lettre d'intention de la ministre de l'Enseignement supérieur, qu'on nous donne un peu de chair.

Mme Liza Frulla Mme Frulla: Juste pour finir...

Le Président (M. Doyon): Rapidement, parce que le temps est terminé, il vous reste à peine 30 secondes.

Mme Frulla: ...parce qu'il va falloir donner la parole. La lettre d'intention, je l'ai, elle est datée du 7 octobre 1993, de la part de M. Pierre Lucier, sous-ministre de l'Enseignement supérieur, à Mme Michelle Courchesne, sous-ministre du ministère de la Culture.

M. Boisclair: Vous pouvez la déposer? Est-ce que la ministre peut déposer le document?

Document déposé

Le Président (M. Doyon): Vous pouvez la déposer? Alors, tout simplement, il n'y a pas de dépôt de document en commission parlementaire, sauf qu'on en fera photocopie et elle sera distribuée par le secrétariat.

Auditions

Alors, j'invite maintenant les représentants des étudiants à bien vouloir prendre place en avant.

À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous indique qu'il n'y a aucune manifestation d'approbation ou de désapprobation qui sera tolérée dans cette salle. Nous ne sommes pas au Colisée ici; nous sommes à l'Assemblée nationale. Vous vous applaudirez entre vous autres quand vous aurez quitté cette salle. Alors, je veux que ce soit très clair, comme président, autrement je ferai évacuer immédiatement.

Mme Tremblay (Stéphanie): J'aimerais tout d'abord...

Le Président (M. Doyon): Un instant, s'il vous plaît! Je vous indique que nos règles sont les suivantes. Vous disposez de 20 minutes pour nous faire part de vos représentations. Ensuite, 40 minutes seront consacrées aux députés: 20 minutes aux représentants du parti ministériel et 20 minutes aux représentants des partis d'Opposition. Des questions vous seront posées. Et je vous invite dès maintenant à vous présenter pour les fins d'enregistrement de nos débats, de vous identifier de façon à ce que nous puissions transcrire vos noms dans

le Journal des débats, et je vous donne dès maintenant la parole, dès que vous aurez fait ça. À vous.

Représentants des étudiants

M. Boucher (Martin): Martin Boucher, représentant de l'association des étudiants de Chicoutimi, étudiant en orgue.

Mme Tremblay (Stéphanie): Stéphanie Tremblay, représentante de l'Association des étudiants du Conservatoire de musique de Québec. Saxophone.

Mme Carrière (Annick-Patricia): Annick-Patricia Carrière, élève au Conservatoire de musique de Montréal. J'étudie en écriture et en analyse.

Le Président (M. Doyon): Très bien. Alors, bienvenue. Vous avez la parole.

Mme Tremblay (Stéphanie): J'aimerais tout d'abord souligner qu'évidemment on est juste trois à avoir le droit de parole. Mais, derrière nous, on a des gens des autres conservatoires, des conservatoires de Chicoutimi, déjà ici, de Trois-Rivières, de Rimouski et aussi une représentante en art dramatique.

M. Boucher (Martin): «Aussi longtemps que les conservatoires accomplissent leur fonction et qu'ils la redéfinissent par rapport au présent, ils rendent à la société le centuple de ce que la société leur donne.» C'est Jean Vallerand qui disait ça, et c'est tiré du document sur la mission des conservatoires en 1989.

Mme Carrière (Annick-Patricia): Une citation d'Armand Vaillancourt, sculpteur québécois: «Un artiste, c'est quelqu'un qui est engagé dans son époque.»

Mme Tremblay (Stéphanie): Et, finalement, notre citation modifiée: «Le conservatoire, un milieu de vie où l'art a vraiment valeur d'idéal.»

Donc, on débute un peu la lecture du mémoire. Au début, on vous a fait une espèce de petit résumé de nos gros points. Donc, je commence.

Les points positifs du projet de loi. Les étudiants vont être représentés au plus haut niveau, donc au C.A., puis aussi on a une possibilité de reconnaissance des diplômes. Ça, c'est nos points positifs. Par la suite, on y va avec les points négatifs.

L'abolition très possible de la gratuité. On se pose une sérieuse question. Est-ce que maintenant il va y avoir plus... Est-ce qu'il y a une chance qu'il y ait une sélection plutôt à partir de la capacité financière que du talent? C'est une question qu'on se pose.

Ensuite, le projet de loi est une porte ouverte à la centralisation vers les grands centres. Bon, je ne reciterai pas le communiqué de presse du député Boisclair. Donc, on se pose une autre question: Nos artistes deviendront-ils tous des Montréalais ou des

Québécois? Évidemment, l'expression d'oeuvres internationales, il n'y aura pas de problème avec ça. Mais nos cultures régionales, les oeuvres régionales, est-ce que ça va vraiment pouvoir s'exprimer encore si tous nos artistes sont obligés d'aller à Montréal ou à Québec pour avoir leur vraie formation? Et on se dit aussi: Après huit ou 10 ans de vie dans un grand centre, durant une période de vie où tout nous influence — bon, on parle de la période de vie de 16 à 25, 30 ans — est-ce que les gens qui vont être obligés d'aller à Montréal ou Québec pourront retourner dans leur région? Est-ce qu'ils vont encore aussi pouvoir exprimer leurs racines? On ne le sait pas. En demeurant dans leur région, aussi, ça leur permet de s'implanter dans leur milieu et de pouvoir y travailler. Ça, c'est un point positif de ce qu'on a présentement et c'est ce qu'on veut garder.

Bon. Évidemment, on est étudiants, on veut surtout vous parler de notre vécu. Qu'est-ce qui va bien présentement dans les conservatoires? On a un enseignement personnalisé de très grande qualité. On a des petits groupes. Ensuite, on a la possibilité de rester en contact avec notre milieu. L'enseignement est gratuit, puis on a la possibilité de créer une masse critique d'étudiants d'où vont ressortir les meilleurs. Ce qui mérite des améliorations: nos diplômes ne sont pas reconnus et on manque de certaines ressources. je continue. je vous parle de notre vécu. c'est peut-être, bon, ce qui peut vous sembler le plus éloigné: qu'est-ce qui se passe pour nous, en tant qu'étudiants, notre vie quotidienne de chaque jour? depuis plus de 50 ans, le conservatoire a pour mandat de former des interprètes de haut niveau. les élèves qui sont acceptés dans cet établissement doivent donc répondre à des critères précis de sélection et avoir du talent dès le départ. en cours de route, les étudiants qui ne peuvent pas satisfaire aux exigences doivent quitter l'institution pour poursuivre leurs études en privé ou dans une autre école ou faire carrément autre chose. ce que j'aimerais souligner là-dessus, c'est que, évidemment, partout dans les universités, dans les cégeps, la note de passage est de 60 %. au conservatoire, ça ne fonctionne pas comme ça; c'est 75 % pour passer. donc, les critères sont plus élevés, et l'élève qui ne satisfait pas à ça, eh bien, il se fait, disons, mettre à la porte de l'institution.

O.K. Ensuite, pour arriver à ce niveau d'excellence tant recherché par le Conservatoire et donner à ses étudiants les outils nécessaires à la formation d'interprète, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte: la qualité du corps professoral, comme je l'avais mentionné; la possibilité de garder le même maître tout au long de l'apprentissage; les structures nécessaires mises en place pour bien encadrer l'élève; la formation individuelle et la promotion par matière. Je vous ai énuméré des choses; on va y revenir un petit peu plus loin dans le texte.

Le réseau des conservatoires de musique donne à ses étudiants plusieurs possibilités que les autres institutions d'enseignement ne peuvent se permettre d'offrir. Un de ces grands avantages est de pouvoir commencer à

former ses élèves le plus tôt possible, dès le primaire, dès quatre ou cinq ans pour les violonistes, ou vers six, sept ans pour les pianistes et les autres instrumentistes. Et, aussi, le Conservatoire permet d'assurer aux étudiants un suivi adéquat tout au long de leur apprentissage. De plus, le fait d'avoir le même professeur tout au long de l'apprentissage joue pour beaucoup dans la formation d'un étudiant, car, au fond, un étudiant en clarinette, peu importe le professeur, va apprendre à jouer de la clarinette, sauf que chaque professeur a un peu sa méthode. Les méthodes enseignées sont différentes pour chaque professeur, il ne faut pas se le cacher. Donc, si c'est comme ça, si on doit changer de professeur quatre ou cinq fois durant l'apprentissage, ça peut perturber beaucoup l'élève parce qu'il y a toujours des notions de base qui sont à réapprendre, des façons, des techniques de base qui sont à réapprendre.

De plus, puisque chaque étudiant peut progresser à son rythme, en autant qu'il réponde à certains critères, il est possible de terminer un cycle, qui aurait pris normalement trois ou quatre ans, en deux ou même un an. Ça, ça se fait beaucoup, beaucoup, au Conservatoire. Ainsi, le système permet à beaucoup d'élèves de ne pas perdre de temps et d'arriver à d'aussi bons résultats. Ce temps d'apprentissage est très important en musique parce que, si on veut continuer nos études, il y a souvent, dans les universités ou dans les institutions américaines et européennes, des âges limites pour s'inscrire. Pour les violonistes, c'est souvent 21, 22 ans ou même moins. Donc, il faut finir jeune, il faut avoir le temps de pratiquer tant qu'on est jeune. Les étudiants qui aspirent à des études à l'extérieur doivent donc essayer de terminer le plus rapidement possible leur conservatoire. (12 h 20)

Même dans les matières théoriques, on parvient à dispenser... Je m'excuse, je reviens un peu à la personnalisation des cours. Donc, même dans les matières théoriques où on n'a pas des cours individuels, on réussit quand même à avoir des petits groupes pour réussir à bien encadrer l'élève, à cibler ceux qui ont plus de difficultés, puis à bien les aider, puis, aussi, à aider ceux qui n'en ont pas à avancer le plus vite possible.

En outre, puisque le Conservatoire permet la promotion par matière, un étudiant peut, tout en étant au secondaire ou même au primaire, suivre des cours de niveau collégial. Par exemple, je vous donne un cours, la littérature musicale, qui est un cours collégial, que plusieurs élèves peuvent faire tout en étant au secondaire. Ça, c'est un autre grand avantage. Ou aussi des cours universitaires. On a souvent des violonistes qui ont 10 ans puis qui ont des premiers prix en solfège ou des troisièmes cycles en solfège, dictée, qui sont habituellement des cours universitaires. Ça donne l'opportunité aux élèves d'avoir plus de temps de pratique personnelle à des niveaux plus avancés ou de prendre quelques cours supplémentaires, de l'histoire, de l'écriture, de l'analyse, peu importe, pour devenir vraiment un musicien complet.

D'un autre côté, les étudiants dont les instru- ments exigent qu'ils débutent plus tard, par exemple, les contrebassistes, les chanteurs, les tubistes et bien d'autres, peuvent être de niveau de troisième cycle, donc universitaire, tout en étant peut-être dans des cycles un peu moins avancés dans d'autres matières. De plus, les nombreux cours de formation générale essentiels à la formation d'un interprète, chanteur et créateur offerts par le Conservatoire respectent la capacité des étudiants à se concentrer sur la pratique de leur discipline principale.

Puis, le dernier point intéressant pour les conservatoires, c'est qu'on est un réseau et qu'on réussit à dénicher des talents partout dans la province, puis à les exploiter.

M. Boucher (Martin): En tant que représentant des conservatoires de région, je vais vous faire part un petit peu de nos inquiétudes face à certaines idées de centralisation. Les conservatoires de musique du Québec représentent beaucoup d'avantages pour les régions. On en parlera tout à l'heure. Ils ont créé et créent encore aujourd'hui une légion de grands musiciens qui constituent une importante richesse pour le Québec. Cette institution a noué des liens solides dans chacun des milieux où elle s'est enracinée et tous veulent la conserver.

Quels sont les avantages de pouvoir fréquenter un conservatoire dans son milieu, dans sa région? Le Conservatoire permet à des jeunes musiciens d'avoir un enseignement professionnel de qualité et continu avec des professeurs expérimentés et de haut niveau. De plus, il permet à l'élève d'éveiller ses sens au monde musical et d'accroître ses compétences qui, plus tard, lui permettront d'entrer dans le monde professionnel. Par sa recherche constante de l'excellence et grâce aux infrastructures de qualité du Conservatoire, comme le matériel pédagogique ou le prêt d'instruments, les bibliothèques, etc., l'élève se fait l'artisan de sa région. Il crée une tradition en suscitant chez la population la curiosité, la sensibilité et le goût de la musique. Étant donné que les régions sont plus éloignées, il y a une recherche d'une espèce de tradition musicale qui est moins présente. Donc, le Conservatoire contribue essentiellement à développer cette pensée qu'ont les grands centres, finalement.

Le conservatoire de région permet aussi à l'étudiant de poursuivre des études avancées en musique qui ne pourraient avoir lieu que dans les grands centres, comme Québec et Montréal. Cette affirmation tient du fait que la majorité des régions ne possèdent pas d'université spécialisée en musique, donc impossibilité... Si les conservatoires disparaissent en région, la majorité en tout cas des régions, ça devient impossible pour nous autres de poursuivre, à moins de s'exiler.

Ce que le Conservatoire engendre dans une région. Il est évident de constater qu'un conservatoire de musique offrant des cours avancés dans de multiples disciplines crée une activité musicale intense dans le milieu où il évolue. Le Conservatoire peut fournir des

instrumentistes compétents pour la formation ou le complément d'un orchestre, d'une harmonie, d'un choeur ou de tout autre ensemble musical. Par exemple, le Conservatoire de musique de Chicoutimi contribue grandement, par l'entremise de ses étudiants les plus avancés, les violonistes, les altistes, les violoncellistes et puis d'autres, à rehausser le niveau de l'orchestre symphonique régional sans que celui-ci ait besoin d'engager des musiciens de Québec ou des musiciens d'ailleurs. Je pense que c'est un point assez important. Par contre, avec le projet de loi 135, si les étudiants de cycle supérieur se retrouvent dans les grands centres, les différentes organisations régionales prennent un coup dur au niveau musical.

L'article 18 du projet de loi 135 stipule que le Conservatoire a pour objet d'administrer et d'exploiter dans diverses régions du Québec des établissements d'enseignement à diverses fins: dispenser la formation professionnelle, susciter une formation initiale de qualité et favoriser la présence d'organismes essentiels à la vie musicale. L'article termine en disant que le Conservatoire tiendra compte des spécificités de chaque établissement d'enseignement.

Éventuellement, un conservatoire régional verra ses classes les moins peuplées fermées au profit d'un autre conservatoire. Cette éventualité ne fera qu'accroître le statut privilégié des conservatoires des grandes villes, en particulier celui de Montréal, et, par conséquent, provoquera la disparition, à moyen ou à long terme, des conservatoires de région. Ainsi, l'existence des conservatoires régionaux est une réalité importante, tant pour les étudiants que pour la population. C'est miner leur avenir que de couper dans la formation dispensée, les vouant au rang d'une école intermédiaire: l'école est une espèce d'école préparatoire en vue des autres.

La qualité de l'enseignement en région. Depuis sa fondation en 1942, la formation dispensée au Conservatoire a toujours été considérée de haut calibre, et ce, dans tout le réseau. Partout, on dénombre des professeurs compétents, attentifs aux besoins de leurs élèves et soucieux de les aider à préparer un brillant avenir. Pour un étudiant, il est primordial d'avoir une formation de qualité et un encadrement continu dans le même établissement, avec le même professeur. Citons ici un des points de la confirmation de la mission des conservatoires de musique du Québec, datée de juin 1993: «Les conservatoires de musique ont conservé des caractéristiques dont la conjugaison justifie qu'on maintienne leur existence. Ils possèdent une pédagogie qui privilégie le développement de l'individu et qui permet un encadrement continu.»

Pourtant, le projet de loi va à rencontre de cette même mission que s'était donnée la ministre, soit en favorisant, et ce, pour le bien de l'élève, la poursuite des études dans un grand centre. Au contraire, nous croyons qu'une telle déstabilisation ne pourra que nuire au bon fonctionnement de l'élève, nuisant par le fait même au dynamisme culturel des conservatoires de région.

En conclusion, nous croyons que le projet de loi 135, tel que proposé, est une atteinte directe à l'avenir des conservatoires de région en tentant de séparer les élèves avancés des débutants et des intermédiaires. Dans cet ordre d'idées, on ne pourra que créer une forme de conservatoire supérieur au détriment des conservatoires de région. Le projet de loi devrait plutôt insister sur la consolidation de nos acquis, tout en proposant de nouveaux programmes susceptibles de nous conduire à une réussite totale de notre cheminement.

Mme Carrière (Annick-Patricia): Alors, on a cru bon de soulever la question du conseil d'administration, vu qu'on a à vivre avec ce genre de fonctionnement. On a cru bon de vous proposer ici une idée qu'on croit bonne, bien entendu. L'article 4 du projet de loi 135, tel que proposé dans son intégrité, n'allège pas le fonctionnement administratif du réseau des conservatoires. Notre crainte, face à l'établissement d'un conseil d'administration tel que suggéré, nous porte à croire que subsistera cette lourdeur administrative, cette centralisation tant dénoncée depuis plusieurs années. Chaque conservatoire ne pourra pas véritablement se développer en son milieu. Il faut donc se demander s'il est pertinent de se doter d'un seul conseil d'administration pour l'ensemble des conservatoires, reproduisant ainsi, sous une nouvelle image à saveur améliorée, la même problématique qui fait que chaque conservatoire ne peut s'épanouir selon ses propres caractéristiques régionales.

Pour pallier à cela, nous suggérons et recommandons, pour le bien de la culture de chaque région du Québec, que chaque conservatoire ait son propre conseil d'administration composé de gens issus du milieu gouvernemental et musical propre à la région mise en cause. Ce conseil administratif sera ainsi plus en mesure de répondre aux besoins spécifiques de chaque conservatoire. Chaque conservatoire a des réalités différentes à affronter et, par la présence de ce conseil administratif sur les lieux, il sera plus en mesure de répondre rapidement et efficacement aux besoins relatifs à chaque établissement.

Le point crucial pour les élèves, c'est-à-dire la reconnaissance des diplômes. Depuis la création des conservatoires en 1942, le Québec s'est doté de créateurs et d'interprètes de très haute distinction, reconnus à l'échelle nationale et internationale. Cette élite musicale provient du fait qu'ils sont initialement choisis pour leur talent. En conséquence, nous sommes en mesure de dire que l'élément clé de cette réalité s'observe par la souplesse des programmes permettant à l'élève de se consacrer entièrement à la pratique de son instrument. À cela s'ajoute l'enseignement des matières théoriques nécessaires à la formation complète d'un musicien. (12 h 30)

La venue des nouveaux programmes suscite de grandes craintes auprès des élèves. Nous croyons qu'ils remettent en question la vocation première des conservatoires, soit de former des musiciens de grande distinction. Ces programmes créés ni plus ni moins à l'image

des universités par leur lourdeur pédagogique empêcheront les élèves de se donner entièrement à leur évolution artistique. L'institution d'État qu'est le Conservatoire perd ainsi sa véritable vocation première citée plus haut. Donc, est-ce nécessaire d'alourdir le cheminement pédagogique au détriment de la performance instrumentale? Le Conservatoire n'est pas une faculté universitaire de par son caractère.

À cela, nous, élèves des conservatoires de musique du Québec, exigeons l'adoption d'une reconnaissance des diplômes auprès du MESS et du MEQ, tels qu'ils sont actuellement, bien qu'on sache vos points, Mme la ministre, mais, pour ce que j'ai dit plus haut, alors c'est ce que nous demandons. À toutes fins pratiques, le Conservatoire offre un enseignement d'excellente qualité, donné par des professeurs de grande compétence, dans un cadre plus qu'exceptionnel, vu l'enseignement individuel et personnalisé. Nos diplômes devraient être reconnus dans leur intégralité, dans le but d'une reconnaissance juste et équitable de nos acquis, afin que le Conservatoire ne soit pas un pâle dédoublement des universités.

Alors aussi, il faut revenir, par rapport à la connaissance des études, au point que Stéphanie Tremblay a soulevé, c'est-à-dire la question de la flexibilité et de l'âge. Notre crainte est que, par l'imposition de ces programmes, on ne soit plus capables, finalement, d'avoir cette souplesse de finir plus jeunes. Alors, il faudra peut-être expliquer à nouveau, de façon plus claire, comment vous croyez que ce sera possible de faire ça.

Maintenant, un des derniers points avant la conclusion, c'est-à-dire les frais de scolarité. Lorsque Wilfrid Pelletier a fondé les conservatoires, il avait pour but de créer un établissement d'enseignement de qualité et, surtout, accessible à toutes les couches de la société. La venue des frais de scolarité soulève diverses questions chez les étudiants. Les frais de scolarité viendront-ils modifier le mode de sélection des étudiants dont Stéphanie a parlé préalablement? Au lieu de les choisir pour leur qualité artistique, ne finira-t-on pas par choisir les gens aux portefeuilles les mieux garnis? Cela ne risque-t-il pas, à long terme, de baisser le niveau de l'institution, puisqu'on ne choisira plus uniquement en fonction du talent? Trois questions soulevées et autant d'hypothèses possibles.

Le Conservatoire s'engagera-t-il toujours à nous prêter des instruments? Certains instruments sont si coûteux qu'ils en deviennent tout simplement inaccessibles pour les jeunes étudiants.

Le Président (M. Doyon): Mme Carrière, je vous signale qu'il vous reste 30 secondes.

Mme Carrière (Annick-Patricia): Oui. Alors, on passe à la conclusion.

Mme Tremblay (Stéphanie): Ce qu'on aimerait dire en conclusion, c'est que, finalement, une loi sur les conservatoires, ça ne peut pas être juste une loi administrative; ici, on parle de culture. Je pense que, depuis 1942, le Québec a compris que c'était important, la culture, puis, nous, les artistes, je pense qu'on est vraiment des médiateurs de la culture. Donc, ce que j'aimerais juste soulever là-dedans...

Le Président (M. Doyon): Votre temps est terminé, vous aurez l'occasion de revenir sur d'autres...

M. Boisclair: Sur le temps de l'Opposition, M. le Président.

Mme Tremblay (Stéphanie): On a raté notre punch!

M. Boisclair: M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Oui, oui, alors, en terminant, rapidement.

M. Boisclair: ...sur le temps de l'Opposition.

Le Président (M. Doyon): On a un ordre de la Chambre qu'il nous faut respecter, d'ailleurs le député de Gouin l'invoquait tout à l'heure avec raison. On a un ordre de la Chambre, alors...

Mme Tremblay (Stéphanie): Vingt mots.

Le Président (M. Doyon): .. je veux m'y conformer.

M. Boisclair: M. le Président...

Le Président (M. Doyon): Alors, Mme Tremblay, en terminant.

M. Boisclair: ...sur le temps de l'Opposition.

Mme Tremblay (Stéphanie): On se demande: Est-ce que le projet de loi 135, dans sa forme actuelle, n'est pas un peu utopique en regard des moyens que vous voulez nous donner pour le réaliser? C'est ce qu'on se demande vraiment.

Le Président (M. Doyon): Merci. Alors, je remercie Mme Tremblay, M. Boucher et Mme Carrière. Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme Frulla: Premièrement, je vous remercie d'être ici. Je suis heureuse de vous entendre à nouveau pour le bienfait de tous ceux qui sont avec vous. Vous avez rencontré M. Thibault pendant à peu près trois heures, vous nous avez rencontrés pendant à peu près trois heures. Je vous ai expliqué aussi ce qu'est une loi versus des règlements, versus des règlements internes, le conseil d'administration. Ça, c'est très, très important qu'on s'entende entre nous, entre une loi déposée à

l'Assemblée nationale... Je vous ai dit: Une loi, c'est un squelette; les muscles et la peau, ça, ce sont le conseil d'administration et aussi les intervenants qui y travaillent. C'est très important de vraiment comprendre le mécanisme même de l'Assemblée nationale.

Vous avez raison quand vous dites: Une loi ne peut pas tout faire. Non, une loi établit certains paramètres et, après ça, par règlement, par entente, par synergie aussi entre professeurs, élèves, le reste, évidemment, s'impose.

Maintenant, moi, j'ai des questions à vous poser. J'en ai plusieurs, donc le temps nous presse. Par rapport à ce qui existe présentement, sachant que les conservatoires sont une direction du ministère, sachant que, par la Loi sur l'administration financière, nous, on ne peut pas déléguer de pouvoirs, si on veut, dans les régions ou dans d'autres conservatoires — c'est une loi du ministère, et je signe vos diplômes — alors, par rapport à ce qui existe maintenant et par rapport à ce qu'on veut faire dans la loi 135, c'est-à-dire d'en faire des corporations autonomes, avec, oui, un conseil d'administration où vous allez être partie prenante, des commissions d'études où il y aura des programmes, autant en art dramatique qu'en musique, qui pourront être finalement imposés, si on veut, au niveau des différents conservatoires, respectant la notion de réseau — réseau, c'est-à-dire Montréal, Québec, les régions, où vous pouvez, comme vases communicants, aller de l'un à l'autre sans que la qualité de l'enseignement soit différente — où vous allez participer et, ensuite, évidemment, des commissions d'orientation où encore les gens, dans les différents réseaux, les différents intervenants, vont être partie prenante et inciter la vie musicale en région, est-ce que — et je reviens à ma question initiale — entre la situation actuelle des conservatoires et celle qu'on vous propose, vous préférez le statu quo ou vous préférez vraiment qu'on aille de l'avant?

Mme Carrière (Annick-Patricia): Je pense qu'à ça je vais vous répondre qu'on a eu une entente préalable — vous me le direz si ce n'est pas ça. C'est sûr qu'on veut aller de l'avant. Ça, c'est sûr. Donc, je pense qu'à ce niveau-là le projet de loi, peut-être avec certaines bonifications, pourrait nous apparaître un avantage. Sauf que, je m'excuse, vous avez soulevé deux points: vous avez parlé de programmes, vous avez parlé de C.A. Les programmes que vous nous proposez ne sont pas... C'est utopique de vouloir offrir un cours, par exemple, de littérature d'orgue, on va toujours citer l'exemple clé: Val-d'Or. Imaginez s'il y a un élève en troisième cycle qui a besoin de ce cours-là pour pouvoir avoir son D.E.S., ce qui sera l'équivalent probablement d'un diplôme reconnu du bac. Alors, je ne vois pas dans quelle mesure vous voulez implanter tous ces programmes au niveau du réseau, ça on ne le comprend vraiment pas. Alors, c'est à ce niveau-là, il y a ce point de vue là aussi.

Mme Tremblay (Stéphanie): Moi, j'ai comme l'impression qu'avec l'apparition de ces nouveaux programmes là... Est-ce qu'on ne perd pas un peu la souplesse qui caractérise maintenant les conservatoires, puis ce qui va faire que tous les étudiants des régions ne pourront plus en aucun cas finir leurs études terminales en région?

Mme Frulla: Je veux juste, parce que là on vous a dit beaucoup de choses, puis je comprends votre inquiétude, hein, je comprends votre inquiétude, mais, croyez-moi, si les conservatoires demeurent au ministère de la Culture... Et ça, c'est statué dans la politique culturelle déposée à l'Assemblée nationale, acceptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, c'est-à-dire les deux partis. Donc, la politique culturelle, c'est finalement le document qui régit le développement culturel du Québec pour maintenant et pour les années futures.

Si c'est statué que le Conservatoire reste au ministère de la Culture, c'est justement pour vous donner cette flexibilité-là. Si notre volonté avait été, mettons, de transférer les conservatoires à l'Éducation, vous n'auriez pu avoir cette flexibilité. On en est très conscients autant au niveau de l'Éducation qu'au ministère de la Culture, de telle sorte qu'il y a une entente formelle entre les deux ministères pour qu'on garde les conservatoires au ministère de la Culture, pour vous donner cette flexibilité-là. Ça, c'est une chose.

Deuxièmement, et je reviens à l'article 93, c'est qu'évidemment, le ministère de la Culture, on est chargés de l'application de la présente loi. Donc, il ne faut pas vous inquiéter, cette flexibilité-là, vous l'avez et vous allez la conserver. (12 h 40)

Maintenant, au niveau de la reconnaissance de la diplomation — parce que je sais que pour vous c'est capital et je vous comprends, vous me l'avez bien fait comprendre par des exemples très précis — j'ai parlé à Lucienne Robillard. Je vous ai dit que Lucienne n'est pas ici avec nous aujourd'hui parce qu'elle est à Strasbourg. J'ai une lettre d'entente entre les deux sous-ministres qui date du 7 octobre. Il y a des programmes qui ont été travaillés depuis plusieurs années, même entre les conservatoires et le ministère de l'Enseignement supérieur, de telle sorte qu'on puisse justement en arriver à cette reconnaissance au niveau de la diplomation, tout en observant la flexibilité dont vous avez besoin. Mais, là-dessus, comme Lucienne a mandaté son adjoint parlementaire, M. Hamel, je vais lui laisser la parole.

Le Président (M. Doyon): M. le député de Sherbrooke.

M. Hamel: Merci, M. le Président. Merci, Mme la ministre. Écoutez, effectivement, ce qu'il faut comprendre, c'est que les deux ministres, et de la Culture et de l'Éducation et de la Science, travaillent en très étroite collaboration avec un seul objectif: l'éducation et l'excellence. Comme vous l'avez souligné tantôt, ça,

c'est primordial. Alors, du côté artistique, la Culture; du côté pédagogique, la ministre de l'Éducation.

L'article 20 que vous avez dans ce projet de loi vient confirmer une entente administrative qui existe pratiquement déjà entre les deux, à l'effet, par exemple, de reconnaître certains programmes de niveau collégial, d'une part.

Cette reconnaissance du diplôme vous préoccupe au plus haut point. Encore une fois, on veut vous rassurer, soyez tout à fait rassurés — le terme est approprié, c'est le terme qu'il faut choisir à ce moment-ci — définitivement, les deux ministres et les deux ministères travaillent très, très, très étroitement pour vous assurer cette reconnaissance.

Maintenant, il faut d'abord procéder par le statut juridique de la corporation qui va faire que, dorénavant, il y aura un organisme mandaté et par lequel le nouveau Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec pourra, avec entente du ministère de la Culture et de la ministre de l'Enseignement supérieur, à ce moment-là, reconnaître certains diplômes de niveau universitaire.

Maintenant, avec cette reconnaissance universitaire ou cette reconnaissance des diplômes que vous aurez... Ça, c'est acquis. Vous n'avez pas à vous inquiéter là-dessus. Mme la ministre de la Culture vous le répète constamment, c'est un fait acquis, mais il faut d'abord passer par le statut juridique de la naissance de cette corporation. Les frais de scolarité que vous avez mentionnés tantôt vous préoccupent, c'est normal. Mais, à ce moment-là, dès que vous aurez cette reconnaissance de vos diplômes, vous deviendrez éligibles aux programmes d'aide financière actuellement disponibles aux universités.

Mme Carrière (Annick-Patricia): On est déjà éligibles aux prêts et bourses.

Mme Tremblay (Stéphanie): Moi, j'aimerais éclaircir quelque chose. Vous nous dites que vous travaillez déjà en étroite collaboration avec le ministère de la Culture, sauf qu'en même temps vous nous dites que vous ne pouvez rien faire tant qu'il n'y a pas... tant que la corporation... Est-ce que ça veut dire que vous ne vous êtes pas encore rencontrés et qu'il n'y a rien qui s'est fait?

M. Hamel: Non, non, au contraire.

Mme Tremblay (Stéphanie): J'aimerais savoir ce qui s'est fait à date pour ça.

M. Hamel: À date, Mme la ministre de la Culture peut vous le confirmer, il y a de nombreux échanges de correspondance, des comités de travail qui, effectivement, poursuivent leur travail afin de régler et d'arriver à une entente finale là-dessus. Mais il faut d'abord établir le dossier, le statut juridique de la corporation. Alors, déjà il y a du travail qui se fait.

Mme Tremblay (Stéphanie): Donc, j'imagine que vous n'avez pas encore exploré les programmes, voir s'il pouvait vraiment y avoir compatibilité?

M. Hamel: Oui, oui, oui. C'est déjà en marche, et je puis vous assurer qu'au plus tard le 1er juillet prochain ça devrait être terminé.

Mme Tremblay (Stéphanie): Vous nous l'assurez?

M. Hamel: Oui.

Mme Frulla: C'est-à-dire que...

Mme Tremblay (Stéphanie): Et puis, donc, au 1er septembre, nos diplômes vont être reconnus.

Mme Frulla: Ce qui se passe présentement, c'est qu'au niveau collégial la collaboration est déjà en marche et les diplômes ont été travaillés conjointement. Au niveau universitaire, il reste, avec le ministère de l'Enseignement supérieur, du travail à faire. Si on vous a donné la copie de l'entente... «C'est-u» ça qu'on vous a passé, la copie de l'entente des deux sous-ministres?

Mme Tremblay (Stéphanie): Ça ressemble à ça.

Mme Frulla: C'est-à-dire, une entente des deux sous-ministres, oui, c'est une entente qui fait en sorte qu'au niveau de la diplomation, finalement, au niveau universitaire il reste du travail à faire, mais ce travail va être fait en courant d'année. Par contre, il n'y aura pas de frais de scolarité tant que les diplômes ne seront pas reconnus. Je vous l'ai dit la semaine dernière, et je vous l'assure, et c'est présentement dans le projet de loi. On le verra demain, il n'y en aura pas, de frais de scolarité.

Mais, dans la mesure où les diplômes sont reconnus, il y aura des frais de scolarité, mais graduels. C'est-à-dire que, sur une base de trois ans, vos systèmes de prêts et bourses vont être réajustés en fonction de ces frais de scolarité. Mais vous savez comme moi qu'il y a aussi un principe d'équité à observer, c'est-à-dire que, dans le temps de Wilfrid Pelletier, il y a 50 ans, il n'y avait pas non plus un réseau d'éducation qui dispensait à trois fois plus d'élèves, par exemple, en interprétation que le Conservatoire ne le fait.

Donc, par un certain principe d'équité, c'est très difficile de soutenir, pour un gouvernement, la position de dire que, oui, il y a des élèves qui paient des frais de scolarité et qui ont une certaine formation, qui est différente de la vôtre, je l'avoue, et que, de l'autre côté, il y a des élèves qui n'ont aucuns frais de scolarité. Par contre, les frais de scolarité vont tenir compte des programmes qui sont reconnus par le gouvernement, ce qui veut dire que vous n'aurez probablement pas les mêmes frais de scolarité qu'un étudiant, par exemple, au premier cycle universitaire à McGill. C'est dépendant des programmes qui vont être acceptés par le ministère de

l'Enseignement supérieur. Et ça, ils seront modulés, et nous avons une entente avec le ministère de l'Enseignement supérieur à cet effet, mais il faut continuer le travail.

Mais il faut comprendre que, malgré ce que le député dit — c'est moi qui est ministre, là — une direction du ministère ne peut pas travailler avec le ministère de l'Enseignement supérieur de façon tangible à signer des ententes, là, et tout ça. C'est impossible, par loi; il faut que ce soit de corporation à corporation. Sachez aussi que, sur le conseil d'administration, vous allez y être, ainsi que des ex-élèves du Conservatoire, ce qui fait qu'on assure aussi, au niveau du conseil d'administration et des commissions d'études, l'input des élèves et des ex-élèves du Conservatoire, ce que vous n'avez pas présentement. Demain matin, je décide de fermer...

Mme Tremblay (Stéphanie): On l'a d'ailleurs mentionné comme un point positif.

Mme Frulla: ...le conservatoire à Val-d'Or, il n'y a personne qui peut m'en empêcher.

Mme Carrière (Annick-Patricia): Excusez-moi, mais il y a peut-être aussi un aspect qu'il faut voir, que les musiciens ont vraiment dans leur vie, c'est-à-dire... Par exemple, si on parle de l'achat d'un instrument de musique, ça, c'est quelque chose, vraiment... Vous le savez parce que, vous, vous administrez des budgets pour des prêts d'instruments. Vous savez la valeur d'une contrebasse, d'un basson, d'un piano et tout ce que ça comporte être musicien. Ça, c'est des frais que quelqu'un... Quelqu'un qui étudie en pédagogie a des frais aussi, mais qui sont quand même moins élevés. Un musicien qui, après ses études, a déjà des prêts et bourses à rembourser, si, pendant ses études, il n'a pu qu'emprunter un instrument à l'institution et qu'en plus il y a des frais de scolarité, je vois un petit peu difficilement... C'est différent. Il faut traiter le problème un petit peu... Je comprends votre position, mais il faut voir la nôtre aussi, peut-être, plus. Je sais que vous la voyez, mais encore plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Tremblay (Stéphanie): J'aimerais aussi soulever un autre point. Vous nous dites que les universités produisent trois fois plus d'étudiants que les conservatoires. C'est vrai. Eux, je pense qu'ils vivent le problème qu'on a peur qui arrive aux conservatoires. C'est qu'ils en acceptent beaucoup, beaucoup, et, de ce nombre-là, il y en a quelques-uns qui ressortent, qui sont vraiment bons, mais nous autres on les choisit. Et j'aimerais ça vous parler un petit peu de quelques statistiques. Juste pour Québec, à l'OSQ, 50 musiciens sur 76 sont issus des conservatoires. Les Violons du Roy, c'est la même chose; 10 sur 15.

Je pense qu'il faut aussi parler de productivité. Les conservatoires, ça fonctionne. Même si l'université a 300 étudiants en interprétation et que le conservatoire en a 20, eh bien, j'ai comme l'impression qu'il y a plus de chances que ces 20 étudiants-là trouvent des emplois. Je pense qu'il faut vraiment protéger ça. Et, au fond, les frais de scolarité à ce moment-là, on est tellement peu nombreux... C'est vrai, vous me parlez d'équité. Dans ce sens-là, ça peut être acceptable, sauf que, dans le budget total, c'est complètement symbolique. Ça va peut-être couvrir les frais de voyage d'un conseil d'administration qui va se diriger...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Tremblay (Stéphanie): ...qui va aller siéger pendant une réunion. Ça risque peut-être juste de couvrir ça. Ça ne devient pas un peu ridicule? À ce moment-là, est-ce qu'il n'y aura pas une espèce d'appât du gain avec ces frais de scolarité? Vous allez dire: Oups! On n'a pas assez d'étudiants, il n'y en a pas beaucoup, ça nous en prendrait plus. Ça fait que là vous allez accepter tous les gens qui vont vouloir se présenter aux auditions, pour avoir plus d'argent.

Mme Frulla: À la différence de vous et des universités, n'oubliez pas, votre enseignement demeure modulé, d'une part. Deuxièmement, quand on parle de frais de scolarité par rapport aux programmes qui seront acceptés, comme je vous dis, c'est modulé, ça ne sera pas de la même façon, par exemple, où on dit: Bon, eh bien, année un à McGill, par exemple, c'est 1500 $ ou 2000 $. Alors, il va falloir absolument qu'il y ait une façon de moduler tout ça de telle sorte qu'il y en a certains qui vont avoir quelques cours universitaires, d'autres qui vont avoir d'autres cours qui vont être de niveau collégial, et tout ça dans une même année. Alors, c'est pour ça que je vous dis que, tant que tout ça ne sera pas fait et que tout ça ne sera pas modulé, alors, à ce moment-là, il n'y en aura pas de frais de scolarité. (12 h 50)

Deuxièmement, c'est le conseil d'administration. Il ne faut pas oublier que je remets aussi dans la main du conseil d'administration, formé d'élèves, de professeurs, de trois personnes de l'Enseignement supérieur et représentants aussi du ministère de la Culture, dont des ex-étudiants aussi au Conservatoire, la décision administrative. Alors, les ententes qui vont être faites par rapport aux frais de scolarité, etc., vont être prises aussi... la décision va être prise par le conseil d'administration. Ça ne sera plus pris par moi, là, ça va être pris par le conseil d'administration, qui est beaucoup plus représentatif en termes de donner une pulsion, si on veut, à un réseau d'institutions que seule la ministre de la Culture, veux veux pas. Alors, donc, ça, il ne faut pas minimiser ça non plus, ainsi que les deux commissions d'études. Vous allez être partie prenante des décisions, et ça, c'est important, parce que, au moment où on se parle, comme je vous le dis, vous n'êtes nulle part. Vous recevez, c'est vrai, mais, pour le reste, vous n'êtes nulle part. Et je vous disais tantôt: Demain matin, je décide de fermer un conservatoire, c'est ma décision et ma décision unique. Et elle pourrait être prise, si on pousse au plus

loin, elle pourrait même être prise par une décision totalement administrative provenant, si on veut, de règles du Conseil du trésor, ce qui ne peut pas arriver si vous êtes une corporation avec un conseil d'administration. Et, encore là, votre conseil d'administration, c'est lui qui décide des modes administratifs du Conservatoire ainsi que de tout le reste, et vous êtes partie prenante.

Mme Tremblay (Stéphanie): Mais j'ai comme l'impression que la loi actuelle... C'est vrai, la loi vous permet de faire ça, mais est-ce que l'opinion publique vous le permet? Imaginez-vous le scandale si vous décidiez demain matin de fermer le conservatoire de Québec, alors que l'Université Laval se meurt. Il ne resterait plus rien. Est-ce que, par la loi, ça ne pourrait pas déjà être... C'est vrai, pour l'opinion publique, de le fermer tout d'un coup, c'est scandaleux, mais de le laisser mourir à petit feu, ça l'est moins. Est-ce que...

Mme Frulla: Bien, c'est justement parce que...

Mme Tremblay (Stéphanie): Mais, dans la loi, je vois que, c'est vrai, il y a quand même une volonté de faire avancer des choses, mais j'ai comme l'impression qu'il n'y a pas les moyens qui vont avec. Vous nous parlez, même M. Bruneau nous parlait de développer les régions. Aïe! ça serait extraordinaire si ça pouvait se faire, mais on parle de sous: Oups! il n'y en a pas.

Mme Frulla: Bien, faites attention, revenez donc sur «il n'y a pas les moyens».

Mme Tremblay (Stéphanie): Bien, les moyens évidemment...

M. Boucher (Martin): Bien, dans ce sens-là, moi, je pense que tantôt on parlait...

Mme Frulla: Parce que les conservatoires, c'est 16 000 000 $ au moment où on se parle, tout consolidé, là.

Mme Tremblay (Stéphanie): C'est peu.

M. Boucher (Martin): Mais parlons des régions. On parlait de souplesse tout à l'heure, mais est-ce qu'on s'engage à certains... Parce que je regardais la liste des cours — je l'ai ici, bon — il y a plein de cours là-dedans qui ne sont pas donnés en région en ce moment. Est-ce que — comme on le disait tout à l'heure, d'offrir l'enseignement spécialisé en région pour une plus grande équité, etc. — on s'engage ici à donner tel cours? Si un étudiant désire, mettons à Val-d'Or, le prendre, le cours de littérature d'orgue, est-ce qu'on va lui dire: Non, ce n'est pas possible, on ne te le donne pas?

Mme Frulla: Qu'est-ce qui se passe actuellement?

M. Boucher (Martin): Bien, actuellement, souvent on n'en donne pas. Mais, de toute façon, on le donne parce que le cours est existant. Mais, étant donné qu'on veut couper à plusieurs niveaux et qu'il n'existe pas, est-ce qu'on va investir à mettre un professeur de plus, à commencer une nouvelle classe en région pour que l'étudiant puisse continuer, premièrement?

Mme Frulla: Mais pourquoi on parle de... C'est parce que j'essaie de comprendre, là. Quand on... Et la volonté évidemment est là d'assurer une pérennité des conservatoires. Parce qu'il faut comprendre que, si ça continue comme c'est là, les conservatoires vont tout simplement s'atrophier, veux veux pas, parce que les conservatoires sont soumis à des règles administratives qui sont beaucoup plus rigides, parce qu'elles proviennent du Conseil du trésor, que des corporations qui sont autonomes, d'une part.

Deuxièmement, j'essaie de comprendre quand vous dites que, bon, on veut couper, et tout ça. Je ne comprends pas ce que ça a à voir avec la loi, d'une part. Et, deuxièmement, est-ce que vous êtes — j'essaie de voir — d'accord aussi à dire que, s'il y a un cours très, très spécialisé que vous voulez aller chercher et qui n'existe pas, par exemple, dans une région ou une autre, mais un cours...

M. Boucher (Martin): Qui va être obligatoire. Mme Frulla: ...très pointu, là...

M. Boucher (Martin): Très, très spécialisé. Mais, moi, je me fie au programme qui est là, et qui va s'ajouter, et qui va être obligatoire pour l'obtention du diplôme d'études supérieures.

Mme Frulla: Si, pour l'obtention, il y a des cours qui sont obligatoires, les cours vont se donner.

Le Président (M. Doyon): Merci, Mme la ministre.

Mme Frulla: C'est clair.

Le Président (M. Doyon): Malheureusement, ça termine le temps, et je me dois d'appliquer les règles qui sont les nôtres. M. le député de Gouin, vous avez la parole.

M. Boisclair: Bien, un premier commentaire. Je vais vous dire, ça fait du bien de voir autant de jeunes dans le parlement, Ça tranche certainement...

Mme Frulla: Regardez-moi pas. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Ça tranche certainement avec notre quotidien, et je voudrais vous remercier pour votre présentation, en reprenant tout d'abord le premier commentaire de la ministre, qui nous disait tout à l'heure: II y a une loi, et la loi c'est le squelette, il faut mettre la chair alentour, et ce sera le conseil d'administration qui verra à mettre la chair alentour du squelette. Moi, je pense que c'est bien fait comme explication, sauf que la loi c'est aussi le verrou, c'est la garantie, c'est ce qui fait que le conseil d'administration ne pourra pas faire n'importe quoi. C'est le cadre dans lequel le conseil d'administration aura à travailler. Et nous, ce que nous avons à faire ici, alentour de cette table, c'est à définir ce cadre-là.

Ce que je comprends de votre propos, c'est que le cadre n'est pas assez clairement défini. Particulièrement lorsque vous nous parlez de la question des régions, on dit à l'article 18: «Le Conservatoire a pour objet d'administrer et d'exploiter dans diverses régions...» Pourquoi on ne les nomme pas, les régions? On le pourrait très bien, dans la loi, et il n'y a rien qui nous empêche de procéder. Ça nous donne une garantie et, si jamais le conseil d'administration décidait de procéder à la fermeture, par exemple, d'un conservatoire, il devrait obtenir un amendement à la loi, ce qui peut être beaucoup plus compliqué, et ça suscite un débat public qui permet aux gens de s'exprimer.

Autre chose qu'il faut remettre en perspective, la ministre dit: Ça sera au conseil d'administration de décider. Un instant, là, ne soyons pas naïfs! La majorité des gens au conseil d'administration sont nommés soit par la ministre de la Culture, soit par la ministre de l'Enseignement supérieur. Alors, regardons les choses comme elles sont.

Mme Tremblay (Stéphanie): ...C.A. aussi.

M. Boisclair: La majorité des membres au conseil d'administration sont nommés après consultation, soit par vous... cinq nommés par la ministre de la Culture, deux nommés par le MESS — ça fait sept — et ça, c'est sur un conseil de 13, si je ne m'abuse, les six autres...

Mme Tremblay (Stéphanie): Quinze.

M. Boisclair: Hein?

Mme Tremblay (Stéphanie): Quinze.

M. Boisclair: Quinze. Une de l'Éducation, je m'excuse, c'est l'autre personne. Alors, cinq par la ministre de la Culture, deux nommés par le MESS et une nommée par l'Éducation. Connaissant la façon dont les choses fonctionnent, je comprends très bien qu'il y aura place pour la discussion, et ainsi de suite, mais il ne faut pas être naïfs non plus, et on sait très bien comment les choses vont fonctionner.

Ces commtntaires-là étant faits, moi, je pense que c'est justement sur le cadre que nous devons travailler et c'est ce avec quoi les conservatoires vont pouvoir se développer, et la réflexion qui doit se faire, c'est à ce niveau-là. Et, moi, je pense qu'il faut aller encore plus loin que ce qu'il y a dans le projet de loi.

Je voudrais peut-être résumer quelques-unes de vos recommandations pour être sûr que je vous ai bien compris et, après ça, je vous laisserai tout le temps pour soit me corriger ou me rappeler d'autres choses que vous avez dites.

D'une part, vous parlez de la question des régions. Je pense qu'il est important de préciser les régions. Deuxièmement, à l'article 18, on souligne la formation initiale, d'où la crainte du glissement et que les conservatoires en région ne soient que des écoles préparatoires qui servent à envoyer des gens dans les grandes centres. Vous souhaitez une modification à cet élément-là. Vous nous faites aussi une proposition pour un conseil d'administration pour chacun des conservatoires. Je me demande si une opération comme celle-là peut être opérationnelle— j'aimerais peut-être vous entendre tout à l'heure préciser là-dessus — parce que ma principale préoccupation, moi, elle est surtout à l'article 44 du projet de loi, lorsqu'à l'article 44 on dit: «Le conseil d'orientation — dans chacune des institutions, et qui, à mon avis, en passant, est beaucoup trop fermé, devrait être beaucoup plus ouvert sur les représentants régionaux, et on aura des amendements à proposer dans ce sens-là pour bonifier le projet de loi — donne son avis sur toute question que lui soumet le Conservatoire».

Mais, moi, je pense que le conseil d'orientation devrait avoir une poignée plus grande sur le conseil d'administration et soumettre des avis sur les sujets qu'il lui semble bon de recommander. Et c'est pour ça que, pour assurer la mobilité, toutefois, des étudiants dans le réseau, je ne sais pas si votre proposition d'un conseil d'administration pour chacun des conservatoires est une proposition qui est réaliste. Je vous soumets cette question-là humblement, en attendant votre question.

Mme Tremblay (Stéphanie): Cette...

M. Boisclair: Dernier petit commentaire, si vous me permettez. L'entente. Écoutez, on vous a remis le document. Si une correspondance entre deux sous-ministres, c'est ce qu'on appelle une entente, je ne suis pas député, pas plus que je ne suis ministre aussi.

Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: ...

M. Boisclair: Non plus, oui. Mais il faut bien comprendre que cette lettre-là, c'est une réponse à une lettre qui a été envoyée par la sous-ministre à la Culture, Mme Michelle Courchesnes, pour susciter des commentaires. Je relis la lettre, le premier paragraphe: «J'ai bien reçu pour commentaires le projet de loi sur le

Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec.» Je dois vous dire que c'est une bien mince garantie et, connaissant nos appareils d'État et connaissant les lourdeurs administratives, je ne suis pas convaincu que ce genre de texte pourra se traduire rapidement par une entente.

La ministre me dit: Bien sûr, on l'a dans la loi. Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais ce n'est pas pour autant parce que c'est dans la loi que les gens arriveront à une entente, compte tenu des problèmes spécifiques que vous n'arrêtez pas de nous énoncer depuis tout à l'heure et qui sont une réalité. Par exemple, on va regarder tout à l'heure le régime collégial... (13 heures)

Le Président (M. Doyon): Un instant! Je constate, M. le député, qu'il est 13 heures. L'ordre de la Chambre nous indique que nous devions terminer nos travaux à 13 heures. Alors, je suspends ces travaux jusqu'à 15...

M. Boisclair: M. le Président, s'il y a consentement, est-ce qu'on peut finir nos 20 minutes et reprendre à...

Le Président (M. Doyon): Bien, est-ce qu'il y a consentement dans cette commission?

M. Boisclair: Qu'on finisse pour les étudiants. Le Président (M. Doyon): Alors, très bien.

M. Boisclair: Alors, il faudra voir sur le régime d'études collégiales. Ce sont mes commentaires généraux. Première question que je vais vous poser: sur l'organigramme du Conservatoire. Vous nous avez proposé un conseil d'administration pour chacune des institutions. Est-ce que vous auriez aussi une bonification à nous proposer quant à la composition des conseils d'orientation, si jamais c'était une formule que vous reteniez? Est-ce qu'il ne serait pas aussi préférable, au lieu d'avoir un conseil d'administration pour chacune des institutions, de modifier le rôle des conseils d'orientation et leur composition?

Mme Tremblay (Stéphanie): Ça pourrait être une solution aussi. Nous autres, pour proposer un conseil d'administration par établissement, on s'est surtout basés sur ce qui se fait déjà dans les hôpitaux. Mais on pense que les conseils d'orientation, n'ayant pas de vrais pouvoirs réels, ils peuvent toujours émettre des suggestions, faire des commentaires, évidemment, si le conseil d'orientation est fort, pesant, ça peut avoir une influence sur le conseil d'administration, sauf que, évidemment, le conseil d'administration ne peut pas être obligé d'accepter les recommandations des conseils d'orientation sans renoncer à ses vrais pouvoirs.

Donc, on se dit: Vraiment, est-ce que c'est suffisant? Les conservatoires sont établis partout à travers le Québec. Est-ce qu'un conseil d'orientation, regroupant en majorité des gens nommés ne venant pas nécessairement de chaque région, peut être vraiment apte à répondre aux besoins spécifiques de chaque région? C'est pour ça qu'on propose ça. On se dit: Bon, les conseils d'orientation, on ne peut pas leur donner un vrai pouvoir de décision. Ils peuvent juste faire des recommandations. Donc, on se dit à ce moment-là: Un C.A. par établissement, ça se fait déjà, avec peut-être un petit conseil de coordination au-dessus, comme on connaît déjà. C'est une formule qui a été éprouvée, je pense.

Mme Carrière (Annick-Patricia): Je pense que les C.A., aussi, au même titre que l'exemple des hôpitaux — ça a l'air qu'on est dans le même ordre d'idées — c'est que les hôpitaux n'ont pas seulement un C.A. pour tous les hôpitaux, puis je pense que le C.A. qui est par hôpital va pouvoir vraiment savoir les besoins internes par hôpital. En tout cas, enfin, je ne peux pas croire qu'un C.A. unique va pouvoir répondre aux besoins des gens de Rimouski, tandis que les gens qui seront sur place pourront répondre efficacement et rapidement à tout ce qui se passera. Alors, je pense qu'à ce niveau-là les problèmes qu'on avait déjà... C'est déjà mieux, il y a un avancement, mais, tant qu'à faire, vous êtes aussi bien de changer pour vraiment mieux, à ce moment-là, que les gens soient... De toute façon, le directeur général assure déjà une coordination entre les conservatoires, alors je ne vois pas pourquoi notre recommandation ne pourrait pas être retenue.

Le Président (M. Doyon): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Peut-être laisser terminer...

Le Président (M. Doyon): Ah! très bien. Alors, M. le député de Gouin.

M. Boisclair: La préoccupation, c'est de maintenir une flexibilité entre les conservatoires... non pas une flexibilité, mais de permettre que des étudiants puissent se promener, aussi, d'un conservatoire à l'autre...

Mme Carrière (Annick-Patricia): J'imagine que ça doit pouvoir être possible.

M. Boisclair: ...et de maintenir la notion de réseau. Votre formule, à mon avis, mérite d'être étudiée, mais elle soulève un certain nombre de questions.

Deux autres petites choses. Est-ce que vous avez été consultés sur les orientations ministérielles qui ont été déposées?

Mme Tremblay (Stéphanie): Consultés? M. Boisclair: Oui.

Mme Tremblay (Stéphanie): Est-ce que... On nous les a présentées...

Mme Carrière (Annick-Patricia): En juin...

Mme Tremblay (Stéphanie): ...disons, on nous les a présentées...

Mme Carrière (Annick-Patricia): ...15 minutes avant la réunion. En juin, ça?

M. Boisclair: Oui.

Mme Tremblay (Stéphanie): Les orientations? Oui, oui, c'est ça.

Mme Carrière (Annick-Patricia): C'est 15 minutes avant la réunion qu'on a eu le dossier pour le lire.

M. Boisclair: Et c'est là-dessus...

Mme Tremblay (Stéphanie): On nous a vraiment juste présenté... La personne qui est venue nous les présenter nous a dit qu'elle récoltait un peu nos états d'âme face à ça. Puis ces orientations ministérielles là, il ne faut pas se le cacher, ont suscité vraiment de vives inquiétudes chez nous, surtout lorsqu'on parle de la mission, qui est à confirmer, puis, c'est très clair, on encourage, on veut vraiment encourager les étudiants à terminer leurs études à Montréal.

Là aussi — je voudrais peut-être relever une espèce de contradiction — la ministre disait, juste avant la fin de nos 20 minutes, que, si les cours dans les programmes sont obligatoires, elle va les dispenser dans chaque conservatoire. Mais est-ce que ce n'est pas un peu utopique? Puis est-ce que ça ne va pas un peu à rencontre de ce qui est déjà indiqué dans les orientations ministérielles? Puis, aussi, est-ce que, pour pouvoir donner tous les cours des programmes, les conservatoires de région ne se feront pas fermer des classes, pour pouvoir donner, genre, un programme complet à Chicoutimi en orgue, un programme complet en saxophone à Val d'Or? Je ne sais pas, ça peut peut-être être possible. C'est la question que je me pose.

M. Boisclair: Oui. Autre élément: Est-ce que vous avez regardé le régime pédagogique, quant aux conditions d'admissibilité? Parce que votre crainte, tout à l'heure, quant à la sélection des étudiants qui pourrait se faire sur d'autres motifs que le talent... Je veux juste souligner, entre autres, vous connaissez très bien comment ça fonctionne dans les régimes d'études collégiales, par crédits, qui viendraient peut-être même établir une séquence qui pourrait être beaucoup plus stricte que celle que vous connaissez, à l'heure actuelle, qui vous permet un cheminement très flexible, individualisé et...

Mme Carrière (Annick-Patricia): On ne nous l'a pas présenté, ce dossier-là.

Mme Tremblay (Stéphanie): On a quand mê- me... Moi, j'ai quand même eu accès, en consultation, au programme de saxophone, puisque c'est l'instrument dont je joue, et je regardais juste au niveau du programme qu'on peut appeler bac ou D.E.S., peu importe, il y a vraiment des... C'est réparti sur trois ans au lieu de deux ans. On me rajoute une année. Donc, on standardise avec le trois ans standard du bac, et je dois vous dire que, pour ce qui est de la progression accélérée, ça devient pratiquement impossible. Il y a tellement de cours que, finalement, ça devient, en faisant un accéléré... Bon, ça veut dire «loader» une année pleine de cours, avoir moins de temps pour pratiquer, moins avancer. Ça devient très difficile. Je pense qu'on en vient un peu à standardiser ces programmes-là avec les universités. Moi, je trouve que ça ressemble à un programme d'université et je me demande: Avec l'apparition de ces programmes-là, c'est certain qu'il peut y avoir des cours intéressants, sauf que est-ce qu'on ne va pas être pareil comme une université? Et ça peut peut-être faire baisser un peu le niveau d'excellence du Conservatoire, si on peut appeler ça comme ça.

Mme Carrière (Annick-Patricia): Surtout quand on sait que, au niveau international, ils préfèrent quand on est jeune. Ça a l'air que, quand on arrive... De toute façon, les concours, en général, pour les instrumentistes, c'est 30 ans; pour les chanteurs, c'est 35 ans. Donc, finir les études déjà plus tard, ça nous amène certaines difficultés, quand on sait qu'après le conservatoire il y a toujours un perfectionnement, si, bien entendu, on a envie d'aller plus loin, à établir. C'est par rapport à ça que nos inquiétudes se greffent vraiment, et ça, ce n'est pas clair.

Et peut-être que, dans le projet de loi, oui, ils en parlent, mais, comme le rappelait M. Boisclair, ce n'est pas clair, et ça, on a vraiment des craintes à ce niveau-là, vu que ça sera peut-être moins choisi, l'imposition de frais de scolarité... Tout ça fait en sorte que, dans notre tête... Et les programmes en région, vous nous dites: Oui. On peut vous croire, c'est sûr, de bonne foi, mais, quand on sait ce qui se passe et qu'ils ferment de plus en plus de classes, on a un petit peu de la difficulté à se l'imaginer, ce que vous nous dites. C'est un peu dur, je vous avoue, là.

Mme Tremblay (Stéphanie): Est-ce qu'on n'essaie pas un peu de faire en ce moment ce qu'on a fait à l'École des beaux-arts?

Mme Frulla: Je m'excuse, mais est-ce que je peux répondre à ça? Parce que l'École des beaux-arts, tout simplement... Écoutez, la différence, justement, entre l'École des beaux-arts et ce qui se passe au niveau des conservatoires, c'est que l'École des beaux-arts a tout simplement été remise au ministère de l'Éducation, et, effectivement, l'École des beaux-arts, maintenant, n'existe plus. C'est dans les différents cégeps que les cours en arts visuels, etc., se donnent.

À la différence de ce qui se passe présentement

au niveau du Conservatoire, c'est que c'est la ministre de la Culture, je l'ai expliqué tantôt, qui a la responsabilité de l'application de la loi, donc qui garde, en son ministère, les conservatoires. Je vous l'ai expliqué tantôt, et c'est dans la politique culturelle aussi. Si on remettait les conservatoires aux ministères de l'Enseignement supérieur, par exemple, et de l'Éducation, alors on remet les conservatoires avec les budgets s'y afférents et on leur dit: Bon, bien, allez-y et occupez-vous-en. C'est justement pour ne pas avoir cette standardisation que l'on garde, au ministère de la Culture, la responsabilité de ces conservatoires.

Deuxièmement, je vous l'ai dit aussi — je le sais, je vais trop vite — vous n'aurez pas de frais de scolarité tant que tout ça ne sera pas aplani. Et, comme il faut le faire très modulé et il faut le faire un peu sur mesure pour vous autres, j'aime autant que ça se fasse bien que de dire: Bon, eh bien, parfait! On s'organise et, l'année prochaine, vous avez tout ça acquis.

Autre chose, j'ai de la misère à vous comprendre. Comment pouvez-vous nous demander d'avoir une diplomation reconnue et, d'un autre côté... Je peux comprendre, il y a cette crainte du ministère, de la standardisation, et je la comprends. Je la comprends, et on va s'organiser pour ne pas que ça se passe. Mais c'est parce que vous ne pouvez pas avoir tout un, mais que le ministère de l'Éducation ne soit nulle part à l'autre. Autrement dit, vous ne pouvez pas avoir des diplômes reconnus par le ministère de l'Éducation, mais il ne faut pas que le ministère de l'Éducation «interface» dans rien. J'ai de la misère à vous suivre là-dessus un petit peu. (13 h 10)

Mme Carrière (Annick-Patricia): Mais, à ce moment-là, pourquoi ne pas reconnaître nos études que l'on fait en ce moment? Je veux dire, moi, je termine bientôt. Et ça, on en a parlé avec vous: Qu'est-ce qui se passe avec la rétroactivité de ça? Je vais être aussi intelligente que quelqu'un qui va avoir suivi tous les cours. Je veux dire, à ce moment-là, quelle est la marge entre ce qu'on fait actuellement, peut-être avec une sensibilisation en ce qui a trait à des matières théoriques, et entre ce qui se fera? Je veux dire, ce sera où? Et, compte tenu des cours qui s'ajouteront, est-ce que ces cours qui s'ajoutent... On se fie aux professeurs, parce qu'on sait que les professeurs ont travaillé fort à ça, on se fie à la pertinence, mais c'est parce que ça change le point de vue du Conservatoire, le caractère, comme on vous a parlé. Le véritable caractère était de former des musiciens, finalement, exceptionnels.

M. Boisclair: Un dernier commentaire. Vos propos viennent nous éclairer aussi sur le genre de consultation qui a été faite. Je crois comprendre qu'on vous a remis un document et que, 15 minutes plus tard, on vous demandait de vous prononcer sur ce document.

Mme Frulla: II y a eu une demi-journée dans chacun des conservatoires et six heures de consultation.

Mme Carrière (Annick-Patricia): Pas à

Montréal, pas à Montréal.

M. Boisclair: Bon! Alors...

Mme Carrière (Annick-Patricia): II y a eu un problème avec les photocopies, je ne me rappelle plus.

M. Boisclair: Ça, c'est une belle façon de consulter. Alors, je voudrais passer à ma collègue.

Le Président (M. Doyon): Mme la députée de Chicoutimi...

Mme Blackburn: Oui.

Le Président (M. Doyon): ...je vous signale qu'il reste trois minutes.

Mme Blackburn: Bien! Je voudrais vous féliciter, vous avez bien fait vos points, je pense que c'est clair. Il restera à l'Opposition d'essayer de faire modifier la loi en conséquence.

Une question: Est-ce qu'on vous a donné des explications sur l'article 18, lorsqu'on confie au Conservatoire la responsabilité de «susciter et favoriser une formation initiale»? Qu'est-ce que ça veut signifier par rapport à la situation actuelle? Et qu'est-ce que ça voudra signifier par rapport aux régions?

Mme Tremblay (Stéphanie): Ce que la ministre nous a dit lorsqu'on l'a rencontrée, c'est que, évidemment, ces trois points-là devaient être dispensés dans tous les établissements du Québec. Mais un petit point sur lequel elle n'a pas mis l'accent, c'est surtout la dernière phrase qui parle: «Dans la poursuite de ses objets, le Conservatoire tient compte de la spécificité de chaque établissement d'enseignement.» On se demande: Est-ce que, ça, ça ne serait pas la porte ouverte? Bon, l'établissement de Val-d'Or n'est pas spécifique au saxophone, pas de saxophone; l'établissement de Chicoutimi n'est pas spécifique à la flûte, n'a pas le bassin pour avoir des flûtistes. Est-ce que ça ne peut pas amener la fermeture de classes? Ou, sans ça, dans la spécificité, ça veut dire que, peut-être, à Val-d'Or — c'est notre exemple parfait — ils ne peuvent pas nous donner d'enseignement vraiment professionnel et avancé — là, je parle du troisième cycle et du quatrième cycle. Est-ce que ce n'est pas la porte ouverte à ce que, justement, dans ces régions-là, c'est spécifique, on ne peut pas donner d'enseignement professionnel, donc on envoie ça à Montréal? Au fond, c'est vrai, les trois points doivent être dispensés partout, mais il y a quand même encore la porte ouverte à ce qu'ils soient séparés, je pense.

Le Président (M. Doyon): Merci. Ça termine le temps dont nous disposions.

Donc, il me reste à remercier Mme Tremblay,

Mme Carrière ainsi que M. Boucher, et tous ceux qui les ont accompagnés, et à indiquer à cette commission que nous allons reprendre nos travaux avec l'audition de l'Union des artistes, qui sera avec nous à partir de 15 heures.

Donc, suspension de nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 13)

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. LeSage): La commission de la culture reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 135, Loi sur le Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec.

Et le prochain groupe que la commission entendra est celui de l'Union des artistes, représentée par M. Serge Turgeon. Je vous demanderais, M. Turgeon, de présenter les personnes qui vous accompagnent et je vous informe que vous avez une période de 20 minutes pour présenter votre mémoire.

Union des artistes (UDA)

M. Turgeon (Serge): Je vous remercie, M. le Président. M'accompagnent, donc, à cette comparution, entre guillemets, le directeur général de l'Union des artistes, M. Serge Demers, ainsi que la directrice des communications de l'UDA, Mme Lucie Beauchemin. Et, après la période de questions, l'un ou l'autre, nous nous ferons un plaisir de répondre, évidemment, à vos questions.

Je sais bien, M. le Président, Mme la ministre, qu'il y a une tradition qui veut que la période précédant la fin des travaux parlementaires soit particulièrement mouvementée, pour ne pas dire fébrile, et, de toute évidence, cette deuxième session de cette 34e Législature ne fait pas exception à cette règle; j'en veux donc pour exemple, simplement, le fait que ce projet de loi nous réunit aujourd'hui pour une seule journée d'appréciation et de commentaires de la part de certains des principaux intéressés par la formation d'interprètes musicaux et dramatiques de qualité. Non pas que cette mise à jour de la Loi sur le Conservatoire soit une découverte de dernière minute, bien au contraire, puisque la révision de cette loi, qui a été adoptée en 1942, est quelque chose dont on parle depuis très longtemps, y compris dans le milieu; c'a fait l'objet d'études, de rapports, de discussions de tout ordre depuis de nombreuses années.

Mais voilà que, tout à coup, pour des raisons que nous ignorons, il semble qu'il devient soudainement urgent de passer aux actes avant l'ajournement de la Législature pour 1° congé de Noël. Ça semble urgent à ce point que notre demande d'être entendus ici, en com- mission parlementaire, n'a pas mis plus de cinq jours ouvrables avant de se concrétiser en audiences publiques. Et ça semble tellement urgent que des ententes, essentielles au bon fonctionnement de certaines dispositions particulièrement importantes de cette loi, n'ont pas encore été conclues avec les ministères concernés. Et c'est si urgent que même certaines des orientations privilégiées par Mme la ministre de la Culture, dans son document de juin dernier, n'ont — semble-t-il, en tout cas, à la lecture du texte que nous avons devant nous — pas trouvé le temps de se concrétiser dans ce projet de loi lui-même.

Bref, il est urgent, semble-t-il, à tel point que la précipitation dont semble empreint le projet de loi 135 risque, pour des considérations qui n'ont peut-être pas de rapport, finalement, avec les objectifs que poursuit le Conservatoire, d'attaquer cela même qu'on prétend consolider, c'est-à-dire l'excellence reconnue de la formation professionnelle avancée que dispensent les neuf maisons d'enseignement spécialisé que sont, donc, les deux conservatoires d'art dramatique et les sept conservatoires de musique du Québec.

C'est une fébrilité soudaine qui est d'autant plus incompréhensible, à ce moment-ci, que personne, personne ne conteste l'utilité d'une mise à jour des orientations et des moyens de les atteindre qui tienne compte des contraintes imposées, évidemment, par la situation économique que tout le monde connaît et reconnaît. Il est donc d'autant plus regrettable, à notre sens, que l'esprit de certaines de ces dispositions et l'urgence soudaine, je le rappelle, avec laquelle elles sont amendées, elles sont amenées font donc que ce projet de loi 135 ne servira, sans doute, ni l'un ni l'autre de ces objectifs et, surtout, risque de porter un sérieux préjudice à l'excellence d'une formation dont la preuve — vous serez d'accord avec moi — n'est quand même plus à faire.

En sachant la très grande sensibilité dont Mme la ministre a toujours fait preuve envers le milieu des arts, nous sommes convaincus que c'est peut-être là le contraire de ses intentions. Et c'est pour cette raison que nous souhaitons, Mme la ministre, vous faire part de certaines réserves, assez sérieuses à certains points, que suscite ce projet de loi chez nous, à l'Union des artistes.

Quant à la formation professionnelle avancée, c'est une priorité dans tout le Québec, j'imagine bien. À l'heure où tous nos gouvernements reconnaissent que la formation professionnelle est l'outil privilégié de notre développement, il est curieux de rencontrer ici un projet de loi comme celui-là, où on érige en principe une confusion fondamentale entre les objectifs et les critères spécifiques que doivent poursuivre une formation générale et une formation professionnelle avancée.

Prenons l'article 18. On énonce trois objectifs pour le Conservatoire: d'abord, de dispenser de la formation professionnelle et du perfectionnement dans les domaines de la musique et de l'art dramatique; ensuite, de susciter et de favoriser une formation initiale de qualité dans le domaine de la musique et, en troisième

lieu, de susciter et de favoriser dans le milieu la présence d'organismes essentiels à la vie musicale. On précise que le Conservatoire tient compte de la spécificité de chaque établissement d'enseignement dans la poursuite de ses objectifs.

Il nous paraît difficilement concevable que ces différents objectifs soient introduits sans hiérarchisation autre qu'une vague spécificité de l'établissement, alors qu'il est essentiel, à notre sens, que le Conservatoire constitue, d'abord et avant tout, et quelle que soit la région dans laquelle il est implanté, un lieu de formation professionnelle, musicale ou dramatique. Non seulement est-il nécessaire de bien dégager cette priorité pour en favoriser la réalisation, mais cette distinction s'impose si l'on entend vraiment favoriser la réalisation de deux des objectifs subsidiaires qui sont justement énoncés à cet article 18.

Il n'y a, en fait, que dans l'esprit et sur papier que toutes choses peuvent se réaliser concurremment et sans distinction. Dans la réalité, seul un objectif clair crée dans son sillage les effets souhaités. Or, sans la présence de noyaux de formation avancée dans toutes les régions desservies par le Conservatoire, je vous le demande, comment peut-on prétendre y susciter une véritable vie musicale, autrement qu'à titre de voeu pieux?

Dire cela, ce n'est pas nier le rôle spécifique dévolu à des centres de formation situés à Québec ou à Montréal, mais c'est simplement affirmer une évidence que, dans certaines régions, seul le Conservatoire peut assurer certains types ou certains niveaux de formation et créer ainsi les conditions d'implantation et de développement d'une vie musicale dynamique.

Quant à l'idée d'en faire une corporation vraiment autonome, comme en fait foi le libellé du projet de loi, le Conservatoire, donc, deviendrait une corporation, c'est-à-dire une entité juridique distincte, une personne morale, bien, ce nouveau statut ne semble pas poser problème pour les principaux intéressés, mais à la condition — je le dis bien — à la condition, toutefois, que la personne morale ainsi constituée jouisse réellement de l'autonomie nécessaire à la poursuite de son but premier. Or, la composition du conseil d'administration, telle que détaillée à l'article 4, nous paraît peu propice à l'exercice d'une telle autonomie.

La question se pose: Pour quel motif, au juste, le législateur croit-il nécessaire d'assurer, sur ce conseil, une présence aussi marquée de personnes nommées par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, ou de l'Éducation, après consultation d'organismes qu'il juge représentatifs des milieux de l'enseignement collégial ou universitaire? Et, pourquoi veut-il une représentation des milieux de l'enseignement primaire ou secondaire? On sera peut-être tenté de nous répondre qu'il s'agit là d'une façon d'assurer une bonne coordination entre les institutions et les paliers d'enseignement. Bien. Mais, d'après cette logique, les universités et les collèges étant habilités à décerner des diplômes, est-ce que vous ne pensez pas que la loi devrait aussi prévoir le même type d'obligation dans leur cas? Ou encore, poli- tesse oblige, les instances décisionnelles de nos maisons d'enseignement primaire, secondaire, collégial et universitaire ne devraient-elles pas aussi accueillir des personnes représentant le Conservatoire de musique et d'art dramatique? C'est la même logique. (15 h 20)

Cette présence affirmée ne se limite pas au conseil d'administration non plus; elle s'étend aussi jusqu'au conseil d'orientation de chaque établissement d'enseignement, et c'est là pousser un petit peu loin une sollicitude qui ressemble bien davantage à une volonté d'influencer indûment les destinées de la corporation dans son projet pédagogique même. Pareille volonté, en tout cas — si c'est le cas — nous paraît inacceptable.

Par ailleurs, concernant les ententes à développer avec d'autres institutions d'enseignement, là, il nous paraît plutôt inconcevable que le projet de loi 135 en précède la conclusion au lieu de les confirmer. Si vous regardez les articles 20 et 21, vous verrez qu'on prévoit la dispensation par le Conservatoire, avec l'autorisation du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, de grades, diplômes ou attestations de niveau collégial ou universitaire, selon le cas. Or, les ententes qui sont nécessaires à la réalisation de ce projet n'ont pas encore été finalisées entre les principaux intéressés. Et, sauf votre respect, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'en assurer la conclusion, à la satisfaction des parties, avant d'en inscrire la finalité dans un projet de loi?

Qu'est-ce qu'il adviendrait dans le cas où le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science ou le ministère de l'Éducation et le Conservatoire ne s'entendraient pas sur les conditions à respecter pour l'obtention de semblables attestations? Il semble, en tout cas, qu'à leur manière les rédacteurs du projet de loi aient prévu cette éventualité et en aient disposé de la façon la plus prévisible qui soit, c'est-à-dire en érigeant la structure qui doit mener au résultat souhaité. C'est peut-être une façon de faire qui a ses adeptes, mais je vous dirai que ces adeptes-là ne se trouvent pas chez nous.

Il y a un proverbe tibétain qui dit ceci: La fenêtre est carrée, mais le paysage, lui, ne l'est pas. Cette simple évidence semble trop souvent échapper, hélas, à ceux pour qui le cadre ou la structure occupe une importance démesurée par rapport à la réalité. Et, si cette vérité s'applique à tous les domaines de formation, je vous dirai qu'elle est particulièrement sensible dans le domaine des arts d'interprétation musicale et dramatique. Et c'est bien de cette formation-là qu'il s'agit ici, n'est-ce pas? Il nous paraît donc fondamental de finaliser des ententes acceptables avant — et non pas après — l'adoption d'un projet de loi comme celui-ci.

Nous n'avons aucune intention, croyez-moi, de nous immiscer dans les détails des relations patronales-syndicales qui existent entre le gouvernement et le Syndicat des professeurs de l'État du Québec, le SPEQ. Mais il nous paraît, cependant, essentiel de rappeler que la responsabilité première de l'État et des professeurs est d'assurer une formation professionnelle de la meilleure

qualité possible aux élèves du Conservatoire. Une formation professionnelle aussi spécialisée que celle de l'interprétation musicale ou dramatique exige le respect de certains critères de formation chez les maîtres eux-mêmes, et nous osons croire que ces questions seront débattues et réglées autrement que par l'adoption d'une loi massue.

Le Conservatoire a fait ses preuves. Il n'est que de consulter la liste de ses diplômés —j'en ai des pages et des pages — en art dramatique, en musique, en chant. Il faut noter la progression constante des artistes québécois sur nos scènes et sur celles du monde entier, à cause, notamment, de leurs études au Conservatoire, pour savoir que, non seulement la créativité est bien vivante au Québec, mais qu'elle trouve, dans le Conservatoire, un lieu de choix pour transmuer le talent à l'état brut en talent accompli et maîtrisé.

Bien sûr, les bénéfices qu'en retirent les individus et la société ont une valeur incalculable, et nous savons bien, aussi, que les valeurs incalculables constituent un casse-tête pour les administrateurs du trésor public. Il appartient alors à vous, Mme la ministre, avec l'appui des milieux concernés, ces milieux qui vous ont toujours donné leur appui, de leur en rappeler l'importance et d'en défendre les conditions d'épanouissement. Voilà pourquoi nous pensons que ces conditions d'épanouissement ne sont pas réunies, actuellement, dans le projet de loi 135, enfin, tel qu'il nous a été soumis. La sagesse voudrait donc, à notre sens, que le gouvernement accepte de surseoir à son adoption précipitée. Quelques mois supplémentaires de réflexion ne seront sans doute pas de trop pour assurer que le Conservatoire de l'avenir sera à la hauteur, au moins, des réalisations du Conservatoire actuel.

En résumé, Mme la ministre, nous sommes d'accord avec la révision de la loi des conservatoires. Après 50 ans, je pense qu'il faut brasser les choses, qu'il faut trouver une façon moderne de faire les choses et qu'il faut y aller de mécanismes de souplesse, comme ça se fait, d'ailleurs, ailleurs dans le monde. Si certains points de ce plan sont bons, il nous semble que d'autres, à l'heure actuelle, sont trop nébuleux, prêtent trop facilement à interprétation, créent, alors, de la confusion. Et c'est pourquoi, à ce moment-là, une partie du milieu s'interroge alors sur les motifs véritables de cette refonte. Je vous remercie.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Turgeon. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Frulla: Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous souhaiter la bienvenue à tous.

M. Turgeon, dans le rapport Arpin, où vous étiez partie prenante, vous vous êtes posé des questions sur la formation, en général, la formation des arts. J'ai relu, hier, une partie, justement, du rapport Arpin, où les gens qui y ont travaillé disaient ou suggéraient de s'asseoir avec le milieu de l'éducation, d'une part, et de voir maintenant comment, ensemble, on serait capables d'élaborer une façon de faire, de telle sorte qu'on puisse, oui, d'un côté, assurer la pérennité des conservatoires et, de l'autre côté, les faire évoluer, mais tout en étant en synergie avec ce qui se passait au niveau du milieu de l'éducation.

Suite à cette recommandation du rapport Arpin, on s'est assis avec les gens du milieu de l'enseignement et on a regardé aussi des façons, pour conclure, et du côté du ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de notre côté, que la seule façon d'assurer la pérennité des conservatoires, c'est: un, que ceux-ci restent la responsabilité du ministère de la Culture et que, deux, on trouve une façon, soit par loi ou autre, de pouvoir les faire, justement, grandir, de les rendre autonomes et aussi de pouvoir assurer aux élèves des programmes qui peuvent être reconnus.

Dans la politique culturelle du Québec, il est aussi statué, d'abord, la valeur et l'importance des conservatoires et que ceux-ci restent au ministère de la Culture, mais dans une forme modifiée, encore une fois, pour assurer, oui, leur pérennité, mais aussi leur donner les outils nécessaires pour, justement, qu'ils évoluent en termes de pôles culturels, et dans chacun de leurs milieux, et aussi en termes d'institutions de formation visant l'excellence.

Alors, quand on parle d'un projet de loi précipité... Moi, ça fait quatre ans que je suis au ministère et ça fait quatre ans qu'on regarde les conservatoires, qu'on les étudie, qu'on s'assoit avec le ministère de l'Éducation et qu'on trouve une façon, justement, non seulement de promouvoir les conservatoires, mais d'assurer leur pérennité, ce qu'ils n'ont pas, présentement, en étant une direction du ministère.

Alors, après avoir conclu tout ça, on a procédé à une vaste consultation durant tout l'été, avec, justement, un document qui était les orientations du ministre, document qui, un peu comme le rapport Arpin, était là pour, justement, susciter la discussion. Et c'est à partir de cette discussion-là que nous avons formulé ce projet de loi.

Là, j'ai des questions. Quand on dit: Si urgent que certaines orientations du document n'ont, semble-t-il, pas trouvé le temps, finalement, de se retrouver dans le projet de loi lui-même, j'aimerais ça qu'on élabore un peu. C'est-à-dire que, s'il y a une bonification à apporter, je leur ai dit, il n'y a pas de problème. D'ailleurs, je vais en avoir des bonifications, demain, par rapport à ce qui s'est dit et par rapport aux autres discussions que mes collaborateurs ont eues, autant avec les professeurs que les directeurs, etc. Donc, il y aura bonification.

Mais, là, j'aimerais voir ce qu'on veut dire quand on dit que certaines orientations... Parce que, par rapport à ce qu'il y a présentement, je vous assure que non seulement il y a un monde de différence, mais c'est une police d'assurance que l'on donne aux conservatoires, cette loi-là. (15 h 30)

M. Turgeon (Serge): Très bien, Mme la ministre...

Le Président (M. LeSage): M. Turgeon.

M. Turgeon (Serge): Oui. Alors, oui, vous citez le rapport Arpin. Nous nous sommes penchés un peu sur la question. Je dirais: Un peu. Vous remarquerez que ce n'est pas un des chapitres les plus importants de la politique culturelle que nous avions soumis. Nous pensions qu'il fallait laisser ça, vraiment, à une autre table. Ce qui fait que nous sommes tout à fait d'accord avec vous pour qu'il y ait ce mécanisme important de consultations avec les différents ministères. Il faut s'entendre, aussi, sur le sens de la précipitation, quand nous parlons de ça. Moi, je vous ai dit tantôt que nous sommes d'accord avec une révision de la loi. La précipitation, ça serait de le faire accepter tel quel, ce projet de loi, sans modifications.

Cela dit, vous avez donc rendu publiques des orientations au mois de juin dernier, conséquemment à ce qui avait été dit dans le rapport Arpin, conséquemment aux études que vous avez vous-même menées. La question que je peux me poser, c'est: Comment se fait-il que les ententes, par exemple, avec les différents ministères, à ce moment-ci, ne soient pas encore prêtes? Vous le dites vous-même: Ça fait des années et des années qu'on se penche sur la question.

Quelle différence y a-t-il entre votre rapport d'orientation de juin dernier et le texte de loi que nous avons aujourd'hui? Il y en a plusieurs. Je peux vous énumérer quelques points, uniquement pour vous donner une idée de notre incompréhension par rapport au texte que nous avons aujourd'hui et ce que vous annonciez au mois de juin dernier.

Vous parliez, par exemple, à un moment donné, d'une représentation large, que les enseignants soient largement représentés sur le conseil. Si je lis bien le projet de loi, on parle de deux représentations sur 14; ce n'est pas, à mon sens à moi, quelque chose de très, très large.

Vous parliez, dans les orientations de juin dernier, de convention de subventions triennales. C'est important, ça, pour voir venir les choses; surtout en matière culturelle, il faut voir venir les choses. Or, ça, malheureusement, à la lecture, ça ne se retrouve pas dans le texte d'aujourd'hui. Vous parlez, bien sûr, de mécanismes de consultation avec le ministère de l'Enseignement supérieur, avec le ministère de l'Éducation, et — je vous le répète — nous sommes d'accord avec ça, et c'est fondamental. Mais il y a une différence entre établir des mécanismes de consultation et affirmer, comme le fait le projet de loi, une telle présence. La présence est vraiment affirmée, dé ces ministères-là.

Vous parliez aussi, en juin dernier, d'un encadrement continu quant à la qualité pédagogique. Moi, quand je lis ça, je comprends que vous voulez parler d'une certaine stabilité à ce niveau-là. Cette stabilité, je ne la retrouve pas dans le projet de loi d'aujourd'hui. Quant au conseil d'orientation, on en a parlé un petit peu tantôt, il y a des visées qui peuvent être différentes, selon qu'on vienne de l'Enseignement supérieur, de L'Éducation ou des conservatoires. Il nous semble, en tout cas, que le Conservatoire doit avoir ses coudées franches.

Alors, moi, la question que je me pose, voyant ça — ce sont quelques points seulement — c'est: Qu'est-ce qui s'est donc passé, Mme la ministre, entre le mois de juin dernier et aujourd'hui?

Le Président (M. LeSage): Mme la ministre.

Mme Frulla: Merci. D'abord, la présence du ministère de l'Enseignement supérieur sur le conseil d'administration, entre autres, a été proposée par le SPEQ en août dernier. Donc, ça n'a pas été une surprise pour personne. Il y a trois représentants sur un conseil qui est, pour l'instant, à 15, et, en amendement, je songe à augmenter un peu les membres du conseil pour m'assurer de la présence d'ex-élèves du Conservatoire, autant en art dramatique qu'en musique. On verra ça à l'étude article par article. Donc, cette proposition-là, tout à coup, bon, on nous dit: Pourquoi des membres de l'Enseignement supérieur sur notre conseil d'administration? C'est parce que ça nous a été proposé en août dernier.

Deuxièmement, au niveau de la reconnaissance, j'ai dit aux élèves, cet avant-midi, qu'il n'y aura pas de frais de scolarité tant que les programmes ne seront pas dûment reconnus par l'Enseignement supérieur, c'est-à-dire pour, justement, combler cette iniquité qui existe entre les élèves du Conservatoire, par rapport à l'enseignement, par exemple, versus ceux qui sont dans le réseau scolaire actuel.

Par contre, la loi de 1942, chez nous, le Conservatoire n'est même pas mandaté pour dispenser une formation professionnelle, d'une part — pour vous dire comment la loi est désuète — et, deuxièmement, c'est dans les articles 20 et 21, qui nous permettent de reconnaître, justement, les études universitaires, en ce sens où les conservatoires étant une direction du ministère, moi, je peux m'asseoir avec l'Enseignement supérieur et l'Éducation. Il y a des choses qui ont été faites pour, justement, adapter, si on veut, les différents programmes, spécialement au niveau du collégial, avec le ministère de l'Éducation.

Nous avons, avec l'Enseignement supérieur, non seulement une entente, mais aussi une promesse. Mme Robillard, avant de quitter, doit se pencher avec moi là-dessus de façon incessante. Par contre, il n'y a pas d'entente possible si le Conservatoire n'est pas, en bonne et due forme, une corporation. Tant que le Conservatoire reste une direction du ministère, c'est impossible pour nous de faire, enfin, une entente quant à l'accréditation des programmes. Donc, de là l'urgence, justement, de procéder à ce que les conservatoires deviennent une personne morale.

Mais une autre question, c'est qu'on parle du conseil d'administration. Sur le conseil d'administration,

sur 15, il y a sept représentants des élèves et professeurs, ce qui est toujours mieux que ce qu'il y a maintenant, parce que, maintenant, les élèves et professeurs ne sont pas parties prenantes, à part des commissions pédagogiques. Mais, est-ce que, dans l'ensemble — si on parle de concertation, on parle de participation de profs et élèves — il y a une façon pour vous d'entrevoir le C.A.?

Si je compare, par exemple, au Conseil des arts et des lettres, nous nommons chacun des membres du C.A. après recommandation des organismes. Encore une fois, dans la Loi sur le Conservatoire, les gens que nous nommons au gouvernement vont être nommés après recommandation au niveau des organismes. Mais, est-ce qu'il y a une façon de bonifier au niveau du C.A.? Parce qu'il me semble que c'est relativement généreux, sept représentants des professeurs sur 15, d'une part. Et les autres que nous nommons, nous consultons les organismes, ce qui est encore beaucoup plus généreux que ce qui se fait partout ailleurs.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. Demers, vous voulez répondre à cette question?

M. Deniers (Serge): S'il vous plaît.

Le Président (M. LeSage): La parole est à vous.

M. Deniers (Serge): Merci, M. le Président. Mme la ministre, je pense qu'il y a moyen de bonifier cet aspect-là. Nous partons, nous, dans notre réflexion à l'Union des artistes, de la prémisse suivante: C'est vrai que la loi de 1942 a besoin d'être dépoussiérée, mais il demeure un fait indéniable, c'est que les conservatoires, tels qu'ils existent actuellement, donnent des résultats excellents. Il y a des choses à améliorer, il y a des choses à modifier, à changer, mais, quand on regarde les résultats, les résultats sont qu'il y a là quelque chose qui fonctionne avec une loi désuète, mais qui fonctionne relativement bien. Par conséquent, avant de jouer là-dedans et de risquer d'en modifier la dynamique profonde, on dit: Soyons prudents et prenons le temps de réfléchir. Je pense que c'est ia base de notre mémoire.

Quand on regarde aussi — et je pense que vous allez nous comprendre un peu, vous allez comprendre nos appréhensions — on sait qu'il y a beaucoup de débats dans notre société, actuellement, sur l'efficacité de l'école. Il y a des débats dans l'enseignement primaire et secondaire, il y a des débats dans l'enseignement collégial, et on sait, d'ailleurs, que votre gouvernement travaille à certaines réformes. Donc, on peut dire que, dans la cour du voisin, ça ne va pas tellement bien. Alors, quand on voit qu'on nous propose une association avec le voisin qui a des gros problèmes à régler chez lui, alors que, nous, ça va relativement bien, puis qu'il y a lieu, peut-être, de modifier certaines choses pour s'adapter à une réalité nouvelle, vous comprendrez qu'on soit un peu anxieux des résultats. Parce qu'on ne voudrait pas que les autres viennent faire dans notre cour, peut-être, certains gâchis qui existent déjà dans leur propre cour. (15 h 40)

Alors, dans ce sens-là, je pense qu'il serait intéressant que les conseils d'administration soient le moins possible, je dirais, entachés de la présence de représentants que ce soit du ministère de l'enseignement professionnel ou du ministère de l'Éducation, que les conseils d'administration représentent essentiellement le milieu et qu'il y ait donc, à partir de cette personnalité morale, une discussion véritable qui s'engage entre ces nouveaux conservatoires et les ministères concernés, et non pas qu'on se retrouve dans une dynamique où les ministères concernés vont débattre un peu avec eux-mêmes, dans la mesure où ils auront de fidèles représentants qui seront toujours prêts à avaliser, n'est-ce pas, les considérations, entre guillemets, bureaucratiques qu'on peut retrouver dans ces ministères-là.

Et je pense qu'on ait cette garantie-là qu'il y ait une représentation, je pense que ce n'est pas mauvais en soi, mais elle doit être, d'après moi, la plus discrète possible et la représentation doit d'abord être fondée sur le milieu et ses exigences. Alors, je pense que, si on avait un conseil ou une recommandation à formuler, ce serait de faire en sorte, justement, que ce soit vraiment le milieu et que la représentation, que ce soit du ministère de l'Éducation ou de l'enseignement professionnel, soit réduite à son strict minimum. Et je dirais la même chose pour les conseils pédagogiques.

Mme Frulla: M. Demers, c'est parce que, au niveau du C.A., présentement — parce qu'on peut toujours augmenter ou diminuer — on parle de 20 % de représentation du MESS, par exemple, sur le conseil global. Et il va probablement y avoir même une diminution de ce 20 %, si j'ajoute deux ou trois autres membres d'ex-étudiants du Conservatoire, donc la représentation va être encore plus petite.

L'idée, c'était vraiment d'essayer, en tout cas, de faire une espèce — sans copier sur ce qu'ils font, là, vous avez raison — de jonction entre les deux, de telle sorte que les deux systèmes ne soient pas tout simplement parallèles, mais qu'il y ait une espèce de synergie, si on veut, entre les deux, sans, justement, que leur poids fasse en sorte que ça impose leur façon de faire sur la nôtre. Alors, c'était un peu ça l'idée des représentants au niveau du ministère de l'Éducation.

Il y a un autre point — parce qu'on est toujours limité par le temps — c'est la question du perfectionnement. Vous nous avez demandé aussi, je me souviens, en commission parlementaire, à l'époque, que les conservatoires puissent aussi donner du perfectionnement aux professionnels, c'est-à-dire un peu continuer à donner leur enseignement, mais beaucoup plus en fonction d'un perfectionnement à des gens qui sont déjà professionnels, qui pratiquent le métier versus, tout simplement, un enseignement à des élèves. Maintenant, le projet de loi prévoit ça. Alors, je ne sais pas si vous

pouvez élaborer un petit peu là-dessus, là, s'il y a des façons de...

Le Président (M. LeSage): M. Turgeon.

M. Turgeon (Serge): Bien, oui, écoutez, on l'a bien dit, tout n'est pas mauvais, là, dans ce que vous annoncez dans le projet de loi et on se pointe ici, Mme la ministre, avec un esprit positif, dans le but de faire avancer les choses dans le bon sens.

Tout le monde ne passe pas par le Conservatoire. Vous savez, ce n'est pas parce que, non plus, on aura quelques années de faites au Conservatoire qu'on pourra en sortir, comme, par exemple, sortent les élèves de l'école de médecine, avec un papier tamponné: «Tu es artiste» ou «Tu es créateur». Ça ne se fera jamais comme ça. Cependant, il y a des gens qui font le métier, et qui ont réussi une partie de leur carrière, déjà, dans le métier sans être allés encore au Conservatoire, et qui, tout à coup, en cours de carrière, réalisent que le manque de formation, bien, ça leur nuit, finalement, et ils voudraient aller plus loin. Alors, c'est peut-être ce qu'on suggérait à l'époque, une branche à développer, qu'on puisse aussi, donc, permettre à ces professionnels qui ont déjà commencé à oeuvrer dans le métier de pouvoir parfaire, si vous voulez, leur formation.

Mais le point sur lequel nous insistons particulièrement, aujourd'hui, c'est de dire que l'enseignement au Conservatoire, c'est ça, la formation professionnelle de pointe. Et, moi, la semaine dernière, j'étais devant des étudiants du secondaire V. Ils demandaient à plusieurs individus de la société de venir leur parler de leur métier parce qu'ils commencent à scruter leur avenir. Je vous avoue que je les ai beaucoup déçus, je pense, malheureusement, parce qu'ils auraient voulu que je leur dise, d'abord, que les artistes, tous, ça fait des millions et des millions de dollars et que, surtout, pour réussir, il faut vite qu'ils abandonnent leurs études pour tout de suite commencer à travailler et commencer à faire ces millions-là. Alors, l'essentiel, moi, de mon intervention, c'a été de leur dire: Vous devez, pour faire ce métier, en avoir une, formation, et avoir une formation professionnelle de pointe.

Quand on voit des gens comme Lepage, comme plusieurs autres, qui, sur la scène internationale, font ce qu'ils font pour le Québec, pour leur pays, finalement, qu'ils réussissent parce qu'ils ont eu cette formation de pointe, professionnelle, bien c'est ça que va être la concurrence de demain et c'est ça le signal qu'il faut lancer à ceux qui veulent faire ce métier-là, que ce soit en art dramatique, que ce soit en musique, ou autrement: II va donc falloir que vous alliez le plus loin possible dans ce que vous êtes et dans votre formation. Et la crainte, c'est que les conservatoires, dans la refonte, actuellement, ne puissent plus vraiment offrir ça comme ils l'offraient. La crainte, c'est que davantage on fasse un clivage entre le monde de Montréal, des grands centres, et le monde des régions. La crainte, c'est que, encore une fois, par ce biais-là, on sorte les créateurs obligatoirement de leur région pour s'en aller dans le grand centre et alimenter, par la suite, le grand centre.

Quand une région — je l'ai déjà dit à maintes reprises, moi, devant ces commissions parlementaires — commence à perdre ses créateurs, elle commence à s'assécher. Aujourd'hui, c'est la culture qui va sortir; demain, ce sera les autres entreprises, et il n'y aura plus rien. Alors, c'est quoi, finalement, la société que nous voulons?

Et il nous semble que, dans le texte, dans le projet de loi que nous avons actuellement, vous posez ce problème de société. Et, nous, nous disons, et, moi, je le dis... Et je me souviens de mon passage à la commission Bélanger-Campeau, je me souviens du cri des régions, et je pense qu'il faut être ouverts à ce cri-là.

Mme FruIIa: Dans la...

Le Président (M. LeSage): Brièvement, Mme la ministre, il ne vous reste que 15 secondes.

Mme Frulla: Oui, c'est que je veux juste... L'article 18, par exemple, identifie tout simplement la mission de 1989. Il y a eu une mission renouvelée, finalement, annoncée par Mme Bacon après la consultation. Alors, ce que l'article 18 fait, c'est qu'il met en mots légaux ce qui existe déjà; pas plus, pas moins. Quand on parle de susciter, c'est tout simplement pour que les conservatoires en région soient de vrais pôles culturels, et c'est de là les commissions d'orientation. Et ce n'est pas pour que les conservatoires, un jour, deviennent de grandes écoles de musique. Parce que, à ce moment-là, pourquoi, finalement, les conserver comme tels? Et pourquoi, justement, avoir une loi qui assure leur pérennité?

En termes de clivage, aussi, il y aura un seul régime pédagogique avec les mêmes standards partout. Ce sont des standards d'excellence, avec deux commissions d'études: une commission d'études en musique et une commission d'études en art dramatique, où les professeurs et les élèves seront parties prenantes. Donc, il n'est pas question non plus de diminuer, si on veut, le professionnalisme de ces conservatoires-là en région, bien au contraire, et la volonté n'est pas ça. Et, finalement, ce que le projet de loi fait, c'est tout simplement qu'il institue et donne un pouvoir au conseil d'administration, formé de différents membres du milieu.

Maintenant, est-ce qu'on peut spécifier, à la formation du conseil d'administration, qu'il faudrait y avoir une représentativité en région? Ça, on est en train de le regarder pour être encore plus spécifique et pour rassurer encore plus. Mais c'est le conseil d'administration, aussi, qui pourra prendre des décisions non seulement administratives, au contraire, mais administratives par rapport au lieu d'enseignement versus un ministère qui a des décisions administratives qui lui sont souvent imposées par le Conseil du trésor et qui sont...

Le Président (M. LeSage): Mme la ministre, si

vous le permettez, je vous avais déjà avisée, avant que vous ne preniez le dernier mot, que vous aviez 15 secondes; vous avez pris 1 min 15 s.

Mme Frulla: Excusez-moi, M. le Président, je suis indisciplinée.

M. Turgeon (Serge): Puis-je prendre cinq secondes, M. le Président?

Le Président (M. LeSage): Cinq secondes. Allez-y, M. Turgeon.

M. Turgeon (Serge): Pour vous dire, Mme la ministre, que, si ce que vous dites est vrai — et je le crois; je vous crois — il faudra alors que ce soit très clair dans le texte. Et, pour nous, malheureusement, ça ne l'est pas à l'heure actuelle.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Turgeon. Je cède maintenant la parole au député de l'Opposition, critique de l'Opposition officielle, M. le député de Gouin.

M. Boisclair: M. Turgeon, monsieur et madame, au nom de l'Opposition, je tiens à vous remercier pour votre présentation. Si vous avez assisté à nos délibérations cet avant-midi ou si vous avez pris connaissance de nos propos à l'occasion de l'adoption de principe du projet de loi, vous comprendrez rapidement que nous nous retrouverons dans une communauté d'esprit sur les préoccupations que vous soulevez, parce que nombreuses elles sont que nous avons déjà fait valoir à la ministre à l'occasion de ce débat. Pour ça, bien, je tiens à vous en remercier et à vous dire qu'à bien des égards nous sommes d'accord avec votre point de vue.

Je vous poserais une première question toute simple. La ministre, souvent, nous a parlé de cette vaste consultation qui a eu lieu sur l'énoncé de politique du mois de juin 1993. Est-ce que vous avez été consultés directement sur le contenu de cet énoncé?

M. Turgeon (Serge): Directement, je crois que non, mais nous avons été consultés indirectement de bien des façons. Et je pense qu'il faut dire que, depuis ces dernières années, il n'y a pas beaucoup de choses, au niveau de la politique culturelle, qui se sont faites sans qu'il y ait consultation du milieu. Et je pense que c'est ça qu'il y a de nouveau, aussi, depuis les dernières années, c'est que le milieu lui-même a reconnu l'importance de ce qu'il était et, donc, a pris les moyens aussi pour se faire entendre.

Alors, de façon très indirecte, je dois dire que, oui, nous avons été consultés, ne serait-ce que lors de la réflexion qu'on a faite avec le rapport Arpin, etc. Mais, de façon pointue et spécifique sur ce sujet-là, moi, à ma connaissance, je pense qu'au cours des derniers mois, nous, à l'Union des artistes, nous ne l'avons pas été. (15 h 50)

M. Boisclair: Alors, je comprends que, sur les orientations, soit le document, vous n'avez pas eu l'occasion de faire connaître votre point de vue, en comprenant tout à fait, cependant, qu'à l'occasion des différents travaux d'ébauche de la politique culturelle, sur la politique culturelle, nous savons tous que vous avez été des partenaires incontournables. Mais la question était sur les orientations. Je voulais tout simplement, par cette question, tenter de donner un certain relief à votre propos sur ce que vous appelez la précipitation, qui m'appa-raît, effectivement, être le terme approprié.

Je voudrais renforcer votre perception par deux idées. La première. La ministre, encore il y a quelques instants, nous disait: Nous sommes en train de voir ça. Donc, il apparaît très clair par son propos qu'à bien des égards il y a des décisions qui demeurent à prendre. Et, pour renforcer davantage, aussi, cette précipitation, la ministre n'a toujours pas fait connaître le contenu de ses amendements. Et je tiens à rappeler, d'ailleurs, que, si ce n'était de l'insistance de plusieurs membres de cette commission, nous ne serions pas ici, aujourd'hui, pour discuter de son contenu. Je pense que c'est grâce aux membres de la commission que nous nous retrouvons ici, aujourd'hui.

Ma question, après ce commentaire, aura trait à la composition du conseil d'administration. Vous avez fait des remarques qui m'apparaissent pertinentes sur la composition du conseil. Je voudrais attirer votre attention sur un autre article du projet de loi qui, à l'heure actuelle, est passé inaperçu, mais qui mérite aussi commentaire, qui est l'article 75, qui fait partie des dispositions transitoires, au chapitre VII du projet de loi, et, tout simplement, recevoir, s'il était possible, vos commentaires sur, justement, cette composition du conseil d'administration, ce conseil provisoire, qui sera formé, et je tiens à le rappeler, uniquement des gens nommés par le ministère de la Culture, par les ministères de l'Enseignement supérieur et de l'Éducation.

En vous rappelant que c'est à ce premier conseil d'administration que reviendra la responsabilité, entre autres, et je cite au texte le projet de loi, d'élaborer «un projet de règlement relatif aux droits d'admission ou d'inscription au nouveau Conservatoire et aux droits de scolarité», d'établir le plan d'effectifs et le plan d'affectation des employés, est-ce que cette disposition du projet de loi est conforme à vos attentes ou si vous ne croyez pas qu'il serait important de procéder? Comment vous voyez cette transition?

Le Président (M. LeSage): M. Demers.

M. Deniers (Serge): Merci, M. le Président. Je pense qu'on voit ce conseil d'administration transitoire ou temporaire — nommons-le comme on voudra — de la même façon qu'on voit le projet de loi dans les circonstances actuelles, c'est-à-dire: Quelle est la raison — et ça, j'aimerais bien qu'on nous l'explique, si c'est possible — fondamentale de ce que, moi, j'appelle la hâte de procéder?

Qu'est-ce qui fait qu'on ne peut pas nommer le véritable conseil d'administration pour prendre des décisions aussi fondamentales que celles qui apparaissent à l'article 75, qui vont tracer, je dirais, le sillage du futur Conservatoire pour les cinq, 10, 15 ou 20 prochaines années? Qu'est-ce qui fait qu'on doive procéder par cette étape intermédiaire, où — et, là, sans vouloir faire de procès d'intention — on va inévitablement se retrouver avec des gens qui sont là d'une façon temporaire pour remplir un mandat, pour livrer une marchandise qui ne sera pas nécessairement ni dans l'esprit ni dans le besoin réel du milieu et des objectifs que la loi prétend viser, un conseil qui, évidemment, ne pourra pas se chicaner avec lui-même, étant donné que tout le monde ayant été nommé, tout le monde va très bien s'entendre et tout le monde n'aura qu'à livrer la marchandise? Je pense qu'une telle disposition ne peut qu'accroître la méfiance du milieu vis-à-vis des intentions cachées, entre guillemets, et des intentions qui sont visées par ce projet de loi. Et, dans ce sens-là, moi, je pense que de telles dispositions devraient être rayées du projet de loi et que, lorsqu'on aura fait les corrections qui s'imposent à ce projet-là, pour lui donner sa véritable dimension et répondre vraiment aux besoins, on devrait procéder d'une façon normale, avec le conseil qui devra exister et qui devra faire les débats pertinents quant aux choix majeurs qu'actuellement on semble vouloir référer à un conseil transitoire.

M. Turgeon (Serge): Si vous me permettez... Le Président (M. LeSage): M. Turgeon.

M. Turgeon (Serge): ...je voudrais simplement, M. le Président, faire ressortir que ces mesures transitoires, finalement, contreviennent à l'esprit qui se dégage un peu plus haut, et, notamment, avec les bonnes intentions qu'on retrouve au point no 4, qui est la nomination d'un directeur ou d'un responsable, tant en musique qu'en art dramatique, deux enseignants du Conservatoire, membres du conseil du Conservatoire, deux élèves à temps plein du Conservatoire. Alors, c'est la raison pour laquelle, effectivement, il y a lieu de s'interroger sur ces mesures transitoires.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Vous avez attiré l'attention des membres de la commission sur le libellé de l'article 18, qui vient définir les missions du Conservatoire. Je me permets, à mon tour... Au-delà de cet article, il y a le premier alinéa de l'article 18 qui est significatif, à mon avis, où on dit: «Le Conservatoire a pour objets d'administrer et d'exploiter dans diverses régions du Québec des établissements d'enseignement». Ne croyez-vous pas qu'il serait opportun de préciser davantage cette mission en nommant, par exemple, à tout le moins les régions où se trouvent déjà des conser- vatoires et peut-être même de prévoir un mécanisme de reconnaissance dans la mesure ou dans l'hypothèse où il serait loisible de croire que d'autres conservatoires pourraient voir le jour?

Le Président (M. LeSage): M. Deniers.

M. Deniers (Serge): Oui. Il s'agit là, je pense, d'une considération fondamentale. Et il est important qu'on respecte certaines réalités, entre autres les réalités existantes. Cependant, au-delà de ça, il nous semble important qu'il y ait, dans les objectifs, une hiérarchie et que celui qui est de dispenser la formation professionnelle et du perfectionnement dans le domaine de la musique et de l'art dramatique soit clairement établi comme étant un objectif prioritaire et fondamental pour l'ensemble des établissements, de façon à éviter que l'on en arrive à des spécialisations, au détriment des intérêts des régions, pour concentrer dans les grands centres, vraiment, la formation supérieure. Et ça, c'est pour nous une préoccupation majeure.

Donc, il y a la direction, je dirais, des instances régionales et la gestion de ces instances-là, et, aussi, le fait qu'on détermine clairement quel est l'objectif fondamental, applicable à l'ensemble des maisons, et, par la suite, qu'on voit évidemment à l'articuler avec le reste.

M. Turgeon (Serge): Mme la ministre, si vous me permettez...

Le Président (M. LeSage): M. Turgeon.

M. Turgeon (Serge): Mme la ministre, tantôt, vous avez dit qu'il n'y a pas de crainte à avoir, comme telle, dans les régions — et je veux bien vous croire—ce à quoi on répondait: Mais ce n'est pas clair dans le texte. Et, ce qui n'est pas clair, justement — et je vais vous le montrer par rapport à l'article 18 — c'est qu'on puisse craindre que, tout à coup, on décide que telle région, elle, c'est le point no 2 de l'article 18 qui la vise et que, donc, à ce moment-là, on ne va susciter dans cette région et favoriser qu'une formation initiale de qualité dans le domaine de la musique. Et, voyez-vous, il n'y a pas cette garantie, dont parle M. Demers, quant à la formation professionnelle et quant au perfectionnement dans l'ensemble. C'est ça les craintes que nous avons et c'est ça qu'il y a à revisser, certainement, ou à dévisser, en tout ca.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Sur cette même lancée, justement, ne craignez-vous pas que ce deuxième alinéa: «susciter et favoriser une formation initiale», est plutôt limitatif, craignant, justement, que les conservatoires en région deviennent uniquement des centres de formation préparatoire et qu'on concentre dans les grands centres la formation spécialisée, c'est-à-dire la formation terminale?

Et, prenons un exemple bien particulier: la formation en art dramatique. Et j'aimerais peut-être que vous puissiez nous instruire sur cette question. N'est-il pas vrai, par exemple, que la formation offerte au Conservatoire d'art dramatique de Montréal diffère, à bien des égards, de celle qui peut être offerte au Conservatoire d'art dramatique de Québec et qu'il y aurait lieu de craindre qu'on fonde ces missions dans une seule, qui pourrait se faire au détriment de l'une ou l'autre des institutions? (16 heures)

M. Turgeon (Serge): C'est un fait et c'est exactement le sens, donc, de notre intervention précédente. Oui, il y a des approches qui sont différentes, présentement, dans l'enseignement de l'art dramatique à Montréal et à Québec, et c'est ce qui fait, finalement, la beauté de la chose, très souvent. Alors, c'est tout à fait dans ce sens-là, c'est dans le sens des craintes que nous pensons légitimes et justifiées à ce moment-ci.

M. Boisclair: Une dernière question...

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: ...quant à l'organisation du Conservatoire: Est-ce que les pouvoirs qui sont accordés aux conseils d'orientation, quant aux relations que les conseils d'orientation entretiendront avec le Conservatoire, est-ce que le mandat des conseils d'orientation et les pouvoirs vous apparaissent suffisants pour reprendre, justement, cette volonté que vous exprimez de véritablement enraciner le Conservatoire dans la région? Et, sinon, qu'est-ce que vous nous proposez?

Le Président (M. LeSage): M. Turgeon.

M. Turgeon (Serge): On a souligné tantôt notre inquiétude à ce sujet-là. On veut bien et on est d'accord pour qu'il y ait mécanisme de concertation entre les conservatoires et les ministères de l'Enseignement supérieur et de l'Éducation. Mais nous craignons, tel que présenté, que le Conservatoire n'ait plus les coudées franches et qu'à ce moment-là on se fonde, si vous voulez, dans un système plus général, qui, en ce moment, en tout cas, ne semble pas avoir vraiment trouvé sa voie.

M. Boisclair: Est-ce que vous avez, compte tenu de votre expérience, une proposition, peut-être, ou un exemple dans un autre domaine dont vous pourriez nous faire part qui pourrait nous éclairer quant aux amendements qu'on pourrait possiblement apporter au projet de loi?

M. Turgeon (Serge): Moi, je pense qu'il faut poursuivre la réflexion; il faut poursuivre la réflexion là-dessus. Il faut effectivement que le ministère des affaires culturelles ait, lui aussi, les coudées franches là-dessus et il faut que la représentation soit, à tout prix, fondamentalement la représentation véritable des conservatoires et de la culture.

M. Boisclair: Je vous remercie.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Turgeon, mesdames, messieurs. Vous exprimez, de façon fort éloquente, les inquiétudes qui sont celles des régionaux par rapport à ce projet de loi. Et la ministre comprendra si je lui dis qu'un chat échaudé craint l'eau froide. La composition du Conseil des arts et des lettres — et je le redis ici — elle avait pris l'engagement de nommer des personnes qui seraient issues des régions — entendons les régions éloignées — et, là, on a dû se contenter — c'est supposé représenter toutes les régions du Québec — de deux personnes de Québec, une de Sherbrooke et 10 de Montréal.

En ce qui a trait à ce projet de loi, si j'ajoute, à la fois, les articles que vous avez soulignés, particulièrement le 18, où on parle d'«une formation initiale» et on parle: Dans la poursuite des objectifs, il tient compte de la spécificité de chaque établissement, et, en plus, de ces déclarations à l'effet que, pour le bien de l'élève, la poursuite des études devrait se faire dans un grand centre, je suis profondément inquiète.

Alors, comme vous aviez souligné plusieurs points, j'aimerais juste savoir une chose de vous. Les conservatoires ont été performants; ils ont formé des élèves qui ont performé un peu partout au Québec et à l'étranger. Il y avait quelques problèmes, dont le principal, me dit-on, c'était la diplomation. Il n'y avait pas d'attestation d'études où on retrouvait des équivalences et, bon, pour des raisons x, y, z, là, l'université ou le cégep ne reconnaissait pas d'équivalence. C'était un des problèmes, me dit-on. Mais, qu'est-ce qu'il aurait fallu changer pour corriger les problèmes sans compromettre les acquis?

Parce que, les acquis, on nous dit: II a été possible d'atteindre une certaine performance en raison de la souplesse, de la qualité de la formation, de la capacité de poursuivre ou d'atteindre un certain niveau de performance dans des périodes plus courtes, ce qu'on appelle une formation continue, mais sans être obligé de s'inscrire en I, II, III, IV, parce que, finalement, ils pouvaient faire, des fois, en deux ans, ce qui aurait pris quatre ans dans le système régulier. Qu'est-ce qu'il aurait fallu changer pour corriger les difficultés qu'on éprouve actuellement sans remettre en cause les acquis?

M. Deniers (Serge): Si vous permettez... Le Président (M. LeSage): M. Demers. M. Deniers (Serge): Merci. Il y a plusieurs

façons d'envisager de la concertation, de la consultation et, je dirais, à l'occasion, une certaine harmonisation. On peut le faire d'une façon, je dirais, structurelle, c'est-à-dire en faisant en sorte d'intégrer les structures, pour permettre aux différents intervenants de rationaliser, de prendre des décisions conjointes, etc. C'est une voie qui, selon ndtis, est peut-être une voie quelque peu dangereuse, dans la mesure où on sait que les gros appareils gouvernementaux ont souvent tendance, de par leur logique, à finir par avaler les petits. Et, un jour ou l'autre, les conservatoires risquent de plus en plus de ressembler à l'ensemble de l'appareil qu'on retrouve, que ce soit du ministère de l'Enseignement supérieur ou encore le ministère de l'Éducation.

Il existe d'autres façons de se concerter, et, d'ailleurs, on le voit, parce que nos établissements d'enseignement, les différents ministères ont des façons, par exemple, de reconnaître des équivalences pour des étudiants qui, parfois, viennent de pays étrangers, d'autres provinces du Canada, etc. Donc, j'imagine qu'il y a là une volonté, sans que ce soit structurel, nécessairement, de développer une approche visant à reconnaître et à accréditer un certain nombre d'équivalences. Et je pense qu'il pourrait y avoir, peut-être au niveau gouvernemental, des endroits de concertation qui n'entachent aucunement le développement propre des conservatoires, qui n'entachent aucunement l'avenir des conservatoires en rapport avec ces différents ministères, mais qui permettent des débats, des discussions, de façon à dégager des normes, des critères qui vont permettre, éventuellement, de reconnaître des équivalences.

Alors, ce qu'on craint, peut-être, c'est l'approche plus structurelle, qui peut devenir facilement une approche envahissante, pour ne pas dire trop intégrante...

Mme Blackburn: Sclérosante.

M. Deniers (Serge): ...et qui pourrait éventuellement nuire, quand même, à une institution qui, actuellement, fonctionne très bien.

M. Turgeon (Serge): Si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): M. Turgeon.

M. Turgeon (Serge): Donc, la différence fondamentale qu'il y a entre la concertation — je le rappelle — essentielle à tous les niveaux, cette différence entre cette concertation et la garantie d'implantation formelle qu'on leur donne, à eux, de s'implanter dans la structure, c'est là, finalement, que le bât blesse.

Le Président (M. LeSage): Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Est-ce qu'il n'y a pas de quoi s'étonner et s'inquiéter, également, de cette espèce de volonté de soumettre les conservatoires aux mêmes règles qui prévalent actuellement dans les écoles, quand on connaît les résultats plutôt mitigés, actuellement, dans nos écoles? Moi, je ne vous cache pas — puis, je connais un peu le réseau pour l'avoir un peu fréquenté... Est-ce qu'on a un avantage à se moudre au même modèle, alors que, finalement, les résultats ne sont peut-être pas aussi probants?

M. Turgeon (Serge): Moi, écoutez...

Le Président (M. LeSage): Brièvement, M. Turgeon, il vous reste environ une minute.

M. Turgeon (Serge): ...brièvement, ce que je vous dirais, c'est que je pense qu'on n'a pas intérêt à se moudre là-dedans. Mais je ne crois pas que ce soit l'intention de la ministre. Je connais assez la ministre pour m'imaginer que ce n'est pas son intention. Mais, puisque je pense que ce n'est pas son intention, voilà la raison pour laquelle je pose: Pourquoi est-ce que ce n'est pas clair comme ça dans le projet de loi?

M. Boisclair: Est-ce que je peux vous demander c'est l'intention de qui, alors?

Mme Blackburn: Permettez, juste une...

M. Turgeon (Serge): Écoutez, vous êtes politicien, alors vous devriez y répondre.

Le Président (M. LeSage): Brièvement, M. Demers.

M. Demers (Serge): Brièvement, M. le Président, et peut-être pour conclure, c'est pourquoi nous demandons à la ministre — et nous ne croyons pas qu'il y ait urgence et, si jamais, avant Noël, on ne procédait pas, je ne pense pas que ni les conservatoires, ni le ministère de la Culture, ni le ministère de l'Enseignement supérieur, ni le ministère de l'Éducation ne seraient gravement entachés quant à ce qui s'en vient — qu'on prenne le temps de réfléchir, de se parler et de trouver vraiment les solutions à des problèmes qui sont sûrement réels mais qui ne doivent pas nécessairement, et qui ne doivent surtout pas se régler — parce qu'on est dans un milieu de créateurs, où la liberté d'expression est quelque chose de très valorisée — d'ici 15 jours par la guillotine.

Le Président (M. LeSage): Alors, merci, messieurs, madame, les représentants de l'Union des artistes. Le temps qui vous était imparti est écoulé. Je vous remercie pour votre participation à nos travaux.

Je suspends les travaux pour quelques instants, alors que nous entendrons les représentants de l'association des orchestres symphoniques. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

(Reprise à 16 h 16)

Le Président (M. LeSage): La commission reprend ses travaux. Le prochain mémoire qui nous sera présenté nous parvient du Comité Québec de l'Association des orchestres canadiens, et son porte-parole est M. Jacques Brochu. M. Brochu, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Je vous demande, également, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Brochu (Jacques): Merci... M. Philibert: M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. le député de Trois-Rivières.

M. Philibert: ...une question d'information. On a reçu une communication, tantôt, qu'on devait être rappelé en Chambre à 16 heures, suite à une décision que le président doit rendre, et on nous dit que les travaux des commissions vont être suspendus. Est-ce que vous avez des informations qui vous permettent de penser que ces gens-là pourront livrer leur mémoire d'un trait? S'ils doivent commencer, faire trois ou quatre minutes, il me semble que ce serait frustrant de déconcentrer le peuple pour revenir au dossier. Est-ce que vous avez pris des informations, à savoir quand la décision du président viendrait?

Le Président (M. LeSage): Je n'ai aucune indication sur l'heure exacte à laquelle cette décision sera rendue et, pour permettre aux gens de débuter, je crois que nous devrions débuter maintenant, mais je vous avise qu'il est possible que les cloches se mettent à sonner. Lorsque ces cloches sonneront, je devrai suspendre les travaux pour quelques instants, mais nous reviendrons à votre mémoire. Alors, M. Brochu, si vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Comité Québec de l'Association des orchestres canadiens (AOC)

M. Brochu (Jacques): Merci, M. le Président. En tout premier lieu, je vais présenter Mme Louise Laplante, à mon extrême gauche, directrice générale de l'Orchestre symphonique de Québec; à ma gauche, Mme Françoise Asselin, directrice générale de l'Orchestre symphonique de Laval, et, à ma droite, M. Daniel Gélinas, directeur général de l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières.

À la suite de la consultation sur le document d'orientation du Conservatoire et après étude et analyse du projet de loi 135, le Comité Québec de l'Association des orchestres canadiens désire vous souligner son appui envers cette démnrche de rajeunissement du Conservatoire.

Dans la foulée de la nouvelle politique culturelle québécoise, nous considérons que cette nouvelle Loi sur le Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec viendrait concrétiser des attentes depuis longtemps formulées. Les structures plus modernes du nouveau Conservatoire, davantage orientées vers les besoins des milieux musical et régional, contribueront sans doute à l'amélioration de la formation des interprètes et des créateurs et, incidemment, favoriseront l'essor de la musique au Québec.

Ce bel enthousiasme serait toutefois tempéré si ce projet de loi allait à rencontre de la pérennité d'une telle institution, c'est-à-dire de la garantie formelle du maintien et de la consolidation des sept établissements existants, de même que du maintien de l'enseignement d'une variété intéressante d'instruments dans chaque établissement. Il serait difficilement acceptable que, dans un avenir plus ou moins rapproché, des établissements du Conservatoire disparaissent sous le couvert de la rationalisation budgétaire ou encore sous celui d'un possible dédoublement avec d'autres institutions de niveau collégial ou universitaire.

Pour le Comité Québec de l'AOC, le Conservatoire est et demeure une institution unique de haut calibre dont on retrouve l'équivalent dans plusieurs pays où la culture musicale foisonne et qui jouit d'une réputation de très bonne école, même au niveau international. Pour tous les orchestres du Québec, les finissants du Conservatoire représentent un bassin important de musiciens d'orchestre et une relève de qualité, relève que la mission des autres institutions de formation musicale au Québec rend moins apte à nous fournir.

À propos de concertation et de collaboration, le Comité Québec aimerait vous signaler, Mme la ministre, que nous estimons fort souhaitable, pour la vie de la musique en région et le développement d'habiletés chez nos jeunes instrumentistes en particulier, que tous les organismes intervenant dans le domaine musical, dont la Guilde des musiciens, souscrivent à un nouvel esprit de partenariat, facilitent la participation des étudiants du Conservatoire à des activités d'orchestre local ou régional et leur permettent ainsi de performer. (16 h 20)

Quatre points plus spécifiques font l'objet de nos préoccupations. Il s'agit, entre autres, de la mission du Conservatoire, que nous souhaiterions plus explicite, de la composition des conseils d'orientation, de celle des commissions des études et, enfin, d'une disposition financière.

Nous espérons, Mme la ministre, que vous prendrez en considération ces recommandations, lesquelles, croyons-nous, assureraient un fonctionnement encore plus harmonieux du Conservatoire, sa meilleure intégration aux forces du milieu culturel, ainsi qu'un plus grand rayonnement, souhaitable à bien des égards.

Nous vous félicitons, Mme la ministre, de tous vos efforts et de votre détermination à nous doter d'une véritable politique culturelle. La nouvelle loi du Conservatoire éclaircira les horizons et perspectives de cet

organisme indispensable à la survie du monde musical et, enfin, elle s'inscrit fort bien dans le cadre de la politique culturelle du Québec. Mme Laplante.

Le Président (M. LeSage): Mme Laplante, vous voulez intervenir?

Mme Laplante (Louise): Merci. Je vais traiter de la mission du Conservatoire. Nous considérons que la mission du Conservatoire aurait avantage à être mieux définie, c'est-à-dire que sa personnalité propre soit bien caractérisée et que l'on mette aussi en valeur sa vocation de formation continue de qualité au regard des personnes qu'il dessert. Ainsi, nous voudrions que soient désignées les clientèles spécifiques auxquelles il s'adresse, nommément les interprètes et les créateurs.

D'autres institutions, tels les écoles privées de musique, les cégeps et les universités, assurent également de la formation musicale, et elles ont toujours leur place. Aussi, désirons-nous le maintien d'une variété d'institutions dans les grands centres et en région. Par ailleurs, nous souhaiterions que, par sa personnalité, sa vocation et ses critères d'excellence, le Conservatoire continue, entre autres, d'être considéré comme une voie privilégiée d'accès à la profession de musicien d'orchestre.

Nous croyons également que non seulement le Conservatoire pourrait, et je cite, et devrait «susciter et favoriser dans le milieu la présence d'organismes essentiels à la vie musicale», mais aussi leur développement. Le Conservatoire devrait être, sinon devenir, un lieu d'expertise et un pôle d'attraction dans le milieu, un moteur du développement musical en région qui accorderait soutien, collaboration et appui aux autres écoles, par exemple par le prêt de professeurs ou d'autres échanges de services.

M. Brochu (Jacques): Pour les conseils d'orientation du Conservatoire, M. Gélinas prendra la parole.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. Gélinas.

M. Gélinas (Daniel): Oui.

Le Président (M. LeSage): Allez-y.

M. Gélinas (Daniel): Alors, pour les conseils d'orientation du Conservatoire, la position de l'Association est la suivante. S'il est des aspects auxquels nous sommes favorables, la création de conseils d'orientation est un de ceux-là. Nous percevons ce mécanisme au sein des établissements comme un outil concret de démocratisation et d'autonomie qui devrait refléter la spécificité de chacune des régions concernées et assurer un meilleur rayonnement et un enracinement au profit du développement du milieu musical régional.

Toutefois, ces conseils consultatifs n'auront d'existence réelle que s'ils sont effectivement consultés par le Conservatoire. Aussi, serait-il opportun de préciser que le Conservatoire aura la responsabilité de consul- ter, à tout le moins deux fois l'an, les conseils d'orientation. Le dernier paragraphe de l'article 45 devrait être reformulé en conséquence.

Nous proposons, par ailleurs, en harmonie avec l'esprit de ce projet de loi, d'élargir la représentativité des membres des conseils d'orientation afin de mieux prendre en compte les différentes problématiques régionales, sachant fort bien que chacune des régions présente ses propres et grandes spécificités. Ainsi, nous proposons qu'un ou deux représentants d'orchestres locaux, selon le cas, fassent partie de ces conseils. Ils pourraient être nommés à la suite d'une demande expresse, auprès des orchestres concernés, d'y désigner un représentant ou encore, si, pour quelque raison que ce soit, il est impossible de procéder ainsi, le Comité Québec de l'Association des orchestres canadiens pourrait se prononcer et déléguer un représentant à titre de membre d'un conseil d'orientation du Conservatoire.

Une de nos préoccupations concerne aussi l'équilibre de la représentativité des membres d'un tel conseil. À cet effet, nous voulons qu'outre les membres déjà désignés à l'article 38 du projet de loi 135, par 1°, 2°, 3°, 4°, 5° et 7°, fassent partie de ces conseils d'orientation un autre membre représentatif des organismes musicaux de la région concernée et, enfin, un représentant du monde des affaires intéressé par le développement culturel de sa région. De fait, nous désirons une représentation égale des intervenants du Conservatoire, c'est-à-dire l'interne, et des organismes du milieu musical et régional, c'est-à-dire l'externe, ce qui nous semble plus équitable et davantage collé à l'esprit de ce projet de loi.

Le Président (M. LeSage): Mme Asselin, vous voulez poursuivre?

Mme Asselin (Françoise): S'il vous plaît, sur les commissions des études. Nous remarquons que le rôle conféré aux commissions des études serait quelque peu restrictif et que, dans le libellé actuel de l'article 35, on fait abstraction de tout lien avec le marché du travail. Ceci nous semble une lacune et en non-concordance avec l'esprit du projet de loi et aussi la mission du Conservatoire. Aussi, désirons-nous y voir inscrire des éléments sur le cheminement pédagogique qui feraient appel à une étroite collaboration avec les organismes du milieu musical et qui concerneraient l'intégration au marché du travail et, entre autres moyens, l'organisation de stages. À cet effet, nous souhaitons qu'une des fonctions de la Commission des études musicales soit de veiller au cheminement pédagogique des étudiants en ayant à l'esprit leur intégration au marché du travail et, pour ce faire, qu'elle ait aussi pour fonction de créer de nouveaux partenariats avec les organismes du milieu musical. De plus, pour des raisons apparentées à celles déjà évoquées dans le cas des conseils d'orientation, nous aimerions améliorer la représentativité à la Commission des études musicales, donc qu'on y ajoute, entre autres, des membres.

Nos suggestions sont les suivantes: à l'article 31.4°, que, pour les deux élèves en musique, l'on spécifie que l'un provienne d'un établissement en région et l'autre, de l'établissement de Montréal — si, tel que prévu, l'établissement de Montréal doit assumer un rôle particulier; à l'article 31.6°, que l'on ajoute également deux personnes représentatives du milieu de la musique, dont une proviendrait d'une région et une autre de Montréal.

Au niveau des dispositions financières, l'article 48 devrait être reformulé, pensons-nous. Ainsi, il nous semblerait plus normal et plus cohérent, surtout dans la conjoncture actuelle, que, si le Conservatoire «doit intégrer dans son budget, comme dépense, son déficit», il doive également intégrer dans son budget ses surplus, et ce, dans le sens suivant: qu'il y ait déficit ou surplus, les octrois annuels du gouvernement demeureraient les mêmes. Ainsi, si le Conservatoire recevait un don important, il pourrait le conserver et soit l'appliquer à combler un déficit ou le réserver pour un usage ultérieur.

Le Président (M. LeSage): Oui, M. Brochu.

M. Brochu (Jacques): Au regard des diverses considérations que nous venons de vous exposer, le Comité Québec de l'Association des orchestres canadiens recommande que le projet de loi 135, Loi sur le Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec, soit amendé et que la formulation proposée des articles suivants soit retenue, ou toute autre formulation de nature similaire qui conserverait le sens des recommandations qui précèdent.

Comme exemple, à l'article 18: «Le Conservatoire a pour objets d'administrer et d'exploiter dans diverses régions du Québec des établissements d'enseignement aux fins de»: 1° dispenser de façon continue de la formation professionnelle répondant à de hauts standards de qualité et du perfectionnement, aux interprètes et créateurs, dans les domaines de la musique et de l'art dramatique; 3 e susciter et favoriser dans le milieu la présence et le développement d'organismes essentiels à la vie musicale.

À l'article 31: «La Commission des études musicales est composée des membres suivants»: 4° deux élèves en musique à temps complet du Conservatoire, l'un provenant d'un établissement en région et l'autre de celui de Montréal, «nommés conformément...»; 6° deux personnes représentatives des organismes de musique, nommées par les membres en fonction de la Commission des études, la première de la région de Montréal et la seconde d'une autre région où se situe un établissement du Conservatoire. (16 h 30)

À l'article 35: «Les commissions des études ont pour fonction, dans leur domaine respectif, de conseiller le Conservatoire sui toute question concernant le régime pédagogique, les programmes d'études dispensés par le Conservatoire et l'évaluation des apprentissages, y compris les procédures de sanction des études», et de favoriser, dans le milieu musical, de nouveaux partenariats nécessaires à une démarche pédagogique continue et visant à faciliter l'intégration des finissants du Conservatoire au marché du travail.

À l'article 38: «Le conseil d'orientation d'un établissement d'enseignement de la musique est composé des membres suivants». Les paragraphes 1°, 2°, 3° et 4° de cet article demeureraient tels quels.

L'actuel 38.5° deviendrait 38.6°, pour être remplacé, à 5°, par: 5° un ou deux représentants des orchestres locaux, selon le cas, nommés après consultation desdits orchestres, en premier lieu, et, si nécessaire, en second lieu, après consultation du Comité Québec de l'Association des orchestres canadiens, sinon de tout autre organisme représentatif des orchestres du Québec.

Le 7° resterait le même, tel quel. 8° une ou deux personnes, nommées par les autres membres du conseil d'orientation en fonction, représentatives d'autres organismes musicaux de la région concernée.

Et, enfin: 9° une personne, nommée par les autres membres du conseil d'orientation en fonction, du monde des affaires intéressée au développement culturel de sa région.

L'article 45: Le conseil d'orientation doit être consulté au moins deux fois l'an par le Conservatoire sur les différentes dispositions.

Et, enfin, à l'article 48: «Le budget maintient l'équilibre entre, d'une part, les dépenses et, d'autre part, les subventions octroyées par le ministre au Conservatoire et ses autres revenus.»

Le Conservatoire, donc, doit intégrer dans son budget, comme revenu, ses surplus, s'il en est.

M. le Président, Mme la ministre, les membres de la commission, nous vous transmettons respectueusement ce mémoire.

Le Président (M. LeSage): Alors, merci, messieurs, mesdames. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Frulla: Merci, M. Brochu. D'abord, je remercie tous les représentants du Comité Québec de l'Association des orchestres canadiens. Maintenant, ce que je retiens de votre présentation, c'est que, dans l'ensemble, le projet de réforme répond aux besoins du milieu musical et, aussi, régional. Maintenant, c'est d'autant plus important pour nous quand on considère le rôle majeur des orchestres symphoniques auprès des jeunes de la relève.

Et je voudrais revenir un peu à ce que vous avez dit quand vous avez parlé de partenariat. Il y a des exemples assez concluants, soit au concert annuel de l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières, par exemple, avec les élèves avancés du conservatoire de Trois-Rivières qui participent à la tenue de ce concert-là, ou,

encore, la participation active des professeurs et des élèves du conservatoire de Chicoutimi qui participent aux activités de l'Orchestre symphonique du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Alors, quand on parle de partenariat entre toutes les diverses instances du milieu, autant au niveau de la Guilde, autant au niveau des professeurs et élèves du Conservatoire, par exemple, pour vous, là, j'aimerais ça que vous élaboriez un peu là-dessus.

D'abord, est-ce que c'est important, d'après vous, pour la formation des élèves, que cette participation occasionnelle des élèves, par exemple, dans un orchestre qui est, évidemment, formé de professionnels, d'une part? Est-ce que cette pratique devrait se continuer? Et, enfin, est-ce que, finalement, elle devrait aussi se développer, si on veut, et ce, un peu dans toutes les régions du Québec?

Le Président (M. LeSage): M. Brochu.

M. Brochu (Jacques): Sans prendre la place... Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Allez-y, M. Brochu.

M. Brochu (Jacques): Sans prendre la place des musiciens qui sont déjà en place, c'est certain, il faudrait donner la chance à nos musiciens en région, à nos gens qui sont en instance de devenir des musiciens professionnels, la chance et l'occasion de se manifester au niveau des orchestres symphoniques, ou des orchestres de chambre, ou de différents orchestres au niveau du Québec. Vous savez qu'il y a un chiffre d'affaires d'environ 30 000 000 $ au Québec, en ce qui concerne les orchestres symphoniques, les orchestres de musique de chambre et autres orchestres, ce qui représente, à peu près, 400 à 425 représentations au niveau du Québec, ce qui est, à notre sens, assez important.

Alors, pour nos jeunes qui ont besoin de performer, ont besoin de se mesurer, ont besoin, dans leur stage pédagogique, dans leur évolution pédagogique, de se manifester, on se doit, en tant que société, nous croyons, de donner la chance à ces personnes de se manifester au niveau des orchestres symphoniques.

Mais, M. Gélinas, peut-être, peut en parler un petit peu plus longuement sur les expériences qu'il a vécues, à ce niveau-là, avec le Conservatoire; ce fut enrichissant, autant pour les musiciens, autant pour nos mélomanes. Avec ces gens, nous pouvons produire des concerts que nous ne pourrions peut-être pas produire si nous n'avions pas la collaboration précieuse des conservatoires. On ne pourrait pas faire la Huitième de Mahler, on ne pourrait pas interpréter des oeuvres volumineuses, si nous n'avions pas la participation de certaines personnes du Conservatoire; d'une façon sporadique, j'entends.

Alors, M. Gélinas, je ne sais pas si...

Mme Frulla: Est-ce que vous rencontrez des obstacles à ça? Parce que la pratique, finalement, ce devrait d'être, comme je vous dis, sans remplacer, si on veut, les musiciens professionnels, parce que ce n'est pas le cas et ce n'est pas la volonté non plus, mais, au moins, de donner l'occasion aux jeunes de, justement, jouer et de performer, si on veut, avec des musiciens professionnels, puisque c'est une façon pour eux, évidemment, de plonger, finalement, dans la pratique.

Alors, est-ce qu'il y a des obstacles à ça? Parce que j'aimerais voir, finalement, cette expérience-là peut-être de façon un peu plus fréquente ou encore étendue, si on veut, à travers le Québec.

Le Président (M. LeSage): M. Gélinas.

M. Gélinas (Daniel): II faut bien comprendre que l'important... C'est évident que la participation des conservatoires au niveau des orchestres peut prendre diverses formes, parce que chaque région, chaque conservatoire vit dans des milieux qui sont différents. Il y en a qui ont des orchestres, il y en a qui n'en ont pas; des orchestres professionnels et d'autres non. Je pense que ce sera à chacun des conseils d'orientation de déterminer quelle forme pourra prendre la participation du Conservatoire au niveau de son milieu musical.

En ce qui concerne... Et je voudrais attirer votre attention sur cet aspect-là: vous avez parlé de la participation de certains étudiants avancés à l'intérieur des concerts de l'orchestre. Il faut bien faire attention, et ça, je pense que ça pourrait être relevé, sur le fait que les musiciens qui doivent participer à ces concerts-là, il faut que ça corresponde très bien à leur cheminement pédagogique, alors faire attention au type de programme qui sera présenté pour que ce programme-là convienne bien au cheminement pédagogique de chacun des étudiants.

D'autre part, aussi — ce qui est un aspect important — il va falloir que les orchestres et la Guilde des musiciens du Québec puissent s'entendre sur une formule qui pourra permettre cette implication-là des étudiants du Conservatoire dans les orchestres — ce qui n'est pas nécessairement fait actuellement — et voir de quelle manière tout ça peut se faire; et ça, ça devra se faire. Nous, on peut le faire déjà, depuis quelques années, mais c'est des choses qu'il faut négocier. Les autres orchestres, aussi, probablement qu'il va falloir qu'ils déterminent de quelle manière ils vont procéder dans ce genre d'implication là.

Mais on considère essentiel et très important que les musiciens du Conservatoire puissent être intégrés de diverses façons — ne serait-ce que par des stages dans les concerts, etc. — dans les orchestres, parce que c'est le foyer même d'une expérimentation qui est extrêmement enrichissante pour eux autres. Et, d'autre part, c'est leur futur milieu de travail, vraiment, le milieu dans lequel ils vont probablement évoluer plus tard.

Le Président (M. LeSage): Mme la ministre. Mme Frulla: On a beaucoup parlé, évidemment,

du rayonnement des conservatoires en région et du rôle des conservatoires en région. Et, encore une fois, s'il faut apporter des amendements à l'article 18 pour vraiment refléter notre volonté que les conservatoires demeurent des lieux d'excellence, tels que dans l'orientation ou, enfin, la vocation modifiée de 1989, nous allons le faire. Mais notre volonté, c'est vraiment que les conservatoires en région restent des endroits où l'on dispense une formation supérieure basée sur l'excellence.

Maintenant, on sait que la participation de ces élèves-là est indispensable à une formation avancée en région; la participation, s'entend, à vos orchestres. Maintenant, vous parlez d'une négociation, par exemple, avec la Guilde. Est-ce qu'il y a des problèmes à ce niveau-là? Et je dois vous le dire, là, d'emblée — nous allons entendre la Guilde tantôt — qu'on entend, là, qu'il peut y avoir aussi certaines obstructions, sachant que, si on veut que les conservatoires soient des pôles essentiels en région — et on parle et on continue à dire que les régions, c'est important — il faut dispenser de cette formation professionnelle. Il faut que l'étudiant puisse travailler ou, enfin, apprendre en région, aussi, et ne pas être défavorisé et être obligé, finalement, de s'en aller dans les grands centres. Il me semble que leur expérience aussi est nécessaire.

M. Gélinas (Daniel): Effectivement.

Mme Frulla: Parce que vous parlez de négociation: Est-ce que ça se fait, est-ce que ça se fait de façon positive?

Le Président (M. LeSage): M. Gélinas.

M. Gélinas (Daniel): Je pourrais vous dire que, actuellement, je pense que, dans le cas de Trois-Rivières, ça devrait être réglé dans les... On en a même d'ailleurs discuté juste vendredi dernier. Alors, je pense qu'on devrait en arriver à une entente qui pourra permettre aux étudiants du Conservatoire, dans le cas de Trois-Rivières, dans le cas de participation à des concerts, qui est une des formes, je crois, de participation du Conservatoire, parce qu'il peut y en avoir plusieurs autres, mais cette forme-là devrait être réglée d'ici une semaine ou deux. Ce n'est pas entièrement réglé, mais je pense qu'il y a une ouverture de ce côté-là.

Mais, je pense que, si on n'a pas d'entente à ce niveau-là, il y aura une incohérence entre ce que la loi veut, et ce que les conservatoires voudront, et ce qu'on pourra faire en région en tant qu'orchestres. Alors, éventuellement, il va falloir que les gens, les représentants des musiciens professionnels se positionnent sur cette question-là, absolument.

Le Président (M. LeSage): Mme la ministre. (16 h 40)

Mme Fru'ia: À la fin, vous proposez, finalement, d'élargir la composition des conseils d'orientation.

Maintenant, en ce qui concerne le principe même de l'établissement de ces conseils, est-ce que vous croyez qu'ils favorisent une plus grande synergie entre les conservatoires, aussi, et les organismes musicaux? Vous allez jusqu'à dire que les conseils d'orientation devraient être consultés deux fois l'an. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus un peu.

M. Brochu (Jacques): On dit souvent, Mme la ministre, à tort, que, être cultivé — je...

Le Président (M. LeSage): M. Brochu.

M. Brochu (Jacques): ...m'excuse toujours, M. le Président — qu'une personne cultivée est une personne qui, de temps en temps, va à un concert, va à un musée, écoute un peu de la musique classique, va à différents endroits pour se récréer. Mais, en réalité, la culture, chez un individu, ou une société, ou un peuple, ce n'est pas seulement ça; ce n'est définitivement pas ça. C'est une façon de vivre, c'est une façon de se récréer, une façon de boire, de manger, de faire de la politique, c'est une façon de dialoguer avec les gens. C'est une question d'améliorer ses connaissances, d'améliorer son état personnel.

Dans le système d'éducation actuel, nous n'avons pas de système intégré au niveau culturel. Et je vois l'article 4, deuxième alinéa, je crois qu'il y a une ouverture, avec les deux personnes du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, à cet effet-là. Le fait d'avoir des organismes de consultation, d'orientation dans notre milieu, où les gens du milieu seront capables de s'exprimer et d'échanger, de se connaître, de dialoguer et de voir réellement les besoins du milieu, il va se développer, définitivement — et c'est prouvé dans différents autres domaines, que ce soit dans le sport ou dans l'économique — une synergie profitable au niveau du domaine musical, et nous y sommes favorables.

M. Gélinas (Daniel): Peut-être sur la question de la consultation, Mme la ministre...

Le Président (M. LeSage): M. Gélinas.

M. Gélinas (Daniel): ...juste pour compléter.

Le Président (M. LeSage): Allez-y.

M. Gélinas (Daniel): Pourquoi on a insisté sur le fait que ce conseil d'orientation là devrait être consulté deux fois l'an? C'est pour une question tout à fait pratique. Je pense que, n'ayant aucun pouvoir en tant que tel, ces conseils d'orientation là, si le Conservatoire n'envoie jamais de «in» ou n'envoie jamais d'avis de consultation sur rien, je crains que ces comités d'orientation là ne se réuniront jamais, ou pratiquement jamais, à moins d'avoir vraiment quelque chose d'intéressant à discuter. C'est la raison pour laquelle on veut que le Conservatoire consulte au moins deux fois l'an.

Le Président (M. LeSage): Merci. Mme la ministre. Alors, M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Mesdames, messieurs, merci pour votre présentation. Je tiens à souligner la qualité du mémoire, qui a sans doute été rédigé dans des délais assez réduits, compte tenu des délais qui étaient ceux que les membres qui se présentent devant nous ont eus pour préparer leur présentation. Je reconnais aussi l'oeuvre de gens qui sont soucieux de faire progresser le débat, compte tenu du ton nuancé que vous proposez, que vous utilisez dans votre mémoire.

Je vous poserais une question très directe: Vous signifiez votre appui au projet de loi 135. Cependant, vous émettez un certain nombre de réserves. Nous aurons la responsabilité, comme membres de cette commission, d'appuyer ou non ce projet de loi. Et, dans la mesure où vos commentaires et vos suggestions n'étaient pas retenus, est-ce que vous nous inviteriez à voter et à appuyer le projet de loi, ou si plutôt vous seriez de ceux qui nous conseilleraient de surseoir à l'adoption du projet de loi?

Le Président (M. LeSage): M. Brochu.

M. Brochu (Jacques): II demeure que, dans l'ensemble, ce projet de loi est très positif, et il s'inscrit dans une politique culturelle déjà amorcée depuis longtemps, et nous sommes favorables. C'est sûr que les aménagements, s'ils n'étaient pas adoptés, ou s'il n'était pas tout simplement modifié, on serait déçus, mais on appuierait quand même ce projet de loi, parce qu'il y a beaucoup là-dedans et nous en sommes arrivés là. Je pense qu'il faut arriver à quelque chose de positif.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Est-ce que vous estimez qu'il est important de procéder rapidement? Les intervenants précédents nous ont fait valoir qu'il y avait lieu de procéder à davantage de discussions sur cette question. Est-ce que je peux vous demander, d'une part, si vous avez été consultés sur les orientations ministérielles qui ont été rendues publiques au mois de juin 1993? Et, deuxièmement, est-ce que vous estimez, pour vous, qu'il est impérieux d'agir en cette matière?

M. Brochu (Jacques): Je vais répondre... Le Président (M. LeSage): M. Brochu.

M. Brochu (Jacques): ...au deuxième volet de votre question, si vous le permettez, et laisser Mme Laplante répondre au premier volet.

Nous n'avons pas été consultés d'une façon directe. Nous avons eu des échanges indirects avec certaines personnes, mais pas plus que ça. Donc, on n'a pas été consultés à cet effet.

Le Président (M. LeSage): Mme Laplante, vous voulez poursuivre?

Mme Laplante (Louise): II est vrai que cette consultation est venue peut-être tardivement, mais il s'est trouvé que nous nous sommes tous précipités à cette consultation tant elle était attendue. Donc, dans un délai très court, nous sommes venus vous rencontrer. Nous avons pris le temps d'examiner très sérieusement la proposition.

Je me suis amusée, au cours des jours qui ont suivi, à relire le rapport de la commission Parent. C'est là que je vais vous répondre: Oui, c'est urgent; ça fait 23 ans, 24 ans qu'on attend un changement et une ouverture sur le milieu. Et c'est là que nous sommes favorables. Évidemment, il y a peut-être des problèmes internes que nous n'avons pas eu le temps d'examiner et qui, peut-être, ne sont pas de notre ressort. Mais, tout ce qui concerne l'externe, l'ouverture sur le milieu, la participation en région, les conséquences sur le milieu du travail, ça, ça nous intéresse au plus haut point, et, oui, il y a une urgence. Nous sommes les employeurs éventuels de ces étudiants, et il doit y avoir une concertation entre la formation et le marché du travail.

M. Boisclair: M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: ...je souscris tout à fait à ces propos. Je pense qu'il n'y a personne ici, alentour de cette table, qui ne serait pas assez généreux pour dire autrement. Cependant, cette dure réalité qui nous confronte, c'est celle d'un contenu d'un projet de loi rédigé de façon souvent très technique, article par article. Et notre objectif, à ce moment-ci, c'est d'essayer, justement, de réconcilier cette volonté d'ouverture sur le milieu, qui nous anime tous, avec le contenu du projet de loi.

Et comment, justement, arrivez-vous à réconcilier cette ouverture souhaitée avec — je donne trois exemples qui m'apparaissent importants — d'une part, l'article 75, qui fait l'objet de dispositions quant à la transition, où, à mon humble avis, en faisant place uniquement aux gens qui seront nommés par les différents ministères, pour des tâches qui seront significatives et qui donneront le ton aux travaux du nouveau conseil d'administration, ce seront essentiellement des gens que je pourrais appeler, là, nommés par la ministre, où l'affiliation sera quand même assez facile à deviner...

Et aussi, ne croyez-vous pas qu'il serait opportun de, justement, préciser, dans ce projet de loi, l'importance de maintenir ces conservatoires en région, en spécifiant peut-être, entre autres à l'article 18, de nommer les conservatoires qui dispensent, à l'heure actuelle, une formation?

Le Président (M. LeSage): M. Gélinas, ou...

Mme Laplante (Louise): Bon, je peux répondre. En ce qui concerne l'article 75, c'est justement parce qu'elle est transitoire qu'il n'y a point d'inquiétude. Si elle est transitoire, elle n'est que transitoire, et le conseil d'administration a tout le loisir d'en étudier les différentes implications. En ce qui concerne l'autre question de nommer les régions, ça, je serais assez favorable, dans un premier temps, à les nommer, de manière à préserver les acquis.

M. Boisclair: Vous me permettez un commentaire. Je ne partage pas votre point de vue quant à l'article 75, en comprenant que c'est ce conseil qui aura la responsabilité d'édicter les règlements qui sont visés aux différents articles du projet de loi. Et non seulement aura-t-il la responsabilité de les édicter, mais aussi, dans ce règlement, il aura la responsabilité de prévoir de quelle façon on pourra modifier ces règlements. Et il y a toutes sortes de façons qui peuvent nous faire craindre... Je ne dis pas que ces gens ne seront pas de bonne volonté, mais, dans le corps de ce projet de loi, où nous devons, nous, comme législateurs, décider du niveau de délégation, nous croyons qu'il serait plus sage de procéder autrement.

Toujours sur cet article 18, je voudrais maintenant avoir votre compréhension, vous qui représentez... il y a des gens de Trois-Rivières, des gens de Laval. Vous avez une riche expérience du travail, du produit — si je peux utiliser cette expression — en tout cas, de la formation qui est dispensée par les conservatoires. Un des alinéas de cet article, qui suscite beaucoup de commentaires, est le second alinéa, où on nous dit: «...susciter et favoriser une formation initiale». (16 h 50)

Vous nous proposez, dans votre mémoire, un certain nombre d'amendements, sans cependant décider ou proposer une hiérarchie, ou sans proposer de façon claire, par votre amendement, de modification au second alinéa. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, pour les législateurs, de s'assurer d'une espèce de verrou, d'un plancher minimal pour s'assurer que, dans chacune des régions où les conservatoires sont présents, une formation terminale, supérieure puisse continuer à s'offrir? Je vois mal, par exemple, ce qu'il adviendrait de l'Orchestre symphonique de Chicoutimi, ou peut-être de Trois-Rivières, si justement cette formation terminale ne s'offrait plus en région.

Le Président (M. LeSage): Alors, Mme Asselin, allez-y.

Mme Asselin (Françoise): Merci, M. le Président. II nous est apparu important de le préciser, et c'est dans le paragraphe 1 ° que nous avons précisé cette préoccupation-là, en précisant que la vocation ou la mission serait de dispenser de façon continue, c'est-à-dire du début jusqu'à la fin du processus, de la formation professionnelle répondar* à de hauts standards de qualité et du perfectionnement aux interprètes et aux créateurs.

Donc, en ce sens-là, au lieu de l'indiquer au paragraphe 2°, c'est au paragraphe 1°, où cette mission, elle est là autant pour la formation professionnelle en musique qu'en art dramatique, tandis que, dans le paragraphe 2°, ça se liait seulement à la musique. Donc, on a voulu s'assurer que ce processus-là était continu et de qualité, donc qu'on pouvait le permettre.

Et, dans l'introduction, nous avons bien dit que nous serions moins enthousiastes de l'adoption du projet de loi s'il ne visait pas à la consolidation des sept établissements et au maintien de l'enseignement d'une variété intéressante d'instruments dans chaque établissement. Ça fait que je pense que notre préoccupation a été exprimée là.

M. Boisclair: Donc, vous proposez indirectement la suppression du second alinéa si...

Mme Asselin (Françoise): Pas nécessairement, parce qu'on ne le voyait pas de la même façon à ce niveau-là.

M. Boisclair: Vous estimez que c'est compatible.

Le Président (M. LeSage): Alors, si vous le permettez, je veux tout simplement souligner, avant de suspendre les travaux, qu'il reste 11 minutes au parti ministériel et neuf minutes à l'Opposition.

Comme je l'ai mentionné tantôt, le président de l'Assemblée nationale doit rendre une décision très importante, et je pense qu'il est important que les parlementaires y assistent. Alors, je suspends les travaux pour quelques instants.

M. Boisclair: M. le Président, pour éviter de retenir ces gens inutilement, on pourrait...

Le Président (M. LeSage): On m'indique qu'il y a entente pour faire des conclusions rapides. Alors, M. le député de Gouin, vous avez une minute.

M. Boisclair: Tout simplement vous remercier de votre présentation. J'aurais aimé revenir sur vos amendements à l'article 31 qui me semblent, dans les circonstances, pertinents. Nous devons élargir la composition des conseils d'orientation. Mais je m'en voudrais donc de ne pas vous rappeler, cependant, les dispositions de l'article 44 qui me font craindre, justement, sur le mandat qui sera celui des conseils d'orientation. Il m'appa-raît qu'ils seront, à la limite, consultatifs et que cette volonté que nous partageons se traduira difficilement, compte tenu de 44 et 45, même si on élargit.

Et votre proposition, d'ailleurs, d'élargir à des gens du milieu et peut-être à des gens d'affaires, m'apparaît pertinente, mais il faut aussi travailler sur 44 et 45 pour s'assurer que ces gens-là fassent vraiment oeuvre utile.

Le Président (M. LeSage): Merci.

M. Boisclair: Je vous remercie beaucoup de vous être déplacés.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Gouin. Mme la ministre.

Mme Frulla: Rapidement, encore. Moi aussi, je vous remercie. D'une part, soyez sûrs que vos recommandations seront regardées très sérieusement.

Maintenant, je veux seulement revenir à ce qui est véhiculé au niveau de l'article 75, par exemple. À vous tous, là, c'est très difficile d'avoir un conseil d'administration nommé et entier, puisque l'article 75, comme vous l'avez si bien dit, Mme Laplante, c'est qu'il y a une partie du conseil d'administration qui va être là pour des dispositions totalement administratives, mais on ne peut pas avoir les gens qui sont élus dans une corporation qui n'existe pas. Alors, de là le besoin de créer cette corporation.

Finalement, je tiens à vous rappeler que c'est impossible, aussi, que les étudiants aient une diploma-tion reconnue si on observe, pour l'instant, le statu quo et que les corporations ne deviennent pas des personnes morales. De là, évidemment, quand on parle d'urgence, oui, il y a urgence, parce que plus on attend et plus ces élèves-là sont pénalisés. Alors, voilà pourquoi l'urgence. Merci.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la ministre. Alors, MM., Mmes les représentants de l'association des orchestres symphoniques, je vous remercie de votre participation à nos travaux. Et, lorsque nous reprendrons les travaux, tantôt, nous entendrons la Guilde des musiciens du Québec.

Je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 55)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. LeSage): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux.

Je vous rappelle le mandat de la commission de la culture qui est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 135, Loi sur le Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec.

Je demanderais aux représentants de la Guilde des musiciens du Québec de bien vouloir s'avancer pour présenter leur mémoire.

Est-ce que Mme Gisèle Frechette est présente?

Alors, en l'absence des représentants de la Guilde des musiciens du Québec, nous procéderons avec le Syndicat des professeurs de l'État du Québec.

M. Boisclair: En comprenant, M. le Président, qu'on pourra entendre la Guilde après, s'ils sont présents.

Le Président (M. LeSage): Effectivement, après le Syndicat des professeurs de l'État du Québec, si Mme Frechette, qui représente la Guilde des musiciens du Québec, est présente, nous procéderons par la suite avec Mme Frechette. Alors, les représentants du Syndicat des professeurs de l'État du Québec, si vous voulez bien vous avancer.

Alors, je comprends que M. Luc Perron est le porte-parole du Syndicat des professeurs de l'État du Québec. M. Perron, je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et je vous demande également de présenter les personnes qui vous accompagnent.

(Consultation)

Le Président (M. LeSage): Alors, M. Perron.

Syndicat des professeurs de l'État du Québec (SPEQ)

M. Perron (Luc): Oui. Luc Perron. À ma droite, Yvon Thiboutôt, professeur au Conservatoire d'art dramatique de Montréal depuis quelques années, c'est-à-dire depuis 1967, et, à ma gauche, Jean-Guy Proulx, organiste et professeur au Conservatoire de musique de Rimouski depuis de nombreuses années.

Nous venons de remettre à Mme Frulla 422 signatures qui lui demandent de remettre, si vous voulez, le travail à l'oeuvre, c'est-à-dire de surseoir à ce projet de loi 135. Nous venons aussi de lui remettre deux lettres qui appuient notre démarche: M. Joseph Rouleau, professeur à l'UQAM, chanteur, et Mme Françoise Bertrand, présidente de l'Académie de musique du Québec, qui demandent aussi à la ministre, si elle le veut bien, si elle le désire, bien sûr, au nom de la formation professionnelle d'interprètes et de créateurs, de surseoir à ce projet de loi. (20 h 10)

Nous remercions la ministre, Mme Frulla, nous remercions M. Boisclair, porte-parole de l'Opposition, et les autres membres députés de cette commission de la culture de nous avoir invités. Nous formulons le souhait que l'acte démocratique, par la représentation que nous assumons, se transpose dans le contexte des relations entre des compétences culturelles et la technocratie à l'intérieur de l'administration publique. Nous pensons que la politique est malheureusement déphasée par le poids technocratique des administrateurs.

Nous vous demandons, Mme la ministre, dans un premier temps, de surseoir à ce projet de loi et nous vous disons pourquoi. Et, par la suite, nous sommes prêts, si vous voulez vous compromettre en toute liberté, à identifier ensemble les moyens les plus appropriés pour assurer la pérennité, que vous utilisez à bon escient, du réseau des neuf conservatoires.

Tout d'abord, nous vous présenterons, entre autres, trois prémisses fondamentales dont l'oubli permanent a toujours entraîné une lecture strictement

comptable de la formation professionnelle obnubilée par trois concepts: efficience, efficacité et rendement. À cette occasion, nous ferons écho des conséquences du nouvel Hydro-Québec de 1963.

Nous aborderons ensuite le thème de la technocratie sans la culture, soit la valorisation d'une administration nullement préoccupée par son objet, à savoir la formation professionnelle d'interprètes et de créateurs. Nous poursuivrons en relisant ensemble très succinctement l'empreinte des compétences culturelles qui auraient dû sensibiliser l'appareil administratif dans l'écriture de ce projet de loi 135.

Puis, notre mémoire portera sur une analyse comparative entre un modèle législatif développé en vase clos par l'administration et un autre développé par les intervenants en prise directe avec la culture du milieu et sa clientèle.

Enfin, nous formulerons à cette commission notre demande, à savoir que la politique tienne compte des impératifs de la formation professionnelle formulés par les professeurs artistes, et notre souhait de collaborer à la rédaction d'un autre projet de loi, pour conclure sur un partage de responsabilités culturelles — et je précise et je vous lis très bien ce que j'ai devant moi — donnant accès à la renégociation de toutes les conditions de travail.

Le Conservatoire: son efficience, son efficacité, son rendement, abus de concepts en termes de lecture administrative d'une appréciation culturelle de la formation professionnelle. Rappelons-nous trois prémisses fondamentales. Une a été mentionnée ce matin, nous ne reviendrons pas dessus: la nécessité de la masse critique. Une deuxième prémisse fondamentale, c'est que la formation, elle est personnalisée, au Conservatoire, et sa progression se fait souvent à un rythme différent du cheminement pédagogique traditionnel. La troisième prémisse, qu'on oublie souvent, c'est qu'il existe au Québec un espace culturel propice au développement de la formation professionnelle.

On vous cite dans le rapport qu'on constate, dans le rapport Arpin, que 60 % des Québécois ne vont jamais à une représentation théâtrale en saison, à un concert ou à un spectacle de danse classique ou moderne. Donc, il y a un espace culturel certain.

Que serions-nous devenus aujourd'hui si la constitution, en 1963, du nouvel Hydro-Québec n'avait pas été réalisée? Hydro-Québec a ouvert aux Québécois des emplois de cadres administratifs, d'ingénieurs et de techniciens. Les neufs conservatoires peuvent constituer cette force culturelle dans chacune des régions pour rendre accessible dans chaque foyer la raison d'être des conservatoires. La culture peut déterminer l'emplacement d'une entreprise. Avis aux sept régions dans lesquelles se trouvent les conservatoires.

Nous vous avions déposé un mémoire, le 20 novembre 1991, qui répondait à la pertinence d'investir dans cette formation professionnelle d'interprètes — instrumentistes, chanteurs, chefs d'orchestre et comédiens — et de créateurs — compositeurs, metteurs en scène et scénographes — lequel mémoire précisait par 24 recommandations comment améliorer ce réseau. À ce moment-là, le 20 novembre 1991, une affiche de 230 diplômés du Conservatoire de musique et d'art dramatique, de grande renommée, vous fut remise. Ce dépôt du 20 novembre 1991 fut suivi d'un silence administratif.

Les activités artistiques nombreuses dans chacun des conservatoires occupent un espace culturel considérable dans chacune des régions. Pamphlets, brochures et autre documentation disponible tracent l'imposante foison de jeunes talents prometteurs. La stricte approche comptable ne peut pas décemment être l'unique questionnement envisagé. Si tel est le cas, comme nous le pensons, cela confine à l'écriture des différents articles de ce projet de loi.

Nous affirmons que ce questionnement — une approche comptable réductrice — néglige des éléments importants pour décider de l'avenir de ces maisons d'enseignement. Ce projet de loi 135 traduit l'incapacité de l'administration d'apprécier les grands talents québécois formés dans les conservatoires.

Le Vérificateur a déjà analysé le travail fait dans les conservatoires. Cela nous avait permis, à ce moment, d'écrire que l'administration n'avait pas sensibilisé le Vérificateur sur la spécificité de la formation professionnelle musicale et théâtrale et sur les caractéristiques du travail des professeurs artistes.

La technocratie, elle est sans culture. Le 29 septembre 1977, M. Uriel Luft exprimait ses vues d'une réforme administrative affectant les structures de l'enseignement dans ce réseau. Elles correspondaient à ceci: l'amputation des troisième et quatrième cycles dans les conservatoires autres que Montréal et Québec et la transformation du quatrième cycle en une école de perfectionnement avec des classes de maîtres. Les motivations administratives d'alors prédominaient l'élan de ce changement.

À ces propos, les étudiants, ce matin, ont très bien répondu devant vous. La culture de terrain dans ce mémoire imprime sa trace dans la vision qu'avait M. Wilfrid Pelletier, eminent musicien et premier directeur du Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec en 1942. D'ailleurs, un document intitulé «Les origines du Conservatoire de musique du Québec» dévoile cette «institution prestigieuse et unique qui fait l'envie de plusieurs pays», propos tenus par la Direction des communications de votre ministère.

Pourquoi la bureaucratie administrative ne pense-t-elle pas comme ce grand maître qui disait ceci: «J'ai passé 19 ans à cette direction et toutes ont été de belles années remplies des joies que l'on peut connaître en voyant s'éveiller de vrais artistes»?

Loin de véhiculer une mémoire de l'histoire culturelle des conservatoires, l'administratif, depuis 1978, à intervalles réguliers, a analysé différentes manières de sortir les conservatoires, institution nationale, écoles gratuites et publiques, du ministère, par des

velléités de lui revêtir des habits juridico-administratifs variés: en 1978, celui d'une régie; en 1980, celui d'une constituante de l'Université du Québec; en 1984, celui d'un cégep — nous avions été informés alors par Le Soleil, le 6 avril 1984 — et, en 1989, celui d'une société d'État — nous avions été informés aussi parce que nous avons lu Le Soleil, le 22 janvier 1989.

Relever cette attitude administrative facilite l'inclinaison d'agir au nom d'une intention noble de la pérennité du Conservatoire, par exemple, sans tenir compte malheureusement de la culture du terrain, de la réalité. Le développement d'une telle attitude administrative leur permet même d'écrire ceci dans un document interne, dans votre ministère de la Culture: «Bien identifier ce à quoi on tient. En dehors de cela: ne pas craindre de gratifier le personnel de toutes les façons possibles: pour le reste, s'aligner sur les pratiques usuelles du monde de l'éducation.» Alors, Machiavel n'aurait pas écrit mieux que cela.

À cela s'ajoute un projet de réforme précipité, des orientations ministérielles écrites déposées le matin même d'une réunion avec l'organisation représentative des professeurs artistes, le 1er juin 1993, une obligation d'y répondre durant la période de vacances des professeurs et le dépôt de ce projet de loi, le 11 novembre 1993, le dernier jour permis pour une possible adoption avant les fêtes. Comme cadeau, on trouverait mieux!

L'insertion des valeurs culturelles dans l'administratif, nous pensons que c'est possible, en autant que vous écoutiez vos 220 professeurs. D'ailleurs, je vous rappelle qu'elles sont dûment classifiées par des équivalences de scolarité. Alors, ça existe — ce sont tous des gens qui ont 18, 19 ou 20 ans de scolarité — le système d'équivalence existe. Ce matin, j'ai été abasourdi de comprendre ou sidéré, si vous voulez, de constater qu'il semble qu'il n'y a pas de possibilité à cet effet-là, alors que cela est. Mille étudiants aussi. Si on les écoute, ça nous permet d'insérer des valeurs culturelles dans l'administratif.

La spécificité du terrain, ça a été largement diffusé aujourd'hui. Il y a six critères particuliers, selon nous, qui la caractérisent. Nous n'y reviendrons pas. J'attire votre attention... Lorsqu'on accepte que la valeur culturelle lie, si vous voulez, l'administratif, ou détermine, ou influence l'administration, je vous rappelle qu'à Rimouski on n'a pas attendu qu'il y ait une salle de concert. Malgré qu'il n'y en ait pas, de salle de concert, les amateurs de musique de l'Est de la province viennent de former l'Orchestre symphonique de l'Estuaire du Saint-Laurent, et nous les en félicitons. N'est-ce pas là, madame, la manifestation, d'abord, d'une approche culturelle? Il faut féliciter aussi l'orchestre réseau Bell Canada, qui investit 500 000 $ par année depuis 1986. Il n'a pas fait une lecture économique, si vous voulez, de la culture, et lui-même, comme organisation avec but lucratif, avec profit, alors il investit dans la culture. (20 h 20)

Alors, les membres de la commission, cette ré- forme administrative, elle est sans culture. Je vous rappelle l'article 3 de la loi actuelle qui a été reproduit comme tel dans le rapport annuel 1992-1993 du ministère de la Culture. On dit que la loi présente, la loi qui existe, la loi qu'on dit qui est désuète, elle confie le mandat d'assurer la coordination de l'enseignement de la musique et de l'art dramatique, au Québec, au Conservatoire, sans toutefois porter atteinte au développement et à l'autonomie des institutions existantes, et d'aider à la formation professionnelle de compositeurs, de chanteurs, d'instrumentistes et d'acteurs. Alors, c'est tout à fait légal qu'il y ait de la formation professionnelle de dispensée, bien sûr, dans ce réseau des neuf conservatoires.

Cette loi instituait également une commission de l'enseignement de la musique et de l'art dramatique. Cette loi, toujours en vigueur, instituait un comité d'études musicales, un comité d'études dramatiques, des programmes d'études et d'autres dispositions. Pourquoi le pouvoir administratif de cette loi n'a-t-il jamais mis sur pied cette commission de l'enseignement de la musique et de l'art dramatique depuis 1942? Pourquoi l'administration n'a-t-elle jamais mis sur pied ce comité d'études dramatiques et n'a-t-elle jamais fait adopter des programmes d'études au sens de cette loi? Il a existé un comité d'études musicales à intervalles et, depuis 1984, de façon régulière, répondant ainsi aux obligations de cette loi. Malgré l'absence totale d'un comité d'études dramatiques, des programmes d'enseignement hautement adaptés existent, formulés conjointement par les profs et les directions des deux établissements respectifs, et ont permis et permettent toujours aux jeunes comédiens et comédiennes, devenus professionnels, de se tailler une place enviable dans le monde du théâtre, du cinéma et de la télévision.

De plus, j'attire, à cette commission, votre attention sur l'article 17 de cette loi qui existe toujours, qui permet aux conservatoires dans les différentes régions du Québec de se multiplier, comme cela aurait dû être le cas à Sherbrooke, ou d'affilier au Conservatoire toute école supérieure de musique ou d'art dramatique. Pourquoi l'administration s'est-elle si manifestement désintéressée d'appliquer cette loi?

Aussi, j'attire votre attention qu'au Conservatoire d'art dramatique de Montréal ils ont développé, depuis 10 ans, un secteur de formation continue qui s'adresse aux professionnels, contrairement à ce que nous avons entendu aujourd'hui ici.

Nous pouvons affirmer que, si les conservatoires existent toujours, ce n'est pas par l'intégration de l'administration aux impératifs de l'enseignement. Les professeurs artistes par eux-mêmes ont réussi à maintenir le cap. Des générations continuent, à l'étonnement de l'administration centrale, à fréquenter cette institution nationale.

Antérieurement à ce dépôt de projet de loi, l'administration avait été d'une certaine sensibilité auprès de la représentation des professeurs artistes, ce qui avait permis l'endossement d'une réforme administrative

soucieuse de la culture du terrain, détachant l'actuelle direction générale du Conservatoire de la Loi sur l'administration financière mais conservant l'appartenance des professeurs artistes à la Loi sur la fonction publique.

Or, quel est le barrage administratif qui empêchait l'avènement de ce genre de réforme? Il nous est permis de croire que la logique de l'administration publique ne pouvait pas laisser un pouvoir externe à l'administration publique, notre organisation syndicale en l'occurrence, avec sa convention collective, devenir un partenaire compromettant pour le pouvoir autoreproductif de l'administration par elle-même.

Le projet de loi 135 revêt les caractéristiques de la prépondérance de cette approche administrative déterminée par une gestion comptable. Nous vous présentons un tableau synoptique aux fins de faire ressortir la réforme administrative voulue par la technocratie qui est comparée avec le projet de réforme souhaitée par les professeurs. Alors, vous avez, d'une part, une société administrative qui gère des services selon le projet de loi et vous avez, d'autre part, une corporation au service de la formation professionnelle d'interprètes et de créateurs, selon le projet des professeurs du 13 août 1993.

Dans la société administrative, quatre établissements seulement sont nommés; dans la corporation, nous nommions, notamment, neuf établissements. Dans la société administrative, on parle d'une gestion avec des coûts administratifs très onéreux, réduisant d'autant des montants pour la formation professionnelle au sein d'un budget. Puis vous disiez, il n'y a pas longtemps, que vous vouliez grossir le C.A., donc grossir les dépenses, grossir les dépenses administratives, ce qui fait en sorte que, étant considéré une même enveloppe, ça réduit d'autant, si vous voulez, l'argent pour la formation professionnelle.

On parle dans cette loi d'une augmentation du personnel, à l'article 34: un responsable pédagogique par établissement. C'est évident que, dans notre projet, nous ne voulions pas cela, valorisant les responsabilités pédagogiques entre les mains des professeurs.

Dans ce projet de loi, il y a des incantations magiques par l'écriture d'une loi sur les vertus intrinsèques d'un maillage entre le Conservatoire et l'ensemble des autres intervenants dans le domaine de la musique et de l'art dramatique. Or, nous savons depuis quelques années que les liens consolidés entre les conservatoires et certaines écoles ont tendance à s'effriter, compte tenu, si vous voulez, du manque d'encouragement de l'administration à cet effet. Nous, nous parlons d'encouragement à créer des conditions réelles de maillage avec les autres intervenants dans le monde général de l'éducation.

Fascination pour l'administration de contrôler le capital humain et de le remplacer au gré de sa discrétion. Donc, c'est un retour en arrière. L'administration voudrait tout simplement avoir droit de vie et de mort, si vous voulez, sur l'ensemble du personnel. Nous, par ailleurs, nous valorisons davantage la liberté de l'individu par la continuation d'une reconnaissance d'un droit à la stabilité d'emploi et de critères d'évaluation objectifs.

Dans Le Soleil, le 3 décembre, on a pu constater que vous partagiez une discrimination, que nous appelons éhontée, pour inviter les professeurs dans la nouvelle corporation. C'est une lecture de l'article 83. Quant à nous, nous sommes pour une absence de discrimination. La Loi sur la fonction publique, qui continue à s'appliquer, considère le professeur du Conservatoire comme un artiste avant d'être un enseignant.

Dans votre projet de loi, l'article 89, ça revient à dire que, le 1er juillet 1995, à travers les nouveaux courants néo-libéraux, l'arbitraire paternaliste à outrance va revenir en force, en fonction de critères qui sont arbitraires. Nous, ce que nous valorisons, c'est des conditions d'embauché et une valorisation de la responsabilité professionnelle du professeur artiste.

Aussi, il y a l'absence de pondération entre les trois volets de la mission, à l'article 18, tel que ça a été mentionné. Nous, nous parlons d'une prépondérance de la formation professionnelle d'interprètes, tels que les instrumentistes, les chanteurs, les chefs d'orchestre et les comédiens, et de créateurs, tels que les compositeurs, les metteurs en scène et les scénographes, au regard des deux autres volets de la mission. Soit dit en passant, la mission de mai 1989 diffère de l'écriture de celle qui apparaît dans l'article 10 de cette loi.

La société administrative s'en remet au bon vouloir du prince, pour ne pas le féminiser, tandis que, de notre côté, nous valorisons, si vous voulez, le partenariat. La société administrative crée un climat d'incertitude perpétuel et un exode possible d'étudiants de niveau avancé vers d'autres institutions, pas nécessairement des conservatoires. Nous, nous favorisons une stabilité proactive.

Notre analyse nous permet d'affirmer que le projet de loi, loin de répondre à la formation professionnelle et à la culture du milieu, constitue uniquement une réponse technocratique insensible aux besoins du développement des personnalités des neuf conservatoires. Notre interprétation nous amène à entrevoir, à travers ce projet, s'il devient loi, un effritement progressif de cette institution nationale. Advenant que le pouvoir politique décide de passer outre aux nouveautés culturelles caractérisant le monde du travail à venir, nous tenons à l'aviser que, suite à un scrutin secret auprès des professeurs permanents, plus de 90 d'entre eux demeureront dans la fonction publique. Ça revient à dire que 5 000 000 $ de salaires seront sous-utilisés advenant la poursuite des étapes de ce projet de loi.

La réforme que nous proposons, rédigée en s'ins-pirant de la Loi sur la Bibliothèque nationale et de la Loi sur l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, tout en tenant compte des racines du milieu et du vécu quotidien sur le terrain, nous permet d'affirmer qu'elle offre les meilleures garanties d'assurer, au Québec, la pérennité d'un système indispensable de formation professionnelle et de répondre aux besoins pressants de la relève dans le domaine des arts d'interprétation et de créativité.

L'État a le devoir de soutenir et de développer la dimension culturelle de la société. N'est-il pas pensable que cette société administrative éloigne volontairement cette gestion du contrôle des parlementaires pour introduire un filtre partisan, donc huit sur 15 dans le conseil d'administration qui assument des mandats, et pas nécessairement préoccupé par l'objet de la loi, c'est-à-dire la formation professionnelle en tant que telle? Il nous apparaît important que des objectifs clairs doivent servir de guide aux gestionnaires publics et leur dicter des lignes de conduite. Nous pouvons conséquemment dire que ce transfert du Conservatoire à un autre palier de responsabilité consiste à se débarrasser tout simplement des coûts qui y sont liés.

Les responsabilités culturelles de l'administratif. Le retour de la gestion ou de l'administratif dans la culture au niveau local, dans les conservatoires, ne favoriserait-il pas la pérennité véritable de ces institutions? Alors, plus que jamais il faut que l'imagination créatrice habite les administrateurs de la culture. Pouvons-nous priver le Québec d'un développement des arts d'interprétation? Pouvons-nous laisser les jeunes talents sans formation, ou les inviter à contribuer au développement de l'identité culturelle du Québec?

Nous pensons que nous devons orienter nos énergies pour le maintien de ce réseau de formation professionnelle, à la manière que les professeurs se sont impliqués ces dernières années pour définir des programmes d'enseignement dans le domaine de la formation professionnelle musicale, entreprise avortée sans la participation des professeurs durant plusieurs années et réussie avec la participation de ceux-ci. Pourquoi ne pas tenir compte de ce que nous appelions, au tout début, des prémisses fondamentales? Les professeurs artistes veulent le maintien du réseau des conservatoires, en tenant compte d'une distinction entre conservatoires nationaux, Québec et Montréal, et conservatoires nationaux de régions, pour les autres, et de deux conservatoires d'art dramatique spécifiques. La mise en commun de données, d'analyses devrait nous permettre d'envisager, par la création d'un autre projet de loi, une adhésion culturelle et constructive à une réforme, laquelle tiendrait compte des besoins des jeunes talents.

En guise de conclusion, tout au cours de ce mémoire, nous espérons vous avoir convaincus de surseoir à ce projet de loi 135. Laissez-vous guider par les jeunes qui, depuis 50 ans, ont fréquenté cette institution nationale unique, institution d'État publique et gratuite, et qui, grâce à leur talent et à une formation professionnelle personnalisée, ont atteint les joies de la réussite.

Le palmarès n'est pas dû à une approche comptable sous le poids d'une vigilance technocratique, mais le palmarès dépend essentiellement d'une relation professionnelle humaniste, construite sur les fondements d'une culture à maintenir et à développer. Notre seule ambition consiste à vous aider à prendre de bonnes décisions et à vous permettre d'assumer en toute dignité leurs conséquences, orientées, espérons-le, pour le mieux-être culturel de la société québécoise.

Alors, dans cette perspective, soyez assurés de notre entière collaboration.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Perron. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre. (20 h 30)

Mme Frulla: Je vous remercie, M. Perron. D'abord, vous ramenez toujours et très souvent le mot «technocrate», le mot «comptable». Je ne suis pas une technocrate, M. Perron, et ce projet de loi qui a été élaboré n'est pas un projet de loi qui a été élaboré rapidement.

Il y a eu énormément de consultations ces dernières années. Il y a eu le projet, pas le projet, mais le renouveau de la mission déposé par Mme Bacon en 1989 qui a fait, lui, finalement, appel à plusieurs consultations du milieu et d'autres intervenants. Il y a eu la commission parlementaire sur la politique culturelle où — vous y étiez, et je me souviens — le 20 novembre 1991, vous nous avez demandé de démentir une nouvelle parue dans la presse écrite et qui laissait croire que les conservatoires étaient sur le point de disparaître. Et vous avez alors déclaré, à cet égard, vous disiez: Les effets sont tragiques. Je pense que cette incertitude ne mérite pas d'être maintenue. Vous avez alors répondu sans ambiguïté que les conservatoires étaient des maisons d'excellence, qu'elles devaient vivre et qu'elles étaient là pour exister.

Deux ans plus tard, après d'autres consultations, autant avec le ministère de l'Enseignement supérieur que des consultations aussi dans le milieu en général, on dépose à l'Assemblée nationale un projet de loi qui vient assurer, selon nous, la pérennité de l'institution — donc, on vous rejoint — qui enrichit sa mission et qui permet une implication directe des professeurs et des élèves. Vous parliez du conseil d'administration. Le ministère de la Culture nomme cinq membres, l'Enseignement supérieur en nomme trois et les sept autres membres sont élus parmi le corps professoral et les élèves. En plus, dans les cinq membres que je nomme, ces membres sont suggérés par des organismes. Alors, en termes de vouloir l'implication, je pense que c'est là.

Mais, moi, j'ai des questions à vous demander, parce que vous avez parlé d'un projet rédigé à la hâte et sans consultation du milieu. Vous savez pertinemment que c'est faux. Il y a eu des consultations à partir du mois de mai, juin. Il y a eu des consultations. À peu près 400 personnes ont été consultées à l'intérieur même des conservatoires. Vous ne pouvez pas dire que vous n'avez pas été consultés, professeurs et élèves.

Quand, le projet de loi, nous l'avons déposé, parce qu'on ne peut pas dévoiler un projet de loi avant qu'il soit déposé à l'Assemblée nationale, d'autres groupes ont été rencontrés. Donc, il y a eu consultation. L'avenir du Conservatoire a été discuté à plusieurs reprises, d'une part. Je disais que le personnel et les élèves de chaque établissement ont été consultés. Nous avons rencontré aussi des étudiants, après le dépôt du projet de loi, séparément. Nous vous avons rencontré aussi, M. Perron, le 11 novembre, lors du dépôt du

projet de loi. À un moment donné, la consultation a ses fins, et il faut agir.

Alors, dans le document que vous m'aviez transmis, le 19 août dernier, en réaction au document d'orientations ministérielles, vous avez dit que vous êtes favorable à la transformation du Conservatoire en corporation indépendante, avec un conseil d'administration, encore une fois, formé de gens du milieu. Quels sont, selon vous, les avantages ou les désavantages — parce que là tout est noir, aujourd'hui — alors les désavantages que vous voyez à la création d'une corporation, par rapport, M. Perron, à la situation actuelle, quand vous savez très bien que, les conservatoires étant une direction du ministère, ces conservatoires-là ne peuvent que s'atrophier?

Le Président (M. LeSage): M. Perron.

M. Perron (Luc): Oui. Il y a beaucoup de questions.

Dans un premier temps, Mme Frulla, j'aimerais dissiper un malentendu, là. C'est qu'il n'y a pas eu de consultation au sens, si vous voulez, généreux du terme. Ce que je veux vous mentionner, dans le mémoire qu'on vous dépose, c'est qu'on vous définit c'est quoi, la technocratie. Vous l'avez à la page 9. On vous dit que c'est un système, c'est une gestion d'un système d'information par un contrôle monopoliste de la fourniture et du traitement des informations qui se manifeste clairement. Donc, je vais vous traduire ça en termes plus simples.

Le document des orientations ministérielles nous a été déposé le 1er juin et la rencontre avait lieu le 1er juin. Par la suite de la tournée qu'ont faite vos technocrates, si vous voulez, dans les conservatoires, il était entendu qu'ils donneraient, par exemple, les enregistrements qu'ils faisaient. D'ailleurs, j'en parle dans le mémoire. Et, compte tenu que l'information qu'ils recevaient, soit au Conservatoire d'art dramatique par les professeurs, soit au Conservatoire de musique de Québec par les professeurs, ne coïncidait pas tout à fait avec les attentes, si vous voulez, de ce que j'appelle une technocratie, alors, ne coïncidant pas avec les attentes, ce qu'on a fait, c'est qu'on n'a pas voulu nous faire prendre connaissance, si vous voulez, de ces informations-là. Ce qui fait en sorte que, quand je vous dis «technocratie», je parle d'une médiation qui existe entre la culture du terrain où nous sommes par profession, une médiation entre nous autres, donc, et vous, comme tel, et ils ont intérêt, compte tenu qu'on parle de vivre selon ses moyens, compte tenu que ce qui existe actuellement, c'est des coupures de services, c'est des baisses, si vous voulez, d'investissements, alors ils ont intérêt, pour vous conforter, à vous donner une information qui vous permette de penser que les gens veulent faire le grand bond et le grand saut et se retrouver dans une situation qui est colorée par une gestion, depuis ces 10 dernières années, qui va en effritant le réseau.

Il y a eu an climat d'incertitude qui est créé depuis de nombreuses années. Il y a eu des encouragements d'exode, si vous voulez, d'étudiants de niveau avancé — par exemple, je pense à Trois-Rivières — pour qu'ils s'en aillent vers Montréal ou qu'ils s'en aillent vers Québec. Ils ne vont pas nécessairement aux endroits où on veut. Alors, tout ça, si vous voulez, ça traduit un petit peu l'esprit de cette loi-là. Et la loi actuelle, on ne peut pas se mettre la tête dans le sable, on sait très bien qu'on est dans une ère de coupures.

Donc, ce qu'on se dit actuellement, ce qu'on perçoit, c'est un transfert, si vous voulez, de votre pouvoir, à vous, de conserver ces conservatoires-là, via des mandataires, avec un budget qui est moindre, puis en misant, entre autres, si vous voulez sur la générosité d'un mécène ou d'un mécénat, et tout ça, qui n'existe absolument pas au Québec.

Alors, c'était juste pour répondre que la consultation, c'est une consultation que j'appellerais technocratique. En ce sens-là, elle est très habile. Elle ne va pas chercher l'intelligence des partenaires. Elle ne va que donner de l'information, puis je dirais presque par condescendance. Et d'ailleurs, dans le mémoire, je vous le mentionne: vos technocrates, les premiers mots qu'ils nous ont dit lorsqu'on les a rencontrés — je pense à Mme Courchesne, je pense à M. Bruneau, pour les nommer — ce qu'ils ont mentionné, c'est: Écoutez, on fait des rencontres, on est prêts à vous donner une certaine information, mais il ne faut absolument pas penser que c'est une forme indirecte ou subtile d'une sorte de cogestion.

On ne veut pas, si vous voulez, prendre des décisions à votre place, mais on aimerait que vous nous entendiez, que vous nous écoutiez, que vous descendiez au niveau du terrain. Je pense qu'il est important, quand on parle de technocratie, qu'on assiste à des concerts puis qu'on entende, qu'on se laisse imprégner par la beauté des sons, mais il faut aller au-delà de ça. Il faut descendre dans les studios, il faut descendre au niveau des difficultés, il faut descendre vraiment au niveau du terrain, ce que j'appelle la culture du terrain, et lire le développement de la formation à travers cette culture-là.

Et c'est ça que je traduis, si vous voulez, par rapport à une approche comptable où on se dit tout simplement: Un orchestre symphonique, compte tenu qu'on n'a pas l'argent pour avoir l'ensemble des instruments qui caractérisent un orchestre symphonique, on peut faire en sorte que les bois n'y soient plus et puis ça va jouer pareil, etc., puis ça va certainement être agréable. Et c'est ça qu'on dit quand on lit la formation professionnelle au niveau des interprètes et créateurs à travers une approche comptable, et c'est ça qu'on sent actuellement. Et on sent que votre motivation, si vous voulez, de précipitation, ce n'est pas une motivation pour rendre un réseau plus performant, mais c'est pour leur donner des moyens et puis leur permettre de faire plus avec moins, alors que déjà ils sont avec un budget qui a toujours été en diminuant ces dernières années par rapport à la formation.

Je vais vous donner des exemples bien pratiques

que vous ne connaissez peut-être pas. Il y a 220 professeurs dont je vous parle dans le mémoire. Il y a 98 permanents seulement. Pourquoi on encourage le fractionnement, qu'on laisse des professeurs occasionnels là depuis 15 ans? C'est tout simplement parce qu'ils coûtent moins cher. Or, la lecture qu'on veut faire, on veut faire une lecture, à travers l'ensemble de ces gens-là, pour faire en sorte que le professeur artiste, si vous voulez, devienne, à cause du prestige d'enseigner au Conservatoire, quelqu'un qui ne mérite pas des émoluments, comme ça se fait pour les enseignants au niveau de la maternelle, du primaire ou du secondaire au Québec. Et c'est ça qui est malheureux.

Donc, ces élans-là, si vous voulez, viennent donner un esprit à la loi, et l'écriture de la loi — vous parlez de la mission, la mission de Mme Bacon — ce n'est même pas l'écriture de la mission telle quelle, il y a des mots qui ont été changés, et, en ce sens-là vraiment, c'est qu'on passe de façon subtile à une diminution de l'investissement que vous voulez ou qu'on peut accorder et qu'on doit accorder à ce réseau. (20 h 40)

Mme Frulla: M. Perron, quand vous dites que, bon, les moyens vont être diminués, etc., je pense que vous assumez quand même beaucoup. Et c'est peut-être ça qui m'a un peu horripilée, je dois vous dire, surtout ces dernières semaines, cette dernière semaine surtout. C'est qu'en brandissant, justement, le spectre je pense que, d'une certaine façon, on cache la vraie volonté de vouloir faire des conservatoires, justement, des organismes ou un organisme, enfin un réseau autonome, dispensant évidemment une meilleure qualité possible d'enseignement et ayant une structure qui a une souplesse par rapport non seulement à ce qu'il doit faire, mais aussi une souplesse pour agir en pôle culturel dans les régions.

Vous parlez, en référence aux structures prévues dans le projet de loi 135, de lourdeur administrative. Ça, vous l'avez véhiculé beaucoup. Par contre, en août dernier, vous proposiez la structure suivante — et on le retrouve dans le mémoire: un C.A. de 20 membres, un comité exécutif, un secrétariat général, deux commissions d'études, un conseil régional dans chaque établissement, chapeauté par un conseil national régional, et vous proposiez même d'élargir la notion du réseau des conservatoires de musique par la mise sur pied de conservatoires municipaux. Alors, je veux bien, là, mais j'essaie de comprendre, là. Lourdeur pour lourdeur, il me semble que ça s'équivaut pas mal, hein.

Deuxièmement, vous dites, aussi, au niveau des professeurs, que les professeurs, bon, vont être discriminés, puis tout ça. Tous les professeurs, sans exception, sont invités à joindre la corporation, tous, sans perdre aucun droit acquis. Alors, là encore, ça, j'aimerais ça vraiment dissiper ça, là, parce que c'est l'intention et c'est écrit dans le projet de loi.

Et vous dites aussi que, dans le projet de loi, le projet de loi ne décrit pas la mission renouvelée. Le projet de loi décrit, dans des termes légaux, la mission renouvelée de 1989. Alors, là-dessus, on n'a absolument rien perdu. Puis, quand vous dites qu'on n'a pas consulté, etc., il y a 400 personnes qui ont eu quand même l'occasion de s'exprimer. Et ce que vous nous dites, c'est qu'on les a brimées. En quelque part, là, j'essaie de faire un peu la jonction. Mais, si on revient, finalement, à cette lourdeur administrative, je trouve que ce que vous proposez est plus lourd, même, que ce qu'on propose nous-mêmes.

Le Président (M. LeSage): M. Perron.

M. Perron (Luc): C'est assez simple de répondre, Mme Frulla. C'est que, à force, si vous voulez, de se faire dire par l'administration que c'est impossible d'acheter un ordinateur, par exemple, je pense à un Macintosh, au Conservatoire d'art dramatique de Québec, ça semblait tellement insurmontable dans le contexte de l'assujettissement de la direction générale par rapport à ses liens dans la fonction publique qu'on s'est dit: On va les aider, parce qu'ils ne s'épanouissent pas comme administrateurs là-dedans. On va faire en sorte qu'ils se dégagent de la Loi sur l'administration financière, ce qui vous donne la possibilité d'avoir votre 14 000 000 $ — vous avez dit 16 000 000 $, aujourd'hui, c'est intéressant, une augmentation de 2 000 000 $ — d'avoir un montant...

Mme Frulla: Avec les loyers.

M. Perron (Luc): Ah bon! Excusez. Moi...

Mme Frulla: Ça fait partie de l'ensemble, ça.

M. Perron (Luc): Ça doit être les 2 000 000 $ pour l'insonorisation qu'on avait oubliée à Hull.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Frulla: II faut vous loger.

M. Perron (Luc): Oui, mais c'est parce qu'on déménage. Qu'est-ce que vous voulez! On ne consulte pas les gens, on ne consulte pas les étudiants, et ça fait en sorte que le déménagement est fini et la seule chose qu'on a oubliée, c'est l'insonorisation. Ça, c'est en 1987, là. Vous allez me dire que c'est quelqu'un avant vous, là.

Mme Frulla: C'est le conseil d'administration qui va y voir. Continuez.

M. Perron (Luc): Non, mais ça, c'est malheureux.

Alors, on a voulu, tout simplement, si vous voulez, entrer un petit peu dans les schemes administratifs, en se disant qu'on va les intégrer par rapport à la formation, par rapport aux impératifs de la formation professionnelle et, en ce sens-là, on va leur donner une

forme corporative, mais une forme corporative, aussi, avec un sérieux, c'est-à-dire qu'on va demeurer du personnel assujetti à la Loi sur la fonction publique pour être certain qu'il y a un incompressible, si vous voulez, question d'appréciation au niveau des conditions globales pour les enseignants. Je pense que ça diminue les risques par rapport à une tendance. Parce que j'écoutais le discours de Mme Robillard, lorsqu'elle est passée, là, rapidement, comme ministre des Affaires culturelles, et, elle, elle se disait estomaquée, si vous voulez, que les professeurs, dans les conservatoires, soient syndiqués; elle se disait estomaquée que des artistes, par définition, soient syndiqués, puis elle se disait estomaquée, en plus, que des artistes aient une permanence. Elle a dit: C'est contraire à tout.

Nous, on estime que les professeurs artistes ont le droit à une stabilité d'emploi. Us donnent carrière, puis on vous l'a très bien dit, les étudiants, ce matin. C'est qu'à un moment donné on parle de continuité pédagogique, c'est avec le même professeur, donc on y croit à ça, donc il y a un minimum. On était prêts à aller à l'aventure, mais une aventure qu'on appelle moins risquée. Alors, les lourdeurs que nous vous avons amenées sont minimes, si vous voulez, par rapport aux objectifs qui sont recherchés.

Quand vous parlez des conservatoires municipaux, c'est que l'administration, loin de faire un travail vraiment offensif, un travail proactif, pour vraiment intensifier ses relations avec le monde général de l'enseignement, elle a toujours regardé comment sortir du monde du Conservatoire. Et, nous, quand on parle de conservatoires régionaux, c'est tout simplement, si vous voulez, vraiment pour faire en sorte qu'à la périphérie des conservatoires on se donne des moyens d'aller chercher des réseaux qui alimentent les conservatoires.

De façon précise, pour donner un exemple, la direction générale, depuis plusieurs années, se dit qu'un conservatoire, c'est une école supérieure. Alors ça, c'est ce que j'appelle une compréhension technique. Étant une école supérieure, la formation initiale devient exclue. La formation initiale devient exclue, c'est les autres qui doivent la faire. Alors, ça, c'est technique aussi, dans le sens que les autres qui doivent la faire ne la font pas.

Alors, nous, on a dit: On n'est pas contre des. formules de remplacement, mais, à défaut que les autres le fassent, il faut que le Conservatoire assume la formation initiale. Et, en ce sens-là, on a déposé des rapports. On parle, si vous voulez, de Cholette, on parle de Blume, on parle de Trowsdale, qui font la preuve a + b que la formation initiale est très importante dans l'ensemble du continuum pour se rendre en formation terminale. Et ça, c'est compris de tout le monde. Mais, en coupant, si vous voulez, ce qu'on se dit: On se coupe les pieds. Alors, il n'y a personne. On n'a pas créé des liens. On n'a pas créé, vraiment, de réseaux pour améliorer ça. Pire que cela, où il existait certains liens avec des écoles mi-temps, par exemple, pour une question de contrainte des corservatoires, la direction générale a fait des pieds et des mains pour se couper l'herbe sous le pied par rapport à ces liens-là, en se disant que la loi, par magie, elle va régler, si vous voulez, ce partenariat avec l'environnement comme tel.

Donc, la lourdeur que nous faisons, c'est une lourdeur qui n'était pas risquée. C'est une lourdeur qui vient tout simplement aider l'administration, mais parce qu'on croit qu'on peut l'intégrer aux préoccupations de sa raison d'être, c'est-à-dire au service de la formation professionnelle et non l'inverse. Actuellement, ce qu'on constate, c'est que l'administration a tendance à enfler et puis, le budget n'augmentant pas, ça vient faire en sorte que ça vient gruger dans l'enseignement.

Dans l'article 34, vous dites: Bon, on va mettre des responsables pédagogiques dans chaque établissement. Ce n'est pas moi qui l'écrit, c'est vous autres. Alors, c'est-à-dire qu'on grossit au lieu de responsabiliser davantage les profs par rapport à leur pédagogie, on vient grossir cela. Vous créez des commissions des études. La commission des études, ça vient faire en sorte de s'approprier de la pédagogie, alors qu'il existe des commissions pédagogiques. Puis, nous, ce qu'on veut quand vous parlez de secrétariat général, c'est vraiment donner l'opportunité à ce que chacun des conservatoires assume directement ses responsabilités.

Vous, vous les dégagez. Vous faites un conseil d'orientation? Vous leur donnez des responsabilités pédagogiques. Nous, le conseil régional qu'on faisait, c'est un conseil régional qui était proactif par rapport à la formation initiale, de susciter de la formation initiale pour essayer de développer des organismes musicaux, c'était là-dedans qu'ils allaient être proactifs dans leur région.

Vous, ce que vous faites avec l'article 44, vous dites: Le conseil d'orientation, en fonction du conseil d'administration, il va être en mesure d'apprécier si le marché est capable d'intégrer, si vous voulez, un hautboïste dans sa région. S'il n'est pas capable de l'intégrer, il n'y a pas de hautbois. Alors, c'est pour ça que, dans bien des conservatoires, il y a beaucoup d'instruments qui sont absents, malgré qu'il y aurait des jeunes qui voudraient suivre, qui voudraient s'astreindre à une formation de qualité dans ce domaine-là. Ça, c'est la réalité.

Mme Frulla: Mais juste...

M. Perron (Luc): Et puis on se dit qu'avec une loi pareille on va augmenter ces tendances-là, et ça va faire en sorte, si vous voulez, la médiation qui va se faire par des gens qui sont nommés, par des gens qui sont étrangers un peu, par des gens qui sont lointains, bien ça va faire en sorte qu'on va permettre un effritement progressif de cela.

On vous parle, nous autres aussi, dans notre rapport, du milieu d'affaires, mais le milieu d'affaires au niveau du conseil régional, qui correspond un peu à votre conseil d'orientation, seulement sur les volets 2° et 3° de l'article 18 et non sur le volet 1° sur la formation professionnelle. On laisse ça aux principaux responsables, les professeurs.

Alors, il y a des différences qui sont marquées. Ce qu'on se dit, c'est mettez ce projet de loi de côté, regardons ensemble, venez au niveau du terrain. Pas juste pour des grandes occasions, tout ça. Je pensais au Tour de l'île, mais c'est parce que vous avez oublié le 50e anniversaire, ça nous avait fait un petit peu de la peine.

Mais venez à de grands événements comme ceux-là, comme vous avez fait à la remise des prix. Je pense que c'est fantastique. Venez en bas. Venez voir les contraintes qui se passent, puis essayons d'harmoniser, si vous voulez, de joindre... Laissez un petit peu de côté votre administration, entre vous et nous, puis essayez de joindre cela. Puis je suis certain qu'on peut se donner des moyens véritables d'assurer un développement du réseau.

Actuellement, ce n'est pas ça qui arrive. Vous faites l'appariement avec le système général de l'éducation. C'est certain que, si on le fait, le géant va manger le petit. Écoutez, ça, c'est des vérités historiques ça.

Mme Frulla: Bon. Là, laissez-moi parler là-dessus, là. Il faut que je parle. D'abord...

M. Perron (Luc): Oui, mais je...

Mme Frulla: Non, mais laissez-moi juste...

M. Perron (Luc): Mais j'aimerais, juste pour finir là-dessus... Vous-même, à la commission des crédits en avril cette année, vous admettiez qu'il n'y avait rien qui s'était fait avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, malgré qu'il y a des comités ad hoc qui ont été faits au niveau des sous-ministres, suite à la promotion, je dirais, de la mission de mai 1989.

Alors, ça, c'est une réalité, qu'entre 1989 et 1993 il ne s'est rien fait au niveau des sous-ministres. Deuxièmement, c'est vous-même qui le dites, parce que je vous lis à l'occasion, tout ça, j'y prends plaisir. Et c'est ça qu'on peut lire, c'est ce que vous avez dit comme tel. Et puis, là, ça n'existe pas non plus.

Mme Frulla: Mais il y une chose, c'est que, quand je vous ai dit et quand j'ai dit, et je le dis encore, que... Le lien entre les deux, finalement, pour voir l'appariement, n'a pas rien donné. Au contraire, ce que ça a donné, c'est — la conclusion des deux ministères et du gouvernement — que les conservatoires restaient la responsabilité du ministère de la Culture, et de là l'article 90.

Alors, de dire que le gros va avaler le petit, vous savez comme moi que, dans une loi, quand on dit que la responsabilité et l'application de la loi s'appliquent au ministère de la Culture, c'est par loi. Et, pour changer ce fait, il faut changer la loi. Donc, je pense que, encore là, c'est de brandir une petite menace.

Deuxièmement, vous nous avez dit... Bon, vous nous dites: Bon, soyez présente. Et je pense que, s'il y en a une qui est présente, je suis assez présente un peu partout. Mais je veux revenir au conseil d'administration. Vous reparlez encore d'un conseil d'administration. Aujourd'hui, on nous a dit: Ne mettez pas des représentants de l'enseignement sur le conseil d'administration. Par contre, vous-mêmes vous disiez que le conseil d'administration, selon vous, devrait être composé d'un président nommé par un ministre, d'une représentativité des milieux de l'enseignement...

M. Perron (Luc): Une représentation. Mme Frulla: ...MEQ et MESS... Hein? M. Perron (Luc): Une représentation. Mme Frulla: Bon. Donc du MEQ et du MESS. Le Président (M. LeSage): Alors...

Mme Frulla: Donc, il y en avait une au conseil d'administration.

Le Président (M. Lesage): Si vous voulez bien conclure rapidement, Mme la ministre. (20 h 50)

Mme Frulla: Représentation du milieu musical et théâtral, directeurs d'établissement, des professeurs et des élèves. Il me semble que ce n'est pas très différent du conseil d'administration de la corporation.

M. Perron (Luc): Mme la ministre, je...

Le Président (M. LeSage): Alors, M. Perron, si vous le permettez, le temps alloué au parti ministériel étant écoulé, la parole que vous prendrez sera imputée au parti de l'Opposition. Allez-y, M. Perron,

M. Perron (Luc): La dimension que vous oubliez, qui est très importante, de la corporation que vous faites dans votre société administrative et de la corporation dont nous faisons la promotion, c'est que le personnel demeure assujetti ou l'appartenance à la Loi sur la fonction publique demeure. C'est une très grosse différence.

Alors, la question qui est facile à vous poser: Vous, pourquoi vous délaissez ce lien qui fait en sorte vraiment d'assurer, si vous voulez, un incompressible au niveau de l'ensemble de l'investissement dans le système des conservatoires? Pourquoi vous ne vous contentez pas de ça?

Le Président (M. LeSage): Mme la ministre.

Mme Frulla: C'est que, quand nous avons été, entre autres... Parce que, ne l'oubliez pas, là, je le dis, ce qui a été véhiculé est faux. Tous les professeurs sont invités à joindre la corporation et gardent leurs droits acquis.

M. Perron (Luc): Ce n'est pas ce qui est écrit à l'article 83.

Mme Frulla: Je m'excuse, mais c'est ça.

M. Perron (Luc): Mais, à l'article 83, ce n'est pas ce qui est écrit.

Mme Frulla: Tous les professeurs sont invités à joindre la corporation avec des droits acquis, M. Perron. Et je vous l'avais dit, d'ailleurs, quand je vous ai rencontré au mois de novembre.

M. Perron (Luc): Non, non. Ce n'est pas ce qui a paru dans Le Soleil non plus la semaine passée, là.

Mme Frulla: Je vous l'ai dit, ça. Deuxièmement, je suis allée en France, en Belgique et en Angleterre, et le système, en France, donne une certaine flexibilité — ça aussi, je vous l'ai dit — pour avoir des professeurs artistes, ce qui fait en sorte qu'on peut aussi avoir une flexibilité au niveau des professeurs et de l'enseignement. Et ça, ça n'a absolument rien à voir avec une diminution des budgets ou quoi que ce soit. Ça a tout à voir avec une flexibilité au niveau de l'enseignement qui fait en sorte que les conservatoires peuvent donner aussi un enseignement de pointe à des élèves qui le méritent bien.

M. Boisclair: Flexibilité qui existe d'ailleurs déjà dans les...

Le Président (M. LeSage): Alors, M. le député de Gouin, vous avez la parole et vous pouvez vous adresser à la présidence en posant votre question également à M. Perron et aux représentants du Syndicat des professeurs de l'État du Québec. M. Gouin, la parole est à vous... M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Boisclair, oui. O.K. Alors, je continue sur la lancée de la ministre. Cette flexibilité existe déjà d'ailleurs dans plusieurs conservatoires, particulièrement dans les conservatoires d'art dramatique, qui, à l'occasion du quatrième cycle, si je ne me trompe pas, offrent justement ce genre de formation à leurs enseignants.

Ceci étant dit, je voudrais remercier les représentants du Syndicat des professeurs de l'État du Québec pour cette réflexion originale dans sa présentation qui certainement, quant aux propos et quant au niveau de réflexion qui est proposée, diffère des préoccupations qui, depuis la matinée, nous ont été soumises.

Vous soulevez, à juste titre, toute la question de la gestion des ressources humaines dans un établissement public et, dans ce cas particulier, dans les conservatoires. Votre crainte que vous manifestez m'apparaît d'autant plus justifiée... Et je voudrais tout simplement peut-être rappeler deux passages des propos du Vérificateur général, qui, connue vous le savez, depuis maintenant trois ans étudie cette question de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique. Je me permets juste d'en lire deux extraits pour la compréhension des membres de cette commission: «L'analyse des plus importantes fonctions de la gestion des ressources humaines a fait ressortir plusieurs faiblesses: planification stratégique généralement absente, grincement de la machine en dotation, peu de questionnement et de mesure relativement au développement et à la formation, escalade indue de la valeur des emplois, gestion du rendement pour sauver les apparences et lenteur du mécanisme de règlement des litiges avec les employés. Bref, il y a encore énormément à faire pour restaurer la fonction publique, améliorer son efficacité et redorer son blason!»

Le Vérificateur général continuait et allait même à dire... Et je voudrais aussi le citer. En conclusion générale, il disait: «II est utopique de penser corriger efficacement les principaux problèmes rencontrés dans la gestion des ressources humaines dans la fonction publique si le gouvernement ne change pas la trame de l'administration publique, plus particulièrement sur les éléments de base: la responsabilisation des gestionnaires associée à une reddition de comptes significative.»

Et, à cet égard, l'Opposition ne peut que souscrire entièrement aux propos qui sont les vôtres lorsque vous nous mentionnez avec quelle pertinence il est important de donner les moyens aux professeurs artistes de justement se responsabiliser dans cette démarche de formation plutôt que de privatiser, si je peux m'exprimer ainsi, leurs responsabilités en confiant cette tâche d'harmonisation et de mesure de l'excellence à des directions pédagogiques, comme le projet de loi nous le propose. Et je pense que cette réflexion doit se faire. C'est la première fois qu'on nous la soumet devant cette commission et c'est une réflexion de fond qui est, à mon avis, importante.

Comme deuxième commentaire, je ne peux que... Je me demandais, tout à l'heure, si on se retrouvait à la commission de l'économie et du travail, parce que le ton des discussions ressemblait pratiquement à celui qu'on a pu retrouver récemment, qu'on a entendu, dans cette enceinte, lorsqu'il était le temps de discuter de l'industrie de la construction. Je trouve déplorable de voir ce discours de sourds qui se tient et je suis inquiet, si jamais cette réforme devait être adoptée, de voir que les principaux partenaires sur qui reposera la réussite de cette réforme-là, qui sont les professeurs artistes, ne se sentiront pas dans le coup. Si ce n'est que pour la motivation de ces partenaires, si ce n'est, aussi, que pour ses conséquences sur la qualité de l'enseignement, je pense que c'est un risque très grave à courir que de ne pas, dès le départ, s'être associé à ces partenaires et avoir pris les gestes et les mesures appropriés pour atteindre ces objectifs. Je fais particulièrement référence à la réflexion significative qui a été initiée par les membres de votre syndicat, par les membres, aussi, de votre syndicat local, au Conservatoire de musique de Montréal, qui ont produit à cet égard des réflexions plus

que significatives qui, aujourd'hui, sont restées, convenons-le, plutôt lettre morte. Mais cette réflexion m'apparaît importante à souligner, et je dois vous dire mon inquiétude devant cette possibilité.

Une question, M. Perron: Dans votre mémoire, au début, à la page 4, vous nous dites, et je vous cite: «Enfin — bon — nous formulerons...» Vous concluez en disant: «...donnant accès à la renégociation de toutes les conditions de travail.» Est-ce que vous pourriez indiquer aux membres de la commission ce que vous signifiez, ce que vous mettez sur la table concrètement? Et est-ce que cette proposition a déjà été discutée avec les autorités du ministère, ou qu'en est-il exactement quant à cette proposition?

Le Président (M. LeSage): M. Perron.

M. Perron (Luc): M. le Président, c'est que l'ensemble des motivations administratives, si vous voulez, il ne faut pas se le cacher, proviennent du Conseil du trésor, il va sans dire, dans le sens que l'ensemble du budget du réseau des conservatoires doit diminuer le plus rapidement possible. Et, en ce sens-là, ceux qui le réussiront auront une promotion, je dirais, inversement proportionnelle.

Des voix: ...

M. Perron (Luc): Mais c'est une réalité, là, je veux dire, c'est ce qui nous...

Mme Frulla: C'est parce que le Trésor ne dit pas, là, où il y a des compressions; c'est nous qui faisons les choix, M. Perron.

M. Perron (Luc): ...c'est ce qui nous préoccupe. Non, mais écoutez, c'est ce qui nous préoccupe, là.

Mme Frulla: Tu sais! Ce n'est pas surprenant que vous ayez fait peur à tout le monde.

M. Perron (Luc): C'est pour ça qu'on parle... Le Président (M. LeSage): S'il vous plaît. M. Perron (Luc): C'est pour ça qu'on parle...

Le Président (M. LeSage): M. Perron, vous avez la parole.

M. Perron (Luc): C'est pour ça qu'on parle que le ministère privilégie une approche comptable. Nous, on dit... Écoutez, je vais donner des exemples, là, des exemples du terrain qui ne sont peut-être pas toujours agréables mais qu'il faut dire.

Vous avez un professeur de clarinette à Hull. Une étudiante s'en va à Toronto au début de l'année. Avant que le professeur n'en soit avisé, la direction locale en est saisie. La secrétaire, par bienveillance, pitonne, si vous voulez, cette information. Ça se ramasse sur la table centrale ici, à Québec, et, à ce moment-là, le professeur occasionnel, supposons qu'il avait une perspective de gagner 25 000 $, avec un élève en moins — calcul comptable très rapide — ça tombe, une baisse de 10 000 $, et, tout de suite, on appelle ça un bénéfice net. Et, soit dit en passant, comme anecdote, ce fameux programme s'appelle Musard. Quand vous regardez dans le dictionnaire, «musard», c'est: Gérer des bagatelles. Mais enfin, c'est triste, là, mais c'est un peu comme ça.

Mais ça, c'est une réalité du terrain. Mais ça, on ne peut pas, si vous voulez, se le cacher. Alors, ça veut dire quoi? Ça veut dire que vous avez des occasionnels qui existent à 60 % dans ce réseau-là depuis de nombreuses années. On ne veut tout simplement que lire le travail qui va se faire, seulement en émiettant davantage, pour que ça coûte le moins possible, et on ne se préoccupe pas des conséquences et des effets sur la formation professionnelle.

Nous, ce qu'on dit à cela — on est en avance avec la FTQ et la CEQ, et ce n'est pas nous autres qui avons fait la loi 102, là, c'est le gouvernement, qui nous dit: Bien, écoutez, malgré vous autres, on vous prolonge les conditions de travail de deux ans — nous, on dit: Si notre convention collective coûte trop cher, que l'administration — je pense que le politique va être plus sensible à ça — que le politique sensibilise son administration et qu'il dise: Va donc voir auprès de ce monde-là c'est quoi qui coûte trop cher. La convention, c'est quoi? Y a-t-il des paramètres qu'on peut changer? Y a-t-il des paramètres qu'on peut aménager? Et je pense qu'on est disponibles à cela. (21 heures)

Mettons ce projet de loi là de côté, regardons vraiment ce qu'il en est. On peut faire des aménagements qui Sont différents. Je pense que c'est une très grande ouverture, bien sûr, que l'on fait, mais regardons vraiment ce qui est nécessaire pour assumer, si vous voulez, cette formation professionnelle, et non de le regarder à l'inverse, de se dire: II y a des professeurs qui sont vieux dans ce réseau-là. Ça a été dit, ça a été dit aux étudiants, ça nous a été rapporté, ça a été rapporté dans Le Soleil aussi. À un moment donné, les journaux rapportent aussi ce qui est dit. On a une moyenne d'âge, dans notre groupe, si vous voulez... au-delà de 56 ans, vous avez 40 % des professeurs. Malheureusement, il y a certaines gens — je ne dis pas que c'est politique, ça; c'est plutôt, tu sais, médiatisé — il y a des gens d'un certain âge qu'on dit qu'il faudrait les faire remplacer. Alors, en ce sens-là, je pense que c'est ça qu'on vise par une loi, d'essayer vraiment d'amoindrir les coûts de l'enseignement au niveau de l'ensemble du réseau. Et ça, je trouve que c'est une discrimination que j'appellerais vraiment éhontée, vraiment inadmissible, vraiment incorrecte.

Et c'est dans ce sens-là, si notre convention coûte

trop cher, on l'a quand même signée à deux — ce n'est pas tout seul — bien, je veux dire, que, de l'autre côté, ils retroussent leurs manches. On va faire la même chose et on va regarder ce qu'il en est pour que le réseau vive et que les professeurs, si vous voulez, aient plaisir à continuer de travailler et pour qu'on enlève ce climat d'incertitude au niveau des étudiants, tant de niveau avancé que de niveau, si vous voulez, de formation initiale, pour ne pas qu'ils quittent ces maisons-là.

Je pense que c'est important, c'est une grande ouverture, et j'ai compris, ce matin, que Mme la ministre avait manifesté, en ouvrant cette séance, une grande ouverture. J'espère que les deux ouvertures vont se rencontrer. C'est ce que je souhaite.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Dans un contexte où il y a un certain nombre de règles, aussi, qui sont les nôtres, qui, à l'heure actuelle, nous amènent à poser des gestes quand même assez rapides, je ne peux que le souhaiter, mais je pense que c'est à des gens qui sont de l'autre côté de la table de poser ce genre de gestes.

Je voudrais en venir à l'article 83. Il semble y avoir une profonde incompréhension quant à la portée de cet article. Est-ce que vous pourriez nous expliquer vos prétentions?

M. Perron (Luc): Juste avant, c'est que je ne pense pas qu'il faudrait, si vous voulez, se laisser devancer par un échéancier pour mettre en péril des fondations qui ont pris 50 ans à faire ce qui existe présentement. Je pense que le sérieux exige davantage.

L'article 83, après l'analyse que nous avons faite de ce texte via notre contentieux, c'est que ça permet tout simplement, l'originalité de cela — une originalité, bien sûr, cynique de cela — à la corporation, une fois qu'elle sera instituée — si elle est instituée — d'inviter, si vous voulez, les gens qu'elle veut bien faire passer. Ça veut dire que, parmi nos permanents, on va discriminer. On ne connaît pas la grille, on ne connaît rien, mais c'est ce qui est écrit dans l'article 83.

Là, on nous dit qu'on va inviter tout le monde. Mais, en tout cas, l'article 83, ce n'est pas ce qu'il dit. L'article 83, ce qu'il laisse entendre, c'est qu'on va inviter du monde, si vous voulez, sur une certaine base, une certaine grille — nous, on pense que l'âge en est une, entre autres — comme telle, pour les faire traverser dans cette nouvelle corporation. Je calcule que c'est tout à fait inhumain, c'est tout à fait inacceptable, je veux dire, sur le plan humain, sur le plan d'une approche humaniste, si vous voulez, dans les relations de travail.

M. Boisclair: Si tel était le cas, je le conçois très bien, mais j'essaie juste... Votre fondement se retrouve lorsqu'on lit à l'article 83, «sous réserve des dispositions d'une convention collective qui leur sont applicables». J'essaie juste de voir le fondement de votre analyse, parce que cette clause — nous nous sommes déjà rencontrés, et j'ai fait un certain nombre de vérifications avec d'autres projets de loi où il y a eu transfert de fonctionnaires — effectivement, comme on l'avait porté à mon attention, apparaît plutôt, je ne dirais pas standard, mais conforme à ce qui s'est fait dans d'autres institutions. Je voudrais peut-être — même si vous aviez un avis juridique, si c'était possible de nous le faire parvenir ou de le déposer aux membres de cette commission — mais j'aimerais peut-être entrer dans le détail.

M. Perron (Luc): II s'agit...

Le Président (M. LeSage): M. Perron.

M. Perron (Luc): Oui, M. le Président. Il s'agit de lire l'article. On dit: «...les employés du nouveau Conservatoire dans la mesure où un décret prévoyant leur transfert est pris» avant telle date. Alors, dans le décret, si vous voulez, les gens vont être invités, donc les gens vont être identifiés. C'est le décret qui va déterminer ceux qui peuvent passer, en autant qu'ils aient signifié leur désir de passer, bien sûr. Alors, c'est la compréhension que nous en avons.

Qu'ailleurs, si vous voulez, on ait permis à l'ensemble des gens de passer, c'est possible, mais le texte de la loi, ce qu'il donne, actuellement, c'est cette opportunité-là, et on trouve que c'est une opportunité tout à fait dégradante. Et, d'ailleurs, il y a des gens du ministère, qui, au Conservatoire de musique de Québec, là, ont dit récemment que ça ne serait pas tout le monde qui serait invité à traverser. Donc, c'est déjà, si vous voulez, des propos qui sont dits par des gestionnaires, qui sont mandatés pour traduire ou pour donner des explications de leur compréhension de l'article 83.

M. Boisclair: Si ma compréhension est juste, sur environ 235 enseignants dans le réseau, il y en aurait environ 90 qui auraient le statut de permanents. Est-ce que c'est une tendance qui est récente, cet appel à l'embauche d'occasionnels, ou c'est une tendance qui s'est manifestée, qui s'est accrue au fil des ans? Et comment vous réagissez par rapport à ce ratio pour le moins...

M. Perron (Luc): Non, l'embauche des occasionnels, c'est une tendance, si vous voulez, administrative d'une dépréciation, vraiment, des conditions de travail de quelqu'un qui donne sa carrière à l'enseignement dans les conservatoires, depuis déjà la fin des années soixante-dix au début des années quatre-vingt. Ce n'est pas dur à comprendre. Je veux dire, quelqu'un qui est comptable le moindrement, il voit l'économie qu'il peut en faire et se dit tout simplement: Bon, écoutez, ces gens-là enseignent pareil et, parce qu'ils enseignent, on va y aller dans cette proportion-là. Donc, c'est vraiment une décision patronale, à mon sens, d'une incompréhension, d'une non-valorisation, d'une non-reconnaissance, si vous voulez, des services qu'un professeur va offrir à cette maison d'enseignement.

vous dites: ii y a 220 profs actuellement; il y en a 98, donc, qui sont permanents. on fait des sollicitations de façon très pressante, en identifiant les gens qui ont un âge de pleine maturité, en leur indiquant la porte; pas en leur indiquant les services faits, mais la porte. et ce que je vous dis, c'est que vous avez 40 % des gens qui ont plus de 56 ans. alors, je ne sais pas le calcul qui peut être fait là-dedans. sans être trop habile là-dedans, on se dit: bon, il ne leur reste pas beaucoup de temps; on peut les aider, les encourager, les stimuler, mais c'est certain qu'on ne veut pas nécessairement les inviter à traverser.

Puis, l'article est plus sévère que ça — vu que vous m'ouvrez la porte là-dedans. C'est que ça permettrait aussi aux professeurs occasionnels, qui sont d'un certain âge, si vous voulez, aussi, de ne pas être invités, malgré qu'eux n'ont pas, bien sûr, comme vous le savez, la sécurité d'emploi. Et ça, je calcule que, s'il faut faire une loi — pour reprendre des termes, des fois, qui sont dits dans le public — pour dégraisser un corps d'emploi, c'est absolument scandaleux! C'est absolument inacceptable! Et nous nous situons, bien sûr, complètement en défaveur avec cela.

C'est tout à fait éloigné, actuellement, des relations qu'on tente de créer, de manière harmonieuse, entre les gens, et qui existent, heureusement, même au Québec, dans certains contextes privés, comme vous l'avez si bien dit tantôt, si bien cité, où, vraiment, on veut que les gens s'impliquent, on veut que les gens participent. Et on sait que les retombées significatives de cela aident l'ensemble de l'organisation. Nous, dans la fonction publique, dans le ministère de la Culture, malheureusement — puis, c'est assez ironique, puis assez paradoxal, parce que c'est un ministère de la culture — on est plusieurs années en arrière là-dedans.

M. Boisclair: II me reste trois, quatre minutes.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Des petites questions courtes, mais que j'espère précises. Vous nous avez parlé de l'expérience des commissions pédagogiques. Ce sont des commissions qui existent en vertu des conventions collectives, si je ne me trompe pas.

M. Perron (Luc): Oui, mais la loi qui est là...

M. Boisclair: Est-ce que vous pourriez nous faire part de cette expérience, rapidement?

M. Perron (Luc): Mais, très rapidement, c'est que ce projet de loi a été copié quasiment — qu'on dit, nous autres — rapidement, sur un coin de bureau, possiblement. C'est qu'on a parcouru la loi des cégeps de façon attentive, puis la nouvelle appellation, c'est qu'on parle du directeur des études au lieu de directeur des services pédagogiques. Et c'est ce que vous retrouvez là- dedans: directeur des études au niveau central, et vous avez une commission des études, donc, qui pourrait remplacer les commissions pédagogiques.

Donc, ça veut dire que vous avez une commission des études presque itinérante, qui survole l'ensemble des conservatoires, pour décider pour les établissements eux-mêmes, si vous voulez, ce qui peut se passer. Même plus que ça, les commissions pédagogiques, qui ont vraiment un rôle moteur au niveau de l'enseignement dans leur établissement comme tel, c'est dilué aussi par certaines fonctions qu'on a accordées, dans ce projet de loi là, aux conseils d'orientation.

La commission pédagogique, localement, a permis — par exemple, à Montréal — directeur et professeurs, de se dire c'est quoi la différence — on vous le met dans le mémoire aussi; vous allez avoir le temps de le lire — par exemple, entre le système au niveau du Conservatoire et au niveau de l'université. Parce qu'il y a une coordination qui est imposée par la loi, qui existe depuis 1942 — alors, c'est un visionnaire qui l'a faite, là; je veux dire, ce n'est pas un visionnaire qui a fait celle-là, en tout cas — où on disait vraiment qu'il fallait, si vous voulez, coordonner avec l'ensemble, déjà, des institutions existantes: on parle de l'Université Laval, à l'époque, on parle de l'Université de Montréal, l'Académie de musique.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Juste terminer en faisant un commentaire qui est celui que j'ai fait à plusieurs reprises. La ministre nous parle de ses nombreuses consultations, mais ce n'est pas... Tous ceux à qui j'ai posé la question m'ont dit qu'ils n'ont pas été consultés. Depuis le début, là, tous ceux à qui j'ai posé la question, depuis le début de l'après-midi, m'ont dit qu'ils n'ont pas été consultés directement sur le contenu de l'énoncé de politique de juin 1993. On m'a dit que certains de vos membres ont été consultés de façon tout à fait précipitée, en leur remettant un document à la dernière minute, et même certains ont refusé de se livrer à cet exercice. Et l'argument de la ministre, à cet égard, sur l'imposante consultation, ne tient pas, de la même façon que ce n'est pas vrai que, parce qu'on est capable de nommer toutes les notes de piano, pour autant on est capable de jouer du piano, et que...

M. Perron (Luc): C'est que c'est une consultation, bien sûr... c'est un concept qui est vide de sens. Moi, je pourrais dire que certains technocrates ont consulté beaucoup, par exemple, parce qu'ils ont assisté à l'orchestre réseau Bell Canada, puis, vu qu'il y avait des foules impressionnantes, ils peuvent dire qu'ils ont rencontré bien du monde, mais c'est évident que c'est une consultation, si vous voulez, qui n'est pas réelle. On ne mise pas sur l'intelligence des gens, on ne mise pas sur des espaces de dialogue qui, pour moi, sont fondamentaux, surtout dans l'avenir des orientations à

construire pour le réseau de la formation. De se dire que c'est une consultation de dire à l'autre: Je lui ai donné la main, je l'ai salué... Écoutez, ça mérite vraiment, il y a vraiment de la formation qui doit être dispensée pour approfondir, là, ce concept de consultation.

M. Boisclair: Conclusion: c'est quoi l'avenir des conservatoires si ce projet de loi là est adopté?

M. Perron (Luc): Si ce projet de loi là passe, nous, sans être des futurologues, compte tenu de ce qui caractérise, actuellement, je dirais, l'ampleur de l'administration, les élans de l'administration — des fermetures de classes, des fermetures de disciplines — sachant absolument que Val-d'Or — comme ça a été dit ce matin — ne peut pas donner l'ensemble des programmes, ça va de soi, c'est partiel, si on s'en va dans cette ligne-là — puis on sait très bien, actuellement, qu'on est dans un contexte de coupures budgétaires, de coupures de financement, on sait très bien qu'au niveau du ministère on veut réduire l'enveloppe globale, parce qu'on se dit que le privé va subventionner — alors ça s'en va vers une mort plus ou moins lente de ce réseau-là, et, au Québec, on ne peut pas se permettre cela.

Quand on dit, par exemple, qu'on veut imposer des frais de scolarité... C'est un réseau performant, c'est sur la base du talent. Nous, ce qu'on espère: Pourquoi — j'étais pour dire: Maudite affaire! mais je ne sais pas si c'est permis ici — qu'on ne pourrait pas lire, si vous voulez, la formation ailleurs, à travers celle qui se donne dans les conservatoires, miser vraiment, si vous voulez, sur le talent dans toutes les disciplines, puis la rendre gratuite, rendre ça gratuit, l'enseignement? Ça va être performant. Ça nous a été dit; les jeunes l'ont dit, il y en a 20 dans les conservatoires qui sont dans les orchestres.

M. Boisclair: M. Perron, rapidement, parce qu'il reste 30 secondes.

Le Président (M. LeSage): M. Perron, je m'excuse d'intervenir, le temps qui nous était alloué pour cette...

M. Boisclair: Est-ce que la ministre peut consentir, comme je l'ai fait à plusieurs reprises? Est-ce que vous êtes prêt, vous, à...

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin...

Mme Frulla: Bien là, c'est parce que...

M. Boisclair: Une question simple, simple; courte, courte.

Mme Frulla: O.K. Trois secondes. Je prends une minute, hein? (21 h 10)

M. Boisclair: Je voulais juste vous demander: Est-ce qu'il est...

Le Président (M. LeSage): Alors, il y a consentement pour une minute de chaque côté.

M. Boisclair: Est-ce qu'il est de votre...

M. Perron (Luc): C'est une négociation rapide. Oui.

M. Boisclair: Est-ce qu'il est... On réussit parfois.

M. Perron (Luc): Ah oui! Je vous félicite.

M. Boisclair: Est-ce qu'il est de votre intention de soumettre des amendements concrets au projet de loi aux membres de cette commission?

M. Perron (Luc): Nous, nous demandons avec sérieux que, compte tenu de l'ensemble de la compréhension qu'on a de ce dossier, le gouvernement sursoit à ce projet de loi là, qu'on s'assoit, de façon précipitée s'ils le veulent, de façon intensive s'ils le veulent, mais qu'on installe un espace de dialogue productif, et puis il renaîtra un autre projet de loi en 1994. Mais celui-là, tel qu'il est là, il ne mène nulle part, et c'est excessivement dangereux de vous laisser, comme politique, légiférer là-dessus. Il faudrait l'amender, si vous voulez, en tout et partout. On vous a donné à peine quatre pages dans notre mémoire qui vous démontrent, hors de tout doute, les tendances qui sont inscrites là-dedans et puis celles, nous autres, que nous privilégions comme étant du terrain.

M. Boisclair: Je vous remercie.

Le Président (M. LeSage): Je vous remercie, M. Perron, M. le député de Gouin. Mme la ministre.

Mme Frulla: Moi, M. Perron, ce que je regrette de votre prestation, c'est votre vision, qui est destructrice, qui est remplie de faussetés. Vous savez comme moi que l'article 83, par exemple, selon votre expérience... Parce que vous n'êtes pas, quand même, un permanent du Conservatoire. Vous vous occupez de COFI, vous vous occupez de l'Institut agricole, vous vous occupez d'autres choses. Quand vous dites: Soyez présente, je peux vous dire la même chose.

Vous savez très bien que l'article 83, c'est un article qui est standard. On le fait présentement et on procède présentement au transfert de personnels qui vont d'eux-mêmes à la CALCQ et qui sont liés selon les conventions collectives actuelles. Vous avez, je vous l'ai dit, brandi le spectre de la destruction et, honnêtement, M. Perron, j'en suis scandalisée, parce que, au lieu de penser à la pérennité des conservatoires, vous pensez à votre membership. C'est ce que j'ai à dire.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la ministre. Ceci met fin à la période de temps qui nous était alloué...

M. Perron (Luc): Est-ce que je peux...

Le Président (M. LeSage): Je m'excuse, M. Perron, mais il y a d'autres groupes qui attendent, là. Je vous remercie, d'abord, d'avoir présenté votre mémoire, d'avoir participé à nos travaux, de même que M. Thiboutôt et M. Proulx. Et, avant de suspendre les travaux, j'indique que, lorsque nous reprendrons, nous entendrons la Guilde des musiciens du Québec, représentée par Mme Gisèle Frechette.

Alors, je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 h 13)

(Reprise à 21 h 19)

Le Président (M. LeSage): La commission de la culture reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 135, Loi sur le Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec.

Et nous entendrons la Guilde des musiciens du Québec, représentée par Mme Gisèle Frechette. Mme Frechette, je vous rappelle que vous aurez 20 minutes pour présenter votre mémoire et je vous demande de présenter les personnes qui vous accompagnent.

Guilde des musiciens du Québec

Mme Frechette (Gisèle): Bonsoir. Je vous présente d'abord M. Gilles Tremblay, qui est membre de la Guilde des musiciens du Québec, musicien professionnel formé au conservatoire de Montréal et professeur à la même institution; à ma gauche, M. François Lanthier, avocat et conseiller de scène à la Guilde des musiciens du Québec, musicien formé à l'Université de Montréal. Je suis présidente de la Guilde des musiciens du Québec. Je suis musicienne professionnelle, formée aux conservatoires de Trois-Rivières et de Montréal. (21 h 20)

Notre présence ici n'est donc pas le fruit du hasard. D'ailleurs, plusieurs de nos membres sont diplômés des conservatoires de musique du Québec et plusieurs autres y ont fait un stage à un moment ou à un autre. Malheureusement, le court laps de temps qui nous a été alloué pour préparer ce mémoire explique qu'une large consultation auprès de nos membres n'a pu être menée, ni même, d'ailleurs, une véritable discussion au sein de notre conseil d'administration. Mais cela ne nous empêche pas de relever plusieurs points obscurs et d'être en mesure de poser de nombreuses questions.

Nous connaissons la valeur de l'institution et la réussite remarquable de ses programmes pédagogiques. Nul besoin de vous réciter des statistiques qui démontrent parfaitement l'apport considérable et inestimable qu'a exercé cette institution envers la culture québécoise. Sans contredit, depuis sa fondation en 1942, le Conservatoire a permis l'éclosion et l'évolution de la vie culturelle québécoise. Nous avons donc la prétention, ce soir, de vouloir défendre les intérêts de nos futurs membres en tentant de protéger la noble institution qu'est le Conservatoire.

Le projet de loi 135 suscite de nombreuses craintes quant à l'avenir qui est promis au Conservatoire. Il semble trahir l'intention qui sous-tend l'action ministérielle, au risque de mettre en péril la survie de l'institution que l'on tente de sauver.

Dans la mission du Conservatoire de musique du Québec, en 1989, Mme Bacon déclarait que l'on reconnaissait unanimement les forces de cette institution. Elle disait: L'institution «offre une flexibilité pédagogique qui lui est propre et que beaucoup lui envient».

Une des caractéristiques fondamentales du Conservatoire consiste, justement, à fournir à l'élève un encadrement individuel continu qui permet le décloisonnement des matières à tous les niveaux. Conjuguées avec la gratuité, ces caractéristiques assurent la plus grande accessibilité à la culture qui soit jamais donnée aux talents québécois. De même, la possibilité pour un élève de faire reconnaître sa compétence, de pouvoir se présenter à un examen pour, finalement, se faire créditer un cours, de pouvoir profiter d'une exemption grâce à une équivalence constitue un procédé juste et équitable qui favorise un apprentissage plus approfondi et plus étendu, de même qu'une meilleure utilisation du temps, des énergies et des ressources humaines. Nous encourageons fortement le ministère à conserver ces caractéristiques du Conservatoire.

Prenons pour acquis que nous cherchons tous à assurer la survie et le développement futur des conservatoires et examinons maintenant le projet de loi 135.

Dans le chapitre I, à l'article 4, il est question de la composition d'un conseil d'administration de 15 personnes. La composition de ce conseil nous apparaît déséquilibrée d'abord par la préséance des personnes nommées politiquement qui détiennent, de par leur nombre, un pouvoir absolu — elles sont huit sur 15 — d'autant plus que l'inscription au conseil d'administration des membres nommés par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, ainsi que par celui de l'Éducation, risque d'accorder des pouvoirs décisionnels à des représentants d'institutions qui bénéficieraient directement de la disparition d'une institution concurrente, qui réduit déjà le bassin potentiel de leur clientèle.

Pourquoi faudrait-il assujettir les conservatoires à un conseil d'administration majoritairement extérieur à ses murs pour décider de son orientation future et de son développement?

Dans les orientations ministérielles proposées en

juin dernier, le ministère de la Culture indique se baser sur l'exemple des corporations qui existent dans le monde de l'enseignement — les commissions scolaires, les cégeps, l'Université du Québec — pour créer une corporation dénommée le Conservatoire du Québec. Les cégeps, de par la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel, sont effectivement dirigés par un conseil d'administration composé de personnes entièrement nommées par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. De même, dans la Loi sur l'Université du Québec, les 17 personnes sont nommées par le gouvernement.

Cependant, ces modèles se réfèrent à un organigramme où le conseil d'administration ou l'assemblée des gouverneurs, pour l'Université du Québec, doit gérer plusieurs constituantes, qui, à leur tour, dirigent plusieurs facultés ou options, où s'enseignent des disciplines aussi différentes les unes des autres que la musique et les techniques infirmières, l'informatique et la littérature, pour ne nommer que celles-là. Or, les neuf conservatoires n'offriront jamais, dans le meilleur des cas, que deux disciplines: musique et art dramatique. C'est pourquoi nous considérons l'organigramme proposé dans le projet de loi bien trop lourd et complexe pour permettre la souplesse et la flexibilité nécessaires à la bonne marche d'une école de musique.

De plus, la représentation des directeurs, professeurs et élèves de musique s'avère pour le moins déficiente, puisque, pour un réseau de sept institutions, un seul directeur, un seul professeur et un seul élève feront partie de ce conseil décisionnel — trois sur 15.

D'autre part, le projet de loi 135 accorde au secteur de l'art dramatique un droit de représentation identique à celui de la musique, sans tenir compte de la disproportion entre ces deux secteurs: l'on dénombre actuellement deux institutions qui dispensent la formation en art dramatique, alors qu'il y a sept institutions qui dispensent la formation musicale. Le même constat peut être effectué en comparant le nombre d'élèves dans chacun des secteurs. Ce relevé ne fait qu'accentuer l'insuffisance de la représentation accordée au secteur musique au sein du conseil d'administration.

La représentativité proportionnelle devrait s'étendre de la même façon aux établissements d'enseignement, en tenant compte du nombre d'élèves et de profs, pour permettre aux conservatoires de Montréal et de Québec de participer activement à la gestion administrative et à l'orientation de leurs établissements. C'est sûr que, quand on considère le conservatoire de Montréal, qui a déjà plus de la moitié des élèves de tout le réseau, il est normal qu'il soit impliqué.

Malgré la requête des professeurs du Conservatoire de musique de Montréal, dans un document remis aux instances du ministère en juillet dernier, nous remarquons et déplorons l'absence au conseil d'administration de gens issus spécifiquement du milieu des affaires. L'orchestre réseau Bell Canada illustre pourtant bien la bonification fourrie par la participation du milieu des affaires à la vie culturelle.

Aux paragraphes 4° et 7° de ce même article 4, il est question de l'élection des autres membres du conseil d'administration, et, si on lit bien cet article 4, les membres du conseil d'administration en fonction sont alors les membres nommés politiquement. Ce sont donc eux qui détermineront lequel parmi eux tiendra et présidera l'élection des directeur, enseignant, élève à plein temps en musique et, s'il y a lieu, du membre du personnel non enseignant. Pourquoi les pairs, qui doivent élire leurs représentants, ne pourraient-ils par déterminer eux-mêmes les critères et la procédure du vote selon les coutumes de leurs associations respectives? En exagérant un peu, le conseil d'administration pourrait aller jusqu'à indiquer aux élèves qu'ils doivent élire un représentant de tel âge, de tel niveau et, allons-y, de telle classe!

À l'article 12, on parle du comité exécutif, qui doit être élu à l'intérieur de ces mêmes membres nommés politiquement. Est-ce à dire que les membres du comité exécutif seront des personnes nommées politiquement, étrangères à l'institution, et non pas des personnes actives, oeuvrant dans les établissements d'enseignement et seules parfaitement au courant des vrais problèmes?

À l'article 13, on parle du directeur général et du directeur des études. Nous endossons la proposition des professeurs, qui requièrent la nomination d'un secrétaire général, plutôt que celle d'un directeur général, pour permettre un alignement sur la politique culturelle du Québec, qui veut décentraliser et rendre possible des décisions locales adaptées aux spécificités du milieu. Nous devons concevoir une structure plus responsabilisante, où chaque conservatoire aurait son propre conseil d'administration, qui serait à la fois appui et reflet du milieu, avec une participation d'intervenants du monde des affaires de la région. Le conseil d'administration local remplacerait le conseil d'orientation proposé dans le projet de loi et détiendrait des pouvoirs décisionnels. Une plus grande autonomie locale réduirait certainement la lourdeur administrative qui transpire à la lecture du projet de loi, en plus de permettre une souplesse de gestion cohérente, efficace et stimulante.

Nous questionnons la pertinence de nommer un directeur des études si hautement placé dans l'organigramme, alors que l'efficacité d'un directeur des études repose sur son contact quotidien avec les éléments de la base et que la situation que lui réserve, justement, le projet de loi 135, aura comme première conséquence de le couper de cette base. De toute façon, ce rôle, à la base, est déjà joué par les commissions pédagogiques dans chacun des conservatoires. Laissons-les le jouer, accordons-leur un pouvoir décisionnel qui en ajoutera de l'efficacité. La nomination d'un directeur des études est, quant à nous, tout à fait inutile et coûteuse.

Toutefois, pour établir les orientations pédagogiques essentielles à la mobilité des élèves d'un établissement à l'autre, pour voir à la normalisation de la valeur des diplômes, à la gestion des équivalences, une commission des études musicales devrait être maintenue. Composée de représentants des différents établissements d'enseignement, cette commission devrait, pour

répondre aux exigences de l'efficacité, être décisionnelle. Elle serait chargée de gérer les questions pédagogiques qui s'appliquent à tous les établissements — application de la philosophie de base de formation musicale et gestion des programmes communs — et laisserait au conseil d'administration de chaque école la latitude nécessaire pour régler les problèmes particuliers. (21 h 30)

Nous sommes d'avis que les décisions prises sur un plan local par ceux-là mêmes qui les appliquent sont plus rapides, plus efficaces, plus adaptées et, finalement, moins coûteuses. Il nous semble, au contraire, que le projet de loi obéisse à une logique qui veuille placer l'enseignement et la formation musicale au service de la bureaucratie, plutôt que de prévoir une équipe de soutien pour guider et servir la formation de nos artistes.

Au chapitre II, aux objets et pouvoirs, on donne comme premier objet: «dispenser de la formation professionnelle et du perfectionnement dans les domaines de la musique et de l'art dramatique». Les «de» et «du» indiquent une certaine restriction, comme pour permettre de dispenser une partie de la formation et une partie du perfectionnement. Cet objectif est trop imprécis et il crée inutilement une ambiguïté. Nous suggérons plutôt de garder la fonrulaîion de l'ancienne loi, qui stipule, à l'article 3, que l'objectif du Conservatoire est de donner une «formation professionnelle de compositeurs, de chanteurs, d'instrumentistes et d'acteurs». Cela signifie la formation de compositeurs, de chanteurs, d'instrumentistes, de chefs d'orchestre, de la musique ancienne à la musique contemporaine, et cela inclut toutes les disciplines pertinentes à cette formation. Ainsi, l'institution favorise le maintien de la mémoire et encourage, en même temps, l'innovation: deux conditions d'une tradition vivante orientée vers l'avenir.

Dans le deuxième objet, on se demande qu'est-ce que c'est vraiment la signification de l'expression: «susciter et favoriser une formation initiale de qualité». Quand on se reporte au document de Mme Bacon, en 1989, il est expliqué que le Conservatoire doit chercher à ne plus dispenser lui-même de l'enseignement initial. Quand on lit directement: «susciter et favoriser une formation initiale de qualité», on pourrait tout à fait comprendre l'inverse. D'ailleurs, aujourd'hui, il y a des groupes qui ont, justement, interprété carrément l'inverse. Je voudrais juste vous faire remarquer que la compétence du premier professeur pour un élève débutant revêt une valeur inestimable, qui peut expliquer la différence entre un bon musicien et un grand virtuose. Alors, quand on dit qu'on ne doit pas dispenser du tout d'enseignement initial, ça peut avoir des conséquences à moyen terme et à long terme.

Quand on parle, à l'objet no 3, de «susciter et favoriser [...] la présence d'organismes essentiels à la vie musicale», on s'est posé la question: Qui aura la compétence reconnue pour évaluer le rôle essentiel des différents organismes?

L'article 18 se termine par: «Dans la poursuite de ses objets, le Conservatoire tient compte de la spécifi- cité de chaque établissement d'enseignement.» Ainsi, à l'instar des conservatoires français, le réseau doit tendre vers une unité de philosophie de base de formation musicale, plutôt que de se résigner à ne produire que des copies conformes à tous les niveaux. Il doit comporter deux paliers d'institutions — nous sommes d'accord pour concevoir deux paliers: les conservatoires nationaux de région et les conservatoires nationaux supérieurs, qui seraient Montréal et Québec.

Nous privilégions la souplesse et l'acceptation des différences causées par le positionnement régional des conservatoires à une centralisation systématique, qui correspond à un nivellement par le bas: ce qu'un conservatoire ne pourrait pas offrir serait refusé aux autres. Cette attitude non concurrentielle, ainsi que le moulage forcé, sont démotivants, abrutissants et sclérosants. Permettre le droit à la différence n'exige pas l'élimination du respect fondamental du contenu pédagogique. Les cours des différents cégeps ne sont pas tous identiques et, pourtant, leurs diplômes sont tous reconnus.

À l'article 20, quand on parle du régime des études collégiales, on dit: «Les diplômes ou autres attestations relatifs à des programmes d'études collégiales sont décernés en application du régime des études collégiales.» Est-ce que ce petit paragraphe condamne le Conservatoire à abandonner son système pédagogique de promotion par matière? Ainsi, l'élève qui a l'oreille absolue devra assister en classe à tous les cours de solfège prescrits par le programme collégial pour obtenir le bon nombre de crédits et avoir droit à son diplôme! Parce que le programme aura prescrit un cours de solfège et non pas un cours d'arrangement ou de composition, l'élève devra physiquement assister à un cours de solfège, même s'il n'en a pas besoin.

Il y a d'autres éléments aussi à considérer. Un violoniste de niveau cégep au Conservatoire a déjà huit à 10 ans de formation, alors qu'un chanteur du même âge n'est strictement qu'un débutant, sans même de bagage musical, la plupart du temps. Est-ce que ces deux élèves-là devront suivre les mêmes cours pour répondre aux normes du régime collégial? Si c'est cela que ça veut dire, ce changement n'est pas une amélioration! Au contraire, ce système freine l'apprentissage et ne tient aucun compte du potentiel individuel de l'élève, en plus de restreindre sa culture. Le système de promotion par matière du Conservatoire a fait ses preuves. Il a, de plus, la qualité de développer au maximum le talent, au lieu d'imposer aux élèves avancés ou plus talentueux le rythme des plus faibles ou des moins avancés de la classe, ce qu'on déplore, malheureusement, très souvent dans le système de l'éducation publique actuel.

À l'article 21, où on parle de certificats ou d'attestations d'études universitaires, on s'est posé la question: Est-ce qu'il ne faudrait pas, pour permettre aux conservatoires de décerner des certificats ou des attestations d'études universitaires, amender la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire et, nommément, désigner le Conservatoire comme établissement d'enseignement de niveau universitaire?

À l'article 22: «Le Conservatoire peut, par règlement: «1° prescrire le paiement de droits d'admission ou d'inscription aux services d'enseignement offerts par le Conservatoire et de droits de scolarité afférents à ces services».

Cet article met brutalement fin à 50 ans d'accessibilité à la culture musicale au Québec. Il faut le dire, bon nombre de nos artistes n'auraient jamais eu accès à la formation musicale sans la gratuité offerte par les conservatoires. Est-ce que la politique culturelle du gouvernement ne doit pas démocratiser la culture? Ne doit-elle pas faciliter l'accès aux arts et à la culture?

La disposition de la perte de la gratuité entraînera un changement radical de la clientèle. Ça établira un élitisme où l'aisance des bien-nantis prévaudra sur le talent artistique, d'autant plus que l'article 22 ne donne aucun critère comparatif des montants exigés en guise de frais d'admission ou de scolarité. À la rigueur, il pourra en coûter deux fois plus cher d'étudier au Conservatoire qu'à l'université.

L'article 21 laisse pressentir une reconnaissance des diplômes du Conservatoire, sans toutefois la garantir. Le projet de loi, à l'article 22, prévoit établir des frais d'admission et de scolarité. Alors, l'élève, qui devra payer de toute façon, aura le choix entre une institution qui lui garantit des diplômes reconnus et le Conservatoire.

Au chapitre III, dans les organes consultatifs du Conservatoire, nous avons un peu modifié ces organes-là; pour nous, ça devient des organes décisionnels. Alors, à la section I, à la commission des études, dont on a déjà parlé tantôt, ce qu'on doit retenir, principalement, c'est que cette Commission des études musicales doit avoir un pouvoir décisionnel pour établir et gérer les grandes orientations pédagogiques qui s'appliquent à tous les établissements — application de la philosophie de base de la formation musicale et gestion des programmes communs — doit avoir un pouvoir décisionnel pour régler les procédures d'évaluation de l'apprentissage et de la sanction des études.

Relèvent aussi de son champ de compétence, les projets de règlement relatifs au régime pédagogique, les projets de programmes d'études du Conservatoire, de même que les projets concernant les prix et les concours du Conservatoire. Elle est composée de représentants des différents établissements d'enseignement.

Le conseil d'orientation serait remplacé par un conseil d'administration local détenant un pouvoir décisionnel. Ce conseil tiendrait compte des besoins spécifiques régionaux, déciderait des critères de sélection du directeur, des priorités locales, ainsi que de l'orientation générale de l'institution. Il y aurait aussi des gens d'affaires de la région.

Et nous ajouterions, en section III, la commission pédagogique — qui était prévue dans les conventions collectives — qui réglerait les modalités de l'organisation scolaire, les modalités de l'application du ré- gime pédagogique, traiterait des projets de règlement concernant la conduite et la discipline des élèves.

Il a été question des dispositions transitoires et finales. On trouve que ce comité transitoire a vraiment beaucoup de pouvoirs. À la limite, le conseil d'administration pourrait, par exemple, durant son exercice de transition, limiter considérablement le nombre d'élèves d'un établissement d'enseignement, ou fixer des frais d'admission ou de scolarité très élevés, ou encore modifier les affectations budgétaires sans que quiconque n'ait eu son mot à dire.

Le projet 135, dans sa conception actuelle, provoque une profonde inquiétude, une grande insécurité. Il semble vouloir effacer toutes les spécificités du Conservatoire qui ont fait sa force au fil des ans et qui lui permettent, aujourd'hui, de brandir un imposant palmarès: la gratuité et la promotion par matière, l'encadrement individuel continu, l'excellence de ses programmes pédagogiques. Le projet de loi semble vouloir le transformer en un nouveau cégep ou une université supplémentaire. Il lui applique une structure administrative beaucoup trop complexe, ce qui fait redouter une lourdeur paralysante. Au contraire, il faudrait décentraliser la gestion administrative et pédagogique pour respecter les différences régionales et permettre une gestion efficace. Les objets et la mission du Conservatoire ne sont pas clairement définis et sont potentiellement compromis. Tel que formulé, le projet de loi ne garantit pas la survie de l'institution. Le Conservatoire risque d'être immobilisé davantage et, finalement, de sombrer dans les complexités, les méandres des planifications de la structure organisationnel le.

Nous convenons qu'il est impératif que la Loi sur le Conservatoire soit modifiée. Tout le monde l'admet. Cependant, elle doit préserver ce dernier de l'obligation de se transformer en une réplique du système collégial ou universitaire. Cherchons plutôt les moyens d'alléger sa structure au lieu de la compliquer davantage. (21 h 40)

En conclusion, nous croyons que certains devoirs doivent être refaits et que le texte du projet de loi doit être retravaillé et réécrit de façon à préserver les valeurs sûres du Conservatoire et à éviter le sacrifice du principal responsable de la formation de nos artistes musiciens.

Je vous remercie de l'intérêt que vous manifestez pour sauver cette institution québécoise indispensable et irremplaçable. Et je termine par une citation extraite du rapport annuel 1991-1992 du Conseil supérieur de l'éducation: «Au-delà du seul transfert de pouvoirs, c'est la simplification des transactions, voire des structures et des encadrements, qui est souhaitée, de même qu'une participation plus active des acteurs sur le terrain; mais c'est aussi l'ouverture aux diverses formes de partenariat et la possibilité de disposer, de façon plus autonome, des argents en fonction des besoins éducatifs locaux.»

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Frechette. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.

Mme Frulla: Merci, Mme Frechette. Comme je le disais, il va y avoir certains amendements apportés déjà au projet de loi pour répondre à certaines de vos craintes. Par contre, vous avez apporté une notion que je n'ai pas vue ailleurs, quand vous parlez de deux paliers d'institutions: les conservatoires nationaux des régions et les conservatoires nationaux supérieurs, Montréal et Québec. On a beaucoup parlé, évidemment, de ne pas faire de différence entre l'enseignement en région et celui de Montréal, malgré qu'il y a un certain bassin à Montréal qui fait en sorte qu'il y a certains cours qui se donnent, ou à Québec, aussi. Mais c'est la première fois, finalement, que je vois cette proposition, et j'aimerais que vous m'en parliez un petit peu plus, à savoir c'est quoi, là.

Mme Frechette (Gisèle): II y a quand même un petit côté de réalisme à concevoir. Je pense qu'avant que le conservatoire de Val-d'Or, par exemple, puisse justifier l'ouverture d'une classe d'opéra, ça peut prendre quelque 10 ans. Même si on dit que les conservatoires doivent offrir les mêmes services à tout le monde, je pense que la philosophie de base doit effectivement être là pour tout le monde, il y a quand même des programmes pédagogiques qui doivent s'appliquer à tout le réseau, mais il y a quand même des différences qu'on doit apporter. Et je pense qu'il est normal, là où le bassin est le plus fort, à Québec et à Montréal, que la plus grande diversité des cours soit dispensée dans ces deux institutions-là, qui deviendraient, par la même occasion, les conservatoires régionaux avec un plus. C'est pour ça qu'ils seraient comme à un niveau supérieur.

Mme Frulla: On parle aussi d'activités de perfectionnement. Il y a des cours, évidemment, qui se donnent, de perfectionnement, présentement au Conservatoire, mais ce n'est pas dans la mission du Conservatoire. Et, contrairement à ce qui était dit tantôt, la loi donne au Conservatoire cette mission de perfectionnement à des artistes déjà professionnels. Vous qui, évidemment, travaillez avec plusieurs membres, etc., est-ce que... On nous l'a beaucoup demandé, l'UDA nous l'a demandé, d'ailleurs, en 1991. Mais quelle est l'ampleur de ces besoins-là et quel type d'activités, vous pensez, répondrait mieux à ces besoins?

Mme Frechette (Gisèle): Je pense que ça touche un peu le cadre pédagogique. Il faudrait un peu entrer dans les détails des commissions pédagogiques. Mais c'est sûr que, quand on veut... Voyons! je m'excuse, j'ai un blanc. Est-ce que vous pourriez me répéter un peu? J'ai...

Mme Frulla: Quand on parle de perfectionnement. ..

Mme Frechette (Gisèle): Ah oui! D'accord.

Mme Frulla: ...pour vos membres, par exemple.

Mme Frechette (Gisèle): Quand les élèves sortent du Conservatoire, il y a vraiment un vide au niveau professionnel, parce que l'intégration ne se fait pas du jour au lendemain. Ce n'est pas comme le médecin qui peut professer le lendemain de... On leur fait toujours une blague pour dire qu'un compositeur, quand il a son prix, il va s'acheter une petite plaque, puis il accroche ça après sa porte, puis, après ça, il attend que le téléphone sonne.

Cette transition-là, il faut qu'on l'aide, puis je pense qu'une des façons de l'aider qui est la plus sécurisante pour le finissant et la plus prometteuse pour lui permettre de rentrer dans le marché du travail, c'est de lui permettre de prendre des cours de perfectionnement, autres que ceux qu'il a suivis strictement pour ses cours. Il a besoin de cours d'intégration, un peu de marketing, il a besoin de savoir comment ça fonctionne le milieu, il a besoin de... Et ça, ce n'est absolument pas donné nulle part dans les cours au Conservatoire. Et, quand un quatuor, par exemple, se forme au Conservatoire, si on lui donnait la possibilité, après l'obtention des prix, de travailler avec un maître, mais d'aller plus loin que la formation musicale qu'on lui a donnée pendant son cours, et de voir un peu de mise en scène, et de voir un peu comment étayer sa carrière et aller voir, pourquoi...

Dans ces cours de perfectionnement, il y a plein de choses qui peuvent entrer en ligne de compte, qui peuvent être considérées, et à peu de frais, finalement, parce que les ressources humaines sont là, au Conservatoire, pour le faire. Excepté que les élèves, bon, quand ils sont partis, ils sont partis.

Mme Frulla: II y a une chose, une précision que je voulais apporter, aussi, quand vous dites: «Ne faudrait-il pas, pour permettre au Conservatoire de décerner des certificats ou attestations d'études universitaires, amender la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire»? Dans notre consultation avec le ministère de l'Enseignement supérieur, le sous-ministre, M. Pierre Lucier, et Mme Robillard, à moi, m'ont dit que, dans le nouvel article 21 de cette loi, le fait de fonder une corporation permet à cette corporation d'attribuer des diplômes universitaires, ce qui fait que, dans la nouvelle loi sur l'enseignement, vous retrouvez, finalement, cette même volonté. Donc, ça, c'est pour vous rassurer.

J'ai une question à vous poser, spécifique à l'inclusion, si on veut, au sein d'orchestres symphoniques, d'élèves du Conservatoire pour bénéficier d'une expérience pratique. On en a discuté tantôt avec des dirigeants d'orchestres symphoniques et on sait aussi que c'est important pour les jeunes, par exemple, ou, enfin, les élèves d'avoir une expérience pratique et aussi de côtoyer des professionnels, ce qui fait en sorte que, évidemment, spécifiquement en région, entre autres... je dis en région, mais même à Montréal, Québec, etc., ce

qui est important, c'est qu'ils aient une expérience pratique de terrain. Et je voudrais savoir comment vous voyez ça.

Et on parlait beaucoup... Et je me réfère au genre d'actions qui sont menées, présentement, pour professionnaliser l'orchestre du Saguenay—Lac-Saint-Jean, par exemple. Et je pense que c'est dommage, d'une certaine façon, puisque, encore là, c'est de priver les élèves de cette présence, et j'en suis, pas continuelle, mais au moins sporadique dans l'orchestre, pour justement leur donner cette expérience qu'ils ne pourraient peut-être, en tout cas, jamais acquérir ailleurs. Alors, j'aimerais ça que vous élaboriez un peu là-dessus, là.

Mme Frechette (Gisèle): Bien, d'abord, j'ai presque envie de vous poser des questions, parce que je ne sais pas vraiment de quoi il s'agit avec l'orchestre du Saguenay. On n'est comme pas au courant de...

Mme Frulla: Bien, Saguenay ou Trois-Rivières. Est-ce que... Bon! Alors, je vais poser cette question-là, parce que, bon, c'est... Est-ce que vous, la Guilde, par exemple, voyez de façon très positive la présence d'élèves au sein d'orchestres symphoniques — on en a sept, présentement, là; plus que ça, on en a neuf — pour justement leur donner cette expérience nécessaire, là, expérience professionnelle, si vous voulez, nécessaire?

Mme Frechette (Gisèle): Oui. Je vais juste faire un petit commentaire et je vais laisser François répondre. Je veux juste dire que les élèves qui sont disponibles pour aller jouer dans ces orchestres-là, ça se multiplie, ça, au fil des ans, il y en a toujours des nouveaux, et les élèves qui sont sortis et qui seraient prêts à aller travailler dans ces orchestres-là — si on va au fil du raisonnement, au bout du raisonnement — ils n'auront pas de place pour aller jouer, parce qu'il va y avoir d'autres élèves qui vont aller jouer.

Mme Frulla: D'accord. Mais, si, par exemple, dans — je ne sais pas, moi — certaines occasions — on peut finalement les nombrer ces occasions-là — mais sans que ça soit vraiment, là, pratique habituelle, c'est-à-dire de dire: Bon, on fait un orchestre... pas un orchestre d'étudiants, là, finalement, avec les orchestres symphoniques dans les régions, mais de dire, par exemple, que, dans certaines occasions, on enrichit, si on veut, l'orchestre d'étudiants de conservatoires, mais le faire systématiquement, par exemple, pour leur donner cette expérience-là, qui est une expérience pratique unique, là. (21 h 50)

Mme Frechette (Gisèle): Oui, c'est une bonne expérience pour ces élèves-là. Cependant, ça ne remplit quand même pas le rôle complet d'un orchestre de formation, parce que, dans un orchestre de formation, comme l'orchestre Bell ou l'orchestre du Conservatoire, le répertoire n'est pas le même que celui qui est pratiqué à Trois-Rivières toi moment où ils ont un surplus d'effectifs parce qu'ils utilisent les élèves du Conservatoire. Ça n'a pas la même portée pédagogique. Mais je vais laisser répondre François.

Le Président (M. LeSage): M. Lanthier, vous voulez rajouter?

M. Lanthier (François): Merci, M. le Président. Je pense que la Guilde l'a souvent exprimé, lors des négociations que nous avons entreprises avec la plupart des orchestres régionaux, des orchestres de banlieue, que cette collaboration-là avec les orchestres musicaux en région, c'est important; c'est important pour nous. Cependant, la Guilde n'accepte pas que les orchestres se servent des services gratuits des étudiants pour occuper des postes de musiciens professionnels. Et c'est seulement dans cette perspective-là qu'on a des objections à formuler.

Vous avez entendu, nous avons tous entendu, tout à l'heure, M. Brochu, qui est le président de l'orchestre de Trois-Rivières, nous parler de la participation des étudiants à des concerts de l'OSTR, qui permet la production d'oeuvres que les orchestres, autrement, n'auraient pas les moyens de faire. Mais où est le souci du travail pédagogique derrière ça? C'est la seule question qu'on pose.

Dans la mesure où l'objectif est clair, c'est de permettre à l'étudiant d'avoir une expérience pédagogique utile et intéressante, d'accord. Et la Guilde a toujours dit: Oui, faisons-le! Mais, si, l'objectif, c'est de remplacer des postes de musiciens professionnels par des étudiants qui ne coûtent rien — et, comme des étudiants, il y en a, ça roule, il y en a tout le temps, à toutes les années — bien ça, on a de grosses réserves par rapport à ça.

Mme Frulla: Mais, non, c'est parce que, là, je reviens au projet de loi. Je m'excuse, là, mais c'est parce qu'on a parlé de partenariat.

M. Lanthier (François): Alors, ceci dit, pour l'orchestre de Trois-Rivières, M. Gélinas l'a exprimé, nous avons, nous sommes presque sur le point de régler cette négociation-là, puis je pense que, dans le cas du projet d'entente collective, on a prévu la possibilité d'une collaboration entre l'orchestre et le Conservatoire. Alors, évidemment, c'est ça, c'est limité. Il y a deux productions... En tout cas, je ne veux pas commencer à mettre ça ici, là, à exposer ici des négociations collectives, les questions de négociations collectives, mais, s'il n'y a pas d'entente, la raison essentielle, ce sera parce que la Guilde refuse l'apologie du «cheap labor». Mais, à part de ça, c'est possible de s'entendre.

Mme Frulla: D'accord. Mais, je vous pose la question par rapport au projet de loi, parce que, que ce soit au niveau des intervenants qu'on a entendus cet après-midi, etc., on parle beaucoup de partenariat. On parle beaucoup, aussi... on parlait d'un conseil d'orientation pour essayer, justement, d'unir toutes les

forces, spécialement en région. On a parlé, même, d'ouvrir un peu son conseil d'administration pour, justement, inclure — vous avez parlé de gens d'affaires — bon, un plus grand nombre possible de gens impliqués dans le milieu musical en région.

On a même parlé d'avoir des conseils d'orientation obligatoires, c'est-à-dire rencontres obligatoires deux fois par année, pour, justement, créer cette synergie. Et, pour moi, ça me paraît important que tous les intervenants participent, justement, à ce rayonnement, sans pour autant faire du «cheap labor» — je pense que ce n'est pas l'intérêt de qui que ce soit — mais comme ajout, par exemple. Ne pas couper des musiciens, mais ajouter à un ensemble qui existe déjà, quelques fois par année, pour donner des expériences qui sont concrètes et, je pense, aussi très bénéfiques, et qui seraient complémentaires, si on veut, à l'enseignement qu'on dispense au niveau des conservatoires en région, je pense que c'est ça, le but.

Le Président (M. LeSage): Mme Frechette.

Mme Frechette (Gisèle): Si vous permettez, en y mettant un petit bémol, pour que les conservatoires ne deviennent pas des institutions de services. Si...

Mme Frulla: Mais, ce n'est pas le but, là. Mme Frechette (Gisèle): Pardon?

Mme Frulla: Parce que, dans un sens, j'essaie de comprendre, là, Mme Frechette.

Mme Frechette (Gisèle): Bien, je veux dire, parce qu'à un moment donné ça devient...

Mme Frulla: Parce que, comme les conservatoires, il y a des étudiants qui en sortent, donc qui ont besoin d'emploi — ça, c'est une chose, il faut trouver des débouchés — et que, d'un autre côté, il y a ceux qui sont à l'intérieur et qui ont besoin ne serait-ce que de côtoyer des professionnels pour, justement, finalement, avoir, je pense, en tout cas, un enseignement qui est beaucoup plus complet... Mais ce n'est pas... un n'est pas là pour remplacer, en permanence, les autres. C'est juste pour améliorer, si on veut, le curriculum et améliorer leur formation.

Mme Frechette (Gisèle): Oui. Cependant, la façon dont ça se fait, physiquement, cet apport-là, je ne suis pas convaincue de la valeur pédagogique de l'élève du Conservatoire qui a travaillé pendant deux ou trois mois sa partition au Conservatoire et qui arrive à deux répétitions, avec un professionnel assis à côté de lui, puis un concert, sinon le fait que c'est sûrement très stimulant.

M. Tremblay (Gilles): Vous permettez, M. le Président, que j'ajoute...

Le Président (M. LeSage): M. Tremblay, allez-y.

M. Tremblay (Gilles): ...un petit éclaircissement là-dessus. Par exemple, à Montréal, il y a un orchestre du Conservatoire. Le rôle de cet orchestre, son devoir, c'est de faire expérimenter aux jeunes étudiants toutes sortes de styles: du style classique, du style romantique, du style contemporain, différents styles, donc. Tandis que les orchestres auxquels vous faites allusion, qui étaient représentés tout à l'heure, en général, ces orchestres ont un répertoire très restreint. Ils font rarement de la musique contemporaine, par exemple. Ils ne se spécialisent pas, alors qu'il faut, pédagogiquement, que les élèves connaissent tout ça. Et ils ont cette expérience à travers un orchestre, qui est l'orchestre du Conservatoire, qui existe actuellement, en tant qu'élèves. Alors, je pense qu'il y a deux choses qu'il ne faut pas mélanger.

Quant à l'idée, qui pourrait être excellente, de stages dans un orchestre, ça pourrait être fait si, par exemple, l'OSM ou l'OSQ offraient des stages limités. Ça, c'est une chose, un stage, c'est une chose tout à fait différente. Et, si vous voulez, c'est un peu ce qui se passe lorsque nos élèves vont dans un orchestre international, les Jeunesses musicales ou autres. Ils travaillent avec un grand maître, avec des musiciens d'un peu partout. Ça, ce sont de vrais stages. Mais, autrement, je pense qu'il y aurait un grand danger de confusion et même d'affaiblissement de l'enseignement pédagogique donné dans les orchestres de conservatoires.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Tremblay. Ça va, Mme la ministre?

Mme Frulla: Oui, ça va.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: M. le Président, très intéressant toute cette discussion, mais un peu loin du contenu du mémoire de nos amis de la Guilde des musiciens. Je ne commenterai pas cette stratégie, mais j'aimerais revenir sur le contenu de votre mémoire fort intéressant, qui m'a moi-même allumé sur un certain nombre de réalités, qui, à ce jour, étaient passées inaperçues, et je tiens à vous remercier de l'avoir fait, particulièrement en ce qui a trait à la composition du comité exécutif. J'aurais aimé que la ministre puisse réagir à la question que vous lui posez, question pertinente, lorsque vous soulignez: «Est-ce à dire que les membres du comité exécutif seront les personnes nommées politiquement, étrangères à l'institut, et non pas les personnes actives oeuvrant dans les établissements d'enseignement et seules parfaitement au courant des vrais problèmes?»

Je pense qu'une lecture attentive du projet de loi nous amène à répondre de façon affirmative à cette inquiétude. Et je pense que nous devrons modifier, sans contredit, cette réalité si nous souhaitons donner suite aux discours généreux auxquels nous avons pu assister

depuis le début de nos travaux.

En plus, aussi, de souligner, là, à l'article 4, lorsque vous dites: «Pourquoi les pairs qui doivent élire leurs représentants ne pourraient-ils pas déterminer eux-mêmes les critères et la procédure du vote, selon les coutumes de leurs associations respectives?»... Vous avez entièrement raison. On a vu, dans d'autres organismes et associations, que le Parlement a habilité par une loi ce genre de procédure. Je pense, par exemple, au Conseil permanent de la jeunesse, qui, par le biais, non pas d'une assemblée générale, mais par le biais d'un forum, là...

Une voix: Un collège électoral.

M. Boisclair: ...collège électoral, voilà, par le biais d'un collège électoral, lui-même réussit par une procédure, qui est quand même assez simple, en bout de course, à élire ses représentants. C'est un genre de formule qui pourrait être retenue, et simple, et efficace dans son utilisation.

Ma question, ceci étant dit... Et je vous remercie pour ce mémoire, rédigé, je présume, aussi, rapidement mais rempli d'un contenu qui nous sera certainement fort utile pour la discussion article par article.

J'aimerais vous entendre parler sur cette proposition des professeurs, qui requièrent la nomination d'un secrétaire général plutôt que d'un directeur général. Au-delà de l'appellation — significative, j'en conviens — est-ce qu'il n'y aurait pas lieu aussi de regarder quant à la délégation des pouvoirs, quant au mandat de cet individu? Et, là-dessus, j'aimerais peut-être connaître votre point de vue.

Le Président (M. LeSage): Mme Frechette. M. Tremblay (Gilles): Bon, écoutez...

Le Président (M. LeSage): Alors, M. Tremblay, allez-y.

M. Tremblay (Gilles): Bon, d'accord, mais, enfin, vous pourrez ajouter, aussi, des choses. Si nous avons pensé à un secrétaire général plutôt qu'à un directeur général, c'est que nous avons pensé à quelqu'un, non pas qui donne des ordres, mais qui reçoit ses ordres de chacune des institutions. Ça a surpris certains qu'on emploie l'expression «secrétaire général», en disant: En général, on n'emploie pas cette expression. Mais je vous réfère, par exemple, à l'ONU — toutes proportions gardées, les conservatoires sont moins importants en nombre; il s'agit de la planète, au fond — mais l'ONU a à sa tête un secrétaire général, qui est mandaté par les États. Donc, c'est un mouvement qui va vers le haut. Il est mandaté par les États, il est au service des États. Et c'est un peu ce que nous voudrions au Conservatoire: un secrétaire général au service de chacune des institutions. (22 heures)

Voici la raison pour laquelle nous avons insisté là-dessus. C'est qu'on a constaté, durant ces dernières années — et c'est une chose qui s'est détériorée de plus en plus — que la direction générale travaillait de plus en plus fermée sur elle-même, dans une sorte de bunker, venant nous consulter, entre guillemets, de temps en temps — mais ce ne sont pas de vraies consultations — et prenant des décisions qui sont loin de la base, loin de ceux qui oeuvrent. Et il me semble que, dans toute société qui se veut saine, on doit rapprocher les centres de décision de ceux qui oeuvrent. Alors, c'est pour ça, si vous voulez, c'est dans cette perspective de décentralisation, tant administrative que pédagogique, que nous avons pensé à un secrétaire général. Bien sûr, les directeurs locaux, eux, auraient toute responsabilité. Il faut qu'il y ait des directeurs locaux qui soient beaucoup plus responsabilisés qu'actuellement et près des professeurs, également.

Donc, ce que nous proposons, c'est une sorte de renversement de pyramide et c'est une chose qui peut être très bénéfique pour le Conservatoire. Parce que la structure qui est proposée actuellement, Mme la ministre, on la trouve extrêmement, extrêmement lourde. Tout à l'heure, on a encore parlé de lourdeur, mais je crois qu'il faut viser à avoir des structures les plus légères et rapides possible; et, à ce moment-là, ça va économiser des sous à l'État et des sous à tout le monde, et beaucoup d'énergie. C'est tout simplement le sens qu'on donne au voeu d'avoir un secrétaire général. Si, pour des raisons de mots, on doit l'appeler directeur, appelons-le directeur de coordination, par exemple, en définissant son rôle de façon claire qui serait surtout de coordonner les différentes instances.

Est-ce que j'ai répondu à votre question?

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Oui, tout à fait. Ce qui m'amène à vous poser la question, justement, sur le rôle du directeur des études. Vous estimez qu'il n'est pas nécessaire de nommer un directeur des études, vous y voyez même un alourdissement, vous préférez qu'on renforce et responsabilise les commissions pédagogiques qui existent déjà. Est-ce que je peux tout simplement... Vous pourrez largement commenter.

Mme Frechette (Gisèle): Oui.

M. Boisclair: Vous qui, aussi, avez une expérience étrangère, quant à l'organisation des conservatoires, est-ce que, à votre connaissance, cette structure et ce poste de directeur des études existent dans d'autres conservatoires?

M. Tremblay (Gilles): II y a plusieurs volets à votre question. Je vais commencer par le dernier. Par connaissance étrangère, vous faites peut-être allusion à ce qui se passe, par exemple, en France. On dit toujours

que les conditions sont différentes ici, mais il y a deux conservatoires nationaux supérieurs et, pour les programmes, il n'y a pas de programme commun, il n'y a pas de direction des études commune pour ces deux conservatoires. Chaque conservatoire donne un programme d'excellence comme il l'entend, et on ne voudrait surtout pas qu'il y ait un programme commun. Chacun le fait le mieux possible; ça fait une émulation, et on fait confiance aux gens. À ce moment-là, un directeur des études au-dessus, c'est un étage de plus qui alourdit le système, cette fois-ci non pas au point de vue administratif, mais au point de vue pédagogique. Alors, ça, c'est le dernier volet. Est-ce que j'ai répondu...

M. Boisclair: Si on peut juste poursuivre sur cette question-là, la notion de réseau, comment concilier votre point de vue, où vous dites: II est même important de susciter l'émulation entre les institutions... Je comprends votre point de vue, et on le voit très bien, par exemple, si on utilise l'exemple des conservatoires d'art dramatique, qui, effectivement, à Québec et à Montréal, offrent une formation qui, à bien des égards, les distingue l'un de l'autre. Est-ce que cette notion de réseau, qui est chère à la ministre, et lorsqu'on parle de la mobilité des étudiants au sein du réseau, c'est un principe qu'on doit retenir dans l'étude de ce projet de loi?

Mme Frechette (Gisèle): Je pense que ce qu'il faut comprendre...

Le Président (M. LeSage): Mme Frechette.

Mme Frechette (Gisèle): Je pense que ce qu'il faut comprendre, c'est que le conservatoire national supérieur est d'abord un conservatoire national régional, plus le supplément qui fait de lui le conservatoire national supérieur, et que la notion de réseau de Mme la ministre est tout à fait conservée dans le premier niveau...

M. Tremblay (Gilles): Intégralement. M. Boisclair: C'est une... C'est une...

Mme Frechette (Gisèle): ...ce qui permet la mobilité des élèves et l'équivalence des diplômes.

M. Boisclair: Ce que je vous... Ce que je vous...

M. Tremblay (Gilles): Et on garderait une commission des études, justement. Pour...

Le Président (M. LeSage): M. Tremblay.

M. Tremblay (Gilles): ...cette question que vous posiez tout à l'heure: Qu'est-ce qui coordonnerait tout ça? bien, c'est justement la commission des études qui est là.

M. Boisclair: Mais, quant à la composition de la commission des études, est-ce qu'elle vous apparaît correcte?

M. Tremblay (Gilles): II faut la réviser, encore une fois, en la rapprochant le plus possible des gens du milieu, de ceux qui oeuvrent.

M. Boisclair: Justement, sur cette question de composition, on a beaucoup parlé, tout au long de la journée, de la composition du conseil d'administration. Les gens seront mandatés au conseil, dépendant des individus, pour des mandats de trois ans, deux ans et même un an. Il se peut donc que, pendant plusieurs années, un conservatoire ne soit représenté d'aucune façon au conseil d'administration. Est-ce que cette réalité vous inquiète et vous amènerait à nous proposer une façon originale de s'assurer d'une rotation ou d'une représentation des différents conservatoires?

Mme Frechette (Gisèle): En fait, ce qu'on présente dans notre mémoire, c'est un conseil d'administration à chaque conservatoire, une commission pédagogique à chaque conservatoire, une commission des études pour tous les conservatoires et un secrétaire général qui coordonne le tout. Je pense que les orientations ministérielles ou gouvernementales peuvent très bien être acheminées à travers la commission des études plutôt que...

M. Boisclair: II serait intéressant d'entendre la ministre. Je comprends très bien que c'est... Est-ce que la ministre pourrait nous dire ce qu'elle pense de cette suggestion-là?

Mme Frulla: C'est parce que j'ai de la difficulté à comprendre. Vous parlez de lourdeur. Bon. Alors, vous parlez d'un conseil... D'abord, vous parlez de deux paliers. Ça, je ne sais pas, là. Dans toutes les discussions que nous avons eues, évidemment, là, régions versus Montréal, versus Québec... Mais, dans le fond, vous dites que vous statuez la réalité. Bon. Mais, alors, j'essaie juste de vous comprendre. Bon, deux paliers.

Vous gardez la commission d'études, pour l'instant. Dans la commission d'études, ce que nous proposons, c'est que professeurs et élèves sont quand même très présents, sinon majoritaires. Donc, vous gardez une commission d'études, des commissions pédagogiques et des conseils d'administration à chaque institution. Bon. Maintenant, nous, ce qui nous importait aussi beaucoup, évidemment — comme le député de Gouin — c'était cette notion de réseau, cette notion de programmes pédagogiques qui se donnent d'égale, je dirais, qualité autant dans une institution que dans une autre. Je pense que, pour nous, c'est assez capital, surtout qu'il y a des enfants qui sont très jeunes. Si les parents décident, par exemple, ou sont obligés de déménager pour une raison ou pour une autre, l'enfant continue tout simplement sa formation dans une autre institution, puis il n'y a pas de

différence. Donc, j'ai de la misère à comprendre en quoi, nous, là, ce qu'on propose, c'est plus lourd que ce que vous proposez.

Mme Frechette (Gisèle): Bien, parce que, nous, c'est près de la base. Le conseil d'administration d'un conservatoire local va réagir beaucoup plus rapidement, va prendre des prises de position et va régler les problèmes beaucoup plus rapidement que s'il faut que ça monte en haut puis que ça redescende avant d'être appliqué.

Mme Frulla: D'accord. Alors, à ce moment-là, si le conseil d'administration de la corporation a une représentativité régionale, si on spécifie une représentativité régionale, le conseil d'administration, habituellement, va prendre des décisions globales au niveau administratif. Mais, au niveau des régions, il y a d'abord secrétaire, ou directeur, ou, enfin, quelqu'un qui est responsabilisé, avec responsabilités — et, là, j'en suis — accrues. Et il y a aussi le conseil d'orientation qui fait en sorte que non seulement on s'assure, finalement, de la synergie entre le conseil, les conservatoires et les milieux, mais aussi de cette communication si nécessaire entre les écoles de musique, les orchestres, bon, au niveau du milieu et... (22 h 10)

Mme Frechette (Gisèle): Le conseil d'orientation, nous autres, on l'a éliminé. Notre conseil d'administration comprend des gens d'affaires du milieu et est en majorité formé de gens du Conservatoire. Et je pense que l'implication dans le milieu, par la présence de gens extérieurs au Conservatoire sur le conseil d'administration local, va répondre à ces exigences-là d'adaptation.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme Frechette. Alors, M. le député de Gouin, vous voulez poursuivre?

M. Boisclair: Je veux juste être sûr que je vous comprends. Il se fait tard, on est tous un peu fatigués.

Vous nous proposez de remplacer le conseil d'orientation de chacune des institutions par un conseil d'administration, de maintenir la commission des études — sauf de modifier sa composition pour être sûr d'inclure davantage de gens du milieu — et de remplacer la direction générale par un secrétaire général, qui est au service des responsables de chacune des institutions. Mais il n'y a donc plus de conseil d'administration en haut de l'organigramme. Je vous comprends bien?

Bon, maintenant, le problème — c'est justement là où je voulais en venir — au niveau de Fimputabilité, j'essaie juste de voir comment on peut... Parce qu'il y a quelqu'un, à un moment donné, qui doit rendre compte, qui doit... J'imagine, par exemple... Je ne vois pas une université sans conseil de gouverneurs, et uniquement laisser la responsabilité au directeur de chacune des facultés. Mon exemple n'est peut-être pas pertinent, mais j'aimerais juste approfondir avec vous ce dialogue.

Le Président (M. LeSage): Mme Frechette.

M. Tremblay (Gilles): Je pourrais, si vous me le permettez, M. le Président...

Le Président (M. LeSage): M. Tremblay, allez-y.

M. Tremblay (Gilles): ...répondre par un autre exemple qui n'est peut-être pas tout à fait pertinent, mais qui fait comprendre aussi. Essayez, un moment, d'imaginer qu'un jour, au Québec, on décide de se doter d'un conseil d'administration unique pour tous les orchestres. Imaginez la zizanie, la pagaille, la guerre et l'impraticabilité de la chose. Ce n'est pas tout à fait la même chose, mais il y a une certaine analogie.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: On a parlé de l'exemple des Hautes Études commerciales.

M. Tremblay (Gilles): C'est un étage inutile, en quelque sorte. Nous, on le voit comme ça.

M. Boisclair: Oui. Mais, inutile, peut-être pour des gens qui oeuvrent dans le réseau, mais certainement fort utile pour des gens qui souhaitent identifier des gens qui, en bout de course, ont à rendre des comptes quant à l'utilisation des deniers publics. Ce que vous nous proposez, finalement, c'est de créer neuf corporations plutôt qu'une seule.

Mme Frechette (Gisèle): Ça pourrait très bien...

M. Boisclair: Est-ce que je comprends bien votre propos? Neuf corporations indépendantes les unes des autres, mais quand même régies par une commission des études conjointe pour l'ensemble des conservatoires.

Mme Frechette (Gisèle): II faut que ce soit coordonné, tout ça. Il faut quand même garder le plan pédagogique, qui s'applique partout. La notion de réseau doit quand même continuer à être sauvegardée.

M. Boisclair: Et cette responsabilité, elle serait confiée à la commission des études.

Mme Frechette (Gisèle): À la commission des études, oui.

M. Boisclair: C'est intéressant, mais je pense que, sur le plan de l'administration publique, ça pose un certain nombre de questions. Peut-être que M. Bruneau ou la ministre pourrait nous éclaircir, nous apporter leur point de vue sur ces questions.

Le Président (M. LeSage): Mme la ministre, sur le temps de l'Opposition.

Mme Frulla: Évidemment, dans l'application, si on veut... enfin, quand on se sert des deniers publics, c'est vrai qu'il doit y avoir une certaine transparence. Donc, il faut que ce soit des gens qui soient imputables, d'une part. Et, si on a une commission des études qui est là, qui est un peu flottante... Parce que, oui, elle chapeaute, mais c'est une commission des études et c'est vraiment neuf corporations distinctes. On ne peut pas avoir neuf corporations liées par... En quelque part, il y a une espèce de difficulté d'application, je pense, ce qu'on trouve, là, au système, là-dessus, que vous nous proposez, comparativement à une corporation avec des établissements, des membres des établissements qui siègent au conseil d'administration, les commissions d'études, pour s'assurer une uniformité au niveau du programme pédagogique, mais toujours, par exemple, par rapport à l'institution que sont les conservatoires et leur spécificité, il ne faut pas oublier. Parce que, sur le conseil d'administration, oui, il va y avoir des professeurs, il va y avoir des élèves, il va y avoir des exélèves, aussi, et, pour répondre à votre inquiétude, les gens qui sont nommés par le gouvernement seront des gens qui auront été proposés par les divers organismes. Ce n'est pas des gens qu'on prend en l'air. Un peu comme ça s'est passé, par exemple, au niveau du Conseil des arts, ce sont des gens qui ont été proposés par les organismes, à travers desquels il y a une liste, à travers de laquelle on choisit. Donc, il y a aussi une assurance, au niveau du conseil d'administration, que ce ne soit pas, justement, des gens qui viennent de nulle part et qui ne sont pas reliés, si on veut, au monde de la musique ou de l'art dramatique. Alors, il y a une espèce d'unité, aussi, d'action, et les conseils d'orientation, ce sont justement des conseils d'orientation qui assurent, pour chaque organisme, aussi, le rayonnement de l'organisme au sein de son milieu propre. C'est de là la logique.

Mme Frechette (Gisèle): Mais le danger du conseil d'orientation... Pour nous autres, en tout cas, on ne saisit pas la nuance que vous voulez y apporter. On conçoit que le conseil d'administration local peut très bien remplir ce rôle-là.

Mme Frulla: C'est-à-dire que le conseil d'administration local... un conseil d'administration prend des décisions qui sont administratives sur la gestion de chacune. Parce que, vous autres, ce que vous dites, ce sont neuf conseils, donc toutes des corporations indépendantes, et qui prennent des décisions sur la gestion de chacune des corporations, comparativement au conseil d'administration de la corporation qui prend des décisions, finalement, administratives importantes, mais, ensuite, que l'application se fasse par un directeur général — ça, j'en suis — avec responsabilités, donc forte- ment responsabilisé. Et les conseils d'orientation, c'est pour s'assurer que l'application de ces mesures et, aussi, le rayonnement de l'institution se fassent, et non pas que tout ça se fasse en vase clos. Alors, c'est un peu cette orientation-là qu'on veut leur donner.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la ministre. Alors, M. le député de Gouin, je regrette, mais la période de temps allouée à l'Opposition est complétée. Par contre, il reste 3 min 45 s au parti ministériel.

M. Boisclair: Vous pouvez m'en donner un peu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Non, mais elle vient d'en prendre.

Mme Frulla: Tout simplement, pour un, vous remercier. Deuxièmement, il va y avoir, suite à vos propositions — je regardais certaines propositions — des amendements au niveau du projet de loi qui vont clarifier, aussi, certaines de vos préoccupations, d'une part. Et, deuxièmement, nous allons essayer, justement, de peut-être clarifier le rôle du conseil d'administration, mais nous proposons quand même une corporation avec des personnes qui se doivent d'être, finalement, transparentes ou encore de répondre aux responsabilités financières que l'État leur a dévolues. Parce que ces millions-là sont quand même des millions qui viennent des contribuables, donc il faut y avoir une gestion totalement transparente. Alors, c'est un peu là-dessus qu'on s'enli-gne.

Le Président (M. LeSage): M. Tremblay.

M. Tremblay (Gilles): Très rapidement. Si, pour des raisons de technicalité administrative, il fallait un seul conseil d'administration, alors, à ce moment-là, je pense qu'il faut totalement changer l'esprit des conseils d'orientation, qui seraient plutôt transformés en conseils régionaux, qui rééquilibreraient, en quelque sorte, l'autorité du conseil central et, à ce moment-là, apporteraient plus d'équilibre, plus de ballant, une balance entre les deux.

Et, aussi — je veux juste terminer ça — il faudrait aussi laisser, je pense, à chaque établissement — ça, c'est très important — le soin d'en choisir les membres en fonction des besoins et des connaissances du milieu; le milieu de Chicoutimi, le milieu de Rimouski n'est pas le même que le milieu de Montréal. Ça devrait être fait par les gens du milieu.

Et, deuxièmement, il faudrait alors enlever à ce conseil d'orientation deux rôles qui s'annulent l'un et l'autre. Par exemple, son mandat, actuellement, c'est une sorte d'amalgame où on lui demande de se prononcer sur des questions d'orientation, proprement dites, et aussi sur des questions de cuisine interne, dans un

certain sens, et, à ce moment-là, qui devraient être débattues purement à l'interne. Alors, je pense qu'il faudrait, à ce moment-là, le purger de cet aspect-là. Ce serait beaucoup plus acceptable et, surtout, ça contrebalancerait: si on ne peut pas avoir neuf corporations, on pourrait avoir une confédération à neuf jambes. Voilà!

M. Boisclair: Et nous proposerons le droit à l'autodétermination pour chacun des conservatoires.

M. Tremblay (Gilles): C'est ça!

Des voix: Ha, ha, ha!

(22 h 20)

Le Président (M. LeSage): Alors, M. Tremblay, Mme Frechette, Me Lanthier, je vous remercie de votre présence, je vous remercie de votre participation à nos débats.

Vous entendez les cloches comme je les entends. Alors, nous devrons suspendre dans quelques instants nos travaux, mais je me propose de contacter à nouveau tous les membres de la commission pour faire en sorte que l'on revienne avant 23 heures et que nous puissions entendre les représentants des directeurs de conservatoire. Alors, merci de votre participation, et je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 22 h 21)

(Reprise à 22 h 38)

Le Président (M. LeSage): S'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. J'invite les représentants des directeurs de conservatoire à se présenter à la table des invités.

Alors, si je comprends bien, le porte-parole est M. Albert Grenier, directeur du Conservatoire de musique de Montréal.

Représentants des directeurs de conservatoire

M. Cloutier (Raymond): Non. Ça va être Raymond Cloutier, directeur du Conservatoire d'art dramatique de Montréal.

Le Président (M. LeSage): Alors, M. Cloutier, je vous indique que vous aurez 20 minutes pour présenter votre mémoire et je vous demande de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Cloutier (Raymond): Avec plaisir. Si on m'a demandé de lire le mémoire, c'est parce qu'il n'est pas chanté, sinon ça n'aurait pas été moi, mais c'est seulement pour prêter ma voix et ma capacité de lecture à la commission, \lors, je vous présente Albert Grenier, qui est directeur du Conservatoire de musique de

Montréal, et Jacques Clément, directeur du Conservatoire de musique de Chicoutimi.

En deuxième préambule, avant de lire, j'aimerais vous dire que j'ai été content d'apprendre, ce soir, que j'étais rendu un technocrate, en plus du reste. Alors, ça me fait bien plaisir d'avoir un diplôme supplémentaire. Mais, je dois avouer que je suis ici non seulement en tant que directeur du Conservatoire d'art dramatique de Montréal, mais aussi en tant qu'acteur, homme de théâtre, artiste vivant — et très vivant — dans son milieu. Et les autres directeurs des autres établissements sont aussi, pour la plupart, comme moi, des anciens de l'institution. Nous sommes, moi, membre de l'Union des artistes, eux, probablement de la Guilde, enfin il y a un méli-mélo des tables qui se succèdent ici, où tout le monde est un peu partie prenante de tous les discours. (22 h 40)

Et, finalement, la consultation qui a eu lieu a été un travail très important fait par la direction générale, qui nous a beaucoup consultés, les directeurs, depuis de nombreuses années que nous travaillons sur ce projet-là. Et nous vivons dans des petites unités d'enseignement, des écoles qui sont pratiquement, souvent, des familles, où nous vivons avec les oreilles ouvertes. Nous sommes sur le terrain, nous sommes tous des artistes, et je me refuse à voir dans tout ça une grande division de luttes de classes, ici. Tous, ce que nous voulons, c'est l'amélioration, probablement, de la condition et de la grandeur de l'art, de la musique et de l'art dramatique.

Alors, je vais donc vous lire notre mémoire de façon la plus succincte possible et ça me fera plaisir, par la suite, de répondre... tous les trois, nous répondrons à vos questions.

Donc, en 1942, M. Wilfrid Pelletier se réjouissait de voir créée, par voie législative, et placée sous le protectorat du secrétaire de la province l'institution qu'il réclamait depuis un certain temps. Le Conservatoire s'appuyait sur une philosophie d'école d'art, basée sur la souplesse et la recherche de l'excellence dans un contexte qui favorisait des mécanismes flexibles et peu normalisés. Les années qui ont suivi ont assuré le développement du Conservatoire à l'intérieur d'une structure gouvernementale beaucoup moins complexe qu'aujourd'hui. Il jouissait alors d'une reconnaissance importante.

La création du ministère des Affaires culturelles, au début des années soixante, intégrait le Conservatoire dans l'administration du ministère et, par la suite, il allait être encadré par une direction générale. Une trentaine d'années plus tard, le Conservatoire se trouve marginalisé par rapport au développement considérable de l'administration publique, d'une part, et de l'enseignement supérieur, d'autre part. Tenu de respecter les procédures d'une administration publique moderne, il se trouve ainsi encarcané dans un appareil de gestion qui est souvent contraignant pour sa mission de former des interprètes et des créateurs dans les domaines de la musique et de l'art dramatique, ce qui l'isole de plus en plus de ses partenaires.

Cette situation devient préoccupante et, depuis 20 ans, nos prédécesseurs et nous avons participé à la recherche d'avenues pour la transformation du Conservatoire, transformation qui devait s'appuyer sur les principes de souplesse et d'excellence mis de l'avant par Wilfrid Pelletier. Par ailleurs, compte tenu de l'évolution de notre institution et des structures juridiques des autres écoles de formation dans diverses disciplines artistiques, nous ne pensons pas que la gestion d'une institution comme le Conservatoire relève du mandat d'un ministère.

Le projet de loi, maintenant. Nous sommes convaincus que l'adoption de ce projet de loi assure la pérennité de notre institution. Ayant été consultés et ayant suscités la réflexion et la discussion dans nos différents établissements d'enseignement, nous croyons que ce projet de loi accorde une plus grande souplesse et favorise davantage l'atteinte des objectifs d'excellence souhaités par tous. Ce projet de loi constitue un changement majeur qui ne peut faire autrement que se traduire par une dynamisation de notre école. Dans cet esprit, nous ne croyons pas que le Conservatoire sera plus vulnérable, car, si une volonté de procéder à la fermeture de certains établissements de notre réseau avait existé, il aurait été plus facile de la réaliser en maintenant le statu quo. Le Conservatoire se voit confirmer son statut d'institution nationale de formation en musique et en art dramatique du fait de sa création par voie législative.

Nous ne croyons pas qu'une forme quelconque de menace existe dans ce projet de loi pour certaines personnes ou groupes. Nous pouvons même affirmer que notre institution se voit consolidée par ce projet de loi et qu'elle acquiert un souffle nouveau. Elle acquiert également une assise juridique moderne, car, à notre connaissance, nulle part ailleurs n'existe une école d'art qui est partie intégrante d'un ministère.

Maintenant, nous voudrions insister sur certains aspects du projet de loi qui nous semblent être des indicateurs de développement de notre institution au cours des prochaines années.

Premièrement, la mission. Le projet de loi reconnaît d'une façon explicite la mission actuelle de notre institution. Il reconnaît également la formation verticale continue qui s'est construite au cours des années. Et cette mission se voit complétée par le perfectionnement disponible aux artistes professionnels. Elle intègre aussi la spécificité de chaque établissement. Autrefois, nous étions des sections; nous devenons des établissements, des écoles. Mais nous voulons particulièrement mentionner un droit nouveau, inscrit à l'article 21 du projet de loi, concernant tout grade, diplôme, certificat ou attestation d'études que notre institution pourra dorénavant décerner. C'est là un acquis de taille qui ne peut être que bénéfique à nos élèves et à la réputation de nos institutions.

Le réseau. Le Conservatoire, spécifiquement et uniquement dans le domaine de la musique, s'est façon- né, au cours des années, en un véritable réseau de sept établissements d'enseignement. La reconnaissance de ce réseau confirme un régime pédagogique commun et maintient la libre circulation des élèves à l'intérieur du réseau.

Nous nous réjouissons de voir inscrit, enfin, la participation fondamentale des professeurs dans la structure de notre institution. Depuis une vingtaine d'années, elle est simplement convenue par voie de négociations et elle se traduit par cette participation à la commission pédagogique, sur laquelle j'aimerais revenir plus tard si vous avez des questions là-dessus. Mais cette participation a dorénavant une assise législative, garante du rôle de nos professeurs. Nous apprécions également la mention du personnel et des élèves dans les diverses instances qui constituent la structure du Conservatoire. Tantôt sous forme décisionnelle — le conseil d'administration — ce qui est aussi un droit nouveau, tantôt sous des modes consultatifs — la commission des études et les conseils d'orientation — toutes les personnes qui oeuvrent à la réalisation des objets du Conservatoire pourront intervenir. Cet élément nous semble très important, d'autant plus que, dans le cadre rigide actuel de l'administration publique, cela est une chose pratiquement impossible et cela ne reflète pas notre particularité.

Les normes et procédures qui sont justifiées dans l'administration publique cadrent mal avec une philosophie de gestion d'une école d'art qui repose sur l'ouverture, l'adaptation, la flexibilité et, j'ajouterais, la rapidité d'exécution. Il suffit de mentionner l'incompatibilité entre l'année scolaire de notre institution et l'année financière du gouvernement pour illustrer notre propos. De même, l'application d'une mesure financière décrétée par le gouvernement, à un moment précis de notre année scolaire, ignore toujours le service que nous nous étions engagés à offrir à nos élèves.

Enfin, l'autonomie. Ayant déjà mentionné que le Conservatoire sera dorénavant moins soumis aux contraintes administratives publiques, nous devons ajouter que, dans notre compréhension du projet de loi, chaque établissement d'enseignement bénéficiera d'une marge de manoeuvre plus importante. Il faut aussi signaler que les mécanismes de délégation, normalement accessibles à une entité juridique distincte de l'appareil gouvernemental, favoriseront cette décentralisation en faveur des établissements d'enseignement. De même, l'existence des conseils d'orientation constituera pour les directeurs un appui non négligeable dans l'exercice de leurs fonctions.

Nous croyons donc que ce projet de loi, s'il est l'objet d'amendements suite aux travaux de cette commission parlementaire, ne peut être que bonifié. Pour nous, après tant d'années d'attente et d'espoir, nous souhaitons que dorénavant existe le Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec. Merci.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Cloutier. Mme la ministre.

Mme Frulla: Merci, M. Cloutier. On vous remercie, d'ailleurs, d'être ici, vous tous, et spécialement vous, après une grande journée de tournage. (22 h 50)

C'est intéressant de voir, finalement, cet enthousiasme face au projet de loi. Oui, effectivement, on a parlé, on a consulté, et tout ça; il y a eu beaucoup de choses qui se sont dites aujourd'hui. Et vous avez dit, vous l'avez répété qu'une institution d'enseignement cadre mal à l'intérieur d'une structure ministérielle. Est-ce que vous avez des exemples concrets, là — et je vous le demande à vous, M. Cloutier, et aussi aux autres — de difficultés administratives auxquelles vous êtes confrontés dans la structure actuelle?

M. Grenier (Albert): Mme la ministre, je pense que...

Le Président (M. LeSage): M. Clément.

M. Grenier (Albert): Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. LeSage): Allez-y.

M. Grenier (Albert): Albert Grenier. On en a parlé un petit peu dans notre texte de présentation, il y a plusieurs facteurs de contrainte ou de rigidité qui font en sorte que ça devient, à certains moments, pratiquement ingérable d'essayer de mettre en forme une école d'art à l'intérieur d'un système de fonction publique. Et je ne fais pas que me citer; je cite à peu près tous les directeurs que j'ai connus, directeurs généraux et même sous-ministres, depuis à peu près 20 ans. Parce que je dois vous dire que ça fait une vingtaine d'années que ce dossier chemine.

Et on parlait, dans notre présentation, de l'inadéquation, par exemple, de l'année budgétaire du gouvernement par rapport à une année scolaire qui nous cause énormément de problèmes. Il faut, par exemple, que nous ayons pratiquement deux systèmes de budget pour une même année scolaire, au lieu d'un seul. Nous devons également toujours craindre, dans le fonctionnement de notre année scolaire, qu'il y ait — par exemple, avec les décrets du Conseil du trésor — à un moment donné, un gel des crédits. Et, à ce moment-là, on se demande exactement comment est-ce qu'on va faire pour continuer à donner le service pour le reste de l'année scolaire. Ou même, il peut très bien arriver que le Conseil du trésor décrète un gel ou même une coupure dans l'embauche ou l'engagement du personnel occasionnel. Et nous savons tous que, dans les conservatoires, il y a beaucoup de professeurs occasionnels. Alors, à ce moment-là, si on coupe là-dedans, qu'est-ce qu'on fait avec nos élèves? Et ça, ce sont des exemples que je donnerais.

Il y en a d'autres qui sont peut-être plus amusants. Si, par exemple, on veut acquérir un ordinateur pour des fins pédagogiques — je pense à la composition par ordinateur — eh bien, actuellement, on ne peut à peu près pas le faire à cause des directives qui existent et qui font en sorte qu'il y a gel sur l'acquisition de ces appareils. Et je pourrais vous raconter beaucoup d'autres histoires d'horreur. Et c'est dans ce sens que nous croyons qu'il faut revenir à une forme de gestion décentralisée qui permette, justement, une imputabilité, mais aussi — comment dirais-je? — une décentralisation du pouvoir de gérer vers la base. Et nous croyons que, par le biais d'un projet de loi comme celui-là, c'est la clé pour y parvenir.

Mme Frulla: On nous a dit aussi que le projet de loi... M. Cloutier, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

M. Cloutier (Raymond): Oui. Il y a des objets lourds aussi. Par exemple, on a toujours dit, depuis le début, qu'il faut rapprocher la tête du corps; la tête est trop loin. Il est évident, quand on parle des projets de développement, on essaie de faire quelque chose... on change un sous-ministre! Il y a eu beaucoup de ministres de la culture qui sont passés depuis six ans. Et il faut convaincre les gens à la verticale, tout le temps, de ce qu'on veut faire. Et, dès que les gens changent, il faut leur laisser le temps de s'acclimater, de comprendre la situation. C'est un épuisement total à ne pas faire la tâche pour laquelle on est fait, c'est-à-dire, agir sur le terrain, diriger une école d'art, animer ces élèves, les professeurs, rendre le service qu'on doit rendre à la communauté. On ne peut pas négocier nos conventions collectives; on ne peut pas négocier nos baux, et ce sont des sommes énormes. Et nous connaissons nos besoins, nous connaissons la spécificité de nos réalités. Et on n'a pas la «pole» sur la véritable gestion de nos affaires.

Mme Frulla: On a parlé du projet de loi. À un moment donné, il a été dit que le projet de loi a été fait de façon hâtive. Il me fait plaisir de vous entendre dire que ça fait des années qu'on y travaille, d'une part. Deuxièmement, il a été dit qu'on devrait surseoir au projet de loi pour, enfin, faire un projet de loi qui est peut-être plus adapté à certains besoins.

Selon moi, la conséquence de surseoir au projet de loi, finalement, retarde encore l'échéance au niveau d'une gestion qui est plus adaptée, plus décentralisée au niveau, aussi, des besoins des élèves, dans un sens. Bon, il y a toute la question de la diplomation, la reconnaissance des diplômes, mais ça a été mis sur la table. Et, comme vous le vivez à tous les jours et que vous apportez quand même des exemples concrets, si, demain matin, on décidait de surseoir au projet de loi... Et je ne parle pas de bonifier, parce que bonifier, ça, on va le faire; apporter des amendements, il y a eu des propositions qui ont été mises sur la table, très concrètes, avec lesquelles on est aussi très confortable et qui enrichissent le projet de loi — et ça, j'en suis. Mais, qu'est-ce qui arrivera si, demain matin, on sursoit au projet de loi et on recommence l'exercice?

Le Président (M. LeSage): M. Cloutier.

M. Cloutier (Raymond): Bien là, vous allez vous trouver un autre joueur, en tout cas, parce que ça ne se peut plus, là! À un moment donné, on a mis nos meilleures idées, on a cherché à conclure, après des années d'analyse de la situation, à la forme la plus souple, la plus simple, la plus claire, à mon avis. Moi, la problématique de lourdeur qu'il y a là-dedans, je ne la vois pas, je ne la comprends pas. Je ne comprends pas comment c'est lourd de réunir un conseil d'administration trois fois par année; comment c'est lourd de réunir une commission des études une fois par mois ou par deux mois. Je ne vois pas la lourdeur de ça. Pour le reste, nous laisser gérer nos écoles en toute spécificité et personnalité et, enfin, pouvoir commencer à exister réellement.

Tout ce dont on s'occupe en ce moment, c'est d'essayer, malgré toutes les contraintes, de le faire marcher. Et ça fonctionne, on est pas mal bon là-dedans. On est en train de donner la preuve à beaucoup de monde que toutes ces contraintes-là, tous ces corsets-là, toutes ces conventions collectives... Écoutez, j'en ai six conventions collectives au Conservatoire d'art dramatique; il y a 12 employés et 15 professeurs, et j'ai six conventions à administrer. Ça n'a pas d'allure! On ne peut pas dire: Ah! on va encore remettre ça, on va discuter avec toute sorte de monde. Et, la prochaine fois qu'on va discuter, c'est à notre niveau, parce que c'est nous qui vivons le problème. Nous l'avons, à notre avis, réglé, école par école, sur le terrain et nous sommes très confortables.

Je vous ai dit à la fin que le projet de loi pouvait être bonifié. Moi aussi, j'ai des suggestions que j'aurais aimé vous apporter...

Mme FruIIa: Oui, s'il vous plaît, allez-y donc avec des suggestions.

M. Cloutier (Raymond): Oui? Alors, j'y vais. À l'article 4, j'enlèverais toute notion de responsable d'un établissement. Ça nous semblait faire des catégories de directeur et d'autres de sous-directeur, de petites écoles et de grandes écoles. Et, à notre avis, une école d'art... et j'en ai une toute petite à Montréal qui est très grande dans mon coeur, mais qui n'est pas grande en termes d'effectifs. Mais ça peut être très, très fort dans une région si un directeur est un directeur, c'est-à-dire un véritable animateur profond. Alors, la première fois qu'on le mentionne, c'est 4, au quatrième alinéa. Mais il va revenir dans le document comme responsable d'un établissement, donc de l'enlever dans tout le document.

Deuxième chose — et je suis très content de le dire — nous serions d'accord pour accorder au monde de la musique deux autres membres supplémentaires au conseil d'administration, soit un directeur et un enseignant supplémentaires, pour refléter, évidemment, cette grande majorité d'effectifs qui est réelle dans le réseau. Seulement, il faut faire attention. Moi, quand je suis entré au Conservatoire, nous étions installés entre la classe de trompettes et de flûtes, et c'était dans un petit, petit local. Nous avons — parce qu'on est, excusez-moi l'expression, une confrérie assez baveuse, là — pris de l'espace, de la place, et on a... Ha, ha, ha!

Mais il ne faudrait pas reculer. Et je sais que la participation au conseil d'administration, ce n'est pas une question de votes — c'est très rare que les conseils d'administration votent — c'est une question de bien préparer ses dossiers, d'être fort en gueule et en chiffres et d'être convaincu; et puis, d'habitude, les gens sont raisonnables. Mais, en termes de reconnaissance d'un plus grand nombre, nous serions d'accord pour faire ça, sachant que, dans votre sagesse, vous saurez peut-être, dans les nominations que vous ferez, contrebalancer quelque chose qui...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cloutier (Raymond): Ha, ha, ha! Alors, à l'article 11, troisième paragraphe, nous croyions, quand on a lu ça, que tout le monde sortait du conseil pour discuter des conditions de travail des gens; il ne restait que l'élève — ha, ha, ha! — qui signait les contrats de salaire avec tous les employés. C'était pas mal. Alors, on voudrait que le troisième paragraphe, les directeurs puissent demeurer au conseil d'administration pour être présents dans les discussions et décisions concernant les conditions de travail du personnel du Conservatoire. Évidemment, ils sortiront pour leurs propres conditions à eux, là. Ça, je comprends ça. Vous me suivez? Ça va?

Mme FruIIa: Ça va.

M. Cloutier (Raymond): L'article 19. Comme M. Boisclair le reconnaissait tout à l'heure — je suis content qu'on sache ça — les conservatoires d'art dramatique, il ne faut pas oublier qu'ils sont deux institutions d'enseignement postcollégial, hein? Donc, tous nos élèves sont de niveau universitaire. Et ce sont deux établissements, comme vous l'avez dit, d'enseignement très distincts. On ne peut pas «translater» ou transférer d'un établissement à l'autre sans que ce soit très compliqué. (23 heures)

Alors, l'article 19 dit: «Le Conservatoire établit par règlement un régime pédagogique.» Ça nous semblait dangereux qu'un conseil d'administration soit pris avec ça. Alors, si c'est possible d'y inscrire: ...établit par règlement un régime pédagogique en musique et des régimes pédagogiques en art dramatique. Alors, là, les gens feront ce qu'ils voudront.

Le Président (M. LeSage): Mme la ministre.

Mme Frulla: Juste une précision pour bien comprendre, M. Cloutier. Quand vous dites «des régimes pédagogiques», c'est vrai qu'à Québec c'est un peu, enfin, ce qu'on y enseigne, puis la philosophie est

différente de Montréal. Par contre, il y avait aussi la notion, bon, que tu peux partir de Québec, aller à Montréal, puis tout ça. J'assume que, dans le cas de l'art dramatique, ce n'est pas comme dans le cas de la musique, finalement, même que ce serait bon de passer d'une philosophie à une autre ou, enfin, dépendant de ce qu'on veut aller rechercher.

M. Cloutier (Raymond): Oui, mais pas sous forme de réseau. C'est-à-dire qu'on sait que, si on arrive dans l'autre école, on recommence...

Mme Frulla: Universitaire d'ailleurs.

M. Cloutier (Raymond): ...parce qu'on ne comprend pas tout à fait ce qui s'est passé puis on n'a pas tout à fait le même genre d'entraînement.

Et, pour l'art dramatique évidemment, c'est un enseignement qui est très intuitif, qui est basé sur seulement la transmission de l'expérience, l'entraînement, et les écoles ressembleront toujours au noyau qui les anime. Il n'y a pas de cahiers de charges, de programmes. Quelqu'un qui va nous faire accroire un jour que c'est comme ça qu'on forme un acteur, déjà ça va être un peu difficile à appliquer. C'est toujours par intuition et par équipe aussi. C'est très collégial et c'est sur le terrain que ça se fait. Tandis que, à ma compréhension, en musique il y a quand même des lois objectives à apprendre.

À l'article 21, nous voulons comprendre que l'autorisation du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science ne signifie pas de se conformer aux méthodes et programmes universitaires, quels qu'ils soient. D'accord. Si c'est ça, c'est...

L'article 45 maintenant... Ah non! 25, pardon. Très important pour nous. On dit ici que «le Conservatoire peut en outre conclure une entente d'association ou d'affiliation, avec ou sans contrepartie, avec un organisme dispensant de la formation dans le domaine des arts de la scène», et nous voudrions y ajouter «et de l'audiovisuel» parce que nous avons hâte de pouvoir aller envahir le monde du cinéma, de la télévision, enfin, pour les acteurs, c'est très important. Nous donnons déjà un peu de perfectionnement en mise en scène. Nous pourrions le faire pour ces disciplines-là. Enfin, il y a un tas de choses qui en découlent.

L'article 45, je crois, pour terminer. Oui. À propos du conseil d'orientation, nous sommes un petit peu inconfortables, en art dramatique, avec ça, parce que, étant de niveau universitaire... c'est un organe qui est un peu calqué sur le niveau collégial, à ce que j'en ai su. Et, bon, qu'on consulte des gens dans la région pour savoir les projets de règlement concernant la conduite et la discipline d'élèves universitaires, on se sent un peu mal en point avec ça, là. Alors, ce qu'on suggérerait, ce serait de changer le verbe «doit», «le conseil d'orientation doit», par le verbe «peut». Alors, ça nous laissera le loisir de le... Voilà.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Cloutier.

Mme la ministre, est-ce que vous avez une autre intervention?

Mme Frulla: Une intervention au niveau de... On a prétendu aussi que le projet de loi 135 signifiait la disparition des conservatoires en région.

Alors, moi, je m'adresse particulièrement au responsable du Conservatoire de musique de Chicoutimi, M. Clément. M. Clément, est-ce que vous croyez que la mise sur pied des conseils d'orientation — parce que, effectivement, qu'on dise «peut» par «doit», etc., ou enfin «doit» par «peut» — que les conseils d'orientation vont faciliter la collaboration entre les conservatoires et les organismes musicaux, d'une part?

Et, deuxièmement, on a aussi effleuré le fait qu'il fallait que les conservatoires en région soient aussi dans le processus décisionnel, soient proches du milieu et prennent des décisions par rapport à ce qui se passe dans chacun des milieux, chacun des milieux étant différent.

Est-ce que vous croyez que le projet de loi, tel qu'il est présentement, vous êtes capables de fonctionner avec ça, de telle sorte que — parce que c'est notre volonté — les décisions, la collaboration, la coopération, enfin, se fassent pour le milieu, dans le milieu et qu'il y ait aussi un rayonnement?

M. Clément (Jacques): Oui, je pense que c'est très possible. D'ailleurs, tout ce qui est émis dans ce conseil d'orientation là, ce sont des choses qui se font déjà, mais de façon informelle, c'est-à-dire qu'on va consulter les gens du milieu de l'éducation, on a des rapports avec les orchestres, etc., mais c'est toujours informel. Ce n'est jamais autour d'une table. Et je pense que le fait que ce soit enchâssé dans la loi va faire que ces gens vont se sentir plus concernés et qu'ils vont avoir une obligation, finalement, de s'occuper un peu de ce qui se fait dans le Conservatoire.

On avait une tendance à rester un petit peu refermés sur nous, même si on essayait toujours d'avoir des contacts avec l'extérieur, et je pense que le fait que ce soit institutionnalisé, c'est une bonne chose en soi. Je ne pense pas non plus que ça puisse créer de problème. Où j'aurais peut-être une certaine réserve, c'est quand ces conseils-là, justement, se mêlent de la gestion interne. Il me semble qu'ils doivent être concernés particulièrement par les grandes orientations, mais la cuisine de ce qu'on fait dans le Conservatoire probablement concerne moins ces gens-là.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Grenier. M. Clément (Jacques): Non. C'est M. Clément.

Le Président (M. LeSage): Clément. Je m'excuse. M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Un commentaire d'introduction. On ne va quand même pas se réjouir ce soir parce que les directeurs de conservatoire ont été consultés. Je

pense que ça fait partie de la nature des choses, et je pense que les intervenants, qui, encore ce soir, nous proposaient des amendements, sont certainement heureux d'avoir l'occasion de nous proposer des amendements et peut-être même, dans un avenir rapproché, à l'occasion des travaux de cette commission, pourront, par différentes voies, nous faire connaître d'autres amendements. Je suis d'ailleurs heureux de voir que vous avez pris l'initiative de nous en soumettre quelques-uns. Je pense qu'il y aura toujours de la place dans nos interprétations et dans nos propositions pour un peu de nuances et que, de la même façon que ce n'est pas vrai que tout est noir et que tout est blanc, et que la vérité n'est jamais acquise, et qu'il faut plutôt toujours continuer à y tendre et à la rechercher, il aurait été un peu étrange de voir les gens nous dire: C'est parfait, tout est beau, on aime ça, et tout ce qu'on a entendu, aujourd'hui, là, il n'y a rien de bon là-dedans. La vérité doit un peu, à mon avis, se situer entre les deux, et j'apprécie votre sens critique, et j'apprécie le fait que vous ayez pris sur vous de proposer un certain nombre d'amendements, et je voudrais vous questionner tout à l'heure sur un certain nombre d'autres amendements qui m'apparaissent importants d'apporter au projet de loi.

Deuxième chose, je n'ai entendu personne ici, aujourd'hui, remettre en cause le fait qu'il était absolument nécessaire de soustraire les conservatoires à la Loi sur l'administration financière. Vous avez parlé de l'achat d'équipement informatique. On a eu d'autres exemples aujourd'hui. Tout le monde fait consensus, en tout cas, à moins que mon interprétation de ce que j'ai entendu aujourd'hui soit faussée, tout le monde, aujourd'hui, semble d'accord avec cette question-là. Donc, quant à moi, cette question-là ne fait plus l'objet d'aucun débat. Elle est tranchée, elle est claire, et il n'y a personne qui souhaite revenir sur cette question-là.

Je voudrais cependant revenir sur cette question de l'ancrage de chacun des conservatoires dans sa région. Vous semblez être favorables au contenu, à la façon, à l'organisation qui est proposée pour les conservatoires. Je relisais les propos que le directeur du Conservatoire de musique de Chicoutimi, M. Clément, tenait à la commission de la culture à l'occasion de la consultation générale sur la proposition de politique sur la culture et les arts et je veux les rappeler, parce que ces propos m'apparaissent intéressants.

M. Clément nous disait: Le sentiment d'appartenance qu'ont les gens de notre région envers leurs organismes culturels est très fort et directement relié à la réussite de leurs activités. Le haut taux d'insertion que nous avons réussi à atteindre est la conséquence de la mise sur pied d'un réseau de mise en marché de nos productions nous permettant d'offrir, sur l'ensemble du territoire, des séries de concerts de grande qualité. Il serait hasardeux de croire que les orchestres de grands centres puissent desservir les régions avec succès si une structure semblable ne s'y trouve pas déjà. Le travail de sensibilisation que nous avons amorcé, il y a plusieurs années, est considérable et a permis de développer un public de base partout en région. D'une façon très brève, nous espérons sensibiliser la commission de la culture aux besoins qu'a une région comme la nôtre d'avoir ses propres organisations culturelles génératrices d'emploi et bien enracinées — bien enracinées, disait-il — afin d'offrir quotidiennement une énergie vitale à la région, garante de l'avancement de la culture et de l'épanouissement de nos artistes.

Je me demande, aujourd'hui, comment on peut réconcilier ces propos avec une organisation où, dans le conseil d'orientation, à l'article 44, on nous dit que le conseil d'orientation donnera son avis sur toute question que lui soumettra le Conservatoire. Et vous venez même, aujourd'hui, nous dire que sur certaines questions le conseil d'orientation ne devrait pas être consulté, que vous souhaitez qu'on remplace le «doit» par un «peut». (23 h 10)

Je pense qu'il y a une difficulté à réconcilier ces deux visions. Il y a une difficulté d'autant plus grande que tous, ici, aujourd'hui, sont venus nous dire que la composition des conseils d'orientation devait être revue. Même la ministre. Même la ministre, qui a présenté ce projet de loi, est d'accord avec cette proposition.

Est-ce que vous partagez ce point de vue quant à la révision des conseil d'orientation, quant, aussi, au mandat de ces conseils?

M. Cloutier (Raymond): Je peux répondre.

Le Président (M. LeSage): M. Cloutier. Allez-y, allez-y.

M. Cloutier (Raymond): Le «doit» par un «peut» ne concerne que les quatre critères: la sélection du directeur, l'application du régime pédagogique, le règlement de la conduite et de la discipline des élèves... Ce n'est pas la vie musicale à Chicoutimi, ça, là. C'est juste... Mais il peut le faire. Mais, s'il doit systématiquement le faire... Pour le reste, le conseil est là de façon enchâssée.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Alors, vous n'avez aucun commentaire à faire sur la composition du conseil d'orientation?

Une voix: On est confortable...

M. Grenier (Albert): Vous voulez... Vous vous adressez à n'importe qui?

Le Président (M. LeSage): M. Grenier, allez-y.

M. Boisclair: Moi, je ne le sais pas. La ministre entend proposer des amendements que l'Opposition entend appuyer, sans doute, s'ils vont dans le sens de ce qui a été annoncé. Je voudrais au moins être sûr que vous partagez ce point de vue.

Mme Frulla: Excusez-moi. Il faudrait préciser, peut-être, les amendements au niveau de l'élargissement du conseil d'orientation pour être encore plus représentatif, ce qui suit un peu ce qu'on disait tantôt, avec, entre autres, la Guilde et l'UDA, je pense, et, donc, les amendements sont beaucoup plus au niveau de la représentativité du conseil d'orientation, une représentativité peut-être un peu plus large, donc d'ajouter deux membres, que sur la fonction même.

Le Président (M. LeSage): Oui, M. le député de Gouin, vous avez la parole.

M. Boisclair: Est-ce que vous estimez qu'il faut, dans le projet de loi, à l'article 18, nommer chacun des conservatoires et même peut-être penser à la création d'autres conservatoires? Lorsqu'on dit: Le Conservatoire a pour objet d'administrer, d'exploiter dans diverses régions, est-ce qu'il vous apparaît important de préciser l'existence de chacun de ces conservatoires dans cet article?

Le Président (M. LeSage): M. Cloutier.

M. Cloutier (Raymond): Écoutez, il y a un conservatoire qui est créé, qui est le Conservatoire de musique et d'art dramatique du Québec. Est-ce que la loi crée d'autres entités juridiques?

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Non, non. Mais je vous pose la question.

M. Cloutier (Raymond): Moi, je sais que, bon, il est nommément, des fois, mentionné qu'il y a un directeur de Montréal de ci, un directeur de Québec de ça, mais je vois mal, au mois de juillet prochain, changer quoi que ce soit à la réalité actuelle. Je ne vois pas comment on peut faire ça et qui va faire ça.

M. Boisclair: Moi, je pense qu'en tout cas — un commentaire, là — il est impérieux de préciser, à cet article, que le Conservatoire a pour objet d'administrer et d'exploiter... de nommer chacune des régions des établissements d'enseignement. Et c'est, pour nous, un minimum, c'est un plancher. On a vu ce qui s'est passé dans d'autres régions. Je pourrais vous donner l'exemple de Radio-Québec, je pourrais citer des exemples à l'infini, là. Vous, vous ne voyez pas la pertinence d'identifier chacun des conservatoires, dans cet article?

M. Cloutier (Raymond): ...

M. Boisclair: Bon, d'accord, votre réponse est claire. Deuxièmement...

M. Cloutier (Raymond): Écoutez, je ne suis pas seul, ici.

Le Président (M. LeSage): Est-ce que quelqu'un veut répondre? M. Clément.

M. Clément (Jacques): Est-ce que le danger ne serait pas, justement, d'empêcher la création d'autres conservatoires?

M. Boisclair: On peut très bien le prévoir, ça aussi, là.

M. Clément (Jacques): Ça peut être ça, aussi.

M. Boisclair: Non, non. J'ai bien dit qu'il faut tous les nommer et prévoir la possibilité d'autres conservatoires. Je comprends votre malaise et je passe au deuxième alinéa: «susciter et favoriser une formation initiale».

Plusieurs personnes sont venues nous dire, aujourd'hui: On craint que les conservatoires, en région, ne soient que des institutions qui vont offrir une formation de base et qu'on insufflera, par cet article, un mouvement vers les grands centres. À peu près tous sont venus nous dire qu'il fallait revoir le libellé. Même la ministre, à un moment donné, acquiesçait. Je l'ai entendue dire tout à l'heure: On va préciser ça.

Est-ce que vous souhaitez, vous avez une proposition à nous faire pour modifier le deuxième alinéa de l'article 18?

Le Président (M. LeSage): M. Clément, allez-y.

M. Clément (Jacques): Je voudrais... Peut-être que l'article n'est pas très clair parce que, moi, effectivement, j'ai rencontré des étudiants qui ont eu la même inquiétude. Mais, dans la mission de 1989 de Mme Bacon, ça a toujours été, cet article-là, le fait que les conservatoires, partout sur le territoire, encouragent... Parce qu'on sait très bien que le conservatoire de Chicoutimi ne peut pas desservir Normandin, etc., c'est très, très étendu le territoire. Donc, ce qu'on fait, et on fait ça actuellement, c'est qu'on encourage et on aide les gens à faire une formation initiale pour que les élèves puissent arriver préparés au Conservatoire. Donc, c'est ça le but de l'article, mais ça ne concerne pas, en tout cas à mon sens, du tout l'enseignement dans le Conservatoire.

Et je pense qu'il faudrait peut-être ajouter: et susciter une formation initiale dans le milieu. En tout cas, il y a peut-être quelque chose qui manque, mais c'est ça le sens de la... En tout cas, moi, je l'ai toujours compris comme ça.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Est-ce que vous êtes d'accord pour

élargir la composition des conseils d'orientation pour y inclure des gens d'affaires qui, dans le quotidien, comme vous-mêmes l'exprimiez dans votre mémoire à la commission de la culture... Est-ce que vous souhaitez qu'on ouvre sur la composition du conseil d'orientation? Et, si oui, dans quel sens?

Le Président (M. LeSage): M. Grenier.

M. Grenier (Albert): Je pense qu'il y a eu, dans les mémoires que nous avons entendus, des inquiétudes, il y a eu des questionnements faits sur les comités d'orientation, et je pense que, si j'avais une recommandation à faire, ce serait plutôt dans le sens de ne pas se priver, au niveau des régions, de ressources. Je pense à des hommes d'affaires, je pense à toutes sortes de situations qu'on ne peut pas prévoir facilement, des gens qui pourraient nous aider — ça peut être des représentants d'orchestre symphonique, je pense à Montréal ou des choses comme ça — et, dans ce sens-là, je n'ai pas de restriction sur ce qui est mentionné là, mais je ne voudrais pas qu'on se prive de ressources qui pourraient nous aider. Dans ce sens-là, je serais favorable à ce qu'on élargisse, en tout cas, sans trop, trop, trop préciser, pour qu'on puisse, au moins, s'adjoindre ces gens-là.

M. Boisclair: Votre message est reçu.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Est-ce que vous êtes d'accord avec l'imposition de frais de scolarité pour les étudiants qui fréquentent les conservatoires, comme ça semble être l'intention précisée par la ministre? Et, si oui, à quelles conditions et qu'est-ce que vous voyez comme frais de scolarité?

M. Cloutier (Raymond): Je voudrais répondre à cette question-là.

Le Président (M. LeSage): M. Cloutier.

M. Cloutier (Raymond): Est-ce que je peux vous préciser, pour la question précédente, qu'en art dramatique ça nous ferait plaisir d'avoir des gens d'affaires et plusieurs?

M. Boisclair: C'est juste que ce n'est pas prévu. C'est parce qu'il va falloir changer l'article.

M. Cloutier (Raymond): Mais est-ce que c'est défendu, hein?

Mme Frulla: Ce n'est pas exclu. Voyons donc! Ce n'est pas exclu.

M. Cloutier (Raymond): Est-ce que c'est défen- du? Et c'est ça qui est toute l'affaire. Est-ce qu'on va mettre des bretelles, des boutons, des zippeurs et qu'on va dire aux gens: Voici comment opérer? On a le droit de le faire.

M. Boisclair: Bien oui, c'est exclu. Un parent d'élève. Bien, je dois vous dire, c'est exclu, là. Regardez bien: trois professeurs, un responsable pédagogique, un employé, un élève, un parent d'élève, un établissement privé, un organisme musical, un ou deux représentants d'institution d'enseignement, un directeur sans vote. À moins que le parent soit un homme d'affaires, il est, en ce moment, exclu.

Mais, là, sur la question des frais de scolarité, est-ce que vous êtes d'accord avec l'imposition de frais de scolarité pour vos étudiants qui fréquentent les conservatoires et, si oui, à quelles conditions?

M. Cloutier (Raymond): Entièrement d'accord. Je trouve que nous avons, à Montréal, une preuve par neuf que le discours sur le fait que les gens vont arrêter d'être des artistes parce qu'il y a des frais de scolarité... Il est absolument démontré, par le fait que notre principal compétiteur, à Montréal, est l'École nationale de théâtre du Canada où, pour y entrer, ça coûte 1800 $ par année... Nous recevons tous les ans en audition les mêmes candidats qu'eux, environ 300, et le partage entre les deux établissements est égal. On accepte à peu près 10 à 12 candidats chacun des deux, et pas pour des raisons économiques, croyez-moi.

Deuxièmement, il me semble que ça donnerait une certaine noblesse à l'étudiant qui arrêterait d'être quémandeur et serait peut-être demandeur et aurait des exigences un peu plus élevées. Et, troisièmement, il est assuré que tous les frais de scolarité de gens qui sont déjà sur le régime de prêts et bourses seront payés par ce même régime.

Maintenant, je voudrais, si c'est possible, que ces frais de scolarité n'entrent en fonction que le jour, ou l'heure, ou la semaine où le diplôme sera acquis, donc qu'il y ait une corrélation entre le fait de payer pour ses études et d'en recevoir un diplôme.

Et, un dernier bémol, si les musiciens me permettent, si on pouvait introduire ces frais de scolarité par étapes pour ne pas arriver d'un coup de masse, parce qu'on a des élèves actuellement en formation, donc, je ne sais pas, diviser ça en trois parties et, en trois ans, arriver à un niveau qui a du bon sens.

M. Boisclair: L'article 4 du projet de loi prévoit que ce sont les membres du conseil d'administration en fonction, donc les personnes nommées, qui détermineront lequel présidera l'élection des directeur, enseignants, élèves à temps plein en musique et, s'il y a lieu, membres du personnel non enseignant.

Comment vous conciliez cette réalité avec votre discours sur l'ouverture et l'enracinement dans les régions, alors que ceux qui auront la responsabilité d'édic-ter la majorité des règlements significatifs seront ceux

qui sont nommés soit par le MESS, soit par le ministère de la Culture ou le ministère de l'Éducation? (23 h 20)

M. Cloutier (Raymond): De quel article parlez-vous, pardon?

M. Boisclair: L'article 4, particulièrement.

M. Grenier (Albert): Vous êtes à quel alinéa, là?

M. Boisclair: Aux paragraphes 4° à 7°. M. Grenier (Albert): Ah! d'accord. Le Président (M. LeSage): M. Cloutier.

M. Cloutier (Raymond): Moi, je n'ai pas compris le sens de votre question du tout.

M. Grenier (Albert): Je n'ai pas compris le sens de votre question non plus. L'inquiétude que vous manifestez...

Le Président (M. LeSage): Vous voulez répéter la question, M. le député de Gouin?

M. Boisclair: Alors, regardez bien. L'article 4 du projet de loi: les membres du conseil d'administration en fonction, donc ceux qui sont nommés par le ministère de la Culture, par le ministère de l'Enseignement supérieur et par le ministère de l'Éducation, les huit ou sept personnes, là, nommées, seront celles qui détermineront de quelle façon on présidera à l'élection des directeur, enseignants, élèves à temps plein en musique et, s'il y a lieu, membres du personnel non enseignant. Et ce sont eux aussi qui, par les dispositions transitoires prévues à l'article 75, présideront à l'élaboration des règlements et qui pourvoiront à la régie interne de l'institution.

Comment vous conciliez cette réalité avec votre discours d'ouverture et d'enracinement dans les régions que vous nous avez tenu tout à l'heure?

Le Président (M. LeSage): M. Clément. M. Grenier (Albert): Ma lecture...

Le Président (M. LeSage): Je m'excuse. M. Grenier.

M. Cloutier (Raymond): Vous êtes bien à 4? Deux élèves à temps plein. On n'a pas le même projet de loi, peut-être.

M. Grenier (Albert): Vous faites une référence avec l'article 75 par rapport à ce que vous lisez à l'article 4, je crois. Je pense qu'un des problèmes qui se posent... ma lectrre, en tout cas, du projet de loi, c'est que la nouvelle corporation va entrer en vigueur, finale- ment, le 1er juillet. Il y a des réalités. Il faut quand même... Il y a un processus d'enclenché.

Il y a un premier point. C'est qu'il y a un plan d'effectifs qui doit être fait pour que la corporation l'approuve, d'une part. Puis il y a aussi un autre phénomène, c'est qu'il peut y avoir des professeurs, comme il peut y avoir aussi des membres du personnel administratif, lorsqu'on leur demandera s'ils acceptent d'être transférés dans la nouvelle corporation, qui pourraient refuser de le faire. Alors, à ce moment-là, ce n'est qu'une fois que cette opération sera terminée qu'on saura quelles sont vraiment les personnes qui ont accepté d'être transférées, de telle sorte qu'on ne peut pas procéder à la votation par les pairs des représentants sur le conseil d'administration sans que cette réalité-là soit faite. Et c'est comme ça que je comprends l'article 75. Et c'est ce qui explique, probablement, l'article 4.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. Grenier. M. Boisclair: Autre question.

Le Président (M. LeSage): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Autre question. Les gens de la Guilde des musiciens nous ont rappelé un certain nombre de préoccupations quant au régime pédagogique. Et, sur la base de leur compréhension de l'article 20, ils disaient: «Est-ce que ce petit paragraphe condamne le Conservatoire à abandonner son système pédagogique de promotion par matière?»

Ils disaient, par exemple: «Un violoniste de niveau cégep au Conservatoire a déjà huit à 10 ans de formation, alors qu'un chanteur du même âge n'est strictement qu'un débutant, la plupart du temps sans bagage musical. Ils devront suivre les mêmes cours pour répondre aux normes du régime collégial?» se demandent-ils. «Si c'est cela que ça veut dire, ce changement n'est pas une amélioration! Au contraire, ce système freine l'apprentissage et ne tient aucun compte du potentiel individuel de l'élève, en plus de restreindre sa culture. Le système de promotion par matière du Conservatoire a fait ses preuves. Il a de plus la qualité de développer au maximum le talent au lieu d'imposer aux élèves avancés ou plus talentueux le rythme des plus faibles ou des moins avancés de la classe.»

Est-ce que vous partagez cette analyse?

M. Grenier (Albert): Si je peux me permettre, je pense qu'il est bon qu'ils aient posé cette question. Ça nous permet peut-être de les rassurer. C'est ce qui existe, finalement, dans la réalité actuelle. C'est que le Conservatoire — je parle de la section musique, là — est en mesure de dispenser et de donner le diplôme d'études collégiales en musique, mais il ne le donne, ce diplôme, qu'à ses étudiants. Et ça ne change absolument en rien la promotion par matière. C'est-à-dire que l'élève, par

exemple, qui est inscrit formellement au niveau du collégial au Conservatoire, actuellement, peut très bien prendre des cours par anticipation au niveau universitaire et, lorsqu'il aura terminé son collégial, par la suite pourra être inscrit formellement au niveau du premier cycle universitaire, mais en ayant en banque les crédits qu'il aura accumulés par anticipation. De telle sorte que l'article 20 est exactement la situation actuelle. Il n'y a aucune crainte de ce côté-là.

Le Président (M. LeSage): Alors, brièvement, M. le député de Gouin.

M. Boisctair: Bon bien, je vous remercie d'apporter cette réflexion qui enrichit notre compréhension de l'article. On verra sans doute à en rediscuter.

Bien, écoutez, on a fait le tour. Je voulais être bien sûr d'avoir le temps de vous poser toutes ces questions. Je voudrais peut-être tout simplement vous remercier et vous dire que plusieurs des recommandations qui nous ont été soumises aujourd'hui et que vous nous avez présentées aussi seront sans doute retenues — je le souhaite, en tout cas — par les membres de la commission.

Si je peux seulement me permettre, j'aurais souhaité un peu plus de nuances, en tout cas, dans l'analyse, et, moi, je pense que, sur cette question, il y a de la place, je pense, pour un peu de dialogue et de bonne foi. Et les remarques d'introduction, tout à l'heure, m'inquiètent pour l'avenir, tout comme celles que j'ai entendues de la part des représentants des enseignants et de la ministre, qui a tenu des propos assez durs tout à l'heure. Je souhaite donc, ma foi du bon Dieu, pour l'intérêt des gens qui fréquentent cette institution... j'aurais le goût de vous dire: Retournez faire vos travaux et parlez-vous un peu.

Le Président (M. LeSage): Merci, M. le député de Gouin. Mme la ministre, je vous informe que votre formation a encore trois minutes.

Mme Frulla: Je pense que c'est à mon tour de vous remercier, d'abord vous, cher directeur, et tous ceux qui... étudiants, enfin, professeurs, membres de la Guilde, membres des orchestres. Je pense qu'on peut conclure cette journée sur au moins un consensus, je pense, un consensus qui est important, c'est que presque tous, je dirais, ont reconnu que la situation actuelle doit être modifiée. Vous avez apporté, vous, des précisions, puisque vous la vivez, je dirais, tous les jours. Alors, il y a des choses, finalement, qui n'ont pas été soulevées, quant à l'année financière, etc., administrative, d'une part.

J'ai rassuré les élèves qu'il n'y aura aucuns frais de scolarité avant que les ententes soient faites au niveau de la diplomation et soient faites avec le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science. Alors, ça prendra le temps que ça prendra, on va le faire bien, mais il n'y aura pas de frais de scolarité, d'une part, avant que ce soit fait.

Maintenant, je pense sincèrement que le projet de loi qui est devant nous représente un gain fondamental pour, justement, la pérennité de nos conservatoires. Il va y avoir bonification, il va y avoir des amendements qui vont préciser certaines choses telles que ce que je disais aux élèves au niveau des frais de scolarité, au niveau de la régionalisation, être sûrs que la part régionale y soit bien décrite, qu'il n'y ait plus, non plus, de craintes, malgré que vous l'ayez bien lu, M. Clément, au niveau de l'article 18, par exemple, qu'il n'est pas question que les conservatoires donnent de formation initiale. Au contraire, mais on a tenu compte, aussi, de la part des conservatoires au niveau des régions.

Et, d'autre part, je veux rassurer aussi les professeurs un peu quant aux craintes qu'on leur a formulées, aux menaces qu'on leur a formulées, c'est-à-dire que tous les professeurs sont invités à joindre, sans exception, la nouvelle corporation, conservant les droits acquis, et il n'y a aucune perte et aucune crainte. Par contre, on va essayer de donner aux corporations la flexibilité nécessaire pour que votre gestion, tel que vous le disiez, M. Cloutier, soit peut-être un peu plus facile et adaptée à la réalité des conservatoires.

Chose certaine, c'est que notre volonté profonde, c'est d'assurer la pérennité des conservatoires, leur action dans toutes les régions du Québec, d'une part, et de leur donner une flexibilité pour, non seulement continuer leur bon travail, mais, je dirais, aller encore plus loin. Et non, on ne surseoira pas au projet de loi, on va le bonifier, mais le projet de loi va passer. Merci.

Le Président (M. LeSage): Merci, Mme la ministre. Alors, je tiens à remercier également M. Cloutier, M. Clément, M. Grenier pour leur participation aux travaux. Et, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 23 h 30)

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