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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le mercredi 11 mai 1994 - Vol. 33 N° 7

Consultation générale concernant le rapport de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels


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Table des matières

Auditions (suite)


Intervenants
M. Charles Messier, président
M. Cosmo Maciocia, président suppléant
M. Jean-Claude Gobé, président suppléant
M. Roger Lefebvre
M. Michel Bourdon
*M. Jocelyn Fortier, AAPI
*M. Pierre Angers, idem
*M. Clermont Dupuis, APIIQ
*M. Roger Robert, idem
*Mme Micheline McNicoll, ASIRQ
*M. Claude Francoeur, idem
*M. Michel Lambert, idem
*M. Marc Beaudoin, AAQ
*Mme Hélène Bernier, idem
*M. Michel Lévesque, idem
*M. Sam Boskey, CDM
*M. Gaétan Nadeau, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission
________________

Journal des débats


(Dix heures treize minutes)

Le Président (M. Messier): Ils sont obligés de rappeler leur ministre à l'ordre.

M. Lefebvre: M. le Président, je m'excuse.

Le Président (M. Messier): Il n'y a pas de faute, M. le ministre, vous êtes tout pardonné.

J'ouvre la séance et je rappelle le mandat de la commission. Le mandat de la commission de la culture est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale concernant le rapport de la Commission d'accès à l'information sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Dutil (Beauce-Sud) est remplacé par Mme Bleau (Groulx) et Mme Pelchat (Vachon) par M. Gauvin (Montmagny-L'Islet).

Le Président (M. Messier): Merci, M. Major. Nous allons donner l'ordre du jour de ce matin: à partir de 10 heures, et il est 10 h 10, Association sur l'accès et la protection de l'information; 11 heures, Association professionnelle des informaticiens et informaticiennes du Québec; 12 heures, Association de sécurité informatique de la région de Québec; 13 heures, suspension pour le lunch; 16 heures, après la période de questions, Association des archivistes du Québec inc.; 17 heures, Coalition démocratique de Montréal; 18 heures, ajournement. Est-ce que l'ordre du jour est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Messier): Merci. Nous avons devant nous, ce matin, l'Association sur l'accès et la protection de l'information. Nous reconnaissons M. Fortier, qui est accompagné d'un monsieur qui, s'il pouvait s'identifier pour les fins du Journal des débats ... surtout si monsieur prend la parole.

M. Angers (Pierre): Mon nom est Pierre Angers...

Le Président (M. Messier): Enchanté.

M. Angers (Pierre): ...avocat et greffier adjoint de la ville de Québec et membre du conseil d'administration de l'Association sur l'accès et la protection de l'information.

Le Président (M. Messier): Juste pour donner quelques explications sur le déroulement: vous avez à peu près une vingtaine de minutes pour exposer votre mémoire et, après ça, il va y avoir un échange du côté ministériel et de l'Opposition aussi. Vous pouvez y aller.


Auditions (suite)


Association sur l'accès et la protection de l'information (AAPI)

M. Fortier (Jocelyn): Je voudrais dans un premier temps remercier la commission, qui nous donne la possibilité de lui faire connaître les préoccupations des responsables de l'accès quant à l'application de la loi en général, évidemment plus particulièrement quant au rapport quinquennal et aux recommandations qu'il contient.

Pour les bénéfices de tous les gens présents, ceux qui ne connaissent pas l'Association, elle a été constituée en 1991 et, à l'origine, évidemment elle ne regroupait que les personnes oeuvrant à la mise en application de la Loi sur l'accès, la loi actuellement sous étude. Par contre, depuis un an maintenant, elle regroupe également toute personne oeuvrant ou s'intéressant à la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès ou de toute loi visant la protection des renseignements personnels.

Je n'ai évidemment pas l'intention ici aujourd'hui de vous faire la relecture du mémoire qui a déjà été déposé il y a quelques mois. Mais j'aimerais mettre en lumière les principales préoccupations de l'Association sous l'éclairage de quatre thèmes, lesquels seront: le responsable de l'accès, qui est évidemment notre premier objectif d'existence; la Commission d'accès à l'information; la procédure d'appel ou l'appel des décisions de la Commission; et, finalement, les coûts d'application.

Évidemment, le responsable de l'accès, quant à nous, est le premier intervenant. C'est celui qui est sur la ligne de feu. C'est, de fait, comme se plaît à le dire la Commission, la première instance décisionnelle. Ce sont ses décisions qui sont portées en révision devant la CAI et c'est lui qui doit vivre quotidiennement avec cette loi.

Quatre préoccupations principales nous touchent face à la problématique quotidienne rencontrée par le responsable, et ce sont: son devoir d'assistance; ses problèmes d'éthique; les poursuites pénales dont on veut modifier les règles ou, à tout le moins, dont on recommande de modifier les règles; et aussi le fait qu'on veuille remplacer la défense de bonne foi par la défense de diligence raisonnable, toujours dans les nouvelles recommandations de la Commission.

Le devoir d'assistance est évidemment défini à l'article 44 de la loi. Je vous fais grâce de la lecture de cet article que vous connaissez sûrement tous, mais ce qu'on peut noter, c'est que ce devoir d'assistance est imprécis, qu'il est très étendu et, à notre avis, tel qu'actuellement défini, il est très coûteux pour l'organisme. Il incite à des parties de pêche coûteuses au sein d'un organisme et parfois même au sein de plusieurs organismes simultanément. Le devoir d'assistance imposé aux responsables, à notre avis, transforme ces derniers, dans bien des cas, en des agents de recherche officiels de tout un chacun. Et, si ça doit être le cas, si c'est l'objectif poursuivi, jusqu'à quel coût doit-on le maintenir et au compte de qui?

On voit de plus en plus fréquemment des gens, pour divers motifs que les responsables ignorent et qu'ils n'ont pas à connaître non plus, adresser des demandes à tout ce qu'il y a d'organismes représentés au bottin des responsables. Ce sont généralement des demandes larges, excessives et qui impliquent beaucoup de recherche ou d'assistance des responsables. On augmente ainsi de façon importante la charge de travail du responsable, et ce, sans que les organismes aient les moyens, en cette période de restrictions, d'augmenter le budget, d'augmenter l'assistance, d'augmenter les aides aux responsables.

Ce devoir d'assistance là entraîne aussi un problème d'éthique pour les responsables. Ce problème d'éthique est causé par le choc du devoir d'assistance imposé par la loi et par le devoir de loyauté envers l'employeur. Parce que n'oublions pas que le responsable de l'accès, avant d'être un agent d'application de la loi, est surtout l'employé d'un organisme public, quel qu'il soit. Ce problème d'éthique là est aussi causé par le désir du pouvoir politique, quel qu'il soit... et rappelons-nous que la loi s'applique non seulement à des organismes du gouvernement du Québec, mais aussi à des organismes politiques locaux. Or donc, c'est causé par le désir du pouvoir politique d'adopter la voie de facilité et de ne pas pratiquer la transparence; et ça, on rencontre ça à divers niveaux, incluant dans les gouvernements locaux.

La Commission d'accès à l'information elle-même a semblé noter cette problématique lorsqu'à la page 9 de son rapport elle insiste ou elle lance un appel au sens démocratique en incitant les dirigeants politiques à résister à la voie de facilité et à pratiquer la transparence administrative. Si la Commission a noté cette problématique, imaginons de quelle façon le responsable la vit quotidiennement.

L'autre sujet de préoccupation pour nous est la volonté exprimée par la Commission de voir modifier les règles applicables en matière de poursuites pénales. Dans un premier temps, on veut obtenir l'abolition de la preuve de l'intention coupable face aux responsables. Bien sûr, ces articles ne s'appliquent pas uniquement aux responsables. Nous n'avons pas l'intention de porter quelque jugement que ce soit à la preuve ou non de l'intention coupable de quiconque. Mais, lorsque le quiconque est le responsable de l'accès, nous nous inscrivons en faux contre ce désir de la Commission, compte tenu, entre autres, des problèmes cuisants d'éthique que vivent les responsables.

(10 h 20)

Nous soumettons aussi que le transfert du fardeau de la preuve sur le dos du responsable va à l'encontre de l'ensemble de notre système judiciaire – civil, j'entends, évidemment – qui est basé sur la bonne foi, notamment dans le nouveau Code civil. Après avoir avancé dans le domaine du droit civil par cette notion de bonne foi dans le Code civil, devrons-nous, pour les besoins de la Loi sur l'accès, reculer à nouveau et nier cette notion de bonne foi? Nous croyons que le type d'infraction qu'on veut imposer aux responsables, soit l'infraction stricte – où le répondant... puisque, dans certains cas, même si la notion n'est pas reconnue par la loi, il y a des répondants dans divers organismes qui sont tous deux les premiers intervenants sur la ligne de feu, qui sont ceux qui doivent généralement traiter un volume considérable de dossiers ou de demandes et qui sont évidemment sujets à des erreurs occasionnelles, n'étant pas tous des experts en jurisprudence, lorsqu'ils ne risquent simplement pas d'être victimes de manipulations ou d'abus de pouvoir ou de confiance – est trop lourd.

À l'origine, lors de l'adoption de la loi, en 1982, on se plaisait à dire qu'on voulait éviter que les responsables de l'application de cette loi dans les organismes soient des, entre guillemets, juridiques: avocats, notaires ou spécialistes du droit. Certains organismes ont effectivement échappé à cette tentation, d'autres non. Mais nous soumettons que d'augmenter le fardeau de la responsabilité des responsables va nécessairement, quant à nous, augmenter le degré de, si on me permet l'expression, «juridicité» au niveau de la nomination des responsables.

Il en est de même, quant à nous, du remplacement de la bonne foi par la diligence raisonnable en tant que moyen de défense. Nous soumettons qu'il ne faudrait pas oublier que le responsable détient généralement son autorité de la plus haute autorité dans l'organisme, qui est aussi son supérieur. Le responsable devra-t-il faire la preuve de la négligence de son supérieur pour se disculper? Si c'est le but recherché, imaginons les belles relations de travail pour le futur entre le responsable et son supérieur. Si quelqu'un doit, quelque part, supporter une responsabilité stricte, nous croyons que c'est peut-être justement la plus haute autorité. Nous croyons que c'est celle qui délègue le pouvoir, mais c'est celle aussi qui détient les cordons de la bourse, qui détient le pouvoir pour appliquer les recommandations du responsable sans que ce dernier doive, en bout de course, être mis au bâton pour prouver la négligence de son supérieur.

À la page 9 de son rapport, la Commission fait remarquer, à juste titre, que la législation adoptée par les gouvernements de trois autres provinces canadiennes a en quelque sorte reconnu le modèle québécois comme une solution très pertinente, mais aussi foncièrement économique.

Aux pages 20 à 24 de son rapport, la Commission énumère également les mandats qui lui sont attribués par la loi et qu'elle exerce évidemment tous.

La première question que nous nous posons face à la Commission, c'est: Le modèle québécois est-il vraiment impartial? La Commission est le juge de sa propre législation, et on se demande si on peut vraiment croire, en conséquence, que l'exercice de deux fonctions administratives, deux fonctions, soit l'administrative et la quasi judiciaire, ne causent aucun accroc au principe de justice naturelle.

Jusqu'à quel point la Commission peut-elle équitablement et impartialement exécuter ses mandats qui parfois semblent mal s'accorder? Comment la fonction de conseil peut-elle s'accorder avec celle d'adjudication? Comment faire abstraction des fonctions de l'adjudicateur de la Commission lorsqu'elle exerce ses fonctions de surveillance, de contrôle ou de conseil? A-t-on des statistiques sur le nombre de responsables qui s'abstiennent de prendre information auprès de la Commission de peur d'ouvrir une boîte de Pandore et de voir débarquer le service d'enquête?

Ce n'est peut-être pas ce qui se passe, mais il faut être conscient que les responsables pris dans leurs «cubicules» se posent des questions. La Commission devrait être là effectivement pour les conseiller, mais il y a toujours une crainte, une réserve. Si elle me conseille, est-ce que, quelque part, elle ne sera pas tentée de se demander si je respecte tout? Est-ce qu'elle ne sera pas tentée de me déléguer des inspecteurs? Est-ce qu'elle ne sera pas tentée d'émettre une ordonnance? Et, si c'est le cas, pourrai-je en appeler ou pas? Nous reviendrons tout à l'heure à la procédure d'appel.

La Commission se targue aussi que le modèle québécois est économique; mais est-il vraiment économique? Sur la foi des seuls chiffres de la Commission, probablement. On a les budgets de la Commission, on sait de quelle façon ils opèrent, on connaît les effectifs, les dépenses engendrées, générées. Probablement qu'on peut conclure, sur la foi de ces chiffres, que c'est relativement économique. Mais a-t-on fait une étude approfondie des coûts engendrés dans tous les organismes par ce type même de modèle? Rappelons-nous que le modèle a pour but essentiel d'éviter de centraliser les responsables de l'application et d'avoir délégué cette responsabilité à tous les organismes.

À partir de là, pour certains organismes, ce n'est peut-être pas très coûteux puisqu'ils ne sont pas populaires. Mais il y a des organismes pour qui le modèle québécois est très coûteux à administrer. Ce type de modèle n'incite pas ses gestionnaires à ne pas trop se soucier des coûts qu'engendreront tout peaufinage additionnel puisque ce ne sont pas eux qui les supporteront. La Commission n'a pas à s'interroger sur la pertinence ou l'opportunité des peaufinages qu'elle peut recommander, elle n'en supporte pas les coûts.

Qui plus est, nous le verrons, elle tente même de dévoluer certains des coûts qu'elle supporte déjà. Ah! évidemment, dans les budgets de la Commission, c'est économique. Tout au long de son mémoire, en fait, on constate que la Commission ne soulève l'argument économique avec acrimonie que dans la mesure où c'est elle qui supporte les coûts, et que son discours est plus laconique lorsqu'elle veut dévoluer des coûts.

Notre dernière interrogation, quant à la Commission, notre dernier point d'intérêt ou d'inquiétude dans tout son mémoire est le processus de médiation mis en place par la Commission, qui s'avère évidemment, ou qui pourrait ou qui devrait s'avérer un outil fort utile en permettant d'accélérer le processus d'adjudication et de désengorger le rôle d'audition.

Il serait cependant essentiel que ce processus soit clairement reconnu par la loi et que ses règles soient bien définies. À défaut de règles précises, il ne nous apparaît pas évident que ce processus bénéficiera de l'engouement des responsables, compte tenu des remarques faites précédemment quant à la multiplicité des mandats de la Commission et la difficulté qu'on peut avoir à les dissocier. Dans un processus de médiation, il faut pouvoir être capable d'ouvrir son jeu, de montrer son jeu sans crainte de perdre des éléments importants ou de perdre des atouts. Un processus de médiation non régi, non réglementé, non précisé ne donne pas, n'ouvre pas cette confiance nécessaire pour être efficace, à notre avis.

(10 h 30)

L'appel. La Commission s'attaque sévèrement à tout ce qu'il peut y avoir de processus d'appel de prévu actuellement au sein de la loi. On s'attaque, dans un premier temps, à la requête pour permission d'appeler, qu'on veut abolir. Nous soumettons qu'il faut maintenir la requête pour permission d'appeler, qui permet ainsi un premier tri des causes qui doivent être entendues en appel. On pourrait cependant simplifier cette procédure afin que la Cour se prononce directement en prenant connaissance d'un mémoire plutôt que d'obliger les parties à effectuer des représentations en personne. Et on pourrait aussi statuer à l'effet qu'il n'y a aucun dépens à ce niveau, que la requête en permission d'appeler soit retenue ou non.

La deuxième tentative pour faire sauter le processus d'appel est relativement aux décisions interlocutoires. Nous ne voyons pas, quant à nous, l'utilité de restreindre le droit d'appel des décisions interlocutoires, quand on sait que, en pratique, on risquerait alors de voir les demandes en évocation se multiplier. Or, si un appel en vertu de la loi est final auprès de la Cour du Québec, il n'en est pas de même d'un recours en évocation, qui lui est susceptible d'appel face à des juridictions supérieures: Cour d'appel, Cour suprême. Donc, dans le fond, on n'atteindra pas l'objectif poursuivi d'abréger les délais, mais, bien au contraire, on risque de les allonger. Et, au surplus, si effectivement une décision interlocutoire accueillant ou acceptant ou autorisant que soit faite une preuve devait être ensuite cassée en appel, est-ce qu'on ne vient pas, encore une fois, de rétrécir les débats si cette preuve devait prendre quelques heures, quelques jours ou autrement?

Finalement, l'AAPI est songeuse face à la volonté de la Commission de restreindre de diverses façons les droits d'appel à ses décisions ou ordonnances. Pourquoi tant s'acharner sur l'appel, alors qu'on admet que l'utilisation de ce recours demeure, somme toute, marginale? Toute décision administrative ne doit pas nécessairement être susceptible d'appel, mais une ordonnance est, à notre avis, de portée plus grande qu'une simple décision administrative et risque d'affecter les droits d'individus ou d'organismes. On peut évidemment tenter un recours en évocation, mais ce recours est d'un accès beaucoup plus restreint que le recours en appel. De plus, il ne nous apparaît pas du tout rassurant de ne disposer d'un recours contre une ordonnance de la Commission qu'en cas d'erreur déraisonnable. Cette notion de «déraisonnabilité» demeure encore très floue. N'est-on pas encore en train de favoriser l'incitation des plaideurs à transformer la Cour supérieure en tribunal d'appel par le biais de l'évocation et, encore là, n'est-on pas encore en train de rallonger les délais en ouvrant la possibilité d'en appeler jusque devant les plus hautes instances du pays?

Les coûts d'application de la loi. Nous sommes bien conscients qu'il y a un coût à payer pour la démocratie et la transparence. Mais jusqu'où doit-on payer? Jusqu'à quel niveau doit-on ajouter de nouvelles dépenses aux organismes? Jusqu'où doit-on laisser aller les abuseurs du système sans leur imposer un ticket modérateur?

Les objectifs de la Commission en faveur des personnes handicapées sont fort louables, mais nous voyons mal comment les responsables pourraient rencontrer les exigences proposées en termes d'assistance sans augmenter le fardeau de travail, sans rendre l'administration encore plus inefficace et sans mettre en péril les délais de réponse imposés par la loi. Rappelons-nous que ces derniers sont toujours de 20 jours, alors qu'ils sont de 30 en vertu de la loi 68, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. Et on ne semble pas intéressé à harmoniser ces délais avec ceux de la loi 68.

Mais, au-delà du fardeau de travail demandé, c'est l'efficacité administrative qui risque d'en prendre pour son rhume, et ce, en cette ère de rationalisation des dépenses et des effectifs. La possibilité d'amender le tarif permettrait probablement de venir à bout des arguments de nature économique ou de ressources humaines. Mais il faut penser au temps requis pour prêter assistance ainsi qu'aux autres exigences de la loi, notamment l'article 15 de la loi, qui n'oblige pas les organismes à confectionner des documents.

Le Président (M. Messier): M. Fortier, compte tenu des délais qui sont impartis, est-ce qu'il est possible, en une minute, de donner votre vision des choses?

M. Fortier (Jocelyn): Il me reste à peu près ça, une minute, M. le Président.

Le Président (M. Messier): Parfait! Excusez-moi de vous avoir coupé.

M. Fortier (Jocelyn): Relativement aux dépenses judiciaires devant la Cour du Québec et, plus précisément, à la condamnation à leur paiement, nous croyons que les règles générales doivent s'appliquer et que le tarif judiciaire doit être respecté, si on élimine la condamnation aux dépens, qui va le plus souffrir de la disparition de cette forme de ticket modérateur sous le couvert de l'accès à la justice. Même en matière de petites créances, on a jugé opportun d'augmenter les frais d'ouverture de dossier.

Si nous sommes d'accord avec la recommandation de la Commission relativement à la procédure d'avis public pour signifier les avis aux tiers, nous ne croyons pas que la situation financière des organismes soit plus reluisante que celle de la Commission. Et, dans le contexte économique que l'on connaît, on comprend mal pourquoi les organismes devraient se voir imposer une importante obligation financière, de l'aveu même de la Commission, alors que la gestion de cette loi revient en tout premier lieu à la Commission.

Finalement, suite à l'entrée en vigueur de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, qu'il nous soit permis de mentionner que nous croyons qu'il existe une certaine dichotomie, dans la protection des renseignements personnels, entre les secteurs privé et public. Nous croyons qu'il faudrait harmoniser ces deux lois dans les meilleurs délais pour en faciliter la compréhension et l'utilisation par les citoyens et l'application par les divers gestionnaires.

J'arrête ici mon exposé, tout en remerciant la commission, à nouveau, de nous donner cette opportunité.

Le Président (M. Messier): Merci, M. Fortier. Le ministre de la Justice, M. Lefebvre, pour une quinzaine de minutes à peu près...

M. Lefebvre: Merci...

Le Président (M. Messier): ...pourra échanger avec vous.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Fortier, je vous salue. Je salue également Me Angers, qui est à votre gauche. Et je vous remercie de nous avoir soumis un mémoire qui est, évidemment, préparé par des gens au nom de qui vous parlez, qui sont extrêmement concernés par la présente commission. Vous êtes au premier rang de la démarche d'accès à l'information dans les différents ministères du gouvernement du Québec. Et j'aimerais – c'est ma première question – M. le président Fortier, vous demander au nom de combien de personnes intervenez-vous ce matin? L'Association sur l'accès comprend combien de...

M. Fortier (Jocelyn): L'Association regroupe actuellement, en date d'aujourd'hui, 500 membres en règle, qui sont tous des responsables, plus ou moins responsables de l'application de la loi...

M. Lefebvre: Allez-y, M. Fortier.

M. Fortier (Jocelyn): ...et qui regroupent généralement... qui représentent autant d'organismes, à tout le moins.

M. Lefebvre: Et, pour l'essentiel, ce sont tous des responsables qui sont des membres de la fonction publique du gouvernement du Québec?

M. Fortier (Jocelyn): Pas nécessairement de la fonction publique. Une partie importante sont de la fonction publique, oui, mais on a des membres qui viennent des commissions scolaires, du réseau des affaires sociales de même que du réseau des affaires municipales.

M. Lefebvre: Alors, c'est soit public ou...

M. Fortier (Jocelyn): Donc, public, parapublic.

M. Lefebvre: ...public ou parapublic.

Vous parlez beaucoup, et je trouve ça bien... Essentiellement, votre mémoire, M. Fortier – vous me corrigerez, là, si je me trompe – ce que vous semblez vouloir nous passer comme message, et les parlementaires et la commission – essentiellement, c'est ce que je retiens – la ligne de votre document et de votre intervention, ce matin, vous voulez qu'on atteigne l'équilibre entre la demande et la capacité de fournir à la demande des citoyens, ou de l'ensemble des citoyens du Québec. Vous parlez à plusieurs reprises d'équilibre, de la juste part des choses, etc. Et, moi, je ne suis pas en désaccord, nécessairement, avec une approche comme celle-là. Bien au contraire! Est-ce que je vous traduis bien si j'essaie de résumer en une phrase ou deux, là, que c'est l'équilibre que vous souhaitez qu'on recherche le plus possible?

Aussi, vous nous dites qu'il y a une difficulté, aussi, à mettre en application des demandes qui peuvent, sur l'essentiel, être légitimes, des demandes de renseignements de la part des citoyens et citoyennes du Québec. Vous adressez même des commentaires ou des suggestions à ceux qui administrent le pouvoir, que ce soit au niveau provincial ou au niveau municipal. Est-ce que je vous traduis bien si j'essaie de résumer votre intervention et votre mémoire?

M. Fortier (Jocelyn): Effectivement, ce que recherche l'Association et ce qu'elle recommande, c'est qu'on atteigne l'équilibre dans la gestion, dans les communications, dans les rapports humains et dans les traitements, aussi, des demandes, qu'à tous les niveaux on puisse effectivement atteindre cet équilibre.

M. Lefebvre: Est-ce que, M. Fortier, au cours des dernières années, il y a eu... Est-ce que vous êtes plus inquiet de ce qui se passe depuis quelques années que ce qu'on a vécu auparavant? Autrement dit, est-ce qu'il y avait, jusqu'à un certain point, un certain équilibre, et qu'il y en a moins aujourd'hui?

M. Fortier (Jocelyn): Il y a... Au cours des dernières années, on a, je pense, jusqu'à un certain point, atteint un certain équilibre. Ce qui nous inquiète, c'est les recommandations que l'on fait actuellement, certaines des recommandations, celles que nous avons pointées dans notre mémoire qui risquent, à notre avis, de mettre en péril un peu l'équilibre ou l'amorce d'équilibre qu'on semblait avoir atteint depuis quelques années.

(10 h 40)

La loi, elle est ce qu'elle est, mais elle est aussi gérée, appliquée par des humains. Et il faut rendre hommage à la Commission; depuis les dernières années, elle a su l'appliquer de façon généralement équitable et impartiale, non seulement pour le justiciable, le demandeur, mais également pour les responsables, ceux qui l'appliquent au premier niveau. Ce qui nous inquiète, c'est que, fort de cette expérience humaine qu'on a depuis quelques années, on veuille maintenant prendre pour acquis que, quels que soient les humains, les gestionnaires qui suivront à la Commission, ils auront toujours la même façon de penser, le même format de pensée, et qu'on se dise: Bah! il y a des recours, des trucs qui ne servent plus; aussi bien les faire disparaître, ils ne serviront plus jamais. C'est à ce niveau-là que nous disons: Attention! ne touchez pas à certaines des choses qui existent dans la loi. Ne touchez pas, entre autres, aux procédures d'appel. Bon! Peut-être que ça sert moins qu'avant, au cours des dernières années; tant mieux. Mais, ça ne veut pas dire que, à un moment ou l'autre, on n'aura pas à nouveau besoin que ça serve.

M. Lefebvre: Lorsqu'on parle d'équilibre, M. Fortier, vous savez que le principe qui sous-tend la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics – loi adoptée en 1982 – le principe fondamental de cette loi-là, c'est que tout est accessible, sauf exception. Alors que, en 1993, on adoptait la loi 68, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, où ce n'est pas le contraire, mais c'est le principe inverse: tout est privé, sauf exception. J'essaie de résumer les deux principes fondamentaux qu'on retrouve dans ces deux lois et, ajoutées à tout ça, les prescriptions qu'on retrouve dans le nouveau Code civil sur la protection de la vie privée.

Est-ce que vous avez une opinion sur, justement, ce qu'on recherchait, comme législateurs, d'atteindre justement l'équilibre entre l'accessibilité aux renseignements publics et également, et en même temps, parallèlement, la protection de la vie privée? Est-ce que vous considérez que, sur l'essentiel – et je ne veux pas, là... Vous allez peut-être me répondre: C'est l'application des deux lois qui peut faire problème – mais, sur l'essentiel, sur les principes qui sous-tendent les deux lois, qu'on retrouve dans ces deux lois-là – la loi adoptée en 1982 et, en 1993, la loi 68 – est-ce que vous considérez que notre démarche, comme législateurs, de 1982 à aujourd'hui a été sage?

M. Fortier (Jocelyn): Si on ne parle que des déclarations de principe comme telles et non des articles de mécanique ou d'application, je pense que oui – sujet à certaines harmonisations. Mais je pense que même la loi 68 en elle-même découle en grande partie de la partie «Protection des renseignements personnels» de la Loi sur l'accès. Et on retrouve une bonne partie des principes qui avaient été développés à l'époque, et les différences sont généralement des différences mécaniques ou d'application pour vivre avec certaines situations particulières à l'entreprise privée. Je pense que les principes sont là.

Et, ce qu'on soulève, qui est la problématique du responsable, ce n'est pas la question des principes eux-mêmes. Le responsable, si on lui dit que tout est ouvert, que tout est transparent, que tout doit être donné, il va le donner, et ça va lui simplifier la vie énormément, sous réserve, évidemment, des exceptions créées. Le problème du responsable, c'est que, quelque part, il y a un principe de clarté, oui, mais il y a des impondérables aussi de gestion. Quelque part, il y a des considérations administratives qui font que certaines choses ne peuvent pas être ouvertes, dans l'esprit de certains dirigeants, de certains politiciens; à quelque niveau que ce soit, on va rencontrer ça.

Si on prend juste dans les communautés locales, municipales, bien, il y a beaucoup de municipalités où, en temps normal, tout est ouvert, n'importe quand, n'importe comment; puis, en période électorale, référendaire ou de point chaud: Oups! là, il faut à tout prix se servir de tous les méandres de la Loi sur l'accès. Bien, la transparence vient d'en prendre pour son rhume, à ce moment-là. Une fois le référendum fait, hop! plus de trouble. On n'ira pas plaider devant la Commission; ça ne vaut pas la peine. Or, ce n'est pas le principe qui est en cause, c'est l'application qui est faite, et c'est les responsabilités qu'on impose sur le dos du responsable, qui est alors pris entre l'arbre et l'écorce.

M. Lefebvre: Vous venez d'en parler, M. Fortier, vous traitez abondamment, au début de votre mémoire, du devoir d'assistance; et, vous le savez, c'est contenu dans la loi. La définition du responsable de l'accès aux documents apparaît à l'article 8 de la loi, et c'est à l'article 44 qu'on retrouve l'obligation qui est faite au responsable de prêter assistance. Si, par hypothèse, on acceptait votre suggestion d'éliminer cette obligation de prêter assistance à un requérant, quelle serait, selon vous, la solution de rechange pour permettre à un citoyen de bien se comprendre dans une mécanique qui n'est pas simple – l'accessibilité ou l'accès à de l'information gouvernementale – peu importe de quel ministère on parle, de quel organisme gouvernemental on parle?

Je pense qu'on peut s'entendre que, au cours des ans, on a mis en place des structures qui ne sont pas nécessairement simples pour les citoyens en général. Vous savez, devoir discuter avec des gens de la CSST, ce n'est pas simple; d'avoir accès à des renseignements au ministère du Revenu, ce n'est pas simple non plus. Alors, si, par hypothèse, on éliminait le devoir d'assistance, comment se débrouillerait le citoyen dans tout ça, M. Fortier?

M. Fortier (Jocelyn): Nous n'avons pas recommandé d'éliminer le devoir d'assistance, mais de le circonscrire. Le problème du responsable, c'est de savoir jusqu'où il doit aller, ce devoir d'assistance. Je vous donne un exemple fort simple: un justiciable demande tel rapport d'analyse ou d'étude qui a été présenté sous forme de recommandation, et la décision n'est pas prise dessus. Bien, le responsable va probablement pouvoir dire au justiciable: Non, ce n'est pas disponible. Sauf que le responsable sait peut-être à ce moment-là ce que recherche exactement le justiciable, et il sait probablement aussi si ça existe, ce qu'il recherche. La conclusion apparaît, elle, dans un autre document qui n'est pas, qui ne pourrait pas être frappé de cet embargo-là, mais que son employeur ne voudrait pas voir circuler non plus. Alors, où commence, où s'arrête son devoir d'assistance? Où commence, où s'arrête sa loyauté? Est-ce qu'il doit simplement passer par-dessus et répondre que le document n'est pas accessible pour x, y, z raisons ou s'il doit prêter assistance jusqu'au point de dire: Oui, mais si vous me demandiez tel document, lui, il serait accessible et vous l'auriez? Il n'y a pas de limite.

Et quand, de l'autre côté, on nous dit: Il y aura, quelque part, infraction de droit strict, on dit: Là, il va faire quoi, le responsable, là-dedans? Il savait qu'il existait un autre document, il savait que son employeur ne voulait pas qu'il circule, il savait qu'il ne pourrait pas opposer des restrictions autorisées par la loi, mais il ne l'a pas donné. Et, là, il n'y a plus de «sciemment», il devra prouver quelque chose.

Alors, là-dessus, ça serait plus simple évidemment s'il y avait quelque part une structure qui était... – je ne veux pas inventer de structure – mais si c'était quelqu'un d'externe à la boîte qui assistait le citoyen, il serait évident qu'il y aurait des choses – l'information privilégiée qu'il a en tant qu'employé – qu'il n'aurait pas. Mais c'est pas ça qui a été choisi.

M. Lefebvre: C'est ce que font les députés à tous les jours; vous le savez, M. Fortier.

M. Fortier (Jocelyn): Oui, oui.

M. Lefebvre: Et c'est bon que ça soit rappelé au grand public. À tous les jours, les députés – et je parle évidemment de tous les membres de l'Assemblée nationale – jouent ce rôle-là, quotidiennement, à savoir aider les citoyens; et c'est la responsabilité, c'est le rôle d'un député. Et j'en profite pour le rappeler, que quotidiennement les députés le font, permettent à leurs commettants, aux citoyens de leur circonscription respective d'avoir accès à ces renseignements, aux différents paliers de gouvernement, c'est-à-dire aux différents ministères et, également, aux différents organismes sous la responsabilité gouvernementale.

Vous parlez, M. Fortier – et c'est un point extrêmement important – à la page 7 de votre mémoire, vous discutez du pouvoir dérogatoire. Vous souhaiteriez qu'on uniformise, qu'on procède à une démarche d'uniformisation des clauses dérogatoires, en laissant sous-entendre qu'on a peut-être au cours des dernières années privilégié certains secteurs de l'administration plus que d'autres, en regard des dérogations. Et j'en profite pour vous rappeler – et vous le savez sûrement – que c'est toujours avec beaucoup de prudence qu'on consent à des dérogations. D'ailleurs, au cours des 10, 12 dernières années, il y en a eu à peine une cinquantaine.

(10 h 50)

Est-ce que vous avez des exemples à nous donner ou des faits qui sous-tendent un peu la suggestion que vous nous faites d'éviter de privilégier des secteurs d'administration où des dérogations ont été accordées? Parce que vous dites en même temps – et le contraire m'aurait surpris – que vous comprenez qu'il doive y avoir, dans certains cas, des dérogations, mais vous laissez entendre qu'il ne faut pas tomber dans l'excès contraire. Alors, il semble que, de façon générale, on considère qu'il n'y a pas eu d'excès au cours des 12 années d'application de la Loi sur l'accès. On considère qu'il n'y a pas eu d'excès, semble-t-il, de façon générale. C'est l'opinion des différents intervenants, qu'il n'y a pas eu d'excès au niveau de l'utilisation de la mécanique dérogatoire?

M. Fortier (Jocelyn): L'idée de base, à ce niveau-ci, du pouvoir dérogatoire, était d'être, jusqu'à un certain point, en accord avec la Commission lorsqu'elle dit: Il ne faudrait pas en avoir. Mais il faut être aussi conscient qu'il y a un besoin. Les exemples précis, je vais vous avouer, je vais devoir déclarer forfait, parce qu'on était quatre rédacteurs, à tout le moins, finaux, de ce rapport-là. Il y en a deux qui, malheureusement, compte tenu des délais, n'ont pu se libérer pour aujourd'hui. Et j'avoue un certain trou de mémoire.

Mais l'idée n'était non plus pas de pointer un pouvoir dérogatoire plus qu'un autre. L'idée était d'essayer de recommander: N'en faisons pas, dans la mesure du possible, mais, s'il doit y en avoir, essayons de faire en sorte qu'il soit identique à chaque fois, qu'il n'y ait pas de multiplicité de pouvoirs dérogatoires, qu'il n'y ait pas de...

M. Lefebvre: ...les mêmes principes ou les mêmes règles.

M. Fortier (Jocelyn): Qui s'appliquent à chaque fois qu'on en accorde un.

M. Lefebvre: C'est ça...

M. Fortier (Jocelyn): Pour des motifs différents, fort louables, on décide d'en accorder un. Bon. Ce n'est pas à nous de nous immiscer dans cette décision; c'est une décision politique, effectivement. Mais, essayons quand même d'être congruents quelque part de façon à ce que, lorsque le citoyen, le justiciable aura à vivre avec un pouvoir dérogatoire, bien, il pourra vivre de façon assez harmonieuse...

M. Lefebvre: ...avec les décisions antérieures.

M. Fortier (Jocelyn): ...ou égale avec les décisions antérieures.

M. Lefebvre: Oui. D'ailleurs, c'est encore une question d'équilibre...

M. Fortier (Jocelyn): Oui.

M. Lefebvre: ...vous utilisez le juste équilibre dans votre texte...

M. Fortier (Jocelyn): Voilà!

M. Lefebvre: ...à la page 7. Alors, je vous remercie, M. Fortier.

Le Président (M. Messier): Merci, M. le ministre. L'Opposition officielle, représentée par le député de Pointe-aux-Trembles, M. Bourdon.

M. Bourdon: Je voudrais d'abord vous féliciter du mémoire et de votre présentation, parce que je trouve que c'est bien fait, bien étoffé, et, à certains égards, votre organisation est importante, parce que vous vivez l'application en première ligne. Alors, votre expertise, elle m'apparaît importante.

Hier soir, on a reçu une organisation représentant des sourds gestuels, et qui nous parlait des difficultés qu'ils ont à communiquer avec l'administration publique. Et ce n'est pas seulement à l'égard de la Loi sur l'accès aux documents publics puis à la protection des renseignements personnels.

Mais, comme vous êtes au coeur du réseau de quelque 5000 répondants, qui s'occupent de répondre aux demandes des citoyens, je vous pose une question. C'est que, c'est difficile d'envisager que les 5000 répondants, demain matin, vont avoir l'outillage et les ressources pour recevoir les personnes handicapées. Il y en a pour qui c'est la motricité; d'autres, la vision; d'autres, l'audition, dans le cas du groupe d'hier soir. Et, moi, ça m'amène inévitablement à me dire que, pour appliquer cette loi-là puis pour répondre aux autres demandes, est-ce qu'il n'y aurait pas nécessité d'avoir, au niveau de l'État, une structure de coordination et une espèce d'intermédiaire? Parce que, je ne vois pas comment 5000 répondants pourraient, demain matin, être équipés pour répondre aux besoins de ces citoyens-là, qui ont des droits.

Alors, moi, je mentionnais hier soir, Communication-Québec, où, pour l'instant, ce qu'on fait à l'égard de personnes handicapées, c'est de les référer, quelque part dans la structure, à un intervenant qui n'est pas équipé, très souvent, pour répondre aux besoins de ces clientèles-là. Je sais que la Commission nous recommande que la loi lui fasse obligation de s'équiper, elle; mais, ça, c'est relativement simple; la Commission, c'est le siège social à Québec, un bureau à Montréal. Mais, comment voyez-vous ça, la question de l'accès aux personnes handicapées pour l'ensemble des réseaux?

M. Fortier (Jocelyn): C'est un peu ce qu'on traite dans notre mémoire lorsqu'on dit: Bon, il y a des objectifs louables et excellents; on applaudit. Sauf qu'on ne peut pas refiler le fardeau, à notre avis, aux organismes, aux responsables. Le responsable va recevoir l'handicapé et, généralement, va pouvoir percevoir ce qu'il désire, l'information qu'il cherche; il va falloir l'assister pour trouver l'information. Là où le problème peut se soulever, c'est quand l'information est sur un support inaccessible pour l'handicapé.

Mais la problématique sera la même, aussi, pour la personne non handicapée qui est face à un support qu'elle ne connaît pas. Si on donne un support informatique à un monsieur qui n'entend rien à l'informatique, il va être pris avec sa disquette, là. Et, ce qu'on dit, nous, c'est que la loi ne nous oblige pas à traduire ou à constituer un nouveau document, mais, quelque part, il va peut-être falloir que quelqu'un puisse le faire, ça. Est-ce l'Office des personnes handicapées, est-ce un nouvel organisme à créer? Je n'en sais rien. Ça, c'est une décision politique qui doit être prise.

Mais, nous, ce qu'on dit, c'est: Ne nous imposez pas, par la loi, l'obligation de traduire ces documents, de les mettre sur un support accessible pour le handicapé, parce qu'on n'a pas ce qu'il faut, on n'a pas les facilités pour le faire, on n'a pas les moyens de le faire. Et il y a certains organismes qui, tout en étant petits, seront peut-être, malheureusement, des organismes-vedettes et qui ne pourront pas suffire. Et les supports sont différents, dépendant du handicap, aussi, on le sait. Donc, chaque petit organisme va devoir se trouver une façon quelconque d'avoir divers traducteurs de ces supports-là. Alors, ce qu'on dit: Non, on peut faciliter l'accès au document tel qu'il existe, mais il ne faudrait pas qu'on ait l'obligation de le traduire, de le transformer.

M. Bourdon: Bien, dans le fond, je comprends bien votre point de vue. Et la question que je pose, c'est: Est-ce qu'il pourrait y avoir, dans le fond, une sorte d'organisme intermédiaire? C'est parce que je ne vois pas le jour où les 5000 répondants vont être capables de traduire – pour les sourds gestuels, entre autres – tous les documents qu'ils demandent. Et, à Communication-Québec... Je mentionne cette instance-là parce que l'Office des personnes handicapées a été délesté de ses responsabilités pratiques, là, notamment en matière d'adaptation de véhicules et d'adaptation de logements. Et, dans le fond, la question que je vous pose, c'est: Est-ce que ça serait sensé d'imaginer que, pour certaines clientèles, pour certaines personnes, un organisme agirait comme intermédiaire et trouverait moyen de fournir aux personnes... Parce que la responsabilité, pour les 5000 répondants, ça m'apparaît lourd à porter au niveau de chaque endroit où une personne peut s'adresser. Et c'est peut-être concevable que ce soit plus pratique si, au niveau du gouvernement, il y a un endroit où des personnes peuvent s'adresser pour leur servir d'intermédiaire.

Je vous donne un exemple: une personne sourde arrive et demande un interprète. Bon, on ne peut pas penser que les 5000 répondants vont pouvoir répondre à ce besoin-là. Et vous parlez, avec raison aussi, de la traduction des documents; ce n'est pas pensable qu'une municipalité qui va recevoir deux demandes dans l'année soit équipée pour procurer ce service-là. Et je vous pose la question parce que, d'expérience – ça fait juste quatre ans et trois quarts que je suis député – je sais que, dans n'importe quelle organisation, quand tout le monde est responsable de faire quelque chose, personne ne le fait.

M. Fortier (Jocelyn): Ce n'est pas déraisonnable de penser qu'il y ait, quelque part, une structure quelconque qui soit chargée de ça. Mais, à mon avis, c'est une décision politique, ça, qui doit être prise, ce n'est pas une décision qui relève de simples responsables de l'application de la loi. Il y a des coûts qui vont être générés par ça. Et qui va payer? Est-ce que ça va être, encore une fois, l'organisme qui va devoir assumer sa quote-part, selon l'usage? Évidemment, en tant que responsable ou travaillant dans un organisme, je vais vous dire non. Mais, quelque part, il y a une décision politique à prendre là-dedans et qui ne relève pas de nous. Mais, ce n'est pas déraisonnable de penser qu'il y ait un guichet unique à quelque part pour ça.

(11 heures)

M. Bourdon: Maintenant, dans votre exposé, vous parlez, à l'égard de la diligence raisonnable – entre autres, de la question de l'imputabilité – et je trouve que vous posez bien le problème, en disant que les répondants ne sont pas des employés de la Commission d'accès à l'information. Ils ont à vivre avec les tensions qu'il peut y avoir entre leur loyauté envers l'employeur et l'application de la loi qui donne accès aux citoyens. Mais, dans le fond, ma question c'est: Comment concilier ça, comment rendre imputable le vrai responsable? Parce que le répondant vous le dit avec raison: il a un supérieur, lui, il ne prend pas toutes les décisions, ce n'est pas lui, le directeur général du ministère. Il répond à une demande, il en réfère à son supérieur. Et, comme vous dites, si on n'y prend garde, la notion de la diligence raisonnable, entre autres, la personne imputable en première ligne, son moyen de défense, ça va être de dire: Ce n'est pas moi qui ai pris la décision. Parce que les répondants appliquent une loi, mais dans une structure administrative où ils doivent répondre de leurs actes et aller chercher leurs mandats de leurs supérieurs. Autrement dit, vous m'avez ébranlé sur la notion de la diligence raisonnable à l'endroit du responsable; mais comment imputer, dans le fond, la personne imputable?

M. Fortier (Jocelyn): En fait, vous avez le droit de soulever le mot «imputabilité», parce que, ce qui nous titille au plus haut point, c'est le fait qu'on veuille créer de façon assez coercitive l'imputabilité envers le responsable ou le répondant, alors qu'on n'a pas encore réussi, que je sache, à créer l'imputabilité pour les cadres supérieurs du gouvernement et qu'on hésite encore et qu'on tergiverse là-dessus.

Alors, encore une fois, on a l'impression qu'on essaie de frapper en bas, puis tout en regardant ailleurs, et, en bout de course, c'est ce qui arrive aussi à ce niveau. Dans bien des cas, celui qui va avoir le pouvoir final, c'est le cadre supérieur, c'est celui qui est imparti de l'autorité de par la loi et qui la délègue; mais celui sur qui on va frapper va être l'intermédiaire.

Comment l'appliquer? On avait soulevé le même problème aussi au niveau de notre présentation face à la loi 68, où on disait: Bien, au lieu de mettre l'infraction de responsabilité stricte à l'encontre des gens de premier niveau, on devrait retrouver une infraction de responsabilité stricte à l'encontre du dirigeant d'entreprise, du responsable, du propriétaire, de celui qui prend la décision finale, de celui qui ne donne pas les outils. On a fait le contraire. On va vous redire la même chose encore une fois ici aujourd'hui. La responsabilité stricte devrait être à l'encontre du décideur, de celui qui est investi de l'autorité en vertu de la loi, alors que, face au répondant, face à celui qui est investi d'une autorité déléguée, on devrait maintenir le régime actuel, où on doit prouver que c'est sciemment. On doit prouver son intention coupable, dans le fond.

M. Bourdon: Maintenant, vous parlez d'harmoniser la nouvelle loi 68 avec la Loi sur l'accès. Est-ce que, dans votre esprit, ça pourrait aller jusqu'à avoir, dans le privé, un réseau de répondants aussi? Parce que, dans le fond, un citoyen qui s'adresse à une grande entreprise ou au gouvernement, dans ma tête, c'est la même logique. Le citoyen qui est en demande, il veut savoir qui s'en occupe ici et: À qui je m'adresse pour avoir les renseignements auxquels la loi me donne accès.

M. Fortier (Jocelyn): Pour être congruent, ce qu'on avait fait comme présentation devant cette commission au niveau de la loi 68, la réponse va être: oui. Et je pense que l'expérience des six derniers mois, en fait, cinq derniers mois, amène plusieurs entreprises à envisager, même sans obligation légale, à se créer un réseau de responsables et de répondants. Or, nous avions déjà fait cette suggestion au niveau de notre précédent mémoire. Et c'est une des choses qui, d'après nous, devraient être harmonisées, comme les délais, les procédures, de façon à ce que le citoyen qui s'est présenté aujourd'hui devant moi, à la Société des traversiers du Québec – qui est mon organisme – et qui a piloté son dossier en respectant la procédure que je lui ai expliquée en vertu de mon devoir, bien, s'il se présente demain matin chez Équifax, il ne se posera pas de question sur la même procédure et il ne se fera pas avoir sur des «procédurites» différentes. Alors, c'est pour ça qu'on dit: Essayez, quelque part, d'harmoniser tout ça. Est-ce que ça doit être par une loi unique sur la protection des renseignements personnels et qui s'appliquerait aux deux secteurs? Encore là, ce n'est pas à moi à prendre la décision, mais c'est peut-être ça, la solution. Je n'en sais rien.

Le Président (M. Messier): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le ministre, pour les mots de remerciement.

M. Lefebvre: Alors, oui, je veux vous remercier, M. Fortier, M. Angers. Tel que ça a été indiqué tout à l'heure, c'est un mémoire qui est présenté par des gens, évidemment, bien au fait de la situation. Et, de façon générale, je vous retourne un peu ce que vous souhaitez qu'on fasse, c'est un mémoire qui est bien équilibré, M. Fortier. Je vous remercie.

M. Fortier (Jocelyn): Merci beaucoup, M. le ministre.

Le Président (M. Messier): Et, toujours sur le principe d'imputabilité, la loi 198, deuxième partie, tout est là. Merci beaucoup.

L'Association professionnelle des informaticiens et informaticiennes du Québec, on vous attend en avant, s'il vous plaît.

(11 h 10)

On souhaite la bienvenue aux membres de l'Association professionnelle des informaticiens et informaticiennes. Possiblement, nous avons M. Dupuis devant nous. Est-ce qu'il est possible de présenter les gens qui sont avec vous? Vous avez à peu près 10 à 15 minutes pour présenter votre mémoire, et, après ça, il va y avoir un échange. Merci. Je vous laisse aller.


Association professionnelle des informaticiens et informaticiennes du Québec (APIIQ)

M. Dupuis (Clermont): Parfait. Alors, je remercie tout le monde de nous accueillir aujourd'hui. Je voudrais vous présenter, à ma gauche, Mme Esther Ross, qui est administratrice de notre association et aussi chef de projet à la Société de l'assurance automobile du Québec; M. Roger Robert, à ma droite, qui est aussi administrateur de l'APIIQ de même que conseiller en système d'information au MSSS, gouvernement du Québec; et moi-même, président de l'Association, je suis professeur en informatique à l'Université Laval.

Alors, je voudrais d'abord vous indiquer, dans le fond, que nous sommes heureux, ici, aujourd'hui de vous présenter notre mémoire «L'informatique: une menace à la vie privée?». Je voudrais aborder avec vous les points suivants, le plus brièvement possible: tout d'abord, une présentation de notre association; ensuite, une première problématique, l'accès aux documents et aux renseignements personnels et la protection des renseignements personnels vu comme un problème réel; l'informatique vue comme une menace à la vie privée; enfin, le rôle des informaticiens et la contribution de l'APIIQ face à cette problématique; et terminer avec une réaction globale par rapport au rapport de la Commission d'accès à l'information.

Alors, le premier point, la présentation de notre association. L'information est devenue une ressource stratégique pour les entreprises et pour la société en général. Les technologies qui lui sont associées, et plus particulièrement celles qui intègrent l'informatique, ont contribué fortement à l'accélération de la mise en valeur de cette ressource. L'informatique, la science et la discipline du traitement automatisé de l'information, couvre aujourd'hui l'ensemble des domaines d'activité. Elle a, en ce sens, une portée quasi universelle.

L'informaticien est l'agent qui, principalement, conçoit les systèmes permettant de faire fonctionner les ordinateurs et de les mettre au service de la collectivité. Il constitue le rouage principal entre l'ordinateur et l'utilisateur. La conception de systèmes et de logiciels est aux informaticiens ce que la conception des ordinateurs est aux ingénieurs.

La discipline est jeune et encore en pleine évolution, ce qui rend difficile une standardisation de la pratique. Le champ d'activité de l'informatique n'est pas bien délimité, les rôles des intervenants sont encore mal définis et les responsabilités sont tellement disséminées qu'il est très difficile d'établir la responsabilité d'un professionnel qui aurait fourni des services de qualité douteuse. Les informaticiens ont en fait des responsabilités morales de premier plan dans le processus de conception et de mise en place des systèmes.

Depuis plusieurs années, la demande de services en informatique excède l'offre, ce qui a attiré une main-d'oeuvre de plusieurs autres disciplines avec des qualifications diverses et dont la compétence en informatique comporte souvent des lacunes. Alors, cette situation engendre des risques importants quand on considère les impacts stratégiques de cette discipline et les difficultés pour les entreprises d'évaluer la compétence de leurs fournisseurs. Il est difficilement acceptable dans notre société que le traitement d'une ressource stratégique telle l'information soit réalisé par des intervenants qui n'ont pas toutes les connaissances requises pour être conscients des conséquences des actes qu'ils posent et que personne ne responsabilise.

Alors, les problèmes liés à la qualification de la main-d'oeuvre des informaticiens et du contrôle inadéquat de leur compétence ajoutés au peu de normalisation de la pratique et aux difficultés d'attribuer des responsabilités constituent en fait un mélange à haut risque pour les entreprises.

C'est dans cette optique que l'Association professionnelle des informaticiens et informaticiennes du Québec, ou, si vous voulez, l'APIIQ, est née et s'est développée depuis 1986. Alors, brièvement, la mission de notre association se traduit comme suit: intervenir dans son champ de compétence pour que l'informatique contribue de façon efficace et sécuritaire au développement social, économique et culturel de la société québécoise; veiller à la formation d'informaticiens professionnels compétents et responsables et promouvoir une pratique selon des règles d'éthique professionnelle reconnues; enfin, réaliser dans cet esprit une corporation professionnelle des informaticiens du Québec.

Étant donné le temps qui nous est dévolu, je vais aller très rapidement pour les deux prochains thèmes. On a présenté dans notre mémoire, dans le fond, toute la problématique de l'accès aux documents et aux renseignements personnels et la protection des renseignements personnels. Alors, c'est, jusqu'à un certain point, une revue de littérature que nous avons faite. Alors, pour ce qui est de l'Association qu'on représente, il est clair pour nous que cette problématique-là, elle existe et que ce n'est vraiment pas fictif et que le problème, même, je dirais, augmente en importance. Alors, je vais aller très rapidement. Je vais, par contre, parler un petit peu de l'informatique comme étant une menace à la vie privée. Dans le fond, l'informatique vient augmenter l'importance du problème qui nous est présenté aujourd'hui.

Alors, on dit: Le développement fulgurant de l'informatique au sein des organismes publics et privés, l'acceptation aveugle dans notre société des nouvelles technologies sans se soucier ou se douter des incidences qu'elles peuvent provoquer sur les droits individuels et la transformation de l'information en un bien commercial sont bien caractéristiques de notre temps. Cela crée des conditions propices au transfert, à l'échange, au couplage des renseignements et, par conséquent, à l'intrusion dans la vie privée des citoyens. Le recours à l'informatique a accru la possibilité de cueillir, d'emmagasiner et de traiter des quantités importantes d'information.

La quantité phénoménale de renseignements personnels qui circulent entre les bases de données informatisées et auxquelles ont accès des personnes dont le droit à cette information est, au mieux, discutable n'est pas pour nous rassurer. Le besoin d'établir des mesures de sécurité et de restreindre l'accès aux personnes qui ont réellement besoin de ces renseignements est un réel défi.

Ajoutez à ça l'arrivée des réseaux informatiques qui deviendront avec le temps de plus en plus accessibles et pourront traiter indifféremment la voix, le son, le texte, l'image, cela rendra extrêmement difficile la tâche de protéger la vie privée des personnes. Le développement des réseaux informatiques permet notamment la mise en réseau de banques de données. Or, la mise en commun de renseignements personnels pourrait entraîner de graves conséquences à l'égard de la protection de la vie privée.

Actuellement, en ayant recours à l'informatique pour créer des fichiers de renseignements personnels ou pour communiquer ces derniers, les organismes éprouvent de la difficulté à mettre en place des mesures adéquates pour la protection des renseignements personnels. Or, telle est du moins la conclusion qui émerge du rapport du Vérificateur général, pour n'en citer qu'un, le rapport qui a été présenté à l'Assemblée nationale pour 1991-1992.

Aussi, je vais appuyer, dans la présentation... Parce qu'on avait préparé une présentation de 20 minutes, or, vous nous accordez 10 minutes. Alors, j'avoue que je mets les priorités où elles sont. Je voudrais axer plutôt la présentation sur la contribution de l'APIIQ. Une association professionnelle comme la nôtre peut contribuer au respect de la vie privée, et je vous donne quelques éléments: en favorisant l'élaboration et la mise en place d'une composante sécurité, je dis bien, dans le développement de systèmes informatiques; en respectant le droit du public d'être dûment informé des incidences possibles de la technologie sur sa vie, quel renseignement est requis, à quoi il servira et comment en sera réglementé l'usage; en faisant la promotion du professionnalisme chez les informaticiens et en veillant aussi au respect des règles de l'éthique professionnelle quant au respect de la vie privée; en contribuant à l'avancement de la discipline et à son évolution; en définissant – à notre avis, c'est extrêmement important – des normes de pratique pour la profession; enfin, en fournissant l'expertise professionnelle pour alimenter les débats sociaux, économiques et culturels sur l'utilisation de la technologie.

Les quelques éléments qui ont été relevés ici démontrent une fois de plus le besoin pressant d'une corporation professionnelle. Alors, bien entendu, la Commission d'accès à l'information se préoccupe déjà de l'utilisation sécuritaire des systèmes informatiques, mais ce n'est pas son rôle de définir les mécanismes de sécurité des systèmes informatiques. Dans un tel contexte, une corporation professionnelle en informatique aurait un rôle spécifique à jouer, soit de protéger la vie privée des personnes en prenant toutes les mesures nécessaires pour assurer la conception, le développement et l'implantation de systèmes informatiques sécuritaires. Or, ce rôle est majeur, parce que, comme le constate justement la Commission d'accès à l'information, et je cite: «Les systèmes informatiques pour lesquels les mesures de sécurité sont inadéquates engendrent l'impossibilité de respecter les règles de protection des renseignements personnels, règles pourtant rendues obligatoires par la Loi sur l'accès.»

(11 h 20)

Alors, cette même Commission déplore aussi de ne pas être nécessairement informée des développements informatiques qui mèneront à la création de nouveaux fichiers de renseignements personnels, et, en conséquence, elle pourrait bien souvent être appelée à intervenir quand de nouveaux systèmes inadéquats auront déjà été implantés. Or, même si les organismes avaient l'obligation d'informer la Commission avant de procéder à tout développement informatique pouvant conduire à la constitution d'un fichier de renseignements personnels, à sa transformation ou au transfert sur support informatique, à moins de profiter des services d'une armée d'informaticiens, la Commission pourrait difficilement atteindre ses objectifs.

L'armée d'informaticiens dont on parle, dont aurait besoin la Commission d'accès à l'information existe déjà et elle opère tous les jours. Pour aller chercher cette contribution de la part des informaticiens, il s'agit simplement de mettre en place une loi – le Code des professions – pour les informaticiens du Québec. De cette façon, une corporation professionnelle pourrait établir des normes de pratique en matière de sécurité.

Je voudrais terminer par une brève présentation sur une réaction globale au rapport de la Commission d'accès à l'information. La Commission d'accès à l'information a joué un rôle important ces 10 dernières années pour donner suite à cette volonté du gouvernement de faciliter l'accès aux documents des organismes publics et de protéger les renseignements personnels. C'était, et ça le demeure, un défi de taille que la Commission d'accès à l'information a réussi à relever avec efficacité et mesure, et on trouve important de le mentionner. Malgré tout, beaucoup de travail reste encore à accomplir. Or, les façons de faire évoluent rapidement, supportées par une technologie de traitement de l'information de plus en plus sophistiquée, puissante et omniprésente, ce qui introduit de nouveaux risques à gérer.

Dans le rapport, à la page 38, on nous disait: «Si les règles de l'art sont scrupuleusement observées lors de la conception de ces fichiers informatisés, la protection des renseignements n'en souffrira guère.» L'APIIQ est d'accord globalement avec cette affirmation. Elle implique que ceux qui appliquent les règles de l'art ont les compétences et sont suffisamment responsabilisés pour produire un résultat de qualité.

La Commission d'accès à l'information a raison d'insister auprès du législateur pour que soient réalisés des guides pour les organismes publics qui désirent se prévaloir des techniques de l'informatique, même si ce n'est pas de sa compétence propre, car aucune organisation n'a vraiment le mandat présentement ou la mission de produire de tels outils. Or, c'est habituellement le type de mandat qui est dévolu à une corporation professionnelle.

Donc, l'APIIQ formule, en plus de celle de la Commission d'accès à l'information, la recommandation suivante – et c'est probablement la plus importante et c'est ce qu'on aimerait, dans le fond, en priorité, qui soit retenu dans notre message – Que les systèmes d'information supportés par des techniques de l'informatique manipulant les renseignements personnels soient certifiés par des professionnels de l'informatique compétents et accrédités.

Cette recommandation aurait pour effet de supporter l'action de la Commission d'accès à l'information jusqu'à la réalisation des systèmes informatisés, fournissant ainsi une meilleure assurance que les règles de l'art ont été appliquées et que le système examiné répond aux critères normaux de qualité pour ce type d'application.

En conclusion, la société québécoise a clairement besoin d'une corporation professionnelle des informaticiens du Québec pour la supporter et la protéger dans l'utilisation judicieuse et sécuritaire de l'informatique. Ainsi, une corporation professionnelle pourrait contribuer en aidant le législateur à voir venir les impacts des nouvelles technologies sur l'information plutôt que de laisser venir. Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Messier): Merci, M. Dupuis. Concernant le temps, autant la partie ministérielle que l'Opposition officielle ont lu et relu votre texte. Donc, ils ont des questions très pointues à vous poser. C'est pour ça qu'on demande parfois de resserrer dans le temps de la présentation. M. le ministre.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le président, M. Dupuis, je vous salue. Je veux également saluer vos collaborateurs et collaboratrice, madame. Je vous remercie de nous avoir soumis un mémoire qui est élaboré, qui traite plusieurs questions, qui est bien fait. Et je vous remercie aussi, M. Dupuis, pour être là ce matin et nous faire part de commentaires additionnels et également d'explications sur le mémoire que vous nous avez soumis. Votre association des informaticiens et informaticiennes n'est pas une corporation professionnelle au sens du Code des professions, et, en vous posant la question, je vais sûrement vous permettre de nous dire que vous souhaiteriez peut-être être reconnus au sens du Code des professions. Alors, c'est une belle question suggestive que je vous pose. Je vous laisse aller là-dessus tout de suite, M. Dupuis.

M. Dupuis (Clermont): Oui, une très, très bonne question, que j'apprécie beaucoup.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dupuis (Clermont): Je dois vous dire que notre association a été créée...

M. Lefebvre: J'ai juste voulu prendre les devants. De toute façon, vous souhaitez probablement en parler. Alors, je vous permets de le faire, allez-y.

M. Dupuis (Clermont): C'est ça. Notre association a été créée en 1986, donc depuis six ans. Ce qu'on a fait: c'est un premier mandat qu'on s'est donné, justement, de préparer un dossier pour présenter à l'Office des professions pour former une corporation professionnelle. Depuis septembre 1993, oui, notre dossier est à l'étude à l'Office des professions.

M. Lefebvre: Il y a combien d'informaticiens et d'informaticiennes dans votre association, M. Dupuis?

M. Dupuis (Clermont): On est environ 1300 membres présentement.

M. Lefebvre: Qui couvrent tout le Québec?

M. Dupuis (Clermont): Qui couvrent l'ensemble du Québec, oui.

M. Lefebvre: L'ensemble du territoire. C'est une profession qui a gagné beaucoup d'adeptes au cours des dernières années, j'imagine.

M. Dupuis (Clermont): Je dirais que, si on se base sur les programmes universitaires au Québec... La création des programmes en informatique au Québec, c'est vers les années 1975, 1976 que les premiers programmes ont été créés.

M. Lefebvre: Est-ce que votre association regroupe strictement des gens du privé ou s'il y a également des fonctionnaires du gouvernement du Québec qui sont membres de votre association?

M. Dupuis (Clermont): Oui. Des fonctionnaires du gouvernement du Québec, aussi des membres soit de firmes de consultation, des enseignants. Donc, dans le fond, notre association, je pense, représente bien l'ensemble des informaticiens du Québec.

M. Lefebvre: À la page 7 de votre mémoire, M. Dupuis, vous dites, vous suggérez que les guides que souhaiterait voir mettre en place, ou rédiger... que la Commission d'accès recommande au législateur de rendre presque obligatoires, vous donnez une opinion que je vais essayer de résumer. Vous considérez que ce n'est pas la Commission d'accès à l'information qui serait l'organisme le mieux habilité pour la rédaction de ces documents-là, de ces dépliants, de ces guides-là. Est-ce que vous pourriez m'expliquer ce qui vous amène à croire qu'une association comme la vôtre serait mieux qualifiée que la Commission elle-même pour donner des renseignements, dans un premier temps, complets et les plus complets, précis et à date en regard du sujet traité? J'aimerais vous entendre là-dessus, M. Dupuis.

M. Dupuis (Clermont): Oui. Je pense qu'il faut d'abord distinguer entre la conception, le développement et l'implantation des systèmes informatiques. Alors, dans ces trois étapes-là, qui sont, dans le fond, la pratique de l'informatique, il faut retrouver une composante sécurité. Et, pour que cette composante sécurité soit fiable et que, dans le fond, elle remplisse son rôle, ça, je pense qu'il faut des professionnels en informatique pour pouvoir la développer.

Un deuxième élément, c'est qu'une fois ces systèmes-là... En supposant qu'ils sont sécuritaires, qu'ils ont été bien développés, seul un informaticien peut connaître, à mon sens, la limitation de ces systèmes-là, ce qu'on peut faire avec de tels systèmes et quelles en sont les limites, quelles en sont aussi les dangers par rapport au public.

(11 h 30)

Alors, bien entendu, définir de tels guides, ça se fait, à mon sens, en collaboration avec plusieurs intervenants, mais je pense que les informaticiens ont un rôle à jouer de par leur domaine de pratique.

M. Lefebvre: De façon générale, quelle est la formation professionnelle qu'ont eue l'ensemble, la plupart des membres de l'Association des informaticiens dont vous êtes le président, M. Dupuis? Quelle est la formation technique?

M. Dupuis (Clermont): Oui. Sauf qu'on a ce qu'on appelle, entre guillemets, une clause grand-père pour nos informaticiens qui ont été sur le marché du travail avant 1976. Parce que, avant 1976, il n'y avait pas de programme en informatique dans les universités. Mais, en dehors de ça, on exige, au minimum, un baccalauréat en informatique d'une université reconnue.

M. Lefebvre: Qui surveille la compétence des membres de votre association? Quand je parle de surveiller, est-ce que, de façon constante et régulière, à tous les deux ou trois ans, vous faites... Comment est constituée l'Association, chez vous? Il y a un bureau de surveillance, il y a une mécanique de surveillance au niveau de la compétence, au niveau de l'éthique? Comment ça fonctionne, ça, au niveau de ce qui m'apparaît être – et vous serez d'accord avec moi – absolument fondamental pour, dans un premier temps, votre propre crédibilité? Comment surveillez-vous et la compétence, et l'éthique, et le professionnalisme des membres de votre association?

M. Dupuis (Clermont): Je dois vous dire que notre association n'étant pas, comme on l'a mentionné tantôt, une corporation professionnelle, et avec peu de moyens...

M. Lefebvre: Ça prend beaucoup de discipline.

M. Dupuis (Clermont): C'est un petit peu ça. Et, ce qu'on a fait, dans le fond, c'est d'être plus actif pour favoriser une meilleure compétence de nos gens; donc, soit par des revues professionnelles, soit par des programmes de conférences, congrès, et aussi, par le développement d'un code d'éthique et puis la valorisation de ce code-là, et tout ça. Mais on ne pouvait se permettre, on n'a pas les ressources nécessaires pour pouvoir agir, comme vous le mentionnez, comme une corporation professionnelle et aller vérifier chez nos membres s'ils agissent en bons professionnels. Ça, jusqu'à maintenant, on n'a pas pu le faire.

M. Lefebvre: Comment procédez-vous pour donner aux membres de l'Association l'information légale, juridique sur tout ce qui a été fait au cours des dernières années en regard de la protection de la vie privée et, en même temps, du parallèle qui est, pour le citoyen, la possibilité qu'il a d'avoir accès à l'information publique, sauf exception? Qui donne à vos membres toutes ces notions, qui sont extrêmement importantes puis d'ordre légal, juridique, là? Ce n'est pas de l'information purement technique sur comment faire fonctionner un logiciel. Comment procédez-vous pour informer les membres de votre association sur les contraintes législatives, autant la loi d'accès à l'information que la loi 68, qui est relativement jeune, les nouvelles dispositions du Code civil, qui sont extrêmement importantes et pertinentes en regard des activités des membres de votre association? Qui donne aux membres de l'Association, et comment procédez-vous pour bien les informer, pour bien les protéger et, en même temps, surtout, protéger votre clientèle?

M. Dupuis (Clermont): Je dois vous dire, dans un premier temps, que nos interventions à ce niveau-là ont été trop peu importantes, je dirais, pour l'ampleur du dossier. On intervient soit par... On a une revue professionnelle, soit on essaie par des articles de fond pour, justement, informer nos gens là-dessus, soit on essaie d'organiser des conférences pour avoir des invités qui vont former nos informaticiens là-dessus. Mais, encore une fois, notre association, avec les moyens qu'elle peut, essaie de faire avancer ces dossiers-là, mais c'est quand même une contribution qui peut paraître, de l'extérieur, faible. Mais c'est des petits pas.

M. Lefebvre: Mais, M. Dupuis, est-ce que ça ne vous inquiète pas un peu de réaliser qu'il y a plus ou moins 1000 à 1200 personnes qui peuvent donner des services professionnels sans être encadrés plus que vous l'êtes – et je ne dis pas que vous en êtes le responsable, de cette situation-là; je fais un constat, là – alors que vous donnez des services professionnels relativement à des activités extrêmement délicates, hein? Vous savez que la ligne qui sépare ce qui est accessible et ce qui ne l'est pas, en regard et des renseignements publics et des renseignements privés, est une ligne qui est ténue. Ce n'est pas toujours clair et évident. Est-ce que vous, comme président de l'Association, ça ne vous rend pas un petit peu nerveux?

M. Dupuis (Clermont): Je vous avoue que, non seulement je suis nerveux, mais, ha, ha, ha! c'est un peu le message qu'on voulait transmettre de par notre mémoire. Quand vous dites 1200 ou 1300 personnes, ça, c'est dans le meilleur des cas; c'est ceux qui sont membres de notre association, on pourrait dire. Mais, dans le fond, nous, on évalue...

M. Lefebvre: Il n'y en aurait que 500, moi, j'aurais la même inquiétude, M. Dupuis.

M. Dupuis (Clermont): Oui, mais on évalue aussi, dans le fond, parmi les informaticiens au Québec, ceux qui seraient admissibles à notre association, on évalue à peu près à 20 000 informaticiens, au Québec, donc, qui sont dans cette situation-là. Alors, ça nous inquiète beaucoup, parce que les informaticiens ont, dans le fond, à traiter l'information jour après jour. Et, on l'a dit tantôt, je pense que l'information, c'est le pouvoir, et on n'a pas encadré la pratique, on n'a pas encadré nos informaticiens et on les laisse un peu aller. Alors, je pense que c'est clair que c'est un message troublant.

M. Robert (Roger): J'aimerais apporter un complément de réponse à ça.

Le Président (M. Maciocia): Oui.

M. Lefebvre: Oui. Pouvez-vous vous identifier, s'il vous plaît, pour les besoins...

Le Président (M. Maciocia): Voulez-vous...

M. Lefebvre: Excusez!

M. Robert (Roger): Roger Robert.

M. Lefebvre: Oui, M. Robert.

Le Président (M. Maciocia): Parfait.

M. Lefebvre: Excusez, M. le Président!

Le Président (M. Maciocia): Ça va!

M. Robert (Roger): Le complément de réponse que je voudrais apporter, c'est que, bon, on a une association de 1200 à 1300 membres. Sachant que, suite à la publication d'un rapport, de fin 1991, sur le logiciel et la capacité concurrentielle du Canada, ce rapport-là, qui a été fait sous l'égide de Emploi et Immigration Canada, nous dit que, grosso modo, on aurait au Québec, en 1991, quelque 40 000 informaticiens qui exerceraient. Nous, d'après nos décomptes, M. Dupuis vous disait qu'on considère qu'il y en aurait 20 000 d'admissibles à notre association, c'est-à-dire 10 000 diplômés en informatique et un autre 10 000 qui, finalement, ont été diplômés avant qu'il y ait un bac en informatique et qui, par leur expérience, finalement, ont acquis leurs galons. Ce qui nous laisse un déficit de 20 000 informaticiens qui se promènent dans le décor et qui agissent au jour le jour sans qu'on considère qu'ils aient une compétence suffisante pour le faire.

Donc, c'est pour ça qu'on qualifie la situation de relativement explosive actuellement; puis, je pense qu'on a intérêt à agir. On est dans le cadre de la Commission d'accès à l'information. On dit: Si on veut avoir une réelle protection de l'information, il faut que les systèmes, à la base, soient bien conçus, qu'on incorpore tous les mécanismes de sécurité, qu'ils soient certifiés, finalement, par des personnes, des professionnels compétents. Jusqu'à maintenant, on a laissé aller un peu la profession à elle-même, et il y a des causes historiques à ça.

Ce qu'on dit, c'est qu'il est grandement temps de faire le ménage là-dedans. Il existe des moyens au niveau de la législation pour faire un ménage de base, c'est-à-dire attribuer des responsabilités, ce qui n'est pas le cas actuellement pour les informaticiens. Et, finalement, charger un groupe comme le nôtre de – je dirais – réglementer, faire des normes de pratique et suivre la profession, ce qui est le mandat d'une corporation professionnelle. On peut donner l'impression aujourd'hui de vouloir absolument défendre la corporation professionnelle alors que le sujet est sur la Commission d'accès à l'information. On pense que la Commission d'accès à l'information a fait jusqu'à maintenant un bon travail; elle a beaucoup agi en prévention, puis on est d'accord avec ça. Mais on dit que la Commission d'accès à l'information, avec toute la multiplicité des moyens, des technologies, avec l'arrivée des réseaux, avec, finalement, la circulation de l'information à l'échelle de la planète, avec l'instauration de l'autoroute électronique – actuellement, si on n'a pas l'autoroute électronique, on a, disons, des routes rurales électroniques qui sont en fonction – on dit que la Commission d'accès à l'information ne pourra pas atteindre ses objectifs s'il n'y a pas un minimum de normalisation de la profession d'informaticien.

M. Lefebvre: Dernière question avant que mon collègue de Pointe-aux-Trembles prenne la relève. M. Robert, ou M. le président Dupuis, quelles sont vos relations avec la Commission d'accès à l'information? Ça ne doit pas se limiter strictement à de simples questions banales et usuelles, comme professionnels de l'information. Est-ce que vous avez une relation suivie avec la Commission d'accès à l'information? Est-ce que la Commission vous encadre – entre parenthèses, ce n'est pas le rôle de la Commission, nécessairement – mais quelle est la relation professionnelle que vous avez avec la Commission d'accès à l'information?

(11 h 40)

M. Dupuis (Clermont): Nous avons eu, dernièrement, des rencontres avec des représentants de la Commission d'accès à l'information pour échanger, dans un premier temps, et aussi, pour se connaître mutuellement et essayer d'identifier des éléments où chacun, dans le fond, on pourrait contribuer. Mais, au moment où on se parle, il n'y a pas de projets précis, là, qui ont été arrêtés.

M. Lefebvre: Est-ce que vous souhaiteriez un suivi plus constant ou plus régulier, plus systématique avec la Commission d'accès?

M. Dupuis (Clermont): Définitivement.

M. Lefebvre: Est-ce que ça constituerait pour votre association, jusqu'à un certain point, une certaine protection en regard de ce qu'on vient de discuter, là?

M. Dupuis (Clermont): Ça nous permettrait, en tout cas, de remplir une partie de notre mandat.

M. Lefebvre: Oui, M. Robert.

M. Robert (Roger): ...apporter un complément de réponse à ça. On parle, dans le mémoire... la Commission d'accès faisait allusion à une armée d'informaticiens qui lui serait nécessaire si elle voulait vraiment tout suivre ce qui se fait en...

M. Lefebvre: Vous êtes disponibles, vous autres. Ha, ha, ha!

M. Robert (Roger): ...termes de développement. Oui! Mais, ce qu'on dit, c'est que, bon, je ne pense pas que ce soit dans le mandat de la Commission de se doter d'une armée d'informaticiens; d'ailleurs, ça serait hors de question dans l'état des finances. Ce qu'on dit, c'est qu'un groupe d'informaticiens accrédités pourrait agir, a priori, par rapport à la Commission d'accès à l'information. À partir du moment où on a des professionnels responsabilisés, qui ont à certifier des systèmes, à savoir que ces systèmes-là répondent aux lois, règlements et aux normes de la Commission d'accès, on fait comme un travail préliminaire à celui de la Commission d'accès à l'information; puis je pense que ça pourrait être très utile. C'est dans ce sens-là qu'on a des discussions aussi avec la Commission d'accès à l'information. Mais je vous avoue qu'avec le statut officiel qu'on peut avoir, actuellement, c'est relativement difficile de faire passer ce message-là. C'est pour ça qu'on travaille tellement avec l'Office des professions, pour en arriver à une reconnaissance professionnelle des informaticiens.

M. Lefebvre: Merci, M. Robert, M. Dupuis, M. le Président.

Le Président (M. Maciocia): Merci, M. le ministre. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Vous dites, dans votre mémoire, à la page 28: «Que les systèmes d'information supportés par des techniques de l'informatique, manipulant des renseignements personnels, soient certifiés par des professionnels de l'informatique compétents et accrédités.» Ma question, dans le fond, c'est: Ce que vous proposez là, ça s'inscrirait dans quelle loi, dans quel cadre?

M. Dupuis (Clermont): Dans la loi des... du Code des professions.

M. Bourdon: Maintenant, en attendant que ce soit fait, est-ce que la loi 68 et la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels ne créent pas aux employeurs des informaticiens la responsabilité de protéger, par exemple, le caractère privé des renseignements?

M. Dupuis (Clermont): Je pense qu'elle le donne à tout citoyen, dans le fond. Sauf que nous, dans notre mémoire, ce qu'on dit, c'est que l'informaticien a un rôle particulier, spécifique à jouer, qui est dû à sa profession, dû à son champ d'expertise. Mais l'informaticien est aussi un citoyen. Donc, il a aussi, bien entendu, des responsabilités et il doit respecter la loi. Ça, je pense que c'est...

M. Bourdon: Mais, dans le fond, le groupe qui vous a précédé, là, les répondants dans les ministères et organismes nous ont illustré que le responsable d'une question... il y a un supérieur, à un moment donné. Est-ce qu'il n'y a pas une zone où, dans le fond, l'État doit intervenir pour créer au client de l'informaticien, ou bien à son patron, quand il travaille dans le privé ou dans le public, des obligations? Ce que je veux dire par là, c'est que, supposons qu'il y aurait une corporation professionnelle des informaticiens; le rapport d'autorité dans le secteur public, comme dans le privé d'ailleurs, ne s'en trouverait pas modifié pour autant. Autrement dit, est-ce que la loi devrait confier à des individus le soin de faire telle ou telle ou telle chose, ou bien de confier ces responsabilités-là, selon le cas, aux entreprises ou aux ministères et organismes?

Le Président (M. Messier): Il y a M. Robert, Roger Robert, qui voudrait intervenir.

M. Robert (Roger): Pour répondre à votre question, je pense qu'on ne s'en sort pas. Il faut que la loi donne des obligations aux entreprises et aux employeurs. Il s'agit de savoir maintenant comment elles vont répondre à ces obligations-là. Ce qu'on amène, comme recommandation pour la Commission d'accès à l'information, c'est d'exiger, au même titre qu'on demande à un comptable agréé de certifier des états financiers dans un certain nombre de conditions, que les systèmes informatiques soient certifiés, ceux qui ont de l'impact au niveau, entre autres, de la protection des renseignements personnels. Et, je vous avoue que les informaticiens sont un peu mal pris aujourd'hui par rapport à un employeur, dans le sens que, je dirais, la majorité des informaticiens sont des salariés, aujourd'hui, soit dans le secteur privé ou dans le secteur public. Et, devant des demandes insistantes de l'entreprise, d'utilisateurs, etc., ils sont mal équipés pour, à la rigueur, refuser de faire certains développements, refuser de mettre en application des systèmes qu'ils considèrent ne pas comprendre suffisamment. De mesures de sécurité; en tout cas, de ne pas avoir les mesures de sécurité suffisantes. Premièrement, ils ne sont pas responsabilisés.

Et même si, dans notre association, on a un code d'éthique, ce code d'éthique là n'est pas nécessairement reconnu par l'ensemble des entreprises et des employeurs. Ce qui fait qu'on est un peu mal placés, et que chaque informaticien, aujourd'hui, si on lui demande d'implanter un système pour lequel il considère qu'il n'a pas toutes les mesures de sécurité requises, bien, là, il est à son corps défendant, et c'est lui contre l'entreprise. Et, dans la plupart des cas, c'est l'entreprise qui gagne. Tout ce qu'il peut faire, finalement, c'est de prendre la porte et de contester. Mais il n'a pas de moyens légaux pour dire: Écoutez, moi, je dois respecter un code d'éthique; je ne peux pas sciemment mettre en application ce système-là, parce qu'il n'y a pas suffisamment de mesures de sécurité. Donc, il n'a pas de protections qui lui permettent d'agir efficacement pour assurer la sécurité des systèmes.

M. Bourdon: Une autre question; une dernière. Est-ce que vous avez eu l'occasion de réfléchir sur les conséquences de la privatisation des systèmes informatiques du gouvernement? Et, si oui, quels sont les éléments qui devraient être pris en considération?

M. Robert (Roger): On parle, bien sûr, du projet d'impartition. L'Association n'a pas pris officiellement position, pour ou contre l'impartition d'informatique au gouvernement du Québec. Elle a quand même réfléchi au sujet de l'impartition; puis il y a des pour, il y a des contre, il y a des avantages et des inconvénients à l'impartition.

Si on parle d'impartition globale, c'est-à-dire de confier globalement la gestion de l'informatique à une entreprise en particulier, il y a un certain nombre de risques associés à ça. Entre autres, au niveau de la protection de l'information, parce qu'on se trouve à confier à une entreprise extérieure la gestion d'une ressource stratégique qu'on a le devoir de protéger, et on ne se donne pas nécessairement les moyens de la contrôler. Donc, dans les principales conclusions qu'on a sur l'impartition, d'après les études qui ont été faites, c'est plutôt un mouvement qui amène des économies à court terme. C'est comme si on liquidait un certain nombre d'actifs qu'on a pris beaucoup de temps à constituer et qu'on améliore notre «cash flow» temporairement, sachant bien que, après trois à cinq ans, là, les problèmes commencent à arriver. Et c'est là qu'on paie la facture, à chaque demande supplémentaire qu'on peut faire au fournisseur.

Par ailleurs, on donne, jusqu'à un certain point, un monopole, et avec les risques et les problèmes des monopoles. C'est-à-dire qu'on peut faire mettre en péril plusieurs petites entreprises en en confiant la gestion à une seule grande entreprise qui, elle, sera maître des ressources. Donc, il y a beaucoup de problèmes reliés à l'impartition. Ce qui nous fait dire que le gouvernement devrait être très prudent avant de procéder à une impartition comme ça, parce qu'on y voit... le principal avantage, finalement, qu'on voit, c'est qu'on améliore le «cash flow» à court terme, mais, à long terme, on ne solutionne pas le problème. Donc, on serait porté à conseiller au gouvernement de procéder avec beaucoup de prudence et, probablement, d'éviter l'impartition globale.

(11 h 50)

D'ailleurs, si on regarde... Moi, je suis au gouvernement depuis un bon bout de temps – j'ai travaillé au ministère des Communications – et on considère, de façon générale, de par le monde, que la gestion de l'informatique au gouvernement du Québec est parmi les bonnes gestions de l'informatique. Donc, la raison pour laquelle on confierait la gestion de tout ça au secteur privé, ce ne serait sûrement pas une question d'incompétence ou des ressources internes; selon moi, c'est plus une question financière. D'ailleurs, c'est au niveau du Conseil du trésor que ça se gère beaucoup. Donc, prudence sur l'impartition, ce serait le message qu'on aurait à laisser.

Le Président (M. Messier): Est-ce que c'est partagé par M. Dupuis, qui est le président? Oui?

M. Dupuis (Clermont): Définitivement.

Le Président (M. Messier): Parfait. Ça va.

M. Bourdon: C'est évident qu'on peut se rendre aux élections avec le système informatique qu'on a là.

Ha, ha, ha! Il n'a pas compris.

M. Lefebvre: ...suggestion, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Ha, ha, ha!

Une voix: Répétons, répétons!

M. Bourdon: Ma suggestion, c'est: Il est urgent de surseoir, dans le sens qu'on pourrait se rendre aux élections avec le système qu'on a, sans impartition, et laisser les élus qui sortiront du suffrage universel décider de cette question-là. Je partage les craintes que les gens de l'Association manifestent.

Le Président (M. Messier): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le ministre, pour peut-être quelques mots encore.

M. Lefebvre: Alors, M. Dupuis, et Mme Ross, et M. Robert, je vous remercie de nous avoir soumis un rapport qui était extrêmement important pour la commission, parce que vous êtes des gens très au fait de ce qui se passe dans le merveilleux monde de l'informatique. Et j'ai apprécié la franchise avec laquelle vous avez répondu à nos questions, ce matin, tout en ayant à l'esprit que vous compreniez également que ça servait votre cause – ce qui est légitime, ce qui est parfaitement légitime.

Alors, je vous remercie d'être venus ce matin à la commission nous donner des renseignements qui seront précieux pour l'évaluation de toute la situation en regard des droits des citoyens et, évidemment, de la protection de ces mêmes citoyens. Je vous remercie beaucoup.

M. Dupuis (Clermont): Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Messier): Merci, MM. Dupuis et Robert, et Mme Ross, qui a été fort silencieuse ce matin. On vous souhaite une bonne fin de journée.

Et on va demander à l'Association de sécurité informatique de la région de Québec de se présenter devant nous, s'il vous plaît. Et nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 53)

(Reprise à 12 h 6)

Le Président (M. Messier): On va rappeler M. Parent. S'il vous plaît, à l'ordre! Venez-vous-en avec nous. Nous avons devant nous l'Association de sécurité informatique de la région de Québec, représentée par sa présidente Mme Micheline McNicoll. Bonjour madame.


Association de sécurité informatique de la région de Québec (ASIRQ)

Mme McNicoll (Micheline): Bonjour!

Le Président (M. Messier): Vous avez deux personnes avec vous. Est-ce que c'est possible de les présenter? Et, après ça, vous connaissez la procédure, à peu près une quinzaine de minutes pour la présentation, après ça on échange.

Mme McNicoll (Micheline): Merci. Tout d'abord, j'aimerais remercier M. le ministre de la Justice de nous avoir conviés à ce rendez-vous avec une rapidité qui était bien au-delà de nos pronostics, qui étaient plutôt sombres lorsque la commission avait été remise sine die. Ça nous permet au moins de présenter le même mémoire sans qu'il soit trop périmé, de part et d'autre. Alors, merci, M. le ministre.

Je vous présente M. Claude Francoeur, qui est le coordonnateur du comité des enjeux sociaux, à ma droite, à notre association; et, à ma gauche, M. Michel Lambert, qui est également membre du même comité.

L'Association de sécurité informatique de la région de Québec est incorporée depuis 1983 et elle s'est donné pour mission de promouvoir la sécurité informatique et ses enjeux sociaux, tant auprès de ses membres que dans l'ensemble de la société québécoise. L'ASIRQ compte maintenant plus de 140 membres, dont les deux tiers appartiennent au secteur public, les autres oeuvrant dans le secteur privé.

Je précise que notre association a de multiples intérêts et regroupe des personnes de formations diverses qui ont de l'intérêt pour la sécurité informatique. Donc, ce n'est absolument pas avec des vues professionnelles, bien qu'on donne aussi de la formation à nos membres.

Depuis ses débuts, l'ASIRQ organise diverses activités pour le bénéfice de ses membres et du public intéressé: conférences mensuelles, séminaires, colloques annuels et la publication bimestrielle du Mot de Passe , dont la circulation de près de 800 exemplaires rejoint des lecteurs dans toute la province et au-delà. De plus, nous organisons, avec la collaboration des cégeps, un programme de bourses d'études pour stimuler l'enseignement de la sécurité informatique.

Le seconde révision quinquennale de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels est un événement important pour notre société, et c'est essentiellement dans un esprit de collaboration que nous désirons présenter à la commission de la culture ces quelques réflexions et suggestions relativement à l'avenir qui devrait être réservé à cette législation.

En 1975, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne reconnaît à tout citoyen le droit à l'information et le droit au respect à la vie privée. À défaut de mécanismes de mise en oeuvre, toutefois, surtout avec la venue des technologies de l'information, ces droits risquaient de perdre toute leur signification jusqu'à l'adoption, en 1982, de la Loi sur l'accès à l'information.

Voilà maintenant plus de 10 ans que cette loi est appliquée. Des gestes concrets posés par certains organismes témoignent du succès et de la prégnance de cette loi dans notre société. Toutefois, un questionnement sur la façon dont elle est administrée est fait tous les cinq ans pour vérifier l'opportunité de la maintenir en vigueur et, le cas échéant, de la modifier.

Notre association se préoccupe autant du volet accès que du volet protection des renseignements personnels. Toutefois, puisque notre mission est de promouvoir la sécurité des technologies de l'information et de sensibiliser les personnes concernées pour assurer la protection des données, nos commentaires se limiteront au second volet.

À l'ASIRQ, nous considérons que le droit à la protection des renseignements personnels ne doit pas être remis en question. Ainsi, si certains de nos commentaires pouvaient laisser supposer autre chose, il n'en est rien. Notre philosophie est qu'une attitude réaliste et pragmatique est la meilleure façon de servir nos droits.

Notre intervention, qui vous sera, pour la suite, présentée par M. Francoeur, se divise en deux parties. La première réagit aux recommandations nos 17 à 21 du rapport de la Commission sur la mise en oeuvre de la Loi sur l'accès intitulé «Un passé éloquent, un avenir à protéger». La deuxième partie de notre exposé porte sur le rôle de la Commission.

(12 h 10)

M. Francoeur (Claude): Alors, relativement à la première partie, les recommandations de la Commission. En regard de la recommandation no 17, le rapport de la Commission souligne qu'il existe, par l'utilisation de l'informatique, des risques potentiels de porter atteinte à la vie privée. Plutôt que de vouloir restreindre l'utilisation de l'informatique, la Commission opte pour la concertation et la prévention. Elle recommande que les organismes publics aient l'obligation d'informer la Commission avant de procéder à tout développement informatique qui peut conduire à la constitution d'un fichier de renseignements personnels, à sa transformation ou au transfert sur support informatique d'un fichier existant. Nous sommes entièrement d'accord avec l'approche de concertation et de prévention préconisée par la Commission. Cependant, nous identifions trois facteurs qui rendent cette recommandation inefficace et pratiquement inapplicable.

La difficulté d'interprétation. La recommandation no 17 soulève beaucoup de questions quant à l'interprétation des termes utilisés et au domaine d'application, qui est mal défini. Quelle interprétation doit-on donner aux termes «constitution», «transformation», «transfert»? Ces mots n'ont-ils pas une signification sans frontières? Par exemple, la création d'un fichier va-t-elle jusqu'à la collecte de données et l'exploitation de celles-ci sur les différentes plates-formes de traitement, que ce soit le maxi, le mini ou le micro? L'ajout ou la suppression d'un élément d'information dans un fichier correspond-il à une transformation? Les copies de sécurité, la journalisation des accès, la création d'une banque informationnelle, la production de microfilms, la numérisation de documents seront-ils interprétés comme un transfert? La prolifération de fichiers sur les micro-ordinateurs accentue la difficulté de bien cerner le domaine d'application.

La Commission demande d'être informée de tout développement informatique. Cela signifie-t-il qu'elle veut ignorer les autres technologies de l'information qui peuvent aussi menacer la confidentialité? L'informatique est-elle le seul médium d'information que la Commission désire contrôler? Pourtant, les bris de confidentialité ayant fait les manchettes dans les quotidiens québécois l'automne dernier provenaient en majeure partie de documents sur support papier. On peut conclure qu'il est aussi difficile de protéger l'information confidentielle sur les documents papier que sur les documents informatisés.

Le deuxième point, une mission impossible pour la Commission. Combien y a-t-il de développements informatiques – création, transformation ou transfert de fichiers – dans une année pour l'ensemble des 3000 organismes assujettis à la Loi sur l'accès? Tenter de prendre connaissance de tous ces développements représenterait un travail monstre. La Commission éprouve déjà des difficultés à faire face à sa tâche dans des délais raisonnables. En plus, avec son récent mandat dans le secteur privé, comment pourra-t-elle rencontrer ses nouvelles obligations?

Le troisième point, les retards occasionnés par cette approche. L'obligation pour les organismes d'informer la Commission de tout développement informatique occasionnera des retards importants dans leur planification. En effet, si la Commission réclame jusqu'à 60 jours pour émettre un avis suivant la date où elle a été informée du projet, cela retardera d'autant sa réalisation. Sans compter que ce délai pourrait être prolongé en cas de consultation auprès des personnes ou des organismes intéressés.

Notre recommandation en regard de la recommandation no 17. Nous croyons que cette recommandation devrait être abandonnée au profit de l'objectif visé à la recommandation no 20. Cette dernière est plus englobante et elle reprend de façon réaliste le rôle que la Commission veut se donner et auquel nous adhérons. Informer la Commission de tout développement aura pour effet de transformer celle-ci en un vaste dépôt où l'on aura tout juste le temps de compiler ces données, ce qui est en partie le cas pour les déclarations de fichiers. Une telle façon de procéder contribuerait à créer l'illusion que les informations confidentielles sont mieux protégées.

En regard de la recommandation no 18. Concernant cette recommandation, qui est la communication de renseignements personnels, la Commission désire exercer un contrôle a priori, car son expérience l'amène à conclure que les contrôles a posteriori n'empêchent pas la violation des règles de confidentialité. Elle recommande, sauf pour les échanges prévus aux articles 67.1 et 67.2, que tous les organismes publics qui prévoient communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée soient obligés d'informer la Commission. Elle recommande que la Commission elle-même puisse émettre un avis portant sur ces échanges seulement lorsqu'elle le juge opportun et qu'à cette fin elle puisse consulter les personnes intéressées. Enfin, elle recommande, sauf si un avis défavorable a été émis, que tous les projets d'échange de renseignements puissent entrer en vigueur 60 jours après que la Commission ait été informée de ce projet.

Notre recommandation. Nous recommandons de ne pas entériner la recommandation no 18 telle que formulée. Par contre, nous suggérons que les organismes aient l'obligation de donner publiquement avis dans les quotidiens qu'ils veulent s'échanger des renseignements nominatifs sans le consentement des personnes concernées au moins 60 jours avant l'échange. Ce serait valable pour toutes les communications, sauf celles visées par les articles 67.1 et 67.2.

Ainsi, toute personne aurait 30 jours pour présenter des commentaires à la Commission ou à l'organisme concerné. La Commission pourrait alors, de sa propre initiative ou sur réception des commentaires, décider d'émettre un avis au gouvernement. Elle aurait également 30 jours pour émettre cet avis. Dans le cas où la Commission émettrait un avis défavorable, les organismes pourraient s'adresser au gouvernement pour obtenir son accord. De cette façon, serait assurée une véritable transparence en matière de communication de renseignements personnels au sein des organismes publics et des ministères et, du même coup, on responsabiliserait la personne concernée.

Par contre, peu importe le motif de l'échange, les organismes auraient l'obligation de toujours conclure des ententes écrites lorsqu'ils désirent communiquer des renseignements. Ces ententes mentionneraient les moyens à mettre en oeuvre pour assurer la confidentialité de ceux-ci. Elles seraient établies en conformité avec un guide élaboré par la Commission, lequel fournirait des critères clairs ainsi que les balises de communication entre les organismes, tel que prévu par la recommandation no 21. On comprend donc que l'article 67.3, qui est la tenue d'un registre, n'aurait plus de raison d'être.

En regard de la recommandation no 19, la Commission désire éliminer du texte de la loi les dispositions traitant des modes de communication utilisés. Pour ce faire, elle recommande que soit abrogé l'article 68.1 de la Loi sur l'accès, et le mode de communication des renseignements personnels ne devrait plus être pris en considération.

Notre recommandation. Nous sommes d'accord avec la recommandation no 19. Il est vrai que, depuis la mise en application de cet article, il n'y a jamais eu consensus, en raison principalement de sa difficulté d'interprétation. Les modes de comparaison, de couplage ou d'appariement de fichiers ne sont pas les seuls qui comportent des risques pour la protection des renseignements nominatifs. On n'a qu'à penser aux réseaux, à l'échange électronique de données, au traitement de l'image, à l'autoroute électronique, et j'en passe. C'est pourquoi nous partageons l'avis de la Commission, qui est de ne plus se limiter à des mécanismes spécifiques de communication. Les technologies ne sont pas statiques, la loi ne doit pas l'être non plus.

En regard des recommandations 20 et 21, la Commission désire baliser le processus d'examen des déclarations et ses éventuelles décisions dans le contexte des développements informatiques et des communications de renseignements personnels. Je vous fais abstraction des recommandations.

Notre recommandation en regard des recommandations 20 et 21, c'est que nous sommes d'accord pour que la Commission fasse connaître ses attentes en matière de sécurité et, ainsi, qu'elle favorise l'intégration des nouvelles technologies dans le respect des droits reconnus par la loi; qu'elle demande aux organismes d'analyser les risques pour appliquer les mesures nécessaires en fonction de la valeur des informations à protéger, ceci afin d'éviter des corrections coûteuses; qu'elle sensibilise également les organismes et, bien sûr, qu'elle informe les organismes sur les éléments d'un droit nouveau.

Pour cela, la Commission devrait élaborer des guides, des procédures, des politiques, des documents d'orientation. Ces documents seraient des outils de sensibilisation, de conseil et de responsabilisation pour les organismes assujettis. Ces documents seraient des outils de contrôle et de vérification pour les organismes tels le Conseil du trésor, le Vérificateur général, et j'en passe. Ces documents seraient également des outils d'assistance pour les personnes impliquées dans les organisations, entre autres: le vérificateur interne, le responsable du support à la gestion de la sécurité – un nouveau poste qui a été créé par la directive du Conseil du trésor – le responsable de la Loi sur l'accès, la direction des systèmes et encore bien d'autres. De cette façon, la Commission jouerait pleinement son rôle de conseiller, d'orienteur, d'ordonnateur de mesures et de règles de sécurité à l'égard des renseignements personnels. La condition de sa réussite repose sur son engagement d'être à l'avant-garde, par une veille technologique assidue et exhaustive.

(12 h 20)

Nous allons passer maintenant à la deuxième partie, qui est le rôle de la Commission d'hier à aujourd'hui. À notre avis, la Commission a jusqu'à maintenant joué surtout le rôle de bon père de famille. Son attitude fut de défendre les libertés individuelles reliées à la protection des renseignements personnels dans le sens qu'elle croyait être le plus souhaitable pour l'ensemble de la société. Sans porter de jugement sur certaines prises de position de la Commission, qu'il nous soit permis d'évoquer la problématique des cartes avec photo afin de démontrer la difficulté de prendre certaines décisions qui engagent l'avenir de toute la population.

Dans son avis à l'égard des projets de permis de conduire et de carte d'assurance-maladie avec photo de la personne détentrice, la Commission posa deux conditions à son aval. Primo, les organismes ne devaient pas constituer de fichier avec ces photos et ne devaient pas les conserver sous quelque forme que ce soit, même dans un fichier existant. Secundo, une disposition pénale devait interdire à toute personne d'exiger ces cartes à des fins d'identification.

Or, tel que présenté par la Régie de l'assurance-maladie et la Société de l'assurance automobile, l'objectif de la carte avec photo était de disposer d'un outil d'identification simple qui contribuerait à réduire les fraudes. En ne conservant pas la photo, cet objectif est sensiblement compromis puisque ces organismes ne peuvent pas vérifier si la photo sur la carte correspond bien à l'identité de la personne. De plus, lorsqu'une personne se fait dérober sa carte ou la perd, elle doit fournir une nouvelle photo ou encore se présenter à nouveau dans un centre de services, alors que, si les organismes avaient conservé les photos numérisées, ils pourraient réémettre les cartes directement.

Enfin, l'interdiction d'exiger les cartes avec photo pour fins d'identification, laissant à la personne détentrice le choix de les utiliser pour attester son identité, il y a lieu de croire qu'elle continuera de le faire, car elle n'a pas le choix de fournir ou non une pièce d'identité lorsque cela est requis, entre autres, lorsqu'on veut entrer ici. Alors, où est le choix, puisque nous n'avons pas de carte d'identité au Québec, et quel est l'objectif poursuivi?

Dans son allocution au colloque de notre association, le 21 avril 1993, le Vérificateur général commentait ainsi la multiplication des cartes avec photo: «La conception originale d'un système peut être cause d'une faiblesse intrinsèque à un système. À titre d'exemple, j'offre à votre réflexion l'analyse originale concernant l'utilisation d'une photographie sur une carte d'identité. Sachant qu'une photographie peut être digitalisée, conservée en mémoire et transmise entre fichiers, pourquoi les citoyens doivent-ils se faire photographier pour chaque carte? Et je m'abstiens de vous demander de réfléchir sur la multiplication des cartes...» Il faut dire que, depuis, il y a eu une certaine réorientation concernant ces deux dossiers, mais, là encore, on n'atteint pas l'objectif qui était visé, je pense, dans cet énoncé.

D'aujourd'hui à demain. Selon nous, la Commission doit réviser son rôle dans une perspective élargie, en tenant compte des tendances en matière de gestion des technologies de l'information, en particulier: la sous-traitance, l'évolution des technologies et, bien sûr, la directive du Conseil du trésor concernant la sécurité d'un système d'information électronique et des actifs informationnels, laquelle dicte au RSGS son rôle et ses responsabilités.

Parlons donc du premier point, la sous-traitance. Plusieurs organismes envisagent d'impartir certaines de leurs tâches en sous-traitance. À notre avis, la Commission devrait évaluer les risques d'une telle orientation. Les risques de bris de confidentialité augmentent lorsque les développements informatiques ou des communications sont effectués par des tiers. Il faut préciser que, dernièrement, la Commission est intervenue dans ce dossier. Aussi, l'analyse de risques devrait-elle faire partie de l'une de ses tâches dans cette intervention.

L'évolution des technologies. La Commision doit se tenir le plus près possible des spécialistes, concepteurs et réalisateurs des technologies de façon à pouvoir orienter plutôt que de réagir après coup. Elle pourrait ainsi exiger que les aspects de sécurité soient intégrés au développement technologique. La Commission pourrait déjà se pencher sur des projets comme: le traitement de l'image, la carte d'identité, la signature électronique, les identifiants, les méthodes d'obtention de consentement, les intermédiaires, ce qu'on appelle les transporteurs d'information et, peut-être pour préciser davantage, on peut penser à Médiatel, Téléglobe, IBM Réseau. Ce sont tous des transporteurs d'information. Ils servent d'intermédiaires. Il y a également l'échange des documents informatisés, les centres de secours pour la reprise, à l'extérieur de la province de Québec. Il y a les mises en réseau avec des fournisseurs de services et, bien sûr, l'autoroute électronique, pour ne mentionner que ceux-là. Nous sommes persuadés qu'en faisant cela elle accomplirait une fonction qu'aucun autre organisme de contrôle n'a le mandat d'effectuer et jouerait, ainsi, pleinement son rôle.

La directive du Conseil du trésor. Alors, je vous disais, le 20 avril 1993, la directive concernant la sécurité de l'information entrait en vigueur. Cette directive adoptée par le Conseil du Trésor prescrit des responsabilités spécifiques à tous les intervenants à l'égard de l'information et des actifs informationnels détenus par le gouvernement. Elle prescrit également qu'un responsable de support à la gestion puisse, lui qui est nommé par le sous-ministre ou le dirigeant de l'organisme, assurer la coordination requise pour l'élaboration, etc. Or, cette directive ne s'applique qu'aux ministères et organismes dont le budget de fonctionnement est voté en totalité ou en partie par l'Assemblée nationale. Notre association recommande que tous les organismes assujettis à la Loi sur l'accès appliquent cette directive.

Donc, on demande un élargissement. Ainsi, en plus d'avoir un responsable de la Loi sur l'accès et sur la protection des renseignements personnels, tous les ministères et organismes assujettis à la Loi sur l'accès auraient un RSGS. Ces deux personnes, qui, très souvent, seraient la même, seraient responsables de la protection des renseignements personnels, des mesures de sécurité à mettre en place, des contrôles à effectuer et, bien sûr, de l'application de la Loi sur l'accès et de la directive sur la sécurité.

Fait à noter, avant même l'adoption de la directive du Conseil du trésor, certains organismes avaient déjà nommé une personne pour assumer un rôle équivalent à celui du RSGS. On retrouve donc des organismes qui, assujettis ou pas à la directive, l'appliquent en tout ou en partie. Ainsi, le travail de surveillance et de contrôle a priori suggéré par la Commission est maintenant pris en charge par les organismes eux-mêmes. Dans ce nouveau contexte, la Commission devrait plutôt leur donner des orientations en fournissant des guides, des directives, des règles claires et des procédures de contrôle simples qui appuieraient les responsables de la loi et les RSGS dans leurs démarches. Elle aurait ainsi des alliés à l'intérieur de chaque organisme et ministère pour assurer la protection des renseignements personnels.

En conclusion, la Commission doit dès maintenant élargir sa vision dans une perspective plus globale des interventions à faire et réserver les analyses de cas dans les situations qui le nécessitent.

Par ailleurs, comment la Commission vérifie-t-elle les attentes des citoyens? Après 10 ans d'application de la Loi sur l'accès, n'est-il pas temps que le citoyen soit directement impliqué? Pour cela, la Commission doit consulter le citoyen, le sensibiliser, l'éduquer, être plus près de lui, quoi. Elle doit responsabiliser le citoyen, ce dernier devant en effet questionner les organismes sur la nécessité de la collecte d'un renseignement, sur son utilisation et sa destruction. Finalement, la Commission doit préciser au citoyen son droit de refuser de donner de l'information, lui faire savoir comment il peut obtenir des garanties de confidentialité lorsque les organismes traitent l'information qui le concerne.

Ainsi, en orientant, en conseillant, en responsabilisant le citoyen et les organismes, en faisant connaître ses attentes en matière de sécurité, la Commission accomplira la mission qui lui est dévolue et assurera ainsi une meilleure protection des renseignements personnels, une dimension essentielle à la qualité de la vie démocratique.

Je vous remercie.

Le Président (M. Messier): Merci, M. Francoeur.

Un échange de 15, 15. Premièrement, avec le ministre de la Justice, M. Lefebvre.

M. Lefebvre: Merci, M. le Président.

Mme McNicoll, Me McNicoll, que je veux saluer, M. Francoeur, M. Lambert, je veux vous remercier pour la qualité du mémoire que vous nous avez soumis. C'est un mémoire qui est pratique, extrêmement pratique et très utile, évidemment, à la commission et à ses parlementaires, un document comme celui que vous nous présentez. Je vous remercie également d'être là, comme tous les intervenants et intervenantes qui viennent commenter leurs documents.

(12 h 30)

Votre association, Mme la présidente, vous avez très rapidement, tout à l'heure, indiqué, là, en quoi consistait votre association. J'aimerais vous entendre un peu plus; si vous pouviez me donner un peu plus de détails. Est-ce que l'Association est formée essentiellement de membres de la fonction publique, ou s'il y a également des gens de la pratique privée qui sont dans votre association? Et combien y a-t-il de personnes à l'intérieur, et quel est, essentiellement, là, le rôle? Je comprends que c'est un rôle d'information, hein? mais... Alors, sur ces trois points-là, je veux dire: En quoi consiste votre association? En réalité, c'est ce que je voudrais savoir.

Mme McNicoll (Micheline): Tout d'abord, elle est formée majoritairement, habituellement, de gens de la fonction publique; deux tiers de nos membres, qui sont peut-être un petit peu moins de 140, là... – ha, ha, ha! Des fois, ça joue un peu – sont des membres de la fonction publique: analystes, programmeurs, du monde, aussi, qui s'occupe de la sécurité informatique comme telle, sans avoir de formation spécifique dans ce domaine. Et il y a des gens du monde de la pratique privée, de la consultation, des firmes privées. Il y a maintenant aussi quelques juristes qui s'infiltrent tranquillement, par le biais des enjeux sociaux, qui est une préoccupation importante.

M. Lefebvre: ...avec prudence, les juristes. Ha, ha, ha!

Mme McNicoll (Micheline): Ha, ha, ha! Je ne sais pas. Peut-être qu'ils vont le regretter un jour. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme McNicoll (Micheline): Mais, disons que cette association, qui existe depuis dix ans, a d'abord pour mission de donner de la formation à ses membres par le biais de conférences, séminaires et colloques. Et puis, tranquillement, ça s'est élargi, et c'est là qu'on a commis l'erreur d'inviter des avocats là-bas pour parler, justement, des enjeux sociaux, c'est-à-dire des lois sur la protection des renseignements personnels, des impacts que les technologies que ces gens-là inventent, conceptualisent, mettent en oeuvre, appliquent, ont, finalement, sur leur propre vie, sur la vie de tous les citoyens. Puis, je peux dire – parce que, bon, je ne suis pas, moi-même, une professionnelle des systèmes d'information – que j'y avais vu une grande ouverture d'esprit; d'ailleurs, qui se continue. Puisque, regardez, le poste que j'occupe maintenant, ce n'est pas les avocats qui feraient ça, en tout cas! Alors, l'organisme est très, très ouvert et donne de la formation, de l'information. Notre dernier colloque, qui s'est tenu le 20 avril, portait justement sur des enjeux sociaux et technologiques de l'impartition, par exemple.

Ensuite, bon, nos intérêts sont multiples, et on joue à la fois sur le côté technologique, formation très technique, et de l'ouverture sur les législations, les enjeux sociaux et la responsabilité sociale de chacun d'entre nous dans notre travail.

M. Lefebvre: Est-ce qu'il y a des membres de la Commission, ou des gens de la Commission d'accès à l'information qui sont membres de votre association?

Mme McNicoll (Micheline): Oui, oui, qui sont membres, et puis d'autres qui se font un plaisir d'assister à nos conférences; un des membres de notre conseil de direction, d'ailleurs.

M. Lefebvre: Ma question s'adresse soit à vous, Mme McNicoll, ou à M. Francoeur. Aux pages 8 et 9, vous discutez, là, vous suggérez que les organismes aient l'obligation de donner des avis publics, que la Commission ait également l'obligation réciproque de répondre par des avis publics. Sans vouloir entrer dans le détail, je veux juste vous questionner sur le point suivant: Est-ce que vous ne considérez pas que le processus est déjà suffisamment lourd, lent, et que cette suggestion-là que vous faites, qui, sur l'essentiel, n'est pas mauvaise, évidemment, mais, compte tenu d'un processus déjà lent et lourd, est-ce que vous ne considérez pas que ça alourdirait encore plus le processus d'intervention de la Commission?

Mme McNicoll (Micheline): Sur l'aspect... je dirais qu'on a évidemment beaucoup discuté d'une telle chose, et on s'attendait à se faire dire une remarque comme celle-là. Je dirais, M. le ministre, que c'est une question de choix, là; on peut décider où on va mettre les énergies. On pense que l'heure est venue que les citoyens soient mis à part entière dans ce processus-là. Moi, ça fait 10 ans que je suis dans le domaine, que je m'intéresse de près. J'ai été un peu de tous les côtés de la clôture dans ce domaine-là. Et je sais que de demander à la Commission de tout faire, de tout voir, c'est un peu comme de demander au père de famille ou à la mère de famille de s'occuper de toutes, toutes les tâches, alors que les personnes peuvent aussi prendre part à ça. Je sais qu'il y a des coûts à ça. Il faut juste décider où on va mettre l'énergie, à qui on va demander l'effort. Et, le second souffle de la Loi sur l'accès nous apparaît devoir donner et ouvrir la porte aux citoyens pour participer à ça.

Moi, ce que je trouve un peu déplorable, c'est que j'apprends par les journaux qu'il y a tel ministre qui veut avoir plus de renseignements, qu'on vient d'autoriser une nouvelle banque de données; et, moi, je ne suis pas consultée, j'aimerais ça pouvoir le faire. Et, sans remettre en cause la compétence de la Commission, c'est que, moi, je pourrais avoir un avis différent, et peut-être que des groupes de citoyens aussi pourraient avoir une autre vision de la question. Je pense, par exemple, juste au projet de consolidation des centres de traitement, que ce soit par l'impartition ou que ça se fasse au coeur du gouvernement, dans l'appareil gouvernemental. Il m'apparaît qu'il n'y a pas que la Commission qui devrait être sollicitée là-dedans, que ce soit pour une question comme ça ou pour celle des échanges de renseignements. Je pense que, de toute façon, il faut un mécanisme, et, à choisir, nous optons pour un mécanisme qui nous apparaît être dans l'optique d'un véritable partage du pouvoir avec les citoyens et les citoyennes, et qui laisse place à ça.

M. Lefebvre: Ça aurait comme conséquence – et c'est un peu ce que je crois comprendre – de discipliner les requérants, les demandeurs.

Mme McNicoll (Micheline): Sûrement. Par la transparence. En tout cas, je pense que ça les disciplinerait, ils devraient faire face à ça; puis, je pense que ça pourrait contribuer à sortir le gouvernement d'une image de «Big Brother». Ça ne peut se faire que par la transparence et en cessant de gouverner les citoyens, mais en gouvernant avec les citoyens.

M. Lefebvre: Quand je disais tout à l'heure que ça alourdirait encore plus la machine, ce serait peut-être exactement le contraire qui pourrait se produire.

Mme McNicoll (Micheline): Bien, parions donc! Ha, ha, ha! Je ne sais pas si mon collègue veut ajouter quelque chose.

M. Francoeur (Claude): Je pense que je n'ai rien à ajouter.

M. Lefebvre: Vous...

Mme McNicoll (Micheline): Monsieur...

Une voix: Oui, oui...

Le Président (M. Gobé): ...vous avez la parole.

M. Lefebvre: M. Lambert, allez-y.

M. Lambert (Michel): M. le ministre, le fait de faire avis public sur des intentions ou des projets existe déjà dans beaucoup d'autres domaines. Par exemple, si je veux ouvrir un bar, bien, les voisins dans ma rue pourraient s'objecter. Ça n'alourdit pas nécessairement toujours.

M. Lefebvre: ...Commission de protection du territoire agricole, etc.

M. Lambert (Michel): Donc, il y a beaucoup de cas où les demandes sont bien fondées. De toute façon, les requérants ont grand soin de bien motiver leur demande. Alors, pour la Commission, de trouver lorsqu'il y a une entourloupette là-dedans, de la voir, ce n'est pas toujours évident. Et, s'il y a un abus qui est bien camouflé et qu'un citoyen le voit, il aura au moins l'opportunité de se prononcer.

M. Lefebvre: Il y a une autre question qui est soulevée par votre mémoire, et qui est fondamentale – à tout le moins, un questionnement – et j'aimerais vous entendre là-dessus, soit l'un ou l'autre de vous trois, j'aimerais avoir votre avis sur la question suivante: Est-ce que l'atteinte à la vie privée est plus susceptible de se produire par les supports papier que par l'informatique? Je pense que la poser, la question, c'est y répondre! J'ai déjà mon opinion là-dessus. Il m'apparaît qu'il y a des contrôles beaucoup plus sévères, solides et hermétiques au niveau des systèmes informatiques; les systèmes de sécurité m'apparaissent être plus étanches, plus sévères et plus solides que les bonnes vieilles méthodes de communication ou de dossiers que l'on connaît depuis toujours. Je voudrais vous entendre là-dessus. Je connais déjà votre réponse, mais je veux vous entendre là-dessus.

Mme McNicoll (Micheline): Ha, ha, ha!

M. Francoeur (Claude): Je vais la nuancer quand même. Que l'on parle de documents de papier ou de documents informatisés, il y a une première chose à prendre en considération, c'est l'individu. Et c'est par la sensibilisation qu'on peut l'atteindre, dans un premier temps. Alors, depuis quelques années, et surtout que c'est notre rôle, l'Association de sécurité informatique... Et j'espère qu'un jour on le changera pour les systèmes d'information et/ou des technologies de l'information. Mais il faut être de plus en plus grand, parce que, nous-mêmes, notre association est peut-être un peu limitée. Mais, là, c'est personnel.

(12 h 40)

Mais, ce que je veux vous dire, c'est que le domaine est rendu très spécialisé, mais il prend de l'ampleur, et c'est dans toutes les technologies qu'il faut voir où est le danger. En informatique, ce qu'il y a, c'est qu'on a des moyens physiques pour faire des contrôles sur les accès qui sont... Parce qu'on peut mettre des mesures spécifiques de règles d'accès et autres, et on peut même faire des traces de la «journalisation». Par contre, le dossier papier, si on a un service d'archivage, la personne peut être là et contrôler les entrées ou les sorties. Mais, entre les deux, dès que la personne le met sur son bureau, il y a un autre problème, c'est: Qu'est-ce qu'elle va faire? Est-ce qu'elle l'apporte chez elle le soir? Est-ce qu'elle en fait des photocopies? Je ne peux pas répondre là-dessus.

M. Lefebvre: Au niveau de la sécurité absolue, c'est impossible.

M. Francoeur (Claude): C'est complètement impossible.

M. Lefebvre: Alors qu'au niveau de l'informatique...

M. Francoeur (Claude): On peut en mettre et on s'assure... on se donne une meilleure image de protection, je dirais. Mais, encore là, il faut avoir confiance en des personnes, parce que, pour toute mesure qu'on applique, soyez sûr qu'il y a toujours d'autres moyens pour les contourner.

M. Lefebvre: De toute façon, aujourd'hui, en 1994, même s'il y a quand même pas mal de citoyens qui peuvent manoeuvrer l'informatique, ce n'est pas la majorité.

M. Francoeur (Claude): Non.

M. Lefebvre: Alors que, un dossier, il s'agit de l'ouvrir et de savoir lire.

M. Francoeur (Claude): Exact!

M. Lefebvre: Oui, Me Lambert.

M. Lambert (Michel): M. le ministre, vous avez raison quand vous soulevez cette question-là, sur l'aspect traditionnel des fuites lorsqu'il y a papier. Et, il y a toujours... Lorsque ceux qui analysent un cas, lorsqu'il s'agit d'une fraude, d'une enquête, etc., une fuite de papier arrive plus souvent dans les journaux qu'une fuite informatique. Lorsqu'on utilise le papier, par exemple pour frauder une banque, les enquêteurs vont être très à l'aise avec un papier. Lorsqu'une banque se fait frauder informatiquement... D'abord, il y a beaucoup de cas où elle ne s'en rend même pas compte, sauf à la fin de l'année lorsqu'ils font les bilans; et il y aurait beaucoup de statistiques de criminologie, surtout en provenance des États-Unis, qu'on pourrait faire ressortir là-dessus. Ce qui fait que le papier, oui, traditionnellement, c'est plus facile à enfreindre, mais quand il y a des bris de sécurité, on s'en aperçoit plus souvent.

Du côté informatique, on a une panoplie de mesures qui sont plus grandes; et, plus on implante des technologies complémentaires, ou complexes, ou raffinées, plus il faut continuellement en rajouter. Et il y a toujours le risque de ne pas pouvoir détecter lorsqu'il y a une fuite. Et, ça, c'est préoccupant, et c'est pour ça qu'on doit augmenter énormément la priorité accordée à ça. Et notre mémoire mentionne notamment qu'on souhaite que ce soit étendu à tous les autres organismes, parce que la priorité ne nous paraissait pas toujours suffisante.

M. Lefebvre: Est-ce que – c'est ma dernière question – vous considérez – et vous en parlez à la page 14 de votre mémoire, de la relation entre la Commission d'accès et les spécialistes du domaine de l'informatique – est-ce que la relation... Vous semblez indiquer, et vous indiquez même que la relation n'est peut-être pas adéquate. Qu'est-ce que vous suggérez, de façon très concrète, pour améliorer, essentiellement, et par voie de conséquence, de mieux protéger encore la clientèle? Qu'est-ce que vous suggérez que la Commission devrait modifier dans son approche avec le monde de l'informatique?

Mme McNicoll (Micheline): Je vais vous donner quelques éléments. Je pense que mon collègue aimerait compléter. Là aussi, c'est encore une question de choix. Quand on a un peu regardé les fonctions de la Commission et celles qu'on souhaiterait la voir jouer pour la prochaine décennie, on s'est dit: Il y a déjà plusieurs paliers de vérification – interne, le Vérificateur général, le RSGS. On voit qu'il y a tout un ensemble de personnes qui sont déjà en place et qui peuvent travailler de concert.

Et la Commission nous est apparue comme l'institution qui doit beaucoup jouer le rôle de phare, de visionnaire afin de ne pas être prise de court lorsque des choses arrivent, des nouvelles technologies, etc. Sans dire que le... Je ne pense pas qu'on dise que la Commission n'a pas joué son rôle de ce côté-là. Je pense qu'elle a été de tous les combats, sur tous les fronts, et elle a fait de son mieux. Ce qu'on pense, c'est qu'une vigie – ce qu'on peut appeler de la «veille technologique» – une vigie, dans ce sens-là, doit être faite, mais à un cran vraiment important, un cran supérieur pour qu'elle surnage au-dessus de la mêlée quel que soit le problème qui arrive. Parce que ce n'est pas tout le monde qui peut être au courant, mais la Commission, elle, doit se donner les moyens de le faire.

M. Lefebvre: Mme McNicoll...

Mme McNicoll (Micheline): Comment le faire? Bien, si ces budgets doivent être alloués, il faut qu'on pense à ça, qu'une vigie ce n'est pas nécessairement efficace à court terme, mais je pense que c'est à long terme qu'on doit lui donner les moyens, et qu'elle entretienne... Nous autres, on entretient des liens informels avec la Commission, mais je pense qu'il y aurait lieu, aussi, de créer des liens plus formels avec les diverses associations et des gens qui s'intéressent à ce secteur; qu'il y ait une synergie, comme on dit, avec un si beau mot, maintenant.

M. Lefebvre: De façon générale, et particulièrement depuis quelques années, avec son président, M. Comeau, est-ce que vous ne reconnaissez pas qu'il y a eu une amélioration de la Commission à ce niveau-là?

Mme McNicoll (Micheline): Certainement, et je pense qu'il y a de l'amélioration sur tous les plans à la Commission.

M. Lefebvre: D'accord.

Mme McNicoll (Micheline): Ce qu'on veut dire, nous autres, c'est dans une perspective d'avenir, dans les choix qui devront être faits, dire à la Commission: Bien, là, on a 100 %; voilà, on met 50 % là-dedans. C'est un voeu que l'on fait pour l'avenir.

M. Lefebvre: Merci, Mme la présidente.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre. Je vais maintenant passer la parole à M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le député, vous avez la parole pour presque une quinzaine de minutes.

M. Bourdon: Alors, d'abord, je veux vous remercier, à mon tour, de votre mémoire, qui est étoffé et qui traite d'un grand nombre de questions. J'ai été frappé notamment par le fait que vous parliez... Lorsque des organismes ou des ministères veulent échanger des données, vous suggérez, entre autres, qu'il y ait publication d'avis dans les journaux. Et, à cet égard-là, il y a d'autres organismes qui nous ont dit: Voilà une chose inutile! Et je trouve que ça pose un certain nombre de problèmes, dans le sens que, un avis dans le journal, c'est sûr que tout le monde ne le lit pas, mais, un avis public, c'est un avis public. Et on peut penser que les organismes comme le vôtre, qui sont intéressés, vont suivre la teneur de ces avis-là.

Moi, je donne une expérience personnelle. J'avais demandé à la Commission d'accès de rendre une décision sur une demande de renseignement sur... Je voulais obtenir la liste des entreprises de 200 employés ou plus qui prennent des congés de cotisation dans leur caisse de retraite. Et la Commission s'est rendue à la Cour du Québec; la Commission m'a donné raison. Et la Régie des rentes a jugé bon d'écrire aux 800 entreprises que ça regardait pour savoir ce qu'elles en pensaient. Donc, il n'y a pas eu d'avis public dans les journaux, mais la Régie des rentes a oublié les 1 000 000 de travailleurs qui sont concernés par la question des surplus de caisse de retraite et des congés de cotisation, qui sont une façon de disposer d'un surplus.

Alors, à cet égard-là, je suis plutôt en accord avec vous. Quand on dit que la Commission doit associer le public à son travail, les changements importants devraient être communiqués par avis dans les journaux pour que les citoyens se fassent entendre. Sinon, on peut penser qu'il y a quelque chose d'illusoire de dire: Si tel changement concerne 200 000 personnes, on va envoyer 200 000 lettres à 200 000 personnes pour leur dire que telle ou telle chose est envisagée.

Par ailleurs, vous parlez de la carte d'identité dans votre mémoire, et c'est un sujet qui m'intéresse; dans le sens que, là, on est rendu à deux cartes avec photo. Je ne sais pas jusqu'à combien de cartes on va se rendre; si on va le faire pour les permis de chasse, les permis de pêche, les permis de stationnement, éventuellement. Et, ne pensez-vous pas que, dans le fond, la Commission avait un peu raison de dire: Si on veut établir une carte d'identité, qu'on en discute à l'Assemblée nationale, qu'on balise cette carte, qu'on mette des sauvegardes pour que ça ne serve pas à n'importe quelles fins? Parce que – dans votre mémoire, vous avez raison de le dire – on peut toujours en créer beaucoup et dire que, à part des fins spécifiques pour lesquelles elles sont créées, on n'est pas obligé de les fournir.

Moi, l'exemple que je donne à cet égard-là: on ne sera pas obligé de fournir notre carte d'assurance-maladie à sa caisse populaire, mais ils ne seront pas obligés de nous donner de l'argent quand on n'est pas dans notre caisse où on a notre compte. D'une certaine façon, c'est une façon de passer à côté de la question: Est-ce qu'on peut rester une société libre et démocratique et munir les citoyens d'un document d'identité? Et, à cet égard-là, il y a des pays européens qui ont une carte de citoyen, une carte d'électeur – enfin, les noms varient – ils ne sont pas devenus totalitaires pour autant.

(12 h 50)

Maintenant, sur le fichier de photos, j'ai plus de réticence. Comme vous dites, là, la multiplicité des cartes, ç'a développé l'industrie photographique d'une façon considérable. Puis, le citoyen, lui, à l'autre bout, ce qu'il retient, c'est qu'il faut qu'il aille faire prendre sa photo, qu'il aille la faire authentifier, bon, etc. Mais, est-ce que vous ne pensez pas qu'un fichier central de photos, si c'est couplé avec d'autres données, que ça peut constituer une menace à la vie privée?

M. Francoeur (Claude): Il faut penser que la carte avec photo, ce qui est ajouté, c'est la photo. Donc, s'il y a un fichier central de photos, même si on fait du couplage ou de l'appariement, il n'y a pas de problème, on a toujours cette information-là. Et, en termes d'échanges, par rapport à des couplages ou des appariements, je dois vous dire qu'il y en a déjà un nombre impressionnant dans la fonction publique, au gouvernement. Donc, ce n'est pas un événement, que je pense, alarmant.

Moi, je crois plutôt que la photo, même si elle est numérisée dans un fichier, les avantages qui étaient vus au point de départ seraient respectés. Et, justement, on serait en mesure de faire peut-être des contrôles plus apparents et, bien sûr, donner un meilleur service aussi. Parce que, si on parle du permis de conduire ou de la carte avec photo, ça veut dire que, durant quatre ans, cette photo-là, elle est valide. Mais, si la personne la perd au bout d'un mois, elle doit refaire tout le processus. Et vous comprenez que, en termes de service à la clientèle, on ne l'a pas.

Donc, au risque... Mais il n'y en a pas, de risque, je vous dirais, en termes de tenue de photos, si ce n'est que le policier qui pourrait peut-être demander, nécessairement, un accès total et complet, ça deviendrait sa banque. Mais, ça, c'est la volonté du gouvernement de dire si, oui ou non, il le veut, ça.

Mme McNicoll (Micheline): J'ajouterais peut-être... Micheline McNicoll.

Je pense que, au départ, on avait comme philosophie, il y a 10 ans, un peu comme société, un peu comme la... Je ne sais pas c'était quelle reine qui avait décidé que le meilleur moyen de régner c'était de diviser ses adversaires. Alors, on a pensé, collectivement, que le meilleur moyen d'assurer la protection de l'autonomie individuelle – même, c'est bien plus que la vie privée – c'était de fragmenter les détenteurs d'information, de fragmenter l'information pour qu'elle soit difficile à regrouper, pour qu'elle soit... Bon, ç'a été un objectif, puis, depuis quelques années, on se rend compte, même si l'objectif pouvait être louable, que c'est maintenant impossible, parce que, avec les technologies de l'information, on fait n'importe quoi ou presque. Et l'image, le droit à l'image – qui est un droit très ancien – où on pense que, si on est détenteur, on protège notre image physique, on protège notre identité, c'est aussi un concept qu'il faudrait peut-être regarder à nouveau.

J'ai donné ma carte d'assurance-maladie en entrant ici. C'était celle-là qui était en premier. Je ne me ressemble plus parce que mes cheveux ont poussé, bon, puis... j'espère que je me suis améliorée, mais, en tout cas! Ha, ha, ha! Si on s'en tenait à ça pour m'identifier, je pense qu'il y aurait même un problème, l'image physique étant une chose qui change beaucoup, bien plus que mon nom, mon adresse, mon numéro d'assurance sociale, puis bientôt, mon numéro de téléphone.

Pour faire une histoire courte, c'est que je pense qu'on pourrait reconsidérer ensemble, là, certaines de nos positions dans le passé, tant sur la fragmentation dans l'accès et dans certaines choses qui doivent être stockées ou pas. Et, là-dessus, je nuancerais les propos de mon collègue, quand il parle de la volonté du gouvernement. Moi, je dirais que ce serait intéressant de savoir, maintenant, la volonté de la population. Pas seulement par des groupes comme nous, là, qui sont un peu smattes là-dedans; on suit ça, on s'intéresse à ça. Mais il y a bien d'autres gens aussi qui peuvent être intéressés, puis il faudrait avoir l'occasion; ça serait intéressant pour les parlementaires, ça pourrait alléger votre tâche. Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: M. le Président. M. le Président!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Nous étions en discussion avec le secrétaire pour les biens de cette commission.

M. Lefebvre: Mme McNicoll attend impatiemment votre prochaine intervention, M. le Président.

Le Président (M. Gobé): Alors, bien, c'est ça. Je pense, M. le député de Pointe-aux-Trembles...

M. Bourdon: Oui.

Le Président (M. Gobé): ...que vous aviez la parole, et vous le faites assez bien, en général, sans mon intervention. Ça fait que...

M. Bourdon: Par ailleurs...

Le Président (M. Gobé): ...vous pouvez continuer.

M. Bourdon: C'est ça! Par ailleurs, dans votre mémoire, vous parlez de la directive du 20 avril du Conseil du trésor à l'égard de la sécurité en informatique. Mais vous ne trouvez pas paradoxal que le Conseil du trésor fasse en même temps deux choses: qu'il resserre les contrôles de sécurité et qu'il envisage de confier ça à d'autres? Alors, les personnes qu'on va former pour s'en assurer, est-ce qu'elles vont se retrouver devant rien, un moment donné, parce que, après les avoir formées, par impartition, on confierait à d'autres le soin de faire ce pour quoi on a formé des personnes à l'interne?

Mme McNicoll (Micheline): Tu as envie de parler. Ha, ha, ha! Fais attention! Ha, ha, ha!

M. Lambert (Michel): Bon, bien, je vais me retenir. Comme notre présidente...

Mme McNicoll (Micheline): Nom.

M. Lambert (Michel): Michel Lambert. Comme notre présidente nous l'a dit un peu plus tôt, le 20 avril on a tenu une journée où on voulait alimenter les réflexions à ce sujet. On avait invité le Vérificateur général du Québec, le Protecteur du citoyen, le président de la Commission d'accès et des représentants du Conseil du trésor pour participer à la discussion, pour alimenter la réflexion. Ils ont choisi de ne pas participer à la discussion publique; alors, on serait bien mal placés pour interpréter leur...

Mme McNicoll (Micheline): Ha, ha, ha!

M. Lambert (Michel): ...position là-dedans.

Mme McNicoll (Micheline): Toutefois, M. le député de Pointe-aux-Trembles, la directive de sécurité, je pense, est une belle oeuvre, et ce serait dommage qu'elle soit si peu utilisée. Ha, ha, ha!

M. Bourdon: Je vous remercie.

Le Président (M. Gobé): Bon. Alors, merci, madame et messieurs. Ceci met donc fin à nos travaux pour ce...

M. Lefebvre: Un instant.

Le Président (M. Gobé): Oui, M. le ministre.

M. Lefebvre: Sauf, Mme la présidente, que vous allez reconnaître avec moi, et vos collègues également, que lorsqu'on parle de professionnels, de gens qui sont soumis à des serments d'office – que ce soit, quant à moi, dans le secteur privé ou dans le secteur public – je dors tranquille. Et ce n'est pas que l'informatique soit entre les mains des fonctionnaires de la fonction publique ou encore de l'entreprise privée; quant à moi, ce n'est pas ça qui est la question, là. Il s'agit que ce soient des gens compétents qui l'administrent, des gens fiables et intègres. Et il y en a, quant à moi, autant dans le privé que dans le public, ou vice versa. J'imagine qu'on s'entend là-dessus?

Mme McNicoll (Micheline): Oui.

M. Lefebvre: Un avocat ou un informaticien, qui est au privé ou au public, il a des règles d'éthique à respecter et il est contrôlé, de toute façon, par les législations en place.

Mme McNicoll (Micheline): La vertu est sûrement partagée...

M. Lefebvre: Merci. Ha, ha, ha!

Mme McNicoll (Micheline): ...des deux côtés. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gobé): Bon. Alors, est-ce que...

M. Lefebvre: Merci, Mme McNicoll et MM. Lambert et Francoeur. Ç'a été très agréable, cet échange qu'on a eu ensemble ce matin.

Mme McNicoll (Micheline): Merci beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci tout le monde! La commission va donc maintenant suspendre ses travaux jusqu'à 16 heures, soit après la période des affaires courantes. Et je souhaite à tout le monde un bon appétit! La commission va maintenant suspendre.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 16 h 38)

Le Président (M. Messier): M. le ministre, on requiert votre présence ici, à la table. Nous avons devant nous, ou dans les minutes qui vont suivre, l'Association des archivistes du Québec, qui va être représentée. Je vous demanderais de vous asseoir à la table, devant les micros. Le porte-parole devrait être le vice-président, M. Beaudoin. C'est bien ça?


Association des archivistes du Québec (AAQ)

M. Beaudoin (Marc): Oui.

Le Président (M. Messier): O.K. J'aimerais que vous présentiez les gens qui sont avec vous.

M. Beaudoin (Marc): Oui.

Le Président (M. Messier): Là, on a des problèmes d'horaire, mais on va essayer de regarder ça le plus libéralement possible, sur la présentation, tout ça. Les documents ont déjà été déposés, ça a déjà été relu et relu par autant le ministre que les députés de l'Opposition et du côté ministériel. Si vous êtes capable de synthétiser tout ça, et, après ça, il va y avoir une période d'échanges.

M. Beaudoin (Marc): D'accord.

Le Président (M. Messier): M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): O.K. Alors, je vous présente les personnes qui m'accompagnent. Alors, vous avez Mme Hélène Bernier, qui est secrétaire de l'Association des archivistes, et M. Michel Lévesque, qui est l'archiviste de l'Association.

Le Président (M. Messier): Merci.

(16 h 40)

M. Beaudoin (Marc): Bon. Nous autres, on avait l'intention de présenter notre mémoire en trois volets, d'une certaine façon: d'abord, qu'est-ce que l'Association des archivistes, quels sont ses membres et quel rôle ils jouent dans l'application de la loi d'accès. Évidemment, les points saillants de notre mémoire comme tel seront présentés par mes collègues, et, à la fin, je me permettrai de tirer certaines conclusions.

Alors, notre association a été créée en 1967. Elle regroupe plus de 500 membres, qui travaillent dans des organismes publics et privés soit à titre d'archiviste ou de gestionnaire de documents administratifs. L'Association offre des services à ses membres, évidemment, de formation, de perfectionnement, de développement. Au moment de l'adoption de la loi d'accès à l'information, l'Association avait même organisé pour l'ensemble du public déjà des sessions d'information, de formation pour mettre en application la loi d'accès à l'information.

C'est ce qui fait que, aussi, le rôle des membres de l'Association dans l'application de cette loi est quand même très important, puisque, d'abord, comme association de professionnels, nous partageons les mêmes valeurs, les mêmes préoccupations qui ont présidé à l'adoption de la loi en 1982, et c'est même inscrit dans nos statuts. De plus, ce sont nos membres qui assument, en pratique et dans la plupart des organismes, la responsabilité de concevoir, de réaliser et d'assurer le bon fonctionnement des outils permettant l'application de la Loi sur l'accès. C'est aussi nos membres qui réalisent et maintiennent à jour la liste de classement prévue dans la loi. C'est aussi nous qui, dans plusieurs cas, élaborons et appliquons les procédures d'accès aux documents. C'est même nous qui, souvent sous la signature d'un autre, mais, quand même, c'est nous autres qui faisons le travail préliminaire, préparons et élaborons les listes de documents, les fichiers de renseignements personnels qui doivent être présentés à la Commission d'accès.

C'est parce qu'on croit aux valeurs de la loi d'accès à l'information et parce que, pour l'essentiel, c'est nous qui faisons le travail qu'on se présente aujourd'hui devant vous pour vous présenter notre mémoire. D'entrée de jeu, on est très satisfaits du rapport de la Commission d'accès à l'information et des recommandations qui y sont formulées. Il y a évidemment des interrogations qu'on se pose, d'abord au niveau des pouvoirs dérogatoires, en ce qui concerne l'amélioration de l'accès à l'information pour les personnes handicapées, la réduction des délais d'accessibilité, les poursuites pénales et la prise en compte des calendriers de délai de conservation prévus par la Loi sur les archives.

Mais, au-delà de ce rapport, on se pose aussi des questions – et on est malheureux que le rapport n'en fasse pas état, et c'est pour ça qu'on en parle aujourd'hui – sur l'évaluation des outils prévus à la loi – ça fait 10 ans qu'elle existe, cette loi-là, on aurait peut-être avantage à les évaluer – sur le rôle que la Commission d'accès à l'information devrait jouer dans le public et sur son implication face à cette loi-là.

Je cède la parole à Mme Hélène Bernier pour l'autre tranche de notre mémoire.

Le Président (M. Messier): Merci, M. Beaudoin. Mme Bernier.

Mme Bernier (Hélène): Oui. Alors, les interventions de notre association, au fond, visent à encourager les efforts de la Commission dans la poursuite de trois objectifs qui nous paraissent très importants: d'abord, affermir et accroître l'accessibilité aux documents; deuxièmement, renforcer la portée et le pouvoir de la loi d'accès; et, enfin, harmoniser davantage cette loi d'accès avec la Loi sur les archives du Québec.

Je traiterai des trois points suivants: le pouvoir dérogatoire, les personnes handicapées et la réduction des délais; et un quatrième, pardon, les poursuites pénales. Dans la question des pouvoirs dérogatoires, dans le fond, ce qu'on souhaite, c'est que, tout en étant d'accord avec la démarche et les recommandations de la Commission, elle aille encore plus loin et elle puisse revoir la pertinence de certaines dispositions dérogatoires inscrites dans les lois constitutives d'un certain nombre de ministères. Nous pensons que l'inclusion de ces dispositions pouvait, à l'origine, s'expliquer, parce que la loi était jeune et qu'on pouvait peut-être se poser certaines questions face aux pouvoirs qu'aurait la Commission de protéger les renseignements personnels ou même sa compétence, éventuellement. Mais nous croyons que les années ont passé et que la loi, maintenant, est mieux connue, que la Commission a fait ses preuves et qu'il serait peut-être temps de procéder à cette réévaluation, toujours dans l'objectif d'une meilleure accessibilité de l'information.

Quant aux personnes handicapées, bon, en fait, tout le monde est pour la vertu, nous aussi. Je pense que c'est une excellente idée. Ça permet encore une fois d'élargir l'accessibilité au plus grand nombre de personnes. Pour ce qui est de la réduction des délais d'accessibilité, nous sommes évidemment favorables à cette réduction parce que, d'une part, nous pensons que cette réduction permettra de favoriser une meilleure, une plus grande accessibilité pour la recherche historique. De plus, ce qui est important, c'est qu'on trouve que cette réduction-là s'inscrit dans l'esprit qui a présidé à la rédaction du nouveau Code civil, qui ramène, comme vous le savez, la prescription de 30 ans à 10 ans. Donc, c'est une espèce de mouvement social dans lequel s'inscrit la Commission.

En ce qui concerne les poursuites pénales, ça nous amène plutôt à l'objectif de donner davantage de poids et de pouvoirs à la loi. Assujettir les infractions qui sont décrites dans la loi à un régime de responsabilité stricte contribuera, nous pensons, à donner plus de dents à la loi, et donc, moins de contrevenants pourraient se soustraire facilement à la loi, ce qui a pour conséquence, évidemment, d'améliorer l'accès. De plus, comme nous pensons que ces deux lois doivent s'harmoniser, cette mesure-là va dans le sens d'une harmonisation de la Loi sur les archives avec la Loi sur l'accès. Voilà.

Le Président (M. Messier): M. Lévesque? Non? Ça va?

Une voix: M. Lévesque.

Le Président (M. Messier): Oui. O.K. Allez-y, M. Lévesque.

M. Lévesque (Michel): Donc, moi, je vais traiter de la deuxième partie, c'est-à-dire la partie suivante du mémoire qui traite vraiment du calendrier de conservation et de l'évaluation des fichiers de renseignements personnels. Bon, petit rappel, le calendrier de conservation est un outil qui est élaboré par les archivistes avec des personnes concernées et les Archives nationales du Québec pour évaluer les valeurs administratives, légales, financières et historiques des différentes séries de dossiers que possède un organisme. Donc, cette évaluation-là de ces valeurs se traduit effectivement, dans un calendrier de conservation, par des règles de conservation. Ainsi, lorsqu'un dossier n'est plus nécessaire comme tel, la règle de conservation va mentionner, effectivement, sa destruction ou sa conservation pour l'éternité. Je dis bien «pour l'éternité» si effectivement on a évalué que ce dossier-là avait une valeur historique.

Je mentionne que, lorsqu'un dossier contenant des informations nominatives est conservé pour toujours, il n'est pas forcément accessible immédiatement. Les règles de la Loi sur l'accès comme telle jouent, et la Loi sur les archives, bien sûr, précise que ces dossiers-là ne seront pas consultables avant 150 ans.

Certains archivistes nous ont précisé, par contre, que la Commission demande la destruction de dossiers lors d'enquêtes internes, lorsqu'ils font des enquêtes dans certains ministères et organismes, ou même lorsqu'elle rend certaines décisions. Nous aimerions donc que la Commission tienne compte des décisions qui sont prises dans les calendriers de conservation approuvés par la ministre de la Culture et des Communications, parce que le caractère historique de certains dossiers est fondamental.

Par contre, on comprend aussi que la Commission a le pouvoir d'ordonner la destruction de dossiers ou de documents si ceux-ci ont été créés de façon illicite ou s'ils ne sont pas nécessaires à l'accomplissement du mandat, finalement, de l'organisme. Donc, une plus grande concertation entre les Archives nationales et la Commission est peut-être souhaitable concernant le sort réservé aux dossiers contenant des renseignements personnels.

L'autre élément, c'est l'évaluation des fichiers. En fait, dans le Répertoire que la Commission a publié, en 1991, des fichiers des ministères et organismes gouvernementaux, à la rubrique «Normes de conservation», on est surpris de constater qu'il y a souvent des différences entre ce qui est inscrit et ce qu'il y a effectivement dans les calendriers de conservation. On retrouve, entre autres, dans les déclarations de fichiers, des conservations permanentes ou des conservations à vie dans les locaux mêmes de l'organisme, quand le calendrier indique tout autre chose. Donc, la Commission, d'après nous, doit être sensibilisée à ce problème-là et devrait prendre davantage en considération l'existence des calendriers de conservation lorsqu'elle élabore les outils qu'elle diffuse.

Maintenant, on va aborder deux aspects de la loi qui ne sont pas étudiés dans le rapport de la Commission d'accès, mais que, nous, on considère comme très importants, c'est-à-dire que, après 10 ans, comme on le disait, d'utilisation de certains outils tels les listes de classement, les déclarations de fichiers – il y a d'autres outils aussi, j'en passe – on considère ou on est d'avis que la Commission devrait effectivement faire une évaluation de ceux-ci. Différentes questions – je ne les poserai pas, on les a posées dans le mémoire – pourraient être envisageables. L'analyse, donc, des décisions rendues par la Commission permet de connaître l'impact de la loi, mais elle ne porte que sur les causes qui se rendent jusque-là. A-t-on évalué, finalement, la satisfaction des personnes face aux renseignements reçus? Est-ce qu'elles reçoivent tout ce qu'elles sont en droit de recevoir? Il faudrait peut-être évaluer ça. Une enquête, donc, sur l'efficacité des outils à la base même de l'application de la loi fournirait sûrement un éclairage nouveau sur les impacts de cette application.

(16 h 50)

Mme Bernier (Hélène): Bon, il y a un deuxième point, qui concerne le rôle de la Commission. À notre avis, la Commission informe bien les organismes. Il serait sans doute intéressant qu'elle joue peut-être un rôle plus proactif et fasse davantage un rôle d'éducation dans le grand public sur les droits du public, mais aussi sur les responsabilités face à la protection des renseignements personnels.

M. Beaudoin (Marc): Vous me permettrez, M. le Président, de conclure en insistant sur le fait que, pour nous, il y a une pertinence au niveau des mesures pour favoriser une plus grande accessibilité des documents. Pour nous, c'est essentiel, c'est notre vocation. Mais aussi, à cela s'ajoute l'harmonisation entre la loi des archives et la loi d'accès à l'information en ce qui concerne les règles et pratiques, de façon à les rendre beaucoup plus fonctionnelles et à permettre toujours l'accès à l'information ou la protection des renseignements personnels, selon les cas. L'intérêt, pour nous, de procéder à cette évaluation des outils après 10 ans... On trouve que c'est absolument essentiel, et aussi le désir de voir jouer par la Commission d'accès à l'information un rôle beaucoup plus actif.

Je voudrais terminer aussi en disant que les membres de l'Association des archivistes et leur association croient, nous croyons, même avant que cette loi-là soit votée... Nous avons été très actifs au moment de l'adoption et nous sommes encore très actifs, nous sommes partenaires de fait de l'application de cette loi-là. On souhaiterait que la Commission d'accès transpose dans la réalité ce partenariat en nous invitant à nous associer à la Commission d'accès pour la préparation, la rédaction et l'application de son mandat. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Messier): Merci, M. Beaudoin. Je vais laisser le ministre intervenir pour à peu près 10 à 15 minutes.

M. Lefebvre: Mme Bernier, M. le vice-président Beaudoin et M. Lévesque, je veux vous remercier. Comme d'autres intervenants, vous avez soumis un mémoire à la commission qui touche évidemment un aspect très, très précis, à savoir le domaine des archivistes. Dans ce sens-là, c'est une information qui est pertinente et importante pour la commission, d'autant plus que votre mémoire est succinct et bien présenté.

Vous dites, pour nous situer, que votre organisme regroupe plus ou moins 500 membres occupant dans divers organismes des postes d'archiviste ou de gestionnaire de documents administratifs. J'imagine que c'est essentiellement dans des entreprises à caractère public ou parapublic, hein, sauf exception.

M. Beaudoin (Marc): Et privé.

M. Lefebvre: Et privé.

M. Beaudoin (Marc): Et privé. On couvre vraiment l'ensemble de... Bon, évidemment, il va de soi, ha, ha, ha! ne serait-ce que par l'ampleur de l'organisation et les premières vocations, que beaucoup d'organismes gouvernementaux utilisent les ressources de gestionnaires de documents ou d'archivistes, selon les mandats. Mais vous avez l'ensemble du réseau des universités, les hôpitaux, les municipalités, les communautés religieuses, les entreprises privées. C'est à ce stade-là que vraiment on regroupe un ensemble d'intervenants à tous les niveaux.

M. Lefebvre: Vous dites, dans votre mémoire, M. le vice-président, que l'Association a été mise en place ou créée en 1967. Quels avantages avez-vous réalisés au fur et à mesure des années? J'imagine qu'en 1967 vous n'étiez peut-être pas là, vous.

M. Beaudoin (Marc): Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: Remarquez bien que ce n'est quand même pas si loin, là.

M. Beaudoin (Marc): Ha, ha, ha!

M. Lefebvre: J'ai commencé à pratiquer le droit en 1968. Alors, quels avantages avez-vous réalisés à vous regrouper en association, depuis plus ou moins 25 ans?

M. Beaudoin (Marc): Le premier avantage de tout regroupement, c'est effectivement d'abord de se former. Il ne faut pas oublier que l'archivistique, au Québec, est une science relativement jeune. Même si l'an prochain on va fêter les 75 ans des Archives nationales, même si on a des archives qui datent du régime français, la science archivistique, au Québec, est relativement jeune. En 1967, lorsqu'un certain nombre d'archivistes ont senti le besoin de se regrouper, c'était effectivement pour mettre ensemble leurs forces et leurs connaissances de façon à faire évoluer le domaine.

Il faut dire qu'à la même époque il existait déjà des associations similaires aux États-Unis et en Europe. Le Canada anglais a créé son association presque 10 ans plus tard seulement. Actuellement, au Canada, on est considérés comme une des associations pionnières dans le domaine de l'archivistique.

M. Lefebvre: Vous êtes une association, un regroupement qui a, j'imagine, à discuter, à transiger, oui, avec la Commission d'accès à l'information. Quand je dis: Transiger des échanges d'informations, des renseignements, des questionnements au niveau de la Commission d'accès à l'information, est-ce que c'est une relation qui est presque quotidienne, ça, avec la Commission d'accès à l'information?

M. Beaudoin (Marc): Je dirais, M. le ministre, que, en tant qu'Association des archivistes, sauf peut-être lors de la présentation de nos mémoires en...

M. Lefebvre: Je pense plutôt aux archivistes eux-mêmes, à leur travail dans leur quotidien.

M. Beaudoin (Marc): Oui, c'est ça, les membres, oui.

M. Lefebvre: Les archivistes dans leur quotidien, M. le...

M. Beaudoin (Marc): Dans le quotidien, si on parle de l'exemple au niveau des fonctionnaires qui travaillent pour le gouvernement et qui, donc, ont en premier lieu à l'appliquer, souvent l'interlocuteur de la loi d'accès, c'est dans beaucoup de cas le secrétaire d'un ministère qui est la personne qui rentre les demandes d'accès à l'information. Donc, le travail va se faire à l'intérieur de l'organisation. La Commission d'accès en tant que telle va intervenir uniquement s'il y a litige.

M. Lefebvre: Vous avez probablement vous-même connu les deux périodes, avant l'adoption de la loi et la mise en place de la Commission en 1982 et maintenant. Quelles sont les améliorations au niveau de la conservation des archives particulièrement et du travail des archivistes, les améliorations qu'a pu amener la mise en place de la Commission d'accès depuis une dizaine d'années, 12 ans?

M. Beaudoin (Marc): Je dirais que, dans un premier...

M. Lefebvre: En quoi ça a changé votre quotidien, M. le vice-président?

M. Beaudoin (Marc): Oui. Ça a obligé certains ministères qui ne l'avaient pas fait encore à organiser leur information d'une façon un peu plus rigoureuse, ne serait-ce que pour répondre à l'article 16 de la loi. Ça a obligé, même, plusieurs ministères à penser à des systèmes informatiques de façon à faciliter l'accès. O.K.?

Toutefois, une fois l'effervescence des premières années passée, bien, ça s'est calmé et, dans beaucoup d'organisations maintenant, on se contente uniquement des plans de classification sans faire du développement. C'est pour ça qu'on se pose la question en ce qui concerne la pertinence d'évaluer les outils prévus par la loi. Après 10 ans, on est conscients que dans beaucoup d'organismes où on travaille, les outils ont perdu de leur finesse, de leur pertinence, ils sont moins pratiques. Dans beaucoup de cas, on se pose même des fois la question à savoir si, effectivement, la personne qui veut avoir accès à telle ou telle information en vertu de la Loi sur l'accès à l'information a vraiment l'ensemble du dossier, et ça, indépendamment de toute constitution d'ordre politique ou juridique. Lorsque le ministère décide de, oui, donner accès à une information, est-ce que le contribuable a vraiment accès à toute l'information qu'il a demandée? Et, ça, je pense que c'est important de pouvoir l'évaluer.

M. Lefebvre: M. Beaudoin, on est dans une période extrêmement effervescente au niveau de la haute technologie et particulièrement quant à l'informatique sous toutes ses formes. Est-ce que vous et vos consoeurs et confrères êtes inquiets? Je devrais peut-être vous demander plutôt si vous avez des mises en garde, des recommandations en regard de ce que vous faites versus toute cette nouvelle technologie de la conservation des données, des renseignements, des archives, la cueillette des renseignements également, parce qu'on est en 1994, qu'on informatise maintenant. Il y a des intervenants que ça inquiète, et peut-être à juste titre, effectivement, sur la confidentialité des renseignements concernant la vie privée à l'intérieur des systèmes informatisés plutôt que sous le vieux système, qui est encore évidemment existant, parce qu'il y a toute la transition à faire.

(17 heures)

Est-ce que ça vous inquiète, tout ce qui se passe présentement, que ce soit ici, au Québec, ou ailleurs? Je voudrais vous entendre là-dessus. Et, si oui, vous et vos collègues, avez-vous des mises en garde à nous faire, des recommandations, des suggestions?

Le Président (M. Messier): M. Lévesque. Non. M. Beaudoin, qui passe la parole à M. Lévesque.

M. Lévesque (Michel): Non. Je pense que les archivistes sont concernés, effectivement, au premier chef par rapport à l'informatisation croissante des organisations et des organismes. Je pense que les archivistes, aussi, se sont dotés de moyens pour assurer le respect de certaines valeurs, comme je disais tout à l'heure, via l'établissement d'un calendrier de conservation pour les données informatiques. Je pense que les archivistes, dans le rôle qu'ils ont par rapport à une organisation – qui est surtout de faire en sorte que, les informations, ils les aient et les aient à temps, et que ces informations-là soient détruites ou qu'elles soient conservées si on doit les conserver – doivent fabriquer des outils pour permettre cela. Et, ça, les archivistes commencent maintenant... Il faut dire que, nous aussi, c'était nouveau. Donc, il faut apprendre. Mais on commence, de plus en plus maintenant, à s'y intéresser et à essayer d'avoir un travail de concertation avec les informaticiens. Parce que, inévitablement, ce travail-là va se faire en collaboration avec les informaticiens, parce que les informaticiens possèdent effectivement tout le côté technique de la chose.

Les archivistes peuvent amener à penser à des moyens techniques de protection d'accessibilité. Oui, mais il y a aussi un autre intervenant dans l'organisme, qui n'est pas l'archiviste, qui est le responsable de l'accès et qui a aussi son mot à dire. Là aussi, il devra y avoir concertation entre le responsable de l'accès à l'interne et l'archiviste pour essayer peut-être de trouver, avec les informaticiens, des moyens de protéger, justement, la vie privée ou les renseignements personnels. Mais je pense que c'est une préoccupation des archivistes, effectivement.

M. Lefebvre: Aux pages 6 et 7 de votre mémoire, vous souhaiteriez que la Commission d'accès soit plus vigilante, qu'elle intervienne peut-être un peu plus ou de façon différente quant à la conservation des renseignements personnels ayant une valeur patrimoniale. Est-ce qu'il ne vous apparaît pas que cette responsabilité-là appartient à chacun des organismes concernés plutôt qu'à la Commission comme telle? Et, de toute façon, dans les faits, c'est la responsabilité... et ça ne peut pas être autrement, ça doit être les organismes. Est-ce que vous souhaiteriez, si je comprends bien votre intervention, qu'on retrouve à 6 et 7, ou vos suggestions, que ça soit mieux encadré, mieux balisé, que la Commission d'accès soit plus sévère ou coercitive versus les organismes quant à ce point de la conservation en regard de la valeur patrimoniale des renseignements personnels?

M. Lévesque (Michel): En fait, c'est plutôt le contraire. Le mémoire veut dire que la Commission a demandé vraiment de détruire des choses. Elle est très, donc, très coercitive. Nous, ce qu'on dit à la Commission, c'est qu'on va détruire ce que les organismes veulent détruire, parce que ces organismes-là auront bel et bien évalué cette information-là. Et, si cette information-là est à détruire, elle le sera. Mais, dans cette information à détruire, il y a une information qui peut être intéressante pour sa valeur historique. Elle, nous on dit qu'elle devrait être conservée.

M. Lefebvre: Je m'excuse, c'est parce que je veux qu'on se comprenne bien. Évidemment, il y a la Commission, il y a aussi la loi. J'aurais peut-être dû vous pointer de façon plus précise l'article de la loi qui, en partie, répond peut-être à notre questionnement. L'article 73 de la loi d'accès dit que: «Lorsque l'objet pour lequel un renseignement nominatif a été recueilli est accompli, l'organisme public doit le détruire, sous réserve de la Loi sur les archives.»

M. Lévesque (Michel): Voilà. Cet article-là est très, très important, et la Commission, aussi, doit en tenir compte.

M. Lefebvre: En tenir compte. C'est ça.

M. Lévesque (Michel): Je crois qu'elle en tient compte. On a constaté certains éléments où... entre autres une décision où elle faisait détruire des dossiers médicaux, quand on sait très bien que le calendrier de conservation prévoit la conservation totale et pour toujours des dossiers médicaux ou, du moins, d'un résumé. Peut-être que, dans ce cas-là, il y avait des pièces qui n'étaient pas nécessaires, mais, en tout cas... Et puis, après ça, de toute façon, même si elles sont conservées pour toujours, ces pièces-là ou ces dossiers-là ne sont quand même pas accessibles. Ils sont, encore là, soumis à la Loi sur l'accès, aux règles de la Loi sur l'accès. Et aussi, après ça, après 150 ans, ils pourront être accessibles en vertu de la Loi sur les archives.

Donc, cet article est très important, parce qu'il mentionne effectivement la Loi sur les archives, et la Loi sur les archives, précisément, dans un des éléments qu'elle demandait, qui est le calendrier de conservation... Et, là, je vous suis, dans le sens où les organismes, effectivement, ont préparé leur calendrier en toute bonne foi, ont vraiment déterminé leurs besoins. Les Archives nationales ont déterminé si tel ou tel document était intéressant – je parle surtout pour le secteur public – et, donc, je pense que la conservation est assurée.

Les archivistes aussi sont amenés, dans les organismes mêmes, à trouver des moyens pratico-pratiques pour assurer cette conservation: coffre-fort, classeur barré, code informatique. Tous ces moyens-là peuvent être envisagés par les archivistes pour faire des interventions dans leur organisme respectif auprès des personnes, soit des informaticiens, soit des administrateurs, pour assurer justement aussi cet aspect de confidentialité à l'interne. On peut effectivement jouer ce rôle, mais on va le jouer en collaboration ou en concertation avec le responsable de l'accès. Il ne faudra donc pas qu'il y ait une négation du rôle de l'un par rapport à l'autre. Je pense que ce rôle-là... comme M. Beaudoin le mentionnait, souvent, dans l'organisme, nous faisons ce qui est pratique, et le politique est laissé au responsable de l'accès. Je pense qu'il devra y avoir concertation, et c'est pour ça que la Commission devra envisager – et c'est là son rôle, je pense – de favoriser cette concertation pour que le citoyen ait vraiment ce dont il a besoin.

M. Lefebvre: Vous suggérez de revoir certaines dérogations parmi la cinquantaine, plus ou moins, qui ont été accordées au cours des 12 dernières années, en vous rappelant, et vous le savez sûrement, que ça a été surtout au début, évidemment, de l'adoption de la loi et très peu au cours des trois dernières années. Est-ce que vous avez des exemples de dérogations sur lesquelles on devrait revenir, dont on devrait réévaluer la pertinence maintenant?

Le Président (M. Messier): M. Lévesque, M. Beaudoin, Mme Bernier?

M. Beaudoin (Marc): On pensait, entre autres, au ministère du Revenu, je crois, qui a une dérogation. Mais, là, on n'a pas...

M. Lévesque (Michel): La Régie de l'assurance-maladie...

M. Beaudoin (Marc): La Régie de l'assurance-maladie...

M. Lévesque (Michel): ...a un pouvoir dérogatoire, finalement, qui est très fort. L'article 69, effectivement – quoiqu'il ait peut-être été modifié, parce que cette loi était modifiée, la loi sur l'impôt – permettait une non-accessibilité des dossiers détenus par le ministère.

M. Lefebvre: On s'entend, je pense. Vous sembliez être d'accord lorsque je vous disais qu'on est maintenant... même si c'était la même règle au début, mais, à l'usage, la Commission et le ministre responsable des dérogations... Parce que chaque ministre qui veut une dérogation doit avoir l'approbation et de la Commission et du ministre responsable de la Loi sur l'accès. On s'entend, vous semblez être d'accord pour dire que présentement, maintenant, on applique la mécanique de la dérogation avec beaucoup de rigueur, ce qui semble satisfaire l'ensemble des intervenants. Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus?

M. Beaudoin (Marc): Après 10 ans d'utilisation, d'application de la loi d'accès à l'information, on s'interroge sur la pertinence de maintenir ces dérogations. On comprend très bien qu'au moment où la loi a été adoptée il y avait des réticences, et c'est normal. C'était presque une révolution des mentalités. Il ne faut quand même pas oublier qu'en 1982 tout le monde avait l'obligation, tout employé de l'État avait l'obligation de conserver précieusement toute information, et c'était péché capital, pour employer une analogie, qu'un simple document puisse circuler et puisse être accessible aux contribuables, aux citoyens. En 1982, le Parlement a adopté une politique qui est basée d'abord et avant tout sur l'accessibilité. La première partie de la loi... On parle bien de loi d'accès à l'information. On parle aussi de protection des renseignements personnels. Ça, c'est le deuxième volet. Mais, pour certains, les dérogations en question servent plus aux ministères, à les autoriser à continuer à dire: Non, ce n'est pas accessible, et ça se maintient. Après 10 ans, ça vaudrait peut-être la peine d'être réévalué, toujours dans le même sens de 1982, de rendre ça plus accessible aux contribuables.

(17 h 10)

M. Lefebvre: Merci, M. Beaudoin.

Le Président (M. Messier): Merci, M. le ministre. Merci, M. Beaudoin. La parole est au porte-parole officiel de l'Opposition, le député de Pointe-aux-Trembles, M. Bourdon.

M. Bourdon: Je voudrais d'abord, à mon tour, vous remercier du sérieux et de la précision de votre mémoire. Dans le mémoire, vous reprenez la partie où le rapport de la Commission d'accès nous parle de la réduction des délais d'accessibilité pour certains documents gouvernementaux, notamment ceux du Conseil exécutif et ceux du Conseil du trésor. Comme vous le soulignez dans le mémoire, la loi actuelle dit que ces documents sont inaccessibles ad vitam aeternam, pour l'éternité, et, comme le disait un jour Woody Allen, l'éternité, c'est long, surtout vers la fin. Et, à cet égard-là, le Barreau nous a suggéré un délai de cinq ans. Est-ce que, quant à vous, ce délai-là serait trop court?

Le Président (M. Messier): M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): Le Barreau va au-delà du Code civil. L'objectif de rendre accessibles ces documents-là, c'est quand même de permettre aux citoyens... L'objectif premier de la loi, c'est de permettre au citoyen d'avoir accès à une information qui lui permette de pouvoir poser des questions, de pouvoir s'informer sur les décisions qui sont prises et qui le concernent. Dans ce contexte-là, que ce soit cinq ans, que ce soit 10 ans, c'est déjà mieux que ad vitam aeternam. Je pense que, effectivement, comme on fait pour des renseignements d'ordre privé qui sont déposés dans des dépôts d'archives, avec une convention de période d'inaccessibilité pour protéger les personnes encore vivantes, etc., c'est une attitude qui est normale, de respect des individus et des personnes. Il y a des exemples de délais de trentenaires dans ce type-là de documents. On parle de 50 ans dans d'autres, mais jamais ad vitam aeternam. Et c'est là-dessus, je pense, qu'il faut absolument revenir. Cinq ans, ça me surprendrait que vous laissiez passer des choses semblables. Il n'y a pas un gouvernement qui accepterait ça. Je pense que peut-être une période trentenaire... mais tout sauf le «ad vitam aeternam». C'est là-dessus qu'il faudrait se baser.

M. Bourdon: C'est ça. Le rapport de la Commission d'accès parle de 20 ans. Est-ce que vous ne pensez pas que le danger du cinq ans, dans le fond, c'est que, si on contraint le pouvoir politique à rendre rapidement publics des documents dont on a besoin pour gouverner, ça risquerait d'altérer les documents qu'on tiendrait? Autrement dit, si on en est comptable après cinq ans ou... on a un organisme qui nous a proposé, hier, à l'émission des brefs d'élection... Est-ce qu'il n'y a pas un danger qu'il y ait la tentation d'en mettre le moins possible dans ces archives? Parce que, dans le fond, il ne faut pas pécher par angélisme. Si le pouvoir exécutif est contraint à des règles qui enlèvent assez rapidement la confidence, on peut penser qu'il y aurait une tentation d'en mettre le moins possible dans les archives, vu qu'à l'émission des brefs... En tout cas, je pense qu'il y a quelque chose là-dedans, de dire: On va savoir tout de suite le contenu. Mais il y a, vous avez raison de le souligner, un problème de dire que pour l'éternité ce n'est pas rendu public, parce que, pour écrire l'histoire, on a besoin de savoir, dans le fond, ce qui se passe.

J'ai une deuxième question. Vous parlez de certains documents qui devraient être maintenus en archives jusqu'à 150 ans. Est-ce que, à cet égard-là, il y a des dispositions de la loi d'accès ou si c'est plutôt la loi des archives qui prévoit la durée de la conservation?

M. Beaudoin (Marc): Si vous me permettez, M. le député, je demanderais à M. Lévesque de répondre peut-être sur la partie qui concerne les 150 ans, là.

Le Président (M. Messier): M. Lévesque.

M. Lévesque (Michel): C'est vraiment la Loi sur les archives, effectivement, qui prévoit 150 ans pour les organismes publics comme tels. La Loi sur l'accès touche l'accès; la Loi sur les archives touche la conservation. Donc, c'est pour ça que la Loi sur les archives a limité dans le temps la période de conservation, la période d'accessibilité en disant qu'après 150 ans ça devient accessible.

M. Beaudoin (Marc): Pour répondre à votre première question en ce qui concerne l'enregistrement ou non d'informations sur les documents, sur quelque support que ce soit, de toute façon, moi, je considère au départ que c'est évident que, mettre une règle trop courte pour ce type de dossier là, c'est irréaliste. Je pense que, d'un autre côté, l'information... Ne serait-ce que pour permettre au gouvernement, quel qu'il soit, de pouvoir éclairer ses décisions ultérieures, ne serait-ce que quand il veut réviser des choses, il a besoin d'une information pertinente et complète, et il se desservirait lui-même s'il commençait à édulcorer ces documents de travail sous prétexte qu'un jour ils vont être accessibles. Il se dessert lui-même. Même aux yeux de l'histoire, de toute façon, il y a déjà des cataclysmes naturels qui nous permettent de perdre des pans d'histoire, ne seraient-ce que les incendies. Je pense qu'on n'est pas obligés de détruire nous-mêmes une information. Mais vous avouerez avec moi, M. le député, qu'il y a beaucoup d'informations, maintenant, qui circulent de façon autre que sur support papier et qui se perdent beaucoup plus facilement.

M. Bourdon: Dans le document, vous mentionnez la question d'un meilleur accès aux personnes handicapées. La Commission nous propose de s'obliger à favoriser un meilleur accès, et on a eu un organisme représentant des sourds, hier, pour discuter avec nous de cette question qui déborde, dans le fond, la question de la loi d'accès. Sauf que, c'est bien sûr que, si on pense que les milliers de répondants de la Commission d'accès, des responsables de l'accès ne seront pas dotés, demain matin, des équipements et des moyens... Les équipements architecturaux, ça a tendance à se généraliser, les rampes d'accès pour les immeubles, mais est-ce que...

(17 h 20)

Moi, j'ai formulé l'hypothèse qu'on devrait peut-être confier à Communication-Québec le soin d'être un intermédiaire entre les personnes handicapées et les divers lieux où des renseignements auxquels ces personnes-là ont accès sont détenus. Parce que, ce qu'on nous disait hier, c'est que, à Communication-Québec, on les réfère là où il faut aller chercher les renseignements, où on n'est pas équipés, dans le cas des sourds par exemple, pour pouvoir les fournir. Alors, leurs demandes portent notamment sur une espèce de traduction en langage de signes, dans le cas des sourds, de certains documents. Je pense que c'est irréaliste de penser que ça va se faire à la grandeur, mais est-ce que vous seriez d'avis que confier à un organisme – je pense à Communication-Québec, ça pourrait être l'Office des personnes handicapées, je n'en suis pas sur la nature de l'organisme – est-ce que vous pensez que ça pourrait être facilitant d'avoir un endroit où ces personnes pourraient s'adresser pour avoir accès?

M. Beaudoin (Marc): L'application de la loi d'accès est d'abord une application... Le citoyen veut avoir accès à telle ou telle information détenue par tel ou tel organisme qui est assujetti à la loi. Donc, le premier geste qu'il doit poser, c'est évidemment de dire: Bien, je me sens lésé ou j'ai besoin d'une information; je dois faire une demande selon les termes de la loi. Déjà, pour faire poser ces premiers gestes-là, je pense qu'un handicapé – on parle des sourds, mais ça pourrait être un handicapé visuel aussi, parce que, dans ce cas-là, je ne crois pas que ce soit un handicap physique... des rampes d'accès, c'est beaucoup plus une question d'intervention à un autre niveau – est presque obligé, de toute façon, de faire affaire avec un intermédiaire. O.K.? Que ce soit l'Office des personnes handicapées qui puisse jouer ce rôle auprès de la Commission d'accès – ou d'abord, des organismes, et ensuite, de la Commission s'il y a appel – je trouve que ça peut être normal. Que ce soit le ministère de la Culture et des Communications qui ait à jouer ce rôle, encore là, je reposerais la question: Est-ce que c'est le rôle de l'État de le jouer? Ou c'est peut-être aussi le rôle de la Commission d'accès à l'information, qui pourrait préparer, à l'intention des malentendants ou des aveugles, des documents qui leur permettent de comprendre le processus, etc., et de faire des interventions.

Il ne me semble pas que ce soit nécessairement... Mais, ça, je vous dis que ce n'est pas une position de l'Association, je pense que c'est plutôt une opinion personnelle. Ça serait le rôle... Il me semble... Que ce soit accessible, qu'il y ait des instruments qu'on leur fournisse, mais de là à transcrire tous les documents qui seraient demandés en braille, à un moment donné, je pense qu'il va y avoir un problème de coûts qui va la rendre passablement prohibitive, cette méthode-là. Il y a peut-être moyen par d'autres méthodes plus simples, je pense. Je ne sais pas si mes collègues ont à intervenir là-dessus.

M. Bourdon: Pour ce qui est du pouvoir dérogatoire, vous avez mentionné Revenu Québec, la Régie de l'assurance-maladie. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il serait peut-être utile – je fais la suggestion au ministre en même temps – que se fassent entendre ces organismes-là importants qui se sont fait inscrire un pouvoir dérogatoire dans la loi qui les régit? Parce que, dans le cas de la Régie de l'assurance-maladie, la nature sensible du sujet est évidente. Dans le cas de Revenu Québec, c'est complexe, mais c'est complexe d'avoir accès à son dossier fiscal, possiblement. Mais la transmission des données de Revenu Québec au ministère des Finances, par exemple, où un premier projet de loi prévoyait qu'on pouvait transférer des données nominatives – on ne parle pas, ici, de données statistiques qui peuvent aider l'État à convenir... Autrement dit, est-ce qu'il n'y aurait pas, d'après vous, un besoin de faire comme un ménage de ces clauses dérogatoires? Le ministre dit qu'il y en a de moins en moins, mais on peut toujours rester préoccupés par les 50 qui sont encore là. Et au Revenu et à la Régie de l'assurance-maladie, ce sont des secteurs névralgiques.

M. Beaudoin (Marc): Je pense que c'est le sens de notre mémoire. Le fait qu'on suggère que, après 10 ans, on remette en cause le verdict, au bout du compte, une fois que les organismes impliqués, évidemment, se seront fait entendre, je pense que ça fait partie du processus normal de décision, dans ce cas-là, qu'ils se soient fait entendre. Je pense que, effectivement, dans certains cas, il pourra y avoir révision à la baisse, dans le sens qu'on enlève la clause dérogatoire. Dans d'autres cas, elle sera peut-être maintenue, mais elle sera peut-être mieux justifiée après 10 ans. Parce que, ce sur quoi on en a, c'est qu'il y a 10 ans les clauses dérogatoires étaient mises beaucoup plus pour des raisons dites de sécurité, souvent d'appréhension, O.K., que simplement pour des raisons évidentes d'application de la loi et de compréhension de la loi. Après 10 ans, compte tenu de l'évolution de la pratique de cette loi-là, on peut se rendre compte que, effectivement, dans certains cas, ça se justifie toujours; dans d'autres cas, ça ne se justifie plus. Je pense que ça permettrait tout simplement de mieux justifier ces dérogations-là, qui devraient être maintenues ou pas.

M. Bourdon: Ça va.

Le Président (M. Gobé): Alors, merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. M. le ministre, un mot de la fin, en terminant.

M. Lefebvre: Pour remercier M. le président de l'Association des archivistes, avec M. Beaudoin, son vice-président, Mme Bernier et M. Lévesque de nous avoir présenté un mémoire qui touche, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, quelque chose de très particulier, important pour nous et également d'avoir bien voulu venir nous l'expliciter cet après-midi. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gobé): Merci, madame, messieurs. J'appelle maintenant sans plus tarder... Vous pouvez vous retirer. J'appelle sans plus tarder les représentants de la Coalition démocratique de Montréal, soit M. Sam Boskey et M. Gaétan Nadeau, et je vous invite à passer à la... pas à la table, à vous asseoir aux sièges en avant sans plus attendre, en vous avisant que le temps qui nous est imparti est maintenant assez court, étant donné qu'il y aura un vote un peu plus tard.

Bienvenue, M. Nadeau, bienvenue, M. Boskey. Nous sommes habitués à vous voir en cette commission maintenant. Vous avez toujours des choses intéressantes à nous présenter. Alors, sans plus tarder, je vous passe donc la parole et je vous réitère que le temps nous est maintenant, malheureusement, à cause de l'horaire parlementaire, assez limité. Nous devrons quitter pour faire un vote et...

M. Bourdon: ...

Le Président (M. Gobé): D'ici 18 heures. Je ne peux en présumer, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Vous avez la parole, M. Boskey.


Coalition démocratique de Montréal (CDM)

M. Boskey (Sam): Bonjour. Je m'appelle Sam Boskey. Je suis membre du Conseil municipal de Montréal depuis 12 ans. Je suis actuellement chef de la Coalition démocratique de Montréal, qui est un parti d'opposition. Je suis le chef de l'opposition au Conseil municipal de Montréal en ce moment. Je suis accompagné par M. Gaétan Nadeau, qui travaille comme recherchiste pour la Coalition démocratique.

Nous sommes très heureux que l'Assemblée nationale fasse un regard quinquennal sur la Loi sur l'accès parce que ça nous donne une possibilité de venir témoigner un peu de notre expérience avec cette loi. Nous sommes des utilisateurs très réguliers de cette loi. Malheureusement, c'est toujours nécessaire, à l'Hôtel de ville de Montréal, pour des membres de l'opposition d'avoir recours à cette loi pour avoir des renseignements pour traiter des dossiers réguliers. M. Nadeau et moi étions même hier matin devant la Commission d'accès à l'information concernant un dossier dont on va vous parler bientôt.

C'est important, et le point qu'on voudrait faire devant vous aujourd'hui, c'est de dire que, depuis 10 ans que la loi est entrée en vigueur, la ville de Montréal a trouvé toutes sortes de façons de contourner la loi. Moi, je fais une mauvaise blague parfois pour dire qu'on doit changer le nom de la loi, peut-être pas la Loi sur l'accès, mais les codifications de l'exception à l'accès. Mais c'est vraiment une affaire très sérieuse pour nous autres à Montréal maintenant.

Je veux juste donner un exemple. On parle, dans notre mémoire, surtout concernant les relations entre la ville et les sociétés paramunicipales, des sociétés de la couronne paramunicipales. Ces sociétés sont généralement libres de faire ce qu'elles veulent. Elles achètent des terrains, elles vendent des terrains, elles prennent l'argent de la ville. Normalement, elles sont supposées déposer des rapports annuels. Mais, d'après la loi, la charte de la ville de Montréal, cette année, ça veut dire pendant 1993, certaines de ces sociétés municipales étaient sept mois en retard dans le dépôt de leur rapport annuel. Vous vous rappelez, je pense, MM. et Mmes les députés, ce qui se passait devant l'Assemblée nationale cette année quand il y avait un certain nombre de régies et sociétés de la couronne qui n'avaient pas déposé leur rapport annuel dans le temps. C'est même pire à Montréal.

Quand ces sociétés ont des problèmes, elles viennent à Montréal chercher de l'argent. Et, pendant l'été dernier, l'administration a demandé au Conseil municipal de voter un montant d'argent pour payer les dettes de ces sociétés paramunicipales. Et c'était un montant qui était de plus d'un quart de milliard de dollars, un «package» de 263 000 000 $, si ma mémoire est fidèle. Ce sont des montants d'argent très, très, très importants. Le problème, c'est qu'au moment où on a demandé au Conseil de voter ces sommes c'était impossible pour les membres du Conseil et tous les autres membres du public d'avoir la moindre idée de ce qu'étaient les activités de ces paramunicipaux concernant ces dettes.

(17 h 30)

Le problème, c'est que la ville de Montréal a trouvé des façons de contourner la loi, et, finalement, il y a des grandes dettes. On nous demande de voter des chèques en blanc et sans que les citoyens ni les élus puissent avoir une idée.

On parle, dans le mémoire, de l'exemple d'une société en particulier, la SIMPA, la Société immobilière du patrimoine architectural. Nous venons d'apprendre, juste avant Noël, que la SIMPA est entrée dans des «partnerships», des joint ventures avec 11 compagnies différentes, et elle allègue régulièrement que, en vertu de la Loi sur l'accès, quand on fait affaire avec une compagnie privée, la compagnie privée a le droit d'avoir des objections au dépôt et à l'accessibilité des documents. Et de plus en plus de projets de la ville sont faits maintenant en joint ventures avec le privé. Évidemment, pour les élus, c'est très tannant, parce que de plus en plus d'activités municipales tombent à l'extérieur de la Loi sur l'accès, et, pour des citoyens qui n'ont pas un budget de recherche, qui n'ont pas de recherchistes, c'est presque affreux.

Le dossier qui était pour nous le plus important depuis quelques années, ça touchait une autre société paramunicipale, la SHDM, la Société d'habitation et de développement de Montréal, dont la mission principale est le logement à but non lucratif. La SHDM a acheté le terrain de l'Hippodrome Blue Bonnets. Vous connaissez, j'espère, le dossier de l'Hippodrome Blue Bonnets. Je sais que le ministre Picotte et le député d'Arthabaska, M. Baril, ont fait des échanges sur ça très, très souvent. Pour nous, c'était un dossier très, très important. Nous avons demandé, il y a trois ans, une copie du bail, et, trois ans plus tard, nous sommes toujours en litige devant les tribunaux pour avoir accès à ce bail qui est échu depuis des mois.

Nous avons appris, et c'est admis par tout le monde, que le loyer que Blue Bonnets devait payer à la SHDM était 99 % de leurs revenus nets. Et nous savons aussi que, quand le directeur général de la SHDM a cherché l'autorisation de son conseil d'administration, il a promis qu'il y aurait 3 000 000 $ de revenus par année. Eh bien, dans l'année qui vient de se terminer, il n'y avait que 9 % de ça, à peu près 280 000 $. Eh bien, pour nous, c'était d'une grande importance d'être capables de comprendre comment Blue Bonnets gère les fonds de la SHDM, pourquoi ils organisent leurs affaires pour produire un profit ou un revenu qui est seulement 9 % de ce qui était prévu. Je demande à M. Nadeau, qui était le requérant dans un certain nombre de dossiers en vertu de la Loi sur l'accès au sujet de Blue Bonnets, de vous expliquer un petit peu comment la loi marche actuellement face à des organismes comme la SHDM.

M. Nadeau (Gaétan): Alors, à l'aide de documents qui nous ont été transmis, suite à une requête à la Commission d'accès à l'information, certainement pas de bonne grâce... Mais, lors du combat, les gens de la Commission, de la SHDM et de Blue Bonnets nous ont transmis ces documents-là. On peut voir dans ces 12 documents, qui sont des conventions et des contrats, la technique juridique qui a été utilisée pour contourner les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. La technique est la suivante: Au mois de décembre 1990, la SHDM a fait une offre d'achat à Campeau Corporation pour l'ensemble de ses actifs situés sur le terrain connu comme HBB, incluant les actions nommément indiquées de la compagnie en question, soient 11 000 actions, dont la valeur nominale est de 10 $. Bien évidemment, la SHDM n'a pas le pouvoir d'agir dans cette sphère d'activité; elle fait du logement social, pas des courses de chevaux. La situation était, de plus, politiquement un peu gênante, le fait d'investir tant d'argent, mais c'était quand même une transaction importante, de près de 50 000 000 $, pour des courses de chevaux.

Alors, ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu une cession des droits que la SHDM détenait dans ces actions à une corporation détenue par M. André Marier. Et on a transféré à M. Marier, pour la somme de 10 $, l'ensemble des 11 000 actions, avec un contrat dans lequel il s'engageait à les rembourser à une valeur déterminée plus tard, selon un processus que l'on retrouve dans les contrats signés. Par la suite, pour être sûr que cesdites actions ne disparaissent pas, M. Marier a signé les documents nécessaires pour les laisser en cautionnement pour le prêt consenti à la SHDM, d'une part, et pour la valeur même des actions, évidemment, tant qu'il n'y a pas trop de transactions dessus.

Dans le coffre-fort du directeur général de la SHDM, on retrouve le certificat présigné par M. Marier, où le nom de la personne qui va les recevoir est laissé en blanc, ainsi que la date. Donc, le directeur général n'avait qu'à marquer un nom et une date, et les 11 000 actions changeaient de mains sans que M. Marier puisse intervenir.

Le Président (M. Gobé): M. Nadeau, on me mentionne... Est-ce que vous pourriez nous dire que cette cause-là n'est pas actuellement devant une cour de justice ou faisant l'objet de poursuites...

M. Nadeau (Gaétan): Non.

Le Président (M. Gobé): ...ou d'autres actions, parce que, sinon, nous ne pourrons l'évoquer ici sous peine de créer préjudice aux parties.

M. Nadeau (Gaétan): Non. Il n'y a pas de cause, à l'heure actuelle, qui porte sur ces documents-là puisqu'on nous les a transmis.

M. Lefebvre: Parce que, dans votre mémoire, vous faites référence à une cause pendante. Ce n'est pas du tout ce dont il s'agit là.

M. Nadeau (Gaétan): C'est celle-là qui nous a donné ces documents-là, là.

Le Président (M. Gobé): O.K. Je vous remercie. Vous pouvez continuer. On va se fier à votre...

M. Nadeau (Gaétan): Oui.

Le Président (M. Gobé): Vous comprenez l'importance de ça?

M. Nadeau (Gaétan): Oui, oui, bien sûr.

Le Président (M. Gobé): O.K. Merci. Allez-y, monsieur.

M. Nadeau (Gaétan): Alors, j'en étais à expliquer que lesdites actions avaient été laissées en garantie, évidemment, à la SHDM puisque, de facto, il n'y avait eu que 10 $ de versés là-dessus. C'était quand même bien normal que ça reste entre les mains de la SHDM. Après ça, il y a un bail qui a été signé, où, là, on se rend compte que le prix du loyer, c'est 99 % des revenus nets de l'entreprise. Alors, on comprendra, dans le milieu des affaires, que ça veut dire tout simplement que le véritable propriétaire n'est pas exactement celui qui gère l'entreprise, mais bien celui qui reçoit ce montant-là. Signalons que 1 % des revenus nets de HBB, comme revenus qui restent à la fin de l'année entre les mains des administrateurs, c'est de l'ordre de 15 000 $ à 18 000 $, ce qui n'est certainement pas justifiable d'une entreprise qui génère 350 000 000 $ par année. Une autre trace, donc, de ce contrôle que la ville détenait réellement, ou que la SHDM détenait réellement sur cette entreprise-là.

On s'est aperçu, après une autre demande à l'accès à l'information qui a été fortement contestée, mais que nous avons gagnée, que le loyer versé, malgré les dispositions du bail, l'était en fonction des liquidités de l'entreprise et que c'était la ville de Montréal ou la SHDM qui accordait une ligne de crédit pour le loyer. Ce qui fait que, certains mois, une entreprise aussi grosse que HBB ne payait que 190 $ de loyer, ce qui est moins cher qu'un HLM. Évidemment, d'autres mois, c'était de beaucoup supérieur. Ce qui se passait, c'est que, quand il y avait des grosses factures à payer pour HBB, SHDM, en véritable propriétaire qu'elle était, selon nos prétentions, assumait, bien entendu, le crédit nécessaire. Même chose pour les créances que HBB soumettait au ministère de l'Agriculture. On sait qu'il y a eu un retard de près de deux, trois ans, pour le paiement des factures qui ont été assumées uniquement dans le transfert de propriété du mois de décembre dernier. C'est la SHDM, via les fonds publics, qui assumait les coûts de ces créances-là, donc, les payeurs de taxes.

La fin de l'histoire. Au mois de décembre, le ministre a mis sur pied une nouvelle corporation pour s'occuper des courses de chevaux, et on a transféré des actions à cette corporation-là. M. Marier, pour ça, a reçu tout près de 1 000 000 $, et la SHDM, 500 000 $, pour avoir permis au gouvernement du Québec, ou au SPICC de faire affaire avec M. Marier pour acheter ces actions. L'histoire ne dit pas, finalement, si M. Marier a remboursé les actions qu'il avait acquises au coût de 10 $. Les bilans 1993 de la SHDM indiquent que ça ne semble pas être le cas. Il n'y a pas de montant versé pour le moment, mais c'est un point qui reste un peu obscur.

Toujours est-il qu'on voit bien que de cette façon, toujours et tout le temps, à chaque fois que nous présentions une demande d'accès à l'information, la SHDM disait: Il y a un tiers privé qui a des droits à faire valoir là-dedans, et on se retrouvait avec une trâlée d'avocats et l'impossibilité, finalement, de plaider sur le fond une fois qu'on avait passé toutes les étapes préliminaires, et, après, évidemment, les recours devant les tribunaux supérieurs. C'était extrêmement lourd à porter.

Finalement, quand il y a eu le transfert, on a eu, comme disait M. Boskey tantôt, une audition devant la Commission, pas plus tard qu'hier, et, là, on s'est retrouvé dans l'imbroglio suivant. Je vous raconte l'histoire qui nous intéressait, dans ce cas-là. Sous le régime de la SHDM, il y a eu une course qu'on appelait le Grand Prix Molson. La compagnie Molson a offert une commandite de 100 000 $ comme prix à remettre aux coureurs. Ces 100 000 $, à ce qu'on nous dit, ont été remis sous forme de biens, de la bière. Il existe un restaurant, qui appartient à HBB, qui s'appelle La Cavalcade, pour ne pas le nommer, dont les profits sont inclus dans le fonds consolidé, ce qui veut dire que ce que perd ce restaurant ou ce que gagne ce restaurant va se retrouver dans le 99 % de revenus nets transmis à la ville. On nous dit, et précisons tout de suite qu'il n'y a pas de preuve à cet effet, mais on nous dit – vous allez comprendre quel est notre travail là-dedans – que cette bière-là est partie de ce restaurant pour aller dans le commerce d'un administrateur de HBB. Vous comprendrez que, pour chaque bière qui part de là pour aller à l'autre, il y a 0,99 $ dans le dollar qui sortent des taxes des citoyens. Nous voulons savoir ce qu'il en est advenu.

(17 h 40)

Donc, les papiers. On nous dit: Bien, vous comprenez, c'est une compagnie privée; ils sont partis avec les documents. Maintenant, il y a un nouveau tiers au dossier qui, lui, n'était pas là à l'époque. Est-ce qu'il va venir défendre ça ici? Est-ce que c'est une compagnie privée de nouveau? On ne le sait pas. Il va falloir le déterminer devant la Commission. Le chien tourne en rond après sa queue, et le document n'est toujours pas là. Et on ne saura peut-être jamais ce qui est arrivé là-dedans. Mais, néanmoins, on parle de taxes de citoyens.

Donc, la technique s'est avérée extrêmement efficace. Et il y a certainement lieu, dans la réforme possible de la loi, de s'assurer qu'une fois pour toutes ce genre de choses là ne se produise pas.

Si vous me le permettez, je vais aborder un autre sujet...

Le Président (M. Gobé): Je vous mettrai en garde du temps qui tourne.

M. Nadeau (Gaétan): Oui.

Le Président (M. Gobé): Le temps passe, et vous avez peut-être une conclusion ou une leçon à tirer de vos exemples, afin que chacun des intervenants, soient M. le ministre et M. le député de Pointe-aux-Trembles, puissent échanger avec vous, car, si jamais la cloche se met à sonner, il va falloir vous abandonner!

M. Nadeau (Gaétan): Bon, alors...

Le Président (M. Gobé): Et à regret, d'ailleurs, mais, malheureusement, c'est là le règlement!

M. Nadeau (Gaétan): J'y vais rapido!

Le Président (M. Gobé): C'est intéressant, malgré... à part ça.

M. Nadeau (Gaétan): Dans le cadre de cette recherche sur Blue Bonnets, j'ai demandé au Conseil exécutif copie du décret qui avait été adopté en 1988 pour venir en aide à Blue Bonnets. Il m'a été refusé. J'ai donc fait une demande d'accès à l'information pour contester cette décision-là, même si on sait que c'est très difficile de l'obtenir. Le Conseil exécutif a fait parvenir au ministre, M. Picotte, une demande à l'effet de savoir s'il maintenait sa décision. C'est une décision personnelle que le ministre doit prendre dans ces cas-là. Le ministre a transmis ma requête à ses services d'enquête au ministère de l'Agriculture, et sont arrivés chez moi deux enquêteurs qui se croyaient tout à fait incognito, j'imagine, qui ont photographié ma résidence, surveillé mes allées et venues, fait des téléphones anonymes, et ils se sont introduits chez moi. Malheureusement pour eux, ils ont été pris sur le fait et, évidemment, tous les faits se sont avérés exacts.

J'ai demandé, évidemment, des explications, et on m'a fait parvenir ce qu'on disait être l'essentiel de mon dossier, les négatifs et les photos prises et un extrait du compte de téléphone cellulaire démontrant que c'étaient bien ces gens-là qui avaient téléphoné chez moi pour vérifier s'il y avait des gens ou pas. Pour le reste, ça s'est éteint là. La Commission a fait enquête et a dit qu'effectivement ça allait à l'encontre peut-être de l'article 64, qui décrit que, finalement, quand on demande des renseignements, il faut s'adresser à la personne directement. C'est bien mince comme solution. Donc, peut-être, effectivement, que des dispositions pénales plus fortes, plus contraignantes seraient d'effet à réduire ces ardeurs, qui sont, j'en suis convaincu et je l'espère, exceptionnelles, mais néanmoins quelque peu traumatisantes pour les pauvres petits recherchistes que nous sommes, parce que vous ne savez pas, vous, qui sont ces taupins qui sont dans votre escalier.

Voilà pour le dossier Blue Bonnets, et il y aurait plein d'autres choses à dire, mais le temps nous presse. S'il y a des questions...

Le Président (M. Gobé): C'est ça, M. Nadeau. Vous vouliez dire, quand vous parliez des gens, que c'est des policiers qui sont venus à votre domicile?

M. Nadeau (Gaétan): C'est ce qu'on appelle des enquêteurs du ministère, qui n'ont pas des statuts de policier, mais qui, normalement, s'occupent...

Le Président (M. Gobé): De quel ministère parlez-vous.

M. Nadeau (Gaétan): Le ministère de l'Agriculture.

Le Président (M. Gobé): O.K. Merci.

M. Nadeau (Gaétan): ...qui s'occupent normalement des abattoirs illégaux et viandes avariées, des choses comme celles-là. Alors... Mais, encore une fois, quand j'ai demandé mon dossier, on disait tantôt: Ce n'est pas certain que le citoyen a le dossier complet. Comme je vous ai dit, on m'a envoyé les photos, les négatifs et extraits du compte de téléphone cellulaire.

Le Président (M. Gobé): Donc, vous nous dites qu'il y a des inspecteurs des viandes avariées, des abattoirs, qui sont venus chez vous perquisitionner ou faire des photos. C'est ça?

M. Nadeau (Gaétan): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Gobé): C'est important, ce que vous dites là devant des parlementaires.

M. Nadeau (Gaétan): Oui, oui. Bien, parce que...

Le Président (M. Gobé): Avaient-ils un mandat de perquisition ou d'entrée?

M. Nadeau (Gaétan): Non, non. Non, non. Nullement. On a dit, au ministère, le sous-ministre m'a dit: Écoutez, ces gens-là sont habitués à faire ce genre de travail là, ils n'ont pas bien compris le mandat, ils ne savaient pas qui vous étiez, évidemment. On leur a simplement demandé qui est M. Nadeau avant de répondre à ma requête.

Le Président (M. Gobé): Avez-vous un abattoir?

M. Nadeau (Gaétan): Non.

Le Président (M. Gobé): O.K. Merci, monsieur.

M. Nadeau (Gaétan): J'ai fait le ménage dans mon frigidaire.

Le Président (M. Gobé): On n'ira pas plus loin. C'est correct. C'est parce que je comprenais mal. J'avais de la difficulté à comprendre. Je pensais que c'étaient des gens de la ville ou des policiers qui étaient allés chez vous.

M. Nadeau (Gaétan): Non, non.

Le Président (M. Gobé): Vous me dites que ce sont des gens du ministère de l'Agriculture. O.K. Merci. M. le ministre, vous avez la parole. Il reste...

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Nadeau et M. Boskey, je vous salue. Évidemment, vous avez une approche qui est particulière et personnelle. La commission de la culture doit exécuter un mandat qui est prévu dans la loi qui a créé la Commission d'accès à l'information en 1982, et, à tous les cinq ans, nous devons vérifier le mandat qui a été confié à la Commission, essentiellement, puis, s'il y a lieu, de modifier ou d'actualiser la loi. Vous avez vécu personnellement des expériences que vous nous racontez. Je vous dis tout de suite, M. Nadeau, que, si vous êtes d'opinion que vos droits, ou ceux de M. Boskey, ou de toute autre personne que vous connaissez et qui sont de vos proches ont été lésés, vous savez que vous ne devez pas hésiter à vous adresser aux tribunaux de droit commun. Les tribunaux existent pour protéger les droits des citoyens et également pour protéger la collectivité. Alors, c'est une suggestion que je vous fais.

En ce qui a trait à la Commission d'accès à l'information, elle a une responsabilité qui est très spécifique, de permettre aux citoyens d'avoir accès à des documents qui sont publics et également, en même temps, de protéger l'intimité ou la vie privée de ces mêmes citoyens-là.

Quelles suggestions feriez-vous à la commission de la culture quant à des modifications qui devraient être apportées à la loi? Parce que j'imagine que vos expériences personnelles ne vous amènent pas à conclure qu'on devrait éliminer complètement la Commission d'accès. J'imagine que vous trouvez, à l'intérieur de la Commission d'accès à l'information, des interventions utiles pour l'ensemble de la collectivité québécoise. Qu'est-ce qu'il faudrait... Quelles sont vos suggestions pour corriger des situations qui apparaissent discutables, au moment où on se parle?

M. Nadeau (Gaétan): Je dois signaler au départ que le travail de la Commission d'accès à l'information, pour l'usage qu'on en fait, est tout à fait admirable. C'est sûr que le nombre de jugements peut sembler mince, mais les causes entendues, elles, sont pas mal plus nombreuses. On finit par régler sur place, le plus souvent, grâce à l'action de conciliation ou de pression douce que peut faire la Commission.

Les modifications. Devant ce développement de technicalités juridiques pour contourner la loi, il faut certainement agir. Alors, la première difficulté qui confronte le demandeur, c'est la qualité du tiers. Pour tester la qualité du tiers, il faut demander un document, qu'il le refuse, et après on a un débat conjoint mixte entre la qualité du tiers... pour récuser ses arguments – qu'il invoque en vertu des articles qui concordent avec les droits des tiers – pour se retrouver uniquement devant l'organisme public, et, après ça, évidemment, il y a des appels possibles. Donc, le processus est extrêmement long.

Il me semble que, s'il y avait un recours possible non pas sur un document, mais pour tester la qualité d'un tiers devant la Commission plutôt que par le service des enquêtes – parce que, là, c'est long, il n'y a pas d'auditions non plus nécessairement, et, enfin, ils n'ont pas nécessairement les moyens d'aller au fond des choses – ça pourrait être de nature à aider beaucoup. Il y aurait donc un jugement déclaratoire à l'effet que telle compagnie supposément privée est en fait un paravent pour un organisme public, ou tout simplement une municipalité ou un gouvernement, et, de facto, il aurait ce titre-là et on n'aurait plus ces objections. On aurait un seul interlocuteur.

L'autre possibilité, c'est de mettre des dispositions pénales pour les administrateurs qui construisent comme ça des architectures juridiques pour passer à côté de la loi. Mais, là, ça implique toutes les difficultés de preuve quant à la volonté de contourner la loi.

M. Lefebvre: M. Nadeau, je veux bien qu'on se comprenne là. Je n'ai pas nécessairement dit que vous aviez raison dans votre intervention quant au contournement de la loi. Il ne faudrait pas que...

M. Nadeau (Gaétan): Non, non, non, non. Je vous le dis moi-même.

M. Lefebvre: Je ne veux pas que vous interprétiez mes silences...

M. Nadeau (Gaétan): Oui.

M. Lefebvre: ...comme des approbations. Vous avez le droit de vous exprimer, et c'est ce qu'on vous a, évidemment, à vous et à M. Boskey, permis de faire. Mais je ne voudrais pas que vous interprétiez mes silences comme une espèce de consentement tacite à vos prétentions. Je veux que ce soit clair, là. D'ailleurs, je ne crois pas que vous ayez recherché ça, ni de ma part, ni d'aucun autre membre de la commission.

M. Nadeau (Gaétan): Non, non.

M. Lefebvre: Merci. Allez-y. Excusez, M. Nadeau, si je vous ai interrompu.

M. Nadeau (Gaétan): Oui. Comme je vous disais, justement dans le même sens, qu'il y avait les dispositions pénales toujours possibles pour les administrateurs qui se livrent à des choses comme celle-là, mais j'abonde dans votre sens: encore faut-il faire la preuve que ce soit l'intention qui était derrière ça. Il peut y avoir d'autres raisons. On peut les invoquer. On peut en discuter longtemps.

Donc, je doute de l'efficacité d'une technique comme celle-là, bien que ce soit toujours peut-être une bonne chose que ça existe, même si peu utilisé, comme des dispositions de la loi actuelle ne sont presque jamais utilisées, mais ça pend là comme une épée de Damoclès.

(17 h 50)

Le plus pratique, là, pour un demandeur, c'est la possibilité de tester la qualité d'un tiers sans nécessairement faire une demande d'un document. Ça, ça pourrait être un acquis positif qui n'aurait certainement pas un impact très, très, très grave quant au nombre de demandes, mais des conséquences immédiates pour les administrateurs qui pourraient être tentés de regarder cette méthode-là.

Le Président (M. Gobé): Merci, monsieur. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Bien, je lis votre mémoire. Il y a la SIMPA et il y a Blue Bonnets. Donc, ce que vous posez, c'est qu'une société paramunicipale associée à une ou à des entreprises privées se trouve comme couverte par les dispositions de la loi d'accès, qui garantit le secret commercial, dans le fond, dans le cas de l'entreprise privée. Est-ce que vous pensez qu'à cet égard-là la loi pourrait être modifiée pour prévoir les partenariats secteur public-secteur privé? Pour ce qui est de Blue Bonnets, si ça peut vous rassurer, le ministre de l'Agriculture a déposé en Chambre une lettre du directeur de la SQ disant que l'enquête n'avait pas révélé de faits au sujet du ministre.

M. Nadeau (Gaétan): Oui, je sais. Enfin... Vous demandiez s'il y avait possibilité d'inclure à la loi des façons de contrôler ça. C'est assez difficile, parce que les méthodes juridiques utilisées, si on commence à essayer de faire une liste exhaustive, il s'agit de trouver celle qui n'est pas dedans pour être légal jusqu'à temps que ce soit rejeté par la loi. On a connu aussi l'épisode des Expos, où on a créé une nouvelle sorte d'actions, qui sont les actions gouvernementales, qui ont une particularité. C'est que les deux parties s'engagent, une à ne pas informer l'autre de ce qui se passe dans la compagnie, et, la partie gouvernementale, à ne pas demander et ne pas savoir ce qui se passe dans la compagnie, après y avoir mis 15 000 000 $. De cette façon-là, évidemment, les dispositions de la Loi sur l'accès ne s'appliquent pas, une deuxième méthode que Montréal a inventée pour se soustraire aux dispositions de la loi ou pour permettre, soyons gentils, la réalisation d'un grand projet.

Donc, chercher par cette façon-là de contrôler, ça va permettre à certains bureaux d'avocats de mettre en oeuvre tout leur génie, avec les coûts qui y sont associés, mais je vous avoue que... D'abord, il y a une autre difficulté, hein. C'est de savoir que ça existe. Tous ces documents-là étaient secrets, là. Il a fallu vraiment faire un travail de taupe pas possible pour être capable de déterminer qu'il y avait des choses de louches là-dedans, mais je ne pense pas que ce soit pratique, vraiment, au niveau de la loi, d'essayer de déterminer, de donner un cadre législatif à ça.

Prenons le cas de la SIMPA. Eux, sous prétexte, par exemple, qu'ils font affaire avec une corporation privée, qui n'investit, finalement, que 1 % dans le projet – tout le reste, c'est de l'argent public qui finance – bien, pour eux, ça tombe dans le joint venture, donc dans les protections que la loi accorde au tiers, et c'est fini. À chaque fois qu'ils ont un projet un peu «touchy», dont la discussion publique n'apparaît pas vraiment nécessaire à leurs yeux, c'est la méthode retenue. Elle retarde, de toute façon, les débats d'au moins un an. Au moins! Ça permet généralement la réalisation du projet.

Le Président (M. Gobé): M. le député de Pointe-aux-Trembles, vous avez terminé?

M. Bourdon: Ça va.

Le Président (M. Gobé): Alors, M. le ministre, peut-être un dernier mot pour conclure cette journée de travaux...

M. Lefebvre: Oui, pour saluer.

Le Président (M. Gobé): ...et M. Boskey...

M. Lefebvre: Oui, M. le Président, je vous remercie. Alors, je voudrais saluer nos invités, les remercier de nous avoir soumis un mémoire et d'être venus, cet après-midi, à la commission de la culture pour nous faire part de vos commentaires. Je vous remercie, M. Nadeau et M. Boskey.

Le Président (M. Gobé): Merci, M. le ministre, merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles, M. Boskey, M. Nadeau. Je vous rappellerai, à titre de président, ce que M. le ministre vous disait: Si vous avez lieu de croire que vos droits sont lésés à quelque stade que ce soit, il y a des instances spéciales pour ça, et vous pourrez toujours y faire appel. Cette commission n'est là que pour entendre vos idées, vos opinions et vos remarques sur le sujet en question, soit la Commission d'accès à l'information. Alors, j'ai pris bonne note quand même. Ce fut fort intéressant. Nous vous remercions de vous être déplacés et d'être venus témoigner devant nous. On vous souhaite maintenant une bonne soirée et un bon retour à Montréal.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Gobé): Ceci met fin à nos travaux. Je vais donc ajourner les travaux à demain, 10 heures. Bonsoir, tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 55)