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Version finale

34e législature, 3e session
(17 mars 1994 au 17 juin 1994)

Le vendredi 13 mai 1994 - Vol. 33 N° 9

Interpellation : L'avenir des télécommunications au Québec


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Table des matières

Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): À l'ordre! La commission de la culture débute ses travaux. Le mandat de la commission pour cette séance est de procéder à l'interpellation du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques adressée à la ministre de la Culture et des Communications sur le sujet suivant: l'avenir des télécommunications au Québec.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, Mme la Présidente, il n'y a pas de remplacements.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): D'accord. Alors, je vous rappelle brièvement les règles de l'interpellation. Dans un premier temps, le député qui a demandé l'interpellation aura un temps de parole de 10 minutes, suivi de la ministre, pour 10 minutes également. Il y aura ensuite alternance dans les interventions. Des périodes de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante: un député de l'Opposition officielle, la ministre, un député du groupe ministériel. Si un membre utilise moins de cinq minutes, le temps non utilisé est perdu et la parole est donnée à l'interpellant qui suit, selon la séquence que j'ai indiquée. Vingt minutes avant la fin de la séance, j'accorderai un dernier temps de parole de 10 minutes à la ministre et un temps équivalent au député ayant demandé l'interpellation, ce qui mettra fin à nos débats.

Sur ce, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, vous avez la parole pour 10 minutes.


Exposé du sujet


M. André Boulerice

M. Boulerice: Je vous remercie, Mme la Présidente. Je pense qu'il nous faut au départ faire un rappel de la décision de la Cour suprême du Canada. Ça va me permettre de vous lire la question 1: Téléphone Guèvremont inc. est-elle un ouvrage ou une entreprise qui relève de la compétence législative que possède le Parlement du Canada, en vertu des alinéas 92.10a, 91.29 de l'alinéa introductif de l'article 91 ou d'une autre disposition de la Loi constitutionnelle de 1867? La réponse de la Cour suprême fut sans équivoque: Oui. Le pourvoi est rejeté; l'appel incident est rejeté parce que sans objet eu égard au sort de l'appel.

Eh bien, voilà, Mme la Présidente, qu'à partir de ce moment-là le bal, si je peux employer l'expression, a été lancé. Conséquence d'un tel jugement: la téléphonie est avant tout un service public et, dans cette perspective, à la suite du jugement de la Cour suprême, en avril 1994, la Régie des télécommunications du Québec n'a plus d'autorité pour assurer la régulation et, partant, pour assurer le respect des objectifs formellement inscrits à l'article 4 de sa loi qui vise, entre autres, l'accessibilité à des services de télécommunications, l'application de tarifs justes et raisonnables, l'uniformité des prix sur l'ensemble du territoire québécois, l'équilibre approprié entre l'intérêt des usagers et les exigences de viabilité des sociétés exploitantes, le maintien et le déploiement de systèmes de télécommunications efficaces et novateurs aux fins du développement économique local et régional.

Aussi longtemps que les entreprises de télécommunications n'étaient associées qu'à la distribution de services téléphoniques, la question culturelle ne devait pas être posée. Toutefois, aujourd'hui, la convergence des technologies – et Dieu seul sait que je l'ai répété dans une commission que la ministre connaît bien – qui autorisait les entreprises de câblodistribution et de télécommunications à offrir en concurrence les mêmes services, et le développement de l'autoroute électronique, qui permettra bientôt de raccorder les foyers, les entreprises, les gouvernements et les institutions à une vaste gamme de services d'information, commandent que le Québec puisse y préserver et y renforcer son identité culturelle.

Or, cette prérogative est désormais lourdement hypothéquée, si tant est que c'est maintenant le Canada qui se porte à la défense de son identité culturelle, comme en témoigne un des objectifs qui doivent guider les travaux du nouveau Conseil consultatif de l'autoroute de l'information, lequel a été institué par Ottawa en mars 1994. Bien que le jugement rendu en avril 1994 par la Cour suprême ne porte pas, au sens strict, sur l'autoroute électronique, il rappelle, comme il confirme, que, dans une entreprise aussi déterminante pour le développement économique et culturel du Québec, celui-ci aura peu, sinon rien à dire.

Et nous allons maintenant vers une nouvelle définition des communications. Il y a quelques décennies, les communications constituaient véritablement une préoccupation secondaire de la société, une vision qui, aujourd'hui, forcément, est très largement dépassée, puisque, à l'époque, on l'associait aux notions de transport, mais transport au sens strict: transport de biens, transport de personnes, transport, par extension, de messages. Et une des dernières décisions majeures de la Cour suprême du Canada en matière de télécommunications – qui était Alberta Government Telephone contre C.N.C.P., en décembre 1989 – s'est fondée sur une loi aussi archaïque que la Loi sur les chemins de fer.

Mieux appropriée aux réalités de l'époque présente, une notion contemporaine des communications se doit d'englober tous les secteurs d'activité et de conception, de traitement, de mémoire et de transmission d'information. Une telle approche impose de ne pas séparer les contenus, qu'on appelle dans le langage usuel, en employant le mot anglais, le «soft», du support, qui, lui, est le «hard». Et, dans leur définition la plus large, les communications concernent tous les biens ou oeuvres et les services ou supports. Les télécommunications: téléphonie, satellites, cables sous-marins – on n'est pas dans le coup; les médias électroniques: télévision, vidéo, nouvelles images, radio, câblodistribution et leur contenu; production audiovisuelle: cinéma, industrie du son, téléservice, jeux vidéo; les médias imprimés – là, la ministre nous suggère de ne pas les lire, mais je vais quand même les indiquer: les livres, les journaux, les magazines, les imprimés commerciaux et leurs moyens de production, c'est-à-dire la préimpression, l'impression et la diffusion; l'électronique grand public: récepteurs de radio et de télévision, magnétoscopes, lecteurs de disques numériques, consoles de jeux vidéo – pour employer une autre expression, nous sommes «out»; l'informatique: services, biens d'équipements, logiciels; le conseil en communications, c'est-à-dire agences de publicité, agences de relations publiques également.

(10 h 10)

Donc, les communications ont forcément, à l'aube du troisième millénaire, une nouvelle importance et c'est pourquoi le Québec devrait être constitutionnellement présent dans ce secteur. Et ce n'est pas d'hier que l'on veut une telle compétence constitutionnelle. En 1968, le gouvernement du Québec a réclamé le contrôle sur la radiodiffusion. En septembre 1970, le premier ministre d'alors, M. Robert Bourassa, demande qu'on redéfinisse les modalités d'une participation effective des provinces dans le secteur des communications. Je vais le citer: «Le Québec veut s'associer à l'élaboration des politiques étatiques dans ces domaines parce qu'elles touchent directement la vie et l'avenir de sa société.» Le père n'est plus, mais le père n'est pas décédé; allons-nous renier son héritage?

En mai 1971, le Québec rend public le document de travail «Pour une politique québécoise des communications», qui expose les grands objectifs de l'action du Québec dans ce domaine. On peut y lire, notamment, que c'est au Québec – parenthèse – qu'il incombe en premier lieu d'élaborer une politique globale des communications indissociable du développement de son système d'éducation, de sa culture et de tout ce qui est propre au Québec.

À la conférence constitutionnelle d'Ottawa, les 14 et 15 septembre 1970, le premier ministre du Québec déclare que, et je le cite: «Le Québec veut participer activement à l'élaboration et à la définition des politiques gouvernementales de communications.» En 1973, l'énoncé de politique, «Le Québec maître d'oeuvre de la politique des communications sur son territoire», du ministre des Communications, M. Jean-Paul L'Allier, réclamait que le Québec devait pouvoir régir le développement des communications sur son territoire, établir les principes généraux propres à favoriser le développement social, culturel et économique de la collectivité à desservir, réglementer les secteurs de la câblodistribution, de la radiotélédiffusion et des sociétés exploitantes de communications. Et, en août 1976, le Québec propose que les provinces possèdent une compétence législative prépondérante dans le domaine des communications – un réseau de communications – à l'intérieur de la province.

Et voilà que nous en sommes aujourd'hui, c'est-à-dire depuis presque deux semaines, à un zigzag vraiment très difficile à suivre sur l'écran: une déclaration du premier ministre désigné, M. Daniel Johnson fils, tout de suite après le jugement, en passant par l'appel pathétique de Chicoutimi de la part de la ministre; la reddition du gouvernement; l'annonce de la fermeture de la Régie des télécommunications; le maintien de la revendication bien tardive d'un pouvoir dérogatoire. La question qu'on se pose est: Où s'en va le gouvernement? Quel est l'avenir des télécommunications au Québec? Quelle est l'importance du contrôle des communications dans le domaine de la culture?

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Mme la ministre, vous avez la parole pour 10 minutes. Merci.


Réponse de la ministre


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, Mme la Présidente. Je vois, d'après les premiers propos, que l'échange semble vouloir se dessiner de façon très, très cordiale, puisque nous sommes d'accord sur les objectifs, malgré qu'évidemment notre stratégie soit peut-être un peu différente. Mais je tiens à dire, Mme la Présidente, que, comme le député le disait tantôt... Je veux souligner, d'ailleurs, d'entrée de jeu, ma satisfaction de participer à cet échange sur l'avenir des télécommunications au Québec.

Après toutes les déclarations qu'on a pu entendre sur cette question, il m'apparaît, moi aussi, tout à fait approprié de faire le point sur des enjeux qui sont trop importants et trop complexes pour qu'on les réduise en quelques phrases-chocs. J'espère sincèrement que l'exercice auquel nous sommes conviés nous permettra de saisir la multiplicité des enjeux, leur importance pour la société québécoise et la rapidité aussi avec laquelle la réalité des communications se transforme.

Cet univers des télécommunications évolue au rythme fulgurant des découvertes scientifiques et technologiques, du développement de nouvelles applications, de la transformation des marchés, de l'apparition de nouvelles concurrences et de nouvelles alliances. Pour bien cerner l'importance des télécommunications, autant dans notre vie personnelle que collective, il faudrait en nommer toutes les ramifications, celles qu'on connaît aujourd'hui et aussi celles qu'on imagine pour demain. En matière économique, sociale ou culturelle, l'impact des communications est considérable. Qu'on soit entrepreneur, consommateur, usager ou créateur culturel, notre quotidien et notre potentiel de développement sont tributaires de l'environnement culturel et technologique que nous offrent les télécommunications.

À titre d'exemple, Mme la Présidente, permettez-moi de citer quelques illustrations très simples: l'importance sociale et communautaire d'un service comme le 9-1-1; l'impact majeur de la télévision et de la production audiovisuelle sur la carrière de nos créateurs et de nos artistes; la puissance des médias pour véhiculer ou transformer nos valeurs; l'ampleur de la révolution informatique, qui a modifié depuis une dizaine d'années les façons de faire de nos entreprises et institutions; le poids économique et stratégique des entreprises de communications; le nombre important d'histoires à succès et bien québécoises comme la télévision interactive et le système Vidéoway.

Je pourrais énumérer encore longtemps toutes les facettes qui composent cette réalité des télécommunications; je me limiterai cependant à souligner et à réaffirmer l'importance et la complexité de cette réalité. Devant un tel enjeu, l'État doit intervenir d'une façon alerte, souple et opportune. L'État doit intervenir avec les leviers dont il dispose, et ils sont nombreux, et le faire à partir d'une lecture à jour de la réalité. Son action doit être actualisée à la fine pointe d'une réalité qui, elle, ne cesse d'évoluer.

Nous avons fait largement écho ces dernières semaines de la décision de la Cour suprême du Canada relativement à la juridiction en matière de téléphonie. Ce jugement vient marquer, à toutes fins pratiques, la fin d'une longue saga juridique dont les origines remontent à 1932. Tout en étant solidaire des positions traditionnelles du Québec dans ce domaine, je me dois de constater deux faits qui me paraissent déterminants dans la recherche de nouvelles solutions.

Le premier fait, incontournable, c'est que le processus strictement judiciaire a été conduit à son terme et ne nous offre plus de recours. J'en ai donc conclu que la recherche d'une formule acceptable en ce qui concerne la réglementation en matière de téléphonie devrait emprunter la voie politique et non juridique. C'est d'ailleurs dans ce sens que j'ai agi en proposant à mon homologue fédéral une formule d'aménagement qui permettrait au Québec d'assumer la responsabilité qui lui incombe.

Le deuxième fait, tout aussi déterminant, c'est que les enjeux d'aujourd'hui en matière de télécommunications se posent en termes beaucoup plus vastes et plus complexes que la seule question de la réglementation en téléphonie. En 65 ans, l'environnement économique, technologique et culturel s'est profondément transformé. Si le débat amorcé en 1929 et arbitré une première fois en 1932 nous rattrape en 1994, il faut l'interpeller et l'évaluer dans le contexte d'aujourd'hui. En 1994, l'état des lieux n'est plus le même. Sur les plans économique et technologique, les principaux défis se posent en termes de convergence des technologies, de course à l'innovation, de concurrence internationale. Le rideau a été levé depuis longtemps sur la télévision en noir et blanc; il nous reste à le lever sur les potentiels de l'autoroute électronique.

Sur le plan social, la préoccupation d'assurer des services de base en téléphonie n'est pas loin de faire partie des dossiers classés dans la rubrique «mission accomplie». Par contre, la nécessité d'offrir à nos entreprises un accès à une technologie performante pour leur permettre d'être concurrentielles et de contribuer à l'emploi est toujours au coeur de nos préoccupations.

Quant aux leviers dont l'État dispose pour créer des conditions favorables à l'emploi et à l'épanouissement culturel, ils ont pris des formes différentes. Sans exclure toute réglementation, le gouvernement dispose cependant d'autres moyens pour stimuler et accompagner le développement des entreprises. Une lecture à jour de la réalité suppose qu'on prenne en considération tous les moyens qui sont maintenant à notre disposition pour composer avec la réalité d'aujourd'hui et de demain. Un véritable développement des télécommunications ne pourrait être fondé sur le seul instrument réglementaire. En dramatisant le jugement de la Cour suprême et en isolant la seule dimension réglementaire, on réduit dangereusement la problématique actuelle des communications.

(10 h 20)

Avant de développer plus à fond les possibilités qui s'offrent à nous, je voudrais faire un bref rappel de l'évolution du dossier des communications. C'est en 1929 que le Québec a adopté une première loi sur la radiodiffusion. En 1931, une deuxième intervention législative, la Loi de la radio de Québec, vient confirmer la volonté québécoise de contrôler le développement de cette technologie. En 1932, une première décision de la Cour suprême du Canada affirme la prépondérance des compétences fédérales et rend inopérante la loi québécoise. En 1968, on assiste à de nouvelles représentations du Québec pour obtenir le contrôle de la radiodiffusion. Le gouvernement fédéral adopte ensuite la Loi sur la radiodiffusion, qui définit que tous les aspects de la radiodiffusion dépendent strictement de l'autorité fédérale. C'est à cette époque que le CRTC a été créé pour mettre en application cette loi.

En 1977 – gouvernement péquiste – le gouvernement fédéral conteste le pouvoir de la régie des services publics d'émettre des licences d'exploitation du câble sur le territoire québécois. La régie cesse donc d'émettre ces permis. En 1978, la Cour suprême, dans deux jugements successifs, affirme que la télédistribution est indissociable de la radiodiffusion et, ce faisant, la place sous compétence fédérale. À partir de 1980, toujours sous le gouvernement péquiste, à la Conférence des premiers ministres, le Québec et les provinces reconnaissent une compétence fédérale, dite concourante, sur des entreprises de télécommunications qui dépassent les frontières d'une province.

À partir de 1985, les relations fédérales-provinciales laissent paraître plus nettement la recherche d'une entente et d'un partage de compétences. Dans ce contexte, plusieurs réalisations concrètes sont issues de la concertation. En 1991, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur la radiodiffusion, qui vient clairement camper sa compétence. Tout récemment, la Cour suprême a statué dans l'affaire Guèvremont et a annoncé que cette entreprise relève de la compétence fédérale. Ce jugement a un impact direct sur la compétence du Québec et de la Régie des télécommunications en matière de téléphonie.

Avec un peu de recul, cette rapide rétrospective met en évidence le fait que la voie juridique ou judiciaire s'est révélée une impasse plus qu'une voie de solution. Par contre, plusieurs ententes se sont révélées fort profitables pour assurer l'atteinte des objectifs québécois. Ainsi, dans le contexte de concertation des années quatre-vingt-cinq, l'entente auxiliaire des entreprises de communications, qui s'est terminée en 1991, a permis l'investissement conjoint de 43 600 000 $. Le Québec a pu ainsi s'assurer que les investissements fédéraux étaient conformes à ses priorités et orientations.

De même, une entente de concertation et d'harmonisation sur la radiodiffusion en vigueur en 1994 a reconnu le caractère spécifique de la télévision francophone. Plusieurs projets réalisés dans ce contexte ont eu des effets importants sur le développement de la télévision et de la radio francophones. Dans ce contexte, en ce qui concerne essentiellement le débat de juridiction relatif à la réglementation de la téléphonie, la recherche d'une solution politique, telle que je viens de l'amorcer, constitue une voie plus prometteuse que la poursuite d'une querelle juridique qui se solderait inévitablement par un gaspillage d'énergie. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie, Mme la ministre. Alors, nous entrons dans les 80 minutes du débat. Alors, je donne la parole au député de l'Opposition, pour cinq minutes.


Argumentation


M. André Boulerice

M. Boulerice: Oui. D'accord. Je vous remercie, Mme la Présidente. Eh bien, les zigzags constitutionnels du Québec dans le dossier des communications, il faut les rappeler encore de nouveau: il y a la décision de la Cour suprême, et, d'ailleurs, j'appréciais que la ministre fasse un historique on ne peut plus précis des défaites du Québec face au fédéral dans le domaine des communications... C'est clair: à chaque fois, on perd. Qu'est-ce qu'on fait? Je vais lui poser la question bientôt, dans quelques semaines et probablement dans quelques mois. Le 26 avril, la Cour suprême a décidé que c'était de juridiction fédérale. On a perdu cette fois-ci, et la ministre devra en convenir, une bataille historique. Ça marque la fin de la capacité d'intervention du gouvernement québécois dans le secteur de la téléphonie, qui est un secteur en plein développement et qui va jouer un rôle important dans le développement économique et culturel, autant du Québec, du Canada, des États-Unis, de tous les pays occidentaux actuellement.

Le 27 avril, la première réaction du premier ministre désigné: eh bien, il ne trouve absolument rien à dire. Et, à ce niveau-là, il y a un article de Mme Bissonnette, qui est quand même une observatrice assez avertie, qui dit: Le premier ministre aurait pu formuler une déclaration solennelle qui réitère les convictions des gouvernements successifs du Québec sur le sujet. Une remarquable continuité. Il aurait pu réclamer de M. Chrétien l'engagement de requérir une participation québécoise à l'élaboration des politiques de télécommunications, ce que la nouvelle loi fédérale n'interdit nullement et la Cour suprême non plus. Il aurait pu créer immédiatement un comité de travail sur les contenus de la future autoroute électronique pour bien marquer que la compétence réglementaire fédérale trouvera la compétence culturelle québécoise sur son chemin et ne pourra l'ignorer ou pour sonner le rappel de l'industrie québécoise, surveiller la part des dépenses fédérales de recherche et de développement qui reviendra au Québec, explorer les ententes de contenu avec l'étranger, dont une France qui revoit toute sa politique de l'audiovisuel après le GATT. Bref, le gouvernement de M. Johnson aurait pu se rendre incontournable sur le terrain faute d'avoir réussi à le faire devant les tribunaux, mais on ne voit rien venir.

Et j'aimerais citer ce que le chef de l'Opposition disait: Le Québec a une grosse avance technologique – et la ministre ne va pas en déconvenir – dans ce domaine grâce, justement, à Vidéotron. Il y a des changements majeurs qui s'en viennent, et cela veut dire un gros appel de production de toute espèce: culturelle, technique de l'information. Ce sont des milliers et des milliers d'emplois. L'endroit où cette production se fait, quelle que soit la langue, elle peut se faire à peu près n'importe où. Vidéotron, lui, veut faire ça à Montréal. Donc, des milliers d'emplois à Montréal, et Dieu seul sait qu'on en a besoin. Bell Canada dit: Moi aussi! Moi aussi! Moi aussi! mais il veut mettre la production à Toronto, et c'est le CRTC qui va décider, puisque notre Constitution, dans sa grande sagesse, a décidé que l'interprétation par les cours de justice, eh bien, le câble, la téléphonie, c'est sous la juridiction du gouvernement fédéral.

Donc, c'est important, les affaires constitutionnelles, parce que, par les affaires constitutionnelles, on se fait posséder si on ne fait pas attention. La décision, je le répète, va être prise par Ottawa, par personne d'autre. Donc, on vient de nous dire: Vous aviez un orteil, on vous l'a coupé, et maintenant vous essayez de mettre le pied, mais il n'y a pas de pied à mettre, alors contentez-vous de ce que vous avez.

Le 27 avril, la ministre de la Culture et de l'absence de Communications, déclare que le Québec devra faire front commun avec les autres provinces pour conserver un droit de regard sur la téléphonie. Bien, ma question, c'est: Qu'en est-il maintenant? Qu'en est-il, maintenant, du front commun avec les autres provinces pour conserver un droit de regard sur la téléphonie?

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Mme la ministre, pour cinq minutes.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Mme la Présidente, je déclarais tantôt qu'il fallait regarder l'ensemble des communications de façon beaucoup plus large. Et je tiens à rappeler aussi à mon critique de l'Opposition, malgré qu'on s'entende tous les deux sur l'importance du dossier, que, même à l'époque d'un gouvernement qui prônait la souveraineté du Québec, ils ont perdu aussi tout droit devant les tribunaux sur la câblodistribution. Donc, on se retrouve dans une situation où, effectivement, il faut regarder l'histoire pour aller plus en avant et se dire: Qu'est-ce qu'on fait?

Dès le départ, la Loi constitutionnelle de 1867 est, à toutes fins pratiques, muette sur le dossier des communications au sens où nous l'entendons aujourd'hui, et ce, pour des raisons historiques évidentes. En 1932, alors que le gouvernement du Québec de l'époque avait été, trois ans auparavant, le premier gouvernement au Canada à adopter une loi sur la radiodiffusion, la Cour suprême du Canada et le Conseil privé de Londres affirmaient la prépondérance des compétences fédérales et rendaient la loi québécoise inopérante. Déjà, on pouvait comprendre que la voie des champs de compétence et des tribunaux n'était pas sans embûches.

Que ce soit en 1932, pour la loi de la radiodiffusion, en 1977, sous un gouvernement du Parti québécois, pour la câblodistribution, ou en 1994, sous notre gouvernement, pour la téléphonie dans l'affaire Guèvremont, les jugements de la Cour suprême ont tous été dans le même sens en ce qui concerne les pouvoirs du gouvernement fédéral en matière de communications. Plus particulièrement pour la téléphonie, les observateurs qui se sont exprimés sur ce point au cours des derniers jours s'entendent sur la reconnaissance d'une compétence fédérale. Bon. Ils s'entendent également pour dire que les jugements de la Cour suprême pouvaient difficilement mener à d'autres conclusions.

(10 h 30)

Malgré cette situation, il est possible pour le gouvernement du Québec d'agir et de supporter ceux qui, sur son territoire, veulent se développer dans ces mêmes domaines. Ainsi, dans le domaine des communications, en février 1985, une entente de développement des entreprises de communications était conclue entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral. Dans le cadre de cette entente, 43 600 000 $ ont été conjointement investis de 1985 à 1991 pour des entreprises québécoises, et il nous a été possible d'agir de telle sorte que les enjeux québécois étaient pris en compte. Et c'est peut-être pour ça, Mme la Présidente, qu'on dit qu'on a un énorme potentiel et beaucoup de compagnies en télécommunications, maintenant, qui nous font une force de frappe.

Une autre entente de concertation et d'harmonisation sur la radiodiffusion, conclue en 1985 également, reconnaissait le caractère spécifique de la télévision francophone. Dans le même sens, je signale la satisfaction du Québec concernant les dispositions relatives à la reconnaissance des caractéristiques distinctes de la radiodiffusion francophone qui sont contenues dans la loi canadienne sur la radiodiffusion, adoptée en 1991. C'est donc dire qu'il est possible d'agir.

En 1987, lors des discussions que nous avons eues, à Edmonton, avec les autres provinces et la ministre fédérale des Communications, nous avions réussi à établir un langage commun sur le partage des activités des entreprises de télécommunications. En 1990, je vous le rappelle, Mme la Présidente, j'ai rappelé au ministre fédéral des Communications de l'époque, M. Marcel Masse, que la piste de solution envisagée en 1987 ou, du moins, les principes qui l'animaient nous semblait encore prometteuse, certainement plus que celle des tribunaux ou celle de politiques purement centralisatrices. En ayant notamment la préoccupation des caractéristiques de notre société, je rappelais également au ministre fédéral que les besoins et les choix des citoyens devraient inspirer la révision des lois et l'aménagement des structures qui auraient à les servir. Enfin, je lui réaffirmais ma conviction, comme je le fais encore aujourd'hui, qu'il est possible, à l'intérieur du système fédéral canadien, de trouver, par la concertation, des solutions qui permettent au Québec de veiller lui-même au développement des infrastructures de communications sur son territoire tout en contribuant aux enjeux nationaux canadiens ainsi qu'au dialogue et aux relations avec nos autres partenaires internationaux.

J'en profite d'ailleurs pour faire ici un parallèle entre cette approche et celle pour laquelle le gouvernement m'a soutenue, pour l'élaboration et l'adoption de la politique culturelle, en 1992. Dans leurs mémoires et leurs représentations à la commission parlementaire sur la culture, les milieux artistiques, culturels, économiques et sociaux m'ont fortement encouragée de ne pas faire dépendre de l'avancement du dossier constitutionnel l'élaboration et l'application d'une politique et d'un plan d'action – et pour cause, quand on connaît la suite. Nous les avons écoutés, et ça nous a permis d'adopter, pour la première fois au Canada, une politique culturelle gouvernementale branchée sur les enjeux et la dynamique de la culture actuelle et de son devenir au Québec. Notre préoccupation première fut de servir les intérêts des milieux concernés et non pas de régler, tout en même temps, la question des compétences des deux paliers de gouvernement. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, Mme la ministre. Alors, je passe la parole, pour cinq minutes, au député de LaFontaine, député ministériel.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir, à titre d'adjoint parlementaire de Mme la ministre de la Culture et des Communications, d'être parmi vous ce matin afin d'intervenir sur ce dossier très important qu'est celui des communications, et particulièrement dans sa phase du développement économique.

J'ai écouté attentivement les propos de mon collègue, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, qui a semblé démonter, peut-être, une vision un peu unidimensionnelle de ce problème. Par contre, les remarques de la ministre – et j'ajoute ma voix à la sienne, ça me fait plaisir de le faire, parce que c'est là, probablement, un des points importants du débat, aujourd'hui... C'est que, dans l'effervescence actuelle, dans le monde, qui anime le milieu des télécommunications et des communications, il faut avoir une vision globale du monde des communications; il faut avoir une vision globale, parce que c'est important dans ce secteur, qui est interrelié. On ne peut pas avoir une politique des télécommunications locale, il faut avoir une politique internationale. Nous allons avoir à nous connecter avec des réseaux, nous allons devoir fonctionner avec des partenaires qui sont situés soit au Japon, soit en France, soit aux États-Unis; nous devons nous enligner sur des standards et des critères mondiaux. Alors, faisons attention de ne pas ramener ce domaine très important – qui est important pour l'avenir de l'économie québécoise et aussi de nos institutions – notre manière de fonctionner, à une dimension très locale et très dimensionnelle.

Ceci étant dit, il est vrai qu'il est très important que le Québec puisse avoir son mot à dire, sa juridiction, afin de faire valoir ses intérêts, aussi bien dans le moyen de s'interconnecter avec les autres réseaux et de collaborer avec le reste du monde qu'au niveau des contenus, ceci à cause de notre spécificité culturelle francophone. Et c'est là une des importances primordiales. Ça ne veut pas dire, pour autant, une vision locale et partielle. Je crois que si nous avions cette vision, cette attitude, nous manquerions notre mandat, et, dans quatre, cinq, six, 10 ans, ceux qui vont nous suivre – nos enfants, les jeunes qui vont prendre notre place, un jour, dans cette société – nous le reprocheraient. Surtout quand on sait que ce domaine va contribuer au succès des stratégies économiques de tous les États. Et je crois que, à cet égard-là, nous ne devrions pas manquer notre place, parce que nous aurions à le payer, je le disais.

Grâce aux politiques gouvernementales, je peux dire maintenant que, depuis une dizaine d'années, le Québec occupe une place tout à fait honorable, et les technologies de l'information occupent certainement ou constituent l'un des domaines les mieux positionnés de notre économie, actuellement. On voit là l'effort qui a été fait par le gouvernement du Québec. Plus de 2200 entreprises oeuvrent dans le secteur des services informatiques et du logiciel, au Québec; ces firmes produisent des revenus qui dépassent les 1 300 000 000 $. Alors, on pensera à Softimage, dernièrement, là, qui a été en vedette pour les réalisations, qui s'est associée avec une compagnie multinationale américaine.

Quant aux entreprises de services-conseils en informatique, quatre des plus grandes firmes canadiennes sont situées au Québec. Alors, on prendra DMR, Ducros, Meilleur et Roy, qui travaille à travers le monde. J'ai eu l'occasion, il y a un an et demi, deux ans, de les rencontrer à Bruxelles, où ils inauguraient, ils ouvraient un bureau afin de fonctionner avec le Marché commun. Et on voit là l'impact que ça peut donner, parce que, lorsque cette entreprise fonctionne au niveau du Marché commun, et même des pays de l'Est, il y a des retombées québécoises, il y a des retombées canadiennes aussi. Alors, là encore, ça démontre la globalité du dossier. Et attention de ne pas nous réduire! De grâce, ne faisons pas, dans ce domaine-là, ce que nous avons fait dans d'autres domaines et avec les conséquences que nous avons pu connaître. Au Québec, on a une expertise, je le disais, qui dépasse les frontières, et c'est dans le meilleur des intérêts des Québécois.

Un autre grand domaine, au Québec, qui est très important, c'est le domaine des médias. Les médias, c'est un apport considérable à notre économie, aussi bien en termes d'emplois que de produits exportés. Là encore, on parle d'ouverture, on parle de frontières, on parle de globalisation. Plus d'une centaine d'entreprises, au Québec, oeuvrent dans le secteur des médias et génèrent 3 000 000 000 $ d'affaires. Imaginez un peu les emplois que ça peut nous donner! De plus en plus, ces entreprises vont s'associer avec des entreprises françaises. Nous sommes un pays francophone et c'est très important que nous puissions collaborer avec ce géant francophone par rapport à notre taille – nous sommes 7 000 000, ils sont 60 000 000 – qu'est la France, ceci, pour faire des arrimages très importants, mais pas forcément à leur remorque. On voit que, très souvent, nous, les Québécois, nous sommes en avant d'eux, et c'est nous qui les tirons; et c'est tant mieux pour nous encore. Ça a des retombées économiques chez nous et ça nous positionne à travers le monde. Il faut profiter, donc, de ce véhicule français pour pouvoir fonctionner nous-mêmes.

Alors, je pourrais nommer beaucoup de choses. On peut souligner, également, la création, en 1992, du Centre d'essais de conformité aux normes internationales. Cette implantation constitue une pièce importante de la stratégie gouvernementale en faveur de l'émergence des technologies de l'information. Qu'on pense à la mise sur pied du Centre d'études sur les médias. J'aurais pu continuer longtemps, Mme la Présidente, mais je comprends que j'aurai l'occasion de revenir, peut-être, pour compléter lors d'une prochaine période de cinq minutes. Merci.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Certainement. Merci. Alors, je donne la parole, pour cinq minutes, au député de l'Opposition.


M. André Boulerice

M. Boulerice: Mme la Présidente, il faut toujours en revenir à l'essentiel, c'est-à-dire les zigzags de la ministre. Elle avait déjà commencé à mettre les boîtes dans le camion de déménagement et voilà qu'elle écrit une lettre au ministre Manley où elle parle de l'inadéquation du cadre constitutionnel canadien en matière de communications. Voilà un discours qui est un argumentaire on ne peut plus souverainiste! Est-ce que la ministre ira au bout de sa propre réflexion? Et, pour ce qui est de la lettre, on y reviendra.

La ministre parle d'entente. Mme la Présidente, une entente, on y met fin quand on le veut; une entente, c'est toujours situé dans le temps. Quant au député de LaFontaine, quand il dit qu'il ne faut pas avoir une vision locale, est-ce que de regarder les intérêts spécifiques du Québec – qui est une société distincte, puisque son ancien premier ministre l'a proclamé, ici, en cette Chambre, en 1990... Est-ce que c'est local que de regarder les intérêts supérieurs du Québec? Je vais lui rappeler les paroles de la vice-première ministre: Malheur à celui dont les intérêts ne sont pas les intérêts supérieurs de la nation!

(10 h 40)

La ministre parle d'infrastructures. La seule chose qu'elle va pouvoir subventionner, c'est les poteaux puis les fils qui vont aller là-dessus. Et, puisque le député de LaFontaine parle de s'arrimer avec ce géant de la francophonie, qui est la France, son pays natal, je vais poser deux questions à la ministre: J'aimerais savoir ce qui arrive avec les dispositions de la loi 101 lorsqu'il s'agit de compagnies qui sont maintenant sous contrôle fédéral. Comment allons-nous faire appliquer la loi 101? Et, sur un autre front, est-ce qu'elle peut nous informer de ce qui arrivera dorénavant, puisque c'est le Code canadien du travail et non celui du Québec qui va s'appliquer à ces compagnies de téléphone?

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, si je comprends bien, vous ne prenez pas tout votre cinq minutes, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques?

M. Boulerice: Et j'espère...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Vous ne prenez pas tout votre cinq minutes?

M. Boulerice: Non, non, je continue, je continue. Et j'espère qu'elle va donner une réponse à ces questions, une réponse très ferme et très précise. Parce que c'est évident, évident. Tous ceux qui s'y connaissent un peu dans ce dossier, tous ceux qui y portent la moindre attention l'ont dit, l'ont écrit; on pourrait sortir bien des articles de journaux. La ministre – comme le premier ministre – dans ce dossier, s'est dégonflée. C'est la première fois, c'est la première fois qu'un ministre d'un gouvernement du Québec renonce officiellement au secteur des communications. Jamais, jamais elle n'a dit que les communications représentaient une compétence essentielle pour notre avenir. Elle qui se disait batailleuse, eh bien, je dois vous avouer que sa dernière bataille a été un Waterloo constitutionnel pour le Québec, puisqu'on n'a opposé aucune résistance.

Jamais, jamais, depuis Duplessis, on n'a pris une attitude comme celle-là: Je n'y suis plus, puis je vais me contenter de ça! Jusqu'au 26 avril, le gouvernement du Québec faisait des pieds et des mains pour préserver sa compétence dans le secteur de la téléphonie. Le gouvernement du Québec s'est rendu en Cour suprême parce qu'il croyait en sa compétence. Mais le premier ministre du Québec – puis il a imposé sa volonté à sa ministre – a oublié les aspirations profondes des Québécois en matière de communications. Et c'est elle-même qui les a rappelées en donnant chronologiquement toutes les dates de nos défaites dans le domaine des communications et notamment de la téléphonie.

Je reviens. J'ai deux questions à lui poser, en espérant qu'elle soit capable d'apporter une réponse claire, non équivoque: Qu'est-ce qui arrive avec les dispositions de la loi 101 quant aux compagnies qui sont maintenant sous contrôle fédéral? Et qu'est-ce qui arrive, maintenant, puisque, dorénavant, c'est le Code canadien du travail qui va s'appliquer et non celui du Québec? Puisque ces compagnies – je lui répète – sont maintenant... J'espère qu'elle s'en rend compte, aujourd'hui, le 13 du mois de mai 1994 – qui n'est pas sa journée chanceuse. Est-ce qu'elle va s'en rendre compte? Est-ce qu'elle va s'en rendre compte, que nous avons tout perdu? J'attends, Mme la Présidente, des réponses précises de la part de la ministre.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. Alors, Mme la ministre, pour cinq minutes.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Mme la Présidente, il est clair que les textes faits par... enfin, les textes de recherche, etc., donnés par le recherchiste – qui a très bien fait son travail, la semaine dernière, d'ailleurs – à mon critique de l'Opposition, font en sorte que tout a été fait avant le dévoilement de la lettre à Ottawa, ainsi que les articles.

Je vais vous expliquer le cheminement et pourquoi nous l'avons fait. Mais il est clair aussi que nous n'avons pas l'intention de laisser, comme on le disait dans notre lettre... Et je me cite: «Il ne saurait, en effet, être question pour le Québec de se contenter de faire le constat d'une compétence fédérale exclusive ne laissant aucune place aux autorités provinciales, alors que nul ne peut encore prédire l'ampleur de ces développements technologiques sur la vie sociale, culturelle des Québécois.» Envoyée le jour même de ma rencontre avec les compagnies de téléphone, c'est-à-dire le 4 mai 1994, à M. John Manley, à M. Massé et à M. Dupuy.

Alors, si on avait l'intention de ne rien faire en ce domaine, eh bien, on aurait fait autre chose, procédé différemment. Il y a trois volets. Il y a le volet juridique – j'en ai longuement parlé tantôt – où il est clair que cette voie, pour l'instant, nous est fermée. Je dis bien «pour l'instant», parce que, éventuellement, à moyen et à long terme, il va falloir – peut-être que nous ne serons plus là, nous, les intervenants – revoir l'ensemble du dossier. Mais, juridiquement, pour l'instant, il est clair que le dossier juridique est terminé.

Reste le dossier politique et reste le côté économique, donc l'aide économique. Au niveau politique, rien, mais rien n'est exclu, la lettre l'indique clairement. La réponse, par le biais des médias, c'est-à-dire la réponse de M. Massé à la Chambre des communes, c'était: Nous sommes ouverts à discuter. Malgré qu'il faut comprendre qu'un jugement de la Cour suprême, contrairement à ce qui s'est dit la semaine dernière, dans les médias... J'écoutais ça, et on disait qu'on avait abdiqué, parce qu'on n'avait pas contesté un jugement de la Cour suprême. Un jugement de la Cour suprême, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, ne se conteste pas, il s'applique.

Cela dit, soit, nous n'avons pas eu de grands succès, nous, au Québec, ainsi que les autres provinces, au niveau du domaine juridique et au niveau de cette volonté de participer juridiquement aux décisions, chez nous, ainsi que les autres provinces. Je veux rappeler aussi, amicalement, que le ministre des Communications de l'époque... Parce que, si je reviens en 1977, je peux aussi demander: Qu'a fait le gouvernement de l'époque pour faire face au jugement de la Cour suprême dans le domaine de la câblodistribution? Nul n'est prophète en son temps. Je vous rappelle amicalement que le ministre des Communications de l'époque, M. Louis O'Neill, sous un gouvernement du Parti québécois, répondait favorablement à une demande de négociations, tout en reconnaissant au gouvernement fédéral un rôle en ce domaine. En fait, il concluait, et je cite – on se rappelle, en 1977, on parlait aussi, en 1977, de souveraineté: «En conclusion, j'acquiesce à votre désir de négocier d'abord la câblodistribution, dont l'état du dossier commande cependant de porter le débat, dès maintenant, à un niveau politique.»

Nous faisons exactement la même chose, Mme la Présidente, nous allons amener le débat au niveau politique. La différence, Mme la Présidente, c'est que, cette fois-ci, nous n'allons pas aller à la pièce. Nous n'allons pas dire: Bon, bien, voilà: débat pour la radiodiffusion, débat pour la câblodistribution, débat pour la téléphonie. Nous allons revoir l'ensemble des télécommunications, parce que, en vertu de notre statut distinct, il n'est pas question que le fédéral statue seul sur l'ensemble des dossiers des télécommunications. C'est clairement écrit dans la lettre et c'est ce que nous allons poursuivre.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie, Mme la ministre. Alors, je donne la parole au député ministériel de LaFontaine, pour cinq minutes.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Et, dans la même veine que Mme la ministre, je crois que nous ne pouvons que répéter et rassurer les gens, les intervenants, qu'il est très important pour nous que nous soyons partie dans les définitions de ces politiques de télécommunications, particulièrement des contenus. Et je crois qu'il y a certainement, du côté du gouvernement fédéral, des ouvertures très intéressantes.

Et il est vrai... Le député lisait l'article de Mme Bissonnette, qui disait: Le premier ministre a-t-il dit qu'il verrait à être impliqué dans les décisions du gouvernement fédéral? Mais Mme Bissonnette a-t-elle communiqué avec le premier ministre, pour voir s'il n'avait pas commencé à le faire? Et je crois que les politiques de notre gouvernement sauront démontrer bientôt que, en effet, nous n'avons pas attendu qu'on nous fasse la leçon pour prendre certaines décisions qui vont nous amener dans cette direction. Car, en effet, je vois mal comment nos partenaires canadiens pourraient travailler au niveau des télécommunications et des communications, sans avoir la collaboration de joueurs importants et de partenaires incontournables comme ceux du Québec. Encore une fois, je crois qu'il faut faire attention.

Le député disait: Défendre les intérêts supérieurs du Québec. Oui. Les défendre, ça ne veut pas dire se renfermer sur soi-même; on peut défendre les intérêts du Québec en regardant vers l'avenir; c'est ce que nous faisons. Ne regardons pas l'avenir dans le rétroviseur; on a vu ce que ça a donné dans certains secteurs. Ne nous renfermons pas sur nous-mêmes. Ne soyons pas cette société frileuse que d'aucuns aimeraient avoir. C'est fini, ça; ça sent les années soixante. Nous regardons vers l'avenir: c'est l'ère des télécommunications, de la communication globale. Et on ferait notre petite politique à nous, tout seuls, comme ça, dans notre petit jardin? Mme la Présidente, je crois qu'il y a là, de la part de certaines personnes, une attitude irresponsable et qui augure mal pour l'avenir si, par hasard, ces gens-là étaient en décision un jour. Oui, en effet, nous devons défendre les intérêts du Québec; oui, nous devons les défendre. Pas les défendre pour le plaisir: parce que c'est important que nous soyons là.

(10 h 50)

Mais je pense que c'est compris au gouvernement fédéral, c'est compris dans les autres provinces. Nous avons avec ces gens-là aussi des communications qui sont du même accord que nous autres. Et on verra, dans les prochaines semaines – si ce n'est dans les prochains mois – quels auront été les résultats, les actions qui seront prises.

Ah! De grâce, arrêtons de crier, arrêtons de pourfendre des choses qui n'existent pas sur la place publique! Ne serait-ce... à moins que ce soit pour se faire du capital politique ou de la petite politicaillerie, au lieu de défendre vraiment les intérêts supérieurs du Québec qui sont d'établir une politique de communications efficace, moderne, qui regarde vers l'avenir, qui permettra aux entreprises québécoises de se développer et au Québec d'être présent partout sur la place internationale. Et, je le disais dans mon intervention précédente, nous sommes partout! Quatre des cinq plus grosses compagnies de génie-conseil en informatique, en logiciels, sont chez nous: Softimage, c'est chez nous; Vidéotron, c'est chez nous.

Mme Frulla: Téléglobe.

M. Gobé: Téléglobe – merci, Mme la ministre, qui me le rappelle. On pourrait en citer longuement. Je pense que l'inventaire, qui n'est pas exhaustif, en comporte quand même beaucoup d'autres. Alors, le gouvernement a fait beaucoup de choses pour ça.

La Caisse de dépôt, M. le Président. Par l'intermédiaire de la Caisse de dépôt, eh bien, nous avons investi près de 1 100 000 000 $ en actions, en aide. Ça permet aux entreprises de se développer; ça leur permet de faire des joint ventures avec d'autres entreprises internationales, ce qui, lorsque la Caisse investit chez nous, dans ces entreprises, leur permet, sur le marché boursier, d'avoir des arrimages. Et c'est bien comme ça, c'est comme ça qu'il faut aller. Alors, c'est des actions à long terme, ça, des actions qui font en sorte de renforcer la base de nos entreprises de télécommunications.

Les fonds du gouvernement. Oui, comme gouvernement, nous avons mis plus de 120 000 000 $, depuis 1989, par le Fonds de développement technologique, dans le développement du secteur des technologies. C'est là un effort important. C'est un effort qui démontre l'intérêt du gouvernement et du ministre des Communications pour développer ce secteur-là. La création d'Innovatech. Il y a un fonds de 300 000 000 $ à l'innovation technologique pour le Grand Montréal; et, avec la création d'Innovatech Québec et Chaudière-Appalaches, 60 000 000 $.

Recherche et développement. Nous avons, depuis plusieurs années, diverses mesures fiscales et les programmes d'aide les plus avantageux pour inciter les entreprises à investir, pour faire de la recherche et du développement en communications. D'ailleurs, le régime québécois d'aide et d'incitatifs fiscaux pour la R-D est un des plus compétitifs dans le monde industrialisé. Certains pays pourraient prendre exemple sur nous. Et on nous dit que, non, nous allons arrêter de jouer sur la scène internationale, arrêter de développer ce secteur-là après tous les efforts que nous avons faits? Ne mettons pas cette dimension à des vaines querelles constitutionnelles ou des querelles juridiques. Il y a des voies dans lesquelles nous allons pouvoir nous entendre, parce que nous sommes un joueur important, nous sommes un des partenaires incontournables dans ce domaine-là. Et les autres partenaires et intervenants n'ont d'autre choix que de travailler avec nous parce que, eux aussi, ils veulent le bien commun de tout le monde et ils veulent le développement de ce secteur très important pour l'avenir des communications du Québec et des Canadiens.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie, M. le député. Alors, je passe la parole au député de l'Opposition, pour cinq minutes.


M. André Boulerice

M. Boulerice: Mme la Présidente, je m'excuse, je ne veux pas porter plus d'attention aux propos du député de LaFontaine. Je pense que ses propos ne méritent pas trop d'égards. S'il considère que ce sont de vaines querelles constitutionnelles que de se battre pour un secteur aussi stratégique pour le Québec que sont les télécommunications, la téléphonie, etc., à ce moment-là, moi, je dis qu'il souffre tout simplement d'un passéisme trudeauiste dans lequel il se complaît et continue de se complaire.

Mais vous aurez été témoin avec moi, Mme la Présidente, que la ministre n'a pas voulu et s'est refusé à répondre à deux questions bien précises et d'importance au Québec: Qu'est-ce qui arrive avec les dispositions de la loi 101, pour ce qui est de ces compagnies? Et qu'est-ce qui arrive pour ce qui est du régime de travail: Code canadien ou Code québécois? La ministre, Mme la Présidente, s'est refusé à répondre à ces deux questions essentielles.

Le 27 avril dernier... Parenthèse: il y a eu un grand flou entre le 27 et le 4, et la nature a horreur du vide. Pourquoi la lettre n'est pas sortie? Pourquoi la ministre, au moment où mon collègue, le député de Gouin, l'interrogeait, n'a-t-elle pas déposé cette lettre? L'a-t-elle écrite un petit peu plus tard, etc.? Remarquez que la fuite, c'est évident, a été bien organisée; on l'a fait fuir via Ottawa. C'était le meilleur moyen d'essayer de se couvrir. Mais, le 27 avril dernier, la ministre annonçait que le Québec devait faire front commun avec les autres provinces pour conserver un droit de regard sur la téléphonie. La ministre levait l'ost, les bannières étaient dressées et on allait marcher sur Ottawa. Il y a une discussion à faire sur le document de 1990. La ministre a-t-elle parlé avec ses homologues provinciaux afin de vérifier l'existence d'un front commun avec les autres provinces?

Le jugement à la Cour suprême dans le dossier Guèvremont a acculé le Québec au pied du mur constitutionnel en matière de communications. Après la reddition on ne peut plus capitularde du premier ministre, les Québécois ont hâte de savoir. Parce que, en politique, il ne faut pas attendre l'appel des journalistes, il faut qu'un premier ministre s'exprime. Qu'est-ce que la ministre fera pour s'assurer que le Québec continue d'exercer, sur son territoire, sa compétence en matière de communications, compétence essentielle à notre survivance comme peuple, à notre épanouissement culturel, à notre développement économique?

Et la troisième question – en souhaitant que, cette fois-ci, elle soit capable de répondre ou qu'elle veuille bien répondre – la ministre veut une dérogation législative: Est-ce qu'elle peut nous dire quand cela s'est fait, pour la dernière fois, entre Ottawa et Québec? Et en lui rappelant que, si les jugements de la Cour suprême, ça ne peut pas se contester, il y a des contestations politiques qui peuvent se faire de la part d'un gouvernement. Bang! Et l'échéancier constitutionnel dans le secteur des communications, est-ce que la ministre peut nous en faire état? Est-ce que son échéancier coïncide avec l'échéancier électoral? Là, je m'inquiète, parce qu'elle nous annonçait très candidement, tantôt, sa venue prochaine à l'Opposition comme députée de Marguerite-Bourgeoys. C'est bien ce qu'on a entendu tantôt.

Alors, trois questions: Quel est l'échéancier constitutionnel? Est-ce qu'il coïncide avec l'échéancier électoral? La ministre veut une dérogation législative. Est-ce qu'elle peut nous dire quand cela s'est fait, la dernière fois, entre Ottawa et Québec? Parce que, à venir jusqu'à date, tout ce qu'on entend, c'est de la poudre aux yeux.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Ça va, M. le député?

M. Boulerice: Ça va, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, je cède la parole à Mme la ministre, pour cinq minutes.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Mme la Présidente, d'entrée de jeu, il ne faudrait pas prendre, quand même, ses rêves pour des réalités. Quand j'ai dit: Nous ne serons plus là, j'ai bien dit: «Nous» ne serons plus là. Et je peux d'ores et déjà annoncer ici, en primeur, que je ne ferai pas de la politique jusqu'à temps que je meure.

Cela dit, Mme la Présidente, dès la présentation du projet de loi C-62 sur les télécommunications, on se rappelle, le gouvernement du Québec avait, par son ministre des Communications, à l'époque – ce n'était pas moi – M. Lawrence Cannon, fait part de ses réserves au gouvernement fédéral face au projet de loi. Et ce n'est pas sans réticence non plus que le gouvernement québécois voyait adopter ce projet de loi. M. Cannon sensibilisait alors le gouvernement fédéral au fait que, et je cite: Les technologies de l'information et des télécommunications constituent un instrument de développement économique et un véhicule culturel importants parce qu'elles occupent une place de plus en plus grande dans l'univers du travail et à la maison aussi. La position particulière du Québec dans le contexte nord-américain suppose une recherche constante de solutions nouvelles pour assurer aux utilisateurs francophones un choix de services, d'instruments et de logiciels. De là l'absolue nécessité, pour le Québec, d'assumer un leadership déterminant dans le monde des télécommunications.

Certaines assurances avaient alors été données au Québec. Et ce que je demande, maintenant, au gouvernement fédéral, c'est de passer aux actes. Et c'est dans cette optique que j'ai l'intention d'utiliser au maximum les outils prévus à la loi fédérale quant à l'implication du Québec dans le domaine des télécommunications. C'est pour moi la première étape d'une démarche en plusieurs temps.

(11 heures)

De façon plus générale, la loi fédérale sur les télécommunications prévoit – et, ça, c'est unique – des mesures transitoires. Ainsi, le gouverneur en conseil pourra donner des instructions au CRTC, après consultation de ce dernier, concernant la réglementation de chacune des entreprises québécoises qui sont devenues de compétence fédérale. Ces instructions pourront être valables pour un maximum de cinq ans suivant le 25 octobre 1993, date de l'entrée en vigueur de cet article 75, soit jusqu'au 25 octobre 1998. Je demande également au gouvernement fédéral des instructions afin que la réglementation régissant actuellement les entreprises québécoises continue de s'appliquer. Je réponds ainsi en partie aux questions du député de l'Opposition.

En ce qui concerne les accords d'interconnexion des entreprises de télécommunications, les limitations de responsabilités de l'entreprise en matière de services de télécommunications, de même que l'emplacement des lignes de transmission, la loi fédérale prévoit déjà une présomption à l'effet que les gestes posés conformément au droit provincial sont réputés avoir fait l'objet d'une approbation au CRTC. Nous sommes les premiers à tester les mécanismes de cette loi et la volonté politique du gouvernement fédéral de faire une place aux provinces quant à son application.

J'ai indiqué au gouvernement fédéral une voie qui m'apparaît intéressante: il s'agit d'une délégation de pouvoirs, par voie législative, à un organisme québécois. D'ailleurs, en matière de transports, par exemple – vous me posez des questions, je vous réponds – il existe déjà de telles délégations. La loi concernant les transports routiers effectués par des entreprises extraprovinciales prévoit que la licence d'exploitation d'une entreprise extraprovinciale de transport par autocar est délivrée par l'office provincial, aux mêmes conditions et selon les mêmes modalités que s'il s'agissait d'une entreprise locale. Donc, ça se fait. De plus, c'est l'office provincial qui détermine et régit les tarifs applicables à ce type de transport, aux mêmes conditions et selon les mêmes modalités que s'il s'agissait de transport local. Pareille délégation en matière de télécommunications m'apparaît donc, Mme la Présidente, comme une des solutions possibles.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie, Mme la ministre. Alors, j'aimerais donner la parole au député ministériel de LaFontaine, pour cinq minutes.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Suite à ces mises au point, Mme la ministre, j'aimerais peut-être toucher... Parce que je pense qu'on cherche la querelle, ici, alors qu'on est peut-être là pour informer les gens ou éclairer les gens sur nos politiques concrètes, positives. Moi, j'aimerais aborder, Mme la Présidente, certainement un domaine concret, qui intéresse tous les gens, tous les citoyens actuellement, un domaine qui touche l'international et qui va démontrer, encore une fois, qu'on ne peut pas vivre dans notre petit carré de sable tous ensemble, en se fermant les yeux sur ce qui se passe autour du monde: l'autoroute électronique. L'autoroute de l'information, ce n'est pas une autoroute, Mme la Présidente, en béton, en asphalte, en macadam, pour se rendre de Montréal à Mont-Laurier. C'est la voie de l'avenir des télécommunications, de la gestion, de l'administration des gouvernements et de la vie de tous les citoyens.

Savez-vous, Mme la Présidente, qu'un jour on pourra, à partir de chez nous, obtenir un extrait de naissance directement sur un petit ordinateur? Nous pourrons communiquer avec la bibliothèque du Vatican, avec celle de Paris, pour faire sortir des ouvrages. Je vois le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques qui rit. Je comprends, Mme la Présidente: il ramène tout à son petit carré de sable ici. Il faut que les Québécois aient une vision globale, une vision qui regarde par-dessus les frontières. C'est le seul moyen par lequel, comme peuple, nous allons survivre. La survivance du peuple québécois dans la francophonie passe par-dessus les frontière, pas par l'isolement, et se fermer les yeux sur l'interrelation internationale des télécommunications et notre interdépendance internationale dans le domaine des télécommunications, c'est aller vers l'isolement.

Le président de la République française, le premier ministre, M. Balladur, et le premier ministre, Daniel Johnson, lors d'une rencontre, ont convenu que nous irions nous arrimer avec la France pour faire une autoroute électronique francophone, et c'est là un des exemples importants qui démontre que nous sommes obligés, que nous n'avons d'autre choix, si nous voulons être un des joueurs internationaux, un des joueurs importants dans le monde, que de collaborer et de travailler avec les autres. Et, depuis ce temps-là, bien, je dois vous dire qu'il y a un plan d'action qui est en train de se faire, qui est en train de se monter. Mme la ministre de la Culture et des Communications ainsi que le ministre de l'Industrie et du Commerce, Gérald Tremblay, ont formé un comité. Ils sont en train de préparer, avec leur groupe de travail, une politique et des orientations.

Hier, dans le budget, le premier ministre annonçait 50 000 000 $ pour l'autoroute électronique – en voilà, du concret – 50 000 000 $ qui vont nous permettre, justement, de prendre notre place dans ce grand ensemble de télécommunications internationales. Et croyez-moi que, si nous manquions ce rendez-vous, un jour peut-être nous aurions amèrement à nous en repentir parce que nous serions en dehors des grands mouvements, en dehors des grands canaux de communications et de l'acquisition du savoir. Et, en effet, comment voulez-vous que nous puissions oeuvrer dans les télécommunications en nous isolant?

Maintenant, il y a d'autres domaines aussi où le Québec joue un rôle important, dans la coproduction, par exemple. Les budgets affectés à la coproduction franco-québécoise sont passés de 71 000 000 $ en 1988 à 142 000 000 $ en 1992. C'est un effort important pour mettre les Québécois sur la scène internationale, sur la scène mondiale. Encore une fois, on ne reste pas dans notre cour. On sort, on va à l'extérieur, on n'est pas frileux, on n'a pas peur. La France, Mme la Présidente, c'est notre premier partenaire, au Québec, en matière de coproduction: 90 % de nos coproductions sont faites avec la France. C'est là une des réalisations du gouvernement. Télécommunications, communications, francophonie, culture: tout est interrelié. On oeuvre là-dedans, on avance et on fait des choses.

Alors, arrêtons de pleurer et de nous dire: Il n'y a rien qui se passe, on est brimés, on n'avance pas. Ce n'est pas vrai. Il y a des choses à faire; il y a des choses à changer. Il y a des ententes à faire, c'est vrai, mais nous sommes là pour ça. Nous avons été élus pour ça, les politiciens. Et le passé est garant de l'avenir. On regarde toutes ces actions qui ont été formées par le gouvernement, par Mme la ministre, et on se rend compte que, lorsqu'un dossier est pris en charge par elle et par notre gouvernement, il se rend généralement assez bien à terme. Il suffit de voir la politique culturelle qui a été amenée par Mme la ministre.

On a aussi des exemples stratégiques qui ont été conclus avec la France. On regarde les diffuseurs comme TF1, Antenne 2, Canal +, Canal J, toutes ces coproductions qui nous permettent d'être là-bas. Je voyais M. Rozon dernièrement qui avait, dans le domaine des télécommunications, obtenu un succès important pour une émission à la télévision française. C'est un Québécois. Mon collègue de Sainte-Marie–Saint-Jacques nous parle de l'émission Juste pour rire. C'est vrai. Ça crée des emplois et ça met les Québécois à l'international et, moi, ça ne me fait pas rire: ça me fait plaisir, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. J'en suis heureux parce que, chaque fois qu'un Québécois est à l'extérieur, chaque fois qu'on fait des actions internationales qui nous rapportent quelque chose ici, au Québec, c'est bon pour les gens, c'est bon pour l'emploi et ça fait travailler du monde, et c'est ça, notre but, c'est ça, le rôle d'un gouvernement. Pas faire des vaines querelles, et je le répète encore une fois, sur des arguties juridiques.

Et, s'il y a des problèmes juridiques, constitutionnels qui nous empêchent ou qui nous nuisent pour accéder à ce développement, travaillons pour les régler. Travaillons pour les niveler, pour faire en sorte que nous n'ayons pas d'embâcle et pas de situations qui font en sorte d'empêcher nos Québécois et nos Québécoises d'entreprises de s'établir sur les marchés internationaux dans le domaine des communications et télécommunications.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, M. le député. Alors, je passe la parole au député de l'Opposition, pour cinq minutes.


M. André Boulerice

M. Boulerice: Oui, Mme la Présidente. Je m'explique. J'ai ri lorsque le député de LaFontaine a parlé du Vatican: dans mon cas, je n'ai pas besoin d'ordinateur pour avoir accès au Vatican.

La ministre, encore une fois, Mme la Présidente, se refuse de répondre aux questions que je lui pose. La ministre a-t-elle parlé avec ses homologues provinciaux afin de vérifier l'existence d'un front commun avec les autres provinces? La ministre n'a pas répondu à cette question, comme elle n'a pas répondu à la question sur la loi 101, comme elle n'a pas répondu à la question sur le Code canadien du travail ou le Code du travail québécois. Et la ministre, Mme la Présidente – je suis navré de le dire, mais, que voulez-vous, l'évidence m'y force – est naïve et elle a perdu toute notion de l'histoire constitutionnelle de ce pays.

Elle demande une dérogation législative: est-ce qu'elle a, dans le domaine des communications, évalué le pourcentage de ses chances? Est-ce qu'elle a évalué le pourcentage de ses chances, elle qui a fait l'historique si bien établi, tantôt, des défaites québécoises dans le domaine des communications? Quel est le pourcentage de réussite qu'elle se donne, la ministre, à ce niveau-là? Quel est le pourcentage? La ministre de la Culture et de l'absence de Communications – parce que ça n'existe plus – ne va pas convenir qu'un amendement constitutionnel ou un éventuel amendement législatif est un exercice périlleux pour récupérer quelques miettes de pouvoir en matière de communications. J'aimerais bien qu'elle nous dise, par la dérogation législative, quelles sont les petites miettes, les grenailles qu'elle s'attend à ramasser de la table fédérale. J'aimerais bien qu'elle nous le dise.

(11 h 10)

J'aimerais parler de la loi C-62, la loi fédérale des télécommunications. La ministre peut-elle nous dire, en espérant qu'elle ait réponse, les représentations qu'elle a faites sur l'article 75 de la loi C-62, article qui permet le transfert de la juridiction provinciale au CRTC? Je suis en train de me demander si on ne va pas donner raison à Daniel Latouche, qui disait que la ministre pourrait n'être aussi que de la frime et qu'elle tenait peut-être en privé un discours bien différent de celui qu'elle aimait bien proclamer sur la place publique? Je le cite: Et puis je me suis mis à avoir peur. Et si, dans 10 ans, il se trouve un autre Jean-François Lisée pour découvrir que Liza Frulla n'était, elle aussi, que de la frime et qu'elle tenait en privé un discours bien différent de celui qu'elle aimait bien proclamer sur la place publique. À ce qu'il semble, le gouvernement fédéral s'attendait à une telle décision et avait même prévu l'encadrement législatif pour accueillir les orphelins du Québec, c'est-à-dire également que la ministre le savait elle aussi. Point d'interrogation. La question se pose.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): M. le député.

M. Boulerice: Oui. Quant à la Régie des télécommunications, puisqu'on en parlait, beaucoup de questions à la ministre, mais peu de réponses, je présume. Il y a une trentaine d'employés: quatre cadres; sept professionnels; sept ingénieurs; 12 fonctionnaires. Qu'est-ce qu'elle va en faire? Qu'est-ce qu'elle va en faire? J'ai déjà beaucoup de questions pour elle, alors on va lui laisser le temps d'y répondre.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci de votre générosité. Mme la ministre, pour cinq minutes.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, Mme la Présidente. On m'a traitée de beaucoup de choses, mais on ne m'a jamais traitée de naïve; c'est la première fois. Je prends ça comme un compliment. La naïveté, en fait, donne à quelqu'un une certaine fraîcheur, mais aussi une certaine vision des choses qui n'est pas basée sur une vision passéiste de certains secteurs et même aussi de l'évolution du Québec. Si je suis naïve et que «naïve» veut dire essayer de trouver aussi des solutions créatrices, différentes, faire confiance aussi à certains intervenants jusqu'à ce qu'ils me prouvent que je ne dois pas leur faire confiance, bien, soit, Mme la Présidente, je suis naïve et je suis fière de l'être. Cela dit, je vois aussi que le député est à court d'arguments, puisqu'il tombe un peu dans les attaques personnelles. Je pense que le secteur est trop important pour que l'on fasse ce genre de discussion, que je ne relèverai pas.

Mme la Présidente, je tiens aussi à vous dire que, en ce qui concerne notre démarche, elle était très structurée et aussi très stratégique. Le jugement de la Cour suprême que nous devons appliquer a été dévoilé, si on veut, ou, enfin, rendu sur le banc même, immédiatement. Donc, première réaction: comme j'ai dit, mes collaborateurs étudiaient le jugement avec leurs collaborateurs au niveau du ministère de la Justice, au niveau du ministère des Affaires intergouvernementales, pour voir l'impact de ce jugement. Première chose.

Deuxièmement, est-ce qu'on a communiqué avec les provinces? Mes collaborateurs ont communiqué avec divers intervenants des autres provinces. Leur situation, elle est différente de la nôtre. Notre position, qui a toujours été la même, c'est de dire que nous avons, en plus d'un soutien économique pour nos entreprises qu'on peut faire sans législation, en fait, on ne le fait qu'avec de l'argent... Je reviendrai au budget, d'ailleurs, parce que ce n'est pas un hasard qu'on ait une provision de 50 000 000 $ pour l'autoroute électronique dans un budget. Croyez-moi, ce n'est pas un hasard.

Cela dit, au niveau de la législation et au niveau politique, il fallait aussi savoir et déterminer une certaine stratégie. Est-ce qu'on a parlé aux autres provinces, effectivement? Oui. Et leur condition et leur situation est différente de la nôtre. Je prône, au gouvernement fédéral, notre vouloir de pouvoir, si on veut, intervenir dans ce grand domaine des télécommunications, tout simplement parce que nous avons, d'abord et avant tout, une culture qui est distincte et unique en Amérique du Nord. De là notre revendication, qui est légitime, puisque même M. Massé a dit, en fait, par la Chambre des communes, qu'ils étaient prêts maintenant à s'asseoir avec nous. J'attends sa réponse écrite et formelle de s'asseoir avec nous et de commencer à regarder le dossier dans son ensemble et je dois donner à mes interlocuteurs, qui sont très différents de ceux que j'avais à l'époque... Moi, à mon époque, c'était M. Masse qui avait retiré, je me souviens, la loi sur les télécommunications. Quand j'avais fait le tour des provinces, j'avais fait quand même un tabac assez spécial, assez spectaculaire même, je dirais, de telle sorte qu'il ne l'avait pas déposée. M. Beatty, ç'a été différent. L'intervenant, M. Cannon, a réagi aussi – je l'expliquais tantôt – à ce dépôt de loi.

Maintenant, cela dit, j'ai voulu aussi, par respect pour les compagnies de téléphone, les rencontrer auparavant, puisque c'était elles qui étaient directement visées par le jugement de la Cour suprême. Il faut aussi dire, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, que 85 % du territoire québécois était déjà contrôlé par Bell Canada, qui, elle, est déjà sous loi fédérale. On ne peut pas dire, quand même, qu'en matière de téléphonie on est mal servi, là. Il faut quand même mettre les choses dans leur propre perspective. Donc, nos compagnies de téléphone, qui sont directement visées par le jugement de la Cour fédérale, ont eu un sursaut et se disent maintenant: Qu'est-ce qu'on fait? Mme la ministre, voulez-vous nous aider? Il y a des dispositions transitoires dans la loi des télécommunications, ce qui est un fait exceptionnel, et ils nous ont demandé spécifiquement de dire: Est-ce qu'on peut appliquer les dispositions transitoires, de telle sorte que... Nous ne voulons pas être pris, parce que nous avons des services à donner, dans une bataille politique. Pourriez-vous régler le juridique d'abord? Donnez-nous quelques jours. Et, ensuite, allez-y au niveau politique. C'est ce que j'ai fait, par respect pour nos entreprises, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Je vous remercie, Mme la ministre. Alors, je passe la parole au député ministériel, le député de LaFontaine, pour cinq minutes.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, Mme la Présidente. J'aimerais peut-être maintenant faire part un peu des orientations de notre ministère en ce qui concerne ce domaine important des communications. Et je rappellerai que le gouvernement que je représente, notre gouvernement, a toujours posé des gestes concrets, très importants – et je le mentionnais auparavant – en faveur de l'émergence d'une industrie des communications forte et prospère. Qu'importent les périodes, qu'importent les personnes, depuis neuf ans que nous sommes au gouvernement bientôt, je veux dire que chacun des ministres qui a été là a posé des gestes importants, pour qu'aujourd'hui nous soyons en position de relever ce défi de l'internationalisation des télécommunications et d'y avoir notre place parce que nous avons compris depuis très longtemps les enjeux que cela pouvait représenter.

Et, moi-même, Mme la Présidente, j'ai eu l'occasion souvent d'en discuter avec ma collègue, mais aussi, à l'occasion, avec d'autres collègues de l'Opposition, lors de commissions parlementaires. Je me souviens d'avoir parlé de téléphonie à l'époque où les gens découvraient qu'on pouvait appeler de Montréal à Toronto, en passant par les États-Unis. Parce qu'on peut maintenant louer une ligne téléphonique en partie américaine, qui se raccorde à Toronto et qui est moins chère que celle qui est liée directement à Toronto. C'était, à l'époque, une des révolutions technologiques qui surprenait les gens. Et, déjà à cette époque-là, ça nous ouvrait l'esprit, ça nous interpellait pour commencer à s'asseoir, à discuter et à regarder ce qui était pour se passer comme révolution, comme changement dans les technologies des télécommunications.

Alors, nous avons toujours favorisé la couverture maximale et optimale du territoire québécois, en garantissant un accès équitable aux citoyens dans toutes les régions du Québec. Il suffit de voir les compagnies de téléphonie, le câble en particulier, pour voir jusqu'à quel point cela a été vrai. Pour stimuler l'exploitation de nos produits, notre gouvernement a joué un rôle majeur dans la diffusion d'information concernant les différents marchés, facilitant l'assouplissement des conditions facilitant les liens d'affaires et les alliances stratégiques.

(11 h 20)

Nous appuyons aussi les mesures qui soutiennent les secteurs des communications qui ont une incidence culturelle marquée, ici comme ailleurs, particulièrement le développement des médias québécois, les médias de toutes sortes, les médias de communications et de télécommunications. Ils peuvent être écrits, à l'occasion. Et on se rappellera – M. le député lisait un éditorial de Mme Bissonnette dans Le Devoir – l'action du gouvernement pour supporter Le Devoir dans sa restructuration financière et administrative. Et je trouve cela très bien. Ça fait partie, en effet, de nos responsabilités, de voir à ce que, comme société francophone, nous ayons le maximum de support envers nos médias afin qu'ils puissent continuer à faire valoir les opinions des gens, qu'elles soient diverses, d'un bord ou de l'autre bord, mais toujours constructives pour notre société. C'est comme ça que ça doit être vu. Et je trouve que c'était là certainement une bonne action et une bonne décision, de répondre à la demande de Mme Bissonnette – Lise Bissonnette, pour la nommer – d'une collaboration de l'industrie du milieu et supportée par le gouvernement pour aider à restructurer son journal qui, à l'époque, devait se restructurer au niveau des télécommunications modernes. D'ailleurs, je sais qu'il y avait des systèmes informatiques et de communications qui devaient entrer et qui coûtaient extrêmement cher. Et c'est bien, comme ça. Et, voyez-vous, ça fait partie des intérêts du Québec, ça aussi; ça fait partie de notre rayonnement culturel par les télécommunications. Tout à l'heure, avec l'autoroute électronique, on pourra lire Le Devoir à partir de Paris, juste en pitonnant sur un ordinateur. Bien, c'est ça, Mme la Présidente, des interventions.

Pour assurer le développement technologique des communications, nous avons soutenu des initiatives de recherche et développement, des projets concrets d'innovation, de formation et de convergence des services. Je parlais de Ducros, Meilleur et Roy. Bien, s'il y en a qui le savent, c'est bien eux, qui sont un «success story» au niveau de l'informatique. Qui dit informatique aujourd'hui dit communications. Tout est numérique. Alors, je pense que nous n'avons pas, dans ce domaine-là, de leçons à recevoir. Il y a des choses à faire, et certainement nous sommes là pour les faire. Tout n'a pas été fait. Il y a des choses qui auraient dû être faites qui peut-être n'ont pas encore été réalisées. Il y a des améliorations à faire, des réglementations à faire changer, des coopérations à établir. Bon, bien, pourquoi pas? Les politiciens sont élus pour avoir des visions d'avenir.

Quelqu'un me parlait tout à l'heure de M. Copernic, qui disait que la terre était ronde et, à l'époque, on a dit: Il est fou. Lorsque la ministre nous parle de communications internationales, de globalisation des marchés, bien, peut-être que certaines personnes devraient faire attention de ne pas répéter l'erreur qui a été faite avec M. Copernic. Je pense que c'est faire preuve de responsabilité et de remplir sa mission que de regarder partout où les Québécois, en termes de télécommunications, peuvent rayonner et doivent s'établir. Ce n'est pas faire preuve de naïveté que d'avoir des idées, que d'avoir des projections, au contraire. Je pense que, si elle n'en avait pas, on lui reprocherait, on dirait qu'elle n'a pas d'imagination, qu'elle est là simplement pour administrer un service administratif. Ce n'est pas vrai: elle a de l'imagination, elle a des idées, elle y croit. Et, si c'est ça, la naïveté, bien, tant mieux. Mais, moi, je crois que c'est plutôt de la vision vers l'avenir et de la défense des intérêts des Québécois.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, M. le député. Alors, je cède la parole au député de l'Opposition, pour cinq minutes.


M. André Boulerice

M. Boulerice: Mme la Présidente, pour la sixième fois consécutive, la ministre n'a pas voulu ou n'a pas répondu à la question que je lui ai posée. Elle veut une dérogation législative. De quel pouvoir va-t-elle se contenter, dans sa naïveté dont elle se drape? Quels sont-ils? Qu'elle nous les donne. Je lui pose la question, une des six questions pour lesquelles elle n'a pas voulu répondre. Et là je crois que la population du Québec est en droit d'avoir des réponses. La ministre va-t-elle jouer le même jeu? refuser de répondre?

Qu'est-ce qui arrive avec la Régie des télécommunications du Québec? Quelles seront les responsabilités précises de la Régie pendant le transfert des compétences vers le CRTC? Parce que, pour la première fois de l'histoire, la ministre québécoise des Communications devient une espèce de clan Panneton, c'est-à-dire va s'occuper elle-même du déménagement, du transfert à Ottawa d'un pouvoir qui était détenu par elle. Alors, quelles seront les responsabilités précises de la Régie pendant le transfert des compétences vers le CRTC, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes? Qu'arrivera-t-il de la Régie? Quel est l'avenir de la Régie? La ministre compte-t-elle déposer une loi afin de dissoudre la Régie? Qu'arrivera-t-il aux employés de la Régie? Et la ministre peut-elle nous dire quelles sont ses intentions quant à l'article 20.1 de la Loi sur la Société de radio-télévision du Québec? Et je vais lui lire, étant donné qu'il se peut qu'elle l'ait oublié, dans son empressement à se soumettre: «La Société doit soumettre à la Régie des télécommunications l'ensemble de sa programmation éducative conformément à la Loi sur la programmation éducative (chapitre P-30.1).» C'est là.

Alors, voici d'autres questions que je lui pose, et elle doit quand même admettre qu'il s'agit là d'un outil important que nous avions et que nous n'aurons plus. Nous ne l'aurons plus.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Si je comprends bien, vous avez terminé.

M. Boulerice: Bien, je lui donne tout le temps possible pour répondre, mais, comme elle ne semble pas vouloir, je lui donne encore une chance.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, Mme la ministre, pour cinq minutes.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, Mme la Présidente. Alors, si je suis naïve, mon collègue, que j'aime bien d'ailleurs, est sourd. J'aime mieux être naïve que sourde. Parce que j'ai répondu aux questions, à savoir quelles sont les dérogations; j'ai parlé de la clause transitoire de la loi sur les télécommunications; j'ai parlé de ce pourquoi nous ne voulions pas que nos compagnies... Parce qu'elles nous l'ont demandé... et avec raison, à cause de la nature même des services de ces compagnies de téléphone, des services aux abonnés... pourquoi elles ne voulaient pas – et elles se sont expliquées clairement – être ou faire partie d'un débat qui est politique, sachant que, au niveau légal, bien, il y a un jugement de la Cour suprême qui nous oblige à appliquer la loi sur les télécommunications, donc nous oblige à appliquer la clause transitoire.

J'aurais le goût, par exemple, avant de parler de la Régie – parce qu'il y a un éloge, quand même, à faire au niveau de la Régie, qui nous a effectivement très bien servis – de demander au député de l'Opposition: Où étiez-vous lorsque vous avez perdu la réglementation au niveau de la câblodistribution? Où étiez-vous, en 1981, lorsqu'il semblait que vous aviez fait une entente avec le fédéral, vous, un gouvernement qui prônait, finalement, et qui prône encore la souveraineté du Québec? Est-ce qu'il est mieux de considérer – comme M. Parizeau disait aussi – un partage à deux des pouvoirs en termes de télécommunications, puisque, comme le député de LaFontaine, mon adjoint parlementaire, le disait aussi, tout se passe au niveau de la planète? Alors, où étiez-vous, vous qui prêchez maintenant? On n'est jamais prophète dans sa propre situation, il semble bien, donc peut-être que nous avons raison et peut-être encore que notre stratégie est celle qu'il faut prendre, en disant toujours que, au niveau politique, écoutez-moi bien, il n'y a rien d'exclu, rien d'exclu, et nous ne laisserons pas Ottawa évacuer le Québec dans le champ des télécommunications. Je me suis battue contre la loi sur les télécommunications en 1990. Croyez-moi, nous allons négocier tout en nous disant que, à moyen terme ou à court terme, même au niveau constitutionnel, nous allons être obligés de revoir l'ensemble du dossier. Comme je vous le dis, je ne mourrai pas en politique, mais ce sera quand même un héritage que je laisserai dans mes documents.

Cela dit, je veux souligner le fait que le gouvernement considère que la Régie des télécommunications du Québec s'est très bien acquittée de ses mandats au cours des dernières années et que les entreprises qu'elle réglementait m'ont très majoritairement exprimé leur satisfaction à cet égard. Évidemment, il faut faire un cas d'exception de l'entreprise Guèvremont. La Régie a su utiliser les leviers qu'elle possédait pour exercer aussi au mieux de ses compétences. Ce qu'elle a fait, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent? Elle a notamment mis l'emphase sur le dégroupement rural, en conséquence de quoi la grande majorité des abonnés – oui, vous – jouissent maintenant du service de ligne individuelle. La Régie a également fait preuve de beaucoup de souplesse dans le traitement des dossiers de service régional. Les abonnés jouissent donc habituellement de zones d'appels sans frais qui répondent aux besoins réels des communautés concernées. La Régie a également réussi à créer des conditions favorables aux investissements. Grâce à cette attitude, les entreprises québécoises, même petites, sont dotées de réseaux généralement très modernes, dont nous pouvons être fiers et, surtout, qui permettent le déploiement de nouveaux services essentiels pour nos industries et très prometteurs en ce qui a trait à l'amélioration de la qualité de vie des citoyens.

De plus, ces investissements et une saine gestion ont permis de maintenir des niveaux de tarifs comparables aux standards de l'industrie, et ce, malgré le fait que les territoires que ces entreprises desservent sont situés en périphérie et ne comptent pas sur les grands centres urbains plus lucratifs par la concentration des usagers intensifs de télécommunications, puisque ces grands centres urbains, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, sont largement contrôlés par Bell Canada.

(11 h 30)

La Régie a également eu comme attitude générale de se rapprocher des entreprises qu'elle réglemente et aussi de leurs abonnés. Elle a tenu des audiences en région sur une base systématique et, fait à souligner, a été très efficace en ce qui a trait à la rapidité avec laquelle elle rendait ses décisions. La refonte de la loi que nous avons faite en 1988 et qui créait la nouvelle Régie en ce sens a donné des fruits.

Souplesse d'action, efficacité et proximité avec les entreprises et les abonnés étaient recherchées par le gouvernement à ce moment. Le récent jugement de la Cour suprême du 26 avril dernier modifie cependant l'ordre des choses et nous confronte à une réalité que nous ne pouvons nier. Cette situation, comme je l'ai constaté lors de ma rencontre du 4 mai avec les entreprises, crée beaucoup d'insécurité et d'inquiétude chez ces dernières. C'est en tenant compte de l'ensemble de cette situation et de façon à éviter des impacts négatifs aux entreprises et aux abonnés québécois que j'ai contacté certains ministres fédéraux immédiatement après ma rencontre avec les entreprises. Merci, madame.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, Mme la ministre. Je ne voulais pas vous interrompre, mais le temps était arrêté pour vous. Alors, je donne la parole au député de LaFontaine, un député ministériel, pour cinq minutes.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, Mme la Présidente. Ce sera là certainement ma dernière intervention. J'aimerais peut-être aborder rapidement le côté de l'audiovisuel et, particulièrement, un domaine quand même très important pour les télécommunications, celui des radios communautaires. Je dois dire que nous avons 11 radios qui offrent des services de première ligne à travers le Québec. Onze radios dans des régions où les grands réseaux, avec cette mondialisation ou cette continentalisation des télécommunications, ne sont plus collés aussi près des clientèles qu'ils l'étaient dans le temps, lorsqu'on avait des radios régionales commerciales.

Je dois dire que, par l'action du gouvernement et de la ministre et par les sommes d'argent investies dans ces radios communautaires, nous avons pu redonner à ces citoyens une radio et des télécommunications modernes, à leur image, à leur sensibilité. C'est là très important, et je tiens à le mentionner, parce qu'on parle de grands réseaux. Souvent, on parle de continentalisation, mais on oublie aussi que, chez nous, il y a des gens qui font des choses, et des choses très importantes. Et même, on fait oeuvre de pionniers, là-dedans, parce qu'il n'y a pas beaucoup de pays francophones dans le monde – ou même d'autres pays – à part le Québec, qui ont un réseau aussi intéressant que le nôtre et des réalisations en termes de radio communautaire. Il y a au-delà de 200 employés et 1500 bénévoles qui travaillent là-dedans, qui sont impliqués là-dedans, 18 000 membres. La radio communautaire est un atout vraiment important pour le développement de nos collectivités dans les régions. Il ne faut pas oublier les régions. Je pense que c'est important. On parle de mondialisation, mais on parle aussi de régions, à l'occasion.

Il y a la télévision québécoise. Il suffit de voyager un peu hors Amérique pour se rendre compte que c'est une des plus développées au monde, particulièrement dans le monde francophone. Il suffit d'être allé à Paris pour se rendre compte qu'à part trois ou quatre chaînes françaises il n'y a rien d'autre sur les écrans. Au Québec, on en a une quinzaine, une dizaine en tout, en incluant les télévisions communautaires, les câbles, au niveau francophone. Qu'on regarde la taille de la population française par rapport à la nôtre... On voit un peu encore que nous faisons acte de pionniers. Nos émissions de plus en plus se vendent et se vendent bien à l'étranger. Et c'est là un rayonnement des télécommunications.

C'est ce qui nous permet d'aller encore plus loin avec TV5, par exemple. TV5 Québec-Canada, un grand succès, qui nous permet de recevoir une télévision francophone internationale et de participer. C'est là l'avantage intéressant. On peut voir maintenant, à travers l'Europe, à travers le monde, des émissions québécoises sur TV5. Je me souviens, il y a quelques années, d'être allé en Tunisie et d'avoir regardé une émission québécoise sur les forêts, sur TV5, une émission qui avait été diffusée à Télé-Métropole quelques semaines auparavant. C'est là aussi une des tribunes et une des scènes où le Québec joue un rôle important parce que ça permet aux gens de mieux nous connaître et de voir que nous existons. Ça nous permet de démontrer nos capacités non seulement en termes d'audiovisuel, par ces émissions, mais en termes de ce qui se passe chez nous, au Québec.

Ça aide beaucoup lorsqu'on veut attirer des investisseurs, des touristes ou autres citoyens. Ça aide aussi nos acteurs, nos artistes, nos comédiens dans leur travail parce que, lorsqu'ils produisent ces émissions à TV5 pour la télévision étrangère, ils reçoivent des cachets, ils reçoivent de l'argent, et cet argent vient au Québec. Ça leur permet donc de faire travailler des gens et d'avoir des revenus. C'est l'exportation de notre culture. Tant mieux! C'est ça, la télécommunication, la communication québécoise. On est loin de la réglementation. On est dans le concret, dans le vécu quotidien de tous les jours. Et c'est ça qui est important. Restons donc dans le concret, dans le vécu. Qu'est-ce qui est bon? Qu'est-ce qui profite aux gens? Qu'est-ce qui permet de travailler? Qu'est-ce qui permet de produire? Qu'est-ce qui permet de communiquer? C'est ça qui est important.

La réalité, elle est là. Évitons de tomber dans l'abstrait. Évitons de tomber dans l'isolationnisme. Évitons de tomber dans la petite politique. Il est vrai qu'il y a certains députés... Le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques aimerait que les Québécois fassent l'indépendance. C'est vrai que, dans les prochains mois, il vont tout faire, lui et ses collègues, pour dire: Nous sommes malheureux dans le Canada. Ça va mal. Cassons ça! Il y a deux côtés à une médaille, M. le député. Regardons d'où nous venons, regardons où nous sommes. Mais vous n'êtes pas capable de dire aux Québécois où vous voulez aller, par exemple. Vous avez peur de leur dire, vous le camouflez derrière des campagnes électorales. J'attends encore que votre chef nous montre l'article 1 dans son programme. Il n'en parle pas.

La différence avec le gouvernement du Québec, c'est que, nous, nous avons des actions concrètes. Nous regardons vers l'avenir. Nous voulons travailler, je dis bien «travailler», collaborer avec nos «partners» canadiens du gouvernement fédéral, des autres provinces, mais aussi internationaux, pour trouver des ententes, pour trouver la meilleure manière de fonctionner dans ce monde international en pleine évolution, où le Québec doit avoir sa place et où il va avoir sa place avec notre politique, avec notre gouvernement. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci. C'était terminé, M. le député ministériel. Alors, je passe la parole au député de l'Opposition.


M. André Boulerice

M. Boulerice: Oui, Mme la Présidente. Bientôt, avec l'autoroute électronique, on pourra envoyer au député de LaFontaine une copie de notre programme et, comme il sait lire, j'ose espérer qu'il comprendra. Quand j'écoute le discours, à savoir que le débat est planétaire, eh bien, je pense qu'il nous faut un petit bout de la planète. Si on a donné les communications au fédéral, je m'excuse, mais je ne vais pas donner l'autoroute électronique à la France, malgré toute l'affection que j'ai pour la mère patrie. Un instant! Et, tant qu'à continuer dans la logique qui préside, pourquoi ne pas s'allier avec le Federal Authority of Communications des États-Unis? On est planétaire, mon Dieu! ce n'est pas compliqué. Oui, mais, avant de déléguer, il faut d'abord être souverain. Alors, ce n'est pas notre cas. Je sais ce que je veux. Je vais employer les mots de «La Sagouine»: Je savions ce que je voulions: je voulions toute. Vous autres, vous êtes prêts à donner «toute», c'est ce qui fait toute la différence.

Mais je remarque encore une fois, Mme la Présidente, que, pour la neuvième fois consécutive, la ministre n'a pas répondu aux questions que je lui ai posées. Elle a chanté une belle messe de requiem pour la Régie, mais elle n'a pas précisé les responsabilités de la Régie durant le transfert. Qu'est-ce qui va arriver à la Régie? Quel est l'avenir de la Régie? Est-ce qu'elle compte déposer une loi afin de dissoudre la Régie? Qu'est-ce qui va arriver aux employés de la Régie? Et Radio-Québec, qu'est-ce qui arrive du mandat de la Régie à l'égard du contrôle de son volet éducatif? La ministre ne répond pas. Elle fait de belles phrases, mais, je la préviens, le charme est rompu. Le charme est rompu. Les Québécois n'acceptent plus ce style. Ce qu'ils veulent, c'est des réponses claires et précises sur un sujet aussi fondamental que celui des communications. Que la ministre fasse, Mme la Présidente, le procès du passé, tant mieux, c'est peut-être pour faire oublier son échec du présent et son manque de vision pour ce qui est de l'avenir. Parce que sa vision, elle est étroite: Ce ne sera pas nous, ce sera les autres. Nous, nous disons le contraire: Ce sera nous, ce ne sera pas les autres.

On va parler de l'autoroute électronique. La confirmation de la mainmise du fédéral sur la téléphonie enlève, mais véritablement, tout pouvoir au Québec à l'égard de l'autoroute électronique. On a les poteaux et les fils, je n'en disconviens pas, mais un contrôle sur le contenu de ce qui circule dans les fils ou dans les airs... Par ailleurs, le gouvernement fédéral ne s'occupe pas de formalités quand il s'agit de s'occuper d'un champ de compétences. Le ministre de l'Industrie a créé un comité consultatif sur l'autoroute électronique. Il a publié un document: «L'autoroute canadienne de l'information: une nouvelle infrastructure de l'information et des communications au Canada». Il dit, dans ce document: «Le gouvernement propose que la stratégie vise les trois objectifs suivants: la création d'emplois, grâce à l'innovation et à l'investissement; la consolidation de la souveraineté et de l'identité culturelle du Canada – c'est là où ça blesse, il aurait pu marquer «tout en tenant compte de la spécificité culturelle du Québec», il ne l'a pas fait – et l'accès universel à un coût abordable.» Bien, tout le monde est pour la vertu et la tarte aux pommes, ça va. Il ajoute: «Le gouvernement fédéral entend jouer le rôle de chef de file – donc, la ministre ne sera que suiveuse – ce qui lui permettra de prendre les décisions et de mobiliser les ressources nécessaires, et il entend s'assurer que les nombreuses retombées économiques, sociales et culturelles provenant de l'autoroute de l'information profitent à tous les Canadiens.» Et qui est majoritaire dans ce pays? Les Canadiens anglais.

(11 h 40)

Il y a M. Bureau qui vient d'être nommé chef de file – est-ce qu'on devra le suivre? – d'un sous-comité qui travaille sur la culture à l'intérieur de l'autoroute de l'information. Mais est-ce que la ministre a été consultée sur la création de ce sous-comité? A-t-elle été consultée quant à la nomination de M. Bureau? Et quelle participation du gouvernement du Québec a-t-on demandée ou a-t-elle exigée? Nous en sommes à 16 questions auxquelles la ministre n'aura sans doute pas répondu.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, je vous remercie, M. le député de l'Opposition. Mme la ministre, nous arrivons à la fin, donc vous avez un droit de parole de 10 minutes.


Conclusions


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, Mme la Présidente. Comme je disais tantôt: vaut mieux sourd que rien. Contrairement à ce que laisse entendre le député, ce débat m'a permis quand même de faire toute la lumière sur cet important dossier. Je veux reprendre un peu la phrase de «La Sagouine», que j'aime bien d'ailleurs, et me reporter un peu à l'attitude qu'adopte le parti d'en face: J'avions tout ce nous voulions, mais nous voulions tout. Faute de tout, faut-il dire, nous voulions rien. Alors, ce n'est pas notre attitude. Au contraire, nous allons travailler justement pour avoir le tout dont nous avons besoin.

Ça me fait rire aussi quand on dit: Ah! le contenu, etc. Où étiez-vous quand vous avez perdu la câblodistribution, où on diffuse les images, où on diffuse le contenu? Où étiez-vous? C'est drôle aussi, quand on nous dit qu'on est nébuleux dans nos questions, quand on répond, on a répondu sur la clause transitoire, on a répondu le ce pourquoi que la lettre... Finalement, elle a été coulée parce que, effectivement, quand on envoie à Ottawa, ils ont une fâcheuse habitude, c'est typique, les documents nous reviennent. Ils ont de la difficulté un peu avec la discrétion. Mais, cela dit, je préfère travailler avec mes homologues d'abord et faire savoir ensuite l'ensemble des négociations que de prôner ce qui s'en vient d'abord et, justement, travailler avec mes interlocuteurs, tout simplement par respect. Comme j'ai eu le respect des compagnies de téléphone, je veux avoir le respect de mes interlocuteurs, comme j'ai le respect aussi de ceux qui nous écoutent et de ceux que nous servons, parce que nous sommes ici justement pour servir la population et nous assurer que cette population a, d'une part, les meilleurs services possible, quel que soit le secteur, mais, aussi, que nous sommes garants de cette culture qui nous est chère, et je pense que je l'ai prouvé pendant quatre ans et demi.

Ça me fait rire aussi quand on me dit: Vous êtes nébuleuse. Je regarde Norman Delisle, de La Presse canadienne, d'ailleurs, dans Le Devoir , qui dit tout simplement que l'on trouve justement que M. Parizeau cache son programme électoral et qu'il n'est pas clair. Donc, clarté pour clarté, là, je pense qu'on n'a pas de leçon à recevoir de personne.

Les différents aspects, Mme la Présidente, que je viens de mettre en perspective relativement à la juridiction en matière de téléphonie prouvent, de toute évidence, que la voie judiciaire débouche sur une impasse et, en ce sens, que tous les recours ont été exercés en vain. Je reviens à ma phrase de «La Sagouine». C'est pourquoi, dès que nous avons pris connaissance du récent jugement de la Cour suprême concernant Téléphone Guèvremont, nous avons cherché à inventorier des pistes de solutions qui permettraient au Québec de jouer un rôle significatif en matière de télécommunications et d'assurer sa présence au coeur du développement de cette industrie.

Dans les jours qui ont suivi la publication du jugement de la Cour suprême, ma première démarche a donc été de rencontrer les entreprises de télécommunications québécoises pour connaître leurs préoccupations face à la nouvelle situation. Ces rencontres, Mme la Présidente, m'ont permis de constater que, si les entreprises attachent une certaine importance au niveau de la juridiction sous laquelle elles évoluent, elles sont davantage préoccupées par les décisions qui les concernent et dont elles attendent aussi qu'elles répondent à leurs besoins en créant des conditions favorables à leur développement.

Il est apparu évident également que les entreprises de télécommunications se préoccupent grandement du climat d'instabilité créé par le jugement de la Cour suprême. Enfin, l'urgence s'est clairement fait sentir quant à la nécessité d'identifier une solution de transition – de toute façon, nous n'avons pas le choix – qui minimise les effets d'un tel changement sur les entreprises de télécommunications. Il existe, en effet, plusieurs façons d'intervenir pour accompagner ces entreprises dans un environnement qui évolue et aussi se complexifie rapidement.

Mais, permettez-moi d'insister, Mme la Présidente, il ne faut pas perdre de vue les multiples leviers que le gouvernement a mis en place pour appuyer les entreprises de télécommunications et favoriser leur développement et dont j'ai fait mention précédemment: subventions, crédits d'impôt, soutien à l'exportation et à la recherche et développement, mise en place des grappes industrielles. Hier soir, nous n'en avons pas parlé parce que, évidemment, on ne parle pas ici de bonnes nouvelles. Le ministre des Finances a identifié une enveloppe de 50 000 000 $ – ce n'est pas un hasard s'il l'a identifiée – pour favoriser l'implantation et la conception de services sur nos prochaines autoroutes électroniques. Il s'agit d'une première action concrète d'un gouvernement conscient du développement de nos télécommunications.

D'ailleurs, Mme la Présidente, les histoires à succès de beaucoup de nos entreprises de télécommunications témoignent avec éclat de cette collaboration entre celles-ci et l'État. Je pense à Northern Telecom, quatrième producteur mondial en télécommunications, entreprise qui exporte dans 90 pays et occupe la première place en Amérique du Nord parmi les constructeurs de communicateurs téléphoniques de grands réseaux. Je pense aussi à Canadian Marconi, une des firmes d'électronique de haute technologie et plus à l'avant-garde. Spar, Communications Ericsson, SR Telecom: autant de noms synonymes aujourd'hui de l'expertise et du savoir-faire québécois en matière de télécommunications. Le secteur de l'audiovisuel se porte également très bien au Québec, avec des exemples de coproduction et d'exportation dont nous avons lieu de nous réjouir. TV5 est un des exemples éloquents.

C'est donc dans la perspective d'intensifier ce partenariat fructueux entre les entreprises de télécommunications et l'État que l'action du gouvernement du Québec devra porter au cours des prochaines semaines et des prochains mois, alors que les enjeux se feront de plus en plus nombreux: développement de la culture, vitalité économique de nos entreprises, création d'emplois. C'est en misant sur les formules qu'il a déjà pratiquées et en posant des actions actuelles, innovatrices et souples que le gouvernement doit manifester, de façon tangible, sa présence pour orienter et encourager le développement en matière de télécoms.

Je le répète, les présentations budgétaires annonçent une première initiative dont je préciserai, en compagnie de mon collègue de l'Industrie et du Commerce, les modalités. À l'heure de l'autoroute électronique et de la convergence des technologies, les règles qui datent de plusieurs décennies sont souvent en porte-à-faux par rapport à la réalité des années quatre-vingt-dix et du nouveau millénaire. Rappelons que les technologies de l'information ont progressé de façon rapide depuis quelques années. Elles représentent aujourd'hui 68 000 travailleurs et 2330 entreprises, un secteur dont la croissance sera la plus rapide du monde industriel. C'est pourquoi nous devons prendre tous les moyens pour intervenir sur le développement des technologies et favoriser une implantation appropriée aux besoins de la société québécoise.

Nous devons favoriser également la création de contenus qui respectent notre spécificité culturelle et permettre d'en assurer le rayonnement. À cet égard, Mme la Présidente, la mondialisation des marchés, l'ouverture sur la francophonie internationale et le partenariat de plus en plus actif entre le Québec et la France constituent des atouts majeurs que nous nous devons d'exploiter pleinement. Dans l'immédiat, le défi majeur de l'avenir des télécommunications a pris la forme de ce qu'on appelle la conception et la réalisation de l'autoroute électronique. J'ai déjà annoncé notre intention de faire en sorte que les entreprises québécoises ne manquent pas le virage. À cet égard, je me réjouis de constater que le budget rendu public hier par le ministre des Finances traduit très concrètement cette volonté gouvernementale d'appuyer le développement des télécommunications au Québec.

Enfin, Mme la Présidente, à travers une action politique, avec l'action économique, le gouvernement entend agir de façon déterminante, concrète, dans un secteur névralgique pour notre avenir. Voilà. L'action visera à favoriser le développement de notre culture, la création d'emplois et le rayonnement du Québec outre-frontières. J'aviserai aussi, par ce même fait, que, quand on interpelle un ministre, il s'agit aussi de s'assurer que les faits sur lesquels on se base sont concurrents et concluants aussi, parce que, effectivement, le député de l'Opposition a demandé l'interpellation avant même d'avoir lu le contenu de la lettre envoyée au gouvernement fédéral. Je peux vous assurer, comme je l'ai toujours fait... On a dit, d'ailleurs, «la tigresse dégriffée». Regardez-moi les mains: elles sont mêmes peintes en rouge. Alors, je peux vous dire, comme je l'ai toujours fait, que je défendrai les intérêts du Québec. Je défendrai la culture québécoise avec force, avec énergie, et je défendrai aussi tout le secteur des télécommunications qui véhicule cette culture. Alors, à vous tous qui nous écoutez, merci et bonjour.

(11 h 50)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Merci, Mme la ministre. Alors, je cède la parole, pour la fin de cette séance, au député de l'Opposition, pour 10 minutes.


M. André Boulerice

M. Boulerice: Mme la Présidente, sourd est le porte-parole de l'Opposition, dit la ministre. Le porte-parole de l'Opposition dira à la ministre: Aveugle, sans aucun doute, quant aux intérêts supérieurs du Québec dans un secteur qui constitue le point central de notre survivance comme société distincte.

J'aimerais rappeler, quant au fonds de 50 000 000 $ pour l'autoroute électronique, que la ministre se «gloss» un peu trop. En 1989, alors que c'était le temps, on a institué un Fonds de développement technologique. Eh bien, aucune des prévisions du plan d'action 1988-1992, quant aux dépenses totales en recherche et développement, n'a été atteinte. Alors, comme il y avait des crédits périmés, eh bien, on les a passés dans l'autoroute électronique. Soit, mais ça prouve qu'ils n'ont pas fait leur boulot au niveau du Fonds de développement technologique. Si tout l'argent avait été dépensé, ce qui aurait été un signe de bonne gestion de votre part, je ne suis pas certain que le ministre des Finances, hier, aurait annoncé 50 000 000 $ dans le Fonds de développement technologique. Je ne suis pas certain qu'il serait allé sur l'autoroute électronique.

Les grands réseaux de communications génèrent de nouveaux services culturels. Plus que jamais le développement ordonné des communications, en fonction des intérêts propres du Québec, est une condition d'épanouissement de la société québécoise. La position gouvernementale libérale – si ce n'est pas péjoratif d'employer le mot «libéral» – sépare les contenus des supports. Cela constitue – et la ministre devra me donner raison, puisqu'elle a été titulaire de ce ministère – une très grave erreur et, surtout, péril en la demeure. Prétendre gérer l'avenir du Québec, vouloir prospérer économiquement et permettre à la culture québécoise de s'épanouir sans maîtriser les communications, c'est comme prétendre assurer des échanges économiques efficaces sans possibilité d'action sur les routes, les lignes aériennes et les voies navigables. Plus encore, les réseaux de communications sont le support premier de l'information. C'est pourquoi tous les pays avancés industriellement cherchent à se doter d'autoroutes électroniques pour permettre la circulation sur un réseau unifié de masses énormes d'information sous forme de données, de sons ou d'images.

Dans un environnement concurrentiel élargi et, de toute évidence, féroce – c'est la réalité quotidienne – entre les pays, un meilleur avenir social, économique et culturel pour le Québec ne sera possible que si la société québécoise maîtrise le développement de ses réseaux de communications. L'État du Québec – nous disons «l'État du Québec», eux disent «province de Québec», ils sont petits, que voulez-vous – doit continuer de pouvoir jouer un rôle de concertation et d'orientation pour une attitude proactive, ce que le jugement de la Cour suprême vient de nous enlever. C'est la moindre des choses pour un gouvernement responsable, qui se veut responsable ou qui, tout au moins, se dit responsable, d'avoir les pouvoirs nécessaires afin d'orienter le développement des communications sur son territoire.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a maintenant tous les pouvoirs, mais vraiment tous les pouvoirs, sans aucune exception, pour fixer les normes, les tarifications, les conditions de concurrence et le contenu. Je vais vous donner un exemple. Rappelez-vous, Mme la ministre, lorsque votre illustre prédécesseur a défendu avec une énergie du désespoir... Lui aussi s'était griffé de rouge pour défendre la téléphonie au Québec. Et le jugement a été lequel? Bell Canada a perdu, Unitel est entrée. Résultat: les tarifs domestiques de téléphone vont augmenter parce qu'il y avait une décision du CRTC. Quand Ottawa décide, ce n'est jamais à l'avantage du Québec; l'histoire complète depuis 1867 nous l'apprend. Le gouvernement du Québec n'aura que le seul pouvoir de subventionner les compagnies sans avoir aucun contrôle sur le prix des services, la répartition du territoire et la concurrence.

La ministre se réserve le champ des poteaux et des fils. Et ce que la population du Québec qui nous regarde, qui a entendu, doit retenir, c'est que, sur les 16 questions très précises que j'ai posées à la ministre, il n'y a eu aucune réponse. Ici, Mme la Présidente, vous me donnez le temps de répéter ces 16 questions – je vais vous les énumérer une par une – où la ministre a esquivé toute réponse là-dessus. Sourd? Peut-être. Sourd? Peut-être, mais c'est contestable. Mais, dans son cas, aveugle. Elle ne sait pas où elle va? Elle sait où elle va. Elle va, comme un chauffeur de camion, déménager la Régie à Ottawa. Ça, il y a une route qu'elle connaît. L'autoroute électronique, je ne sais pas si elle la maîtrise, mais je sais qu'elle connaît la 401 qui s'en va vers Ottawa. Ça, c'est certain qu'elle la connaît par coeur, cette route, Mme la Présidente.

Ce qu'on peut dire, c'est: En définitive, c'est une bien triste fin de régime à Québec. C'est une défaite humiliante et dont les conséquences pour le Québec sont catastrophiques. Vivement, Mme la présidente, des élections afin que nous puissions parer à l'irréparable. Et ces élections, nous les attendons avec impatience. Vous les retardez, puisque, déjà, vous connaissez le verdict que vous réserve la population du Québec. Vous serez peut-être, Mme la ministre, dans votre circonscription, réélue. Vous serez peut-être réélue à cause de considérations sociodémographiques, mais vous serez l'exception. Vous serez l'exception. Et, si on veut maîtriser pleinement, entièrement notre avenir, au lieu de se contenter de disparaître petit à petit dans des secteurs qu'aucun pays au monde ne voudrait céder à qui que ce soit, la seule porte de sortie, mais qui est, en fin de compte, la porte d'entrée sur le monde, qui nous permet d'exister sur la planète, c'est d'avoir le plein et entier contrôle de tous les secteurs de l'activité nationale.

Vous en aviez déjà identifié quelques-uns dans le rapport Allaire. Vous avez mis M. Allaire à la porte. Vous avez renié ce document auquel vous vous étiez tous rangés. Et maintenant, vous acceptez le credo ultrafédéraliste, «Canadian first and foremost», du premier ministre désigné qui n'aura eu d'autre gloire que d'avoir été premier ministre quelques semaines de plus que son frère. C'est tout. C'est tout. Vivement les élections, qu'on règle la situation au Québec, qu'on prenne en main les leviers dont nous avons besoin et que nous cessions d'être les quêteux! On nous enlève des pouvoirs, et la réaction d'un gouvernement fédéraliste à-plat-ventriste est: Ils nous ont enlevé des pouvoirs, mais on va aller négocier s'ils ne peuvent pas nous laisser un petit peu de sous-traitance. On ne veut pas être des sous-traitants. Nous sommes suffisamment grands comme garçons et filles, dans cette province, pour être capables de nous occuper de nos choses, cesser d'être une province et devenir un pays, ce qui est la normalité dans ce monde. Je vous remercie, Mme la Présidente.

(12 heures)

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Oui.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Je m'interroge parce que j'ai l'impression... Vous me reprendrez et vous me direz d'arrêter, si je suis dans l'erreur; je ne voudrais pas ternir cette interpellation par quelque chose qui serait hors d'ordre. J'ai l'impression que, lorsqu'on dit quelque chose qui ne correspond pas à la réalité, on induit la Chambre en erreur, les représentants de la Chambre, ici.

Le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, sans le faire exprès probablement, a laissé entendre que, depuis qu'Unitel et Bell étaient sur le marché, les tarifs téléphoniques avaient augmenté. Je crois savoir que les tarifs interurbains et internationaux, eux, ont baissé de beaucoup. Je voulais faire cette mise au point parce qu'il ne faudrait quand même pas induire les gens en erreur et que les gens pensent que... Je voyais encore dans le journal que ça avait baissé de 40 %, Bell, la semaine dernière.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): C'était une question d'opinion, M. le député.

M. Gobé: D'opinion. Ah! Je m'excuse, Mme la Présidente. Alors, je me tais.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): D'accord.

M. Boulerice: Mme la Présidente, avec votre aimable permission et le consentement des gens d'en face...

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Il faut que j'aie un consentement.

M. Boulerice: Non, pas de consentement? Alors, vous voyez, la ministre qui ne répond pas à mes questions n'accepte pas mes réponses.

La Présidente (Mme Boucher Bacon): Alors, il faut mettre fin à la séance et cela met fin aux travaux. Je voudrais, en premier lieu, remercier le député de l'Opposition ainsi que ceux qui l'accompagnent, Mme la ministre et son cabinet, ainsi que son adjoint parlementaire. Pour moi, c'était un privilège et un honneur, pour la première fois, de présider une interpellation. Alors, je vous en remercie. Je voudrais, puisque ce mandat ou cette interpellation était sous la couverture de la Culture et des Communications, remercier la radiotélévision des débats de l'Assemblée nationale.

Ceci, maintenant, met fin à la commission et à son mandat, et j'ajourne les travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 2)