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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 17 octobre 1996 - Vol. 35 N° 19

Consultation générale sur le document intitulé «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise»


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
M. Jean Garon, président
M. André Gaulin, président suppléant
M. David Payne
M. Pierre-Étienne Laporte
Mme Marie Malavoy
M. Michel Morin
Mme Liza Frulla
Mme Solange Charest
M. Geoffrey Kelley
M. Yves Beaumier
*M. Marcel Bujold, ACQ
*M. Jacques Bégin, idem
*M. Guy G. Beaudry, idem et Le Groupe Vidéotron ltée
*M. Michel Bissonnette, Le Groupe Vidéotron ltée
*M. Guy Labelle, idem
*M. Mario Pittarelli, idem
*M. Marcel Labelle, idem
*M. Michel Pallascio, CECM
*M. Yves Archambault, idem
*M. Jean-Claude Rathé, idem
*M. Michel Arsenault, CSIM
*Mme Nicole Ranger, idem
*M. Jean Matte, idem
*M. Marc Blanchet, AIQ
*M. Martial Van Neste, idem
*M. Alain Labonté, idem
*M. Dominique Boivin, idem
*M. Robert Pilon, ADISQ
*Mme Solange Drouin, idem
*Mme Suzanne D'Amours, APFTQ
*M. Claude Dugas, idem
*Mme Sylvie Berthiaume, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Garon): Nous avons quorum. Je déclare la séance ouverte en rappelant le mandat que la commission s'est donné, le mandat d'initiative suivant: procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise».

À l'ordre du jour de la journée, qui commence maintenant: à 10 heures, l'Association des câblodistributeurs du Québec; à 11 heures, Groupe Vidéotron; à midi, Mme Colette Lelièvre; à 12 h 30, suspension. Nous reprenons à 15 h 30 avec la Commission des écoles catholiques de Montréal; à 16 h 30, avec le Conseil scolaire de l'île de Montréal; à 17 h 15, l'Association des internautes du Québec; suspension à 18 heures, pour reprendre à 20 heures avec l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo; et, à 21 heures, l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec.

Alors, j'invite immédiatement l'Association des câblodistributeurs du Québec à – j'allais vous inviter à vous approcher de la table, mais vous êtes déjà là – vous présenter, à présenter le président, je pense, M. Bujold, et à présenter les gens qui l'accompagnent. Vous avez une heure. Ça dure normalement 20 minutes pour votre exposé, 20 minutes pour les ministériels, 20 minutes pour l'opposition, et, si vous prenez moins de temps, ils auront plus de temps pour vous questionner et, si vous en prenez plus, ils en auront moins. Alors, c'est à vous la parole.


Auditions


Association des câblodistributeurs du Québec (ACQ)

M. Bujold (Marcel): Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Bonjour, Mme et MM. les commissaires. Comme on vous l'a dit, mon nom est Marcel Bujold, je suis président de l'Association des câblodistributeurs et président de Câblo Distribution G de Gaspé. Je suis accompagné de Lysline Parenteau, directrice générale de l'ACQ, de M. Jacques Bégin, vice-président, directeur général de Cogeco Câble, et de M. Guy Beaudry, vice-président, affaires corporatives, du Groupe Vidéotron ltée.

L'ACQ remercie la commission de la culture pour son initiative d'offrir à tous les intervenants un forum de premier plan où débattre les grands enjeux que représente le développement de l'inforoute du Québec. L'ACQ est un organisme qui a pour but de défendre et de promouvoir les intérêts de l'industrie québécoise de la câblodistribution. Elle regroupe une centaine d'entreprises de distribution par câble qui, ensemble, desservent 99 % des abonnés québécois et rejoignent 95 % des foyers.

La convergence des technologies, en décloisonnant les trois grands champs des communications que sont la téléphonie, la radiodiffusion et l'informatique, a donné lieu à un nouveau concept: l'autoroute de l'information. L'ACQ appuie le gouvernement du Québec dans la poursuite de son objectif de s'assurer que l'autoroute de l'information contribue au progrès économique, social et culturel du Québec. L'industrie québécoise de la câblodistribution constitue un réseau performant qui achemine ses services de radiodiffusion dans toutes les régions du Québec. L'industrie de la câblodistribution représente aussi l'innovation technologique en matière de télévision interactive et d'accès à haute vitesse aux services par ordinateur. Les câblodistributeurs participent déjà à la mise en place de l'inforoute québécoise et sont conscients des enjeux que représente l'inforoute pour la culture, la langue, la santé, l'éducation et le commerce.

Le mémoire que vous nous soumettons aujourd'hui vise à identifier pour chacun de ces enjeux le rôle que l'État peut y jouer, particulièrement en tant qu'utilisateur modèle ainsi que catalyseur.

Nous souhaitons une inforoute québécoise qui favorise la présence de contenus de langue française et qui soit respectueuse des valeurs de notre société. Une inforoute technologiquement performante et présente dans toutes les régions du Québec.

L'État utilisateur modèle. La convergence et l'émergence de l'inforoute nous obligent à repenser les règles du jeu dans le secteur des communications. D'ores et déjà, ce grand secteur industriel évoluera dans un contexte concurrentiel. Un même fournisseur pourra offrir tous les services de communication confondus: téléphonie, télévision, Internet. Le consommateur aura le choix de recourir au fournisseur qui répond le mieux à ses attentes et à ses besoins. Pour l'heure, les deux principaux concurrents sont les réseaux de téléphone et les réseaux de câblodistribution. Notre industrie, à maintes reprises, a affirmé qu'elle était prête à faire face à la concurrence en autant que les règles soient justes et équitables pour tous les joueurs en présence. Dans ce même esprit de saine concurrence, nous soumettons à la commission qu'il serait souhaitable que l'État, à titre d'utilisateur modèle de l'inforoute québécoise, maintienne sa pratique d'appel de soumissions avant d'octroyer des contrats de service à des fournisseurs.

L'État catalyseur. Une inforoute québécoise qui privilégie la présence de contenus de langue française. L'ACQ croit que les Québécois sont en droit de s'attendre à des contenus conçus pour eux, tout comme des réseaux et des passerelles d'accès construits en fonction de leurs propres besoins.

Dans son document de consultation, la commission décrit l'impact que pourrait avoir le déploiement de l'inforoute sur la culture québécoise. Force est de constater qu'un réseau comme Internet utilise des outils de navigation principalement anglophones et, surtout, que le contenu auquel il donne accès est à 90 % de langue anglaise. Bien que l'ACQ reconnaisse que l'accès aux contenus étrangers sur les inforoutes représente une richesse, nous n'en pensons pas moins que les contenus de langue française doivent occuper une place de choix sur l'inforoute québécoise.

La commission propose une solution en deux points: soutenir la création de contenus originaux d'expression française et se doter de réseaux de diffusion des oeuvres québécoises. Or, en radiodiffusion, les câblodistributeurs québécois agissent déjà sur ces deux plans. Ce sont eux qui véhiculent dans leur territoire les canaux de télévision conventionnels et spécialisés. À cet égard, rappelons la contribution essentielle et exclusive des câblodistributeurs du Québec à la mise en place des canaux spécialisés francophones. De plus, ce sont eux qui produisent et diffusent, depuis 1968, la programmation communautaire. Les canaux communautaires représentent un élément important de notre système de radiodiffusion, puisqu'ils fournissent une source majeure d'information locale, d'expression d'opinions et de divertissement. Souvent, ils sont la seule source d'émissions de télévision locales. De plus, les câblodistributeurs québécois contribuent pour plusieurs millions de dollars – 16 000 000 $ en 1995 – au Fonds de production des câblodistributeurs, lequel finance les producteurs indépendants de films et d'émissions de télévision. À titre d'exemples, les séries Omertà , Jasmine , Urgence ont largement bénéficié de ce Fonds.

Forts de leur expertise en radiodiffusion, les câblodistributeurs québécois souhaitent de même offrir à leurs clients, par le biais de l'inforoute, un accès à des services et à des contenus de communication de langue française d'une qualité comparable à celle qui prévaut dans l'ensemble de l'Amérique du Nord.

Les passerelles d'accès. La quantité et la diversité d'information qui circule sur l'inforoute exige, pour qu'on s'y retrouve facilement, l'utilisation de passerelles d'accès. Ces outils de navigation, comme nous l'avons déjà indiqué, sont principalement de langue anglaise, ce qui peut contribuer à diminuer l'intérêt des Québécois francophones pour les services de l'inforoute. L'industrie québécoise de la câblodistribution se donne comme mandat de favoriser l'accès à des menus, des logiciels et des systèmes de navigation de langue française. À cet égard, nous appuyons les mesures annoncées par le gouvernement pour encourager le développement de logiciels en français et multilingues et promouvoir la création d'outils de gestion de l'information et de navigation en français.

La propriété. Enfin, l'ACQ considère important que le gouvernement porte une attention particulière à la propriété des infrastructures de l'inforoute, tout comme le système de communication canadien privilégie la propriété canadienne pour les entreprises de radiodiffusion. L'ACQ est d'avis que le gouvernement doit s'assurer que l'inforoute soit la propriété des Québécois.

(10 h 20)

Une inforoute respectueuse des valeurs de notre société. À cet égard, nous nous appuyons une fois de plus sur l'expérience acquise des câblodistributeurs en radiodiffusion. Au fil des ans, les câblodistributeurs ont pris des engagements tant envers leurs clients qu'envers la société. Les câblodistributeurs se sont dotés de normes de qualité et ont créé un organisme de contrôle indépendant: le Conseil des normes de télévision par câble. Ils ont également souscrit à la lutte contre la violence à la télévision en développant une puce antiviolence. Ils ont créé La câblo-éducation, un organisme par lequel les câblodistributeurs s'engagent à câbler gratuitement les écoles de même qu'à offrir la première prise et l'abonnement mensuel gratuitement.

Nos travaux de réflexion sur l'avènement de l'inforoute nous confirment la nécessité d'adopter des règles d'éthique et des balises similaires à celles que nous avons en radiodiffusion. D'ailleurs, cette préoccupation s'est reflétée dans la mise en place du réseau UBI alors qu'un mandat dans ce sens a été donné à un chercheur du Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal, Me Pierre Trudel. L'ACQ encourage la commission à créer un groupe de travail composé des parties intéressées et des spécialistes et ayant comme mandat d'analyser divers moyens pour contrer efficacement la criminalité et les abus sur l'autoroute de l'information. L'industrie de la câblodistribution serait, pour sa part, intéressée à participer à un tel projet.

Une inforoute technologiquement performante et présente dans toutes les régions. Le concept d'inforoute prend réellement tout son sens et peut livrer tout son potentiel à partir du moment où le réseau de distribution possède les caractéristiques suivantes: véhiculer aisément des images vidéo, transmettre de l'information à haute vitesse, rejoindre un grand pourcentage de la population. Et pour ce qui est du Québec, nous pouvons ajouter: permettre de naviguer sur les réseaux en français, avoir accès à des contenus francophones et créer de la richesse et des emplois ici, au Québec. Les Québécois et les entreprises québécoises devraient pouvoir compter sur des inforoutes technologiquement performantes. Si l'on veut, comme c'est l'objectif du gouvernement du Québec: obtenir le plus de retombées possible pour l'emploi, l'éducation, la santé, la culture, on doit miser aujourd'hui sur les inforoutes de demain qui auront toute la puissance voulue et non sur celles qui existaient hier mais qui recèlent déjà d'évidentes lacunes au plan technologique.

Les câblodistributeurs québécois se savent en mesure de relever ce défi. L'industrie de la câblodistribution est jeune et dynamique. Elle a su manifester au fil des années un esprit d'entrepreneurship hors du commun dans son développement et détient une bonne longueur d'avance en ce qui a trait à la capacité d'offrir une inforoute performante. Outre son expertise en développement et en distribution de contenus télévisuels, l'industrie de la câblodistribution possède les atouts suivants: la largeur de la bande passante dans les deux sens, soit l'aller et le retour de l'information; la vitesse de transmission aller et retour; l'accès universel et l'enracinement dans les régions.

La bande passante. Parler d'inforoute, c'est en quelque sorte parler de services multimédias. Qu'il s'agisse d'Internet, d'UBI ou d'autres réseaux, on ne peut maximiser les services multimédias sans utiliser une large bande passante. Par exemple, la bande passante utilisée pour les services téléphoniques est étroite. Elle a été conçue à l'origine pour transmettre uniquement le son et n'offre pas autant de flexibilité que le câble. Les services multimédias qui utilisent à la fois le son et l'image sont difficilement transportés par une ligne téléphonique, alors que la bande passante d'un réseau de câblodistribution est large et constituée pour offrir la vidéo, le son et autres informations. Les nombreuses applications de l'inforoute, tant dans le domaine de l'enseignement que de la santé et du travail, bouleverseront les lieux traditionnels où s'exercent ces différentes activités. Ces applications exigeront de plus en plus d'efficacité. Un réseau à large bande saura alors répondre davantage aux attentes et besoins exigeants des utilisateurs d'inforoute. Or, les seuls réseaux à large bande existants et qui rejoignent l'ensemble des foyers québécois sont ceux des câblodistributeurs.

La vitesse de transmission. Contrairement aux autoroutes conventionnelles, sur l'autoroute la vitesse sera la règle. La performance du réseau sera étroitement reliée à la vitesse d'exécution des commandes données. L'industrie de la câblodistribution offre l'accès aux services de l'inforoute par le biais d'un modem câble qui peut être jusqu'à 1 000 fois plus rapide qu'un modem téléphonique et presque 100 fois plus rapide que les coûteuses lignes RNIS, Réseau numérique d'intégration de services, que les compagnies de téléphone se proposent d'utiliser. L'élève dans sa classe ou chez lui, le médecin à l'hôpital ou ailleurs, l'usager des bibliothèques où qu'il soit, le parent à la maison ou l'employé qui se forme dans son entreprise, tous trouveront bénéfice à utiliser un système qui réagit rapidement et qui apporte spontanément de l'information, tout comme s'il s'agissait d'une communication de personne à personne là où la distance n'a plus d'importance.

L'accès universel. L'accès universel aux services de l'inforoute est considéré une priorité par plusieurs gouvernements dont le Québec. En effet, une inforoute qui ne serait accessible qu'aux entreprises ou aux citoyens les plus fortunés ou encore exclusivement aux habitants des grands centres ne pourrait jouer adéquatement un rôle utile à la culture, à l'éducation, à la santé et à l'économie d'une société. Or, la câblodistribution rejoint plus de 95 % des foyers du Québec. Actuellement, il s'agit de la seule industrie au Québec à proposer l'accès à l'inforoute soit par le téléviseur soit par l'ordinateur. Le téléviseur est présent dans 99,1 % des foyers du Québec et l'utilisation de la télécommande s'avère plus simple qu'un clavier d'ordinateur. C'est pourquoi les câblodistributeurs, en plus d'offrir l'accès aux services par ordinateur, offriront à partir du téléviseur des services interactifs transactionnels tels que les services d'UBI ou l'accès à l'Internet, tel que le projet Arborescence expérimenté par Cogeco. Afin de démocratiser le plus possible l'accès à l'inforoute, la câblodistribution se préoccupe d'offrir des services aux plus bas coûts possible. Ainsi, les coûts des équipements nécessaires pour UBI seront défrayés par les fournisseurs de services.

L'enracinement dans les régions. L'industrie de la câblodistribution québécoise est identifiée spontanément à ses chefs de file, Vidéotron et Cogeco, et pour cause. Toutefois, notre industrie s'enrichit aussi de la présence d'une centaine de jeunes entreprises. Ces entrepreneurs sont fortement enracinés dans leur milieu et participent au développement culturel, social et économique de leur région. Ils ont à coeur de participer à l'implantation de l'inforoute québécoise et de faire profiter leur milieu des avantages qu'offre l'inforoute.

Pour participer pleinement au déploiement de l'inforoute, les PME en câblodistribution devront moderniser leur réseau, en augmenter la capacité, les rendre complètement bidirectionnels, interactifs et, enfin, les interconnecter. Ces travaux nécessiteront beaucoup d'investissements. En région, les dépenses liées au déploiement des infrastructures sont élevées pour les câblodistributeurs. Comme ils ont de vastes territoires à couvrir et un bassin limité de clients à rejoindre, il leur est plus difficile de rentabiliser ces investissements. Pour pallier ces difficultés, l'ACQ soumet à la commission une solution facilement applicable et peu coûteuse. Nous proposons que la société d'État Hydro-Québec soit mise à contribution pour assurer que l'inforoute soit accessible partout au Québec. Premièrement, Hydro-Québec pourrait consentir aux câblodistributeurs des régions des réductions de tarifs de location de ses infrastructures, c'est-à-dire les poteaux. Deuxièmement, Hydro-Québec pourrait accepter de rendre disponible la capacité excédentaire de son réseau de communication moyennant une structure tarifaire avantageuse. L'application de cette mesure ne nécessite aucun apport d'argent neuf de la part du gouvernement. Néanmoins, elle constituerait une véritable impulsion pour les câblodistributeurs en région qui ont à coeur de développer cette nouvelle économie qui proviendra de l'implantation de l'autoroute de l'information. De son côté, Hydro-Québec devrait y gagner au change, puisque cette mesure incitera davantage les câblodistributeurs à prolonger leur réseau et que la location de fibre constituerait de nouveaux revenus pour la société d'État.

(10 h 30)

L'ACQ demande le concours du gouvernement et d'Hydro-Québec pour discuter dans un esprit de partenariat plutôt que de promouvoir l'entrée directe de la société d'État dans l'offre de services de télécommunications, déjà très concurrentielle. En somme, cette proposition rejoint l'idée que propose la commission, à savoir qu'il faut favoriser des alliances stratégiques afin d'offrir aux Québécois des inforoutes qui leur ressemblent et dont la véritable langue d'usage soit le français.

En conclusion, la perspective du développement de l'inforoute québécoise est emballante à plus d'un égard. Ce vaste projet fournira l'infrastructure nécessaire à une nouvelle économie fondée sur l'information et le savoir. Son développement sera donc d'une importance cruciale aux plans économique, social, culturel et éducatif. Les câblodistributeurs québécois peuvent et veulent aider le gouvernement à relever le défi que représente l'implantation de l'inforoute québécoise. Nous remercions la commission de nous donner l'occasion d'apporter quelques commentaires à cet important processus de consultation publique sur les enjeux du développement de l'inforoute québécoise. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Bien, c'est la commission qui vous remercie, M. Bujold, de vous être fait entendre. Et je donne la parole au député de Vachon.

M. Payne: M. Bujold, on vous souhaite la bienvenue devant la commission. Il s'agit d'un mandat important que l'Assemblée nationale s'est donné via la commission de la culture. Pour nous, la câblodistribution représente un atout pour la société québécoise. On ne peut pas parler de l'avenir du Québec sans qu'on parle de la câblodistribution, parce que, parlant de câblodistribution, on parle de l'accès; lorsqu'on parle de l'accès, on parle de démocratie; lorsqu'on parle de démocratie, on parle de nous, et, nous, les députés, nous sommes les représentants de la population québécoise.

Vous évoquez une fascinante litanie de sujets qui abordent directement les enjeux de l'autoroute de l'information, et je voudrais aller dans le vif d'un des enjeux. Il s'agit du contentieux de l'accès à la câblodistribution et la façon d'avoir accès à un certain nombre de services, et je fais référence spécifiquement au rôle que les câblodistributeurs ont, parce que vous offrez un service en retour d'une cotisation, c'est-à-dire les abonnés. Vous évoquez aussi la responsabilité des sociétés d'État, notamment Hydro-Québec, où, effectivement, il y a un service également, mais là où le propriétaire direct, c'est aussi celui qui reçoit le service, c'est-à-dire l'abonné, le contribuable, qui est aussi actionnaire de la société d'État.

Je voudrais que vous puissiez expliquer à la commission de quelle façon – et ma question a deux volets – Hydro-Québec sera mise à contribution pour que l'autoroute soit accessible à coût abordable dans toutes les régions du Québec et que la société agisse en partenariat pour devenir un transporteur et offrir des services de télécommunications. Parce que, dans un sens, comme dans d'autres endroits, Hydro-Québec fait partie de l'économie de marché, elle fait partie de la société québécoise, elle est en concurrence. De quelle façon vos intérêts pourront-ils se concilier avec ses intérêts? Et je regarde ça du point de vue du contribuable.

Deuxièmement, ma question s'adresse aux contenus, et c'est plus direct. Est-ce que votre Association s'est penchée sur le financement de contenus? Vous évoquez avec beaucoup d'empressement l'urgence d'augmenter, bien sûr, le contenu – le contenu français, évidemment – et que ça devrait occuper une place de choix sur l'inforoute québécoise. De quelle façon, vous, vous pouvez contribuer à ce contenu français? Donc, deux volets, deux questions, une qui concerne Hydro-Québec et, deuxièmement, le financement du contenu.

M. Bujold (Marcel): Merci. Alors, pour répondre à la première partie de la question qui concerne Hydro-Québec, Hydro-Québec détient environ 55 % de la structure de soutien, structure de soutènement pour les réseaux de distribution, qu'on appelle les poteaux et les torons, et les compagnies de téléphone environ 45 %. Elles se partagent le parc de poteaux de cette façon-là.

Alors, en région, on fait affaire très souvent avec Hydro-Québec; et, en région, avec la densité de population qui est beaucoup plus faible, on doit couvrir des distances plus longues pour atteindre nos clients. Alors, pour donner un exemple, chez moi, dans le réseau à Gaspé, j'ai 1,37 poteau pour aller chercher un client; en ville, vous allez avoir plusieurs clients entre deux poteaux. Je paie le même prix de location pour les poteaux en campagne qu'en ville. En plus de ça, avec Hydro-Québec, on paie aussi pour un poteau de service, de la même façon que je paie pour un poteau de réseau qui n'a pas la même valeur et qui, très souvent, a été défrayé en partie par l'utilisateur. Lorsqu'on va chercher un cultivateur puis on fait quatre poteaux, bien, moi, pour aller chercher le cultivateur, je paie quatre poteaux au même prix que le poteau de réseau. Ça ne se retrouve pas dans les grands centres. Ils ne connaissent pas ce phénomène-là dans les grands centres, ce qui rend la câblodistribution plus dispendieuse en campagne, en région.

Alors, je pense qu'il y aurait possibilité, avec l'appui de la société d'État, Hydro-Québec, de rendre le service moins dispendieux et, si on met nos synergies ensemble, le rendre plus accessible. Parce que, l'accessibilité, il y a une accessibilité physique qui doit être disponible dans les lieux puis il y aura aussi le coût par après. Alors, ça, c'est un premier point qu'on peut faire avec Hydro-Québec.

Le deuxième point qu'on peut faire avec Hydro-Québec. Hydro-Québec dispose d'un réseau de communication très imposant au Québec. Je ne suis pas certain qu'on retrouve cette structure-là aussi imposante dans les autres provinces avec les compagnies d'hydroélectricité, mais c'est un fait, ici, au Québec, elle a un réseau de communication très, très imposant. Hydro-Québec nous a déjà mentionné Hydro Telecom, bon, est-ce que ça existe encore? Je ne le sais pas, mais on aurait peut-être avantage à créer une synergie entre ceux qui oeuvrent déjà dans la télécommunication, qui ont une expertise éprouvée depuis longue date, et, si on avait une synergie entre les deux, on pourrait partager les excédents de réseau de communication d'Hydro-Québec, moyennant une tarification à établir, puis je pense qu'on pourrait construire l'autoroute de l'information au Québec de façon très rapide si on travaille ensemble plutôt que de se faire concurrence. Est-ce que ça répond à la première partie de la question?

M. Payne: Oui. Je pourrais intervenir très rapidement avant la deuxième, parce qu'il y a d'autres membres de la commission qui veulent intervenir. Mais c'est très intéressant. Très rapidement, est-ce que vous avez eu des discussions avec Hydro-Québec? Il y a toutes sortes de papiers qui circulent, c'est dans l'air, c'est très contentieux, c'est discuté de plus en plus. Mais, vous, est-ce que vous avez déjà pris l'initiative? Ce que vous dites aujourd'hui est éloquent, est important puis c'est enregistré, mais, directement auprès d'Hydro-Québec, où est-ce que vous en êtes dans la discussion?

M. Bujold (Marcel): Auprès d'Hydro-Québec, si on considère le premier point qui est l'accès aux infrastructures, ce serait une tarification abordable pour ceux qui travaillent en région. On est en négociation avec Hydro-Québec sur un contrat de location des infrastructures, ça doit faire sept ans, c'est très, très long, puis ça fait un an qu'on n'a pas eu de contact. On était censé recommencer les négociations en septembre, on a fait part à Hydro-Québec de cette question-là à plusieurs reprises et on n'a jamais eu de retour à notre... Alors, très bientôt, les négociations devraient reprendre avec Hydro-Québec. Mais je pense que ça nécessitera une volonté politique si on veut qu'il y ait quelque chose qui se passe dans ce dossier-là.

M. Payne: Je voudrais bien croire qu'on puisse vous aider à favoriser la discussion.

M. Bujold (Marcel): Si on veut, je pense, avoir l'autoroute de l'information très rapidement au Québec et partout en région, ce serait très favorable si on pouvait avoir une entente entre les deux parties.

Le Président (M. Gaulin): Bien. M. le député de Laporte. M. le député de... Il y a une deuxième question, excusez-moi, allez-y.

M. Bujold (Marcel): À la deuxième partie de la question, je laisserais ceux qui travaillent de plus près, parce que, moi, je suis un petit câblodistributeur, puis on n'a pas les énergies pour travailler sur le contenu. Alors, je laisserais Cogeco et Vidéotron répondre à la deuxième partie de la question, si vous le permettez.

(10 h 40)

M. Bégin (Jacques): Merci, M. Bujold. Concernant le financement comme tel des contenus, l'Association des câblodistributeurs ne s'est pas vraiment penchée là-dessus jusqu'à maintenant, mais les deux grands câblodistributeurs, je pense, le font. Il faut comprendre que le développement de l'inforoute et des serveurs de communication sur l'inforoute est à son début. Les câblodistributeurs ont quelques mois d'expertise en ce domaine. Je pense qu'on a moins d'un an, les deux grandes compagnies ensemble.

C'est évident que l'approche que nous avons pour l'instant avec les développeurs de contenus est une approche de partenariat. Nous offrons un système de communication large bande jusqu'à la clientèle et nous offrons des serveurs qui nécessitent les contenus, bien entendu. Il y a déjà des groupes qui sont intéressés à développer des produits, et ce dont ils ont besoin, en fait, c'est un endroit pour exposer leurs produits et un réseau pour les distribuer. Ce que nous offrons à titre de partenaire.

Il y a beaucoup de contenus qui se développent présentement du côté francophone, avec et sans l'appui du Fonds de l'autoroute de l'information. Il y a certains contenus, par exemple, de billetterie qui ont été développés avec le Fonds de l'autoroute de l'information, des sites sur la santé. Il y a des cours pour l'éducation, la mondialisation des marchés, par exemple, avec les universités, qui se sont développés et qui ont nécessité, à l'occasion, l'appui du Fonds de l'autoroute de l'information, en partie, pour un montant de 20 % ou 25 % du projet. Dans d'autres cas, c'est strictement des entreprises manufacturières qui développent leurs produits, et les câblodistributeurs, à cet égard, peuvent rendre leurs serveurs disponibles pour que ces gens-là puissent exposer leurs produits à la clientèle. Je ne sais pas si, de ton côté, Guy...

M. Beaudry (Guy G.): Bien, je pourrais peut-être ajouter, si vous permettez...

Le Président (M. Gaulin): M. Beaudry.

M. Beaudry (Guy G.): Merci. Si vous le permettez, M. le Président, j'ajouterais que déjà l'industrie de la câblodistribution contribue des montants considérables dans le domaine du contenu. L'implication culturelle des câblodistributeurs est parfois mal perçue ou pas perçue du tout. Mais je donnerais ici quelques chiffres. Par exemple, pour ce qui est de Vidéotron, l'an dernier, annuellement en fait, on verse 4 500 000 $ par année dans un fonds de production, que M. Bujold a évoqué lors de sa présentation principale. Également, Vidéotron a pris un engagement de câbler toutes les écoles de ses réseaux, tout comme Cogeco, tout comme l'ensemble des câblodistributeurs au Québec et ailleurs au pays. Pour Vidéotron, ça représente un engagement de 2 000 000 $ à 3 000 000 $. Et, annuellement, Vidéotron verse aussi un montant d'environ 3 000 000 $ à 4 000 000 $ à la télévision communautaire. C'est une subvention directe. Alors, on parle ici d'un montant annuel d'environ 8 000 000 $, plus la somme dont j'ai parlé pour raccorder les écoles, pour y livrer des contenus. Et, en complément à ce volet-là, Vidéotron a annoncé au printemps dernier son engagement à investir 3 000 000 $ dans la mise sur pied d'un fonds de production de contenus ciblés spécifiquement dans le domaine de l'éducation.

Si vous permettez, je ne prendrai pas plus de temps lors de cette présentation-ci, on pourra élaborer davantage lors de notre présentation dans quelques minutes, mes collaborateurs pourront vous donner plus de détails de ce côté-là. Mais il y a donc une contribution existante dans le domaine du contenu, et ce, depuis de nombreuses années de la part de l'industrie de la câblodistribution.

Le Président (M. Gaulin): À vous, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. Bujold, merci pour cette excellente présentation. Ce que je retiens de plus essentiel dans votre présentation, c'est ce qui paraît être la vision dont elle s'inspire. Vous avez mentionné à un moment donné dans le mémoire – vous venez de le faire maintenant, et je pense que c'est une affirmation absolument incontestable – qu'on parle vraiment... moi, j'aime autant parler de l'Internet que de parler d'autoroute, parce que c'est plus spécifique, ou des technologies de l'information. Vous avez mentionné que ces technologies de l'information, avec Internet en particulier, sont le levier nécessaire de la création d'une nouvelle économie. Il y a des données très convaincantes là-dessus. Par exemple, on sait que ce sont dans les sociétés industrielles où la pénétration des technologies de l'information est la plus avancée, où la création d'emplois et la croissance économique sont les plus vigoureuses. Les deux cas extrêmes, c'est les États-Unis, qui sont à la fine pointe, et l'autre, l'Italie, qui est une société où ces technologies-là sont très, très peu implantées. Et il y a une corrélation très forte entre «economic growth», croissance et création d'emplois.

Vous autres, vous êtes particulièrement compétents pour répondre à la question qui, pour moi, est devenue un peu mon obsession au sein de cette commission-là, c'est celle... J'ai deux questions. La première, c'est une question plus générale; l'autre, des détails plus spécifiques.

Ma première question, vous en parlez déjà dans votre exposé, mais j'aimerais que vous repreniez ça pour nous le présenter, comme on dit, dans une coquille: Comment voyez-vous le partage des tâches entre l'État et l'entreprise dans le développement, c'est-à-dire du point de vue de l'implantation de ces technologies? On a bien des modèles là-dessus. Le modèle américain, par exemple, est un modèle où l'État joue un rôle relativement secondaire. Si vous prenez l'exemple des énormes investissements qui sont actuellement faits par Motorola pour développer ce qu'ils appellent l'Irridium et le nouveau système qu'ils appellent M-Star, donc l'entreprise américaine est extrêmement active dans ce domaine-là. L'État est évidemment aussi actif à cause des financements qui viennent, par exemple, en particulier de la Défense. Mais l'État, aux États-Unis, joue d'abord et avant tout un rôle de guide facilitateur. Le rôle d'Al Gore, par exemple, ça a été ça dans le domaine de l'autoroute. Vous, vous concevez comment ce partnership dont vous parlez entre l'État et l'entreprise ici, au Québec, dans le contexte québécois et peut-être aussi dans le contexte canadien? Ça, c'est ma première question.

Ma deuxième question, c'est que j'aimerais vous entendre, disons, nous donner des informations spécifiques sur les résultats ou les efforts que vous avez faits jusqu'ici pour développer des navigateurs en français. Si j'ai bien compris, vous êtes intéressés à franciser ou à développer de toutes pièces des navigateurs comme Netscape ou d'autres navigateurs, là. Je voudrais savoir qu'est-ce que vous avez fait pour rendre – c'est vraiment une question d'information – le recours à ces instruments plus facile pour les francophones du Québec?

M. Bujold (Marcel): Alors, si vous permettez, je vais répondre à la première partie de votre question, qui était le rôle ou le partage de l'État pour la réalisation...

M. Laporte: Le partenariat.

M. Bujold (Marcel): Le partenariat pour la réalisation de l'autoroute de l'information. Pour ce qui concerne les efforts ou les résultats obtenus, je laisserai ceux qui oeuvrent de façon directe dans ce domaine-là répondre. Probablement que la question sera plus complète que ce que je pourrais vous fournir.

M. Laporte: D'accord.

M. Bujold (Marcel): Premièrement, je tiens à vous signaler que je partage entièrement votre vision que les sociétés qui vont posséder l'information, la connaissance, qui vont être capables de la manipuler vont avoir un avantage très, très considérable. C'est non questionnable, cette approche-là. Alors, c'est important.

Notre société ici par rapport à la société américaine... Spécifiquement la société québécoise, on est ici, je pense, pour essayer de régler le sort du Québec dans ce domaine-là. Alors, ici, on a une population dispersée sur un grand territoire qui couvre l'équivalent de plusieurs États américains, une population dont la densité est très faible et qui est concentrée sur un corridor Québec– Montréal. Mais ça ne représente pas l'ensemble du Québec; l'ensemble du Québec est beaucoup plus grand que ça. Alors, on a des difficultés à relever avec des moyens moindres que les moyens des Américains, où le gouvernement peut jouer un rôle de faciliteur, se contenter de jouer un rôle de faciliteur et laisser l'industrie privée se débattre avec le dossier.

Ici, au Québec, avec le profil qu'on peut avoir de notre population et la grandeur des espaces qu'on doit couvrir, je pense qu'on ne pourra pas réussir si on prend le même chemin, si on prend le même sentier que les Américains. Je soulignais tantôt l'avantage considérable qu'on peut avoir au Québec avec un réseau de communication dont peut disposer Hydro-Québec présentement, je pense que ça sera très important qu'il se crée un partenariat, qu'il y ait une communication qui soit facilitée. Et là vous pouvez de cette façon-là, je pense, faciliter une communication qui soit facile, ouverte entre les partenaires si on veut réaliser l'autoroute de l'information et ne pas être en retard avec les autres pays industrialisés. On ne peut pas, je pense, se permettre, lorsqu'on considère notre situation économique présentement, d'être en retard dans ce domaine-là sur les autres pays industrialisés.

(10 h 50)

Pour les gens qui vivent en région, comme chez nous, on place beaucoup d'espoir dans la venue de l'autoroute de l'information pour pouvoir permettre la survie de nos régions. Je pense que c'est très important et je pense que le gouvernement doit porter énormément d'importance à ce que ça se développe en même temps et non pas en retard par rapport aux grands centres. Et vous allez, je pense... On a besoin de votre appui de différentes façons pour nous aider à arriver en même temps, qu'on prenne le même départ avec les autres. On compte beaucoup sur la mise en place de l'autoroute de l'information pour le développement des régions.

Pour la deuxième partie de la question...

M. Laporte: Si vous permettez, M. le Président, là-dessus, une question secondaire. J'ai trouvé très pertinent le commentaire que vous avez fait au sujet du développement des campagnes, des nouvelles campagnes, en réponse à la question de mon collègue de Vachon, parce que c'est tout à fait vrai. C'est-à-dire, si on veut inscrire le développement social et économique des campagnes dans le cadre de l'implantation des technologies de l'information, le genre de modification que vous proposez, par exemple pour l'utilisation d'Hydro-Québec, c'est... Autrement dit, ça, c'est absolument essentiel. J'ai trouvé cette question-là très pertinente.

M. Bujold (Marcel): Je vous remercie, ça fait plaisir à entendre.

Pour la deuxième partie de la question, je laisserais mes amis de Vidéotron et de Cogeco répondre à la question.

Le Président (M. Gaulin): M. Bégin.

M. Bégin (Jacques): Donc, sur la question de navigation en français, particulièrement Netscape ou le nouveau Explorer de Microsoft, nous avons l'avantage, depuis déjà deux ans, de travailler en collaboration avec le gouvernement du Québec dans le cadre du Fonds de l'autoroute de l'information pour un projet multimédia à Trois-Rivières, ce qui nous a amenés à discuter avec les gens de l'entreprise Netscape et de Microsoft. Présentement, nous sommes un site bêta pour des vérifications des nouvelles versions de ces sites-là, parmi d'autres, il y a plusieurs endroits où ces entreprises-là font des tests et envoient des modèles bêta pour vérification. Dans ce cadre-là, notre implication permet de pousser sur ces entreprises-là pour que les produits soient aussi développés en français et qu'ils soient disponibles autant que possible en même temps dans les deux langues.

Ce que, je pense, on réussit à faire, la nouvelle version d'Explorer de Microsoft est disponible, la version 3 est disponible en français maintenant et en anglais. C'est la même chose pour Netscape, il y a des versions maintenant qui sont disponibles autant en français qu'en anglais. Alors, à ce niveau-là, le leadership, je pense, que le Québec a exercé en matière de déploiement des technologies Internet à grande vitesse et le fait qu'on soit dans les premiers au Québec, Vidéotron et nous, qui avons lancé au cours de 1996 ces technologies-là font en sorte que les fabricants d'outils de navigation sont préoccupés par la langue française et, dans ce contexte-là, offrent maintenant des produits qui arrivent sur le marché en même temps, ou à toutes fins pratiques en même temps, que ce soit en anglais ou en français. Peut-être que Guy veut compléter.

Le Président (M. Gaulin): M. Beaudry.

M. Beaudry (Guy G.): Merci. Je pense que Jacques a bien répondu, très bien répondu à cette partie-là de votre question, mais je voulais compléter, si vous le permettez, la réponse de M. Bujold en matière de partage ou, enfin, d'activation du partenariat État-secteur privé.

À mon avis, il y a vraiment deux volets à la réponse, qui sont assez simples. Le premier, c'est que le gouvernement, que l'État soit véritablement un utilisateur modèle, mais vraiment un utilisateur extrêmement intense, un utilisateur qui démontre à la population, aux citoyens, à quel point il est facile d'utiliser l'inforoute, à quel point c'est souhaitable de le faire, ça peut être économique, ça peut même être pédagogique, il y a une multitude d'utilités. Et le gouvernement a l'occasion de le faire très prochainement au Saguenay avec UBI. Ça, c'est le premier volet.

Le deuxième volet. Je pense que le gouvernement a à sa disposition des moyens, des leviers économiques qu'il peut activer. Je pense en particulier à Hydro-Québec, dont on a parlé. Harnacher la puissance économique d'Hydro-Québec, activer la complémentarité des réseaux d'Hydro-Québec et de l'industrie de la câblodistribution, c'est accélérer le développement de l'inforoute, accélérer l'utilisation de l'inforoute par les citoyens, c'est permettre un développement plus rapide du savoir-faire, permettre finalement de dégager une activité économique absolument sensationnelle, unique au pays, peut-être même en Amérique, et c'est aussi à cause du déploiement partout en région des réseaux d'Hydro-Québec, c'est également rejoindre les régions plus rapidement. Donc, c'est donner au Québec une longueur d'avance sur le reste des sociétés qu'on retrouve sur le continent. Je pense que c'est un élément extrêmement important que vous devriez conserver dans votre réflexion.

Le Président (M. Gaulin): Merci. J'ai encore la députée de Sherbrooke et le député de Nicolet-Yamaska qui m'ont demandé d'intervenir. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, messieurs. Je pense que vous êtes effectivement des acteurs fort importants dans toute cette question-là du développement des inforoutes. Et je comprends bien votre volonté que, entre l'ordinateur et le téléviseur, ce soit l'ordinateur qui soit peut-être moins utilisé et le téléviseur qui gagne. C'est une question qui nous est rapportée de temps en temps. Mais je comprends très bien votre position là-dessus.

Vous avez une section qui concerne les valeurs de notre société. Pour nous, c'est une de nos préoccupations, effectivement, qu'on puisse se poser un certain nombre de questions de fond avant de partir tous azimuts sur les inforoutes. Vous confirmez la nécessité d'avoir des règles d'éthique qui soient sur des bases similaires à celles que nous avons en radiodiffusion. Vous dites un peu plus loin que vous seriez prêts à participer à un comité de travail qui soit composé de spécialistes et qui aurait pour mandat d'analyser différents moyens pour contrer certaines formes d'abus que l'on connaît et qui ont déjà commencé, selon certains, à faire des ravages.

J'aimerais que vous me précisiez peut-être, selon vous, quelles sont ces balises. Quand vous référez à celles qui sont présentes en radiodiffusion, auxquelles vous référez, et quand on parle de l'autoroute de l'information, est-ce que vous en rajoutez de nouvelles compte tenu de l'ampleur du phénomène et compte tenu des particularités, aussi, technologiques de ces inforoutes?

M. Bégin (Jacques): Bien, écoutez, là-dessus, à mon avis, c'est à développer. C'est un petit peu difficile à ce stade-ci de tenter de limiter le réseau de l'inforoute. Si on parle en particulier d'Internet, c'est mondial et c'est un peu, en termes polis, l'anarchie dans le réseau, et de plus en plus de gens y ont accès.

Je pense qu'on doit se pencher le plus rapidement possible tous ensemble sur l'utilisation qu'en font les gens, de cette technologie. Pour un, je crois que la grande majorité des internautes n'utilisent pas les sites autrement que pour de l'information ou de la formation. Il y a une proportion, et c'est vrai, dans la société qui ne navigue pas sur l'Internet, il y a des gens qui utilisent des secteurs plus sombres qu'éclairés. Ceci dit, en travaillant ensemble, je pense qu'on pourrait définir certaines balises qui font en sorte que les produits offerts sur les serveurs québécois, à tout le moins, soient des produits de qualité. Dans ce contexte-là, ce qu'on essayait de faire comme comparaison avec la radiodiffusion est l'effet qu'il y a un certain code d'éthique sur les produits qui sont présentés aux gens. Et on voudrait faire sensiblement la même chose sur les serveurs au niveau de l'accès à l'information.

Il y a des technologies qui permettent de limiter l'accès à certains serveurs à travers le monde, mais il y a aussi des technologies qui permettent de les contourner. Alors, ce n'est pas simple. Je pense qu'on doit prendre, comme société, une stratégie qui va nous permettre ensemble de développer une inforoute québécoise qui est à notre image. Et ça, à ce stade-ci, je trouve très, très difficile de le faire. On voit, par exemple, plusieurs sites, que ce soit de la pédophilie ou de la pornographie, qui naissent pratiquement à chaque semaine. Très difficile d'en faire la censure. Et, même si on les élimine, il y en a de nouveaux qui viennent au monde pratiquement le lendemain. Alors, c'est une opération, à mon avis, qui est plus grande. Il faut s'asseoir, discuter ensemble de la manière dont on veut faire les choses et trouver ensemble les technologies qui vont nous permettre d'avoir un certain code d'éthique sur l'inforoute comme telle.

Le Président (M. Gaulin): Ça va?

Mme Malavoy: Non, il y avait un complément, je crois.

Le Président (M. Gaulin): Oui, d'accord.

M. Beaudry (Guy G.): Si vous permettez...

Le Président (M. Gaulin): M. Beaudry, excusez-moi.

(11 heures)

M. Beaudry (Guy G.): Oui, si vous permettez. Je pense que il est intéressant de noter, et on y a fait allusion lors de la présentation, je crois que, au Québec, et nulle part ailleurs au pays, seulement ici, on a déjà pris une longueur d'avance là aussi. Non seulement l'inforoute est là, elle est bien en place: 97 % des Québécois y ont accès, ont accès au réseau de câble, donc ont accès à l'inforoute à haute vitesse. Le professeur Trudel a déjà, il y a environ deux ans de ça, étudié la question et développé pour UBI, de concert avec les intervenants du milieu, avec M. Comeau – Paul-André Comeau – et d'autres intervenants du milieu, un projet de code d'éthique. Donc, on s'est déjà penché assez intensément sur cette question-là. Et j'encouragerais le gouvernement à prendre acte de ces travaux-là et à constater qu'il y a déjà des travaux qui ont été effectués. Et, à partir de là... On ne part pas à zéro, finalement. Il y a déjà énormément de travail qui a été fait.

Mme Malavoy: Merci.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ma collègue de Sherbrooke a posé la question que je voulais poser, et votre réponse m'a éclairé. Ce que je voulais savoir, finalement, c'est un peu dans le même sens que Mme la députée de Sherbrooke: si vous aviez déjà des démarches d'entreprises là-dessus et, si oui, si vous aviez des exemples à nous donner. Mais votre réponse est très éclairante, et je vous en remercie beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Quelqu'un d'autre veut-il intervenir? Alors, je remercie beaucoup M. le président Bujold et l'Association des câblodistributeurs du Québec d'avoir voulu déposer devant nous et nous éclairer, nous permettre d'enrichir le mandat d'initiative que la commission de la culture s'est donnée.

Si je comprends bien, M. Beaudry, vous restez à la table comme vice-président des affaires corporatives de Vidéotron. Vous aurez à nous présenter les gens qui vont vous accompagner et à qui je demanderais de s'approcher, s'il vous plaît.

(Consultation)

Le Président (M. Gaulin): Si vous voulez, nous allons reprendre les travaux, s'il vous plaît. Merci.

Alors, nous disposons d'une heure. M. le vice-président Beaudry, vous avez la parole.


Le Groupe Vidéotron ltée

M. Beaudry (Guy G.): Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les membres de la commission de prendre le temps de nous entendre ce matin sur une question qui nous est très chère.

Je voudrais d'abord présenter les collaborateurs qui m'accompagnent: à ma gauche, Michel Bissonnette, vice-président marketing de Vidéotron ltée; à ma droite, Guy Labelle, directeur, développement des nouvelles affaires de Vidéotron ltée; à la gauche de Michel Bissonnette, Marcel Labelle, chef de produits, éducation, culture et santé – chez Vidéotron ltée, on ne parle pas de santé au travail, on parle de santé dans le domaine de l'inforoute – à sa gauche, Mario Pittarelli, vice-président adjoint aux affaires corporatives du Groupe Vidéotron; et moi-même, évidemment, Guy Beaudry. Je suis le vice-président aux affaires corporatives du Groupe Vidéotron.

M. le Président, mesdames et messieurs, actifs depuis plusieurs années dans le domaine des technologies interactives de type grand public, nous nous réjouissons, au Groupe Vidéotron, de ce que la commission de la culture consacre ses travaux à l'instauration des inforoutes au Québec. Les enjeux en cause justifient amplement que le gouvernement du Québec adapte sa stratégie de manière à faciliter une implantation intelligente et concertée de l'information au Québec. Je vous remercie donc de nous entendre aujourd'hui sur cette question.

Au Groupe Vidéotron, nous sommes très enthousiastes quant aux retombées positives qu'aura l'implantation accrue et accélérée de ces nouveaux réseaux électroniques sur un territoire aussi vaste que le Québec. Le potentiel de ce nouvel outil est considérable au plan de la création d'emplois et de l'essor économique de nos entreprises, ce qui en soi est déjà un apport fondamental pour sortir le Québec et Montréal des années difficiles qu'ils traversent. Mais nous sommes également optimistes parce que cet outil, l'inforoute, s'il est bien utilisé, nous permettra certainement de résoudre nombre de défis sociaux pour lesquels on ne trouve pas actuellement de solutions nettes. J'entends par là la formation professionnelle à distance, dans les entreprises ou à domicile, le décrochage scolaire, la promotion de la culture québécoise, la qualité et la rapidité des services publics offerts aux citoyens, quelle que soit la région où ils vivent, et, notamment, l'augmentation de la qualité et de l'accessibilité des soins de santé et la réduction des coûts qui y sont associés.

Utilisée dans une perspective de justice sociale, l'inforoute, sans être une panacée, peut devenir un instrument exceptionnel et réjouissant de développement économique, d'autant plus que le Québec possède déjà un très grand nombre d'atouts qui le poussent vers la réussite de cette révolution technologique.

Il faut malgré tout rester conscients des nombreux défis qui se posent à nous, dont celui, qui est colossal, de maintenir ici la prédominance de la langue française et de la culture québécoise. Il est donc fondamental que les Québécois puissent disposer d'instruments et de passerelles d'accès conçus en fonction de leurs besoins, mais, surtout, il est fondamental qu'ils aient accès à des contenus de langue française abondants, diversifiés et de qualité, des contenus qui leur ressemblent, qui s'enracinent dans leur réalité, qui expriment leur créativité et qui reflètent le dynamisme propre à leur culture.

Seule une multiplication rapide et intéressante des contenus francophones véhiculés sur les autoroutes permettra un achalandage stimulant sur les inforoutes québécoises et francophones. Mais, pour cela, la population devra être aguerrie à la technologie des inforoutes, sensible à son utilité et confiante en ses possibilités. Une multiplication rapide et intéressante des contenus francophones véhiculés sur les autoroutes signifie aussi qu'il nous faut, au Québec, des réseaux de distribution et des entreprises de programmation stables et établis susceptibles d'affronter la concurrence qui sera, qu'on le veuille ou non, canadienne et internationale. Des réseaux et des entreprises, donc, stimulés par la concurrence et forcés par elle à offrir des produits et services de la meilleure qualité et au meilleur coût pour les citoyens.

Notre lecture de la situation, M. le Président, nous mène donc à souhaiter trois coups de barre majeurs de la part du gouvernement du Québec: premièrement, un effort supplémentaire à l'endroit de la production de contenus francophones, deuxièmement, une action mobilisatrice auprès de la population et, troisièmement, un véritable soutien à l'émergence de grands groupes québécois de communication. Je demanderais à Michel Bissonnette de vous faire part des deux premiers points.

M. Bissonnette (Michel): Je commencerai par l'effort nécessaire à l'endroit de la production de contenus francophones. Il faut dès maintenant, croyons-nous, consentir à investir plus d'argent, public et privé, dans la production de contenus francophones de qualité. Et nous pouvons, à cet égard, littéralement envahir le marché de la production de matériel éducatif. D'un côté, le Québec a un système d'éducation qui lui coûte cher et qui, dans certains cas, ne donne pas des résultats à la hauteur de nos attentes. La formation professionnelle pourrait être plus performante. L'enseignement des sciences souffre de sérieuses lacunes, comme aussi la transmission d'une culture générale solide à nos enfants. Une proportion alarmante des jeunes décrochent du secondaire tandis que la société exige une formation continue dans tous les milieux du travail.

(11 h 10)

D'un autre côté, nous savons que la révolution des inforoutes est à nos portes avec son formidable potentiel, mais aussi ses dangers, dont celui fondamental pour le Québec de voir reculer nos acquis culturels et l'usage du français. Aujourd'hui, tous les produits audiovisuels et les communications, mais aussi les encyclopédies, les diagrammes, les communications savantes, les livres, les journaux, les expositions, les cours collégiaux ou universitaires ou les banques de données peuvent être numérisés et véhiculés à partir d'une même infrastructure de communication en réseau. En ouvrant un immense chantier qui permettrait au Québec de produire massivement et rapidement des contenus éducatifs et culturels à être utilisés par les inforoutes, nous pouvons redresser le cap en matière de formation. Nous serions ainsi une des sociétés les plus valablement formées, parmi les mieux à même de profiter des inforoutes, et tout cela dans le respect de notre langue et de notre culture.

Il faut songer aux bénéfices économiques obtenus par la commercialisation et l'exportation de nos produits et services inforoutiers, d'autant plus que le contexte général nous mène vers une économie de l'information et une économie du savoir. Nous voulons que les inforoutes utilisées par les Québécois fassent une large place aux contenus d'ici. Nous voulons que le Québec devienne un champion de la formation par les inforoutes: formation d'entreprises, formation professionnelle à distance ou au domicile, liens très forts entre l'école et la maison, formation rapide des maîtres et des formateurs, formation accrue à l'utilisation des nouvelles technologies de l'information.

C'est dans cette optique que le Groupe Vidéotron propose la mise sur pied de deux nouveaux fonds, financés conjointement par le secteur privé et par le gouvernement, destinés à la production de contenus et à la formation. C'est aussi dans cette optique qu'il souhaite que le gouvernement dote le Québec d'un plan quinquennal de branchement visant à relier le plus possible d'organismes publics et privés aux inforoutes, et ce, dans toutes les régions du Québec.

Deuxièmement, une action mobilisatrice auprès de la population, ce qui nous amène à parler de l'action qui doit être faite auprès de la population pour la former et la sensibiliser aux inforoutes. Le respect des valeurs sociales, la lutte à la criminalité, à la violence et à la propagande haineuse, même la reconnaissance de la propriété intellectuelle et l'utilisation sécuritaire des informations personnelles, tous ces défis pourraient être plus efficacement relevés si la population était bien renseignée et plus impliquée dans le déploiement des inforoutes. À cet effet, le gouvernement devrait maintenir un dialogue constant et soutenu avec sa population. En effet, la familiarisation aux nouvelles technologies et tout son potentiel pour la formation, la confidentialité et la sécurité des transactions qui sont effectuées sur les inforoutes ainsi que la lutte à la criminalité et le respect de nos valeurs sociales sont autant d'objectifs qui exigent une approche s'adressant à l'ensemble de la population québécoise. Il faut donc ouvrir un vaste dialogue avec la population dans son entier. Il faut penser et parler des inforoutes avec toute la société.

Le Groupe Vidéotron demande au gouvernement du Québec d'orchestrer et de maintenir pendant les quelques années qu'il faudra une vaste campagne de sensibilisation auprès du grand public. En tant que télédiffuseurs et en tant que télédistributeurs, nous sommes, bien sûr, prêts à défendre cette cause auprès de nos collègues de l'industrie et, ensemble, à appuyer le gouvernement dans ses efforts.

M. Beaudry (Guy G.): M. le Président, si le Québec veut profiter pleinement et durant longtemps des avantages considérables associés à la concurrence dans l'offre des services inforoutiers, il est essentiel, croyons-nous, de favoriser l'émergence de grands groupes québécois de communication. Ces groupes doivent être solidement enracinés dans la réalité culturelle d'ici tout en étant en mesure de se tailler une place enviable sur la scène nationale et internationale et de faire connaître et apprécier aussi bien leurs contenus que leur expertise technologique.

L'intégration verticale des entreprises de communication, c'est-à-dire le fait qu'une société soit à la fois propriétaire de fabricants de contenus et de réseaux de distribution, n'est pas une situation nouvelle. C'est le cas, au Québec, depuis plusieurs années, avec les CFCF, Cogeco et Vidéotron, pour ne nommer que ceux-là. On constate la même situation au Canada anglais. Rogers Communications, de Toronto, et Shaw Communications, de Calgary, ont même accentué récemment leur degré d'intégration verticale. Aux États-Unis, on a vu se créer des groupes gigantesques impliqués à la fois en télévision, en télédistribution, en cinéma et dans le domaine de l'imprimé. Des alliances stratégiques impliquant le contenant et le contenu se manifestent de plus en plus. Qu'on pense à Time-Warner-Turner, ABC-Disney ou NBC-Microsoft et AT&T-Microsoft. Face à cette réalité américaine, les entreprises européennes se fusionnent et acquièrent à leur tour davantage dans le but avoué de créer des mégagroupes capables de lutter à armes égales avec les Américains sur l'échiquier mondial. L'exemple le plus flagrant est celui de News Corporation, propriété de Rupert Murdock, qui est propriétaire de réseaux de distribution satellite et de chaînes câble et télé un peu partout autour de la planète.

Le monde des communications se globalise à un rythme incroyable. Le Québec est non seulement en droit, mais il a l'opportunité de se tailler une place de choix sur cet échiquier des communications qui devient de plus en plus mondial. Non seulement est-il important que les groupes soient considérables, mais encore faut-il qu'ils possèdent des entreprises qui fabriquent du contenu, car la combinaison vraiment intéressante est celle qui consiste à posséder à la fois le contenu et les réseaux pour distribuer ce contenu. Concevoir, réaliser, assembler, transformer, mettre en marché et distribuer des produits de communication sont devenus les phases opérationnelles de plus en plus interreliées d'une même activité. Nous revenons toujours à la même réalité fondamentale, à savoir que ce qui importe, ce sont les contenus, et que ces contenus, pour intéresser ceux qui les regardent, coûtent de plus en plus cher à produire. Seuls ceux qui ont les reins assez solides pourront faire face aux défis qui sont déjà à nos portes. Ce qui pouvait hier être perçu comme une concentration indue de nos médias traditionnels devrait aujourd'hui constituer une stratégie essentielle à l'essor de nos entreprises et à leur rayonnement national, continental et international. Je me permets d'ailleurs de vous remettre copie d'une opinion signée par M. Jacques Girard, un expert reconnu du domaine des communications au Québec et ailleurs au pays, qui élabore encore plus en détail sur cette question que j'estime être de toute première importance pour l'avenir de nos entreprises de communication.

Dans un marché aussi étroit que celui du Québec, qui présente des caractéristiques culturelles et linguistiques uniques en Amérique du Nord, le besoin de disposer d'entreprises fortes et intégrées est encore plus grand qu'ailleurs, car seules les entreprises québécoises en mesure d'accéder à la quasi-totalité de ce petit marché pourront faire face à la concurrence accrue des entreprises nationales et continentales. Elles seront aussi les seules à pouvoir effectuer les importants investissements en amélioration des réseaux, en implantation de nouvelles technologies et en programmation qui seront absolument nécessaires si l'on souhaite que les francophones continuent d'avoir accès à des infrastructures, à des services et à des contenus d'une qualité comparable à ce qui prévaut dans l'ensemble de l'Amérique du Nord. À terme, ce sont la réussite de la mutation vers une économie du savoir et l'accès à l'autoroute de l'information par les citoyens de langue française de ce pays qui sont en cause.

Le Québec, petit par sa population, a néanmoins réussi à se donner une grande programmation culturelle. Il ne faut pas perdre cet acquis. Il faut, au contraire, prendre les moyens pour le soutenir, le développer et l'internationaliser. C'est précisément ce que Le Groupe Vidéotron veut faire. Pour que nous y parvenions, il faut nous permettre d'atteindre la taille qui sera à la mesure de nos ambitions collectives et qui nous permettra de jouer un rôle significatif dans le monde des communications tant au Québec qu'au Canada et ailleurs dans le monde. Le Groupe Vidéotron a l'intention d'être un acteur majeur du système de la radiodiffusion francophone et du monde des communications. Cette volonté est aussi une nécessité qui revêt, dans les circonstances actuelles, un caractère de quasi-urgence, car à défaut de croître, de s'intégrer et de se diversifier rapidement, les entreprises québécoises de communication sont condamnées à disparaître ou, au mieux, à se confiner à des niches étroites ou à des marchés marginaux.

M. le Président, nous entrons dans un nouvel univers de l'information et des communications, un univers fascinant et prometteur dont les frontières traditionnelles s'estompent, interpellant la création de grands groupes de communication, des acteurs d'envergure qui consentent des investissements et des efforts de taille. Le Groupe Vidéotron, appuyé de toutes ses entreprises, a la volonté d'y voir et d'assumer le leadership requis sur le plan national et international. S'ouvrir ensemble sur le monde, Vidéotron y travaille. Merci de votre attention, et nous répondrons à vos questions.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Merci, M. Beaudry, pour cette excellente présentation et pour tous vos... Merci aussi à tous vos collaborateurs. J'ai été fort, disons, intéressé, fort étonné de lire, au mémoire que vous venez de présenter, à la page 6, quand vous parlez de l'émergence d'un grand groupe québécois de communication. La raison pour laquelle ça a retenu surtout mon attention, c'est que, lorsque je suis devenu président de l'Office de la langue française, en 1987, j'avais, à cette époque, rencontré M. Jean-Marc Léger, qui a été, évidemment, à l'origine de tout cet aménagement linguistique au Québec et qui, lui, affirmait d'une façon péremptoire que ce qu'il fallait faire, c'était de créer un consortium francophone des communications. Lui, ce qu'il voyait, c'était le besoin de créer une grande entreprise du type de celles que vous avez mentionnées, soit Warner, Turner ou AT&T ou ABC, dans le cas de Disney, mais, lui, il avait vraiment une vision. Il n'était pas dans les «theme parks» puis dans les chansons, puis ainsi de suite, là, mais, lui, ce qu'il voyait, c'était la nécessité pour une défense et une affirmation vigoureuses de la langue française, d'élargir vraiment le consortium à l'échelle de la francophonie.

(11 h 20)

Vous autres, à Vidéotron, vous avez une expérience internationale. Je pense, par exemple, à votre tentative d'implantation en Angleterre qui doit certainement vous avoir appris un certain nombre de choses là-dessus, et je me demandais comment... quelle est l'évaluation que vous faites de cette possibilité ou de ce projet d'un consortium, disons, francophone plutôt que... Puis, sans dire que ce serait absolument complémentaire, ça n'a rien de contraire avec ce que vous avez suggéré, mais, voyez-vous ça... C'est quoi, la faisabilité, pour vous, de la création d'un consortium qui dépasserait les acteurs québécois pour rejoindre les acteurs de la francophonie mondiale?

M. Beaudry (Guy G.): D'abord, je pense qu'il faut d'abord apprendre à marcher avant de courir. Vidéotron est très fier de sa réalisation tant ici, au Québec, en Alberta également, qu'en Angleterre. Vous parlez, je pense, d'un démarrage – ou l'expression que vous avez utilisée, j'oublie précisément – mais, en Angleterre, je vous signale que Vidéotron embauche 1 000 personnes. Il y a des investissements considérables qui ont été consentis là-bas. Il y a 1 500 000 foyers dans le grand Londres qui ont accès au réseau de câble de Vidéotron. Donc, le message que je voudrais vous laisser quant à la capacité de rayonner, c'est qu'il est possible pour des groupes québécois de rayonner, et de rayonner fort, et de rayonner avec vigueur et intelligence sur les marchés internationaux. Parfois, c'est un peu ironique qu'on doive aller faire nos preuves à l'étranger avant de pouvoir revenir et démontrer qu'on est finalement un groupe capable. Je ne suis pas certain que la crédibilité de Vidéotron était la même avant qu'on soit allé en Angleterre. Aujourd'hui, on dit: Ah! Vidéotron est allé en Angleterre, c'est fascinant. Mais c'est le même groupe.

Ce qu'on apprend toutefois, c'est qu'il est possible, il est même avantageux et rémunérateur d'exporter notre savoir-faire. Ce qu'on constate également, c'est que, lorsqu'on est en sol étranger, on apprend énormément de choses. On rapporte aujourd'hui une expérience sensationnelle en téléphonie qu'on a acquise en Angleterre, et c'est précisément cette expérience, qui est à peu près unique au Canada, que nous allons utiliser pour développer la téléphonie locale ici, au Québec. Alors, voilà pour l'expérience en termes d'importation et d'exportation de savoir-faire.

Pour ce qui est de la création d'un grand groupe ou d'un consortium francophone, je vous dirais que la transaction que nous avons réalisée au printemps dernier avec le groupe CFCF, pour nous, constitue un pas dans cette direction, c'est-à-dire accentuer notre implication dans le contenu par l'acquisition de Télévision Quatre Saisons et accentuer notre capacité de concurrencer avec un géant comme Bell Canada, du côté de la distribution, en faisant l'acquisition du réseau de câble de CF Cable dans la région de Montréal.

Je ne sais pas si, Michel ou d'autres, vous avez des choses à dire.

M. Bissonnette (Michel): J'ajouterais peut-être, M. le député. Avec l'arrivée notamment de l'Internet, les barrières d'accès à des contenus, à l'information tombent une après l'autre. L'ensemble des entreprises mettent leur contenu disponible et les gens peuvent maintenant s'y rendre. Je pense que ce qui est le plus gros défi pour nous comme société, quand on est la seule société francophone en Amérique du Nord, c'est de s'assurer qu'on ait des entreprises québécoises qui s'assurent de produire et de développer du contenu local. Si on ne réussit pas ce pari-là de développer du contenu qui nous ressemble et qui nous rassemble comme société, comme notre télévision sait le faire, on va se retrouver avec des jeunes qui vont consulter les inforoutes de l'information et pour consulter des contenus qui ne sont pas des contenus locaux. Et, bien sûr, il y a certainement des avantages, dans certains types de contenus, de pouvoir penser à de grands consortiums francophones, mais je pense que le plus grand défi, c'est d'abord de s'assurer d'avoir des entreprises locales qui ont la capacité financière, intellectuelle et au niveau de la création également pour produire des contenus qui s'adaptent aux nouveaux médias et non pas juste de prendre les contenus d'autres médias et de juste, si vous me permettez l'expression, les jeter sur l'inforoute et sur l'Internet. Et ça, je pense que c'est un rendez-vous qui est immédiat et qu'on ne peut pas attendre plusieurs années pour être au rendez-vous.

M. Beaudry (Guy G.): Si vous me permettez, j'ajouterais un autre élément de réponse. Je pense qu'il faut être prudent quand on parle de création de grands consortiums. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut apprendre à marcher avant de courir. Nous croyons fermement que la voie à privilégier, c'est celle de plus qu'un simple partenariat, parce que, parfois, les partenariats, ça peut être assez superficiel. On en voit tous les jours dans les journaux, des annonces d'alliances stratégiques de ci et de cela. Combien d'entre elles, qui ont été annoncées au cours de la dernière année ou des derniers deux ou trois ans, sont toujours en place, alors que des intégrations pures et simples, verticales, elles, vont définitivement rester? Moi, je me méfierais un peu de la création d'une espèce de superstructure qui, en bout de course, donnerait bien peu de résultats.

M. Laporte: M. le Président, si vous me permettez, je voudrais tout de même éviter de créer de fausses impressions. D'abord, c'était un jugement que je voulais que vous portiez sur une opinion qui n'était pas nécessairement la mienne.

Je vois que vous êtes encore moins prudents que Mao Tsé-Tung, qui disait qu'il fallait non seulement apprendre à marcher avant de courir, mais il fallait faire le premier pas avant de faire le deuxième, quoi. Donc, je suis tout à fait d'accord avec vous. Maintenant, je ne voudrais pas non plus créer la fausse impression que j'ai quelque jugement négatif sur la stratégie de diversification géographique de Vidéotron en Angleterre. Je pense que j'ai suivi ça de très près. Je trouve que vous avez sûrement appris beaucoup de choses, et, justement, la réponse que vous avez donnée à ma question me confirme dans cette impression, à savoir que vous avez déjà, disons, fréquenté ce marché international et vous y avez appris des choses. Votre réponse à ma question est tout à fait ce à quoi je m'attendais, puis je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député de Vachon.

M. Payne: Bonjour, M. Beaudry, de nouveau, Le Groupe Vidéotron. Je voudrais profiter de votre présence pour la deuxième fois ce matin pour revenir sur un sujet que j'ai abordé tout à l'heure, c'est-à-dire le contenu.

Je voudrais être très pratique. Je suis en accord avec la plupart de ce que vous dites dans le mémoire, mais je voudrais être très précis. Lorsqu'on parle de financement du contenu, vous avez évoqué tout à l'heure un financement pour les écoles, et je pense que c'était 6 000 000 $ que vous avez investis dans le branchement des écoles. C'est bien ça?

M. Beaudry (Guy G.): C'est de l'ordre de 3 000 000 $ pour brancher les écoles, plus un fonds de développement des contenus de l'ordre de 3 000 000 $ également. Si vous... Oui...

M. Payne: Je pense qu'on a besoin de préciser l'implication, par exemple, du Fonds de l'autoroute de l'information et surtout de nos commissions scolaires, parce que, si on lit le Journal des débats dans deux semaines, on peut lire, on peut avoir l'impression, celui qui n'est pas trop «affûté» dans ces affaires, que vous étiez responsables pour le financement de ces branchements.

Je vous donne à titre d'exemple une demande que nous avons reçue au Fonds de l'autoroute de l'information, et c'était une initiative qui s'appelle «L'école informatisée, clés en main». Le Fonds de l'autoroute a donné un peu au-delà de 500 000 $ et la commission scolaire en question, elle, était pour 400 000 $. Le financement d'une école, c'est plus qu'un branchement à l'extérieur. Je pense qu'il faut préciser c'est quoi, votre participation dans ce projet de l'informatisation des écoles en ce qui concerne l'autoroute.

Pouvez-vous me donner plus de précisions, à la commission, exactement qu'est-ce que c'est, votre programme, et jusqu'à quel point ça s'étend dans la salle de classe?

M. Beaudry (Guy G.): Parfait. Je vous remercie de votre question. Je demanderais à Guy Labelle de donner un premier élément de réponse et éventuellement peut-être à Marcel Labelle, aussi, qui est chef de produits dans ce secteur-là, de compléter, au besoin.

M. Labelle (Guy): Dans le cadre du projet éducation, notre objectif, c'est d'être très concrets dans le début du programme. On parle d'informatiser les écoles, d'intégrer les nouvelles technologies dans les écoles. On veut être très concrets, dans un premier temps. Donc, on met l'emphase sur le branchement au câble des écoles et l'accès au programme La câblo-éducation, qui donne accès au câble et à la programmation sur le câble, mais aussi à une programmation télévisuelle qui est libérée de droits d'auteur, de publicité, de violence et qui est promue par tous les câblodistributeurs canadiens, en anglais et en français.

(11 h 30)

Dans un deuxième temps, une autre action très concrète, c'est le travail en partenariat pour en arriver à développer du contenu qu'on a enveloppé sous l'étiquette InfiniT Éducation, donc, qui a été annoncé... Il y a eu un investissement d'annoncé de 3 000 000 $ sur trois ans. Donc, cet investissement se fait en collaboration avec des partenaires. On négocie présentement une cinquantaine de partenariats et on en a une quinzaine qui ont été conclus, et ce sont tous des partenaires du monde de l'éducation. Donc, on parle d'implication concrète, câbler les écoles et d'avoir des outils de contenu pédagogique disponibles maintenant, dans un premier temps.

M. Payne: En ce qui concerne quelque chose corollaire à ça, comme par exemple le réseau de santé, dont vous êtes le vice-président affaires corporatives, si je crois bien, c'est ça?

M. Labelle (Guy): C'est M. Beaudry.

M. Beaudry (Guy G.): Moi, je suis vice-président affaires corporatives du Groupe Vidéotron, mais pas du réseau de santé.

M. Payne: Qui est à l'éducation et à la santé, ce n'est pas M. Labelle?

M. Beaudry (Guy G.) : C'est Marcel Labelle.

M. Payne: Bon.

M. Beaudry (Guy G.): On fait ça pour vous mélanger.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Payne: Pour les CLSC, par exemple, je vous donne un exemple, il y a deux ans... Par hasard, j'ai mon bureau de comté dans l'édifice du CLSC. Il n'y avait aucun branchement de Cablevision. Bien sûr, dans le cours normal de mes fonctions, il fallait, comme tout député, qu'on soit branchés au Cablevision. Il fallait que je paie le branchement. J'ai discuté de ça avec Vidéotron, mais il y avait un bénéficiaire principal, qui était le CLSC, qui, lui, n'était pas branché. Le branchement que, moi, j'ai dépensé, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, avait comme effet de brancher le CLSC. Vidéotron a refusé d'assumer les coûts de développement pour ce branchement-là. Il m'informait qu'il n'y avait aucun programme et aucun plan pour brancher le CLSC. J'ai discuté de ça avec les membres du conseil d'administration du CLSC qui avaient bien voulu m'informer qu'ils ont demandé à plusieurs reprises d'avoir de l'aide de Vidéotron, d'avoir un branchement pour le service pédagogique. Pourriez-vous nous donner quelques explications?

M. Beaudry (Guy G.): Je dirais que, à l'époque, il n'y avait en effet aucun programme pour brancher des établissements considérés comme étant commerciaux. Aujourd'hui...

M. Payne: L'époque est juste il y a un mois, parce que le dossier était encore ouvert.

M. Beaudry (Guy G.): Ah! j'avais compris que c'était il y a deux ans.

M. Payne: Non, ça a commencé il y a deux ans.

M. Beaudry (Guy G.): Écoutez, je n'ai pas de réponse, je ne suis pas arrivé préparé pour répondre à cette question-là, mais, si vous voulez, on pourra prendre les détails et vérifier. Ça m'apparaît une situation embêtante un peu.

M. Payne: L'exemple, c'est pour illustrer une politique dans son ensemble. Avez-vous une politique de branchement du réseau de santé?

M. Labelle (Guy): C'est ça, comme je vous le disais tantôt, M. Beaudry l'a énoncé aussi, il n'y avait pas de programme à l'époque. Moi et Marcel sommes arrivés en poste cette année pour pouvoir démarrer ces programmes-là et mettre de l'avant des politiques pour l'éducation, la culture et la santé. Les deux premiers dossiers qu'on a traités en priorité, c'est l'éducation et la culture. Présentement, le dossier de la santé est sur la table à dessin, si on peut dire, on est en train de le monter. Et, comme on a soumis des choses très concrètes à l'Éducation et aux bibliothèques aussi, on va le faire au niveau des CLSC dans les prochains mois, on vise début de l'année 1997.

M. Payne: C'est un engagement. Merci.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: Je veux revenir au développement, ou, enfin, au déploiement, parce que vous êtes le premier groupe de diffuseurs qu'on reçoit. On a reçu plusieurs groupes, dont des utilisateurs ou des gens qui étaient aussi plus spécialisés dans les contenus, mais aux diffuseurs.

On regarde ce qui se passe sur le territoire québécois et on s'aperçoit que, effectivement, il y a une lutte féroce entre la téléphonie et la câblo. Je veux dire, ce n'est pas d'aujourd'hui. Mais, selon vous – parce que je regarde dans votre mémoire, on parle aussi de groupes – pour la survie de l'industrie canadienne – parce que là on s'aperçoit aussi, et on l'a vu aussi dans le marché, qu'il y a des intérêts américains qui entrent de plus en plus, de toutes sortes de façons. Alors, pour la survie de l'industrie canadienne, donc québécoise, sur le territoire, comment voyez-vous ça, vous, le déploiement? On parlait d'un consortium francophone. Bon, ça, c'était une question à se poser. Maintenant, moi, je vois aussi consortium point, là. Parce que, ce qui est plus inquiétant en tout cas, il me semble, c'est l'arrivée de façon un peu, je dirais... je ne veux pas dire hypocrite, ce n'est pas parlementaire, mais c'est un peu ça, des Américains. Donc, comment voyez-vous ce déploiement-là dans le futur? Comment voyez-vous le futur arriver?

Et j'ajoute à ça que, quand on a commencé à parler d'UBI, il y a quelques années, effectivement, Internet n'était pas aussi présent puis on ne s'attendait pas non plus à ce qu'Internet le soit et le soit aussi rapidement. Donc, comme groupe qui est probablement le groupe le plus important et, je dirais, le plus avancé, malgré ce que Bell annonce – ils sont quand même un peu en retard – comment voyez-vous l'avenir de ça par rapport au consortium et par rapport à ce que vous faites aussi, entre autres, avec UBI? Parce que je vous dirais qu'il y en a plusieurs qui sont venus nous dire: Bien, là, l'inforoute, ce n'est pas un centre commercial, ce n'est pas pour commander une pizza. Tu sais, on a encore cette ancienne perception qui vient d'UBI, veux veux pas, des premiers positionnements, je dirais. Mais tout le monde a évolué aussi. Je vous laisse ça parce que c'est assez inquiétant. Puis je trouve que c'est inquiétant aussi, ce qui se passe au niveau du marché et l'arrivée des Américains aussi, aujourd'hui minoritaires, et l'arrivée des Américains par rapport au contenu.

M. Beaudry (Guy G.): Excellente question, très intéressante, assez large aussi. Je vais tenter de répondre à la première partie et je demanderai peut-être à Michel d'élaborer davantage sur UBI.

La vision qu'on a du développement de nos activités en tant qu'industrie au cours des trois, cinq, sept prochaines années est assez stimulante. Au fond, on ne le dit pas assez souvent, mais l'inforoute, elle est là, l'inforoute est en place. Comme je l'ai dit lors de ma prestation précédente, il y a 97 % des foyers québécois qui ont accès au câble. Il n'y en pas 97 % qui choisissent de s'y abonner, mais 97 % des foyers du Québec ont accès au câble. Il y a un fil de câble qui passe devant leur foyer; il est possible pour eux de s'abonner. Donc, première donnée importante.

Deuxièmement, ce câble-là – on l'a dit, on ne le répète pas assez souvent, je pense – dispose d'une capacité absolument phénoménale. Il a une capacité de transporter des contenus vidéos multimédias tout à fait sensationnels. Ce n'est pas suffisant, on améliore sa capacité, on rend sa capacité bidirectionnelle, possibilité d'échanger en temps réel, interactif, et on augmente sa capacité. On élargit l'autoroute et on a déjà une autoroute à 60 voies, 60 canaux, on va passer à une autoroute à, quoi, entre 80 et 90 canaux bientôt. Donc, l'inforoute, elle est là. Nous avons donc en tant qu'industrie cette longueur d'avance là sur l'industrie de la téléphonie qui, elle, comme le disait M. Bujold ce matin, dispose d'une petite route beaucoup plus étroite, la paire de fils de cuivre n'a pas la capacité physique de transporter autant de contenu.

Ce que nous n'avons pas – et c'est là l'inquiétude que nous avons, et c'est là que je vous rejoins quand vous dites qu'il y a des inquiétudes à y avoir – c'est la musculature financière, la taille tout à fait redoutable des entreprises de téléphonie. On parle ici d'un ratio d'environ sept pour un. Les entreprises de téléphone au Canada sont sept fois plus puissantes en termes de revenus, dégagent sept fois plus de revenus que l'industrie canadienne du câble. L'industrie canadienne du câble, c'est 2 000 000 000 $, 2 500 000 000 $ de revenus annuellement; l'industrie de la téléphonie, c'est de l'ordre de 14 000 000 000 $. Alors, vous voyez là une puissance financière considérable. Bell Canada, au Québec et en Ontario, dépense plusieurs dizaines de millions – les chiffres qu'on me donne, moi – ça dépasse 100 000 000 $ par année pour faire des annonces, pour faire de l'«advertising», simplement au Québec et en Ontario. Michel est vice-président marketing de Vidéotron, il pourra vous dire quel est son budget d'«advertising», ça ne se rapproche pas de ce chiffre-là, j'en suis persuadé. Donc, ce que je vous dis, c'est que, s'il est pour y avoir une véritable concurrence... parce que c'est ce que les gouvernements, pas juste ici, au Canada, mais ailleurs dans le monde, souhaitent. Ça se passe en Angleterre, c'est le seul pays au monde où il y a à l'heure actuelle une véritable concurrence entre le câble et la téléphonie. En Angleterre, M. le député, nous offrons à la fois des services de câble et des services de téléphonie, conjointement. On frappe à la porte du consommateur: Bonjour, madame. Bonjour, monsieur. Vous êtes actuellement abonné à British Telecom, voulez-vous vous abonner au service de Vidéotron téléphone, et, en passant, nous avons aussi du câble à vous offrir, et on offre les deux services ensemble. Et, par une offre attrayante, une tarification attrayante, on arrive à s'accaparer une certaine part de marché.

Aujourd'hui au Québec, la situation est fort différente: Bell Canada a 100 % du marché dans son territoire. Et le défi qui nous est offert, c'est d'aller chercher des parts de marché, mais d'aller chercher des parts de marché d'une entreprise, d'une industrie de la téléphonie qui est extrêmement bien implantée, extrêmement crédible. Nous avons un respect profond, très sincère pour les entreprises de téléphonie qui sont là depuis, quoi, 100 ans. Alors, la crédibilité des entreprises de téléphonie n'est plus à refaire; la nôtre doit être établie. On est trop perçus comme une industrie qui est un peu en arrière.

(11 h 40)

Le message que je veux vous laisser aujourd'hui, c'est que ce n'est pas le cas. Nous sommes une industrie qui est tout à fait d'avant-garde, nous disposons d'un réseau encore plus performant que celui des entreprises de téléphonie. Elles vous l'avoueront elles-mêmes, j'en suis convaincu, si elles sont honnêtes, et je sais qu'elles le sont. Mais ce que nous n'avons pas, c'est cette musculature financière. Et c'est là que je vous rejoins, et je rejoins les propos de M. Bujold de ce matin, quand on parlait d'harnacher la puissance financière d'Hydro-Québec, par exemple, de mettre en commun les capacités des deux industries pour capitaliser sur la puissance des deux, tant en termes de réseau qu'en termes financiers, et développer plus rapidement l'inforoute.

Alors, notre vision, c'est une vision tout à fait enthousiaste. Nous savons que nous avons une technologie tout à fait d'avant-garde, capable de rivaliser efficacement. La grande question, c'est: Est-ce que nous aurons la capacité financière de soutenir une concurrence vigoureuse de la part d'un adversaire qui est tout à fait crédible?

Maintenant, un mot peut-être de la part de Michel sur UBI.

Mme Frulla: Je veux juste ajouter là-dessus avant qu'on passe à UBI, c'est que, avec la compétition au niveau de la téléphonie, est-ce que j'ai raison de dire que... Évidemment, les compagnies de téléphone, ce n'est plus juste Bell, c'est effectivement AT&T, etc. Moi, ce qui m'a toujours inquiétée, autant comme ministre que maintenant, c'est la percée américaine, parce que, veux veux pas, ce n'est pas vrai que les Américains sont soucieux d'un contenu canadien, etc. C'est faux, ça. Les Américains sont soucieux de leurs contenus, de leurs produits – et ça, c'est partout dans le monde aussi – de diffuser leur culture, leur façon de faire dans le monde. C'est une libre entreprise. Puis ils le font dans le cinéma, ils le font un peu partout. On voit les batailles à chaque fois qu'on a à livrer, au niveau de l'ALENA par exemple, l'exclusivité culturelle. Alors, tu sais, c'est un peu ça. C'est pour ça que ma question, c'était: Comment on peut rendre nos industries plus fortes par rapport à d'autres industries et par rapport aux intérêts américains? C'est ça.

M. Beaudry (Guy G.): Bien, vous nous rejoignez là, avec le grand groupe de communication, l'importance de se doter ici, au Québec, de prendre tous les moyens pour créer de grands groupes de communication capables de rivaliser à l'échelle non seulement nationale, mais internationale. La décision d'hier rendue par le CRTC qui confirme que la présence d'AT&T dans l'actionnariat d'Unitel n'est pas une présence qui correspond à une prise de contrôle étrangère, c'est une décision qui va en surprendre quelques-uns, j'en suis persuadé. Le fait est que le gouvernement fédéral a sous-estimé, je pense, le caractère redoutable des compagnies de téléphonie interurbaine au pays et n'a pas laissé suffisamment de place aux concurrents émergents, n'a pas donné suffisamment de moyens, n'a pas donné suffisamment de mesures de sauvegarde à l'émergence de cette concurrence en téléphonie interurbaine, et le résultat est que les Américains sont arrivés et ils ont pris en quelque sorte le contrôle. Hier, on nous dit que non, mais, pour demain, ce n'est pas garanti. Alors, je comprends votre préoccupation.

Mais ce que je dis, c'est que, ici, au Québec, on a encore la possibilité de créer de grands groupes capables de s'intégrer et de rivaliser à l'échelle internationale. Et UBI est un élément important de notre stratégie à cet égard-là, chez Vidéotron.

M. Bissonnette (Michel): Il y a un enjeu qui m'apparaît fondamental, c'est celui d'avoir du contenu local. Vous me permettrez une anecdote. Dernièrement, je gardais ma filleule qui avait à faire une recherche sur les abeilles. Même si je ne suis pas vieux moi-même, je me rappelle que, quand, moi, je les faisais, j'avais mes 10 «Tout connaître», puis il y avait un des «Tout connaître» qui parlait des abeilles. C'était de ce contenu-là que je me servais pour pouvoir faire ma recherche. Elle, elle est venue me voir pour savoir comment «abeille» se disait en anglais pour aller faire sa recherche, puis elle est revenue pour que je traduise toutes les sources d'information qu'elle avait eues là-dessus, parce qu'il n'y avait pas suffisamment de contenu local pour lui permettre de pouvoir faire ses travaux. Je pense que c'est un enjeu fort important de s'assurer que nos entreprises d'ici, qui sont déjà des entreprises de contenu, aient le souci puis le soutien gouvernemental. Comme le disait Guy à l'autre audience, que le gouvernement soit un utilisateur modèle de nos autoroutes de l'information pour produire du contenu de qualité et en quantité pour que nos jeunes et nos moins jeunes puissent s'assurer de toujours trouver un contenu qui leur ressemble.

L'autre grand défi des autoroutes de l'information au Québec est celui de la démocratisation des inforoutes. Je pense qu'il ne faudrait pas recréer le modèle universitaire à ses tout débuts, où seule l'élite québécoise avait le privilège de pouvoir aller à l'université et les autres n'étaient pas aptes à pouvoir y aller. Ça a pris une révolution tranquille pour que tous nos jeunes puissent avoir la liberté de pouvoir aller étudier à l'université. Les coûts d'accès dans chacune des résidences peuvent représenter un montant important, quand on pense à l'achat de l'ordinateur, au coût de branchement pour pouvoir avoir accès aux autoroutes de l'information.

Ce que UBI veut, dans un premier temps, c'est surtout faire un test commercial, une analyse de modèle financier où, quand on regroupe une série d'entreprises ensemble qui viennent financer un réseau qui rentre dans le salon de chacun des individus, est-ce qu'on peut faire la preuve ou la démonstration économique que ça peut être rentable? Et est-ce qu'on pourrait, comme société, pouvoir déployer dans l'ensemble des foyers un accès à cette autoroute de l'information là qui soit multimédia?

Je suis d'accord avec vous, il y a eu un grand changement de positionnement de UBI au fil des années, puis je pense que l'Internet y a joué pour beaucoup. Les entreprises de téléphonie sont en train de travailler essentiellement à faire des réseaux de distribution, alors qu'on est profondément convaincu, comme entreprise et comme industrie, qu'il ne peut pas y avoir de distribution au Québec s'il n'y a pas un soutien profond et marqué à l'endroit du contenu, parce que d'avoir des réseaux pour des réseaux, ça n'a pas d'intérêt.

Je pense que notre société, s'il n'y avait pas Radio-Canada, TVA, Télévision Quatre Saisons, Télé-Québec, n'aurait pas les mêmes valeurs aujourd'hui parce qu'elle n'aurait pas eu la même consommation de produits culturels. Il ne faut pas attendre que l'Internet ait pris 10 ans d'avance à la grandeur de la planète pour se réveiller comme société et dire: Il faudrait peut-être penser à développer des contenus. Il y a un rendez-vous là qui m'apparaît important, puis on doit trouver réponse.

M. Beaudry (Guy G.): Un mot là-dessus, sur la possibilité pour le Québec de capitaliser sur sa position, que je considère être une position de leadership à l'heure actuelle. Le Québec, comme je l'ai dit, est câblé à 97 %; la France, l'autre grand groupe ou l'autre grand secteur qui pourrait rayonner sur toute la francophonie, bien sûr, n'est pas câblée à 97 %, elle est câblée à peine à 10 %. Alors, on a au Québec cette inforoute, il s'agit maintenant de prendre les moyens pour développer des contenus en français.

Moi, je suis persuadé que, si on le fait bien, si on le fait rapidement surtout – parce que l'Internet, ça fait éclater les frontières – on est capable de faire du Québec un leader en matière de francophonie sur l'Internet. Il n'y a aucune raison pour laquelle on n'y arriverait pas. La feuille de route de Groupe Vidéotron en matière de contenu, en matière d'engagement envers les contenus, je pense, est assez révélatrice. C'est chez Vidéotron que la télévision communautaire a démarré, avec Cogeco et autres, mais principalement chez Vidéotron. On a été parmi les premiers acteurs à développer la télé communautaire, déjà, dans le contenu, il y a près de 30 ans. Ensuite, c'est chez Vidéotron que l'idée de TVSQ, Télévision des sports du Québec, et TVJQ, Télévision des jeunes du Québec, est née. Aujourd'hui, ça s'appelle Canal Famille, ça s'appelle Réseau des sports. C'est chez Vidéotron, chez Cogeco et d'autres comme ça que TVFQ est née. Aujourd'hui, ça s'appelle TV5.

Ce que je vous dis, c'est que les câblodistributeurs ont été la base de développement de contenus francophones. On n'est pas là nécessairement pour y rester, mais on est là certainement pour faire démarrer l'engrenage. On y croit sincèrement. L'engagement de Groupe Vidéotron en matière de contenus chez TVA est assez révélateur. Je pense que l'amélioration de la qualité du contenu de TVA au cours des 10 dernières années – si ce n'est qu'en information-affaires publiques, et je ne parle pas du reste – est assez significative. Alors, notre engagement en matière de développement de contenus, en français à part de ça, il est inébranlable.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. M. Beaudry et vos associés, bonjour. C'est un bon mémoire. C'est un mémoire qui, dans le fond, nous fait plaisir parce que, ce que l'on retient, c'est que vous voulez maintenir le leadership de la culture française, de la langue française, de la culture québécoise. En quelque sorte, je me dis: Ils sont venus nous dire ce qu'on veut entendre. C'est quelque chose qui nous plaît. En tout cas, moi, ça me plaît beaucoup.

Vous nous proposez aussi de donner trois coups de barre majeurs, qui devraient venir de la part du gouvernement, entre autres: un effort supplémentaire à l'endroit de la production de contenus francophones, une action mobilisatrice de la population puis un véritable soutien à l'émergence d'un grand groupe de communication québécois.

Quand je lis votre mémoire, à la page 13 entre autres, vous dites que Vidéotron va ou entend contribuer substantiellement aux efforts du gouvernement en participant à la mise sur pied d'un groupe québécois intégré de communication. Vous soulignez que la création de ce groupe-là est souhaitable, voire nécessaire, pour pouvoir faire face à la concurrence et pour pouvoir offrir à l'ensemble de la population du Québec des contenus et des services en français variés, abondants et de qualité comparable à ce qui se fait ailleurs en Amérique du Nord, et vous en ajoutez un autre: afin de faire rayonner à l'étranger les contenus d'ici ainsi que les expertises.

(11 h 50)

Je reviens sur celui d'offrir à l'ensemble de la population du Québec des contenus et des services en français. Je ne suis pas contre, pas du tout, mais ça me soulève une question: Comment vous allez faire pour offrir tout ça et mobiliser la population sur l'inforoute, quand on sait très bien que, dans une région comme la mienne – moi, je représente le comté de Rimouski, je suis de la région du Bas-Saint-Laurent – il y a des populations qui n'ont pas accès au câble? Malgré des démarches de ces populations-là, il n'y a pas encore de câblodistributeur qui accepte, compte tenu des coûts inhérents à ça. Vous savez, une population dispersée sur un grand territoire... Tout à l'heure, je vous entendais dire que près de 97 % de la population avait accès au câble. Oui, dans les centres urbains, Montréal, Québec, Sherbrooke, Drummondville et, enfin, même Rimouski comme ville, mais, dans des municipalités rurales, c'est autre chose. Il reste encore qu'il y a des populations pour lesquelles il faudrait peut-être axer les services et pour lesquelles on verrait des plus en termes de faciliteurs, en termes d'offrir des services.

Là-dessus, c'est quoi que les câblodistributeurs vont faire pour s'assurer que 100 % de la population du Québec a accès au câble et que... L'accessibilité, là, c'est toujours inhérent aux coûts. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Beaudry (Guy G.) : Très bien. Mario, je vais te demander de commenter un peu. Quand je parlais du 97 %, c'est vraiment à la grandeur, à l'échelle du Québec dans son ensemble.

Mme Charest: Oui, du Québec, c'est ça.

M. Beaudry (Guy G.): Alors, malheureusement, vos électeurs qui sont dans ce secteur-là font partie du 3 %. Il y en a...

Mme Charest: Parce que, vous savez, on nous appelle des régions éloignées, mais...

M. Beaudry (Guy G.): Pardon?

Mme Charest: On nous parle souvent comme de quoi nous sommes des régions éloignées. Mais, moi, j'ai toujours considéré que, sur le compteur du kilométrage de ma voiture, quand je pars de Rimouski jusqu'à Montréal, c'est le même kilométrage que quand je pars de Montréal jusqu'à Rimouski.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaudry (Guy G.): Il sera vraisemblablement difficile de câbler la totalité des foyers du Québec parce qu'il n'y a vraiment aucune rentabilité économique pour aller rejoindre un certain nombre de foyers qui sont vraiment dans des régions peu densément peuplées. Mais je demanderais à Mario Pittarelli de vous expliquer quelles sont les technologies alternatives, en quelques mots.

Mme Charest: Vous n'êtes pas sans savoir que Québec-Téléphone, qui est une entreprise de chez nous...

M. Beaudry (Guy G.): Oui.

Mme Charest: ...est aussi dans la câblodistribution et est un de vos partenaires. Enfin, on reviendra là-dessus. Mais pour la première question.

M. Pittarelli (Mario): Bon, alors, oui, c'est vrai qu'on couvre 97 % du territoire, mais il n'en demeure pas moins que 3 % de la population n'ont aucun service de câble traditionnel qui leur est disponible.

Par contre, il faut également réaliser que c'est le voeu du gouvernement fédéral d'avoir de la concurrence à la câblodistribution. Il y a plusieurs types de systèmes qui ont déjà vu le jour et qui vont voir le jour dans la prochaine année. On peut penser à la distribution, par exemple, directe par satellite. Il y a déjà trois systèmes maintenant autorisés au Canada. Il n'y en a pas encore un seul qui est vraiment opérationnel, mais on a confiance que, d'ici six mois, il va définitivement y avoir un système canadien de radiodiffusion par satellite de disponible, sans parler évidemment du marché noir.

Il y a également deux autres types de systèmes qui vont voir le jour. On l'a déjà vu au Manitoba où il y a un système, qu'on appelle système de distribution multipoints, qui opère dans des bandes de fréquence micro-onde, qui offre essentiellement la même nature, le même type de services qu'un câblodistributeur conventionnel. Alors, là aussi, ce genre de système est vraiment fait... On n'a pas besoin de fil, c'est un système sans fil. Alors, il est facile d'aller desservir une région qui est très peu densément peuplée. Le milieu rural, par exemple, est idéal pour ce genre de technologie.

Il y a un troisième type de système qui opère beaucoup plus haut en fréquence dans la bande micro-onde, qui va incessamment être autorisé par le ministère de l'Industrie, qui, lui, peut également accommoder le même type de contenu de canaux en termes de nombre que le câblodistributeur. Alors, il va y avoir différents types de technologies disponibles d'ici un an qui vont pouvoir desservir le milieu rural.

J'aimerais revenir sur un point que l'ACQ faisait valoir ce matin, qui est un complément de réponse à votre question, c'est l'apport d'Hydro-Québec en milieu rural. Évidemment, des câblodistributeurs déjà existants, déjà implantés, pourraient également, avec l'apport d'Hydro-Québec, la complémentarité des réseaux de fibre optique d'Hydro-Québec, amener finalement le même type de contenu déjà disponible à Montréal, à Trois-Rivières et ailleurs vers ces milieux-là, peut-être même en jumelant des technologies. La fibre optique d'Hydro-Québec à Rouyn-Noranda ou ailleurs, conjuguée avec un système micro-onde sans fil, pourrait facilement desservir le milieu rural.

Mme Charest: Ou la fibre optique de Québec-Téléphone.

M. Pittarelli (Mario): Aussi. Aussi.

Mme Charest: Oui. Je sais que, chez nous, c'est Cogeco Câble qui est quand même le câblodistributeur en région. Parce que je ne voulais pas quand même vous imputer à tort ou à quoi que ce soit le fait que certaines municipalités de mon comté, entre autres, n'ont pas accès à la câblodistribution.

Moi, je voudrais revenir sur... Selon vous, quand vous parlez des services de base qui devraient être abordables à l'ensemble des abonnés, à des tarifs abordables, c'est quoi que vous entendez par des tarifs abordables?

M. Beaudry (Guy G.) : Là-dessus, votre question est intéressante. Elle est tout à fait à point parce que le CRTC a terminé avant-hier des audiences qui ont duré presque une semaine et demie sur la révision complète du règlement qui régit à l'heure actuelle les entreprises de câblodistribution au pays et qui établit, notamment, la définition de ce que c'est, un service de base. Le service de base du câble correspond aujourd'hui à presque une trentaine de canaux à Montréal, dans les grands centres, en raison principalement de la présence de plusieurs stations de télévision locales.

Pour nous, câblodistributeurs, il est important qu'on puisse, pour l'avenir et le plus rapidement possible, disséquer un peu ce service de base là et permettre d'expédier certains des services qu'on y retrouve à l'heure actuelle à des volets dits discrétionnaires et ainsi faire en sorte que l'accès au câble, à un service de base du câble, soit plus abordable. Le tarif reste à être déterminé, bien sûr, parce qu'on ne sait pas ce que le CRTC dira. Est-ce qu'il sera possible, par exemple, d'expédier MétéoMédia, Réseau des sports, Canal Famille et autres à un volet discrétionnaire pour ainsi libérer le service de base d'une quantité de coûts qui ne sont pas négligeables? La facture de câble que vous recevez, qui est de 20 ou 25 $ par mois, par exemple, de cette facture-là...

Mme Charest: Ça, c'est le service de base, à ce prix-là.

M. Beaudry (Guy G.): C'est le service de base, à ce prix-là. Mais, dans ce 25 $ là, il y a environ 5 $ que le câblodistributeur ne fait que percevoir de vous. Il se retourne et il remet ce 5 $ là à différents services de programmation spécialisée, comme TV5, comme Réseau des sports, RDI, etc. Donc, si on avait la possibilité de porter ces services à un volet discrétionnaire et de donner le choix à l'abonné de sélectionner ou non l'abonnement à tel ou tel service, bien, déjà, on dégagerait le service de base et on l'amaigrirait un peu. On aurait la possibilité d'en réduire le coût.

Mme Charest: Merci. Mais avant de terminer, est-ce qu'il y a des femmes chez Vidéotron? Parce que je n'en vois pas là qui vous représentent.

Une voix: Ah, est-ce qu'il y a des femmes chez Vidéotron? Oui.

Mme Charest: Alors, merci.

Une voix: Parce que ce sont elles qui travaillent.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bissonnette (Michel): Si nos abonnés ont encore du câble aujourd'hui, c'est parce qu'elles sont restées au bureau.

Le Président (M. Garon): Moi, avant de passer la parole au député d'Outremont, j'aimerais vous poser une question, parce qu'on parle de contenu puis d'avenir.

J'ai eu la chance de participer, en janvier, à la Conférence des ministres de l'Éducation des pays de l'OCDE: 26 pays dans le monde puis 10 pays observateurs. C'est les 36 pays les plus avancés du monde. Et il y a eu une journée préparatoire avec des patrons puis des syndicats dans le domaine de l'enseignement. Et les gens disaient que, à cause des nouvelles technologies de l'information, on assisterait à un bouleversement de l'université. L'université, qui a été conçue telle qu'elle existe aujourd'hui au Moyen Âge, va changer radicalement dans les années qui viennent. Pas dans des dizaines d'années, on dit même d'ici cinq ans. Dans les conversations, les gens disaient même que les compagnies de téléphone américaines se préparaient à offrir elles-mêmes des cours universitaires.

L'autre jour, quand je suis allé à un débat avec les gens à l'Université du Québec, j'ai dit: J'imagine que Bell téléphone avant longtemps va offrir des cours. Le gars me dit après l'émission: Vous êtes au courant? Je dis: Non. Je ne suis pas au courant de quoi? Bien, il dit: Justement, ils se préparent à en offrir deux. Alors, j'avais dit ça... Moi, j'ai dit: Ils ne sont pas plus fous que les Américains.

Moi, je me demande – et c'est là que je vois que vous avez un rôle incroyable à jouer, puis, si vous ne le jouez pas, d'autres vont le jouer – pourquoi une compagnie comme... Je me demande si c'est dans vos projets d'offrir, par exemple, dire: Le meilleur cours primaire, le meilleur cours secondaire, le meilleur cours collégial et les meilleurs cours universitaires, en ne choississant pas telle université, telle université, mais tel cours de telle école ou tel cours qui est le meilleur, puis prendre l'autre cours qui est le meilleur dans n'importe quelle institution, puis, à la fin, offrir un curriculum de cours, mettons, où ça va être le meilleur.

Moi, je me rappelle, quand j'ai étudié l'Antiquité, le professeur qui m'enseignait – j'imagine qu'il n'avait jamais été dans les pays européens – il essayait d'imaginer ce qu'il nous disait, puis on essayait d'imaginer ce qu'il essayait d'imaginer lui aussi.

(12 heures)

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Je me suis aperçu, quand je suis arrivé à Istanbul, que les musulmans n'étaient pas plus arriérés que les Européens, quand j'ai regardé les mosquées, mais j'avais l'impression, sur le coup, que c'étaient des barbares. Alors qu'en Europe... parce qu'on ne les voyait pas... L'Europe, c'était fascinant. On faisait des cathédrales, c'était fascinant. Les mosquées étaient aussi belles que les cathédrales d'Europe.

Il y a des possibilités aujourd'hui d'offrir le meilleur cours. Est-ce que Vidéotron a l'intention de dire: L'école primaire Vidéotron, l'école secondaire Vidéotron, ou le collège, ou l'université, en allant piger le meilleur cours de sa catégorie? Si c'est vrai pour l'université, à mon avis, c'est vrai aussi pour toutes les écoles. Moi, je sais que mes enfants ont appris l'anglais chez nous parce que j'avais décidé qu'ils parleraient en anglais. On s'est cotisés, quelques parents, puis on leur faisait l'école le samedi. On engageait un professeur puis on partageait la facture entre nous autres, puis il y avait, le samedi avant-midi, l'anglais. Aujourd'hui, mes enfants parlent l'anglais aussi couramment que le français. Ce n'est pas l'école qui leur a enseigné, ils l'ont appris dans la cuisine, à la maison. Alors, je me dis: Je regrette, j'aurais dû faire la même chose avec l'espagnol.

Si, avec les organismes, les institutions que vous avez, vous êtes capables de développer ces cours-là... Moi, je pense que l'école aussi peut être éclatée demain, à tous les niveaux. C'est-à-dire que les gens peuvent décider: Pourquoi, dans les rangs, prendre l'autobus, faire une heure d'autobus pour aller à l'école, alors que cinq ou six familles pourraient s'organiser ensemble pour avoir l'école à la maison avec le meilleur cours? Ils suivraient le curriculum qui est demandé par le ministère ou pour la première, deuxième, troisième année jusqu'à leur niveau universitaire.

Je vous pose la question parce que, moi, je suis persuadé que c'est une question que, dans peu d'années, les Américains vont nous offrir, puis, si les gens voient qu'il y a un bon cours... J'avais déjà demandé aux Français – ils craignaient ce que les Américains feraient: Si Harvard offrait un cours – il n'y aurait pas de diplôme français – est-ce qu'un Français serait handicapé s'il avait un diplôme d'Harvard plutôt que de la Sorbonne? Ils ont éclaté de rire, ils ont dit non. Bon.

Alors, ces possibilités-là vont exister, mais, si Vidéotron ou des gens comme vous ne bougent pas, tantôt les gens vont avoir le goût de prendre des cours ailleurs, puis, qu'est-ce que vous voulez, s'ils ne sont pas en français, ils ne seront pas en français, les gens ne discrimineront pas s'ils sont capables de les suivre.

M. Beaudry (Guy G.) M. le Président, je vous remercie de partager avec nous cette vision tout à fait stimulante du système d'éducation de demain, enfin, d'éducation à distance. Chez Vidéotron, ce n'est pas d'hier qu'on pense à favoriser l'éducation à distance. On a commencé avec Télé-université il y a déjà plusieurs années, comme vous le savez. Mais je demanderais à Marcel Labelle, qui est chef de produits et responsable du projet éducation chez nous, d'élaborer quelques minutes sur ce que nous faisons et comment on pourrait arriver à offrir, je ne pense pas nécessairement l'université Vidéotron, mais peut-être un succédané.

M. Labelle (Marcel): M. le Président, je pense que c'est la préoccupation numéro un que j'ai dans mon dossier, de développer avec des partenaires des contenus innovateurs. Je vais vous donner quelques exemples pour illustrer à quel point nous sommes rendus actuellement dans le développement de contenus que vous souhaitez.

Par exemple, avec le collège de Bois-de-Boulogne, nous sommes en train de concevoir un D.E.C. virtuel, un Diplôme d'enseignement collégial virtuel, donc des cours en sciences de la nature qui pourront être diffusés à la grandeur du Québec et qui pourront éventuellement être traduits dans d'autres langues. Ça, c'est un premier exemple.

L'autre exemple. On veut aussi prolonger l'école à la maison et non pas remplacer l'institution scolaire actuelle. Alors, pour ça, on essaie de définir des contenus encyclopédiques qui vont permettre aux jeunes d'interroger rapidement et efficacement nos bases de données et nos serveurs. Nous avons aussi des programmes concernant l'enseignement des sciences. Vous savez que l'enseignement des sciences se fait en général, en tout cas c'est souhaitable de le faire, avec des laboratoires. Ce que nous souhaitons, c'est de faire des laboratoires à distance, donc de contrôler des instruments et de capter des données à distance.

Alors, nous voulons créer de nouveaux modèles d'enseignement et d'apprentissage à distance et on veut que ces cours-là soient les meilleurs, parce qu'on est condamnés à être meilleurs que les autres si on veut vraiment percer le marché international. Ce sera quelques exemples pour illustrer notre préoccupation de ce côté-là.

Nous avons même aussi un projet de partenariat où on a l'ensemble des programmes d'études du ministère de l'Éducation; c'est quelque chose comme 10 000 objectifs, ça représente à peu près 7 m de papier pour fouiller tout ça. Pour aller chercher les objectifs qui sont pertinents, il faut un engin de recherche, là, très puissant, et ça n'aide pas, ça, l'enseignant à donner un meilleur cours. Alors, avec les outils qu'on va présenter sur l'autoroute de l'information, on va amener l'enseignant à mieux comprendre les programmes d'études, à mieux concevoir des programmes et à les diffuser jusqu'à la maison.

Finalement, on a aussi une autre préoccupation, c'est d'aider directement en classe les enseignants à mieux enseigner, avec un support, une formule de mentorat, si vous me permettez, une sorte d'entraide entre des enseignants qui connaissent bien la technologie pour initier d'autres qui la connaissent moins.

Le Président (M. Garon): Mais, là, c'est une conception réseau, ça.

M. Labelle (Marcel): Absolument.

Le Président (M. Garon): Oui, mais je ne suis pas sûr, moi, que c'est la meilleure formule. J'ai toujours pensé que la concurrence, c'était la meilleure. Si vous dites: J'offre le meilleur cours réseau, bien, c'est gratte-moi le dos, je te gratte le dos. Tu sais? Mais ce n'est pas nécessairement le meilleur cours. Vous offrez le cours au complet de quelle institution? Vous avez le cours au complet de telle institution à la télévision ou... Ce n'est pas ça que je veux dire. Je veux dire, supposons qu'on dit: Un cours, c'est un cours de ça, le cours de biologie, le cours de géographie, le cours de ça. Vous prenez le meilleur de chacun des cours, d'où qu'ils viennent. Finalement, vous avez le curriculum total, mais avec les meilleurs cours dans chaque domaine, d'où qu'ils viennent, en concurrence.

Je donne la parole au député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, vos dernières réflexions, comment dirais-je, ne m'ont pas planté mais m'ont lancé dans une réflexion si profonde que je pense que je vais m'abstenir de poser une question.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: On a gagné du temps.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les représentants du Groupe Vidéotron de leur collaboration aux travaux de cette commission, et j'inviterais Mme Colette Lelièvre à s'approcher de la table pour discuter avec la commission.

(Consultation)

Le Président (M. Garon): Oui. Alors, Mme Colette, vous avez une demi-heure: ça veut dire normalement 10 minutes pour faire votre exposé, 10 minutes pour les ministériels, 10 minutes pour l'opposition. À vous la parole.


Mme Colette Lelièvre

Mme Lelièvre (Colette): Bien, bonjour. Je voudrais vous remercier au départ d'avoir bien voulu me recevoir dans le cadre de cette consultation. Je suis une étudiante de doctorat dont la thèse porte sur l'intégration des technologies de communication dans le processus créatif des artistes et l'influence sur le rapport à l'espace urbain. J'ai été amenée à m'intéresser à la technologie et plus particulièrement au réseau électronique lorsque l'université nous a offert, aux étudiants, de nous brancher, il y a de cela plus de quatre ans. J'ai immédiatement été subjuguée par l'information que j'avais au bout des doigts et la possibilité d'échange du réseau, notamment Internet. Dans mon mémoire, j'ai voulu vous faire partager quelques pistes de réflexion concernant le monde des arts, des réflexions qui sont fondées sur mon utilisation personnelle du réseau Internet, puisqu'il y a encore peu de recherches dans les domaines de l'art et de la technologie de communication.

(12 h 10)

Malgré que cela puisse paraître restrictif d'étudier seulement l'intégration de la technologie dans le monde des arts, je suis convaincue qu'il s'agit d'un objet d'études porteur de sens. De tous les temps, les artistes ont toujours été proches des nouveaux moyens techniques. Les artistes d'aujourd'hui ne font pas exception. Ainsi, ils ont commencé à utiliser les technologies de communication dès la fin des années soixante dans un événement au Musée d'art contemporain de Chicago, le téléphone. À diverses occasions par la suite, les organisateurs d'événements ont expérimenté avec le fax, le satellite, les réseaux électroniques, les canaux de radio et de télédiffusion. Souvent, un ensemble de technologies était utilisé simultanément pour permettre la participation d'un plus grand nombre d'artistes. Par exemple, il y a quelques années, beaucoup avaient accès à un fax mais pas du tout à Internet.

Les artistes québécois ont participé à la plupart des événements importants dans lesquels ils exploraient les usages des technologies. Ainsi a eu lieu, en 1992, un événement international nommé Télénoïa, auquel ont participé des artistes de Montréal comme Ginette Daigneault et Patrick Bourque. À cette occasion, ils ont utilisé le fax, Internet et un vidéophone pour l'image. Les artistes ayant déjà investi ces technologies sont aptes à nous parler de leur pratique et leurs expériences. Le milieu des arts est l'espace social le plus approprié actuellement pour comprendre l'utilisation des technologies de communication, et éventuellement nous pourrons étendre les conclusions des recherches aux autres domaines de la société.

Il ne faut pas dire que la recherche sur ces secteurs artistiques que sont la réalité virtuelle, l'holographie, l'art en réseau, l'animation par ordinateur est facile. Au contraire, tout comme les instances décisionnelles des programmes de subvention à l'art, nous sommes confrontés, nous, les chercheurs, à la diversité de chaque secteur, aux différences entre eux et au manque de critères pour évaluer chacun des secteurs. Cette difficulté est justement une raison supplémentaire pour moi de mieux connaître la réalité de chaque domaine en faisant de la recherche.

Dans mon mémoire, j'expose trois hypothèses sur les changements possibles que nous pourrions observer dans le milieu de l'art. Premièrement, j'avance que le profil de l'artiste peut évoluer, puisqu'il lui faudra maîtriser, pour sa pratique, un ensemble d'outils tant technologiques qu'artistiques. Il peut, selon ses désirs et ses moyens, être le seul et unique acteur de sa production. Il peut lui-même prendre en charge la diffusion, la promotion et la conservation de son oeuvre.

La deuxième hypothèse découle de la première, c'est-à-dire que, si l'artiste s'autonomise de plus en plus, je pense qu'il y aura un repositionnement de chaque acteur du milieu des arts. Je ne dis pas qu'il y aura la disparition de tous les autres intervenants, comme l'agent et le conservateur ou encore le producteur, mais, chose certaine, leur pouvoir de décider ce qui est bon ou non sera questionné puisque leurs rôles seront investis par d'autres. En fait, je crois que chacun de ces acteurs du milieu des arts sera amené à se spécialiser dans des créneaux très spécifiques.

La troisième hypothèse pose la question du cloisonnement des disciplines et de la définition de l'oeuvre. Déjà, pour les productions et les créations qui n'ont aucun rapport aux arts dits médiatiques, il est devenu complexe de situer clairement la discipline d'appartenance. Par exemple, pour les spectacles de Carbone 14, s'agit-il de théâtre, de danse, ou les deux? Si un artiste désire concevoir une oeuvre de réalité virtuelle, dans quelle discipline pourriez-vous lui suggérer de faire une demande de subvention? La danse? Pourquoi pas. Il y a normalement toute une gestuelle nécessaire pour explorer ce type d'oeuvre. La musique? C'est encore une autre réponse. L'espace sonore est intégré au déroulement et agit souvent selon le type de déambulation de l'usager. Les arts visuels? C'est une autre alternative. En fait, la réalité virtuelle est un environnement visuel, sonore, théâtral et de danse. Si l'artiste en est le créateur et le concepteur, l'oeuvre existe seulement – et seulement – si un usager l'utilise. L'oeuvre n'existe que pendant l'espace temps qu'un participant l'expérimente. Avant et après, ça redevient un programme informatique.

L'art en réseau, le «communication art» ou l'art télématique – ce sont de nombreuses appellations pour parler des expériences similaires – amplifie encore plus le problème de définition d'oeuvre. Reparlons de l'expérience de Télénoïa. C'était un événement organisé par Roy Ascott, un chercheur praticien et pionnier en art télématique. Il écrit, pour cet événement, qu'on ne peut pas voir cette oeuvre de l'extérieur. Voilà la différence la plus marquante en art entre l'ancien et le nouvel ordre. L'art ancien était fait pour être vu de l'extérieur et le nouveau est fait pour être construit de l'intérieur.

Ainsi, l'oeuvre n'est plus un objet sans vie, il ne peut plus s'exposer sur un mur ou se faire visionner plus tard. Il a une longueur de vie qui dépend de chaque expérience; elle est non reproductible. L'oeuvre existe seulement pendant que l'événement a lieu. C'est la participation qui fait l'oeuvre. Tout ce qui est produit pendant la manifestation est une trace de l'événement, mais ce n'est pas une oeuvre. Pendant ces événements, les participants écrivent individuellement ou collectivement, s'envoient des messages, des images, improvisent. Alors, où est l'oeuvre? Qu'est-ce que l'artiste envoie dans son portfolio lorsqu'il demande une subvention de création à un organisme subventionnaire?

Bref, il y a une transformation importante du monde de l'art. Selon mes deux premières hypothèses, l'organisation du milieu culturel devrait évoluer puisque les artistes ont l'occasion de devenir plus autonomes. Enfin, selon ma troisième, les fondements sur lesquels on s'appuie depuis longtemps pour décider qu'un objet est une oeuvre artistique appartenant à une telle discipline, ces fondements sont en train de changer radicalement. Lorsque j'expose ces hypothèses, je ne m'appuie pas sur la technologie pour comprendre les changements observés. Je ne prétends pas que la technologie change les comportements et les besoins. Les changements observés sont au contraire déjà perceptibles, bien avant l'utilisation de la technologie. Enfin, les utilisateurs adoptent la technologie pour combler des besoins qu'ils ont déjà parce que la technologie facilite l'exécution. Je ne dis pas que l'usage nouveau ne peut apparaître, mais je pense qu'une grande partie des usages reliés aux inforoutes ont leur source dans l'histoire.

La commission se pose beaucoup de questions auxquelles il est difficile de répondre aujourd'hui. La commission se demande notamment comment assurer l'épanouissement de la culture québécoise, de ses créateurs et de ses diffuseurs. Il me semble qu'il faut miser sur la qualité du contenu, mais pas du contenu pour du contenu. Je pense qu'il est préférable de diffuser moins de contenu, mais qu'il soit bon. Ça veut dire également rendre accessibles aux créateurs de contenus les technologies nécessaires aux aspirations québécoises. Il m'apparaît important que la création de contenus ne soit pas l'apanage des métropoles. Les régions doivent aussi avoir les moyens de créer, elles ne doivent pas être considérées seulement comme des consommatrices.

La commission suggère un soutien au support électronique, une notion qu'il faudrait mieux définir. Un réseau comme Internet perdrait tout son intérêt s'il devenait un autre support promotionnel, même si c'est pour la promotion de l'artiste. Il y a beaucoup plus à faire avec les inforoutes que de les utiliser comme des centres commerciaux de l'information. Edith Ackerman, un professeur au MIT, dans un laboratoire de psychologie en France, dit que c'est dans la mesure où nous devenons nous-mêmes des auteurs et des concepteurs que nous apprendrons à mieux lire et apprécier les textes et artefacts produits par d'autres. Voilà. Merci. J'espère que je n'ai pas lu trop vite.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Tu me donnes la parole en commençant? Bien. Bonjour, madame. D'abord, sachez qu'on apprécie beaucoup que des gens prennent la peine de nous envoyer des mémoires et de venir nous les présenter. Vous avez vu que parfois ce sont des organismes ou des entreprises imposantes, parfois ce sont des personnes comme vous, qui faites des études dans ce domaine, et c'est aussi enrichissant pour nous de vous écouter.

J'ai une première question qui est un petit peu globale, mais j'ai trouvé vos hypothèses intéressantes et je me demandais... Entre autres, dans tout ce qui concerne l'absence de frontières entre certaines disciplines, ou la diminution des frontières, on voit l'effet que ça peut avoir sur les artistes et sur leurs difficultés à faire reconnaître leur oeuvre comme étant une oeuvre. Bon, mais, moi, je me plaçais de l'autre côté. Je me disais: Vos hypothèses, selon vous, elles ont quel effet sur la population, sur les gens? Est-ce que ça transforme leur rapport à l'art? Est-ce que ça transforme aussi leurs besoins? Parce que, quand on parle d'art, on parle obligatoirement de public, enfin, je pense qu'on parle de public. Et est-ce que les hypothèses que vous avez, particulièrement celle qui consiste à dire que les disciplines ont des frontières de moins en moins perceptibles, est-ce que ça a aussi un effet sur le public, un effet dont on devrait tenir compte? Parce que notre mandat à nous, c'est de réfléchir aux inforoutes en tenant compte des intérêts de tout le monde, autant les artistes que les entreprises et que la population aussi en général. Je sais que c'est une question un peu large, mais j'aimerais savoir si vous avez réfléchi un peu à cette question.

Mme Lelièvre (Colette): Effectivement, je regarde plus ce qu'on appelle la consommation de technologies, c'est-à-dire ce que les artistes font avec, donc c'est vraiment sur un rapport. Je dois vous dire au départ que je suis aussi, un, pas artiste et que je n'ai aucune connaissance en art, puisque je suis en études urbaines, ce qui semble un peu bizarre. Mais ce que je pourrais vous dire, c'est que je pense que c'est vrai que le rapport à l'art du public peut changer, mais il a déjà commencé à changer. Ça ne date pas d'aujourd'hui. L'interactivité, notamment, de certaines oeuvres qui était déjà là à l'Expo 67, c'est déjà une manière d'utiliser une oeuvre, de voir une oeuvre, de la consommer, qui est différente de l'époque où il n'y avait qu'un tableau sur un mur. C'est déjà une manière de voir qui est très, très différente.

(12 h 20)

Toutes les technologies dites arts médiatiques – et, moi, je voudrais exclure ce qui est vidéo et cinéma, quand je parle de ça – holographie, réalité virtuelle, l'art en réseau, des choses comme ça, c'est une manière très différente. Les personnes sont obligées de s'impliquer dans l'oeuvre, sont obligées de réagir. Effectivement, donc, ça la change. Si on le prend d'un point de vue, par exemple, équipement culturel, on peut penser que tout le monde va pouvoir consommer à la maison. Moi, je n'y crois pas. Je pense que les gens vont voir des choses, vont regarder certaines choses sur réseau, mais ils vont tout de même se déplacer pour aller voir un ensemble d'oeuvres en même temps, pour y participer, parce qu'il y a beaucoup d'oeuvres qu'on ne peut pas également voir à la maison. Un événement d'art en réseau, si, toi, tu n'es pas branché, tu ne pourras pas y avoir accès, il va falloir se rendre à l'endroit où ça se passe, où il y a un noeud. Donc, on n'est pas encore à l'étape où tout le monde va être confiné chez soi; d'ailleurs, je n'y crois pas. Donc, le public va toujours consommer, je pense, des produits culturels, va toujours s'y rendre, sauf qu'il va avoir un choix, il va avoir une diversité, il va avoir une complémentarité. On voit une oeuvre sur le réseau, mais on décide qu'on va aller voir au musée, quand il va finir par y avoir des ordinateurs pour y avoir accès.

Mme Malavoy: Il y a un bout qui m'a intéressée, quand vous parliez, non pas parce que je comprends bien comment ça marche, mais, enfin, j'imagine quelque chose, l'art télématique, par exemple, et je me disais: Est-ce que cette façon de faire de l'art peut permettre au public de découvrir des choses nouvelles, de faire des expériences qu'il ne ferait pas par les méthodes plus classiques d'exposition ou de diffusion des oeuvres? Est-ce que c'est une préoccupation des gens qui font ces expériences-là? Autrement dit, est-ce que ce n'est pas seulement un réseau entre artistes, mais une façon de conquérir ou d'intéresser un public par des moyens très nouveaux et qui permettraient des expériences uniques en ce sens?

Mme Lelièvre (Colette): Bien, à ce compte-là, je pourrais vous dire: Ce soir, il y a au Lieu, et ils sont également dans le Mail Saint-Roch, un événement d'art télématique. Il y a quelqu'un qui vient d'Europe, Christian Vanderborght. Il a été invité dans le cadre des rencontres des performances et multimédias, je pense que c'est le terme qu'ils utilisent, c'est le centre d'artistes Le Lieu. Vous allez avoir une expérience d'art télématique ce soir où ils utilisent les réseaux câblés. Un canal communautaire de Québec, on peut y avoir accès avec Internet, avec le fax. Alors, si l'étudiant chez lui est branché, peut avoir accès directement à l'émission, il va interagir avec l'émission. Si vous êtes branché sur Internet, partout au monde, vous allez pouvoir réagir. À Montréal, quelqu'un qui a une petite caméra sur son ordinateur pourra utiliser un logiciel CU–SeeMe. Donc, il y a certaines expériences qui se font directement avec le public, et vous avez tout à fait raison. Par contre, je le déplore, il y a souvent des expériences plutôt internes au monde des arts pour explorer une technologie, mais, quelquefois, ça sort par la suite. Des fois, ces expériences-là sont nécessaires pour ensuite pouvoir peut-être les rendre un peu plus publiques.

Mme Malavoy: Ça va, merci.

Mme Lelièvre (Colette): Mais il y a des expériences publiques qui sont très intéressantes.

Le Président (M. Gaulin): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Mme Lelièvre, j'aimerais vous poser une question qui n'est pas directement reliée au sujet de la commission mais qui s'adresse néanmoins à une des prémisses fondamentales du discours que vous tenez sur la question des contenus. Si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit, c'est que la diffusion, le rayonnement et la propagation d'une culture sont fonction de la qualité de ces oeuvres.

Mme Lelièvre (Colette): Oui.

M. Laporte: Ricoeur a écrit de beaux textes là-dessus, je parle de Ricoeur, le philosophe français. Maintenant, la question que je vous pose, c'est: Qu'est-ce que vous entendez par la qualité?

Mme Lelièvre (Colette): Comment je vous dirais? Comme je vous ai dit tout à l'heure, non seulement je ne suis pas artiste, mais je ne suis également pas critique. Je n'ai aucune formation en art, donc je ne me permets pas, si vous voulez, même en art, de pouvoir vous dire ce qu'est la qualité. Ce n'est pas, je dirais, ma job, parce que je n'y connais rien. Je vais pouvoir vous dire si j'aime ou je n'aime pas, mais ça ne pourra pas aller plus loin.

Mais je suis capable, dans le cadre académique, de vous dire: Ça, c'est une bonne recherche, elle a de la rigueur. La méthodologie, ils l'ont faite dans les méthodes nécessaires, ils ont bien fait leur représentation, les chiffres sont corrects. Je vais pouvoir vous le dire, et ça, ça va être du bon contenu. Mais il n'y a pas juste du bon contenu académique qui passe sur le réseau. On est capable de se donner des critères et dire: Ça, ça passe sur le réseau. Je veux dire, vous avez des revues académiques qui sont déjà sur le réseau avec ce qu'on appelle le système de jury. Ils ont des gens qui ont déjà élagué ce qui ne contenait pas... qui ont déjà vérifié le contenu, comment ça s'est fait. Ils ont dit: La métho, ce n'est pas bon, recommencez, ou, bon, il y a des hypothèses sur lesquelles on ne vous suit pas. Des affaires comme ça, il y en a, ça existe, sauf qu'il faut pouvoir le mettre. Mais si tout le monde dit: On met du contenu pour mettre du contenu francophone, si ce n'est pas bon... Il y a du bon journalisme, il y a du mauvais journalisme. Comment vous dire? Il y a des branches où chacun est apte à vous dire, selon les critères définis dans chaque domaine, ce qui est bon. Mais de là à dire qu'on met tout pour mettre du contenu francophone, il y a une limite.

M. Laporte: Ce n'est pas pour vous prendre en défaut, parce que, ça, c'est une... Je veux juste stimuler votre réflexion parce que c'est une prémisse absolument fondamentale, c'est-à-dire que le rayonnement, la propagation d'une langue, la propagation d'une culture... Évidemment, le cas de la Grèce antique et du grec est tout à fait exemplaire là-dessus, parce que, après le déclin politique de la Grèce, la qualité des oeuvres produites par l'Antiquité grecque était telle que la culture grecque a continué à se diffuser, à se propager à travers tout l'Occident bien après que la Grèce ait cessé d'être une puissance politique. Donc, ce n'est pas une question de nombre, ce n'est pas une question de pouvoir politique, ce n'est pas une question de richesse, ce n'est pas une question de géographie, c'est une question de qualité de création. Et là ça pose un sacré problème pour les enjeux dont on parle ici, au Québec, c'est-à-dire comment pouvons-nous arriver à créer une culture d'une qualité telle qu'elle se diffuse, qu'elle se propage sur les réseaux dont on parle?

Mme Lelièvre (Colette): Mais je pense que, des fois, il faut essayer de prendre un petit peu de recul. Sur Internet en ce moment, il y a un français affreux souvent sous prétexte qu'il faut tout mettre en ligne immédiatement, sous prétexte que la technologie, ça va vite, sous prétexte qu'on va se faire dépasser. Je pense que, à un moment donné, il faut dire: On se calme, puis, avant de mettre le texte sur le réseau, on va s'assurer que le français est bon, qu'il y a quelqu'un qui révise le texte. Mais, d'un point de vue académique, ça l'est, ça. D'un point de vue académique, moi, je suis capable de mettre un texte que j'ai écrit demain, mais, s'il n'y a personne qui l'a révisé, s'il n'y a personne qui a été capable de dire la valeur académique de mon... Je trouve qu'à un moment donné il faut se mettre des critères, une manière de fonctionner qui permette d'avoir une certaine rigueur.

M. Laporte: Quand vous dites: Mettre le texte sur le réseau, vous voulez dire mettre le texte sur le réseau avec toutes ses caractéristiques diacritiques françaises, avec tous les accents, avec tout?

Mme Lelièvre (Colette): Oui, oui, oui! Ah oui! Ça, c'est...

M. Laporte: Donc, vous référez à quoi à ce moment-là? Vous référez à la qualité du texte? À quoi?

Mme Lelièvre (Colette): Le contenu.

M. Laporte: Le contenu du texte.

Mme Lelièvre (Colette): Le contenu, mais il faut également que le français soit impeccable, là.

M. Laporte: D'accord.

Mme Lelièvre (Colette): Mais le contenu, ce qui est dit, là. Un texte académique, il faut qu'il y ait eu de la recherche en arrière, il ne faut pas que ça soit déjà du réchauffé... ou, bon, qu'il y ait un point nouveau qui est apporté.

M. Laporte: Je vous remercie, Mme Lelièvre, parce que, de tout ce qu'on a entendu jusqu'ici – et on en a entendu des choses sur cette question du contenu – il n'y a personne qui est venu nous dire, comme vous l'avez fait, que le critère de qualité est un critère décisif.

Mme Lelièvre (Colette): Étonnant.

Le Président (M. Gaulin): Bien, merci, M. le député d'Outremont. Le président donne la parole au député de Taschereau, qui est moi-même. Je me demandais, là...

Des voix: Ha, ha, ha!

(12 h 30)

Le Président (M. Gaulin): Vous avez évoqué quelque chose qu'il y aurait en télématique ce soir dans mon comté précisément, puisque Taschereau, c'est Méduse aussi. Et, bon, vous évoquez des réalités. Je ne sais pas, d'ailleurs, ce que je vais vous dire. Moi, j'ai pris la parole, et ça a l'air drôle de dire ça, parce que votre mémoire est plein d'ouverture. Vous évoquez, d'ailleurs de manière poétique, d'une certaine manière, l'impression qu'on a devant tout cet univers nouveau qui nous précipite et qui, d'une certaine manière, nous déréalise. D'ailleurs, je vous invite à lire le mémoire de la CREPUQ. Moi, j'ai eu un certain vertige en entendant les recteurs ou, enfin, les représentants des recteurs des universités presque sacrifier sur l'autel de la mondialisation les droits d'auteur, les artistes, etc. Je trouvais ça effrayant, parce qu'il m'apparaît que, s'il y a des gens qui doivent défendre la liberté, la liberté de création, les droits de la création, c'est bien des recteurs d'universités, parce que j'ai toujours vu, j'ai peut-être tort maintenant, les universités comme des lieux de liberté.

Alors, vous évoquez ici la tourmente électronique. C'est un très beau mot. Ça me rappelait le mot que chérissait Nelligan, d'ailleurs, le mot «tourment». Vous évoquez la fébrilité aussi, la fébrilité qui est très intéressante au niveau du simple mot. Et vous venez de dire au député d'Outremont qu'en fait on pouvait revenir – d'ailleurs, il le sait déjà – à la galaxie de Gutenberg en utilisant l'inforoute, l'espace cybernétique, parce qu'on est obligé de revenir à l'écriture aussi dans cet espace-là.

La qualité avait déjà été évoquée ici. Maintenant, moi, ce qui m'intéresse le plus, c'est de savoir comment, finalement, on a là tout simplement l'occasion, parce qu'on peut avoir le vertige devant ce qui va se passer, mais Pascal, en regardant le ciel, disait, je ne sais plus comment, je ne le citerai pas dans le texte, mais, en regardant les étoiles – puis ça nous arrive à tous et à toutes, surtout par les beaux mois d'août, quand il y a les ciels de mois d'août – l'espace infini l'effrayait. L'espace infini l'effrayait, puis on a l'impression que c'est un petit peu ça qui nous arrive.

Maintenant, est-ce que toute oeuvre n'est pas datée? Est-ce que chaque oeuvre n'est pas datée? Puis, un petit peu dans le sens où la députée de Sherbrooke parlait, est-ce que ce n'est pas une nouvelle condition de l'oeuvre d'avoir à se soumettre à des nouveaux médiums, des nouveaux médias ou des nouveaux moyens de diffusion?

Mme Lelièvre (Colette): Je ne suis pas certaine que certaines disciplines qui existent aujourd'hui vont vraiment disparaître juste parce que, soudainement, on peut tout faire avec la technologie. Il y en a peut-être qui vont être moins appropriées aujourd'hui. Mais le théâtre va rester le théâtre même si on va être capable d'en diffuser une bonne partie en trois dimensions, on ne sait jamais, dans 20 ans, je ne sais pas. Mais une pièce de théâtre demeure une pièce de théâtre. Bon. Un tableau, sûrement que ça va demeurer encore un objet intéressant à l'oeil. Je pense qu'on ajoute. Je ne crois pas qu'il va nécessairement y avoir des disparitions, mais c'est un ajout. L'homme a inventé des technologies et les artistes s'en approprient, les utilisent d'une autre manière que ce pourquoi elles ont été conçues. C'est une complémentarité. On peut aller plus loin en théâtre en utilisant certaines technologies; en musique, c'est la même chose.

Le Président (M. Gaulin): C'est intéressant que vous distinguiez d'ailleurs ce qui a été fait par quelques personnes, la technologie du contenu...

Mme Lelièvre (Colette): Oui.

Le Président (M. Gaulin): ...mais il se fait que parfois la technologie donne des nouveaux contenus. On peut penser au neuvième art, au 10e art. Le cinéma, on appelle ça le septième art.

Mme Lelièvre (Colette): Mais, en même temps, souvent, ce que les gens font... Je pourrais vous donner un exemple de littérature. Les pataphysiciens avaient commencé à jouer sur les mots. C'était assez complexe à faire d'une façon très manuelle. Ce dont on se rend compte maintenant, c'est que, avec les ordinateurs, c'est assez simple. Ils avaient en fait mis sur table une certaine manière de jouer avec le texte que l'ordinateur facilite. Souvent, ça ne sort pas de... Il y a un fondement qui était déjà un petit peu là. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas vraiment un usage nouveau, mais on peut souvent aller chercher d'où vient l'idée, assez souvent.

M. Laporte: Ça m'a l'air des cadavres exquis, comme on nous l'a expliqué l'autre jour.

Le Président (M. Gaulin): Alors, là-dessus, les cadavres exquis, je vous remercie, Mme Lelièvre, et nous pourrions aller manger là-dessus.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gaulin): Les oranges sont vertes ou bleues. Nous suspendons jusqu'à 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 35)

(Reprise à 16 h 38)

Le Président (M. Garon): Alors, comme les ordres de la Chambre sont donnés, me dit-on, nous pouvons commencer nos travaux, et j'invite M. Pallascio, président de la Commission des écoles catholiques de Montréal, à se présenter lui-même, à présenter les gens qui l'accompagnent et à faire son exposé. Comme on dit, en gros, on a normalement une heure. On est en retard, on va essayer en sorte de ne pas trop bousiller les horaires de personne. Alors, normalement, vous avez une vingtaine de minutes pour votre exposé, la même chose pour les députés ministériels, la même chose pour l'opposition, mais ce que vous prenez en plus, on le resoustrait, et ce vous prenez en moins, ils pourront le prendre pour poser des questions. À vous la parole, M. Pallascio.


Commission des écoles catholiques de Montréal (CECM)

M. Pallascio (Michel): On vous remercie, M. le Président, d'abord de nous recevoir. Alors, je vous présente les personnes. À ma droite, M. Yves Archambault, qui est le directeur général de la Commission; à sa droite, Mme Madeleine Thibault, qui est conseillère en organisation du travail au Service des ressources informatiques; à ma gauche, M. Jean-Claude Rathé, qui est directeur du Service des ressources informatiques. Il y a aussi M. Gilles Hébert, directeur-adjoint à la Commission, qui nous accompagne et qui est assis en arrière.

Alors, d'abord, M. le Président, je voudrais vous dire que le rapport a d'abord fait l'objet de consultations, autant de représentants de la formation générale jeunes, de la formation professionnelle, de la formation adultes, de représentants du service de l'informatique et que, en plus de ces consultations-là, le rapport que vous avez devant vous a aussi été validé par ces mêmes personnes, accompagnées de directions d'écoles. Alors, c'est pour vous dire que nous avons un intérêt immense à la Commission, à la CECM pour le sujet de cette consultation. Et permettez-moi de vous remercier d'avoir accepté de nous recevoir.

Le développement de l'inforoute est un sujet crucial qui aura un impact majeur sur l'avenir de la société québécoise, et la CECM est très préoccupée par les problèmes soulevés par la commission de la culture. Même si nous avons choisi de ne pas traiter tous les enjeux abordés dans le document, nous reconnaissons quand même la gravité et l'urgence d'entreprendre une vaste discussion réunissant tous les intervenants de la société. Pour l'instant, nous ne désirons pas formuler de recommandations. On préfère plutôt exposer nos préoccupations et proposer quelques réflexions sur les attentes.

(16 h 40)

D'abord, on devrait vous présenter un portrait général de la CECM. À part de dire que c'est la plus importante: nous avons 232 établissements scolaires, 120 000 personnes, dont 88 000 élèves du secteur formation générale, et 5 000 en formation professionnelle... 56 % des établissements ont un taux de concentration d'élèves allophones supérieur à 25 %. Aussi, la CECM est un des principaux employeurs au Québec, avec 19 000 employés, dont plus de 10 000 enseignants, 440 personnes à la direction des écoles, des professionnels, dont 171 affectés à des tâches pédagogiques, cadres et 6 000 employés de soutien.

La CECM a déjà des réalisations dans le domaine technologique. On manifeste depuis longtemps notre intérêt pour les nouvelles technologies et nous avons déjà plusieurs réalisations à notre actif. Mais là où nous nous distinguons tout particulièrement, c'est dans l'utilisation de cette technologie en formation professionnelle. En effet, depuis la réforme de la formation professionnelle, en 1986, les technologies de l'information sont apparues comme des outils indispensables à la production et à la gestion de l'information. Il faut dire que la révision des programmes en formation professionnelle a conduit à un plan d'investissement à frais partagés entre la CECM et le ministère de l'Éducation visant le renouvellement des équipements technologiques.

Depuis les 25 dernières années, nous avons encouragé et favorisé l'achat d'équipement informatique par nos établissements. C'est ainsi qu'aujourd'hui nous disposons de plus de 10 000 ordinateurs, dont 85 % sont répartis dans nos établissements scolaires. Le nombre d'élèves par ordinateur est approximativement de 14. Par contre, quand on dit ça, il faut tenir compte que notre équipement n'est pas un parc moderne des plus fonctionnels. En effet, près du quart des ordinateurs utilisés dans les écoles de la CECM ne peuvent faire fonctionner les logiciels les plus couramment utilisés à cause d'un manque de puissance et de mémoire. Donc, ce sont des reliquats d'une technologie dépassée avec laquelle il faut bien vivre et que nous utilisons quand même à nos tâches en classe. Mais cette réalité nous oblige à réviser nos chiffres, et on doit parler plutôt de nombre d'élèves par ordinateur à 21. C'est deux fois moins que l'objectif fixé par le ministère de l'Éducation.

On comprend sans doute que la situation dans nos établissements affecte notre vision de l'avenir, notre enthousiasme, nos craintes et aussi nos attentes. Ça n'a pas empêché la CECM de prendre des engagements afin d'inciter ses établissements à intégrer ces technologies à l'enseignement. En août 1995, le directeur général de la CECM, M. Archambault, demandait à tous les directeurs d'établissements scolaires d'élaborer avec leur équipe-école un plan d'intégration de ces technologies. Parallèlement, il dotait la Commission d'une structure organisationnelle responsable de coordonner le virage technologique. Et, plus récemment, la CECM identifiait quatre écoles-pilotes devant servir de lieu de réflexion et de modèle à l'ensemble des autres écoles. Des projets-pilotes dont le projet se développe avec des partenaires extérieurs, entre autres des partenaires du secteur privé et des universités. Par ailleurs, la CECM travaille aussi à l'élaboration de son réseau. Elle a effectué certains choix en regard des courriers électroniques et elle possède maintenant son site Internet. Enfin, une politique d'intégration des technologies de l'information est sur le point d'être adoptée.

Il n'est pas dans l'intention de la CECM d'aller à contre-courant dans le dossier du développement de l'inforoute québécoise. Aussi, croit-elle fermement à la nécessité d'opérer sa transition technologique le plus rapidement possible, mais elle ne pourra pas le faire seule. L'éclatement de l'information auquel nous assistons actuellement dépasse largement la juridiction, les compétences et les moyens financiers d'une simple commission scolaire. Il revêt un caractère à la fois politique, philosophique, économique et social, et le débat qui l'entoure prend une envergure mondiale. Certes, l'éducation en est un élément essentiel, mais ça demeure une variable parmi beaucoup d'autres.

Me permettez-vous d'insister sur le fait que les commissions scolaires, comme tous les autres secteurs de la société, sont engagées dans une voie sans retour? Le développement des technologies impose son rythme à la planète tout entière, et, d'ici peu de temps, les résistants n'auront d'autre choix que celui d'emboîter le pas à l'ensemble de la population. C'est d'ailleurs, en grande partie, ce qui oblige les commissions scolaires à négocier ce virage majeur, car le devoir de préparer les jeunes à la société dans laquelle ils devront évoluer afin qu'ils deviennent des citoyens responsables exige des éducateurs qu'ils soient capables d'interpréter la réalité qui les entoure et d'évoluer à l'intérieur de celle-ci. Rappelons que, ce qui constitue la véritable révolution dans ce développement technologique, c'est qu'il soit dorénavant possible de communiquer à partir de son poste de travail avec des personnes situées à proximité ou dans un espace aussi éloigné qu'on puisse l'imaginer.

Communiquer veut dire ici se parler, échanger de la documentation, se voir ou encore explorer des lieux présentés sous forme de sites et regorgeant de richesses et d'informations de toutes sortes, telle une encyclopédie sans cesse renouvelée, dynamique et inépuisable. Décider d'intégrer ces technologies à l'enseignement oblige alors à des changements importants dans les approches pédagogiques. Si nous voulons faire un succès du déploiement intégral de l'inforoute québécoise et de son utilisation en éducation, il faut dès maintenant revoir l'approche pédagogique et l'évaluation des apprentissages des élèves afin de former ceux-ci en exploitant de façon maximale les possibilités offertes par le cyberespace. Il en résultera une meilleure formation pour les élèves, mieux adaptée aux attentes du marché du travail toujours à la recherche de compétences nouvelles. C'est pourquoi l'école doit permettre à l'élève d'apprendre à résoudre les problèmes, à trier une information, à l'analyser, à la communiquer, soit apprendre à apprendre.

Il n'est pas dans l'intention de la Commission de présenter à votre commission un ensemble de recommandations. Nous avons préféré cibler les conditions qui, selon nous, permettront au milieu de l'éducation d'intégrer les nouvelles technologies en participant de manière efficace et efficiente au développement de l'inforoute québécoise. Pour la CECM, il est clair que le gouvernement doit jouer un rôle de premier plan dans le développement de l'inforoute québécoise, et, dans notre esprit, le gouvernement se doit d'être un modèle en précédant le courant, mais, surtout, il se doit de jouer un rôle de facilitateur pour les organismes sous sa juridiction et dont le financement provient des fonds publics.

En d'autres mots, il ne devrait pas revenir aux commissions scolaires et encore moins aux écoles de négocier des prix et des modalités d'installation avec les grandes entreprises de télécommunications. La négociation devrait se situer à un autre palier et viser, par exemple, à faire des deux grandes entreprises qui se partagent actuellement le marché des télécommunications des partenaires à part entière dans le développement et la mise en application de l'inforoute québécoise. Cela devrait se faire en partenariat avec les commissions scolaires et aussi dans le respect de leurs besoins. D'autres ententes pourraient relever du gouvernement et faire appel à l'entreprise pour qu'elle participe à l'effort collectif en éducation. Un leadership provincial avoué et clairement manifesté serait à cet égard accueilli par la CECM comme une heureuse initiative.

Rappelons enfin qu'il sera nécessaire de former un grand nombre de personnes et que le développement d'outils de formation à rendre disponibles sur l'autoroute électronique devient essentiel. Nous le mentionnons un peu plus loin dans notre mémoire, mais l'aspect de formation du personnel et, naturellement, plus particulièrement des enseignants est une préoccupation majeure pour notre Commission.

Chacun tirera profit du succès de la révolution amorcée, et il revient au gouvernement, conjointement avec les milieux concernés, de mobiliser tous les partenaires sociaux afin de fixer les objectifs collectifs clairs permettant de réaliser un projet de société. Nous proposons aussi, comme deuxième condition de réussite, que le gouvernement favorise des lieux de rencontre et des espaces de discussion réunissant les différents agents de la société actuelle et accélère le processus menant à la définition d'un projet commun. Il est urgent de procéder à cette planification d'une intervention collective.

Il nous faut prévoir une intégration complète et permanente du déploiement et de l'utilisation de l'inforoute québécoise. Les conditions de réussite reliées au déploiement de l'inforoute ne dépendent pas seulement du gouvernement. Avec l'inforoute, c'est une partie du contrôle de la connaissance et de l'information qui échappe aux diverses administrations. Alors, le nouveau partage des pouvoirs signifie une décentralisation et une définition adaptée de la réalité ainsi obtenue. On attend le support du gouvernement pour l'orchestration générale, mais on souhaite qu'il laisse aux différents milieux la latitude nécessaire à une gestion adaptée aux besoins des populations locales. Pour la CECM, il paraît nécessaire de conserver le choix des moyens dans sa gestion et de disposer selon ses propres besoins des montants dégagés pour l'intégration des technologies à l'enseignement et pour sa participation au développement de l'inforoute québécoise.

La révision des processus éducatifs. Pour que l'utilisation de l'inforoute se fasse de façon harmonieuse en éducation, il serait nécessaire de revoir les programmes d'études afin qu'ils répondent adéquatement aux besoins des élèves dans le nouveau contexte d'apprentissage. Les programmes d'études ainsi révisés seront conçus de telle sorte qu'ils faciliteront les réformes successives imposées par le rythme accéléré des développements technologiques. Au-delà de la révision des programmes, ce sont les méthodes d'enseignement qui doivent être revues et adaptées, mais cela signifie une réflexion profonde sur les pratiques actuellement en cours et sur l'approche pédagogique en général. Et, à l'instar des autres organismes du secteur public, les commissions scolaires doivent revoir leurs processus de travail à la lumière des développements technologiques, des avantages et des contraintes qu'ils représentent.

La langue et la culture. Je crois que c'est un des chapitres, pour nous, les plus importants dans le rapport que nous vous présentons. La CECM n'a pas choisi de développer expressément cette question de la culture. Cependant, elle ne saurait la laisser complètement sous silence. La préservation de la langue et de la culture dans l'univers d'Internet préoccupe actuellement toutes les sociétés qui ont commencé à s'ouvrir aux communications électroniques. C'est sûr que ce n'est pas notre mandat d'apporter une solution à ce problème mondial. Ce que nous aimerions préciser, c'est qu'il y a un danger qui nous guette et qu'il est indispensable que les commissions scolaires et les gouvernements réagissent pendant qu'il en est encore temps.

(16 h 50)

Nous voulons parler de la question des contenus des différents outils informatiques, car il est clair que la langue française court un certain danger. On admettra qu'il ne suffit pas de traduire des logiciels ou des documents diffusés sur des disques optiques compacts pour garantir une présence culturelle sur une inforoute. En effet, la culture va au-delà du simple fait, quoique très important, de dérouler un menu dont le texte est français plutôt qu'anglais. La culture embrasse des questions reliées aux coutumes, aux valeurs et aux signes distinctifs d'une société laissés par l'histoire, et, pour assurer une présence culturelle sur l'inforoute et permettre son développement au contact des autres cultures, il faut, comme dans les domaines de la littérature, du cinéma et de la chanson, offrir des produits issus de cette culture, sinon ce sont les valeurs des concepteurs de logiciels, de documents d'information ou de jeux vidéo qui auront préséance.

Le débat entourant ce phénomène, mais véhiculé par la télévision, le cinéma, les jeux vidéo ou autres médias, demeure entier. Laisserons-nous l'empire américain décider des valeurs qui seront inculquées aux jeunes Québécois? Sommes-nous forcés d'accepter, au nom d'une culture de plus en plus envahissante, les règles du jeu de nos voisins américains? N'avons-nous pas une quelconque spécificité à préserver? À ces questions la CECM répond qu'il est urgent que le Québec se préoccupe non seulement des contenants en matière de produits éducatifs, mais surtout des contenus. Avant d'accepter un produit traduit, la prudence est de mise. Tout en évitant de réinventer chaque fois la roue, nous devrions être plus vigilants à définir les valeurs que nous souhaitons transmettre à la population.

Mais, pour obtenir un produit adapté à nos besoins, il est nécessaire de favoriser la recherche et le développement pédagogiques. Or, nous avons dû couper dans nos ressources, et c'est souvent les postes de chercheurs qui ont été supprimés pour préserver ceux des personnes en service direct aux élèves. Nous ne pouvons pas poursuivre une évolution technologique accélérée sans asseoir nos progrès sur des bases solides que seuls la recherche et le développement peuvent assurer. Et le développement des inforoutes pose le problème de l'avenir culturel pour un grand nombre de sociétés à travers le monde et tout particulièrement pour le Québec, qui n'est quand même pas une société assez puissante pour se faire valoir dans ce domaine. Le Québec lutte depuis longtemps pour préserver sa langue et sa culture dans un univers complètement submergé par la présence de l'anglais. L'inforoute n'a rien de rassurant de ce point de vue, et c'est pourquoi la CECM insiste sur la nécessité de favoriser le développement d'outils pédagogiques en harmonie avec les valeurs du Québec, sa langue et sa culture.

Une autre condition de réussite, c'est la révision des programmes de formation des maîtres ainsi que l'élaboration d'un plan de formation. Les facultés des sciences de l'éducation devront travailler en partenariat avec les commissions scolaires afin de coordonner leurs efforts pour préparer rapidement les futurs enseignants aux nouvelles approches pédagogiques. Il faut également prévoir, pour les prochaines années, un programme de formation continue à l'intention du personnel des commissions scolaires. Comme je l'ai mentionné tantôt, nous sommes en contact direct avec les universités dans ce domaine-là pour développer des moyens de développement pour notre personnel.

Un plan d'équipement et de développement d'outils pédagogiques. L'accès à l'inforoute passe par l'équipement technologique. Or, ça coûte cher. Le matériel informatique ne résiste pas au temps. Nous avons besoin de la collaboration des entreprises pour qu'elles aient le souci d'offrir aux commissions scolaires, au moment de l'achat d'appareils, des plans de support échelonnés sur trois ou quatre ans afin d'éviter qu'il devienne impossible de se procurer des pièces pour des appareils achetés une ou deux années plus tôt, d'où la nécessité de prévoir un plan d'acquisition d'équipement et de développement d'outils pédagogiques.

Les ressources humaines et financières. Naturellement, nous avons dû resserrer la gestion de notre budget. Dans bien des cas, ce sont les activités de développement qui ont été sacrifiées les premières pour préserver les services directs aux élèves. Cela s'est traduit par des coupures de postes importantes chez les conseillers pédagogiques. La CECM réussira l'intégration de ces technologies si on lui laisse la possibilité d'affecter du personnel à cette fin. En termes budgétaires, cela signifie l'allocation de sommes supplémentaires. Il devient extrêmement difficile de faire plus avec moins quand il faut enclencher une révolution, renouveler un parc informatique et former l'ensemble de son personnel, le tout dans un délai ultrarapide et sachant que cela se poursuivra pendant plusieurs années encore. Ne pourrait-on pas réinvestir une partie des sommes provenant des efforts de compression dans le développement relié à l'intégration de ces techniques? Car que se passera-t-il dans cinq ans, une fois le plan de la ministre de l'Éducation achevé? Les budgets seront-ils récurrents? Comment pourrons-nous continuer à renouveler les équipements informatiques? Nous en sommes inquiets.

L'ouverture sur la communauté. Une dernière condition de réussite sur laquelle nous aimerions insister est l'importance pour les commissions scolaires et pour les écoles de s'ouvrir sur la communauté. D'une part, cela peut se réaliser grâce à l'inforoute qui permettra de communiquer avec un public élargi, mais l'ouverture, aussi, doit se traduire physiquement en rendant disponibles les installations informatiques des écoles. L'école peut également tirer profit des ressources du milieu. Les entreprises et les commerces d'un quartier peuvent être d'un apport précieux en offrant des ressources humaines, matérielles ou financières.

En conclusion, la CECM est favorable à l'intégration de ces technologies à l'enseignement. Elle espère participer activement au développement de l'inforoute québécoise, mais elle croit que cela ne pourra se réaliser que si tous les intervenants de la société travaillent conjointement à son élaboration. Le projet est grandiose et emballant, et nous nous devons d'en faire une réussite. Ce sera là le plus bel héritage à laisser à nos enfants. M. le Président, c'était notre présentation.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, merci de me passer la parole. M. Pallascio, merci, d'abord, pour cet excellent mémoire qui nous communique clairement la perspective de la CECM sur l'implantation de l'inforoute ou d'Internet dans son domaine de juridiction. En particulier, j'ai été tout à fait intéressé par ce que vous avez dit, vos propos sur la décentralisation, c'est-à-dire sur le besoin de remettre la prise de décision entre les mains de ceux qui sont les mieux capables de la prendre au niveau local. Et, aussi, vous êtes revenu sur un thème qu'on a entendu à maintes reprises ici, dans cette commission, à savoir que, en milieu scolaire, l'implantation de ces technologies, pour réussir, doit reposer sur des efforts de formation intenses. Et vous avez mentionné que vous avez fait cette formation chez vous, et je voudrais avoir plus de précisions sur le programme de formation que vous êtes en train de mettre en oeuvre. Qu'est-ce que ça veut dire du point de vue budgétaire? Qu'est-ce que ça veut dire du point de vue activités? Et, aussi, quelles sont les contraintes auxquelles vous faites face dans ce domaine-là? Et quel genre de solutions vous pourriez envisager?

M. Pallascio (Michel): La contrainte principale, c'est peut-être d'avoir à acheter du matériel, d'avoir à l'utiliser et à former... enfin, de tout faire ça en même temps à une vitesse assez rapide présentement. Notre position, présentement, c'est surtout de tenter d'intégrer dans tous les milieux cette nouvelle technologie, et le principal obstacle est peut-être au niveau de la formation du personnel. Et on parle principalement, naturellement, du personnel enseignant, mais aussi du personnel...

M. Laporte: Administratif.

M. Pallascio (Michel): ...administratif. Des fois, vous savez, au niveau des personnes âgées qui ne sont pas à l'aise avec les nouvelles technologies, pour ne pas parler des plus jeunes aussi... Alors, c'est tout ce problème-là de formation qui est un élément essentiel. C'est quand même le personnel qui aura à utiliser ce matériel. C'est peut-être là-dessus que les ressources manquent le plus, et c'est peut-être l'obstacle le plus important que l'on rencontre dans l'implantation des technologies.

C'est pour ça qu'on parle de quatre projets-pilotes. On essaie de choisir des écoles où le personnel est déjà très engagé dans des projets locaux. Quand on parle de décentralisation, ce n'est pas juste décentralisation auprès de la commission scolaire. Nous avons déjà une décentralisation auprès de nos écoles. Souvent, les meilleurs projets proviennent de nos écoles, et nous tentons de leur apporter le support nécessaire pour qu'elles puissent développer ces projets et tenter d'en faire, comme on dit, boule de neige et que ça puisse être utilisé ailleurs. Alors, le problème est surtout au niveau du matériel à utiliser et, surtout et principalement, de la formation de notre personnel. M. le directeur général.

M. Archambault (Yves): Peut-être que j'aimerais préciser que le problème qui se situe au niveau de la sensibilisation des enseignants et du personnel aux nouvelles technologies est un problème dans les premiers niveaux. Mais il y a un problème encore plus majeur dans les deuxièmes niveaux, c'est le renouvellement pédagogique. L'introduction des nouvelles technologies de l'information et de la communication en éducation, ce n'est pas un problème technologique, c'est d'abord un problème pédagogique. Enseigner en utilisant des ordinateurs, mettre des élèves en réseau, les placer en recherche de solution, leur proposer des projets coopératifs d'apprentissage, c'est une autre forme d'enseignement que celle de l'enseignement traditionnel où le prof distribue son savoir et où il informe ses élèves, il les met en activité, il corrige les travaux qu'ils ont réalisés. Enseigner avec l'ordinateur, ce n'est plus enseigner de la même façon, bon, que vous avez vécue lorsque vous étiez à l'école ou que j'ai vécue lorsque j'étais à l'école. C'est mettre des enfants dans des projets. C'est utiliser la pédagogie du projet. C'est utiliser la coopération. C'est leur permettre de réaliser, de solutionner des problèmes. Que ce soit en français, en mathématiques, en sciences, c'est la technique de résolution de problèmes et c'est de développer chez les élèves cette capacité à apprendre. Alors, ça, c'est d'abord une révolution pédagogique. Introduire les ordinateurs dans une école, ce n'est pas une révolution pédagogique. C'est déjà difficile, là. C'est déjà un problème, mais c'est essentiellement une révolution pédagogique.

M. Laporte: Mais, en réalité, si vous me permettez, c'est vraiment la fin du modèle du magister. On passe du magister au tuteur ou à l'enseignant...

(17 heures)

M. Archambault (Yves): Au guide.

M. Laporte: ...au guide, oui. C'est sûr que, pédagogiquement, c'est une transformation de moeurs profonde, hein. Je suis bien d'accord avec vous. Donc, il y a de la résistance là-dessus.

M. Pallascio (Michel): Écoutez, quand on parle de résistance, c'est plutôt une inquiétude. Je pense que les gens sont parfaitement conscients qu'on rentre dans une ère informatique qui touche tout le monde. Même dans notre milieu de travail – je ne suis pas dans l'éducation principalement – dans tous les milieux de travail, dans toutes nos activités, nous avons affaire à ces nouvelles technologies. Alors, je pense que les gens sont conscients que c'est un phénomène avec lequel ils vont devoir travailler. Le problème, c'est de leur apporter le support et les moyens de faire face à ça et de pouvoir les utiliser à meilleur escient.

M. Laporte: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui, M. le président Pallascio, messieurs dames, merci pour être venus nous éclairer, puisque nous sommes dans un mandat d'initiative, et, en particulier, puisque vous représentez une grande commission scolaire, d'être venus nous dire qu'il fallait circuler sur l'inforoute en français et avoir une grande préoccupation des contenus. Nous sommes très sensibles à ce que vous dites.

Moi, j'aurais peut-être quelques questions relativement, entre autres, à la formation des maîtres, puisque vous dites que les maîtres doivent être sensibilisés aux nouvelles méthodes, aux nouveaux médiums, aux nouvelles technologies. Est-ce que, comme commission scolaire, vous avez des suggestions à faire ou si vous avez, par exemple, pressenti des universités au niveau de cette formation-là?

M. Pallascio (Michel): Écoutez, dans le moment, comme on est en partenariat, on s'aperçoit que les universités aussi en sont à leurs balbutiements dans ce domaine-là et ont les mêmes préoccupations que nous. Elles sont intéressées à savoir, quand on parle de développement en informatique – c'est l'infini ou presque – quels sont les réels besoins. Donc, d'essayer de cibler un peu les efforts qu'ils vont développer pour la formation des maîtres. Alors, je pense que ça se fait en collaboration avec la Commission dans des projets-pilotes présentement, mais il faut aller au-delà de ça. Actuellement, je pense que c'est ce qu'on essaie de voir avec les universités au niveau de la formation. Je ne sais pas si...

M. Archambault (Yves): Oui. Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais on a mis en place, à la CECM, le Centre des enseignants. C'est un centre de formation d'enseignants géré à la fois par le syndicat des enseignants et la CECM. Et c'est dans ce Centre des enseignants là que se définissent les objets de perfectionnement. L'an dernier, on a eu une demande telle de la part de nos enseignants pour du perfectionnement qu'on s'est retrouvé, à la fin de l'année, avec 700 personnes sur une liste d'attente. Et je vous rappelle que le perfectionnement n'était pas fait sur le temps de travail, c'était un perfectionnement qui était fait en dehors des heures de travail. Il y a donc de plus en plus une prise de conscience de nos enseignants sur la nécessité d'intégrer l'informatique. Ça, c'est le premier champ d'intervention.

Le deuxième champ d'intervention, c'est aussi de situer, au niveau de l'école, la nécessité de définir un plan d'action école, plan d'action école qui doit prendre son assise sur une vision commune. On invite chacune de nos écoles, personnel de direction, professionnels, professionnels enseignants, à se définir une vision des nouvelles technologies en éducation. Donc, il faut d'abord que, au niveau de l'école, on se questionne au niveau pédagogique. Et ça, c'est un processus interne à chacune des écoles, c'est un processus de perfectionnement, d'autoperfectionnement des équipes-écoles.

M. Pallascio (Michel): Excusez-moi. On parlait de recherche et développement tantôt dans notre... et c'est ça, le soutien dont on a besoin. Parce que cette formation, à la base, est partie de l'initiative de professeurs, d'enseignants réguliers qui avaient un attrait dans ce domaine-là. Donc, il faut quand même aller beaucoup plus loin dans ces premières démarches et développer.

M. Gaulin: Quand on vise le réseau francophone par l'inforoute, entre autres, communication d'espace francophone à d'autres, ça peut même être aux États-Unis, puisque l'espace francophone n'est pas seulement des endroits où on ne parle que le français mais là où le français est parlé. Est-ce que vous pensez qu'au niveau de la motivation pour les élèves l'inforoute peut être une bonne motivation dans la mesure où ça peut être une motivation pour mieux apprendre la grammaire, par exemple, et l'orthographe? Parce qu'on retourne, d'une certaine manière, à la galaxie Gutenberg; on veut être compris; on ne veut pas parler ou écrire un français approximatif.

M. Pallascio (Michel): Écoutez, je pense que, au niveau des élèves, l'attrait de l'informatique en tant qu'outil, peut-être, d'abord, est là. On ne peut pas parler de difficulté, je pense, avec les élèves à ce niveau-là. Même la demande de matériel dans les écoles, elle est là, le besoin est là à ce niveau-là.

Le problème de l'inforoute, c'est que, actuellement, l'inforoute principale est Internet. C'est un produit américain. Ce qui est véhiculé là-dessus, nous n'avons pas le contrôle. Ce qui nous inquiète, c'est les informations qui vont être véhiculées à l'intérieur de l'inforoute. Est-ce qu'elles vont être réellement propres à nos besoins, nous, Québécois? Est-ce qu'il va y avoir possibilité de développer de l'information, du matériel qui soient propres à nos besoins? C'est un peu notre inquiétude actuellement, parce que l'inforoute est principalement un véhicule américain qui s'appelle Internet. C'est ça qui nous inquiète. Est-ce qu'on va pouvoir développer... Ou le gouvernement pourrait peut-être, avec ses partenaires, tenter de développer des outils qui soient conçus en fonction de nos besoins.

M. Gaulin: Je pense qu'on le fait, en tout cas, au niveau du vocabulaire, c'est déjà remarquable. On parle de navigation, de navigateur, d'inforoute, d'espace cybernétique. Je pense qu'on peut inventer tout un nouveau langage aussi.

M. Pallascio (Michel): Mais on parle de contenus aussi, à savoir...

M. Gaulin: Aux contenus, bien sûr.

M. Pallascio (Michel): ...tout ce qui va pouvoir être utilisé à partir de l'information véhiculée sur l'inforoute.

M. Gaulin: Oui, il y a des commissions qui ont...

M. Archambault (Yves): Parce que la technologie est là. Il est possible pour un enseignant de définir, en utilisant Internet, un espace où les élèves vont aller naviguer, et non pas les laisser naviguer sur la grande mer. On sait combien, ceux qui ont fait l'expérience d'Internet, on peut perdre du temps, aussi, inutilement sur Internet. Il faut que l'élève soit amené à naviguer dans des eaux qui vont lui convenir et essayer de trouver les renseignements qui lui conviennent.

Face à votre question, c'est clair que, si j'ai un projet de correspondre avec des élèves qui parlent français en Californie et que je suis dans une classe de français du Québec, pour écrire, je dois écrire correctement, ma communication doit être claire. Et là le prof peut utiliser le projet de communication avec une classe de Californie en français pour motiver ses élèves. C'est essentiellement motivant. C'est ce que j'appelais tantôt la pédagogie du projet: placer les élèves dans des situations réelles de communication. C'est clair que ça maximise la motivation des élèves.

M. Gaulin: Est-ce que vous pensez que ça peut être un outil aussi pour raccrocher un tas de gens, en particulier par les cours de récupération, les jeunes qui sont en manque à certains égards, pour des matières données, peu importe, par l'enseignement individualisé, par inforoute, ça peut être un moyen pratique de rejoindre les gens? Vous êtes évidemment une grande cité, à Montréal, mais je pense en particulier aux milieux ruraux.

M. Archambault (Yves): Proposer à des jeunes des projets qui leur conviennent, qui les intéressent et qui les motivent, avoir une pédagogie qui fonctionne à l'intérieur de projets coopératifs d'apprentissage, je suis certain qu'il y a un effet de motivation et un effet d'intérêt pour l'élève.

M. Gaulin: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Je veux revenir sur la question de la formation du personnel enseignant, parce que les recteurs des universités ont insisté beaucoup sur ça hier dans leur mémoire, et, juste dans le temps, laisser de côté les questions de changement des moeurs. Mais juste pratico-pratique, pour prendre un enseignant qui est peu familier avec les ordinateurs et avec Internet, et tout ça, ça prend combien de temps? Ça représente un investissement de la commission scolaire, en argent et en temps de une semaine, un mois? C'est quoi exactement?

M. Pallascio (Michel): Je pense que ça peut varier selon les individus. Ce que le directeur général mentionnait tout à l'heure, l'intérêt est là, par le nombre de personnes qui vont s'inscrire dans ces programmes-là. Mais il y a aussi, au niveau des contenus, comme on l'a mentionné, qui nous préoccupe beaucoup. Comment vont-ils être utilisés? Quel va être le contenu de ces programmes-là à l'intérieur des écoles? Alors, ça aussi, ça préoccupe le personnel. Quand on parle de formation et de l'utilisation d'appareils, ça, c'est une chose, mais aussi, ce qui préoccupe le personnel enseignant, entre autres, c'est à quoi il va servir après, cet appareil-là, comment je vais l'utiliser, quels vont être les outils que je vais avoir entre les mains, logiciels, enfin, à l'intérieur de ma classe? C'est là-dedans qu'on voit aussi souvent une grande variété de projets à l'intérieur des écoles. Des fois, c'est des concentrations, dans des laboratoires, des appareils informatiques; des fois, c'est dans les classes directement; d'autres fois, c'est dans les bibliothèques. Alors, l'utilisation varie beaucoup d'un milieu à l'autre. L'important, c'est d'essayer de déterminer comment on va utiliser ces appareils-là. La préoccupation qu'ont les universités, nous l'avons aussi. C'est vraiment très commun aux deux paliers à ce niveau-là.

(17 h 10)

M. Kelley: Merci. Je veux juste aussi souligner le dernier commentaire de M. Archambault sur la perte de temps, je pense que ça, c'est quelque chose aussi. On peut rapidement perdre du temps sur Internet, on trouve une voie et ça nous amène dans une autre direction.

Aussi, je pense qu'il y a un syndicat, hier, qui a parlé de l'importance de développer un esprit critique, parce que, souvent... j'ai parlé à un enseignant en fin de semaine qui m'a dit: Les élèves prennent pour acquis que tout ce qui est sur l'Internet est vrai, comme point de départ. Alors, ils vont juste citer qu'ils ont visité un site et ça dit que le ciel est orange, alors le ciel est orange, parce qu'il y a une preuve tangible, c'est sur l'Internet. Je pense qu'il faut faire vraiment attention pour que, quand les élèves vont commencer à se brancher et utiliser l'Internet, d'avoir cet esprit critique pour dire que c'est la publicité, des fois, c'est les personnes qui écrivent ça pour des fins... pas toujours pour promouvoir la vérité.

M. Pallascio (Michel): Je voudrais vous mentionner une chose qu'on n'a peut-être pas abordée et qui est très importante, on a parlé du contenu, mais on développe aussi des techniques – on a une spécialiste ici – ils appellent ça des forteresses, des proxi, enfin, pour s'assurer que ce qui va être... Même ce qui provient de l'Internet ne sera pas nécessairement entièrement accessible aux écoles. Donc, essayer de développer des moyens qui nous permettraient quand même d'avoir un certain contrôle sur cette information-là. Parce que tout le monde le sait, tout et à peu près tout se véhicule sur Internet. Alors, je pense que nos services du réseau informatique sont préoccupés par cette question-là et ont déjà regardé à développer des outils. Si vous voulez peut-être qu'on élabore là-dessus, on pourra le faire, nos représentants...

M. Kelley: Oui, s'il vous plaît.

M. Rathé (Jean-Claude): Bon, nous avons un réseau puis notre réseau reçoit des intrants, des sortants. C'est clair que, dans les deux sens, il faut être capables de contrôler, en ce sens que ceux qui arrivent de l'extérieur pourraient entrer sur notre réseau et se promener partout à l'intérieur. On ne veut pas donner accès à tout. Il y a des données qui doivent demeurer confidentielles, il y a des données qui doivent être protégées pour ne pas changer ou ne pas briser nos systèmes.

Pour ce qui est des sortants, bien, il faut être capables de les contrôler, en ce sens qu'il faut être capables de donner des cadres d'accès. Il existe des méthodes; il existe des logiciels qui contrôlent. On a un logiciel qu'on appelle Forteresse. Donc, une forteresse, c'est un logiciel qui dit aux intrants: Celui-là, il est indésirable et ne doit pas aller plus loin que cette limite-là.

La même chose pour les sortants, on peut dire: Ce réseau-là ou cette partie de réseau là n'est pas accessible. Ça peut ne pas suffire, par contre, parce qu'une fois que tu es rendu ailleurs tu peux réussir à prendre une autre route. Donc, l'autre méthode qu'on a, c'est qu'on peut installer sur les postes de travail, donc le poste où l'élève va travailler, où le personnel va travailler, un menu quelconque, qu'on appelle un furet, qui donne des accès mais des accès préprogrammés: telle place, telle place, telle place. Il n'a pas la possibilité de rentrer dans le grand Internet pour se promener partout, il ne peut qu'aller là.

L'autre méthode, la plus intéressante à mon point de vue, c'est d'installer un proxi. Un proxi, c'est un ordinateur qui est tout proche de celui qui navigue sur Internet, donc qui peut être dans une école – chez nous, on parle de regroupement – ensuite, la grande CECM, ailleurs, ce serait autre chose; cet ordinateur-là a l'avantage de jouer le rôle d'un Internet, en ce sens que le prof qui, par exemple, prépare une recherche peut aller lui-même la chercher, que ce soit le soir chez lui, en pouvant entrer dans notre réseau puis amener l'information ou apporter l'information sur ce serveur spécifique. Une fois que l'information est là, le lendemain ou plus tard, il demande à ses élèves de faire la recherche en question. Les élèves se pensent sur le grand Internet, mais pas du tout, ils sont sur l'ordinateur de l'école. Donc, on rencontre quand même les mêmes objectifs. C'est ce qu'on est en train d'installer chez nous.

M. Kelley: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, messieurs. Je vais me dépêcher, moi aussi, mais on pourrait passer encore une heure avec vous, très certainement. Je vous remercie de votre contribution à notre réflexion.

J'aimerais savoir ce que vous attendez plus précisément de vos projets-pilotes. Vous avez des projets-pilotes dans quatre écoles, si j'ai bien compris, et j'aimerais savoir ce que vous en attendez qui soit utilisable à plus grande échelle et qui soit généralisable peut-être à un réseau beaucoup plus vaste. Est-ce qu'il y a moyen en quelques mots de partager vos idées là-dessus?

M. Pallascio (Michel): Bien, d'abord, ce sont des projets-pilotes qu'on pourrait peut-être appeler des laboratoires, dans un sens. C'est des projets, comme je l'ai mentionné tantôt, en collaboration avec des représentants des universités, des représentants du secteur privé tant dans le matériel ordinateur que dans le matériel des télécommunications. Entre autres, nous avons Bell et Vidéotron, pour ne pas les nommer, IBM, Apple et Iconyx. Nous essayons avec chaque partenaire dans des différentes écoles de collaborer à ces projets-là. Un peu des projets laboratoires où on voudrait examiner d'abord, autant au niveau du contenu que du contenant, quels peuvent être les besoins de l'école, essayer de cibler dans tout ce matériel quels sont les réels besoins, parce que les possibilités sont infinies, et, en même temps, du côté pédagogique, essayer de développer aussi des besoins, tant dans l'école elle-même qu'au niveau de la formation du personnel, pour tenter de mieux cibler les objectifs d'utilisation de ces nouvelles technologies à l'intérieur de nos écoles. Alors, c'est un peu le principe. On pense que ces laboratoires-là, au bout de quelques années, pourraient nous permettre, dans l'ensemble de notre réseau, de pouvoir mieux utiliser ces technologies sans empêcher des projets locaux qui se développent un peu partout dans nos écoles.

Mme Malavoy: Mais c'est une utilisation de masse. Je veux dire que ce n'est pas des projets pour des gens, je ne sais pas, moi, particulièrement doués ou particulièrement ceci ou cela. Ça devrait être généralisable.

M. Pallascio (Michel): Oui. Le seul critère du choix des écoles, c'est d'avoir du personnel engagé, si on peut dire, dans son entièreté dans ces programmes-là, parce que ça va quand même demander des efforts supplémentaires. Donc, au moins qu'ils y croient d'abord et qu'ils soient prêts à collaborer à ce genre de projet. C'est le seul critère. Pour le reste, ça pourrait se développer dans n'importe quelle école.

M. Archambault (Yves): Et j'ajouterai que, un des éléments majeurs, c'est pour les universités aussi. Les universités collaborent avec nous parce qu'elles ne savent pas comment prendre ce problème-là. Elles veulent venir dans la réalité voir de quoi a besoin un enseignant du primaire lorsqu'il est face à l'informatique. Elles veulent venir voir dans le réel où sont les problèmes, quelles sont les difficultés, comment on les aborde, ces difficultés-là. On croit que ce qui va être développé dans ces sites-pilotes va être transférable dans nos autres écoles et on essaie de placer dans ces sites-pilotes les mêmes conditions qu'on retrouve dans les 230 établissements de la CECM, de sorte qu'on développe une expertise transférable à tous les points de vue: au point de vue technique, au point de vue pédagogique et au point de vue de la formation des enseignants.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les porte-parole de la Commission des écoles catholiques de Montréal de leur collaboration et de leur contribution aux travaux de cette commission.

J'invite maintenant les représentants du Conseil scolaire de l'île de Montréal à s'approcher de la table des délibérations.

(Consultation)

Le Président (M. Garon): Alors, j'invite les représentants du Conseil scolaire de l'île de Montréal, le porte-parole, à se présenter et à présenter les gens qui l'accompagnent – je vois que M. Mongeau n'est pas là – et en vous disant que vous avez 45 minutes, c'est-à-dire normalement une quinzaine de minutes pour votre exposé, une quinzaine de minutes pour l'opposition, une quinzaine pour les députés ministériels. Ce que vous prenez en plus va leur être soustrait, ce que vous prenez en moins, bien, ils pourront l'utiliser pour poser des questions.


Conseil scolaire de l'île de Montréal (CSIM)

M. Arsenault (Michel): Bonjour, M. le Président, messieurs et mesdames du comité. Mon nom est Michel Arsenault. Je suis commissaire à la Commission des écoles catholiques de Verdun et je suis membre du Conseil scolaire de l'île de Montréal.

J'aimerais vous remercier pour ce temps d'échanges consacré à un sujet qui est d'avenir. Je tiens à vous faire remarquer que le document que nous vous avons présenté a fait l'unanimité au Conseil scolaire de l'île de Montréal représentant les huit commissions scolaires de l'île de Montréal.

Depuis 1985, le Conseil scolaire de l'île de Montréal s'intéresse aux applications pédagogiques des technologies de l'information et de la communication... Ah! Je voudrais vous présenter Mme Ranger, directrice générale du Conseil scolaire de l'île de Montréal, et M. Jean Matte, coordonnateur du Centre de développement des applications de la micro-informatique à des fins éducatives, appelé aussi le CDAME.

(17 h 20)

Donc, depuis 1985, le Conseil scolaire de l'île de Montréal s'intéresse aux applications pédagogiques des technologies de l'information et de la communication par l'intermédiaire du CDAME, le Centre de développement des applications de la micro-informatique à des fins éducatives. Celui-ci constitue un lieu de concertation pour les huit commissions scolaires de l'île de Montréal et mène des activités de recherche et de développement de type instrumental en ce domaine avec la collaboration du personnel de ces huit commissions scolaires.

Comme nous le rappelions dans le mémoire présenté à la Commission des états généraux sur l'éducation, notre société est de plus en plus préoccupée par l'utilisation des technologies de l'information et de la communication et elle est devenue une utilisatrice avide de moyens permettant un accès rapide et efficace aux outils de gestion de l'information. Il importe bien de comprendre la nature et l'ampleur de ces transformations car elles indiquent de nouvelles voies à emprunter pour l'école.

L'introduction à l'école de nouvelles technologies comme les DOC, les disques optiques compacts, les interfaces graphiques usager, la télématique, l'Internet et, d'une façon plus générale, de l'inforoute implique une masse importante d'informations pas toujours bien structurées, de qualité très variable et souvent plus ou moins pertinentes. Face à cet agrégat d'informations, il convient que l'école développe chez l'élève des habilités qui lui permettront d'agir de façon positive sur ces contenus et de pouvoir les communiquer efficacement.

Sous un autre aspect, il est essentiel que l'école puisse éduquer l'élève au respect du droit à la propriété, au respect des valeurs morales, telles que celles indiquées dans le document d'information «Les enjeux du développement de l'inforoute québécoise».

L'utilisation en classe de technologies de l'information et de la communication nécessite, d'une part, une remise en question majeure des manières de faire chez les enseignants. D'autre part, pour la grand majorité des élèves, elles ne doivent pas devenir des objets d'études mais des outils d'aide à l'apprentissage, et c'est à ce niveau que les choix méthodologiques des enseignants deviennent névralgiques. L'école doit également se servir du pouvoir d'attraction des technologies de l'information et de la communication non seulement pour stimuler les élèves qui réussissent, mais également à motiver ceux qui éprouvent des difficultés d'apprentissage ou qui sont potentiellement décrocheurs.

Enfin, nous pensons que l'utilisation de l'inforoute et, de manière plus générale, des technologies de l'information et de la communication permettra, en formation professionnelle, d'offrir une formation répondant aux changements technologiques rapides, de rendre possible à très court terme toute formation supplémentaire d'appoint et de contribuer à la formation continue.

Il est impératif que les enseignants développent à court terme, tant au niveau de la formation initiale que lors d'activités de perfectionnement, des habiletés à sélectionner et à gérer des environnements d'apprentissage qui mettent à profit les nouvelles technologies. Pour y parvenir, on devrait exploiter les compétences que l'on trouve dans les milieux, comme les CEMIS, les Centres d'enrichissement en micro-informatique scolaire, le RTSQ, c'est-à-dire le Réseau télématique scolaire québécois, les associations professionnelles d'enseignants.

Comme nous l'indiquons dans notre mémoire présenté à la Commission des états généraux sur l'éducation, le parc réduit et désuet des équipements est un problème majeur et reconnu. Une mise à jour du parc et l'ajout systématique de nouveaux équipements sont deux opérations impératives. Il faut cependant éviter l'écueil de l'informatisation à tout prix, car, dans le milieu de l'éducation, ce n'est pas tant le nombre d'appareils qui importe mais la volonté de les utiliser à l'intérieur de projets pédagogiques bien planifiés par des enseignants.

Nous rappelons que l'acquisition des équipements informatiques est la responsabilité des commissions scolaires, et à cette fin, elles doivent avoir toute la marge de manoeuvre nécessaire pour l'acquisition du matériel le plus approprié pour répondre à leurs besoins. Aux fins des subventions gouvernementales, l'équipement devrait comprendre autant les micro-ordinateurs que les périphériques et le matériel nécessaire au réseautage, le système d'exploitation de même que les logiciels outils de base: traitement de texte, tableur, système de gestion de bases de données, éditeurs de texte, graphiques, etc.

L'accès à des logiciels et des bases de données documentaires de bonne qualité, rédigés dans un français impeccable et en relation avec les programmes d'études du ministère de l'Éducation s'avère un élément primordial et indispensable à toute application pédagogique des technologies de l'information et de la communication. Il faut cependant laisser jouer les lois du marché et que le ministère de l'Éducation préconise la même approche que celle utilisée pour les manuels scolaires.

Nous sommes convaincus que, en milieu scolaire, l'accès à l'inforoute ne se généralisera pas sans l'application d'un coût abordable et raisonnable aux différents types de canaux de transmission de données, comme à l'abonnement aux services offerts.

Le perfectionnement des enseignants en exercice est un autre élément déterminant dans le niveau d'utilisation pédagogique que ces derniers peuvent faire de l'inforoute. Les coûts générés par le perfectionnement sont habituellement très élevés pour une commission scolaire, puisqu'ils impliquent non seulement les frais reliés au perfectionnement lui-même, mais également ceux de la suppléance occasionnée par la libération des enseignants à perfectionner.

C'est bien connu, toute évolution, tant en éducation que dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, passe par une phase importante de recherche et de développement. Le milieu scolaire doit y investir temps et énergie en suscitant, au besoin, des collaborations avec le milieu universitaire. Certains élèves nécessitent une supervision pédagogique plus importante que d'autres. L'accès à l'inforoute pourrait permettre la création de classes virtuelles regroupant ce type d'élèves sous la supervision d'enseignants d'expérience. Nous pensons à une situation où certains élèves provenant d'écoles de diverses régions du Québec pourraient être reliés à certains moments de la journée à des enseignants spécialisés qui guideraient ces élèves dans leurs apprentissages.

On assiste à un envahissement du milieu de travail et de la vie privée des gens jusqu'à leur domicile par les technologies de l'information et de la communication. Personne ne peut demeurer indifférent à cette situation, et l'une des nouvelles missions de l'école de l'an 2000 est de développer chez l'élève les habiletés à gérer efficacement l'information. Il faut la soutenir. À ce terme, on vous a, dans notre document, inclus certaines recommandations. Au niveau du contexte, on demande de développer chez l'élève sa capacité de faire face à l'innovation et aux changements technologiques ainsi que les habiletés nécessaires et une manipulation efficace des informations en le plaçant fréquemment face à des environnements informationnels riches et stimulants pour la réalisation des travaux scolaires: logiciels outils, disques optiques, inforoute, etc. Chaque organisme d'éducation devrait développer son propre code d'éthique face aux droits d'auteur, au respect de valeurs.

Impacts sur les programmes d'études. Que le ministère de l'Éducation évalue, de concert avec ses partenaires, le potentiel technologique de l'information et de la communication comme instrument d'apprentissage et d'enseignement. Au besoin, par la suite, qu'il procède aux ajustements jugés nécessaires aux programmes d'études.

(17 h 30)

Impacts sur les méthodes d'enseignement et de la gestion des classes. Fournir aux enseignants un environnement propice à l'utilisation pédagogique des technologies de l'information et de la communication autant au niveau professionnel et organisationnel qu'au niveau de l'accès à une variété de ces ressources: micro-ordinateurs, périphériques, logiciels outils, bases de données sur disques optiques ou sur l'inforoute.

Développer une structure d'assistance aux devoirs et aux leçons par l'utilisation du courrier électronique et utiliser les enseignants d'expérience pour animer cette structure.

La formation professionnelle. Former les élèves et les adultes de manière à ce qu'ils puissent faire face à l'innovation et aux changements technologiques et offrir une formation transférable et véritablement qualifiante.

Au chapitre de la formation des enseignants, que le ministère de l'Éducation mette en place une série d'incitatifs pouvant aller jusqu'à l'identification comme critère d'embauche de tout futur enseignant la capacité d'évoluer dans un environnement informationnel complexe; que les commissions scolaires d'un territoire donné mettent en place et animent un groupe d'intérêt sur le perfectionnement des enseignants en utilisant un site Web spécifique et des conférences spécialisées sur Internet. Le ministère de l'Éducation devrait soutenir les associations professionnelles membres de la CIPQ, le Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, dans leur volonté de mettre en place un outil national de communication entre leurs membres: courrier électronique, groupes d'intérêt, pages Web, en les invitant à s'impliquer dans un processus de téléformation professionnelle de leurs membres.

Au niveau de l'accessibilité, dans le développement pédagogique des technologies de l'information et de la communication comme dans l'implantation de l'inforoute, il est essentiel que le gouvernement mette en place les conditions de réalisation favorables, mais qu'il laisse aux principaux agents impliqués la plus grande marge de manoeuvre possible pour la réalisation de ce développement et de cette implantation. Favoriser pour les enseignants un accès plus direct à l'inforoute autant sur les heures de travail qu'à l'extérieur de celles-ci. Les coûts abordables. Que le ministère de l'Éducation laisse aux commissions scolaires le soin de choisir les équipements informatiques qu'elles jugent les plus appropriés pour répondre à leurs besoins. Majorer la part du gouvernement dans le partage des frais d'acquisition d'équipements informatiques par les commissions scolaires. Pour les logiciels, le ministère de l'Éducation devrait subventionner l'acquisition de logiciels – interface usager, logiciel de recherche – de bases de données documentaires non en amont, mais en aval de leur développement.

Pour l'accès à l'inforoute, mettre en place les incitatifs appropriés de manière à ce que les transporteurs commerciaux appliquent aux écoles une échelle tarifaire plus basse ou au moins équivalente à celle utilisée en milieu résidentiel pour l'installation et la location des liens: lignes téléphoniques, câbles ou autres. De pareils incitatifs devraient permettre aux fournisseurs de faire bénéficier les écoles et les enseignants de prix avantageux pour favoriser le plus large accès possible aux différents services sur l'inforoute. Pour le perfectionnement. Les frais relatifs au perfectionnement des enseignants devraient être partagés entre le gouvernement et les commissions scolaires selon une répartition de 50-50.

Pour la recherche et le développement, que le ministère de l'Éducation reconnaisse l'urgence d'agir en ce domaine et qu'il favorise l'émergence de la collaboration en certains CEMIS, centres régionaux des commissions scolaires, d'une part, et des départements de technologies éducatives des universités, d'autre part, en subventionnant des activités de recherche et de développement de type instrumental menées dans les écoles et qui impliquent nécessairement des enseignants en exercice. Et, pour l'encadrement des élèves, utiliser des enseignants d'expérience pour l'encadrement et le suivi à distance des élèves en utilisant les possibilités offertes par l'inforoute.

Permettez-moi de conclure sur une note personnelle avec quelques petites réflexions. L'Internet ou l'inforoute québécoise, c'est un média d'information comme la télévision, la publicité, etc. On peut s'adresser à une culture de masse produite ou diffusée par ces moyens de communication. Ça donne des connaissances, mais pas du gros bon sens. Mais qu'en est-il de la culture personnelle? L'éducation s'adresse justement, entre autres, à la culture personnelle, au développement de l'individu en son entier. Le savoir, oui, mais savoir quoi faire et savoir comment vivre avec ce qu'on sait faire. La culture, c'est le développement de certaines facultés de l'esprit par l'exercice ou par des activités intellectuelles appropriées. Est-ce que tout ce qu'il y a sur Internet ou sur l'inforoute québécoise est approprié sans égard à l'âge, au développement mental ou psychologique? Pour avoir une culture, on peut avoir acquis des connaissances par l'Internet ou l'inforoute québécoise, entre autres, mais ces informations doivent développer notre sens critique, le goût ou le jugement, et c'est à travers un filet tissé par les structures sociales, religieuses, morales ou intellectuelles qui vont définir notre groupe ou la société québécoise par rapport à un autre. Il ne faudrait pas oublier que la fleur se nourrit par la racine. Pour voir la belle fleur de la culture, il faut d'abord ne pas couper les racines en s'imaginant maintenir la fleur en vie si elle est figée dans des octets de mémoire sur un serveur quelque part. Elle n'est vivante que si elle nourrit l'esprit de l'individu. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Écoutez, je vous remercie pour cet excellent mémoire, M. Arsenault. Vous nous avez mentionné, un peu comme on l'avait entendu précédemment, mais dans un contexte différent, que la formation était prioritaire. Mais vous avez aussi dit qu'il fallait créer un environnement propice à l'utilisation de ces technologies au sein du corps enseignant puis au sein des élèves, et ainsi de suite. J'ai peut-être mal compris. Vous vouliez dire par là qu'il faut fournir, disons, la quincaillerie, qu'il faut fournir les logiciels, mais qu'est-ce que vous voyez dans cet environnement qui n'est pas uniquement quincaillerie et logiciels? Il y a la formation aussi, mais quel serait l'environnement le plus propice, disons, à la diffusion de l'usage de ces technologies en milieu scolaire, compte tenu de ce que je viens de dire, là, qu'il faut... Évidemment, il faut que la quincaillerie soit là. Il faut que le savoir soit là. Il faut que la formation... Mais y a-t-il quelque chose qui est plus au niveau de l'incitation que peuvent faire les directions scolaires, la gouvernante scolaire – vous comprenez ma question? – ...

M. Arsenault (Michel): Oui, ça va.

M. Laporte: ...pour essayer aussi, disons, de – parce que, ça, on en a entendu parler ce matin et puis antérieurement – faire baisser les niveaux de résistance, ou d'appréhension, ou d'inquiétude qui existent dans le milieu scolaire à l'égard de ces changements technologiques?

M. Arsenault (Michel): O.K. Ce que je veux préciser – et je veux passer la parole à Mme Ranger avant – c'est que beaucoup de gens parlent actuellement surtout de l'Internet ou de l'inforoute, et tout ça, et je pense que ça doit être non pas regardé comme une entité en soi, mais qu'il faut regarder l'ensemble des technologies, et l'inforoute n'est pas la seule technologie. Et je pense que Mme Ranger va pouvoir poursuivre.

Mme Ranger (Nicole): Dans le cadre des environnements, il y a quand même deux types d'approche. Il y a une approche où c'est dans la classe même, avec un titulaire, où, à travers les différentes matières qui seront enseignées, à ce moment-là, qu'on doit utiliser, disons, ou qu'on peut utiliser l'informatique. Dans d'autres milieux, ce n'est pas au niveau de la classe, mais ça peut être un laboratoire dans l'école ou à des périodes différentes dans la journée. Dépendamment de la préparation, du degré de formation, disons, du personnel enseignant, vous avez des laboratoires où l'étudiant, l'enfant ou l'adolescent peut, à ce moment-là, aller à x périodes durant sa semaine pour travailler au niveau de l'informatique.

Mais j'irais plus loin encore, parce que, au niveau du Conseil, avec la Société GRICS, on a mis sur pied des projets, et je vais laisser M. Matte vous en parler, parce que le tout doit aller aussi avec une programmation. C'est que, quand on ne fait pas en classe... On n'en a pas pour partout... Que le programme soit d'histoire, ou de français, ou de mathématiques, mettons de deuxième année, ou de troisième année, ou de sixième année, on ne l'a pas fait, où l'enseignant peut utiliser l'informatique... Bien sûr que nous avons actuellement des enseignants novateurs. Il y en a qui ont tout essayé de penser... mais on ne l'a pas à l'échelle de la province. Il ne faut quand même pas se leurrer. On a des projets très précis, et j'aimerais ça laisser la parole à M. Jean Matte qui va vous parler de ce projet-là, dont, entre autres, on en a un en histoire – on en a plus qu'un, remarquez bien – avec les commissions scolaires de l'île de Montréal.

(17 h 40)

M. Matte (Jean): Merci. Quand on parle d'environnement propice, en plus, bien sûr, de la quincaillerie et de favoriser l'accès à l'inforoute, on pense aussi à la formation, et vous l'avez clairement identifié tantôt, mais on pense aussi à des outils à mettre entre les mains des enseignants pour être en mesure d'utiliser les technologies de l'information et des communications. Je pense, entre autres, à des outils du type scénario d'utilisation conçus par des enseignants et utilisés par la suite par leurs collègues. Alors, c'est dans cette optique-là que nous avons conçu, avec du personnel des commissions scolaires, des scénarios d'utilisation. Par exemple, l'année dernière, en collaboration avec la GRICS et dans le cas d'un projet en sciences de la nature en sixième année, nous avons établi une collaboration avec la Biosphère et nous avons conçu un projet qui a débouché sur de la conception de scénarios d'utilisation conçus par les enseignants et validés en classe avec des vrais élèves par des enseignants et des conseillers pédagogiques, pour ce qui concerne le traitement didactique qui en était fait et également les contenus et la correspondance au programme d'études.

Nous en avons fait un autre, également, en histoire en quatrième secondaire, où on a utilisé des disques optiques compacts et l'accès à Internet, également, pour atteindre des fins, particulièrement des trois derniers objectifs du programme d'études d'histoire en quatrième secondaire. Et tout ça se fait toujours en collaboration et par des enseignants des commissions scolaires. Alors, ça, quand on met entre les mains des scénarios d'utilisation à l'intention des enseignants, je pense qu'on les place dans un environnement propice, et c'est à ça qu'on pensait également.

Un autre élément, qui n'est pas le moindre, c'est l'animation des enseignants. On a remarqué, depuis le début des années quatre-vingt, que les enseignants laissés à eux-mêmes et qui utilisent les technologies tombent souvent en panne d'idées ou de manières de faire. Il est important que les commissions scolaires puissent mettre à la disposition des enseignants des personnes spécialisées pour les animer et pour les aider à progresser sur le plan de l'utilisation pédagogique de ces outils, parce que, finalement, on est au niveau de matériel didactique. L'inforoute, Internet inclusivement, et les disques optiques compacts ne sont que des moyens. Alors, si on veut cibler réellement l'enseignement et si l'on veut utiliser au mieux les technologies, je pense qu'il faut, à un moment donné, que les enseignants puissent être animés de manière à pouvoir les utiliser de façon pertinente avec leurs élèves. Alors, c'est cet ensemble de conditions là auxquelles on pensait.

M. Laporte: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Moi, j'ai eu comme un genre d'impression en écoutant, tantôt, la CECM. On dirait que l'informatique – puis ça, c'est la faute à personne – est arrivée comme, peut-être, la misère sur le pauvre monde. Je ne sais pas, mais c'est comme si, dans le monde scolaire, c'était quelque chose qui pourrait s'apparenter à une solution à bien des problèmes qu'on peut vivre en termes d'apprentissage, en termes de langue, en termes d'accès pour tout le monde à des connaissances, mais ça me semble être beaucoup plus au niveau des problèmes, actuellement, que ça serait au niveau des solutions. Je ne sais pas si je m'exprime bien, là. Vous voulez déjà intervenir? C'est parfait. Allez-y, puis j'aurais d'autre chose après.

M. Arsenault (Michel): Juste une petite chose: je pense que ce n'est pas une solution, c'est un moyen pour arriver à une solution.

M. Beaumier: Ce que je voulais dire, c'est que ça crée un problème dont on se passerait. Est-ce que j'ai cette impression-là? Allez-y, madame.

Mme Ranger (Nicole): Moi, je ne veux vraiment pas le voir – je vous donne mon opinion – comme un problème. Moi, je trouve vraiment que c'est un outil de plus pour faire passer la connaissance, mais quand je vous... Je levais la main pour parler en termes de solutions. Il y a toute une façon, et c'était aussi avec le prolongement de la question du député d'Outrement, à ce moment-là. Vous savez, on a fait, au Conseil scolaire de l'île, un premier document qui était «Les francophones québécois». On a fait toutes sortes de monographies qui étaient sur les différentes communautés culturelles, bien sûr, depuis bien des années. Le Conseil en a sorti, mais il en a fait une spécifique sur les francophones québécois pour faire connaître la culture des francophones à travers les différentes régions, compte tenu que, à Montréal, on a quand même l'intégration des communautés culturelles. Puis là me venait l'idée, avec votre question et la vôtre ensuite, en disant: Quand on veut essayer de faire comprendre ce qu'est Montréal avec sa réalité interculturelle, bien, je vous dis, à ce moment-là, que l'informatique devient une solution pour pouvoir brancher d'autres régions qui n'ont pas à faire l'intégration des communautés culturelles, parce qu'elles sont à Montréal, mais de pouvoir faire échanger, soit par l'inforoute ou par l'ordinateur, à ce moment-là, les mettre en communication. Alors, pour moi, là-dedans, c'est une solution. Ce n'est pas un problème, comprenez-vous? À votre question. C'est pour ça que je faisais une allusion. J'essayais de – comment dire? – avec la question, de faire un millage sur deux questions, compte tenu que notre temps est très limité. Mais je dois vous dire que, là-dessus, il y a toute une richesse, et, quand on s'adresse à la commission parlementaire, je veux dire, qui est au niveau de la culture, on doit le voir dans une dimension beaucoup plus vaste que strictement penser à l'application d'une programmation, comprenez-vous? Alors, pour moi, je dis qu'il y a une richesse que l'on doit pouvoir exploiter de choses que l'on a faites sans penser à l'informatique, mais qui devraient être transposées de ces... Moi, je dis: C'est le mandat de votre commission parlementaire d'aller aussi loin que ça, de dire, à ce moment-là, qu'on doit l'utiliser avec nos nouvelles avenues, nos nouvelles clientèles.

M. Beaumier: Je vois que mon approche n'était pas si mal parce que ça m'a permis d'entendre ce que vous dites. Regardez, vous, vous chapeautez, si je peux m'exprimer comme ça, huit commissions scolaires, hein?

Mme Ranger (Nicole): On fait une coordination au niveau de huit commissions scolaires.

M. Beaumier: Une coordination. Bon. Ces huit commissions scolaires, j'imagine, vivent d'une façon différente cette problématique de l'intégration de l'informatique.

Mme Ranger (Nicole): Oui, mais nous avons une table de coordination au niveau des professionnels et des cadres de commissions scolaires qui est coordonnée par M. Jean Matte, qui se réunit à plusieurs moments dans l'année, et c'est là que les projets se développent pour être utiles – c'est ça, le CDAME – au niveau de l'ensemble des commissions scolaires de l'île.

M. Arsenault (Michel): Si vous me permettez...

M. Beaumier: Oui.

M. Arsenault (Michel): ...je suis membre de la plus petite commission scolaire sur l'île de Montréal. Ce n'est pas compliqué, Verdun, c'est ça. O.K.? Et, compte tenu des moyens qu'on a, si on n'avait pas des outils qui sont travaillés conjointement avec les autres commissions scolaires, c'est sûr que, souvent, on n'aurait pas les moyens de se payer des développements que vous retrouvez dans une commission scolaire majeure comme la CECM. O.K.? Ce qui fait que des petites commissions scolaires comme la mienne, comme plusieurs autres, en mettant en commun leurs ressources, sortent quelque chose de valable et d'abordable pour notre région. Et je pense que l'inforoute va permettre aussi à d'autres régions du Québec de peut-être profiter des outils qui sont développés à travers cet organisme-là.

M. Beaumier: À ce moment-là, le CDAME, c'est assez récent, ça, la mise sur pied de ce centre?

M. Arsenault (Michel): 1985.

M. Beaumier: 1985.

Mme Ranger (Nicole): En 1985, ça a été mis sur pied, cette table de coordination, et je dois vous dire que, à chaque année depuis au moins à peu près cinq, six ans, le Conseil scolaire de l'île, à même son budget, prend 100 000 $ par année. Vous allez dire que, 100 000 $, ce n'est pas beaucoup. Je suis bien d'accord avec vous, mais 100 000 $ vaut mieux que rien, à ce moment-là. Et il y a eu 9 000 $ qui ont été donnés... Non, ça, c'était pour un autre de nos projets. On a 100 000 $, et là c'est pour faire du développement avec les commissions scolaires à partir de projets et faire un rayonnement à travers les huit commissions scolaires de l'île. Mais, petit à petit, on dit toujours que l'oiseau construit son nid. Alors, ces petits projets sont quand même ensuite porteurs d'avenir et peuvent servir à une multitude d'écoles sur l'île de Montréal.

M. Beaumier: Et c'est dans le mandat – je m'excuse un peu de mon ignorance – du Conseil scolaire de voir, à ce moment-là, à encourager, à encadrer, à coordonner des nouvelles problématiques? Je sais que, un de vos mandats, en tout cas, des plus importants, c'est de voir en ce qui concerne les milieux défavorisés. Alors, ça, c'est parmi les mandats que vous vous êtes ajoutés?

M. Arsenault (Michel): Oui. C'est des mandats que les commissions scolaires qui font partie du Conseil ont rajoutés au Conseil scolaire de l'île.

M. Beaumier: D'accord. Là, je vois le lien avec les commissions scolaires.

Mme Ranger (Nicole): Oui. Je dois vous dire que, dans le cadre de compléments, dans le cadre de la Loi sur l'instruction publique, le Conseil scolaire de l'île est une entité de concertation et de coordination, et, lorsque les commissions scolaires sont consentantes pour cette concertation et cette coordination – et c'est le cas dans le cas de notre activité au niveau du CDAME – bien, je veux dire, l'activité a lieu. Mais notre mandat global... En plus des milieux défavorisés, de la taxation, des emprunts pour le Conseil, on a un mandat général de concertation qu'on fait dans le cadre des communautés culturelles et qu'on fait aussi dans le cadre du CDAME. On le fait dans le cadre de la gestion des risques, des régimes d'achat à regrouper et...

(17 h 50)

M. Beaumier: D'accord. Merci bien.

Le Président (M. Garon): Je remercie les porte-parole du Conseil scolaire de l'île de Montréal de leur contribution aux travaux de cette commission et j'invite maintenant l'Association des internautes du Québec à s'approcher de la table des délibérations.

Alors, l'Association des internautes du Québec a 45 minutes. Je vais avoir besoin d'un consentement, par exemple, dépassé 18 heures, puisque nous sommes en retard sur notre horaire, et ça veut dire que, normalement, vous avez... Est-ce que j'ai ce consentement pour dépasser 18 heures?

M. Laporte: Si vous le voulez, M. le Président. Moi, je ne veux que vous faire plaisir.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie. On a un consentement de tout le monde?

M. Gaulin: Oui, oui.

Le Président (M. Garon): Bon, O.K. Alors, vous avez normalement 15 minutes pour faire votre exposé; 15 minutes pour les députés ministériels, 15 minutes pour les députés de l'opposition. Ce que vous prenez en plus leur sera soustrait. Ce que vous prenez en moins, ils pourront l'utiliser pour vous questionner. Alors, le porte-parole – je vois que c'est M. Marc Blanchet – si vous voulez vous présenter, présenter les gens qui vous accompagnent et faire votre exposé.


Association des internautes du Québec (AIQ)

M. Blanchet (Marc): Alors, bonjour, M. le Président. Je m'appelle Marc Blanchet. Avec moi, Dominique Boivin, ici, Alain Labonté et Martial Van Neste. Pour ma part, je suis fondateur de l'Association et membre du conseil d'administration. Professionnellement, je suis ingénieur en informatique à la compagnie Viagénie, qui est une firme de consultants en sécurité Internet et en commerce électronique. J'ai participé à la mise en place de l'infrastructure Internet au Québec, depuis 1984, à titre d'ingénieur en réseaux à l'Université Laval. Enfin, je suis membre du groupe technique de conception de l'Internet appelé Internet Engineering Task Force. Je vais laisser mes collègues se présenter.

M. Van Neste (Martial): Alors, Martial Van Neste. Je suis aussi membre fondateur de l'Association des internautes. Je suis directeur-conseil en technologie au Groupe CGI. Je suis utilisateur de l'Internet depuis 1989. J'ai participé à de nombreux comités internationaux de standardisation en informatique. Au Groupe CGI, je m'occupe du commerce électronique et j'ai participé à de nombreux mandats reliés aux technologies de l'Internet au gouvernement et dans l'entreprise privée.

M. Labonté (Alain): Alain Labonté, membre de l'Association et informaticien-conseil à l'emploi du Secrétariat du Conseil du trésor du Québec. Mon rôle et ma spécialité sont le soutien des langues nationales et du français pour le gouvernement du Québec, mais des langues nationales dans les technologies de l'information, et je suis plus particulièrement rédacteur de normes québécoises, de normes canadiennes et de normes internationales dans différents domaines comme les interfaces personne-machine, ce qui comprend les claviers, le dialogue homme-machine avec les ordinateurs. Je suis rédacteur d'une norme internationale dans le domaine du classement et de la recherche de l'information, un domaine dans lequel le Québec a défini l'état de l'art, je pense, mondial en la matière et, finalement, dans le domaine du codage de l'information, ce qui veut dire, en termes clairs, tous les jeux de caractères codés qu'on utilise sous Internet, qui font l'objet de normes internationales, et tous ces travaux-là se déroulent dans le cadre des activités de l'Organisation internationale de normalisation. Voilà.

M. Boivin (Dominique): Je suis un récent internaute depuis un an et quelques jours, c'est-à-dire que je suis entré au ministère des Ressources naturelles, à la Direction des relations publiques, pour être responsable de l'implantation d'Internet en termes d'édition et de diffusion de contenus, puisque la direction des relations publiques, ou les directions de communications ministérielles ont été identifiées et pointées comme étant les responsables de l'édition et de la diffusion des contenus gouvernementaux.

M. Blanchet (Marc): Alors, merci. L'Association des internautes du Québec tient tout d'abord à remercier les membres de la commission parlementaire pour lui avoir accordé le privilège de venir présenter son point de vue sur les enjeux du développement de l'autoroute de l'information tels que les entrevoient les membres de la commission à partir de leur document de consultation.

D'entrée de jeu, il nous faut faire état de la mise à jour du statut à la fois légal et représentatif de l'Association. En plus des renseignements ad hoc que l'on trouve dans notre mémoire, nous en profitons pour annoncer qu'aujourd'hui l'Association compte plus d'un demi-millier de membres, toujours sans aucun effort au point de vue de la publicité. Le gros de nos efforts a davantage porté sur la définition de notre rôle associatif, sur la préparation, la rédaction et la présentation du présent mémoire devant cette commission ainsi que sur son statut juridique. Des démarches sont en cours en vue d'être reconnus comme chapitre québécois de l'Internet Society, l'organisme mondial responsable des orientations d'Internet dont le congrès annuel a eu lieu à Montréal en juin dernier.

C'est donc à partir de cette base de représentativité que l'Association intervient aujourd'hui. C'est également grâce au large éventail d'usagers constituant notre Association dont la composition regroupe autant les internautes amateurs que professionnels de toutes les couches de la société québécoise et répartis sur l'ensemble du territoire québécois que nous pensons être en droit de prendre la parole au nom de l'ensemble des internautes actuels et à venir du Québec.

Tout d'abord, nous tenons à insister auprès de chacun des membres de la commission et ultimement auprès de chacun des membres de l'Assemblée nationale pris individuellement: Nous vous prions instamment de prendre quelques heures, ce mois-ci, pour vous familiariser avec Internet et ses divers services: naviguer sur les serveurs d'information Web, participer à des groupes de discussion, de nouvelles, utiliser le courrier électronique, envoyer des fichiers et en importer, télécharger des gratitiels, etc. L'Association se fera un plaisir et un devoir d'aider les membres de l'Assemblée nationale si ceux-ci le désirent.

Beaucoup d'informations sont véhiculées à propos d'Internet, souvent négatives, malheureusement. Elles ne reflètent qu'une très infime partie de la réalité vécue par les internautes, telles que les communications interpersonnelles à une échelle planétaire et la participation aux 15 000 groupes de discussion sur tous les sujets imaginables de la société.

Ensuite, nous prétendons que les expressions «autoroute de l'information», «inforoute électronique» et toute autre expression de même souche se résument très simplement et de manière incontournable et inévitable en un seul mot: Internet. Le gouvernement devrait, à cet égard, éviter fortement d'investir, de planifier, de construire des inforoutes publiques en marge d'Internet.

Cela ayant été posé, abordons les thèmes qui, de notre point de vue, devraient faire l'objet de la préoccupation fondamentale de votre rapport de l'Assemblée nationale, à savoir le plan d'action du gouvernement du Québec, la liberté d'expression et ses garanties, c'est-à-dire l'utilisation de normes, les accès en région et le danger des quasi-monopoles et, pour terminer, le rôle de l'Association dans ces secteurs d'activité. Concernant le plan d'action du gouvernement du Québec, même si nous pourrions participer à bonifier le plan d'action mis de l'avant par le gouvernement, nous affirmons aujourd'hui en appuyer les principes de développement tout autant que les éléments.

Concernant la liberté d'expression, symbole premier de la démocratie depuis des millénaires, la liberté d'expression ne peut mieux prendre toute sa signification que dans Internet. Ce nouveau véhicule de communication entre les êtres humains en a fait son porte-étendard le plus significatif. C'est d'ailleurs sur ce principe que repose tout l'Internet que l'on connaît, et, par-dessus tout, ce qu'il faut préserver comme le bien le plus précieux que nous a apporté Internet, c'est justement la liberté d'expression la plus pure, jusqu'au chaos parfois. En vertu du principe fondamental de garantir et de protéger la liberté d'expression, nous demandons respectueusement au législateur de préserver et d'assurer que tout internaute conservera le droit et la liberté de communiquer, de diffuser, de s'exprimer et d'échanger dans sa propre langue sans aucune contrainte technologique.

Si l'on veut véritablement garantir cette liberté d'expression, il faut ajouter deux autres conditions sans lesquelles l'expression peut aisément n'avoir de liberté que le mot: la garantie de la confidentialité des communications entre les internautes et l'absence de contrôle des échanges sur Internet. La confidentialité des échanges peut être protégée par des lois et des règlements stricts aux niveaux national et international. L'absence d'un contrôle, quant à elle, doit se traduire par le respect du choix des moyens de communication des internautes, incluant les divers modes de chiffrement, en excluant toute tierce partie ou imposition de méthode d'échange ou de chiffrement.

(18 heures)

Concernant la nécessité de normes et de standards, la liberté d'expression ne peut se réaliser si la communication transmise ne peut être décodée par d'autres. L'État québécois doit tout faire en son pouvoir et exercer son influence autant auprès de l'entreprise privée qu'auprès des instances internationales pour que soient édictées et implantées des normes internationalement reconnues quant aux protocoles d'échange et de communication dans Internet. De plus, le gouvernement doit être l'exemple de l'utilisation de ces normes et de ces standards, particulièrement celles relatives à la langue française. C'est seulement à partir de ces normes et de ces standards reconnus au plan international que la facilité, la convivialité et les échanges seront garantis au nom, bien sûr, de la liberté d'expression, mais aussi au nom de la compréhension entre les usagers.

Concernant les accès en région. Mais que voudrait dire la liberté d'expression, malgré ces plans d'action, ces garanties, ces normes, ces standards, si Internet n'était pas disponible aux habitants? Que se passerait-il? Il est donc indispensable que, comme société, on s'assure que toutes les régions du Québec sans exception aient accès à Internet, tant au niveau de sa disponibilité qu'au niveau des coûts pour s'y connecter. Les régions et leurs habitants doivent pouvoir se brancher aux mêmes conditions que les habitants de Québec ou de Montréal, sur une base comparable et compétitive. Rappelons-nous que, particulièrement grâce à l'arrivée d'Internet, les régions pourront enfin abolir les distances et une bonne partie des coûts générés par l'éloignement géographique. Enfin, les régions pourront se mettre sur un pied comparable aux grandes zones urbaines et profiter d'un avantage compétitif de qualité pour assurer leur développement.

Concernant le danger des quasi-monopoles. Internet a avivé la compétition et la concurrence entre les compagnies de téléphone, les câblodistributeurs et les fournisseurs indépendants de services Internet. Nous prions instamment le législateur et le gouvernement d'éviter à tout prix de favoriser un secteur des télécommunications plutôt qu'un autre pour préférer permettre l'émergence d'une diversité de fournisseurs d'accès et de services Internet. Ce qui nous effraie le plus serait l'arrivée de quasi-monopoles. En effet, les entreprises détentrices des infrastructures de télécommunications possèdent un avantage important face aux fournisseurs indépendants, ce qui pourrait fortement nuire aux intérêts des citoyens du Québec.

Concernant le rôle de l'Association. Étant donné le succès qui a présidé à la naissance de notre Association ainsi que sa représentativité, qui tient à la fois de son étendue sur de larges portions du territoire québécois et à la fois de la diversité des préoccupations et des professions de ses membres, nous pensons que notre Association peut prétendre parler au nom des intérêts de l'ensemble des internautes présents et futurs du Québec. Étant donné également notre intérêt dans ce champ d'activité cybernétique et que, au sein même de notre Association, nous regroupons une source étonnante de compétences diverses reliées à l'apparition de ce nouveau moyen de communication tant au point de vue technologique que de l'utilisation, nous pensons que notre Association devrait immanquablement être consultée et participer à tous les travaux relatifs à Internet qui nécessitent l'apport d'avis extérieurs à l'appareil de l'État. Pour l'État et ses diverses instances décisionnelles, l'Association a la plus grande qualité: elle ne dépend d'aucun intérêt particulier, si ce n'est celui des usagers d'Internet et de tous ceux qui rêvent et qui sont intéressés à devenir internautes un jour.

Nous remercions les membres de la commission d'avoir entendu l'Association des internautes du Québec et demeurons à leur disposition pour un échange dont nous sommes certains qu'il sera fructueux de part et d'autre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. Blanchet. Merci à l'Association des internautes. Je donne la parole à Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour, messieurs. Ça fait plaisir de parler à des gens qui s'y connaissent. Alors, vous allez d'abord m'instruire sur le petit sigle qu'on voit dans la petite fiche qui vous nomme, la petite fiche qu'on vient de nous passer. Ça m'intrigue, ça, que les représentants, là, au lieu d'un «e», c'est un sigle. Voyez-vous ce que je veux dire?

Une voix: Non. On n'a pas eu cette feuille que vous avez eue.

Mme Malavoy: Alors, ça m'intrigue. Je me suis demandé si c'était un langage internaute que je ne connais pas.

Une voix: Je ne reconnais pas la...

Une voix: Vous auriez déjà été dupés. Ha, ha, ha!

Mme Malavoy: Alors, je suis très intriguée. Je ne peux pas m'empêcher, par curiosité, de vous demander ce que ça veut dire.

Une voix: Est-ce que, Alain, tu peux répondre à ça?

M. Labonté (Alain): C'est un problème de normes, de non-respect des normes, en fait.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Malavoy: Je vous jure que ce n'était pas une question-piège.

M. Labonté (Alain): Non, non, non. Non, c'est...

Mme Malavoy: Je me suis dit: Ça veut sûrement dire quelque chose s'ils ont pris la peine de nous rajouter ça sur nos tables au moment de présenter le mémoire.

M. Labonté (Alain): Vous pouvez constater, par contre, qu'il y a une cohérence dans tout ça: c'est un «o» tilde partout, et partout où il y a un «o» tilde, vous allez pouvoir déduire que c'est un «e» accent aigu qui...

Mme Malavoy: Oui.

M. Labonté (Alain): ...va à cet endroit-là. Bon, ça, c'est dû... Évidemment, les normes, il y en a... La beauté des normes, c'est qu'on peut choisir un grand nombre de normes.

Mme Malavoy: Bon. Mais ce n'est pas une nouvelle secte, je ne sais pas...

M. Labonté (Alain): Non, non, non, non.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Malavoy: Bon. Là, on en rit, mais c'est quand même un exemple...

M. Blanchet (Marc): C'est un exemple, je dirais, très probant de la problématique de la technologie de la langue française et des autres langues sur Internet, et c'est pour ça qu'on appuie, d'ailleurs, sur le fait d'utiliser des normes partout, effectivement.

M. Labonté (Alain): Ce genre de chose là se corrige. Par contre, il y a des cas où ça ne se corrige pas aussi facilement. Alors, parce qu'ici toute l'information est là. Si on se tord l'esprit pour se dire qu'un «o» tilde c'est un «e» accent aigu, on peut toujours lire le message.

Mme Malavoy: C'est vrai. J'avais deviné, d'ailleurs.

M. Labonté (Alain): Mais il y a des cas où l'information est perdue ad vitam aeternam. C'est un des cas qu'on veut faire corriger au cours des années qui vont venir sur Internet. L'utilisation de services comme CompuServe, par exemple, va littéralement modifier les messages et donc constituer un frein à la liberté d'expression en français. On peut s'exprimer en anglais, mais, si on veut s'exprimer en français et que notre message ne passe pas parce qu'il y a une contrainte technologique, il y a un problème. C'est un des problèmes que... On voudrait voir l'Assemblée nationale tout au moins se poser la question sur les moyens à prendre pour que, sur le territoire du Québec, ça ne se produise pas.

Mme Malavoy: Je sais qu'on n'a pas énormément de temps, mais j'ai deux questions que je vous pose à tous les deux, et vous y répondrez comme vous le souhaiterez. La première, elle est un peu globale. Vous avez dit, si j'ai bien entendu, qu'on devrait tout simplement dire Internet et non plus inforoute, ou l'autoroute de l'information, ou les inforoutes. Bon. La question que je me pose est la suivante: Est-ce que Internet est vraiment quelque chose qui est accessible à toute la population? Je pense régulièrement, en entendant des gens nous présenter des mémoires, à ce 1 000 000 de personnes environ au Québec qui sont à toutes fins pratiques des analphabètes fonctionnels, qui sont loin, donc, même d'être capables de reconnaître ce qu'on a commencé par voir tout à l'heure, que le «e» accent aigu, c'était mal représenté. Est-ce que vraiment on peut dire que l'Internet résume à lui seul l'inforoute et que c'est quelque chose qui est accessible au plus grand nombre? Je sais que c'est une grosse question, mais j'aimerais avoir quelques commentaires là-dessus.

Et l'autre sujet que j'aimerais que vous abordiez un peu plus: dans un de vos commandements, il y a l'idée qu'on doit pouvoir diffuser sans aucune contrainte. Moi, ça me pose au moins deux questions et peut-être plus. La première, c'est la question des droits d'auteur. Il y a des gens qui sont venus nous dire ici: Tant qu'on n'a pas un moyen de s'assurer que les auteurs soient rétribués pour la circulation de leurs oeuvres, on préfère, par exemple, ne pas numériser des oeuvres pour qu'elles ne circulent pas. Et d'autres personnes sont venues nous dire, autre question: Est-ce qu'on n'a pas un problème de circulation de toutes sortes de choses dont on n'a pas vérifié la qualité? Je ne parle même pas de valeurs morales, mais simplement de qualité sans filtre – moi, je dis sans filtre – préalable, alors que, quand j'ouvre un livre ou quand j'ouvre un document, je peux penser que quelqu'un, quelque part, a filtré un minimum de choses pour moi, ce que l'Internet ne permet plus de faire. Je dois être mon propre filtre et, pour ça, il faut que je sois relativement bien équipée. Je vous lance ces questions-là pour quelques minutes.

M. Blanchet (Marc): Je pense que ce sont de très, très bonnes questions. Je vais laisser Martial peut-être répondre à la première.

M. Van Neste (Martial): La première importante sur la question de l'équation qu'on a faite de l'autoroute de l'information, il faut bien la situer. On a bien dit que, pour nous, puis comme on l'a précisé dans notre présentation, il est important que le gouvernement, dans ses efforts, ne fasse pas des choses en marge ou qu'il n'y ait pas des efforts ou des argents qui soient dépensés pour essayer de réinventer la technologie qui s'en vient omniprésente, parce qu'il pourrait y avoir d'autres efforts qui pourraient être faits où on essaie de réinventer ou de refaire d'autres choses.

Mais, sur la question de l'accessibilité, ce qu'on dit, c'est que l'Internet, effectivement, il y a une problématique de le rendre accessible partout, et c'est pour ça qu'on veut pousser pour que ça le soit. Mais ce qui a fait la force de l'Internet, c'est qu'on peut facilement le rendre accessible parce que c'est des technologies qui ne sont pas ce qu'on appelle propriétaires. Elles n'appartiennent pas à une compagnie. Le savoir de la collectivité, lui, il est démocratisé, il est possible à tous. C'est bien certain qu'il y a un minimum d'infrastructure qui doit être mis en place, et c'est une problématique comme: Est-ce que tout le monde peut avoir le journal? Est-ce que tout le monde peut lire? L'Internet ne résout pas ces problématiques-là, mais ce qu'il y a d'important, c'est que, la technologie elle-même, elle n'est pas propriétaire, elle n'appartient pas à une compagnie. On peut donc facilement l'implanter avec de faibles moyens. Alors, l'importance de la connexion ou de l'ouverture par rapport aux moyens technologiques en place, c'est possible et, donc, elle est plus facilement accessible que d'autres technologies qu'on a tenté de mettre en place.

Alors, on ne veut pas marginaliser... que l'autoroute de l'information, il n'y a pas d'autres façons. On sait très bien qu'il y a le téléphone et le fax, l'information va continuer à circuler. Cependant, il y a un corpus, tout un ensemble de technologies disponibles à tous, du domaine public, qui forment l'Internet, parce que ça vient de la façon dont lui-même a été fait, qui, elle, le rend accessible. Tout le monde peut apprendre tous les détails, il n'y a pas de technologie cachée dans l'Internet et qui soit propriétaire, et c'est ce qui fait de l'accessibilité une chose importante pour nous.

Sur la question de la diffusion, je vais laisser...

(18 h 10)

M. Blanchet (Marc): Peut-être rajouter au point de vue... Vous parliez des analphabètes, et tout, je pense qu'un effort que le gouvernement est en train de faire qui est très louable et très utile, c'est justement de permettre aux bibliothèques d'avoir des postes d'accès à Internet. Je pense que ça va déjà amener la possibilité aux gens qui le désirent de pouvoir se familiariser avec cet environnement-là sans avoir à débourser des sommes importantes en termes informatique ou en termes de connexion, et tout. Je pense que, ça, c'est un élément intéressant.

M. Labonté (Alain): Moi, je trouve que, dans la question, il y a un paradoxe. On parle de liberté d'expression. Je ne peux pas nier qu'au Québec on est une société qui est tout à fait... ou c'est un des endroits où la liberté d'expression est le plus... s'exprime sans contrainte, d'une part. D'autre part, il y a une concentration de la presse qui fait qu'on peut se demander si le contrôle de l'information n'est pas aussi un frein à cette liberté d'expression là. D'une certaine façon, l'Internet vient se poser en... c'est l'autre plateau de la balance de la concentration de la presse, à mon avis, parce que ça permet à tout le monde de s'exprimer relativement à peu de frais et ça permet... c'est un moyen qui... Pour les 40 % d'analphabètes fonctionnels qu'il y a au Québec, s'il y a un moyen qui peut permettre à ces gens-là de s'en sortir, c'est bien l'Internet. Mais ça ne résout pas le problème fondamental qu'ils doivent apprendre d'abord à lire, et ça, que ce soit avec l'Internet ou les journaux, c'est le même problème.

Mme Malavoy: Mais est-ce que vous pensez que c'est un moyen qui peut être utilisé justement pour franchir des étapes ou faciliter des étapes d'apprentissage?

M. Labonté (Alain): C'est certainement une technologie qui pourrait même, à la rigueur, permettre à un analphabète d'apprendre à lire lui-même sans professeur. Si on développait des cours en utilisant toutes les technologies des multimédias de façon correcte, on pourrait faire en sorte qu'un individu apprenne à son propre rythme à lire et à écrire et, ensuite, à naviguer sur l'Internet non seulement pour gober de l'information qui ne lui a pas été filtrée... Mais est-ce que ce n'est pas aussi un attribut de l'être humain que d'être capable de faire la part des choses, de juger par lui-même et de ne pas attendre que les autres viennent contrôler l'information, filtrer l'information et même, à la limite, empêcher que l'information passe? Moi, la concentration de la presse en Amérique du Nord et même dans le monde me pose un problème beaucoup plus grand que la liberté d'expression que l'on peut voir sur Internet. Moi, personnellement, je pense que c'est l'autre plateau de la balance dans cette concentration et ce contrôle de l'information là qui peut permettre une liberté d'expression.

Mme Malavoy: Je me permets juste de dire que je ne suis pas sûre qu'on corrige un extrême par un autre, mais je ne veux pas en faire un débat.

M. Labonté (Alain): Mais est-ce que c'est un extrême de permettre de s'exprimer? L'être humain lui-même a le libre arbitre de pouvoir choisir entre différentes informations contradictoires, mais, si on ne le place pas devant la contradiction, il ne pourra pas choisir. Si on lui dit toujours que c'est blanc et qu'on ne lui dit jamais que c'est noir, il ne pourra pas choisir.

Mme Malavoy: Oui, oui, je suis d'accord avec vous là-dessus. Je ne veux pas faire un trop long débat, je veux laisser d'autres s'exprimer, mais je pense qu'il y a quand même une question qui n'est pas tout à fait réglée par rapport à cette masse d'informations qui arrive tous azimuts.

Une voix: Vous avez tout à fait raison.

M. Labonté (Alain): Toute technologie apporte des problèmes. Quand on a créé la voiture, c'est bien sûr que les accidents sont nés, les accrochages, etc. C'est évident que, avec une nouvelle technologie, il y a des problèmes. Internet n'est certainement pas le paradis rose que certains voudraient décrire, mais ce n'est pas non plus l'enfer. Je pense que c'est un des messages du mémoire de l'Association, de dire que ce n'est pas l'enfer puis que ce n'est pas le ciel non plus.

M. Van Neste (Martial): Mais j'amènerais un point aussi qui est important, c'est que souvent on parle d'Internet, on parle du Web, de se promener comme de la consommation de l'information, mais je vous dirais que, moi, ça fait un bout de temps que je suis sur l'Internet, mais je passe probablement plus de temps en communications interpersonnelles par le courrier électronique, et c'est ça... Pour moi, l'Internet, c'est ce qui est resté, c'est la facilité à l'intérieur de laquelle on peut se faire des groupes de discussion et échanger entre les gens d'un peu partout, et facilement. Je passe plus de temps à mon courrier électronique qu'à naviguer et à me promener un petit peu partout. J'y vais même orienté sur la base de la communication. Alors, cette infrastructure de communication qu'est le courrier électronique est facilement implantable à travers la planète et n'est pas reliée à un fabricant pour, en tout cas, si on peut dire, en termes de temps, l'énergie qui est mise.

Le Président (M. Gaulin): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Évidemment, c'est une grosse question, la liberté d'expression. On peut en parler, de la liberté d'expression, c'est-à-dire la liberté, la réglementation de tout ce qui circule, mais il y a tout le problème aussi de la propriété intellectuelle. Là, je suis en train de lire un article, justement, dans The Economist là-dessus. Il y a du monde qui travaille, il y a des solutions technologiques, légales, l'éducation. Donc, éventuellement, on va trouver des solutions à ces problèmes-là.

Moi, je profite de votre présence, M. Labonté, parce que je connais vos travaux, je sais ce que vous avez fait. Je connais vos accomplissements. J'ai beaucoup de respect pour ce que vous avez fait jusqu'ici dans le domaine, disons pour la promotion des langues nationales dans ces environnements de technologies nouvelles. Mais je suis un peu étonné de vous entendre dire – parce qu'on a eu des témoignages à l'effet contraire ici – qu'il y a des contraintes techniques à l'utilisation authentique du français sur Internet. J'avais l'impression que... On a eu, l'autre jour, le témoignage de Guédon, qui est un professeur de littérature comparée de l'Université de Montréal, et, ensuite de ça, j'ai eu aussi des contacts avec des internautes. Et l'opinion que je m'étais faite à la suite de ces contacts-là, c'est que, à toutes fins pratiques, s'il y a des contraintes, ce n'est pas des contraintes technologiques, c'est plus des contraintes de volonté individuelle et puis de volonté collective. Vous, vous disiez tantôt qu'il y avait des contraintes technologiques, à partir de l'examen du petit exemple sur le «e» majuscule, mais là vous dites que c'est le cas de non-application d'un standard. Si le standard avait été appliqué, j'imagine que le «e» majuscule aurait été là, quoi.

M. Labonté (Alain): Dans la question, il y a la réponse. Parce que vous parlez d'un problème de volonté. C'est évident que, pour qu'une voiture marche, il faut qu'un mécanicien l'ajuste.

M. Laporte: C'est ça. Il faut que quelqu'un mette la clé dans...

M. Labonté (Alain): Alors, il y a des mécaniciens qui ajustent mal, qui ne sont pas capables d'ajuster ou d'appliquer les normes qu'il faut pour que la voiture fonctionne correctement. Ça, au point de vue de l'individu, ça se fait. J'ai donné l'exemple de CompuServe, qui me semble un bon exemple. Internet, la technologie d'Internet permet de tout véhiculer sans aucune contrainte technologique. On s'entend bien là-dessus, ce standard-là, il fonctionne. Sauf qu'il y a une foule de standards qui sont impliqués dans cette infrastructure-là. Un des vieux standards, c'est les échanges de courrier électronique, qui constituent probablement 80 % du trafic Internet. Des serveurs comme CompuServe et d'autres serveurs américains n'ont pas la volonté d'appliquer les dernières normes. Quelqu'un qui est abonné à CompuServe à l'heure actuelle, à l'intérieur du réseau CompuServe, il peut s'exprimer en français sans contrainte. Aussitôt qu'il passe sur Internet, et là ce n'est pas le problème d'Internet comme tel, c'est au niveau de la passerelle entre Internet et CompuServe que les dirigeants de CompuServe n'ont pas eu la volonté d'ouvrir les portes, alors il y a des portes qui sont fermées là. Quand je parle de contraintes technologiques, ce n'est pas des contraintes normatives ou de standard, c'est des contraintes, comme vous le dites, de volonté d'implanter les dernières normes.

M. Laporte: Vous me permettez de poursuivre là-dessus, M. le Président?

Le Président (M. Gaulin): Bien sûr.

M. Laporte: Parce que j'ai eu des expériences professionnelles là-dessus et, vous, vous en avez eu beaucoup. Moi, j'ai négocié des ententes, pas dans ce domaine-là, mais avec des multinationales américaines qui ont permis la diffusion du français. On le sait, par exemple dans le cas de Windows 95. Moi, il me semble que les entreprises multinationales, en général, sont assez ouvertes à la perspective du multilinguisme. Dans le cas de CompuServe, qu'est-ce qui bloque? Quel est l'obstacle à ce que les dirigeants de ces entreprises-là en arrivent à accepter une demande d'authenticité, finalement, comme celle dont on parle?

M. Labonté (Alain): Moi, je dirais que, où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Toutes les raisons...

M. Laporte: Dans vos expériences personnelles, qu'est-ce que vous avez appris là-dessus?

M. Labonté (Alain): Les raisons sont toujours... C'est des raisons que je dirais religieuses, entre guillemets, que quelqu'un dit: Il y a un standard qui dit qu'on ne fait pas telle chose.

M. Laporte: O.K. Des raisons militaires.

M. Labonté (Alain): Oui. Il y en a d'autres que c'est simplement: On vit aux États-Unis, on parle anglais, le monde parle anglais. C'est tout, c'est fini. Donc, c'est nous, c'est notre technologie, le monde n'a qu'à s'adapter. Ça, c'est l'autre... Il y a deux façons de faire de l'internationalisation. Il y en a une qui dit: On développe un noyau qui va être adaptable dans différents pays. L'autre façon de voir l'internationalisation, c'est de dire: La pax Americana, c'est fait ici, le monde entier va s'y mettre. C'est deux approches. C'est le blanc et le noir, comme on en parlait tout à l'heure. C'est deux approches de la même réalité. Mais l'être humain est là. C'est une question humaine. Ça va bien au-delà de la technique.

(18 h 20)

M. Laporte: Mais j'ai discuté de cette question-là justement dernièrement avec le président-directeur général de la firme française qui s'appelle Public... je ne me rappelle pas trop quoi, qui a acheté BCP, là, O.K., et qui... Justement, la question – parce que, moi, j'ai écrit un peu là-dessus il y a quelques années – c'est ces deux stratégies de publicité: la publicité globale à la façon dont l'élite la défend à Harvard Business, là, c'est-à-dire que c'est «American way all the way», puis il y a la publicité culturelle. Bon, lui, il m'a dit: La différence, vous savez, c'est une différence de type de produit ou de type de marché. C'est-à-dire que vous n'utiliserez pas la publicité globale pour vendre de l'alimentation, pour vendre des produits alimentaires au goût national, mais vous allez l'utiliser pour vendre du Coca-Cola. C'est-à-dire que vous ne ferez pas en France de la publicité américanophile, disons, pour vendre aux Français une alimentation qui est une alimentation à leur goût.

Mais, lorsqu'on parle du produit dont on parle maintenant, est-ce qu'ils ne sont pas capables de comprendre qu'une approche culturelle, dans ce cas-là, pourrait être une approche, disons, souhaitable ou est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas de demande sur le marché? Parce que je me rappelle très bien qu'à l'Office de la langue française, par exemple – mais là on s'éloigne du sujet un peu – lorsqu'on s'est mis à regarder la circulation des technologies d'information, ce dont on s'est aperçu, c'est que ce n'était pas l'offre qui manquait, c'était la demande pour ces technologies de l'information. Est-ce qu'il y a une demande au sein des communautés francophones pour ce genre de produit là?

M. Labonté (Alain): C'est bien sûr que, dans le commerce, s'il n'y a pas de demande et puis si la demande ne s'exprime pas, ça ne se fera pas. Au gouvernement du Québec... Moi, je peux difficilement porter un blâme total envers le gouvernement du Québec, je travaille pour le gouvernement du Québec, j'ai un devoir de réserve, mais je pense qu'au gouvernement, qui n'est pas uniquement composé de gens qui sont élus, mais aussi d'une bureaucratie, à certains endroits, il y a des blocages dus à des bureaucrates. Et c'est le même cas dans les compagnies privées. De toute façon, quand le besoin est là, quand la demande s'exprime, il y a toujours quelqu'un pour faire des sous. Personne ne va refuser de faire de l'argent s'il y a un marché quelque part. Ça, je...

M. Laporte: En d'autres mots – je veux conclure là-dessus – je pense qu'on en arrive, moi, j'en arrive, après un certain nombre d'années de réflexion là-dessus, à la conclusion que, au sein de la communauté francophone, je ne dis pas de la communauté francophone du Québec, mais de la communauté francophone, il y a une quête d'authenticité qui est défaillante. Voyez-vous ce que je veux dire?

M. Labonté (Alain): Plus ou moins.

M. Laporte: Bien, c'est une quête d'authenticité, c'est-à-dire qu'on n'est pas motivé par une recherche de son authenticité linguistique et de son authenticité culturelle, de sorte qu'on accepte fort bien de communiquer dans sa langue, mais dans un contexte de communication où on n'en respecte pas les spécificités, les signes diacritiques, et tout ça. Il y a un problème d'authenticité, au fond.

M. Blanchet (Marc): Mais, en tout cas, ce que vous mentionnez est quand même quelque chose qui est indépendant d'Internet.

M. Laporte: Ah! Bien oui! Mais c'est ça. J'ai trouvé que la remarque de M. Labonté était extraordinaire là-dessus, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de contrainte technologique. S'il y a une contrainte, c'est beaucoup plus une contrainte d'authenticité.

M. Blanchet (Marc): Mais la position de l'Association, c'est justement, dans ces considérations-là, que le gouvernement, et qu'on souhaiterait vigilant pour pousser, et favoriser, et utiliser... Même, le gouvernement lui-même devrait être un exemple de l'utilisation de ces choses-là.

M. Laporte: Bien. C'est sûr.

M. Blanchet (Marc): Donc, c'est dans ce sens-là qu'on...

M. Laporte: Et il ne l'est pas toujours, hein, si je comprends bien.

M. Blanchet (Marc): C'est ça.

M. Labonté (Alain): Il ne l'est pas toujours, mais ce n'est pas toujours la faute des dirigeants, c'est souvent la faute de gens techniciens qui vivent pour la technique. Moi, ma constatation: au gouvernement du Québec, c'est très souvent là que ça bloque, c'est entre les deux, là, entre l'utilisateur et le décideur que ça bloque.

M. Laporte: Surtout la recherche de la nouveauté du produit, du dernier produit, c'est le technicien...

M. Labonté (Alain): C'est évident que l'être humain étant ce qu'il est, pour ces gens-là, ce qui prime, c'est la beauté de la technologie.

M. Laporte: Oui.

M. Van Neste (Martial): Bien, sur la question des droits d'auteur, je dirais qu'à l'heure actuelle c'est un problème qui est adressé par pas mal de gens sur l'Internet. Il y a des approches qui sont en train d'être mises sur pied, mais un des éléments qui animent beaucoup, je dirais, entre guillemets, la communauté de l'Internet, là, le noyau de ceux qui l'ont fait, c'est de dire qu'il existe aussi un patrimoine de connaissances, de choses qu'on a décidé de mettre à la disponibilité de tout le monde, et vous ne pourriez pas imaginer la somme de technologies, de travail qui est fait et de gens à travers le monde qui considèrent que ces savoirs-là doivent être disponibles à tous. Et ça n'enlève pas au fait que des gens doivent y trouver...

Mais ce qui est quand même encourageant dans l'Internet, c'est qu'il y a eu moyen de monter cette infrastructure-là et qu'elle peut coexister avec le commercial, avec les droits d'auteur, avec les redevances, mais, en même temps, de dire qu'il y a un patrimoine de technologies, de choses qui, elles, doivent être disponibles au genre humain en tant que tel. Ce qui fait en sorte que, moi, dans la polyvalente, je peux installer un système complètement gratuitement avec juste des logiciels du domaine public et faire partager toute cette connaissance-là à des gens simplement. C'est le but aussi de notre Association, c'est de faire en sorte qu'il y ait un partage de cette information-là disponible gratuitement. On peut tout apprendre sur l'Internet gratuitement. Il n'y a pas de technologie cachée.

M. Laporte: Moi, je suis bien d'accord avec vous là-dessus, d'autant plus que, dans l'article du The Economist , il y a un petit propos qui est fort intéressant, c'est la diffusion de Windows en Chine par le piratage. Eh bien, Bill Gates n'était pas très fâché, parce que le piratage, on peut voir ça du point de vue de la commercialisation, mais c'est une forme de promotion de produit.

M. Labonté (Alain): Tout à fait.

M. Laporte: Tu crées une habituation à l'utilisation de Windows chez les Chinois, puis Bill Gates n'est pas tout à fait... Ce n'est pas tout à fait désagréable pour Microsoft, parce qu'éventuellement, avec la rapidité d'évolution du logiciel, les Chinois vont y prendre goût, ils vont vouloir utiliser, comme on dit, «the real thing», surtout s'ils commencent à s'enrichir.

M. Labonté (Alain): Le cas de Bill Gates est un cas d'espèce intéressant, parce qu'on parle toujours... Toutes ces compagnies-là parlent qu'il faut déréglementer. Le cas de Windows 95 est quand même un cas qui nous a fait souffrir au Québec. Ces gens-là qui sont contre la déréglementation ont réglementé que Windows 95 ne serait pas vendu au Québec.

M. Laporte: Mais pour des raisons commerciales.

M. Labonté (Alain): Oui. Mais, moi, je pense que le gouvernement du Québec, compte tenu de la spécificité culturelle du Québec en Amérique du Nord, a un devoir de réagir dans des cas comme ça, très rapidement.

M. Laporte: Oui, mais, moi, je me suis toujours posé la question, et je termine vraiment là-dessus: Si on était allé le voir, Bill Gates, si on l'avait invité à dîner, si on lui avait parlé, il n'aurait pas compris, vous pensez?

M. Boivin (Dominique): En anglais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laporte: On n'est pas allé. On a attendu que les coûts...

M. Labonté (Alain): Ça, c'est des spéculations, de toute façon. On ne sait pas.

Le Président (M. Gaulin): Je vais passer la parole, pour voir si on défaille ce côté-ci, au député de Champlain.

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Rapidement. Des multiples potentiels de cette nouvelle technologie là, moi, de cette commission, une des choses que j'ai découverte plus que d'autres, je crois que c'est M. Van Neste qui y a fait allusion, c'est cette capacité de discours, d'interactif, de conversation, d'argumentaire qui est l'antidote, autrement dit, à tout ce qui pourrait s'appeler la consommation de ce qu'on voit sur l'Internet. Moi, c'est une des choses que je voudrais le plus approfondir sur ça, c'est l'anticonsommation. C'est le jugement qui s'applique aussi. Parce que, quand vous discutez avec quelqu'un autour d'un sujet, d'une chose comme celle-là, là ça avance. On est actif.

Sans être indiscret, j'aimerais demander à M. Van Neste, dans ces expériences que vous avez faites ou que d'autres auraient faites, vous êtes au courant jusqu'où peut aller cette espèce d'élaboration d'une discussion assez serrée sur un sujet assez intéressant?

M. Van Neste (Martial): Bien, je vais vous dire, comme, par exemple...

M. Beaumier: Juste un exemple pour être bien sûr que je comprends.

M. Van Neste (Martial): Bien, là il y a des discussions, parce que j'ai travaillé sur des normes et différentes choses, mais, pour vous donner un exemple: l'élaboration même des normes techniques de l'Internet. À l'heure actuelle, je participe à une discussion ou je suis une discussion à l'intérieur de laquelle il y a Microsoft, Netscape, des grandes compagnies où on discute de quelle est la meilleure façon de faire, et là il y a un intervenant d'Australie. J'ai eu quelquefois à faire des interventions, puis il y a des Américains, puis il y a des Anglais, où, là, on discute de quelle est la meilleure façon de faire pour adapter telle nouvelle technologie et la rendre disponible par consensus. Alors, il y a du consensus qui est en train de se faire sur la façon dont vont se faire les technologies.

Alors, je vous dis ce que j'ai vérifié ce matin, les discussions que je fais. Mais aussi, si on regarde même le document qu'on a fait, les discussions qu'on a à l'intérieur de l'AIQ, on argumente autour de gens. Ici, on s'est rencontré, quelques personnes, mais on s'est rencontré par courrier électronique. C'est intéressant de se voir. Mais c'est une expansion de notre sphère d'activité actuelle. On peut élargir, aller plus loin dans les relations qu'on a avec des gens qu'on n'aurait peut-être pas vus autrement, et là on a pu avoir des échanges, argumenter autour d'écrits, autour d'une discussion qui s'organise assez simplement sans moyens techniques très grands. Mais on peut aller, comme, par exemple, sur le mémoire ou sur la façon dont l'association va se faire. Alors, on a, comme ça, des échanges critiques, l'élaboration de choses. Alors, c'est l'expérience personnelle que j'ai.

(18 h 30)

M. Blanchet (Marc): Je pourrais peut-être rajouter un élément. Ce qui est fantastique, c'est qu'on dépasse les préjugés avec ce genre de mécanisme là, c'est fantastique comment on peut... Et je dirais que, sur Internet, c'est comme de facto, c'est comme quelque chose qui est normal, qu'on puisse envoyer un message à quelqu'un qu'on ne connaît pas et commencer à discuter sur quelque chose sans jamais connaître la personne, connaître sa race, sa religion ou toutes sortes d'autres éléments qui souvent, dans notre société, nous empêchent de communiquer. Puis ce qui est fantastique, c'est un peu le même... Je dirais que c'est des choses que des radios amateurs, par exemple, ont connues aussi et connaissent encore, c'est une espèce de communication entre personnes sans avoir tous ces préjugés-là. Alors, la communication est extrêmement enrichissante parce qu'elle repose sur des positions, une discussion qui est franche et sans tout le côté désagréable qu'on peut retrouver dans des communications ordinaires.

M. Beaumier: Ce que vous me dites là m'inquiète autant que ça me rassure...

M. Blanchet (Marc): Vous avez tout à fait raison. Vous avez parfaitement raison.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beaumier: ...parce qu'on enlève beaucoup de choses quand on lève ça.

M. Boivin (Dominique): Vaut mieux dire que du choc des idées jaillit la lumière, que de la confrontation des différents points de vue on arrive à découvrir un angle qui se rapproche de quelque chose comme la vérité et également se dire qu'à travers tout ça on discute de quoi? Des valeurs fondamentales. Et qu'est-ce que devient Internet dans l'usage d'échanges entre les personnes? Puis là on ne parle pas de navigation, de sites, de gens qui ont décidé de ce qu'ils mettaient puis que, moi, je dois subir, mais des échanges personnels. C'est là que ça devient... Vraiment, on rentre dans les valeurs fondamentales que l'humanité connaît et qu'étonnamment on réalise être partagées par des gens dont on peut soupçonner la couleur, dont on peut soupçonner la race, la religion, l'ethnie, dont on peut soupçonner, mais qu'au bout du compte on ne peut pas affirmer, à moins que l'autre nous identifie exactement ses spécificités. Marc disait que, justement, on arrivait à des échanges qui permettaient de dépasser immédiatement, dès le départ, les frontières qui parfois, à cause de préjugés ou de ce qu'on voudra, viennent d'être évacuées littéralement pour qu'enfin – et c'est ce qu'on disait dans le mémoire – on établisse, on retisse un tissu humain en dehors de ces – le mot anglais «irritants» – choses qui dérangent...

Une voix: Les irritants, quoi!

M. Boivin (Dominique): Des choses qui dérangent comme les distances aussi, qui sont une incapacité, comme les cultures, comme les langues, où on peut trouver, dans Internet... Moi, si j'étudie l'allemand par loisir, je peux participer à des groupes de discussion d'allemand, d'échanges qui vont me permettre... Puis là on peut continuer les exemples sans fin.

M. Beaumier: C'est l'accès aux idées pures.

M. Boivin (Dominique): C'est l'accès, attention! à l'humanité pure. Les idées n'existent pas s'il n'y a pas d'humains.

M. Beaumier: Oui.

M. Boivin (Dominique): Puis là on parle de valeurs humaines universelles qui n'ont plus rapport. Vous lisez Platon hier, aujourd'hui et demain et vous lisez d'autres philosophes, et quelque part il y a une contemporanéité au niveau des idées. Mais ce dont on parle, c'est des humains, de leurs valeurs, de leurs problèmes quotidiens et vécus. Vous savez, l'amour, Roméo et Juliette, il y en a eu avant et il y en a encore aujourd'hui, sauf qu'il y a un roman, ça suffit, on peut le reprendre sous d'autres formats. Il y a des valeurs comme ça qui sont éternelles et universelles et qui peuvent s'exprimer sans aucune contrainte, sans contrôle de quiconque, sans limites budgétaires comme le téléphone nous en impose, parce qu'une fois que vous avez payé votre abonnement vous pouvez vous permettre d'échanger. C'est assez exceptionnel.

M. Beaumier: J'avoue. J'apprends et j'avoue.

M. Boivin (Dominique): Alors, j'espérerais vous entendre dire que ça vous rassure plus, après ce que je viens de vous dire, que cela vous a inquiété. C'est mon voeu.

M. Beaumier: C'est tout à fait vrai que ça me rassure davantage, mais, par contre, il y a une diversité qui enrichit toutes ces choses-là aussi. Si vous parlez à quelqu'un dont vous savez l'origine, et tout ça, vous avez toute son histoire derrière, sa culture, etc., qui... Mais je ne ferai pas de débat sur ça, là...

M. Boivin (Dominique): Mais ça peut arriver.

M. Beaumier: Je ne suis pas inquiet de nature à ce niveau-là.

M. Boivin (Dominique): Mais ça peut arriver.

M. Beaumier: Mais je trouve qu'il y a un potentiel que, moi, j'apprends à découvrir ici. Et, comme j'ai une formation un petit peu du genre Platon, là, c'est une chose qui m'intéresse beaucoup.

M. Van Neste (Martial): On vous encourage, comme on l'a dit, à surtout utiliser l'Internet pour qu'on arrête de vous dire ce que c'est et que vous puissiez le vivre vous-même et vous faire une idée comme législateur. Et ça, c'est un des messages importants qu'on veut bien vous dire, que vous pouvez vous faire votre propre idée en l'utilisant, et ça ne se fera pas tout de suite. On met beaucoup d'importance... Il est important que vous l'expérimentiez et que les législateurs... On peut jouer un rôle important au Québec là-dessus. On n'est pas en arrière. On peut avancer. Il y a des cadres, des choses sont en train de se faire pour faire en sorte que même législativement on puisse être en avance.

M. Beaumier: C'est pour ça que c'est... Je termine, M. le Président, avec ça. C'est tout l'aspect dans nos métiers à nous. On est sensible à ça, un peu comme tout le monde. C'est tout l'aspect de la démocratie qui peut être davantage améliorée par une chose comme celle-là.

Une voix: Tout à fait.

M. Beaumier: Il y a l'humanité, bien sûr, mais il y a toute la démocratie aussi. J'apprécie beaucoup.

M. Boivin (Dominique): Platon aurait probablement dit qu'il vaut mieux qu'il règne un chaos et un désordre d'expression totale plutôt que l'on fasse taire une seule langue.

M. Beaumier: Moi, je crie: Chut!

M. Laporte: Comme vous voyez, M. le Président, mon collègue le député de Champlain est convaincu qu'il existe quelque part une chose telle que l'identité.

M. Beaumier: Que l'idée...

M. Laporte: Que l'identité. Vous dites que, lorsqu'on interagit avec quelqu'un, on...

M. Beaumier: Ah! Oui, oui, d'accord.

Le Président (M. Gaulin): Alors, si je comprends bien, on va s'arrêter là. Moi, personnellement, je trouve souvent que le discours que l'on tient à propos d'Internet est utopique. Ce n'est pas un défaut, mais il reste quand même que, quand on parle, par exemple, de refaire le tissu humain, de parler sans frontière, nous communiquons. Si je voulais prendre un exemple, il n'y a rien de pire que de tomber amoureux d'une voix au téléphone. Le gars qui voit la fille, il dit: Retourne-toi pour parler.

Il y a un danger de déréalisation. Il y a un danger de dérive dans l'espace. On a des moyens techniques. Je me souviens toujours de cette fois où un astronaute russe était en dérive dans l'espace. Il avait échappé à son circuit. Pendant qu'on nous montrait ça, que l'humanité était suspendue à cette image de télévision, on voyait sur un fleuve du Viêt-nam les victimes qui passaient par milliers, qui ne nous émouvaient plus parce que ça ne faisait pas partie des images nouvelles. Alors, moi, j'aurais aimé, en particulier, mais on n'a pas le temps... Voilà, nous avons des contraintes. Nous ne sommes pas sur Internet.

M. Boivin (Dominique): Il y a des contraintes même sur Internet.

Le Président (M. Gaulin): J'aurais aimé en particulier vous parler au niveau de l'éthique, parce que cette espèce de liberté absolue, je n'y crois pas non plus, parce qu'elle n'existe nulle part dans la condition humaine dans laquelle nous sommes. C'est sûr qu'on doit viser, en démocratie, à la plus grande liberté possible, mais j'aurais aimé ça qu'on puisse parler un petit peu de l'éthique par rapport à Internet. Ce sera pour une autre fois.

M. Boivin (Dominique): J'aurais aimé, M. le Président, également que l'on puisse vous dire – avoir la chance, mais on ne peut pas, il y a des contraintes – que l'idéalisation dans Internet est aussi bonne ou mauvaise et dangereuse ou remplie d'espoir que dans le téléphone, que dans la vie, qu'au bar pour flirter, pas loin, qu'il y a, que – comment vous avez dit? dans l'espace – la dérive dans l'espace. La dérive. On parle de l'âme humaine. Vous avez parlé tout simplement des états d'âme de l'humanité. Qu'Internet y soit ou pas, ces dérives dans l'espace, imaginaires ou autres, qui nourrissent les psychiatres, par exemple, ou l'idéalisation qui nourrit les artistes qui peuvent nous créer des oeuvres admirables avec ou sans Internet... Mais là on ne parlait pas d'Internet, alors c'est un peu moins dommage qu'on n'ait pas le temps, puisque ce n'était pas, à mon avis, du champ d'Internet.

Le Président (M. Gaulin): Mais il y a la masse opaque des corps, il n'y a pas seulement l'âme humaine aussi. Nous sommes d'abord des corps, et il y a un danger aussi de... Nos pères avaient des puces, et puis, nous, on peut avoir d'autres types de puces.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gaulin): Il y avait des poux; nous, on a des puces. Il y a un danger, aussi, de complètement être... Mais enfin!

M. Labonté (Alain): M. le Président, c'est dangereux aussi de tomber amoureux d'un corps. Souvent, ça peut être plus dangereux que de tomber amoureux d'une voix.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gaulin): Là-dessus, on va aller manger. Nous suspendons jusqu'à 20 heures. Revenez à 20 heures. Peut-être qu'on aura l'occasion de s'en reparler.

M. Laporte: Il y a beaucoup moins de risques de draguer une voix que de draguer un corps.

M. Boivin (Dominique): Surtout si c'est par courrier électronique.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gaulin): Merci beaucoup. Très intéressant.

(Suspension de la séance à 18 h 40)

(Reprise à 20 h 10)

Le Président (M. Garon): À l'ordre! À l'ordre! Alors, comme nous avons quorum, la commission reprend ses travaux, malgré que les députés semblent tellement tout feu tout flamme ce soir, ils sont d'un enthousiasme débordant.

Alors, maintenant, nous allons entendre l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, l'ADISQ. Comme nous avons une heure, c'est-à-dire que, normalement, les porte-parole prennent une vingtaine de minutes pour faire leur représentation et, ensuite, les députés ministériels ont 20 minutes et les députés de l'opposition ont 20 minutes. Et, si vous prenez plus de temps, bien, ils en auront moins; si vous en prenez moins, ils pourront en avoir plus pour discuter avec vous.

Alors, si vous voulez vous présenter et ensuite faire votre exposé.


Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ)

M. Pilon (Robert): M. Garon, M. le Président, Mmes et MM. les députés membres de la commission de la culture, l'ADISQ est représentée ici ce soir par moi-même, Robert Pilon, vice-président aux affaires publiques de l'ADISQ, et ma collègue Solange Drouin, qui est directrice générale et conseillère juridique de l'ADISQ.

D'abord, j'aimerais vous remercier de nous accueillir. Les travaux des comités parlementaires sont souvent sous-estimés. On voit la foule de journalistes qui est présente ici.

L'ADISQ intervient fréquemment dans les comités parlementaires, peut-être plus au niveau fédéral parce que les questions de réglementation de la radiodiffusion sont là, qu'on le veuille ou non, et les questions de droits d'auteur sont là aussi. On a toujours considéré que c'était très important, les travaux des comités parlementaires, parce que c'est peut-être la forme la plus efficace de la démocratie dans notre système parlementaire.

Je n'ai pas l'intention de vous faire la lecture complète de ce mémoire, mais, avec ma collègue, on s'est partagé le travail et on va plutôt rappeler les grands points de notre intervention. D'abord, quitte à avoir l'air un peu, comme on dit en québécois, des «casseux de party», à l'ADISQ, l'Association qui représente – j'ai oublié de le dire – 99,9 % des producteurs de disques et de spectacles québécois au Québec... Et, vous le savez, les producteurs indépendants, au Québec, c'est un peu une situation assez unique au monde. C'est le seul territoire ou marché du disque au monde, à ma connaissance, où les producteurs locaux assument un pourcentage aussi important de la production locale. Dans les 10 dernières années, les producteurs membres de l'ADISQ et les producteurs indépendants de disques, les producteurs québécois, ont été responsables de la production et de la mise en marché d'environ 85 %, 90 % des disques d'artistes québécois et une proportion, je pense, un peu plus élevée encore au niveau des concerts d'artistes québécois. C'est une situation qui est unique, qui n'existe pas même en France, où les filiales locales des multinationales occupent une part beaucoup plus importante du marché domestique, du marché des productions locales.

Donc, je reviens à mon histoire de «casseux de party». Il y a beaucoup, beaucoup de discours ces temps-ci, enfin, depuis deux ou trois ans, sur l'autoroute de l'information. Il y a une espèce de mode sur cette question-là. Loin de nous l'idée de ne pas reconnaître l'importance des développements qui se font à l'heure actuelle, depuis quelques années, et qui vont se faire surtout peut-être dans les années futures sur l'autoroute de l'information.

Mais, par suite de cet effet de mode là – et ce n'est pas spécifique au Québec, je pense qu'on retrouve le même phénomène à Ottawa, on retrouve le même phénomène en France, en Angleterre et peut-être encore plus dans certains pays, notamment aux États-Unis – les pouvoirs publics accordent une importance démesurée à cette question-là, dans le sens que l'importance qu'on y accorde est démesurée par rapport à l'importance réelle du phénomène, et ça se fait aux dépens d'autres segments de la culture et des communications. C'est ça surtout qui est déplorable. Je pense que ce qu'on oublie souvent, avec cette fascination qu'exerce l'autoroute de l'information sur les pouvoirs publics, c'est de se poser la question essentielle: Tout compte fait, c'est quoi, l'autoroute de l'information et, surtout, qu'est-ce qui va être véhiculé sur l'autoroute de l'information? On a bien aimé le texte préliminaire de vos travaux où vous accordez beaucoup d'importance à la question du contenu sur l'autoroute. Ça nous semble être la question fondamentale. Donc, il faut se poser cette question-là d'abord et avant tout: Qu'est-ce qui va être véhiculé sur cette fameuse autoroute de l'information? Nous, ce qu'on pense – puis on regarde un peu les expériences qui se déroulent un peu partout à travers le monde aujourd'hui – essentiellement, ce qui va être véhiculé sur l'autoroute de l'information, c'est les produits culturels que certains appellent – et le terme me semble malheureux – conventionnels, parce qu'à mon avis c'est des produits tout à fait modernes, c'est-à-dire, c'est des émissions de télévision, c'est des films, c'est de la musique – enregistrer des disques – c'est éventuellement des textes écrits, des livres, des romans, des bandes dessinées, des choses comme ça; 90 % de ce qui va être véhiculé sur l'autoroute de l'information, c'est des bons vieux produits culturels conventionnels.

C'est sûr qu'il se développe de nouveaux produits qui sont plus spécifiques aux nouvelles technologies, qu'on pense aux produits de type CD-ROM par exemple, aux bases de données, des choses comme ça. Mais là, lorsqu'on parle de bases de données, on déborde le domaine de la culture, et ce n'est pas notre intention de toucher à ces questions-là dans lesquelles nous ne sommes pas compétents et où nos membres ne sont pas actifs. Donc, si on s'en tient au secteur culturel comme tel, les produits qui seront véhiculés sur l'autoroute de l'information, mis à part quelques – et c'est un pourcentage relativement infime – jeux vidéo, par exemple, ou des encyclopédies ou des choses comme ça, c'est des bons vieux produits conventionnels, des disques, des films, des livres, des émissions de télévision. Donc, la question fondamentale qu'il faut se poser quand on se demande quel est l'avenir, d'un point de vue culturel, au niveau de l'autoroute de l'information québécoise, c'est la question des contenus, comme vous l'avez fort bien dit dans votre texte préliminaire. Alors, la question des contenus, essentiellement, c'est: Est-ce qu'on aura des films, des disques, des livres, des émissions de télévision québécoises reflétant notre culture? Et il y a aussi la question linguistique – j'y reviendrai tantôt – des émissions de télévision, des films, des disques francophones sur l'autoroute de l'information. Voilà la question fondamentale à se poser.

Ça pose essentiellement deux grandes questions: la question du financement de la production de ces contenus et la question de la réglementation des autoroutes de façon à assurer une fenêtre minimale à ces produits québécois et francophones.

Commençons d'abord par la question du financement. Vous recevrez tantôt, je pense, les producteurs de films et d'émissions de télévision du Québec, l'APFTQ. Donc, je m'en tiendrai dans mes propos aux disques, aux enregistrements sonores. Nous avons présenté récemment – je pense qu'on l'a fait parvenir aux membres du comité, une copie – un mémoire à la Commission itinérante sur la fiscalité et le financement des services publics, qui est un mémoire assez détaillé sur les problèmes financiers majeurs que vit présentement l'industrie du disque et du spectacle québécois. Si vous êtes intéressés, on pourrait en reparler. Donc, je veux juste pour l'instant rappeler les grandes lignes de ce mémoire.

Il faut comprendre que – je n'apprends rien à personne ici – on est dans un marché tout à fait exigu, 6 000 000 ou 7 000 000 de francophones dans un océan de 350 000 000 d'anglophones en Amérique du Nord, de près de 300 000 000 d'anglophones en Amérique du Nord. C'est problématique déjà au point de départ. La francophonie elle-même, la France, 60 000 000 de personnes. C'est important comme marché, mais c'est loin, et nos habitudes, nos relations commerciales, nos échanges ne sont peut-être pas tout à fait ce qu'on souhaiterait qu'ils soient. Sinon, les autres pays francophones sont des tout petits territoires, comme la partie francophone de la Belgique, la partie francophone de la Suisse ou encore des pays en voie de développement où les problématiques sont tout à fait différentes de celles qu'on vit dans les pays d'Occident. Donc, notre marché, il est exigu au point de départ.

D'autre part, il faut voir ce qu'il y a en face de nous, quelle est la problématique de la concurrence. La problématique de la concurrence, je vous invite, demain matin ou sur l'heure du midi demain, si vous avez l'occasion d'entrer dans un magasin de disques ici, à Québec, et vous allez voir c'est quoi, la problématique de la concurrence dans le secteur du disque. À côté du disque de Marjo, il y a le disque de Madonna; à côté du disque de Richard Séguin, il y a le disque de Bruce Springsteen; à côté du disque de Laurence Jalbert ou de Daniel Bélanger, il y a le dernier disque de Michael Jackson. Et le dernier disque de Michael Jackson, c'est un flop, il s'en est vendu seulement 11 000 000, comparativement à Thriller où on en avait vendu 45 000 000. Mais on a mis 30 000 000 $ uniquement... je ne connais pas les coûts de production du disque, mais, sur le marketing du disque, du dernier disque de Michael Jackson, «HIStory», on a mis 30 000 000 $, c'est-à-dire les vidéoclips et tous les efforts de mise en marché, les techniques de marketing aux points de vente, et ainsi de suite. Trente millions! Alors, voilà notre concurrence. Ça, c'est la concurrence des artistes québécois, des producteurs québécois. Inutile de dire que ces produits-là sont les produits qui sont véhiculés par des machines extrêmement puissantes. Je ne veux pas entrer dans le détail, mais l'industrie du disque mondiale, c'est une industrie majeure, c'est 40 000 000 000 $ en chiffre d'affaires au détail à l'échelle mondiale. Et 80 %, 85 % de ce chiffre d'affaires là est réalisé par six très grandes multinationales. Vous les connaissez, c'est Sony, c'est Warner, c'est BMG, c'est EMI, etc. Ces entreprises-là ont des chiffres d'affaires de l'ordre de 4 000 000 000 $, 5 000 000 000 $. Elles sont presque toutes membres d'un conglomérat multimédia ou de type hardware, software, comme c'est le cas de Sony Music, par exemple, qui appartient à Sony, ou de Polygram, qui appartient à Philips, et ces conglomérats-là eux-mêmes ont des chiffres d'affaires de l'ordre de 20 000 000 000 $, 30 000 000 000 $, 40 000 000 000 $. Inutile de préciser que je parle en dollars US.

(20 h 20)

Donc, des entreprises qui ont des chiffres d'affaires, je vous le dis sans parler de leur maison-mère, de l'ordre de 3 000 000 000 $ ou 4 000 000 000 $. Les plus importants producteurs de disques québécois ont des chiffres d'affaires de 3 000 000 $ ou 4 000 000 $, il y en a peut-être deux ou trois. Le chiffre d'affaires moyen des producteurs indépendants de disques au Canada, pas les filiales des multinationales – malheureusement, Statistique Canada ne nous donne pas les statistiques segmentées pour la province de Québec – c'est 1 000 000 $ par année, c'est 997 000 $. Alors, c'est ça, la concurrence. Alors, ici, lorsqu'on a réussi à mettre 100 000 $ sur la production d'un disque, il reste peut-être 10 000 $, 5 000 $, 15 000 $ des fois, si on est chanceux, pour faire la mise en marché de ce disque-là.

Aux États-Unis, lorsqu'une multinationale sort le premier disque d'un jeune groupe dans lequel elle croit, elle met 1 000 000 $ sur le groupe, au point de départ, pour le premier album. Alors, ici, on met peut-être, les artistes reconnus, ils vont mettre 100 000 $ sur leur production, peut-être deux clips à 20 000 $, 25 000 $ chacun et quelques milliers de dollars pour le marketing aux points de vente. Alors, c'est ça. Je ne suis pas pessimiste ni défaitiste, mais il faut comprendre ces choses-là. C'est ça, la réalité de la production de la musique québécoise, la réalité que vivent les producteurs québécois tous les jours, la réalité que vivent les artistes et les musiciens québécois.

Je pense que c'est sous cet angle-là qu'il faut aborder la question de l'autoroute électronique. Si on veut qu'il y ait de la musique québécoise sur l'autoroute électronique, il faut se dire: Ça va être quoi, la concurrence à la musique québécoise sur l'autoroute électronique? Bien, ça va être la musique qui est faite par les six grandes multinationales, qui est essentiellement de la musique anglo-saxonne. C'est ça, la concurrence. Ça va être les grandes stars, ça va être les Madonna, ça va être les nouveaux qu'ils trouvent à chaque jour. C'est ça, la concurrence qu'il va y avoir. Ça veut dire qu'on va retrouver sur l'autoroute électronique, au niveau de la musique, exactement le même type de concurrence qu'on a à l'heure actuelle dans le marché d'objets physiques distribués dans les magasins de disques, exactement le même type de concurrence. Alors, ça pose un problème à la fois de produire suffisamment de disques, suffisamment de disques qui sont de qualité pour pouvoir minimalement affronter la concurrence des grands produits anglo-saxons des vedettes mis en marché par les grandes multinationales.

Et ça pose peut-être surtout la question du marketing, de la mise en marché. Une des plus grandes fumisteries qui circulent actuellement à propos de l'autoroute de l'information, c'est tout le mythe de l'Internet. L'Internet va permettre à l'artiste qui a été ignoré par les circuits de distribution de produire son disque dans sa cave, de le mettre sur son ordinateur et de le vendre partout à travers le monde. C'est un des plus grands mythes qui circulent. Il est vrai que certains artistes qui font des disques dans des créneaux extrêmement spécialisés, trop spécialisés pour pouvoir entrer dans les circuits de distribution normale auront peut-être une chance de vendre quelques dizaines d'exemplaires ou quelques centaines d'exemplaires de disques à travers l'Internet, et nous nous en réjouissons, c'est bien, mais l'essentiel du marché du disque va demeurer ce qu'il est maintenant. Pourquoi ça changerait? Pensez-vous que Sony, Warner, Polygram, BMG vont changer quoi que ce soit? Leur logique de multinationale – je ferais exactement la même chose si j'étais à leur place – est comme n'importe quelle logique de multinationale: investir dans un nombre limité de produits, mettre beaucoup d'argent sur le marketing et vendre au maximum dans le plus grand nombre de pays possible. Ces six multinationales-là ont en moyenne des filiales dans 45, 50 pays à travers le monde. Alors, pour elles, déjà le disque est rentabilisé sur le marché américain ou sur le marché britannique, le reste, c'est des profits nets. Alors, là, maintenant, on passe par des circuits physiques. Peut-être que, dans cinq ans, on passera par des circuits électroniques, mais il n'y aura rien de changé fondamentalement.

Donc, quelle va être la position des artistes et des producteurs québécois? Il va d'abord falloir continuer à produire des disques, à produire des disques de qualité et à avoir de l'argent pour pouvoir les mettre en marché. L'industrie du disque ne sera jamais une industrie rentable au Québec. C'est comme l'industrie du film, ça ne sera jamais une industrie rentable. On fait à l'occasion un coup. Il y a une Céline Dion à tous les cinq ans, ou quelque chose comme ça, mais la règle générale, même pour les multinationales, sur 10 albums qu'on produit, il y en a un qui fait de l'argent. Alors, appliquez cette règle-là au Québec et vous voyez ce que ça donne. Il n'y a personne qui s'est mis millionnaire au Québec en faisant des disques, à part des cas tout à fait exceptionnels. Donc, c'est une industrie qui aura toujours besoin d'un minimum de soutien de la part des pouvoirs publics. Et c'est un choix de société. Ce choix-là a été fait dans l'industrie du film il y a déjà quelques années, je pense. On a accepté l'idée qu'il devait y avoir une cinématographie nationale québécoise, on n'a pas encore accepté l'idée qu'il devrait y avoir une chanson québécoise. Il n'y a pas de politique de la chanson québécoise, il n'y a pas de politique du disque québécois à l'heure actuelle, il n'y a pas de politique du spectacle de chansons québécois. Il y a peut-être des choses qui s'en viennent dans les semaines qui viennent à ce niveau-là, des choses positives, je crois. Mais on en est là. Alors donc, c'est un choix de société.

Les artistes de la chanson québécoise ont contribué énormément, je pense, à développer l'image du Québec à l'échelle internationale, ont contribué beaucoup, je pense, au développement de l'identité collective et de l'identité nationale au Québec, qu'on parle de la Bolduc en passant par Félix Leclerc, Luc Plamondon et Daniel Bélanger, plus récemment. Mais cette chose-là n'est pas encore reconnue, malheureusement, tant au fédéral qu'au provincial, la chanson est encore considérée comme un art mineur. Le gouvernement du Québec donne environ un peu moins de 2 000 000 $ par année à l'aide à la production de disques et de spectacles; le gouvernement fédéral, c'est à peu près le même montant. Globalement, si on prend les aides de tous les pouvoirs, tous les niveaux de pouvoir public au Canada, les sommes consacrées à l'industrie du disque au Canada représentent 0,1 % du total des sommes consacrées par tous les niveaux de gouvernement à la culture et aux communications, 0,1 %! Ça surprend toujours les gens quand je dis ça, parce qu'ils disent: Bien, voyons donc, la chanson québécoise, c'est important dans notre culture, c'est Gilles Vigneault, Félix Leclerc, etc. Mais c'est des choses qui sont faites à bout de bras et qui continuent à se faire à bout de bras, parce que ce n'est pas reconnu, ce n'est pas reconnu comme étant une activité importante au niveau de la culture.

Je consacre peut-être trop de temps à ça. Assez rapidement, pour laisser le temps à ma collègue de vous parler des droits d'auteur, qui sont une question tout à fait fondamentale sur l'autoroute électronique.

Il nous semble aussi important... bon, certains pourront le déplorer, d'autres s'en réjouir, mais la réglementation de la radiodiffusion est de compétence fédérale. Historiquement, dans les 30 dernières années, le Québec a fait plusieurs tentatives à ce niveau-là. Malheureusement, ça n'a pas fonctionné. La Loi sur la radiodiffusion est, grosso modo, une bonne loi, une loi qui a bien servi le Québec. Peu importe où elle a été votée, il y a des objectifs là-dedans de contenus de propriété canadienne, de contenus canadiens, de contribution à la culture canadienne. Et, évidemment, ça s'est appliqué aussi du côté québécois. Ça s'est traduit concrètement dans notre secteur, par exemple, par l'établissement, au début des années soixante-dix, d'un quota de 65 % de chansons de langue française à la radio. Inutile de vous dire que, si ce quota-là n'avait pas été établi, aujourd'hui, à part quelques rares grandes vedettes qu'on pourrait compter sur les doigts de la main, il n'y en aurait pas, de chanson québécoise, il n'y en aurait pas, d'industrie du disque et du concert au Québec. Donc, ça demeure extrêmement important.

(20 h 30)

Malheureusement, vous pouvez le constater à chaque jour en lisant les journaux, depuis un an ou deux, il y a au CRTC et au gouvernement fédéral un relâchement. Les pressions des Américains pour pouvoir pénétrer encore plus les marchés canadien et québécois au niveau de la culture ont amené les décideurs politiques et les décideurs au niveau de la réglementation bien souvent à faire des concessions. Encore récemment, dans le domaine des services de programmation sonore payants, des concessions qui sont extrêmement dangereuses. Je pourrais entrer dans le détail, on pourra en discuter tantôt, lorsqu'on ira vers les questions, mais il y a... À l'heure actuelle, le CRTC est engagé sur une pente savonneuse et une pente dangereuse. Il y a un relâchement. Vous savez comme moi qu'un peu partout dans l'Occident triomphe l'idéologie néolibérale à l'heure actuelle, le mot «réglementation» est rendu un mot qui n'est plus «politically correct». Lorsque nous défendons, au CRTC ou dans d'autres forums, la nécessité de maintenir une réglementation pour que la musique québécoise continue d'avoir une fenêtre à la radio et à la télévision, il nous est arrivé de se faire traiter d'Ayatollah, de vouloir restreindre la pénétration des cultures étrangères au Canada. Moi, je n'ai rien contre la musique italienne. J'adore la musique italienne, la musique grecque, la musique iranienne, n'importe quoi, mais, je veux dire, la musique étrangère qui pénètre ici, c'est la musique américaine. Oui?

Le Président (M. Garon): Il y a déjà 20 minutes d'écoulées.

M. Pilon (Robert): Oui. Déjà? Bon.

Le Président (M. Garon): C'est votre choix. Vous pouvez continuer...

M. Pilon (Robert): Bien, non, non. J'arrête sur ce point-là. Je laisse la parole à ma collègue qui va vous parler de l'épineuse question du respect des droits d'auteur et des droits des producteurs sur l'autoroute électronique.

Mme Drouin (Solange): À la lecture du document de consultation que vous avez soumis, la commission de la culture, il y avait plusieurs... Bon, vous posiez énormément de questions, toutes intéressantes, évidemment, allant autant de l'isolement que créait l'inforoute que des effets psychologiques, justement, que pouvait créer l'isolement engendré par l'inforoute, et, évidemment, plusieurs de ces questions-là étaient pertinentes. On a dû se restreindre à certaines de ces questions et on a constaté, heureusement, qu'il y en avait plusieurs qui rejoignaient les priorités de l'ADISQ. Une des questions fondamentales et qui... Un dossier fondamental aussi au sein de l'ADISQ est évidemment le dossier des droits d'auteur, et vous me permettrez de rajouter tout de suite «et des droits voisins». Évidemment, c'est un dossier de la première importance pour l'ADISQ et pour ses membres. Vous savez sans doute que depuis plusieurs années – vous l'avez sûrement suivi dans les journaux – depuis plus de 10 ans, l'industrie du disque, à savoir les producteurs, les artistes interprètes et les auteurs, revendique auprès du gouvernement fédéral, la Loi sur le droit d'auteur étant de compétence fédérale – donc le jeu se passe là aussi – alors on a demandé des modifications majeures à la Loi sur le droit d'auteur qui nous permettraient, selon nous, de faire face à l'inforoute d'aujourd'hui et à l'inforoute de demain.

Si je peux prendre seulement deux minutes pour expliquer le concept d'inforoute d'aujourd'hui... Un peu à la lumière de ce que mon collègue vient de dire, nous sommes convaincus que, bon, il y a des systèmes de transmission, d'acheminement de produits culturels au public qui existent déjà. La radio conventionnelle existe déjà. Il y a de nouvelles formes qui sont en train de se transformer, mais... Le mot «inforoute», c'est un nouveau mot, mais l'inforoute existait déjà. Elle existe déjà aujourd'hui. Alors, évidemment, depuis 10 ans, on a demandé au gouvernement fédéral de nous donner les moyens de faire face aux défis que posait l'inforoute d'aujourd'hui, face à la radio conventionnelle, entre autres, et aussi de poser les bases pour l'inforoute de demain.

Ces revendications-là étaient essentiellement de trois ordres; je les rapellerai rapidement. La première était que... On demandait au gouvernement fédéral de reconnaître enfin un régime de droits voisins au Canada, d'instaurer un régime de droits voisins au Canada. Ce que ça veut dire, c'est que présentement, à la radio, quand une chanson est jouée à la radio, seul l'auteur perçoit des redevances de l'industrie de la radio. Plus précisément, les auteurs reçoivent 3,2 % des recettes publicitaires de l'industrie de la radio. Ce 3,2 % est fixé par la Commission du droit d'auteur, à Ottawa. Malheureusement, quand une chanson est jouée, donc c'est seulement les auteurs qui perçoivent une redevance. Nous, ce qu'on demande, et c'est ce qui existe déjà dans plus de 50 pays à travers le monde, c'est que, lorsqu'une chanson est jouée à la radio, non seulement l'auteur soit payé, mais également l'artiste interprète, la personne qui chante, et le producteur de l'enregistrement sonore. Comme je vous disais, 50 pays ont déjà ce régime-là dans leur législation nationale, la France depuis plus de 10 ans, et le dernier en liste étant la république de Moldavie. Alors, le Canada, on est un peu en retard dans ce dossier-là.

L'autre régime qu'on demande depuis 10 ans au gouvernement canadien de mettre en place est ce régime de redevances pour compenser les pertes occasionnées par la copie privée. Tout le monde sait... Peut-être que vous en faites – je ne sais pas, je ne veux pas le savoir – des copies de disques. Peut-être que ça vous arrive. La Loi sur le droit d'auteur... En vertu de la loi actuelle sur le droit d'auteur, il s'agit là d'une violation du droit de reproduction des producteurs et des auteurs. Évidemment, de façon pratique, on ne peut pas demander à la GRC d'entrer dans tous les foyers canadiens pour empêcher que cette violation-là se produise. Il y a plusieurs pays qui se sont posé la question avant nous et qui ont trouvé une solution intéressante, à savoir de percevoir une redevance sur chaque vente de cassette vierge qui est faite au Canada. Cette redevance-là est payée non pas par le consommateur, mais par les importateurs ou des exportateurs de cassettes. Ce régime-là est également implanté, comme je l'ai dit, dans 30 pays, dont, encore une fois, la France.

Alors, ça, c'était pour les deux régimes qu'on demande depuis 10 ans. Et, finalement, aussi on mettait bien en garde le gouvernement fédéral de ne pas augmenter les exemptions permises, accordées à certaines catégories d'utilisateurs. Parce que, ce qu'on dit au gouvernement, c'est: Qu'est-ce que ça nous donne de nous donner un droit d'une main si, de l'autre main, ils permettent à plusieurs catégories d'utilisateurs de ne pas, finalement, avoir à exercer ou avoir à demander l'autorisation pour l'exercice de ces droits-là?

Comme vous le savez également, probablement, sans doute, le 25 avril 1996, Mme Sheila Copps et John Manley, les deux ministres coresponsables de la Loi sur le droit d'auteur, ont finalement déposé le projet de loi C-32 instaurant un régime de droits voisins, enfin, au Canada, et un régime de redevances pour la copie privée. Le 25 avril 1996, nous avons réagi publiquement, évidemment, et on s'est réjouis. On s'est réjouis parce que, pour nous, c'était un pas décisif dans la bonne direction. C'était quand même une grande première qu'en Amérique du Nord on reconnaisse des droits aux artistes interprètes et aux producteurs. La tendance ne s'en va pas du tout vers cette tendance-là chez nos voisins du Sud, évidemment. Mais, dès le lendemain matin, évidemment, en regardant, en faisant une analyse très détaillée du projet de loi, on s'est aperçus que, malheureusement, il y avait des dispositions qui nous apparaissaient nettement insuffisantes et insatisfaisantes dans le projet de loi, d'où notre première recommandation au comité. On est conscients qu'il s'agit là d'une juridiction fédérale, mais, à notre avis, le gouvernement du Québec a la responsabilité de s'impliquer à fond dans ce projet-là en formulant des recommandations au gouvernement fédéral. Nous vous invitons donc, la commission, à inclure dans vos recommandations que le gouvernement du Québec fasse évidemment ses propres représentations, mais que, également, il supporte les démarches des groupes comme l'ADISQ, l'Union des artistes, la Guilde des musiciens, la SPACQ, la SODRAC, la SOCAN, tous les gens, les intervenants du milieu de la musique, ces groupes-là qui, finalement, demandent des modifications majeures au projet de loi.

Les principales modifications que nous demandons, je les dirai très rapidement. Nous allons en comité parlementaire la semaine prochaine, le 22 octobre, pour justement faire état d'une façon très détaillée de nos modifications. Mais, très succinctement, nos deux modifications sont... Premièrement, dans le régime de droits voisins, on sent qu'évidemment le lobby des radiodiffuseurs a fait son travail. Ils ont très bien fait leur travail, même. Tellement bien que le projet de loi prévoit toute une catégorie, plusieurs, trois séries d'exemptions au bénéfice de l'industrie de la radio, ce qui fait en sorte qu'au lieu de payer 100 % de la redevance ils n'en paieront que 28 %. Il y a 72 % des recettes publicitaires de l'industrie de la radio qui sont exemptées du paiement de droits voisins dans le projet de loi actuel qui est rédigé, le projet de loi C-32.

Alors, évidemment, nous trouvons ces exemptions-là en faveur de l'industrie de la radio beaucoup trop généreuses et nous demandons des modifications majeures à ce niveau-là. Les autres modifications majeures que nous demandons sont au niveau des exemptions. Comme je vous l'ai dit il y a quelques minutes, malgré ce qu'on avait demandé, le gouvernement a quand même élargi considérablement les exemptions à certaines catégories d'utilisateurs, comme les bibliothèques, les centres d'archives, les musées, nommez-en, il y en a plusieurs autres. Et, évidemment, nous, on demande que ce régime d'exemptions soit le plus restreint possible et de donner aux ayants droit l'exercice plein et entier de leurs droits. Les sociétés de gestion qui seront mises en place pour gérer ces droits collectifs là négocieront des ententes particulières avec certaines catégories d'utilisateurs et on pourra intervenir... et pourront donc intervenir des ententes particulières. Rien ne l'exclut. Mais on demande au gouvernement au moins de nous accorder le pouvoir de négocier. Alors, ça, c'est nos revendications pour le projet de loi C-32.

Mais, évidemment, dans le contexte de l'autoroute de l'information, de l'inforoute, il y a aussi... Le projet de loi C-32 ne reconnaît pas un droit, ne crée pas un nouveau droit qui peut nous faire cruellement défaut s'il n'est pas instauré rapidement dans la Loi sur le droit d'auteur. C'est le droit d'autoriser ou d'interdire la diffusion, la distribution d'enregistrements sonores par une entreprise offrant des services de radiodiffusion discrétionnaires payants. Je m'explique. Ce n'est pas clair.

(20 h 40)

Ce que je veux dire, c'est que, avec la mise en place d'un régime de droits voisins que je viens de vous expliquer rapidement, les stations de radio conventionnelles vont donc verser des redevances aux auteurs, aux artistes interprètes et aux producteurs. Évidemment, cette rémunération-là, comme je vous l'ai dit, elle est modeste. Pour les auteurs, par exemple, c'est 3,2 % des recettes publicitaires. Nous, on s'attend à avoir à peu près... Bon, on ne couvre pas nécessairement le même répertoire – ça, c'est des détails que je vous passe – on perçoit peut-être 1,5 % des recettes publicitaires de la radio seulement. Et ça, c'est évidemment justifié par le fait que la diffusion de la musique sur une radio conventionnelle, de notre point de vue, le point de vue des ayants droit, ça constitue une exploitation secondaire en comparaison à l'exploitation primaire d'un enregistrement sonore qui est la vente. Quand un disque est vendu, le producteur ne perçoit pas 3,2 % du prix de détail, il perçoit 40 % du prix de vente du disque. Mais, évidemment, de ce 40 % là, il paie les artistes, il paie la pochette, il paie les studios, mais, en bout de ligne, il lui reste plus que ce qu'il ne pourrait recevoir d'un régime de droits voisins.

C'est sûr qu'au fur et à mesure que l'autoroute va se développer il va apparaître de nouvelles formes de services de radiodiffusion qui vont finalement aboutir à de la distribution électronique de la musique. Finalement, au fur et à mesure que vont s'implanter ces nouveaux services là, ils vont supplanter la vente physique des disques. Évidemment, on peut penser qu'il y a déjà des services qui sont un petit peu l'embryon de cette distribution-là, électronique, qui sont déjà en place, mais, à moyen terme, ces services-là seront en place. On pourra commander de son salon le dernier disque de Marjo et de Daniel Bélanger et – je m'excuse de l'anglicisme – le «downloader» sur son disque dur. Ce sera possible de faire ça un jour. Et vous comprendrez bien que, si c'est considéré comme un régime de droits voisins, avec les rémunérations qui y sont rattachées, qui sont des rémunérations modestes, et pour ce genre de services là qui équivalent finalement à une vente, on perçoit le même niveau de rémunération, il va y avoir un problème. L'industrie du disque va perdre des revenus et ne pourra que péricliter de plus en plus et ne pas pouvoir entrer en concurrence avec les multinationales dont mon collègue, Robert Pilon, faisait état.

Alors, ce qu'on demande au gouvernement d'inclure dans le projet de loi C-32 ou encore – très, très rapidement – dans la prochaine étape de révision de la Loi sur le droit d'auteur, c'est de nous donner les moyens de négocier avec ces nouveaux utilisateurs là. Et nous donner ces moyens-là, c'est nous donner le pouvoir d'autoriser ou non ces nouvelles transmissions là. Un régime de droits voisins ne nous donne pas le pouvoir d'autoriser ou d'interdire les transmissions à la radio. Ce qu'on veut pour ces nouveaux services là, on veut un droit d'autoriser ou d'interdire et, conséquemment, le droit de négocier à quel prix, si on autorise.

C'est ce nouveau droit là qu'il est très important de reconnaître dans le développement de l'inforoute. Donc, on demande à la commission, dans ce contexte-là, de recommander, en tout cas, de nous appuyer dans la reconnaissance de ce nouveau droit là dans la Loi sur le droit d'auteur, assez rapidement.

Écoutez, je pense que ça fait le tour de nos principales revendications. Bon, on espère qu'une recommandation va contribuer au développement et à vos travaux. Maintenant, on est prêts à répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Bien le bonjour. Heureux de voir l'ADISQ ici. Je commencerais peut-être, puisque vous avez parlé de l'importance que la chanson a jouée sur la conscience identitaire, par citer Vigneault: «Il n'est coin de la terre où je ne vous entende. Il n'est coin de ma vie à l'abri de vos pas. Il n'est chanson de moi qui ne soit tout à fait avec vos mots, vos pas, avec votre musique.» Alors, je pense que ça nous situe à la fois dans l'espace et dans un espace donné, mais il y avait cet aspect de la spatialité.

Vous avez souligné, au fond, que l'inforoute, ce n'était pas le Pérou. On a entendu des discours qui allaient tout à fait dans le sens contraire. On a eu beaucoup de gens qui nous ont parlé de l'inforoute ou d'Internet un peu comme on nous parlait de l'Amérique jadis ou comme on nous parlait de l'utopie jadis aussi... Enfin, c'est à peu près au XVIe siècle aussi, à moins de remonter aux Grecs, là. Il y a des choses qui sont difficiles, dans la question d'Internet ou de l'inforoute, parce qu'elles sont déjà difficiles dans la réalité tout court. Je pense que vous avez soulevé un tas de problèmes qui relèvent de la condition de la chanson tout court, de la chanson québécoise, de son statut, à la fois au niveau culturel dans l'ensemble, disons, de la francophonie. Parce que la chanson francophone a quand même un statut dans l'espace francophone, par rapport à la chanson allemande en Allemagne, etc. Il y a des gens qui ont travaillé à changer ce statut-là. Je pense, par exemple, à Angèle Guller, qui, au lieu d'en faire un art mineur, voulait que ce soit un neuvième art. Mais, entre-temps, il se fait que l'autre jour j'entendais qu'on disait de la BD que c'était le neuvième art. Je vois qu'on s'est déjà fait tasser vers le dixième, qui est la vidéo, puis vers le onzième. Alors, il faudrait déjà se déplacer de deux rangs derrière.

Mais, en tout cas, moi, à titre personnel, je peux vous dire que j'ai contribué à la consécration de la chanson dans la mesure où, comme universitaire, j'ai fait l'enseignement de la poésie orale sonorisée, j'ai dirigé des thèses, on a fait des volumes. Bon, ça a changé un petit peu la dimension de la chanson. Je me souviens, un jour, Richard Séguin m'a dit: Depuis que vous avez parlé de moi dans Québec Français , mes «chums» au cégep ont arrêté de rire de moi. Alors, je trouvais ça quand même significatif.

Mais je reviens, disons, à votre propos qui n'est pas un propos facile. D'abord, vous êtes venus nous parler de la question du droit d'auteur, et, déjà, on relève de deux juridictions. En fait, le discours que vous nous adressez s'adresse dans un autre Parlement même si on a probablement à prendre en main un certain nombre de moyens et de choses. Mais vous voulez donc un type de contrôle. On est venu nous dire tout à l'heure, avant le repas, de ne rien contrôler, de laisser l'espace libre, de ne pas avoir de voie d'entrée, alors que vous nous dites le contraire. Mais, moi, ce que j'aimerais savoir, peut-être, pour arriver à une question concrète et pratique, c'est: Est-ce que vous avez des moyens techniques – puisqu'il s'agit ici d'une technologie – est-ce que vous avez des moyens pratiques, des moyens concrets d'effectuer des contrôles pour la perception des droits, pour les obtenir? Je ne sais plus si c'est la SOCAN, par exemple, qui est venue nous dire: Peut-être qu'on pourrait envisager une sorte de groupe international qui serait chargé de ce type de collecte des droits, qui sont d'ailleurs très, très faibles, on le sait bien. Finalement, le créateur, même celui qui fait un livre, il a 10 %. Ce n'est pas beaucoup par rapport au libraire, qui en a 40 %, et par rapport au producteur, qui en a 50 %. Alors, je ne sais pas, est-ce que vous avez quelque chose à dire là-dessus?

M. Pilon (Robert): Bon, ni moi ni ma collègue ne sommes des ingénieurs, mais je vous répondrai peut-être indirectement. L'Internet... Il suffit de voir, par exemple... Bon, il y a deux discours sur l'Internet: il y a celui qu'on voit dans les journaux grand public et celui qu'on voit dans les pages financières du Wall Street Journal ou du Globe and Mail . Quand on regarde un peu ces journaux-là, on se rend compte que l'Internet – et je sais que beaucoup de monde en est déçu, mais c'est la réalité – est sur le point d'être envahi, mais extrêmement rapidement, par les grandes multinationales des produits culturels, et j'espère que personne ne va être surpris. On vit dans une économie de marché, que ça nous plaise ou pas, et, dans l'économie de marché, les grandes entreprises l'emportent sur les petites entreprises. C'est comme ça que ça se passe, à moins qu'il n'y ait un minimum de réglementation. Il y a la réglementation de la concurrence. Il y a la réglementation de la radiodiffusion. Il y a des possibilités de réglementation au niveau des droits. Mais l'effet, à la limite... C'est ironique, mais l'effet bénéfique de la pénétration ou de l'envahissement de l'Internet par les grandes multinationales des produits culturels, c'est que soyez sûrs que Warner, Polygram, Twentieth Century Fox vont trouver les moyens, vont mettre l'argent sur les ingénieurs, et tout et tout, pour s'assurer qu'il y a un contrôle des contenus. Eux, ce n'est pas le niveau de contenus québécois ou francophones qui les préoccupe. Ce qui va les préoccuper, c'est qu'ils vont mettre un produit sur l'Internet, ils vont vouloir faire un profit avec. Donc, ils ne vont pas vouloir que ce produit-là, moi, je le télécharge chez moi et que je le revende à mes amis ou à d'autres personnes. Ils vont vouloir en contrôler l'exploitation économique et financière.

Bon, je pourrais vous parler de quelques trucs que j'ai lus récemment là-dessus, sur les moyens techniques, mais je le ferais mal parce que, honnêtement, je n'en comprends pas la moitié. Là-dessus, c'est assez technique, ces choses-là. Mais toutes ces technologies-là sont en train d'être développées, et elles vont être développées et ça va marcher parce que... sinon l'exploitation commerciale de l'Internet n'est pas intéressante pour les multinationales, et elles veulent qu'elle soit intéressante.

(20 h 50)

Je vous donnerais un autre exemple; on l'évoque rapidement dans notre mémoire. Et là je ne veux pas prendre de position personnelle sur le sujet puisque c'est une question extrêmement controversée: la question de la pornographie sur l'Internet. Il y a du pour, il y a du contre, il y a tout un débat dans plusieurs pays à travers le monde là-dessus, mais il n'en demeure pas moins que, minimalement, il y a un certain nombre de valeurs communes auxquelles, je pense, on tient dans toutes les sociétés. Je pense que l'exploitation... Les sites qui sont basés sur l'exploitation, la pédophilie ou les choses comme ça, je pense que personne n'est d'accord avec ça. Bon. Et, là encore, je pense que les pouvoirs publics, dans plusieurs pays, se penchent sur la question. Je pense que vous vous penchez, vous autres aussi, sur la question, et il va falloir trouver des solutions aussi là-dessus.

Alors, je vous donne juste deux exemples, là. Il y a deux forces très importantes à l'heure actuelle qui oeuvrent pour qu'il y ait un minimum de contrôle sur l'Internet et sur, enfin, l'autoroute de l'information en général pour assurer qu'un certain nombre de valeurs morales minimales, communes, soient respectées et, d'un autre côté, pour s'assurer que l'exploitation commerciale par de grandes entreprises soit profitable. Bon. Qu'on soit d'accord ou pas, je veux dire, objectivement, ces forces vont faire en sorte que les moyens techniques, qui sont déjà en développement rapide, vont être mis en pratique rapidement. Alors, si on est capable de contrôler l'exploitation commerciale d'un disque ou d'un film ou d'une émission de télévision, ça veut dire qu'on est capable de s'assurer d'un niveau de contenus québécois ou d'un niveau de contenus francophones, techniquement.

La question, elle n'est pas technique. La question, elle est politique et elle est idéologique. Je reviens encore là-dessus, on vit à l'heure actuelle dans un climat de montée des cycles là-dedans. Ce n'est pas la première fois que ça arrive dans l'histoire, et ce n'est pas la dernière fois, sûrement, de montée du courant néolibéral, de montée d'une espèce de... qualifiez ça d'anarchisme de droite ou... ainsi de suite, on le voit. Bon, c'est populaire partout aux États-Unis, notamment au Canada anglais, Beaucoup, beaucoup, dans les grands quotidiens au Canada anglais, on voit de plus en plus des «columnists» qui écrivent ces thèses-là, qui disent: Bien, la réglementation, c'est un truc dépassé, le gouvernement n'a pas d'affaire à me dire ce que je dois consommer, et ainsi de suite. Mais là il y a tout un certain nombre de valeurs qu'historiquement on a développées, au Canada et au Québec, à propos du contenu canadien et du contenu francophone, du contenu québécois, que des gens voudraient, invoquant qu'ils ne veulent pas se faire dire quoi consommer par le gouvernement ou invoquant, ce qui est faux, que technologiquement ce n'est pas possible qu'on balance toute réglementation des contenus. Moi, je pense qu'il y a là un problème très sérieux, très, très sérieux.

Alors, je ne vous dis pas qu'il va falloir transposer sur les nouvelles technologies, les nouveaux modes de communication, exactement le même type de réglementation qui est appliqué à l'heure actuelle aux médias conventionnels comme la radio et la télévision. Je vous dis qu'il faut faire preuve d'imagination. Les recettes, on ne les a pas. Je pense que le débat public doit se faire, et le débat public, il doit d'abord porter... Avant de porter sur: Est-ce possible techniquement? il doit d'abord porter sur: Est-ce qu'on veut encore que la chanson québécoise, que le film québécois, que le livre québécois et que la télévision québécoise aient une fenêtre? On ne forcera jamais les gens à consommer des choses qu'ils ne veulent pas consommer. La question est une question d'établir un minimum d'équilibre dans l'offre des choses. Le jour où, sur l'autoroute de l'information, il y aura 3 200 serveurs par lesquels on pourra faire de la distribution électronique de disques et qu'il y en aura un où il y aura des disques québécois, je pense que cet équilibre-là sera brisé. Et je pense que, ce jour-là, ce sera impossible de maintenir les quotas de 65 % à la radio, parce que les médias conventionnels, comme la radio, vont dire: Aïe! On n'est pas des imbéciles. S'il n'y a pas de réglementation chez nos concurrents, les nouveaux serveurs électroniques, bien, je veux dire, cessez de nous en imposer une à nous aussi.

Alors, il faut voir cette chose-là, c'est très important, c'est-à-dire l'effet domino qu'il peut y avoir aussi. Si les nouveaux services de radiodiffusion, comme les services de radio payante, par exemple, qui vont, à terme, conduire à la distribution électronique de la musique, sont exemptés de toute forme de réglementation, bien, je veux dire, ce sera impossible de maintenir la réglementation sur les médias conventionnels.

Le Président (M. Garon): M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Oui. Sur cette question de... Moi, je veux juste faire un commentaire parce que j'ai des données là-dessus, sur cette question du contrôle du piratage ou de la propriété intellectuelle. Pour poursuivre un peu votre réflexion, je pense qu'on peut prévoir que la solution va venir des multinationales elles-mêmes, parce que là j'ai des données qui montrent, par exemple, qu'aux États-Unis il y a 35 % du marché du logiciel qui est fourni par le piratage. Autrement, il y a 35 % des ventes de logiciels qui sont des ventes faites par des pirates. Donc, ça représente à peu près 3 500 000 000 $. C'est beaucoup d'argent, ça. Donc, dans le domaine dont vous parlez, vous, qui est celui de la musique enregistrée, eh bien, il y aurait une vente sur cinq, aux États-Unis, qui serait enregistrée par des pirates. Une des ventes sur cinq. Parce que les pirates vendent. On ne parle pas simplement des pirates sur Internet. Il y a ceux qui piratent et qui vendent. Donc, c'est des sommes considérables. Et les moyens de contrôle sont de trois types: des moyens de contrôle techniques, des moyens de contrôle légaux et des moyens de contrôle moraux, c'est-à-dire par l'éducation publique. Je pense que les multinationales, en collaboration avec les États, vont probablement arriver à développer au fil des années qui s'en viennent des mécanismes de contrôle qui seront plus efficaces que ceux qu'on a actuellement. Parce que ce que dit l'article de The Economist auquel je réfère, c'est que les moyens actuels ne sont vraiment pas efficaces.

Mais ce n'est pas sur ça que je veux vous poser ma question. Moi, j'ai eu un vieux professeur de sociologie – bien, il n'était pas si vieux que ça, mais aujourd'hui il est décédé et il serait très vieux – à l'Université Columbia, qui s'appelait Paul Lazersfeld, qui nous disait toujours que lorsqu'on veut comprendre un phénomène statistique, l'une des stratégies était d'étudier la représentation du phénomène aux deux extrêmes de la courbe normale. Si vous voulez savoir pourquoi, par exemple, les écoles qui sont fréquentées par des Noirs aux États-Unis ont des niveaux de performance tellement inférieurs à ceux des écoles blanches, trouvez une école noire où le niveau de performance des Noirs est supérieur à celui des Blancs et là vous allez peut-être comprendre pourquoi les Noirs performent si mal dans la majorité de leurs écoles.

Au Québec, il y a un phénomène absolument déviant de la plus haute importance là-dessus, vous l'avez mentionné, c'est le cas Céline Dion. Pourriez-vous essayer de nous éclairer sur le rayonnement de Mme Dion et la stratégie de déploiement de Mme Dion à l'échelle internationale? Qu'est-ce qui explique ce succès phénoménal? Écoutez, c'est la première – je n'emploie pas le mot «québécois» – Canadienne française à faire la couverture du Time Magazine . Il n'y en a pas eu d'autre, à ma connaissance. On en a eu, des Canadiens français ou des Québécois qui ont été photographiés à l'intérieur du Time , mais il n'y en a pas d'autres qui ont fait la première page, à mon avis, depuis la fondation de la Nouvelle-France. Alors, comment on explique ça, le succès de Céline Dion? Et qu'est-ce qu'on peut en apprendre pour une réflexion sur ce phénomène très important que vous avez décrit, et que vous avez très, très, très bien décrit, celui de la concurrence? Est-ce que vous pouvez nous éclairer là-dessus?

Mme Drouin (Solange): Je me contenterai juste... Je ne suis pas économiste. Je laisserai sûrement la parole à mon collègue, qui est économiste, pour répondre peut-être sur les causes et les tenants et les aboutissants de tout ça. La première chose, je pourrais vous inviter à venir entendre M. René Angelil qui va nous livrer ses secrets, le 1er novembre, lors des rencontres professionnelles de l'industrie du disque et de la radio. On a une heure d'entretien avec M. Angelil; il pourrait peut-être nous le dire. Mais je pense que, en tout cas, une des raisons qui peuvent expliquer ce succès-là, c'est qu'il y a une entreprise qui a mis des moyens colossaux en arrière de Céline Dion, qui s'appelle Sony. On ne parle pas... Si on s'est mal fait comprendre, Sony, Céline Dion, c'est sûr qu'elle a commencé avec un producteur ici, un coproducteur québécois indépendant. Mais, bien sûr, devant son talent et la possibilité de succès, rapidement il y a une multinationale qui s'y est intéressée et qui a mis des moyens colossaux. Je pense que ça peut expliquer, en partie, son succès. Alors, Robert?

(21 heures)

M. Pilon (Robert): Essentiellement, c'est ça. C'est d'abord le talent. Elle est très bonne. Premièrement, elle est très, très, très bonne. C'est une grande artiste. Elle chante aussi bien en français qu'en anglais. Son manager est génial et sa compagnie de disques, comme Solange vient de le dire, a mis des moyens considérables derrière. Mais vous dites «un cas exceptionnel». Oui, et c'est ça aussi. Il y a Julio Iglesias aussi, en Espagne. Bon, vous allez en trouver un comme ça dans quelques pays, un peu partout. Les multinationales ne miseront jamais sur 25 artistes québécois, par définition, même s'ils avaient le talent. Par définition, elles vont miser sur un nombre limité de produits. Et, bon, il y a aussi que ce n'est pas tous les artistes québécois qui ont soit la capacité, soit la volonté de chanter en anglais et en français. C'est un choix personnel de Céline Dion, mais je pense qu'il faut qu'on respecte aussi le choix des artistes québécois qui décident de faire leur carrière en français. Et là c'est sûr que le marché, qui est dominé par les multinationales, va soutenir moins un artiste qui chante en français, par définition.

M. Laporte: Et, donc, pour terminer, vous pensez que la stratégie de Mme Dion n'est guère imitable?

M. Pilon (Robert): Bien, il y a des centaines d'artistes au Québec. Je veux dire, il y a quoi? 150, 200 albums, à chaque année, qui sont produits au Québec. Il ne faudrait pas que l'arbre cache la forêt ici, là, tu sais, je veux dire. Autant, je pense, on est tous fiers du succès de Céline Dion et on s'en réjouit, ce n'est pas représentatif de l'industrie québécoise en moyenne et ça ne peut pas l'être, mathématiquement parlant, quand on connaît la logique de fonctionnement des multinationales.

Mme Drouin (Solange): J'aimerais peut-être juste rajouter que, bien entendu, le succès de Céline Dion est immense. Elle est devenue la référence, mais il y a plusieurs artistes, un Daniel Bélanger, par exemple, qui a sorti son deuxième disque, qui en a vendu 200 000 du premier. C'est aussi un succès immense pour le Québec. Alors, je pense que, oui, Mme Dion, on doit s'en réjouir. Tout le monde en est fier, sa gloire rejaillit un peu sur nous tous, mais ça ne doit pas devenir la référence pour un artiste québécois, surtout s'il chante en français seulement.

M. Pilon (Robert): 200 000 albums pour Daniel Bélanger, si vous transposez ça au marché français, c'est 2 000 000 de disques.

M. Laporte: Moi, j'essaie de comprendre, vous savez. Je n'essaie pas...

M. Pilon (Robert): Non, non, on est là pour ça.

Le Président (M. Garon): Brièvement, M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Je veux juste vous dire que, au fond, on est un petit peu loin de l'inforoute. Je trouve ça intéressant, mais on est à deux niveaux complètement. S'il y a un cas qui pourrait être rapproché de Dion, de notre côté, c'est Voisine, parce qu'il y a la chanson dite populaire, à un niveau qui n'est pas littéraire, puis il y a la chanson à texte qui est une chanson à niveau littéraire. Quand on dit que Brel, Brassens et les autres ont fait de la chanson populaire, on voulait parler du mode de diffusion, parce que cette chanson-là ne rejoignait pas plus de gens que Voltaire au XVIIIe siècle. Alors, là, on tombe dans un tout autre débat qui nous éloigne de l'inforoute, mais, en tout cas...

M. Laporte: On n'est pas si loin de l'autoroute, parce que, dans les stratégies de mise en marché, de déploiement de certains artistes, il y a une stratégie qui est assez connue, qu'on appelle la stratégie du don égoïste. Il y a des gens aux États-Unis, par exemple, qui donnent de leurs livres sur Internet mais qui font leur argent sur les séminaires. Netscape, lorsqu'il s'est commercialisé pour la première fois, a donné gratuitement son site de navigation, son site Web, ce qu'ils appellent le «Web browser», O.K.? Et maintenant il le vend 50 $. Donc, on pourrait utiliser, jusqu'à un certain point, une stratégie comme ça pour faire connaître l'artiste en question, le produit en question, quitte à, finalement, augmenter, par ailleurs, les rentrées de clientèle par d'autres voies. Il y a même un groupe en Angleterre, qui s'appelle le Purple Death, qui laisse enregistrer tous ses concerts, sauf qu'il charge aux gens 30 % de plus pour pouvoir y assister.

M. Pilon (Robert): Si vous permettez, M. le député, ces cas-là existent, je les connais également, et ils sont tout à fait marginaux dans l'industrie. Je ne dis pas que ce n'est pas intéressant. C'est une curiosité, c'est marginal. Ce n'est pas comme ça que ça se passe dans la vraie vie de l'industrie du disque à travers le monde. Dans 99 % des cas, je veux dire, c'est comme n'importe quelle business: on investit et puis on développe un produit, puis on le met en marché, puis, bon, toutes les étapes coûtent des sous et toutes les étapes se déroulent dans un contexte concurrentiel. Je sais que notre temps achève, mais, si je peux me permettre une dernière intervention, ce qui nous semble fondamental, nous, c'est de dire: Comment assurer une fenêtre pour la chanson québécoise et francophone dans l'autoroute? Et, pour ça, il nous semble fondamental de dire: Comment assurer qu'il y ait des produits francophones, des disques des artistes francophones, des artistes québécois de bonne qualité et ayant des ressources pour se mettre en marché? C'est ça qui est fondamental. Je veux dire, on pense qu'il n'y a pas vraiment tellement, pour l'instant à tout le moins, de nouveaux problèmes, que le développement de l'autoroute de l'information va exacerber les problèmes qui existent déjà pour les artistes québécois de la chanson. Donc, ça me semble fondamental.

Une dernière chose, si vous me permettez, M. le Président. Trente secondes. Les dossiers, et c'est comme ça, on ne les choisit pas... Quelqu'un me disait: Vous travaillez beaucoup dans l'axe du fédéral, à l'ADISQ. On n'a pas choisi ça, là. Ce n'est pas de notre faute si la législation du droit d'auteur est au gouvernement fédéral. Ce n'est pas de notre faute si la réglementation de la radiodiffusion et le CRTC sont là. Et le gouvernement du Québec avait une tradition d'intervention au CRTC, et autant du Parti libéral que du Parti québécois. Je pourrais vous citer des exemples. Il nous semble que cette tradition-là doit être maintenue.

Il y a des interventions qui ont été faites récemment par le ministère dans le cadre d'une audience au CRTC sur la réglementation de la distribution, mais ce n'est pas souvent qu'on voit des interventions du gouvernement du Québec au CRTC. Le gouvernement du Québec était absent d'un dossier absolument important, le dossier des services de radio payants, ces derniers mois. Un dossier où, là, on va faire un dumping de dizaines et de dizaines de canaux de musique américaine sur le marché québécois, et le gouvernement du Québec n'a pas été présent dans ce dossier-là, et ça, ça nous semble déplorable. Quel que soit l'avenir du Québec, je veux dire, pour l'instant, y a des choses importantes qui se décident à Hull, au CRTC, et le gouvernement du Québec se doit d'intervenir dans ces choses-là, parce que, le gouvernement du Québec, il n'y a personne qui va remplacer son action comme défenseur de la culture québécoise, de la culture francophone. C'est important d'agir même si c'est au gouvernement fédéral.

Le Président (M. Garon): Je remercie les porte-parole de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo de leur intervention et de leur contribution aux travaux de cette commission et j'invite maintenant les représentants de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec à s'approcher à leur tour de la table.

Alors, j'invite les représentantes, Mme D'Amours et Mme Berthiaume, à se présenter pour faire leur exposé. Comme on a une heure ensemble, vous pouvez, normalement, prendre 20 minutes; 20 minutes pour les députés ministériels, 20 minutes pour les députés de l'opposition, pour qu'ils puissent discuter avec vous de votre exposé. Alors, à vous la parole. Si vous en prenez plus – vous avez droit de dépasser 20 minutes...

Mme D'Amours (Suzanne): Parfait.

Le Président (M. Garon): ...vous avez vu, d'ailleurs, que les précédents ont dépassé largement le 20 minutes – c'est autant de moins, pour les députés, pour parler avec vous. Si vous en prenez moins, ils peuvent prendre plus de temps. Ça ne veut pas dire qu'ils vont le prendre.


Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ)

Mme D'Amours (Suzanne): Parfait. Alors, on va vous laisser la chance de nous poser des questions. M. le Président, madame, messieurs de la commission, je me présente: Suzanne D'Amours. Je suis la directrice générale adjointe de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec. À mes côtés, Sylvie Berthiaume, présidente de la maison de Productions Video 30, qui est une société de production qui est engagée dans la production de films, de vidéos et de produits multimédias de formation, d'information, de promotion et de produits à caractère éducatif; et M. Claude Dugas, qui est directeur de la division multimédia chez V 30 interactif.

(21 h 10)

Alors, permettez-moi d'abord de rappeler que l'APFTQ, qui existe depuis 25 ans, regroupe la majorité des producteurs de films et de productions télévisuelles indépendantes du Québec ainsi qu'un nombre important de maisons de production de multimédia. Notre Association est donc très directement concernée par le déploiement de l'inforoute et préoccupée du rôle que le gouvernement du Québec est appelé à jouer dans ce nouveau contexte.

Permettez-moi ensuite de féliciter la commission d'avoir mis en place ce vaste processus de consultation publique et de l'avoir fait avec un souci manifeste d'élever et d'élargir le débat de façon à ce qu'il puisse embrasser l'ensemble des enjeux philosophiques, culturels et sociétaux inhérents au développement de l'inforoute. Nous n'entendons pas aujourd'hui aborder l'ensemble des questions soulevées par la commission ni reprendre intégralement le mémoire écrit que nous avons fait parvenir et que vous avez sans doute lu. Notre intervention se limitera à résumer les principales recommandations que contenait ce mémoire, et nous serons évidemment disposés à répondre à vos questions après notre exposé.

Alors, miser sur des entreprises en mesure de rayonner à l'étranger. En tant qu'association représentant un secteur clé des industries culturelles québécoises, l'APFTQ voudrait, d'entrée de jeu, souligner l'importance que revêt à ses yeux la consolidation des entreprises québécoises de ce secteur dans la perspective du déploiement des inforoutes. Il nous apparaît en effet que, si l'on veut assurer l'alimentation de l'inforoute québécoise en contenus de qualité, il sera essentiel de disposer d'entreprises québécoises de production de logiciels et de contenus multimédias d'envergure solidement capitalisées et en mesure de se maintenir en tête du peloton, autant en termes d'expertise technologique comme de se tailler une place sur l'échiquier international.

Dans le nouveau contexte de mondialisation des marchés, les entreprises qui ne réussissent pas à s'imposer sur l'échiquier international risquent en effet d'être marginalisées ou confinées à des marchés de niche. La nécessité d'encourager la production de contenus de langue française ne doit pas nous faire oublier la nécessité d'assurer le développement, au Québec, d'entreprises de production de contenus culturels fortes, capables de faire face à la concurrence étrangère sur notre propre marché comme d'exporter nos produits sur les différents marchés internationaux. Or, cette capacité de développer des concepts, des logiciels et des productions adaptés à plusieurs marchés internationaux, les entreprises québécoises existantes l'ont déjà démontrée, et ce, aussi bien dans le secteur du film et de la télévision, où nos exportations ont connu une croissance de 234 % en quatre ans, que dans celui du multimédia et des logiciels d'animation assistée par ordinateur qu'utilisent aujourd'hui la plupart de nos studios hollywoodiens. Mme Berthiaume pourra vous parler plus tard du développement du multimédia et de notre expertise pour l'étranger.

Il est d'une grande importance, à notre avis, que l'État québécois ait à coeur de construire à partir de cette infrastructure existante, comme il est important que l'État québécois ait à coeur de miser sur cet atout que constitue notre habileté à produire aussi bien en anglais qu'en français. C'est de cette façon que le Québec pourra se doter le plus rapidement possible d'entreprises québécoises de taille respectable en mesure de s'imposer à l'échelle internationale et de faire rayonner notre culture comme notre savoir-faire.

La langue et la culture. Nous partageons l'avis de la commission à l'effet que le gouvernement du Québec a une responsabilité particulière, bien que, évidemment, non exclusive, en ce qui a trait à la promotion de l'usage du français sur l'inforoute. Le Québec a aussi une responsabilité non moins particulière et unique en ce qui a trait à la promotion de la circulation de produits culturels québécois sur cette inforoute. Nous suggérons que le gouvernement devrait, à cet égard, développer des stratégies sur deux fronts: le niveau international et le niveau national.

Au niveau international, le Québec devrait marquer clairement sa volonté de promouvoir sur une base plurilatérale l'utilisation du français sur l'autoroute mondiale de l'information. Pour ce faire, nous suggérons qu'il devrait, dans la foulée du Sommet de la francophonie à Cotonou, prendre le leadership de l'organisation d'un colloque international où l'on débattrait de la place de la langue française et des mesures conjointes à prendre pour assurer son utilisation optimale sur les inforoutes. Dans le cadre des ses relations internationales, le Québec devrait également explorer avec ses partenaires les moyens les plus appropriés pour favoriser l'interconnexion des sites nationaux des différents pays de la francophonie, et ce, tout particulièrement dans les secteurs touchant directement l'éducation et la culture: musées, bibliothèques, cinémathèques, universités, centres de recherche.

Au Québec même, l'État doit déployer tous les efforts pour assurer que les Québécois francophones auront accès le plus rapidement et aisément – au sens aussi bien technologique que financier du terme – à une masse critique de produits et services de qualité en français de même qu'à des produits qui reflètent plus spécifiquement l'identité et la culture du Québec moderne. À cet égard, l'APFTQ suggère les moyens suivants.

Premièrement, nous suggérons au gouvernement d'axer ses efforts et ses programmes sur le contenu plutôt que sur le contenant. Tout le monde s'accorde pour reconnaître que l'alimentation en contenus culturels de qualité des inforoutes constitue l'enjeu décisif pour le Québec. Les efforts financiers et les programmes d'aide de l'État québécois devraient donc être très prioritairement axés sur le contenu plutôt que sur l'infrastructure de distribution de manière à assurer la production et la circulation de contenus culturels de langue française abondants et de qualité dont une portion significative reflète notre identité et notre spécificité.

Deuxièmement, l'État devrait faciliter l'adaptation des entreprises unimédias au phénomène de l'inforoute et du multimédia, et ce, de façon à favoriser la consolidation des entreprises. Les entreprises québécoises de production audiovisuelle, de presse écrite et d'édition, de radiodiffusion, de production de disques, etc., ont démontré leur capacité de produire des contenus culturels de qualité qui ont su répondre aux attentes et retenir l'attention du public québécois. En fait, dans la plupart des secteurs des industries culturelles, des liens de complicité étroits sont tissés entre les oeuvres et le public d'ici, ce qui fait que les productions québécoises occupent souvent des parts de marché au Québec que leur envient non seulement les producteurs et créateurs du Canada anglais, mais aussi ceux de nombreux pays européens.

La meilleure façon de transposer ces acquis dans le champ des contenus culturels multimédias, c'est sans aucun doute de favoriser la transformation logique et naturelle des entreprises unimédias québécoises qui ont fait leurs preuves en entreprises multimédias. Ainsi, l'inforoute pourra facilement contribuer à la consolidation d'ensemble des entreprises culturelles québécoises. Une consolidation nécessaire si l'on veut que la culture d'ici puisse rayonner aussi bien à travers les véhicules traditionnels existants, qui demeureront encore et pour longtemps, ne l'oublions pas, les modes dominants de circulation et de consommation de produits culturels, comme à travers les nouveaux modes de distribution électronique qu'offrira l'inforoute.

Troisièmement, l'État québécois devrait favoriser l'émergence et le regroupement par thèmes de sites déjà existants ou en voie de l'être. Un des avantages de l'inforoute, qui peut en même temps apparaître comme un problème, c'est la surabondance d'informations à laquelle l'usager est confronté et dans laquelle il est souvent noyé. On assiste d'ailleurs depuis peu, dans le secteur culturel québécois, à une démultiplication des sites Internet, chaque institution, chaque entreprise, chaque association créant son propre site. Nous croyons que le gouvernement ferait oeuvre utile en favorisant le regroupement par thèmes de ces sites comme, d'ailleurs, l'établissement, chaque fois que cela est possible, d'un site unique pour l'ensemble des institutions culturelles ou d'éducation d'un secteur donné. Cela rendrait ces sites plus riches, attrayants et diversifiés, tout en facilitant la consultation par les usagers.

L'APFTQ appuie en outre plusieurs des propositions formulées par la commission dans son document de consultation, dont celle à l'effet de promouvoir la création d'outils de gestion de l'information et de navigation en français dans le cadre d'expériences-pilotes dans l'administration comme en partenariat avec des entreprises du secteur privé; celle à l'effet d'agir comme utilisateur modèle de l'inforoute en sa double qualité de fournisseur d'information et de dispensateur de services de façon à favoriser les échanges directs entre le gouvernement et les citoyens, de façon aussi à contribuer au développement d'une masse critique de contenus québécois et francophones; celle à l'effet de favoriser la présence de francophones aux tables de normalisation internationales et la présence de Québécois dans les forums internationaux sur la propriété intellectuelle et la coproduction – nous suggérons ici que ce soient des gens du milieu qui participent à ces forums – celle à l'effet de soutenir l'établissement à Montréal d'un pôle d'excellence en R-D, en matière de traitement informatisé des langues dans un environnement technologique plurilingue.

Concernant le droit d'auteur, comme l'indique fort bien la commission, les questions complexes concernant le respect et la rétribution de la multitude des droits de propriété intellectuelle qui sont impliqués lors de la production et de la diffusion de contenus multimédias sur l'inforoute ne pourront, compte tenu de la nature même de ce réseau de réseaux, être efficacement abordées et traitées que sur une base plurinationale. Dans ce contexte, nous invitons le gouvernement du Québec à prendre en compte, dans ses politiques propres comme dans ses interventions auprès du gouvernement fédéral, les conclusions et recommandations du groupe de travail de l'Organisation mondiale sur la propriété intellectuelle, l'OMPI, qui s'est penchée sur la protection du droit d'auteur dans le cadre de l'utilisation des nouvelles technologies.

Concernant l'accessibilité, nous partageons l'avis de la commission à l'effet qu'il faut absolument éviter la marginalisation, l'exclusion et l'accentuation de la fracture sociale qu'impliquerait une inforoute où seuls les mieux nantis seraient en mesure de circuler. Pour contribuer à éviter cet écueil, nous souhaiterions formuler trois suggestions: premièrement, l'instauration de points de service accessibles à tous gratuitement dans les locaux des bureaux de Communication-Québec ou autres; deuxièmement, l'interconnexion des institutions publiques, notamment le réseau des universités, les bibliothèques, les musées; troisièmement, l'établissement d'un partenariat public-privé pour l'instauration d'un réseau ouvert de distribution pour des sites à but non lucratif.

(21 h 20)

L'APFTQ ne dispose pas de l'expertise pour se prononcer sur les incidences générales qu'aura la mutation vers une économie du savoir sur les gains et pertes globales d'emplois dans nos sociétés. Une chose que nous savons toutefois et que nous avons souvent documentée dans nos mémoires antérieurs, c'est que les industries culturelles, en général, sont fortement créatrices d'emplois et que, parmi ces industries, le secteur de la production audiovisuelle est celui qui, de loin, crée le plus d'emplois pour chaque million de dollars investi. Ce sont pour la plupart des emplois qualifiés, bien rémunérés, gratifiants et souvent pour des jeunes.

Une autre chose que nous savons d'expérience, c'est que les changements technologiques qui nous affectent sont très rapides et que l'État comme les entreprises doivent être en mesure d'y réagir promptement. À cet égard, priorité devrait, à notre sens, être accordée à des programmes de formation ou de recyclage très bien ciblés et répondant à des besoins clairement identifiés. Les programmes de formation devraient être accessibles en priorité aux jeunes travailleurs et viser des secteurs d'activité en croissance. Quant au programme de recyclage, il devrait viser à faciliter les transitions d'emplois les plus rapides possible et l'adaptation progressive de la main-d'oeuvre à la nouvelle donne technologique.

L'éducation. Éducation et culture sont intimement liées. Elles sont les instruments qui permettent de faire d'un individu autrement isolé et déconnecté un citoyen à part entière, un citoyen en mesure de participer pleinement et en toute connaissance de cause au processus démocratique et à la vie en société, un citoyen en mesure de partager avec ses concitoyens une identité collective, un système de valeurs, des idéaux, des savoirs, des émotions, un sens de l'histoire comme une vision de l'avenir. Une grande part du devenir économique, social et culturel de la société québécoise se joue donc à l'école, comme une grande part de ce devenir se joue dans ces formidables instruments de cimentation de la cohésion sociale que sont les produits culturels véhiculés par la télévision, la presse écrite, la radio, le cinéma, l'édition et, demain, l'inforoute. C'est d'ailleurs particulièrement vrai dans le cas de la société québécoise, cet îlot majoritairement francophone noyé dans un continent nord-américain de 250 000 000 de personnes parlant anglais.

Lors de son discours sur le budget, le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances, M. Landry, soulignait qu'«une société matériellement riche et culturellement pauvre est globalement pauvre. Ce n'est pas l'idéal québécois», disait-il. Nous croyons sincèrement que ce qui vaut pour la culture vaut aussi pour l'éducation. L'État québécois a donc la responsabilité fondamentale de s'assurer que son système d'éducation ne ratera pas le bateau et saura s'adapter aux nouvelles exigences d'une société en mutation. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire de toute une génération de jeunes Québécois des analphabètes informatiques et télématiques, car ces jeunes se verraient alors privés des outils dont ils auront besoin pour s'épanouir comme individus comme pour affronter les réalités du monde du travail.

Il est donc impératif – et nous terminerons là-dessus – de faire un choix de société clair et de se donner collectivement les moyens de parvenir à atteindre les objectifs élevés de développement culturel et éducatif même si ce choix est déchirant et oblige à réduire les ressources que l'État consacre à d'autres sphères d'activité. Nous invitons ardemment la commission à utiliser tout son poids et son influence pour que la nécessité de réaliser ce choix de société indispensable ressorte des recommandations de ce rapport. Nous vous remercions de votre attention et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Pas trop long: 20 minutes.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme D'Amours pour la qualité, la facture de votre mémoire. Je donne la parole à M. le député d'Outremont.

M. Laporte: M. le Président, disons que je serais ravi que des représentants du gouvernement prennent la parole avant moi cette fois-ci. Ça me donnerait peut-être le temps de...

Le Président (M. Gaulin): D'accord. Alors, Mme la députée...

M. Laporte: À cette heure-ci, je suis peut-être un peu moins agile que plus tôt.

Le Président (M. Gaulin): On comprend ça. Alors, peut-être que vous voudrez revenir ensuite. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Je n'ai aucune prétention quant à mon agilité, M. le député d'Outremont, par rapport à la vôtre, mais je vous laisse prendre votre café.

Bien, c'est à mon tour de vous remercier pour cette présentation. Vous évoquez l'importance d'avoir un colloque international où on puisse débattre de questions concernant la place de la langue sur les autoroutes et vous dites que le Québec devrait avoir le leadership de ce colloque. J'aimerais vous demander, comme première question: Est-ce que vous situez ça dans un horizon assez proche? Et vous verriez qui comme acteurs dans ce colloque international?

Mme D'Amours (Suzanne): Bien, en fait, c'est sûr que, quand on parle de colloque international, il faudrait que ce soit dans un avenir assez rapproché parce que le train est parti depuis un certain temps, et il faut vraiment être prêt à le prendre. Donc, ça peut être dans le cadre de différentes organisations, ou encore de marchés, ou encore organisé spécifiquement pour ça. Je sais que les gens vont se rencontrer dans le cadre de l'OMPI. Évidemment, ce seront donc les gouvernements qui vont discuter des droits d'auteur, mais, parallèlement à ça, il pourrait y avoir une rencontre des différents pays francophones pour faire des coalitions, préparer l'importance qu'aura la place du français, par exemple, sur les autoroutes, pour pouvoir parler peut-être d'entreprises qui peuvent faire des coproductions ou des choses comme ça. Mais je pense que ça devrait être nous qui prenons le leadership de ça, de s'assurer qu'on pourra apporter nos préoccupations, et je pense que nous sommes en avance sur les autres à ce niveau-là.

Mme Malavoy: C'est ça que j'allais vous demander: Est-ce que vous pensez qu'on a une réputation telle qu'on puisse exercer ce leadership?

Mme D'Amours (Suzanne): Claude.

M. Dugas (Claude): Oui. Au point de vue technologique, le Québec, de par la proximité des États-Unis, a développé une expertise très intéressante au niveau de l'autoroute de l'information, en ce qui concerne l'Internet, le multimédia, entre autres. Au niveau du développement du contenu, on a aussi une très bonne réputation. Si on sort du cadre de l'industrie du multimédia, ou de l'Internet, ou des communications en général, si on parle au niveau politique en général, si on regarde les différents pays de la francophonie, je pense que, si le Québec décidait de sponsoriser un projet de ce type-là, ce serait beaucoup plus acceptable pour les autres pays de la francophonie que si c'était la France, entre autres. Il y a certains liens communs, il y a certaines attaches entre le Québec et différents autres pays de la francophonie, ce qui fait que ça nous donne une position tout à fait privilégiée.

Mme Malavoy: Autre question: Vous nous demandez, comme gouvernement, d'axer nos efforts plus sur le contenu que sur le contenant. Personnellement, je suis assez gagnée à cette idée, mais j'aimerais quand même que vous fassiez d'abord une évaluation de ce qu'on a fait jusqu'ici. Est-ce que vous trouvez qu'on est trop allé du côté des contenants? Est-ce que vous voulez qu'on rééquilibre les choses? J'aimerais que vous précisiez un peu aussi ce que vous mettez dans la notion de contenu? Parce que, sur le fond, spontanément, j'ai envie de vous suivre, mais, pour être sûre de vous suivre dans la bonne direction, j'aimerais vous entendre un peu plus.

Mme D'Amours (Suzanne): Ce dont on se rend compte, c'est qu'il y a eu des subventions ou encore des aides financières accordées à des projets pour le contenant, c'est-à-dire tout ce qui est de quincaillerie...

Mme Malavoy: L'infrastructure.

Mme D'Amours (Suzanne): ...filage, etc., les infrastructures, et tout, et, maintenant, il y a un fonds de l'autoroute de l'information qui semble vouloir être axé plus sur le contenu. Quand j'entends contenu, le contenu, c'est le logiciel. C'est donc créer les logiciels. C'est ce qu'on met sur cette autoroute-là, donc les images, le son...

Mme Malavoy: Les textes.

M. D'Amours (Suzanne): ...et les textes. Alors, c'est ce qu'on entend par contenu.

M. Dugas (Claude): Ce qui constitue l'autoroute actuellement, c'est des machines, c'est des instruments, c'est de la mécanique. C'est très beau, c'est très spectaculaire, mais ce que la mécanique, les machines montrent comme image, comme information, publicisent comme information n'est pas nécessairement intéressant. On est rendu à un point où, pour vraiment faire accrocher tout le monde sur ce qu'est l'autoroute de l'information, pour vraiment commencer à développer ça comme étant un secteur profitable, il faut mettre du matériel intéressant, et il y a beaucoup d'efforts à faire à ce niveau-là.

Mme Malavoy: Est-ce que j'ai le droit à une autre question?

Une voix: Bien sûr.

Mme Malavoy: Au chapitre de l'accessibilité, je trouve que vous nous donnez de très bonnes pistes, sur les suggestions que vous nous faites. Il y en a une, la troisième, sur laquelle j'aimerais que vous fassiez des commentaires un peu plus précis. Bon, la première, c'est utiliser Communication-Québec. Je pense que c'est une excellente idée. La deuxième, elle a été évoquée assez souvent dans ce qu'on a entendu, particulièrement en ce qui concerne le réseau des bibliothèques publiques, qui devraient être mises à contribution. Et vous parlez, troisièmement, de l'établissement d'un partenariat public-privé pour l'instauration d'un réseau ouvert de distribution pour des sites à but non lucratif. C'est en page 12 de ce que vous avez dit maintenant, et ça se retrouve ailleurs dans votre mémoire. Ce partenariat public-privé, j'aimerais que vous m'en expliquiez un peu mieux la combinaison et puis le produit aussi. Ça fonctionnerait comment? Les sites seraient où? Ça mettrait en... En faisant ce qui est qui...

(21 h 30)

M. D'Amours (Suzanne): En fait, l'accessibilité, c'est parce que nous pensons que des sites qui sont des sites faits à but non lucratif, par exemple, devraient êtres offerts par le secteur privé, donc qui fournit la ligne, qui fournit le réseau de... Qu'on offre ce service gratuitement pour ces sites-là, qui sont des sites sans but lucratif, pour permettre justement l'accessibilité à un plus grand nombre de gens... d'avoir accès à ces sites-là. Alors, c'était ce partenariat qu'on peut retrouver avec le secteur privé qui pourrait... Je pense à Bell, je pense à Vidéotron qui le fait déjà pour certaines écoles. Alors, il pourrait y avoir, donc, accessibilité directe avec des lignes qui seraient dédiées, mais pour ces sites-là particulièrement.

Mme Malavoy: Ça va. Ça va pour le moment.

Le Président (M. Gaulin): Merci. Mme Berthiaume.

Mme Berthiaume (Sylvie): Je pousserais peut-être un petit peu plus loin, si vous le permettez, au niveau de l'accessibilité en citant peut-être un exemple qui est peut-être à reprendre pour nous aussi au niveau du Québec, c'est l'exemple de McKenna qui a fait la promesse que, d'ici l'an 2000, tous auraient accès à l'Internet. Et ça, c'est peut-être une initiative qu'on croit très heureuse. C'est bien entendu que de penser que tout le monde demain matin sera branché à la maison sur l'Internet, c'est peut-être un petit peu audacieux, mais je pense qu'il faut se fixer des limites. On le disait, puis on ne le dira jamais assez: Ça va vite, le multimédia, ça va très vite, l'inforoute. Je pense qu'il faut prendre les rênes de ce train-là, et c'est peut-être dans ce genre d'initiative là qu'on serait assez concret pour dire aux gens: Voici, on fait un pas en avant et on rend accessible à tous, d'ici telle date, l'inforoute.

Mme Malavoy: Le grand défi pour nous, ça va être d'attirer les gens. C'est sûr qu'il y a des consommateurs d'Internet – on en avait tout à l'heure tout à fait passionnés et très intéressants – mais il y a un certain nombre de personnes qui ne savent à peu près pas lire et écrire, qui ne fréquentent pas les bibliothèques, qui ne fréquentent pas Communication-Québec non plus, qui ne fréquentent pas les écoles et qui, si on ne trouve pas le moyen de les intéresser à cet univers, vont être de plus en plus marginalisées. Ça va être ça, une partie du défi, trouver des façons d'attirer dans cet univers des gens qui, pour le moment, en sont exclus, ou s'en excluent eux-mêmes faute d'en connaître l'intérêt.

M. Dugas (Claude): Il s'agit de rendre la chose intéressante. Vous aviez le même problème avec le téléphone, vous aviez le même problème avec la télévision; aujourd'hui, tout le monde a une télévision, tout le monde a un téléphone. Il s'agit, pour un gouvernement, de développer une vision, de faire partager la vision au reste de la population et de mettre en place un cadre qui permettrait aux gens de vraiment profiter de cette vision-là. Quand le téléphone a fait son apparition, il y a beaucoup de gens qui hésitaient à l'utiliser, certains pensaient que c'était un engin diabolique. Il y a des choses qui ont été faites afin d'en faciliter l'accès et l'utilisation. C'est la même chose au niveau de l'Internet, l'Internet qui, éventuellement, va devenir invisible. Les gens vont être sur Internet à longueur de journée. Leurs appareils ménagers à la maison vont utiliser des programmes qui vont être sur l'Internet d'une manière tout à fait naturelle, cachée, invisible, et les gens ne sauront même pas qu'ils auront accès à l'Internet, ça va devenir un outil tout à fait invisible que l'on va utiliser dans le quotidien.

Mme Malavoy: Moi, j'aimerais vous croire. Mais on peut être analphabète et téléphoner et regarder la télévision. Je ne pense pas qu'on puisse être analphabète et naviguer sur Internet. Pas encore, en tout cas. Je pense que l'écart est quand même... Tu sais, on ne peut pas le nier.

Une voix: Il y a les enfants.

Mme D'Amours (Suzanne): Justement, c'est ce que je pensais, de donner l'exemple de ton fils qui a trois ans, et ça...

Mme Malavoy: Vous avez un fils surdoué, non?

Mme Berthiaume (Sylvie): Non, au contraire, j'ai pensé, justement, qu'il était peut-être moins vite que les autres, parce que j'ai commencé il avait trois ans et deux mois. Vous savez, c'est ce qu'on fait dans la vie, je suis producteur multimédia, et on m'avait dit qu'il y avait des enfants de un an et demi, deux ans qui déjà commençaient à cliquer. J'étais très sceptique jusqu'à ce qu'on se procure à la maison le CD-ROM et qu'il commence à jouer sur Adibou, et je vous dirais que, le matin, le samedi matin, Adibou, qui est un programme interactif et d'éducation, c'est notre grand sauveur, ça nous permet de dormir une heure de plus. Et je ne me sens pas coupable parce que ce n'est pas la télé, que c'est interactif et qu'il apprend, cet enfant-là, à compter, un, deux, trois, quatre, cinq. Alors, je pense qu'on a peut-être, nous, des réticences beaucoup plus grandes et que, si on les prenait à la base, ciel, qu'on ferait du millage avec ça!

M. Dugas (Claude): Peut-être juste une dernière précision au niveau de l'exemple de McKenna. On ne s'attend pas à ce que le gouvernement paie l'accès de tous les gens dans l'Internet, on s'attend à ce que le gouvernement mette en place un cadre. Les entreprises privées peuvent participer à ce cadre-là. C'est l'idée, c'est la vision.

Le Président (M. Gaulin): Vous avez cité l'exemple de McKenna, du Nouveau-Brunswick, il me semblait que... je ne sais plus quel groupe nous a justement dit que ce n'était pas un exemple à imiter. Pas le fait de vouloir rendre accessible...

Une voix: Paul-André Comeau.

Le Président (M. Gaulin): C'était Comeau, justement, qui donnait ça. Mais à quel titre il donnait ça, Mme la députée de Sherbrooke?

Mme Malavoy: Parce qu'il n'y avait à peu près pas de préoccupation de protection de la vie privée.

Le Président (M. Gaulin): De contenus.

Mme Malavoy: Non, je pense que c'est au plan de la sécurité des données, de la circulation des données. C'était une approche très déréglementée, ce dont je me souviens.

Le Président (M. Gaulin): Ça va. Moi, avant de peut-être donner la parole au député d'Outremont, je voulais vous dire que la manière dont vous voyez l'éducation est très intéressante, en fait. Et vous voyez l'inforoute, enfin, Internet, comme un instrument non seulement de sociabilisation – à l'heure qu'il est, c'est difficile à dire – mais aussi comme un instrument, j'allais dire de «cimentage» ou de «cimentement» des citoyens. Vous dites: On fait, par l'éducation et la culture, un citoyen à part entière – et c'est là que vous insistez beaucoup, je pense, au niveau des contenus, par la culture et l'éducation – en mesure de partager une identité collective, un système de valeurs, des idéaux, des savoirs, des émotions. C'est très important, ça aussi, parce qu'on nous a parlé beaucoup cet après-midi de l'autoroute en termes tout simplement de communication des esprits, comme si on n'avait pas de corps.

Mme D'Amours (Suzanne): Dans le contenu, on peut véhiculer autre chose aussi.

Le Président (M. Gaulin): C'est ça, oui. Moi, je voulais juste peut-être vous poser une petite question. Vous dites, à la page 7, qu'on doit davantage se soumettre à des produits... pas se soumettre, mais enfin, qu'on souhaite accentuer l'ouverture à des produits qui reflètent plus spécifiquement l'identité et la culture du Québec moderne. Vous le définissez comment, le Québec moderne? À partir d'une période donnée? Les années quarante? Puisque vous êtes en cinéma, vous savez fort bien que, même si un film est très récent, il remonte souvent à l'imaginaire de 30 ans derrière.

Mme D'Amours (Suzanne): Le Québec moderne, on est dans une ère tout à fait... On entre dans le XXIe siècle, on a accès à toutes ces nouvelles technologies qui vont nous permettre justement de communiquer avec le monde très rapidement. Alors, c'est ça, le Québec moderne, c'est d'être capable d'entrer dans une ère où on pourra avoir accès à ça. On pourra véhiculer notre culture, on pourra véhiculer nos messages. C'est ça, le Québec moderne. Je ne parle pas du Québec... Pour moi, ce n'est pas entre 1950 et 1996, c'est aujourd'hui. Pour moi, c'est ça, le Québec moderne.

Le Président (M. Gaulin): Vous parlez de la possibilité de diffuser ce qu'on est maintenant...

Mme D'Amours (Suzanne): Oui. On est maintenant ce qu'on est par ce qu'on a été aussi. Moi, j'approche de la cinquantaine, j'ai passé 20 ans et j'ai eu tout ça, c'est ce qui fait que...

Le Président (M. Gaulin): On n'est jamais actuellement que ce qu'on a aussi été.

Mme D'Amours (Suzanne): Exact. C'est ce que je disais.

Le Président (M. Gaulin): Vous êtes là toute entière, même s'il y a des couches en vous qui sont moins évidentes. Mais peut-être un souvenir, une sensation, une odeur, et voilà que tout remonte.

Mme D'Amours (Suzanne): Voilà. Alors, c'est ça. Le Québec moderne, je le vois comme ça.

Le Président (M. Gaulin): On est rassurés. Merci. M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Mme Berthiaume, votre enfant n'est pas unique ou exceptionnel, mes petits-enfants sont exactement comme ça, c'est-à-dire que je ne suis plus capable de leur parler au téléphone parce que leur mère me dit: Ils pitonnent, ils sont sur Windows, ils font des jeux.

Mme Berthiaume (Sylvie): Ça m'a rassurée, en fait, de le sentir bien normal.

M. Laporte: Évidemment, c'est un peu la même chose pour eux, c'est-à-dire qu'ils évoluent dans un environnement familial où le niveau de sophistication par rapport à la technologie est très élevé. C'est ça. Vous, vous êtes une «parraine» exceptionnelle là-dessus, alors que ce n'est pas nécessairement ce qui peut arriver chez tout le monde. Je pense que, si on y mettait, disons, l'effort dans les milieux communs, dans les milieux scolaires, on aurait des résultats pas mal convaincants.

(21 h 40)

Moi, la question que je veux vous poser, c'est... Vous savez, vous n'êtes pas les seuls à nous dire qu'il faut mettre l'accent sur le contenu. Tout le monde me semble avoir bien accueilli notre document d'orientation là-dessus. Mais la question que je me pose, toujours en vous écoutant, c'est si, comme vous le souhaitez, il faut mettre l'accent sur le contenu, est-ce que vous avez des suggestions à nous faire concernant les priorités que pourraient se donner les fournisseurs de contenus et les stratégies que pourraient adopter les fournisseurs de contenus? À quels contenus devrait-on accorder la priorité? Est-ce qu'il faut, disons, dans le cas de la politique étatique, subventionner les initiatives mur à mur, ou s'il y a des créneaux, ou des styles de produits, ou des modes de produits, ou des types de produits qui vous paraîtraient prioritaires?

Mme Berthiaume (Sylvie): Vous savez, si on se base sur l'expérience qu'on a des jeunes enfants, je pense qu'on doit d'abord tabler sur l'éducation, la formation. C'est sûrement là où il faut commencer. On le sait tous, présentement l'inforoute est probablement plus commerciale qu'autre chose. C'est peut-être là où le bât blesse. Je pense que les gens ont peut-être une mauvaise perception de l'inforoute au moment où on se parle parce que l'information qui y est présentée n'est pas nécessairement très forte. On est reconnus en effet, le Québec, pas juste au niveau de la formation et de l'éducation, pour être créatifs. On est reconnus comme étant des producteurs qui se distinguons et qui allions l'Amérique et l'Europe. Alors, souvent on se fait dire: Vous êtes des producteurs «améropéens», et c'est un beau compliment.

Alors, je pense qu'on réussit à allier les gens de l'Europe, les gens de la France, les gens des États-Unis. D'ailleurs, on transige avec tous ces gens-là régulièrement, et, quand ils viennent de plus en plus au Québec... Et là on se fait approcher de plus en plus par les entreprises même de Los Angeles, de la France et d'un peu partout parce qu'elles reconnaissent qu'on a ce petit côté où on les comprend. On comprend tout le monde. Mais on est bien situé, au Québec, pour ça: on comprend les Anglais d'Angleterre, on comprend les Français, et tout. Alors, dans ce sens-là, ça fait longtemps qu'on fait aussi des adaptations. On est spécialisés dans ce secteur-là aussi au niveau de la production. Alors, il faut tabler là-dessus, je pense qu'il faut dire à l'étranger: On est forts au niveau de la créativité, on est forts au niveau de la technologie aussi. Je pense que, si on voulait faire du Québec la plaque tournante, on serait en mesure de le faire. Je pense qu'il y a une volonté au niveau des producteurs aussi. Alors, si on veut le faire, je pense qu'on a les outils pour se donner les moyens et – je ne le dirai jamais assez, je suis contente qu'on soit venus en train – le train, il est en marche. Alors, ma seule crainte, ça fait un an, chez nous, qu'on fait du multimédia et on court après le train, et on est quand même des initiateurs. Alors, il faut prendre des initiatives. Mais on a tout en main, le Québec a de belles ressources.

Là, par contre, où je m'embarque peut-être un peu loin, puis vous me ramènerez, c'est qu'on a des ressources au niveau de la production linéaire. On est des producteurs de films, on est des producteurs de séries de télé, puis, vous le savez, les cotes d'écoute sont excellentes au Québec. Quand on embarque, on est intenses, les Québécois. Alors, il y a une façon de procéder, il y a une façon de faire au Québec déjà au niveau de la production.

Au niveau multimédia, c'est tout à faire, et là, madame, ici, on a besoin d'aide. C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'au niveau de la formation on a un si grand besoin. On a pensé... Moi, j'ai pensé, la première, on a une entreprise – ça fait presque 15 ans – qui est dans le marché, donc on est bien établis, et on a pris des ressources, les meilleures ressources au niveau de la conception, puisqu'on est bien forts là-dedans, au niveau de la scénarisation, et on s'est dit: Ça va être des scénaristes incroyables pour le multimédia. Eh non! Ça ne fonctionne pas comme ça. Ça ne veut pas dire que les gens, même s'ils ont une bonne volonté, même s'ils sont excellents dans le linéaire, ce qu'on appelle le traditionnel, sont nécessairement bons au multimédia. Et là, dans les petites entreprises, ou les moyennes entreprises de productions multimédias, ça devient un problème parce qu'il faut les former ces gens-là. Il faut les former sur le tas parce qu'ils n'existent pas... Alors, tant à ce niveau-là qu'au niveau de la gestion des producteurs multimédias, de bons gestionnaires de projets multimédias, il n'en pleut pas. Et ces gens-là aussi, il faut les former, ce n'est pas la même mentalité. Vous savez, quand c'est un nouveau secteur, en production vidéo ou en production film, on doit quand même former nos clients. Tous les jours on forme nos clients, on les éduque, on leur dit comment ça fonctionne, parce que les gens ne savent pas comment ça fonctionne, la production. C'est bien «glamour», mais ça demeure très loin, et ils voient à l'écran. C'est tout.

Alors, au niveau du multimédia, on doit être encore plus ferrés pour éduquer les gens, parce qu'ils ne connaissent pas l'Internet, ils ne connaissent surtout pas non plus le multimédia. Tout ce qui est interactif est très «glamour», ils ont le goût d'embarquer, mais ils ne le savent pas. De là le besoin pour les producteurs et les gestionnaires d'entreprises multimédias d'être très ferrés et très connaissants, sinon on va encore une fois mal les orienter ou ne pas les orienter... en tout cas, ça ne nous servira pas. Alors, tous les jours, pour les petites entreprises et les moyennes entreprises de productions multimédias, on fait de la formation. Et ça, c'est, vous le savez, «time consuming» – que je le dise en français, aide-moi – ...

Mme D'Amours (Suzanne): Consommation.

Mme Berthiaume (Sylvie): ...consommateur de temps, beaucoup d'énergie. Et on a un grand besoin, le Québec, comme partout ailleurs, mais, là, pensons à nos propres intérêts d'abord.

M. Dugas (Claude): L'équation est assez simple. Tantôt, on parlait de faire du français vraiment, donner une présence intéressante au français sur la fameuse autoroute de l'information. Il faut réaliser que toute l'information, c'est une convergence de plusieurs technologies. Au niveau de production, ça veut donc dire des modes de production tout à fait différents. En ce moment, c'est très difficile de pouvoir produire du matériel intéressant pour l'Internet ou pour la future autoroute de l'information parce qu'on n'a pas les ressources disponibles. Quand on embauche un étudiant qui sort de l'université, quand j'embauche quelqu'un pour travailler sur un projet actuellement, si je faisais un pont, c'est comme si j'embauchais un ingénieur qui n'a pas fini ses deux dernières années d'université. C'est la même chose que ça. J'embauche des gens au niveau de la production multimédia qui ne sont pas formés. Je remplace le ministère de l'Éducation, je complète les deux dernières années de bac de l'étudiant en question sur la job, au travail, parce que, en ce moment, le ministère n'est pas capable de répondre à ce besoin-là. Ce qui est tout à fait normal, le ministère n'a pas encore eu le temps de réagir. Mais le ministère va devoir réagir très, très rapidement. C'est des coûts énormes pour les producteurs. La technologie avance tellement rapidement en ce moment que c'est des coûts énormes que les producteurs ne pourront plus se permettre très bientôt. Et ça va affecter la qualité de la production, la qualité du contenu, et ça va affecter la présence du français sur la fameuse autoroute de l'information. Tout ça est intimement relié.

M. Laporte: Comme le disait Mme Berthiaume tantôt en utilisant l'exemple du Nouveau-Brunswick, ce qui manque, c'est un effet d'enlignement, c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait un objectif qui soit donné et que le système institutionnel s'enligne sur l'objectif en question. C'est ce que vous nous dites finalement.

Mme Berthiaume (Sylvie): Qu'on se donne les moyens, tout à fait.

M. Laporte: En l'absence de cet enlignement-là, c'est vous qui jouez le rôle de l'école, finalement. Avez-vous le goût de jouer le rôle de l'université dans le domaine de la production multimédia? Vous êtes obligé de former votre personnel. Comme vous dites, vous travaillez avec des ingénieurs qui n'ont pas fini leurs deux dernières années.

M. Dugas (Claude): C'est l'équivalent. C'est l'équivalent de quelqu'un qui n'a pas fini ses études.

M. Laporte: C'est ça.

M. Dugas (Claude): Et le gouvernement n'a pas besoin... le Conseil des ministres, les différents ministères n'ont pas besoin d'être des spécialistes de l'inforoute.

M. Laporte: Non, non.

M. Dugas (Claude): Quand Kennedy a envoyé quelqu'un sur la lune, lui, il n'était pas cosmonaute, il a dit: On s'en va sur la lune, on va marcher dessus puis ça va se faire, et il y a eu un mouvement. C'est la même chose au niveau de l'inforoute.

Mme Berthiaume (Sylvie): Vous savez, il y a un autre endroit où on est beaucoup, beaucoup sollicités, où on doit faire beaucoup d'investissements, c'est au niveau des foires d'information. Vous le savez probablement, et vous êtes probablement aussi sollicités qu'on l'est, on doit recevoir en moyenne, les producteurs, au moins trois brochures d'invitation pour courir les foires dans le monde sur les incidences de l'inforoute, ou la venue de l'Internet, ou l'Internet en milieu du travail ou au niveau de l'éducation, etc., et on ne peut pas dire non à toutes ces foires-là, parce qu'elles sont importantes pour le secteur du multimédia et de l'Internet présentement..

En fait, moi, je suis ici pour représenter les producteurs. Alors, ce qu'on entend, c'est que c'est très lourd pour les producteurs multimédias présentement de donner cette formation-là en envoyant des gens, que ce soit au Milia, à Cannes, ou que ce soit à San Francisco, ou autres. Alors, c'est des gros déboursés, toujours dans le but de former. Alors, c'est peut-être un des endroits où, moi, je voudrais mettre le plus d'emphase.

Mme D'Amours (Suzanne): Comme vous le voyez, la réponse qui nous a été adressée était: Est-ce qu'on doit subventionner? Quel type de contenu on devrait subventionner? Et, nous, on dit: Ce dont on a besoin, c'est de la formation. On a besoin d'être supporté dans la formation. Alors, à partir du moment où on aura des gens qui seront capables de faire un contenu, qu'on sera en mesure d'avoir tout ce qu'on a, il est évident qu'on envisagera peut-être d'avoir un support à la production. On en a déjà, il y a un crédit d'impôt qui a été instauré, qui va probablement aider beaucoup à la production multimédia. Et on peut aussi utiliser des produits qui ont déjà été tournés pour le film, ou encore pour des documentaires, ou des choses comme ça, qui pourront être réutilisés. Ça pourrait aussi être un autre marché pour nos produits.

(21 h 50)

Alors, je pense que le message qu'on doit laisser ici ce soir, c'est de s'assurer qu'on est prêt à prendre ce virage-là, qu'on est prêt aussi à ce que les jeunes puissent s'engager dans ce nouveau média qu'on connaîtra... c'est déjà en place, mais que les jeunes devront connaître, et c'est le moment ou jamais de le faire. On espère que vous convaincrez vos collègues du Conseil des ministres d'y aller rapidement.

Mme Berthiaume (Sylvie): Si tu me permets, Suzanne. Vous savez, la beauté du multimédia et de ses incidences et de la venue de cette nouvelle façon de communiquer, c'est que ça implique beaucoup de monde – les gens de l'ADISQ étaient là présents avant nous – et, lorsqu'on produit des produits multimédias, on a de la musique, alors on engage des musiciens, on engage des producteurs de musique, on engage des graphistes, on a des...

Mme D'Amours (Suzanne): Des comédiens.

Mme Berthiaume (Sylvie): ...je les appellerais des «nerds», pour que vous les replaciez, mais on a des gens qui sont très techniques et tout, on a des comédiens. Le multimédia, c'est dommage, ça a été, comme la qualité totale, galvaudé. Ça a été utilisé à beaucoup de sauces, le multimédia. Mais, dans le contexte où on l'utilise aujourd'hui, ça regroupe et ça intègre tellement de domaines et de secteurs qui sont à la fine pointe et qui sont en pleine émergence. C'est ça, je pense, la beauté, et c'est pour ça que c'est un secteur à encourager.

Mme D'Amours (Suzanne): L'économie nouvelle.

Le Président (M. Gaulin): M. le député de Champlain.

M. Beaumier: Oui, rapidement, M. le Président. Quand j'ai demandé la parole, tantôt, c'était avant les quelques dernières interventions qui ont eu lieu puis que j'ai beaucoup appréciées. Pour vous dire que j'ai peut-être compris. Est-ce que, dans l'orientation – vous représentez des producteurs, productrices de films et de télévision – est-ce que je comprends bien que bientôt ce sera l'Association des producteurs de films, de télévision et de multimédia?

Mme D'Amours (Suzanne): Nous avons des producteurs qui sont membres chez nous qui font du multimédia. Quand on dit de favoriser l'émergence de nouvelles maisons de production qui vont partir de l'unimédia pour continuer avec d'autres produits qui seront des produits multimédias, c'est ce qu'on connaît. Sylvie en est la preuve: il y a trois ans, tu ne faisais pas de multimédia, aujourd'hui, tu en fais.

Mme Berthiaume (Sylvie): En fait, moi, je me suis toujours sentie un peu lésée là-dedans, vous savez, parce qu'on fait des communications corporatives, et l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec, ça recouvre beaucoup plus que des producteurs de films et de télévision. Alors, pour répondre à votre question, ça recouvre l'infopublicité, ça recouvre la production vidéo, les documentaires, les films publicitaires et, bien entendu, le multimédia. Donc, l'Association représente la production au Québec.

M. Beaumier: Mon intervention, ce n'était pas tellement pour voir sur l'Association comme telle, mais c'était sur l'élan qu'il y avait. Parce que des perceptions primaires qu'on a pu avoir – je ne donne pas ça à tout le monde mais à moi-même – c'était que la télévision, le film, Internet, l'informatique, c'étaient des arts qui finissaient par se concurrencer, qui finissaient peut-être par se tasser les uns et les autres. Mais, au fond, c'est en train de s'intégrer d'une façon merveilleuse à ce niveau-là.

Mme D'Amours (Suzanne): Non, c'est de l'intégration, tout à fait, comme le disait Sylvie tout à l'heure, de la musique, de l'image, de la programmation informatique, de l'interaction.

M. Beaumier: Même quant à la consommation, les gens qui vont faire du multimédia, ça va les inviter peut-être à voir davantage de films, aussi, à ce niveau-là.

Mme D'Amours (Suzanne): Oui, ou l'inverse aussi. L'émission pour enfants, par exemple, pour laquelle on aurait pensé un programme multimédia sur un CD-ROM, ou encore qui pourrait être véhiculée sur l'autoroute de l'information, les enfants vont regarder l'émission, vont vouloir avoir le CD, vont pouvoir... un va aller...

M. Beaumier: C'est englobant, toutes ces choses-là.

Mme D'Amours (Suzanne): Ce n'est pas en compétition, au contraire, c'est en interaction, oui.

M. Beaumier: On a un bel avenir. Merci bien.

Mme D'Amours (Suzanne): Je pense que oui.

Le Président (M. Gaulin): Bien, il aurait peut-être été intéressant de définir à quel niveau vous voulez la formation. Est-ce que c'est l'ensemble du réseau scolaire qui doit la donner ou bien s'il doit y avoir des formations ad hoc à des niveaux techniques soit au secondaire ou au collégial?

M. Dugas (Claude): C'est à plusieurs niveaux et c'est simultané, et ça doit se faire très rapidement, c'est très condensé.

Le Président (M. Gaulin): Ça peut être condensé.

Mme Dugas (Claude): Au niveau scolaire, je pense qu'il est essentiel d'équiper les écoles avec des ordinateurs adéquats. On ne parle pas d'ordinateurs extrêmement puissants.

Le Président (M. Gaulin): O.K. Il suffirait d'être initié largement.

M. Dugas (Claude): Au niveau des entreprises, il y a à mettre en place un cadre fiscal, peut-être encourager les systèmes coopératifs. Je pense à l'Université de Sherbrooke, qui fonctionne trois mois à l'école, trois mois en milieu de travail.

Il y a l'amélioration des connaissances en milieu de travail comme tel. Je donne un exemple. On a envoyé tout récemment des programmeurs participer à une conférence à New York, en ce moment, Netscape – ils étaient là il y a trois mois, ils sont là aujourd'hui – et ils réalisent que, dans trois mois, ils vont devoir y retourner pour pouvoir accumuler un bagage d'informations supplémentaires. Au niveau de l'entreprise, au niveau des employés formés, on parle même de sommes à investir pour améliorer leur formation d'une manière continue et d'une manière très rapide. Il y a des choses à faire à ce niveau-là aussi. Est-ce que c'est des subventions? Est-ce que c'est un cadre fiscal? Est-ce que c'est des incitatifs? Je ne le sais pas, mais il y a quelque chose à développer à ce niveau-là aussi.

Le Président (M. Gaulin): Alors, Mme D'Amours, Mme Berthiaume, M. Dugas, je vous remercie beaucoup d'être venus nous rencontrer. Nous ajournons les travaux de cette commission jusqu'à mardi matin. Si vous voulez être là, nous recevrons Bell Canada et Québec-Téléphone. Alors, bonne fin de semaine.

(Fin de la séance à 21 h 56)


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