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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 25 septembre 2001 - Vol. 37 N° 16

Auditions sur la Société de la Place des Arts de Montréal et la Société du Grand Théâtre de Québec dans le cadre du mandat de surveillance des organismes publics


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures huit minutes)

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très chers amis, je constate que nous avons le quorum et j'aimerais donc d'ores et déjà déclarer cette séance de travail ouverte. Et je m'empresse de souhaiter la bienvenue à toutes et à tous et en particulier à ceux qui se joignent à nous via la télévision.

Alors, comme vous le savez, notre mandat aujourd'hui est d'entreprendre les auditions publiques, dans le cadre du mandat de surveillance d'organismes, sur la Place des Arts de Montréal et le Grand Théâtre de Québec.

J'aurais, avant d'aller un peu plus loin, quelques remarques préliminaires à vous transmettre. Comme vous le savez, nous entreprenons cet après-midi des auditions publiques qui s'inscrivent dans la mission même de contrôle de l'activité gouvernementale qui échoit aux commissions parlementaires. Celles-ci ont en effet un pouvoir de surveillance sur les ministères et organismes qui relèvent de leur champ de compétence.

En ce qui concerne la commission de la culture, il y a près de 30 organismes qui relèvent de notre pouvoir de surveillance. Ainsi, au cours des 18 derniers mois, notre commission, qui d'ailleurs s'active très fort de ce temps-ci, s'est penchée sur les activités, la gestion et les orientations de plusieurs organismes qui relèvent de sa compétence. La Société de développement des entreprises culturelles, le Conseil des arts et des lettres du Québec, le Conseil des aînés, Télé-Québec, la Commission d'accès à l'information ainsi que la Grande Bibliothèque du Québec.

C'est en ce sens que les membres de la commission ont choisi de s'intéresser à la Place des Arts de Montréal et au Grand Théâtre de Québec. Au cours de nos travaux, nous aurons à nous pencher sur plusieurs questions importantes telles que le contenu des plans triennaux, l'autosuffisance des deux institutions et bien sûr les impacts du conflit du travail à la Place des Arts.

Donc, M. le secrétaire, y aurait-il des remplacements?

Le Secrétaire: Aucun, M. le Président.

n (14 h 10) n

Le Président (M. Simard, Montmorency): Aucun remplacement. Alors, j'invite d'ores et déjà nos invités à se présenter en leur rappelant qu'ils auront... Non?

Remarques préliminaires

C'est vrai, j'ai oublié les remarques préliminaires. C'est vrai. Y aurait-il une remarque préliminaire? M. le député, à vous la parole.

M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci. Ce sera très bref, M. le Président. Le conflit qui perdure à la Place des Arts me rappelle celui qui avait paralysé en 1994 le Théâtre du Nouveau Monde. Ce conflit, qui avait menacé la survie même à cette époque de cette grande institution culturelle, nous interpelle à nouveau puisqu'il a un impact direct sur la santé financière et la pérennité culturelle des grands noms tels les Grands Ballets canadiens, l'Opéra de Montréal, Spectra Productions qui produit le Festival de jazz, la troupe Jean-Duceppe, l'Orchestre symphonique de Montréal. Tous ces conflits mettaient en cause le même syndicat, IATSE, le syndicat américain de la scène, entré au Québec avec l'ouverture de la Place des Arts et qui représente les techniciens et les machinistes.

Comme amateurs et consommateurs de culture puis comme députés de l'Assemblée nationale qui ont à coeur la protection du public ainsi que celle de nos grands groupes culturels, nous ne pouvons nous dérober à nos responsabilités d'établir quelles sont les causes de ces conflits répétitifs, quels en sont les enjeux et quelles peuvent en être les solutions. Depuis 1999, les actes de vandalisme se sont multipliés à la Place des Arts: perturbations des spectacles, menaces de mort aux cadres, vandalisme chez des techniciens embauchés par les producteurs, perturbations à l'entrée des stationnements, vandalisme sur l'immeuble, etc. Déjà en 1994, dans la tourmente qui secouait à l'époque le Théâtre du Nouveau Monde, Nathalie Petrowski écrivait dans La Presse du 2 octobre, et je cite: «Dans le milieu du théâtre comme de la variété, la hargne contre le IATSE est immense. On les traite de Teamsters, de vieux syndicat de plombiers des années cinquante ou d'ex-maoïstes convertis à l'impérialisme américain.» Elle ajoute: «Les histoires absurdes ne manquent pas avec ces rois maudits de la scène qui font fuir de plus en plus de producteurs. Ce sont d'étranges rois que ceux-là, des rois qui, dans le fond, se sont trompés de décor. Je ne vois pas pourquoi ils tiennent tant à travailler dans le monde des arts; ils seraient bien plus heureux sur un chantier de construction.» Fin de la citation. C'est Mme Petrowski qui disait ça. Elle mentionnait ses opinions, elle reflétait ce que certains en pensaient, mais il ne nous appartient pas à nous, députés, de porter des jugements.

Six ans après le conflit qui minait l'existence du Théâtre du Nouveau Monde, nous avons la responsabilité, par exemple, de comprendre pourquoi ce genre d'agissements met cette fois en péril l'existence de la Place des Arts et des groupes qu'elle abrite. Une chose est certaine, le statut exceptionnel d'atelier syndical fermé dont bénéficie IATSE et qui est une sorte d'anachronisme dans les relations de travail contemporaines y est peut-être pour quelque chose. Il n'est pas étranger au fait qu'on ne présente plus guère de gala à la Place des Arts, que la programmation a été réduite à l'essentiel et que de nombreuses productions fuient ce lieu culturel pourtant imaginé jadis comme le porte-étendard des grands moments du spectacle. Et que dire des incidences de ce conflit sur la survie et l'épanouissement des grands groupes qui y donnent rendez-vous à leur public.

À la demande des parties en cause, un médiateur a été nommé. Il s'agissait de M. Michel Décary. Alors que la direction de la Place des Arts a accepté son rapport, IATSE l'a rejeté. Nous tenterons de savoir pourquoi. Malheureusement, les députés ne disposant pas de ce rapport, M. le Président, je vous demanderais et je demanderais soit à la direction de la Place des Arts, soit aux représentants syndicaux ou, préférablement, aux deux parties, de bien vouloir déposer à la commission ce rapport du médiateur de manière à ce que nous, députés, puissions avoir avec nos invités des échanges plus complets et plus susceptibles de nous guider dans nos recommandations.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. le député de Marguerite-D'Youville. Alors, Mme la députée de Sauvé, auriez-vous quelques commentaires à ce stade-ci?

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Oui, merci, M. le Président. Je pense que, à juste titre, M. le Président, vous avez ouvert cette rencontre en mentionnant le fait que c'était un nouveau mandat de surveillance que s'était donné la commission suite à d'autres que nous avons exercés depuis 18 mois, et je pense qu'on peut se dire qu'on a exercé avec beaucoup de rigueur et, j'ai envie de dire, avec un certain impact, si je pense particulièrement au mandat de surveillance qu'on a fait en particulier pour le Conseil des arts et des lettres du Québec et la Société de développement des entreprises culturelles où, à notre connaissance, et on le saura encore mieux au cours des prochaines semaines, les recommandations de la commission ont eu un certain impact. Et, dans ce sens-là, je pense et je nous souhaite des travaux fructueux, puisque nous sommes devant un mandat de surveillance sur la Place des Arts et le Grand Théâtre de Québec, et j'espère que nous en arriverons, comme parlementaires, à des recommandations également qui auront un certain impact.

Je tiens à rappeler que nous sommes devant un mandat de surveillance qui concerne deux institutions culturelles d'importance. Bien sûr, la question de la Place des Arts attire bien sûr notre attention du fait qu'il y a un conflit de travail qui sévit puis qui a des répercussions indéniables. Mais je ne voudrais pas que ça occulte la question, notre intérêt pour également le Grand Théâtre de Québec qui vit aussi ses propres enjeux et relève des défis, puis on pourra... je crois qu'on devra s'y intéresser tout autant qu'à la situation de la Place des Arts.

Je disais qu'on s'intéresse à deux institutions culturelles d'importance. C'est vraiment des institutions qui ont marqué l'histoire du développement culturel au Québec. Et d'ailleurs, maintenant, que ce soit dans le cadre de la politique culturelle développée au début des années quatre-vingt-dix par le gouvernement du Québec ou les plus récentes politiques qui ont concerné les arts de la scène, par exemple la chanson, dans le cadre des consultations menées pour l'élaboration de chacune de ces politiques, on a pu remarquer que les intervenants du milieu de la culture ont toujours fait part de leur intérêt puis de l'importance qu'ils accordaient, comme acteurs culturels, à ces deux institutions, Place des Arts et Grand Théâtre de Québec. Et c'est des institutions qui non seulement ont jalonné notre histoire culturelle, mais elles ont toujours une place d'importance. C'est des institutions que l'on dit nationales et c'est des institutions qui ont des liens étroits avec des compagnies résidentes, donc avec d'autres institutions culturelles prenant souvent la forme de compagnie à but non lucratif, mais qui sont les pierres d'assise aussi du développement culturel et du rayonnement culturel du Québec. Je pense bien sûr, à Montréal, à l'Orchestre symphonique de Montréal, aux Grands Ballets canadiens, au Théâtre Jean-Duceppe ou, ici, à Québec, à l'Orchestre symphonique de Québec, à l'Opéra de Québec et également bien sûr au Théâtre Le Trident, et il y en a d'autres, M. le Président. Donc, on voit ici que nous sommes devant des institutions qui, de par leurs relations et le partenariat qu'elles développent avec des compagnies résidentes, sont de très grande importance.

M. le Président, je pense qu'on doit se rappeler tous ensemble que nous allons aborder des questions qui, sur un certain volet, et je parle au niveau des relations de travail à la Place des Arts, sont des questions qui sont actuellement toujours devant les tribunaux. Comme parlementaires et également comme participants à cette commission parlementaire, nous devrons faire preuve d'une certaine présence, comme on nous y invite habituellement lorsque des questions sont devant les tribunaux. Mais je retiens également que la proposition de la commission de la culture de tenir un tel mandat sur la Place des Arts et le Grand Théâtre, c'est une proposition qui a été accueillie à son annonce positivement, à la fois par les dirigeants des institutions publiques et à la fois, par exemple, par les parties syndicales et, dans ce sens-là et devant cet accueil positif de notre proposition de tenir un tel mandat, je m'attends à ce qu'on ait des échanges qui soient transparents, qui soient clairs sur toute question y compris sur les questions de relations de travail.

Je tiens à dire que, pour ma part, les questions de relations de travail vont bien sûr être abordées, c'est inévitable, l'actualité et l'intérêt du développement culturel nous y obligent, mais je crois qu'il y a également d'autres questions qui devront être abordées au cours de cette commission. Je pense, par exemple, dans le cas de la Place des Arts, à tout l'impact du projet d'une nouvelle salle pour l'Orchestre symphonique de Montréal, je pense à l'utilisation de l'esplanade extérieure à la Place des Arts, qui sont d'autres dossiers qui préoccupent des intervenants culturels et qui ont des enjeux certains. Pour le Grand Théâtre, il y a également la question de l'utilisation de l'immobilisation: cours intérieures, etc., et le Grand Théâtre a beaucoup de contrats de partenariat qui, dans certains cas, font aussi poser certaines questions.

Et je terminerai en disant que je crois, M. le Président, que c'était une initiative heureuse qu'ont eue les membres de cette commission d'inviter à la fois la Place des Arts et le Grand Théâtre de Québec. Il faut savoir que les lois constitutives de ces deux institutions sont des lois jumelles, en fait les articles sont similaires, mais on peut remarquer que chaque institution a un modèle de développement qui lui est propre. Et il y aura une comparaison qui sera inévitable, mais que j'espère saine, et j'espère qu'on pourra tirer le meilleur de cette comparaison entre les deux institutions culturelles. Je vous remercie.

n (14 h 20) n

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci à vous, Mme la députée de Sauvé. M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole.

M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. Je salue la référence qu'a faite Mme Beauchamp au fait qu'il s'agit aussi du Grand Théâtre et pas seulement de la Place des Arts. Et on sait que ces deux institutions-là jouent dans notre milieu un rôle irremplaçable et quand elles ne le jouent pas, si jamais il arrive que, par suite de conflits, elles ne puissent le jouer, eh bien, il y a un manque important pour l'ensemble de la société. On sait que c'est des millions, pas des centaines de milliers, des millions de dollars que l'État du Québec investit chaque année dans ces deux institutions. Et notre rôle de député nous oblige à surveiller des dépenses publiques, des comptes publics. C'est la raison d'être principale, je pense, du rôle de député. Donc, nécessairement, l'argent du public qui est mis dans ces deux institutions-là, c'est quelque chose d'important, et si c'est important, c'est parce que la mission est importante.

Et dans ce contexte-là, évidemment, vous comprendrez que, même si le Grand Théâtre est pour nous une institution d'une grande envergure et extrêmement importante, il se pourrait qu'on soit tenté de porter plus notre attention sur la Place des Arts, pour une raison très simple. Vous l'avez vu comme nous depuis deux ans, la Place des Arts a été largement et gravement handicapée dans son fonctionnement par un conflit sur lequel on n'a peut-être pas à déterminer l'issue parce qu'on a un système de négociation dans notre fonctionnement, ici, qui est toujours le meilleur système, en théorie, pour régler les conflits dans les relations de travail. Cependant, étant donné les dommages considérables qui sont faits au trésor public par des sommes d'argent qui ne conduisent pas aux fins pour lesquelles elles sont octroyés, étant donné qu'il y a un tort énorme qui est fait à la société québécoise par le fait que des institutions fondamentales ne peuvent pas fonctionner pendant un certain nombre de mois, vous comprendrez qu'on va s'intéresser d'une façon très particulière à la Place des Arts en espérant que l'attention qu'on va y porter nous permette de mieux comprendre ce qui se passe, devant le rideau comme derrière, et qui va nous permettre de trouver une certaine façon ou de travailler d'une certaine façon qui puisse pour l'avenir garantir un meilleur fonctionnement de cette institution. Il est totalement inacceptable que cette institution soit bloquée à tous les deux, ou trois ans, ou quatre ans par des grèves qui n'en finissent plus et qui hypothèquent le droit du public à avoir ces services-là et qui mettent en danger la survie de compagnies de théâtre et d'instruments de production artistique qui sont indispensables.

Alors, voyez-vous, pour avoir la possibilité, donc, d'avoir ce service-là à la société, ça prend des bâtiments, ça prend des administrateurs, ça prend des techniciens, ça prend des producteurs, ça prend des artistes, mais le plus important de tout, je pense que c'est le public. Et c'est en regardant les droits du public à pouvoir bénéficier de ces investissements et le droit évidemment aussi de chacun de pouvoir travailler dans des conditions normales que nous ferons, en ce qui me concerne en tout cas, l'examen de tout cela. Mais comme je vois qu'il y a déjà des choses qui ont été suggérées pour résoudre ces problèmes-là et dont on n'a pas vraiment une connaissance très précise, on parle d'un moratoire et d'un rapport d'un médiateur, je sais pas trop quoi, d'un médiateur qui a fait un rapport, on le voit commenté parfois dans La Presse, c'est La Presse du 23 mai, ici, qui commente ça et qui commente des choses assez précises qu'il y aurait dans ce rapport-là, et nous ne l'avons pas. Alors, ça, c'est un handicap important. Comment voulez-vous que nous remplissions notre rôle si on n'a pas un instrument aussi important de travail? Alors, moi, je demande... En ce qui me concerne, je demande que ce rapport-là soit rendu public. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, merci beaucoup, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je crois comprendre que, à ce stade-ci, M. le député d'Outremont ne voulait pas faire d'intervention préliminaire. M. le député d'Iberville.

Une voix: ...

Le Président (M. Simard, Montmorency): C'est beau, très bien. Non plus pour le député de Frontenac. Alors, M. le président de la Société de la Place des Arts, bienvenue parmi nous. Auriez-vous l'amabilité de nous présenter les personnes qui vous accompagnent?

Auditions

Société de la Place des Arts de Montréal

M. Richard (Clément): Merci, M. le Président. Mon nom est Clément Richard. Et je m'adresse à vous aujourd'hui à titre de président du conseil d'administration et directeur général par intérim de la Société de la Place des Arts. Je suis accompagné, à ma gauche, de Mme Nicole Leblanc, comédienne bien connue; à mon extrême droite... ? membre du conseil d'administration, cela va de soi ? deux autres membres du conseil d'administration, M. Michael Fainstat, bien connu aussi, qui a une bonne connaissance de l'administration publique, comme vous le savez, puisqu'il a été président du comité exécutif de la ville de Montréal, et de M. Louis Bernard que plusieurs d'entre vous connaissent et qui agit maintenant comme consultant.

M. le Président, j'occupe les fonctions de président du conseil de la Place des Arts depuis six ans et j'agis en tant que directeur général intérimaire depuis février 1999, moment où la directrice générale d'alors a quitté ses fonctions. Je crois que ces deux rôles m'ont apporté, en complément l'un de l'autre, une vision réaliste et approfondie de l'environnement dans lequel évolue notre institution, et c'est ce portrait, Mme et MM. les députés, que je vais tenter aujourd'hui de vous dresser succinctement, en réponse à votre invitation.

J'aimerais d'abord vous situer quant au domaine des arts de la scène, lequel a considérablement changé depuis que la Place des Arts a été inaugurée, en 1963, et qui a exigé de celle-ci qu'elle se réoriente et revoit ses façons de faire à diverses reprises depuis sa création. Comme toute organisation qui sait s'adapter aux réalités de son milieu, c'est ce qu'elle a fait et c'est ce qu'elle doit continuer de faire. La Place des Arts est née, il y a 38 ans, d'un besoin, celui de doter Montréal d'une salle de haut calibre vouée aux arts de l'interprétation, parce que, curieusement, il n'y avait pas de telle salle dans la métropole du Québec, et, dès le départ, ses dirigeants sont allés au-delà de la simple construction d'une salle, jusqu'à la conception d'un véritable centre culturel capable d'offrir aux Montréalais une diversité d'expériences artistiques.

C'est ainsi que la salle Wilfrid-Pelletier a été conçue et qu'est venu s'ajouter, vous vous en rappellerez, dans la foulée d'Expo 67, de son Festival mondial de théâtre et, il faut bien le reconnaître, d'une certaine ouverture sur le monde, l'Édifice des théâtres, avec deux salles additionnelles, le Théâtre Maisonneuve et le Théâtre Port-Royal, aujourd'hui appelé le Théâtre Jean-Duceppe. Lorsque les artistes, les jeunes surtout, se sont mis à explorer de nouveaux modes d'expression, on a ajouté une scène de poche favorisant une nouvelle proximité avec le public, puis le métro, puis une salle multimédia à la fine pointe de la technologie, puis une vaste place extérieure, véritable scène en plein air au diapason de cet esprit festif si caractéristique des Québécois en général et des Montréalais en particulier.

Aujourd'hui, notre héritage de cette vision historique constitue un complexe culturel de tout premier plan à l'échelle canadienne et nord-américaine, et si, en 38 ans d'existence, la Place des Arts a été en mesure de présenter aux spectateurs québécois les plus grands artistes du monde, il n'y a pas de doute qu'en 2001 elle continue de demeurer l'un des équipements scéniques privilégiés du public, comme des artistes d'ailleurs, parce qu'elle a su être à l'écoute des besoins, miser sur la qualité, renouveler ses équipements, offrir de nouveaux services aux consommateurs. Allez demander à Charles Aznavour pourquoi sa tournée d'adieu se fera à la salle Wilfrid-Pelletier en 2002, à Jerry Seinfeld pourquoi il a choisi cette même salle cet automne, à la Compagnie d'opéra de Pékin pourquoi elle s'installera chez nous dans quelques jours, et vous aurez alors un portrait juste de la capacité d'attraction de la Place des Arts.

Mais ? mais ? tout n'est pas si rose. Depuis 10 ans, le contexte de la diffusion des arts de la scène a radicalement changé à Montréal, d'abord parce que Montréal a connu une explosion, une formidable explosion du nombre de ses salles de spectacle. Que l'on pense au Monument national et au Théâtre St-Denis récemment rénové, au Centre Molson, à la place... à la salle Pierre-Mercure, dis-je, à l'Usine C, au Théâtre de la Veillée, au Théâtre d'Aujourd'hui, au théâtre du Gesù, etc., tous construits, modifiés ou rénovés au cours de la dernière décennie.

n (14 h 30) n

D'autre part, avec les années, certains producteurs privés ont intégré verticalement leurs opérations en faisant l'acquisition de salles, lesquelles servent à la présentation de leurs productions. On pense aussi au... On pense ici au Spectrum, à l'Olympia, au Club Soda, au Théâtre Corona et, depuis peu ? M. le député d'Outremont est bien au courant de cela ? l'entente d'exploitation exclusive pour le Théâtre d'Outremont. Naturellement, ces producteurs ont tendance à privilégier leurs salles comme lieu de diffusion de leurs propres artistes.

Au moment où l'on assiste à une multiplication des salles de spectacle, une récente étude intitulée Portrait de la diffusion des arts de la scène à Montréal indique qu'à Montréal, et je cite, «l'offre globale augmente, en termes de sièges, trois fois plus vite que le nombre de billets vendus». Ailleurs, on note que le taux d'occupation stagne depuis 10 ans au Québec, un constat affligeant, s'il en est un, pour tous les intervenants en matière culturelle et, bien entendu, pour la Place des Arts, que l'on a toujours reconnue comme moteur de la vie culturelle non seulement de la métropole, mais je pense bien qu'il n'est pas excessif de dire aussi de tout le Québec. En clair, M. le Président, l'offre dépasse largement la demande actuellement à Montréal par rapport à la capacité de la population d'absorber tout ce choix.

C'est ainsi que se dresse présentement l'échiquier concurrentiel pour la Place des Arts. Si la concurrence est une situation qui, généralement, favorise le consommateur, il n'en va pas ainsi pour la Place des Arts, où ce niveau de concurrence exacerbée s'est exercé sur l'institution en même temps que ses subventions de fonctionnement ont été amputées et qu'elle a dû faire face à des dépenses incompressibles. Et pourtant... et pourtant, la Place des Arts a su réagir avec souplesse, d'abord au niveau du développement des affaires en maximisant ses opportunités de revenus et en adoptant une nouvelle approche et de nouveaux produits marketing, aussi sur le plan de sa structure, en allégeant ses effectifs de 35 % depuis 1993 et en révisant, au fil des ans, son organisation du travail par le biais de certaines fusions de ses conventions collectives, enfin, sur le plan financier, en réduisant ses activités à risque et en adoptant un équilibre budgétaire sain.

Mais prenons connaissance d'un passage tiré d'une étude du cabinet Samson Bélair, lequel affirmait, en 1990, déjà, au sujet de la Place des Arts, et je cite ce rapport: «Les prix de location des salles de la Place des Arts sont, même pour plusieurs producteurs privés, inaccessibles; les seuils de rentabilité à atteindre étant trop élevés compte tenu des limites imposées par la sensibilité aux prix des billets des consommateurs. La syndicalisation du personnel, facteur central dans l'escalade des coûts de location, favorise le développement des salles privées sur le territoire et limite d'autant le potentiel de rayonnement de ce pôle naturel qu'est la Place des Arts.» Fin de la citation.

Et, dans la même veine, une observation de l'analyste Jacques Boisvert, qui date de 1996, et qui avait fait une étude pour le ministère de la Culture et des Communications, et je cite: «Un aspect...» Je cite M. Boisvert: «Un aspect qui désavantage la Place des Arts est le fait qu'ils présentent des frais de services scéniques très élevés, ce qui décourage plusieurs producteurs et organismes artistiques.» Je cite encore: «La raison principale de cet écart au niveau des coûts des services scéniques de la Place des Arts en est la syndicalisation des employés de scène affiliés à IATSE. Malgré la volonté de Place des Arts de négocier à la baisse cette convention de travail, elle en a été privée. Depuis quelques années, les conventions de travail du secteur public et parapublic ont été reconduites. Par le passé, d'autres facteurs ont empêché la renégociation de ces conventions de travail telles des grèves de travail exercées au moment opportun qui incitaient l'organisme et le gouvernement à signer les conventions.» Fin de la citation. Et l'analyste de conclure: «Dès lors, on comprend que IATSE handicape sérieusement la Place des Arts dans sa possibilité de louer des salles.» Fin de la citation.

Je cite encore, Jean-Pierre Goyer, ancien président du Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal, qui écrivait en 1986, c'est-à-dire 15 ans avant le présent conflit, dans l'ouvrage que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de rapport Goyer, et je cite: «Il apparaît clair que la Place des Arts devra, d'une façon ou d'une autre, renégocier les conventions en vigueur pour réduire les coûts de fonctionnement et devenir plus compétitive sur la scène montréalaise et même nationale et internationale.» C'était ? fin de la citation ? Jean-Pierre Goyer en 1986.

Vous aurez saisi, Mme et MM. les députés, qu'en me référant à ces études je ne cherche pas pour autant à remettre en cause la pertinence du syndicalisme, charge à laquelle je ne pourrais pas souscrire. Mais je ne voudrais pas cependant m'interdire de dénoncer les méthodes d'un syndicat... que dis-je, d'une corporation qui exploite l'extrême fragilité financière des grandes institutions culturelles qui logent à la Place des Arts pour obtenir, pérenniser et étendre des privilèges abusifs qui s'apparentent bien davantage à ce qu'on pourrait appeler des conditions de non-travail qu'à un régime normal de relations de travail.

Il faut retenir de ces commentaires que j'ai cités que, même si la Place des Arts a su s'adapter au cours des années et revoir ses façons de faire de manière à évoluer avec son environnement, il y a un domaine de son organisation où elle n'a pas été libre d'agir. Ce domaine, c'est son régime de travail avec IATSE. Comme gestionnaire, l'analyse du conseil d'administration de la Place des Arts a tiré les mêmes conclusions que les diverses études déjà citées: ce sont les conditions imposées par l'IATSE qui paralysent l'institution et l'empêchent de se développer à son plein potentiel. Par conséquent, la question que nous devons maintenant poser est la suivante: À l'instar de la Place des Arts, le syndicat IATSE, lui, a-t-il évolué avec son temps? Le syndicat IATSE, lui, a-t-il revu ses façons de faire? Au coeur d'un conflit syndical avec IATSE depuis maintenant 27 mois, le quatrième conflit de ce même syndicat depuis 1980 ? le quatrième depuis 1980 ? alors qu'aucun autre syndicat de la Place des Arts ? puis il y en a six autres ? n'a fait grève depuis 1980 ? c'est le quatrième conflit que la Place des Arts vit avec ce syndicat ? la réponse que nous devons donner est malheureusement: Non.

Mais revenons-en aux origines mêmes du conflit et à la réflexion du conseil d'administration de la Place des Arts jusqu'à présent. Le 22 juin 1999, à la veille du Festival international de jazz de Montréal, qui commençait le 23, les techniciens de scène de la Place des Arts, membres de IATSE, déclenchent la grève. Je vous renvoie ici à la remarque de M. Boisvert datée de 1996, et on déduira que le choix du moment semble être une tactique plutôt récurrente de IATSE. À pied levé, ce sont alors les cadres de Place des Arts qui effectuent les tâches des techniciens afin que le Festival puis la rentrée culturelle de nos compagnies résidentes puissent avoir lieu. Ce faisant, au fil des spectacles... au fil des spectacles, l'heure de vérité a sonné. Cadres tout autant que producteurs ont pu faire l'expérience que la production de spectacles était plus efficace sans IATSE, plus efficace parce que débarrassée de planchers d'emploi inutiles, délestée du cloisonnement de fonctions aussi absurde qu'improductif et des coûts vertigineux que toutes ces dispositions entraînaient, surtout plus efficace parce que libérée du modèle rigide et inadapté aux conventions québécoises d'organisation du travail de l'atelier fermé pratiqué par IATSE.

n (14 h 40) n

J'ouvre ici une parenthèse, M. le Président, pour dire ce qu'il faut comprendre par «l'atelier fermé». L'atelier fermé, c'est une traduction littérale de l'anglais «closed shop», qui est un système syndical américain où le syndicat agit comme bureau d'embauche et affecte lui-même ses membres aux diverses tâches à remplir. Selon cette pratique, ce ne sont donc ni la Place des Arts ni les producteurs qui choisissent leurs employés de scène, mais IATSE. Je reviens... je ferme la parenthèse.

D'ailleurs, le médiateur... Et, à propos du médiateur, M. le Président, on a évoqué tout à l'heure le rapport du médiateur. Nous ne l'avons jamais commenté parce que nous avons toujours estimé qu'il ne nous appartenait pas de le rendre public. Le syndicat l'a commenté à quelques reprises, mais nous avons toujours estimé qu'il ne nous appartenait pas de le rendre public, puisque le rapport a été commandé par le ministre du Travail. Cela dit, nous n'avons pas pour autant l'intention de cacher l'existence de ce document-là à la commission. Nous aurions l'impression de commettre ce qu'on pourrait appeler un outrage à Parlement ou à commission parlementaire, et nous sommes disposés, le cas échéant... nous en disposons des copies, à remettre le rapport du médiateur aux membres de la commission.

Alors, le médiateur a vu juste... qui, dans son rapport préliminaire du 1er mars 2001... au demeurant, formellement accepté par les deux parties ? rapport préliminaire formellement accepté par les deux parties ? le médiateur a jugé nécessaire de proposer la suppression des planchers d'emploi et du cloisonnement des fonctions. Avec les cadres de la Place des Arts à la barre, en lieu et place des techniciens de IATSE, il est apparu clair pour tous que les spectacles se déroulaient de façon plus efficiente, au maximum du potentiel des créateurs et à moindre coût. Alors, pourquoi, pourquoi faudrait-il continuer d'embaucher quatre ou cinq techniciens pour un concert de l'OSM à la salle Wilfrid-Pelletier quand on sait que deux employés peuvent aisément accomplir la tâche? Je vous pose la question. Pourquoi serait-il interdit à un technicien d'aider un collègue à pousser un piano? Je vous pose aussi cette question. Vous savez, on lisait la semaine dernière qu'un paléontologue québécois a dit que même l'homme de Neandertal s'entraidait. Est-ce à dire que IATSE est préhistorique? Je vous pose la question.

Fort de ces observations, le conseil d'administration de la Place des Arts a alors pris, le 11 novembre 1999, la seule décision qui s'imposait: cesser d'offrir à ses locataires producteurs les services de techniciens de scène afin de laisser à ces producteurs le soin d'embaucher eux-mêmes leur personnel, selon leurs besoins et leur budget. Et en date d'aujourd'hui, Mmes et MM. les députés, nous persistons dans notre affirmation que ce sont les conditions de travail imposées par IATSE à la Place des Arts qui contribuent le plus à l'escalade des coûts de location que nous devons refiler aux producteurs, et que par conséquent l'institution a pris, le 11 novembre 1999, la seule décision d'affaire qui pouvait lui permettre d'assurer sa survie et celle de ces compagnies résidentes. Est-il déraisonnable pour une entreprise de cesser d'offrir un service qui la conduit, elle et, par effet d'entraînement, sa famille élargie de partenaires à sa perte?

Le Président (M. Simard, Montmorency): En conclusion, s'il vous plaît, M. le président.

M. Richard (Clément): Oui, je conclus. Il appartient, M. le Président, aux tribunaux de trancher un aspect de la question. Quant à elle, la Place des Arts souhaite ardemment pouvoir focaliser toutes ses ressources pour continuer d'offrir aux producteurs de spectacles un environnement de création à la mesure de leurs talents et au public des événements uniques de haute voltige. La Place des Arts doit retrouver le goût du risque, faire place à la relève et conquérir le jeune public. Nous pouvons faire encore mieux au bénéfice de tous.

Déjà fragilisée par un environnement concurrentiel encombré, la Place des Arts paie injustement le prix de l'intransigeance d'une organisation du travail anachronique par rapport à la réalité des relations de travail au Québec, où le régime d'atelier fermé a pratiquement disparu. Voilà son plus grand handicap. Qui plus est, au moment d'une grève, situation dans laquelle IATSE semble se complaire, le rapport de force entre les employés et leur employeur devient complètement déséquilibré, puisque les techniciens peuvent alors être affectés par leur syndicat auprès d'autres organismes tout en demeurant en grève à la Place des Arts, alors que l'institution, elle, serait soumise aux dispositions antibriseurs de grève du Code québécois du travail et ne pourrait recourir à d'autres techniciens.

En fait, les problèmes de la Place des Arts avec ses techniciens ne seront jamais résolus tant et aussi longtemps qu'on leur permettra de se réclamer à la fois du modèle américain du «closed shop» et du régime typiquement québécois de la loi antibriseurs de grève. Cette loi, généralement si bénéfique pour les relations de travail au Québec, est de toute évidence absolument incompatible avec un régime qui concède à des syndiqués, de surcroît grévistes d'habitude, le monopole d'embauche auprès de six entreprises, comme c'est le cas de IATSE. Mmes et MM. les députés, votre commission a l'occasion de jouer un rôle déterminant pour conforter non seulement l'avenir de la Place des Arts et du Grand Théâtre...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, M. Richard.

M. Richard (Clément): ...mais surtout l'avenir des compagnies qui s'y produisent, si vital pour notre développement culturel. Si elle s'en saisi...

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Richard, s'il vous plaît.

M. Richard (Clément): ...elle aura contribué à enrichir notre actif collectif au profit de tous les Montréalais et de tous les Québécois. Je vous remercie.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, merci beaucoup, M. Richard. Donc, histoire de bien nous comprendre, je déduis de vos propos que vous avez avec vous une copie du rapport du médiateur spécial.

(Consultation)

M. Richard (Clément): Si la commission en fait la demande, quand même.

Document déposé

Le Président (M. Simard, Montmorency): Parfait. Un des membres de la commission en a fait la demande. Alors, je vais demander au secrétariat donc de vous le prendre quelques instants, histoire d'en faire des photocopies suffisantes pour les distribuer aux membres qui voudront bien en obtenir une copie. Ça va? Bien.

Alors, pour le premier bloc de 20 minutes, je céderai dans l'ordre d'abord la parole au député d'Iberville, ensuite au député de Saint-Hyacinthe et enfin au député de Frontenac. M. le député d'Iberville, à vous la parole.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Donc, vous l'avez dit dans votre exposé, M. le président: Tout n'est pas si rose à la Place des Arts. J'ai pris quelques notes. J'aurai deux questions brèves et j'en demanderais autant des réponses parce que j'imagine que mes collègues auront aussi plusieurs questions à poser.

On va parler des unités syndicales dans un premier temps. Vous avez combien d'unités syndicales chez vous, y compris IATSE?

M. Richard (Clément): Sept.

M. Bergeron: Vous en avez sept.

M. Richard (Clément): Sept, sept unités syndicales.

M. Bergeron: Et, si j'ai bien compris, c'est seulement IATSE qui pose problème?

M. Richard (Clément): Depuis 1980, il y a eu aucun conflit avec aucune autre des unités de négociations. Il y en a eu quatre conflits, quatre grèves de IATSE.

M. Bergeron: O.K. Merci. Et la deuxième, vous avez dit: L'offre dépasse la demande, que l'échiquier est concurrentiel, que vous avez faite une fusion de conventions collectives, que les frais de services scéniques sont très... très élevés, vous avez une escalade des coûts, c'est un frein à la location des salles et que la Place des Arts doit devenir plus compétitive.

Ça m'amène à parler de finances. Écoutez, j'aimerais vous entendre parler de la santé financière de votre institution et en même temps ? et ça sera ma dernière question ? concernant le développement des publics, des nouveaux publics, qu'en est-il de l'achalandage? Vous avez parlé, il me semble, au cours de votre exposé qu'il y a un certain plafonnement. Est-ce qu'il y a un effort de ce côté pour essayer d'aller chercher des nouveaux publics? Parlez-moi finances.

M. Richard (Clément): Bon, alors, disons que, en tout cas, depuis un peu avant mon arrivée, il y avait eu quelques... sous mon prédécesseur, M. Landry, et il y a eu un effort de redressement des finances de la Place des Arts qui avait été amorcé à ce moment-là et qui s'est continué par la suite, de telle sorte que j'agis comme président depuis 1995, je crois, et il y a pas eu de déficit à la Place des Arts depuis 1995.

Il faut reconnaître cependant que nous sommes subventionnés, si on exclut l'immobilisation et les «en lieu» de taxes, à hauteur de 3 millions de dollars par année. Sauf, M. le député, que c'est une assez bonne nouvelle en soi, parce que la subvention a déjà été, il y a quelques années, au-delà de 4 millions de dollars, de telle sorte que maintenant nos revenus autonomes, qui étaient dans les années soixante dans les 40 %, un peu plus que 40 %, sont maintenant de l'ordre de 70 %. Donc, il y a eu un effort extraordinaire de la Place des Arts depuis le début des années quatre-vingt-dix pour augmenter considérablement les revenus autonomes.

Alors donc, nous avons, en gros, 12 millions de dollars de revenus autonomes, ce qui est assez bon. Sauf que, pour répondre plus complètement à votre question, depuis les années... il y a déjà eu jusqu'à 1 000 représentations par année à la Place des Arts, ça, c'était le maximum. Et généralement, il y avait 900 représentations, autour de 900, 920, 950 représentations à la Place des Arts. À cause de nos coûts scéniques et à cause de la concurrence que j'ai évoquée tout à l'heure, nous étions descendus à 700 représentations par année et même à un peu moins. Alors, là, il a fallu... il faut donner un coup de barre pour revenir à un niveau plus normal du nombre de représentations, compte tenu de la valeur des équipements dont dispose la Place des Arts. Mais c'est à cause de nos coûts scéniques en particulier que le nombre de représentations a baissé.

Je vais vous illustrer ça par un exemple. Quand les spectacles sont captés pour la télévision ou la radio, on était obligé de payer du temps et demi ou du temps double suivant les conventions, de telle sorte que tous les galas télévisés ont quitté la Place des Arts. Le Gala de l'ADISQ n'est plus à la Place des Arts, les autres... le Gala de la presse n'est plus à la Place des Arts parce que nos coûts scéniques sont trop importants, alors on a quitté la Place des Arts.

n (14 h 50) n

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Évidemment, il y a personne ici qui s'attend à ce que qui que ce soit qui travaille à la Place des Arts le fasse bénévolement, en tout cas pas à l'année longue, hein, et on s'attend à ce que les gens soient bien payés. Évidemment, qu'ils soient payés en double, ça, il faudrait expliquer pourquoi.

Quoi qu'il en soit, sans entrer dans ce raffinement-là, tout à l'heure vous avez... Si j'ai bien compris par votre exposé, vous avez fait deux affirmations importantes. La première, c'est que vous ne vouliez pas faire de votre exposé un exposé anti-syndical, et la deuxième, que vous disiez: Les conditions imposées par IATSE, ainsi de suite ? je n'ai pas noté le reste ? expliquaient les difficultés que vous avez présentement. Donc, vous sembliez viser ce syndicat-là en particulier et vous avez affirmé... vous avez quand même donné assez d'importance pour expliquer le fonctionnement de l'atelier fermé.

J'aimerais ça quand même que vous reveniez sur cette question-là parce que vous semblez faire de l'atelier fermé le bouc émissaire de l'ensemble de la problématique, parce que tout le monde se pose la question: Comment il se fait que des conflits dans un endroit comme ça, qui est quand même... c'est pas n'importe quoi comme endroit pour travailler, c'est quand même un des plus beaux... un des endroits les plus sympathiques au Québec, comment il se fait que les conflits durent en longueur? Est-ce que c'est des questions de gestion? Est-ce que c'est des questions de structure? Et, vous, vous touchez à la question de l'atelier fermé, vous dites: Le problème, il est là. Pouvez-vous nous dire ça en d'autres mots et de façon qu'on puisse bien comprendre ce problème-là?

M. Richard (Clément): Bon. J'ai rappelé tout à l'heure que nous n'embauchons pas. Ce n'est pas la Place des Arts qui embauche ses techniciens. Ce n'est pas la Place des Arts qui les affecte aux diverses tâches, les techniciens. Et j'ai également évoqué le fait que IATSE exerce un monopole d'embauche auprès de six entreprises. Je vous les nomme: Parc des îles, le Centre Molson, le TNM, la Place des Arts et, écoutez-le bien, écoutez-moi bien, l'OSM, quand l'OSM n'est pas à la Place des Arts, quand l'OSM se produit ailleurs qu'à la Place des Arts. C'est ainsi, par exemple, que, quand le président d'alors du syndicat a déclenché la grève à Place des Arts le 22 juin 1999, il l'a fait à partir de Tokyo parce qu'il accompagnait l'Orchestre symphonique de Montréal dans sa tournée asiatique. Il a sans doute téléphoné à Montréal pour dire: Messieurs, fermez la Place des Arts; à Tokyo, ça va bien. Et, de même, IATSE a un monopole d'embauche auprès des Grands Ballets canadiens quand les Grands Ballets se produisent à l'extérieur.

De surcroît, ils ont des ententes secrètes avec l'OSM et avec les Grands Ballets canadiens dont... en tout cas, celle de l'OSM, on n'a jamais pu en prendre connaissance. Alors, vous vous imaginez bien que, quand les dirigeants déclenchent une grève, en vertu de leurs propres règles, ils peuvent aller supplanter les autres ailleurs. Alors donc, ils vont travailler ailleurs. On les retrouve au TNM, ou on les retrouve au Parc des îles, ou on les retrouve à l'OSM, à Notre-Dame, ou au Centre Molson. C'est ce qui crée un déséquilibre incroyable avec la loi antibriseurs de grève. Il n'y a plus aucun rapport de la force... le rapport de force de la Place des Arts s'en trouve complètement anéanti, comme ç'a été le cas pour le TNM.

Et il faut vous rappeler, M. le député, que leurs membres sont appelés, leurs 150... ils se réclament de 152 membres. Il y en a une centaine qui ont déjà travaillé à la Place des Arts. Si leurs 152 membres sont appelés à voter, ça veut dire que des gens qui n'ont jamais mis les pieds à la Place des Arts, qui n'y ont jamais travaillé, votent la grève à Place des Arts. Et ce qu'il faut comprendre, ce qui est encore pire, c'est que, quand ils ont fait la grève en, 1994, au TNM, c'est les employés de Place des Arts qui ont fermé TNM, qui ont fermé le TNM, parce que c'est un tout petit groupe au TNM qui est beaucoup moins imposant que le nombre d'employés de la Place des Arts. Alors, il y a une incompatibilité fondamentale entre le régime de l'atelier fermé et la loi antibriseurs, qui, je le répète, a été par ailleurs une loi très bénéfique pour les relations de travail au Québec.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. le député de Frontenac.

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Richard, Mme Leblanc, M. Fainstat, M. Bernard. Alors, moi, j'avais une seule question. Évidemment, il y a des impacts, il y a des conséquences à une telle grève. Je pense qu'on donne des chiffres, souvent on a aussi des données sur ça, mais est-ce que vous avez... vous pouvez quantifier ou chiffrer les impacts d'une telle grève sur la Place des Arts?

M. Richard (Clément): Pour la Place des Arts, l'impact est, j'aurais envie de dire, pour ainsi dire, nul, mais je vais m'expliquer. La Place des Arts étant un organisme, une institution largement subventionnée, le jour où on fermerait Place des Arts, l'État économiserait des sous. L'État remplirait pas sa mission, puis Place des Arts ne remplirait pas sa mission, mais il y aurait pas de perte financière pour la Place des Arts, à la limite, sauf que les compagnies qui y logent, les compagnies résidentes, qui sont d'une extrêmement fragilité financière, et cela IATSE le sait, elles ne peuvent pas subir deux ou trois jours de grève. Essayez d'imaginer une grève de deux ou trois jours pour la Compagnie Jean-Duceppe avec ses 20 000 ou ses 23 000 abonnés, ou l'OSM avec ses abonnés, ou l'Opéra, ou les Grands Ballets canadiens. C'est absolument dramatique de faire subir ne serait-ce qu'une grève de deux ou trois jours à ces compagnies résidentes là, qui seraient emportées immédiatement. Ça les mènerait immédiatement à la banqueroute.

Alors, pourquoi les conseils d'administration différents de la Place des Arts au fil des ans ont toujours dit oui à IATSE, ont toujours cédé aux requêtes de IATSE, grève après grève ? et Dieu sait qu'il faut pas les blâmer ? c'est que le conseil d'administration savait pertinemment que, en subissant une grève de IATSE, c'était, pour les compagnies résidentes, et même y compris pour le Festival de jazz, par exemple, ou les Francofolies, absolument dramatique et sans lendemain ? et sans lendemain ? parce que ces compagnies-là ne peuvent pas subir. Alors, IATSE, quand il fait la grève à Place des Arts, ne vise pas Place des Arts. Ils savent pertinemment, les membres de IATSE, que c'est pas Place des Arts qu'ils visent. Ils visent les compagnies résidentes en disant: Le conseil d'administration de Place des Arts va interdire la grève parce que ce serait trop dramatique pour les compagnies résidentes de la Place des Arts et pour les festivals, entre autres.

M. Boulianne: Merci.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci. Il nous reste à peu près neuf minutes. M. le député de Saint-Hyacinthe... Marguerite-D'Youville, pardon.

M. Beaulne: Merci. M. Richard, vous nous avez brossé un tableau, je pense, assez exact des conséquences que la grève a eu sur la Place des Arts de même que le régime un peu particulier qui existe dans vos relations de travail. Vous nous avez déposé tout à l'heure, à la demande de la commission, le rapport du médiateur. Même si les députés n'ont pas encore eu l'occasion de prendre connaissance de ce rapport parce qu'il nous a pas encore été distribué, pouvez-vous nous dire quelles sont les concessions principales que la Place des Arts a faites, d'autant plus que, vous, vous l'avez accepté, comme conseil d'administration, vous avez accepté le rapport du médiateur? Alors, puisque nous n'avons pas le temps d'attendre le rapport avant d'échanger avec vous, quelles sont les principales concessions que la Place des Arts a faites dans ces négociations? Et que vous attendez-vous de la suite des événements?

M. Richard (Clément): M. le député de Marguerite-D'Youville, au mois de février dernier, à la suite de rencontres que nous avions eues avec le premier ministre du temps, les membres d'IATSE avaient accepté de revenir au travail, puisqu'il y avait une injonction qui venait d'être émise contre la Place des Arts à l'époque, et nous avions l'intention de nous adresser à la Cour d'appel pour suspendre l'injonction. Mais, avant que nous puissions le faire, le premier ministre avait obtenu que les membres d'IATSE rentrent au travail à la Place des Arts et qu'un médiateur soit nommé.

n (15 heures) n

Je vous rappelle qu'à ce moment-là ? et c'est de notoriété publique ? IATSE a applaudi à la nomination d'un médiateur en disant qu'enfin le gouvernement intervenait. Il y a eu plusieurs séances de médiation, qui ont abouti, le 28 février, à l'émission d'un rapport préliminaire du médiateur. Le rapport préliminaire mentionne un certain nombre de principes, sept en réalité, et sur lesquels, et je cite le médiateur, «les parties ne pourraient revenir dans le cours des négociations». Alors, il fixe sept principes et dit aux parties: Pour continuer ma médiation, les parties vont devoir s'engager à respecter ces sept principes-là. Si elles ne s'engagent pas, je ne continue pas ma médiation. Et les deux parties ont accepté ces principes. Le contenu de ce rapport a été rendu public. Seulement le contenu, pas le rapport lui-même, mais il y a un contenu... un résumé du contenu du rapport qui a été rendu public. Je pourrais vous énumérer les principes, mais... Je vais économiser ce temps, là, mais, essentiellement c'est... Il recommande une équipe de permanents pour la Place des Arts, la suppression des planchers d'emploi, la suppression des cloisonnements de fonctions, mais en retour de quoi les membres IATSE recevraient une prime.

Ce rapport préliminaire contient essentiellement le rapport final. Tout est là. La seule chose, c'est l'écriture qui manquait. Et, le médiateur a fait une chose qu'on a rarement vue, il a rédigé une convention collective complète. Une convention collective complète qui découle des principes qu'il avait émis dans son rapport préliminaire. Le conseil d'administration de la Place des Arts, malgré que nous préférerions... Je vous le répète, nous préférerions que ce soient les producteurs. C'est toujours notre premier choix, c'est le premier choix du conseil d'administration, que les producteurs choisissent eux-mêmes leurs techniciens, parce que c'est eux qui savent combien de techniciens ils ont besoin, c'est eux qui savent quelles directives leur donner. C'est pas Place des Arts qui monte les pièces, qui produit les pièces, donc il appartient davantage aux producteurs de donner les directives, et il serait plus normal que les techniciens relèvent des producteurs. Malgré cela, le conseil d'administration... Et, malgré les irritants contenus dans le rapport du médiateur pour la Place des Arts... Parce qu'il y a des irritants importants, notamment au niveau de l'augmentation salariale qui est proposée, et aussi à cause du fait qu'on va continuer de vivre partiellement avec un atelier fermé. Mais, malgré des irritants, le conseil d'administration a accepté le rapport. Il avait accepté, comme le syndicat, le rapport préliminaire, il a accepté le rapport final, mais dans son intégralité, à condition qu'il soit pris comme un tout, un tout indivisible. Et le conseil d'administration a été unanime, malgré, encore une fois, les irritants.

Parce qu'on recommande des augmentations là-dedans qui vont friser les 20 % pour quatre ans, ce qui n'est pas rien compte tenu des revenus de ces gens-là qui sont déjà des revenus nettement, nettement les plus élevés de tous les artisans qui travaillent à la Place des Arts. Il y a pas de commune mesure avec les danseurs, avec les agents de sécurité, avec les comédiens, avec les metteurs en scène. Ce qui... Les revenus les plus importants sont faits par les réguliers... techniciens de la Place des Arts, et là on recommande une augmentation qui va être autour de 20 %.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci, M. Richard. M. le député, ça complétait votre intervention ou bien...

M. Beaulne: Oui. Donc, si je vous comprends bien, vous souhaiteriez que le rapport du médiateur soit mis en application.

M. Richard (Clément): C'est pas notre premier choix, je le répète, mais, si on doit vivre avec le rapport du médiateur, nous préférerions, je le répète, que la Cour d'appel nous donne raison. Mais, si elle ne nous donne pas raison, nous sommes disposés à vivre avec le rapport du médiateur.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup. Alors, Mme la porte-parole de l'opposition officielle, je vous cède maintenant la parole pour un bloc, bien sûr, de 20 minutes.

Mme Beauchamp: Que je partagerai avec mon collègue, le député d'Outremont.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Ah, ça sera très volontiers, alors.

Mme Beauchamp: C'est ça. M. Richard, M. Bernard, M. Fainstat, Mme Leblanc, merci d'être là. Je pense que, pour le bénéfice de tout le monde, il faut rappeler que des institutions comme la Place des Arts sont gérées par un conseil d'administration composé de bénévoles. Vous l'avez été longtemps, M. Richard, comme président du conseil d'administration. Je pense que c'est important de vous remercier d'être là, on oublie trop souvent que la destinée de nos institutions est entre les mains de gens dévoués. Ça fait que je vous remercie beaucoup d'être là.

D'entrée de jeu, je vais vous dire que ce qui m'a surpris à la lecture de votre mémoire, qui nous a déjà été déposé il y a quelque temps, mais également dans l'allocution que vous venez de prononcer... Ce qui m'étonne, je dirais, c'est l'absence de recommandations, l'absence de propositions. Ma première question, ce sera donc sur ce que votre mémoire ne contient pas, c'est-à-dire quelles sont les pistes de solution, quelles sont les recommandations à l'aune de l'expérience de six ans que vous avez entre autres, M. Richard, comme président du conseil d'administration et cette expérience de relations de travail que vous vivez? Et, sur d'autres aspects, parce que, je tiens à le dire, c'est tout l'avenir de la Place des Arts qui nous interpelle dans ce mandat de surveillance, quelles sont vos pistes de recommandation? Ou encore est-ce qu'on doit comprendre, lorsque, en réponse à la question de mon collègue député Marguerite-D'Youville... Quand vous avez insisté pour dire que le rapport du médiateur n'était pas votre premier choix et que vous souhaitiez qu'éventuellement la Cour d'appel vous donne raison, est-ce que vous êtes en train de nous dire que, pour vous, le modèle de la Place des Arts, son modèle futur, est donc une Place des Arts qui n'offre plus ad vitam aeternam... qui n'offre plus de services techniques? Moi, au moment où on se parle, au moment où on échange, c'est là où j'en suis rendue dans votre vision de l'avenir de la Place des Arts. Si ce n'est pas cela, quelles sont les pistes de recommandation, au moins de réflexion, que vous soumettez aux membres de cette commission parlementaire?

M. Richard (Clément): O.K. Alors, je vais vous livrer en vrac ma réflexion. Vous avez parfaitement raison de penser que notre premier choix, je le répète, ce serait que les producteurs embauchent eux-mêmes leurs techniciens. Ce serait plus normal, le lien d'emploi serait fixé à un meilleur endroit qu'il ne l'a été jusqu'à maintenant, Sauf qu'il y a peut-être pas de recommandations spécifiques, mais j'ai évoqué des problèmes spécifiques qui tenaient lieu de recommandations. J'ai indiqué qu'il était impossible de conjuguer l'atelier fermé avec la loi antibriseurs de grève. Quand on a fait cette loi-là, on a oublié qu'il existait... Il en reste deux ateliers fermés, à ma connaissance, au Québec. On a oublié l'existence de ces deux ateliers fermés là, et, évidemment, ils ont pas levé la main pour dire: On existe. Donc, il y aurait... Et, je rêve pas en couleur, Mme la députée de Sauvé, il y aurait deux moyens d'ordre législatif: éliminer, à toutes fins utiles, au Québec le régime de l'atelier fermé ou alors empêcher qu'il ne se conjugue avec la loi antibriseurs de grève. Et l'autre choix, c'est celui d'appliquer éventuellement, si la Cour d'appel nous donne tort, le rapport du médiateur. Et c'est ça, nos recommandations.

Mme Beauchamp: D'accord. La première recommandation, qui est donc l'élimination de la possibilité, là, de la coexistence du modèle de l'atelier fermé avec la loi québécoise antibriseurs de grève, je me pose la question: Au moment où on se parle, en date d'aujourd'hui, est-ce que vous avez fait des représentations de cette nature auprès du ministère du Travail? Et, à ma connaissance, il y a eu révision du Code du travail encore tout récemment, et, comme ancien parlementaire et même ministre réputé, vous savez comme moi, donc, qu'il y avait là possibilité de vous faire entendre ou encore par d'autres canaux qui sont à la disposition d'une société d'État. Donc, je me pose la question: Si c'est là votre principale recommandation ou, je dirais, votre modèle idéal que vous nous déposez aujourd'hui, quelles sont à ce jour, là, les démarches que la Place des Arts a faites auprès des instances appropriées? Et, entre autres, par exemple, une des questions que je me pose, c'est: Pourquoi vous avez choisi de ne pas participer à la commission parlementaire qui portait sur le Code du travail, par exemple?

n (15 h 10) n

M. Richard (Clément): Il faut comprendre, Mme la députée de Sauvé, que nous avons, forts de trois opinions juridiques de grands bureaux montréalais, de grands bureaux d'avocats... Nous avons décidé, dans un premier temps, de poser le geste de laisser les compagnies résidentes et les producteurs embaucher leurs techniciens, et on a été immédiatement entraînés devant les tribunaux. Et, à partir de ce moment-là, le ministère et le gouvernement connaissaient d'ailleurs notre choix, connaissaient bien le choix que nous avions fait, forts, encore une fois, d'opinions juridiques. Et j'avais indiqué aussi au gouvernement à quelques reprises que, si nous perdions devant les tribunaux, ça nous poserait un certain problème. C'est pour ça qu'ils ont amené la médiation. Et le médiateur, je vous le rappelle, a été choisi par les deux parties à l'instigation du bureau du premier ministre du temps. Et nous avons été, les deux parties, tout à fait d'accord pour le choix... pour la médiation, et ils ont été d'accord pour rentrer au travail.

Mme Beauchamp: Je veux juste voir si je comprends bien votre réponse à ma question, parce que ma question, résumée encore plus clairement, c'est: Moi, j'ai l'impression que la Place des Arts a raté une occasion de se faire entendre, de faire entendre ses recommandations là où était peut-être la meilleure instance ou l'instance la plus appropriée. Je voulais des explications sur pourquoi vous vous êtes pas fait entendre à ce moment-là. Et, deuxièmement, je veux savoir si je comprends bien votre réponse, est-ce que vous me répondez que, parce que c'était devant les tribunaux, vous croyiez que c'était pas... vous pouviez pas le faire? Puis, à ce moment-là, pourquoi est-ce qu'on est ici aujourd'hui si vous pouviez pas le faire devant...

M. Richard (Clément): Non, non. C'est exactement ça, mais aujourd'hui... Aujourd'hui, vous aurez compris qu'on n'aborde pas du tout la question pendante devant le tribunal, là. C'est que c'était pas nécessaire de venir tant et aussi longtemps que nous étions devant les tribunaux et que nous espérions gagner. On n'avait pas besoin du gouvernement à ce moment-là. Alors, on pouvait pas venir de façon conditionnelle, Mme la députée de Sauvé. On serait venus un peu en porte-à-faux parce qu'on aurait été devant les tribunaux et on se serait butés, d'ailleurs, au sub judice.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Madame.

Mme Beauchamp: Je tiens à souligner, M. le Président, que personnellement, à titre de parlementaire et dès le départ, dès l'annonce, le premier matin où la Place des Arts choisissait d'avoir recours devant un tribunal, j'ai indiqué à ce moment-là... C'était l'effet du hasard, mais nous étions en interpellation, donc j'avais deux heures pour poser des questions à la ministre de la Culture de l'époque. J'avais rapidement indiqué que, pour ma part, j'étais sûre et certaine que ça allait être une saga judiciaire. Et je pense que, pratiquement deux ans plus tard... Je pense que les faits me donnent raison. Et, par ailleurs, j'aurais souhaité vivement que, si vos recommandations sont les plus justes, que ça soit plutôt la voie... Si c'était nécessaire, le changement législatif, qu'il soit privilégié.

Puis ça m'amène à vous demander de me confirmer... Parce que je pense que c'est important qu'on soit transparents et qu'on le dise, peut-être que vous me confirmiez les montants en dépenses d'honoraires professionnels, entre autres, d'avocats reliés au conflit de travail qui ont été engagés par la Place des Arts. J'ai posé la question à la ministre lors de l'étude des crédits, j'ai ici une réponse en date du 11 juin, mais je me demandais si vous aviez un chiffre plus... encore plus à jour à me soumettre aujourd'hui.

M. Richard (Clément): Je pense, Mme la députée de Sauvé, que le chiffre le plus à jour dont je dispose, qui est de l'été... Oui, c'est bien le chiffre que j'avais, 555 000 $.

(Consultation)

M. Richard (Clément): C'est 563 696,69 $. Ça, c'est le chiffre à jour. Et c'est évidemment beaucoup sur deux... sur 27 mois. Ça comprend cependant, Mme la députée de Sauvé, les procédures entreprises contre les auteurs du vandalisme à la Place des Arts. Ça fait qu'on prend pas seulement les... Vous savez qu'il y a eu beaucoup d'actes de vandalisme, et ça comprend cela aussi. Il y a des actions qui ont été entreprises contre les auteurs d'actes de vandalisme. Encore une fois, c'est un montant astronomique, mais... que je trouve personnellement astronomique, mais, à la longue, c'est moins astronomique que les planchers d'emploi et les cloisonnements de fonctions. Et, à la longue, c'est moins astronomique que de bâtir une convention collective sur laquelle on n'a plus le moindre contrôle. Et c'est moins astronomique pour les quatre compagnies résidentes non plus.

Mme Beauchamp: Non, je veux juste revenir sur le fait que... pour vous dire que le chiffre que vous venez de nous soumettre, que ça exclut les taxes. C'est en date du 11 juin 2001...

M. Richard (Clément): Oui. Oui, ça exclut les taxes.

Mme Beauchamp: Juste pour plus de précision, parce que, peut-être, vous pourriez fournir un chiffre plus précis encore à la commission, est-ce que... Parce que, moi, j'ai ici la réponse écrite, là, du ministère, qui me donnait le même chiffre en date du 11 juin, est-ce que, selon vous, il y a des honoraires supplémentaires depuis ce temps qui feraient en sorte que, d'ici la fin de nos travaux, vous pourriez nous donner un chiffre vraiment à jour?

M. Richard (Clément): Oui. S'il y en a eu, avec grand plaisir, mais ça a pas été majeur, là. S'il y en a eu, avec grand plaisir, avant la fin des travaux, je vous les soumettrai.

Mme Beauchamp: Je veux juste revenir sur le fait que nous avons deux jours, nous, pour nous faire une tête si cette stratégie légale déployée par la Place des Arts, c'était la bonne stratégie ou pas. Ce qui m'inquiète un peu plus à titre de porte-parole de l'opposition en matière de culture et de communications, c'est de savoir d'où provient cet argent, c'est-à-dire que j'aimerais savoir: Est-ce que la Place des Arts assume ces montants à même ses budgets ordinaires? Je vais les appeler ainsi.

M. Richard (Clément): Oui, Mme la députée, entièrement et en totalité.

Mme Beauchamp: O.K. Donc, est-ce que vous pourriez m'aider... Ou je pourrai avoir la réponse peut-être de façon écrite dans la journée de demain si c'est trop compliqué, mais est-ce que ce serait possible, par exemple, dans votre dernier rapport annuel pour l'année 1999-2000, qu'on nous indique où est-ce qu'on retrouve ces montants-là exactement dans les rapports vérifiés? Parce que, jusqu'à maintenant, je vois qu'il y a, par exemple, des services professionnels. Je sais pas si c'est là-dedans qu'on les retrouve, mais, si j'additionne l'année précédente, 1998-1999, et l'année jusqu'en l'an 2000, ça me donne pas les... j'arrive pas au total, là, du montant que vous me donnez. Donc, pour plus de transparence, j'aimerais ça que vous m'indiquiez où est-ce qu'on les retrouve exactement dans les états vérifiés.

M. Richard (Clément): Oui. Alors...

Mme Beauchamp: Est-ce que c'est possible tout de suite ou...

M. Richard (Clément): C'est parce que j'ai un petit doute, alors j'aimerais mieux vérifier avant de fournir la réponse.

Mme Beauchamp: D'accord.

M. Richard (Clément): Mais je pense que ça apparaît à Dépenses d'administration générale.

Mme Beauchamp: Donc, finalement, ma question revient à dire que j'aimerais avoir par écrit le montant d'honoraires professionnels pour l'année 1998-1999, ensuite 1999-2000, et on pourra faire, nous, la soustraction sur qu'est-ce qui a été dépensé à partir du 1er avril de cette année.

Je disais que ce qui m'inquiétait le plus, c'était l'utilisation de ces sommes dans le cadre des sommes qui sont dévolues à une institution culturelle. Ce que je veux dire par là, c'est qu'on sait que le financement de nos institutions culturelles est très problématique ou, en tout cas, ça crie fort partout au Québec pour le financement adéquat de la culture et du développement de la culture au Québec. Et, je vous demande de commenter une impression que j'ai, c'est que j'ai l'impression que, avec la bénédiction de la ministre du Travail de l'époque, qui est maintenant la nouvelle ministre de la Culture, et du premier ministre de l'époque, le gouvernement du Québec choisit de mener un combat contre une forme d'organisation du travail, mais qu'on le fait sur le dos du budget de la culture. C'est l'impression, finalement, que ça me laisse et c'est pour ça que j'ai l'impression qu'il y avait peut-être d'autres moyens à privilégier. En tout cas, c'est un questionnement qu'à ce moment-ci j'ai. Parce que c'est un demi-million de dollars, minimum. C'est une somme imposante pour nos artistes, artisans et créateurs au Québec, et c'est dommage de voir que ça ait été englouti dans le cadre de démarches juridiques qui ne sont mêmes pas terminées.

M. Richard (Clément): Alors, Mme la députée de Sauvé, je suis totalement d'accord avec vous, c'est une somme importante, mais, encore une fois, j'ai rappelé tout à l'heure que... Dans le passé, que faisaient, avec raison, les conseils d'administration? Ils disaient: Bon, on va accepter les demandes de IATSE, parce qu'on va mettre en faillite les grandes institutions culturelles du Québec. Alors, le 500 000 $, qui est énorme, qui est une somme astronomique, c'est rien à côté de la mise en faillite des Grands Ballets, de l'Opéra de Montréal, de la Compagnie Jean-Duceppe ou de l'Orchestre symphonique de Montréal. Ce 500 000 $-là, il a été dépensé en partie pour épargner la faillite des grandes compagnies culturelles du Québec, pour sauver entre autres, Mme la députée de Sauvé, le Festival de jazz. Il y aurait pas eu de Festival de jazz si on n'avait pas agi comme on a agi. Ou alors il y a un Festival de jazz, puis vous acquiescez à toutes les requêtes de IATSE. Ils sont tout à fait conscients de ça.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci. M. le député d'Outremont.

n (15 h 20) n

M. Laporte: Oui. Merci, M. le Président. Au début de votre présentation, M. Richard, vous avez mentionné une donnée d'environnement qui est très importante à partir du rapport sur les arts de la scène, là, à savoir qu'il y a cet écart, ce déficit de la demande à Montréal. Plus tard, vous avez mentionné un environnement de... concurrentiel encombré. Ça, évidemment, ça crée une conjoncture qui est tout à fait propice au développement de ce que vous avez appelé un non-rapport de force, là. On est d'accord là-dessus, là? Au point de vue syndical, c'est un gros atout. Comment ça s'explique, ça, cette... Il y a jamais personne qui m'a... Je me rappelle d'avoir pris connaissance de cette donnée-là dans le rapport qu'avait publié Mme Beaudoin, mais il y a jamais personne qui m'ait apporté une explication des causes de ce déficit-là. Et en quoi est-ce que ça influence la situation de la Place des Arts et la situation de la Place des Arts dans la conjoncture de conflit dont on parle maintenant?

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Richard.

M. Richard (Clément): J'ai expliqué, M. le député d'Outremont, qu'il y a eu multiplication des salles. Par la force des choses, ç'a un impact pour la Place des Arts parce qu'il y a une plus grande concurrence. Comme les coûts scéniques dans ces salles-là sont infiniment moindres et comme parfois les membres d'IATSE, souvent, vont y travailler à rabais, vous imaginez bien que ça nous crée une concurrence qui est épouvantable. Et un des motifs de ça, c'est qu'il y a de ces salles-là ? je pense en particulier à la vôtre à Outremont, là ? qui ont des valeurs patrimoniales importantes, et on a tendance à vouloir, avec raison, rénover, restaurer ces salles-là puis à les réouvrir. Mais, à chaque fois, on accroît la concurrence pour Place des Arts. Ç'a été fait, par exemple, la même chose, avec le Corona qui est une salle absolument magnifique et qui a une histoire importante pour le Québec. Bien, on a réouvert le Corona, ça fait qu'il y a une nouvelle concurrence pour Place des Arts. Beaucoup de théâtres ont demandé que leurs salles soit rénovées et restaurées, et c'est comme ça qu'on s'est retrouvé avec un bien plus grand nombre de salles.

M. Laporte: Donc, finalement la solution que vous proposez, c'est celle qui vise à mettre fin à ce que vous décrivez comme une situation d'égorgement, quoi. Pour sortir de l'impasse dans laquelle vous vous trouvez, il faut tout de même une solution qui soit rapidement radicale du point de vue à la fois légal et institutionnel.

Le Président (M. Simard, Montmorency): M. Richard.

M. Richard (Clément): Bien, il y a peut-être pas d'autres solutions. J'ai évoqué les solutions possibles. J'ai évoqué toutes les solutions possibles, à mon humble avis. Après mûre réflexion, on a envisagé toutes les solutions possibles, celle que nous privilégions ? et nous serions très heureux évidemment ? ça serait que la Cour d'appel nous donne raison. Mais, si elle nous donne tort, je le répète, on peut vivre avec le rapport du médiateur qui corrige quand même des anomalies importantes, tout en contenant pour nous des irritants. Là-dedans, il y a une augmentation de salaire de 19 ou 20 % là. Ça va être autour de ça, c'est assez important.

M. Laporte: ...est-il incapable d'imposer aux autres acteurs du milieu culturel de Montréal les conditions de rigidité que vous décrivez, oui?

M. Richard (Clément): C'était pas dans son mandat.

M. Laporte: Non, mais, je veux dire, le syndicat comme tel. Comment se fait-il que vous êtes ciblés, alors que les autres ne le sont pas?

M. Richard (Clément): Bien, c'est facile à deviner, ils ont ciblé quatre fois la Place des Arts pour les raisons que j'ai évoquées. C'est impossible pour les grandes compagnies résidentes de vivre une grève, si brève soit-elle. Alors, c'est le meilleur endroit. En ciblant le Parc des Îles, c'est juste l'été et c'est cinq ou six petites scènes qu'il y a au Parc des Îles. Et vous imaginez bien que ça réduirait pas l'achalandage de La Ronde l'été. L'autre fois, ils ont ciblé le TNM, et là le TNM a quelque chose comme 30 % de plus, à certains niveaux, de revenus que les gens de Place des Arts, que les techniciens à Place des Arts. Alors, les deux qu'ils vont toujours cibler... Le Centre Molson, ils l'ont jamais ciblé parce que probablement que le Centre Molson pourrait vivre longtemps sans qu'il y ait des spectacles. Il y aura toujours du hockey. Le hockey, c'est pas IATSE qui est là. Alors, ils ciblent Place des Arts, sachant qu'ils s'en vont travailler, par exemple, avec les Grands Ballets ou l'OSM, puis ils vont au Parc des Îles, puis ils vont au Centre Molson, les dirigeants. Il y a quand même des pertes d'argent pour les plus jeunes, ceux qui peuvent pas aller supplanter les autres.

Alors, ils ont toujours ciblé... Et ils ont toujours dit: C'est l'administration de la Place des Arts qui est fautive, là, dans le dossier. Mais, sous cinq administrations différentes, une avec le TNM et quatre avec la Place des Arts, ils ont fait la grève. Évidemment, ils vont vous dire que c'est les administrations qui étaient toujours fautives.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Très bien. Merci, M. Richard. Alors, comme la députée de Sauvé et porte-parole de l'opposition officielle souhaitait vous adresser une question supplémentaire et que notre temps est déjà révolu, je demanderais le consentement des membres de cette commission pour qu'on puisse ajouter deux minutes de part et d'autre. Ça va, tout le monde? Mme la députée de Sauvé, à vous la parole pour deux minutes.

Mme Beauchamp: Oui, merci. Très courte question. Dans la foulée de mon collègue sur la question de l'offre et de la demande, j'aimerais avoir vos réactions face à l'intention manifestée par le gouvernement, là, réitérée à la fois par le premier ministre et par le président du Conseil du trésor, d'aller de l'avant avec une salle pour l'OSM. Et comment, dans votre plan stratégique de développement, vous évaluez l'impact d'un tel projet?

M. Richard (Clément): La question est très pertinente, Mme la députée de Sauvé. Vous savez que la construction de la salle Wilfrid-Pelletier est le résultat d'un compromis. On savait qu'il y aurait là de l'opéra, des concerts symphoniques, des variétés et de la danse, et c'était l'époque où on faisait des salles qui étaient des salles compromis, avec le résultat que pour les concerts symphoniques... avec le résultat, Mme la députée, que, pour les concerts symphoniques, on dit que l'acoustique ne serait pas absolument parfaite, en tout cas aussi bonne qu'on le souhaiterait, notamment pour les concerts symphoniques, ce qui est pas le cas pour... généralement pour l'opéra, je pense, et pour les variétés. Mais, pour les concerts symphoniques, il y a longtemps que les chefs disent que l'acoustique n'est pas parfaite ou pas aussi bonne qu'on le souhaiterait, et donc ça fait 30 ans ou presque qu'on parle de la construction d'une salle de concert consacrée presque exclusivement à la musique classique, à la musique symphonique et à la... surtout. Nous, on a analysé la question très sérieusement, et je vais peut-être vous étonner, mais on pense que Wilfrid-Pelletier ne souffrira pas beaucoup...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, en conclusion, M. Richard, s'il vous plaît. Il vous reste 30 secondes à peine.

M. Richard (Clément): On pense que Wilfrid-Pelletier ne souffrira pas beaucoup du départ de l'Orchestre symphonique de Montréal, parce que Wilfrid-Pelletier a un caractère unique à Montréal, c'est la seule salle de 3 000 places. Et il y a beaucoup de spectacles, de spectacles à grand déploiement auxquels on peut pas faire de place parce que l'OSM est là deux fois toutes les semaines...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup.

M. Richard (Clément): Durant 35 semaines par année.

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci. Je m'excuse, mais je dois être très strict dans le temps qui nous est imparti, sinon à la fin de la journée on sera très en retard. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, à vous la parole pour également deux minutes. Pas plus.

M. Dion: M. le Président, alors, en quelques mots seulement. Vous avez beaucoup insisté tout à l'heure sur la concurrence qu'il y avait entre la Place des Arts et les autres salles. Évidemment, j'imagine que c'est pas votre intention de faire la guerre aux autres salles et de les faire... de leur enlever... Alors, j'imagine que vous visez une augmentation de la clientèle potentielle. Alors, ma question est la suivante: Dans quelle mesure la normalisation des relations de travail à la Place des Arts pourrait contribuer à faire baisser les coûts de telle sorte qu'elle puisse avoir un effet sur l'achalandage?

M. Richard (Clément): Bon, il y a plusieurs façons d'avoir un effet sur l'achalandage. D'abord, manifestement, de façon très évidente, en réduisant nos coûts scéniques pour qu'on ait plus de représentations. On pourrait revenir à 800, 900 représentations. Je crois que cette année on va dépasser un peu les 700 représentations, ce qui va être une assez bonne année. On revient à un niveau assez normal.

Mais on a d'autres projets, M. le député de Saint-Hyacinthe. Par exemple, je pense bien qu'il faudrait créer à Montréal une billetterie à escompte, surtout pour les jeunes, hein, les jeunes qui voudraient assister à des spectacles. Il y a ce genre de billetterie centrale à escompte qui existe dans certaines grandes villes nord-américaines, et la Place des Arts songe à un projet d'instaurer une pareille billetterie à escompte quand on va être sortis de nos problèmes, qui pourrait augmenter sensiblement, pensons-nous, le nombre de jeunes qui viendraient assister... Parce que c'est ça, c'est la relève qui est importante, hein? Et il faut trouver une relève pour l'opéra, une relève pour la musique classique, notamment.

Et vous savez qu'on a attiré chez nous récemment ? puis on n'en est pas peu fiers ? Radio-Classique qui, maintenant, diffuse à partir de Place des Arts. Et...

Le Président (M. Simard, Montmorency): Alors, merci, M. Richard.

M. Richard (Clément): ...vous savez que Radio-Classique connaît un très grand succès, même auprès des jeunes.

n (15 h 30) n

Le Président (M. Simard, Montmorency): Merci beaucoup, M. Richard, pour cette réponse, ma foi, très succincte. Alors, Mme Leblanc, qui avez tant nourri notre imaginaire collectif, M. Fainstat, M. Bernard et M. Richard, merci beaucoup de votre présence parmi nous cet après-midi. Au plaisir de vous revoir.

Alors, j'appelle immédiatement les représentants de la Société du Grand Théâtre de Québec à se joindre à nous, et nous allons d'ores et déjà amorcer la distribution du rapport du négociateur spécial à tous les membres de la commission.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): Bienvenue à cette commission. Alors, si vous voulez nous présenter, M. Bouchard, la personne qui vous accompagne. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

Société du Grand Théâtre de Québec

M. Bouchard (P.-Michel): Bonjour, M. le Président. Merci aux membres de la commission pour vos remarques d'entrée. Merci de nous donner l'occasion de venir vous entretenir d'un sujet qui nous tient à coeur, notre Société du Grand Théâtre de Québec. Je suis accompagné de... Mon nom est Pierre-Michel Bouchard; je suis le président du conseil. Je suis accompagné de Mme Francine Grégoire qui est la directrice générale de notre institution.

Alors, je voudrais maintenant vous tracer un portrait complet des activités du Grand Théâtre de Québec. Depuis exactement 30 ans, le Grand Théâtre se révèle un organisme majeur en matière de diffusion des arts de la scène qui offre au public à la fois vaste et diversifié des spectacles provenant de la scène internationale, nationale ou locale. Le Grand Théâtre doit s'acquitter d'une double mission: promouvoir et rendre accessibles les arts de la scène dans la grande région de Québec. Le Grand Théâtre loue donc ses salles à des producteurs d'entreprises privées en plus de présenter ou de produire des spectacles lui-même, c'est-à-dire qu'il doit, à quelques reprises, assumer entièrement les risques financiers inhérents à la présentation et à la production de spectacles.

Plus du quart de la programmation est présenté par le Grand Théâtre. Cette programmation se retrouve majoritairement en spectacles de danses et de chansons. Ce complexe culturel possède tous les équipements nécessaires à la présentation du plus large éventail possible de spectacles, chansons, comédies musicales, concerts, récitals, théâtres, humour, ciné-conférences, et j'en passe.

Le Grand Théâtre est géré par un conseil d'administration composé de neuf personnes nommées par le gouvernement, l'effectif régulier compte 34 personnes, la Société embauche aussi sur une base occasionnelle plus de 150 employés, principalement des préposés à l'accueil, des techniciens de scène et des caissières-téléphonistes.

Son financement. À l'heure actuelle, le Grand Théâtre reçoit une subvention de fonctionnement de l'ordre de 3,2 millions de la part du ministère de la Culture et des Communications. En 1999-2000, le budget total du Grand Théâtre a atteint 9,3 millions. Toutefois, à la différence de notre société soeur, la Place des Arts, le Grand Théâtre de Québec paie des taxes foncières annuelles pour une somme de 1,5 million. En plus, en vertu d'un décret gouvernemental, la Société doit loger gratuitement le Conservatoire de musique de Québec, ce qui représente un déboursé de 200 000 $ annuellement. À la subvention de fonctionnement se greffe une subvention annuelle moyenne de 800 000 $ servant à réaliser les travaux d'entretien et à acheter les équipements afin de maintenir en bon état nos actifs.

Je vous décris brièvement les lieux. Nous avons deux salles polyvalentes, deux salles de répétition, plusieurs espaces pour y tenir des réceptions et des salons corporatifs, et je vous entretiendrai tout à l'heure de ce que nous en faisons. Le Conservatoire de musique de Québec qui occupe un grand, grand espace qui est un peu dans la terre, c'est pour ça que les gens n'y sont pas familiers, le Théâtre de Sable, une compagnie de marionnettes de réputation internationale, la cour intérieure du Conservatoire peut servir de lieu de spectacle, et on en envisage le réaménagement, je vous en reparlerai.

Nous opérons aussi une galerie d'art ouverte aux gens de la grande région de Québec qui sont des artistes non professionnels et dont le talent n'a pas encore été reconnu, c'est-à-dire des gens dont le hobby est la peinture, la sculpture ou la photographie et qui, sur simple sélection d'un comité de bon goût, vont venir exposer au Grand Théâtre pour des périodes de trois semaines. Je vous souligne que nous sommes pris pour trois ans... ou 18 mois à 24 mois d'avance avec cette chose-là.

La salle Louis-Fréchette contient 1 875 fauteuils, une excellente acoustique grâce à la conque d'orchestre ultramoderne. Une variété de spectacles y sont présentés, mais principalement les concerts de l'Orchestre symphonique de Québec, les productions de l'Opéra, les récitals du Club musical et les artistes de... plusieurs artistes et productions d'envergure, citons seulement les chanteurs de réputation internationale, ou David Copperfield, Notre-Dame-de-Paris, enfin des spectacles à plus grand déploiement.

La salle Octave-Crémazie, pour sa part, compte 520 places. Elle a été récemment rénovée au niveau du confort et de son acoustique. Elle est destinée et occupée principalement au Théâtre du Trident qui, comme vous le savez, est notre institution théâtrale résidente. On y fait... on y produit aussi des spectacles de chanson et de danse, tels Daniel Boucher, Jorane, Bob Walsh, Carmen Campagne, et j'en passe.

Quelques données sur la fréquentation maintenant. Le Grand Théâtre présente annuellement quelque 300 spectacles qui attirent en moyenne 280 000 personnes. Depuis trois ans, nos assistances ont augmenté de 30 %. Depuis l'ouverture, le 17 janvier 1971, le Grand Théâtre a accueilli 10 millions de spectateurs et demeure ainsi le lieu culturel le plus fréquenté dans la région de Québec. Le Grand Théâtre constitue donc un diffuseur majeur qui joue son rôle de catalyseur dans le domaine de la diffusion à Québec.

Nous sommes le lieu de résidence de quatre organismes culturels. L'Orchestre symphonique d'abord donne une trentaine de concerts qui rejoignent plus de 400 000 mélomanes, de 40 000 mélomanes, pardonnez-moi. Le Théâtre du Trident, pour sa part, présente cinq pièces pour plus d'une centaine de représentations. Environ 50 000 amateurs de théâtre y assistent. L'Opéra de Québec monte trois grandes productions lyriques et donne 12 représentations attirant plus de 20 000 personnes. Le Club musical de Québec offre six ou sept récitals, 10 000 personnes y applaudissent les vedettes internationales qui s'y produisent. La programmation de ces organismes résidents représente environ 45 % de l'ensemble de notre programmation.

L'avantage d'un lieu de diffusion unique. Le choix du Grand Théâtre comme lieu unique de diffusion est un bel exemple de rationalisation et comporte en effet plusieurs avantages pour nos institutions culturelles. D'ailleurs, nous mettons au service de nos résidents de nombreux services. Par exemple, la gestion complète des salles, des locaux et de leurs équipements; le choix prioritaire de dates dans notre calendrier; un soutien artistique important pour l'activité de création et de production; la gestion de la billetterie y compris du soutien pour les campagnes d'abonnement et la fourniture du matériel informatique pour nos résidents; la coprésentation et la coproduction de spectacles ou d'événements surtout lorsqu'il s'agit du développement des nouveaux publics; divers autres services dont l'utilisation des salles de répétition, de salons pour les conférences de presse ou des réceptions, et j'en passe; la publication de la programmation de nos résidents dans la revue du Grand Théâtre ainsi que dans les calendriers distribués à travers le réseau touristique de la région de Québec. La mise en commun de ressources et les économies d'échelle qui en résultent constituent, à notre avis, une des clés de la réussite pour consolider les organismes... les activités de nos organismes résidents et voir à ce que le dollar de la culture se retrouve plutôt sur le produit que sur le béton ou sur les équipements.

Nous sommes conscients qu'il y a des améliorations à apporter sur certains aspects, notamment le manque d'espaces adaptés aux besoins et les coûts de scène, comme le démontrent les commentaires de trois de nos quatre résidents qui ont été joints à notre mémoire. Nous entendons y apporter une attention particulière. J'aurai d'ailleurs l'occasion d'y revenir dans ma présentation.

J'aimerais maintenant vous parler brièvement de nos grandes orientations et des actions que nous avons mises de l'avant en conformité avec les orientations gouvernementales en matière de culture; je parle ici de la Politique de diffusion rendue publique en 1996. Pour rappel, cette Politique réaffirme l'importance du rôle de la Place des Arts et du Grand Théâtre dans la mise en oeuvre de la Politique. Ainsi, notre mandat renouvelé était de présenter une programmation artistique diversifiée et de qualité provenant du Québec ou d'ailleurs dans le monde, être accessible à l'ensemble des organismes et des entreprises artistiques en accordant une place privilégiée aux organismes majeurs de chacune des disciplines. Enfin, nous devons réaliser, en concertation avec les résidents et d'autres partenaires culturels, des activités de sensibilisation et de développement de nos nouveaux publics. Notre plan d'action a donc été développé avec ces grandes orientations gouvernementales en tête.

n (15 h 40) n

Première orientation, notre raison d'être: enrichir la programmation. Cette orientation vise, par des actions concrètes, à conserver nos acquis au Grand Théâtre et à continuer d'offrir une programmation de qualité et diversifiée. Rejoindre de nouvelles clientèles ? ça nous tient à coeur; maximiser la fréquentation de nos salles. Plusieurs moyens ont déjà été mis en place pour atteindre ces objectifs. Par exemple, les efforts pour rejoindre une nouvelle clientèle sont nombreux, plusieurs passent entre autres par les activités de sensibilisation suivantes. Nous participons activement aux Journées de la culture décrétées par le gouvernement. Ces journées visent à présenter des activités culturelles et de sensibilisation. Au Grand Théâtre, voici ce que nous faisons. En collaboration avec nos résidants, nous faisons des visites d'atelier, de costumes, de loges, de familiarisation avec le produit culturel, des répétitions publiques, des expositions d'instruments de musique, de l'explication de ce qui se passe derrière la scène, derrière le rideau et dans le cadre... Par exemple, je me rappelle d'une excellente présentation de l'Opéra de Québec, puis ils disaient tout ce qui se passait dans un opéra.

La collaboration du Grand Théâtre et de l'Opéra de Québec permet à 1 500 élèves du secondaire d'assister gratuitement à la générale des opéras présentés dans le cadre de sa programmation. C'est un produit qui déjà opère à guichet fermé. Alors, c'est un produit où il y avait pas de spectateurs, pourquoi pas mettre des gens pour les familiariser. Nous l'avons fait, c'est un succès.

Nous avons mis sur pied des forfaits corporatifs qui constituent un abonnement destiné aux gens des milieux d'affaires de la région de Québec. Ça attire une nouvelle clientèle, ça nous génère des revenus additionnels pour nos résidents et pour nos propres productions de plus de 200 000 $ par année, c'est-à-dire que nous vendons des forfaits dans lesquels chacun de nos résidents voit ses billets inclus et, à nos frais, nous vendons ce forfait et nous achetons les billets de nos résidents. Donc, l'argent leur retourne. Pour l'Orchestre symphonique, les dernières années, c'étaient environ 25 000 $ par année, ce n'est pas négligeable.

Parmi les nouveaux publics, les jeunes représentent un bassin potentiel de fréquentation très important. Nous devons les motiver à la dimension culturelle par des efforts systématiques et soutenus. À ce titre, nous avons institué le forfait «Foule Cool» destiné aux jeunes entre 15 et 20 ans, un groupe malheureusement sous-représenté dans les salles de spectacle. Ce forfait leur permet d'acheter trois spectacles pour 49 $. Une journée destinée à faire découvrir l'envers du décor à de jeunes écoliers remporte un vif succès, de minispectacles sont conçus spécialement à leur intention. Les matinées du Grand Théâtre, une série de spectacles spécialement destinés aux aînés, contribuent à maximiser l'utilisation de nos salles durant le jour et permettent à un public plus âgé de demeurer actif et de se divertir. Ces spectacles ont lieu à 2 heures de l'après-midi, ce qui permet à tout le monde d'utiliser les transports en commun en dehors de la fréquentation habituelle. Les gens reviennent chez eux plus tôt. Quatre spectacles pour 60 $. C'est très populaire.

Les initiatives visant à diversifier la programmation sont également nombreuses. À titre d'exemple, mentionnons que le Grand Théâtre s'associe de plus en plus aux événements majeurs de la capitale et des environs: le Festival d'été, le Carrefour de théâtre, le Festival du film, le festival Images du Nouveau Monde et, un petit nouveau avec nous, le Carrefour mondial de l'accordéon de Montmagny avec qui nous faisons des projets ensemble. Mentionnons également que des collaborations ont eu lieu avec les Productions Ex Machina pour la présentation de La Face cachée de la lune de Robert Lepage, avec la Maison de la chanson pour l'événement Coup de coeur francophone, et avec le Réseau Scène de Montréal pour la présentation d'un plateau jeune chanson mettant en vedette Daniel Boucher, Urbain Desbois et Daran.

Deuxième orientation: demeurer à l'avant-garde des nouvelles technologies. La mise à jour constante de nos équipements scéniques et du matériel informatique de billetterie nous permet d'optimiser l'utilisation de nos salles et d'améliorer l'efficacité de nos logiciels de billetterie. Cette mise à jour de nos équipements bénéficie grandement aux créateurs, artistes et producteurs qui nous fréquentent. Quant aux logiciels de leur billetterie, leur mise à jour profite à nos institutions culturelles résidentes pour la mise en marché de leurs billets. Ainsi, pour les campagnes d'abonnement de nos résidents, nous avons amélioré le logiciel de billetterie de façon à obtenir des informations plus précises sur le profil de chacune de leurs clientèles et leurs habitudes d'achat. On leur remet ça clé en main et ça les facilite, ils ont pas toujours les budgets pour être au même niveau que nous, au niveau, entre autres, équipements.

Une autre initiative: la mise sur pied d'un site Internet transactionnel qui offre la possibilité de se procurer des billets 24 heures sur 24. Bientôt, cette technologie nous permettra d'imprimer les billets à domicile. De 5 à 10 % de nos ventes sont effectuées... sont déjà effectuées par l'intermédiaire de ce réseau.

La rénovation de la salle Octave-Crémazie s'est inscrite dans cette orientation. Elle offre désormais une acoustique et un confort améliorés.

Troisième et quatrième orientations que je traiterai ensemble: améliorer le service à la clientèle et maintenir une gestion proactive et concertée. Au Grand Théâtre, nous sommes préoccupés, nous avons l'occupation client. Au Grand Théâtre, les clients, ce sont les spectateurs, les producteurs et aussi nos institutions culturelles résidentes. J'aimerais souligner les efforts de l'ensemble de notre personnel pour assurer un service à la clientèle constamment renouvelé.

Parmi les actions mises de l'avant, j'aimerais particulièrement souligner les rencontres annuelles avec les résidents et notre personnel qui servent à réévaluer en tout temps nos façons de faire pour être en mesure de mieux répondre aux besoins de ces clients. Nous avons réaménagé de nouveaux salons afin d'accueillir davantage de groupes corporatifs qui désirent combiner soirée-spectacle pour faire des affaires, une clientèle que toutes les salles courtisent, qui est sensible à un service personnalisé. Ce ne sont là que quelques-unes des mesures que nous avons prises.

Défis et réalité cependant. Nous vivons aussi dans la vraie vie avec tout le monde. Renouveler et diversifier notre clientèle tout en continuant à offrir une variété de spectacles s'avèrent une tâche de plus en plus ardue. Par exemple, nous travaillons dans un contexte de multiplication des manifestations artistiques. À Québec seulement, 202 activités culturelles seront offertes en octobre, 160 le seront en novembre, sans compter l'Internet, les cassettes, les livres, le cinéma maison, les chaînes de télévision spécialisées. C'est à Québec, ça. Autre réalité pour le monde du spectacle, le dollar consacré aux loisirs n'est pas illimité, faute de ressources ou de temps. Il y a de l'offre à Québec. Il y a de la compétition à Québec.

La notion de rentabilité qui anime la majorité des producteurs est une autre réalité. En effet, les coûts de présentation de spectacles au Grand Théâtre sont beaucoup plus élevés que dans les salles concurrentes en raison de plusieurs des dispositions de la convention collective régissant les conditions de travail de nos techniciens de scène. Cette situation constitue sans doute un obstacle pour certains organismes culturels et producteurs privés. Nous avons toutefois obtenu, lors de nos dernières négociations, certaines améliorations, principalement lorsque nous avons renouvelé la dernière convention, mais il reste encore du travail à faire.

Je profite de l'occasion pour vous parler d'un projet qui nous tient à coeur et qui est présentement à l'étude au ministère de la Culture, c'est-à-dire que, si le gouvernement décidait de transférer le Conservatoire de musique dans des locaux plus appropriés, ça nous permettrait de récupérer plus de 50 000 pi d'édifice à bureaux pour lesquels nous pourrions loger nos institutions résidentes à moindre coût. Deux de nos résidents ont déjà leur propre maison et, évidemment, ça coûte cher, des maisons, surtout les maisons sur plusieurs étages, c'est pas fonctionnel. Ça nous permettrait, nous, de récupérer, à l'intérieur du théâtre, l'Opéra de Québec, l'Orchestre symphonique, de réaménager le Théâtre du Trident et peut-être d'en mettre d'autres. Ce qui fait que tout le monde serait près de son produit, ce qui fait que la salle de conférence pourrait servir à quatre au lieu d'à un, à deux ou à trois, ce qui fait qu'il pourrait y avoir des salles ou des services ensemble. C'est un projet qui nous tient à coeur. Nous le travaillons avec les autorités du ministère.

En conclusion. Le passé est garant de l'avenir au Grand Théâtre, et nous avons su démontrer, au cours des 30 dernières années, notre capacité de nous adapter et d'innover. Le Grand Théâtre, place ouverte à la création, contribue grandement à la vitalité de l'espace culturel québécois, et nous entendons poursuivre nos actions en ce sens, contribuer au rayonnement de la capitale.

En terminant, M. le Président, MM., Mmes les députés, au nom du conseil d'administration et de la direction du Grand Théâtre, permettez-nous de remercier les membres de la commission de la culture de nous avoir permis de présenter notre mémoire. Je profite également de l'occasion pour souligner l'excellente collaboration et l'appui des ministres de la Culture, notamment de Mme Diane Lemieux, ainsi que des fonctionnaires du ministère de la Culture et des Communications. Nous serons maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, M. Bouchard, Mme Grégoire. Alors, nous allons donc procéder à une période d'échanges d'abord du côté ministériel et, par la suite, du côté de l'opposition officielle. Alors, M. le député d'Iberville, vous avez la parole.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Vous avez parlé tantôt d'un manque d'espace adapté aux besoins et, vers la fin, vous avez parlé d'un éventuel déplacement du Conservatoire. Quand vous parlez d'un manque d'espace adapté aux besoins, c'est que vous verriez comme solution l'espace libéré par le Conservatoire qui serait adapté à vos besoins.

M. Bouchard (P.-Michel): C'est-à-dire qu'il faut un peu visualiser les lieux. Il y a la bâtisse comme telle du Grand Théâtre et il y a comme un édifice à bureaux dans la terre, à côté, qui est creusé. Personne le voit de l'extérieur, mais il y a 50 000 pi de bureaux. Le Conservatoire de musique, je sais qu'il en a été question qu'il soit regroupé avec l'École de musique de l'université ou d'autres choses par le ministère. Ce n'est pas notre dossier, mais à un moment donné ça va nous arriver. Alors, quelle bonne occasion de saisir...

n (15 h 50) n

Vous savez, le Trident... pour loger le Trident, on a cancellé la salle de conférence au Grand Théâtre puis le bureau du président, on n'a pas besoin de ça, dans le fond, il y en a ailleurs, et on a logé le Trident parce que c'était mieux de loger le Trident chez nous. Le Trident est près de son produit. Un théâtre dans le théâtre, c'est parfait. Alors... Mais, ça aussi, ça grossit, le Trident, ça aussi, les autres grossissent... Et on n'a pas de locaux; c'est une difficulté chez nous, les locaux d'administration. Même si les bureaux sont relativement petits, tout le monde est un par-dessus l'autre. Il y a beaucoup de gens qui travaillent sans fenêtre parce que c'est dans la terre. Alors, si on avait cette possibilité-là... et ce qu'on travaille depuis plusieurs années. On a bon espoir de pouvoir le faire.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Bouchard. M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Oui, j'ai deux autres brèves questions. Vous avez parlé d'augmentation de la fréquentation de 30 % depuis trois ans; donc, vous prospectez, vous voyez s'il y a des nouveaux marchés. Est-ce que vous avez un objectif quant à ça ou vous trouvez que, là, vous avez presque fait le plein?

M. Bouchard (P.-Michel): C'est-à-dire que, dans notre plan d'affaires, on a choisi, nous, de coproduire à plusieurs reprises. Cette augmentation de production n'est pas étrangère, entre autres, à Notre-Dame-de-Paris, sur laquelle nous étions, à l'origine, avec des ententes avant même que le spectacle soit commencé. Il y avait un risque pour nous, ça nous a rapporté. Bon, on l'a fait. Évidemment, ça nous a rapporté plusieurs soirs de spectacle, on a rempli nos salles. Entre autres, l'été dernier, on a fait, je crois, 22 soirs au mois de juillet, ce qu'on faisait pas. On a des plans pour l'année prochaine avec d'autres choses ? c'est plus dur, mais on le fait ? on essaie de participer avec le Festival ou avec d'autres pour dire: Aïe, le Grand Théâtre est là à l'année, là. Le dernier Festival d'été, il a plu 11 jours, quoi de mieux que d'aller au Grand Théâtre à ce moment-là. C'est ça qu'on veut faire, on veut être dans le milieu. Mme Grégoire siège sur le Conseil de la culture, on essaie d'être près des besoins des gens de la culture à Québec. C'est un peu...

Le Président (M. Boulianne): Oui, M. Bouchard. Mme Grégoire, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

Mme Grégoire (Francine): Non. Écoutez, vous demandez si on a fait le plein. C'est difficile à dire. Il faut saisir les opportunités, puis, dans le milieu du spectacle, je pense que c'est la façon, il faut s'assurer que, lorsqu'il y a des opportunités, il faut les saisir. Il y a des occasions qui se présentent. C'est un peu cyclique, aussi, le marché du spectacle. Il y a des années où c'est plus difficile, il y a des années où c'est plus fort, ça a toujours été comme ça, mais je pense qu'on peut... On travaille encore à développer des publics, mais c'est sûr qu'il y a aussi une période maximale de pointe dans la présentation de spectacles. Vous savez, la période autour de Noël, la période du mois de juillet ou jusqu'à la mi-septembre, on sait que c'est des périodes qui sont plus difficiles pour la présentation de spectacles. Alors, la période de l'année maximale pour la présentation de spectacles, elle a aussi des limites.

M. Bouchard (P.-Michel): Il y a 28 bonnes fins de semaines ? ça surprend les gens, hein ? 28 sur 52, pour faire du spectacle.

Le Président (M. Boulianne): M. le député...

Mme Grégoire (Francine): Puis il y a les fins de semaines de trois jours où les gens vont à l'extérieur, il y a la fin de semaine du carnaval où c'est fermé en haute ville, enfin, il y a beaucoup d'éléments comme ça qui, nous, nous touchent directement.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député d'Iberville, une autre question?

M. Bergeron: Une dernière question.

Le Président (M. Boulianne): Oui.

M. Bergeron: Vous étiez là lorsque la Place des Arts a présenté son mémoire, j'aimerais vous parler de votre ciel syndical. Est-ce que c'est le beau fixe, nébulosités à l'horizon, une belle embellie? Est-ce que tout va pour le meilleur des mondes possible avec les syndicats chez vous?

M. Bouchard (P.-Michel): Ça serait manquer de transparence que de vous dire que ça va dans le meilleur des mondes puis que tout le monde est heureux. Ce que je suis content, c'est que... on n'est pas toujours content de ce qu'on discute, mais on est content qu'on en discute. Comprenez-vous? On discute, c'est dur, le processus est pas facile à l'occasion. Jusqu'à présent, on l'a réglé, jusqu'à présent, on l'a fait. Une fois que c'est réglé, il faut y aller. On aimerait ça, nous aussi, avoir un atelier fermé, nos gens vont travailler ailleurs, on aimerait ça nous aussi, si on posait une mesure comme un lock-out ou une grève, bien, que les gens aient le même rapport, aient le même équilibre économique que nous, mais ce n'est pas ça dans le moment. Nous avons un peu plus de flexibilité à Québec là-dessus, on a plus... C'est ça. Je peux pas vous répondre autrement. On aimerait nous aussi qu'il y ait pas de dédoublement et on aimerait nous aussi qu'il y ait moins de... Ça, c'est le côté rose. Je vous ai dit tantôt qu'il y avait des réalités, ce sont celles-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci. M. le député d'Iberville, ça va? Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.

M. Dion: Merci, M. le Président. Bonjour, madame, bonjour, monsieur. J'ai écouté votre présentation avec d'autant plus d'intérêt que, généralement, quand on entend parler du Grand Théâtre de Québec, c'est uniquement en bien, hein, toujours.

M. Bouchard (P.-Michel): Merci.

M. Dion: Il semblerait que ça va très bien...

M. Bouchard (P.-Michel): On y travaille fort.

M. Dion: ...que c'est un phare au-dessus de la capitale, et c'est vrai que vous jouez un rôle important au plan culturel et que c'est très apprécié par la population.

Évidemment, vous comprendrez que je sois un petit peu préoccupé non pas parce qu'il va bien, mais parce qu'il pourrait aller moins bien, et on a eu ? d'ailleurs, la dernière question de mon collègue a fait référence à cela ? on a eu un exposé, tout à l'heure, et des discussions concernant une façon de fonctionner qui semblait difficile. Évidemment, je pense pas qu'il y ait ici, autour de la table, des gens qui remettent en question l'utilité d'avoir des interlocuteurs, donc d'avoir des syndicats qui représentent correctement leurs membres et qui prennent leur défense, je pense que tout le monde reconnaît cela.

Là où vous avez énuméré certains problèmes, certaines difficultés, entre autres, vous avez parlé de dédoublements. Pouvez-vous nous expliquer qu'est-ce que c'est, ça?

M. Bouchard (P.-Michel): Le dédoublement, c'est parti d'une notion où, pour pas perdre de travail, on ne permettait pas aux producteurs de... Je vous dis pas que c'était mauvais au début, mais ça a évolué avec les années, et, maintenant, un producteur qui vient faire un spectacle de variétés, par exemple, doit aussi assumer les frais d'une équipe minimale et avoir des gens qui sont, par exemple, un dédoublement au son, un dédoublement à l'éclairage, peut-être moins, mais un dédoublement dans certains aspects. Alors, ils paient pour des services qu'ils n'ont pas besoin, dans le fond.

M. Dion: Un peu plus précisément, vous êtes en train de nous dire que, au Grand Théâtre, ce sont les producteurs qui engagent des techniciens et non pas le Grand Théâtre.

M. Bouchard (P.-Michel): C'est-à-dire... Non. Chez nous, il y a une notion d'atelier fermé aussi, mais nous avons une entente avec IATSE quant aux chefs d'équipe où ces choix...

M. Dion: Quant aux...

M. Bouchard (P.-Michel): Les chefs d'équipe, soit chef sonorisateur, chef d'éclairage et tout, qui font que, à cause de l'importance de nos équipements et de la compétence que ça prend et de la formation qu'il faut donner à ces gens-là, bien, on essaie d'avoir les mêmes... ce sont les mêmes personnes qui sont désignées à la tête de ces équipes-là de façon constante. Passé ça...

Mme Grégoire (Francine): Et ces gens sont nommés par le Grand Théâtre.

M. Bouchard (P.-Michel): Oui, c'est ça, oui.

Mme Grégoire (Francine): Il y a une équipe de réguliers au Grand Théâtre, il y a une équipe de base qui est responsable de chaque salle, et ces gens, qu'on appelle les techniciens réguliers, sont nommés dans la convention collective, ils ont une garantie d'emploi et ils font partie de l'équipe régulière du Grand Théâtre, ils sont nommés par le Grand Théâtre. On a une notion de droit de gérance sur ces types de postes.

Le Président (M. Boulianne): M. le député, oui.

M. Dion: Ah bon! Alors, c'est le point principal sur lequel il y a une distinction importante entre la Place des Arts et le Grand Théâtre.

Mme Grégoire (Francine): Oui, il y a une distinction, effectivement, avec la convention de la Place des Arts.

M. Dion: Donc, vous avez un droit de gérance sur l'équipe des réguliers.

Mme Grégoire (Francine): Sur l'équipe de base.

M. Dion: Bon. Alors, par exemple, une troupe quelconque qui vient faire un spectacle au Grand Théâtre, elle doit prendre votre équipe de réguliers, elle doit les payer?

Mme Grégoire (Francine): C'est exact. Oui, c'est exact.

M. Dion: Même si elle arrive avec ses propres techniciens?

Mme Grégoire (Francine): C'est exact.

M. Dion: Est-ce que c'est une situation généralisée, ça, dans le monde du spectacle?

Mme Grégoire (Francine): C'est une situation qui est propre à ce type de conventions collectives. C'est sûr que dans la salle concurrente qui n'a pas ce type de convention collective, effectivement, il y a pas de dédoublement de l'équipe de base.

M. Dion: O.K. Si j'étais méchant, je vous demanderais si vous avez un double pour les principaux rôles dans les pièces de théâtre, et ça, au cas où, je sais pas, l'acteur principal serait malade ce soir-là.

M. Bouchard (P.-Michel): Il faudrait demander ça à nos producteurs. Ha, ha, ha!

M. Dion: Je vous remercie.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de Marguerite-D'Youville, vous avez la parole.

M. Beaulne: Merci. Oui. Dites-moi, est-ce que... On essaie de faire la comparaison avec la Place des Arts, parce que vous comprendrez que nous, comme députés, on passe six mois par année à Québec, alors on est en mesure de comparer le régime de travail qui existe ainsi que le fonctionnement des deux organismes.

Vous avez parlé tout à l'heure, en réponse à une question de mon collègue ? et puis, ça, j'aimerais comprendre de quoi il s'agit ? de la pratique du doublage. Si je comprends bien, la pratique du doublage, c'est lorsqu'un producteur se présente chez vous et qu'il engage ou qu'il dispose de ses propres techniciens, il doit automatiquement... ce technicien-là du producteur doit s'adjoindre quelqu'un d'autre même si ce quelqu'un d'autre là n'a pas de tâche spécifique à faire. C'est ça que ça veut dire?

n (16 heures) n

Mme Grégoire (Francine): Oui. Mais, en fait, c'est pour l'équipe de base, là. Je vais vous donner un exemple. Un spectacle de variétés est produit dans une salle de répétition quelque part à Montréal, le concept du spectacle est monté et produit. À partir de ce moment-là, le spectacle va être présenté en salle à Montréal et il va partir en tournée dans la province. Alors, c'est sûr que, au moment où le spectacle est conçu et qu'il est monté, il y a une équipe de base dans ce spectacle-là, c'est-à-dire qu'il y a un sonorisateur du spectacle, il y a un chef éclairagiste du spectacle et il y a généralement un responsable de production du spectacle. Alors, c'est sûr que cette équipe... Il peut y en avoir un peu plus selon le type de spectacle. Alors, c'est sûr que ces gens-là sont les gens responsables de ce spectacle-là en tournée, alors ils suivent le spectacle en tournée. Alors, c'est sûr que, quand ils arrivent dans une salle comme la nôtre, ils vont utiliser leur sonorisateur qui a conçu le spectacle avec le chanteur, disons dans un cas de chanson, ils vont utiliser leur éclairagiste de tournée parce qu'il est formé avec eux pour le spectacle, mais il va s'ajouter d'autres techniciens qui sont fournis par la salle.

M. Beaulne: Oui, je comprends, mais au-delà des explications très techniques, le but de ma question est bien simple: Est-ce qu'il y a du monde là-dedans qui sont payés à rien faire?

Mme Grégoire (Francine): Il y a deux ou trois postes où... pour certains spectacles où le producteur amène ses techniciens, il pourrait y avoir deux ou trois postes où les gens sont... oui, sont à rien faire.

M. Beaulne: Bon. O.K. Alors donc, quand on parle de la pratique du doublage, il y a en quelque part des gens qui sont là en raison des conventions collectives et qui, à toutes fins pratiques, sont payées à ne rien faire pendant une période de temps. Est-ce que...

Mme Grégoire (Francine): Mais pas pendant toute la période. Mais il faut comprendre...

M. Beaulne: Non, non. Pendant une période de temps.

Mme Grégoire (Francine): Oui.

M. Beaulne: Bon. D'autre part, est-ce que vous avez les mêmes syndicats au Grand Théâtre qu'à la Place des Arts à Montréal?

Mme Grégoire (Francine): Excusez, je comprends pas...

M. Beaulne: Est-ce que vous avez les mêmes syndicats, les mêmes...

Mme Grégoire (Francine): Bien, c'est le même... oui, oui, c'est le même... c'est IATSE aussi, sauf que c'est une section locale différente.

M. Beaulne: Et est-ce que les barèmes de rémunération qui s'appliquent aux techniciens chez vous sont les mêmes qu'à la Place des Arts, inférieures ou supérieures?

Mme Grégoire (Francine): Sensiblement les mêmes. Il peut y avoir une variation sur un type de poste, mais c'est sensiblement la même chose.

M. Beaulne: Alors, comment nous expliquez-vous qu'à la Place des Arts où supposément les techniciens seraient payés à des niveaux comparables à ceux du Grand Théâtre... que vous avez la paix syndicale au Grand Théâtre et que vous ne l'avez pas à la Place des Arts?

Mme Grégoire (Francine): Bien, écoutez, je suis pas en mesure de vous expliquer ce qui se passe dans les locaux de la Place des Arts, là. Je pense qu'il faut comprendre que...

M. Beaulne: Non, je comprends. Mais il demeure que, pour nous qui sommes pas experts dans le domaine...

Mme Grégoire (Francine): Ça se passe très bien au Grand Théâtre, c'est effectivement vrai.

M. Beaulne: Je sais que ça se passe très bien. Alors, c'est pour ça qu'on se pose la question et c'est tout à fait légitime de se poser la question: Comment ça se fait que ça se passe très bien au Grand Théâtre? Je dis pas, si vous payez des salaires qui sont le double de ceux qui sont à la Place des Arts, mais vous nous dites que c'est à peu près la même chose. C'est donc qu'il y a des ingrédients différents qui font que le climat de travail chez vous n'a pas dégénéré comme il a dégénéré à la Place des Arts. Et c'est pas à vous à répondre à la Place des Arts, j'en conviens, mais on essaie, nous, de voir qu'est-ce qui fait que chez vous ça marche et qu'à la Place des Arts on a eu des problèmes depuis de nombreuses années et d'ailleurs du fait que c'est le même syndicat ou un des mêmes syndicats qui est présent chez vous comme à la Place des Arts.

M. Bouchard (P.-Michel): Vous savez, il y a peut-être le fait des gens qu'on a... qui sont permanents, plus permanents, dont on vous a parlé tout à l'heure, qui sont peut-être plus près de la... la famille est peut-être tricotée plus serrée parce que c'est plus petit, là. Il y a un sentiment d'appartenance qui s'est développé, c'est plus petit, c'est... Est-ce que c'est nos chefs d'équipe à nous qui ont travaillé avec... Je le sais pas, c'est difficile d'expliquer ça. C'est un fait qu'on constate. Ça veut pas dire qu'on négocie pas très âprement, ça, là. Ça veut pas dire qu'on n'a pas des difficultés, des fois, qui sont... je dis «âpre», c'est un euphémisme. Mais, quand c'est fini, c'est fini.

Le Président (M. Boulianne): M. le député.

M. Beaulne: Les coûts de production, enfin les coûts de réalisation des spectacles que doivent encourir les producteurs, ceux qui louent vos salles, comprennent évidemment les différents frais que, vous, vous devez encourir. En d'autres mots, vous refilez... comme ça se fait de manière courante et tout à fait légitime dans le commerce, vous refilez aux producteurs les coûts afférents aux conventions collectives, enfin les autres dépenses que vous puissiez avoir.

Les groupes, on va pouvoir les interroger par la suite parce qu'ils viennent demain ici. Mais, à votre avis, ces coûts de production, et surtout quand ces coûts augmentent et qu'ils sont refilés à des grands groupes de théâtre ou à d'autres producteurs, sont-ils à votre avis refilés aux organismes subventionnaires du gouvernement du fait que les groupes qui se produisent chez vous, comme d'ailleurs ceux qui se produiraient à la Place des Arts, ayant à subir des augmentations de traitement des employés ou d'autres frais, augmentent leur budget de demandes de subvention aux organismes subventionnaires gouvernementaux, de manière à pouvoir éponger ça?

En d'autres mots, là où je veux en venir, c'est qu'en bout de piste, avec les augmentations qui peuvent résulter de toutes ces négociations-là, que ce soit pour maintenir la paix syndicale ou pour concéder de nouveaux avantages, en bout de piste, en quelque part, ce sont les organismes subventionnaires du gouvernement du Québec qui les épongent.

M. Bouchard (P.-Michel): D'abord, d'abord, avant de vous faire donner des exemple précis par Mme Grégoire, qui est plus au niveau des opérations que moi, il reste que le... Je vous ai dit tout à l'heure que nous sommes coproducteurs au Grand Théâtre à près de 25 %. Alors, nous les avons, ces risques-là, pour nous, ces augmentations-là, pour nous aussi. Évidemment, nous sommes subventionnés aussi. Alors, c'est... Mais la réponse primaire est oui, puis Mme Grégoire va continuer à partir de ce moment-là.

Le Président (M. Boulianne): On vous écoute.

Mme Grégoire (Francine): Oui. Il faut penser que les organismes producteurs résidents qui sont... qui sont au Grand Théâtre n'ont pas d'équipe de base de techniques. Alors, les coûts, oui, ils sont plus élevés quand les coûts de convention augmentent. Mais les conséquences de certaines dispositions de convention s'appliquent moins aux organismes résidents qui n'ont pas d'équipe de tournée et qui n'ont pas d'équipe de base que pour certains spectacles de variétés qui... qui partent en tournée avec une équipe. Mais c'est sûr que, quand les coûts augmentent, comme la facture technique est remise aux producteurs de spectacles, c'est sûr que, si elle augmente, bien, elle augmente pour eux, c'est évident.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Grégoire. Merci, M. Bouchard. M. le député, merci.

Alors, nous passons maintenant la parole à Mme la députée de Sauvé, qui est la porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications. Mme la députée.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. M. Bouchard, Mme Grégoire, merci d'être là. Et je vais reprendre les paroles du député de Saint-Hyacinthe. Je pense qu'on voit, à la lecture de votre mémoire mais aussi des lettres qui l'accompagnent, que... honnêtement que je pense que la situation au Grand Théâtre est une situation extrêmement intéressante, est une situation positive.

Vous démontrez beaucoup de leadership pour atteindre votre mission. C'est une mission non seulement de locateur de salles, mais bien aussi de production et de développeur du milieu culturel dans votre grande région. Et vous avez mentionné, M. Bouchard, votre... l'engagement de plusieurs membres de votre institution dans du... à des niveaux très régionaux, même locaux. J'ai vu que même quelqu'un de chez vous faisait partie du CLD de Vanier. Donc, il y a différents types d'engagements qui semblent faire partie de la recette du succès des partenariats développés par le Grand Théâtre. Puis je pense qu'il faut se réjouir de l'augmentation du nombre de spectateurs que vous connaissez, si je me trompe pas. Je crois bien que j'ai lu que vous aviez eu... connu une augmentation. Vous l'avez expliqué: c'est par le risque que vous avez pris en vous associant entre autres à Notre-Dame de Paris. Je dis, entre autres... Vous avez aussi eu d'autres initiatives, mais je pense que, comme parlementaires, on se doit de prendre bonne note des initiatives que vous avez eues.

Maintenant... tantôt, M. Bouchard, vous-même vous avez dit que c'était un euphémisme de dire que des fois c'était ardu entre autres au niveau des relations de travail. Et je veux pas que... Mes questions se porteront pas uniquement là-dessus, mais, à l'instar de mes collègues de la partie ministérielle, je pense que c'est important pour nous d'avoir une situation la plus claire possible de comment ça se passe au Grand Théâtre, d'autant plus qu'on est interpellé par les prochains intervenants, les représentants de la Fédération des travailleurs du Québec qui, clairement dans leur mémoire, eux, dressent la comparaison entre le Grand Théâtre et la Place des Arts. Donc, ayant lu cela, vous comprenez que c'est inévitable, et je l'avais mentionné dans mes remarques préliminaires, qu'on doit se faire ces comparaisons-là.

Ma question, c'est que vous avez mis en annexe des lettres des compagnies résidentes, certains de vos partenaires, et j'en prends une que je vais citer, Théâtre du Trident, qui nous dit: «Nous souhaitons que la structure des coûts de la main-d'oeuvre technique offre un meilleur fonctionnement et une plus grande marge de manoeuvre. Comme vous le savez sans doute, les coûts liés à la main-d'oeuvre technique et de scène sont très élevés et accaparent une partie importante de notre budget de production. À titre d'exemple, un technicien gagne en fin de semaine le même salaire qu'un comédien en huit semaines, et cet écart nous paraît difficilement justifiable. En plus d'avoir à défrayer des coûts importants, nous faisons face à un problème de cloisonnement occasionné par la convention de IATSE.»

Quand je lis ça, j'ai l'impression de lire quelqu'un qui fait affaire avec la Place des Arts, parce que, vous, vous en faites très peu mention dans votre mémoire. Ma question est: Quelle est la réelle situation au Grand Théâtre? Vous nous dites: Ça va plutôt bien. Mais en même temps, à lire ce genre de remarque-là que les gens nous font parvenir, j'ai l'impression qu'on s'enligne peut-être vers une situation tout aussi complexe que celle que vit la Place des Arts avec ses techniciens. J'aimerais que vous commentiez la lettre du Trident, par exemple.

n(16 h 10)n

M. Bouchard (P.-Michel): Remarque préliminaire parce que, comme j'ai dit à votre collègue le député tout à l'heure, si nous... Ce n'est pas vrai que nous n'en parlions pas dans notre mémoire comme tel parce que, puisque notre mémoire comprenait aussi les lettres d'intérêt de nos... de nos résidents. Ç'aurait été redondant de reparler des mêmes problèmes, je crois, puisque c'était partie intégrale de notre affaire. Maintenant, pour la situation exacte, je vais demander à Mme Grégoire de vous dresser le portrait.

Mme Grégoire (Francine): Il est exact que les coûts de fonctionnement sont élevés. Nos résidents en font part et nous en sommes conscients. On parle du problème de cloisonnement. C'est effectivement quelque chose de difficile qui augmente les coûts de production. À la dernière négociation, il y a eu des ajustements constructifs sur cet élément-là. Ils sont, à notre avis, pas complets. On va devoir en reparler, mais on reste en discussion ouverte avec notre syndicat. On les rencontre assez régulièrement. Lorsqu'il y a des choses à faire, on s'en parle. On sait qu'on va apporter... On sait de part et d'autre qu'on va apporter ce point-là à la prochaine négociation. On aura des arguments à faire valoir; ils en auront aussi. On a très bon espoir de continuer à faire du chemin dans ce créneau-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Mme la députée, vous avez la parole.

Mme Beauchamp: Je veux juste que vous m'aidiez à ce qu'on distingue bien des choses. Sur la table en ce moment, quand on parle, tant à la Place des Arts qu'au Grand Théâtre, des irritants du fonctionnement avec le Syndicat de techniciens, ce qui revient couramment, c'est les questions de dédoublement, de planchers d'emploi et d'atelier fermé. Je veux juste savoir si vous commentez ça de la même... si vous voyez ça de la même façon que moi. Pour moi, des questions de planchers d'emploi et de dédoublement font partie maintenant des négociations à l'intérieur d'une convention collective et de tels irritants peuvent exister même avec un modèle syndical qui n'est pas un atelier fermé.

M. Bouchard (P.-Michel): Absolument.

Mme Beauchamp: Et on rentre dans le domaine vraiment de la médiation et dans le domaine de la négociation entre un employeur et une partie syndicale. Là, je reviens plutôt sur le modèle par ailleurs de l'atelier fermé. Vous avez dit que, pour vous aussi, c'était un irritant. J'aimerais qu'on distingue un peu les choses, parce que j'indiquais dans mes remarques préliminaires qu'on peut pas se transformer, nous, en médiateurs ou en tribunal ou quoi que ce soit, mais distinguons les choses. Comme législateur et comme contrôleur au niveau de l'État, comme parlementaire, quelque chose où là je suis plus interpellée, c'est la question du modèle de l'atelier fermé. Parce que les autres choses, je me dis que ça vous appartient, comme instance patronale, d'aller négocier ça au meilleur de votre satisfaction. Qu'est-ce qui... Quel est le principal irritant pour vous avec l'atelier fermé, avec le fait que le syndicat choisit les techniciens, etc, etc.? J'aimerais que ça, vous nous décriviez ça, puisque ça faisait aussi partie des commentaires majeurs du président de la Place des Arts.

Mme Grégoire (Francine): La formule syndicale qu'on appelle l'atelier fermé est un modèle particulier, nous en convenons, mais il faut pas oublier aussi que la façon de fonctionner des techniciens de scène est aussi particulière en ce sens que ce sont tous des pigistes, ces gens-là. Alors, ils peuvent pas avoir non plus une... On a peu de choses à leur offrir. Il faut comprendre aussi que c'est sûr que ce serait beaucoup mieux pour tout le monde si on pouvait se dire qu'on engage 25 techniciens de scène, on les engage à temps complet, ils font le travail et ça va bien. On parlerait plus d'atelier fermé, ç'aurait plus sa raison d'être.

Je vous dis pas que c'est la formule syndicale idéale, là, ça, on en convient, mais, vous savez, j'ai déjà travaillé dans le secteur de la santé et des services sociaux où on avait le problème de listes de rappel interminables, et il fallait passer notre temps à recruter des gens, à les former, à les faire travailler. Ils nous quittaient ou ils s'inscrivaient sur plusieurs listes. La situation est un peu la même. À partir du moment où c'est un monde de pigistes ou de contractuels, bien, c'est sûr qu'ils peuvent pas... ils peuvent pas bénéficier des mêmes choses; on a pas les mêmes choses à leur offrir. Donc, en contrepartie, ils peuvent pas nous offrir la même chose non plus. Il faut qu'ils puissent aussi s'inscrire ailleurs puis travailler ailleurs. Ça, c'est une chose, moi, que je comprends bien.

Bon, là où il y a un problème, puis là je rencontre la partie plus légale dont faisait part M. Richard, c'est sûr que, quand la loi antiscab est passée et qu'ils ont probablement pas tenu compte de l'atelier fermé, qui était une formule qui existait peu souvent, bien là c'est sûr qu'il y a une dysfonction un petit peu, parce que les gens peuvent faire la grève et là, à ce moment-là, l'institution ou l'organisation est en position de faiblesse et ces mêmes personnes-là peuvent travailler ailleurs. Ça, effectivement, je pense qu'il y a un problème. Mais l'atelier fermé, si c'était pas... C'est sûr qu'il y a d'autres affaires. Le fait qu'ils embauchent leurs propres personnes, je pense qu'il faudrait qu'on ait un droit de regard. Nous, on l'a déjà sur l'équipe de base qui sont les techniciens réguliers. Je pense qu'il devrait y avoir... je pense que c'est quelque chose qu'on pourrait travailler avec le temps, qu'on ait un droit de regard un peu plus loin là-dessus. Il y aurait des choses à améliorer.

Mais la formule comme telle, comme je vous dis, on va enlever la partie loi antiscab, parce que je pense qu'il y a une dysfonction là, à ce niveau-là, mais il reste qu'on demeure avec des gens qui sont contractuels, qui sont pigistes, à qui on n'offre pas un emploi à temps complet. Il faut qu'ils travaillent ailleurs, il faut qu'ils gagnent leur vie aussi, ces gens-là.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Mme Grégoire. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. J'apprécie votre réponse, Mme Grégoire, parce que ce que vous nous expliquez, c'est que le modèle n'est pas idéal, il est explicable par ailleurs. Vous dites: Il y a une chose qui est explicable.

Mme Grégoire (Francine): Sauf peut-être la partie de la loi antiscab. Mais le reste, tout à fait, je le crois.

Mme Beauchamp: J'ai compris votre... Aussi, dans le fond, vous invoquez, vous plaidez pour de la souplesse.

Mme Grégoire (Francine): Oui.

Mme Beauchamp: Droit de regard, etc., etc., dans le modèle.

Mme Grégoire (Francine): Oui, je pense qu'il y aurait de la place pour ça.

Mme Beauchamp: Puis bien sûr, et ça, on l'a bien compris, la difficulté de la coexistence du modèle de l'atelier fermé et de la loi antibriseurs de grève, qu'on pourra sûrement nous pencher plus à fond sur cette question-là.

Je vais... Peut-être juste une dernière question sur l'aspect des relations de travail. Un collègue l'a abordée... on vous demandait un petit peu quelles étaient les distinctions selon vous entre la convention de la Place des Arts et la vôtre? J'ai compris qu'essentiellement ça portait justement sur le fait que vous aviez des chefs d'équipe en permanence au Grand Théâtre. Est-ce que c'est le principal... Est-ce que c'est le principal item qu'on doit savoir ou s'il y a d'autres éléments que vous voudriez porter à notre attention qui expliquent la distinction entre les deux conventions?

Mme Grégoire (Francine): Il y a pas des gros éléments, des éléments qui seraient très subtils et très techniques, mais les principaux, c'est l'équipe de base.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, Mme la députée, vous avez encore du temps.

Mme Beauchamp: Oui, merci. Je veux aborder avec vous une autre question, parce que tantôt je soulignais très positivement les efforts que vous faites en développement de clientèle, votre côté très proactif pour développer les marchés et pour produire des spectacles. Par ailleurs, j'ai eu un son de cloche de la part d'un propriétaire de salles dans la région de Québec qui déplorait le fait que, à l'occasion, le Grand Théâtre... et je vous demande de me confirmer ou pas, j'ai pas eu l'occasion jusqu'à maintenant de le faire, mais qui déplorait le fait que le Grand Théâtre à l'occasion signait des contrats d'exclusivité avec des productions, avec des spectacles. Lui se plaignait du fait que, par exemple, un spectacle que, lui, souhaitait présenter dans sa salle, il ne le pouvait pas parce que ce producteur-là avait signé un contrat d'exclusivité avec le Grand Théâtre.

Est-ce que c'est quelque chose qui vous dit quelque chose? Parce que j'allais dire que ça pourrait être un peu... atteindre un peu la limite du côté très proactif qu'a le Grand Théâtre, si ça empêche par ailleurs un propriétaire privé de salles d'en arriver à présenter aussi des spectacles et à faire circuler les spectacles au Québec.

Mme Grégoire (Francine): Écoutez, les contrats d'exclusivité tels que je crois le comprendre, c'est impossible. Les producteurs sont beaucoup trop indépendants pour ça. Mais, par contre, est-ce que ça fait référence au fait que, ce qu'on fait dans toutes le salles, quand on présente un spectacle on s'assure que, pour une période x avant le spectacle, que les gens puissent pas le présenter dans une circonférence ou enfin un périmètre de x kilomètres, ce qui est tout à fait normal. Mais ça, tout le monde fait ça. On s'assure que... Ou, si les gens décident de présenter un spectacle un mois après dans une autre salle qui est dans un périmètre x, bien, on s'assure qu'ils l'annoncent pas avant que, nous, on l'ait présenté. Mais ça, c'est une chose qui se fait dans toutes les salles de spectacle dans les festivals. Si c'est ça... Écoutez, ça ne dépasse pas ça. On n'aurait pas de toute façon les moyens d'avoir des contrats d'exclusivité parce que ça n'existe pas vraiment, je vais être honnête, les producteurs sont beaucoup trop indépendants pour ça. Il se passe des choses comme ça. Oui, on s'assure... quand on présente un spectacle, on a des dispositions standards dans nos contrats qui nous assurent que les gens dans un périmètre x présentent pas le même spectacle ou l'annoncent en même temps que, nous, on l'annonce, ou on le vend, ou qu'il est en vente.

M. Bouchard (P.-Michel): J'irais même jusqu'à ajouter, madame, pour compléter votre question, que ce que j'en comprends, moi, c'est souvent le contraire qui arrive. Nous investissons pour développer et faire connaître quelqu'un, les supplémentaires se font ailleurs. C'est fréquent, très fréquent non seulement chez ce compétiteur, mais chez les autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Bouchard. Mme la députée.

Mme Beauchamp: Oui, peut-être parce qu'il y a un certain avec la dernière question, j'aimerais que vous nous parliez un peu plus des partenariats que vous avez développés avec d'autres producteurs ou agents culturels en région. Lors des derniers deux ans, la commission de la culture, on a souvent entendu parler de la difficulté de la diffusion en région, de la diffusion de spectacles. Or, ici, le Grand Théâtre semble avoir développé un modèle de partenariat. Je pense que ça en est un petit peu à ses débuts, si je me trompe pas, mais je pense que c'est un sujet d'intérêt. Moi, je serais intéressée à ce que vous nous expliquiez quel est le modèle que vous êtes en train de développer pour justement, si c'est pas fait et si c'est dans la suite de votre réponse, là, tenter de faire en sorte au maximum que les spectacles circulent au Québec. Quel est le rôle que joue vraiment le Grand Théâtre là-dedans?

n(16 h 20)n

Mme Grégoire (Francine): C'est assez difficile. C'est quand même assez hermétique. Les gens ont leur chasse gardée. Ce que, nous, on essaie de développer, bon, par exemple, on s'assure de faire partie de RIDEAU et de participer activement aux choses de RIDEAU, donc, ça nous met en contact avec des salles de région. Et ce qu'on a fait dans les dernières années, bon, par exemple, pour des récitals où les gens avaient pas accès à des récitals, alors on s'est assuré de les mettre en contact avec notre organisation pour les aider à faire des choses. C'est pas facile.

Pour d'autres choses, par exemple des spectacles de danse, j'ai convenu avec certaines salles de région que, lorsque j'avais des offres pour certains spectacles de danse qui venaient d'ailleurs, qu'on... que je m'assurerais de les contacter, puis qu'on se parle aussi de prix, puis de choses comme ça, parce que c'est aussi en travaillant ensemble qu'on s'assure qu'on a les meilleures conditions pour le faire. Mais c'est assez embryonnaire, là. On s'assure que nous... moi, en fait, je me suis donnée... très disponible à tout le monde là-dessus pour dire que, quand ils le voulaient, quand ils étaient intéressés et que, nous, on avait la possibilité de le faire, qu'on se mettrait en contact et puis qu'on verrait la possibilité de faire tourner des spectacles, en aidant la grille aussi. On sait qu'après Québec il y a une certaine feuille de route, là, à suivre, qui facilite les choses pour les producteurs.

Mais il faut comprendre qu'on peut pas être producteur non plus de tournées, parce que, là, c'est une expertise particulière, c'est de l'organisation, c'est une expertise particulière, là, organiser des tournées de spectacles, mais on peut le faciliter.

M. Bouchard (P.-Michel): Notre rôle est plutôt en support, je pense, que ce soit technique ou d'aide. Dans le Coup de coeur de la chanson francophone, avec la salle... avec le Théâtre du Petit Champlain, qui a des moyens beaucoup plus limités que les nôtres, nous avons affecté des sommes de notre surplus à travailler avec eux et leur aider dans le support technique. On en fait beaucoup pour eux, mais on est là pour ça aussi.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Bouchard, Mme Grégoire. Mme la députée de Sauvé, vous avez encore du temps.

Mme Beauchamp: Oui, merci. Puis j'aimerais aussi que vous nous expliquiez... D'ailleurs, je crois que c'est peut-être plus dans le mémoire de la FTQ que j'ai lu ça, mais peut-être que vous en faites aussi allusion dans votre mémoire, mais on y dit que vous avez comme principe, compte tenu aussi que vous vous mêlez de la production, vous êtes parfois coproducteurs, et tout ça, mais on souligne aussi que vous acceptez d'assumer une partie des risques des producteurs. Et j'aimerais ça que vous nous expliquiez quel est le... quel est ce mécanisme-là. Est-ce que, lorsqu'on dit ça, ça veut dire tout simplement que vous êtes en coproduction ou si par ailleurs, même si vous êtes pas en coproduction, vous acceptez parfois d'être, je dirais, un support qu'on pourrait presque qualifier d'un support financier pour la réalisation d'un spectacle en assumant une partie des risques? Et, si c'est possible, d'être plus explicite sur comment vous faites ça, et comment ça va, et quels sont les critères que vous vous donnez.

Mme Grégoire (Francine): Bien, dans les secteurs de relève, ou de découverte de talents, ou d'aide à la... aux nouveaux chanteurs, des choses comme ça, on présente tout simplement le spectacle, c'est-à-dire sachant qu'on va le faire à perte. Parce que, quand un artiste commence et qu'on le met dans une salle de spectacle... nous, on considère que c'est notre rôle et on le fait, on le fait à perte à ce moment-là. C'est sûr qu'on négocie des cachets, on paie pas un artiste qui est en développement le même prix qu'un artiste très, très établi, mais on en a fait plein. Vous savez, Daniel Boucher, les premières fois qu'on l'a fait en salle, il était pas connu, puis on a fait des 100, 150 places. Bon, là, il est très bon puis il est ailleurs, mais ça, c'est le risque du métier, comme on disait tantôt, ça arrive aussi. Mais on s'est assuré... puis on l'a fait pour beaucoup de chanteurs. Dans des connus maintenant, on pense à Jorane, on pense à... ça me vient pas...

M. Bouchard (P.-Michel): Patrick Huard, au début.

Mme Grégoire (Francine): ...même Patrick Huard, oui, oui, Patrick Huard a fait ses débuts à la salle Octave-Crémazie du Grand Théâtre, il était pas connu du tout. Bon, on essaie de le faire davantage, par exemple, dans la chanson parce que c'est un secteur qui est plus à développer. L'humour, je pense qu'il se débrouille assez bien, là, on le fait davantage sur la chanson. Mais c'est sûr que, pour certains types de choses, oui, c'est un investissement. Le Grand Théâtre s'assure dans son budget qu'il a une somme qu'il investit chaque année. On pense aux matinées pour les personnes âgées, dont M. Bouchard parlait tantôt, qui se font en après-midi, bon, c'est pas une grosse perte, mais il y a un peu d'investissement, on fait des Croissants-Musique pour les familles le dimanche matin, qui sont gratuits, c'est un investissement, on fait des Midis avec les étudiants du Conservatoire pour offrir aux gens de la colline parlementaire de venir écouter de la musique d'étudiants, on leur donne cette possibilité-là, c'est un investissement. Bon, la danse, c'est un investissement, puis ça, je pense que c'était très... c'était aussi une mission qu'on nous avait précisée dans la politique de diffusion.

Mme Beauchamp: Juste une question de précision, c'est parce que j'ai l'impression que les exemples que vous me donnez, c'est des exemples où le Grand Théâtre est le producteur, hein... l'initiateur, le concepteur, le producteur.

Mme Grégoire (Francine): Oui, c'est ça.

Mme Beauchamp: Ce qui m'intéresse plus de savoir, c'est: Jusqu'où vous allez? Quelles sont vos règles du jeu lorsque vous assumez... vous acceptez d'assumer les risques... une partie des risques d'un producteur, un producteur privé?

Mme Grégoire (Francine): Bien, les cas où je vous parle, ce sont des producteurs privés, on assume les risques en ce sens qu'on leur paie un cachet et on assume tout le reste.

Mme Beauchamp: O.K. Donc, c'est...

M. Bouchard (P.-Michel): Ce sont tous des producteurs privés.

Mme Beauchamp: ...vous achetez un produit carrément, c'est pas nécessairement vous-même qui le développez.

Mme Grégoire (Francine): C'est ça.

Mme Beauchamp: Vous achetez un produit puis vous savez que ça sera à perte...

Mme Grégoire (Francine): On ne développe pas, on n'est pas en mesure de développer. Ça, c'est vraiment une expertise. C'est une organisation de développer. Nous sommes des diffuseurs, sauf qu'il y a deux façons de diffuser: on peut louer la salle où il y a la partie où on achète, c'est-à-dire que, là, on prend tous les risques, ou on coproduit, c'est-à-dire qu'on partage les risques avec le producteur. Par exemple, dans Notre-Dame de Paris, à l'époque, je pense que c'est un bon exemple parce que ç'a eu des suites importantes, mais la première fois, où c'était pas connu, ça, le producteur, quand il est venu nous voir, il nous a demandé de partager les risques avec lui. Alors, dans ce cas-là, nous avons partagé. Bon, maintenant, il est en location évidemment.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci beaucoup, Mme Francine Grégoire, directrice générale, M. Michel Bouchard, président de la Société du Grand Théâtre du Québec. Merci, Mme la députée de Sauvé. Alors, merci pour le mémoire.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Boulianne): La commission reprend ses travaux. Nous demandons à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec de s'avancer, s'il vous plaît.

Alors, la commission souhaite bienvenue à la FTQ et à son président, M. Henri Massé, qui va nous présenter les personnes qui les accompagnent. Vous avez... On a un petit changement, au lieu d'une heure, nous avons trois quarts d'heure. Alors, vous avez 15 minutes, M. Massé, pour présenter votre mémoire. Et il y aura des échanges tout à l'heure entre les deux groupes. M. le député D'Youville, vous demandez la parole?

M. Beaulne: Oui. Avant de commencer, M. le Président, il me semble que, pour un groupe de l'importance du groupe de la FTQ, on devrait au moins leur donner le même temps qu'on a donné à la partie patronale pour présenter son point de vue. Alors, je vois qu'on leur a réservé 45 minutes, alors que les autres ont une heure. Moi, je ferais la proposition, s'il y a consentement, qu'on prolonge de 15 minutes pour que ce soit équitable.

M. Massé (Henri): On n'en aura pas de besoin.

Une voix: Non. Mais, nous, on pourrait en avoir besoin.

M. Massé (Henri): Ah! si vous en avez de besoin, allez.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Est-ce que... Oui. Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Je veux juste m'assurer, le dernier intervenant, on lui réservait 30 minutes, si je me trompe pas, 45 également?

Le Président (M. Boulianne): ...45 également. Alors, on terminerait les travaux à 18 h 15.

Mme Beauchamp: Il y a pas de problème pour moi, si c'est le souhait...

Le Président (M. Boulianne): Pas d'objection? Alors, c'est bien. Alors, M. Massé, vous avez la parole.

Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec
(FTQ)

M. Massé (Henri): À ma gauche, M. Robert Guay, du Syndicat des machinistes et vice-président de la FTQ; M. Serge St-Jean, du Syndicat des Teamsters et représentant des employés à la Place des Arts; la droite, M. François Latreille du Syndicat des marines marchandes, qui représente les employés de métier à la Place des Arts; j'ai M. Robert Charbonneau, du Grand Théâtre de Québec, et Daniel Desjardins aussi du Syndicats des techniciens à la Place des Arts de Montréal.

Le Président (M. Boulianne): Alors, on vous écoute, M. Massé.

n(16 h 30)n

M. Massé (Henri): Écoutez, on a présenté un mémoire à la commission où on essayait de rechercher des solutions importantes sur l'avenir de la Place des Arts. Bon, c'est un dossier qui est émotif. Ça fait une couple d'années que... puis la Place des Arts puis le Grand Théâtre de Québec, là, dossier qui est émotif pour nous, long conflit. Donc, je m'étais présenté une belle petite présentation écrite, pondérée, mais je voudrais vous dire à ce moment-ci qu'avec la charge au bâton de Tarzan Richard... une chance qu'il a dit que c'était pas un plaidoyer antisyndical. On n'est pas dans le même état d'humeur.

Je sais pas si c'est le propre du monde qui ont beaucoup de vocabulaire de pouvoir dire n'importe quoi, n'importe comment. Mais ça fait deux ans et demi qu'on subit, de la part de Clément Richard, une campagne hargneuse, vicieuse contre les techniciens de la Place des Arts, puis on commence à avoir notre maudit voyage. Quand tu veux tuer ton chien, tu dis qu'il a la rage, tu dis n'importe quoi. C'est à peu près ce que j'ai vu dans cette commission parlementaire là ? prolongement de qu'on vit depuis deux ans.

Une couple de mensonges, rapidement, que j'ai entendus ici, là. Quand on nous parle de l'atelier fermé, il faut dire qu'à la Place des Arts il y a à peu près 12 employés qui travaillent en permanence puis ça monte à des pointes jusqu'à 90 puis 100. Et j'ai entendu tantôt le Grand Théâtre de Québec venir nous dire: Oui, on travaille avec des pigistes, puis il faut qu'il y ait un certain encadrement, on n'en aurait pas. Puis là, on dénigre ça à tour de bras?

Dans les propositions que la Place des Arts nous a faites pour régler avec 12 employés permanents, le reste des pigistes qui sont là, ils nous disent: Oui, il faut le garder dans l'atelier fermé; autrement, ils savent qu'ils sont pas capables d'opérer à Place des Arts. On vient baver en commission parlementaire sur l'atelier fermé.

On relie l'atelier fermé à la loi antiscab. Comment ça se fait, ça, que des travailleurs puis des travailleuses de la Place des Arts ? il y en a une douzaine qui travaillent là à l'année mais les autres travaillent de temps en temps puis irrégulièrement ? pourront pas être capables d'aller gagner leur vie ailleurs durant le temps qu'ils sont en grève à la Place des Arts alors qu'ils travaillent régulièrement ailleurs? Puis ça, ça fait deux ans qu'on entend déconner là-dessus, au Québec. Comment ça fait, ça, qu'ils sont pas capables d'aller travailler ailleurs? Pareil comme si c'était monstrueux, pareil comme s'il y avait un rapport de force épouvantable.

J'ai pas entendu un député au Québec, moi, puis ni M. Richard au Québec, quand on se fait fermer une entreprise puis elle va produire en Ontario ou ailleurs dans une autre entreprise, puis qu'on est six mois en grève ou en lock-out avec la production qui continue puis la loi antiscab qui s'applique pas. Quand on a eu un lock-out au Journal de Montréal, où on a produit le journal à partir de Cornwall en Ontario, six mois, puis ça continuait à marcher pareil comme c'était. Si vous en voulez des cas comme ça, je peux vous en donner des douzaines. J'ai jamais entendu les députés parler de rouvrir la loi antiscab. Ce qui est bon pour pitou est bon pour minou. Oui, il y a des fois que... il y a peut-être un petit peu de jeu d'équilibre qui diffère un peu, mais c'est différent pour tout le monde.

Les salaires. Chaque fois que j'ai parlé avec M. Richard, il m'a toujours parlé du théâtre Molson ou d'autres endroits, puis en nous disant: Si on a la même flexibilité, on est prêt à donner les mêmes salaires, on n'a pas de problème. Chaque offre patronale qu'on a eue sur la table à venir jusqu'à date ? puis vous pourrez le vérifier ? c'est 25, 30 % en bas du théâtre Molson. Le théâtre Molson, je vous le disais tantôt, le Forum a pas besoin de ça, Le Canadien, ils perdent de l'argent avec le club, ils ont fait 8 millions l'année passée avec le Centre Molson. Ça doit être parce qu'il y a quelqu'un qui le gère, puis avec bien des salaires puis des conditions de travail de 25 % plus élevées. Oui, un petit peu plus de flexibilité. On était prêt à regarder ça, mais quand on va le regarder, on va le regarder des deux bouts. C'est toujours ça qu'on a dit.

Moi, à ce moment-ci, je suis obligé de vous dire qu'on va se retirer parce qu'on a un peu l'impression que c'est une commission parlementaire qui est pipée. Cette commission parlementaire là était supposée de porter sur l'avenir du Grand Théâtre de Québec, sur l'avenir de la Place des Arts de Montréal, puis c'était pas un procès sur les conditions de travail puis c'était pas un procès sur le syndicat de la Place des Arts.

Puis je comprends, là, qu'on n'est pas des enfants de choeur; j'irai jamais dire ça, moi, c'est un syndicat difficile. Puis on est capables de prendre des conflits puis on est capables de régler quand c'est le temps de régler, puis de trouver les vraies solutions quand c'est le temps de les régler. Je pense que vous nous connaissez, la FTQ, là-dessus. On en a, des gros dossiers, à l'heure actuelle, on a les deux mains dedans. On pense que les dés sont pipés. J'ai entendu les questions, tantôt, vis-à-vis de M. Richard, complaisance complète.

Le Président (M. Boulianne): Un instant, monsieur! Alors, je vous demande d'être prudent avec le langage. Je pense que vous avez déjà des expressions...

M. Massé (Henri): Oui, ça se peut que j'ai dérapé.

Le Président (M. Boulianne): Je m'excuse. S'il vous plaît! Vous avez parlé de mensonges, vous avez parlé de bavures, vous dites que la commission est pipée. Je pense que vous prêtez des intentions; je vous demanderais d'être prudent de ce côté-là.

M. Massé (Henri): Bon, je vais l'être. Mais je vais juste vous donner un exemple. On a beaucoup posé des questions à M. Richard autour de ses prétentions. On y a pas posé une seule question sur la vingtaine de jugements qu'ils ont perdus à venir jusqu'à date, pas une. Je n'en ai pas entendu une; pas une! Pourtant, là, une vingtaine de jugements... on est rendu en Cour d'appel, avec des millions de dépensés.

Ça fait que, nous, ce qu'on veut vous dire: Moi, là, s'il y a un forum... Je dis pas que la commission parlementaire est pas sérieuse. Nous, les commissions parlementaires, on a toujours respecté ça. Ce qu'on est en train de faire, c'est assez grave; c'est la première fois de ma vie que je fais ça.

S'il y a un forum sérieux pour discuter vraiment de l'avenir de la Place des Arts puis du Grand Théâtre de Québec, puis regarder les solutions qu'on a mises de l'avant, puis travailler fort ? puis on est capable de tourner les coins ronds, nous autres aussi ? on sera là. Ça fait qu'on vous remercie pour nous avoir entendus.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, la commission va suspendre quelques instants ses travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 36)

 

(Reprise à 16 h 37)

Le Président (M. Boulianne): Alors, la commission reprend ses travaux dans le cadre de la commission de la culture. Alors, nous recevons M. Alain Barré, professeur. Bienvenue, M. Barré. Alors, vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, il y aura échange avec les ministériels et l'opposition officielle. Alors, bienvenue. Donc, vous avez la parole, M. Barré.

M. Alain Barré

M. Barré (Alain): Donc, j'aimerais tout d'abord remercier tous ceux qui ont permis que je puisse soumettre un mémoire à la commission de la culture de l'Assemblée nationale du Québec. J'aimerais souligner que je suis professeur de droit du travail au département des relations industrielles de l'Université Laval depuis plusieurs années, et je m'intéresse énormément aux grandes questions controversées du droit du travail, et je crois que certaines de ces questions sont en cause dans le conflit de la Place des Arts de Montréal. Les vues que j'exprime aujourd'hui ont déjà été exprimées publiquement dans le journal La Presse, le 19 octobre de l'année 2000.

Donc, si le conflit de la Place des Arts a attiré mon attention, c'est parce qu'il soulevait, à compter du 8 novembre 1999, le jour où le conseil d'administration de la Société a décidé de modifier le mode d'exploitation de son entreprise en cessant d'offrir à ses locataires des services de techniciens de scène... À partir de ce jour-là, le conflit cessait d'être un simple conflit d'intérêts, comme le sont généralement les conflits du travail, pour devenir un conflit de droit. À la base, il y avait donc une question juridique. Cette question de droit était de savoir, si en définitive, la Société de la Place des Arts, à compter du 8 novembre 1999, était toujours l'employeur visé par les dispositions du Code du travail relatives aux briseurs de grève.

Toutefois, l'intérêt de ce conflit dépasse largement la seule question du mode de gestion de la Place des Arts. Il intéresse tous les propriétaires de salles de spectacle, y compris les nombreux théâtres subventionnés par le ministère de la Culture; ce conflit intéresse aussi virtuellement tous les employeurs, puisque, formulée en termes généraux, la question pourrait être la suivante: Lorsqu'un employeur est confronté à l'impossibilité d'obtenir une entente négociée à des conditions lui permettant d'exploiter son entreprise avec une rentabilité satisfaisante, peut-il modifier le mode d'exploitation en vue d'atteindre cet objectif, objectif d'ailleurs tout à fait légitime dans notre système économique?

n(16 h 40)n

À propos de cette question, tous les juges qui se sont prononcés dans le cas du conflit de la Place des Arts disent que l'employeur peut choisir de fermer son entreprise. Certes, oui, et tant que nous vivrons dans un système d'économie libérale, il pourra en être autrement. Mais vous conviendrez avec moi que cette réponse est totalement insatisfaisante; elle me semble surtout incomplète. Nous soumettons respectueusement qu'un employeur peut faire autre chose que de choisir de fermer son entreprise. Il peut modifier le mode d'exploitation de son entreprise, en vue d'atteindre la rentabilité recherchée. Sous réserve du recours à la sous-traitance interne, le régime établi par le Code du travail en matière de briseurs de grève ne fait pas du tout obstacle à l'exercice de ce droit par un employeur.

Tout d'abord, j'aimerais souligner que dans la plupart des décisions qui ont été rendues dans le dossier de la Place des Arts, en fait, il y en a quatre qui se sont prononcées sur le fond du problème, et dans ces quatre décisions de justice, les jugements nous semblent ? sauf peut-être pour la décision du Commissaire du travail qui a été rendue le 24 août dernier ? les jugements nous semblent avoir été rendus sur la base d'une prémisse que l'accréditation émise en 1966 à la section locale 56 du IATSE visait tous les spectacles donnés sur une scène du seul fait qu'ils aient lieu dans la Place des Arts, que la Société de la Place des Arts en soit ou non le producteur. En d'autres termes, dès qu'un spectacle était donné dans la Place des Arts, le travail exécuté par les techniciens de scène tomberait dans l'accréditation de la section locale 56 du IATSE.

Il s'agirait donc d'une véritable accréditation géographique ayant pour effet de lier tous les employeurs dans un lieu donné, peu importe l'identité de l'employeur qui fait exécuter le travail. Cette prémisse me semble totalement erronée. Ce type d'accréditation géographique n'existe tout simplement pas dans notre droit. En vertu du Code du travail, un syndicat est toujours accrédité pour représenter les salariés d'un employeur. Et le certificat émis le 2 février 1966 à la section locale 56 du IATSE ne fait pas exception à cette règle fondamentale de notre système de relations industrielles établi par le Code du travail. À cet égard, je cite dans mon mémoire une décision de la Commission des relations du travail de l'Ontario qui rappelle qu'un syndicat n'est pas accrédité au regard de lieux physiques mais bien pour représenter les salariés d'un employeur. C'est une décision qui a été rendue en 1992.

Le fond. Avant de discuter de la portée du régime de briseurs de grève établi par le Code du travail, il importe d'apprécier correctement la décision du 8 novembre 1999 en regard, premièrement, du droit général applicable au Québec, ainsi que du régime conventionnel, le régime qui découle de la convention collective qui avait été conclue le 28 octobre 1997 entre la Société de la Place des Arts et la section locale 56 du IATSE.

Au regard du droit général, aucune règle de droit n'interdit à la Société de la Place des Arts ou à tout autre employeur de cesser d'offrir un service qu'elle offrait auparavant à ses clients, à ses locataires. En d'autres termes, si aucun syndicat n'avait été accrédité pour représenter les techniciens de scène de la Place des Arts, personne n'aurait songé à remettre en question la légalité de la décision du 8 novembre 1999. La convention collective du 28 octobre 1997, donc qui a pris fin le 28 février 1999, comportait une clause de prolongation de ses effets jusqu'à l'exercice du droit de grève ou de lock-out. Donc, cette clause de la convention collective n'allait pas au-delà de ce qui est déjà prescrit dans l'article 59 du Code du travail.

La grève ayant été déclenchée le 22 juin 1999, le régime de travail établi par cette convention collective a totalement cessé d'avoir effet ce jour-là. La décision du 8 novembre 1999 de cesser d'offrir aux locataires de la Place des Arts les services des techniciens de scène a donc été prise dans une période dite de vide juridique. Il n'y avait donc pas d'obstacle de nature conventionnelle au changement intervenu le 8 novembre 1999. La Société de la Place des Arts avait donc pris une décision d'affaires qu'elle avait légalement le droit de prendre, tant en regard de la loi générale qu'en regard du régime conventionnel.

Restent donc les dispositions du Code du travail relatives aux briseurs de grève. Le régime établi par le Code du travail en cette matière faisait-il obstacle à l'application de la décision du 8 novembre 1999? Les différentes interdictions contenues à l'article 109.1 du Code du travail, qui est l'article fondamental du Code du travail concernant les briseurs de grève, vise un employeur, donc celui à l'égard duquel le syndicat est accrédité. En conséquence de quoi, avant de s'interroger sur l'application des paragraphes a à g de l'article 109.1, il fallait tout d'abord vérifier si la Société de la Place des Arts était toujours l'employeur visé par ces dispositions législatives.

Avec égard, il s'agit de la principale critique adressée au juge et au Commissaire du travail qui ont rendu des décisions dans ce dossier. Aucun d'eux ne s'est attaché à la question fondamentale de savoir si la Société de la Place des Arts était toujours, à partir du 8 novembre 1999, l'employeur au sens de l'article 109.1. Si la Société de la Place des Arts n'est plus employeur des techniciens de scène visés par cet article, elle ne peut être condamnée pour avoir utilisé des briseurs de grève.

Les tribunaux doivent alors procéder à vérifier le caractère authentique de la décision d'affaire prise par l'employeur. À cet égard, ils doivent se demander si la décision d'affaire dont il s'agit, à compter du jour où elle a été prise, est une décision d'affaire définitive dans le sens d'irrévocable. Toute indication que l'employeur se garde une porte ouverte pour revenir à son ancien mode d'exploitation dans l'hypothèse d'un règlement rapide et satisfaisant du conflit donnerait à penser qu'il ne s'agit pas d'une décision authentique mais bien d'un subterfuge ou d'une simulation qui ne serait que le camouflage d'un geste illégal.

Les tribunaux doivent alors scruter le comportement de l'employeur postérieur à la décision d'affaire: A-t-il toujours été conséquent avec sa décision? À cet égard, il peut aussi prendre en compte parfois des gestes posés antérieurement, mais pour vérifier si, à compter du moment où la décision a été prise, elle a été prise... si l'employeur a toujours été conséquent avec sa décision. Dans le cas de la Place des Arts, il nous semble bien que la décision du 8 novembre 1999 jouissait indiscutablement du caractère authentique. Cette décision pouvait être qualifiée de «définitive» et d'«irrévocable». Ce n'était clairement pas le cas d'un employeur qui se gardait la porte ouverte... une porte ouverte pour revenir à son ancien mode d'exploitation.

Dans mon mémoire, j'avais exprimé le souhait que l'on permette à la Société de la Place des Arts de s'adresser aux plus hauts échelons de la hiérarchie judiciaire, dans le but de faire établir son droit. Donc, mon mémoire avait été déposé au mois de février de l'année 2001, à la fin de février... au tout début février, pardon. Heureusement, la Société a pu s'adresser à la Cour d'appel, et nous attendons tous ce jugement. Toutefois, si la Cour d'appel devait maintenir le jugement de la Cour supérieure, je serais le premier à suggérer d'intenter un pourvoi en Cour suprême du Canada non seulement pour le plus grand bénéfice de la Place des Arts, mais aussi pour le bénéfice de tous les propriétaires de salles de spectacles, y compris les nombreux théâtres subventionnés par le ministère de la Culture, et en bout de ligne, pour le bénéfice de tous les employeurs qui peuvent parfois être dans l'impossibilité d'obtenir des arrangements négociés à des conditions qui leur permettent d'exploiter efficacement leur entreprise. Je vous remercie.

Le Président (M. Boulianne): Merci beaucoup, Pr Alain Barré. La commission, donc, prend note de votre mémoire. Alors, le député, oui, de Marguerite-D'Youville? Alors, vous avez la parole.

M. Beaulne: Oui. M. Barré, simplement pour nous apporter vos lumières, nous qui ne sommes pas experts en relations de travail nécessairement. On a entendu tout à l'heure des intervenants parler à la fois de la loi antiscab au Québec et du régime d'ateliers fermés.

Pourriez-vous, avec vos connaissances, nous expliquer, pour notre compréhension et la compréhension de ceux qui nous écoutent, quel est le lien qui existe entre ces deux... ces deux régimes, d'une part? Y a-t-il compatibilité ou incompatibilité, comme on nous l'a laissé entendre tout à l'heure, de la part surtout du président de la FTQ?

Le Président (M. Boulianne): Alors, M. Barré.

M. Barré (Alain): Je vous remercie. Donc, en 1977, lors de l'étude du projet de loi 45, qui était le projet de loi parrainé par M. Pierre-Marc Johnson, qui a modifié de fond en comble... Ça a été peut-être la plus importante réforme du Code du travail jamais entreprise au Québec...

n(16 h 50)n

Effectivement, lorsqu'on a travaillé à l'élaboration des dispositions relatives aux briseurs de grève, je crois que nous n'avions pas à l'esprit la situation des syndicats qui se trouvaient dans une situation d'atelier fermé. Effectivement, il y a très peu de situations où on retrouve l'atelier fermé; les techniciens de scène, ça en est un. Et, dans le contexte de l'atelier fermé, bien, il faut comprendre que, lors du déclenchement d'une grève, les travailleurs en question peuvent être, pas nécessairement, mais peuvent être affectés par leur syndicat qui s'occupe du placement de ses membres, peuvent être affectés chez d'autres employeurs pendant la durée du conflit de travail.

Donc, remarquez bien que dans le régime général établi par le Code du travail il n'y a aucune interdiction faite aux salariés d'aller travailler ailleurs pendant la durée d'une convention collective. Effectivement, en cours de grève, il y a des salariés qui vont travailler chez d'autres employeurs. Mais, dans la situation de l'atelier fermé, il faut comprendre que, si le syndicat le souhaite, il peut effectivement remplacer tous ses travailleurs généralement chez d'autres employeurs où on pratique également l'atelier fermé. Donc, il peut y avoir un certain problème à cet égard.

M. Beaulne: Merci.

Le Président (M. Boulianne): M. le député, ça va? C'est bien. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez la parole.

M. Dion: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Barré.

M. Barré (Alain): Bonjour.

M. Dion: Je vous remercie d'être venu devant nous parler de ces choses, et j'apprécie qu'on ait le temps de réfléchir à ça présentement, parce que je suis vraiment préoccupé par ce qui se passe et ce que j'ai entendu aujourd'hui.

Il n'y a personne qui nie le droit des travailleurs d'être bien représentés, et de faire en sorte que leur droit d'avoir des bons traitements, de gagner honorablement leur vie et tout ça, ça soit encadré, et qu'il y ait donc des rapports de force qui leur permettent de les assurer. Il n'y a personne, je pense, qui nie que, quand on a une entreprise à diriger, il faut avoir un minimum de pouvoir sur l'entreprise pour la diriger.

Dans le cas présent, on est face à un atelier fermé. Ce que je comprends, et j'apprécierais que vous me corrigiez si je ne comprends pas bien, ce que je comprends, c'est que les dirigeants du syndicat ne sont... Normalement, les syndicats, leur rôle, c'est de protéger leurs membres, et là, le rôle du syndicat de l'atelier fermé, c'est pas nécessairement de protéger ses membres, c'est de les engager; donc, le syndicat devient l'employeur de ses membres.

Or, la question que je me pose ? et je me pose plusieurs questions ? mais par exemple, la suivante: Un nouveau... un jeune, qui a fait pendant... depuis deux, trois ans, qui est engagé parfois par son syndicat, parfois pas, parfois, c'est un autre ? parce qu'on sait qu'il y a quand même relativement peu d'emplois dans ce domaine-là ? quand arrive le moment de décider si on va faire une grève ou pas dans une entreprise dans laquelle il n'a peut-être jamais d'ailleurs mis les pieds par un concours de circonstances, on lui demande à ce jeune-là de se prononcer sur la grève en sachant que ceux qui lui demandent de se prononcer sur la grève, c'est ceux qui l'emploient le lendemain, quelle liberté a-t-il, dans ce contexte-là, de se comporter comme un citoyen normal, et de dire: Oui, je suis d'accord ou pas d'accord avec la grève? Quelle liberté... Est-ce que c'est conforme à notre droit, cette situation-là? Est-ce que les Droits de la personnes permettent que ces choses-là existent? Ou peut-être que je comprends mal.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. Barré, vous avez la parole.

M. Barré (Alain): L'atelier fermé, je crois qu'il est implicitement et peut-être expressément permis par le Code du travail du Québec. Il n'y a rien qui interdit la pratique de l'atelier fermé, et au regard de l'application des Chartes ? la Charte québécoise ou la Charte canadienne ? c'est certain qu'on pourrait peut-être éventuellement discuter de la question de savoir si l'atelier fermé est une pratique conforme à la liberté fondamentale qui s'appelle la liberté d'association.

Mais, de manière générale, les tribunaux ont adopté plutôt une attitude restrictive en matière d'application de la Charte, et a priori, pour l'instant, moi, j'aurais tendance à dire que la pratique de l'atelier fermé, la clause de l'atelier fermé, en fait, n'est pas une violation, une atteinte au droit fondamental qui s'appelle la liberté d'association. C'est bien certain que, dans le contexte d'un scrutin secret en relation avec la tenue d'une grève, il peut y avoir un problème à cet égard, compte tenu que c'est le syndicat, dans le contexte de l'atelier fermé, qui agit comme un bureau de placement, qui place ses membres. Il n'est pas l'employeur, il place ses membres auprès de certains employeurs.

Donc, il ne faut pas se choquer du fait qu'un syndicat cherche à contrôler l'offre de travail. Je pense que c'est de l'essence même d'un syndicat, et anciennement, l'atelier fermé, au début du siècle ? au début du siècle dernier en fait, là ? était largement pratiqué. Les syndicats cherchaient à contrôler l'offre de travail, et chez les techniciens de scène, c'est exactement ce qu'on fait, et ça, moi, j'ai pas de reproches à faire à un syndicat qui cherche à contrôler l'offre de travail pour le mieux-être de ses membres. Je comprends que, dans le contexte d'un scrutin secret en matière de grève, ça peut parfois causer certains problèmes.

Le Président (M. Boulianne): M. le député de Saint-Hyacinthe, ça va?

M. Dion: Je vous remercie. Ça va, M. le Président.

Le Président (M. Boulianne): C'est bien. Alors, M. le député d'Iberville. Alors, vous avez la parole.

M. Bergeron: Oui, merci. Je vous remercie pour votre exposé, mais je vous cacherai pas que je l'ai trouvé un peu technique. Nous sommes devant les caméras de télévision, et des gens nous regardent, et sûrement que dans l'opinion publique on déplore cette situation.

Il y a grève depuis le 22 juin 1999. Et, dans le langage ? j'ai été, dans une vie antérieure, un travailleur syndiqué ? on entrait parfois en grève illimitée. Mais une grève doit se terminer un jour, il me semble, et depuis plus de deux ans, il y a une situation, qui pourrit, qui se détériore. Et ça a été évoqué lors de cette commission, on a investi des fonds publics là-dedans, et il va probablement y en avoir d'autres.

Vous êtes un spécialiste en relations de travail. Est-ce qu'on peut faire de la politique fiction ou de la justice fiction? Il y a un médiateur qui a remis un rapport où une des parties l'a accepté, même si ça faisait pas son affaire, et l'autre partie l'a rejeté. Qu'est-ce qu'il nous reste comme alternative? Parce qu'il va falloir que ça finisse un jour. Il va falloir que la Place des Arts puisse jouer le rôle pour lequel elle a été conçue puis elle a été instituée.

Alors, qu'est-ce qu'il y a à faire? Quelles alternatives, quelles avenues, quelles voies s'offrent maintenant aux parties pour qu'il y ait éventuellement un règlement?

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. le député d'Iberville. Alors, M. Barré.

M. Barré (Alain): Donc, je vais être logique avec ce que j'ai déjà écrit. Moi, je pense que... et je ne crois pas que c'est une solution qui est toujours la solution préférable. Mais, dans ce cas ici, je souhaite ardemment qu'on épuise la voie judiciaire, qu'on épuise les recours présentement entamés. Donc, il y a un jugement de la Cour d'appel qui s'en vient. Éventuellement, il pourra y avoir un pourvoi en Cour suprême du Canada.

Cette question-là doit être absolument décidée. Est-ce qu'un employeur a le droit, lorsqu'il est incapable à la table des négociations... et je pense que la Société de la Place des Arts est allée à la table des négociations, a cherché à s'entendre avec le syndicat. Mais, en bout de ligne, lorsqu'un employeur est incapable d'obtenir un règlement négocié lui permettant d'exploiter de manière efficace son entreprise, est-ce qu'un employeur peut choisir, dans ce cas-là, au lieu de fermer son entreprise, comme le suggère les juges, peut fermer... décider tout simplement de modifier le mode d'exploitation de l'entreprise, et en fait, régler par là le problème?

C'est peut-être pas tous les employeurs qui peuvent le faire. Mais, manifestement, à mes yeux, la Société de la Place des Arts avait la possibilité, en modifiant son mode d'exploitation, de régler le problème, au fond. Et ça m'inquiète lorsqu'on dit, lorsque je lis dans les jugements ? jugement après jugement ? qu'un employeur peut tout simplement procéder à la fermeture de son entreprise, lorsqu'il est dans cette situation-là. Je crois pas que ce soit une solution qui soit socialement acceptable, surtout lorsque les gouvernements prennent des mesures pour combattre le chômage.

Moi, je pense qu'un employeur peut, en bout de ligne, modifier le mode d'exploitation de son entreprise. Et, cette question-là, là, je vous le répète, elle n'intéresse pas seulement que Place des Arts; elle intéresse tous les employeurs québécois, qu'ils soient dans le contexte d'atelier fermé ou non, peu importe, tous les employeurs québécois qui sont incapables d'obtenir un règlement négocié pour leur permettre d'exploiter efficacement leur entreprise.

Le Président (M. Boulianne): Merci, M. Barré. M. le député d'Iberville, vous avez encore...

M. Bergeron: Il reste du temps?

Le Président (M. Boulianne): ...trois minutes.

M. Bergeron: Écoutez, je lisais récemment un livre de Jacques Grand'Maison, qui s'appelle Quand le jugement fout le camp. Et ce que vous avez dit en début de réponse: Il faut épuiser tous les recours possibles... Et Jacques Grand'Maison disait ? ce sociologue-là ? que dans notre société on a tendance à se rapporter justement aux tribunaux pour régler tous nos conflits.

n(17 heures)n

On est devant une situation qui pourrit. Il est peut-être symptomatique d'une société, mais comment se fait-il qu'on en soit rendu là ? et je parle peut-être au juriste ? qu'il faut toujours se rabattre sur les tribunaux pour régler un différend, et que ça devient l'arbitre ultime, l'arbitre suprême, et que le gros bon sens n'arrive plus à primer? Parce qu'il me semble que, dans une situation comme ça...

Et je lisais un éditorial de Pierre Gravel, en date du 13 novembre dernier, et je vais lire un paragraphe: «Ce qui est sûr, par contre, c'est que ce conflit a déjà eu un impact que le gouvernement... que le syndicat n'avait pas prévu. Il a, en effet, surtout attiré l'attention sur les conditions de travail exceptionnelles dont ils bénéficient déjà et sur les aspects nettement excessifs de leurs demandes qui ne visent, en fait, qu'à améliorer leur sort d'enfants gâtés du monde du spectacle.»

Donc, on déplore une situation et on va dépenser des deniers publics pour avoir la réponse ultime, et on se rendra peut-être jusqu'en Cour suprême. Que dites-vous de mon argumentation?

Le Président (M. Boulianne): M. Barré.

M. Barré (Alain): Donc, je suis tout à fait d'accord avec ce que Jacques Grand'Maison disait et, moi aussi, je déplore que, trop souvent, les parlementaires, les gouvernements renvoient la balle dans le camp judiciaire. Et, il faut comprendre une chose, c'est que, avec l'entrée en vigueur des chartes, notamment de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982, il est clair que maintenant les juges peuvent se prononcer, jusqu'à un certain point, sur l'opportunité des lois dans la mesure où les lois en question portent atteinte à des droits fondamentaux. Et il faut constater aussi que les tribunaux ont joué plutôt un rôle actif, très actif, depuis l'entrée en vigueur de cette Charte canadienne des droits et libertés.

De manière générale, je n'aime pas renvoyer la balle dans le camp judiciaire dans le domaine des relations du travail, je souhaite des solutions négociées. Mais, ici, dans le cas de la Place des Arts, a-t-on épuisé la négociation collective? Il y a eu de la négociation directe, le premier ministre Bouchard a même nommé un médiateur spécial. M. Richard, tantôt, nous a dit que le médiateur spécial avait même écrit une convention collective de long en large qui avait été acceptée par la Société de la Place des Arts et finalement rejetée par le syndicat accrédité. Donc, je pense que la solution de la voie de la négociation collective, qui est toujours la solution qu'il faut privilégier, dans ce cas ici, elle a été totalement épuisée. L'impasse ne peut être réglée que par la voie judiciaire. Et c'est à regret que je le dis, mais je ne vois pas d'autre issue.

Le Président (M. Boulianne): Merci, Pr Barré. Merci, M. le député D'Youville. Alors, nous passons la parole à la porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et communications, la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Merci pour votre mémoire, qui est effectivement éclairant. Maintenant, vous le mentionnez vous-même dans le mémoire, et je pense qu'on se doit de le répéter, puisque, lors de sa trop courte présence, le président de la FTQ y a également fait mention... Vous dites bel et bien dans votre mémoire que, par ailleurs, trois jugements ont été rendus qui vont dans le sens contraire de ce que vous dites, et je me dis juste qu'il faut le répéter, puis on nous a invités à le faire. Et, en pleine bonne conscience, je me dis: Il faut le répéter qu'il y a, par ailleurs, trois jugements qui vont dans le sens contraire de vos prétentions. Et je me dis: On va... Et, dans le fond, on se sent interpellés d'au moins aller en prendre connaissance de façon aussi précise qu'on l'a fait de votre mémoire, de ces jugements-là, qui sont une forme de contrebalance à ce que vous nous amenez aujourd'hui.

Mais, par ailleurs, je veux revenir sur votre vision à vous de l'atelier fermé, parce que c'est... On pourrait croire que c'est au coeur de nos discussions, et j'en suis pas si certaine. Et je veux que vous me disiez si j'ai bien compris votre mémoire, parce que, dans votre présentation, vous avez fait allusion à ce modèle-là, et on pourrait croire que vous souhaitez que tous les recours judiciaires soient épuisés, donc allant jusqu'à la Cour suprême. On pourrait penser que c'est pour mettre fin à ce modèle-là. Or, votre prétention n'est pas celle-là. Vous avez bel et bien dit que c'est un modèle qui peut exister, qui est légal dans le contexte actuel de nos lois. Et, vous, ce que vous... Ce contre quoi vous en avez, c'est sur le fait qu'une entreprise comme la Place des Arts... Ou peu importe l'entreprise, vous dites: Elle est en droit de modifier son mode de pratique, son mode de gestion, même dans le cadre d'un conflit de travail, plutôt que de dire qu'il faut la fermer, l'entreprise. Vous dites: Une entreprise est en droit de modifier son mode de gestion. Donc, si je vous ai bien compris, ce n'est pas sur le modèle de l'atelier fermé en tant que tel que vous en avez, contre lequel vous en avez.

M. Barré (Alain): Non, non. Pas du tout. Pas du tout. Je ne conteste pas l'atelier fermé, c'est une pratique qui est légitime dans le milieu syndical, dans la mesure où le syndicat cherche à contrôler l'offre de travail dans un secteur d'activité. Moi, j'ai pas de problème avec ça, mais je vous dis tout simplement qu'un employeur qui est incapable d'exploiter de manière efficace... qui est incapable d'aller chercher à la table de négociations... Donc, il y a eu négociations collectives, on a été incapable à la table de négociations, même avec l'aide d'un médiateur, d'en arriver à un résultat qui permette d'exploiter de manière efficace l'entreprise. Et qu'est-ce qu'un employeur peut faire? Tous les juges nous disent: Il peut procéder à la fermeture de son entreprise. Tous sans exception. Je trouve, moi, que c'est une solution insatisfaisante et incomplète et je dis qu'un employeur a le droit, dans notre système juridique, de modifier le mode d'exploitation de son entreprise en vue de retrouver une certaine rentabilité.

Le Président (M. Boulianne): Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Oui. Et là je vais faire appel à votre expertise dans le domaine des relations de travail, de nos lois du travail. Donc, vous dites: Le modèle de l'atelier fermé est un modèle légal en ce moment au Québec...

M. Barré (Alain): Oui, absolument.

Mme Beauchamp: C'est un modèle légal qui a... J'allais dire sa raison d'être. Je vais vous laisser commenter ça, parce que, par exemple, Mme Grégoire, du Grand Théâtre, a un peu dit qu'elle pouvait comprendre pourquoi ça existe, un tel modèle, dans le domaine où des gens sont des pigistes. Elle dit pas que c'est un modèle idéal, rien de ça, mais elle est venue nous dire qu'elle pouvait comprendre pourquoi ça existait auprès de travailleurs qui doivent assurément travailler ailleurs. Mais je veux vous entendre... Je veux entendre votre expertise sur un point pointu qu'on nous a amené ici tant par M. Richard et un peu par les gens du Grand Théâtre également, c'est sur cette coexistence entre un modèle légal de l'atelier fermé et notre loi antibriseurs de grève. Et, dans le fond, une des principales choses qu'on nous a dites ? et je pense qu'on reste dans le domaine de l'avenir de ces deux institutions ? c'est le problème du rapport de force, qu'est-ce que ça amenait lorsqu'on parle... lorsqu'on doit négocier une convention collective.

Et je veux vous entendre là-dessus, parce que vous avez entendu comme moi, lors de sa trop courte présence, le président de la FTQ commenter cet aspect-là des choses. Il a sa vision, les autres ont leur vision. Vous, vous êtes un universitaire expert, sur ce lien-là entre le modèle légal de l'atelier fermé et notre loi antibriseurs de grève, quelle est votre opinion là-dessus? Croyez-vous vraiment que ça instaure un rapport de force vicié entre l'employeur et le syndicat?

Le Président (M. Boulianne): M. Barré.

M. Barré (Alain): Donc, le Code du travail encadre l'exercice du droit à la grève, donc permet l'exercice de pressions à caractère économique sur l'autre partie par voie de grève ou de lock-out. Donc, dans notre système, c'est légitime de créer une pression à caractère économique sur l'autre partie en vue de favoriser le règlement de la convention collective. Donc, le problème que je crois comprendre dans le contexte de l'atelier fermé, c'est que les travailleurs peuvent aller travailler pendant la durée de la grève. Donc, ils ont aucune contrainte économique sur eux. Ils reçoivent une rémunération ailleurs, chez un autre employeur, auprès de qui le syndicat est aussi accrédité et jouit du contexte de l'atelier fermé aussi. Donc, un travailleur de la Place des Arts, pendant... depuis le 22 juin 1999, a pu aller travailler chez d'autres employeurs chez qui la section locale du 56 du IATSE était accréditée. Donc, le jeu des pressions à caractère économique est altéré quelque peu en raison de l'atelier fermé, en ce sens que le travailleur n'est pas privé de sa rémunération, il va chercher sa rémunération ailleurs, chez un autre employeur.

Mme Beauchamp: Mais le problème derrière ça que vous voyez, si je vous comprends bien, c'est l'aspect, j'ai envie de dire, un peu systématique de la chose. Parce que vous avez vous-même dit un peu plus tôt qu'un employé en grève peut aller travailler ailleurs.

M. Barré (Alain): Il y a rien qui interdit cela dans le Code du travail du Québec, absolument rien.

Mme Beauchamp: Donc, c'est là où je me dis, là: Pour ceux qui nous écoutent, entre cette possibilité-là pour quelqu'un en grève d'aller travailler ailleurs puis entre la possibilité pour un technicien de la Place des Arts en grève d'aller travailler ailleurs, pouvez-vous nous expliquer ce que vous trouvez de vicié dans ce mécanisme-là? Vous semblez tout de même dire: Non, c'est pas la même chose, ils ont... C'est pas tout à fait la même sorte de droit.

M. Barré (Alain): Moi, dans le contexte...

Mme Beauchamp: Est-ce que vous pouvez nous l'expliquer, c'est quoi, la différence?

M. Barré (Alain): Dans le contexte de l'atelier fermé, où on privilégie la règle de l'ancienneté à l'intérieur du syndicat, si ce sont les salariés les plus anciens qui sont à la Place des Arts au moment du déclenchement de la grève, bien il faut comprendre que le syndicat, par le respect de la règle de l'ancienneté à l'intérieur de son fonctionnement interne, va prendre ses salariés les plus... ses membres les plus anciens et va les envoyer travailler ailleurs. Dans le contexte de l'atelier fermé, en principe, le salarié devrait pas avoir beaucoup de difficultés à se retrouver un emploi. Dans...

n(17 h 10)n

Mme Beauchamp: Vous nous avez... Oh! Vous nous avez expliqué que, vous, vous privilégiez la voie... l'épuisement des recours juridiques. Mais, par ailleurs, nous, nous sommes des législateurs, quand on regarde ça sous l'oeil du législateur... D'ailleurs, le président de la Place des Arts a plaidé pour des... éventuellement des changements législatifs. Pour vous, quelle est la vraie piste? Est-ce que c'est la remise en question du modèle de l'atelier fermé ou c'est des dispositions spéciales du droit de grève pour des syndicats qui ont une forme d'atelier fermé?

M. Barré (Alain): Non, moi, je remets pas en cause fondamentalement la pratique de l'atelier fermé. Je suis conscient, j'ai pas... Ma raison n'est pas encore faite là-dessus, mais je suis conscient que ça peut causer un problème lorsqu'il s'agit de concilier l'atelier fermé et les dispositions du Code du travail relatives aux briseurs de grève. Il y a peut-être un problème là auquel on n'avait peut-être pas pensé en 1977, lors de l'examen du projet de loi 45.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Oui, Mme la députée.

Mme Beauchamp: Oui. Merci, M. le Président. Puis là, avec toute la prudence que ça impose, puisqu'il y a une cause devant les tribunaux, vous avez vous-même mentionné que votre mémoire a été écrit au mois de février 2001 et vous avez vous-même aussi mentionné que, depuis ce temps, l'ancien premier ministre, M. Bouchard, a invité les deux parties à entrer en médiation. Or, une partie de l'argumentaire de votre mémoire, c'est de dire que, pour vous, rien n'indique, aucune preuve ne pouvait être amenée que la décision de la Place des Arts n'était pas définitive et irrévocable. Depuis ce temps-là, il y a eu des gestes de posés de discussion avec le syndicat. Est-ce que vous maintenez toujours le même discours? Est-ce que vous craignez pas qu'on dise... que ça remette en question l'aspect de l'authenticité de la décision et son aspect définitif et irrévocable?

M. Barré (Alain): Si j'étais le syndicat, c'est ce que je ferais, mais, par ailleurs, je constate, selon les informations que j'ai obtenues, qu'il y a pas eu de négociation directe entre le syndicat et l'employeur depuis l'imposition de cette... Je sais pas si on doit employer le terme «imposition», là, depuis le début février, depuis la médiation spéciale décidée par le premier ministre Bouchard. Donc, il y a pas eu de négociation directe entre les parties.

Mme Beauchamp: O.K. Je voulais savoir si ça maintenait votre proposition d'épuiser le recours judiciaire, mais j'ai eu la réponse à ma question.

M. Barré (Alain): Bon, j'aurais peut-être une précision additionnelle. Tantôt, vous avez mentionné qu'il y avait trois décisions de justice qui vont dans le sens contraire, donc, en fait, il y en a une quatrième qui s'est ajoutée le 24 août dernier, lorsque le Commissaire du travail a ordonné la réintégration d'une centaine de... 100 salariés, exactement, à la Place des Arts. Donc, c'est une autre décision de justice qui va dans le sens contraire de mes prétentions. Mais on ne pourrait sûrement pas parler d'une vingtaine de jugements sur le fond du problème. Sur le fond du problème, il y a quatre décisions de justice.

Mme Beauchamp: Peut-être une...

Le Président (M. Boulianne): Allez-y, vous avez...

Mme Beauchamp: Une toute dernière question. Éclairez-moi, lorsqu'on invoque la possibilité qu'un tel dossier aille jusqu'en Cour suprême, c'est quoi, l'horizon de ça? On parle de deux ans, cinq ans, 10 ans?

M. Barré (Alain): Non, je dirais...

Mme Beauchamp: C'est quoi, l'horizon qu'on... Si vraiment les... on devait aller jusque-là, quel est l'horizon d'un jugement?

M. Barré (Alain): Bon, je suis optimiste, je pense qu'on va avoir... on va obtenir le jugement de la Cour d'appel dans le courant de l'automne. Au plus tard en début 2002, la permission pour... la présentation de la requête pour permission d'appeler, parce que la Cour suprême doit autoriser... doit donner sa permission. Donc, possiblement que, d'ici la fin ? soyons optimistes, là ? d'ici la fin de 2002, il pourrait y avoir un jugement de la Cour suprême dans les meilleures conditions. Donc, remarquez bien que, si jamais la Cour d'appel du Québec donnait raison à la Société de la Place des Arts, je m'attends aussi à ce que le syndicat présente une requête pour permission d'appeler. Je ne dis pas que la Cour suprême va nécessairement accorder la permission, mais, si j'étais le syndicat, bien... Je pense que le syndicat va sûrement présenter une requête pour chercher à en appeler à la Cour suprême.

Le Président (M. Boulianne): Merci. Alors, Mme la députée, ça va?

Mme Beauchamp: Ça va.

Le Président (M. Boulianne): Alors, merci, M. Barré. La commission...

Une voix: ...

Le Président (M. Boulianne): Oui, vous avez...

M. Laporte: Juste un point d'information.

Le Président (M. Boulianne): Oui. Alors, je m'excuse, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Est-ce que c'est un conflit qui est entièrement inédit, c'est-à-dire il y a eu aucun conflit antérieurement qui ait mené à l'impasse dont on parle maintenant, là?

M. Barré (Alain): C'est une situation qui se présente pas nécessairement fréquemment devant les tribunaux. Dans mon mémoire, je fais le parallèle avec les cas de fermeture d'entreprises. Une décision de fermeture, une décision de modifier le mode d'exploitation d'une entreprise, c'est deux décisions d'affaires, hein, donc... Et, en relation avec les fermetures d'entreprises ? on en a parlé un peu à l'occasion de la fermeture de certains restaurants McDonald's ? lorsqu'il s'agit d'une fermeture d'entreprise, bien il y a un test qui a été élaboré pour jauger, apprécier cette décision d'affaires qui a été prise par un employeur, c'est le test du caractère authentique de la décision. Et moi, je dis que ce même test là peut aussi s'appliquer à un autre type de décision d'affaires qui consiste tout simplement dans la modification du mode d'exploitation de l'entreprise. Il y a un peu de jurisprudence là-dessus, mais pas énormément.

Le Président (M. Boulianne): Ça va, M. le député d'Outremont?

M. Laporte: Oui.

Le Président (M. Boulianne): Bien. Alors, M. Barré, la commission vous remercie. Et la commission ajourne ses travaux à mercredi, le 26 septembre, à 9 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine. Merci. Bonsoir, tout le monde.

(Fin de la séance à 17 h 16)



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