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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 2 novembre 2005 - Vol. 38 N° 58

Consultation générale sur le patrimoine religieux du Québec


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Table des matières

Remarques préliminaires (suite)

Auditions (suite)

Autres intervenants

 
M. Éric R. Mercier
M. Raymond Bernier
Mme Nicole Léger
M. Léandre Dion
Mme Dominique Vien
Mme Diane Legault
* Mme Odile Roy, ville de Québec
* M. Robert Caron, idem
* M. Jean-Pierre Blais, Comité diocésain du patrimoine
religieux de l'Église catholique de Québec
* M. Rémy Gagnon, idem
* M. Jacques Langlois, CCNQ
* M. Serge Filion, idem
* Mme Marie-Josée Deschênes, idem
* Mme Mireille Bonin, Conseil de quartier de Saint-Jean-Baptiste
* M. Louis Dumoulin, idem
* M. William Gobeil, idem
* M. Yvan Lajoie, Fondation Domus Domini
* Mme Marlène Lucie Grenier, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission
 

Journal des débats

(Neuf heures quarante-deux minutes)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte et je demande, comme à l'habituel, pour les gens qui ne sont pas familiers avec les commissions parlementaires, de bien vouloir éteindre vos sonneries de téléphone cellulaire.

Remarques préliminaires (suite)

Le président, M. Bernard Brodeur

Donc, le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques sur le patrimoine religieux du Québec. Donc, mesdames et messieurs, membres de la commission, distingués invités, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec et plus précisément aux auditions publiques de la Commission de la culture portant sur le patrimoine religieux du Québec.

Au cours des dernières semaines, la commission s'est déplacée dans les villes de Montréal, Gatineau, Sherbrooke et Saguenay pour entendre à la fois des experts ? historiens, urbanistes, archivistes, architectes, etc. ? des gens du milieu, tels que les représentants des fabriques et des diocèses, des élus municipaux ou simplement des citoyens engagés. La commission se déplacera d'ailleurs, demain, à Rimouski et terminera sa tournée des régions à Trois-Rivières, le 9 novembre prochain.

Nous débutons donc, aujourd'hui, une nouvelle étape avec l'audition de groupes de la grande région de Québec, auditions qui s'étaleront sur plus de deux séances, ce qui dénote l'intérêt marqué des gens de Québec pour la préservation de leur patrimoine religieux. Nous terminerons par la suite notre consultation par l'audition des groupes à rayonnement que je qualifierais de national pour au moins deux autres séances.

Je dois admettre que jusqu'à présent les attentes de la commission ont été comblées, et ce, tant par la quantité de mémoires et de questionnaires reçus ? je dirais plus de 150 à date ? que par la qualité, voire même la ferveur des témoignages recueillis. Je suis persuadé que nous aurons droit, encore aujourd'hui, à des échanges très fructueux, puisque les groupes qui seront entendus ont tous à leur actif, et chacun à leur manière, différentes initiatives en matière de préservation du patrimoine religieux.

En terminant, je souhaite que nos auditions aient autant d'échos dans la belle région de Québec que nous en avons eu en région, car il est primordial de sensibiliser la population aux enjeux du patrimoine religieux pour en arriver à une mobilisation de tous les intervenants concernés. C'est en quelque sorte le pari que nous nous sommes fixé par cette commission itinérante, et j'ai bon espoir que nous y parviendrons.

Ces biens font partie de notre patrimoine collectif, et j'ai dit, à chaque endroit que nous avons visité, que, nous, nos châteaux, ce sont nos églises. Il est donc important, pour ne pas les perdre, que nous travaillions tous ensemble à la recherche de solutions durables et de nouvelles façons de faire.

Je nous souhaite donc des discussions riches et fécondes et je cède immédiatement la parole à M. le député de Mercier, porte-parole de l'opposition en matière de culture. M. le député.

M. Daniel Turp

M. Turp: Merci, M. le Président. J'aimerais vous saluer, saluer les collègues. Nous sommes heureux de nous retrouver ici, au salon rouge, après avoir parcouru une partie du Québec pour entendre des groupes, des autorités religieuses, des représentants de milieux culturels, des municipalités nous parler de l'importance de préserver le patrimoine religieux, de nous parler de leur lutte pour le préserver, et je crois qu'il est, aujourd'hui, très intéressant de nous retrouver dans la capitale nationale, là où il y a eu des luttes, là où il y a eu...

Et je suis content que se joigne à nous, aujourd'hui, à ma collègue la députée de Pointe-aux-Trembles et à mon collègue le député de Saint-Hyacinthe, qui avons parcouru le Québec ensemble, notre collègue la députée de Taschereau qui, à l'époque où elle était ministre de la Culture et des Communications, avait, avec la ville et les autorités diocésaines, conclu un accord dont on parlera sans doute aujourd'hui, dont on parlera de la mise en oeuvre. Et, puisque cette capitale est si riche et si diversifiée lorsqu'il s'agit du patrimoine religieux, nous entendrons avec très grand intérêt les propositions qui seront faites par les intervenants aujourd'hui et qui nous permettront d'être mieux éclairés sur ce qui doit être fait pour préserver le patrimoine religieux ici, dans la capitale nationale.

Nos débats ont été, à ce jour, fascinants. Je crois que les gens veulent, au Québec, quelles que soient leurs croyances, même ceux qui ne sont pas croyants, les gens veulent préserver le patrimoine religieux, ils trouvent que c'est une priorité aujourd'hui, et nous allons avoir des décisions difficiles à prendre, puisque préserver le patrimoine religieux supposera un effort important et notamment un effort financier important des Québécois et des Québécoises.

M. le Président, je voudrais donner la parole à ma collègue la députée de Taschereau en la remerciant d'être des nôtres aujourd'hui, de participer aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le député de Mercier. Mme la députée de Taschereau.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Merci, chers collègues, tous et toutes membres de la commission, de me laisser la parole. Je veux, d'entrée de jeu, dire à mes collègues que la situation difficile que vit le patrimoine religieux, la difficulté que nous avons à assumer cet héritage se vit avec acuité depuis de nombreuses années, dans la région. L'ensemble religieux, l'ensemble des églises ainsi que l'ensemble conventuel qui est présent sur le territoire de la capitale nationale, particulièrement, j'oserais le dire, dans ma circonscription, est à la fois magnifique, majestueux mais extrêmement fragile, dû au fait du vieillissement des personnes, qui font office de prêtres et de religieuses, qui veillent sur ce patrimoine, mais aussi de la désaffectation des églises. Alors, nous vivons ce problème depuis longtemps.

Nous avons, au fil du temps, dégagé de fort bonnes intentions. Tout le monde essaie de mettre l'épaule à la roue pour régler le problème. Toutefois, la réalité fait que fabriques, municipalités ont de la difficulté à assumer la lourdeur de ce patrimoine, la beauté et la lourdeur de ce patrimoine. Alors, les questions que, je pense, je poserai, M. le Président et chers collègues, seront en l'essence ceci: Avons-nous le bon cadre législatif? Et j'oserai parler aussi d'autant du droit civil que du droit canonique. Avons-nous entre les mains tous les outils qui nous permettraient de mieux gérer ce patrimoine?

Et, pour fins d'information, pour bien comprendre ce dont je parle, je dirai que la planification triennale 2003-2004-2005 de la Fondation du patrimoine religieux de la région prévoyait des travaux pour 20 millions de dollars simplement dans la région, pour les trois prochaines années... en fait pour les années qui étaient 2003, 2004, 2005. Nous avons donc déjà du retard sur ces travaux, mais vous voyez l'immensité et la beauté de ce patrimoine ainsi que toute l'attention qu'il faudra y porter dans les années à venir.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la députée. Donc, nous allons maintenant procéder.

Donc, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme James (Nelligan) est remplacée par M. Bernier (Montmorency); M. Moreau (Marguerite-D'Youville) est remplacé par M. Auclair (Vimont); et Mme Caron (Terrebonne) est remplacée par M. Turp (Mercier).

Auditions (suite)

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Donc, je vous donne, pour débuter, l'horaire de la journée: nous allons recevoir dans quelques instants la ville de Québec, qui sera suivie du Comité diocésain du patrimoine religieux de l'Église catholique de Québec, de la Commission de la capitale nationale du Québec; également, cet après-midi, après la période des affaires courantes, vers 15 heures, nous allons recevoir le Conseil de quartier Saint-Jean-Baptiste et finalement la Fondation Domus Domini.

n (9 h 50) n

Donc, j'inviterais notre premier groupe à bien vouloir prendre place ici, à l'avant. Donc, j'invite les représentants de la ville de Québec à bien vouloir se joindre à nous. Même si c'est très grand, on fera ça le plus près possible.

Merci de vous présenter en commission parlementaire. Je vous explique brièvement les règles de la commission, qui sont souvent les mêmes, pour ceux qui sont habitués aux commissions parlementaires: donc, vous avez un temps maximal de 20 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous jugerez à propos, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Pour débuter, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais de vous identifier immédiatement et prendre la parole pour la présentation de votre mémoire. Donc, la parole est à vous.

Ville de Québec

Mme Roy (Odile): Merci, M. le Président. Je suis Odile Roy, je suis conseillère municipale et membre du comité exécutif de la ville de Québec et je suis plus particulièrement chargée des questions d'aménagement, de transport, d'urbanisme, d'architecture, mais surtout de patrimoine et de patrimoine religieux. Le patrimoine religieux est un sujet tellement important à la ville de Québec que notre maire, Jean-Paul L'Allier, a toujours jugé bon d'en charger spécifiquement un membre de son équipe au comité exécutif.

Je suis accompagnée de Robert Caron, qui est historien, historien de l'art, historien de l'architecture, qui porte ce dossier-là au Service d'aménagement du territoire et qui nous a permis, depuis un bon moment, d'exercer, je le pense, un leadership important en matière de patrimoine religieux au Québec.

Je voudrais tout d'abord vous remercier, membres de la commission, pour l'initiative que vous avez prise de mener cette consultation à l'échelle du Québec sur un sujet qui préoccupe au plus haut point la population du Québec et qui n'est pas qu'une préoccupation québécoise, qui est aussi une préoccupation mondiale, puisque, on le voyait tout récemment, à son assemblée générale à Xi'an, en Chine, ICOMOS prenait la résolution de constitution d'un programme international sur les questions du patrimoine religieux. Donc, on n'est pas tout seuls à se préoccuper de cette question-là, et, souhaitons-le ensemble, la prochaine assemblée générale d'ICOMOS se tiendra à Québec, en 2008. J'espère qu'on pourra faire état de grandes avancées dans ce domaine-là.

J'assume donc cette responsabilité du patrimoine religieux depuis 1997, depuis ma première élection, mais c'est un dossier qui a été porté par mes prédécesseurs, par le maire, Jean-Paul L'Allier, et par mes prédécesseurs au comité exécutif. J'entends vous dresser un bref état des réalisations, des avancées, des points marquants de l'action de la ville de Québec en matière de patrimoine religieux, plus particulièrement à l'égard des églises, des monastères et des couvents. Je voudrais faire un petit point particulier sur la déclaration conjointe que vous citez dans votre document de consultation et sa nécessité de reconsidération. Je vous ferai part enfin de quelques réflexions et surtout de recommandations et de pistes pour l'avenir.

Tout d'abord, je pense pouvoir dire fièrement ici qu'au Québec la ville de Québec a toujours exercé un certain leadership en matière de patrimoine religieux: en menant des campagnes d'étude et d'inventaire, à partir de 1994, sur l'ensemble du corpus des églises sur le territoire de l'ancienne ville de Québec et, en 2003, sur l'ensemble du territoire de la nouvelle ville de Québec; en menant une étude pluridisciplinaire actuellement sur... une analyse sur les couvents et monastères. Je pense que nous avons là une bonne connaissance du patrimoine qui nous est confié et dont nous avons la responsabilité collective.

Dès 1995, la ville de Québec mettait sur pied un comité de concertation avec ses partenaires en matière de patrimoine religieux, indéfectibles partenaires que sont d'abord le ministère de la Culture et des Communications, mais également la Commission de la capitale nationale du Québec, le diocèse de Québec, les autres confessions religieuses qui sont présentes à Québec et l'Association des supérieurs majeurs. Cette concertation était d'autant plus nécessaire que nous en avons établi la base sur les prémisses que le patrimoine religieux ne comportait pas la même signification et n'était pas porteur des mêmes valeurs pour tous les partenaires. J'y reviendrai tout à l'heure. Donc, l'objectif, dans le fond, de ce comité est de conseiller chacune de nos autorités sur les décisions à prendre.

Moment important, en 1999, qui découlait justement des travaux de ce comité de concertation: une déclaration conjointe et tripartite, dont je vous parlerai plus loin, qui a été entérinée par l'archevêque de Québec à l'époque, Mgr Couture, la ministre de la Culture à l'époque, Agnès Maltais, et le maire de Québec, Jean-Paul L'Allier. Depuis, beaucoup d'autres travaux et beaucoup d'autres supports et investissements de la ville, particulièrement à l'égard de la préparation et de la confection de plans directeurs immobiliers pour les paroisses. On sait que beaucoup de paroisses vivent des fusions, et qu'elles disposent donc de plusieurs églises, et que souvent elles ont des choix à faire pour les églises qu'elles conserveront au culte, plus particulièrement deux paroisses de Limoilou qui comportaient quatre églises, et donc ces plans directeurs et immobiliers, travaux menés en collaboration avec la communauté de manière à supporter les fabriques dans les choix qu'elles ont à faire et finalement aussi des investissements importants dans des études prospectives de reconversion totale ou partielle d'églises qui sont soit délaissées par le culte, soit où il y a des problèmes financiers importants et où, à la recherche de solutions de rentabilisation, on cherche à y tenir d'autres vocations.

Certaines de ces études prospectives ont mené à des succès, je pense, à des histoires de succès. Je pense particulièrement à la transformation de l'église Saint-Esprit, dans Limoilou, qui est devenue l'École de cirque avec la contribution de tous les partenaires. Mais certaines de ces études prospectives ou certains de ces investissements rencontrent des obstacles importants, et je pense plus particulièrement au cas de l'église Notre-Dame-de-Grâce, fermée au culte depuis 1999, où le gouvernement et la ville de Québec ont investi des sommes importantes dans la recherche de solutions de reconversion, où nous nous sommes engagés à investir, de façon importante, dans la reconversion, mais où jusqu'à maintenant aucun projet n'a pu se réaliser dans les paramètres financiers que nous avions établis.

En ce qui concerne les communautés religieuses, notre approche est d'abord plus récente, notre travail est plus récent et il est basé sur une prémisse tout à fait différente dont on fait état dans le mémoire et que je pense important de souligner ici. Les églises, nous les considérons comme des biens collectifs. Bien sûr, elles sont gérées légalement et administrées par les fabriques, mais c'est dans le fond un héritage de toute une collectivité, de toute une communauté, et nous jugeons important qu'elles demeurent à vocation publique, dans la mesure du possible. Pour ce qui est des couvents et monastères, on constate et on travaille sur la prémisse de base que ce sont des propriétés privées qui appartiennent aux différentes communautés, et donc ça explique notre approche un peu différente à l'égard de ces propriétés-là où la ville agit plus en accompagnateur, en concertation et en assistance dans certains cas.

n (10 heures) n

Nous sommes actuellement en train de compléter une analyse pluridisciplinaire sur l'ensemble des propriétés conventuelles sur le territoire de la ville de Québec, que ce soit au niveau de leur histoire, de leur architecture, de leur paysage, de leur potentiel de conservation, de mise en valeur et de redéveloppement, il faut le dire. Nous avons aussi des histoires, je pense, intéressantes ou des avancées intéressantes dans ce domaine, particulièrement avec le cas de la communauté des Augustines où les trois communautés d'Augustines à Québec, même si elles sont autonomes, ont convenu de rassembler leurs objets de mémoire et de rassembler les artéfacts hospitaliers à l'Hôtel-Dieu pour constituer le lieu de mémoire des Augustines de l'Hôtel-Dieu, et elles ont convenu de céder à la collectivité une partie de leur monastère pour qu'y soit aménagé ce lieu de mémoire. C'est un projet extrêmement intéressant sur lequel les gens du ministère de la Culture, de la ville et de la Commission de la capitale planchent actuellement.

Pensons également aux Soeurs du Bon-Pasteur avec qui nous avons convenu que leur couvent, la résidence Sainte-Geneviève, pourrait être reconverti en maison interculturelle, et les religieuses, dans l'esprit de continuité de leur mission d'accueil de jeunes femmes étrangères, sont partenaires avec la ville dans la constitution de ce projet.

Les bâtiments des communautés religieuses ou les propriétés immobilières des communautés religieuses sont également, au-delà des bâtiments plus historiques, des réserves foncières importantes sur le territoire de la ville de Québec. Beaucoup de ces terrains de couvent ont un potentiel également important de redéveloppement, et le vieillissement des communautés religieuses fait en sorte que beaucoup de ces communautés ou de cette réserve foncière sont très convoitées par les propriétaires immobiliers, et nous avons tout d'abord jugé important d'énoncer, dans le plan directeur d'aménagement et de développement, les critères de base pour l'accompagnement d'éventuels redéveloppements de ces propriétés-là, qu'il s'agisse du respect de l'intégralité et du caractère monumental des lieux par le respect des marges de recul, l'intégration éventuelle des nouvelles constructions, la protection de boisés, etc., je vous en passe. Donc, c'est un travail différent, un travail qui se fait tout en douceur, je dirais, avec les communautés religieuses.

Je voulais revenir sur la déclaration conjointe de 1999 parce qu'il me semble d'abord qu'il s'agissait, à ce moment-là, de la part des trois partenaires, tout d'abord de réels engagements, au-delà d'un énoncé de bonnes intentions, de réels engagements à l'égard du patrimoine religieux, sous-tendus, ces engagements, par une reconnaissance, je vous le disais, des valeurs très différentes que porte le patrimoine religieux. Évidemment, pour le diocèse, on reconnaîtra que les églises, le patrimoine religieux comportent des valeurs cultuelles, des valeurs pastorales, des valeurs d'évangélisation. Pour le ministère de la Culture, on y trouve davantage des valeurs de patrimoine, d'histoire, un patrimoine plus d'expert ? et je le mets entre guillemets ? et pour la ville ce patrimoine comporte des valeurs importantes du point de vue communautaire. Vous l'avez vu certainement dans votre tournée, les églises n'accueillent pas que les services de culte, mais beaucoup, beaucoup, beaucoup d'activités de support à la communauté qui autrement aurait beaucoup de difficultés à se loger.

Les églises, pour la ville, comportent également des valeurs importantes au niveau de l'aménagement du territoire et du paysage. Ce sont souvent les lieux fondateurs, les lieux centraux dans les quartiers ou même dans les paroisses. Ce sont les lieux de centralité où l'on trouve souvent à la fois l'église, l'école, les services de base dans des noyaux importants à préserver pour l'aménagement du territoire.

Cette déclaration d'abord était basée sur une classification de notre corpus, classification qui, à l'image de la classification qui vient d'être faite à l'échelle du Québec, tenait compte quand même non pas uniquement des valeurs historiques et des valeurs patrimoniales des biens, mais également de ce que je vous disais, de cette importance pour la communauté, de cette importance dans le paysage urbain, et les engagements des partenaires dans cette déclaration ? et je parle vraiment d'engagements ? étaient assez précis, de manière à ce qu'on permette à la communauté de voir venir. Par exemple, le diocèse, via ses fabriques, s'est engagé, avant la fermeture d'une église, à annoncer cette fermeture un an avant, à donner ce qu'on a appelé souvent un délai de grâce de deux ans afin d'éviter des démolitions ou des reconversions surprises, afin d'éviter de prendre les citoyens par surprise, et c'est là une avancée importante des fabriques qui ont accepté de prendre en considération des possibles consultations, qui ont accepté d'ouvrir, je dirais, à la communauté cette gestion dont elles sont responsables.

Engagements du gouvernement du Québec également, via son ministère de la Culture, de maintenir en état les églises à valeur patrimoniale jugées significatives dans cette classification, ce qui voulait dire maintenir en état les églises... non pas seulement celles qui sont vouées au culte, non pas seulement celles qui ont été construites avant 1945, mais les maintenir en état jusqu'à ce qu'on puisse éventuellement leur trouver une nouvelle vocation, si jamais le culte n'y était plus pratiqué.

Six ans plus tard, on est à réévaluer cette déclaration, parce qu'on s'était donné cinq ans pour la réévaluer, et on s'aperçoit que ces engagements étaient non seulement très ambitieux, mais aussi difficiles à tenir. Je crois toujours que ces engagements-là sont pertinents, sont extrêmement pertinents. Cependant, les partenaires à la fois jugent difficile à tenir, par exemple le ministère, d'investir dans le maintien d'églises en attendant de leur retrouver une nouvelle vocation, trouvent ça extrêmement lourd. Par exemple aussi, les fabriques, leur engagement de conserver ouvertes au culte les églises à valeur patrimoniale les plus élevées comporte certains problèmes. Le cas de la paroisse Saint-Jean-Baptiste, qui a été fusionnée avec Saints-Martyrs-Canadiens, est un cas probant. La fabrique a choisi de garder au culte... ou de garder comme église Saints-Martyrs-Canadiens, et donc le problème de notre monument historique national Saint-Jean-Baptiste est entier.

Donc, cette déclaration est en réévaluation. Chacune des trois parties est à reconsidérer son rôle, et je vous dirais que la volonté est que, s'il y a une réédition de la déclaration, ce ne soit pas qu'un énoncé de bonnes intentions, on n'a pas besoin de ça. On a besoin d'engagements réels pour pouvoir avancer.

Je vous ai fait état donc de l'implication de la ville, quelques réflexions qui sont soulevées par à la fois votre consultation mais également le récent colloque qui se tenait à Montréal sur notre action municipale en matière de patrimoine religieux. Je vous ai fait état de certaines des actions. J'ai oublié de mentionner, par exemple, toutes les actions de sensibilisation, les actions de mise en valeur par l'ouverture des églises, par la publication de dépliants que nous supportons avec notre partenaire, le ministère de la Culture, ce qui fait que, depuis 10 ans, nous avons investi plusieurs millions de dollars dans cette série de réalisations.

On se pose souvent la question: Est-ce qu'on s'éparpille? Est-ce qu'on ne devrait pas, à l'image de ce qui semble parfois être préconisé, ne mettre notre énergie que sur ce qui a le plus de valeur ou est-ce que, par nos actions multiples, finalement on réussit à atteindre nos objectifs? On se pose également beaucoup de questions sur la possibilité de concevoir des projets réalistes, que ce soit en reconversion complète ou en reconversion partielle d'églises. Les reconversions complètes d'églises sont extrêmement difficiles, les montages financiers sont difficiles à établir et très souvent les preneurs... ou les vocations éventuelles sont souvent des vocations proches du communautaire et donc des organismes qui ont ultimement un poids énorme à supporter en matière d'entretien des immeubles, et cela rend les analyses de viabilité beaucoup plus difficiles à établir.

n (10 h 10) n

En termes de reconversion partielle, nos études prospectives soit sur Saint-Jean-Baptiste soit sur Saint-Charles-de-Limoilou nous ont permis de constater que bien souvent, pour un déficit d'opération d'à peu près 50 000 $, 100 000 $ par année ? parce que c'est ça qui leur manque, les fabriques, pour être capables de chauffer, de s'assurer correctement ? lorsqu'on cherche à introduire de nouvelles vocations qui pourraient éventuellement rentabiliser et permettre de conserver le lieu de culte, on y va au bas mot, avec des investissements de base pour rendre les églises accessibles au public, autour de 2 millions de dollars, alors un investissement important simplement pour compenser un déficit financier. Je pense que le diocèse en fera probablement état.

Réflexion aussi complètement municipale, je vous dirais, c'est une charge fiscale énorme qui repose sur les épaules des contribuables de la ville de Québec actuellement qui n'est financée que via l'impôt foncier, et donc, à l'heure où certaines personnes choisiraient davantage d'investir dans les égouts ou dans les rues, je pense que ça demande une certaine vocation pour dire: Il faut consacrer une partie de ces revenus au patrimoine religieux.

Trois points, en terminant, sur l'action de l'État... En fait, quatre.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Mme Roy.

Mme Roy (Odile): Oui.

Le Président (M. Brodeur): Je vous prierais de conclure dans un court laps de temps.

Mme Roy (Odile): Oui. C'est tout à fait ma conclusion, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Parfait. Allez-y.

Mme Roy (Odile): Donc, tout d'abord, je pense qu'il est important que l'État québécois assume également sa juste part de responsabilité, à la fois à l'égard du patrimoine religieux mais également à l'égard du patrimoine du Québec dans son ensemble. Une politique du patrimoine se fait attendre depuis plusieurs années. Cette politique devrait impliquer tous les ministères et les organismes concernés.

Plus particulièrement à l'égard du patrimoine religieux, l'action de la Fondation du patrimoine religieux et la récente réinjection de sommes ont été accueillies comme une bonne nouvelle. Je pense que la ministre vient d'annoncer quelque 12 millions dans la Fondation du patrimoine religieux. Cependant, deux questionnements: c'est d'abord le choix de n'investir que dans les églises où on conserve le culte ? et on s'apercevra qu'elles sont de moins en moins nombreuses ? et donc la nécessité de garder des sommes d'argent pour les églises qui ne sont plus au culte, et un questionnement sur la mise de côté complète de tout notre patrimoine religieux moderne, c'est-à-dire les églises construites après 1945, qui ne peuvent bénéficier des investissements de la fondation.

En troisième point, j'ai choisi, même si notre mémoire comportait certains éléments sur ce point, de ne pas vous parler de la fiducie, puisque notre partenaire, la Commission de la capitale, vous en parlera plus longuement. J'aimerais cependant souligner que la mise en oeuvre d'une éventuelle société fiduciaire qui serait consacrée au patrimoine religieux excédentaire n'aura de succès que si elle est dotée d'un fonds de dotation de base dès le départ. Je prends pour exemple la Fondation Rues principales qui a reçu, dans sa dotation initiale, en 1999, 25 % du gouvernement fédéral et 25 % du gouvernement provincial. C'est seulement sur la base d'un fonds de dotation et du roulement des intérêts de ces placements que, je pense, on pourra supporter l'action d'une société fiduciaire.

Et finalement je pense qu'il est nécessaire que l'État québécois agisse comme gestionnaire responsable via ses différents bras immobiliers. Que ce soit la Société immobilière, que ce soit la Corporation d'hébergement du Québec, que ce soit l'agence de santé ou même les commissions scolaires, qui évidemment ne dépendent pas directement de l'Assemblée nationale, il me semble primordial que les ministères et les organismes puisent dans le patrimoine bâti existant les espaces disponibles et le potentiel de reconversion pour accueillir les besoins en espaces, que ce soit des ministères, que ce soit des CLSC, des CHSLD, donc qu'on arrête de délaisser des couvents, des monuments pour aller construire du nouveau, parfois et souvent plus loin, mais qu'on investisse ce potentiel et ce capital immobilier important. Je vous remercie.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci pour cette belle et bonne présentation.

Je voudrais tout d'abord féliciter la ville de Québec, puisqu'à partir des tournées que nous avons faites et particulièrement à partir du colloque, il y a quelques semaines, à Québec, on voit que la ville de Québec est sinon, je dirais, une des plus actives, mais la plus active dans les actions qui sont prises pour la protection du patrimoine religieux. Donc, je vous en félicite. Je vous félicite également, Mme Roy, on me dit que vous arrivez de Chine. Donc, j'imagine que le décalage horaire fait encore quelques effets. Vous avez fait ça d'une façon magistrale.

Première courte question, pour laisser la parole surtout particulièrement aux collègues de la région de Québec, mais je veux juste survoler deux petites questions, puisque nous aurons tantôt aussi des gens du Comité diocésain, et souvent les opinions diffèrent entre les municipalités, les citoyens et le clergé en parlant de propriété des églises. Vous mentionnez à votre mémoire que les églises, entre autres, sont du patrimoine collectif, et vous laissez du côté privé, là, les monastères, les biens des communautés religieuses. Ce que j'aimerais savoir, dans un premier temps, parce que c'est un sujet qui a été abordé à plusieurs reprises, la propriété des églises... On sait que la Loi des fabriques peut être interprétée de façon claire. Il n'y a aucune loi qui ne peut se changer. Donc, plusieurs personnes nous ont rappelé que peut-être que la Loi des fabriques serait à modifier sur les suggestions législatives. J'aimerais vous entendre un peu plus sur ce principe de propriété des églises, sur l'opinion de la ville de Québec, et j'aimerais également vous entendre sur le financement d'un éventuel, je dirais, là, entre guillemets, à notre Fondation du patrimoine religieux...

À plusieurs reprises, en tournée, on nous a fait état de fiducies ou de façons autres que nous avons, aujourd'hui, d'administrer les restaurations et les réparations d'églises. Est-ce que la ville de Québec aussi a une suggestion à faire à la Commission de la culture concernant le financement futur de ces restaurations d'églises là? Est-ce que les villes sont prêtes à collaborer? Entre autres, est-ce que la ville de Québec est prête à mettre des fonds? Est-ce qu'on devrait en appeler aussi à des privés, au clergé, au gouvernement? Est-ce que la ville de Québec s'est déjà penchée sur un éventuel moyen de financement sur la restauration du patrimoine religieux? Donc, j'aimerais vous entendre particulièrement sur ces droits de propriété là, un peu plus sur le droit de propriété et sur la façon de financer à l'avenir la restauration de bâtiments religieux.

Mme Roy (Odile): Deux questions à plusieurs volets, M. le Président. Sur la question de la propriété des églises, entendez-moi bien, je ne voudrais surtout pas que nos partenaires du diocèse pensent que la ville ne reconnaît pas la responsabilité ultime des fabriques via la propriété des églises, bien au contraire. Pour avoir côtoyé de nombreux marguilliers, je sais comment cette action est lourde de responsabilités, comment cette action est une charge, et toujours ces gens sont des bénévoles absolument dévoués. Cependant, ce à quoi on fait écho, c'est que, quand vient le temps de disposer d'une église, bien évidemment les paroissiens et l'ensemble de la collectivité peuvent prétendre à une certaine forme de propriété collective, puisque bien souvent ces biens-là ont été constitués sur la base des contributions des paroissiens et des résidents de la fabrique. Et, qui plus est, la ville et donc les citoyens contribuables ont également permis de soutenir et financent déjà les fabriques, puisque, par la Loi sur la fiscalité municipale, les fabriques ne paient pas de taxe, contrairement à n'importe quel propriétaire privé. C'est donc un peu cette ambiguïté.

n (10 h 20) n

Je pense qu'à tout événement un réexamen de la Loi des fabriques est certainement nécessaire, si ce n'est que... Si ça vient simplement confirmer des dispositions législatives qui y sont, bien ça aura été un choix de le faire. Mais je pense que ? bon, comme je ne connais pas en détail tous les articles de cette loi ? il y a possiblement des aménagements qui sont certainement possibles pour faire en sorte... Et c'est un peu ce que la déclaration énonçait comme intention, c'est que, même si les fabriques en sont responsables, ce désir d'ouverture, de consultation, d'implication de la communauté dans les choix qui sont à faire...

Je pense qu'on a des belles histoires à succès. On a aussi évidemment eu des événements qui nous ont fait réaliser l'importance de l'implication de la population dans ces choix-là. Il faut donc absolument trouver un moyen. Aujourd'hui, on oblige les villes à consulter les citoyens sur un paquet d'affaires, et même on s'en rajoute nous-mêmes, et l'implication citoyenne est reconnue comme étant de plus en plus importante. Il faut que ça transparaisse dans le domaine de la gestion des églises également, comme dans le domaine des commissions scolaires. Ce sera une autre commission parlementaire.

Sur le financement, bien, d'abord, votre question, elle est à deux volets: financement de la fiducie, financement d'éventuels projets. Bien sûr, tout cela peut se rejoindre, c'est-à-dire que, s'il y avait une société fiduciaire dépositaire des biens excédentaires, il y a une possibilité, je dirais, de faire rouler la valeur de ces biens-là pour financer des projets de reconversion. Je pense qu'un fonds de dotation initial est essentiel, je vous l'ai dit. Sinon, quand vous posez la question: Est-ce que la ville est prête à être partenaire dans les projets d'entretien, de reconversion, dans les projets de... c'est ça, d'entretien ou de reconversion?, je vous dirais que la ville l'est déjà. Et j'ai fait sortir un peu le détail. Alors, autant elle l'est, avec le ministère de la Culture, via l'entente MCC-villes à 50-50, mais autant dans des projets de restauration, d'entretien ou de recyclage elle va venir ad hoc faire des contributions importantes ou combler le 15 % qui est nécessaire, qui provient nécessairement de la communauté lorsque la Fondation du patrimoine religieux verse une subvention.

Je pense ici à l'église Saint-Roch, je pense ici à la cathédrale Notre-Dame ? l'église Saint-Roch a pratiquement un demi-million de dollars ? à Saint-Coeur-de-Marie, à Saint-Charles-Borromée, dans le comté de M. Mercier, à l'église Saint-Jean-Baptiste. Et donc, que ce soit pour des projets spécifiques ou pour des travaux d'entretien, lorsque les fabriques ou lorsque des promoteurs de projets de recyclage viennent nous voir, la ville a toujours été partenaire dans ces projets-là.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Merci, M. le Président. Alors, je tiens à vous souhaiter la bienvenue, à vous deux, M. Caron, Mme Roy, Mme Roy qu'évidemment je connais dans une autre vie, avec qui j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler. Je tiens également à vous remercier pour votre mémoire, qui est bien fait, comme à l'habitude, lorsque vous présentez des mémoires ici, à l'Assemblée nationale du Québec. Il est concis, mais il est également franc et direct, compte tenu de votre expérience qui vous précède. Et je tiens à saluer, par le fait même ? M. le Président l'a fait tout à l'heure ? le leadership de la ville de Québec, de la nouvelle ville de Québec, dans la réalisation et les actions posées en ce qui concerne le patrimoine religieux.

Vous me permettrez, M. le Président, d'être assez rapide dans les questions que je vais poser parce que je sais que j'ai d'autres collègues ici qui ont également des questions à poser à nos gens ici présents.

À la page 17 de votre mémoire, vous parlez de lever un impôt patrimonial, et je vous cite, là: «La levée d'un impôt patrimonial serait-il acceptable? Quand on sait les difficultés pour une fabrique de percevoir la capitation...» J'aimerais savoir, Mme Roy ou M. Caron, de quelle façon, de quelle façon est-ce que vous voulez faire cette imposition. Est-ce que c'est via les arrondissements, une taxe de secteur? Et de quelle façon est-ce que vous pensez... en tout cas vous lancez cette idée? Parce que je l'ai déjà fait, vous vous rappelez, M. le Président, à titre d'avocat du diable, si on peut se permettre cette expression en cette commission parlementaire sur le patrimoine religieux, j'avais soulevé la question, et je pense que c'était à Sherbrooke ou peut-être à Gatineau. J'avais posé la question à un groupe qui était venu nous voir, si c'était possible peut-être d'imposer une espèce de taxe de secteur sur le patrimoine religieux ou une taxe d'arrondissement ou peut-être une taxe globale pour tout l'ensemble de la nouvelle ville de Québec. Comment est-ce que vous voyez ça?

Mme Roy (Odile): Alors, M. Mercier, d'abord je reconnais bien là que vous êtes maintenant à l'Assemblée nationale et que, dès qu'on parle de lever un impôt sur le patrimoine religieux, vous considérez que ça devrait être la ville qui le fasse. Ha, ha, ha! Je n'ai certainement pas pensé à une taxe de secteur ni à une taxe d'arrondissement. Ha, ha, ha!

Écoutez, c'est plus une question qui est posée dans notre mémoire. Je peux vous faire état d'exemples que je connais, d'exemples qu'on a un peu approfondis. Je ne sais pas si les gens de Montréal connaissent, par exemple, la situation... ou les dispositions de la taxe rabbinique que même les Juifs ne paient pas en achetant des aliments... c'est-à-dire que même les gens qui ne pratiquent pas la religion juive paient en achetant des aliments. Alors, peut-être que tout le monde ne le sait pas, mais, quand vous achetez des aliments casher, vous financez la religion juive. Bon, si ça, ça existe au Québec, la religion catholique, où est-elle?

Je peux vous citer d'autres exemples aussi. Les commissions scolaires, parce que j'ai moi-même fait le parallèle, ont un pouvoir de taxation. Est-ce que la révision de la Loi des fabriques éventuellement ? et là je le mets entre guillemets ? mais en ouvrant à une plus grande démocratisation de l'action des fabriques donnerait la possibilité de taxation aux fabriques? C'est une question.

Je suis certaine également que vous connaissez les exemples qui nous proviennent de l'Europe, plus particulièrement de l'Angleterre ou d'autres pays d'Europe, où le patrimoine religieux est financé par le prélèvement d'une partie des profits générés par les loteries, par exemple. Alors, voilà. Non, je n'avais pas pensé à une taxe de secteur levée par le municipal.

M. Mercier: Alors, c'est ce pour quoi je vous posais la question, pour évidemment éclairer les gens qui nous écoutent ici, en télédiffusion.

Également, aux pages 4 et 5 de votre mémoire ? et vous l'avez abordé tout à l'heure, Mme Roy, très brièvement ? vous parlez d'un plan directeur, et un plan directeur, évidemment c'est une certaine planification à long terme, pour répéter des termes dits municipaux. J'aimerais savoir si, dans la nouvelle ville de Québec... Et je sais qu'à la page 5 ? et je vous cite ? vous parlez de Sainte-Maria-Goretti, par exemple, qui doit être l'église, ou du moins la paroisse, à Charlesbourg. Est-ce que vous avez répété la même chose dans d'autres arrondissements de la ville de Québec ou dans d'autres quartiers de la nouvelle ville de Québec, en ce qui concerne le plan directeur, ou est-ce que c'est limité à l'ancien plan directeur de l'ancienne ville, si je peux me permettre de le dire ainsi, l'ancienne ville de Québec?

Mme Roy (Odile): Je veux juste éclaircir quelque chose. Dans le mémoire, on fait état du plan directeur d'aménagement et de développement que la ville de Québec doit adopter et qu'elle vient de faire via la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, où il y a certains énoncés importants à l'égard du patrimoine religieux. Les plans directeurs immobiliers auxquels vous faites référence, M. Mercier, sont évidemment des outils de planification des fabriques elles-mêmes, et ce sont des initiatives qui viennent des fabriques. Alors, la ville agit en support à l'action des fabriques, ne le fait pas pour les fabriques. Il suffit donc qu'une fabrique... Et les fabriques le savent, que nous sommes là en support financier, non seulement en support financier, mais en support de ressources humaines, pour siéger sur les comités qui confectionnent les plans directeurs immobiliers. Alors, nos récentes expériences effectivement ont eu lieu à Limoilou, mais toute autre fabrique qui voudrait se prêter à cet exercice-là recevrait le même support.

n (10 h 30) n

À Saint-Charles-Borromée ? je suis contente que vous le mentionniez ? et Sainte-Maria-Goretti, je pense que les gens étaient déjà rendus un peu plus loin. Ils ont déjà, d'abord, fait le choix ? et je le salue ? de consacrer l'église mère comme église qui restera ouverte au culte et sont donc davantage à la recherche d'autres vocations pour les autres édifices religieux de la paroisse. Le plan directeur immobilier vient un peu en amont de ça. Généralement, c'est pour aider les fabriques à faire des choix. Mais, je le répète, ce sont d'abord des initiatives des fabriques, mais où la ville et bien évidemment le ministère de la Culture arrivent en support financier et humain dans le travail qui est fait.

D'ailleurs, Robert, tu me disais... Est-ce que tu en as des exemples? Ici, tu avais un CD, qu'on pourra vous laisser. L'avais-tu?

M. Caron (Robert): J'ai le CD de Limoilou.

Mme Roy (Odile): O.K. Alors, si des membres de la commission sont intéressés à voir ce que ça comporte, un plan directeur immobilier de fabrique, on a les exemples des deux paroisses de Limoilou, alors un CD qu'on pourra laisser à M. Painchaud.

M. Mercier: Merci, Mme Roy. Une toute dernière, M. le Président, et très rapidement. Je sais que le temps file et que mon collègue de Montmorency a des questions, et mes autres collègues peut-être également.

À la page 11 du mémoire, toujours en référence, on parle de recyclage, ou du moins de restauration, de restauration de nouveaux locaux, de puiser dans le bâti patrimonial existant, même si les frais d'aménagement et d'occupation s'avèrent plus élevés que pour une construction neuve. On a à l'idée peut-être ici, pour les gens de Québec, les gens qui nous écoutent, l'École de cirque, qui est une merveille en soi, un exemple type de recyclage d'un bâtiment, d'un patrimoine religieux, mais qui a été reconverti d'une façon plus qu'avant-gardiste pour l'École de cirque.

Moi, j'aimerais savoir: Selon votre expérience à la ville de Québec, la nouvelle ville de Québec, combien, en pourcentage, pourrait-il en coûter de plus pour réaménager une... que pour réaménager une construction neuve, alors pour réaménager un patrimoine déjà bâti, religieux ou autre, que pour construire une nouvelle construction ? pour être redondant dans ma question? Parce qu'on a posé souvent la question, nous, ici, à cette commission, évidemment: Est-ce qu'il en coûte plus cher de rénover ou de restaurer une église qui a un patrimoine bâti exceptionnel, avec une décoration, une architecture exceptionnelle ? et également bien il y a toute la mise à normes ensuite ? ou est-ce que ça peut s'avérer moins coûteux de bâtir tout simplement, plutôt en périphérie, un autre bâtiment qui servirait à la même vocation, au même but?

Mme Roy (Odile): Écoutez, c'est le genre de question qu'il faudrait poser à mes collègues, par exemple, de l'École d'architecture. C'est très difficile pour moi de vous donner une évaluation en pourcentage. Est-ce que c'est une fois et demie, est-ce que c'est deux fois les coûts d'investissement initiaux? On sait très bien que la mise aux normes des édifices existants qu'on a choisi de conserver est souvent une opération extrêmement coûteuse, mise aux normes en termes de sécurité incendie, mise aux normes en termes de, par exemple, qu'est-ce qu'il y a dans les murs, où on trouve souvent de l'amiante. Certains cas sont patents. Et malheureusement, quand on évalue les coûts, on ne regarde que les coûts d'investissement initiaux, et il y a toutes sortes d'autres considérations, je dirais, qui ne sont pas qu'économiques, qui sont à la fois patrimoniales, mais aussi des considérations de développement durable, des considérations d'aménagement du territoire, vous en avez vous-même fait la mention. Et donc je pense qu'il serait important de se doter de tels outils pour, à tout le moins, être capable de faire des analyses de valeur, pour, à tout le moins, être capable de défaire le mythe que le neuf coûte moins cher que le vieux, parce que, sur une durée de vie utile de bâtiment, je ne suis pas certaine que la démonstration puisse être faite. Mais malheureusement je n'ai pas de réponse précise à votre question.

M. Mercier: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Pour une très courte question et une courte réponse, M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Merci, M. le Président. On va se limiter à une question. Est-ce que vous croyez... Une question rapide. Premièrement, merci d'être ici et merci de voir... En tout cas, moi, j'ai pu le constater ? je viens du centre-ville de Québec ? le travail qui s'est fait par l'ancienne et par la nouvelle ville en ce qui regarde la préservation des biens religieux, et ça, je veux le saluer, c'est important de dire le travail qui s'est fait. Effectivement, on est en avant.

Par contre, je regarde au niveau des collaborations avec justement les villes. Est-ce que vous croyez actuellement que les réglementations, la loi permet d'avoir les outils nécessaires pour aider, supporter, améliorer ces édifices-là et les conserver sur le plan culturel ou si des modifications légales, législatives seraient nécessaires de façon à assouplir la possibilité pour les villes d'y participer? Donc, c'est court, je respecte mon temps, M. le Président.

Mme Roy (Odile): Je répondrais à votre question par quelques pistes peut-être, et pas juste pour les villes. Je pense que, dans notre mémoire, on fait référence à, par exemple, toute une réflexion qui devrait être faite sur la fiscalité pour permettre avantageusement au secteur privé de s'investir dans la conservation du patrimoine. Nos collègues américains le font et le font assidûment, et je pense qu'on est très frileux là-dessus. Et donc, si on veut que ça ne repose pas que sur les épaules du secteur public ? et j'inclus les villes et l'État québécois dans cette considération ? il faut certainement revoir les lois de la fiscalité.

Au niveau municipal, je vous avoue qu'il y a une question qu'on s'est posée, qu'on a soulevée, et même je pense qu'on a déjà demandé une modification à la Loi sur la fiscalité municipale. Quand je vous parlais de la difficulté d'avoir des projets de reconversion viables à long terme... Souvent, ce qui fait la différence dans la viabilité d'un projet de reconversion, dans les charges que vont avoir les nouveaux propriétaires à assumer, bien évidemment on retrouve encore une fois les taxes municipales. Alors, les fabriques sont exemptes. L'École de cirque n'est pas exempte de taxes. Et les villes n'ont pas ce pouvoir, par exemple, de dire: On donne un congé de taxes sur une certaine période de temps pour permettre de donner un répit à un organisme qui s'investit, ou à une organisation, ou à une entreprise qui s'investit dans le recyclage.

Alors, il y a toute cette piste à mon avis qui est à explorer et donc qui peut permettre de venir en soustraction de l'investissement initial de départ que le gouvernement ou que les villes doivent faire dans un projet de reconversion, parce qu'à ce moment-là les entreprises ou les organismes pourraient assumer des charges hypothécaires un peu plus élevées s'ils n'ont pas à assumer ces taxes-là. Alors, pour la ville, c'est tout simplement des revenus qui n'entrent pas aussi vite qu'ils devraient entrer, mais actuellement on ne peut pas le faire, et ça a été la pierre d'achoppement de plusieurs projets. Alors, c'est deux idées, deux pistes peut-être qui me viennent à l'esprit.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: Merci, M. le Président. Mme Roy, d'abord merci beaucoup d'être là. Le fait qu'une élue soit là, ça compte. Moi, je l'ai souligné dans les consultations que nous avons tenues ici et là, au Québec, et la preuve est faite par votre présence, bien que vous êtes une élue pour quelques jours à peine. Je comprends bien que vous méritez sans doute le repos de la guerrière politique.

La ville de Québec est, grâce à vous, au maire L'Allier, hein, une pionnière. On a parlé beaucoup de la ville, on a parlé de ce qu'elle a fait en matière de patrimoine, et je crois que vous donnez un exemple aux autres villes du Québec, et j'espère qu'il sera suivi et qu'au terme de nos travaux votre exemple nous inspirera dans nos recommandations et dans nos suggestions. D'ailleurs, il y a quelques jours à peine, au colloque du patrimoine religieux, auquel vous ne pouviez assister à cause de votre mission en Chine, la ville de Québec a fait une présentation absolument remarquable, avec vos collègues, qui démontrait jusqu'à quel point la ville exerçait du leadership, s'agissant du patrimoine religieux. Et, moi, je n'ai pas été gêné, comme député de Montréal, de comparer la prestation de la ville de Québec à celle de la ville de Montréal. On voyait qu'il y avait un manque flagrant de leadership à Montréal lorsqu'il s'agit du patrimoine religieux. Alors donc, j'espère que ce que vous avez fait va inspirer les autres villes et les autres administrations municipales du Québec.

n (10 h 40) n

La déclaration de 1999 est très importante, je crois. Là aussi, c'était un geste pionnier. Mais je suis certain que ma collègue de Taschereau a beaucoup de questions à poser sur la déclaration et sa mise en oeuvre, parce que je crois que, s'agissant de la mise en oeuvre, peut-être que c'est plus difficile ou c'est plus contentieux qu'on ne l'aurait cru en 1999, mais je pense que ça mérite que notre commission sache exactement ce qu'il en est, de la déclaration, comment elle doit être mise en oeuvre.

Mais, moi, j'aimerais vous parler de cette question que vous évoquez dans votre mémoire concernant l'obligation des ministères et organismes d'État de puiser dans le bâti patrimonial existant. Dans votre mémoire, vous consacrez un développement intéressant sur cette question, vous donnez des exemples de ce qui devrait être fait du bâti ici, à Québec, qui pourrait être utilisé, plutôt que l'on pense à construire de nouveaux bâtiments. Vous donnez l'exemple de ce que vous voulez faire même ici. Il a été question, dans nos travaux, depuis le début, d'un moratoire et des mesures qui justement permettraient d'utiliser le bâtiment patrimonial religieux pour des infrastructures gouvernementales ou municipales.

J'aimerais ça que vous nous aidiez et que vous nous disiez comment on devrait faire ça. Est-ce qu'on devrait d'abord imposer un moratoire? Et, si on le fait, comment on devrait le faire, pour quelle durée? Comment on devrait s'obliger ou obliger l'État et peut-être même les municipalités ? on peut le faire dans une loi de l'Assemblée nationale ? à user de ce patrimoine bâti pour loger son administration?

Puis, je veux juste terminer en disant: Votre mémoire, qui est aussi très bien fait, là, pose une question absolument intéressante pour nous. Vous dites: Dans 20 ans, en matière de sauvegarde du patrimoine religieux immobilier, parlera-t-on d'un appauvrissement collectif ou d'un vaste chantier réussi? Je pense que c'est là la vraie question et que les travaux de cette commission, là, ont une réelle importance, parce qu'on pourrait faire la différence entre justement ce chantier réussi ou l'appauvrissement collectif qui est peut-être celui vers lequel on s'achemine si on ne fait pas les choses correctement dans les mois et les années qui viennent.

Mme Roy (Odile): Le moratoire, effectivement on y fait référence dans le mémoire, et je pense que tout d'abord ce serait de poser un geste très responsable que de se dire: Bon, là, on arrête, on arrête et on travaille à au moins connaître ce qu'on a à notre disposition. Et souvent cette connaissance, elle existe. Je ne sais pas dans quel état c'est à Montréal, mais l'inventaire à travers la province peut le montrer, qu'est-ce qu'on a comme parc immobilier, là, puis avec quoi on peut travailler. En tout cas, à Québec, c'est facile, on peut vous sortir ça assez facilement. Et je pense que ne serait-ce que de faire réfléchir effectivement tous les bras immobiliers de l'État sur cette question, ce serait certainement un geste responsable. Est-ce que ça doit durer longtemps? Moi, je pense que ça peut être très court, ça peut être très court dans la mesure où on dit: Bon, voilà, maintenant on constitue une banque et on s'assure que tous ces organismes, que toutes ces organisations, y compris l'agence, y compris la Corporation d'hébergement, y compris la SIQ, connaissent ce capital immobilier, et ont en banque cette connaissance-là, et réexaminent les projets qu'ils ont sur la table à la lumière de cette considération-là.

Alors, je pense que ça n'a pas besoin de s'exercer sur une longue période pour, je dirais, ajouter cet intrant dans la réflexion des gens qui font des investissements immobiliers, puis y compris des villes. Il y a des villes qui, dans leurs plans directeurs, annoncent clairement cet a priori ou ce préjugé favorable pour la réutilisation de bâtiments existants dans tous leurs parcs immobiliers.

Alors donc, période qui peut être courte, mais qui peut être là pour constituer une banque d'information et s'assurer que tous les organismes ? et j'inclurais les commissions scolaires là-dedans ? savent qu'il y a cette préoccupation et soient appelés à reconsidérer tous leurs projets de construction pour effectivement d'abord étudier sérieusement les projets de s'installer dans des bâtiments existants.

Sur la conclusion, je vous dirais, moi, je ne reporterais même pas l'échéance à dans 20 ans. Est-ce que, dans 20 ans, on va se dire que c'est un appauvrissement collectif ou c'est un chantier réussi? Moi, je pense qu'on peut être fiers quand même, au Québec, de ce qui se fait. Vous étiez au colloque. Je n'y étais pas, mais j'ai participé à beaucoup d'autres colloques internationaux sur le sujet. Malheureusement, je n'étais pas là. Ça m'a crevé le coeur. Je pense qu'on n'a pas à avoir honte, au Québec, sur ce qu'on fait en matière de patrimoine religieux. C'est différent, c'est une recette très différente de l'État français, c'est une recette très différente de ce qui se fait ailleurs, mais je pense qu'on a quand même notre voix et je pense qu'il ne faut pas attendre à dans 20 ans pour faire des bilans, il faut continuer à avoir cette espèce d'avance.

Moi, je l'ai plaidé à la ville de Québec. J'ai dit: Je trouve qu'on a un leadership, je veux qu'on garde ce leadership. Il n'est pas toujours facile à garder, mais je pense que la situation est un peu la même pour le Québec, c'est-à-dire que ça doit se faire de façon continue. Et, moi, je vous ramènerais l'échéance à dans cinq ans, qu'est-ce que nos gens vont faire rapport à ICOMOS, à ce comité sur les questions de patrimoine religieux, et comment ils vont pouvoir dire ce que l'État québécois fait en matière de patrimoine religieux.

M. Turp: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Bonjour, madame. Bonjour, monsieur. L'appropriation est assez exemplaire, de la ville de Québec, par rapport à ce dossier du patrimoine religieux. Je vous en félicite, autant la déclaration citoyenne que la politique de citation du patrimoine, que celle aussi de la mise en valeur, évidemment, et le fait que le mandat a été aussi donné à une conseillère municipale.

Vous parlez beaucoup du bâti mais très peu de l'archivistique, de la partie matérielle, partie mobilier aussi, là, des oeuvres d'art dans les églises ou dans les communautés religieuses. Vous en parlez très peu, mais en tout cas vous allez peut-être me donner une réponse à ce niveau-là. Mais ce qui m'intéresse particulièrement, c'est toute la participation citoyenne, où vous élaborez quand même... Vous dites que les églises et les presbytères sont des biens collectifs. Vous l'apportez assez clairement dans votre mémoire, mais en même temps vous dites que les différentes traditions religieuses doivent conserver les biens patrimoniaux d'une part et les protéger.

Comment vous voyez les modifications qui peuvent être apportées sur la Loi sur les fabriques telle quelle dans... Parce que vous parlez d'une assemblée citoyenne élargie, là. Comment vous la voyez concrètement? Parce qu'il faudrait réajuster la Loi sur les fabriques à ce niveau-là.

Mme Roy (Odile): Je voudrais juste apporter une précision. Mme Léger, vous avez parlé d'une politique de citation. La ville de Québec n'a pas de politique de citation, pas encore. Vous savez, ce pouvoir de citer des municipalités que le gouvernement donne aux municipalités est un pouvoir à deux tranchants et à exercer avec beaucoup de parcimonie. La citation présuppose très souvent d'abord une protection à tout jamais, et Montréal en est l'exemple, là. Il y a bien des choses qui ont été citées à Montréal, qui ont malheureusement dû être démolies. C'est peut-être pour ça qu'on n'a pas exercé ce pouvoir. L'ancienne ville de Charlesbourg l'avait fait. Heureusement, il n'y a pas de menace de ce côté-là. Mais, avant de se prévaloir de ça, on s'est toujours dit qu'il nous faudrait un cadre d'action et une marge de manoeuvre plus aisés pour pouvoir le faire.

Cependant, on s'est toujours dit aussi que, là, quand on le ferait, on est en exercice d'élaboration d'une politique du patrimoine nous-mêmes qui va éventuellement mener à une politique de citation, mais que, quand on le ferait, ce serait probablement, d'abord et avant tout, à l'égard du patrimoine religieux. Alors, je voulais juste dire ça. On est peut-être un pas en arrière là-dedans, mais je pense que l'histoire nous a démontré qu'on a peut-être bien fait d'être prudents là-dessus.

Sur la question du patrimoine archivistique et la Loi des fabriques, je vais demander à mon collègue, Robert, de répondre parce que, vous savez, moi, je suis architecte de formation, alors j'ai un petit biais pour ce qui est construit. Le patrimoine immatériel me touche comme citoyenne, mais je vais laisser l'expert...

n (10 h 50) n

M. Caron (Robert): On s'était dit tout simplement, au début du mémoire, qu'on n'aborderait pas cette question parce que déjà avec l'immobilier on en avait plein les bras, et puis on pense qu'on a des collègues qui vont certainement venir vous déposer des mémoires qui vont concerner les archives, le mobilier, etc. Cependant, la ville de Québec y participe avec ses partenaires.

Je vous remercie de nous féliciter à tour de bras, là, mais il faut absolument que nos partenaires soient mis sur le même pied que nous. Alors, je pense à la Direction de la Capitale-Nationale du ministère de la Culture et des Communications puis également au diocèse, à la Commission de la capitale, à la Corporation du patrimoine et du tourisme religieux, etc.

Le ministère et la ville, par exemple, pour ce qui est de la conservation des archives, des collections, etc., on s'est investis là-dedans, par exemple chez les Augustines, où à leur demande je pense que, depuis 2001, on a mis 600 000 $ seulement chez les Augustines pour faire des inventaires de collections, d'archives, de bibliothèques anciennes, ensuite pour faire des études de faisabilité, etc. Et, dans l'entente de développement culturel pour les années 2006, 2007, 2008, on prévoit également 100 000 $ par année pour aller faire l'inventaire et l'analyse du patrimoine mobilier qu'on va retrouver dans les églises: alors, les vases sacrés, les textiles, etc. Alors, ce n'est pas parce qu'on n'est pas intéressés, mais c'est parce qu'on pense qu'il y en a d'autres également qui vont pouvoir l'aborder peut-être mieux que nous.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous retrouver, Mme Roy, M. Caron. Je saluerais aussi la présence d'un joueur important dans le domaine du patrimoine, c'est le président de la Commission des biens culturels, le bon curé Dufour, qui vient d'entrer. Bonjour, M. le curé, M. le président.

J'ai vécu, comme le maire de Québec de l'époque et les conseillers municipaux de l'époque, un choc en entrant au ministère de la Culture, puisqu'un mois plus tard se posait la question de l'église Notre-Dame-du-Chemin, que nous avons dû voir démolir. De ça et des discussions qui s'en ont suivi est arrivée l'entente de principe. Entre la ville, le ministère et le diocèse, c'est vraiment de ça que c'est parti. Et il y a un principe qui avait été reconnu dans cette entente ? et j'y tiens beaucoup ? c'est l'implication des citoyens et citoyennes. En effet, le patrimoine religieux est vécu par les citoyens comme étant plus grand que le simple bien de culte, c'est considéré comme un bien patrimonial, donc appartenant à l'histoire, symboles et vestiges de notre histoire.

Je le disais, tout le monde le dit, tous les mémoires soulignent la qualité de cette entente et les bonnes intentions qu'elle a. Elle décrivait aussi une démarche assez précise, je pense. Implication de tous les élus, implication des fabriques, des diocèses, conseils de quartier même sont nommés dans cette entente. Je serais curieuse de savoir qu'est-ce qui ne marche pas, qu'est-ce qui fait que, malgré que tout le monde... et je suis convaincue que tous les joueurs qui ont signé cette entente voulaient que ça fonctionne, ça ne marche pas. Est-ce que c'est le cadre législatif de la ville, le cadre législatif des fabriques, le lien avec le diocèse ? parce qu'on sait qu'il y a une problématique de propriété, de pouvoir de décision ? la Fondation du patrimoine ou le manque d'argent, simplement ? ce à quoi, je vais vous dire, je ne crois pas, parce que l'argent est nécessaire mais que l'entente balisait le chemin de la renonciation à une église ou pas et de la définition de sa future vocation? Là, je vous pose la question. Est-ce que c'est parce que finalement personne n'a de devoir véritable d'intervention? Voilà ma question.

Mme Roy (Odile): Je vous dirais qu'on ne soit pas défaitiste à l'égard de la déclaration, et particulièrement le point que souligne Mme Maltais, est peut-être celui qui marche le mieux. L'implication citoyenne, je pense que tous les partenaires... Et particulièrement je pense que ça demandait une très grande ouverture de la part des fabriques et du diocèse. Et à mon avis cet objectif-là a été atteint avec succès dans les démarches qui ont été faites. Que ce soit dans la confection de plans directeurs immobiliers, où effectivement les citoyens ont non seulement été interpellés, mais où le résultat des réflexions a été livré en assemblée publique convoquée par les fabriques, que ce soit dans le cadre de la confection d'études prospectives, où souvent des membres de conseil de quartier, par exemple, ont siégé sur des comités de confection des études prospectives, où il y a eu des portes ouvertes, des brassages d'idées, les fabriques se sont pliées avec une assiduité et, je pense, une très, très grande ouverture à ça, se sont pliées même aux échéances qu'on donnait ? est-ce qu'on est dans les délais, un an, deux ans ? et pour ça je pense que ça a été une forte avancée, et je salue le courage parce que ce n'est pas toujours facile d'ouvrir ces décisions-là quand on a des responsabilités.

Là où les partenaires ont plus de difficultés à assumer leurs engagements, je l'ai cité tantôt. Les fabriques dans le fond s'engageaient en quelque sorte, dans la déclaration, à choisir pour le culte les églises mères ou les églises à la plus haute valeur patrimoniale dans leur bassin d'églises. Alors, on rencontre un problème à l'égard de ces choix-là, autant à Saint-Jean-Baptiste que, par exemple, à Limoilou, où la préservation de Saint-Charles, qui est l'église mère, est remise en question. Et donc ça, c'est un point de la déclaration que les fabriques aimeraient bien vouloir changer.

La ville, vous vous en souviendrez, s'était engagée à exercer son devoir ou son pouvoir de citer. Elle ne l'a pas fait encore. C'est donc un point qui n'a pas été mis en oeuvre dans la déclaration. Et le ministère ? et c'était clairement dit ? l'État, via le ministère, s'engageait à mettre les sommes nécessaires pour la conservation des églises qui étaient délaissées au culte, le temps qu'on leur trouve une nouvelle vocation. Or, pendant ce temps-là, même si on travaillait très fort à monter un projet sur l'église Notre-Dame-de-Grâce, il n'y a jamais personne qui a dit: Bien, on va mettre l'argent pour la maintenir debout, pour faire les travaux nécessaires, même si on n'a pas de nouvelle vocation encore, et ça, c'était clairement dit dans l'entente, mais il n'y a jamais eu d'investissements qui ont été faits avant qu'un projet soit réalisé.

Et on voit aussi, avec les sommes que vous avez mentionnées, les sommes nécessaires... Par exemple, Saint-Jean-Baptiste, qui est un monument historique national, est encore en déficit d'investissement d'entretien important. Alors, c'est plutôt ces aspects-là de la déclaration. Puis je ne dirais pas que ça ne marche pas, je dirais que les partenaires ont de la misère à faire face à leurs engagements. Mais, sur la question de la participation citoyenne, je pense que c'est peut-être là un bon succès.

Mme Maltais: J'aurais...

Le Président (M. Brodeur): Malheureusement, c'est tout le temps que nous disposons. Nous avons déjà 30 minutes de retard. Donc, merci beaucoup aux représentants de la ville de Québec, et je vais suspendre quelques instants, le temps que le Comité diocésain du patrimoine religieux de l'Église catholique de Québec s'installe.

(Suspension de la séance à 10 h 58)

(Reprise à 11 heures)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos consultations. Nous recevons donc le Comité diocésain du patrimoine religieux de l'Église catholique de Québec. Bienvenue en commission parlementaire.

Brièvement, je vous explique les règles de présentation de votre mémoire: vous avez un temps maximal de 20 minutes, 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, de la façon que vous le jugez à propos, ce qui sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, comme à l'habituel, je vous demanderais de vous identifier pour débuter et de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Comité diocésain du patrimoine religieux
de l'Église catholique de Québec

M. Blais (Jean-Pierre): Alors, merci bien. Nous vous remercions de votre invitation à venir ici présenter notre mémoire devant la Commission de la culture. Alors, moi, mon nom, c'est Jean-Pierre Blais, je suis évêque auxiliaire à Québec, et M. le cardinal Ouellet m'a demandé dernièrement de prendre charge de ce dossier du patrimoine religieux.

Alors, ici, avec moi, il y a Rémy Gagnon, qui est le responsable au Département des fabriques au diocèse de Québec, et, à ma gauche, c'est M. Jean Tremblay, qui est responsable du Département de la construction. Alors, c'est avec eux autres ici, aujourd'hui, que je viens vous rencontrer, et, dans le contexte de notre échange, là, nous voulons profiter bien simplement... La raison d'être, je dirais, de notre présence ici, c'est votre invitation, c'est bien sûr, mais également nous voulons profiter de cet espace d'échange et de concertation que la Commission de la culture nous donne l'occasion de faire ce matin afin de pouvoir participer à la réflexion et à la recherche de solutions.

La prémisse des travaux de la commission parle de responsabilité partagée, et notre mémoire souscrit à cette affirmation-là. Et par responsabilité partagée, en ce qui nous concerne, nous entendons le partenariat qui existe, depuis le tout début de la création des paroisses et des diocèses, entre les acteurs du milieu social et du milieu religieux.

L'Église s'est toujours donné et préoccupé, avec la population, eh bien, de vivre sa mission et se donner les instruments dont elle avait besoin, et cette mission-là, je veux rappeler au début qu'elle ne se limite pas bien simplement au cultuel, au spirituel et au religieux, elle se traduit par de nombreuses oeuvres caritatives et éducatives au service de toute la population.

Notre mémoire vous présente un regard sur un ensemble d'actions en cours, de commentaires, mais également nous voulons vous partager l'expertise que nous avons développée, depuis quelques années, dans notre travail. Et, dans ce sens, nous plongeons immédiatement à la page 12, puisque nous voulons suivre bien simplement le développement de ce qui a été présenté comme instrument préparatoire. Dans l'instrument préparatoire, dans un premier bloc, il est question de la source du problème, d'où vient le problème de la difficulté d'entretenir le patrimoine religieux. Et, dans ce problème-là, il est souligné la baisse de la pratique religieuse et l'absence de relève chez les prêtres et les communautés religieuses.

Nous voulons souligner, d'entrée de jeu, qu'il y a d'autres problèmes que ceux-là et qui sont assez importants. Entre autres, je donne comme exemple la mutation sociale en contexte urbain. Je prends l'exemple de Saint-Charles-de-Limoilou. Il y avait, il y a quelques années, 6 700 de population, et actuellement c'est un peu au-delà de 3 000. Alors, on voit déjà là un impact. Également, la baisse de la population, surtout du côté des paroisses rurales... Je vous donne un autre exemple assez précis: la paroisse Saint-Casimir avait environ 3 400 personnes il y a quelques années; maintenant, c'est à peine 1 400, entre 1 400 et 1 500. Alors, ces réalités de déplacement de population finissent par avoir un impact majeur concernant la question qui nous concerne, du bien patrimonial, de la réalité des églises.

Également, les charges financières qui sont de plus en plus importantes, les coûts de rénovation également qui ont augmenté, les changements concernant les exigences en matière de sécurité et de bâtiment... Et également j'ajoute un aspect qu'on souligne peut-être moins souvent, et je prends le cas de la paroisse Saint-Roch. L'église est ouverte à différents groupes communautaires, différents groupes d'intérêt public qui demandent des locaux, et, ces groupes-là, bien nous leur concédons des locaux, mais assez souvent ils ne peuvent pas payer le coût réel de ces locaux-là. Une paroisse comme Saint-Roch, si elle pouvait louer ses locaux environ 10,50 $ du pied carré, probablement qu'elle n'aurait pas de problème financier, parce qu'elle aurait au-delà de 200 000 $ de revenus, alors qu'elle n'a pas tout à fait 40 000 $ concernant la question des locations, parce que les gens qui viennent n'ont pas les moyens financiers pour répondre aux besoins puis à la situation du coût réel de l'église comme telle.

Alors, ce sont ces éléments-là qui sont la source du problème, ce n'est pas strictement la question de la baisse de la pratique religieuse et de l'absence de la relève, là, chez les prêtres ou les communautés religieuses. Et, les effets que cette réalité a, d'une certaine façon, eh bien, le diocèse en tient compte puis essaie de trouver des réponses à ces réalités-là. Et un des effets, c'est au niveau des dons. C'est sûr que, si les dons demeurent liés à la présence des gens à la pratique cultuelle, c'est bien sûr que ça devient difficile. Mais déjà nous avons réagi à cette situation-là pour développer ce que nous appelons la contribution volontaire annuelle avec des bénévoles qui font de la sollicitation et qui sensibilisent nos milieux sociaux, les milieux paroissiaux aux besoins de la paroisse comme tels, et nous nous apercevons que les paroisses qui ont mis de l'avant cette perspective-là peuvent avoir des revenus supérieurs, entre 1 % et 15 % de plus qu'une paroisse qui n'a pas touché à ses modes traditionnels de financement. Et puis, dans ce contexte-là, il y a environ un tiers des paroisses, à l'heure actuelle, qui ont modifié leur mécanisme de sollicitation.

Également, ce qui nous amène à parler, nous, des églises excédentaires, c'est que, dans un premier temps, avec le synode de 1995 que nous avons tenu au diocèse, nous avons dégagé le fait qu'il est important de regrouper les paroisses. Mais, ayant regroupé les paroisses, on s'aperçoit que ça n'apporte pas une solution à la question financière des églises, de telle sorte que le congrès diocésain de 2004 a donné comme orientation de regarder l'utilité pastorale de l'ensemble des églises que nous avions sous notre responsabilité. Nous réalisons, dans ce sens-là, que nous n'avons pas besoin de toutes ces églises-là pour des fins pastorales. Ce que nous appelons, nous, l'excédentaire, c'est les églises dont nous n'avons pas besoin pour la réalisation de notre mission dans le cadre actuel.

Et d'autres efforts que nous avons déployés pour essayer de réagir aux effets un peu négatifs de tout le contexte actuel, ce sont les ententes de partenariat. Nous avons, dans le contexte des ententes, travaillé avec les municipalités et avec le gouvernement et, avec les municipalités, entre autres, nous avons développé, avec la ville de Québec, là, des plans directeurs immobiliers et également regardé des efforts pour valoriser l'usage des églises, qui sont tout de même la volonté d'une population d'avoir... ces églises-là et de pouvoir assumer nos responsabilités, eh bien, de les garder, de les entretenir.

Également, les églises demeurent ? on posait la question, tout à l'heure, de la propriété ? demeurent les propriétaires, ce sont des personnes morales sans but lucratif qui sont propriétaires, à travers les fabriques, des églises. Le contexte qui survient, c'est que ce sont des activités à intérêt public qui se tiennent au niveau des églises, des activités ouvertes à tout le monde, de telle sorte qu'il faut tenir compte un petit peu de ces contextes-là pour regarder un peu comment en arriver à financer nos réalités. Il y a les bénévoles également qui sont importants dans nos réseaux, et également les efforts qui sont faits pour la prise en charge des communautés paroissiales par le milieu.

n (11 h 10) n

Les différentes réalités qui sont mises de l'avant... Vous avez, dans votre document... Vous parlez de partenariat entre les autorités civiles et religieuses. On a parlé, tout à l'heure, de l'entente conjointe de 1999 avec la ville de Québec; eh bien, ça fait partie... Et je parlerais également de l'entente qui concerne les églises de Portneuf en 2003. Ces ententes-là ont comme orientation de vouloir impliquer les communautés, le collectif, de pouvoir impliquer les personnes liées au service des églises en question et puis de pouvoir ainsi véritablement, à travers les communautés, susciter l'intérêt pour ce que les gens veulent voir survivre à travers les années qui viennent.

La question le plus souvent que les gens posaient, c'est: Où puis-je intervenir et comment je peux le faire? C'était souvent devant cet aspect où on était démunis qu'est née la réalité de dire: Ça prend des ententes, pas uniquement pour se parler entre les différentes institutions, mais pour permettre aux personnes de voir comment elles peuvent intervenir, qu'est-ce qu'elles peuvent faire, et c'est ça que définit la réalité d'une entente.

Également, lorsqu'on parle de pistes d'action et de voies d'avenir à promouvoir, nous, en ce qui nous concerne au niveau du diocèse, nous désirons partager quelques pistes à explorer. Une première, c'est de poursuivre, de développer les initiatives qui favorisent l'élaboration de politiques de concertation, de soutien à la sauvegarde des églises, les plans d'action des villes, plans d'action de municipalités, plans d'action de municipalités régionales de comté, également maintenir des formes de programmes de financement qui vont encourager la base à faire leur part. Si la base se sent abandonnée sans autre effort qui peut se faire ailleurs, eh bien, à ce moment-là, ça devient difficile de motiver la population.

Poursuivre également et favoriser des solutions et des ententes de partenariat avec le monde municipal, les institutions politiques, clarifier ou établir un environnement juridique qui va permettre de conserver le premier usage à des églises qui ont été construites, là, pour des aspects du culte catholique. Également, favoriser une stratégie où les organismes publics et parapublics sont appelés à investir et à utiliser les églises, les bâtiments patrimoniaux avant de construire, là, de nouveaux immeubles. Nous souscrivons à cet aspect-là qui a été souligné tout à l'heure, en tout cas qui été mis comme question. C'est un aspect à regarder, qui peut nous aider d'une certaine façon.

Également, de prévoir des grilles tarifaires spécifiques aux immeubles religieux et communautaires dans le domaine de l'énergie ou, pour les fabriques de paroisse qui sont propriétaires de plusieurs églises, les soutenir à l'élaboration d'un plan directeur immobilier. Nous insistons beaucoup sur cet aspect de soutien et d'aide parce que très souvent les marguilliers ou les responsables des églises ont des fois des idées ou veulent faire quelque chose mais n'ont pas toujours les moyens techniques. Alors, il est important de pouvoir avoir les moyens techniques pour être en mesure de travailler et de relever les défis. Dans ce sens-là, on a posé, tout à l'heure, la question concernant les archives. Au diocèse de Québec, nous avons fait l'effort en tout cas de mettre en marche le projet des archives historiques pour le diocèse de Québec. Eh bien, c'est un exemple que nous donnons d'une réalité qui peut se faire mais qui doit se monter lentement au cours des ans et... réaliser les différents travaux autour de ces réalités-là. Il nous semble que la mise en place de centres spécialisés, qui devient peut-être impossible pour plusieurs endroits... Peut-être qu'il y a des possibilités d'établir des ententes-cadres pour lentement faire quelque chose peut-être au niveau régional.

Vous avez un autre élément également dans le document préparatoire qui parle des différents éléments de réponse, là. On parle de questions concernant les critères et les valeurs de sélection des biens à caractère religieux. Nous, il nous semble qu'il faut tenir compte, dans ce contexte-là, du respect de l'oeuvre de l'Église catholique, de son culte, de ses prescriptions et de ses droits juridiques, également tenir compte des personnes, des paroisses, des collectivités en général, qui sont les premiers acteurs dans la recherche de solutions, et également les églises, peu importent leur âge ou leurs qualités au plan architectural ou artistique. Ce sont des lieux porteurs d'une histoire et de symboles identitaires. Il nous semble que ces éléments-là doivent être pris en compte quand on parle de critères ou de valeurs pour la sélection des biens à caractère religieux.

Également, il y a des outils législatifs et réglementaires qui peuvent être regardés: outiller, entre autres, les communautés locales pour les sensibiliser à la valeur de leur patrimoine, favoriser des mesures incitatives qui vont permettre l'acquisition d'églises excédentaires, développer peut-être des mesures fiscales qui vont faciliter l'opération des nouveaux propriétaires de ces églises-là. On parlait de la question, tout à l'heure, de Saint-Esprit qui n'est pas... qui est exempte de taxes comme tel, mais on voit que ça crée un peu des problèmes financiers et même la difficulté du remboursement de leur dette.

Mettre également en place une réglementation tarifaire ou des programmes spécifiques d'aide financière dans le domaine de l'énergie. Également, en partenariat avec le diocèse, développer des services de consultation et de gestion qui pourront aider les fabriques liées à différentes questions concernant le suivi du soutien et de l'entretien de leurs églises.

Il y a également des rôles des différents acteurs. Dans ce sens-là, il nous semble qu'il nous faut toujours travailler à maintenir la responsabilisation des communautés et des collectivités. Sans la responsabilisation des communautés et des collectivités, il devient difficile de pouvoir garder la pérennité du patrimoine religieux. Même s'il y a un désir politique à quelque part, si le désir n'atterrit pas dans la population, le bien, dans quelques générations, intéressera-t-il cette génération-là? Il y a un travail à faire, de sensibilisation, dans ce contexte-là.

Également, quand on parle de recherche de solutions pour la protection et la mise en valeur du patrimoine, il est important de développer des pistes d'action à partir de l'expérience acquise à travers la Fondation du patrimoine religieux, les activités également de la Corporation du patrimoine et du tourisme religieux de Québec, qui prouvent que les projets à caractère touristique ont du potentiel.

Également, quand on parle de la fiducie de gestion dont il est question dans le mémoire, nous, sans avoir une réponse complètement, je dirais, exhaustive, là, sur la question, il nous semble important de tenir compte des paramètres suivants: c'est que, cette fiducie-là, son rôle devra être de soutenir les fabriques qui sont propriétaires d'une église classée monument historique, située dans un arrondissement historique ou encore ayant une valeur patrimoniale élevée et qui est toujours utilisée pour le culte catholique.

Également, dans le cas des édifices qui pourraient être jugés excédentaires par l'Église catholique et n'ayant plus d'usage pour le culte catholique, la fiducie assurera une prise en charge qui vise la mise en place de solutions de reconversion respectueuses de la mémoire et de la signification culturelles et religieuses.

Et, en terminant, comme conclusion, il nous semble que nous pouvons dégager quelques conclusions de notre perspective. La première conclusion, c'est la question de la responsabilisation. Il est important, dans tout ce qui est essayé ou sera mis de l'avant, que ce soit toujours orienté pour la responsabilisation des communautés et des collectivités, qui seront amenées ainsi à s'impliquer et à être partenaires de ces responsabilités-là. Puis il faut être convaincu de travailler ensemble en partenariat dans le respect des convictions et des droits de chacun.

Également, comme deuxième élément, il nous semble important de soutenir la participation active des paroissiens et des paroissiennes engagés dans leur communauté et appuyés par les collectivités où ils sont insérés.

Et le troisième volet qui serait important, c'est lié au nouveau programme actuellement qui est mis en marche et qui est mis en place, là, pour l'éducation à la religion. Dans ce programme-là, il sera important qu'il y ait un développement concernant l'aspect du patrimoine religieux ici, au Québec, pour former au sens du patrimoine et aider ces jeunes générations là à prendre conscience de l'héritage qu'elles ont entre les mains et à prendre conscience qu'il y a un avenir pour ces réalités d'héritage, pour nous aider à bâtir l'avenir qui vient, et elles font partie de cet avenir-là.

Je vous remercie, M. le Président, de votre accueil de notre mémoire et de votre écoute aujourd'hui pour présenter en tout cas les conclusions de l'expertise que nous avons développée au diocèse de Québec, depuis quelques années, en travaillant en concertation avec les différents intervenants dans le milieu social et le milieu politique. Merci beaucoup.

n (11 h 20) n

Le Président (M. Brodeur): C'est nous qui vous remercions pour cette belle présentation et d'avoir accepté cette invitation-là.

Je me dois de poser la même question naturellement que j'ai posée à la ville de Québec au point de départ, puisque ça vous concerne beaucoup, la propriété des églises. On a au-delà de 150 mémoires et consultations en ligne. Plusieurs nous font état de leurs états d'âme concernant la propriété des églises, et, puisque nous avons des gens du clergé, j'en profite pour reposer sensiblement la même question.

Certains prétendent que la propriété des églises n'est pas conforme à... c'est-à-dire que la réalité n'est pas conforme à la loi, qui est la Loi sur les fabriques. Certains disent que ce sont les paroissiens qui ont payé cette église-là et qu'en définitive la propriété de l'église revient indirectement à l'évêque. On dit «à la fabrique», mais, par toutes sortes de circonstances, ça revient à l'évêque. D'ailleurs, il y a plusieurs groupes qui sont venus témoigner, je pourrais même dire leur indignation ? à certains endroits, on parle d'une église à Lachine, une autre à Longueuil, entre autres, là ? qui sont venus nous dire qu'ils ont été dépossédés de leur église, et avec beaucoup d'émotion. Donc, j'aimerais vous entendre sur ces propos-là qu'on a entendus à plusieurs reprises sur le droit de propriété de l'église.

Et, dans un deuxième temps, encore la même question, avant de céder la parole à mes collègues de la région de Québec, sur le financement à venir, le financement à venir de ces restaurations-là, puisqu'on le sait tous, qu'il y aura de plus en plus de restauration, de réparations à faire dans les bâtiments religieux, est-ce que l'Église, le clergé est prêt également à collaborer, à apporter des fonds nécessaires au maintien de ce patrimoine fort important de tous les Québécois? La parole est à vous.

M. Blais (Jean-Pierre): Alors, merci bien. Concernant la question de la propriété, il me semble qu'il y a une ambiguïté qui est véhiculée sur cette question-là, et cette ambiguïté-là n'est pas particulière à la question des églises mais à toute la question des biens à usage public ou à utilisation communautaire comme telle.

Au niveau de la loi ? actuelle, en tout cas ? c'est assez clair que, concernant la question des églises, les églises sont utilisées par des citoyens, sont utilisées par des communautés chrétiennes, sont utilisées également par d'autres personnes qui contribuent, je dirais, au financement de ces églises-là, mais ça ne leur donne pas nécessairement un droit de propriété individuelle sur cette réalité-là. C'est que la propriété revient aux fabriques qui en ont la gestion. Ce qui amène de soulever le problème de la propriété avec acuité à l'heure actuelle, ce sont les décisions unilatérales qui n'ont pas tenu compte de l'usage public des églises comme tel et de l'usage par l'ensemble d'une communauté. Alors, ça veut donc dire: quand vient le temps de payer, la communauté paie; quand vient le temps de décider, on s'en réduit à la fabrique et aux marguilliers qui décident.

Et selon moi c'est cette ambiguïté-là qui a accentué la question de la propriété, à l'heure actuelle, et c'est à cette réalité-là, la plupart du temps, qu'on fait référence. Quand on s'objecte, on dit: Bien, la décision, où s'est-elle prise? Qu'est-ce que c'est qui s'est passé? Selon moi, ça n'invalide pas la réalité de la propriété, qui est assez claire dans ce contexte-là. L'Église, elle est propriétaire, à travers les fabriques, de la réalité des églises, mais l'Église ne peut pas garder ses églises, les développer ou les entretenir en dehors de la collectivité. Et selon moi la difficulté, elle est là. C'est une difficulté relationnelle entre les autorités qui décident concernant la réalité des églises et la population qui est concernée. Alors, le jour où on ne reconnaît pas que la population est concernée par la question et en a la responsabilité, on a des problèmes, et on a le problème qu'on a actuellement, à savoir toute la question qui est autour de la propriété.

Moi, il me semble qu'on serait mieux de poser la vraie question. C'est: Le droit de parole et le lieu où les personnes, collectivement parlant, qui ont apporté des soutiens à ces églises-là, où est leur droit de parole et leur droit d'intervenir quand vient le temps de décider qu'est-ce qu'il advient de l'église? Il est là, le véritable problème. Et selon moi il faut regarder où il est et non pas uniquement concernant la réalité du droit de propriété.

En ce qui concerne... Oui?

M. Gagnon (Rémy): Je pourrais ajouter quelque chose là-dessus. C'est sûr que légalement la question de la propriété d'une église ou d'un ensemble paroissial... Bien, c'est à une fabrique de paroisse, selon la Loi sur les fabriques. Mais en même temps, si on regarde un peu le travail qu'a fait, au niveau du diocèse, l'Église de Québec, bien, depuis l'entente de 1999, l'entente de 2003 avec la MRC de Portneuf, et les fabriques, et le ministère de la Culture et Communications montre exactement notre volonté de dire: Comme Église... Et les fabriques de paroisse, les communautés chrétiennes locales ont bien une volonté ferme de dire: Bien, sur les questions de l'avenir de nos bâtiments, comment on peut le développer, le valoriser, en assurer sa pérennité dans l'avenir? Bien, on a déjà affirmé, en signant ces ententes-là, notre volonté ferme d'aller de l'avant dans un processus de consultation puis de vision globale avec les divers partenaires socioéconomiques et les collectivités locales.

M. Blais (Jean-Pierre): Concernant l'autre aspect de votre question, le financement, les collectivités ou les paroisses, ce n'est pas d'hier qu'elles financent. Encore là, selon moi, on véhicule beaucoup la vision du problème des villes; on ne parle pas beaucoup de la situation rurale.

Moi, je pourrais vous dire qu'à la paroisse de Lambton il y avait des réparations qui venaient, et puis le milieu, c'est une paroisse de 1 600 personnes. Ils se sont mis ensemble et ils ont ramassé près de 300 000 $ pour réparer leur église sans l'aide de subvention et de personne.

On a mentionné, dans un mémoire, à un moment donné, L'Ancienne-Lorette qui a ramassé 200 000 $ pour la réparation de son église. Vous avez Sainte-Geneviève qui commence une sollicitation pour 40 000 $ pour leur orgue. Alors, vous avez des réalités comme ça, de telle sorte que ça m'a amené à aller voir exactement quelle est la contribution des subventions pour le diocèse de Québec. Moins de la moitié des paroisses ont reçu des subventions, puis les églises sont encore considérées, quand les Européens viennent ici, comme étant en très bonne condition matérielle de conservation. Alors, on a à peine cinq paroisses qui ont reçu des subventions sur 272, et les églises sont là et elles fonctionnent. C'est qu'on a une difficulté liée aux réalités de villes où il y avait beaucoup plus d'églises dans une concentration, là, plus limitée au niveau territorial. Mais, quand vous allez dans les villages ? le diocèse de Québec, c'est 75 % au moins de paroisses rurales ? à ce moment-là, c'est une dynamique qui peut changer un peu.

Moi, je peux vous dire ici ? on a les chiffres à l'appui ? que les investissements de la population sont assez importants concernant la conservation des églises, et, moi, je pense que, quand on parle de cette question-là, il ne faut pas se couper de la déresponsabilisation des milieux sociaux collectifs. Le gouvernement dit qu'il n'a pas l'argent globalement. Il ne faut pas se désolidariser de ça. La réalité d'avenir, elle est là, à la fois pour l'intérêt face à l'église et à la fois pour y amener une forme de financement. Le jour où la population n'en voudra plus, ils ne financeront plus non plus. Mais, si la population veut garder ces réalités autour desquelles souvent, en campagne, s'est bâtie la municipalité, le milieu comme tel, donc il faut garder les gens responsabilisés.

Moi, je prends un exemple, là, de ce qui est pour nous autres un succès, mais en même temps ça a ses effets. La paroisse de Villeroy ont vendu leur église à la municipalité pour que ça devienne un lieu communautaire de rassemblement avec différentes activités. Le premier effet que ça a eu dans l'année: les gens ont arrêté de donner quoi que ce soit à l'église parce qu'ils ont dit: Elle n'a plus de dépenses. Alors, c'est ça qui arrive aussi à un moment donné. Quand on parle de responsabilisation... Il a fallu reprendre le bâton du pèlerin puis réexpliquer qu'il y avait des dépenses concernant le personnel, la pastorale, les activités auxquelles les gens étaient moins sensibles... que de garder une église ouverte. Alors, je pense que c'est important de saisir ça dans le développement financier, là. Les populations locales devront avoir toujours une importance.

Puis, quand je regarde au niveau du diocèse de Québec, là, le financement se fait à travers le budget régulier des paroisses, puis, pour des églises plus spécifiques, c'est plus difficile à réaliser. Quand on parle de Saint-Jean-Baptiste de Québec, c'est une église qui n'arrive pas à l'intérieur de ses réalités précises. Alors, ils se retournent vers d'autres puis ils disent: Qu'est-ce qu'on va faire? Comment vous allez nous aider? C'est un peu comme ça que ça se passe.

En tout cas, moi, je ne sais pas si ça répond à votre question mais, je pense qu'il faut maintenir un équilibre au niveau du financement puis il faut garder la responsabilité des communautés locales.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Taschereau.

n (11 h 30) n

Mme Maltais: Bonjour, monseigneur. Bonjour, messieurs. Je suis heureuse de vous retrouver. On a collaboré souvent sur ce dossier du patrimoine religieux. Effectivement, la déclaration conjointe a été une bonne déclaration d'intention qui a bien placé les choses. C'était la première fois qu'on brossait un peu un tableau de l'implication citoyenne, des rapports des uns et des autres. À ce sujet, je dirais que, vous le savez vous-même, 80 % des églises à valeur patrimoniale élevée, dites cote 1, sont dans ma circonscription. Alors, vous comprenez qu'il y a quand même une concentration chez nous, que vous connaissez, qui fait que je me sens terriblement interpellée.

Vous venez de nommer l'église Saint-Jean-Baptiste. C'est exactement le genre d'église où on peut concrétiser les problèmes, montrer vraiment ce que ça donne, la réalité de l'application de la déclaration et de la difficulté qu'on a, même si tout le monde a une bonne, bonne intention. Tout le monde cherche comment...

Le point 4 de la déclaration dit ceci: «Que le diocèse de Québec et les conseils de fabrique conservent les églises de la catégorie 1 dont elles ont la responsabilité pour l'exercice du culte.» Dans ce cas-là, la paroisse fusionnée de trois églises, Notre-Dame-du-Chemin, démolie, Saints-Martyrs-Canadiens, qui existe, et Saint-Jean-Baptiste, a décidé que le culte se ferait principalement non pas dans l'église à valeur patrimoniale élevée, mais dans une autre, Saints-Martyrs. Et je peux comprendre ces paroissiens-là. Je ne jette pas le blâme au conseil de fabrique, Saint-Jean-Baptiste coûte une fortune à entretenir, en plus d'avoir pour 3 millions de dollars de travaux encore à faire, sans compter le socle de la statue de Saint-Jean-Baptiste, et Saints-Martyrs ne coûte presque rien parce qu'elle est plus moderne. Alors, dans ce cas-là, la fabrique a pris une décision. Toutefois, maintenant, elle se tourne et elle dit au monde: Bien, là, aidez-moi, j'ai une église patrimoniale à valeur élevée à faire vivre, et elle coûte très cher. Mais personne ne veut prendre la relève du conseil de fabrique parce que c'est prendre dans ses mains une église qui vaut très cher et qui demande énormément de travaux. Puis on ne peut pas la démolir, c'est un patrimoine national.

Comme diocèse, voilà exactement une situation où vous êtes en plein coeur, là, des interventions possibles. Quel est le type de solution, dans ce cas-là, dans le cas où tout le monde a des bonnes intentions, mais, dans la vraie vie, ça ne marche pas?

M. Blais (Jean-Pierre): Je vais donner la parole à Rémy, mais je reviendrai pour...

M. Gagnon (Rémy): Je vais répondre un petit peu à cette question-là en faisant un bref historique. Effectivement, la fabrique de Saint-Jean-Baptiste, qui possède deux églises avec un budget très limité, constate bien qu'elle est dans une impasse financière. Tu possèdes deux églises dont une est classée monument historique national. Et c'est sûr que la fabrique a eu, au cours des trois, quatre dernières années, à réfléchir, a lancé des communications, a consulté des gens, a entendu différents... a effectué une étude prospective sur l'église Saint-Jean-Baptiste pour voir quel est le potentiel d'utilisation, de valorisation de cette église-là.

Lorsqu'on affirme que la paroisse a choisi comme église principale l'église de Saints-Martyrs-Canadiens, oui, ils l'ont choisie comme église principale, mais ils n'ont jamais dit qu'ils ferment au culte l'église Saint-Jean-Baptiste et/ou l'église de Saints-Martyrs-Canadiens. Autrement dit, la fabrique dit: Nous autres, là, comme organisme, on pense que, sur le plan du culte catholique, on peut assurer les services dans les deux églises, entre autres à Saint-Jean-Baptiste, mais toute la fonction de la gestion de ce monument historique là, toutes les responsabilités de propriétaire pour assurer l'entretien de cet édifice-là, sa valorisation, son développement, c'est au-dessus de nos capacités. On a la volonté, on veut bien aller de l'avant, mais c'est au-dessus de notre capacité financière puis en termes de ressources, de bénévoles, et tout ça.

Alors, une des idées qui est sortie suite à l'étude prospective, c'est de dire: Une des solutions serait soit de trouver une entité quelconque, là ? appelons ça une coopérative de gestion, appelons ça un organisme de gestion ? qui pourrait assumer le développement ou la gestion quotidienne de l'église Saint-Jean-Baptiste... Et la fabrique deviendrait partenaire, continuerait à assurer des services de nature pastorale et de culte à Saint-Jean-Baptiste, mais sans garder l'obligation, comme propriétaire, d'assumer toutes les responsabilités, parce que c'est au-dessus de ses moyens. Alors, c'est ça, je veux vous resituer.

M. Blais (Jean-Pierre): Oui. Moi, j'aimerais également vous... Ce que j'ai regardé avec quelques personnes... Je prends l'exemple de la cathédrale Notre-Dame-de-Québec. Elle avait un peu les mêmes difficultés, mais on a commencé à développer un projet de pastorale du tourisme et puis de former des gens qui viennent présenter un peu la cathédrale, puis on s'aperçoit que ça a amené une circulation beaucoup plus importante dans la cathédrale à partir du tourisme comme tel, et ces personnes-là qui circulent dans la cathédrale amènent un revenu en tout cas assez important à ce niveau-là.

Il me semble que pour Saint-Jean-Baptiste il va falloir trouver un projet pour l'église Saint-Jean-Baptiste comme telle. Et moi, il y a quelques personnes, là, qui ont commencé à me suggérer des projets qu'eux pourraient voir. Moi, il me semble que, c'est les projets, à moment donné, qui amènent une nouvelle circulation, de nouveaux types ? appelons ça une clientèle, si on veut ? de personnes qui vont venir voir l'église comme telle.

Je prends ce qui nous a été donné au colloque, là, à Montréal. On a parlé de l'église Saint-Gervais à Paris. Saint-Gervais était complètement délaissée, il n'y a plus grand monde qui y allait, et voilà qu'est arrivé le projet de la Fraternité monastique de Jérusalem qui est venue s'établir, et c'est maintenant l'église la plus fréquentée en France. Il y a un nouveau projet qui est arrivé et qui a été chercher un nouveau bassin de personnes et d'intérêts, et voilà que ça a changé complètement la dynamique par rapport à cette église-là.

Je ne pense pas qu'on puisse avoir peut-être un projet aussi fort, mais il y a certainement quelques projets qu'on pourrait trouver pour amener, à travers un projet comme ça, l'église à se redonner une vie plus active. Parce que c'est ça dont il est question, qu'elle ait une vie plus active pour amener une circulation, par le fait même, plus forte. Et c'est par la circulation des gens qu'on intéresse et qu'on a plus de facilité à aller chercher des donateurs.

Moi, il me semble que c'est ça. Quand on voit des fois des églises qui ont plus de difficultés, c'est le problème, là, d'avoir un projet. Et c'est sûr qu'est lié aussi le problème du stationnement, qui n'est pas une question facile. Moi, je le sais, quand je vais pour différents événements, là, il faut que je pense à y aller sans l'auto puis comment je vais faire pour me rendre puis circuler, pas être obligé d'amener une automobile. Alors, il y a cet élément-là qui n'est pas aidant. Mais, moi, il me semble qu'il faut aussi trouver... Et c'est dans ce sens-là que les patrimoines immobiliers, là, ils ont dit: Bien, peut-être qu'il faudrait trouver un usage au niveau commercial, trouver d'autres manières de faire autour, peut-être dans le sous-sol. Mais, moi, je pense qu'il faut aussi... religieux, trouver un projet religieux qui l'identifierait d'une façon particulière dans la ville de Québec. Selon moi, c'est dans ce sens-là qu'il faudrait chercher.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, M. l'évêque auxiliaire.

Moi, je veux revenir sur la propriété. Vous avez parlé beaucoup de déresponsabilisation. On a des citoyens qui sont venus nous voir de partout, nous disant particulièrement que, lorsqu'ils se sont impliqués assez ardemment dans la conservation, mais particulièrement... garder leur église, qui normalement allait soit se fusionner ou complètement... ou démolie ou vendue, bon, peu importe, ils sont... Il y a des frustrations. On sent de grandes frustrations de plusieurs citoyens qui ont démontré tout leur dynamisme à vouloir conserver leur patrimoine mais particulièrement leur église. Et à deux reprises ces citoyens sont venus dire que c'est l'évêque lui-même qui a décidé que non, ça se fermerait, cette église-là, puis que c'en serait une autre qui prendrait la relève, particulièrement d'une autre paroisse.

Vous nous dites que bon la propriété est à l'Église, la Loi sur les fabriques parle que la fabrique est gestionnaire, évidemment, mais c'est un problème immense, c'est un grand malaise, là, à ce niveau-là, et souvent les paroissiens ou même les citoyens d'une communauté se sentent impliqués seulement lorsqu'on leur dit que leur église va fermer. Avant, tout le processus avant... Vous parliez, tout à l'heure... D'ailleurs je vous félicite particulièrement par rapport à vos liens avec et la ville et le politique, du partenariat qu'il y a là, mais on sent quand même dans votre réponse que l'église appartient à l'Église, et l'Assemblée des évêques a dit la même chose, et ça a créé, je dirais, dans toutes les régions qu'on est allés, là, des malaises assez importants sur la propriété. Les gens disent qu'on la paie, qu'on soutient notre église, qu'on y met de l'argent et que c'est un bien collectif et non nécessairement la propriété de l'Église.

Alors, les gens nous apportent aussi la modification en tout cas de la Loi sur les fabriques. Qu'en pensez-vous, de cette modification-là et de la participation citoyenne plus intense que juste des marguilliers nécessairement par rapport à la loi sur la fabrique?

n (11 h 40) n

M. Blais (Jean-Pierre): Personnellement, il faudrait voir c'est quoi, la proposition qui pourrait être faite concernant la modification au niveau de la Loi des fabriques, là. Parce que c'est évident, ce que vous dites, il y a selon moi un problème là. Selon moi, le problème est justement de prendre des décisions unilatérales sans tenir compte, comme vous dites, de la collectivité ou de la population qui est là, qui a une autre vision concernant les réalités.

Nous, on ne peut pas parler pour les autres diocèses. C'est ça qui nous a amenés, nous, à faire un synode, à faire un congrès sur les communautés chrétiennes, parce que nous trouvons, dans la sensibilisation de la population et des communautés concernées, que l'on va ensemble regarder la question, et voir l'ensemble des réalités qui la concernent, et puis se trouver des orientations à l'intérieur desquelles, là, l'évêque va s'engager à rester puis à prendre un peu ses orientations. Nous autres, c'est les efforts que nous avons faits au niveau du diocèse, et puis l'entente conjointe et à Portneuf et à Québec, c'est un pas de plus pour trouver un mécanisme pour être capable de parler de la question et de la traiter, et non pas d'en arriver à des décisions unilatérales. Parce que selon moi le problème est à ce niveau-là, à un moment donné.

Quand, à un moment donné, la question est tranchée par une décision unilatérale, là, à ce moment-là, ça crée une difficulté. Alors, c'est comment développer des mécanismes pour amener la population, la collectivité à être partie prenante d'une réalité comme celle-là qui fait partie de son paysage, de son attachement, de sa vie, de son développement. C'est pour ça que je dis que ça ne... C'est sûr qu'on peut le résumer à la question de propriété, parce qu'on le met là parce que c'est sur ça que s'appuient souvent les personnes pour prendre la décision toutes seules ou prendre la décision sans tenir compte des autres éléments. C'est un peu également ce qui crée...

On parlait tantôt de la difficulté par rapport à l'entente avec la ville de Québec. C'est qu'à un moment donné on s'aperçoit qu'on peut faire difficilement consensus sur ces questions-là. Alors, quand il n'y a pas de consensus, qui va trancher? Il est là, le problème, aussi. Qui va trancher quand il n'y a pas de consensus? Et c'est rare qu'on en arrive à des consensus sur une question particulière comme ça.

Je regarde Saint-Esprit, l'église est toujours là. Mais, quand je regarde, moi, la communauté qui était autour de l'église, ils se sont dispersés, puis on ne peut plus dire que c'est un lieu qui rassemble communautairement. D'un autre côté, bien, la collectivité est contente parce qu'il y a d'autres projets collectifs qui se sont développés là, et puis le milieu, il est heureux de voir cette perspective-là. C'est pour ça, moi, il me semble...

Un des problèmes, c'est qu'on ne peut... Même si on change la question de la Loi des fabriques, c'est faux que ça s'accompagne de mesures, je dirais, de mécanismes de fonctionnement pour pouvoir permettre de travailler avec la collectivité. Si tu n'as pas plus de mécanismes pour travailler avec la collectivité, moi, je crois qu'on risque de se retrouver avec souvent les mêmes questions parce que les consensus se développent peu sur cette question-là.

Mme Léger: Est-ce qu'il y a des mécanismes? Évidemment, c'est intéressant, l'approche d'avoir certains mécanismes, mais au-delà, et précédemment, d'une arrivée seulement lorsque l'église se ferme. Parce que, quand vous avez parlé de déresponsabilisation, tout à l'heure... C'est peut-être une démotivation aussi, là, parce qu'ils sont en bout de piste, les citoyens, et puis là, bien, ils veulent la conserver. Donc, il y a peut-être des éléments bien avant. Donc, l'église ne peut pas nécessairement dire que c'est juste quand elle ne peut plus payer qu'elle a besoin des citoyens, il y a comme une démarche et des mécanismes à ouvrir et à réfléchir en tout cas sur...

M. Blais (Jean-Pierre): Et, moi, c'est ce que je pense. Tant qu'on n'aura pas ces mécanismes-là, même si on veut jouer avec un changement de loi, on risque de se retrouver avec d'autres types de questions puis on n'aura pas plus de consensus. Moi, il me semble qu'il faut trouver des mécanismes pour développer des consensus.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Évidemment, à l'évidence, ce n'est pas une question simple, et on est très heureux de vous avoir ce matin pour nous donner votre point de vue. On a eu la ville de Québec qui a eu un document extrêmement intéressant aussi, et il y a aussi la Commission de la capitale nationale qui va venir nous parler tout à l'heure, et c'est une question très difficile.

Je voudrais peut-être, pour aller directement au fait, prendre l'exemple de l'église Saint-Jean-Baptiste, et mon raisonnement va se faire autour de l'église Saint-Jean-Baptiste parce que je trouve qu'on a là quelque chose de très important. Et, si on réussit à trouver une solution intéressante pour l'église Saint-Jean-Baptiste, on en trouvera pour bien d'autres peut-être.

Dans toutes les auditions auxquelles on a participé, il a été très, très, très souvent question de la valeur de l'appropriation, et, vous-mêmes, ce matin, vous avez mentionné au moins à trois ou quatre reprises l'importance de l'implication de la communauté. Donc, c'est une valeur extrêmement importante. Le problème, c'est que la valeur d'appropriation, ou l'intéressement, ou l'implication de la communauté, ça ne correspond pas toujours à la capacité de payer. On a un cas, Saint-Jean-Baptiste. C'est un monument national. On pourrait dire: Si c'est un monument national, il y a une responsabilité nationale. Mais, si la responsabilité nationale n'a rien à faire dans la propriété et la suite des choses, bien pourquoi est-ce qu'elle irait investir là-dedans?

Donc, la question que je me pose, c'est: Est-ce que la mise en place d'une fiducie, qu'elle soit régionale ou nationale ? parce ça a été question beaucoup de cela ? ne permettrait pas de créer une situation transitoire entre la situation antérieure ou dans laquelle... Quoiqu'on dise que, la fabrique, c'est elle qui décide, il reste que, je pense, l'évêque a droit de veto à la limite, et que de toute façon il peut prendre beaucoup de décisions à travers les officiers de la fabrique, et que, même si souvent ça représente l'intérêt de la communauté locale, ce n'est pas toujours le cas. Est-ce que le fait qu'une fiducie nationale deviendrait propriétaire de ces lieux-là, qu'on dit excédentaires, lieux qui pourraient être loués à l'occasion à long terme à des fins de culte, à des moments particuliers, et, à d'autres moments, servir à d'autres fins, est-ce que ce serait une solution qui serait envisageable?

M. Blais (Jean-Pierre): Nous, personnellement, dans le document, c'est un peu ce que nous avons annoncé, là, que nous étions d'accord pour regarder cette mise en place d'une fiducie qui puisse soutenir et aider des églises patrimoniales élevées, et puis qu'advenant le fait qu'un ensemble de paroisses, qu'une paroisse comme Saint-Jean-Baptiste, là, dise: Bien, cette église-là, nous pouvons difficilement, nous, la conserver seule, qu'ils puissent soit être aidés ou trouver un mécanisme, là, un peu comme la paroisse a déjà annoncé qu'eux n'auraient pas d'objection à ça, que quelqu'un d'autre devienne propriétaire, y compris que ça puisse être une église de la municipalité ou la responsabilité de la municipalité.

Saint-Jean-Baptiste a annoncé ça déjà un petit peu, de dire que, eux autres, ils n'avaient pas d'objection. Selon nous, une fondation en premier devrait peut-être voir à ce que le soutien financier permette aux fabriques et aux communautés de s'impliquer puis d'apporter leur apport, parce que, le jour où c'est remis exclusivement entre les mains d'une fiducie, la population locale, elle va se retirer assez rapidement du soutien financier. Alors, il faut qu'il y ait à quelque part un point d'ancrage pour leur permettre de développer leur intérêt et leur motivation. C'est pour ça qu'un soutien extérieur qui pourrait aider à maintenir un bien comme ça permettrait de continuer à avoir un soutien aussi financier qui vient de d'autres sources que strictement de la fiducie. Et puis également, si jamais à la limite il faut... comme on a fait, nous autres...

On a trois églises à l'heure actuelle. Ce sont des municipalités qui les ont acquises, là. Vous aviez Sainte-Françoise-Romaine, Sainte-Brigitte-de-Laval et puis Villeroy, et puis, à l'heure actuelle, c'est un peu le principe que vous dites, là, il y a un droit d'usage premier pour l'Église catholique, puisque c'était son édifice, concernant l'utilisation.

M. Dion: Donc, en pratique, monseigneur, vous seriez d'accord ? du moins c'est mon interprétation, et peut-être que je me trompe ? vous seriez d'accord qu'on modifie la Loi des fabriques de façon à rendre plus facile ce transfert de propriété à une institution comme ça qui serait une institution laïque et qui regarderait les églises du point de vue de leur valeur culturelle, quitte à ce qu'elles puissent être utilisées aussi, selon des conventions, à des fins cultuelles ou autres compatibles avec la nature évidemment du bâtiment.

M. Blais (Jean-Pierre): Personnellement, c'est une avenue qui mérite d'être regardée et d'être étudiée pour voir un peu, dans l'ensemble, les conséquences qu'il peut y avoir. Je ne sais pas si mes collègues voient des conséquences plus pratiques.n(11 h 50)n

M. Gagnon (Rémy): Je vais ajouter quelque chose à ça. Je ne sais pas si ce serait pertinent de mettre ça dans la loi. Ce serait plutôt dans une loi plus générale sur la conservation du patrimoine et une section sur le patrimoine religieux. Mais je voudrais rappeler que la Loi des fabriques, c'est une loi corporative qui permet à des gens du milieu, et particulièrement aux catholiques d'une communauté chrétienne paroissiale locale, de dire: Nous autres, là, on est propriétaires de cette église-là pour les fins de notre religion, et ça fait partie des droits fondamentaux. Et là-dessus dire automatiquement, la solution facile: On va retirer le droit de propriété aux communautés locales qui l'administrent via une fabrique de paroisse dans le cadre d'une loi civile qu'on appelle la Loi des fabriques, ça peut être une solution qui paraît très facile ou très tentante, mais actuellement, jusqu'à date, pour le diocèse de Québec, en tout cas, on n'a pas fait de démonstration que les fabriques étaient inhabiles et les communautés chrétiennes étaient inhabiles dans leurs responsabilités par rapport à la gestion, à l'entretien, tout ça. Au contraire, on regarde dans les chiffres, dans les cinq derniers exercices financiers, elles sont allées chercher 189 millions de dons, de revenus dans la population pour pouvoir entretenir ces biens-là. De façon générale, là, on n'est pas dans une situation catastrophique.

Maintenant, dans des cas très particuliers, entre autres un monument historique comme l'église Saint-Jean-Baptiste, c'est certain qu'une fabrique qui a un budget annuel de 130 000 $ ne peut pas, elle, dire: Moi, comme propriétaire, je suis capable d'assumer seule la responsabilité de conserver un monument historique national. Alors, ça va demander nécessairement un travail de partenariat. Est-ce que ça passe nécessairement par la solution du transfert de propriété? Peut-être. Ça fait partie des options. Mais il peut y avoir d'autres options aussi, il peut y avoir des options de coopération, de trust, de fiducie commune, ou en tout cas de coopérative, ou de comité de gestion quelconque, et tout en laissant les titres de propriété à la fabrique.

En tout cas, moi, je pense qu'il faut être très, très prudent dans des solutions très simples en disant: Oui, la solution, c'est obligatoirement retirer aux fabriques la propriété de telle ou telle église. Au contraire, les fabriques, c'est un moteur pour permettre aux communautés chrétiennes paroissiales de se prendre en main ? puis elles se prennent en main ? puis en même temps aussi un moteur permettant aux communautés chrétiennes de sensibiliser la population locale, les communautés locales, aussi de dire: Bien, ceci, ça fait partie de notre histoire, de notre patrimoine, puis on a quelque chose aussi à transmettre à nos générations futures, et je pense que les gens se mobilisent.

Et je reviens sur une expérience que j'ai vécue, hier, dans une petite municipalité dans Lotbinière. Je rencontrais l'assemblée de fabrique, d'une part, qui a un petit budget de 60 000 $ par année, et le conseil municipal, d'autre part, et c'était intéressant de jaser avec eux autres, de jaser et de la Loi des fabriques et de la Loi sur les biens culturels puis de voir comment les deux pouvaient se mettre en partenariat pour trouver des solutions ajustées à leur milieu pour relever le défi de la conservation pas seulement de l'église, mais tout l'environnement, et développer toute la sensibilisation sur l'importance du patrimoine artistique, culturel, archivistique dans les milieux.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Merci, M. le Président. Bienvenue. Merci de votre présence.

M. Gagnon, j'apprécie ce que vous mentionnez en ce qui regarde le conseil de fabrique et l'appropriation par la collectivité des églises, ou des presbytères, ou de tout bien. Effectivement, moi, je suis le député de Montmorency, donc, quand vous parlez de Sainte-Brigitte-de-Laval, je connais bien le dossier, ça fait partie de Montmorency, et bon collectivement ce qu'on voit, c'est qu'effectivement, au niveau de la fabrique, bon il y a une sécurité en ce qui regarde l'entretien et les réparations majeures au niveau de l'église. O.K.? Par contre, le conseil de fabrique a encore un rôle à jouer au niveau de l'animation et de l'appropriation par le milieu. Avant toute chose, l'église est utilisée pour le culte et pour d'autres manifestations ou d'autres activités qui sont connexes à la collectivité, O.K., et qui ne sont pas nécessairement des activités qui pourraient être qualifiées, là, de difficilement acceptables en regard de l'établissement ou en regard de la bâtisse.

Par contre, moi, ce que je me pose comme question, c'est que vous avez deux éléments: vous avez les réparations majeures ? vous avez la construction, l'entretien, les réparations majeures ? et vous avez le fonctionnement. Parce que, moi, dans Montmorency, j'ai plusieurs bâtiments patrimoine, que ce soient des églises, ou que ce soient des manoirs, ou etc. Il reste que le problème... Il y a une décision ou il y a des décisions qui sont prises par des gouvernements supérieurs ? Québec, municipal ? d'investir dans un projet donné pour sa réfection ou pour sa maintenance, mais par la suite il y a le fonctionnement. O.K.?

Vous ne croyez pas qu'à ce moment-là, en ce qui regarde... le conseil de fabrique puisse avoir comme responsabilité bien sûr son fonctionnement, appelons-le son fonctionnement quotidien, son fonctionnement normal, nécessaire au bâtiment, et que par la suite il y ait un comité ou un regroupement local ? ça peut être composé de MRC, de municipalités ? qui, eux, participent davantage à son implication ou au maintien de ses édifices en regard du patrimoine, en regard de sa protection?

Parce que même s'il y a une baisse de population, comme vous le mentionniez, monseigneur, tout à l'heure, il reste que je regarde du côté de l'île d'Orléans, les gens, quand vient le moment de faire une réfection d'une église, les collectes se font quand même d'une façon fort importante. Et, si on regarde la qualité des immobilisations qui sont là, elles sont encore en excellente qualité. Donc, c'est un peu ça, un peu deux structures, une structure pour le fonctionnement puis une structure pour la réparation et l'investissement, où, là, on viendrait davantage impliquer des gouvernements supérieurs ou des regroupements de la collectivité.

M. Gagnon (Rémy): Bien, dans le territoire de la ville de Québec, on a réalisé trois études prospectives, là, depuis l'an 2000, une à Saint-Jean-Baptiste, une à Saint-Charles, une, entre autres ? on l'a mentionné plus tôt dans la séance ? à Sainte-Maria-Goretti, et, dans ces trois études prospectives, on en arrive en disant: Oui, il est possible de développer un projet soit de reconversion partielle ou soit de reconversion complète ou encore maintenir le sens premier de l'église, qui est pour le culte, la pratique de la foi et de la religion, tout en développant, avec les partenaires des milieux, différents usages, sauf qu'il va falloir se mettre ensemble pour trouver des sous et même avoir de l'aide en termes de ressources techniques, de spécialistes, de gens qui sont à l'aise dans la gestion d'un bâtiment à multiples usages, donc des gestionnaires, par exemple.

Alors, je pense qu'il y a lieu peut-être, dans certains milieux, de peut-être développer comme des projets pilotes qui permettraient à des fabriques de paroisse de développer de meilleurs partenariats avec le monde municipal, avec les entreprises privées, avec les organismes intéressés aux questions de l'histoire, et tout ça, pour faire en sorte que les intérêts des uns et des autres puissent converger et qu'on puisse ensemble comprendre que le problème, ce n'est pas juste un problème qui appartient à une fabrique, ou juste au diocèse, ou juste au gouvernement, ou juste à la municipalité, mais c'est un problème collectif. Je pense qu'il y a moyen de trouver des solutions ensemble.

Alors, ce qu'on espère peut-être, c'est de continuer. En tout cas, nous autres, on le vit, là, depuis 1999, de façon très concrète à travers des ententes avec la MRC de Portneuf, avec la ville de Québec. Et d'ailleurs, dans toute la démarche sur l'avenir des communautés chrétiennes, on veut développer des ponts partout sur le territoire du diocèse de Québec et on espère aussi que ça va générer des fruits. Peut-être même qu'il faudra vivre certaines petites expériences bien concrètes, locales, dans une unité pastorale, dans un coin de MRC, pour dire: Est-ce qu'on peut se mettre ensemble, engager un gestionnaire, engager quelqu'un qui pourrait faire de l'éducation ou de la sensibilisation de la population, des jeunes pour nous aider à prendre conscience de la valeur et de la richesse de ce qu'on a entre les mains?

M. Bernier: Oui. Parce que, tout à l'heure, vous mentionniez justement, en ce qui regarde la capacité technique des gens qui composent les conseils de fabrique ou des gens du milieu qui... Avec le temps, à un moment donné, bon, on peut l'avoir durant cinq ans, 10 ans, mais, avec le départ de certaines personnes, bon on finit qu'on a un trou et les gens ne sont plus là. Donc, de pouvoir avoir ce genre, si on veut, de soutien ou de...

M. Gagnon (Rémy): Parce que c'est ça qu'on demande, finalement. Le soutien, ce n'est pas juste en signes de dollars, c'est qu'on demande que les partenaires, on s'assoie puis on trouve des formules qui puissent nous permettre de s'aider.

Une fabrique de paroisse, là, ce n'est pas juste les cinq, six marguilliers puis le prêtre curé ou l'agent de pastorale; c'est tous les membres de la communauté chrétienne. On sait qu'en moyenne une paroisse, c'est de 100 à 200 bénévoles réguliers pour la vie pastorale, puis tout ça. Mais ces 100, 200 bénévoles sont insérés dans une communauté locale, et on voit qu'il y a tout un sentiment d'appartenance et il y a toutes des interrelations là-dessus. Je pense qu'il faut se soutenir mutuellement, puis il faut...

Les gens demandent d'avoir une reconnaissance d'abord de leur travail, puis ça, on l'affirme clairement dans notre mémoire. Puis d'autre part ils souhaitent, de la part des instances qui ont peut-être des pouvoirs de taxation ou autres, qu'elles n'abandonnent pas des aides financières lorsqu'on a à réaliser des grands projets.

n(12 heures)n

L'expérience de la Fondation du patrimoine religieux depuis 1995, ça a été très aidant. Ce n'est pas juste en termes d'argent investi pour sauver un certain nombre de bâtiments, ça a produit tout un effet de sensibilisation sur l'importance du patrimoine archivistique, les biens meubles, les oeuvres d'art, et tout ça, et les gens développent tranquillement une fierté puis disent: Ça, là, ce n'est pas juste du passé, c'est notre présent aussi, puis c'est quelque chose qui va avoir une signification pour les générations qui suivent. Je pense que là-dessus il faut bien concevoir l'importance de ce genre d'organisation là.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps que nous disposons. Donc, je vous remercie énormément pour la présentation de ce mémoire et je vais suspendre quelques instants, le temps que la Commission de la capitale nationale du Québec puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

 

(Reprise à 12 h 2)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Je prierais donc les gens de la Commission de la capitale nationale du Québec de s'installer et je demanderais aux gens qui sont dans la salle de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Donc, comme je viens de le dire, nous accueillons les gens de la Commission de la capitale nationale du Québec. Bienvenue en commission parlementaire. Dans notre tournée régionale, nous utilisons par hasard le parlement aujourd'hui. Donc, bienvenue ici.

Je vous rappelle les règles de présentation de votre mémoire: vous avez un temps maximal de 20 minutes pour la présentation du mémoire, et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, même s'il y a des visages connus dans la salle, malheureusement le Journal des débats nous demande de bien vouloir vous identifier à prime abord et ensuite de ça de prendre la parole immédiatement, puisque nous avons déjà presque 30 minutes de retard. Donc, allez-y.

Commission de la capitale
nationale du Québec (CCNQ)

M. Langlois (Jacques): M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission et membres de l'Assemblée, mon nom est Jacques Langlois, je suis en fonction depuis hier, M. le Président. Alors, c'est pour ça que je suis accompagné, ce matin, d'un certain nombre de personnes de la commission qui interviendront sur le dossier.

Je vous les présente dès à présent: alors, à ma droite, Mme Nathalie Prud'homme, qui est urbaniste, directrice de la Direction de l'aménagement et de l'architecture; à ma gauche, Serge Filion, qui est urbaniste et conseiller spécial en aménagement et en architecture; vous avez par la suite Marie-Josée Deschênes, architecte, de la Direction de l'urbanisme, et Hervé Bélanger, analyste-conseil, de la Division de l'urbanisme également chez nous.

Sans plus de préambule, M. le Président, je voudrais vous dire, d'entrée de jeu, que nous vous remercions de nous donner l'occasion de nous exprimer sur ce dossier, un dossier qui concerne en fait le patrimoine de l'ensemble des Québécois sur toute son histoire et sur l'intégralité de son territoire. Or, c'est sûr et certain que ça suscite énormément d'intérêt, et nous sommes très fiers, ce matin, de vous émettre humblement notre opinion sur le dossier, puisque nous représentons les intérêts de la capitale nationale et que ça fait partie de notre mandat de se prononcer sur la mise en valeur et la protection du patrimoine du territoire de la Commission de la capitale.

Alors, pour faire la présentation, M. le Président, si vous me permettez, je vais demander à M. Filion de faire la présentation du dossier. Merci.

M. Filion (Serge): Alors, merci. On va essayer d'être le plus brefs possible par respect pour les gens qui sont là depuis ce matin. On est très heureux d'avoir entendu ce qu'on a entendu aussi, alors on va essayer de ne pas faire de répétition mais seulement des convergences.

Alors, d'entrée de jeu, beaucoup de gens se demandent: Mais qu'est-ce que fait la Commission de la capitale nationale du Québec dans le dossier épineux du patrimoine religieux? Je vous l'explique en deux mots. C'est que, dans la mission de la Commission de la capitale, on a cette mission en matière d'aménagement, là, de la capitale. Vous savez qu'on est conseillers auprès du gouvernement, donc du premier ministre, de l'Assemblée nationale, sur les meilleures façons d'embellir la capitale. Et peut-être que je dirais: La première chose à faire quand on embellit une ville, c'est d'arrêter de démolir ce qu'on a de plus beau. Alors, c'est déjà au moins, ce qu'on dit en médecine, stabiliser le patient. Alors donc, stabilisons le patient tous ensemble.

Donc, notre première motivation, c'est de trouver, dans le patrimoine religieux, ce caractère emblématique des lieux qui caractérisent Québec. Québec sans son patrimoine religieux, ce n'est pas Québec, et je dirais que ce qui est bon, dans ce cas-là, pour la capitale est bon pour toutes les villes et villages du Québec. Et je dirais même, tant qu'à généraliser, hein, que la découverte de l'Amérique par les Européens est un grand projet religieux. Alors, ce que je dis ici, c'est vrai pour l'Ontario, c'est vrai pour tout le Canada, c'est vrai pour tous les États-Unis. Alors, la présence du patrimoine religieux en Amérique, c'est quelque chose de fondamental, c'est quelque chose qui nous caractérise, qui caractérise la présence des Européens en Amérique depuis 400 ans d'histoire.

Donc, la première raison très concrète ? parce qu'on l'air de des grands théoriciens, on vole à haute altitude, mais on a mis la main à la pâte ? première raison très concrète: la Commission de la capitale s'est impliquée dans des dossiers de protection du patrimoine religieux à Québec. Je vous donne seulement quelques exemples. Par exemple, à un moment donné, quand on est entrés dans le dossier, on parlait de démolir le clocher de Saint-Coeur-de-Marie. Alors, on a dit: Voyons! sommes-nous devenus fous? Si vous faites ça, nous allons classer le Concorde. Alors, c'est évident qu'il y a eu un montage financier fait avec la fabrique, avec la Commission de la capitale, le ministère de la Culture, la ville de Québec. On a ramassé 600 000 $. Alors donc, quand on veut, on peut, on peut quêter puis avoir des résultats, et on a stabilisé le clocher.

Je vous dis cet exemple-là parce qu'il y a un petit point qui est extrêmement intéressant, puis cette question revient souvent dans les assemblées, dans les colloques. À partir du moment où on a mis des argents publics dans la stabilisation d'une église, qu'est-ce qui arrive si jamais on revend cette église-là à un entrepreneur privé? L'église Saint-Coeur-de-Marie a été revendue à un propriétaire privé, et, comme on avait signé de bons contrats... Et je pense que ce n'est pas innocent d'avoir un nouveau président qui est notaire. Alors, désormais, nos contrats vont être encore meilleurs. Dans le contrat où on avait contribué pour 100 000 $ à la stabilisation... 200 000 $, pardon, de la commission, on avait mis une petite clause que, si jamais ce bien était revendu sur le marché privé, chacun des trois partenaires qui avaient investi 200 000 $ aurait une quote-part au prorata de sa contribution. Alors, tout à fait contre toute attente, on a reçu un chèque de 100 000 $ qui était le tiers du prix de vente de l'église en question. Donc, vous voyez que, si on prévoit les choses et qu'on l'inscrit dans les titres de propriété ou dans les ententes, on peut récupérer ces sommes. Donc, pour nous, c'est des choses qui sont tout à fait faisables.

Une deuxième interrogation, je pense ? et je suis très heureux d'avoir entendu nos collègues de l'Église ? c'est que pour nous le patrimoine religieux, ce n'est pas que de la pierre, de la brique, c'est quelque chose qui est animé par un patrimoine immatériel. Et on dit souvent que l'Église... Et je vais citer quelqu'un qui n'est pas dans la salle, donc il ne risque pas de me contredire. Je pense à... voyons! au dalaï-lama. Quand il est venu à Toronto, il y a quelques années, il nous a fait une citation. Le journaliste qui l'interviewait lui a dit: Qu'est-ce que vous pensez de notre vie religieuse en Occident? Qu'est-ce que vous pensez de nos valeurs morales? Il semblait avoir comme un doute dans sa voix. Il dit: Vous qui, en Orient, êtes si poussés dans la méditation transcendantale, comment nous trouvez-vous? Et le dalaï-lama a répondu tout simplement: Mais voyons! ne soyez pas aussi modeste, hein? C'est la tradition judéo-chrétienne, contrairement à ce que, nous, on fait en... Oui, c'est vrai qu'en Orient on est très forts dans la méditation puis la lévitation, sauf que c'est vous, en Occident, qui avez créé une forme de gouvernement qui a su incorporer les valeurs transcendantales de la tradition judéo-chrétienne et qui a donné des ministères de l'Éducation, des ministères de la Santé ou une espèce de péréquation, une espèce de solidarité sociale, et, nous, on n'a pas réussi encore, dans nos formes de gouvernement, à introduire ce genre de valeurs. Donc, tout l'Occident devrait être fier de ses 400 ans d'histoire.

Je reviens donc sur notre patrimoine religieux aussi. Quand on regarde, comme ce local ici, toutes nos églises, il faut se rappeler, là, que c'est 400 ans du travail de nos meilleurs artisans, qu'on parle des vitrailleurs, qu'on parle des statuaires, qu'on parle de la sculpture sur bois, qu'on parle de tout, hein? On a 400 ans de notre tradition architecturale, artistique qui est dans ce décor. Alors donc, il n'est pas question de laisser aller... Et, quand on entend, nous, laisser aller 60 % pour financer 40 %, ça nous fait tressaillir de rage. Donc, il n'est pas question de sacrifier ce patrimoine, je dirais, par inconscience. Donc, pour nous, ce patrimoine aussi, il faut le dire...

Et l'Église nous a inculqué un autre principe que je trouve fondamental, c'est qu'indépendamment de nos richesses et de nos misères, quand on regarde l'ensemble du Québec, que ce soit un village plus fortuné ou moins fortuné, un quartier urbain plus fortuné, moins fortuné, on retrouve toujours la même qualité d'architecture religieuse dont les gens sont très, très fiers. Alors donc, je pense que, là, on a une leçon de société à tirer et que, si on fermait toutes les églises ou si on démolissait les églises qui sont moins prospères, on risquerait d'affecter souvent nos paroisses et nos quartiers les plus démunis. Alors, c'est un très mauvais message à envoyer aussi, et que donc... essayer de conserver cette espèce d'universalité du patrimoine sur le territoire québécois.

n(12 h 10)n

Finalement, il y a une troisième valeur qui nous incite aussi à protéger le patrimoine religieux, c'est qu'on vient d'adopter ici, à l'Assemblée nationale, une politique du développement durable. Alors, on ne peut pas concevoir, hein... Vous savez tout le plat qu'on fait, maintenant on peut payer une amende si on jette une bouteille de Pepsi à la poubelle et qu'on ne la met dans le bac de recyclage. Alors, on ne peut pas imaginer qu'on ait, au Québec, 1 000 églises excédentaires, ou couvents, ou collèges qu'on enverrait aux rebuts. Alors donc, à partir de ce constat-là, on s'incite très fortement à avoir cette obsession du développement durable.

Et pourquoi on ne ferait pas comme nos collègues européens, par exemple, les Français? On a vu, en France, des églises qui sont abandonnées des fois depuis 100 ans, 200 ans ou 300 ans, qu'on a simplement stabilisées et sécurisées. Il n'y a absolument aucune hâte à démolir une église. Et je vous dis cela parce qu'ici, à Québec, on croit dans la résurrection des églises.

Alors, pour donner un exemple, on a deux résurrections ici, là, et je vous invite à aller visiter l'église Notre-Dame-de-Foy, à Sainte-Foy, qui était une ruine, hein, une église qui a passé au feu, dont un des murs était écroulé. À l'époque, la mairesse aurait pu dire: On rase tout ça et on fait un petit huit-logements aussi insignifiant ? je m'excuse ? que les autres tout autour. Alors, on a dit: Non, voilà une trace particulière de l'histoire de Sainte-Foy, et même la ruine peut être consolidée. C'est devenu une salle de concert en plein air.

Ici, à côté, sur la rue McMahon, vous avez l'église Saint-Pat qui a été transformée en centre d'oncologie. On a stationné nos voitures pendant 30 ans dans cette église, il n'y avait plus de toit. Alors, vous voyez? Et, aujourd'hui, au lieu d'avoir un bâtiment insignifiant, on a un bâtiment qui rappelle à toute la communauté anglophone de Québec un lieu de culte. Et même la modernité, avec les tuyaux d'orgue... Les tuyaux d'évacuation des laboratoires sont devenus un nouveau clocher qui est occupé par le centre d'oncologie. Donc, pas de précipitation, si on peut se faire une recommandation entre nous, à la démolition, peut-être même de penser à avoir une espèce de gel.

On a donc abordé la plupart de nos points. Maintenant, je vous ai parlé de stopper l'hémorragie, je pense qu'on va rentrer dans le vif du sujet.

L'idée de créer une fiducie foncière... Et là M. Langlois peut me corriger. Est-ce une fondation fiduciaire ou une fiducie foncière? M. Boulanger, avant M. Langlois, parlait d'un être de raison parce qu'il n'avait pas sa connaissance du domaine légal, mais je pense que cette idée a été perçue un peu, par l'ensemble des mémoires qu'on a pu lire, comme la venue d'un messie, hein? Ah! enfin, il y a quelqu'un, Superman, qui va sauver le patrimoine religieux!

Alors, la commission, le grand mérite qu'elle s'attribue, là, au cours des deux dernières années, c'est qu'elle s'est dit, après avoir fait ce constat que je viens d'essayer, là, très modestement et malhabilement de partager avec vous, s'est dit: Si on a un problème de société, il faut qu'on le règle en société. Alors, la première chose qu'on a faite, c'est qu'on a fédéré sept partenaires autour de la même table, On voulait avoir des gens, là, terrains, comme la ville de Québec, la ville de Montréal, la Fondation du patrimoine religieux, l'Association canadienne religieuse...

Une voix: Conférence religieuse canadienne.

M. Filion (Serge): ...Conférence canadienne religieuse, la Commission de la capitale, bien sûr, le ministère de la Culture, l'Assemblée des évêques. Alors, vous avez là, autour de la table, sept organisations, qui sont venues, là, indépendamment déposer des mémoires, mais qui se sont réunies pour poser ensemble, solidairement et conjointement, la même question à un groupe de consultants, pour dire: Quelle est la solution la mieux adaptée pour sauver le patrimoine religieux au Québec? Et le mandat est extrêmement clair, là. La réponse viendra, là, puis je sais que nos gens travaillent fort. Mais ça a pris plusieurs mois à se mettre d'accord sur la commande. Ça, c'est fondamental, hein, parce que la réponse des professionnels va dépendre de la clarté de la question. Si la question n'est pas claire, bien sûr, bien, la réponse peut toujours être confuse.

Donc, que, pendant sept à huit mois, on ait travaillé, depuis février 2004, à poser une question conjointe, à recruter une équipe de consultants, puis à lancer une étude, et à rester autour de la table pour diriger cette étude qui devrait aboutir, là, autour de la période des fêtes... On me dit maintenant, là, fin janvier, début février pour la livraison de l'étude. Mais je pense qu'on n'est pas à une semaine près, là, la question est tellement fondamentale. Ce qu'on s'est dit, c'est que, conjointement et solidairement, on dirigerait cette étude, on endosserait les résultats puis on les rendrait publics solidairement parce que l'Église fait partie de la solution, la Fondation du patrimoine religieux fait partie de la solution, l'État québécois fait partie de la solution, les municipalités du Québec, les communautés locales. Alors donc, dans la commande, on s'est dit: Comment mobiliser tous ces intervenants-là autour d'un diagnostic commun puis d'une solution commune?

Simplement pour préciser un peu les contours et les balises de ce que serait cet être de raison, la première des choses, je pense, qu'il faut se rappeler, c'est que le patrimoine religieux au Québec, là, ce n'est pas rien, hein? C'est un actif. Puis on ne me contredit pas, là, j'attends toujours qu'on le précise, mais on parle autour de 3 milliards de dollars. C'est deux fois le portefeuille de la Société immobilière du Québec. Alors donc, on a un problème de société. Mais je n'ai pas la tendance à être déprimé, sachant que nous héritons d'un portefeuille immobilier de 3 milliards de dollars.

Donc, une des choses qu'on s'est dites avec l'Association des évêques, avec les supérieurs majeurs qui gèrent les communautés, on s'est dit: Bien, du côté de l'Église, on s'attendrait tous à ce qu'il n'y ait plus ces fameux silos entre la propriété des églises et la propriété des ensembles conventuels. Je vous explique pourquoi. C'est que souvent une église... On parlait de Saint-Jean-Baptiste tantôt. C'est difficile de faire de l'argent avec une église, hein? Par contre, les grands ensembles religieux, que ce soient les couvents... On parle de Robert-Giffard, on parle de Jésus-Marie, nommez-en, là. Il y a des possibilités des fois de rentabiliser ces ensembles-là. Alors, ce qu'on demande à l'Église, hein, c'est de dire: Est-ce qu'on ne pourrait pas, si on fait de l'argent avec les uns, faire une espèce de péréquation latérale pour diriger une partie des profits vers les autres, pour se créer un portefeuille immobilier? On ne peut pas toujours faire de l'argent avec tous les achats d'actions qu'on fait, il y a des perdants, il y a des gagnants, mais, si le portefeuille est bien fait, normalement on devrait sortir à peu près gagnants. Donc, il y a là un travail considérable à faire. Je pense, de ce qu'on entend auprès de l'Église, que c'est une chose qui est tout à fait abordable et discutable et qui pourrait faire partie de la solution.

Il y a beaucoup d'autres contours qui ont été précisés, par exemple se faire céder des legs. L'Église a toujours été championne, hein, pour avoir des dons des particuliers pour entretenir un patrimoine. Mais ça, bien sûr, c'est préalable à ce qu'on s'entende sur des valeurs, sur une mission puis que collectivement on dise et on convienne que le patrimoine religieux, au Québec, fait partie de notre identité nationale, que c'est un patrimoine que l'on veut léguer aux générations futures et qu'il continuera d'être à la disposition de l'ensemble de la communauté. Bien, il y a bien des gens, sur leur lit de mort, comme ça se faisait anciennement, qui pourraient décider, pour réparer soit leurs erreurs ou leurs impressions d'erreur... qui seraient intéressés à faire le don à la communauté, hein, d'une petite fortune. Mais il faut être crédible.

Et je prends toujours comme exemple... Parce que, moi, je comprends seulement par comparaison. On accompagne beaucoup puis on travaille beaucoup avec Conservation de la nature, qui est un des plus gros portefeuilles immobiliers au Canada et en Amérique. Et sachez que ce n'est pas en achetant des marais puis des zones sensibles qu'on se met riche. Mais ils ont beaucoup de financements qui proviennent de gens engagés, parce que le développement durable, c'est beaucoup la nature, aujourd'hui, là. On essaie de le faire passer dans le patrimoine bâti, mais il y a des fortunes de grandes entreprises qui sont cédées à cette fondation et qui lui permettent d'acheter...

Vous savez, aux États-Unis, on appelle ça les points bonis, hein? C'est souvent des pollueurs qui donnent de l'argent aux conservationnistes de la nature. Ils achètent des permissions de polluer parce qu'eux ne peuvent pas... C'est impossible de faire une raffinerie puis de dire: Je n'ai que des points bonis. Donc, ils paient. Alors, il y a des mécanismes de transmutation, je dirais, de transferts de fonds qu'on devrait regarder. Je ne donnerai pas de projet dans la région de Québec, là, mais, s'il y avait un projet qui apparemment est indésirable pour l'aspect paysage et communautaire de la région mais qui, au point de vue économique, est éminemment souhaitable, on pourrait peut-être aller le voir pour obtenir des subventions pour le maintien de nos églises.

Les villes sont habituées de faire ce genre de péréquation. Je prenais l'exemple de la taxe verte. Quand on fait un lotissement, par exemple, dans la plupart des villes, hein, on se fait céder 10 % par le promoteur soit en terrain soit en argent, et cet argent est déposé en fiducie dans un fonds qui ne peut pas servir à acheter un camion de pompiers, là, dont la mission unique est d'acheter des parcs et des espaces verts. Alors, vu que nos nouveaux temples maintenant, c'est les mammouths, les centres d'achats, les casinos, tu sais, tous les nouveaux temples de notre civilisation, peut-être pourrions-nous les mettre à profit et contribuer dans un fonds patrimonial, un peu comme la taxe verte, par leurs permis de construire. Alors, il y a une possibilité intéressante qui existe déjà et qui pourrait être faite. Bien sûr, ça présume qu'il y a une volonté collective d'aller dans cette direction-là.

J'arrive à la fin, de toute façon, M. le Président, et tout ça est écrit à quelque part dans un texte qu'on va vous remettre.

Il y a des nouvelles techniques qui ont été abordées, par exemple... Parce qu'il faut être concret, là. Il faut aller trouver de l'argent. Je vais en nommer deux. Les transferts de droits de développement, ça a l'air d'une espèce d'être de raison bien compliqué, là, mais c'est appliqué. À Montréal, la semaine dernière, notre collègue de Vancouver est venu parler d'une église qui a été restaurée avec une contribution des édifices en construction qui ont été faits autour, et on appelle ça soit des bonis de construction soit des transferts de droits de développement. C'est-à-dire que, si un promoteur veut construire un édifice à bureaux dans un centre-ville, la tactique, bien sûr c'est d'avoir un zonage le moins permissif possible, et il doit acheter des droits de développement. Si lui peut faire 10 étages dans un quartier, c'est parce que l'église ou le boisé remarquable qui est à côté ne sera pas loti, ne sera pas développé, parce que ça prend les deux fonctions. Alors ça, c'est une piste qui peut être faite légalement, qui peut rapporter de l'argent et qui peut venir alimenter la fiducie ou la fondation, l'être de raison en question.

n(12 h 20)n

Un dernier, qui n'est pas le moindre, ce matin, la question a été posée: Qu'est-ce que le gouvernement fait pour garantir des revenus à cet être de raison qui va avoir des dépenses hein, il faut bien le dire? Alors, une chose qui se fait depuis deux ans, à l'initiative de la Commission de la capitale, c'est qu'on a réuni, à un moment donné, tous les bras immobiliers de l'État ? je pense à la Société immobilière, le ministère de la Santé, le ministère de l'Éducation, et sous la houlette du ministère des Affaires municipales qui nous accompagnait dans cette démarche, là, via les schémas d'aménagement ? et on a essayé de convaincre l'ensemble des ministères. On a même rédigé un cadre de référence pour la localisation des bureaux dans la capitale et on a dit: Désormais, désormais, l'État ? par exemple, si on doit construire un CHSLD, si on doit avoir besoin de nouveaux bureaux ? le portefeuille immobilier de l'État, un peu par l'instauration d'un genre de clause capitale ? vous vous rappelez de la clause capitale, on pourrait avoir la clause patrimoniale, hein ? qui forcerait les ministères et organismes qui ont des projets de développement, des projets de lotissement, des projets de nouvelle surface d'être obligés de justifier, à partir de la liste, que leur fournirait le ministère de la Culture, de tous les édifices excédentaires patrimoniaux qui sont sur le marché et qui n'ont pas de vocation, d'être obligés de regarder l'ensemble de ce portefeuille-là et de justifier pourquoi ils ne l'utilisent pas...

Et, croyez-moi, si on internalise les coûts, hein, comparatifs... Parce que, moi, j'ai toujours dit à nos collègues: Ce n'est pas parce que je développe un CHSLD dans une bâtisse neuve, à côté de la ville, que j'économise. Les coûts de construction sont moindres, mais, s'il faut rallonger le réseau de transport en commun d'un demi-kilomètre, s'il faut faire des trottoirs, des rues, des infrastructures, ça ne me libère pas de l'obligation de refaire les infrastructures dans les vieux quartiers puis ça ne me libère pas par surcroît de l'obligation de préserver le vieux couvent qu'ils n'ont pas acheté. Alors, si vous internalisez la facture totale, ce n'est pas évident qu'on réalise des économies en construisant des boîtes en béton ou en tôle à côté de la ville, alors que cet argent-là collectivement devrait être mis au travail pour la restauration du patrimoine religieux excédentaire.

Je pense ça résume, je pense, hein, le fil conducteur, puis la période pour nous la plus intéressante, ce sera votre réaction et surtout vos questions.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci à la Commission de la capitale nationale. Merci également à M. Filion. Vous êtes un excellent pédagogue, hein? D'ailleurs, vous l'avez prouvé au colloque, il y a quelques semaines. Donc, immédiatement puis exceptionnellement... Habituellement, je pose la première question, mais, étant donné que nous avons plusieurs députés de la Capitale-Nationale ici, je vais laisser la première question à M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Merci, M. le Président. Évidemment, je joins ma voix à la vôtre et à toutes celles de mes collègues pour remercier la Commission de la capitale nationale pour la qualité de sa présentation, de son mémoire, la qualité de rédaction également de votre mémoire et la belle facture de présentation.

M. le Président, tout à l'heure, nous avons reçu une conseillère municipale, mais je me permets de saluer très chaleureusement le nouveau P.D.G. de la Commission de la capitale nationale, avec qui j'ai eu un grand plaisir de travailler à la ville de Québec, et je tiens à lui souhaiter tout le succès possible, nécessaire mais également escompté et anticipé. Et je sais qu'il accomplira évidemment de façon extraordinaire son nouveau mandat. Alors, bon mandat, M. le nouveau P.D.G. à la Commission de la capitale nationale!

M. le Président, une première question. Je serai peut-être plus technique. Et j'ai l'habitude évidemment de faire référence au mémoire de façon plus catégorique, mais, si on retourne à la page 12 de votre mémoire, 12 et 13, évidemment vous en avez fait mention tout à l'heure, là, de la fiducie, de la structure de gestion financière, etc. Je sais qu'il y a une étude de faisabilité qui est actuellement en cours, et c'est ce sur quoi j'aimerais vous entendre, et je vais être très direct, c'est: Quel est le mandat de cette firme plus précisément?

M. Filion (Serge): Écoutez, le mandat, si on peut le résumer en une phrase, là ? puis ça a pris sept mois à accoucher de cette phrase; vous devez comprendre la nature de ce genre de question là ? mais c'est très simple, à partir de l'ensemble des connaissances qu'on a, au Québec, sur le patrimoine, à partir de l'ensemble des connaissances qu'on a sur les organisations, nos capacités de gestion, et tout ça, à partir de l'ensemble de la connaissance qu'on a sur l'ensemble de la planète... Parce que le mandat du consultant... Puis il y a eu des études antérieures. On ne voulait pas se faire répéter ce qui a déjà été dit sur les solutions adoptées par d'autres sociétés. En une phrase, c'était de nous proposer la structure organisationnelle et les modalités de financement de cette société, qui serait une fiducie foncière ou une fondation fiduciaire qui prendrait en charge et qui donnerait l'unité de commandement. Je pense que l'idée, ça peut être une structure extrêmement légère, mais ce qui nous apparaît aujourd'hui, c'est qu'il n'y a pas d'unité de commandement dans le problème.

C'est qu'on a l'air un peu, là... Des fois, il y a certaines séquences qui me font penser au film de Zorba le Grec où, avant que la personne décède, le mobilier sort par la fenêtre. Et je pense que, comme société, c'est une situation assez indélicate et intolérable. Donc, de nous proposer une structure légère de commandement...

Et il y a quelques points. Par exemple, est-ce qu'il faudrait former des GRT, des groupes de ressources techniques, pour aider les gens, dans les fabriques, dans les quartiers, dans les milieux, qui ont des décisions à prendre sur le patrimoine religieux de la meilleure façon? Quel est le genre de portefeuille immobilier qu'on va se donner, les structures organisationnelles? Parce que bien sûr cette société-là pour nous serait privée. Ce n'est pas un ministère, ce n'est pas un nouvel organisme gouvernemental. Sinon, on risque, je dirais, de démobiliser le milieu. À partir du moment où l'État prend en charge quelque chose, c'est bien sûr qu'on s'assoit tous puis on attend. On le regarde aller. On a même eu l'exemple d'une église prise par une municipalité, puis là les paroissiens ont dit: On n'a plus besoin de donner à la quête, la ville s'en occupe, elle est riche. Alors donc, c'est ça qu'il faut éviter, mais il faut avoir quand même une unité de commandement puis une structure de gestion qui soient solides. Puis un portefeuille immobilier de 3 milliards de dollars, là, ça ne s'improvise pas.

C'est un peu le mandat de nos consultants, c'est de nous produire une structure organisationnelle puis une structure de financement qui feront l'unanimité chez les sept donneurs d'ouvrage.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Alors, merci évidemment pour ce résumé, pour le bénéfice de nous tous mais également des téléspectateurs qui nous regardent. À la page 18 de votre mémoire, et ça, j'en ai souvent fait référence autant à Gatineau, Montréal, Sherbrooke, on a... J'ai souvent fait état d'une problématique en ce qui concerne les mises aux normes des bâtiments et, à quelques reprises j'ai eu des réponses, à d'autres reprises, malheureusement, je n'ai pas eu de réponse à ce niveau. Et, puisque vous en faites état à la page 18, comme je le mentionnais, quelle est selon vous la problématique et quelles sont les pistes de solution? Parce que l'on sait évidemment qu'il y a eu une espèce de refonte du nouveau Code de construction qui avait été adoptée en 2000, vous en faites état, mais vous dites également, et je vous cite: Ce n'est pas assez. Alors, selon vous, quelle est la voie de l'avenir dans ce domaine?

Une voix: Marie-Josée.

Mme Deschênes (Marie-Josée): Je crois qu'on a un travail à faire au niveau des réglementations pour pouvoir s'adapter aux bâtiments existants. C'est-à-dire qu'il y a des bâtiments existants qui sont faciles à recycler, par exemple les couvents. Mettre aux normes un couvent, ça peut être plus facile parce que ça ressemble déjà à une typologie de résidence. Mais une église, ça peut être beaucoup plus difficile parce que c'est assez unique comme type de structure. Et les règlements concernant la construction actuellement, le Code du bâtiment, ou tous les mécanismes qui l'entourent pour mettre en oeuvre ces règlements-là, ne sont pas assez, je dirais, souples, entre guillemets, parce que souvent c'est du cas-par-cas. Donc, suivre une réglementation, comme on dit «by the book», des fois c'est beaucoup trop contraignant.

Vous savez, dans la réalité, ce qui arrive ? en tout cas, je parlais tantôt des couvents ? les gens, ils disent: Ça coûte tellement cher, mettre aux normes un couvent. Puis je peux citer en exemple la Résidence Sainte-Geneviève dont on a entendu parler un peu plus tôt ce matin. Ici, c'est aux alentours de 1,2 million. Ce que font les congrégations... Ils disent: Bien, on n'a plus les moyens, donc on se départit de ces bâtiments-là. Alors, au niveau des églises, ça existe aussi, cette problématique-là. Je ne sais pas si le comité... La Régie du bâtiment actuellement est supposée avoir un comité de mesures compensatoires, et je crois qu'il faut pouvoir assouplir la réglementation pour pouvoir l'adapter au cas-par-cas. Il peut y avoir aussi des ententes préalables, parce que ce n'est pas en déposant les plans... Des fois, il est comme trop tard.

Nous, ce qu'on a fait pour le Monastère des Augustines, c'est qu'on a fait venir les gens de la Régie du bâtiment à la table de travail en disant: Regardez, nos problèmes, c'est ça. Venez visiter le bâtiment. Ce n'est pas évident d'arriver puis de changer des portes qui sont, mettons, à six pieds puis qui ont 300 ans d'âge, de les changer et de les mettre aux normes. On vient affecter ce qu'on appelle l'intégrité du bâtiment et on y enlève toute son identité. Donc, c'est d'avoir des mécanismes de souplesse, je dirais.

M. Mercier: Si vous me permettez, M. le Président, oui, mais, à une réponse que j'ai reçue de... L'Association, par exemple, des personnes handicapées du Québec vous répondrait: Non, ça, ce n'est pas grave, parce que ce qui est important, ce qui est prioritaire, c'est d'avoir cette pente, vous savez, l'aménagement de cette pente de 17 %, 18 % ou 19 %, là, d'inclinaison, et finalement l'architecture, les dorures, etc., ça, c'est secondo, c'est deuxième. Qu'est-ce que vous répondez à ça?

n(12 h 30)n

Mme Deschênes (Marie-Josée): En patrimoine, je pense que ce qui fait la base de l'importance de notre patrimoine, c'est ce qu'il est actuellement. Donc, je peux comprendre, là, la pensée inspecteur qui regarde la construction, l'architecture aujourd'hui par rapport à la sécurité du public, mais je crois qu'en patrimoine on a un travail de plus à faire pour pouvoir s'ajuster davantage. Et je peux vous dire que, la Régie du bâtiment, pour avoir travaillé avec eux, il y a une ouverture, mais il faut leur donner les moyens davantage de permettre de s'adapter à chacun des cas. Je pense que ça fait partie d'un des chantiers à ouvrir.

M. Mercier: Merci, M. le Président. J'aurais d'autres questions, je vais laisser mes collègues évidemment en poser davantage.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Merci beaucoup. M. Filion, on a l'impression que vous avez eu une réunion avec le Très-Haut avant de venir, là. Je vous écoutais, tout à l'heure, dans vos exposés, pour moi vous avez consulté quelqu'un du Très-Haut, je ne sais pas. Mais il reste que c'est intéressant, ce que vous avez mentionné, en ce qui regarde la protection du patrimoine et en ce qui regarde la protection de nos biens. Effectivement, la région de Québec est un lieu d'accueil, berceau de la civilisation, je me plais toujours à le dire. Montmorency est le lieu d'accueil. Quand on parle de l'île, la Côte-de-Beaupré, donc toutes ces particularités en ce qui regarde ces bâtiments, ces églises, tout ce qu'on peut retrouver mérite... et c'est certainement des objets très précieux à protéger.

Par contre, tout à l'heure, vous avez ouvert une porte sur laquelle j'aimerais vous entendre de façon à laisser du temps à mes collègues. Vous nous parliez de péréquation latérale en ce qui regarde... parce qu'effectivement, avec les communautés, dans plusieurs endroits, plusieurs villages, on voit une baisse de population, et la capacité de payer ou les ressources ne sont pas là. O.K.? Par contre, le bien, l'immeuble est situé là. Donc, il faut le protéger, il faut être capable de placer les ressources qu'il faut. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus, là, quelle est votre vision par rapport à ça.

M. Filion (Serge): Bien, peut-être deux choses. Vous avez tout à fait raison de mentionner que notre forme d'urbanisation aussi... Si on parle de patrimoine religieux remarquable, là, c'est-à-dire avant 1945, bien sûr il est localisé dans la ville centre de Montréal, puis la ville centre de Québec, puis dans les villages ruraux. Donc, on a toute la couronne périphérique où il peut y avoir un excellent patrimoine religieux; depuis 1945, un patrimoine contemporain. Puis, si ce n'est pas encore rendu ici, ça va venir, là, mais il y a un groupe de pression qui s'organise pour essayer de préserver ces contributions. On n'est pas morts, en 1945, donc il y a d'autres locaux qui militent en faveur de leur sauvegarde.

Mais le fait que notre ville... Par exemple, si on prend Québec, Québec a vu sa population multipliée par cinq depuis les années quarante, cinquante, là, à partir de la guerre... C'est-à-dire, sa population multipliée par trois puis le territoire multiplié par le double, hein? Donc, ça veut dire qu'on occupe quatre fois plus de territoire puis on a deux fois plus de population. Donc, c'est évident que... Et aussi il y a eu le taux de natalité. Donc, c'est sûr qu'on a un surplus d'églises dans les quartiers centraux, dans les vieilles communautés, puis évidemment on a donc risque d'avoir beaucoup de bâtiments, je dirais, excédentaires.

Il y a une autre donnée qui est importante, qui n'est pas négligeable, c'est mon collègue le directeur de la Faculté d'aménagement, là, à l'Université de Montréal qui est venu nous dire qu'il n'y a pas seulement des valeurs religieuses qui sont au patrimoine religieux, mais que c'est encore mieux ou pire que cela, dans le sens que, le noyau de toutes les paroisses, de l'église, presbytère, souvent la caisse populaire, la salle paroissiale, il y a tout un noyau qui est à la base même de l'identité de chacun des arrondissements, chacun des quartiers, et pour les gens, là, quand on parle de détruire, mettons, 60 % du patrimoine religieux, lequel, hein?

Et on parlait tantôt de Sainte-Thérèse-de-Lisieux. Regarde, la paroisse Saint-Siméon, dans Charlevoix, il y a des patrimoines qui sont sûrement difficiles à confronter quand on regarde le palmarès du patrimoine avec le Vieux-Montréal ou le Vieux-Québec, où tu as là des monuments, des cathédrales. Et donc il n'y en aurait que pour ces lieux-là. Et c'est extrêmement important, à partir de cela, comme il y a un étalement du développement, un étalement de la richesse, qu'il y ait des mécanismes de péréquation.

Moi, tantôt je parlais surtout entre les communautés religieuses et les fabriques, les communautés ayant des grands domaines qui peuvent être rentabilisés. Je prend l'exemple, sur le chemin Sainte-Foy, de l'ancienne crèche, hein, où il y a un grand terrain à lotir, à développer, en plein centre-ville, qui vaut, cachons-nous-le pas, une fortune. Et donc il y aurait possibilité de mettre en valeur ce terrain, de récupérer des fonds et de mettre ça dans la fondation en question pour aider les paroisses plus démunies à conserver leurs lieux identitaires puis à faire une péréquation.

Il y a une péréquation bien sûr aussi entre les paroisses elles-mêmes, et l'Église nous a toujours donné l'exemple. On n'a jamais fermé une église tant que l'archevêché pouvait, par péréquation, diriger une partie des richesses, disons, de la haute-ville vers la basse-ville, si on veut prendre un exemple concret. Ça n'a jamais été une considération qui a amené des fermetures. Donc, c'est cette espèce de solidarité, je dirais, là, sur l'ensemble du territoire québécois qu'il faut essayer de mobiliser et de mettre au travail pour garder l'espoir qu'on peut sauvegarder ces patrimoines-là.

Bien sûr, là, si on parle d'églises... Je vais juste donner un exemple. Par exemple, la semaine dernière, je rencontrais un groupe de jeunes qui font, vous savez, de la planche à roulettes, le skate, là, et ils sont d'ailleurs en contact avec les gens de la ville de Québec. Mais, eux, ce qu'ils cherchent, c'est un grand local communautaire avec un plafond élevé. Si vous leur prêtiez ici le salon rouge, ils l'accepteraient. C'est à peu près le genre de locaux que ça prend, tu sais, pour faire ces espèces de cuves intérieures. Si saint Vincent de Paul revenait parmi nous...

M. Bernier: Une suggestion pour les députés, c'est le nouveau sport.

M. Filion (Serge): ...il dirait: Ça m'intéresse, ça m'intéresse. Ces jeunes-là méritent un accompagnement, méritent un encouragement. Or, ils ne trouvent pas ce genre de locaux là. Alors, l'imagination est là.

M. Bernier: Ah! merci. Je pense que c'est intéressant. Alors, M. le Président, vous avez une suggestion pour occuper vos temps libres.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le député de Montmorency. M. le député de Mercier.

M. Turp: Alors, merci, M. le Président. Merci à vous, de la Commission de la capitale nationale, de participer à nos travaux. J'ai eu l'occasion de vous entendre, M. Filion, au colloque de Montréal, il y a quelques semaines, faire une présentation, je crois, qui avait beaucoup intéressé l'auditoire et nous avait convaincus que la Commission de la capitale nationale s'intéresse et veut le bien du patrimoine religieux du Québec. Je voudrais aussi vous remercier d'avoir partagé avec les membres de cette commission les documents qui sont très, très utiles à nos travaux: l'offre de service de Secor Conseil et le plan détaillé qu'ils ont préparés, là, et qui nous informe sur les tenants et aboutissants du mandat de vos consultants et de ce qui se prépare. Et je crois que c'est très, très important, vous savez, d'arrimer ces travaux. Le Parlement veut agir dans ce domaine-là, et nous tenons nos consultations. Nous allons devoir rédiger un rapport, formuler des recommandations à l'intention du Parlement. Je constate sept intervenants majeurs et je constate que le gouvernement du Québec est partie prenante à cette démarche-là. Le ministère de la Culture et des Communications est l'un des sept intervenants. Il faut vraiment bien arrimer les choses. Moi, je ne voudrais pas que le Parlement travaille pour rien et je ne voudrais pas que nos travaux, nos recommandations puissent ne pas tenir compte de ce que vous ferez avec l'étude que vous fera Secor Conseil. Et c'est peut-être très, très important pour nous de savoir les échéances, pour tenir compte des nôtres et pour bien arrimer les choses.

Notre mandat est plus large, ça, j'en conviens. Mais l'importance que pourrait avoir cette structure de gestion financière et immobilière du patrimoine bâti religieux et excédentaire, là, c'est quand même un gros morceau dans la préservation du patrimoine religieux. C'est sûr que ça n'inclut pas ce qui est immatériel et d'autres éléments de notre mandat à nous, mais j'aimerais que... D'abord, j'aimerais vous sensibiliser à ça, là ? j'imagine que vous l'êtes ? mais à l'importance de bien arrimer les travaux des institutions publiques que vous êtes, notamment la commission. Puis on le fera savoir à la ministre de la Culture aussi, hein, parce que c'est un rapport parlementaire, puis ce n'est pas vrai que c'est le gouvernement qui va dire au Parlement qu'est-ce qu'il doit inclure dans son rapport. C'est toujours un petit peu inquiétant, quel que soit le gouvernement, là, parce qu'on est dans un régime parlementaire où le gouvernement a un poids considérable au Parlement et dans l'activité parlementaire.

Ma question là-dessus, c'est: Comment vous voyez ça, là? Comment voyez-vous le travail d'arrimage entre ce que vous faites, vos consultants font puis ce que, nous, nous allons faire? Et peut-être plus précisément, parce que vous consacrez une partie intéressante, importante de votre mémoire à cela, s'agissant de la législation québécoise, parce qu'aux pages 17 à 19 de votre mémoire vous parlez de la législation. Mais là c'est quand même la prérogative de notre Parlement de légiférer, et là j'aimerais vous entendre davantage là-dessus, sur la législation.

n(12 h 40)n

J'ai une question à vous poser, peut-être un peu plus précise, parce que, s'agissant de la législation, ce que vous semblez proposer, c'est que nous modifiions quelques lois, les adaptions, hein, la Loi sur les biens culturels, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, j'imagine la Loi sur les fabriques, peut-être. Est-ce qu'il ne pourrait pas s'imposer qu'il y ait une grande loi-cadre sur la préservation du patrimoine religieux? Est-ce qu'il faut faire de la législation à la pièce? Est-ce qu'il faut modifier à la pièce? Est-ce qu'on ne peut pas penser que cette question mériterait une grande loi sur la préservation du patrimoine religieux ou une loi sur la préservation du patrimoine en général? Bien que, là, ce qui m'inquiéterait, moi, d'une loi sur la préservation du patrimoine en général, bien c'est que ça pourrait repousser les échéances, alors que, là, on a une urgence avec le patrimoine religieux. Tout le monde nous le dit, nous le répète, de Mgr Turcotte à Mme Roy, ce matin, il y a une urgence. Alors, là-dessus aussi, je voudrais vous entendre parce que vous consacrez quelques développements aussi à l'idée que tout ce qui est patrimoine religieux et préservation doit s'inscrire dans le contexte plus global de la préservation du patrimoine. Mais comment concilier l'urgence avec cette question de l'insertion du débat du patrimoine religieux dans celui de la préservation du patrimoine en général?

M. Filion (Serge): Je vais commencer ma réponse par une remarque générale et une chose à ne pas faire. Quand je suis né, on m'a expliqué que la vie était un carrousel, et ça aurait été idéal qu'on l'arrête, et que je le remette à ma main, et que, quand je meurs... Et ce qu'on m'a enseigné, c'est que le carrousel tourne, que tu naisses ou que tu ne naisses pas, tu embarques puis tu débarques, et, pendant le temps que tu es dedans, tu essaies de faire ton possible. Alors, c'est un peu l'idée, là, surtout pas arrêter les travaux de qui que ce soit. On l'a expliqué tantôt, en début, un peu, je l'ai peut-être mal expliqué, mes collègues doivent m'en vouloir, là, mais dès le départ la commission s'est impliquée, là. On dit toujours, nous autres: Pas de réflexion sans action. On s'est impliqués dans des sauvetages, là, comme le clocher Saint-Coeur-de-Marie, la maison Sainte-Geneviève en maison interculturelle. On travaille de façon acharnée, là, malgré notre petitesse d'équipe, notre petitesse de nos moyens financiers, à aider les Augustines, avec la ville et le ministère, pour trouver des solutions parce que le problème est immédiat.

Ceci dit, par contre, je pense que ? et on l'a dit dans notre mémoire ? il n'y a pas de mal à se faire du bien. Par exemple, on pourrait stopper, à partir d'aujourd'hui, là... Écoutez, on parlait de trois ans avec Mme Roy, certains moratoires. Il n'y a aucune urgence nationale à démolir quelque église que ce soit. Aucune. Bon, je sais, comme urbaniste, qu'un bâtiment vacant, c'est un scandale dans la ville, mais je dis: Laissons le scandale provoquer l'imagination. Si on démolit l'église puis on fait un parking à la place, bien, là, l'imagination, ça va être de construire quelque chose d'assez banal, tandis que, si on la laisse là, la pression va augmenter, les gens vont dire: Mais pourquoi? C'est un scandale. Ces locaux pourraient être utilisés, puis ça fomente...

Je prends l'exemple de l'église Notre-Dame-de-la-Garde. Soyons très honnêtes, la ville est épuisée. Elle porte ce dossier-là à bout de bras. Il y a eu des centaines de milliers de dollars ? Notre-Dame-de-Grâce, pardon; merci, Marie-Josée ? qui ont été mis dans ce dossier. C'est une des plus belles églises et surtout des plus beaux intérieurs d'église. Alors, on peut faire comme on a fait ici, sur la rue D'Auteuil, stabiliser le patient, c'est-à-dire... Ce n'est pas beau, hein, mais l'ancienne école anglicane, là, dans la rue D'Auteuil, clôture Frost, puis on éloigne les piétons pour ne pas que le mur tue personne en s'écroulant ou que le toit s'effondre. Mais on garde ce bâtiment-là jusqu'à temps que l'imagination et les crédits soient au rendez-vous.

Alors ça, c'est une chose qu'on peut faire sans aménagement bien, bien coûteux. Il s'agit qu'il y ait un consensus de société, puis ça va nous faire travailler encore plus fort. Il y a des petites mesures, par exemple. On a vu ou on apprend qu'Hydro-Québec a aboli, là, ses subventions au chauffage biénergique. Bon, ça, ça amène bien sûr beaucoup de fabriques à se dire: Aïe! ça coûte 50 000 $, 30 000 $ pour chauffer une église, 15 000 $. C'est scandaleux. D'abord, il y a deux choses encourageantes. La première, c'est que mes collègues de Parcs Canada qui ont rénové l'île de la quarantaine me disent: Serge, les églises, là, même du Régime français étaient faites pour ne pas être chauffées. Il s'agit juste d'ouvrir les fenêtres puis de laisser la ventilation, et puis on peut, après 100 ans, 200 ans d'inoccupation, les restaurer. Alors, le problème de chauffage n'est pas un problème sine qua non.

Puis, deuxièmement, peut-être qu'avec Hydro-Québec, au lieu de retourner cette petite partie de ses surplus dans le fonds... Je sais qu'on a tous intérêt à ce qu'ils nous remettent un gros chèque à la fin de l'année, mais peut-être que ça, il n'y a pas d'urgence à maintenir cette clause d'abolir la clause de la subvention à la biénergie. Il y a une possibilité de ce côté-là.

On parle aussi d'élaborer une politique du patrimoine, une politique nationale du patrimoine. Je pense que c'est intéressant de travailler parce que le patrimoine, hein, c'est les 400 ans qui nous ont précédés. Nous, on va peut-être agir sur 5 % ou 10 % du patrimoine pendant notre passage dans le carrousel. Ce serait intéressant de garder le 95 % à peu près intact, là, puis de le livrer aux générations futures. Alors, il y a une réflexion à faire de ce côté-là.

Mettre à jour la Loi sur les biens culturels, je pense que, depuis le rapport Arpin, on parle de faire classer ou de reconnaître les paysages comme des éléments de culture, hein? La culture, ce n'est pas qu'une maison, un bâtiment, une salle, un bel intérieur; la culture, ça devrait être, pour une société civilisée, l'ensemble de ses paysages, autant les paysages naturels, les paysages agricoles, les paysages bâtis, comme les villes et villages, et la notion de paysage devrait être introduite, et surtout quand on parle de patrimoine religieux, hein, les grands ensembles conventuels avec les vergers.

Je prends Saint-Benoit-du-Lac. Je veux dire, c'est un paysage absolument impeccable, et je ne vois pas comment on pourrait, là, sans aucune protection, commencer à lotir les environs du monastère parce qu'il n'y aurait plus de recrutement. Alors, il y a des gestes un peu barbares. Moi, je dis toujours: Si Rome a résisté aux Wisigoths et aux Ostrogoths, si la culture romaine a survécu à cette invasion, notre patrimoine devrait nous survivre.

Il y a à utiliser les outils d'urbanisme existants. On a beaucoup d'outils dans la loi n° 125. Par exemple, on suggérait au maire de Québec, lors de l'adoption du plan directeur d'aménagement et de développement puis devant la pression sur certains domaines immobiliers: Pourquoi pas adopter un règlement de contrôle intérimaire? La communauté urbaine est habituée de faire ça, les municipalités sont habituées de faire ça, les MRC sont habituées de faire ça. Quand on est pour adopter un schéma d'aménagement, on passe un règlement de contrôle intérimaire qui interdit tout développement, tout lotissement, tout permis de construction, à moins que ce soit conforme à l'ancien schéma puis au nouveau, et, dans le nouveau, on n'a qu'à dire «règlement de contrôle intérimaire» parce qu'il faut préserver ces ensembles qui sont intéressants pour les générations futures. Donc... de se donner le temps d'agir intelligemment.

Adopter la loi sur les édifices, vous en avez parlé avec ma collègue, Mme Deschênes. Amorcer une réflexion sur les principaux intervenants du milieu de la construction afin de permettre aux artisans... ça, je pense, c'est un point important. Il y a beaucoup d'artisans, tu sais, les artisans, là, très spécialisés qui oeuvrent dans le domaine du patrimoine mais qui ont de la difficulté à pénétrer sur les chantiers de construction. Là, bien sûr, on entre dans notre zone d'incompétence, mais il reste que c'est anormal de ne pas permettre à ces gens-là d'intervenir dans les projets de construction, dans les lieux historiques, dans les ensembles historiques. Et, en fouillant ça, là, on va voir qu'il y aurait des améliorations à apporter.

Revoir la fiscalité municipale, je pense que Mme Roy en a parlé ce matin, la ville de Québec, la ville de Montréal. C'est un peu idiot, là, d'encourager la transformation de l'église Saint-Esprit en école de cirque, puis après ça de les faire se retrouver avec l'obligation de leur envoyer un compte de taxes municipales. Bien sûr, c'est toujours l'ensemble de la collectivité qui est mise à contribution, là, mais il reste que, quand on commence un processus comme ça, il ne faut pas lui donner à la fois le poison qui va rendre leur situation absolument infecte et infernale...

M. Turp: M. Filion, je regrette, là. On le fait parfois à l'égard de nos collègues d'en face qui ne répondent pas à nos questions. Je vous ai demandé, là, l'arrimage de votre travail, des consultants et des sept intervenants avec notre travail de l'Assemblée nationale. Ça me préoccupe, comme parlementaire, comme député. Ma question, c'était: Comment on va arrimer vos travaux et nos travaux, selon vous?

M. Filion (Serge): Écoutez, je pense qu'il faut rester en contact permanent, là. Nous, notre échéancier, M. Turp, c'était de déposer l'étude au mois de novembre. Après ça, c'est devenu le mois de décembre. Je vous ai expliqué les sept mois qu'on a pris pour poser la question commune, et solidaire, et conjointe, puis je pense qu'il n'y a pas à bousculer les gens. On voulait que tous les partenaires soient autour de la table puis qu'ils soient d'accord avec le contenu de l'étude.

Maintenant, là, l'étude va rentrer, disons, à la fin de l'année, au début de l'an 2006. Notre objectif, ce n'est pas de vous remettre un rapport de 400 pages; notre objectif, c'est de vous remettre un consensus parmi sept partenaires sur la meilleure façon de gérer le patrimoine religieux puis de trouver une solution de société. Donc, c'est évident qu'il va y avoir un laps de temps, là, qui va se passer, puis c'est désolant qu'on ne puisse pas vous remettre ici même le résultat de l'étude, mais, tant que ce résultat de l'étude ne sera pas attaché avec nos partenaires, je pense qu'on fausserait, là, l'entente actuellement. Quand je vous dis que l'Église fait partie de la solution, il faut trouver, avec les donateurs, avec les partenaires, une façon de céder ces biens-là à un organisme crédible.

Je reviens toujours avec l'exemple de Conservation de la nature. Quand une personne donne, par exemple, un boisé remarquable, une ferme ou un terrain à haute valeur à un organisme sans but lucratif, c'est parce que lui croit que ça devrait être protégé pour les générations futures, et il croit dans l'organisme comme étant un organisme crédible qui va recevoir ce don-là puis qui va poursuivre les valeurs. Alors, nous, ce qu'on dit à l'Église: si jamais vous avez des valeurs ? puis je pense qu'ils en ont, là, des valeurs ? qui sont exportables puis des valeurs qui sont transmettables, hein, dans les valeurs immatérielles aussi bien que les valeurs matérielles, à ce moment-là, créons une fiducie, une société qui va faire siennes ces valeurs-là. Les succès qu'on a eus avec les Soeurs du Bon-Pasteur, par exemple, la maison Sainte-Geneviève, qu'ils ont vendue à un prix plus que modeste à la ville de Québec pour transformer en maison interculturelle, c'est qu'on a trouvé, dans la négociation avec les Soeurs du Bon-Pasteur, à attacher leur mission ancienne avec la mission nouvelle du bâtiment. Et, à ce moment-là, les communautés religieuses deviennent plus généreuses et rendent le problème moins épineux pour le gouvernement ou l'État qui devrait acheter à fort prix, hein, le bâtiment. Alors, c'est sûr qu'il y a des avantages, mais il y a des lenteurs à ce processus de négociation.

n(12 h 50)n

La seule façon que je puisse répondre concrètement, c'est d'installer un téléphone rouge entre votre commission et les responsables de l'étude ? Mme Deschênes ici est la chargée de projet ? et de toujours vous tenir au courant. On n'hésitera jamais, les gens du ministère de la Culture ? de la même façon, ville de Québec, ville de Montréal ? à vous tenir au courant, au jour le jour, de l'avancement du dossier.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, compte tenu de l'heure et que la Commission de la culture a une séance de travail à 1 heure ? nous siégeons également cet après-midi, nous devrons quitter pour siéger à Rimouski demain ? considérant l'état des choses, je vais suspendre nos travaux jusqu'après la période des affaires courantes, cet après-midi. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

 

(Reprise à 15 h 33)

Le Président (M. Brodeur): ...travaux. Donc, nous avons débuté, ce matin, par trois groupes, et, cet après-midi, nous entendrons deux groupes, dont en premier lieu le Conseil du quartier Saint-Jean-Baptiste, qui sont déjà installés, prêts à présenter leur mémoire. Donc, bienvenue en commission parlementaire.

Je vous expose brièvement les règles de la commission. Je vois que j'ai un membre témoin, que je salue, derrière le micro. Peut-être tasser le pot d'eau en avant de lui.

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Oui. Bon! Maintenant, je vois les trois personnes qui vont présenter le mémoire. Donc, la façon de procéder est très simple: vous avez un temps maximal de 15 minutes pour la présentation de votre mémoire ? je vois que vous avez une présentation dite télévisée ici ? et, après ces 15 minutes là, il y aura une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais de présenter les gens qui présentent votre mémoire et, à la suite de ça, de prendre immédiatement la parole. La parole est à vous.

Conseil de quartier de Saint-Jean-Baptiste

Mme Bonin (Mireille): Merci, M. le Président. Merci de nous inviter ici, aujourd'hui. Mon nom est Mireille Bonin, du Conseil de quartier Saint-Jean-Baptiste. Je suis avec mon collègue du quartier Saint-Jean-Baptiste aussi, Louis Dumoulin, et avec William Gobeil, le fils d'une des mes collègues de travail, qui a participé à l'effort des citoyens pour sauver l'église Saint-Jean-Baptiste.

Le Président (M. Brodeur): Bienvenue en commission.

Mme Bonin (Mireille): Merci. Alors, en guise d'introduction, je vous présenterai notre page couverture de notre présentation, qui est une église qui a été dessinée par William au moment où on faisait une collecte auprès de nos collègues de travail, de nos familles, de nos amis pour vendre des calendriers, qui nous ont rapporté finalement 6 000 $ avec deux mois de travail, et William, en guise de remerciement de lui avoir remis un calendrier, nous a fait un dessin.

Alors, on a articulé notre mémoire autour de trois questions: Que conserver? Qui va participer à cette conservation-là? Et comment on va conserver ce patrimoine-là dans notre version à nous de citoyens? Alors, pour nous, les citoyens, qu'est-ce qu'il y a à conserver? Il y a des bâtiments, des objets, des oeuvres d'art à conserver dans cette église-là, que l'on ne fréquente pas nécessairement régulièrement, mais auxquels on est attachés. Qu'est-ce qu'il y a aussi à conserver? Il y a tout un intangible à conserver, il y a une histoire, une appartenance, une stabilité, la manifestation de l'espoir du peuple québécois et la mise en oeuvre d'un rêve communautaire.

Pour nous, les citoyens qui habitons un quartier, un vieux quartier, quand on choisit d'habiter un vieux quartier, c'est parce qu'un vieux quartier a une âme, et cette âme-là, elle s'articule autour de ces vieux bâtiments, de son église, des petits commerces autour de l'église, de la caisse populaire, d'un mode de vie qui est, pour bien des citoyens, un choix qu'il leur est extrêmement important d'avoir. C'est aussi, une église, un bien commun. Et, quand on vit dans un vieux quartier, le bien commun, c'est quelque chose auquel on s'attache. Quand on vit dans un quartier central en plus, le bien privé est de moindre importance que le bien commun. On n'a pas d'espace de stationnement, on n'a pas beaucoup de cour arrière. On a un bien commun auquel on s'attache, on a des parvis d'église, on a des cours d'école, et ça, c'est des choses qui sont extrêmement importantes pour des citoyens.

C'est aussi, pour des citoyens, un peu l'exemple de l'habilité de travailler ensemble. Quand on a vu la dimension d'une église comme l'église Saint-Jean-Baptiste, dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, on s'est dit: Mais ça a pris un effort commun incroyable pour bâtir un monument de cette dimension-là avec le peu de citoyens qu'il y avait autour, et ça, cette expertise-là, de travailler en commun pour des biens plus grands que nature, c'est un des intangibles à protéger.

Alors, qu'est-ce qu'on doit conserver? Est-ce qu'on doit conserver l'intégralité de l'oeuvre ou une partie de l'oeuvre? Est-ce qu'on doit garder l'église comme un musée ou est-ce qu'on en garde certaines particularités? Est-ce qu'on conserve l'église dans son sens initial de lieu de culte ou dans son sens moderne d'expression de la spiritualité québécoise, qui n'est pas nécessairement l'expression d'un culte mais d'une spiritualité qui peut se manifester par des dimensions culturelles, musicales ou autres? Est-ce qu'on doit conserver le culte, auquel on ajoutera des fonctions communautaires, culturelles, ou est-ce qu'on abandonnera le culte mais sans abandonner le respect qu'on a pour ce que ça a représenté pour les citoyens à un moment donné dans notre histoire?

Alors, qui participera à la sauvegarde de ce monument? Alors, selon nous, c'est un apport de tout le monde: le citoyen, la citoyenne, les groupes communautaires et culturels et les entrepreneurs qui y trouveront une pertinence sociale et économique ? et je mets l'accent sur le mot «pertinence». Est-ce qu'une église, dans l'état dans lequel elle est, avec le culte dans lequel il est présentement est encore pertinente? Bien, je pense que cette question-là mérite de s'y attarder un peu et de s'ajouter des citoyens, des citoyennes, des gens, même des entrepreneurs, pour vraiment saisir la pertinence de ce lieu-là. Alors, qui participera à la sauvegarde, en plus de tout ce beau monde là? Bien, l'État, qui selon nous a une obligation fiduciaire de protéger les biens communs et la culture du peuple québécois. Pour nous, c'est impensable pour un citoyen de protéger une oeuvre de cette dimension-là. Mais cette âme-là, pour nous c'est quelque chose qui ne peut pas être tenu seulement à des questions monétaires, à des habilités monétaires. Et c'est tellement énorme, ce qu'il faut faire pour protéger une église de cette dimension-là, que ça prend l'apport de l'État. On sait qu'il y a certains pays, par exemple, qui ont légiféré pour maintenir ces monuments-là.

n(15 h 40)n

Il y a aussi l'Église, en tant que gardienne de cette spiritualité, qui peut peut-être être historique seulement dans bien des cas, mais l'Église pourrait avoir également un rôle à jouer dans une spiritualité moderne de notre patrimoine. Alors, comment on va préserver ce patrimoine-là? Bien, selon nous, par une démarche collective. Le citoyen est extrêmement petit dans la protection d'une oeuvre de cette dimension-là. Ça va prendre l'effort de tout le monde, mais dans un respect de ce que le culte a représenté au Québec, et pour nous c'est attaché à son histoire, ce culte-là, bien qu'il ne soit plus présent du tout de la même manière. Mais, par respect pour ce culte-là, ce serait intéressant de respecter l'aspect des églises, puis par la reconnaissance du fait que les citoyens et les citoyennes des paroisses ne peuvent à eux seuls protéger les monuments, les musées, l'identité et le patrimoine intangible de tout un peuple.

Maintenant, l'apport des conseils de quartier, nous, du Conseil de quartier Saint-Jean-Baptiste, on a fait des gros efforts pour informer tout le monde de l'importance de la protection de ce bien-là. Ce sont des efforts symboliques, finalement, parce que ça prend toutes nos familles, tous nos amis, nos collègues de travail, nos voisins pour ramasser presque rien du tout. Mais ce que l'on peut faire comme citoyens, c'est de sensibiliser nos dirigeants, sensibiliser les gens autour de nous de l'importance que ça a pour nous. Alors, au Conseil de quartier, depuis en tout cas les deux dernières années, c'est encore un dossier qui se voit à chacune de nos rencontres du Conseil de quartier, c'est à notre ordre du jour. L'année passée, on a mis beaucoup plus d'efforts, beaucoup plus de temps, puis l'effort maximum que, nous autres, on peut mettre, c'est quelques 1 000 $, parce qu'un conseil de quartier, ça n'a que quelques 1 000 $. L'année passée, on a contribué au concert de Noël, on a contribué à l'élaboration d'un calendrier qu'on a vendu nous-mêmes à nos amis, et William s'est retrouvé, comme ça, avec un calendrier du Conseil de quartier.

Alors, ce qu'on peut faire comme citoyens ? nos députés nous en parlent ? c'est simplement de sensibiliser, de vous laisser savoir, vous qui êtes les dirigeants, que, nous, on est intéressés à la sauver, c'est l'âme de notre quartier. Les vieux quartiers sans leurs églises, sans l'intégralité de certaines façades de notre patrimoine, ça n'a plus l'intérêt que ça a, et il y a tellement d'efforts souvent à faire pour vivre dans un vieux quartier, dans un quartier central, on doit le partager avec tellement de monde, notre espace, qu'on veut y garder son âme, on veut y garder son coeur, puis ça, bien c'est fait beaucoup avec ces édifices, dont l'église Saint-Jean-Baptiste.

Alors, en conclusion, on vous dirait que ça va prendre l'effort de toute la société québécoise. Nous, on va continuer à garder ça à notre ordre du jour, on va continuer à s'intéresser à ça, on va continuer à voir nos petits travailler avec nous autres et notre mémoire collective, mais ça va prendre l'effort de tout le monde pour sauver cette église-là.

Alors, je termine ma présentation comme ça, avec un remerciement énorme à vous faire, d'entendre la voix des citoyens. On n'est pas des scientifiques, on n'a aucune idée comment on va faire pour réaliser cette oeuvre magistrale là, mais le fait d'avoir été invités ici comme citoyens, nous autres, on est extrêmement touchés et on vous remercie beaucoup. Alors voilà. C'est terminé pour la présentation.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de votre présentation faite avec beaucoup de coeur.

Ma première question va porter sur une phrase qui est apparue, là, dans votre présentation, «dans un respect de ce que le culte a représenté au Québec». On sait qu'il y a beaucoup de monuments religieux au Québec, beaucoup d'églises. On sait qu'il y en a beaucoup qui vont fermer dans les prochaines années. Est-ce que cette expression-là, est-ce que cette phrase-là signifie que vous voulez qu'on arrive avec une délimitation précise de ce qu'on peut faire avec une église, concernant tous ces monuments-là au Québec? Est-ce que ça veut dire que, par exemple, dans toutes les églises, même celles qui ne seraient pas jugées patrimoniales, il y aurait un encadrement précis pour la reconversion, la réutilisation de cette église-là? Donc, on peut supposer que, par exemple, on pourrait bannir la confection d'une salle de danse, par exemple, dans une église. Est-ce que c'est le message qu'on doit retenir de la présentation de votre mémoire? Donc, vous proposez également un encadrement sur la reconversion des églises? Est-ce qu'on doit comprendre que c'est comme ça que vous vous exprimez dans votre mémoire?

Mme Bonin (Mireille): Bien, pour moi, oui, ça va jusque-là. Toutes les églises ne sont peut-être pas nécessaires à conserver, mais certainement un échantillonnage important de ces églises-là. Et je laisserai peut-être mon collègue Louis vous donner sa position à lui.

M. Dumoulin (Louis): Moi, personnellement, je crois que les églises ont une signification par rapport à la communauté qui l'entoure, qui l'a créée. Et, si le culte est disparu dans certaines communautés, ça ne veut pas dire que ça n'a pas laissé de traces. Je veux dire, je ne vois pas qu'on puisse se donner le droit de tout gommer d'un coup sans savoir ce qui va se passer dans 15, 20 ou 100 ans.

Donc, je pense que les usages peuvent se superposer, mais je pense que le premier critère, c'est de répondre aux besoins de la communauté qui entoure le bâtiment. Puis ça ne veut pas dire, ça, les quatre rues qui entourent le bâtiment, ça peut avoir une notion plus ou moins large, une notion territoriale plus ou moins large. Mais je pense que le point de départ de l'église, qui est un édifice, à la base, communautaire, doit rester communautaire et répondre aux besoins de la communauté.

Le programme qu'il va y avoir, c'est sûr qu'il y a peut-être des usages qui sont à proscrire. Je verrais mal un Lady Mary Ann avoir une succursale à l'église Saint-Jean-Baptiste ou à un endroit pareil. Mais je pense qu'entre cet excès-là et d'autres excès, je veux dire, il y a toute une variation d'usages et de projets qui peuvent être élaborés pour permettre à un édifice comme l'église Saint-Jean-Baptiste ? on en parle tout le temps, là ? de survivre, de passer à travers le temps. Moi, je me dis: Je ne condamne pas le retour au culte. Un jour, si la communauté en a besoin, l'édifice sera toujours là pour accueillir le culte. Mais entre-temps on peut l'utiliser pour répondre à d'autres besoins de la communauté. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

Le Président (M. Brodeur): Oui. M. le député de Montmorency.

M. Bernier: Merci. Donc, c'est sensiblement ce que nous disaient également les gens de ce matin, de la Commission de la capitale nationale, qui nous ont mentionné justement qu'on ne devrait pas démolir ou défaire ces édifices, mais plutôt, s'il le faut, attendre leur utilisation.

Juste un élément additionnel. Vous parlez de culte. On sait que, dans l'évolution qu'on connaît aujourd'hui... Est-ce que ? puis là c'est la première fois que je pose cette question-là ? ces édifices-là pourraient servir à plusieurs cultes?

M. Dumoulin (Louis): Bien, moi, personnellement, je suis autorisé à parler de ce genre de choses là. Je ne vois pas d'objection, sauf qu'on reste quand même... On peut poser la question pour les édifices religieux en général, mais on ne peut pas répondre spécifiquement pour l'église Saint-Jean-Baptiste. L'église Saint-Jean-Baptiste, c'est un énorme volume. Je veux dire, je ne vois pas plus le culte orthodoxe, grec, ou les Coptes, ou des musulmans occuper l'espace, parce que c'est un immense espace. Je veux dire, le but, c'est de l'utiliser, de rentabiliser ces énormes volumes. Je veux dire, rentabiliser, ça ne veut pas dire remplir, ça veut dire d'utiliser, d'avoir un programme d'utilisation qui couvre 365 jours par année, et non pas 50 jours par année alors qu'il faut l'entretenir pendant 365 jours. Donc, il faut trouver un programme d'utilisation du bâtiment qui soit, en tout cas à mon avis, multifonctionnel. Puis, si ça peut être multicultuel, moi, ça ne me dérange pas. Mais c'est sûr qu'on ne divisera pas l'église en une section hébraïque, une section islamique, une section copte. Je veux dire, à un moment donné, si les gens de culte veulent se mettre ensemble pour se partager l'espace, moi, je n'y vois aucune objection.

Moi, mon objectif, c'est que ça réponde aux besoins de la communauté. Or, la communauté de Saint-Jean-Baptiste, ce n'est pas nécessairement une communauté essentiellement religieuse, là. Ce le fut peut-être au siècle passé, parce qu'on a d'énormes édifices religieux au centre-ville de Québec, dans le Vieux-Québec et dans Saint-Jean-Baptiste. C'est assez incroyable, la diversité du patrimoine religieux qu'on a dans Saint-Jean-Baptiste. Puis dans le fond tous ces édifices-là ont trouvé peu à peu de nouveaux usages, là. Malheureusement, le cas le plus criant, c'est l'église Saint-Vincent-de-Paul où le propriétaire actuel est en train de l'abandonner pour qu'on autorise facilement sa démolition, là. Mais beaucoup d'édifices religieux ont trouvé un usage, mais c'est parce qu'ils avaient un volume raisonnable. Ce n'était pas une immensité, une nef immense comme Saint-Jean-Baptiste. Donc, c'est plus facile des fois pour des petits édifices de retrouver un nouvel usage, tandis qu'un énorme édifice, bien, là, c'est comme ici. Je veux dire, où est-ce qu'on coupe? Qu'est-ce qu'on fait disparaître? Bon, je veux dire, c'est des choix qui sont assez durs, rien que pour une pièce. Imaginez un édifice comme Saint-Jean-Baptiste.

n(15 h 50)n

Mme Bonin (Mireille): De mon côté, je pourrais peut-être ajouter que je trouve extrêmement intéressante cette question-là, puis je ne pense pas qu'on ait la réponse au Québec. Je pense qu'on n'a jamais posé la question aux différents membres qui pratiquent des différentes religions et des différentes spiritualités. Parce que des fois ce n'est peut-être pas juste des religions, mais c'est peut-être des manières de vivre une spiritualité. Et je pense que ce serait vraiment intéressant qu'on pose cette question-là à ces divers membres de ces cultes-là: Est-ce que c'est compatible, est-ce qu'on peut partager un même lieu ou est-ce que le lieu est tellement chargé de sens qu'on ne peut pas le partager quand on est d'une autre croyance? C'est intéressant comme question.

M. Bernier: Parce qu'avant toute chose c'est un lieu de recueillement.

M. Dumoulin (Louis): Oui, c'est ça.

M. Bernier: C'est un lieu de recueillement et...

M. Dumoulin (Louis): Et un lieu de recueillement, ça n'implique pas que ce soit l'expression d'une culture artistique aussi opulente que celle qu'on a dans certaines églises. Le recueillement, je pense, ça demande une certaine forme de simplicité, de détachement. Les églises qu'on a au Québec, en tout cas celles du XIXe siècle, professaient une expression de la foi qui était très ostentatoire et qui faisait appel au savoir-faire de tous les artisans d'un lieu. Donc, ça dépasse la spiritualité, donc ça devient vraiment une expression culturelle, à mon avis. Et, moi, quant à moi, si les gens des cultes veulent partager des lieux, j'opterais pour des lieux qui favorisent la concentration sur la spiritualité et non pas la distraction par les mille et un objets à regarder dans une église, là. Donc, je favoriserais le confort, en fin de compte.

M. Bernier: C'est ça, le recueillement, le fait de pouvoir s'y pencher et être capable de se retrouver. Donc, c'est un peu ça. Parce qu'on sait que, dans certaines circonstances, c'est quand même difficile, les édifices, c'est comme... c'est des édifices qui sont importants, des édifices qui ont des coûts énormes au niveau bien sûr réparations, au niveau entretien. Donc, ce que la commission cherche, c'est de trouver des réponses et des solutions par rapport à ces édifices.

Mais, moi, je veux laisser... Je sais que mes collègues ont des questions à poser, donc je veux leur laisser la parole pour...

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Bellechasse.

Mme Vien: Oui. Je tenterai d'être très brève et touchante. C'est essentiel.

Le Président (M. Brodeur): Oui. Toujours touchante, Mme la députée.

Mme Vien: Mme Bonin, M. Dumoulin, cher William, on est très contents que vous soyez là, aujourd'hui. J'emprunte les mots du président et je les fais miens pour dire à quel point on a vraiment senti qu'il y avait une passion chez vous, une urgence aussi en même temps de voir à ce que les choses puissent trouver... enfin qu'on puisse trouver des solutions.

Ceci étant dit, je pense que vous adhérez au constat qu'il puisse y avoir et qu'il y ait déjà des bâtiments excédentaires. J'ai bien compris?

M. Dumoulin (Louis): Oui. Mais excédentaire, ça ne veut pas dire à démolir...

Mme Vien: Non, non, on s'entend. On s'entend, monsieur.

M. Dumoulin (Louis): ...et il y a plusieurs degrés, plusieurs degrés d'appropriation de ces espaces-là, de ces enveloppes architecturales comme des intérieurs. Je pense que plus un bâtiment est chargé d'histoire et de relations avec la communauté qui l'a construit... C'est sûr qu'il y a des bâtiments qui sont plus facilement recyclables que d'autres, à cause du parti architectural.

Mme Vien: Justement, M. Dumoulin, est-ce que vous avez réfléchi aux critères qui devraient nous guider quant à la détermination si tel bâtiment ou tel autre bâtiment doit passer dans la classe excédentaire? Est-ce que vous avez réfléchi à ce genre d'élément là?

M. Dumoulin (Louis): Bien, premièrement, moi, je pense que le premier critère de tous, c'est les besoins de la communauté. C'est qu'est-ce que les gens autour ont besoin comme services communautaires, et j'inclus le culte comme un service communautaire. Après ça, il ne faut pas voir le bâtiment uniquement, comme j'ai dit, entre les quatre rues qui l'entourent, il faut le voir dans un environnement le plus large possible, parce que la solution, comment utiliser un bâtiment...

Ça, c'est l'église qui décide s'il est excédentaire, compte tenu de sa clientèle. Mais après ça il y a une autre clientèle plus large, plus neutre, et c'est vers celle-là qu'il faut aller après pour conforter. Des fois, le culte peut rester là s'il y a des usages complémentaires. Donc, on peut permettre au culte d'occuper l'espace ou de rester dans cet espace-là sans frais énormes si on peut trouver le bon mixte d'usages. Donc, c'est pour ça que la question...

Excédentaire, dans le fond, il n'y a à peu près rien d'excédentaire, sauf que c'est juste qu'il faut savoir quels usages il faut combiner ensemble pour permettre de répondre à tous les besoins. Les usages, ce n'est pas rien que, quand on parle de la communauté... C'est pour ça que d'ailleurs on fait appel à l'État, d'une certaine façon. On se dit qu'une structure qui pourrait être au courant un peu de tout ce qui se passe au niveau de projets peut dire: Bien, là, l'église Saint-Jean-Baptiste, c'est une église, donc on doit y garder le culte, mais en même temps il y a une institution quelconque qui a besoin d'espaces, puis on pourrait les mettre en contact, mettre en contact ces deux usages-là, ces deux groupes de promoteurs ? l'Église étant un promoteur quand même très actif, là, elle a fait ses preuves ? et donc combiner ces usages-là, je veux dire, puis il y aura des ententes basées sur le temps. Donc, si, un jour, le culte revient en force, bien le deuxième usage ou les usages liés à la notion d'excédent, là, pourront disparaître et l'Église reprendra sa place.

La question, c'est d'avoir une structure, une boîte, une grande boîte dans laquelle on pourra mettre les besoins, les projets de la société, un promoteur immobilier, des sources de financement, puis de voir comment les projets pourraient s'arrimer, au lieu d'attendre que le hasard fasse rencontrer des univers complètement différents. Je veux dire, il faut jouer le rôle de catalyseur. Il faudrait qu'il y ait un organisme qui joue le rôle de catalyseur pour amener les choses ensemble au lieu d'attendre le hasard.

Mme Vien: Quel est cet organisme, monsieur? C'est un peu la question qu'on pose dans le document. Quel est cet organisme?

M. Dumoulin (Louis): Bien, moi, je suis membre d'une coop d'habitation. On a vécu...

Mme Vien: Laissez-moi 30 secondes, cher monsieur, si vous permettez. Il y a les fabriques qui sont dans le décor, vous avez l'État qui est dans le décor, vous avez plein de monde qui sont...

Une voix: Les municipalités, MRC.

Mme Vien: Oui, MRC, municipalités, l'État.

M. Dumoulin (Louis): Oui. D'accord. Bien, je dirai que les fabriques ont fait la preuve qu'elles ne pouvaient pas gérer le patrimoine architectural. Elles peuvent gérer le culte, mais, dès que le problème devient trop gros, que ça dépasse les capacités financières et le pouvoir des fabriques, elles sont complètement perdues face à ce projet-là.

Moi, je n'oserais pas dire que j'accompagne la fabrique, mais j'ai quand même regardé comment elles ont évolué, à travers les années, face à ce projet-là et je les vois complètement dépassées par ça. Puis, il faut dire que la clientèle des assemblées de fabrique, c'est des gens âgés, c'est des gens qui ont déjà beaucoup donné. Des fois, je me demande s'ils ne donnent pas tant qu'ils en meurent, là. C'est des gens qui se donnent beaucoup. Alors, c'est sûr qu'il faut à la fois les décharger de cette responsabilité énorme qui... Parce que protéger du patrimoine architectural, puis de la culture, puis de l'ethnologie, puis des oeuvres d'art, ça ne rentre pas dans leurs... Je ne veux pas dire que ça ne les intéresse pas, mais ça dépasse leurs compétences, comme ça dépasse les miennes. Donc, il faut avoir comme une espèce de groupe d'action qui regrouperait des gens qui sont sensibilisés à la fois à l'architecture, à l'ethnologie, à la conservation des oeuvres d'art, etc., et des gens qui savent compter, qui savent évaluer l'espace, voire son potentiel, mais, au lieu d'attendre que le hasard les mette ensemble, d'avoir des groupes multidisciplinaires d'intervention qui pourraient justement conseiller les propriétaires. Malheureusement, actuellement, dans le cadre de la Loi des fabriques, c'est eux autres qui sont soi-disant les propriétaires, mais des propriétaires incompétents. Donc, il faut les aider.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

n(16 heures)n

Mme Léger: Merci, M. le Président. Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Si vous me permettez, la première question, j'aimerais bien la lancer à notre jeune participant, William. Cher William, si tu pouvais nous dire pourquoi tu aimes les églises.

M. Gobeil (William): Parce que j'aime entendre les cloches, puis c'est les orgues.

Mme Léger: Les cloches et les orgues. Et qu'est-ce que tu as fait pour participer? Des dessins?

M. Gobeil (William): Oui.

Mme Léger: Parle-moi-z-en un peu.

M. Gobeil (William): Bien, j'ai dessiné beaucoup d'églises. Puis aussi c'est plutôt la nativité que j'aime aussi. C'est toutes les églises que j'aime puis aussi les cathédrales que j'aime beaucoup.

Mme Léger: Je ne sais pas si, madame, vous voulez ajouter un peu de la participation du jeune?

Mme Bonin (Mireille): Bien, ça s'inscrit dans un effort qu'on a fait pour vendre des calendriers. Moi, je travaille dans le quartier Saint-Roch, qui est le voisin de Saint-Jean-Baptiste, et j'ai beaucoup de mes collègues qui vivent dans Saint-Jean-Baptiste, dans Saint-Roch, et je savais que le fils de ma collègue, qui travaille avec moi aux Affaires indiennes, aimait beaucoup les églises. Alors, quand j'avais les calendriers à vendre, il a dit: Bien, je vais te faire des beaux dessins. Alors, c'est comme ça qu'il a fait des dessins pour nous encourager dans la vente de nos calendriers, puis c'était sa façon à lui de manifester l'intérêt qu'il avait pour la sauvegarde de l'église. Alors, c'est comme ça que je l'ai ajouté à ma présentation.

Mme Léger: Et, avec l'expérience que vous avez, madame, vous parlez de la participation du citoyen. Comment vous la voyez, cette participation-là du citoyen, avec l'expérience que vous avez, pour favoriser dans le fond la réflexion puis la sauvegarde du patrimoine religieux tel quel?

Mme Bonin (Mireille): Bien, nous, on est en réflexion pour lui trouver une pertinence, à l'église, dans l'état de nos... Le fait qu'on ne soit plus des pratiquants de la religion catholique, au Québec, en tout cas... Dans notre quartier, pour la plupart, on n'est plus des pratiquants de la religion catholique, mais le côté spirituel ne nous a jamais laissés, les Québécois. Alors, on le vit de différentes manières, notre spirituel, et des fois on est en recherche de spirituel. Comme on a abandonné la religion catholique, je veux dire, en vrac, à un moment donné, dans notre société, on est restés avec une espèce de manque spirituel.

Puis, moi, je le vois par mon travail, en travaillant avec les autochtones. Les autochtones ont gardé une spiritualité incroyable. C'est une des choses qui les distinguent, les autochtones, en ayant cette spiritualité-là, et ils se trouvent toutes sortes de manières de l'exercer, leur spiritualité. Alors, les Québécois qui ont abandonné la religion catholique n'ont pas pour autant abandonné leur spiritualité, mais on n'a pas encore trouvé vraiment un véhicule pour vivre notre spiritualité. Et, moi, je sais qu'une église, ça fait le travail.

Avant mes examens, j'étais à Montréal puis j'allais m'installer dans l'église Notre-Dame, sur la rue Saint-Paul, à Montréal, avant mes examens du Barreau, puis ça me faisait du bien d'aller à l'église. C'est quelque chose qui a... Le volume tellement incroyable fait en sorte qu'on devient des très petites personnes, et c'est un exercice d'humilité incroyable d'être dans un volume semblable. Moi, je trouve que, cet élément-là de la spiritualité, on pourrait le rechercher en tant que citoyens. On n'a pas vraiment fait une recherche sérieuse. On le sait, que c'est là, à quelque part, on n'a jamais pris le temps de le faire. Et là, parce que les églises sont en difficulté ? en tout cas, la nôtre, il lui reste quelques mois de survie, avec l'argent que le diocèse a mis pour les deux prochaines années, mais là on est déjà rendus à un an et demi de ce calendrier-là ? mais là on patauge, là, comme citoyens, on ne sait pas par quel bout prendre ça. C'est tellement énorme, sauver une église patrimoniale, qu'on ne sait pas vraiment... Mais on sait qu'on a une pertinence à aller y chercher... donc on est en recherche. Je ne sais pas si on va avoir le temps de finir notre recherche, mais on est en recherche.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Bonin, présidente du Conseil de quartier. M. Dumoulin, M. Gobeil, bonjour. C'est un plaisir de vous voir. Je vois aussi les membres du Conseil de quartier, citoyens, citoyennes de Saint-Jean-Baptiste, qui sont derrière. Merci pour votre mémoire, qui est un mémoire vraiment qui est basé sur le sentiment d'appartenance et de cette relation identitaire entre un quartier et son église, coeur de quartier, parce que cette église-là est vraiment le coeur du quartier.

Dans votre mémoire, un commentaire. J'ai beaucoup apprécié votre charte de valeurs, qui est non pas de valeurs morales, parce que, quand on dit «charte de valeurs» et qu'on parle de patrimoine religieux, on pourrait y accoler une connotation morale, mais bien charte de valeurs socioculturelles. Et je vois que vous avez le paysage dans cette charte de valeurs.

Plusieurs mémoires nous ont soulevé cela ? je pense à celui de la Commission de la capitale nationale qui vous appuie en ce sens ? qu'une église doit aussi être vue comme faisant partie du patrimoine urbain ou de village et qu'elle fait partie de... Sa place dans le paysage rural ou urbain est importante... l'église Saint-Jean-Baptiste, qui est dans le coteau. On la voit très bien d'un peu partout.

Il y a le débat de ce matin, et, d'après ce que mes collègues m'ont dit, les débats de l'extérieur ont beaucoup touché à qui appartiennent les églises, à qui appartient l'église. Vous donnez, vous, le concept de bien commun. Vous dites carrément: C'est un bien commun. Légalement, elle est au conseil de fabrique, mais effectivement il y a un sentiment, qui s'exprime, d'appartenance à la collectivité. Alors, à qui appartient l'église? C'est la première question que j'ai envie de vous poser.

Et, deuxièmement, dans le débat qui a lieu actuellement autour de l'église Saint-Jean-Baptiste, sa survie, avez-vous une place ou avez-vous trouvé une place? Et est-ce que ça a été facile, si vous en avez une, de trouver cette place? Donc, à qui appartient l'église? Et êtes-vous partie prenante de cette possession de l'église?

Mme Bonin (Mireille): Bien... Oui. Vas-y.

M. Dumoulin (Louis): C'est parce que vous recoupez la question de la députée précédente, à savoir comment intéresser le citoyen à la survie de cette église-là. Moi, je pense que c'est basé sur la communication, communication des renseignements, communication de la situation. Et le fait que l'assemblée de fabrique soit l'unique propriétaire, selon la Loi des fabriques, ne facilite pas du tout la communication. Donc, si on veut intéresser des gens, il faut les impliquer, il faut qu'ils soient au courant, et surtout, dès qu'ils s'approchent du projet, il ne faut pas les rejeter parce que, tout d'un coup, il y a un groupe de six ou neuf personnes qui sont les uniques propriétaires du bâtiment. Donc, il faudrait qu'il y ait une structure en tout cas qui soit accueillante. C'est drôle à dire, hein, qu'une église n'accueille pas, mais je trouve que c'est un gros problème en tout cas de faire en sorte qu'à un moment donné, dès qu'on se rapproche d'un projet, ah! là, ils deviennent les uniques propriétaires et ce sont les uniques décideurs de l'avenir de l'église. Or, quand ils sont dans le problème, ils se retournent vers la communauté en disant: Venez nous aider. Cet échange-là n'est pas honnête à mon avis, là. Donc, je pense qu'il faudrait comme revoir la Loi des fabriques, à mon avis, là ? je ne sais pas si Mireille est d'accord ? pour justement clarifier ce titre de propriété.

Moi, je considère que c'est un bien commun, mais on sait très bien qu'un bien commun, ça n'appartient à personne. Il faut vraiment qu'il y ait des gens qui en aient cette charge-là de gestion et de conservation, de mise en valeur. Mais actuellement la structure de propriété actuelle est insatisfaisante parce qu'on arrive dans un cul-de-sac. En tout cas, dans le cas de l'église Saint-Jean-Baptiste, on arrive dans un cul-de-sac et on ne sait jamais, d'un mois à l'autre, qu'est-ce qu'il va advenir de cette église-là. On se dit: Bon...

On a eu une bénévole, il y a quelques années, Mme Bergerette Boulet, qui a travaillé ardemment avec le Comité du patrimoine Saint-Jean-Baptiste pour classer cette église. Mais on se dit: Si ça n'avait pas été classé, cette église-là, dans quel état elle serait maintenant? Ce serait sûrement déplorable.

Mme Bonin (Mireille): Je pourrais peut-être dire qu'il y a une nuance énorme à faire entre le droit de propriété et un sentiment d'appartenance. Le droit de propriété, c'est une question juridique, et présentement, en droit, comme disait mon collègue, au niveau du droit, je pense qu'on est dépassés, cette loi-là est dépassée. La Loi sur les fabriques n'est plus apte à répondre aux besoins juridiques de la question de la propriété. L'appartenance, c'est tout autre, c'est un sentiment, et, de passer entre un sentiment d'appartenance et une responsabilité de protéger, bien il y a un pas à faire. Alors, c'est sûr qu'il y a énormément de travail à faire au niveau de la sensibilisation populaire pour qu'on passe d'un élément d'appartenance à une responsabilité, et ça, je ne sais pas comment on va faire ça. C'est énorme comme proposition.

Le Président (M. Brodeur): Pour une courte question, M. le député de Saint-Hyacinthe.

n(16 h 10)n

M. Dion: Merci, M. le Président. Avec votre permission, je ne poserai pas de question, mais je vais faire juste un petit commentaire pour vous remercier d'être venus nous rencontrer. Je pense que ce n'est pas nécessairement simple pour vous. Mais je dois vous dire qu'une des choses sur lesquelles vous avez beaucoup insisté, qui est l'importance de l'implication de la communauté locale ou la réponse aux besoins de la communauté locale un peu comme phare devant guider notre action, a été répétée à bien des endroits. Alors, vous pouvez être sûrs que vous n'êtes pas seuls. Et, la question de répondre aux besoins de la communauté, c'est un peu là aussi que le bât blesse, parce que, quand le besoin n'est pas de nature à susciter les fonds pour maintenir un monument comme celui de Saint-Jean-Baptiste, par exemple, c'est là qu'il y a un problème.

Par contre, à Saint-Jean-Baptiste, il y a peut-être une solution qu'il n'y a pas ailleurs: comme c'est un monument de nature nationale, bien il a un caractère particulier qui peut peut-être aider la conservation. De toute façon, je veux vous remercier.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci d'avoir livré votre mémoire en commission parlementaire. Je désire spécialement aussi remercier William, probablement une des plus jeunes personnes à venir faire un exposé en commission parlementaire. Et, pour la circonstance, Mme la députée de Chambly a quelque chose à lui dire et à lui remettre.

Mme Legault: Oui. Alors, William, nous, on est très, très heureux de t'avoir accueilli aujourd'hui, en commission. Je pense que c'est un jour important pour toi puis pour nous. Alors, on a pensé, les collègues, t'offrir une médaille, une réplique de la médaille de l'Assemblée nationale. Alors, tu pourras garder ça en souvenir.

Le Président (M. Brodeur): Donc, merci. Pour la remise de la médaille, je vais suspendre quelques instants, et peut-être que le prochain groupe, Fondation Domus Domini, peut en profiter pour s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

 

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Brodeur): Nous allons continuer nos travaux, les auditions sur le patrimoine religieux. Nous accueillons maintenant la Fondation Domus Domini. Donc, bienvenue en commission parlementaire.

Je vous explique brièvement les règles de la commission, qui se ressemblent un peu toujours: vous avez un temps maximal d'environ... pas d'environ mais de 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, de la façon que vous le jugerez à propos, et, à la suite de ça, c'est suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission.

Tout d'abord, je vous demanderais de vous identifier et de prendre immédiatement la parole pour la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Fondation Domus Domini

M. Lajoie (Yvan): Bonjour, M. le Président. Messieurs et dames, membres de la Commission de la culture, nous avons accepté avec joie, Mme Marlène Grenier et moi-même, l'invitation qui nous a été faite de présenter un mémoire aux audiences de la commission parce que nous croyons à la nécessité de travailler à la sauvegarde de notre patrimoine religieux. Mme Grenier est historienne de l'art, archiviste et directrice générale de la Fondation Domus Domini, et je suis le président de la fondation.

La Fondation Domus Domini est un organisme sans but lucratif créé le 8 février 2005 dans le but de conserver, mettre en valeur et augmenter le patrimoine religieux de l'église Saint-Dominique. C'est sur la Grande Allée, à Québec. Notre église a toujours été bien entretenue et elle fait l'orgueil de tous les résidents du quartier mais également de beaucoup de personnes qui habitent d'autres secteurs de la ville et même aussi des visiteurs.

Notre rôle est quand même différent de celui d'une fabrique. La fabrique se consacre surtout à l'entretien du bâtiment, comme vous le savez, soit le chauffage, les questions d'éclairage, la toiture, ainsi de suite, alors que, nous, notre projet, par exemple, pour 2008 est la remise en fonction du carillon de l'église, non pas le clocher mais le carillon, pour lui permettre de servir de moyen de rassemblement pour le quartier, pour les gens de ce secteur de la Grande Allée, près du parc des Champs-de-Bataille.

Maintenant, je vais continuer en présentant quelques commentaires généraux, puis nous passerons à des points peut-être plus particuliers, une dizaine de points.

Nous aimerions présenter aux membres de la Commission de la culture des commentaires réalistes et qui misent sur une responsabilité partagée entre les citoyens, les communautés religieuses et l'État, dont il ne faudrait pas minimiser le rôle dans la sauvegarde du patrimoine religieux. Nous entendons par l'État, c'est-à-dire les deux paliers de gouvernement, tant le gouvernement fédéral que le gouvernement québécois. Loin de nous l'idée de céder à la panique cependant et de vouloir trouver des solutions pour régler rapidement la question, qui demeure une question brûlante, celle du patrimoine religieux.

Par ailleurs, comme il est précisé dans le document de consultation qui nous a été remis, il ne s'agit pas pour nous de vouloir tout protéger. Mais je mettrais un bémol ici en disant que ça devrait être un objectif à atteindre idéalement. Mais pour nous il faut être certain de conserver ce qui doit être conservé et agir pour cela de façon cohérente et pertinente. Nous proposons plutôt des questions du genre de celles-ci: Pourquoi les citoyens tiennent-ils tant à conserver leurs églises? Le groupe qui nous a précédés nous en a donné un bel exemple, mais je pense qu'il y en a d'autres aussi qui pourraient le faire. Qu'est-ce qui fait la valeur de nos églises? Pourquoi les gens fréquentent-ils encore avec assiduité nos églises malgré tout? Pourquoi y a-t-il encore tant d'églises qui continuent à fonctionner assez bien, sans une aide substantielle de l'État?

Maintenant, je vais passer au point 3 de notre mémoire, qui s'intitule Envisager une nouvelle façon d'aborder le patrimoine religieux, et c'est en 10 points.

D'abord, miser sur le rôle dynamique de régulation et de protection de l'État. Il ne faut pas croire que l'État doit obtenir constamment des consensus, surtout dans des questions qui sont assez conflictuelles, comme celle du patrimoine religieux. L'État doit prendre ses responsabilités et intervenir au nom de l'ensemble de la société pour protéger le bien commun. Je pense que c'est son rôle principal.

Et je vais laisser à Mme Grenier le soin de continuer.

Mme Grenier (Marlène Lucie): Bonjour.

Le Président (M. Brodeur): Bonjour.

Mme Grenier (Marlène Lucie): Nous suggérons à ce sujet la lecture d'un article intéressant de la revue L'Action nationale sur le patrimoine religieux, par Mme Lucia Ferretti, historienne à l'Université du Québec à Trois-Rivières, où elle insiste pour dire que la sauvegarde d'un patrimoine identitaire... de responsabilité collective et, entre autres, de la responsabilité de l'État.

M. Lajoie (Yvan): Le deuxième point que je voudrais aborder, c'est la question de simplifier et non de grossir les problèmes. Parce qu'il y a toujours une façon d'aborder un problème. On peut le grossir de façon à en faire une patate chaude ou encore le simplifier pour le rendre à des proportions plus raisonnables et plus humaines. Donc, il faudrait dédramatiser la situation et le problème pour les rendre moins émotifs d'abord, étudier la question froidement, sans faire intervenir des éléments extérieurs qui sont peut-être importants mais qui sont indépendants du problème. Je pense ici aux facteurs qui relèvent de l'administration ecclésiale, en particulier la diminution du nombre de pratiquants, la baisse du nombre de nouveaux prêtres, le départ des prêtres à la retraite, la baisse des quêtes et de la capitation, la religion qui est exclue des écoles, et j'en passe.

Donc, je pense que c'est des questions extrêmement importantes mais qui nous écartent un petit peu du problème. Et donc il ne faut pas grossir inutilement les chiffres, comme le nombre d'églises qui vont fermer ou qui ont fermé, surtout ne pas présumer que plusieurs des églises qui ont été aidées financièrement par l'État vont fermer nécessairement par la suite ou prochainement.

n(16 h 20)n

Donc, je pense qu'il faut agir plutôt en mettant de l'avant une saine comptabilité basée sur un inventaire scientifique des lieux de culte et prendre le temps d'établir des bases solides et permanentes.

Mme Grenier (Marlène Lucie): Alors, comme troisième point, adopter une attitude positive, c'est de cesser de croire que l'argent qui est investi dans la protection et la mise en valeur des églises constitue un détournement de fonds publics, lesquels seraient mieux placés ailleurs. Surtout, ne pas comparer cette aide financière, comme un historien l'a fait récemment, à un scandale équivalent à celui de la Gaspésia. Il faut que protéger nos bâtiments religieux devienne un fait établi et que par la suite on ne revienne plus sur cette question. Adopter une attitude positive dans l'analyse de la situation et miser sur les actions et les attitudes qui ont donné des réussites. De plus, ne pas mettre l'accent uniquement sur les erreurs du passé pour planifier l'avenir; envisager plutôt l'avenir d'une façon lucide en mettant de côté les préjugés.

Comme quatrième point, réitérer la propriété des églises. Les églises appartiennent de droit à l'Église catholique, elles sont administrées par celles-ci, et les citoyens en sont les premiers bénéficiaires. Par conséquent, l'Église devrait prendre davantage sa place dans les débats relatifs à la protection et à la conservation de son patrimoine, comme le ferait une bonne mère en défendant les intérêts de ses enfants, et non simplement être le spectateur de ce qui se passe. Je donne en exemple ce qui se passe lorsqu'une église est fermée au culte. Ne devrait-on pas mettre immédiatement les scellés et sur les objets du culte de cette église et sur ses archives afin d'éviter qu'une personne bien intentionnée fasse le ménage en jetant les vieux papiers?

Ensuite, procéder à un inventaire des objets et prendre le temps afin d'éviter la dispersion des objets à tout vent ou leur dilapidation. De plus, il faudrait reconsidérer la composition des conseils de fabrique. La règle de l'obligation, pour un membre du conseil de fabrique, de résider sur le territoire paroissial devrait être supprimée pour tenir compte des nouvelles réalités des paroisses.

M. Lajoie (Yvan): J'aborderai maintenant la question d'une politique du patrimoine religieux. Nous souscrivons à la neuvième recommandation du rapport Arpin qui demande la création d'une commission du patrimoine qui remplacerait l'actuelle Commission des biens culturels, mais avec des pouvoirs élargis, comme le recommande le rapport. Et ce n'est pas ici une critique de l'action de la Commission des biens culturels. Nous suggérons des pouvoirs élargis, donc des ressources et des pouvoirs élargis. Cet organisme et ses comités, par exemple le Comité du patrimoine cultuel ? ou religieux ? seraient consultatifs et indépendants du ministère de la Culture et des Communications quant à leur fonctionnement. D'ailleurs, pour éviter tout risque de collusion tout en assurant une continuité, le mandat des membres devrait être de deux ou de trois ans.

De plus, nous croyons que cette commission devrait être formée de plusieurs personnes et non uniquement de petits groupes de fonctionnaires provenant d'horizons divers. C'est-à-dire, l'histoire, la religion, l'architecture, l'anthropologie, l'ethnologie, la sociologie, la philosophie de même que l'archivistique devraient être représentées. Et cette commission-là pourrait aussi donner lieu à une politique du patrimoine. Rappelons ici que l'ancienne présidente de la Commission des biens culturels soulignait, dans un numéro du bulletin de la commission, que M. Marcel Junius prend position en faveur d'une politique globale de protection du patrimoine, et ça, c'était en 1982-1983. Plus de 20 ans après ces démarches, nous attendons encore une politique du patrimoine qui soutiendrait les efforts du milieu pour protéger et conserver les églises.

Il est évident que le patrimoine religieux ne peut pas être exclu d'une politique d'ensemble du patrimoine, laquelle doit relever d'une politique culturelle globale où les valeurs sont définies, de même que le partage des responsabilités, ce qui donne alors toute sa cohérence à l'ensemble.

Mme Grenier (Marlène Lucie): Comme autre point, adopter des modalités originales de financement. La 25e recommandation du rapport Arpin incite le ministère à investir davantage par ses programmes d'aide dans le patrimoine et elle ajoute que le ministère doit également travailler à trouver d'autres sources de financement. Ainsi, des pays comme la France nous proposent des modèles de financement du patrimoine religieux, pour peu qu'on s'y intéresse. Tout d'abord, encourager le mécénat. Pensons alors au mécénat comme formule possible de financement, qui n'a jamais été bien à l'honneur au Québec mais qu'il faudrait sans doute encourager par des mesures appropriées. En France, par exemple, la loi n° 2003-709 du 1er août 2003, relative au mécénat, aux associations et aux fondations, nous propose des solutions qui pourraient sans aucun doute s'appliquer au Québec.

Pour favoriser cette mesure législative, un colloque à eu lieu le 21 juin 2005, à l'École du Louvre, sur le mécénat, outil de management pour les entreprises et culturelles. Le mécénat est en effet considéré actuellement comme un véritable atout pour le développement et le rayonnement des projets culturels et artistiques.

De plus, il pourrait être question de créer une loterie du patrimoine. Une autre solution résiderait dans la mise sur pied d'une loterie du patrimoine religieux, sous les auspices de Loto-Québec, dont les modalités resteraient à définir.

Il pourrait être aussi question d'ajouter un impôt ecclésiastique de 1 % du revenu. Serait facilement envisageable, comme cela se fait en Allemagne, la création d'un impôt ecclésiastique qui s'appliquerait à tous les citoyens, en considérant le principe, qui a cours en France et dans d'autres pays, que les églises sont un bien du patrimoine de la collectivité. Par conséquent, la collectivité dans son ensemble doit être responsable de l'entretien, de l'amélioration et de la pérennité de cet héritage comme d'un legs intergénérationnel, et ce, dans une perspective de développement durable. Cet impôt qui serait affecté au patrimoine religieux prendrait la forme d'une taxe de 1 % du revenu de tous les particuliers et pourrait être accompagné d'un crédit d'impôt. Pour cela, il faudrait procéder méthodiquement, premièrement en éduquant la population, parce que nous pensons que la population du Québec souffre d'un manque d'information sur la conception méticuleuse du patrimoine.

M. Lajoie (Yvan): L'autre point est valoriser l'évaluation patrimoniale des églises. Il faudrait encourager la gestion par les valeurs, comme nous y invite la Commission des biens culturels dans une étude de juin 2004 intitulée La gestion par les valeurs: exploration d'un modèle. Les auteurs de l'étude ont exploré différentes méthodes d'évaluation du patrimoine religieux qui nous ouvrent des fenêtres sur les valeurs à privilégier lors de l'évaluation patrimoniale et qui ne se limitent pas à la seule valeur d'usage, qui semble le critère principalement retenu, selon certaines personnes. Dans l'article de la revue de L'Action nationale cité précédemment, Mme Lucia Ferretti précise les critères retenus par la Fondation du patrimoine religieux dans la deuxième phase de l'inventaire des lieux de culte du Québec. Ces critères nous semblent tout à fait pertinents et devraient permettre d'obtenir un tableau d'ensemble de la situation des lieux de culte au Québec. Elle précise que l'un des objectifs de ce travail est de faire connaître aux communautés locales de tout le Québec la valeur réelle de leur patrimoine et de les sensibiliser à la nécessité d'investir personnellement dans ce patrimoine.

Il faudrait prévoir aussi de nouvelles activités de sensibilisation à l'échelle du Québec. En Europe, on assiste, en septembre de chaque année, aux Journées européennes du patrimoine, qui ont pour but de valoriser et de faire connaître le patrimoine en créant un élan populaire en faveur de sa restauration dans les années qui viennent. Il serait sans doute possible d'instaurer de telles manifestations culturelles au Québec qui pourraient contribuer à développer ou à maintenir un sentiment de fierté des Québécois, peu importent leurs origines et leurs croyances envers leur patrimoine religieux, des journées du patrimoine, y compris le patrimoine religieux, qui s'étendraient sur une semaine et feraient appel à une variété de moyens mis en valeur tant sur le plan historique, artistique, culturel, architectural, théâtral, musical et littéraire.

Mme Grenier (Marlène Lucie): Et je termine par les deux derniers points. Revoir la mise aux normes pour l'adapter à la situation particulière des églises et des bâtiments religieux. Nous croyons que les fonctionnaires du ministère et ceux des municipalités devraient user davantage de discernement lorsqu'il s'agit des mesures visant la mise aux normes des bâtiments historiques tels que les églises, les couvents et les monastères. Il y aurait sans doute lieu de considérer la situation particulière de chacun de ces édifices. La plupart du temps, ils sont demeurés intacts, jusqu'à aujourd'hui, sans problème majeur. Mais voilà que soudainement, sous le prétexte de la sécurité à tout prix, on oblige les responsables de ces édifices religieux à effectuer de coûteuses transformations. Celles-ci risquent alors non seulement de défigurer partiellement les lieux, mais surtout d'obliger les propriétaires à les fermer à cause du coût prohibitif de la mise aux normes.

n(16 h 30)n

Enfin, s'interroger sur les effets de l'abolition du tarif biénergie par Hydro-Québec. L'abolition du tarif biénergie ainsi que l'augmentation substantielle du prix du mazout auront des effets considérables sur le budget des fabriques. Nous savons pertinemment que plusieurs fabriques devront alors prendre décision de fermer leurs églises pendant l'hiver à cause du coût trop élevé du chauffage. Cette mesure pénalisera l'ensemble des Québécois, qui verront ainsi leurs châteaux, comme on appelle souvent les églises, se détériorer très rapidement sous l'effet de l'humidité et des changements extrêmes de température. Que l'on songe seulement aux effets néfastes de l'humidité et des changements de température sur les sculptures, la maçonnerie, les oeuvres d'art, les vitraux et les autres pièces de mobilier qui ornent nos belles églises. Qui devra payer les réparations occasionnées par ce manque de vision?

Et, en terminant, la question que nous nous posons sur ces deux dernières mesures est celle-ci: Est-ce que ce sont des façons détournées de supprimer tous les édifices religieux du paysage québécois? Merci.

M. Lajoie (Yvan): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de cette belle présentation, une présentation qui a le mérite d'avoir beaucoup de suggestions, et on vous en remercie. D'ailleurs, j'en ai retenu. Celle du mécénat a été soulevée à quelques reprises. On a beaucoup parlé, depuis quelques semaines, également de fiducie, que le mécénat pourrait être inclus aussi dans une fiducie. On pourrait permettre, par exemple, à la fiducie de recevoir des dons. Donc, vous avez émis cette possibilité-là.

Vous avez aussi parlé de l'impôt de 1 %. On a réagi un peu ici parce qu'on peut s'imaginer qu'il y a... Depuis le temps que nous sommes en politique, nous avons entendu plusieurs fois cette suggestion-là. Admettons que nous l'avons entendue 100 fois. Ça pourrait faire 100 % du revenu des gens. Ha, ha, ha! Donc, c'est une suggestion que l'on a entendue à quelques reprises.

Je veux revenir sur, Mme Grenier, votre item 4 que vous avez soulevé, puis on l'a soulevé, ce matin, à quelques reprises. Vous avez dit que les églises appartiennent de droit à l'Église. Donc, je vais vous amener sur une question sur le droit de propriété qui est abondamment discuté depuis quelques semaines, en commission parlementaire. Vous dites que les églises appartiennent de plein droit à l'Église, au clergé, à l'évêché, mais vous dites également du même souffle que c'est un bien collectif. Donc, pour le bénéfice des membres de la commission... Puis on a bon parlé abondamment du droit de propriété des églises parce que la loi actuelle, la Loi des fabriques, donne la propriété de l'église comme telle à la fabrique et éventuellement à l'évêché.

Vous, de quelle façon vous voyez la propriété? Plus clairement, j'aimerais savoir comment vous voyez le droit de propriété des églises. Est-ce que ça appartient à l'Église comme telle, à l'institution, à l'évêché, ou ça appartient aux paroissiens, en droit collectif? Parce qu'il y a une distinction à faire entre les deux, là. J'aimerais vous entendre un peu plus sur le sujet.

Mme Grenier (Marlène Lucie): Oui. Enfin, c'est certain que toutes les églises ont été payées avec l'argent des contribuables par les dons, par les capitations, par d'autres sources. Jusqu'à présent, c'est l'église qui en a fait l'administration par les conseils de fabrique. Bon, c'est difficile, c'est certain, à discerner, là, mais ce qui est certain, c'est que bon les églises ont été administrées par l'Église jusqu'à présent, mais elles ont été payées par l'argent de la communauté. Donc, c'est un bien commun. C'est un bien commun, nous en avons tous la responsabilité.

Le Président (M. Brodeur): ...comprendre que c'est un bien collectif au sens que ça appartient aux paroissiens, selon vous?

Mme Grenier (Marlène Lucie): Oui.

Le Président (M. Brodeur): Je pense que vous avez quelque chose à ajouter?

M. Lajoie (Yvan): Oui. Est-ce que je peux ajouter quelque chose, M. le Président?

Le Président (M. Brodeur): Oui, allez-y.

M. Lajoie (Yvan): Nous avons assisté à un colloque dernièrement, à Montréal, sur l'avenir des églises et de quelles églises il s'agissait, et la question centrale qu'on posait, c'était justement: À qui appartiennent les églises? Et curieusement la plupart des présentations faites par des étrangers, soit des États-Unis... Je peux nommer tous les pays, là: la Norvège, même l'Allemagne, la France, évidemment. Tout le monde n'a pas posé la question de la propriété des églises. Pour eux, la question centrale, c'était: Comment sauvegarder le patrimoine religieux? Alors, nous autres, ça nous a interrogés un peu, parce que les seuls qui posaient la question, c'étaient les représentants du Québec. Ça fait que, je me dis, c'est assez surprenant, là.

Puis vous pourrez revoir les comptes rendus des actes du colloque, c'est assez flagrant comme situation. Et, je me dis, bien peut-être qu'ici, au Québec, on se pose beaucoup plus la question de la propriété, alors que dans le fond les églises appartiennent à l'Église, comme on vient de le dire. Mais je pense que l'État a un devoir de mémoire et de protection du patrimoine et je pense que son rôle aussi doit intervenir là-dedans, de telle sorte que je penserais, moi, à une entente possible entre l'Église et l'État, comme ça se fait dans d'autres pays, comme ça s'est fait en France en 1905, mais une entente peut-être particulière au Québec. On est une société peut-être distincte, alors je pense qu'il y aurait possibilité de s'entendre, mais à la condition que l'Église puisse aussi avoir son mot et dire son mot dans le débat actuel, ce qui n'est pas encore le cas. En tout cas, ce n'est pas manifeste pour le moment.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Vous comprenez que, dans toute législation, on doit avoir à première vue le nom du propriétaire pour légiférer. Donc, c'est pour ça que c'est de première importance d'établir en premier lieu qui est le propriétaire de ces églises-là. Mme la députée de Bellechasse.

Mme Vien: Bonjour, monsieur. Bonjour, madame. Est-ce que vous acceptez de dire qu'il existe, au Québec, des églises excédentaires?

M. Lajoie (Yvan): J'aimerais savoir un peu, quand on pose cette question-là, par rapport à quoi, là, excédentaires par rapport à quoi. J'aimerais qu'on précise parce que je n'ai pas encore bien défini la notion d'excédentaire.

Mme Vien: Bien, en fait, c'est ça, des lieux de culte et des... Ce sont des endroits qui sont plus ou moins visités, utilisés et qui peuvent représenter quand même un sentiment d'appartenance chez les paroissiens ou les citoyens d'un lieu en particulier, mais qui sont plus ou moins utilisés. C'est le coeur, là, c'est le coeur, ici, je pense, de la problématique, entre autres choses, parce que, si on n'avait pas de bâtiment excédentaire, si on avait des fidèles à l'intérieur de nos églises, il n'y aurait pas personne qui serait ici, aujourd'hui, à se poser des questions.

Est-ce que vous acceptez cette idée-là? Et, si oui, effectivement est-ce que vous avez réfléchi, monsieur, madame, sur les critères qui devraient nous guider, à savoir quelles églises devrions-nous garder?

M. Lajoie (Yvan): Bien, personnellement, en tout cas pour moi, la notion d'église excédentaire, je pense que dans le fond ce n'est pas un problème qui devrait se régler théoriquement, mais je pense qu'il faudrait prendre chaque église cas par cas pour voir un peu la situation, parce que ça peut varier énormément, là. Qu'on soit à Montréal ou dans une église de campagne, la notion d'excédentaire est très variable, d'autant plus qu'avec le regroupement des paroisses par la fusion il y a quand même une rotation qui se fait. Donc, les problèmes deviennent un peu complexes à un moment donné.

Et pour moi la notion d'église excédentaire, c'est aussi très relatif, parce que j'ai quand même visité un peu en France, et je me rends compte que les églises existent, elles sont fréquentées plus ou moins, mais peut-être aussi surtout par des visiteurs. Alors, pour eux, la notion d'excédentaire n'existe pas. Il y a des églises, il faut les entretenir. Moi, je pense que c'est ma perception à moi. Tant qu'une église peut fonctionner, elle doit fonctionner, puis l'État a un rôle à jouer là-dedans, et aussi bien sûr la communauté locale de proximité. C'est un petit peu ma perception des choses. Mais peut-être que Mme Grenier pourrait ajouter...

Mme Grenier (Marlène Lucie): Non, je vais dans le sens de mon confrère. Excédentaire par rapport à quoi, finalement? Bon, on veut dire qu'il y a des églises en trop. Je crois qu'elles servent...

Mme Vien: C'est carrément ça, là. C'est ça. Vous avez dit, d'entrée de jeu: On va faire une présentation qui est réaliste, c'est ce que vous nous avez dit, et je pense que tout le monde s'entend ici, aujourd'hui, et c'est ce qu'on a entendu aussi à travers les rencontres que nous avons faites jusqu'à maintenant, c'est qu'il existe effectivement des bâtiments excédentaires.

Mme Grenier (Marlène Lucie): Oui. Bien, c'est sûr qu'il y en a beaucoup.

Mme Vien: Au premier abord, c'est parce qu'il n'y a personne dedans ou à peu près, là. C'est ça, la question.

Je voudrais vous emmener sur un autre terrain. M. le président a raison, vous avez amené des suggestions, mais je comprends aussi que vous avez des doléances à formuler, que vous les avez formulées ici, aujourd'hui, notamment sur la Commission des biens culturels, en même temps aussi sur les municipalités, les MRC, concernant les normes du bâtiment, bon, donc des organisations sur le terrain. Est-ce que vous avez eu à vous pencher, par exemple, sur l'action quand même qui a été positive, de mon point de vue à moi, là, à certains égards, de la Fondation du patrimoine religieux? Est-ce que vous avez pu vous pencher sur cette question-là, son action, qu'est-ce qu'on a amené jusqu'à maintenant, l'inventaire qu'on a dressé, etc.?

n(16 h 40)n

Mme Grenier (Marlène Lucie): Oui. Bien, concernant l'inventaire, c'est quelque chose, entre autres, qui aurait dû être fait depuis plusieurs années. Ça aurait dû être une obligation, pour chacune des églises, de prendre en main cet aspect, de faire son propre inventaire. D'ailleurs, nous aurions assisté à moins de dilapidation du patrimoine, moins de répartition d'un bord à l'autre du patrimoine. Mais, oui, je considère que les actions qui ont été posées jusqu'à présent par la commission, ça a été très bien, mais c'est très difficile d'évaluer exactement, sans évaluation totale des bâtiments, les bâtiments les plus importants bon en décalant quels sont ceux qui devraient être, si vous voulez... où les argents devraient être investis en premier par rapport à d'autres. Moi, je trouve que c'est très difficile parce qu'elles sont toutes sur le même pied, je considère.

Une voix: ...

Mme Grenier (Marlène Lucie): Oui. Pour moi, oui. C'est sûr qu'il y a des églises qui sont classées, il y a des églises qui ont un patrimoine plus riche, tout ça, mais pour moi elles sont toutes sur le même pied et je les considère dans l'ensemble. Je me dis: Bon, ça vaut la peine qu'on fasse le maximum pour les conserver.

M. Lajoie (Yvan): Moi, j'ajouterais, si vous permettez, que les églises ? puis je partage entièrement l'opinion de Mme Grenier ? les églises du Québec, c'est ce qui nous différencie aussi et c'est ce qui nous marque sur l'échelle, sur la carte. Parce que, si on abolissait des églises, par exemple, dans des villages, si elles disparaissaient du jour au lendemain, bien je pense que les villages du Québec n'auraient plus la même couleur, et je pense que la ville ici même, le Vieux-Québec n'aurait plus la même couleur si on rasait les clochers, là, et je pense que...

Dernièrement, à Dresde, en Allemagne, on a rebâti une cathédrale à coups de centaines de millions, là, parce qu'elle avait été détruite pendant la guerre. Alors, pourquoi? Posez-vous la question. Je la pose moi-même. Mais, je me dis, c'est tout simplement parce qu'il manquait quelque chose dans le paysage, puis les gens ont voulu le reconstruire, puis il y a un témoignage... Je pense que c'est un devoir de mémoire de conserver ce qu'on a, surtout lorsqu'on l'a. Puis, à plus forte raison, des gens reconstruisent des monuments disparus. Je pense même à une petite église à Lunenburg ? c'est en Nouvelle-Écosse, je pense ? où le Bluenose a été lancé, où on a reconstruit à l'identique l'église qui avait été rasée par le feu. Les citoyens ont déployé beaucoup d'énergie, beaucoup d'efforts, beaucoup d'argent, mais parce qu'ils y tenaient, à leur église. Alors, je me dis, ici, au Québec, on a de très belles églises, on les appelle nos châteaux, et là on voudrait les rendre excédentaires, dans le sens que, s'il y a peu de gens qui les fréquentent, on voudrait les éliminer.

Il y a un chiffre qui circule, puis je voudrais bien qu'on m'apporte aussi des preuves, là, qu'il faudrait détruire ou éliminer 60 % des églises du Québec pour n'en conserver que 40 %. Je trouve ça vraiment fort. En tout cas, je n'ai pas vu de statistique m'apportant aussi des preuves de la nécessité d'une telle statistique. Alors, pour moi, là, la question des églises excédentaires... Il y en a, c'est certain peut-être, mais je pense que c'est au cas-par-cas que ça doit se régler.

Mme Vien: Monsieur, permettez-moi...

M. Lajoie (Yvan): Oui, allez-y.

Mme Vien: Moi, en tout cas, je ne sais pas le langage, je ne pense pas que ce soit le langage non plus ni l'argumentaire de la commission de penser qu'on doit absolument démolir ou en tout cas éliminer des églises. Ce n'est pas le but recherché. Au contraire, ce qu'on veut faire, c'est essayer de trouver des solutions. Mais réalistement...

Je vais vous donner l'exemple de Bellechasse: 29 municipalités, 29 églises. J'ai quelques municipalités où il y a 295, 300 habitants. Évidemment, je veux dire, avec le nombre de prêtres qui est en baisse de façon importante... Je suis dans le coin des frontières américaines. Voyez-vous la problématique, là? Si on décidait, par exemple, de dire: Oui, on prend une décision politique, on y va, on garde toutes nos églises, il y a une facture qui sort à l'autre bout, là. C'est qui qui la paie? Ça coûte des sous, ça coûte beaucoup de sous.

M. Lajoie (Yvan): Je suis parfaitement d'accord avec vous, madame. Ce n'est pas mon budget à moi, évidemment, mais, je me dis, les priorités de l'État, ça... Je pense que, si on prend l'exemple de ce qui se fait ailleurs, l'État investit beaucoup dans la sauvegarde de ses monuments. Qu'on prenne en France, qu'on prenne en Grèce, qu'on prenne en Espagne, l'État investit, et ici aussi.

Mme Vien: C'est 28 millions depuis deux ans qu'on investit.

M. Lajoie (Yvan): Oui, je sais.

Mme Vien: Mais il y en a tellement beaucoup...

M. Lajoie (Yvan): Mais ce n'est pas de l'argent qui est gaspillé, je pense, c'est de l'argent qui est bien placé.

Mme Vien: Non, non.

M. Lajoie (Yvan): Moi, je trouve qu'on a fait beaucoup d'efforts de ce côté-là, ici, au Québec, mais on devrait continuer et non pas s'arrêter. C'est ce que je veux dire.

Mme Vien: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier. Oui, M. le député de Mercier.

M. Turp: D'abord, je voudrais vous remercier pour votre mémoire. Il est très dense, très documenté. Vous nous présentez plusieurs références aux expériences étrangères, des références que l'on connaît, d'autres que l'on ne connaît pas, par exemple en Allemagne, dont on a peu parlé, devant cette commission, jusqu'à présent, et je trouve que c'est une très belle contribution aux travaux de cette commission, et je voudrais vous en remercier au nom de l'opposition officielle parce que je crois que ce sera un mémoire que nous allons vouloir relire au moment où nous allons délibérer et formuler nos recommandations.

J'ai quelques questions, mais j'ai une remarque quand même et un désaccord, un désaccord avec vous. Vous dites, à la page 3 du mémoire: «Par exemple, dans un premier temps dont la durée sera plus ou moins longue, il faudra s'attaquer au patrimoine religieux bâti, catholique, quitte à poursuivre parallèlement les recherches et les consultations dans les autres secteurs.» Alors là j'ai des réserves parce que, dans une société comme le Québec où la diversité, elle est valorisée, c'est vrai qu'il faut donner de l'importance au patrimoine bâti catholique, parce qu'il est important, il y a plus d'églises catholiques qu'il y a d'églises d'autres cultes, mais je ne pense pas qu'on doit exclure les autres, même dans un premier temps, parce qu'il y a des églises protestantes, il y a des églises qui méritent l'attention de l'État ou qui pourront et devront être soutenues par une fiducie, une fondation. Alors, je dois vous avouer que là-dessus, là, je suis en désaccord assez fondamental avec vous sur cette priorité comme exclusive aux bâtiments, au patrimoine bâti catholique. Mais je ne veux pas par là dire que cette contribution n'est pas utile et intéressante, et j'ai deux questions là-dessus.

Alors, le moratoire d'abord, parce que vous proposez, comme d'autres l'ont fait avant nous, un moratoire. J'aimerais ça que vous alliez un petit peu plus loin là-dessus. Le moratoire concerne qui? Comment fait-on cela? Sur quelle durée? Et je crois que c'est vraiment important parce que peut-être notre commission, qui pourrait conclure qu'il y a urgence, voudra proposer même au gouvernement qu'il y ait un moratoire, peut-être même avant qu'on dépose un rapport final. S'il fallait que notre rapport final ne puisse être déposé que plus tard, est-ce qu'on ne devrait pas avoir, comme proposition ou dans un rapport intérimaire, proposé, comme nous le suggèrent beaucoup de gens qui viennent devant cette commission, un moratoire? Alors donc, ça, c'est ma première question.

Ma deuxième question, c'est sur l'impôt ecclésiastique. Ce n'est pas évident qu'on puisse imposer un impôt ecclésiastique pour préserver le patrimoine, parce qu'un impôt ecclésiastique, c'est un impôt de nature religieuse qui devrait peut-être ne concerner que les pratiquants. Ce matin, on nous a proposé un impôt patrimonial, patrimonial. Alors, est-ce que je comprends que ce que vous voulez dire, c'est plutôt un impôt patrimonial qui serait imposé à tout le monde, quelles que soient leurs croyances, même en l'absence de croyance, pour préserver le patrimoine? Et, si tel est le cas, là, s'il y a un impôt en vertu de la grande maxime, là, «no representation without taxation», ou vice versa, là...

Des voix: ...

M. Turp: ...«no taxation without representation», alors quel rôle voulez-vous confier aux citoyens à qui on prélève un impôt lorsqu'il s'agit du patrimoine et de sa préservation, de quelque culte que ce soit? Et je m'en tiens à ces deux questions.

n(16 h 50)n

M. Lajoie (Yvan): Bien, je vais commencer par répondre, M. le Président, à la première question qui porte sur le moratoire, et Mme Grenier pourra peut-être enchaîner sur la deuxième question, quitte à y revenir.

Pour ma part, la nécessité d'un moratoire me semble assez évidente actuellement, dans ce sens que... Je vais prendre simplement un exemple. Nous avons fait une demande à la ministre de la Culture pour le classement de l'église Saint-Dominique, et la réponse nous est parvenue rapidement. Les raisons qu'on nous donne, c'est qu'actuellement le classement, le processus de classement pour les églises est suspendu jusqu'à temps qu'on fasse le point sur l'inventaire des lieux de culte au Québec et qu'on prenne des décisions. Donc, pour moi, ça veut tout simplement dire que l'inventaire est loin d'être terminé, que l'évaluation des églises selon aussi les catégories à protéger ou non n'a pas été encore faite ou terminée, et donc, par conséquent, on est un peu encore en attente. Donc, je pense qu'il faudrait peut-être attendre encore, se donner au moins un délai de quelques années pour parachever d'abord cet inventaire-là et établir aussi des lignes directrices, prendre... Il faudrait que le gouvernement se positionne aussi, je pense, vis-à-vis des lieux de culte. Donc, je pense qu'il y a encore du temps à se donner.

Et ce qui milite aussi en faveur de ça, c'est que la notion d'urgence qui a été... en tout cas qui semble soulevée par certaines personnes ne me semble pas tout à fait évidente, dans ce sens que bien sûr il y a urgence, mais pour moi l'urgence, c'est autre chose, là. Il est urgent que nous prenions conscience rapidement de l'importance de protéger nos lieux de culte. Ça, je pense que c'est urgent.

Maintenant, l'autre question, je pense qu'elle est encore... On peut se donner du temps parce que c'est une question budgétaire, et ça dépend des priorités gouvernementales, je pense. Alors, pour moi, la nécessité d'un moratoire, je pense qu'elle serait importante à la suite des travaux comme ceux de la commission, qui probablement devront être poursuivis par la rédaction d'un rapport, bien sûr, mais aussi peut-être par des études plus poussées dans tel, tel coin, sur tel ou tel aspect, selon les révélations qui auront été faites ici, parmi les nombreux mémoires que la commission a retenus. Alors, c'est dans ce sens-là, moi, que je vois la nécessité d'un moratoire de quelques années.

Pour ce qui est de l'impôt ecclésiastique ou patrimonial, bien, là, je laisserais peut-être commencer ma collègue.

Mme Grenier (Marlène Lucie): Alors, moi, je ne vois pas de problème à l'appeler impôt patrimonial aussi, impôt ecclésiastique, bon, patrimonial. La seule chose, c'est que bon les Québécois, on le sait, on est beaucoup taxés, on est beaucoup imposés. Comment susciter, si vous voulez, l'intérêt pour adopter un impôt comme ça et surtout le payer? Tout d'abord, je dirais, moi, que c'est par l'éducation, la sensibilisation.

Cet été, j'ai travaillé bon à l'accueil, à Saint-Dominique, pour accueillir les visiteurs, leur faire visiter l'église, le patrimoine Lauréat-Vallières, et j'ai été surprise des commentaires, surprise aussi que les gens ne connaissent pas les lieux de culte, par les réflexions, par la façon d'appeler telle chose, telle chose. Et, lorsqu'on leur expliquait, ils me disaient: Maintenant que je sais le nom, que je sais à quoi ça sert, je vais l'aimer davantage, je vais l'apprécier davantage. Alors ça, c'est une chose très importante, l'éducation, la sensibilisation. Et, si on commence avec les jeunes dans les écoles... Bon, là, je ne parle pas de cours de religion, ce n'est pas ça, mais c'est au moins les sensibiliser à ça, les amener faire des visites, et ça se transmet aux parents aussi puis ça suscite l'intérêt, puis aussi dépendamment des activités que l'on peut faire dans une église pour intéresser les gens, pour les faire participer. Je crois qu'on n'arrivera jamais à passer un impôt comme ça si les gens n'ont pas eu un processus avant d'intérêt, d'éducation et de sensibilisation.

Je ne sais pas si, Yvan, tu peux...

M. Turp: Je m'excuse, madame, je ne souhaite pas que vous réagissiez pour que ma collègue la députée de Taschereau puisse parler. Dans cette perspective-là, votre proposition d'imiter les Européens avec leurs Journées européennes du patrimoine est à mon avis une très bonne suggestion. J'espère que nous pourrons en débattre, parce que les Journées de la culture, au Québec, ont joué un rôle important dans la sensibilisation, comme pourraient le faire des Journées du patrimoine au Québec.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Lajoie. Bonjour, Mme Grenier. C'est un plaisir de vous rencontrer, d'autant que je sais à quel point, et c'est vrai... Je vous le dis, chers collègues, la façon dont cette église est gérée est extrêmement dynamique. J'ai eu l'occasion d'y aller pas nécessairement dans des circonstances heureuses, parce que c'est un lieu de recueillement quand il y a des pertes, mais on y est accueillis, elle est vivante, cette église, et beaucoup de paroissiens sont là à chaque dimanche, je les croise souvent.

Félicitations pour la qualité de votre mémoire. J'ai été très heureuse de voir que quelques personnes, au Québec, se souviennent du travail de M. Arpin, Notre patrimoine, un présent du passé, qui est un formidable livre qui jetait les bases d'une politique du patrimoine. Et effectivement la commission pourrait s'y référer quant au patrimoine religieux. Il y a des sections là-dedans qui sont extrêmement intéressantes. Merci de le soulever. Même si on n'a peut-être pas tout à fait une même opinion sur la Commission des biens culturels, je ne crois pas que M. Dufour, qui est ici présent, se qualifie comme fonctionnaire. Ha, ha, ha!

Vous présentez une liste de solutions, ou enfin d'objets de travail qui sont extrêmement intéressants. Je retiens, entre autres, les trois dernières: la sensibilisation, effectivement, les Journées nationales du patrimoine. Revoir la mise aux normes pour l'adapter à la situation particulière des églises a été amené, entre autres, par la ville de Québec, par quelques organisations. C'est important. L'abolition du tarif biénergie par Hydro-Québec est quelque chose de déplorable. Moi, j'ai déjà commenté ça et je trouve ça terrible pour les églises. Ça, là-dessus, si la commission voulait faire un geste rapide, ce serait de demander à Hydro-Québec où ils en sont, parce qu'ils devaient faire des travaux avec les églises pour arriver à une entente entre Hydro-Québec et les églises patrimoniales. Alors, je pense, de ce côté-là, que vous faites bien de le soulever. Je pense que la commission doit s'atteler à ce côté.

Maintenant, je vais vous dire, vous vous appelez la Fondation Domus Domini, première fondation qui s'occupe d'une église, pour moi, que je connaisse, qui soit attachée à une ? c'est ce que j'ai compris ? attachée à une église et qui soit tellement dynamique qu'elle pense non seulement conserver, mettre en valeur, mais même augmenter le patrimoine d'une église. Alors, première question: Quelle est cette espèce de lien entre l'église et la fondation? Parce que c'est un modèle qui peut être intéressant pour d'autres églises.

Deuxièmement, puisque vous êtes une fondation et que vous avez parlé d'impôt ecclésiastique, ou enfin patrimonial, est-ce que cet impôt devrait être versé dans ce type de fondation? Est-ce que vous avez un peu pensé au modèle de l'atterrissage de l'argent, une fois l'impôt prélevé? Est-ce que la Fondation du patrimoine religieux, par exemple, est le genre de chose que vous appréciez ou si... Vous avez vu les propositions qui sont à l'effet de créer un espèce de fonds de gestion du patrimoine global. Alors, j'aimerais vous entendre sur ces deux éléments.

M. Lajoie (Yvan): Merci, madame, pour le beau témoignage sur l'église Saint-Dominique.

Pour ce qui est de la fondation ? je vais répondre d'abord à votre première question ? la Fondation Domus Domini, dans le fond on a choisi ce nom-là, Maison du Seigneur, mais c'est vraiment plus particulier à l'église Saint-Dominique parce que, nous, nous avons quand même une affection un peu particulière pour cette église-là, et nous trouvons qu'elle est extrêmement belle sur le plan architectural, sur le plan artistique et sur le plan, je dirais même aussi, de l'accueil et de la pastorale, de la liturgie. Donc, il y a vraiment plusieurs facteurs qui militent en faveur de cette église.

Bien, nous, notre but, c'est de la rendre encore plus accueillante, plus belle pour attirer encore aussi peut-être davantage de personnes, que ce soient des personnes pratiquantes ou non, peu importe, là. Ça peut être même des visiteurs de passage, parce que, l'été, il y a beaucoup de visiteurs qui viennent. Alors, moi, je pense que c'est notre objectif de travailler à améliorer l'église. Oui, allez-y.

Mme Maltais: Juste une précision. Vous n'êtes pas le conseil de fabrique, vous êtes extérieurs au conseil de fabrique.

M. Lajoie (Yvan): Oui, oui, tout à fait. Nous sommes une corporation inscrite au registre des entreprises, une corporation indépendante, autonome de la fabrique. Maintenant, nous travaillons quand même de concert, qu'on le veuille ou non, parce que, comme la propriété de l'église appartient à la fabrique, il y a quand même une entente entre les deux.

Mme Maltais: Merci. Et sur la piste d'atterrissage de cet impôt?

n(17 heures)n

Mme Grenier (Marlène Lucie): Oui. Alors, on le mentionne, c'est sûr qu'idéalement, idéalement il pourrait y avoir une entité qui gérerait les fonds ramassés par cet impôt-là. C'est-à-dire, il pourrait y avoir, je ne sais pas, moi, un ministère du patrimoine religieux ou quelque chose comme ça qui, sans décupler les frais... Mais il est certain que ces argents doivent être gérés par un groupe de personnes, et non pas juste un petit comité, afin d'assurer une bonne répartition, afin de voir équitablement qui peut bénéficier de ces argents. Et, en ayant comme ça une taxe, je crois que tout le monde pourrait bénéficier des argents parce que ça permettrait de ramasser des sommes très intéressantes, et de pouvoir les répartir finalement dans... et ainsi d'assurer la longévité de certaines églises. On parlait de Saint-Jean-Baptiste, tout à l'heure, qui est à court terme très menacée. Donc, je crois que non pas seulement une commission, mais vraiment un regroupement de certaines entités, au niveau du patrimoine, pourrait faire la gestion de ces argents.

Le Président (M. Brodeur): Oui. En conclusion, vraiment en conclusion.

M. Lajoie (Yvan): Oui. Est-ce que je peux, c'est ça, apporter une précision, tout simplement? Bien, en fait, c'est tout simplement pour vous dire que nous avons lancé des pistes mais que nous ne sommes pas des spécialistes, par exemple, du financement. Il y a des exemples, par exemple, en Allemagne où ça existe. Peut-être qu'on pourrait aller voir là ce qui se passe un peu pour voir si ça pourrait être acceptable ici, au Québec. Alors, merci beaucoup de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de votre présentation. Merci à la Fondation Domus Domini. Donc, je vais ajourner nos travaux à demain, jeudi 3 novembre, alors que nous allons débuter nos travaux à 9 heures, demain matin, à Rimouski.

(Fin de la séance à 17 h 2)


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