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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mercredi 26 octobre 1983 - Vol. 27 N° 156

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur la Charte de la langue française


Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente des communautés culturelles et de l'immigration se réunit aux fins de poursuivre l'audition des mémoires et d'entendre tous les intervenants intéressés par la Charte de la langue française.

Sont membres de cette commission Mme Bacon (Chomedey), M. Payne (Vachon), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Fallu (Groulx), M. Godin (Mercier), M. Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Laplante (Bourassa), M. Leduc (Fabre), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Marx (D'Arcy McGee) M. Brouillet (Chauveau), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Gauthier (Roberval), M. Lincoln (Nelligan), M. Martel (Richelieu), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Fortier (Outremont). Le rapporteur est toujours M. Laplante, député de Bourassa.

L'ordre du jour d'aujourd'hui: d'abord, nous commencerons ce matin avec le groupe Alliance Québec. Par la suite, nous entendrons les mémoires de la cité de Côte-Saint-Luc, de l'Association des anglophones de l'Estrie, de l'Association des manufacturiers canadiens et celui de la ville de Hull.

Je prie donc nos invités d'Alliance Québec de prendre place et je demande au président, M. Maldoff, de nous présenter les gens qui l'accompagnent.

Alliance Québec

M. Maldoff (Éric): Merci beaucoup. M. le Président, mesdames, messieurs, membres de la commission, avant de commencer, je pense qu'il serait poli de présenter les membres d'Alliance Québec qui sont ici avec moi aujourd'hui. À mon extrême gauche, j'aimerais présenter M. Charles Matheson. M. Matheson est le trésorier d'Alliance Québec; il est comptable agréé et associé senior de la firme Peat Marwick Mitchell, à Montréal. Il a présidé le conseil de gestion du Montreal Children's Hospital et il est présentement président du conseil de la corporation du Montreal Children's Hospital. Mme Anne Usher, secrétaire d'Alliance Québec et membre fondateur; elle fut vice-présidente du Conseil des minorités du Québec pendant plusieurs années. Elle est infirmière professionnelle, possédant une solide expérience en services et en planification communautaires pour les personnes âgées; elle est membre de la commission administrative des services communautaires du Conseil régional des services sociaux de Montréal et elle a consacré cinq années comme membre du Conseil du statut de la femme du Québec. M. Bob Dobie, membre de l'exécutif d'Alliance Québec, élu en 1983. Il est l'ancien vice-président de notre organisme ainsi que du Conseil des minorités du Québec. M. Dobie joue un rôle de premier plan dans le monde de l'éducation comme secrétaire de The Provincial Association of Catholic Teachers et membre du conseil de direction de The English Speaking Catholic Council.

Quatrièmement, M. Michael Goldbloom. M. Goldbloom est le vice-président d'Alliance Québec. Il est un ancien éditorialiste du journal The Gazette. Il pratique le droit à Montréal. Il est membre du Conseil de la Croix-Rouge canadienne et de la Fondation canadienne des droits et de la personne.

Je m'appelle Eric Maldoff et je suis avocat à Montréal. Je suis président d'Alliance Québec. À ma droite, M. Jeffrey Chambers, directeur général d'Alliance Québec. Ensuite, le Dr James Ross. Le Dr Ross est le président du conseil d'administration d'Alliance Québec. Il a été élu lors de l'assemblée annuelle du mois de juin 1983. Il est président fondateur de la "Townshiper's Association" qui va se présenter aujourd'hui. Le Dr Ross est chirurgien en chef de l'hôpital de Sherbrooke, au Québec. Il réside dans les Cantons de l'Est depuis longtemps. Ensuite, M. Wendell Sparks. M. Sparks est un éducateur québécois renommé. Il est vice-président d'Alliance Québec. Il a été élu en 1983 pour représenter les intérêts des Québécois d'expression anglaise qui vivent à l'extérieur de la région métropolitaine de Montréal. M. Sparks a occupé plusieurs postes de prestige dans le domaine de l'éducation. Ensuite, Mme Marylee Kelley. Mme Kelley est un membre de l'exécutif d'Alliance Québec depuis 1982. Mme Kelley est biochimiste et elle a joué un rôle de premier plan comme présidente des auxiliaires de l'hôpital Montreal Children's et à l'Association des auxiliaires bénévoles des établissements de santé du Québec.

M. le Président, devant la commission, ceux-ci sont les membres de notre délégation aujourd'hui.

Alliance Québec est un organisme qui a été fondé au commencement de l'année 1982. Nous avons 40 000 membres à travers la province. Notre organisme regroupe 22 organismes régionaux qui représentent les anglophones à travers la province: dans la Gaspésie, le comité francophone "Social Action", dans l'Estrie, la "Townshiper's Association". Nous avons des chapitres membres dans toutes les régions de Montréal. Nous avons une organisation régionale dans l'Outaouais, qui s'appelle "Outaouais Alliance". À part cela, presque tous les organismes et institutions de notre communauté ou qui servent notre communauté sont membres d'Alliance Québec. Notre but, comme organisation, était de regrouper les membres de notre communauté afin d'établir une politique pour notre communauté, afin de décider quelles sont nos revendications, quelle est la direction que la communauté veut suivre au Québec. Nous sommes tous bien impliqués dans la société québécoise et nous sommes bien impliqués dans Alliance Québec afin de promouvoir un avenir pour les Québécois anglophones et francophones ensemble.

Ayant présenté Alliance Québec, M. le Président, j'aimerais commencer la lecture de notre mémoire.

Il y a plus d'un an et demi, le premier ministre du Québec a lancé un appel public au dialogue sur la loi 101 exprimant l'espoir que ce dialogue serait fructueux, raisonné et marqué au sceau de la bonne foi de tous. Alliance Québec, qui depuis le début de son existence fait preuve de son attachement à la raison et à la bonne foi, demeure convaincue qu'une résolution équitable, valable et productive du problème linguistique est possible au Québec. Ce débat a trop duré: il accapare et détourne nos énergies, engendre des frictions et cause, sur le plan humain, des pertes et dommages considérables. Mais nous pouvons vivre ensemble, francophones et anglophones du Québec, dans la dignité, la sécurité et le respect mutuel. Les obstacles ne sont pas insurmontables. Il est temps de les enlever.

Sur quoi porte le débat? Sur la nature même de la société québécoise. En aurons-nous une vision noble ou une vision étriquée? Deviendrons-nous une société dynamique et attrayante, point de mire par son excellence, protégeant la langue française et assurant son épanouissement tout en reconnaissant la dualité linguistique de notre histoire et en tirant tous les bénéfices possibles, ou bien deviendrons-nous une société unilingue, cloîtrée, isolée et timorée? Laquelle des deux fournirait à nous-mêmes et à nos enfants l'épanouissement et la prospérité que nous méritons? Il ne s'agit pas de questions hypothétiques. Elles sont tout à fait terre à terre. C'est avec un sentiment d'urgence que nous les posons. Les projections démographiques laissent entrevoir d'ici la fin du siècle une croissance plus lente pour le Québec que pour toute autre région du Canada. Les Québécois s'en vont et nous ne pouvons nous permettre de subir la continuation de ces pertes.

Il est inutile de dire avec étroitesse d'esprit que l'exode dure depuis plusieurs décennies. Le fait demeure que les gens s'en vont, emportant avec eux leur compétence, leurs investissements, leur emploi et leurs racines; ce qui nous prive de leur participation historique à la vie québécoise. La réalité est aussi que trop de gens refusent de venir au Québec et que la loi 101 constitue une des premières causes de ce refus. L'émigration augmente et l'immigration diminue. Le Québec a perdu quelque 100 000 personnes d'expression anglaise depuis 1976. Avec près de 1 000 000 de personnes d'expression anglaise, la majorité résidant dans la région montréalaise, mais près de 150 000 autres personnes réparties entre la Gaspésie et l'Estrie, entre le Bas-Saint-Laurent et l'Outaouais, le Québec est une province d'expression anglaise plus importante que le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve. Il égale presque le Manitoba et la Saskatchewan. Aujourd'hui, près des deux tiers des Québécois d'expression anglaise ont une connaissance d'usage de la langue française.

La communauté d'expression anglaise ne constitue pas une entité ethnique. Elle est pluraliste et diversifiée. Elle comprend des gens d'un large éventail d'origine ethnique. C'est aussi une communauté extrêmement diversifiée. Sur le plan socio-économique, il y a plus de Québécois d'expression anglaise à Verdun, Saint-Henri et Pointe Saint-Charles qu'à Westmount. De même, la communauté d'expression française ne constitue pas plus une entité ethnique. Des immigrants sont arrivés d'Europe, du Vietnam, d'Afrique du Nord, d'Haïti et d'ailleurs. C'est maintenant une communauté linguistique extrêmement diversifiée sur le plan socio-économique et liée par la langue française.

Par le passé, ces deux communautés linguistiques communiquaient entre elles surtout en anglais. Aujourd'hui, et de façon irréversible, elles le font surtout en français. C'est ensemble que nous avons bâti cette province, ensemble que nous avons défriché la terre, semé les fermes, moissonné les récoltes, fondé les pêcheries, créé les commerces et les industries, et érigé les institutions. Nous avons fait du Québec un centre de la finance, des transports, du textile, des pâtes et papiers, du raffinage du pétrole, de la production et de la recherche pharmaceutique. Nous avons créé des foyers

d'excellence de classe internationale: les universités Laval, McGill et de Montréal; les instituts montréalais de cardiologie et de neurologie; le monde où l'on parle le français et le monde où l'on parle l'anglais ont tous deux constitué notre giron de rayonnement.

Ce ne fut pas toujours facile et ce ne fut pas toujours harmonieux. Les leçons du passé ont leur importance, mais seulement si nous nous en servons pour construire un avenir meilleur. La bonne volonté qui, aujourd'hui, se manifeste au Québec avec tant d'évidence mérite d'être reconnue et utilisée.

Alliance Québec, enracinée dans la communauté québécoise d'expression anglaise, s'applique de façon soutenue à parler avec les Québécois d'expression française. Ces contacts nous ont convaincus que les gens du Québec veulent avoir confiance en la sécurité et la vitalité de la langue française mais ne veulent pas d'une province unilingue.

La disponibilité de services en anglais, avec les documents nécessaires, constitue une connaissance de la réalité et une manifestation d'équité envers près de 1 00D 000 de personnes et non une menace pour l'avenir du français. L'existence des institutions d'expression anglaise au service de ces gens est un fait de l'histoire du Québec et de son développement; les bénéfices de ces ressources ont profité à tous les Québécois.

C'est une richesse pour le Québec et pour tous les Québécois de pouvoir, comme il se doit, communiquer en français avec le monde de la francophonie. C'est également une richesse pour le Québec de pouvoir, comme il se doit aussi, communiquer en anglais avec l'anglophonie. Le refus d'accorder à la langue anglaise une reconnaissance, un statut et une visibilité tendant aussi à faire du Québec une province unilingue diminue au lieu d'augmenter cette richesse.

Le premier ministre a déclaré que rien de fondamental ne serait modifié à la loi 101. Si les éléments fondamentaux sont définis comme ceux destinés à protéger la langue et la culture françaises, la porte est réellement ouverte au dialogue. Si les éléments fondamentaux sont définis comme incluant aussi ceux qui rabaissent l'anglais et le rendent invisible, plaçant le Québec sur le chemin de l'unilinguisme, un dialogue fructueux est impossible. Pourtant, un consensus est en évolution au sein du peuple de notre province. Les éditoriaux de la presse française et anglaise le reconnaissent; des gens de toutes les couches de la société le reconnaissent, mais pas le gouvernement. Ce dernier persiste dans son insensibilité. Il promet des changements depuis longtemps, mais ces changements ne viennent pas. Il préfère entretenir un conflit idéologique et une dialectique stérile. L'action constructive se fait toujours attendre.

La loi 101 a été conçue pour protéger le français, mais on l'a utilisée pour submerger l'anglais. Six ans ont passé et le Québec a beaucoup changé. Le temps est venu d'évaluer ces changements non seulement à la lumière des grands traits de l'histoire, mais aussi en fonction de leur impact sur la vie quotidienne des Québécois: les soins de santé, les services sociaux, l'emploi, le commerce, les services gouvernementaux, la culture et l'éducation. (10 h 30)

Bill 101 is a law of great enormity for the English-speaking community. It has had a massive impact on our community. The fact that we are here today before this commission and the fact that this commission exists demonstrate the enormous impact and importance of this law both in positive and in negative terms to Québec society. We cannot appear before you, ladies and gentlemen, Mr. President, and pretend that we will mention one or two items and go home and feel that we have explained fairly and honestly the concerns of our community. It has touched every aspect of people's daily lives, it has touched people's feelings of security in this province. For the English-speaking community, it has had many effects which have caused hardship and great concern. I think that the Government is more than aware of this.

Therefore, we will proceed now, with your permission and pleasure, to explain in each of the areas mentioned the impact of the law, the application of the law and the recommendations that we see as necessary. We beg your indulgence, but we believe that this is fundamental and enormously important to the future of our community and indeed to the future of all Quebeckers.

M. Dobie (Robert): Alliance Québec reconnaît et accepte comme normal que le français soit la principale langue de travail au Québec. Nous croyons toutefois que ce principe doit être respecté sans entraîner une perte d'emploi pour les travailleurs d'expression anglaise. Ceux-ci devraient être encouragés à demeurer au Québec et à continuer leur contribution à la prospérité économique de notre province.

En 1977, le gouvernement du Québec a promis que la loi 101 ne causerait pas la perte d'un seul emploi. Il n'a pas tenu parole envers les travailleurs de la province. Nous connaissons des gens qui, en raison de l'application de la loi 101, ont été privés de leur moyen de subsistance à une époque où les emplois se font rares et où le chômage a atteint le plus haut niveau de tous les temps.

À l'article 20 et ailleurs, la loi 101 a créé des obstacles à l'embauche, à la promotion et à la mutation des Québécois

d'expression anglaise dans la fonction publique.

A l'article 35, elle a limité l'accès des Québécois d'expression anglaise à un marché de travail de plus en plus francisé. Pourtant, c'est précisément au travail que le travailleur pourrait acquérir la connaissance la meilleure et la plus appropriée du français.

Par ailleurs, les exigences administratives imposées par l'Office de la langue française ont beaucoup moins de rapports logiques avec les exigences professionnelles que ne stipule le texte des articles 20 et 35. Par exemple, la commission de surveillance a récemment sommé un établissement de justifier le fait qu'une des serveuses n'avait pas été capable de répondre complètement en français à une question relative au contenu nutritif de la nourriture qu'elle vendait; on parlait de beigne.

De plus, les articles 130 et 142, qui semblaient avoir été conçus pour assurer une certaine sécurité d'emploi, n'en assurent en fait essentiellement aucune. Ils concernent uniquement les personnes approchant de la retraite ou possédant de longs états de services et stipulent simplement que les programmes de francisation doivent prendre en considération la situation de ces personnes.

L'efficacité de garanties aussi fragiles et aussi vaguement formulées est très limitée et s'est en fait révélée négligeable. Si le gouvernement avait vraiment l'intention d'accorder des garanties valables, comme l'avait déclaré le ministre en 1977, il devrait les rendre réelles.

Durant les dernières années, la majorité des Québécois d'expression anglaise a fait preuve d'un réel désir de participer pleinement en français à la vie québécoise et au marché québécois du travail. Ces gens méritent d'être traités avec compréhension et ouverture d'esprit et non avec des excès bureaucratiques. Ils ont une contribution valable à faire dans notre société et celle-ci en a besoin. Le temps est venu de favoriser et non de contrecarrer leur participation au marché du travail. Nous devons employer nos ressources humaines en vue de nos grands bénéfices économiques. Aucun citoyen au Québec ne pourrait nier la question fondamentale du droit de l'individu au bien-être physique et à la capacité de bien gagner sa vie.

Malheureusement, certaines dispositions de la loi 101, ses règlements et, plus importante encore, son application par les organismes administratifs chargés de cette tâche ont réussi en grande partie à miner la confiance d'un grand nombre de Québécois d'expression anglaise à l'égard de leur avenir dans cette province. Afin de cerner cette préoccupation avec plus de clarté, il nous faudra commencer par examiner l'esprit dans lequel la loi a été mise en application.

Les articles 2 à 6 de la loi 101 sont des dispositions d'ordre déclaratoire qui énoncent des principes généraux concernant l'utilisation de la langue française au Québec. Ces dispositions traitent, entre autres, du droit de recevoir des services en français de l'administration, des services de santé, des services sociaux et des entreprises. Ces articles traitent également du droit des travailleurs d'exercer leurs activités en français et du droit des consommateurs d'être renseignés et servis en français.

Étant donné le grand nombre d'organismes gouvernementaux chargés de l'application de la loi 101 et que ceux-ci emploient des centaines de personnes, il serait avantageux que les avis de Me Jean-Louis Beaudoin exprimés au CLF soient incorporés à la loi 101 au moyen d'une disposition qui fixerait clairement la nature déclaratoire plutôt qu'exécutoire.

Les articles 14 à 29 de la loi 101 traitent des secteurs public et parapublic, bref, les services gouvernementaux, y compris les services municipaux, les services hospitaliers et sociaux, ainsi que de ceux d'autres organismes dont la principale responsabilité est de fournir des services au public. De nouveau, on relève des exemples d'un comportement exagérément zélé de la part de ceux qui sont chargés d'administrer la loi. L'article 15, par exemple, stipule que l'administration doit rédiger en français ses textes et ses documents. En vertu de l'article 89, ces textes et documents peuvent également être rédigés en anglais. Malheureusement, la loi 101 néglige de reconnaître la responsabilité de l'administration, de fournir des services en anglais aux citoyens de langue anglaise. Par conséquent, plutôt que de créer une obligation, elle ne mentionne qu'une permission. Mais qui doit alors exercer cette discrétion et selon quels critères?

Les organismes chargés de l'administration de la loi ne tardent pas à répondre à ces questions. Une directive provenant d'un cadre de l'OLF établissait les principes que devrait appliquer le gouvernement au moment de déterminer s'il offre des documents en anglais. Le premier principe se lit comme suit: "L'article 89 de la charte introduit un principe d'exception. Par conséquent, l'office estime qu'il n'y a pas lieu d'invoquer cet article pour maintenir le bilinguisme institutionnel dans l'administration partout où l'usage exclusif de la langue officielle n'est pas imposé par la charte." Le deuxième principe prévoit que, "lorsqu'un groupe donné de documents a déjà fait l'objet de directives prescrivant l'usage exclusif de la langue officielle ou lorsque cette pratique est déjà établie, il n'y a pas lieu de modifier cet usage". En d'autres termes, même si la

loi autorise l'usage de l'anglais, les directives gouvernementales internes et celles de l'OLF devraient avoir priorité sur la loi.

Le troisième principe soutenu par l'OLF est ainsi libellé: "II n'y a pas lieu de traduire dans une autre langue que le français les permis, les autorisations, les certificats, les enregistrements, les autres documents de même nature ainsi que les textes et formulaires qui s'y rapportent." Il en existe plusieurs autres dans la même veine, mais le but est déjà clair. Ce sont des directives de ce genre qui expliquent le mieux les difficultés inqualifiables qu'éprouvent les Québécois de langue anglaise, depuis de nombreuses années, lorsqu'ils essaient d'obtenir des formulaires d'immatriculation automobile en anglais, lesquels sont théoriquement disponibles, mais qu'on n'a jamais, semble-t-il, en nombre suffisant.

Il s'agit, hors de tout doute, de la manifestation d'une bureaucratie qui se mêle de refaire des lois. Ces directives ne procèdent d'aucune autorité législative. Le gouvernement n'a qu'une solution à envisager: reconnaître la réalité sociale du Québec et admettre que près d'un million de citoyens québécois sont de langue anglaise. Ces personnes ne devraient pas être obligées de se battre pour obtenir des services fondamentaux du gouvernement. Les services destinés au public devraient être facilement accessibles à titre de droit, et non pas accordés selon les pouvoirs discrétionnaires exagérés de l'un ou l'autre des fonctionnaires.

It should also be remembered that a great number of workers in Québec are self-employed. Government plays an increasingly large role in the daily lives of every citizen in this province. The need to receive basic government services in our language is not just a matter of courtesy, it is essential if self-employed English-speaking Quebeckers are to attend to their affairs in an efficient manner.

The law allows individuals to receive government services in English. Nonetheless, we have the case of Duncan MacDonald, sole proprietor of an unincorporated real estate agency. He has been trying for over two years to obtain information in English from the Commission de la santé et de la sécurité du travail, so far without success. Despite one letter in English indicating that he would be served in English, a series of letters saw the commission revert to its former position of refusal. The penalties for failure to file certain returns accumulated in the meantime, and the individual in question was denied an apparent right under Section 15. Very recently, he has been informed that he would get documents in English, hopefully within six months. After two years, he is still waiting.

The question must also be asked as to the validity of distinguishing between an unincorporated business and a small incorporated operation. David Brown and his wife, Linda, own a small sales agency in Pointe-Claire. They are incorporated. Because this makes them an "artificial person" within the meaning of Section 16, they forfeited the right to receive services from the Government in English. The result is that it has become increasingly difficult and costly for such people to earn a living.

It is interesting to note that in areas such as Revenue, english language services are readily available, even to those who have incorporated. However, in areas where the Government is not receiving money, there appears to be little will to be as accommodating.

Sections 35, 130 and 140 appear to be intended to respect the required rights of workers. Sections 130 and 142 require francisation programs in the private sector and in the public sector to take into account persons near retirement and long service. Section 35 only requires professionals wishing to enter a profession to demonstrate the appropriate knowledge of French.

In spite of this apparent intention of the Government to respect required rights, Section 30 states that professional corporations and their members must make their services available in French. Consequently, professionals who are licensed and have been practising for many years are confronted with the legal obligation, in fact retroactive, which challenges their job security. (10 h 45)

Similarly, Section 20 of Bill 101 was drafted so as to provide flexibility. This section required persons being hired, promoted or transferred in the civil administration to have an appropriate knowledge of French. Once again, the OLF could not accept flexibility. It issued a directive (fiche no 10) to every agency of the civil administration directing that it must establish standardized language tests or send employees wishing to be hired, promoted or transferred to take the OLF standardized language test. Furthermore, the OLF once again exempted French-speaking Quebeckers from the language testing requirements.

The pattern of consistently applying the law so as to severely restrict or eliminate the use or appearance of English in the workplace may also be found in the application of Sections 41 to 50, dealing with the language of work.

En vertu de l'article 41, l'employeur doit rédiger en français les communications qu'il adresse à son personnel. Il fait de même pour les offres d'emploi et de promotion.

L'article 89 autorise l'emploi d'autres langues. Néanmoins, l'Office de la langue

française, dans son Programme type de francisation des entreprises comptant plus de 100 employés, sous la rubrique Francisation-affichage interne, note que franciser signifie "en français seulement". Certaines des affiches visées par cet objectif d'unilinguisme comprend aussi les messages relatifs à la santé et à la sécurité des travailleurs. L'objectif ultime de l'Office de la langue française est clair. Bien que la loi laisse entendre que l'anglais puisse être utilisé, l'Office de la langue française ne l'entend pas ainsi.

On peut avoir une bonne idée de l'attitude de l'office en lisant un document intitulé: Politiques ventilées par fiche, du Comité d'examen des études et des programmes de francisation des PME, c'est-à-dire des entreprises de 50 à 99 employés, qui doivent négocier un programme de francisation avec un représentant de l'OLF. La directive se lit comme suit: "Lorsqu'une entreprise, au cours de la négociation, oppose aux instances du négociateur pour que les documents soient uniquement rédigés en français un refus basé sur les dispositions de l'article 89 de la charte, les notes du négociateur sur la fiche 8B devront faire état des circonstances du refus." La loi donne à l'employeur le droit de communiquer en anglais avec ses employés de langue anglaise. Ce droit ne devrait pas faire l'objet de commentaires ou de restrictions de la part de l'OLF.

Il est évident que le degré de tolérance permettant aux travailleurs de recevoir des communications en anglais de leur employeur dépend inversement du degré de succès de l'office à imposer son objectif d'unilinguisme. Ce résultat dépendra, par ailleurs, davantage de l'habilité de négociation des individus dans l'entreprise ou de celle de leurs représentants plutôt que d'une lecture équitable de la loi. Lorsque la loi permet l'usage d'une autre langue, la pratique administrative ne devrait en aucune façon l'empêcher ou la restreindre.

Les articles 130 et 142 prévoient que les programmes de francisation dans les secteurs privé et public doivent tenir compte de la situation des personnes qui sont près de la retraite ou qui ont de longs états de service.

Malgré le caractère impératif de ces dispositions, souvent les programmes de francisation ne mentionnent pas ces personnes. Il ne faut pas se surprendre si, comme résultat, plusieurs ont reçu l'avis qu'ils devaient atteindre un certain niveau d'aisance dans l'usage du français à l'intérieur d'un délai fixe ou risquer de perdre leur emploi. Tout cela malgré le fait qu'ils possédaient souvent de longs états de service. De nouveau l'application de ces dispositions de l'OLF peut expliquer ce problème. L'OLF a fixé des normes qui établissaient à 25 ans d'expérience ou moins la signification de "longs états de service" et à une période de 5 ans avant la retraite celle de l'expression "près de la retraite". Est-ce là l'esprit d'ouverture que le gouvernement avait promis dans l'application de la loi? Les articles 130 et 142 devraient être amendés afin de garantir que personne ne sera rétrogradé, muté ou congédié dans la mise en oeuvre d'un programme de francisation.

M. Goldbloom (Michael): Nous allons passer du domaine de l'emploi au domaine du commerce. Alliance Québec reconnaît qu'afin d'assurer la force permanente du français dans le contexte nord-américain le français doit atteindre et conserver une importance sur le plan économique. Toutefois, nous estimons que la capacité soutenue de faire affaires en anglais aussi bien qu'en français est un atout indispensable pour le développement futur et la prospérité économique du Québec. La réalité nord-américaine constitue pour le Québec une fenêtre ouverte sur des marchés et des ressources d'importance.

Au lieu de manifester sa confiance en la capacité des Québécois de préserver la langue et la culture françaises tout en faisant face aux défis de concurrence sur les marchés mondiaux, le gouvernement s'est efforcé d'imposer des barrières restrictives. Par exemple, l'Office de la langue française a suggéré à certaines entreprises de limiter le plus possible le nombre de postes requérant des relations avec l'extérieur.

Des secteurs particuliers de l'économie, comme, par exemple, les industries hôtelières et touristiques, ont des exigences bien précises reliées à la nature et aux demandes de clientèles spécifiques. Pourtant, la loi 101 obligerait toutes les entreprises, sans considération pour leurs secteurs d'activité, à s'adapter à un seul moule rigide. Les attraits touristiques du Québec, par exemple, ne sont pas favorisés par des règlements qui empêchent les hôtels d'afficher leurs indications en anglais aussi bien qu'en français.

C'est une réalité de la vie québécoise que les touristes qui viennent ici sont en grande majorité des gens d'expression anglaise. La loi devrait permettre à nos entreprises et à nos industries de répondre efficacement aux exigences de leurs clientèles.

La loi 101 doit être amendée afin que l'affichage bilingue soit autorisé dans la province de Québec. Alliance Québec propose que le français continue d'être exigé, comme à présent, mais que les autres langues soient permises en plus du français. Il est juste d'exiger que l'affichage soit partout dans la langue de la majorité, mais l'interdiction des autres langues constitue une discrimination et

nuit à l'harmonie sociale. Elle nie à près de 1 000 000 de personnes le droit de constituer une présence visible dans notre province. D'après le gouvernement, le but de la loi est de faire en sorte que l'affichage reflète la société québécoise. Il s'agit là d'un miroir déformant, car il cache l'existence de près de 1 000 000 de Québécois.

L'affichage est un symbole important, aussi bien pour la communauté d'expression anglaise que pour la communauté d'expression française. Nous reconnaissons l'importance de l'affichage pour la communauté francophone. Nous avons l'impression que ce symbole est confirmé et garanti dans toute la province par l'exigence du français partout.

Alliance Québec ne suggère pas que l'anglais remplace le français sur les affiches. Pour notre communauté, ce qui a une importance symbolique, c'est le droit d'afficher en anglais à côté du français. Lors d'une récente campagne entreprise par Alliance Québec, des entrepreneurs de différentes régions de la province ont, dans une proportion très majoritaire, exprimé leur désir d'avoir le droit d'ajouter une autre langue dans leur affichage commercial. Le sondage de SORECOM publié hier indiquait aussi que la majorité des francophones pense que, si le français existe sur les affiches, l'anglais devrait y être permis aussi. Dénier ce droit équivaut à dénier aux Québécois d'expression anglaise celui de manifester leur présence et de communiquer entre eux dans leur propre langue. La protection du français ne nécessite pas que la communauté d'expression anglaise se voie nier le droit d'utiliser sa langue en public.

La limitation de l'accès aux écoles de langue anglaise pour les enfants dont les parents sont d'expression anglaise est continuellement mentionnée par de nombreuses entreprises comme constituant un obstacle majeur à un recrutement efficace à l'extérieur de la province. Le Québec ne peut rejeter les compétences, l'expérience et les éventuels apports de travailleurs qualifiés des autres provinces et de l'étranger. Le système actuellement en vigueur des autorisations temporaires de trois ans, avec possibilité de prorogation, est arbitraire et essentiellement nocif. Il n'a pas réussi à attirer les spécialistes et les investissements générateurs d'emplois, dont nous avons besoin.

Nous sommes en profond désaccord avec la suggestion selon laquelle les entreprises employant moins de 50 personnes seraient dorénavant soumises à des programmes de francisation. Les dépenses nécessaires seraient prohibitives, voire même fatales pour beaucoup. L'argument de la valeur, à notre société, d'une telle mesure n'est nullement convaincant. Il importe de signaler que l'article 46 de la loi stipule qu'il est illégal d'exiger la connaissance d'une langue autre que le français, à moins que la tâche à effectuer ne requière cette connaissance. Cela s'applique déjà à toutes les entreprises de la province, grandes ou petites.

Sur les lieux du travail, le français signifie désormais emploi et productivité. Le milieu des affaires sait que l'utilisation du français comme langue courante de travail au Québec constitue le grand bon sens commercial. De son côté, le gouvernement devrait savoir que laisser les entreprises s'occuper de leur clientèle constitue le gros bon sens économique.

In the field of business, the provisions of Bill 101, its regulations and its administration create a tangle of rules, regulations and practices which give pause to the hardiest of businesses and investors. It is a cardinal rule of business that to make money, a business must sell its products. Advertising is an indispensable tool for sales. Section 58 imposes the rule of unilingual French signs and commercial advertising. Section 58 is so restrictive that in the private sector, unlike the public sector, even signs in other languages concerning health and safety are illegal. A sign on a construction site warning of dynamite blasting could not legally be posted in English or in any other language except French, if it were placed there by the construction company.

We believe that Bill 101 is excessive when it limits the ability to post bilingual signs for those businesses of less than five employees, as provided for in Section 60. Even the application of Section 60 has been further restricted by the agencies responsible for the application of the law. In spite of a legal opinion issued by counsel to the Commission de surveillance, stating that bilingual signs are legal both inside and outside businesses employing less than five employees, the OLF and the Commission de surveillance have rigourously attempted to impose French unilingualism on sides outside such establishments. When the legal opinion in question was brought to the attention of the puclic, the Commission de surveillance dismissed it as being merely the opinion of one lawyer and stated that it would continue to impose French unilingualism. It has done this with vigor, to the extent of sending "des mises en demeure" and forms printed to look like official court summonses.

Several of the regulations in this area were found in three different reports to be of doubtful legality and defying interpretation. Examples may be found in Section 5d of the regulation concerning commerce, which refers to "an elevator, a vending machine, a gasoline pump, a pinball machine or any other similar product." To reiterate the question posed by the Justice Department in its report on Bill 101

regulations: What can possibly be similar to those products?

Des études commanditées par le Conseil de la langue française ont mis en évidence le fait que la francisation des lieux de travail avait commencé bien avant la mise en vigueur de la loi 101. D'après ces enquêtes, la majeure partie de ces transformations avait été dictée par les exigences du marché, par une force ouvrière de mieux en mieux formée et par le simple bon sens commercial. La législation linguistique aurait été, somme toute, une influence secondaire. (11 heures)

II existe un large consensus voulant que ce mouvement de francisation, dans la mesure où il constitue un reflet de notre société, est irréversible. Toutefois, nous soumettons que les règles tendant, sans autorité législative dans plusieurs cas, à imposer l'unilinguisme font du tort et à notre société en général et au secteur du commerce en particulier. Il faut éviter la tentation de tout résoudre par loi, réglementation et directives. Il faut plutôt faire confiance à la dynamique inhérente à la société québécoise et au fait que la majorité des entreprises a compris qu'il faut répondre aux besoins de tous les membres de notre société.

M. Chambers (Jeffrey): Services gouvernementaux. D'après les articles 15 et 16 de la loi 101, les personnes auraient apparemment le droit de recevoir de l'administration publique une réponse dans la langue qu'elles auraient utilisée pour s'adresser à elle. L'adjonction de l'article 83 autorise les administrations publiques à traduire, sans restriction, les textes et les documents.

Toutefois, la loi n'impose pas l'obligation de traduire, pas plus qu'elle ne fournit le moindre élément assurant que ces droits soient respectés. En fait, tout au contraire, l'Office de la langue française a imposé de nombreuses restrictions quant aux catégories de documents qui peuvent ou ne peuvent pas être traduits. Contrairement à la loi, il a fourni certaines directives aux fonctionnaires selon lesquelles il serait inacceptable de traduire les permis, les certificats et les enregistrements ainsi que les formules les accompagnant.

Les municipalités qui, d'après la loi 101, font partie de l'administration publique se sont, elles aussi, vu imposer certaines limites à leur liberté de servir leurs contribuables. Il est vrai que celles qui sont reconnues selon les termes de l'article 113f pourront continuer à afficher en anglais comme en français après la date limite du 31 novembre 1983. Nous croyons toutefois que chaque municipalité devrait avoir la liberté de choix quant aux services à fournir et aux documents à afficher. La qualité de "majorité" dont il est fait état à l'article 113f est variable et arbitraire. Une municipalité dont la population est en proportion importante d'expression de langue anglaise devrait avoir ses coudées franches pour exercer son bon jugement quant aux langues dans lesquelles ses contribuables devraient être servis, à condition que le français apparaisse partout.

It is clear that the English-speaking population of Québec is severely under-represented in the civil service. The exact proportion is a subject of some debate, but the bottom line is not. If English-speaking people are to be able to participate in Québec society at every level, restrictions such as those in Article 20 will have to be amended to allow for affirmative action programs. Alliance Québec is striving for realistic solutions, adapted to the reality of Quebec's demographic, economic and socio-cultural context. People of goodwill should be allowed a longer probation period while they acquire an appropriate level of French. Promotions should be facilitated so that it will not take a generation for the awaiting increase at the recruitment level to show results, that is a significant English-speaking presence at all strata of the civil service.

French is and should be the predominant language of work in Québec. It must, however, be recognized that certain provisions of Bill 101, and particularly their overzealous implementation, have effectively and unnecessarily diminished the status of English in the employment and business sectors. They have caused extensive hardships to individual members of the English speaking community and unnecessary harm to the Québec economy. We have all been losers as a result.

Ainsi que nous l'avons vu dans les domaines de l'emploi et des affaires, les articles principaux de la loi concernant l'obtention des textes et des documents gouvernementaux en anglais - articles 15 et 16 - ont été sérieusement restreints par des directives internes. Qu'il s'agisse de publications gouvernementales relatives au milieu d'affaires ou s'adressant au grand public, la réponse à des demandes de versions anglaises est souvent négative. Dans un exemple récent, les formulaires de renouvellement du permis de conduire étaient accompagnées, sur demande, d'une brochure anglaise expliquant comment remplir la formule en français. Lorsque le besoin de fournir une telle explication est admis, ce nouveau processus devient inutile. Quelles raisons peut-on invoquer pour refuser d'ajouter tout simplement un texte anglais aux formulaires existants? La seule qui semble exister c'est l'existence de directives internes de l'OLF à cet égard.

A further and somewhat ironic example

involves the Québec Charter of human rights and freedoms. Sent to every household in the province to mark the promulgation of new sections, the document stated in French, at the back, that English versions were "disponibles sur demande". Those citizens who could get through to the phone number provided were informed that no such English version would be available for some time. Whether it concerns a document of general interest, like the Charter of rights, or the many forms or documents necessary for a citizen to fulfill his various obligations towards the Government of the province, the end result must be met and that result is meeting the needs of Quebec's English-speaking population.

Les directives et pratiques administratives qui ont profondément diminué les effets que ces articles auraient dû avoir ne devraient jamais plus être tolérées. Les services gouvernementaux et les documents destinés au public doivent de droit être facilement disponibles en anglais.

L'article 57 de la loi, qui prévoit que les formulaires de demandes d'emploi, de bons de commande, de factures, de reçus et de quittances doivent être rédigés en français, occasionne également des difficultés et rend moins attirant le Québec comme lieu d'investissement.

Un grand nombre d'entreprises établies au Québec font partie de réseaux d'envergure nationale. Leurs techniques de mise en marché et de ventes sont reliées à ces réseaux. La célérité et l'efficacité de ces entreprises sont étroitement associées à leur rentabilité. Bon nombre d'entreprises, de groupements et d'organismes, y compris les conseillers en francisation, ont expliqué comment l'application de cette disposition mine le potentiel du Québec à demeurer un lieu propice aux affaires.

L'article 46 défend à un employeur d'exiger la connaissance d'une autre langue que le français pour accéder à un emploi, à moins que l'accomplissement de la tâche ne l'exige. L'OLF joue un rôle d'arbitre en vertu de cet article et le fardeau de prouver la nécessité d'une connaissance d'une langue autre que le français incombe à l'employeur. L'OLF a édicté des critères qui rendent extrêmement difficile de s'acquitter du fardeau de la preuve, en vertu de l'article 46. Exemple: Lorsque la ville de LaSalle a voulu exiger la connaissance de l'anglais pour un poste de surveillant de parcs, l'OLF a statué que: "Le poste de surveillant de parcs n'est pas à un niveau supérieur dans l'organisation des services municipaux et la nature de la fonction n'amène pas son titulaire à régler des problèmes de grande importance dans ses contacts avec les représentants des associations de loisirs. Les conversations qui se tiennent habituellement entre eux concernent des questions relatives à la disponibilité et à l'entretien des terrains et de l'équipement. Il s'agit de conversations qui sont normalement assez brèves et cet élément ne constitue pas l'essentiel de la tâche, mais plutôt un aspect très accessoire." Ceci malgré le fait que 36% de la population de cette ville était d'expression anglaise et que 25 parmi les 76 associations de loisirs utilisant les parcs étaient anglaises. Si ce n'est pas dans un tel cas qu'on peut démontrer le besoin d'une telle connaissance, quand sera-t-il possible de le faire?

Étant donné l'attitude actuelle de l'OLF et son refus d'admettre de nombreux cas, que le fait de répondre aux besoins de la clientèle puisse constituer un motif valable pour exiger la connaissance d'une autre langue, le besoin de renverser le fardeau de la preuve en vertu de l'article 46 devient évident.

Dans ce même contexte, notons la disposition suggérée par l'OLF pour inclusion dans les programmes de francisation: Directives qui exigent des entreprises qu'elles s'engagent à limiter autant que possible le nombre de postes dans l'entreprise ayant des contacts avec l'extérieur du Québec. Il ne s'agit guère d'un moyen pour notre société de promouvoir sa relance économique.

Dans l'ensemble, les buts poursuivis par l'OLF à l'égard de la francisation paraissent nets et clairs. Une directive du comité des PME de l'OLF en dit long à ce propos, et je cite: "II est entendu qu'au Québec, les communications écrites entre les employés doivent être en français à la fin du programme de francisation." Non seulement ceci nie la réalité que constituent près de 1 000 000 de Québécois d'expression anglaise, mais ceci nie également la place du Québec dans le contexte nord-américain. Ceci dépasse également le besoin de protéger et de promouvoir la langue française. Il s'agit, en somme, d'une tentative de rendre le Québec unilingue.

Dans le domaine de l'affichage, l'article 22 de la loi 101 contient à la fois une règle générale au soutien de l'unilinguisme français et une importante exception concernant la santé et la sécurité publique. Un peu de la même façon que les articles 15 et 16, cet article n'impose jamais une obligation. Malgré une référence implicite à savoir que les avis concernant la santé et la sécurité doivent être affichés en anglais, l'usage n'a pas suivi l'intention. Dans une tentative de limiter au maximum l'envergure de cet article, l'Office de la langue française, dans ses directives internes, a toujours exigé la présence d'un danger immédiat.

In an opinion which shows just how much legislative intent can be frustrated through administrative practice, one CLF lawyer went so far as to state that the words "sortie de secours" need not be translated since the French word "secours"

was known universally. Section 29 provides a similar general rule concerning unilingual French road signs. The specific nature of the exception in section 22 clearly overrides this provision. Despite that fact, road signs such as the one to be seen on the Laurentian autoroute telling drivers to test their brakes (Routiers, testez vos freins) remains unilingual French.

Nous ne pouvons que réitérer la question que nous soulevions relativement aux affiches de sécurité unilingues françaises que l'office tentait d'imposer aux entreprises qui négociaient des programmes de francisation: qui bénéficiera de ce genre de résistance à répondre aux besoins de santé et de sécurité de tous les Québécois? Même les municipalités reconnues en vertu de 113f qui peuvent afficher en français et en anglais n'ont pas pu obtenir d'affiches entières dans les deux langues quand ces affiches sont fournies par le gouvernement du Québec.

In ending on the subject of Government services, we can only reiterate the desire expressed by Mayor Drapeau yesterday and echoed in resolutions of municipalities as diverse as Ville Saint-Laurent, Rosemere, Beaconsfield and Verdun to see administrative barriers removed and responsibility for determining and meeting the linguistic requirements of their constituents to be returned to municipalities. (11 h 15)

M. Maldoff: Quant aux services des soins de santé et les services sociaux, c'est un dossier très important pour notre communauté. Le bien-être de l'individu est l'une des choses les plus importantes dans une société. Les soins de santé et les services sociaux doivent être centrés sur l'être humain qui en est bénéficiaire. La diversité socio-culturelle et linguistique de la population québécoise devrait, dans toute la mesure du possible, se refléter ou, tout au moins, trouver une sensibilité appropriée dans tous les soins de santé et les services sociaux que nous dispensons.

S'il est important qu'un malade d'expression française puisse se faire soigner en français, il est tout aussi important qu'un malade d'expression anglaise puisse se faire soigner en anglais.

Alliance Québec soutient pleinement le droit de tous les Québécois d'être soignés et servis en français. Tous les établisssements de la communauté d'expression anglaise souscrivent à ce principe et s'efforcent de le mettre en pratique. Cependant, nous estimons que la responsabilité en incombe à l'établissement plutôt qu'à chacun de ses employés individuellement.

Cela signifie que les institutions devraient être organisées de manière à assurer la disponibilité de services et de soins appropriés en langue française. La loi, telle que couramment rédigée et appliquée, impose non seulement à chaque organisme, mais aussi à chaque personne qui y travaille, l'obligation de dispenser des services en français. Cela n'est pas nécessaire et ne peut servir qu'à instaurer un climat d'incertitude et d'insécurité.

L'article 23 de la charte stipule que "Les services de santé et les services sociaux doivent assurer que leurs services sont disponibles dans la langue officielle". Cette disposition remet l'obligation aux institutions, ce avec quoi nous sommes d'accord.

L'imposition des obligations linguistiques individuelles se trouve à l'article 35 concernant les professionnels, les tests linguistiques à l'article 30, sur les membres des ordres professionnels et à l'article 20: Tout individu qui veut être promu ou transféré dans l'administration civile.

Certains organismes des services de santé et de services sociaux, incluant deux d'entre eux qui sont identifiés comme institutions anglophones, ont été reconnus en vertu de l'article 113f, et selon l'article 25, ont obtenu un délai prenant fin cette année pour se conformer aux exigences de la loi. Ce délai s'applique également à la soumission à un test linguistique pour toute personne travaillant dans une institution.

Indépendamment de ce délai, un sondage préliminaire effectué par SORECOM, en janvier 1983, pour le compte du Conseil de la langue française, sous le titre de "Situation linguistique dans les hôpitaux anglophones de la région de Montréal", concluait que la grande majorité des patients francophones dans les hôpitaux anglophones se considèrent bien servis dans leur langue, même sans les dispositions qui entreront en vigueur à la fin de cette année.

Le sondage a établi que les patients d'expression française étaient "...généralement satisfaits des services qu'ils reçoivent en français.

In February 1983, la Commission de surveillance, in the St. Mary's case, sent a wave of fear and outrage through our community, when it condemned St. Mary's Hospital because it was not satisfied with the French language competence of 37% of the employees, while, on the other hand and at the same time, finding that St. Mary's was able to provide service 100% of the time in French. In condemning St. Mary's, the commission made it clear that, in its view, the law and its application rigorously must impose individual obligations.

Of course, the climate of fear had already begun to appear as a result of police tactics used by the Commission de surveillance during its investigation. Subpoenas and summonses were served by bailiffs on doctors and nurses. Compulsory appearances by hospital staff dragged before the commission de surveillance to account for their rendering of quality health care.

All of the trappings of a criminal proceeding without the right of the "accused" to see the complaint or even know the identity of the "accuser". All of this when the hospital was able to provide service 100% of the time in French.

The individual obligations themselves have proven excessive in their application.

In April 1977, Dr. Laurin promised that no one's job would be threatened by Bill 101. It took a lot of pressure to get that promise but he made the promise. The law, on the one hand, appeared to protect the acquired rights of workers with provisions such as sections 130 and 142 which say: francisation programs must take into account persons nearing retirement and long service of employees. Testing the professionals was only imposed on professionals coming into the profession after the law came into effect. Then, the law went throught the back door and imposed the obligation retroactively on every member of the profession to article 30 of Bill 101 which in spite of article 35 says that: every member of the professional corporation must make his services available in French regardless of when he was admitted to the profession. The result of this is an experience such as that of a 57 year old nursing assistant to the Queen Elizabeth Hospital who came to us. She had found herself compelled to appear before the Commission de surveillance to defend against the complaint that she had violated section 30. This woman was a survivor of the Nazi concentration camps. She speaks several languages fluently. She had been practising her profession in Québec for over 15 years. She has an excellent record as a competent, qualified professional. Her French may have been weak. But is this what the law really intented?

The needless imposition of individual linguistic obligations has also resulted in many other cases of hardship and has encouraged apprehension.

Nous ne nous élevons pas contre la responsabilité créée par l'article 35 pour les membres des ordres professionnels d'avoir une connaissance appropriée du français. Toutefois, nous ne sommes pas d'accord avec les tests linguistiques normalisés par l'OLF aux professionnels qui ont fait leurs études en anglais au Québec. L'éducation au Québec doit constituer un titre valide pour le travail pour les Québécois d'expression française et anglaise. Ceci est particulièrement vrai aux termes de l'article 84 de la loi qui déclare qu'aucun diplôme de fin d'études d'école secondaire ne peut être attribué à un élève qui ne possède pas les connaissances du français exigé par le curriculum du ministère de l'Éducation.

Le cas de Joanne Curran, un cas bien connu, est un très bon exemple d'une Québécoise bilingue, qui s'est fait retirer de son travail et de son droit d'exercer sa profession comme infirmière auxiliaire en raison de son insuccès dans des tests linguistiques. Il y a d'autres cas semblables.

Il faudrait abolir la nécessité des examens de langue française pour les professionnels qui ont fait leurs études ici au Québec. Aux termes de l'article 37 et de l'article 38, une période de temps d'un maximum de trois ans est permise à tout professionnel venant s'établir ici au Québec. Trois ans pour apprendre le français, au maximum. Il serait bon de le noter. Il est bien connu que l'apprentissage d'une langue seconde demande du temps. Il faut corriger la loi pour accorder aux personnes l'occasion d'acquérir dans un délai raisonnable la compétence en langue française. Faute de ce faire équivaut à priver tous les Québécois des compétences et des talents inestimables qui ont dans le passé apporté les contributions importantes au bien de la société québécoise. Il serait bon de noter que l'Office de la langue française a continué à appliquer cette directive concernant l'application et l'imposition des tests linguistiques sous l'empire de l'article 20. L'article 20 impose aussi les tests linguistiques et il serait bon de noter que l'OLF a continué à appliquer cette directive et à imposer l'application des examens de français malgré que le Conseil de la langue française ait produit un rapport, en 1982, établissant que la validité de tests normalisés de français était extrêmement douteuse. Le Conseil de la langue française constatait que la loi exige "une connaissance appropriée" du français et que "le niveau approprié" pourrait être très différent, pour un même emploi. Considérons l'impact de l'imposition inutile de cette...

Le Président (M. Gagnon): Excusez... À l'ordre! C'est juste pour vous demander si on peut terminer la lecture du mémoire le plus rapidement possible. Cela fait déjà une heure et quart. Il y a beaucoup de membres de la commission qui voudraient vous interroger par la suite. Je me demande si ce que vous apportez comme argument, vous n'aurez pas l'occasion de le faire en réponse aux questions que vous poseront les membres de la commission. Compte tenu qu'on devra certainement mettre fin au mémoire à 13 heures, il resterait donc environ une heure et demie actuellement pour que les membres de la commission puissent vous poser des questions.

M. Maldoff: Comme vous pouvez le comprendre, cela pourrait être un peu ennuyant pour les membres de la commission d'apprendre toute l'histoire de l'impact de la loi. Mais, quand même, nous estimons qu'il est important de donner une impression de la dimension de cette loi et de son impact sur

notre communauté.

Le Président (M. Gagnon): D'accord.

M. Maldoff: Je respecte quand même votre exigence.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce qu'on peut tout de même vous demander d'en arriver à une conclusion pour qu'on puisse vous poser des questions?

M. Maldoff: On va essayer de restreindre le nombre d'exemples.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Maldoff: Notre conclusion, quant à la responsibilité individuelle de rendre des services, est la suivante: l'article 20 devrait être abrogé; l'article 30 devrait être amendé en vue de décharger tous les membres d'un ordre professionnel des obligations imposées et d'exempter tous les membres des ordres professionnels ayant fait leurs études au Québec des examens prévus à l'article 35; les articles 37 et 38 devraient être amendés pour accorder un plus long délai aux professionnels qui déménagent à Québec pour apprendre la langue française.

En dernier lieu, il faut s'assurer, comme cela a déjà été dit, qu'aucun employé ne sera congédié ou muté à cause d'un manque de connaissance suffisante de la langue française. C'est la protection des droits acquis des travailleurs.

Le deuxième principe important dans le domaine des services sociaux et de la santé, c'est la question des institutions anglaises. Jusqu'à maintenant, la loi ne reconnaît pas l'existence des institutions anglophones. La loi reconnaît les institutions sous l'empire de l'article 113f, les institutions qui fournissent leurs services à des personnes en majorité d'une langue autre que le français.

Premièrement, il faut se demander si ce critère est vraiment le meilleur. Quelle est la différence entre une institution qui est à 50% anglophone ou non francophone et une institution qui est à 49% non francophone? On peut poser la même question sur les distinctions à faire entre 49%, 48% et 47%. À quel point est-ce qu'on peut dire que ce n'est pas une institution différente et distincte? Il est bien évident qu'il faut prendre connaissance de plusieurs autres éléments comme la relation de l'institution avec la communauté, l'histoire, la tradition de l'institution, le personnel et les clients. Tous ces éléments doivent être pris en considération. (11 h 30)

Les communautés d'expression anglaise ont bâti tout un réseau d'institutions anglaises qui sont liées par des contrats et comptent l'une sur l'autre pour rendre le meilleur service à notre communauté. Jusqu'à maintenant, la loi ne reconnaît pas formellement ces réseaux. Nonobstant le caractère distinctif des organismes d'expression anglaise, il est important de remarquer que selon la loi 101, à la fin de cette année, la seule reconnaissance de nos organismes de santé et de services sociaux prendrait la forme d'une permission d'adopter une version anglaise de leur nom et d'afficher dans une autre langue, sous réserve que la langue française serait prédominante. C'est la seule différence. La loi 101 devrait être modifiée pour reconnaître l'existence de nos institutions.

Quant à la question de l'accès aux services, il faut mentionner les promesses du ministre, M. Godin, devant l'Assemblée nationale lorsqu'il a dit que, selon lui, la population anglaise a le droit de recevoir les services en anglais.

He stated that the right was guaranteed that citizens were entitled to services in their own languages. That is what the law says. We wish that was true. Unfortunately, as Mr Cléroux, an official of the Association of Québec hospitals, pointed out: "There is no laws which oblige French language institutions to treat English-speaking Quebeckers in English." We believe that this right should be recognized.

Finally, we will look at the question of administration and communication of our institutions with respect to health and social services. One group of articles, 15, 22, 23 and 24, deal with all communications basically directed to the general public. They are tangled of confused provisions dealing with signs and posters notices in communications, printing matters, texts and documents. In each case the rules are different. Some must be only in French, others may be bilingual, for others the French text may predominate.

We have to put this in a context. Health and social services institutions are there to serve the public: French-speaking and English-speaking. To have rules which prohibit communications to the public, the very means which inform the public as to how to get access to service, to prohibit those from being in any language other than French, to prohibit the use of the English language in that area in communication with the public is to deny English-speaking Quebeckers access to their health and social services. One considers a good example of this being the CLSC in Gaspé which posted brochures, English and French versions of brochures at the CLSC. There are 12 000 English-speaking people living in Gaspé. The CLSC received a notice from the Office de la langue française saying: "Ces documents ne doivent être disponibles dans une autre langue que française que pour les seuls particuliers qui en font la demande. Il n'est

donc pas nécessaire d'étaler sur le présentoir tous les documents en anglais préparés par le ministre des Affaires sociales. J'ai d'ailleurs l'impression que s'il y en a autant, c'est justement qu'il n'y a pas suffisamment de clientèle anglaise pour justifier cette présentation, contraire au premier principe de la fiche hors-série à qui veut désamorcer le bilinguisme institutionnel au Québec. Vous voudrez bien corriger ce point en remplaçant lesdits documents et brochures par les textes en français." That is making services available to our community in English.

The next area in health and social services are the questions of internal communications within or external communications between institutions. Comme nous l'avons mentionné, nous avons tout un réseau d'institutions anglophones, ici au Québec, reliées par contrat, par tradition. Selon la loi, toutes les communications entre institutions devraient être seulement dans la langue française. Cela m'étonne. C'est presque ridicule d'exiger qu'une institution tout à fait anglophone écrive une lettre à une autre institution tout à fait anglophone dans la langue française. Ce n'est pas une reconnaissance de l'existence de notre communauté et de nos institutions.

Je touche aussi la question des communications internes. Nous avons notre réseau d'institutions. Selon la loi, toutes les communications internes entre les employés, entre les départements d'une institution devront être obligatoirement en français mais on peut ajouter une version anglaise. Imaginez-vous deux travailleurs dans l'hôpital St. Mary's qui sont des anglophones voulant écrire une lettre un à l'autre; la lettre doit être rédigée en français mais nous avons le grand droit d'ajouter une version anglaise. Quel sera l'impact sur l'emploi dans le secteur parapublic? Quel est le message rendu par le gouvernement? Le message est clair. Nous recommandons que, pour les communications internes, le droit de communiquer exclusivement en anglais entre les personnes d'expression anglaise soit reconnu dans la loi. Deuxièmement, pour les communications externes entre les institutions, nous recommandons que, pour les institutions anglophones, le droit de communiquer dans la langue anglaise exclusivement soit reconnu. Troisièmement, pour la question des renseignements au public, les affiches, la loi devrait être amendée pour accorder la permission d'afficher dans les autres langues et cela devrait être la règle.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Cela va?

M. Goldbloom: Oui. Maintenant nous aimerions traiter de notre dernier sujet qui est l'éducation. Je pense que c'est le domaine le plus important de la loi 101.

Le Président (M. Gagnon): Cela va. On peut prendre combien de temps pour...

M. Goldbloom: J'imagine que cela nous prendra à peu près 20 minutes.

La question de l'accès à l'école est un des éléments les plus importants pour la communauté de langue anglaise.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui? M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je pense qu'il n'est pas... La démonstration que fait Alliance Québec ce matin n'est pas inutile à la bonne compréhension de la situation. Quant à nous, si on termine à midi nous ferons les ajustements qui s'imposent quant à la période de questions, mais je suis fort intéressé par ce que nous disent les gens d'Alliance Québec ce matin.

Le Président (M. Gagnon): Alors... M. Godin: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Est-ce que nous allons pouvoir continuer notre entretien avec les représentants d'Alliance Québec cet après-midi?

Le Président (M. Gagnon): Écoutez, quand on voit l'ordre du jour d'aujourd'hui... On avait convenu d'allouer trois heures, alors que normalement on essaie d'entrer un mémoire à l'intérieur d'une heure. On avait convenu d'allouer jusqu'à 13 heures, c'est-à-dire de 10 heures à 13 heures à Alliance Québec. C'est déjà... Si vous voulez poursuivre la discussion cet après-midi, il ne faut pas oublier que vous avez un après-midi qui est aussi chargé et qu'il y a d'autres invités qui sont ici.

M. Gratton: M. le Président, est-ce que je peux faire une suggestion?

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député de Gatineau. M. le ministre m'avait demandé la parole aussi. Je m'excuse.

M. Godin: C'est pour dire que nous sommes extrêmement intéressés aussi à entendre l'ensemble du portrait, même si certains des aspects étaient déjà connus par d'autres moyens, publics également. Mais je n'ai pas d'objection à ce que vous poursuiviez votre exposé pendant un autre 20 minutes.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Oui. Et quant à la possibilité de revenir cet après-midi on pourrait peut-être entendre la fin de la présentation, commencer la période de questions et peut-être même dépasser un peu si on sent qu'on peut libérer nos invités sans les faire revenir cet après-midi. Nous verrons à ce moment.

Le Président (M. Gagnon): Pour autant que j'aurai la collaboration des membres de la commission... je n'en doute pas.

Une voix: Comme toujours.

Le Président (M. Gagnon): Pour ma part, à moins qu'on me donne d'autres directives, je partagerai le temps pour la période de questions en deux, lorsque vous aurez terminé le mémoire, avec les membres de la commission et il faudra s'en tenir à ce temps-là.

Question de règlement, M. le député de Vachon.

M. Payne: Si on comprend bien, si on achève à midi avec Alliance Québec, cela nous donne 60 minutes à partager. Je soutiens que c'est assez peu comme temps après un mémoire de cette importance. Je trouve que 30 minutes de chaque côté c'est assez limité. J'aimerais proposer que ce soit une heure de chaque côté.

Le Président (M. Gagnon): D'accord. La commission est maîtresse de ses travaux en ce qui concerne le temps qu'on alloue à nos invités. Tout ce que j'ai à faire respecter c'est le droit de parole de tout le monde. Je voudrais aussi qu'on sache bien qu'il y a d'autres invités qui viendront par la suite et qu'il ne faudra pas brimer dans leur droit de parole.

Je suis d'accord pour qu'on se rende jusqu'à midi afin de terminer le mémoire. Ensuite on essaiera de partager le temps de la meilleure façon possible. Merci.

M. Goldbloom: Merci. Nous passons maintenant au domaine de l'éducation. On avait l'intention de commencer à discuter de la question de l'enseignement du français comme langue seconde pour notre communauté. Je ne vais pas entrer dans les détails à cause du temps. Je vous signale que le régime pédagogique nous concerne beaucoup car à beaucoup de niveaux, cela peut restreindre le nombre d'heures pour les enfants de nos écoles d'apprendre le français. Il y a aussi des cours qui sont disponibles aux adultes nouvellement arrivés au Québec. Ce sont des cours de français qui ne sont pas disponibles aux adultes déjà ici.

Nous passons à la question de l'accès à l'école. C'est au chapitre des critères d'admission à l'école anglaise que la loi 101 paraît avoir été spécialement conçue afin de diminuer l'importance de la communauté de langue anglaise au Québec. Des données récentes quant à la relation entre fréquentation scolaire, la population dans son ensemble et le phénomène de la migration au Québec soulignent l'importance d'une révision en profondeur de la loi 101 dans ce domaine. Les prévisions du gouvernement touchant la fréquentation scolaire sont loin d'avoir été vérifiées dans les faits. La fréquentation des écoles anglaises a connu une baisse bien plus sérieuse que celle prévue par le gouvernement. À moins d'amender la loi, la viabilité de la communauté de langue anglaise demeurera sérieusement compromise. Alliance Québec maintient que tous les gens de langue anglaise - peut importe le pays d'origine - devraient avoir l'accès à l'école anglaise. Les données que nous allons présenter ici indiquent clairement que de permettre à tous les enfants de langue anglaise de fréquenter l'école dans leur propre langue, ne menacerait en rien la communauté de langue française. Là aussi, le sondage publié par SORECOM hier indique que la majorité des francophones est d'accord à dire que les anglophones qui arrivent au Québec devraient avoir le droit d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise.

En 1976, la population scolaire de langue anglaise représentait 16,7% de la population scolaire totale au Québec. En 1982-1983, le secteur de langue anglaise ne représente plus que 12,7%. Selon les dispositions de la loi 101, la fréquentation dans nos écoles baissera à 7,1% vers l'an 2000.

De nouvelles sources d'information, qui n'étaient pas disponibles au temps de la promulgation de la loi 101, prouvent maintenant que des facteurs autres que les critères d'admission à l'école anglaise assurent le maintien de nombreux élèves fréquentant les écoles de langue française par rapport à ceux de l'école anglaise. Un démographe dont l'autorité est reconnue, M. Jacques Henripin, écrit dans l'Analyste en 1983: "Ayant été l'un des premiers à me tromper, je suis bien placé pour essayer d'en expliquer la raison. N'allons pas chercher de midi à quatorze heures: l'erreur dans laquelle sont tombés à peu près tous les démographes qui ont étudié cette question, entre 1955 et 1977, tient à une chose fort simple dont on n'a pas à avoir honte: l'ignorance d'un fait majeur. Plus précisément il s'agit de l'absence d'informations statistiques sur les courants migratoires entre provinces suivant la langue des individus."

Durant les débats de la commission parlementaire sur le projet de loi 1 à

l'époque, une autre démographe, M. Richard Joy a démontré que le rythme des départs d'anglophones n'avait pas cessé d'augmenter depuis quelques années. À cause de cela, certaines des dispositions de la loi 101 n'étaient pas nécessaires. On ne fit aucun cas de son opinion.

Une étude de M. Réjean Lachapelle, selon laquelle la proportion des Québécois dont la langue maternelle est le français avait augmenté par rapport au nombre des autres Québécois entre 1971 et 1976, fut publiée mais seulement après l'adoption de la loi 101.

En janvier 1981, le gouvernement, pour sa part, a commandé une étude qui devait effectivement constater une réduction de 21,6% dans le secteur anglais et une autre de 9,2% dans le réseau français. Les auteurs du rapport étaient d'avis que la perte nette de personnes de langue anglaise due au mouvement migratoire équivalait à la baisse de la fréquentation scolaire imputable à la loi 101. Le rapport notait également la tendance accrue du nombre d'élèves éligibles à l'école anglaise à choisir l'école française. En 1982-83 on comptait 18 000 de ces élèves dans les écoles de langue française. Toutes ces données devraient servir de base à la révision des critères d'admission tels que stipulés dans la loi 101. (11 h 45)

Les prédictions du gouvernement aux effets de la loi 101 sur la fréquentation scolaire ont été en grande partie fausses. Le 22 juin 1977, à la commission parlementaire, le Dr Camille Laurin déclarait: "De toute façon, même avec le projet actuel, le projet de loi no 1, nos prévisions sont que, pour l'ensemble du Québec, la baisse des effectifs scolaires dans le secteur anglophone ne pourrait dépasser, dans la pire des hypothèses, le pourcentage de 34% et non pas 58% ou 80%." À ce moment-là, le Dr Laurin parlait des prévisions pour l'année 1986-1987. Les chiffres relatifs aux effectifs scolaires de 1976-1977 à 1983 démontrent que le secteur anglais a déjà perdu 38%. Une étude récente, soumise au conseil scolaire de l'île de Montréal, prévoit que le déclin devant affecter les écoles anglaises aurait atteint... Oui?

M. Godin: J'ai un certain problème à suivre ce que vous dites, parce que le mémoire que nous avons depuis quelques semaines n'est pas celui que vous nous lisez. C'est une procédure assez inhabituelle en ce qui nous concerne, mais, depuis quelques minutes, vous lisez un document que nous n'avons pas. Je comprends que vous avez bénéficié d'une sorte de statut particulier ici, mais il ne faudrait quand même pas le pousser jusqu'au point de nous donner des renseignements dont nous n'avons pas copie. Pouvons-nous tous avoir copie du mémoire que vous êtes en train de lire dès maintenant?

M. Goldbloom: Pour l'instant, nous n'avons pas de copies des documents que nous lisons maintenant.

M. Godin: C'est cela qui...

M. Goldbloom: Mais ils sont tous dans les documents qui sont préparés et que nous allons vous soumettre à la fin de la commission.

M. Godin: M. Goldbloom. M. Goldbloom: Oui.

M. Godin: Nous avons un mémoire ici, nous avons travaillé là-dessus et on peut dire que 60% de ce que vous avez dit jusqu'à maintenant est dans le mémoire, mais vous avez donné un grand nombre de cas précis avec des noms, un grand nombre de statistiques, précises également, que nous n'avons pas. C'est une manière de procéder qui est contraire à toute la pratique de toute commission parlementaire ici, parce que, chaque fois que vous dites quelque chose qui n'est pas dans le mémoire, nous sommes tenus de faire rapidement des recherches, des enquêtes, ce qui est contraire à la pratique des commissions parlementaires du gouvernement du Québec et d'ailleurs de tout gouvernement où que ce soit dans le monde. J'aimerais que nous ayons vos documents avant ou, au pire, simultanément.

Le Président (M. Gagnon): Effectivement, c'est une question de règlement que vous soulevez. L'habitude, la tradition veut que, au moment où on entend des invités qui nous livrent leur mémoire, les membres de la commission aient copie du mémoire de façon à pouvoir suivre et même c'est censé être remis à l'avance.

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je ne crois pas qu'il existe de règlement écrit là-dessus cependant. Je ne voudrais pas que vous confondiez deux choses. Il y a une permission qui est donnée à ces gens de dépasser le temps habituellement donné aux organismes, c'est une chose. Mais je ne voudrais pas qu'on commence à faire de l'ingérence dans le contenu de ce qui est dit. Si jamais on veut établir une règle suivant laquelle il faudrait connaître le contenu des interventions avant que les gens viennent ici, j'aimerais qu'elle soit discutée expressément, parce que ce n'est pas ma compréhension des choses.

M. Godin: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil, je n'ai pas parlé de règlement, j'ai dit que la pratique, la coutume ou en tout cas dans le nombre de commissions parlementaires que j'ai présidées jusqu'à maintenant, alors que nous avions des invités, les mémoires étaient remis aux membres de la commission pour pouvoir suivre l'argumentation des invités. Je n'ai pas parlé de règlement comme tel, j'ai parlé de la pratique en commission parlementaire.

M. Ryan: Je ne voudrais pas que cela devienne un règlement. C'est pour cela que j'émets une réserve très formelle à ce que ce soit interprété au-delà de ce qui a pu exister. Je pourrais d'ailleurs citer des cas où nous nous sommes écartés de cette pratique.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, les règles de pratique de cette Assemblée, que vous connaissez aussi bien que moi, sont très claires. Comme gouvernement, nous publions un avis dans la Gazette officielle et dans les journaux, dans certains cas, demandant aux gens de remettre les mémoires avant telle date. Comme nous avons eu 70 mémoires qui devaient être remis avant telle date, dans l'intérêt de la bonne compréhension des travaux de la commission, que chacun des membres les ait avant. Il n'est pas interdit qu'un groupe qui vient témoigner ici, en réponse à des questions, donne des documents qui ne sont pas écrits ou qui n'existent pas, par exemple, dont les statistiques n'ont pas été distribuées à la commission deux ou trois semaines avant que la commission ne siège, mais, dans le contenu du mémoire lui-même, au stade où nous en sommes présentement, depuis que je suis député ici et comme journaliste, pour en avoir suivi beaucoup, les documents qui étaient lus en première phase de la présentation étaient accessibles et disponibles aux membres de la commission normalement avant; mais je n'exige même pas que ce soit avant. Je veux seulement que nous ayons au moins sous les yeux ces chiffres dans la mesure où cela met en cause certains fonctionnements ou certains aspects de certains organismes gouvernementaux. Nous sommes ici devant une sorte de commission dans laquelle le principe du audi alteram partem ne pourrait pas s'appliquer, parce qu'on y dépose des documents que nous ne serions peut-être pas en mesure de pouvoir commenter sur-le-champ. C'est le principe que je veux défendre ici.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je comprends d'autant mieux le sens de l'intervention du ministre que nous avons subi le même sort aux mains du gouvernement dans la préparation des travaux de cette commission, en tant qu'Opposition. Ce n'est qu'au début de la commission, jeudi dernier, au moment où on a demandé le dépôt et la distribution de certaines études qui avaient été effectuées par les organismes chargés de l'application de la loi, que le ministre, fort volontairement, nous les a offertes. Et il les a déposées aussi tard qu'hier. Il me semble qu'on pourrait tout simplement se limiter à demander à nos invités de ce matin de nous faire parvenir la documentation qu'ils ont l'intention de nous laisser et de le faire immédiatement, s'ils le veulent. Il n'y a pas de problème. Cela pourrait nous aider, mais de là à en faire tout un plat et en faire un précédent inouï, M. le Président, je trouve que c'est exagéré.

Le Président (M. Gagnon): Je n'ai pas compris cela dans le sens de faire un précédent. C'est dans le but que les membres de la commission puissent mieux suivre l'argumentation qui est donnée. M. Maldoff.

M. Maldoff: Nous sommes tout à fait prêts à livrer à la commission toute la documentation qui forme la base de l'analyse que nous présentons aujourd'hui avec toutes les recommandations. Comme vous pouvez le comprendre, c'est une loi majeure pour notre communauté. Je ne fais pas de gestes à la blague ici. Cela a été un travail énorme pour moi, pour nous, de venir ici et de vous présenter d'une manière assez raisonnable tous les problèmes et tout l'impact de la loi. Ce que nous avons fait, c'est de déposer notre mémoire dans lequel nous avons souligné tous les grands principes qui, d'après nous, doivent régir notre société québécoise. À part cela, nous avons préparé des documents techniques détaillés sur lesquels toutes les recommandations sont fondées. Ensuite, nous avons préparé une présentation orale qui est une synthèse de toutes les autres choses que nous avons. Quant aux chiffres mentionnés au début de cette intervention, ils étaient disponibles. Ils viennent de M. Paillé, du ministère de l'Éducation du Québec, mais quand même, si la commission veut avoir ces documents, nous en avons des copies ici. On peut les livrer immédiatement, si vous le voulez.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, je ne demande pas d'avoir dès maintenant les 1000 pages de documents que vous avez. Cela ne me serait d'aucune utilité. Tout ce que je

demande, c'est ceci: Est-il possible qu'on puisse faire des photocopies du texte que M. Goldbloom et vos autres collègues ont sous les yeux - cela aurait pu être fait ce matin, nous sommes équipés pour cela ici - de manière que nous puissions lire en même temps que vous et tenter de comprendre en même temps que vous.

M. Maldoff: Oui.

M. Godin: Si la commission est importante pour vous, elle l'est beaucoup pour nous aussi. Nous sommes ici, jusqu'à un certain point, dans une situation très bizarre où le gouvernement n'a rien en main, alors que les gens qui viennent ici ont des documents qu'ils lisent et qu'on aurait pu photocopier très facilement. Vous savez très bien ce que je veux dire. Je ne voudrais pas que nos excellentes relations jusqu'à maintenant soient gâchées par quelque incident mineur que ce soit.

Le Président (M. Gagnon): Si vous le permettez, je pense qu'on va voir à vous faire procurer, si je comprends bien, les mémoires qui ont été lus tantôt. Je n'aimerais pas qu'on perde trop de temps, parce que je sens qu'on va manquer de temps en dernier. J'aimerais revenir à la lecture du mémoire en vous demandant de résumer le plus possible le reste.

M. Maldoff: Nous sommes prêts à livrer à la commission des copies de notre note sur le texte. Il a été terminé à 2 h 30 ce matin aujourd'hui. Nous nous excusons de n'avoir pas toutes les copies, mais nous allons les faire et les produire immédiatement. Je dois dire aux membres de la commission que c'est vraiment un document bilingue et qu'il y a alternance entre le français et l'anglais; il n'y a pas de répétition de texte dans les deux langues.

M. Godin: Merci. M. le Président, si vous me permettez... Merci, M. le président d'Alliance Québec.

M. Maldoff: Merci, M. Godin.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Goldbloom, vous avez la parole.

M. Goldbloom: Je reprends le dernier point, simplement à savoir que ce que le Conseil scolaire avait prédit - le déclin jusqu'à 59% en 1988 - a déjà dépassé de 25% les projections du Dr Laurin à la commission parlementaire sur la loi 101. Si le gouvernement refuse d'agir, il sera alors évident que l'intention réelle de la loi n'était pas d'assurer la fréquentation scolaire des écoles françaises, mais plutôt de diminuer l'importance de celle des écoles anglaises, ce qui entraînerait l'étouffement de la communauté de langue anglaise. Les prédictions qui se sont révélées justes quant à l'évolution de la fréquentation scolaire ont maintenant été projetées plus avant. Jacques Henripin, dans le cadre de son témoignage devant le juge en chef Jules Deschênes, lors de la cause en 1982 touchant l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, a prédit qu'en vertu des dispositions de la loi 101, la fréquentation scolaire du secteur anglais tomberait à 7,1% en l'an 2001. Si la clause Canada était retenue, la baisse atteindrait 8,7%.

Une autre démographe, Diane Vanasse, de l'École des hautes études commerciales, analysant deux hypothèses sur l'avenir de la fréquentation scolaire anglaise, démontre que, selon l'hypothèse la moins favorable pour les Québécois de langue anglaise - scénario qui s'est révélé juste depuis 1976 - l'application des critères selon la langue maternelle et la clause universelle feraient que moins de 10% de la population scolaire du Québec fréquenterait l'école anglaise en l'an 2001.

Notre recommandation est donc que le système scolaire qui dessert la communauté de langue anglaise au Québec soit mis à la disposition de toute personne de langue anglaise venant de n'importe où au monde.

M. Dobie: And then, we could go on to the application of the law as far as education is concerned. We have tons and tons of examples which I will not bore you with, but I am sure many of the bureaucrats that you have hired over the past years have these files. Again, the problem is exactly the same thing as I mentioned in business. We have a body, the Appeal's Commission for admission to English schools that was supposed to have been formed to regulate cases of a special nature. In effect, this Appeal's Commission has acted extremely bureaucratic and has simply applied the letter of the law. I will give you an example. Article 73 of the law dictates the four categories of people that are permitted to get English education. One of those is "children of parents who have received their primary education in English in Québec". We have a large number of people who came into Québec when they were, I would say, eight or nine years old. They were registered into an English school, shall we say in grade 3 or 4. They completed 3rd, 4th and 5th grades and then all the way through high school in English. When a person applies for a certificate of eligibility, that person is refused. That person is refused because not all the education was done. That is refused by the bureau. Then the appeal has to be lodged and we win virtually every case in appeal. There has been some recommendations on three occasions by the Appeal's Commission to recognize

jurisprudence and to recognize these cases. And yet the same bureaucracy has to go through. We have a number of cases that can be quoted whereby the whole humanitarian efforts are not taken into consideration. Cases whereby younger brothers and sisters cannot accompany the older brother or sister who has received a special exemption, that older brother or sister being a handicapped person. The younger brothers and sisters cannot accompany him, and that is a case whereby the law is being applied very strictly. (12 heures)

We have the case also of admissions of temporary permits and then, God knows what the regulations are because it seems that is very discretionary. As far as temporary permits are concerned, we had some rules and regulations that were in action until just a few weeks ago and then Bell Helicopter comes in and all of a sudden, it seems, new applications of the law. In essence, again, we have an application of the law that is very strict, taking into consideration that the natural restrictions are extremely restrictive on the part of admission to English Schools. We have that added burden to content with.

Le Président (M. Gagnon): M.

Goldbloom.

M. Goldbloom: Nous avions l'intention de parler des enfants soi-disant "illégaux" et nous n'allons pas le faire. Je dirai simplement que nous sommes d'accord avec les positions prises hier par le Conseil italien.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Maldoff: Est-ce que nous pourrions finir...

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le président.

M. Maldoff: ...notre conclusion? Le Président (M. Gagnon): Ah bon!

M. Maldoff: II est temps que nous cessions de combattre le passé et que nous commencions à bâtir l'avenir. Il est temps d'avoir une vision noble du Québec. Le maintien d'une société unique exige un effort particulier de la part de chaque citoyen. Il en va de même de la poursuite de l'excellence. Dans le monde d'aujourd'hui, le succès ne peut être le fruit du laisser-aller. Nous nous devons d'avoir des objectifs réalistes et de les aborder avec la conviction de savoir où nous allons. Nous devons être a la hauteur des défis de la concurrence et nous devons nous munir de tous les outils dont nous pourrions avoir besoin pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Notre ressource principale est notre peuple dans la mesure de son savoir, de ses compétences et de sa motivation. Le Québec a besoin de gens d'expression anglaise capables de bien fonctionner en français. Alliance Québec a été créée dans le but de leur tailler une place au coeur même de la société québécoise.

Le Québec a besoin de gens d'expression française capables de bien fonctionner en anglais. Les forces de l'histoire ont fait de cette langue un outil essentiel à travers le monde entier. L'anglais n'est pas simplement une autre langue, c'est l'une des ressources naturelles, historiques du Québec et elle mérite une connaissance formelle dans cette province.

Le 26 août . 1982 dans un éditorial intitulé: "La Loi no 101, un bilan", Jean-Pierre Proulx écrivait dans le Devoir: "La Charte de la langue française ne recouvre pas toute la réalité québécoise. Il faut éviter à tout prix d'en faire un nouveau mythe, une réalité sacrée, intouchable. Car en même temps que la société se francise elle doit demeurer attrayante aussi bien pour ceux qui y vivent que pour ceux qui l'observent de l'extérieur. La sagesse politique consiste précisément à bien mesurer l'impact de la pression appliquée pour contrer les forces qui empêchent ou retardent la réalisation d'objectifs par ailleurs pertinents et légitimes. "Il y a cinq ans, le Québec, de par sa politique linguistique, s'est donné des moyens vigoureux. À l'usage, il faut bien constater que certains d'entre eux ont contribué à rendre le Québec moins attrayant. Le temps devrait être arrivé pour ce gouvernement de faire les ajustements nécessaires. Au premier chef, un gouvernement confiant dans l'avenir et dans la population devrait avoir l'honnêteté de reconnaître clairement dans la loi l'existence de la communauté anglophone. Pour l'heure, la charte, la relègue au rang d'une minorité ethnique. Depuis lors le vocabulaire a évolué et elle a été mise au rang de la plus importante des communautés culturelles. On ne pouvait pas faire longtemps injure à l'histoire."

Le Président (M. Gagnon): Cela va.

M. Maldoff: Non, pas encore.

J'aimerais seulement mentionner nos conclusions principales. Telle qu'elle est, la loi est trop étriquée dans sa vision de l'actuelle réalité et du futur potentiel du Québec pour être acceptée par tous les Québécois.

Les six années de son application ont eu un impact irréversible sur la direction de la société québécoise. Deux possibilités s'offrent à nous: une glissade continue vers

une société unilingue ou la conclusion d'un nouveau contrat social entre les Québécois d'expression française et ceux d'expression anglaise. C'est pour la seconde de ces options qu'Alliance Québec oeuvre depuis le début de son existence. C'est dans le sens de cette option que nous avons répondu à l'appel au dialogue du premier ministre. Nous nous ne recherchons pas à revenir en arrière. Nous sommes prêts à aller en avant comme participants de la réalité québécoise d'aujourd'hui. Nous sommons le gouvernement de rejeter l'étroitesse d'esprit avec laquelle la loi 101 est actuellement interprétée et appliquée. Nous sommons le gouvernement de se rendre compte qu'un nouveau contrat social, basé sur la protection, la vitalité et l'épanouissement du français et sur la participation dans la société québécoise d'une communauté d'expression anglaise respectée, vigoureuse et vibrante est dans l'intérêt de tous les Québécois. Nous répétons qu'il est temps de cesser de combattre le passé et de commencer à bâtir l'avenir ensemble.

Nos recommandations principales sont les suivantes: 1. The mandates and procedures of agencies charged with the administration of the Charter should require respect for the principles of natural justice and the right to use English and other languages. 2. Les institutions d'expression anglaise devraient être reconnues et les Québécois d'expression anglaise devraient avoir le droit de créer, de contrôler et de gérer leurs institutions selon les besoins en matière d'éducation, de culture, de santé et de services sociaux. 3. Le réseau des institutions d'expression anglaise devrait être reconnu. 4. Les institutions d'expression anglaise devraient avoir le droit de communiquer entre elles sur le plan interne en anglais. 5. La responsabilité légitime de fournir des services en français dans l'administration publique devrait reposer dans les mains de l'institution elle-même et non être une responsabilité personnelle de chacun des employés des institutions. 6. Les personnes d'expression anglaise devraient avoir le droit de recevoir les services et les communications en anglais de la part de l'administration publique. 7. Les professionnels éduqués au Québec devraient être exemptés des tests linguistiques. 8. Les droits acquis des travailleurs devraient être respectés et l'apprentissage de la langue française encouragé par l'accès au travail. 9. Les affiches, les avis et la publicité commerciale devraient être permis autant en français qu'en anglais.

The preamble to Bill 101 sets forth the basic purpose of the law: whereas the National Assembly recognized that

Quebeckers wish to see the quality and influence of the French language assured, and is resolved therefore to make of French the language of Government and the law, as well as the normal and everyday language of work, instruction and communications.

The preamble also goes on to recognize other facets of Quebec's social reality, in particular, the unique role of Amerinds and Inuits of Québec as well as the pluralistic nature of our society. And it must do so for if the law is to serve adequately our society, it must be anchored in reality. It must, within the parameter of its general objectives reflect the totality of contemporary Québec if it is to be a useful and constructive instrument. A law which attempts to ignore an important element of our social reality can at best be an exercise in self delusion and at worst, a socially harmful and even destructive endeavour.

Bill 101 is not however an accurate reflection of contemporary Québec society. It presents the image of an essentially unilingual society, an image which is at odds with the truth. For while it speaks of the French language of the Amerinds, the Inuits and the ethnic minorities it makes no mention in the preamble or in article 1 of the English language and the English-speaking community. Can English-speaking Quebeckers be ignored in a document which supports to deal with the essence of Québec.

Québec is a pluralistic society composed of two linguistic communities. Our community, the English-speaking community is not an ethnic entity. It is a diverse and pluralistic community, comprising people from a wide variety of origins. It is a linguistic community. The co-existence of these two linguistic communities, the French and the English, forms the essence of Québec, as it is the essence of Canada. It is an historical truth that Québec was founded on the recognition and legitimacy of both the French and English languages and communities. This is the basis of our society, and it has been the dominent theme of our communal life. It has a basis in our history and in our constitution. More importantly, it is based on the reality of contemporary Québec society.

The English-speaking community of Québec contributes to this province through its institutional network of schools, universities, health services, social services, through its artistic and cultural institutions. It plays a major role in all facets of Québec life, from culture to business.

Yet, Bill 101 ignores this linguistic duality which is the essence of Québec society. With brutal simplicity, it ignores one of the two linguistic communities of this province. If Bill 101 is to present an accurate reflection of contemporary Québec, if it is to deal honestly and adequately with

the essence of Québec, it must explicitly acknowbedge the legitimacy of the English language. The sum total of our recommendations to this commission represent no more and no less than a call for the formal recognition of the legitimacy of our language and our community. That is our tenth recommendation.

Let there be no mistake. This is not a call for a return to the past, nor is it an attempt to reserve the burden of bilingualism. It is a call for realism, an insistence that the distorted image of a unilingual Québec be corrected. We fully recognize that it is infinitely more difficult to mould a law such as Bill 101 to a complex reality than to simply ignore a portion of that reality. Yet to do anything less is not only to insult history, but to legate reality and deny Quebeckers the richness of our cultural diversity and linguistic duality. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup.

M. le ministre, avant de vous laisser la parole, je dois dire qu'il faudrait absolument respecter les gens qui doivent venir par la suite et qui auront aussi le droit de se faire entendre. J'aimerais bien que l'on puisse s'entendre pour terminer à 13 heures.

M. Godin: À moins qu'il n'y ait une entente entre les membres de cette commission, des deux côtés.

Le Président (M. Gagnon): Je veux seulement vous dire qu'il y a des gens qui m'ont rencontré, qui sont ici, qui devront venir devant la commission et qui ne pourront pas remettre leurs travaux devant la commission à demain.

M. Godin: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le ministre.

M. Godin: Un autre point, les dix recommandations que vous venez de nous lire, M. Maldoff, font-elles partie de la masse de documents que nous venons d'avoir? Sont-elles dans la documentation que nous avons eue ici?

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, il y a une question de règlement, M. le ministre.

M. le député de Vachon.

M. Payne: Cela pourrait être plus responsable si vous pouviez stipuler maintenant le temps qu'on est prêt à allouer a Alliance Québec. Si on dit que cela sera, par entente, cet après-midi, il vaut mieux planifier maintenant si ce sera une heure trente minutes, ou quarante-cinq minutes, ou un heure chacun.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que l'on s'entendrait pour...

M. Payne: Le raisonnement est très simple. On a passé deux heures d'audition très importantes et je...

Le Président (M. Gagnon): Alors, si vous êtes prêts à faire une entente, on ne sera pas obligés de terminer à 13 heures exactement. S'entend-on sur une heure de période de questions, ce qui voudrait dire 13 h 15?

M. Payne: Trente minutes chacun, non?

M. Godin: Je proposerais 13 h 30, si M. le député de Gatineau est d'accord.

Le Président (M. Gagnon): 13 h 30?

M. Gratton: M. le Président, quant à nous, si on s'entendait pour dire: On va aller jusqu'à 13 h 30, on s'ajustera en conséquence.

Le Président (M. Gagnon): D'abord, je vais faire respecter le temps des deux formations pour que l'on termine à 13 h 30, mais il faudra revenir à 15 heures pour ceux qui veulent témoigner.

M. le ministre, je m'excuse de vous avoir coupé la parole.

M. Godin: Je compte sur vous, M. Maldoff, pour me faire parvenir les dix recommandations que vous venez de lire parce que je ne les ai pas trouvées dans...

M. Maldoff: Je m'excuse, c'est dans l'autre cahier.

M. Godin: Ah! elles sont dans le nouveau document? D'accord!

M. Maldoff: Vous les avez. C'était déjà livré.

M. Godin: Avec une épine en plastique noir.

M. Maldoff: C'est cela. (12 h 15)

M. Godin: Merci beaucoup. Alors, M. Matheson, Mme Usher, M. Dobie, M. Goldbloom, M. Maldoff, M. Chambers, M. Ross, M. Sparkes et Mme Kelley, bienvenue à l'Assemblée nationale du Québec. Nous sommes ici pour vous écouter. Vous avez joué un rôle central dans la décision du gouvernement de tenir cette commission. D'entrée de jeu, je m'étonne que vous disiez, à la page 4 de votre mémoire, je pense, que

"nous sommes insensibles à ce qui se passe." Attendez au moins de voir les résultats de cette commission avant de décider de nous "hang before hearing us".

Je pense que vous verrez d'ici quelques semaines quelles sont les intentions du gouvernement et c'est à ce moment-là, et à ce moment-là seulement, que nous aurons droit à des critiques à partir de ce que nous aurons fait ou non.

Par ailleurs, je dois rendre hommage à Alliance Québec depuis le début de son existence, depuis sa création, pour le sérieux de son travail et également pour les services très importants qu'Alliance Québec rend au gouvernement en récoltant un grand nombre de cas qui découlent de l'application de la loi 101 et en les faisant connaître à la presse et au gouvernement de manière que nous puissions améliorer les procédures et règlements qui découlent de l'existence même de la loi 101.

Je m'étonne que vous ne l'ayez pas mentionné dans votre mémoire; depuis qu'Alliance Québec existe, depuis que nous sommes en contact, un certain nombre de changements ont été apportés dans un certain nombre de secteurs. Pour avoir un portait d'ensemble de l'action du gouvernement, il m'appartiendra de faire état de ces changements qui sont venus à la suite de requêtes, revendications, lettres ou messages de l'alliance ou d'autres groupes anglophones reliés à l'alliance, entre autres les Townshippers.

Dans le domaine des tests linguistiques, à la suite de certains cas portés à la connaissance du gouvernement et à la suite des revendications d'Alliance Québec, le gouvernement les a modifiés. Le taux de succès obtenu par les gens soumis à ces tests a bien montré que vos critiques étaient fondées, mais également que le gouvernement en a tenu compte. D'ailleurs, la réflexion sur les tests linguistiques se poursuit dans le sens que vous nous indiquez dans votre mémoire.

Il y a quelques années, on peut dire que la communauté anglaise du Québec était - comme on dit en latin - terra incognita de l'ensemble des Québécois et des Canadiens. Aujourd'hui, grâce aux recherches qui ont été faites, grâce aux travaux d'Alliance Québec, nous nous connaissons un peu mieux les uns les autres. Malgré des frictions dans certains cas, il y a eu des dialogues fructueux entre Alliance Québec et des membres de ce gouvernement, y compris le premier ministre lui-même.

Donc, l'existence d'Alliance Québec, pour le gouvernement du Québec, est un événement important pour nous et pour l'histoire du Québec. Nous le saluons. Par ailleurs, en toute justice pour les organismes qui appliquent la loi 101 et ses règlements ainsi qu'en vertu du principe audi alteram partem que vous connaissez, Me Maldoff, je dois donner certaines explications sur des déclarations faites par l'une ou l'autre des personnes qui vous accompagnent.

M. Dobie a cité le cas d'un examen sur la connaissance du français par une personne qui servait des beignes. Il est sûr que, présenté de cette façon, la commission de surveillance a l'air d'un organisme totalement ridicule qui vérifie la qualité des beignes dans une école. Je pense que cela illustre jusqu'à un certain point certaines caricatures qui circulent au sujet de la commission de surveillance.

Voici le fait. Dans une école française du Protestant School Board of Greater Montreal, nous avons reçu à la commission de surveillance des plaintes de la part de parents. Certaines plaintes sont portées à la connaissance d'Alliance Québec par des membres de la communauté anglophone. Nous n'avons aucune critique à formuler contre ce fait qu'Alliance Québec reçoive des plaintes des gens qui sont concernés. Je pense qu'en retour vous devez reconnaître qu'il est normal que, si des parents francophones au Québec ont des plaintes à formuler, ils ont également le droit de les formuler mais il existe un lieu pour le faire et c'est la commission de surveillance.

D'ailleurs, je poursuis l'histoire de ce cas. Les enfants francophones unilingues étaient servis par une personne dans la cafétéria qui ne parlait pas français. C'est le cas qu'on m'a donné. Le cas de M. Dobie en est un beau. C'est la raison pour laquelle j'aurais aimé avoir votre texte avant que la séance commence aujourd'hui, de manière que nous puissions donner le droit à l'autre partie de se faire entendre, ce qui est un principe élémentaire de justice aussi bien pour les employés de l'Office de la langue française ou de la commission que pour les personnes qui ont porté plainte.

Je poursuis l'exemple d'une enquête faite par la commission de surveillance. Cette personne a été portée à la connaissance de la commission. L'inspecteur s'est présenté et il l'a interrogée pour vérifier sa connaissance du français. Les questions qu'il a posées portaient sur l'alimentation qui était servie ce jour-là. Exemple: Comment appelez-vous ceci? Réponse: Doughnuts. Il est sûr que cette personne a été interrogée sur les beignes. L'interrogatoire ou les questions visaient à vérifier sa connaissance du français puisqu'elle avait à travailler avec des enfants francophones dans une école française du Protestant School Board of Greater Montreal. Je pense que, présenté dans sa vraie perspective, le cas devient beaucoup moins caricatural qu'il ne le semblait au début.

Maintenant, vous n'avez pas mentionné dans votre mémoire parlé - dans le mémoire écrit, oui - les modifications faites dans le

domaine de la toponymie à la suite des demandes formulées par Alliance Québec et par les Townshippers. Nous avons modifié le règlement qui régissait le fonctionnement de la Commission de toponymie du Québec. Ce règlement qui sera publié en prépublication tiendra compte des revendications des Townshippers aussi bien que d'Alliance Québec. Cette réglementation vise à confirmer et à officialiser les mots, les noms de lieu utilisés par la communauté anglophone dans les régions du Québec où elle se trouve. Il y avait, dans le répertoire de 1969, 6000 toponymes anglais; en 1981, nous en sommes rendus à 10 000 toponymes anglais officiels. Donc, le gouvernement a décidé de tenir compte de vos suggestions et de vos revendications et d'appliquer la règle élémentaire de la toponymie - règle internationale, d'ailleurs - de la reconnaissance de l'usage dans la détermination d'un nom officiel dans l'ensemble d'un territoire. Nous allons poursuivre dans cette direction.

Ce que nous nous proposons de faire dans le cas où une population voudrait changer le nom, nous songeons à une formule référendaire d'initiative populaire. Si 10% des gens dans un quartier ou dans une ville demandent qu'il y ait une consultation sur un nom, que la municipalité fasse cette consultation. Le changement fondamental est double: premièrement, reconnaître l'usage; deuxièmement, laisser aux citoyens le soin de décider quel devrait être le toponyme si jamais le toponyme devait être changé.

D'autre part, à la page 12 de votre mémoire, vous faites état du réseau des hôpitaux et des services sociaux, des services de santé anglophones. Vous affirmez une chose qui est contredite par le mémoire qui nous vient des hôpitaux anglophones eux-mêmes et des services sociaux eux-mêmes. Est-ce à la page 14? À la page 12 - pardon, M. le Président - on dit: "Les personnes qui se présentent dans un établissement de langue anglaise, que ce soit pour des soins, pour un emploi ou pour des renseignements, devraient normalement s'attendre à ce que l'anglais y soit parlé et écrit." Cela contredit le mémoire qui nous est venu des institutions anglophones de santé qui, elles, disent qu'elles s'engagent à ce que si un patient francophone se présente dans un hôpital, un institut de santé ou un service social anglophone, il peut s'attendre qu'il y ait une personne qui puisse lui répondre en français.

M. Maldoff, vous n'êtes pas sans savoir qu'une proportion importante de la clientèle des hôpitaux anglophones au Québec est francophone, parce que cette clientèle, soit par habitude, soit par tradition, soit à cause de sa situation géographique, préfère aller dans des hôpitaux anglophones. Cela constitue également une reconnaissance de leur qualité par l'ensemble de la communauté du Québec, pas seulement anglophone.

Je pense que c'est une vision un peu étriquée des choses, pour reprendre votre propre expression. Je pense que la vision noble aurait consisté à dire que si un patient...

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Godin: Mme la députée de L'Acadie, vous aurez l'occasion de parler tout à l'heure, je pense. Si vous voulez prendre la parole, il y a un président ici qui peut vous la donner très généreusement, vous savez!

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, je voulais simplement vous dire de lire au complet, M. le ministre.

Le Président (M. Gagnon): S'il vous plaît! Effectivement, vous êtes déjà inscrite...

Mme Lavoie-Roux: D'accord, d'accord, je laisse la parole au ministre.

Le Président (M. Gagnon): Vous aurez la chance de reprendre les choses qui ne vous semblent pas correctes.

Mme Lavoie-Roux: Parfait.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Godin: Merci, M. le Président. Je pense donc que la position qui, des deux positions, me semble noble, c'est celle qui nous vient de l'association des hôpitaux anglophones qui doit présenter son mémoire d'ici quelques jours d'ailleurs.

Le point suivant, c'est la question de l'anonymat des plaintes. Il y a une tradition judiciaire, juridique et légale dans notre système selon laquelle toute loi à portée sociale - donc qui concerne l'ensemble de la communauté - est ainsi faite qu'il appartient au ministère public, au Procureur général de porter les plaintes et non pas à la personne elle-même. La personne elle-même délègue en quelque sorte son pouvoir au Procureur général. Il y a peu de cas, à ma connaissance, où, dans une situation semblable, une personne est tenue de donner son nom. Si une personne en voiture voit circuler un chauffard qui roule à 100 milles à l'heure, son devoir est de dénoncer le chauffard et il appartient à la Sûreté du Québec de l'arrêter et non pas à la personne de dire: C'est moi qui ai porté plainte. Dans un grand nombre de lois et de statuts, aussi bien provinciaux que fédéraux, ce principe est appliqué et reconnu. D'ailleurs, la commission de surveillance n'a aucun pouvoir de sanction, M. Maldoff. La commission de surveillance a entendu 15 300 plaintes depuis

qu'elle existe. Sur les 15 300 plaintes, il y a eu 33 audiences formelles, c'est-à-dire des séances au cours desquelles les personnes ou les organismes contre lesquels les plaintes étaient portées ont pu se faire entendre et être accompagnés d'un procureur s'ils le souhaitaient. Dans chaque cas, la commission demandait: À l'origine de la plainte, est-ce que vous voulez que votre nom soit divulgué? Et la personne pouvait refuser ou accepter.

D'ailleurs, dans le cas d'une autre loi, à la Commission des droits de la personne du Québec, une plainte portée par une personne peut être portée de façon anonyme; il appartient à la personne d'accepter que son nom soit divulgué ou non. Par conséquent, il y a un grand nombre de cas où l'anonymat du plaignant est respecté.

Un autre exemple que je peux vous donner, c'est celui de la Loi sur la protection de la jeunesse. Une personne qui observe que des parents battent un enfant peut porter ce fait à la connaissance du ministère de la Justice et elle n'a pas à se présenter à la cour pour dire: C'est moi qui ai dénoncé le père ou la mère qui battait son enfant.

Donc, il y a un certain nombre de lois et de statuts, canadiens et québécois d'ailleurs, qui sont très clairs là-dessus. (12 h 30)

Enfin, la commission, n'ayant pas le statut de tribunal, achemine les plaintes au ministère de la Justice et, sur les 15 300 plaintes, 43 dossiers ont été transférés au ministère de la Justice. Un nombre infime, un nombre extrêmement faible a donné suite à des plaintes formelles du ministère de la Justice contre une entreprise ou une personne au Québec.

Ceci étant dit, passons plutôt, non pas à des corrections de détail, mais à ce qui est l'essentiel de la raison pour laquelle nous sommes ici. Il y a au Québec 113 organismes de santé qui sont classés ou reconnus comme anglophones par le gouvernement du Québec. Il y a 98 municipalités qui ont le statut de municipalités anglaises au Québec. Il y a 32 commissions scolaires qui ont un statut de commissions scolaires protestantes; anglaises à 90%, M. Dobie, à peu près? Il y a, en plus de ces 32 commissions scolaires, 35 écoles reconnues comme des écoles anglaises au Québec. Un grand total de 278 institutions sont reconnues comme anglaises au Québec et bénéficient d'un statut particulier pour ce qui touche l'usage de l'anglais à l'intérieur de leurs murs et pour ce qui touche également la reconnaissance d'un statut officiel et institutionnel de la communauté anglaise au Québec.

Vous souhaiteriez qu'il y ait une reconnaissance symbolique plus forte. Mais entre une reconnaissance symbolique comme celle qui se décide aujourd'hui même à Winnipeg et une reconnaissance de fait comme celle-ci, l'idéal serait d'avoir les deux mais l'essentiel est d'avoir d'abord celle-là. Il n'est pas question pour nous, M. Maldoff, de modifier d'aucune façon cette réalité. Comme vous le dites dans votre mémoire, si la nécessité exigeait des institutions anglophones nouvelles, ce n'est pas exclu. Le cégep Dawson sera regroupé et réinstallé dans des locaux historiques à Montréal, ce qui illustre bien que, loin de vouloir confiner la communauté anglaise du Québec dans des locaux peu adéquats - dans lesquels d'ailleurs j'ai eu l'occasion d'aller rencontrer les étudiants à quelques reprises; j'ai constaté moi-même à quel point c'était inadéquat - il n'a jamais été question pour nous de punir ou de pénaliser de quelque façon que ce soit la communauté anglaise du Québec. Au contraire. Nous reconnaissons totalement son droit à ses institutions et je l'ai dit à plusieurs reprises.

Il va s'agir pour nous, à la suite de cette commission, quand nous aurons récolté les opinions de l'ensemble des gens qui vont venir ici, de "put our decision where our mouth has been for the past months", c'est-à-dire d'incarner de façon concrète, dans des amendements à la loi 101, notre volonté ou du moins la partie de notre volonté - car il y a d'autres aspects de la loi 101 que vous n'avez pas abordés ici et qui touchent d'autres parties de la communauté québécoise qui touche la communauté que vous représentez ici.

Par ailleurs, je me réjouis, M. Maldoff, que, lors de votre présence au Manitoba, vous ayez, en tant que porte-parole de la minorité anglaise du Québec et, par extension, porte-parole des minorités françaises dans d'autres provinces canadiennes, dit: "References are made from time to time to the treatment of our community in Québec and references are made to the status of our community in Québec and we feel that some of those representations are grossly inaccurate and we are here to clarify any misunderstanding in that regard. For example, statements by those who sit at the separatist government of Québec as what thought the English-speaking population. So, let us move to the two unilingual zone models of Canada. We are here to say "no", that is not true; and we are still strong and vibrant a little bit under attack, but we are still there and a million strong and we are committed to staying there."

Et je me réjouis de cette déclaration, M. Maldoff. Elle a été rapportée dans quelques journaux au Québec et je pense que cela jetait une lumière un peu différente de celle qu'on voit souvent par rapport à la vigueur de la communauté anglaise du Québec. Personnellement, je suis beaucoup plus optimiste que certains par rapport à la communauté anglaise du Québec. Un certain

nombre de modifications seront apportées à la loi 101. L'engagement est formellement pris devant vous aujourd'hui. Et ces modifications ne vous donneront peut-être pas totalement satisfaction, but who is ever totally satisfied? Mais elles incarneront - je le répète - la volonté du gouvernement du Québec de faire en sorte que, s'il y a un modèle - je le répète, le jour du référendum à Winnipeg - s'il y a une communauté, une province, une société au Canada qui respecte ses minorités, nous voulons être cités en exemple. Nous voulons surtout être un modèle qui sera suivi par d'autres provinces et je pense à notre immense voisin, le Nouveau-Brunswick, qui travaille dans le même sens que nous. Et nous souhaitons que, partout où il y a une communauté française, cette communauté bénéficie de la même liste d'écoles, de services de santé, d'hôpitaux, de municipalités reconnaissant leurs caractères distinctifs que les anglophones en ont ici. Tant que nous n'aurons pas atteint pour les minorités françaises hors Québec à ce statut d'égalité, je ne serai pas satisfait personnellement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Gatineau.

Est-ce que vous aviez des réponses à donner?

M. Maldoff: Bien sûr, M. le Président. Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Maldoff: M. le ministre a touché beaucoup de points que nous avons soulevés dans notre texte. Je pense qu'au lieu de répéter tout notre mémoire pour le remettre dans son propre contexte, je vais en expliquer quelques points.

Nous n'avons jamais demandé au gouvernement du Québec d'améliorer les tests linguistiques pour les professionnels éduqués ici au Québec. Nous avons demandé, dès le début, l'abolition de ces tests linguistiques pour les professionnels, pour les Québécois. Pourquoi? Parce que nous sommes des Québécois. Et imposer des restrictions pour notre communauté à l'accès au monde du travail, pour les Québécois éduqués ici au Québec, ce n'est pas acceptable. Ayant moi-même été obligé de me soumettre à ces tests linguistiques, je dois vous dire que c'est une expérience humiliante que celle d'avoir vécu ici toute ma vie et d'avoir l'obligation de me présenter devant un groupe de fonctionnaires pour avoir la permission de travailler ici, dans ma province. C'est inacceptable. Vous pouvez modifier les tests d'ici à la fin du monde et ce ne sera jamais acceptable pour notre communauté. Nous ne sommes pas des citoyens de deuxième classe.

Le deuxième point...

M. Godin: M. le Président, une sous-question, si vous me le permettez, M. Maldoff.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: Est-ce que vous pensez que ces examens de français - donnons-leur leur vrai nom - par ailleurs, devraient être appliqués aux nouveaux professionnels qui nous viennent d'ailleurs dans le monde?

M. Maldoff: La question de la connaissance de la langue est un critère normal dans plusieurs sociétés pour les professionnels. Mais, si vous voulez dire que les anglophones du Québec sont des gens qui viennent d'ailleurs, on se trompe.

M. Godin: M. le Président, je m'excuse, mais enfin...

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: ...je n'ai pas dit cela. Ma question était très claire, M. Maldoff. Essayons de rester calmes tous les deux. Ma question était très claire. Il n'a jamais été question pour moi, dans ma question, d'avoir votre opinion... Vous l'avez déjà donnée: vous êtes contre les tests pour les Québécois qui ont fait leurs études au Québec.

M. Maldoff: Oui.

M. Godin: Alors, nous sommes presque d'accord là-dessus. Je vous pose la question: Pensez-vous que des examens de français pour les professionnels qui viennent d'autres régions du monde devraient être requis?

M. Maldoff: J'ai des inquiétudes quant à la question d'un test normalisé. Nous avons un rapport du Conseil de la langue française qui constate qu'il y a de grands doutes sur la question d'un test normalisé, à savoir si telle sorte de test est le meilleur moyen d'évaluer la compétence dans une langue. Ce que je dis, c'est qu'il est bien raisonnable de s'assurer qu'un professionnel qui vient ici peut servir le public. Quant aux moyens d'assurer la compétence, je pense qu'on peut ensemble établir des critères sensibles et humains qui vont assurer les droits des francophones d'être servis en français et assurer que Québec demeurera une société attrayante.

Il faut ajouter un point. Il est bien connu que le meilleur endroit pour apprendre une langue, c'est dans le lieu de travail. Je pense qu'il faut avoir des moyens d'accorder aux personnes qui viennent au Québec le temps d'entrer dans les milieux dans lesquels elles peuvent apprendre le français.

Un deuxième point sur la question du service des beignes, ce n'était pas le PSBGM. C'était un magasin privé. La question posée au service, c'était d'expliquer en détail le contenu d'un beigne. J'avoue et je dois dire que la plupart des francophones du Québec, même ceux qui travaillent dans ces maisons et qui vendent les beignes, ne peuvent pas décrire le contenu d'un beigne.

Sur la question de la toponymie, nous sommes très heureux des changements proposés par le gouvernement et nous l'avons déclaré il y a quelque temps. Mais il faut dire que, parmi toutes les revendications de notre communauté et les questions qui touchent vraiment à la question de notre légitimité ici au Québec, il y a deux changements qui seront accordés: premièrement, on va changer les tests linguistiques et, deuxièmement, on va nous laisser le droit d'avoir les noms de nos lieux. On parle ici de l'accès aux services de santé et aux services sociaux, de l'accès aux services gouvernementaux, de la question de la survivance de nos institutions scolaires. Ceci est important pour la survivance de notre communauté, c'est essentiel. Sur ces points majeurs, nous attendons encore. Selon ce que vous avez promis aujourd'hui, M. le ministre, j'espère qu'il y aura des amendements efficaces et adéquats. Je dois dire clairement, au nom de notre communauté et surtout pour Alliance Québec, qu'il faut avoir des solutions réelles et que des changements cosmétiques qui vont donner l'apparence d'un mouvement par le gouvernement sans régler le problème à fond ne seront jamais acceptables.

Nous avons essayé de présenter aujourd'hui des revendications basées sur la compréhension d'une société, sur la vision d'une société qui reconnaît l'importance de promouvoir et de protéger la langue française et de respecter les droits des francophones du Québec. Dans un tel régime, il est fort possible de protéger les droits des anglophones du Québec et d'assurer que nous nous sentons chez nous, ici au Québec. Le premier sondage que nous avons fait sur les questions précises de notre politique et de nos revendications démontre clairement que, lorsque les questions sont posées clairement... Je comprends qu'un sondage est seulement un sondage, mais quand même, les résultats ont été massivement en faveur de nos revendications, même parmi les gens qui appuient le Parti québécois, même parmi vos électeurs. La maison qui a fait ce sondage, SORECOM, est une maison qui a été employée à plusieurs reprises par le gouvernement pour ses propres études.

Quant aux services de santé et aux services sociaux, ce que nous revendiquons ici aujourd'hui, c'est le fait que l'obligation de rendre service en français devrait être une obligation institutionnelle. Nous tenons pour acquis que l'obligation de rendre service - il n'y a pas de doute - devrait être disponible sans hésitation, sans doute et sans embarras aux citoyens québécois. (12 h 45)

D'autre part, nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire d'imposer cette obligation à chaque employé dans une institution pour assurer le service. C'est le sens du jugement de la commission de surveillance dans le cas de St. Mary's quant à la décision rendue. Elle a trouvé que, dans 100% des cas, la dame impliquée pouvait être servie en français. Mais 37% des employés qui étaient présents quand la dame était dans l'hôpital n'avaient pas une connaissance du français suffisante, selon les exigences de la commission de surveillance. Quel est le critère qu'on va employer?

Le Président (M. Gagnon): M. Maldoff, je vous demande de m'aider un peu parce qu'au rythme où cela va, il n'y aura plus de membres de cette formation politique qui pourront vous poser des questions, le temps sera écoulé. J'aimerais qu'on puisse aller le plus rapidement possible pour permettre aux membres de la commission de vous poser des questions.

M. Maldoff: Je vais faire de mon mieux.

Le Président (M. Gagnon): Parce que le temps est déjà écoulé.

M. Maldoff: D'accord. La question de la procédure devant la commission de surveillance. Très rapidement, les accusés n'ont même pas le droit de voir les chefs d'accusation contre eux. Ils ne sont pas avisés qu'ils peuvent avoir un avocat pour les représenter. Pour nous, il est bien clair que ces droits devraient exister.

Le septième point, c'est la question des institutions anglophones. La reconnaissance sous l'empire de l'article 113f est une reconnaissance des institutions qui rendent service à une population à majorité non francophone. Ce n'est pas une reconnaissance des institutions anglophones du Québec, c'est une reconnaissance administrative. Ce n'est pas un droit de reconnaissance. Nous réitérons ici qu'il faut avoir, si la loi reflète la réalité, une sorte de reconnaissance formelle, des garanties formelles pour notre communauté d'avoir, de garder et de créer ses propres institutions.

Vous avez touché un point très important pour moi aujourd'hui, M. le ministre. C'est la question du Manitoba que vous avez soulevée. Je dis seulement deux choses: premièrement, vous avez dit que le gouvernement devrait être un leader pour les autres provinces quant au traitement des minorités linguistiques. Je vais mentionner

les déclarations faites à plusieurs reprises par M. Laurin et par vous-même, récemment, selon lesquelles Québec devrait être aussi français que l'Ontario est anglais. Alors, la question est: Qui est le leader au Canada maintenant? Va-t-on suivre l'Ontario et le Manitoba ou va-t-on mener toutes les provinces et leur démontrer comment cela peut fonctionner au Canada?

Je me souviens qu'il y a un an à peu près, nous vous avons rencontré à votre bureau, où j'ai présenté un "rêve"; vous avez décrit cela comme un rêve. J'ai dit que ce serait très beau de voir le jour où vous et moi irions ensemble au Manitoba pour lutter pour les droits des francophones hors Québec. Je demeure toujours prêt à y aller. J'espère que le moment va arriver où le gouvernement du Québec va faire pareil, pas seulement en dépensant de l'argent, mais dans les gestes, dans les actions et dans un vrai désir de promouvoir les intérêts des francophones du Canada et l'avenir de notre pays.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: J'ai seulement un détail. D'abord, je suis allé plus souvent que vous au Manitoba, M. Maldoff. Cela fait 20 ans que j'y vais, c'est pour cela que je pleure aujourd'hui après avoir vu la diminution...

M. Maldoff: Ensemble.

M. Godin: ...dramatique. Dans l'article 113f, nous ne parlons pas d'institutions anglaises parce qu'il y a au Québec, comme vous le savez, des hôpitaux chinois, également des institutions de santé chinoises et juives et des institutions scolaires grecques. Donc, 113f couvre l'ensemble de cette réalité, mais, dans 113f, par le fait même, les institutions anglophones ont un statut de droit et pas un autre genre de statut.

M. Maldoff: C'est un statut accidentel et administratif, comme on le dit partout dans la loi: le français et les autres langues. Par accident, par hasard, il y a la langue anglaise ici au Québec...

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Maldoff: C'est quelle sorte d'explication de notre société?

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Comme note positive de l'échange que viennent d'avoir le ministre et M. Maldoff, je retiens une chose. Le ministre a dit: Quant à l'abolition des tests linguistiques pour les Québécois, quelle que soit leur langue, je suis presque d'accord là-dessus. Alors, on va voir comment cela va se traduire, "presque d'accord", au moment de la présentation des amendements.

Je ne relèverai pas non plus certaines des autres affirmations, sauf celles où le ministre félicite Alliance Québec de la façon dont elle a ouvert le dialogue au nom de la communauté anglophone avec le gouvernement du Québec. Cela, il a oublié de le mentionner, à l'invitation même du premier ministre qui avait souhaité un tel dialogue. On se rappellera par contre qu'à la suite de la formation d'Alliance Québec et des demandes très spécifiques qu'elle avait formulées au lendemain de son congrès, on avait fait le même genre de reproche que celui du ministre ce matin - c'était presque un reproche - à Alliance Québec: Vous ne parlez pas des tests linguistiques que l'on a améliorés; vous ne parlez pas des aménagements que l'on a faits quant à la toponymie. Il s'inspirait du même genre d'esprit que celui du premier ministre qui, dans sa réponse aux demandes précises d'Alliance Québec, lui reprochait de ne pas -la communauté anglophone, ou en tout cas le groupe qu'elle représente - reconnaître la primauté de la langue de la majorité. Cette réponse du premier ministre aux demandes d'Alliance Québec avait été qualifiée par Jacques Dumais, dans le Soleil, d'une gifle aux anglophones. Donc, le dialogue raisonnable, modéré, qu'on a ce matin, j'en félicite le ministre. Son attitude est beaucoup plus réceptive que celle qu'a démontrée le gouvernement par la voix de ses divers porte-parole, incluant le premier ministre, jusqu'à maintenant.

Ceci dit, M. le Président, je voudrais d'abord remercier les gens d'Alliance Québec de la présentation qu'ils nous ont faite ce matin. Je veux leur dire que, quant à nous, nous considérons leur mouvement très représentatif de la communauté anglophone du Québec - je pense qu'il est important de le souligner à ce moment-ci - laquelle accepte maintenant, et je souligne "maintenant", parce que cela n'a pas toujours été le cas dans le passé, les récents sondages le prouvent éloquemment, que la majorité des anglophones reconnaît la légitimité du gouvernement du Québec de protéger par tous les moyens possibles la langue française au Québec.

Comme l'écrivait Mme Lysiane Gagnon dans la Presse, en novembre 1982: "Les dirigeants actuels d'Alliance Québec ne sont pas des nostalgiques perpétuant la mentalité des anciens establishments, mais représentent au contraire une toute nouvelle génération avec une sensibilité bien différente, celle de jeunes Montréalais de vieille souche ouverts à une bonne partie des changements provoqués par les lois 22 et 101, qui sont

assez attachés au Québec pour avoir décidé d'y rester, même si plusieurs auraient pu faire carrière ailleurs, et qui sont tous en outre parfaitement bilingues." Marc Laurendeau écrivait lui-même d'Alliance Québec en juillet 1982: "Voilà un mouvement dans lequel les anglophones ne se perçoivent plus principalement comme la branche québécoise de la grande majorité canadienne, mais bien plutôt comme une minorité à l'intérieur du Québec, laquelle doit s'organiser et faire valoir elle-même ses demandes. À cet égard, on doit reconnaître qu'Alliance-Québec exprime ses revendications d'une manière extrêmement civilisée, exempte de fanatisme."

M. le Président, quant à nous, nous endossons cette perception de ces deux personnes par rapport à Alliance Québec. Nous acceptons donc les représentations que vous nous faites ce matin comme étant le reflet fidèle des inquiétudes et des appréhensions réelles que nos concitoyens anglophones ont pu avoir à la suite de l'expérience vécue de six années d'application de la loi 101. Nous considérons donc que vos recommandations méritent d'être étudiées sérieusement par le gouvernement au moment où il s'apprête à proposer des modifications à la loi 101.

Cela étant dit, M. le Président, j'aurai une ou deux questions, compte tenu du temps qui nous manque. Dans votre présentation ce matin, dans le texte de votre mémoire et aussi par les exemples que vous avez donnés, vous nous dites essentiellement que, selon l'impression ou la perception que vous avez de la loi 101 et de la façon dont on l'applique, l'objectif semble être de créer au Québec un État unilingue français. Pourriez-vous nous donner, succinctement bien entendu, des exemples concrets qui vous amènent à tirer cette conclusion?

M. Maldoff: Merci, M. Gratton. Par courtoisie pour la commission, je ne veux pas procéder à une énumération trop longue des instances et des exemples. Je vais en citer quelques-uns. On peut commencer par les dispositions de la loi elle-même concernant l'affichage. La règle dans l'article 58 est: Affichage unilingue seulement.

Deuxièmement, la question des communications par les agences de l'administration civile, les communications externes: unilingues, seulement en français, pas de choix. Article 69, la question des noms des corporations: ils devront être unilingues, seulement en français ici au Québec. On voit des programmes types - cela a été cité dans notre présentation - de francisation qui disent que la généralisation de l'usage du français égale l'usage exclusif du français. Nous avons vu, dans les programmes types de francisation... Nous avons l'exemple, dans les cahiers que nous vous avons remis il y a quelques instants, d'une pratique de l'office. Cela veut dire qu'il est spécifié que l'objectif du programme de francisation est de restreindre le plus possible le nombre de postes qui communiquent avec l'extérieur du Québec dans chaque entreprise. Vous avez le texte parmi vos documents. Pour nous, c'est étonnant d'avoir une directive qui a pour but d'éliminer les contacts que nos entreprises ont avec l'extérieur du Québec.

M. Gratton: Je m'excuse, M. Maldoff, mais est-ce que c'est à cela - j'ai des points d'interrogation... À la page 19, vous faites référence à l'Office de la langue française qui a suggéré à certaines entreprises de limiter le plus possible le nombre de postes requérant des relations avec l'extérieur, voulez-vous nous dire exactement de quoi il s'agit? Vous dites que nous l'avons dans les documents, mais vous conviendrez que nous n'avons pas eu le temps de les feuilleter un à un.

M. Maldoff: Je comprends bien. C'est l'appendice L à notre cahier no 1 concernant l'emploi et les services gouvernementaux. Nous en avons ici une copie, c'est dans les documents normalisés de l'Office de la langue française qui touchent aux questions du programme type de francisation que l'office veut négocier avec une entreprise. "Mesures à prendre: Restreindre le nombre de postes qui communiquent avec les établissements hors du Québec. Étapes d'implantation: 1. Restreindre le plus possible le nombre de postes qui communiquent avec les établissements hors du Québec, compte tenu des contraintes."

Quel est l'objectif de la loi? Vous pouvez le voir dans notre cahier.

Il y a d'autres exemples. L'exemple du CLSC, en Gaspésie, qui s'est vu interdire par l'Office de la langue française de poster ses catalogues et brochures en anglais. Nous avons cité la lettre au cours de notre présentation. (13 heures)

Quant à l'usage de l'article 89 qui permet, à discrétion, l'usage d'une autre langue - disons l'anglais - l'OLF a émis une directive à toutes les agences de l'administration civile. Cela vise la fonction publique et tous les réseaux des institutions parapubliques, de santé et de services sociaux. La directive disait qu'il ne faut pas employer l'article 89, qu'il ne faut pas élargir l'usage d'une deuxième langue disons l'anglais - même si la loi le permet. C'est la raison pour laquelle nous avons de grandes inquiétudes quant à la question de l'usage des autres langues que l'anglais par discrétion et non pas par droit.

Deuxièmement, c'est la raison pour laquelle nous exigeons et nous recommandons que les mandats des agences responsables de

l'application de la loi soient changés pour s'assurer qu'on respecte le droit d'employer d'autres langues - disons l'anglais - quand la loi le permet.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Gratton: M. le Président, j'arrêterai là mes questions pour permettre à d'autres d'en poser. Je pourrais ajouter un autre exemple dont vient de me faire part mon collègue de D'Arcy McGee: le gouvernement - je ne sais trop de quel ministère il s'agit -par le biais du ministère de l'Éducation, fait paraître des annonces en français dans le journal The Gazette. Je le souligne à titre d'illustration.

Un bref commentaire pour dire au ministre de l'Immigration que la disposition dont on a parlé tantôt, quant aux contacts des entreprises qui doivent être minimisés avec l'extérieur, je pense qu'au moins le ministre du Commerce extérieur devrait s'intéresser à la chose avec le ministre de l'Immigration.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député.

M. le député de Mont-Royal.

M. Godin: II le fait déjà.

M. Gratton: Oui, on voit cela.

M. Godin: Comment ça, M. le député de Mont-Royal?

Le Président (M. Gagnon): On alterne, habituellement. J'ai 37 minutes et demie a partager et votre formation politique a déjà pris 35 minutes.

M. Godin: Ce n'est pas une raison.

Le Président (M. Gagnon): On peut alterner. Il vous reste deux minutes, M. le député de Vachon, à moins qu'il n'y ait une autre entente.

M. Payne: Dans l'intérêt du bon sens...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon, je voudrais vous demander de faire très vite, vous avez deux minutes et demie.

M. Payne: Je m'oppose, M. le Président. Pendant deux heures et demie, nous avons entendu un très important mémoire et je pense que ce serait injustifiable d'agir ainsi. Je demande une prolongation, tout simplement.

Le Président (M. Gagnon): Bon, êtes-vous d'accord pour la prolongation? Nous allons décider tout de suite et je vais ajouter le temps en conséquence. Je tiens à vous affirmer qu'en tant que président de la commission, j'ai reçu le mandat de faire respecter le droit de parole de tout le monde. Si on veut prendre toute l'heure du dîner, cela ne me dérange pas, mais nous devrons être ici à 15 heures pour entendre d'autres mémoires.

M. Payne: Pourquoi invite-t-on les parlementaires à siéger à une commission parlementaire s'ils ne peuvent pas poser des questions? Cela n'a pas de sens. Je propose une prolongation honnête d'une heure.

M. Godin: Si l'Opposition est d'accord, on peut aller jusqu'à 13 h 40.

M. Gratton: L'Opposition n'a pas d'objection, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Allez-y. Jusqu'à 13 h 40. La parole est à vous, M. le député de Vachon. On s'entend pour siéger jusqu'à 13 h 40.

M. Payne: Merci, M. le Président. J'aimerais féliciter Alliance Québec pour la présentation d'un mémoire important, peut-être un des plus importants mémoires qui aient été déposés depuis plusieurs années touchant le fond de la loi 101. J'ai trouvé beaucoup de points positifs dans le mémoire. Je pense que le gouvernement devrait prendre au sérieux beaucoup des recommandations qui concernent les communications internes, par exemple, des institutions anglophones. Je conviens qu'il est important, si on les appelle des institutions anglophones et si on veut leur accorder le moindrement de crédibilité, qu'elles aient les modalités en vigueur leur permettant de communiquer oralement ou par écrit dans la langue de leur choix.

Quant à l'article 113f, je ne suis pas contre l'idée. Pour moi, cela n'a pas vraiment de sens dans la même philosophie. En ce qui concerne l'aide de l'État apportée à ceux qui voudraient se prévaloir des cours de français langue seconde, je trouve cela tout à fait raisonnable pour un État qui veut se doter de tous les atouts, de toutes les possibilités de devenir un pays français.

Je suis également d'accord que le gouvernement devrait, cinq ou six ans après la loi 101, chercher un moyen de statuer sur la langue anglaise au Québec. Ce n'est pas une langue comme les autres. Je ne veux pas invoquer la discrimination, mais il y a les traditions, les histoires et les pensées à considérer à cet égard.

En ce qui concerne l'article 60, j'avais cru, à l'époque des auditions sur la loi 101, que l'esprit du législateur était effectivement de permettre l'affichage dans les deux langues et à l'intérieur et à l'extérieur des

établissements de moins de cinq employés. Je me demande d'où vient cette interprétation, parce que, dans la loi même, ce n'est pas clair. À mon avis, vous avez raison.

À la page 33, vous parlez de l'accès aux écoles anglaises au Québec. Je prétends que votre affirmation est absolument fausse. Vous dites: "L'article 73 de la loi 101 a eu un effet rétroactif injuste sur beaucoup de familles québécoises. Des gens qui avaient immigré ici avant l'adoption de la loi et qui avaient déjà terminé ailleurs leur éducation primaire, ne peuvent envoyer leurs enfants dans une école de langue anglaise." Or, l'article 73b, si je ne m'abuse, dit: Par dérogation à l'article 72, peuvent recevoir l'enseignement en anglais les enfants dont le père ou la mère est, à l'adoption de la loi, domicilié au Québec. C'est exactement le contraire. La loi permet la dérogation pour cela. J'aimerais que vous apportiez un correctif à votre mémoire parce que le texte de la loi est très clair, il y a dérogation.

En ce qui concerne les tests, j'aimerais avoir vos commentaires. Vous vous souvenez très bien qu'un gouvernement libéral a légiféré en matière de tests. J'ai fait des études comparatives entre la loi 22 et la loi 101. Il y a trois différences, trois exceptions à faire. D'abord, la règle générale demeure exactement la même, à savoir que les corporations ou les ordres professionnels ont le droit d'octroyer les permis par une autre loi du Québec. Cela est très important. Ce n'est pas l'Office de la langue française, ce n'est pas le gouvernement, mais l'ordre professionnel qui l'exige. Après avoir discuté avec celui-ci pendant plusieurs années, il garde très jalousement son autonomie en matière d'octroi des permis. Il insiste pour dire que ce n'est pas le gouvernement qui octroie les permis, mais plutôt l'ordre dont fait partie l'exigence d'une connaissance minimale de la langue française.

J'irais un peu plus loin. Qu'est-ce que la loi 101 a apporté pour assouplir l'application de ce qu'était la loi 22? Avec les articles 36, 37, 38, 39 et 40, on a fait en sorte qu'on puisse maintenant passer le test deux ans avant que la personne reçoive son diplôme.

En ce qui concerne les infirmières, par exemple, j'aimerais vous signaler, avant de demander vos commentaires, que 81% des infirmières réussissent leur test. Le problème est bien situé avec les infirmières auxiliaires. Il faut bien nuancer vos remarques dans ce cas et là, c'est 62%. Pour les autres professions, c'est 88% qui réussissent leur test.

Quelques considérations additionnelles. J'ai remarqué une certaine contradiction dans vos remarques dans d'autres circonstances. Vous semblez laisser croire que le problème demeure avec ceux qui viennent de l'extérieur. Or, ce n'est pas le cas. La majorité des gens qui vient ici de l'extérieur est proportionnellement plus élevée à passer le test la première fois que ceux qui sont nés ici.

Concernant la ville de Québec et les villes de l'Estrie, les gens passent leurs tests et les réussissent à un taux beaucoup plus élevé que ceux qui habitent Montréal. Il y a quelque chose là-dedans.

Concernant le test, Max Yolden lui-même, nommé par le gouvernement fédéral, a dit: Lévesque a raison, vous savez. C'est humiliant d'avoir à légiférer en matière de langue. Dans toutes les autres provinces, on fait passer des tests d'anglais aux professionnels. Pouvez-vous imaginer quelqu'un qui passerait son examen d'admission au barreau en Ontario s'il ne connaît pas l'anglais?

Premièrement, j'aimerais avoir vos commentaires concernant l'article 73b. Deuxièmement, en ce qui concerne les tests, c'est la continuation d'une tradition des libéraux, il y a quelques années.

Il faut absolument que je termine, j'imagine. C'est dommage parce qu'il y a beaucoup d'éléments que vous avez apportés et j'aimerais beaucoup en discuter avec vous. J'ai une autre brève question.

M. Dobie: À l'article 73d, les gens qui sont venus ici il y a 15 ou 20 ans et qui n'ont pas fait leur cours primaire en anglais ici, au Québec...

M. Payne: Ce n'est pas cela que vous dites dans le texte.

M. Dobie: ...ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l'école anglaise.

M. Payne: Mais lisez le texte.

M. Dobie: Ils ne peuvent pas avoir un certificat d'admissibilité. D'ailleurs, c'est exactement le cas pour environ la moitié des illégaux.

M. Payne: Alors, lisez le texte, M. Dobie. Vous apportez une nuance. Il s'agit alors d'une lacune.

M. Dobie: Je la clarifie tout de suite.

M. Payne: Une lacune de taille. Une autre chose...

Le Président (M. Gagnon): M. le député, on est en train de répondre à vos questions, je pense.

M. Payne: Oui, je veux la réponse.

Le Président (M. Gagnon): C'est cela. Alors, on va laisser nos invités répondre.

M. Dobie: ...

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que c'est terminé?

M. Dobie: C'est très simple.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon, en très peu de temps.

M. Payne: En ce qui concerne les permis de conduire, est-ce que vous savez que le gouvernement émet les permis en langue anglaise, que les formules existent en anglais, malgré ce que les médias, la télévision anglaise disent souvent? C'est disponible en anglais et c'est envoyé. Je le sais très bien, parce qu'on en a discuté avec le gouvernement il y a 18 mois et les corrections ont été apportées. Je pense que vous devriez admettre que, maintenant, la situation existe où les anglophones ou ceux qui voudraient se prévaloir de cette disposition peuvent recevoir les formules en langue anglaise.

Le Président (M. Gagnon): M. Maldoff.

M. Maldoff: I am very happy you asked that question because it has been a problem for the community for quite a long time. J'ai, entre les mains, un document intitulé: It is time for you to renew your driver's licence if you want to retain the privilege of driving. C'est un dépliant qui explique seulement en anglais the purpose of this form. "This form was sent to you for references purposes only to help you to complete or correct the French form, Demande de renouvellement de permis de conduire, which you have already received." The government is sending us brochures in English telling us how to fill out French forms.

M. Payne: I affirm clearly that the form exists in English. Cela existe déjà en anglais. Vous faites référence à un dépliant explicatif. C'est vrai que cela aussi existe, mais, soyons honnêtes, il existe une formule... Je ne sais pas si quelqu'un peut la produire, mais cela existe.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Maldoff: I do not understand why this would be necessary then.

M. Payne: Because that was brought in...

M. Marx: ...stupidity.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Payne: No, I will explain to you. It is because that was brought in originally to help people to fill it in. Now, there is a formula which exists. I am stating a fact.

Une voix: It is a fact.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Vachon.

Il n'y aura plus de...

Une voix: D'interventions.

Le Président (M. Gagnon): Le temps qui reste appartient au Parti libéral, parce que vous avez pris tout le temps dont vous disposiez.

Une voix: ...négocier.

M. Godin: À l'Opposition, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): À l'Opposition. C'est vrai, je m'en excuse. M. le député de Mont-Royal.

M. Gratton: Et on est prêt à négocier. M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Vous êtes prêts à négocier si...

M. Ciaccia: The questions that the Minister asked, as well as the question that the government members are asking, seem to miss the whole point of your presentation which is looking for a different approach to the whole linguistic problem. The Minister mentioned that the Commission de toponymie had increased the number of English names from 6000 to 10 000. I do not think that we are going to solve the problem of the English-speaking community by naming more English streets or English municipalities. The fundamental problems of the community...

M. de Bellefeuille: Ils ne sont pas d'accord. Les libéraux ne sont pas d'accord. C'est intéressant.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! (13 h 15)

M. Ciaccia: And that also the pithiness with which they approach this problem. You have just seen another example of it. I do not think that would provide the solutions that you are looking for. On the question of a vision of society that you are putting forth in your document, I want to go back as a follow-up to the question that the member for Gatineau, my colleague, asked. Is it your contention that the right to use the English language, as limited as it is by Bill 101, is even further restricted by the agencies which

are administrating the law, and does the restrictive application continue notwithstanding the representations that you may make to the agencies and to the government?

M. Maldoff: The answer to that question unfortunately is yes, and I think the answer demonstrates one of the fundamental problems or a problem which has now become very fundamental in the law. When the law was adopted - I think the member from Vachon even mentioned it - there was a certain alleged spirit of openness. The member from Vachon mentioned that he had understood that section 60 was to at least allow bilingual signs on small businesses inside and outside, but somehow that it disappeared in the application. Not only it has disappeared in the application, Me Sauriol of the "commission de surveillance" wrote a legal opinion to the "commission de surveillance" on that question of whether bilingual signs should be permitted outside on small businesses. Let it be understood we do not think there should be any restriction on what type of business should do it, but the question there was on small businesses. Mr. Sauriol's opinion to the commission was that they were legal, bilingual signs outside were legal. The "commission de surveillance" reaction to that opinion was: Well, it is just our lawyer, we do not have to pay attention to him, and they proceeded to prosecute or at least harass - let me say "harass" is the proper word - members of our community with great vigour for signs which are in languages other thant French, in other words English.

There are numerous examples of where Bill 101 supposedly... When it was brought in and sold to the population, it was explained that, because of article 89, just because it said French was required, it did not mean that other languages, in other words English, were not being respected, because you could always use article 89 which permits the use of English, except where the exclusive use of French is required.

Unfortunately, we have got numerous examples of directives from the "Office de la langue française" to the civil service of Québec, to all the health and social service institutions and all the parapublic sector, directly meant to restrict as much as possible the use of article 89 to expand the availability of material in the French language. That documentation is in the documentation that we have provided you; you will find it in those annexed copies of the directives from the "Office de la langue française" and their correspondence.

Il y a l'exemple d'un CLSC de la Gaspésie où l'Office de la langue française a demandé le retrait de tous les dépliants et brochures de langue anglaise, même alors que l'article 89 permet l'usage et la présentation de dépliants et de brochures de langue anglaise autant que de langue française.

Nous avons des avis juridiques partout dans ce dossier. Cela touche aussi le gouvernement, non pas seulement les agences qui administrent la loi. Nous avons des avis juridiques de Me Ouellette, de l'Université de Montréal, qui dit que plusieurs règlements sont illégaux. Cela a été confirmé par les avis juridiques du ministère de la Justice et cela a été confirmé une troisième fois par le Conseil de la langue française. Qu'est-ce que le gouvernement dit. Que les règles resteront en vigueur jusqu'au moment où un citoyen ira en cour pour les attaquer. Le gouvernement sait très bien que ces règlements sont tout à fait illégaux ou douteux, mais il va quand même les appliquer.

Il y a la question de l'importance des dispositions 2 à 6 de la Charte de la langue française. Ce sont des dispositions très générales: le droit d'avoir les services en français, le droit de travailler en français. Le Conseil de la langue française a demandé l'avis de Me Beaudoin, un très grand juriste ici au Québec, concernant l'importance de ces dispositions très générales. Me Beaudoin a rendu son avis juridique dans lequel il a dit que les dispositions au commencement de la loi sont des dispositions déclaratoires non exécutoires. Il a ajouté, parce qu'elles sont générales et que dans les autres parties de la loi il y a des points plus précis, ce ne sont pas les articles généraux qui s'appliquent, mais les articles plus précis qui expliquent comment on applique les grands principes.

Qu'est-ce que le gouvernement a fait? Il a rejeté l'avis juridique et la commission de surveillance, dans son jugement, a dit exactement l'inverse, soit que les dispositions de la loi modifient seulement les grandes obligations du commencement. Cela va à l'encontre de tout principe d'interprétation juridique qui existe, mais quand même, Singer a été condamnée.

Je peux citer exemples après exemples, sur la question de la sécurité et de la santé où les affiches bilingues sont permises maintenant dans la loi et de l'interprétation très restreinte donnée par l'Office de la langue française aux mots "sécurité" et "santé". Sur les autoroutes, il y a une affiche qui avise les routiers de tester leurs freins. C'est unilingue français. Extraordinaire; Est-ce que les routiers sont seulement francophones ici au Québec et qu'est-ce qui va se passer pour les routiers anglophones ou ceux qui viennent des États-Unis? Eux prennent leurs propres risques quand ils entrent dans la province de Québec. C'est étonnant.

Je peux citer d'autres exemples, mais je pense que cela explique qu'il y a un processus systématique pour restreindre

l'usage de l'anglais, même quand la loi le permet. C'est une question d'attitude et une question de mentalité qui va changer cela. Il faut restreindre les mandats des agents responsables de l'application de la loi, mais plus important que tout, le moment est venu de reconnaître le fait anglais au Québec, la langue anglaise au Québec. Cela doit être reconnu dans les lois.

M. Ciaccia: Juste une autre petite question. Est-ce que votre approche ou recommandation impliquerait des changements fondamentaux dans les organismes qui appliquent la loi? Il y en a trois maintenant: l'Office de la langue française, la Commission de surveillance et le Conseil de la langue française. Est-ce que votre approche demanderait des changements assez importants dans ces trois agences?

M. Maldoff: Ce que nous proposons, c'est deux changements. Ils sont assez radicaux. Premièrement, que ces agences devront respecter les principes de justice naturelle. Cela veut dire le droit de savoir la nature d'une plainte, le droit de savoir ce qui se trouve dans votre dossier, le droit de faire des représentations pour se défendre. Audi alteram partem. D'autres parlent de la question pour Alliance Québec de restreindre les mandats de ces organismes, de ces agences responsables de l'application de la loi pour assurer qu'on respecte le droit d'employer d'autres langues, qui existe dans la loi. Cela veut dire que l'agence responsable de l'application de la loi n'a pas le droit d'envoyer une directive expliquant comment il faut appliquer la discrétion en vertu de l'article 89. L'article 89 dit qu'un citoyen a le choix et qu'il a le droit d'employer une autre langue. Ce n'est pas aux agences responsables de notre gouvernement de dire qu'on n'a pas le droit quand on a le droit.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je vais vous poser des questions très courtes, uniquement sur les services de santé et les services sociaux. Vous dites qu'avec l'application ou l'obligation qui vous est faite d'appliquer les articles de 15 à 23 de la loi à partir du mois de décembre 1983 cela provoquera l'érosion de vos institutions. Est-ce que jusqu'à maintenant, si ces articles-là ne devaient pas entrer en vigueur ou étaient modifiés, la loi telle qu'elle est appliquée a fait perdre le caractère anglophone de vos institutions? Je sais que vos institutions se sont modifiées et qu'elles répondent maintenant aux besoins de la population francophone; vous avez pris les mesures pour cela. Je voudrais quand même faire la différence avec ce qui existe présentement et les nouveaux articles qui doivent entrer en vigueur en 1983.

M. Maldoff: Si les articles de 15 à 29 relatifs à nos institutions entrent en vigueur, cela changera radicalement le caractère de nos institutions. Quand on voit que la commission de surveillance veut imposer l'obligation à chaque employé d'une institution anglophone de rendre les services en français, quand on voit que l'intention ou la compréhension de la loi, telle que comprise par la commission de surveillance, va jusque là, on se pose la question: Qu'est-ce qu'une institution anglophone? On dit que deux anglophones devront communiquer entre eux en français...

Mme Lavoie-Roux: Pas verbalement.

M. Maldoff: Pardon?

Mme Lavoie-Roux: Pas verbalement.

M. Maldoff: Pas verbalement mais par écrit.

Mme Lavoie-Roux: Oui, par écrit. On peut discuter...

M. Maldoff: Mais quand même, on nie l'identité de cette institution. Je pense que... Ce n'est pas seulement une question...

Mme Lavoie-Roux: Je vais revenir monsieur, étant donné que le temps est très court. S'il n'y avait pas eu, par exemple, cette interprétation de l'Office de surveillance de la langue française dans le cas de St. Mary's qui, de par sa décision, semble bien indiquer qu'il s'agit d'un bilinguisme individuel et non pas institutionnel, si on met cela de côté, est-ce que vos institutions, jusqu'à maintenant, ont conservé leur caractère d'institutions anglophones? C'est important que vous répondiez à ceci, en fonction des autres articles qui, normalement, doivent entrer en vigueur d'ici à la fin du mois de décembre.

M. Maldoff: Si l'obligation de rendre les services en français demeure une obligation institutionnelle - nous reconnaissons la légitimité de cette obligation - nos institutions pourront garder leur caractère et répondre aux besoins des francophones du Québec.

Mme Lavoie-Roux: II y a un autre endroit où vous dites: II est illogique - je vais le dire de mémoire - d'empêcher un unilingue anglophone, un professionnel unilingue anglophone de travailler à l'intérieur de nos institutions. Est-ce que, à ce moment-là, vous feriez une différence

entre ceux qui devraient s'adresser directement à la population et ceux qui peuvent occuper d'autres fonctions, qui n'ont pas de rapport direct avec la population, avec les individus qui frappent à vos portes?

M. Maldoff: Ce que nous proposons quant aux professionnels c'est un régime, selon nous, très logique, très raisonnable. Les professionnels qui veulent entrer dans la profession maintenant, en règle générale, devront avoir une connaissance de la langue appropriée à la pratique de leur profession. D'autre part, il faut avoir des règles qui vont faire que le Québec demeure une province attrayante pour les gens ayant une expertise, une compétence dont nous avons besoin. Cela veut dire qu'il faut avoir un régime de permis temporaires pour les professionnels qui viennent d'ailleurs, régime qui leur accorderait suffisamment de temps pour apprendre le français. (13 h 30)

Troisièmement, nous estimons qu'il y a des postes qui n'ont aucun contact avec le public. Cela peut arriver que nous ayons besoin de grands experts et par régime d'exception, je pense que cela a du bon sens d'accorder un droit ou une discrétion pour obtenir des permis temporaires, quels que soient ces permis, pour laisser à un individu qui n'a pas de contact avec le public la possibilité de travailler dans une institution. Cela ne va pas changer le caractère de l'institution et cela ne va pas diminuer la capacité de l'institution de rendre des services au public en français, ce qui est un droit fondamental ici.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. J'aurais beaucoup d'autres questions. Je me reprendrai avec les autres groupes qui vont venir nous parler des hôpitaux.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le député de Nelligan.

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: ...avant que le député de Nelligan prenne la parole, le député de Gatineau me permettrait-il de lui poser une question?

M. Gratton: Je laisse au député de Nelligan de...

M. de Bellefeuille: M. le député de Nelligan me permet-il de lui poser une question?

M. Lincoln: Je suis sûr que c'est une affaire de deux minutes, en plus.

M. de Bellefeuille: Très brièvement. M. Lincoln: On ne va pas s'y opposer.

Le Président (M. Gagnon): Vous êtes libre d'accepter ou de refuser.

M. Lincoln: Oui, mais si cela ne compte pas dans mon temps.

Le Président (M. Gagnon): Cela va compter dans votre temps.

M. Lincoln: Et vous pouvez ajouter deux minutes pour donner au député une chance de poser une question.

Le Président (M. Gagnon): On n'ajoutera plus. Il va falloir prendre le temps aussi de...

Une voix: On vient de les perdre, nos deux minutes.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Two brief questions, one to Mr. Goldbloom and one to Mr. Dobie. You mentioned about the English education in Québec that the forecasts were far lower than the actual trend showing today and I think you mentioned a percentage in the year 2000, less than 20 years from now, about 6%, if my memory is right. Can you tell me where you got your facts and figures from? How many studies show these trends? And to Mr. Dobie: Mr. Dobie, you mentioned the Bureau of English Education refuses a case and then it goes to appeal. You seem to indicate there is a long stretch of time between the refusal and the decision on appeal. Could you tell us what the average time is, the average stretch of time and what is the position with the Appeal Bureau, the number of cases that are backlog and so forth. What is the average time a person suffers between the refusal and the appeal?

M. Dobie: As far as the Appeals Bureau, this year especially, you have to remember that when appeals are launched is around the month of March prior to the recess of the school year. This year especially, by the time school started, they had only judged on eleven cases and there was a backlog of over 200 cases. That is at the time when school started in early September.

The problem is that the recommendations that have been formulated and given to the Minister on the functioning of the committee by former committee members have not been given any consideration. You have to look at every case individually. No jurisprudence is ever taken into consideration and it just means

duplication and triplication of cases. Furthermore, I think it is a great injustice for a large number of other cases that cannot have their case heard because it is not just the interpretation of the law. We look at the cases of a human social family type of cases are considered to be now within the jurisdiction of that committee. Where those go, God knows and they are not really treated fairly.

M. Goldbloom: As to the question of demographics a presentation this morning was based in large measure on a report prepared by M. Jacques Henripin. His testimony in the Canada clause case before Mr Justice Jules Deschênes as he then was, has clearly indicate with Mr Henripin's predictions that even with the Canada clause, we would see the population in English schools in Québec reduced to 8,7%. We also referred to Diane Vanasse who is a demographer at l'École des hautes études commerciales. She predicted that if one takes the generous provision of maternal language and universal clause and follow the trends which have been developing over the last year, in the year 2000 the English school will only have about 10% of the population.

M. Dobie: If I may just refer you to the Chart, I think it is quite self-explanatory. As for the actual amount of decrease, as of last year, the English-speaking population has decreased 38% and will decrease an additional 59% when our minister of Education said, sometime in 1977, that the law had alreay reached its objectives. If the law keeps on being applied as it is, it is, in fact, almost a strangulation of the English-speaking community in the educational system.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci M. le Président. Le gouvernement parle souvent de l'intégration des anglophones qui peuvent travailler en français dans différents ministères ou organismes de l'État.

As far as I am concerned, the Government talks a good story but there never seems to be any results. I might be wrong.

Depuis que j'ai été élu député, il y a quatre ans, je sais que plusieurs personnes ont fait des demandes. J'en ai moi-même acheminé. Ces personnes n'ont jamais été embauchées.

Par exemple, j'ai reçu aujourd'hui une lettre très polie du ministre m'informant qu'il ne pouvait engager telle ou telle personne. Il y a toujours une raison. Vous savez bien que la Charte québécoise des droits de la personne prévoit maintenant des programmes d'action affirmative qui seront mis en place d'ici possiblement quelques mois, bien que le gouvernement ne sera pas lié par une telle politique. D'autre part, il y a aussi un organisme du gouvernement - je pense que c'est sous la direction du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration - qu'on appelle la SIPACC.

M. Godin: Ask Mr. Chambers.

M. Marx: Cet organisme a du personnel qui dépense de l'argent, mais je n'en connais pas encore les résultats. Ma question est la suivante. Dans l'engagement ou l'intégration des anglophones qui parlent le français dans les organismes du gouvernement, est-ce qu'il y a eu du progrès? Est-ce que le gouvernement, c'est-à-dire le ministre ici présent aujourd'hui, le député de Mercier, a donné suite à ses promesses ou à ses déclarations en ce sens ou s'il a simplement fait de la politique au cours de conférences de presse sans aucun suivi?

M. Maldoff: Le seul progrès concernant le nombre d'anglophones dans la fonction publique est dans la recherche. Je pense qu'il y a maintenant plus d'études et plus de moyens de qualifier et de classifier des gens dans la fonction publique qui ajoutent à la confusion. J'ai entendu dire que, selon un rapport, il y aurait maintenant 17% de la fonction publique du Québec qui est anglophone. Toute personne qui a des yeux et des oreilles peut savoir que c'est faux. Cela devrait être à peu près 2% à 4% de la fonction publique au maximum. En concluant, j'aimerais citer une chose. Jacques Henripin, le père des démographes du Québec a dit que l'évolution linguistique au Québec est tout à fait rassurante pour les Canadiens français de cette province. Elle est cependant inquiétante pour les Anglais, surtout en ce qui concerne leurs écoles qui auront perdu, entre 1970 et 2000, les deux tiers de leur poids relatif.

Je pense que c'est clair qu'il y a des problèmes pour notre communauté. Je pense que c'est très clair qu'il y a un grand consensus entre tous les Québécois sur les questions fondamentales. Le temps est arrivé de régler les problèmes. Il est possible d'assurer la protection de la langue française sans nier ou détruire la communauté ou la langue anglaise. Le moment est arrivé d'agir dans l'intérêt de tous les Québécois.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Une question très courte, M. le Président. Dans le journal The Gazette du 26 octobre, le sondage que vous avez fait faire par SORECOM indiquait que 71% de ceux qui avaient répondu à la question: "Do

you believe that the Anglophones coming from outside Québec should be able to register their children in English schools?" avaient dit oui. Est-ce que, dans ce questionnaire, on a demandé aux gens s'ils appartenaient à un parti politique plutôt qu'à un autre? Si oui, est-ce que vous avez aussi les chiffres concernant ces gens-là?

M. Maldoff: Oui, nous avons les chiffres.

Mme Bacon: En un mot, est-ce que vous avez le pourcentage des gens appartenant au Parti libéral et celui des gens appartenant au Parti québécois, selon les réponses que vous avez?

M. Maldoff: D'accord. Parmi les gens appartenant au Parti québécois, les réponses sont: Oui, 44%; Non, 48%. Pour le Parti libéral du Québec, c'est: Oui, 68%; Non, 23%. Pour la population... Excusez-moi. Je retire ces chiffres. D'accord. La question, c'est la question de l'accès à l'école anglaise pour les anglophones de n'importe quel endroit du monde. Le pourcentage total était de 75% de oui. Parmi les francophones, 71,5% étaient favorables. Parmi les électeurs du Parti québécois, il y avait 58,5% de voix affirmatives appuyant la clause universelle; pour le Parti libéral, il y en avait 83,3%.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Cela ne me laisse pas beaucoup de temps, mais je voudrais quand même dire à nos amis d'Alliance Québec que je pourrais, comme tous les autres, me joindre au concert de félicitations et de remerciements. Cela viendrait du coeur, mais cela ne serait pas suffisant parce qu'il y a bien d'autres choses à dire.

Vous avez parlé, M. Maldoff, d'attitudes. Et je pense qu'au plan des attitudes on aurait encore beaucoup de choses à se dire entre francophones et anglophones du Québec. Vous faites état de données selon lesquelles près des deux tiers des anglophones du Québec ont maintenant une connaissance d'usage du français. Ce n'est pas ce que nous disent les experts en statistiques du gouvernement fédéral qui affirment que 53,4% des anglophones du Québec ont une connaissance d'usage du français. Mais ce sont des questions de chiffres. Quoi qu'il en soit, il y a une proportion qui est, selon votre propre déclaration, supérieure au tiers des anglophones du Québec qui n'ont pas une connaissance d'usage du français. Je considère que cela, en soi, constitue un problème grave.

C'est une question d'attitude aussi. Par exemple, dans le domaine de la langue du travail, nous avons constaté déjà dans nos travaux que la francisation de la langue du travail n'a fait qu'une partie du chemin et qu'il y a un certain nombre d'employeurs qui manifestent une attitude qui consiste à refuser de mettre en oeuvre le programme de francisation que ces entreprises ont elles-mêmes accepté. Là, il y a vraiment un chemin important qu'il nous reste à parcourir avant qu'on puisse considérer que le travail est fait.

Dans votre mémoire, il y a un passage qui m'étonne beaucoup. C'est dans la version qu'on avait à l'avance, non dans la version remaniée, au bas de la page 21 et en haut de la page 22, où vous dites, à toutes fins utiles, que la francisation dans les entreprises dans la langue du travail s'est faite par le simple bon sens commercial et pour d'autres raisons. "La législation linguistique - je vous cite - aurait été, somme toute, une influence secondaire." Je vous avoue que je suis absolument en désaccord avec cela. Ce qu'on nous a présenté devant cette commission en ce qui concerne la langue du travail montre, au contraire, que non seulement la loi a été insuffisante, parce qu'elle n'a pas été pleinement respectée, mais que - j'en sors absolument convaincu - sans la loi, nous n'aurions pas fait la moitié du chemin que nous avons réussi à faire; et que, sans le maintien de la loi, nous ne pourrons pas envisager de faire le chemin qui reste à parcourir en ce qui concerne la francisation des milieux de travail. (13 h 45)

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Maldoff.

M. Maldoff: II y a plusieurs brefs commentaires à faire. Premièrement, les sondages et les études de Sondagex pour le Conseil de la langue française ont démontré que 67% de notre communauté est bilingue. On peut jouer avec les chiffres et vous pouvez choisir les...

M. de Bellefeuille: Je vous ai cité le rencensement non pas un sondage. Il s'agit de tous les individus.

M. Maldoff: Cela dépasse la nature et la classification des individus encore à l'emploi. La réalité, c'est que plus de la grande majorité de notre communauté est capable de travailler en français.

Deuxièmement, vous avez mentionné qu'à peu près un tiers de notre communauté ne parle pas couramment le français. Si je comprends bien l'objet de la loi 101, c'est de promouvoir la langue française au Québec, et de s'assurer que les Québécois d'expression française auront le droit de vivre et de travailler en français et d'avoir tous les

services. Le fait de dire qu'il y a un tiers des anglophones qui ne parlent pas français suffisamment, c'est votre opinion, mais ce n'est pas l'objet de la loi. Est-ce l'objet de la loi d'entrer dans chaque maison et de changer les gens? L'objet de la loi, c'est de rendre la sécurité à la communauté francophone. L'hypothèse de votre question est que chaque anglophone devrait avoir une grande capacité de parler français là où il y a une menace contre les francophones. Je ne suis pas d'accord. Les francophones ne sont pas menacés par le fait qu'il y a des unilingues anglais au Québec.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela complète?

M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, tout simplement pour remercier les gens d'Alliance Québec d'être venus nous rencontrer et pour dire que nous regrettons, comme le ministre, que le temps nous ait amenés à raccourcir nos questions. Je voudrais tout de suite signaler que je n'adresse aucun reproche au gouvernement pour cet état de fait ni à nos invités qui ont choisi tel genre de présentation. C'est simplement à cause de l'importance du message et de l'intérêt que, de chaque côté, nous vous portons.

Merci, messieurs et mesdames.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, en conclusion, juste quelques corrections. Les 17% qui viennent de Statistique Canada sont pour le secteur public québécois dans son ensemble, non pas la fonction publique. Là, vous avez raison de dire que le résultat est moins brillant. Par ailleurs, sans être méchant, je voudrais dire que nous recrutons à quelques reprises et à grand renfort de travaux de recherche pour identifier les plus compétents parmi ceux dont on a besoin et Alliance Québec vient nous les enlever un par un. Enfin, vous avez commencé avec Me Mulcair, nous l'avons perdu en pleurant parce qu'il était d'une compétence extrême au Conseil de la langue française. Si vous venez les chercher un par un, M. Maldoff, on n'atteindra jamais l'objectif qu'on s'était fixé.

Deuxièmement, vous faites une lecture des articles qui touchent les institutions anglophones qui ne correspondent pas tout à fait à la réalité. Quand vous dites qu'à compter de 1984, deux personnes de langue anglaise ne pourront pas travailler, correspondre ou communiquer en anglais dans un hôpital anglophone, je crois que c'est faux. L'article 26 est très clair et dit que: Tout organisme reconnu en vertu de 113f... les gens qui y travaillent peuvent utiliser à la fois la langue officielle dans leurs communications internes.

M. Maldoff: À la fois, qu'est-ce que cela veut dire? Des anglophones?

M. Godin: À la fois, cela veut dire qu'ils peuvent se parler en anglais. Vous avez parlé des conversations. N'interprétons pas la loi de façon plus sévère qu'elle ne l'est vraiment.

M. Maldoff, si vous me permettez, je terminerai en tant que ministre tuteur des organismes de la loi no 101 et cela me donne un certain droit de réplique. Quand vous serez à ma place éventuellement vous aurez le même droit certainement. D'autre part, je dois dire que pour ce qui touche le caractère des institutions anglophones et la grande question du bilinguisme universel des gens qui travaillent ou du bilinguisme des personnes qui sont en contact avec le public, l'article 20 est très clair: "Pour être nommé, muté etc. il faut avoir de la langue officielle une connaissance appropriée à la fonction." Cette notion est administrée par l'Institut conjoint des hôpitaux de Montréal dont le porte-parole est ici derrière vous, M. Maldoff, mon vieil ami, Alex Patterson. C'est cet institut qui administre ces tests de connaissance pour les personnes que l'institut estime avoir besoin d'une connaissance appropriée du français. La commission de surveillance a effectivement donné un avis qui est beaucoup plus large, mais c'est un avis. En ce qui nous concerne, ce que nous appliquons, c'est la loi telle qu'elle est présentement. C'est toujours l'Institut conjoint qui applique. Un des membres de l'institut exige une note de passage de connaissance du français de 80% alors que l'office n'exige, lui, que 55%. Alors, ce sont des faits qu'il est important de connaître.

Je termine en vous disant moi aussi merci de nous avoir fait part dans les détails c'est important qu'on le sache - des problèmes que pose l'application de cette loi, le fonctionnement de ces organismes, et les règlements qui découlent de la loi. Nous sommes ici pour vous entendre. Vous nous avez parlé; nous avons échangé de part et d'autre. Je vous répète ce que je vous ai dit au début à savoir qu'il y a un grand nombre de vos recommandations qui trouveront un écho favorable au gouvernement.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Juste un mot...

M. Maldoff: M. le Président, je serai très bref. Le deuxième paragraphe de l'article 20 oblige l'employeur à soumettre les critères à l'Office de la langue française. Le dernier mot appartient à l'agence du gouvernement. J'aimerais vous remercier tous

pour l'audience....

M. Godin: M. Maldoff, M. Maldoff...

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: ...le droit de réplique appartient quand même au gouvernement, si vous permettez, n'est-ce pas? Quand même...

M. Maldoff: ...à l'agence...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À l'ordre!

M. Godin: La dernière phrase appartient au gouvernement. Ma dernière phrase sera: À l'intérieur de cette entente, un des hôpitaux - je ne le nommerai pas, M. Patterson le connaît - a exigé une note de passage en français de 80% alors que l'office n'exige que 55%. D'accord?

Le Président (M. Gagnon): Un dernier mot.

M. Maldoff: Merci, mesdames et messieurs. Nous vous remercions pour une audience très fructueuse et nous attendons des résultats avec beaucoup d'intérêt. C'est très important pour notre communauté.

Le Président (M. Gagnon): Pour ma part, mesdames, messieurs, je voudrais d'abord m'excuser pour avoir été obligé de raccourcir un peu les conversations, mais tout de même vous faire remarquer qu'on a réussi à vous accorder tout près de quatre heures d'échanges avec cette commission. J'en suis très heureux. Il fallait que j'essaie de limiter le temps parce qu'il faut aussi respecter le droit de parole des autres. Merci beaucoup de votre présence. Je suspends nos travaux jusqu'à 15 heures exactement.

(Suspension de la séance à 13 h 53) (Reprise de la séance à 15 h 03)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente des communautés culturelles et de l'immigration poursuit ses travaux aux fins d'entendre tous les intervenants intéressés par la Charte de la langue française.

Lors de la suspension des travaux, nous en étions à inviter la cité de Côte-Saint-Luc. Je demanderais aux gens de s'approcher et de se présenter. Me Bertrand.

Cité de Côte-Saint-Luc

M. Bertrand (Guy): M. le Président, MM. les membres de la commission...

Le Président (M. Gagnon): J'ose croire que vous avez quorum. Bonjour, madame.

M. Bertrand (Guy): Alors, nous avons quorum.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez quorum?

M. Bertrand (Guy): J'ai à ma droite le maire de la cité de Côte-Saint-Luc, M. Bernard Lang, et, à ma gauche, le procureur de la cité de Côte-Saint-Luc, Me David Kirshenblatt.

Au tout début, je voudrais vous dire que je ne vais pas lire le mémoire qui vous a été remis. Cependant, je voudrais qu'il fasse partie intégrante du préambule de mes remarques. Je vous dis immédiatement que nous allons nous attarder à un seul chapitre de la charte, c'est-à-dire le chapitre IV qui traite de la langue d'administration.

Après cinq ans, il est normal que l'on s'interroge sur les effets de cette Charte de la langue française et de voir si elle ne doit pas subir des modifications. Ma cliente, la cité de Côte-Saint-Luc, m'a demandé d'étudier particulièrement, comme avocat, le chapitre IV qui traite de la langue d'administration et d'en tirer les conclusions qui s'imposent. Comme vous le savez, c'est inscrit à l'article 25 de la loi qu'à compter de l'année 1983, les municipalités devront se conformer aux articles 15 à 23 de la loi, prévoyant notamment que toutes les communications et tous les écrits internes et externes devront être exclusivement en français. En outre, tous leurs employés devront avoir une connaissance appropriée du français. Sans vouloir insulter nos législateurs, comme juriste, je vous dis, comme je le dirais à n'importe quel tribunal, que ce chapitre n'est pas un chef-d'oeuvre de clarté. C'est pourquoi, à juste titre, la cité de Côte-Saint-Luc que je représente peut revendiquer l'abolition totale et intégrale du chapitre IV et nous disons, quitte à ce qu'il soit écrit autrement, en conformité avec l'esprit de la charte et aussi des autres lois québécoises et surtout en biffant les aspects - vous me permettrez, M. le Président, d'en qualifier certains que je considère un peu loufoques - frisant l'illégalité, les tracasseries et les agacements que l'on retrouve dans certains articles; et je vais y revenir en détail tout à l'heure.

Vous savez mieux que celui qui vous parle que des sondages récents ont démontré que la majorité des citoyens québécois ne s'opposaient pas à des modifications à la charte du français. Ce que ma cliente, la cité de Côte-Saint-Luc ou ses représentants -communautés anglophones, comme vous le

savez - désire, M. le Président, c'est que le gouvernement actuel, par un geste positif, reconnaissse la légitimité de la communauté anglaise au Québec, ce qui n'est pas reconnu actuellement dans la charte. La question que je vous pose est: Est-ce possible? Est-ce souhaitable? Est-ce normal? Personnellement, je réponds que oui et évidemment ma cliente est d'accord avec cela.

Je voudrais que nous procédions à nous poser certaines questions et, au fur et à mesure que nous répondrons d'une façon affirmative, peut-être atteindrons-nous ensemble les mêmes conclusions.

La première question que je voudrais poser à cette commission est: Est-ce que la communauté anglophone au Québec possède des droits fondamentaux en matière linguistique? Si on ne répond pas affirmativement à cette question, il est clair que nous n'atteindrons jamais les mêmes conclusions. Je vous dis que, personnellement, je réponds affirmativement non pas seulement comme juriste, mais comme citoyen québécois. Je pense que tout le monde connaît mes options sur le plan politique. Je dis: Oui, la communauté anglophone possède des droits fondamentaux en matière linguistique. Comme vous le savez, elle est formée de 700 000 Québécois qui, au dernier recensement, ont déclaré l'anglais comme langue maternelle; elle forme donc 10% de la population et, si vous ajoutez à cela 7% de parlant anglais, nous nous retrouvons au Québec avec 17% de parlant anglais. Au surplus, personne n'osera nier dans cette enceinte que la communauté anglophone possède des droits historiques. Ces gens sont ici depuis au-delà de 250 ans, ils possèdent donc des droits indéniables. Ils forment au surplus une partie intégrante de la société québécoise. Je vais plus loin, je dis qu'ils sont partie intégrante du peuple québécois.

Le Québec aspire à être un État moderne et un des attributs - peu importe qu'on partage l'opinion du fédéralisme ou de l'indépendantisme - de l'État moderne, c'est d'accepter qu'il y ait au sein d'une société une civilisation dominante donnée. Au Québec, tout le monde s'entend pour que le français soit majoritaire, mais avec l'apport de la société anglophone et d'autres minorités; ce qui fait qu'on peut dire que le peuple québécois n'est pas le peuple français, que le Québec ne sera jamais la Suisse, que le Québec ne sera jamais la France, que le Québec, c'est le Québec, un territoire, un peuple en Amérique du Nord, justement à cause du fait qu'il y a chez nous une minorité importante qui est la minorité anglophone qui donne au Québec un statut tout à fait particulier dans le monde.

Il y a aussi un fait que je n'ai pas besoin d'ajouter pour répondre à cette première question; c'est que la langue anglaise est celle qui est parlée par 98% de la population nord-américaine. Donc, je pense que nous pouvons répondre à cette première question en disant que la communauté anglophone possède des droits fondamentaux en matière linguistique.

Je passe à la deuxième question: Est-ce que ces droits linguistiques fondamentaux de la communauté anglophone doivent être garantis dans la Charte de la langue française? Bien sûr que, si vous ne reconnaissez pas qu'il y a des droits fondamentaux en matière linguistique, c'est inutile de penser d'écrire cela dans la charte. Mais, si vous répondez oui à la première question, il est logique, normal et fondamental que ces droits fondamentaux de la communauté anglophone soient inscrits dans la charte au même titre que nous avons reconnu les droits individuels des Québécois dans une charte qui a été proclamée il n'y a pas longtemps et dans laquelle on ne fait aucune discrimination quant à la langue, quant à l'origine ethnique, quant au sexe, quant à la religion, etc.

Je voudrais vous poser une troisième question. Nous avons vu qu'il y avait des droits fondamentaux, nous avons vu que ces droits fondamentaux doivent être inscrits dans la charte. Pourquoi? Pour qu'ils ne soient pas discutés par l'Office de la langue française, mal interprétés par les tribunaux ou même contestés ou contestables devant les tribunaux. La troisième question que je voudrais vous poser est la suivante: l'objectif de la Charte de la langue française était-il de brimer les anglophones dans leurs droits linguistiques ou de les priver de quelque façon que ce soit du droit de communiquer en anglais entre eux, puisqu'on verra que le chapitre IV concerne surtout la langue des communications au niveau de l'administration? Évidemment, M. le ministre et tous les membres de cette commission vont me répondre: Bien sûr que non, le but de la charte n'était pas de brimer les droits linguistiques des anglophones, parce que l'objectif principal de la charte était de faire du français la langue officielle. Bravo! C'est excellent.

Mais ce n'était jamais - et on ne le retrouve nulle part - de suspendre de quelque façon que ce soit l'usage de l'anglais chez les anglophones. C'était, deuxièmement, de permettre à toute personne de communiquer en français avec l'administration, mais pas de forcer les anglophones à communiquer en français avec l'administration. C'était, troisièmement, de donner le droit aux travailleurs d'exercer leurs activités en français, mais jamais d'empêcher un employeur anglophone d'embaucher un employé anglophone. Nous verrons tout à l'heure que le chapitre IV le spécifie clairement. C'était également et c'est également de permettre aux consommateurs

québécois d'être informés et servis en français partout au Québec, mais jamais d'empêcher un anglophone d'informer un autre anglophone lorsque celui-ci le demande. C'était aussi de permettre à ceux qui le veulent de recevoir un enseignement en français et aussi de faire du français la langue de la législation et de la justice.

La charte dit textuellement, M. le Président et MM. les membres de cette commission - madame, je m'excuse - dans son préambule, que l'objectif dont on vient de parler doit être poursuivi dans un climat de justice et d'ouverture - on le dit textuellement - à l'égard des minorités ethniques - donc, dans un climat de justice et d'ouverture à l'égard des minorités ethniques - dont elle reconnaît l'apport précieux au développement du Québec. Ce n'est pas ma phraséologie, c'est le troisième paragraphe du préambule. (15 h 15)

Sur ce, je voudrais vous poser une question. Est-ce que ce climat de justice et d'ouverture à l'égard de la communauté anglophone apparaît clairement dans la charte? Voilà la quatrième question. Soyons francs, soyons honnêtes. Certainement pas dans le chapitre IV. Comme juriste, je le répète, j'ai essayé de voir cela. Je ne trouve pas que ce chapitre réponde à la question que je pose. On ne retrouve pas ce climat de justice et d'ouverture à l'égard de la communauté anglophone. Au contraire, malheureusement, je dois vous dire que le chapitre IV trahit, jusqu'à un certain point, les objectifs de la charte. C'est malheureux, mais c'est exact. Ce chapitre IV porte atteinte aux droits fondamentaux des anglophones en matière linguistique, entre autres le droit de communiquer entre eux dans leur langue. Ce chapitre est l'objet de tracasseries et, à certains égards, d'injustices. Je dois vous dire que ce chapitre, comme francophone, ne me fait pas honneur.

Sur ce, je vous pose la cinquième question. Que fait-on de ce chapitre-là? Avant de le voir en détail, vous pourriez très bien dire que, jusque-là, j'exagère. J'en ferai la démonstration plus tard. Que fait-on de ce chapitre si ce que je viens d'énoncer est vrai? Si la cité de Côte-Saint-Luc demande son abolition? Elle demande qu'il disparaisse. Pourquoi? Parce que sa validité sur le plan juridique est plus que douteuse à cause des nombreuses contradictions qu'on y retrouve, à cause de la façon dont l'Office de la langue française l'a interprété, et nous avons à l'appui une preuve documentaire venant de l'office. Ce chapitre est mal rédigé. Ce chapitre est difficile à comprendre à certains égards. Il est confus et, s'il était en vigueur, à partir du 1er janvier 1984, ce serait malheureux - ce n'est pas ce que vous souhaitez - mais il est clair qu'il serait contesté devant les tribunaux sur plusieurs articles. Je ne dis pas que c'est la cité de Côte-Saint-Luc qui va le contester. Je ne suis pas autorisé à vous dire cela. Mais il est bien évident - ne nous racontons pas d'histoires - que ce chapitre, à plusieurs égards, a été contesté ailleurs, peut-être à tort. En tout cas ici, il serait contesté.

Revenons à notre sujet: les municipalités majoritairement anglophones. Un pourcentage de 85% de la population de Côte-Saint-Luc est anglophone. Donc, ce chapitre ne colle pas à la réalité. C'est pourquoi nous disons qu'il doit être réécrit, reformulé, refait, repensé autrement, afin de respecter les objectifs de la charte. La mise en application des articles 15 à 23 aura pour effet de transformer Côte-Saint-Luc et d'autres municipalités de tradition et de culture anglophones en une bureaucratie francophone, c'est-à-dire services de traducteurs, secrétaires de traducteurs, etc. Ce n'est pas le but visé par la charte de restreindre leur droit de communiquer en anglais entre elles - on donnera un exemple tout à l'heure: la cité de Côte-Saint-Luc qui voudrait écrire à Westmount ou à Notre-Dame-de-Grâce, est obligée d'écrire en anglais. - avec leurs citoyens, avec leurs employés anglophones alors que, de toute façon, les anglophones, même si on les force à s'écrire en français, continueront à parler anglais et à être administrés par un conseil, celui du maire Bernard Lang. À Côte-Saint-Luc, il y a neuf conseillers et neuf sur neuf sont des anglophones. Même si on les forçait à s'écrire en français, ils vont continuer à vivre en anglais, à vivre leur culture, à vivre leur mentalité. Et, si les électeurs, pour une raison ou pour une autre, décident d'avoir un conseiller sur neuf qui soit francophone, ce sera leur décision; mais, pour le moment, ils sont neuf sur neuf.

Donc, nous demandons - ma cliente demande l'abolition - de faire cesser l'intervention gouvernementale dans le quotidien municipal de Côte-Saint-Luc et d'autres municipalités anglophones, ou majoritairement anglophones. Ce n'est pas gênant de demander cela, parce que, de toute façon, les droits linguistiques fondamentaux sont inscrits aux articles 2 à 6 et ne seront nullement affectés. Quand je dis cela, je parle des droits qui garantissent à tous les citoyens québécois d'être servis en français dans tous les secteurs. Et on n'a pas besoin d'un chapitre comme le chapitre 4 pour forcer l'administration à écrire en français quand le citoyen de toute façon peut demander... Au Québec, si on regarde la charte, le citoyen québécois peut respirer en français, il peut se nourrir en français, il peut entendre en français, il peut toucher du français, bref, il peut en avaler tant qu'il veut. Je me dis: Est-ce que cela donne quelque chose maintenant d'enlever ce que

les Anglais ont, ce qu'ils veulent garder? Cela ne donne rien de plus aux francophones. On ne pourra pas en avaler plus de français en leur en enlevant.

Cela étant dit, j'aborde maintenant la démonstration des griefs que l'on reproche à ce fameux chapitre IV. Tout cela est beau, mais si j'avais tort dans la démonstration, je pense que vous me diriez: Vous avez tout simplement prononcé des paroles qui ne sont fondées sur rien.

Il y a trois articles du chapitre IV qui rendent exclusif l'usage du français et les autres rendent obligatoire l'usage du français. D'abord vous avez l'article 14 qui est la désignation des organismes. Seule la dénomination française est permise en vertu de l'article 14. Qu'est-ce qui s'est passé à Côte-Saint-Luc en pratique? Avant la loi 101, c'était le bilinguisme. On avait "Fire Department", Service d'incendie; "Recreation Center", Service de loisirs; "City Engineer", Service d'ingénieurs, etc. On a obligé Côte-Saint-Luc à enlever "Fire Department" pour s'en tenir exclusivement à Service d'incendie. En conformité avec l'article 14, la désignation des organismes doit être en français, et on a obligé à enlever "Recreation Center". Si je vis à Côte-Saint-Luc, nous parlons toujours d'une municipalité où c'est 85% d'anglophones et plus, qu'est-ce que cela nous fait à nous que ces gens veuillent avoir une désignation bilingue "Recreation Center"? Qu'est-ce que cela donne de plus aux francophones de Côte-Saint-Luc? Sauf que cela brime les libertés des anglophones de Côte-Saint-Luc. Cela ne dérange pas le maire, ni les conseillers qu'il y ait même prioritaire "Le centre sportif" ou "Le centre récréatif" et, écrit en plus petit, "Recreation Center". Mais ils ne veulent plus qu'on les oblige à mettre une désignation unilingue.

Cela va vous faire rire, M. le Président. Si vous étudiez le ridicule de la charte, vous allez vous rendre compte que l'affichage pour les organismes municipaux -le paragraphe 24 - permet, en anglais on dit, "to erect signs and posters". On pourrait installer des affiches et des posters dans les deux langues de sorte que, théoriquement, si Côte-Saint-Luc voulait jouer un tour demain matin à l'Office de la langue française, elle garderait son service d'incendie en français -parce qu'il est défendu de le mettre en anglais - mais elle pourrait placer une belle affiche disant: "It was, before Bill 101, the fire department" avec une flèche pour bien montrer que c'est le service d'incendie. Ce serait permis en vertu de l'article 24 où on dit qu'on peut afficher à la fois en français et dans une autre langue; évidemment, on ne dit pas en anglais, mais cela suppose qu'on pourrait le faire en anglais. Vous comprendrez que cela deviendrait un peu ridicule, mais ce serait légal.

Si vous allez maintenant à ce qui est exclusif, c'est-à-dire là où l'anglais est défendu. Il y a trois articles de la loi du chapitre 4 qui défendent formellement l'utilisation de l'anglais. L'article 16: les communications avec les autres gouvernements et les personnes morales au Québec. On sait que, dans la définition à l'annexe, à la fin de l'administration, les gouvernements municipaux forment des gouvernements au sens de la loi, de sorte que la Cité de Côte-Saint-Luc, le maire de Côte-Saint-Luc ne peut pas écrire à son collègue de Notre-Dame-de-Grâce, comme gouvernement municipal, en anglais. Il faut qu'il écrive en français. Le gouvernement municipal de Côte-Saint-Luc ne peut pas écrire en cette qualité à un citoyen francophone, à moins que celui-ci ne le demande, en anglais; il est obligé, si c'est une personne morale, de lui écrire en français. Alors, cela est...

Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi, Me Bertrand. Je voudrais juste vous demander s'il y a possibilité d'abréger un peu, de façon qu'on puisse entendre tous ceux qu'on a à entendre cet après-midi. J'en profite pour répondre à une question que vous avez posée tantôt au tout début à savoir si le mémoire pourrait être déposé au journal des Débats; je dois vous dire que cela ne se fait plus; par contre, toutel'argumentation que vous donnez depuis 25 minutes maintenant c'est bien évident que c'est enregistré. Le mémoire est déposé au Secrétariat des commissions pour que tous ceux qui veulent le consulter puissent le faire.

M. Bertrand (Guy): M. le Président, je vais tenir compte de vos remarques. J'en étais à vous parler de l'usage exclusif du français. On a vu que c'était exclusif pour les communications avec les autres gouvernements. Maintenant, vous avez l'article 17 qui dit: Le gouvernement - donc la cité de Côte-Saint-Luc - doit utiliser uniquement la langue officielle dans ses communications écrites entre les organismes. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que le service d'urbanisme de Côte-Saint-Luc doit écrire au service de l'aqueduc ou je ne sais quoi en français seulement. Si ce sont deux anglophones qui ne savent pas s'écrire en français, qu'est-ce qu'ils font? Le maire de Côte-Saint-Luc - si vous prenez à l'article 18, où on dit que la langue des communications internes c'est le français - le maire de Côte-Saint-Luc réussit à parler français, mais théoriquement, il pourrait y avoir un maire à Côte-Saint-Luc qui ne connaîtrait pas le français: il doit écrire à son gérant en français. C'est absolument inacceptable. Si le législateur a voulu cela, je ne comprends pas le législateur.

C'est aussi inacceptable, madame le

Président, que lorsque j'ai défendu la cause des gens de l'air au Québec... Je le dis: on s'est battu jusque devant la Cour d'appel fédérale pour contester le règlement de M. Otto Lang qui voulait suspendre le français dans l'air, en d'autres mots, obliger un pilote et un contrôleur francophones à se parler en anglais au Québec. On a invoqué à ce moment des raisons historiques: le français n'avait jamais été suspendu, sauf entre 1840 et 1849. On a dit: C'est illégitime et illégal; vous ne pouvez pas faire cela. Puis il y a eu un tollé de protestations au Québec, pour les mêmes raisons que c'est illégitime de forcer deux anglophones à s'écrire en français au Québec dans une ville majoritairement anglophone.

Puisque vous m'avez demandé d'abréger, je dirai qu'à l'article 22 on rend obligatoire l'affichage français. J'ai donné tantôt des exemples montrant comme cela pouvait être ridicule. Vous n'êtes pas obligés de partager mon point de vue. Si Côte-Saint-Luc veut avoir du bilinguisme dans son affichage, je ne vois pas pourquoi on ne lui laisserait pas la paix.

Il y a un article sur lequel je voudrais attirer votre attention puisque, maintenant, nous allons parler du français obligatoire. Nous avons vu le français exclusif, de sorte que c'est défendu d'utiliser l'anglais; il y a aussi l'usage du français obligatoire dans les textes de l'administration, dans les communications internes, et sur cela je voudrais attirer votre attention sur la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Personnellement, je crois que l'on pourrait soutenir devant la cour qu'en forçant des anglophones à s'écrire en français nous allons à l'encontre de l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne qui parle de liberté d'opinion et de liberté d'expression. Comme je comprends cette charte, c'est que l'on a le droit d'avoir des opinions et que l'on a le droit de les exprimer. Le sourd-muet s'exprime avec ses mains; si on lui coupe les mains, il ne peut plus s'exprimer. Alors, l'anglophone, s'il veut s'exprimer dans sa langue et être compris, je ne vois pas pourquoi on l'empêcherait de parler anglais ou, pour être plus précis, on le forcerait à écrire à un autre anglophone en français. (15 h 30)

II y a aussi des choses que je pourrais vous souligner qui deviendraient ridicules. À Côte-Saint-Luc, sur 150 personnes qui y travaillent, il y en a peut-être 50 qui font des mémos chaque jour. Il faudrait qu'elles fassent leurs mémos en français. Il y en plusieurs parmi elles qui ne comprennent pas, c'est-à-dire qui n'écrivent pas le français. À tout le moins, il faudrait qu'elles écrivent les mémos dans les deux langues, ce qui est encore pis, parce que l'on manque déjà de temps - on le sait, vous nous pressez.

Imaginez-vous, en plus d'être obligées d'écrire en français et de se forcer, elles vont commencer par écrire cela en anglais et traduire ensuite en français, alors qu'au Québec - et cela n'est pas notre faute; c'est comme cela dans toutes les sociétés - il y a des centaines de milliers d'analphabètes qui ne sont même pas capables d'écrire le français. Pourquoi forcerait-on des Anglais qui ont peut-être de la misère à écrire en français? De toute façon, et j'en parlais à M. le maire, cela sera un français incompréhensible dans certains cas. Donc, cela n'est pas pratique ni logique.

Si nous allions maintenant à la nomination à une fonction administrative. Là, on touche un point important... Oui, M. le ministre, cela ne sera pas long. A l'article 20, on dit: Pour être nommé, promu ou muté à une fonction, il faut avoir une connaissance appropriée du français. Ce qui veut dire que l'adjoint du gérant à Côté-Saint-Luc, qui travaille là depuis quinze ans, ne pourra pas être promu et muté comme gérant en charge parce qu'il ne sait pas le français. Ce qui veut dire que l'informaticien qui pourrait être le premier de classe à l'Université McGill, qui aurait à contrôler un ordinateur qui est programmé seulement en anglais, s'il était muet, il pourrait être engagé à Côte-Saint-Luc, mais s'il est anglais, même s'il n'a pas à parler de la journée - il n'a qu'à pitonner - il ne peut pas être engagé. Je sais que cela fait rire, mais c'est la vérité. C'est absolument cela s'il n'a pas la connaissance appropriée. Ce qui veut dire qu'à ce chapitre... J'attire l'attention des membres de la commission sur la Charte québécoise des droits et libertés parce que je vous dis que l'article 20 est contraire à la Charte québécoise des droits et libertés qui dit, à l'article 16: "Nul ne peut exercer de discrimination dans l'embauche, l'apprentissage, la durée de la période de probation, la promotion, la mutation." Or l'assistant-gérant, si le maire veut le nommer gérant, cela devient discriminatoire que de dire: Tu ne peux être nommé parce qu'on a dit à l'article 10 qu'on ne faisait pas de discrimination quant à la langue.

Au surplus, il y a pis que cela, messieurs les législateurs. Vous avez passé une loi qui s'appelle "L'exercice des droits des personnes handicapées." À l'article 63 il est dit que "tout employeur ayant, le 1er janvier 1983, un personnel de 50 salariés -ce qui veut dire que si tu es de Côte-Saint-Luc il y en a 150 - va devoir avoir un programme pour embaucher des handicapés avant le 1er juillet 1984." Ce qui veut dire que la cité de Côte-Saint-Luc peut être confrontée entre la Charte québécoise des droits et libertés et la Charte de la langue française avec un handicapé, par exemple, un muet ou un autre handicapé qui, lui, ne

saurait pas l'anglais, de sorte qu'on ne pourrait pas l'engager en vertu de la charte et il serait confronté avec une poursuite éventuelle pour la Charte des droits et libertés. Je n'exagère en rien. Je l'ai étudiée, avec de mes collègues et on arrive à la même conclusion: il s'agit d'une invraisemblance.

Sur ce, Madame, je sais que vous me regardez avec des beaux yeux, avec des yeux... Je voulais dire des yeux qui m'invitent à conclure. Je voudrais vous dire en guise de conclusion... Je voudrais lire mes conclusions: Sans bouleverser l'économie de la Charte de la langue française la cité de Côte-Saint-Luc demande de reconnaître premièrement que la population anglophone a droit à des services en anglais. Ce n'est pas tout de le dire du bout des lèvres dans des discours publics et politiques. Que ce soit reconnu qu'elle a droit à des services en anglais. Deuxièmement, de reconnaître, M. le ministre, que les organismes municipaux et scolaires dont les administrés sont en majorité de langue anglaise comme c'est le cas à Côte-Saint-Luc, puissent utiliser à leur choix le français ou l'anglais dans leurs communications formelles, internes ou externes. La même chose, Madame, pour les contrats avec les anglophones.

Je n'en ai pas parlé, tout à l'heure, mais quand on a fait la bataille pour les contrats français dans la ligue nationale pour les joueurs de hockey, c'est parce qu'on trouvait indécent que Pierre Lacroix, Michel Goulet avec Maurice Fillion, Marcel Aubut et Guy Bertrand signent des contrats en anglais au Québec. C'est la même chose pour les anglophones de Côte-Saint-Luc qui décideraient de signer un contrat de déneigement avec un anglophone à la condition évidemment - et on le spécifie - que le francophone qui voudra en avoir une version en tout temps puisse avoir la version du contrat.

Bref c'est en gros ce que la cité de Côte-Saint-Luc voulait vous exprimer dans son mémoire.

La Présidente (Mme Lachapelle): Merci, M. Bertrand. M. le ministre.

M. Godin: Brièvement, Me Bertrand, M. le maire, Me Kirshenblatt. Nous attachons de l'importance à votre mémoire parce que, au fond, il reflète beaucoup des préoccupations qui nous viennent des 98 municipalités anglophones du Québec. Je reconnais avec vous, d'emblée, sans autre forme de procès ou de patinage - comme on dit en politique - que les articles du chapitre IV prêtent effectivement à confusion. Nous avons l'intention de faire en sorte qu'ils soient beaucoup plus clairs et qu'ils incarnent concrètement la volonté du gouvernement. Puisque nous reconnaissons, par le biais de l'article 113f, des municipalités anglophones, il est normal qu'accompagnent cette reconnaissance les droits qui en découleraient. Par exemple, l'usage de l'anglais dans les communications internes, dans l'affichage, l'usage de l'anglais dans la dénomination, etc. Nous travaillerons à trouver une solution à ce problème dans les semaines qui viennent. Dès que la commission sera terminée, nous nous mettrons à l'oeuvre là-dessus.

Je voudrais simplement poser une question sur l'article 24. M. le maire, Me Bertrand ou M. le chef du contentieux de Côte-Saint-Luc, est-ce que votre lecture de l'article 24 vous amène à croire qu'il est aboli par l'article 25 à compter du 1er janvier 1984? Si telle était votre interprétation, elle ne serait pas fondée, premièrement; mais nous allons travailler à ce que ce soit plus clair.

Deuxièmement, il me semble que l'article 20 est clair. Quand nous disons dans cet article: "...il faut avoir de la langue officielle une connaissance appropriée à cette fonction", Me Bertrand, comme vous l'avez évoqué, si, après évidemment une entente avec l'office, la municipalité estime que l'informaticien qui travaille dans son "cubicule" avec son ordinateur n'a pas besoin de parler français, la municipalité peut engager un unilingue anglophone ou un bilingue - ce qui n'est pas exclu non plus ni interdit - ou même un sourd-muet, pour reprendre votre exemple. Mais, par ailleurs, il est certain que si chaque organisme de l'administration - en l'occurrence la ville de Côte-Saint-Luc - établit les critères et modalités de vérification et également détermine quel poste exige ou non une connaissance de la langue officielle, cette décision doit être entérinée par l'office. À ma connaissance, il y a eu peu de cas où il y a eu des accrochages majeurs entre l'office et les municipalités.

Donc, pour ce qui est déjà dans la loi, je pense qu'il y a suffisamment de marge de manoeuvre pour que le caractère anglais de Côte-Saint-Luc soit respecté. Pour ce qui n'est pas déjà dans la loi et qui a fait l'objet de vos interventions, nous nous penchons avec sérieux sur des solutions à ces problèmes, de manière qu'il y ait une logique dans la loi par rapport à la volonté que le gouvernement a exprimée.

Ce sont mes remarques, M. le Président.

M. Bertrand (Guy): Pour ce qui est de l'article 24, cela ne fait aucun doute dans mon esprit que cet article ne disparaît pas avec l'application des articles 15 à 23 pour la fin de l'année 1983.

Cela étant dit, ce qui a amené Côte-Saint-Luc devant vous, ce n'est pas tellement la loi, qui est mal foutue et mal rédigée,

c'est surtout l'interprétation qu'en a faite l'Office de la langue française. Nous avons quatre documents ici qui illustrent que l'Office de la langue française a contredit les conseillers juridiques de cité de Côte-Saint-Luc, en particulier sur un article sur lequel vous avez attiré l'attention de cette commission, à savoir l'article 24. Par exemple, on voulait avoir des dépliants publicitaires concernant les programmes urgences-santé du Conseil de santé et des services sociaux de la région de Montréal, On dit: On va envoyer cela en anglais, parce que notre population est anglaise. On dit: Au moins, envoyez-nous des dépliants bilingues. Le conseil de santé a répondu ceci: Malheureusement, après une dernière vérification - parce qu'il y a beaucoup de plaidoiries - et pour faire suite à notre conversation téléphonique, je dois vous dire que M. Untel, conseiller, que je ne nommerai pas, à la Commission de surveillance de la langue française, me spécifie que dans ce cas-ci, ce n'est pas l'article 22 sur l'affichage de la loi 101, mais bien l'article 15, une publication qui fait force. Cet article stipule qu'il n'est pas possible de publier des dépliants bilingues. Donc, ils ont refusé de faire parvenir des dépliants bilingues à cité de Côte-Saint-Luc. Je voudrais, au même chapitre, vous dire qu'à un moment donné, sitôt que cité de Côte-Saint-Luc a voulu se prévaloir d'un programme de sécurité routière - le 15 juin 1983 - de la Régie de l'assurance automobile du Québec pour prévenir les gens du danger des automobiles, etc.. Donc, elle a demandé que les affiches de la régie "Soyons prudents", "Au Québec, on protège nos enfants", etc., soient dans les deux langues. Je dois vous lire la lettre et je vais vous en remettre une copie. Voici ce que l'office a dit. Je sais, M. le ministre, que vous pourriez dire que l'office a tort. Il a ma] interprété la loi, mais il ne faut plus que cela arrive, des interprétations...

M. Godin: Me Bertrand, je ne vous ai rien dit encore.

M. Bertrand (Guy): D'accord, mais il ne faudrait plus que cela arrive à l'avenir, parce que cela crée des préjudices aux municipalités. Voici ce que l'office a dit: Objet: Affiches de la Régie de l'assurance automobile. Un des rôles principaux de la Régie de l'assurance automobile consiste à promouvoir la santé et la sécurité sur les routes. Vous comprendrez par conséquent l'importance pour la régie de diffuser ses messages de sécurité routière au plus grand nombre possible de citoyens et pour ce faire, d'utiliser une autre langue en plus du français chaque fois qu'elle est autorisée à le faire." Donc, jusqu'ici, on se dit: Parfait! On va avoir gain de cause. "En ce sens, le fait que la régie soit dans l'impossibilité de fournir à votre municipalité les affiches bilingues qu'elle réclame dans le cas présent ne saurait être interprété comme un refus de voir aux besoins de la population non francophone, mais simplement comme le résultat de l'application de la Charte de la langue française." Si vous me permettez, je continue: "Encore une fois, aux fins de l'application de l'article 22 de la charte, la santé et la sécurité publiques - parce que vous vous rappelez qu'il y a une exception, on affiche exclusivement en français, sauf si la santé et la sécurité sont menacées - sont considérées comme étant en cause uniquement lorsqu'il y a imminence de danger." En vertu de quoi l'office peut-il se permettre d'interpréter cet article en disant de son propre chef: Nous, on pense que c'est lorsqu'il y a imminence de danger? "Cette règle résulte d'une entente entre les organismes de l'État et l'Office de la langue française en vue de guider la pratique en matière d'affichage public. En tant que partie à cette entente la régie - on voit qu'elle le regrette - ne saurait se soustraire à cette règle et diffuser dans une langue autre que le français des messages à caractère préventif d'ordre général qui ne visent pas à contrer un danger imminent."

M. Godin: Me Bertrand, sur le premier point, le principe que le gouvernement applique, c'est que les citoyens anglophones doivent avoir accès dans leur langue aux documents destinés aux citoyens, d'une part. D'autre part, quant à l'affichage, cela relève des municipalités. Donc, rien n'empêche la cité de Côte-Saint-Luc d'afficher cette promotion de la Régie de l'assurance automobile pour la sécurité des gens, une promotion large qui n'avertit pas les gens d'un danger immédiat effectivement. Rien n'interdit la municipalité de Côte-Saint-Luc, en vertu de l'article 24, d'afficher elle-même un panneau disant: "In Cote St. Luke, life is important", je ne sais pas quoi.

M. Bertrand (Guy): Oui, c'est vrai. Une voix: Ils vont payer deux fois.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Godin: Cela a été la position adoptée par l'office. Personnellement, je l'ai endossée parce que le principe est l'accès des citoyens à la documentation et le principe des municipalités, c'est que l'affichage dans les deux langues est permis donc, Côte-Saint-Luc - en vertu de l'article 113f. Les municipalités reconnues comme anglophones peuvent afficher en anglais si elles le souhaitent. Donc, ma position était que si Côte-Saint-Luc estime

important que cette publicité incitative existe en anglais, libre à cette municipalité de faire imprimer sa publicité à ses frais. (15 h 45)

M. Bertrand: Si vous me permettez, à la suite de votre remarque, c'est vrai qu'elle pourrait le faire à ses frais. D'ailleurs, selon la conclusion de la régie, on voit que la régie est malheureuse. Dans sa lettre, dont je vous distribuerai une copie, elle est malheureuse. Elle nous a dit: Écoutez, nous vous rappelons que la régie n'ayant aucun pouvoir en matière de législation linguistique, il serait souhaitable que vous vous adressiez directement à l'Office de la langue française ou au législateur, si vous voulez voir cela changer.

D'un autre côté, Côte-Saint-Luc ne veut pas afficher en anglais. C'est parfait, on veut afficher en français, mais on voudrait aussi que les 85 pour cent de la population puisse comprendre le message. Il s'agissait d'une message un peu plus compliqué que celui que je vous ai lu plus tôt, de sorte que ce qu'elle voulait, c'était tout simplement un affichage bilingue. Or, comme ces gens paient des impôts, et de gros impôts au Québec, - ils se disent: Pourquoi n'aurions-nous pas le droit, de la part de cet organisme public qui s'appelle la régie, d'avoir un affichage qui sera, de toute façon, bilingue. On n'enlève rien à la charte, on n'enlève rien au français, mais on donne un certain respect à cette communauté.

M. Godin: Si la population de Côte-Saint-Luc est fière de sa langue, à mon avis elle devrait faire l'effort d'afficher en anglais elle-même.

Mme Lavoie-Roux: Ah! Puis vous le fournissez à toutes les autres municipalités.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Godin: M. le Président, nous le fournissons partout en français, et les municipalités anglophones peuvent afficher en anglais si elles le souhaitent. Nous ne le fournirons pas bilingue dans tout le Québec, Mme la députée de L'Acadie. La municipalité de Champlain...

Mme Lavoie-Roux: Non, mais aux municipalités anglophones que vous reconnaissez comme telles d'après l'article 113f.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il-vous-plaît!

M. Godin: Ni la municipalité de Champlain, ni la municipalité de Batiscan ou de l'ensemble du Québec ne recevront les affiches bilingues du gouvernement du

Québec. La publicité écrite bilingue, pas de problème, mais l'affichage sera la responsabilité des municipalités reconnues comme anglophones par le gouvernement du Québec. Cela reconnaît des droits, mais qu'elles les exercent, ces droits. C'est à elles de les exercer.

Mme Lavoie-Roux: À leur frais.

M. Bertrand: M. le Président, pour répondre à la question de M. le ministre, dans la conclusion que j'ai lue plus tôt, nous avons bien spécifié que ceci s'adressait aux villes où il y a une majorité d'administrés anglophones, ce qui est, à mon sens, très différent. C'est pour cela que je vous ai demandé au début si la charte ne devrait pas inscrire les droits fondamentaux en matière linguistique qui appartiennent à la communauté anglophone. Si c'est inscrit, la question est réglée. En d'autres mots, M. le ministre, si l'on procède à un examen et que la réponse démontre que ces gens ont des droits fondamentaux en matière linguistique et qu'on dit oui, cela devrait être inscrit dans la charte, le cas échéant, le problème devient une question d'équité pour des gens qui, de toute façon, ne demandent rien de plus. Ils veulent seulement que les affiches, dans leur municipalité, soient également en anglais.

À la fin, je vous demandais ceci: est-ce qu'on est prêt à poser un geste qui, de toute façon, ne donne rien à la communauté francophone? Non seulement cela ne donne rien, mais cela ne nous enlève rien et, pour eux, c'est une démonstration que les droits fondamentaux dont on parlait au début seront respectés par un geste tangible. Cela est un exemple d'un geste tangible pour les municipalités anglophones. Autrement, M. le ministre, on arrive à l'exemple que je vous ai donné plus tôt. Qu'est-ce que ça donne aux francophones d'enlever "Fire Department". Cela nous donne rien, cela agace beaucoup la population de Côte-Saint-Luc. M. le maire pourrait vous le confirmer. Cela fait que les francophones sont détestés pour des insignifiances, je parle toujours des municipalités avec une majorité d'administrés anglophones. C'est très différent. Je sais que vous en prenez bonne note, M. le ministre.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je ne peux concevoir que le ministre fasse l'affirmation qu'on a entendue plus tôt à l'appui de la décision de l'Office de la langue française. Non seulement on se rend compte que dans le cas de ces panneaux de sécurité, qui plaident pour la sécurité, fournis par la Régie de l'assurance automobile... mais on s'aperçoit que la loi interdit à la régie de

les fournir aux municipalités qui sont reconnues en vertu de 113f, donc, qui comptent une majorité de citoyens de langue anglaise, on s'aperçoit que toute la paperasse, toutes les difficultés administratives que les autorités d'une municipalité semblable sont obligées d'entretenir avec l'Office de la langue française et ce, pour en venir à quoi en termes pratiques? Pour en venir à décider que la municipalité doit dépenser de ses propres deniers pour avoir droit aux mêmes affichages que les autres municipalités. Si ce n'est pas là du "tatillonnage" et du "niaisage", comme a dit Me Bertrand, je ne sais pas ce que c'est. Quand le ministre se cantonne dans son interprétation pour dire que c'est comme cela que cela va être, que c'est comme cela qu'il faut que ce soit, je vous avoue franchement que je ne suis pas très optimiste quant aux résultats que donnera cette commission parlementaire en termes d'amélioration, de bonification et d'élimination des irritants de la loi 101. Vous aviez parlé d'excès et d'abus, M. le ministre. Eh bien, c'en est un, un excès.

M. Godin: Et d'erreurs aussi.

M. Gratton: Et d'erreurs, d'irritants, de tout ce que vous voudrez. C'est un cas flagrant. Que vous nous disiez aujourd'hui que cela ne changera pas, ce n'est pas très rassurant.

M. le Président, c'est mon collègue de D'Arcy McGee qui posera les questions.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les représentants de la ville fleurie de Côte-Saint-Luc d'être venus faire cette présentation. Je dis "ville fleurie", parce que la ville a déjà eu deux prix du gouvernement du Québec pour l'aménagement.

Une voix: Dites-le avec des fleurs!

M. Marx: La présentation de Me Bertrand a démontré que, quelle que soit la couleur d'un avocat, il peut toujours faire une présentation objective et parler d'une façon objective. Je dirais même cela à propos des avocats de l'Office de la langue française et de la Commission de surveillance, parce qu'ils ont émis des opinions objectives en disant qu'il y a un paquet de règlements adoptés par ces organismes qui sont invalides.

Ces jours-ci, Côte-Saint-Luc me fait penser à un village à la Potemkine. Et je vais expliquer cela. Vous avez déjà dit que la ville de Côte-Saint-Luc a à peu près 85% d'anglophones - peut-être seulement 5% de francophones, parce qu'il y a des gens qui ne parlent ni l'anglais, ni le français - donc, peut-être seulement 4% ou 5% de francophones. Mais, à cause des règlements sur l'affichage, cela me fait penser à un village à la Potemkine. Potemkine était l'inspecteur général de la tsarine en Russie au dix-huitième siècle. La tsarine allait de Moscou à Leningrad, et il avait érigé, au bord des chemins de fer, des villages en carton. Quand la tsarine est passée, elle a dit: "Ah, que c'est beau en Russie: tous les paysans sont heureux, tout marche bien, tout le monde est bien habillé".

M. Fortier: Tout le monde est beau, tout le monde est gentil.

M. Marx: C'est un peu comme cela à Côte-Saint-Luc. Quand on passe à Côte-Saint-Luc, on peut penser qu'il n'y a pas d'anglophones qui y habitent parce que tout est affiché en français. Et maintenant, je vois même que, dans certaines rues où c'était bilingue, ils ont forcé les commerçants et les magasins à enlever les quelques mots d'anglais qui s'y trouvaient. Donc, cela me fait penser malheureusement à un village à la Potemkine, auquel on a déjà pensé et qu'on a délaissé il y a deux siècles.

J'aimerais souligner que la ville de Côte-Saint-Luc a toujours fourni des services bilingues à ses citoyens. La ville a toujours parlé à ses citoyens francophones en français; il n'y a pas de problème. Et même les anglophones vont exiger que ce soit bilingue parce qu'ils trouvent cela plus normal pour cette ville. Et même le bulletin de la ville, par exemple, est rédigé et distribué de façon bilingue à tous les citoyens.

J'aimerais poser deux questions, peut-être même trois. Est-ce que le maire va avoir le droit de m'écrire en anglais à l'avenir? Ce n'est pas sûr, cela.

M. Bertrand (Guy): Si vous le demandez.

M. Marx: Bon, je fais une demande formelle. Que ce soit enregistré au journal des Débats que j'ai demandé qu'il m'écrive en anglais.

J'ai deux questions à poser. Premièrement, est-ce que les contraventions, les sommations qu'on distribue dans la ville, sont en français seulement, ou bilingues, ou quoi?

M. Lang: Elles sont bilingues.

M. Marx: Elles sont bilingues? Il y en a qui sont données par... Quand c'est donné par le service de sécurité de la ville, c'est bilingue? Quand c'est un policier de la

Communauté urbaine de Montréal?

M. Lang: Je n'ai jamais reçu de contravention. Je ne le sais pas.

M. Fortier: II n'est pas ministre, lui.

M. Marx: J'ai eu des plaintes à savoir qu'il y a beaucoup de sommations, beaucoup de contraventions qui sont émises seulement en langue française et les gens ne les comprennent pas.

Une deuxième question sur les interprétations de la charte par l'Office de la langue française. C'est un secret de polichinelle que les rédacteurs de la charte n'ont pas voulu être encadrés par les juristes. Quand on a rédigé la charte on a dit: Même si cela n'est pas tout à fait légal, on va le mettre dans la charte. Il y a tout un chapitre qui a été jugé inconstitutionnel par la Cour suprême du Canada et par la Cour d'appel du Québec, etc. On sait que lorsque les rédacteurs ont rédigé la charte ils n'ont pas pris en considération la légalité des articles. Si c'était un peu illégal, ils ont laissé faire. C'est un secret de polichinelle, aujourd'hui l'Office de la langue française rédige des règlements qui sont plus ou moins illégaux en se disant: Qui va contester cela? Les grandes entreprises veulent avoir de bonnes relations avec les offices qui mettent en oeuvre des programmes de francisation. L'individu n'a pas assez d'argent pour se présenter devant les tribunaux. Cela m'a surpris que des villes comme Câte-Saint-Luc ou d'autres villes anglophones n'aient pas contesté certaines interprétations de la charte données par l'Office de la langue française ou certains règlements qui s'appliquent.

Me Bertrand a fait une démonstration qu'il y a un certain nombre d'articles et de règlements qui sont difficiles, sinon impossibles à appliquer et il y en a d'autres qui sont des règlements illégaux. On peut se fier même sur les études de l'office, du Conseil de la langue française, etc. Cela me surprend un peu qu'il n'y ait pas une ville qui ait contesté ces règlements de l'office.

M. Bertrand (Guy): Si Côte-Saint-Luc avait contesté les décisions de l'office il en aurait coûté cher en frais et en honoraires d'avocats, à partir de la première chose qu'on a demandée; pour obtenir le certificat de francisation, on a demandé d'abolir -comme j'ai dit tantôt - tous les services rédigés en anglais. On a décidé de laisser le français seulement.

La deuxième chose, c'est qu'on a demandé à la cité de Côte-Saint-Luc d'abolir le mot "cité" pour le remplacer par "ville" De la sorte, l'office s'est donné le pouvoir d'agir par délégation. Les juristes ont dit: Vous ne pouvez pas faire cela. En vertu de quoi pouvez-vous changer une loi? C'est une décision de 1958 du Parlement québécois changeant ville de Câte-Saint-Luc par cité de Côte-Saint-Luc. C'est une loi du Parlement. On a expliqué qu'autrefois cela s'appelait village de Côte-Saint-Luc pour devenir ville de Côte-Saint-Luc et plus tard cité de Côte-Saint-Luc. Là, l'office a reculé devant les représentations qu'on a faites, de sorte qu'on peut tout de suite dire qu'il s'arroge des pouvoirs qu'il n'a pas. Ce ne sont pas toutes les municipalités qui aiment se promener devant les tribunaux ou contester.

La même chose pour le nom des districts électoraux. Le 15 mars 1983, la Commission de toponymie a dit: Vous devez vous donner des noms de districts électoraux. On a dit: Vous ne pouvez pas faire cela. Cela appartient à la Loi sur les cités et villes. En fin de compte, ils ont reculé là aussi. Ce sont deux exemples que je vous donne. Pour les deux autres exemples que je vous ai donnés tout à l'heure en ce qui concerne les dépliants publicitaires d'urgences-santé qu'on a refusé de donner en français, il est sûr que cela aurait pu être contesté devant les tribunaux. Assez curieusement, peut-être que vous ne le savez pas, M. le ministre, dans la lettre du Conseil régional de la santé et des services sociaux on a dit: On ne peut pas vous l'envoyer en anglais parce que c'est défendu par l'article 15 qui dit qu'il faut que ce soit en français seulement. Nous n'interprétons pas cela ainsi. Ils ont dit: Vous ne pouvez pas l'avoir. Cependant, ils ajoutent à la fin: Cet article stipule qu'il n'est pas possible de publier ces dépliants bilingues. Côte-Saint-Luc s'est dit: Ce sont des beaux dépliants qu'on voudrait envoyer à tous les citoyens, les 25 000 anglophones, qui donnent des instructions sur le plan de la santé. On ne peut pas le faire. Cependant, ils ont ajouté ceci: "Je profite de l'occasion pour vous faire parvenir une centaine de dépliants anglais." (16 heures)

Oui, ils ont envoyé une centaine de dépliants anglais de sorte qu'on s'est dit: S'ils peuvent faire des dépliants anglais, strictement en anglais, pourquoi n'en feraient-ils pas des bilingues pour les villes dont les citoyens sont majoritairement anglophones? Cela aurait réglé le problème. Cela a causé un problème pour Côte-Saint-Luc. D'abord, elle n'a pas pu envoyer ce dépliant; deuxièmement, il n'y avait pas suffisamment de dépliants anglais et de dépliants français. La majorité ne comprenait pas le français. Le résultat, c'est que la municipalité dit: On aurait aimé avoir un dépliant bilingue. Ceux qui comprennent le français liront le côté français et ceux qui comprennent l'anglais... C'est sûr que cette décision de l'office aurait pu être contestée mais pour des

raisons que je vous donne, toutes les municipalités n'aiment pas se promener devant les tribunaux.

M. Marx: Le problème c'est que si personne ne conteste l'office, il va continuer. L'office a une certaine immunité, si tout le monde se plie à ses exigences qui ne sont pas encore, de temps en temps, en conformité avec la loi ou même avec son propre règlement. C'est peut-être pourquoi on a une commission. Souhaitons que le ministre apportera certaines corrections. Peut-être qu'il a un plus grand sens de la justice que le ministre qui l'a précédé. Merci pour être venus aujourd'hui.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. M. le député de Fabre, en vous invitant à être le plus bref possible parce qu'on a dépassé notre temps.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais poser une question. À la page 5 de votre mémoire, vous faites des commentaires qui m'étonnent un peu au sujet des bénévoles qui travaillent pour la municipalité, en fait qui font du travail pour la municipalité et qui, selon ce que vous dites, doivent rédiger ou devraient rédiger leur rapport en français. Cela m'étonne que vous fassiez ce commentaire. À quoi vous référez-vous pour cela? Est-ce à une expérience que vous avez vécue? Il n'y a aucun article qui parle des bénévoles à mon sens.

M. Bertrand (Guy): Au niveau des services de loisirs, des programmes pour personnes âgées et d'autres programmes de sport, c'est clair qu'après la fin de décembre, toutes les personnes qui ont un poste administratif, que ce soit un directeur des loisirs qui va se chercher un assistant, qui travaille à toutes fins utiles bénévolement comme assistant, devra soumettre ses mémos en français ou en anglais, s'il le désire, en tout cas, cela devra être dans les deux langues. Ceci aura pour effet... Je vous donne un exemple de l'assistant-directeur du service des loisirs ou plusieurs personnes bénévoles et personnes âgées qui ne comprennent pas le français. Il faut quand même qu'il y ait des mémos qui soient rédigés. On parle toujours de la langue écrite. Nous disons que si vous attirez l'attention, si vous mettez l'emphase dans la loi sur l'écriture plutôt que sur les services à rendre, cela risque de mettre en danger plusieurs programmes à Côte-Saint-Luc. Ils ont déjà eu des échos. C'est que les gens disent: S'il faut commencer à s'écrire en français, nous ne connaissons pas assez la langue; même si on permet de le faire dans les deux langues, on n'est plus intéressé à ces programmes bénévoles. C'est un peu dans ce sens que je l'ai souligné. Évidemment, vous pouvez me dire que cela concerne les nominations administratives.

M. Leduc (Fabre): Oui, d'accord. C'est une précision qui est importante à faire. En ce qui concerne l'article 26, de quelle façon suggéreriez-vous de le remplacer? Selon quelles modalités? Cela concerne l'article au sujet des communications internes. Donc, il y a une municipalité qui est anglophone...

M. Bertrand (Guy): Vous parlez de l'article 26?

M. Leduc (Fabre): Non, non. Mais l'article 26 traite des communications internes.

M. Bertrand (Guy): Oui. D'abord, l'article 26 ne concerne pas les municipalités, comme vous le savez; il concerne seulement les organismes scolaires et les services de santé. Ce qui concerne les municipalités au niveau des communications internes, c'est les articles 16, 17 et 18. C'est pour cela que, évidemment, quand on a demandé l'abolition complète du chapitre... Je vous répondrai que lorsqu'on dit à l'article 26 - même si cela ne concerne pas les municipalités - "utiliser à la fois" le français et l'anglais, ici, le législateur devrait amender cela, soit par voie législative ou par voie de règlement, pour que ce soit dans l'une ou l'autre des deux langues, parce que écrire "à la fois" en français et en anglais, cela n'est vraiment pas pratique et cela ne règle rien. Je répondrais quand même ici que cela peut se faire par voie réglementaire si vous, les législateurs, disiez par voie réglementaire que "à la fois" veut dire, par exemple, "au choix en français ou en anglais". À l'article 27, il est dit que c'est possible de le faire dans les centres hospitaliers. On permet au médecin de rédiger ses dossiers en anglais, mais on dit par exemple que si un francophone veut avoir une copie de ses dossiers, vous devrez lui en fournir un résumé en français. Cela, c'est parfait. La même chose pourrait s'appliquer dans les municipalités pour permettre au maire qui est un anglophone de faire toutes ses affaires au point de vue gouvernemental en anglais, et si un francophone de la municipalité désire avoir une copie du dossier en français, qu'il lui fournisse le dossier au complet en français, quitte à le faire traduire.

M. Leduc (Fabre): Oui, mais on parle des communications internes. Vous avez raison, cela ne s'applique pas aux municipalités. Cela pourrait cependant s'appliquer aux municipalités, hypothé-tiquement. Vous dites: Non, parce

qu'il y a les deux langues finalement: le français et l'anglais. Il faudrait faire un choix. Donc, le choix se ferait en faveur de l'anglais. On s'entend là-dessus: les communications internes se feraient donc en anglais.

M. Bertrand (Guy): Dans les villes où il y a une majorité d'administrés anglophones...

M. Leduc (Fabre): D'accord!

M. Bertrand (Guy): En fait, c'est la loi 22.

M. Leduc (Fabre): Oui.

M. Bertrand (Guy): La loi 22 disait cela.

M. Leduc (Fabre): Très bien. Combien avez-vous d'employés francophones à Côte-Saint-Luc?

M. Bertrand (Guy): Sur 130 employés, c'est moitié-moitié.

M. Leduc (Fabre): Donc, la moitié de vos employés sont francophones à Côte-Saint-Luc. Ce qui signifie que les communications internes devraient se faire en anglais avec les employés francophones.

M. Bertrand (Guy): Non, au choix.

M. Leduc (Fabre): On arrive à cette conclusion.

M. Bertrand (Guy): Au choix.

M. Leduc (Fabre): Oui, mais il ne faut pas jouer sur les mots "au choix", on parle de communications internes.

M. Bertrand (Guy): Oui.

M. Leduc (Fabre): Je vous demande si vous êtes d'accord pour utiliser le français et l'anglais, c'est-à-dire appliquer l'article 26, vous me dites non.

M. Bertrand (Guy): Ah! D'accord!

M. Leduc (Fabre): Donc, c'est l'anglais qui serait utilisé avec tous les employés, y compris les employés francophones.

M. Bertrand (Guy): Actuellement, pour parler des municipalités, puisque le ministre a dit qu'il y aurait des amendements, il faut se référer à l'article 17 concernant les communications internes. Communications internes en français seulement. "Le gouvernement, (...) utilisent uniquement la langue officielle dans leurs communications écrites entre eux." D'accord? Cela, c'est la loi actuelle. Le maire, comme je l'ai dit tantôt, qui écrirait à son gérant ou à un autre service de son gouvernement municipal, actuellement, si la loi est en vigueur en décembre, n'a pas le choix, il faut qu'il écrive en français. Si vous modifiez la loi pour être en accord avec l'article 26, je dis que le maire pourrait écrire en anglais, s'il le désire, et cela se pourrait que dans un autre service, au niveau de l'aqueduc, par exemple, ce soit un directeur francophone qui, lui, aura toujours le droit d'utiliser le français parce que la charte stipule que le français, on peut l'utiliser partout. De sorte que s'il écrit en français au maire, celui-ci devra l'accepter, mais ce que le maire ne veut pas, c'est d'être forcé d'écrire en français à tout le monde quand cela n'est pas sa langue.

De plus, surtout ne pas mettre dans la prochaine loi que vous allez refaire, à ce chapitre-ci, les deux langues "à la fois". Franchement, s'il écrit une lettre, il l'écrirait en français parce que c'est obligatoire. Il se forcerait ou il aurait un traducteur. Incidemment, les traducteurs cela n'est pas facile à avoir. La ville de Côte-Saint-Luc est à la recherche de traducteurs. Cela prendrait plus d'un traducteur. Il ne peut pas avoir à son service un traducteur à longueur de journée et ne pas en avoir dans les autres services. Il y a des mémos qui doivent être transcrits régulièrement pour faire partie des dossiers d'une façon officielle. Si vous mettez les deux langues, on va se retrouver évidemment avec l'anglais, puis là, le bonhomme va tout simplement résumer en deux ou trois mots de français et vous n'aurez pas plus la traduction. C'est pour cela que ce n'est pas pratique. Tandis qu'au niveau médical, pour les dossiers dans les hôpitaux, je pense que vous avez trouvé la formule: permettre au professionnel de la santé d'écrire dans sa langue et au francophone d'obtenir un résumé ou une copie.

M. Leduc (Fabre): Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, c'est tout simplement pour dire à Me Bertrand qu'en l'écoutant plaider aussi vaillamment et avec autant d'à-propos les changements qu'il propose à la Charte de la langue française au nom de la cité de Côte-Saint-Luc, je n'ai pu m'empêcher de me demander ce qui aurait pu arriver dans la rédaction de la loi 101 si Me Bertrand avait été élu dans Bellechasse en 1973. On ne le saura jamais, mais, en tout cas, chose certaine, si j'étais le ministre, je vous écouterais avec beaucoup d'attention.

M. Bertrand (Guy): En 1970. M. le maire voudrait seulement ajouter un mot avant de terminer.

Le Président (M. Gagnon): Je vais donner la parole au ministre et ensuite...

M. Godin: M. le maire, allez-y.

Le Président (M. Gagnon): Allez-y, M. le maire.

M. Godin: Allez-y, M. le maire.

M. Lang (Bernard): Bon après-midi, M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs. J'aimerais remercier les membres de la commission parlementaire de nous avoir entendus aujourd'hui. Me Guy Bertrand a exposé nos idées et notre point de vue.

Les modifications que nous proposons donneront un meilleur service à mes concitoyens de langue anglaise, environ 23 000, ainsi qu'aux autres municipalités anglophones et éviteront une situation chaotique et dispendieuse. Tout ce que nous demandons est juste et raisonnable. Nous osons croire que la commission nous appuiera et nous donnera justice. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le maire. M. le ministre.

M. Godin: M. le maire, Me Kirshenblatt, Me Bertrand, en terminant, je veux vous remercier d'être venus nous exposer les problèmes vécus concrets. Je terminerai par une question que je poserai à M. le maire. Si l'article 26 incluait les municipalités, est-ce que cela réglerait une partie de votre problème?

M. Lang: Comme je l'ai dit, cela devient très dispendieux.

M. Godin: Mais est-ce que...

M. Lang: II faut embaucher des traducteurs pour traduire chaque mémoire, chaque lettre qu'on écrit en anglais. Il faut les traduire en français.

M. Godin: Merci beaucoup, M. le maire.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je remercie la cité de Côte-Saint-Luc pour cet excellent mémoire.

J'inviterais maintenant l'Association des anglophones de l'Estrie à prendre place. Le temps que ces gens prennent place, je voudrais revenir, peut-être pas sur une décision que j'ai rendue ce matin, mais, lorsqu'on a soulevé une question de règlement par rapport au mémoire et à l'ajout de mémoire qui est arrivé sans que les membres de la commission parlementaire en aient une copie, après avoir vérifié notre réglementation, effectivement, on se rend compte que, suivant nos règlements, les mémoires devraient être déposés au secrétariat des commissions trente jours avant la tenue de la commission parlementaire accompagnés d'un bref résumé. On dit: Après ce délai, le secrétaire des commissions parlementaires fait parvenir à chaque membre de la commission un exemplaire des mémoires et des résumés et il convoque, c'est-à-dire le secrétaire des commissions parlementaires, les personnes qui ont déposé des mémoires au moins sept jours avant la réunion où elles se feront entendre. Je pense que c'est normal... C'est un peu dans ce sens. Je ne m'étais pas appuyé sur le règlement, mais je me souvenais qu'on en avait déjà discuté et que c'était normal qu'un mémoire... Cela ne veut pas dire que c'est appliqué à la lettre en termes de jours, mais, lorsqu'on fait lecture d'un mémoire, c'est normal qu'au moins les membres de la commission parlementaire aient ce mémoire entre les mains. Je ne sais pas si cela répond à la question de règlement que vous aviez soulevée ce matin, M. le ministre.

M. Godin: En ce qui me concerne, cela répond à ma question de façon satisfaisante.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Cela ne règle pas le problème dans mon esprit parce que je ne voudrais pas que vous pensiez que j'accepte qu'une personne qui vient témoigner ici ou un organisme ne peut pas faire des changements dans le texte qu'il vous a adressé il y a un mois. S'il veut faire des changements ou des ajouts, pourvu qu'il respecte le temps qui lui est accordé ici, il n'y a aucune règle qui dit qu'il doit s'en tenir au texte qu'il a soumis un mois avant. Il garde sa liberté complète. On lui demande cela pour faciliter le travail des parlementaires, mais je ne voudrais pas que cela implique en contrepartie un quelconque droit de censure sur des changements qu'il veut faire lors de la présentation, y compris des additions ou des soustractions.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. (16 h 15)

M. Godin: Je suis parfaitement d'accord avec vous sauf que la pratique est bien claire aussi. Dans nos règlements aussi bien que dans la pratique, M. le député d'Argenteuil, il n'y a aucune objection à ce qu'il y ait des changements entre le mémoire soumis il y a un mois et, les événements étant ce qu'ils sont, cela peut changer. Mais, même quand les amendements ou les changements sont faits, que la personne qui

est invitée à nous rencontrer nous remette en même temps... Je l'ai eu le texte en question, cinq minutes après que la lecture en a été terminée. Cela aurait été très simple que chacun des membres ici l'ait au moment où il était lu. C'est un peu un problème technique. La pratique veut, quand il y a des changements comme cela, quand un mémoire est modifié, substantiellement ou non, que la nouvelle version soit remise aux membres de la commission par respect pour l'institution, M. le député d'Argenteuil, purement et simplement, par respect pour les membres qui travaillent ici pendant de longues heures et également de longs jours d'affilée. Nous voulons avoir en main tous les renseignements. D'après la pratique que j'ai observée plusieurs fois, quand il y a des changements, quand les invités s'assoient, simultanément, ils font distribuer la nouvelle version par le personnel de l'Assemblée nationale. Je n'ai aucune objection à ce qu'elle ne soit pas conforme à la première version, mais au moins qu'on puisse en faire la lecture et l'analyser en même temps.

M. Ryan: Oui, mais cela demeure votre opinion, cela ne fait pas partie du règlement.

M. Godin: Cela fait partie de la pratique des commissions parlementaires.

M. Ryan: Mais pas du règlement qui nous est particulier.

Le Président (M. Gagnon): Excusez. Si nous appliquions le règlement à la lettre, comme vous avez mentionné, c'est un fait que nous pourrions refuser les changements qui auraient lieu dans un mémoire à l'intérieur d'un certain nombre de jours. Mais, dans la pratique des commissions parlementaires, quand les gens ont un nouveau résumé de leur mémoire, habituellement, ils le font circuler pour que les membres de la commission parlementaire aient en main le mémoire qu'on est en train de lire en avant. C'est à peu près ce que je peux vous dire sur la question de règlement.

M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, très brièvement. Combien de fois les ministres font une déclaration d'ouverture à des commissions parlementaires sans même avoir la courtoisie d'en fournir des copies à l'Opposition? Nous nous organisons comme nous pouvons. Je conviens que, dans la mesure du possible, on doive tenter de suivre ces règles de pratique, mais j'abonde dans le même sens que le député d'Argenteuil; on ne doit pas en faire une règle absolue qui pourrait brimer nos invités de leur liberté d'expression.

Le Président (M. Gagnon): Je voulais tout simplement corriger l'impression que j'ai pu donner ce matin par rapport à l'interprétation de notre règlement. Ce que j'ai alors dit n'était pas tout à fait exact et je voulais vous donner lecture du règlement exact.

J'inviterais maintenant l'Association des anglopohones de l'Estrie à se présenter, s'il vous plaît! Madame?

Association des anglophones de l'Estrie

Mme Goodfellow (Marjorie): Marjorie Goodfellow, je suis la présidente et je vais présenter mes collègues. Mme Paulina Grant, membre de notre conseil d'administration; M. Royal Orr, directeur général de notre association, et le Dr James Ross, notre premier président et président de notre comité sur l'éducation.

Le Président (M. Gagnon): Bienvenue. Peut-on vous demander de résumer le mémoire pour qu'on puisse entrer à l'intérieur du temps qui nous est habituellement alloué?

Mme Lavoie-Roux: ...

Le Président (M. Gagnon): Oui, bien sûr, je n'ai enlevé de temps à personne, j'ai dit: À l'intérieur du temps que nous allouons habituellement, soit une heure par mémoire; c'est-à-dire 20 minutes pour le résumé du mémoire et 20 minutes pour les questions de chaque côté de la table.

Mme Goodfellow: Je vais commencer par décrire un peu notre association. Ensuite, je vais parler de notre communauté dans les Cantons de l'Est. Finalement, je donnerai un aperçu de notre mémoire.

The Townshippers' Association was founded several months after the June 1979 dialogue with Dr Camille Laurin. It represents an effort by the English-speaking community of the Eastern Townships to assume some responsabilities for its own well being and to promote the full participation of that community in Québec life. We want to insure a future for our children to enable them to be full members of Québec society without the need for total assimilation.

Since its founding, nearly 8000 citizens, who share our ideas of a harmonious life in this region, have joined us. The English-speaking population in our region, though small in number and distributed over a large geographical area, has expressed its views before the Government and other decision making bodies. We encourage the participation of our members in the life of our region.

We have endeavoured on a continuing basis to express the needs, interests and

concerns of English-speaking residents of the Eastern Townships before the Government, its agencies and other groups. In this role, we have become recognized as the principal spokesperson between the two linguistic communities of the Eastern Townships.

The English-speaking community of the Eastern Townships is pround to claim as its heritage and its accomplishment the settlement and early social and economic development of our region. Many observers and residents of the Eastern Townships, including the Minister responsible for the holding of these hearings, have observed that the Eastern Townships are characterized by harmonious relations between its English and French-speaking communities. The English-speaking community of the townships has accepted this change from being "le peuple fondateur" to "le peuple minoritaire", as Radio-Québec Estrie has characterized it. Too often, however, our community has been seen as a once numerous and homogeneous group of people who arrived some time between 1790 and 1850 and who have slowly but surely left for other parts of North America. Few commentators or policymakers have appreciated the complexity of the democratic structure of our community. In particular, few have understood the importance of continuous and heavy immigration from other provinces and elsewhere to the maintenance of the community life of our people. The critical role this immigration plays has been recognized and demonstrated by researchers like Lachapelle and Henripin in 1980. As early as 1970, an ASOPE study demographic research - showed that fully half of the parents of children then in English language schools were born outside Québec. Caldwell, in a 1976 study on out migration of English-speaking high school students demonstrated that, of this 50%, a large majority were of English mother tongue origin. To cite another statistic, Caldwell's report to the Conseil de la langue française demonstrates that in 1976 over 10% of the entire English mother tongue population of Québec had arrived in this province within the previous five years. The work of these researchers demonstrates what we, as English-speaking Quebeckers, have known for years: that many of our English-speaking co-citizens have come from other parts of Canada and the English-speaking world. Indeed, the very lifeblood of our community came from away, from outside the townships and from outside Québec.

However, while much attention has been focused on the very large number of English mother tongue Quebeckers who have left the province since 1976, far less time or energy has been spent on the staggering decline of immigration by English-speaking peoples. Mireille Baillargeon recent report in 1983, sponsored by the Conseil de la langue française, shows that the rate of entry of English mother tongue people declined from 46 900 for the period 1966 to 1971 to 41 900 from 1971 to 1976 and then plummeted to 25 220 for the period 1976 to 1981. The long term implications of these figures are sobering. To repeat, nearly half of the people making up a very important segment of our community, that is those of child bearing age are either interprovincial or international immigrants. Until relatively recently, a rather steady and appreciable annual influx of total English-speaking immigration kept the population fairly stable. The importance of English-speaking immigration to our communities cultural health is only now being recognized.

Studies of English-speaking young people indicate that migration trends in that school leaving age group hold out even less hope for a great future for English-speakinq rural Québec. Caldwell's study of a sample of approximately 1000 English-speaking high school students leaving school in 1971 showed that fully a third had left the province by 1976. By 1979, that figure had raisen to 41% and by 1982, new research indicates that of those 1000 English-speaking students leaving Québec high schools in 1971 fully 50% of those designated as "English mother tongue" have left our province. As yet, we have no studies to indicate whether this trend continues with subsequent graduating classes. Our sense is that it does.

The effect of this double trend of much reduced immigration and heavy out migration of people of prime work and child bearing age is a predictable one on our community. But while the social and cultural problems of an aging and shrinking population are relatively apparent, far less apparent but infinitely more destructive are the economic problems of our community. In 1976, Caldwell had already noted that: et je cite "La très grande majorité des travailleurs anglophones, ou leur conjoint, nous ont dit qu'ils sont persuadés que s'ils devaient perdre leur emploi actuel, ils n'en trouveraient pas d'autre. C'est du moins, à leurs yeux, la réalité avec laquelle il faut vivre".

This past spring, the Townshippers Association commissioned Gary Caldwell to do a study of economic opportunities for English-speaking residents of the Eastern Townships. Data collected during the summer show this same fear, that of being unable to find another job, should the one currently held be lost, is shared by the vast majority of respondents to a questionnaire on the economic future of our community. They show further that increasingly the only economically active English-speaking people remaining in the Eastern Twonships are kept there in large part by ties of family or property and not because of perceived

opportunity. Indeed, Caldwell's Study on student out migration shows that fully 75 per cent of all the students studied with family connections in other provinces have left Québec. People who remain within our community without the family or personal resources to move and begin again, and even some of those who have these things but choose to remain, are becoming less and less confident and in a mood approaching despair.

A society where both French and English were used, although not necessarily by every member of either linguistic group, and where francisation was a natural process - at least in the Eastern Townships - before Bill 101, this society has been turned on hand. In its place is one where the English language is repressed and where many English-speaking Quebeckers find themselves without an up-to-date copy of the game rule book. With the francisation of life, many people in our communities have simply become cut off from the social, cultural and economic opportunities offered to

Quebeckers. To give an example, I am certain that every member of this commission is very well aware of the so called "bon d'emploi": a job development program undertaken by the Provincial Government. The program has become extremely popular and well used in the French-speaking community. The Caldwell research indicates that among English-speaking Townshippers, fewer than 5% of the respondents had any idea that the program existed. English-speaking people are not being helped to the services and programs they need. Certain ministries are attempting to improve their contacts with English-speaking community, and I speak in particular of the ministries of Social Affairs, Cultural Affairs and Cultural Communities, but our Association agrees with "La Fédération des francophones hors Québec" when it states that, et je cite: "Le développement socioculturel sans le développement économique, c'est la folklorisation".

The comments and recommendations contained in this brief are directed towards adjusting a linguistic balance, an adjustment which is necessary in order to prevent the disappearance of a viable English-speaking community in the Eastern Townships. Our comments to "La commission élue permanenente des communautés culturelles et de l'immigration" are divided into five categories, corresponding to the five principal areas of concerns of our Association: participation in Québec society, job opportunities, cultural affairs, social affairs and education.

In dealing with these concerns, we are developing positive attitudes in the English-speaking community and encouraging it to participate fully and harmoniously with the French speaking majority in Québec.

One of the main goal of the Association has been to encourage our community to participate fully in the social, economic and political life in Québec. We recognize the French fact of Québec and the desire for the primacy of the French language. However, we share with other off-island minority groups a belief that Bill 101 was intended in part as a solution to a preceived demographic and linguistic inequality in Montreal, and that the rural English-speaking community is the unintended casualty. The effects of this language legislation have been harmful to the quality of life in our community and are perceived as a threat to our continued existence. (16 h 30)

As well, we recognize the injustice to the English-speaking community in la Charte de la langue française. The perception still exists that English-speaking citizens no longer have the right to be served in their own language. Few are aware of the distinction made between "les personnes physiques" and "les personnes morales" in the provisions of Bill 101. As a result, English-speaking citizens, particularly those who are unilingual, hesitate to communicate with government and are, in effect, cut off from many services.

If communication between government and individual citizens in English is permissible, why then, ask our members, cannot government take a lesson from the private sector and expedite information to citizens in English when so requested, on an annual basis, without the need to make a new and separate request each time? Government forms are difficult enough in one's own mother tongue; filling out these forms in the French language often becomes a needlessly difficult task, even for those with considerable fluency in French. Whatever the ideal situation might be, there are many English-speaking Quebeckers, particularly among the elderly, who do not speak French and who are unable to learn it. This fact should be recognized and accepted.

Job opportunities. Bill 101 has had a profound effect on the working place. We are concerned that language legislation has brought about an unfortunate tendency to francophonisation in industry rather than a more acceptable francisation of the work place. We fully understand the importance, in many circumstances, of hiring someone with competence in the French language. However, we also believe that employers are misinterpreting the provisions of Bill 101. Language laws are poorly understood by Quebeckers and Québec-based industries, and by extension, even less understood by Canadian and multinational businesses. Many English-speaking groups in Québec wonder whether the result has been that in an equal employment situation, M. or Mme Lajeunesse

is hired rather than a Mr. or a Miss Young.

There is a feeling amongst our youth that no matter how bilingual they may be, they will not be as equitably considered as their francophone counterparts. It is our observation that employees often acquire second language skills on the job. If language restrictions are used to prevent access to the job market, in both the public and private sectors, workers will not have this opportunity. In many cases, initial hesitation in the French language is overcome after a period of working in the French milieu. As well, we note a possible conflict between article 20 and article 130 in that, people with appreciable seniority find themselves blocked from promotion. This should not be the case.

The method of evaluating French competency used by the Office de la langue française has been questioned on previous occasions and both the Office and the Minister have responded by making testing procedures more relevant to the position for which the candidate's competency is being tested. Nonetheless, we look forward to the day when a Secondary V diploma is recognized as adequate preparation for the Québec job market with respect to the French language competency.

The Townshippers Association represents a population which is predominantly rural. Some of us are descendants of the original settlers; others have chosen to move there. Within the Eastern Townships, there are approximately 569 280 people, about 48 260 of whom consider English to be their mother tongue. The Eastern Townships area settled and at one time inhabited by an English-speaking majority. A spirit of harmony and mutual respect prevailed between the two linguistic groups, a spirit which we believe still exists today.

In the English-speaking tradition of charity and voluntarism, our community has established its own cultural institutions, including theaters, museums, libraries and community centers. These institutions continue to function for the enhancement of the cultural life of all Townshippers. Their future existence is assured by the openess of the Eastern Townships society and the supportiveness of all people of our region. This spirit must not be compromised by a legislation that seeks to overcome linguistic or cultural balance at the expense of any other cultural community.

The excessive zeal that such efforts at linguistic statibilization breed is perhaps seen in some of the early work of the "Commission de toponymie".

In 1981 and 1982 our committee became conversant with the fied of toponymie in Québec because it was apparent that much of the inherent heritage in places names was in danger of being lost or had already been lost through places name changes and translation, a process that had been accelerated after the passing of Bill 101.

Places names are an integral part of the people's and its region's heritage, culture and identity. They denote only a particular place or feature but fix them within an enduring historical, political and cultural context. This field of toponymy is not unique, nor is it a newly emerging concept. From our researchs it is apparent that this field has come to be the prevailing attitude of most institutions dealing with places names, whether or not such an attitude is specifically described in those institutions, rules and regulations.

The different language places names of Québec add tremendously to its cultural richness. Indian, Inuit, French, English, Irish and Scottish places names emphasize the reality of Quebec's pluralistic society and give the province a rich toponymic depth of character. The loss of any part of this important facet of our heritage is a serious matter, but the deliberate obliteration of a specific part of that heritage should be an outrage to all Quebeckers. It is clear that we must develop our sensitivity to the various aspects at each of the cultures in Québec and recognize that other cultures, though different, are important contributors to the richness of Quebec's heritage and society.

The "Commission of toponymie" and minister have responded to our efforts in this field with correctness and responsibility. The regulations governing places name changes and the consultation that must be undertaken when a change is contemplated have undergone intense review. Other recommendations put forward by our associations concerning toponymy are included in the sections recommendations.

Health and social services. In our brief to the "Commission de la présidence du conseil et de la constitution" we recommended that every English-speaking Canadian and every French-speaking Canadian and all native peoples be given the right to receive health, social and judicial services in his or her own language. We insist that every person charged with a criminal or penal offense must have the right to a trial in English or in French. Although this right is in no way abridged by Bill 101, it is a right which in practical application is difficult to assert when no stenographer is available to record proceedings in the English language. For example, in the district of St. Francis, there is no stenographer for English language proceedings at either the "Tribunal de la jeunesse" or the "Cour de la session de la paix". At Superior Court there is one such individual. This situation exists in many areas outside of Montréal and must be rectifed.

The Townshipper's Association has endeavoured to explain to its membership the meaning and functions of such social affairs related bodies as the CRSSS, the CSS, CLC and so on. Since most pubilicity from or about theses bodies is conducted in the French language, much of the English-speaking community is unaware of the many reforms that have taken place in the social affairs sector. Language legislation in Québec must never, in spirit or regulations, prevent effective communications between establishments and the people they served.

Education. The Charter of the French Language requires that parents coming to Québec who have not received English language schooling at the elementary level in this province send their children to French language schools. Exceptions to this requirement may be made - that is under three years, renewable once - for temporary employed residents and for chilfren whose medical or emotional health is threatened by enforced French language schooling.

English-speaking parents moving to Québec often feel strongly about providing their children with an English language education for reason which range from a desire to educate their children in their mother tonge to a wish not to place a burden on them by sending them to school in another language. Restricted access to English language schooling has a number of adverse effects on the English-speaking community in rural Québec, as well as on the rural community as a whole. In difficult economic times, increased investments and economic activity must be a priority for all regions of Québec. For regions that wish to attract capital which may involve the employment of English-speaking individuals accessible, English language schooling is an important part of the social infrastructure that a region provides.

In the Eastern Townships, appreciable migration and economic stimulus continue to come as in the past from the United States. Established businesses and industries have often look south for a specialized technical and administrative personnel, but Bill 101 restrictions on access to education have limited their ability to fill certain specialized positions. Other businesses have chosen not to locate here for similar reasons, thereby adversely affecting the economic well-being of all citizens.

Access to specialized personnel is problematic for other institutions as well. Rural Québec is relatively small and unable to provide for all its professional needs. Traditionally, such institutions as universities and hospitals have depended on immigration of specialists and professionals from elsewhere to maintain the quality of their services.

Included in this immigration are people from other English-speaking regions of the world. This modest influx of English-speaking people could never constitute a threat to the cultural security of French-speaking Québec especially in rural areas. However, it is precisely this modest influx that garantees the health of rural English language institutions and provides an appreciable number of potential students to an English language school system.

In order for small community schools to be viable, a sufficiently large school population is required. English-speaking parents leaving in communities with a small English-speaking population are often faced with the decision whether to close their school. Maintaining a local school may mean sacrificing the calibre and range of education options, while closure can mean long rides for young children to the next nearest school. Loosening the restricted access provisions of the Charter of the French language could make the difference between forced closure and the maintenance of certain small rural schools. The number of students involved are not great enough to affect adversely the health of the French language school system, but they are critical for the future of our schools.

As community schools close, the linguistic community withers. Our community's small size and mobility are such that we must guard against encouraging in anyway its further decline. Nor do we want to see an increased concentration of our community in two or three English ghettos in the Eastern Townships. We wish to be a strong community, participating in Québec society as we are now, not huddled together looking only to one another.

The schools and structures that control them are more than a means to educate children. The health and the very existence of the English-speaking community in many parts of Québec depend on local schools and on the people who are employed in the school structures and who contribute to the leadership of the local community. Indeed, article 91 of Bill 40 acknowledges this subordinate mission of the school. Therefore, for economic cultural and educational reasons, we recommend that the Charter of the French language be amended to allow access to English language schools to all those who have been educated in English and to children one of whose parents has been educated in English.

This provision is of a particular importance to Québec rural English-speaking population. We further recommend that English language institutions, such as schoolboards and schools, be allowed to communicate internally in English provided that information required by concerned citizens be made avalaible in French if requested.

Je n'ai aucune intention de lire toutes les recommandations. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le ministre.

M. Godin: Bonjour Mme Goodfellow, M. Oit, Dr Ross, Mme Grant. C'est toujours un plaisir "to listen to you. I must say that after having been working with you for some years now, I have come to develop a lot of respect for what you call the non-partisan manner with which you state your case and also the fact that when some changes are made that goes in conformity with your requests, you acknowledge it gentlewomanly.

We have been meeting for quite some times in the past years. Et à chaque fois, what you said to me was food for thought; again today, such is the case. Since some of my colleagues did not have the same opportunity I had to discuss with you, I will let them ask questions. Thank you so much.

Le Président (M. Gagnon): Mme...

Mme Lavoie-Roux: Le député d'Argen-teuil pour commencer.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil, vous avez la parole.

M. Ryan: Mme Goodfellow, docteur, mesdames et messieurs, c'est aussi un plaisir pour l'Opposition de vous rencontrer. Nous avons eu l'occasion de causer avec vous à plusieurs reprises également au cours des dernières années. Nous souscrivons sans aucune hésitation aux compliments que le ministre vous a adressés. En vous écoutant et en l'entendant par la suite, je me disais que toutes ces bonnes paroles ne changent rien à la situation qui est exposée par les mémoires que nous entendons les uns après les autres. Une première impression que je retiens personnellement dudit mémoire que nous venons d'entendre, c'est que, dans la Charte de la langue française, malgré toutes les belles paroles que le ministre multiplie à l'occasion des séances de la commission parlementaire, il n'y a pratiquement aucune garantie de protection pour les droits linguistiques de la minorité anglophone. Si le ministre souscrit au mémoire que nous venons d'entendre, il va également accepter que l'héritage culturel de la communauté anglophone fait partie de notre héritage commun au Québec et qu'à ce titre, il a droit à une protection plus explicite que celle qui existe actuellement.

Quand j'entendais Mme Goodfellow lire le mémoire, j'étais frappé de constater les effets de la loi 101 dans les parties rurales du Québec. Nous avons reçu beaucoup de représentations concernant le milieu métropolitain de Montréal, mais nous en avons reçu beaucoup moins concernant l'impact de la loi dans les milieux ruraux. Quand j'entends ces personnes nous dire qu'il y a des personnes d'un certain âge qui n'ont pas eu la chance de se développer au point de vue de la connaissance de la langue française et qui n'ont même pas accès à l'information sur des services gouvernementaux qui les affectent directement à cause de cette discrétion tout à fait arbitraire qui est laissée à chaque ministre de décider s'il va y avoir des copies anglaises ou non des documents, je trouve qu'il y a une carence qui me paraît évidente ici et à laquelle il faudrait remédier par des normes plus explicites, plus objectives, qui seraient inscrites dans des textes législatifs que pourraient réclamer les citoyens pour exiger des redressements.

Je me faisais aussi la réflexion suivante sur le danger de légiférer à partir d'en haut sans tenir compte des situations concrètes. Il y a un passage dans le mémoire qui m'a vivement intéressé. C'est celui où l'on dit que la connaissance de la langue officielle s'apprend souvent, étant donné le contexte historique dont nous émergeons tous et que nous ne pouvons pas oublier ou effacer d'un trait de plume, sur les lieux du travail. D'après la formulation de la loi, il faut ceci et cela, il faut répondre aux normes de l'office ou à des normes établies par des organismes agissant d'autorité, mais dans la pratique, pour le petit travailleur qui veut se frayer un chemin sur le marché du travail, il ne faut pas oublier que, souvent, il deviendra possesseur d'une maîtrise suffisante de la langue française après avoir eu la chance de la pratiquer sur les lieux du travail. Il faudrait que le gouvernement pense à cet aspect également.

On pourrait continuer, mais je pense que l'on a vu clairement cet après-midi qu'une loi comme celle-là, qui embrasse par définition tout le territoire, pose des problèmes d'application très sérieux dans des régions où la population des groupes minoritaires est plus clairsemée. J'ose espérer que, dans les propositions de modification qui seront faites, on tiendra particulièrement compte de cet aspect.

Mme Goodfellow, you gave great importance in your presentation to the area of education in which I am especially interested, which we have had the time to discuss together in connection with Bill 40. In your brief today you insisted on the very important role of these schools as a key institution for the survival and the development of the anglophone community, particularly in the rural areas. I think the same could be said of the urban areas as well. But you insisted on the rural areas and I think that was your responsibility to do so in view of your situation and your own

experience.

After that you suggested that article 73 governing admission to English schools ought to be enlarged so as to render admission to English schools accessible to children of parents who had an English schooling everywhere. As you probably know, studies have shown until now that, if Bill 101 were to be enlarged so as to make room for the so-called Canada clause applying to children of parents who got their primary education anywhere in Canada, it would be acceptable from a demographical point of view. It would not cause any serious damage for the future of the French culture in the province of Québec. But, if it would to be extended the way you suggest, there are studies which indicate that perhaps we might return to the situation which caused alarm amongst a lot of people a few years ago. So I wonder how you would see that. I think the so-called universal English clause would not be acceptable to public opinion at this stage, even the Liberal Party... It used to have the universal clause in its program; that was changed a few years ago and I have seen no indication of a move in a larger direction in the foreseeble future.

I wonder if Canada clause would constitute a serious improvement from your point of view or if it would have practically no tangible effect.

Mme Goodfellow: It certainly would have a tangible effect and we will accept any enlargement of the access to English schooling in our area that we can get.

Je veux citer quelques statistiques concernant la diminution du nombre d'étudiants de langue maternelle anglaise depuis 1977. Pour notre région incluant toutes les commissions scolaires, en 1977, nous avons eu dans nos écoles 10 412 étudiants et élèves; en 1983-1984, c'est-à-dire l'année courante ce chiffre a diminué à 6366, représentant une perte de 61%. C'est une perte assez sérieuse pour nous.

M. Gary Caldwell, dans son étude: Le Québec anglophone hors de la région de Montréal dans les années soixante-dix, a caractérisé une telle perte comme un effondrement. Et en 1976, c'est un pourcentage parallèle à celui du Nord-Ouest: 61,8%. Il a même caractérisé une perte de 39,3% comme un effondrement. Alors, nous pensons que nous sommes vraiment en situation de crise. Je vais demander à M. Ross d'ajouter quelques mots.

M. Ross (James): Mr. President, the question from the Member from Argenteuil is very interesting because, as Mrs. Goodfellow says, we would be very encouraged by the Canada clause. However, we are talking about our particular region of the Eastern Townships and we have shown, as Marjorie says, that a 60% decrease in seven or eight years in our school population is a real disaster and if it continues, we will not have anything left within ten to fifteen years.

We also know, although we do not have really accurate statistics to show it, that a large number of English-speaking people coming to our area of the province comes from the United States and they would be totally illegal under the Canada clause. They do not come for two or three years, they come for 10, 15 or 20 years, many people who have children already part way through the schooling system and who either will not come because Bill 101 or, if they do, come very reluctantly. We have had this experience, in many of our institutions, hospitals, universities, businesses, that one main reason why it is difficult to recruit people and specialists that we need is because of that part of the Charter. So, where we would be encouraged by Canada clause, for our particular region it would not help that much, because we live so close to the United States and because, historically, there is a lot in migration and out migration between the Eastern Townships and the United States. We really think the Universal clause is much more important for us, speaking for our region. We leave to you, the Legislature, to see what is best for the province.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: À propos de la langue d'affichage dans les municipalités, je crois comprendre que vous recommandez que les décisions en cette matière soient laissées à chaque municipalité, indépendamment du pourcentage de la population anglophone. Est-ce que c'est là le sens de la recommandation que vous avez formulée?

M. Ross: Oui.

M. Ryan: Pourriez-vous expliquer pourquoi vous aimeriez que cela se passe ainsi?

M. Orr (Royal): C'est parce que nous avons entendu parler de la possibilité de changer la loi pour dire que, dans les municipalités où on trouve une majorité d'anglophones, on peut donner le droit d'afficher dans les deux langues. À notre avis, il y a plusieurs municipalités dans notre région où on trouve une communauté minoritaire de 10%, 15% ou 20%, mais, historiquement, il existe une histoire d'excellentes relations entre les deux communautés. Donc, nous pensons que c'est réellement un environnement où le milieu linguistique est vraiment régional, c'est-à-dire municipal. Il y a plusieurs régions dans

notre province - surtout dans notre région, pensons-nous - où on peut trouver une forte majorité francophone qui veut donner ce droit à ses concitoyens anglophones. Nous pensons que c'est beaucoup plus facile pour des anglophones, dans une région comme Magog, de parler avec leurs voisins concernant la question de l'affichage et non avec l'Assemblée nationale, par exemple.

M. Ryan: Est-ce que je comprends bien que, d'après votre recommandation - parce que la formulation n'est peut-être pas toujours très claire - vous diriez: Le français est obligatoire, mais l'usage de l'anglais pourra être décidé au jugement de chaque municipalité et ce n'est pas le fait que la communauté anglophone ait 48% ou 52% qui va changer le jugement que rendront les responsables de chaque municipalité?

M. Orr: C'est cela.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: Bonjour. D'abord, j'aimerais vous féliciter d'être présents à la commission. Je pense qu'il est très important...

Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous rapprocher votre micro, s'il vous plaît.

Mme Lachapelle: ...d'avoir le point de vue d'une région autre que Montréal et Québec.

J'aimerais tout d'abord apporter un commentaire à l'introduction de votre mémoire et vous poser d'autres questions. (17 heures)

Vous dites encourager la population anglophone à collaborer pleinement et harmonieusement avec la majorité francophone du Québec. Je voudrais vous rassurer; c'est ce que nous souhaitons aussi et j'espère qu'à la suite de la lecture des nombreux mémoires, nous apporterons des correctifs pour permettre une harmonisation meilleure entre Québécois.

Vous avez parlé des jeunes. Je comprends que c'est une période difficile. Les problèmes de chômage sont très évidents, mais vous semblez nous dire que les problèmes de chômage sont plus évidents chez les anglophones que chez les Québécois de langue française. Pourriez-vous nous donner des statistiques à ce sujet?

Mme Paulina Grant (Jessie): Nous n'avons pas de statistiques à ce moment-ci, mais nous faisons une recherche qui est presque prête. C'est selon les perceptions de notre communauté, c'est-à-dire que les anglophones de notre région, dans l'Estrie, croient qu'il y a un plus grand problème dans notre région pour les anglophones. Naturellement, nous désirons avoir des statistiques selon cette perspective. Peut-être que le gouvernement peut nous fournir des fonds pour nous permettre de faire des recherches ou peut-être que le gouvernement peut commencer à faire des recherches pour nous montrer que ce n'est pas vrai pour nous.

Mme Lachapelle: C'est ce que vous attendez autour de vous, dans votre communauté. C'est ce qui vous permet de croire que c'est peut-être la Charte de la langue française qui bloque un peu les anglophones pour se trouver du travail.

Mme Goodfellow: C'est une perception et surtout, c'est un problème pour les migrations à l'extérieur de notre région et aussi pour les migrations à l'intérieur de notre région. Nous pouvons citer en exemple des familles. Chacun d'entre nous a des exemples de personnes qui sont parties à cause de la loi 101. Ce n'est pas toujours une question d'économie. Je peux citer l'exemple d'une famille de cultivateurs avec des jeunes. Ils ont décidé que les jeunes auraient une meilleure vie à l'extérieur à cause de cette loi.

Mme Lachapelle: On comprend aussi à la lecture du mémoire que vous avez une bonne proportion de personnes âgées chez vous, dans votre région.

Mme Goodfellow: C'est cela.

Mme Lachapelle: Pourriez-vous nous fournir des données par âge de la composition de la population?

M. Orr: En 1976, je pense que la population de plus de 65 ans dépassait la population des moins de quinze ans. Donc, la communauté vieillit très vite. Dans cette recherche que nous faisons maintenant et qui sera complétée en novembre, nous allons peut-être voir mieux, mais c'est clair dans toutes les réunions de notre association, dans toutes les églises, dans tous les projets publics. On va voir que la plupart des gens sont beaucoup plus vieux qu'on ne le constate, par exemple, en Ontario ou dans une autre région rurale, mais encore une fois, cette perception, si on demande des chiffres exacts à un sociologue... Mais c'est clair dans chaque réunion dans notre région que c'est une population vieillissante.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la députée de Dorion. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier l'Association

des anglophones de l'Estrie de son mémoire. Ce n'est pas la première fois qu'on a l'occasion de se rencontrer. On l'a eue dans d'autres commissions parlementaires. Je veux également m'associer aux félicitations qui vous ont été faites. J'espère, comme le disait le député d'Argenteuil, que cela ira plus loin qu'une simple reconnaissance verbale qui, je n'en doute pas, est très sincère de la qualité de votre mémoire.

J'ai le plaisir, jusqu'à un certain point, de me considérer presque des Cantons de l'Est. Je connais vraiment l'évolution de la population anglophone dans les Cantons de l'Est. Elle a commencé à diminuer bien avant la loi 101. Il faut quand même le reconnaître, mais il y a une chose certaine, c'est que, si on coupe tout ressourcement possible à cette communauté - ce qui est le cas avec l'application de la loi 101 en ce qui touche présentement l'éducation - vous avez tout à fait raison de dire que c'est une question de dix ou quinze ans, finalement, avant que ce soit extrêmement marginal. La population anglophone a d'ailleurs, pour une grande partie déjà été assimilée à la population francophone dans les Cantons de l'Est, dans une proportion que vous connaissez peut-être. Il s'agit de voir des villes comme Sherbrooke, comme East-Angus ou Coaticook qui, il y a quarante ans, avaient une population majoritairement anglophone et qui se retrouvent avec une population anglophone qui peut varier, selon les endroits, entre 5 et 10% pour certaines municipalités. La ville de Sherbrooke est plus grande, mais les autres villes ont de petites populations d'environ 3000, 4000 ou 7000 personnes. Je pense donc que ce n'est pas de l'alarmisme que vous faites quand vous venez dire que, si l'on n'a aucune possibilité de ressourcement, la population anglophone des Cantons de l'Est est appelée à disparaître.

Il y a deux points sur lesquels j'aimerais attirer l'attention du ministre.

Le premier, c'est au sujet de la santé et des services sociaux. Vous souhaitez recevoir un peu plus de services dans votre langue et vous faites allusion, par exemple, au Tribunal de la jeunesse où il n'y a pas de sténographe de langue anglaise. Là-dessus, je voudrais attirer l'attention du ministre sur une recommandation qui est contenue dans le rapport d'une commission parlementaire, connu sous le nom de rapport Charbonneau, un rapport non partisan - je le fais remarquer au ministre - dans lequel il y a une recommandation très concrète, à savoir qu'on accorde particulièrement, si l'on veut apporter véritablement de l'aide aux familles et aider les enfants, quelqu'un qui soit disponible dans leur langue. Il ne s'agit pas de la langue du commerce et il ne s'agit pas de la langue du travail, mais de donner des services à des parents qui ne parlent peut-être pas le français ou à des enfants qui n'ont pas encore eu l'occasion de parler français et qui se retrouvent devant les cours. Je pense que ceci pourrait aller en ce sens. Je ferais aussi un plaidoyer, en particulier, pour les personnes âgées qui sont très nombreuses parce que les jeunes sont partis - comme je le disais - même avant la loi 101 et davantage depuis la loi. Si bien que vous retrouvez, par exemple, des foyers pour personnes âgées où il n'y a qu'un seul anglophone. J'en ai connu un de 90 ans qui a été admis là à 85 ans et il n'y avait aucun membre du personnel qui parlait anglais, sauf un, qui venait faire son quart de huit heures. Le reste du temps, cette personne-là, et tous les pensionnaires... Je ne sais pas dans quelle mesure on peut corriger une telle situation, mais ce sont quand même des gens... Cette personne avait été un cultivateur de la quatrième génération dans son secteur et elle se retrouvait, entre 85 et 90 ans, complètement perdue dans un foyer pour personnes âgées. Je pourrais citer des situations analogues, cette fois-ci dans Montréal. Dans ces secteurs-là, cela m'apparaît particulièrement aigu.

Je voudrais aussi revenir d'une façon particulière sur le problème de la toponymie. Je suis certaine que le ministre devrait être tout à fait sensible au fait qu'on écrive North Hatley d'une façon correcte, n'est-ce pas? Vous pouvez au moins faire corriger cela, M. le ministre. Vous pourriez même vous engager immédiatement à le faire.

M. Godin: M. le Président, est-ce que vous pouvez me préciser où est l'erreur actuellement dans North Hatley?

Mme Lavoie-Roux: Apparemment, c'est qu'on l'écrit avec un trait d'union alors qu'il devrait être écrit sans trait d'union.

M. Godin: Non, le trait d'union a disparu il y a quelques mois à ma demande.

Mme Lavoie-Roux: Ah, bon! C'est déjà fait.

M. Godin: D'ailleurs, c'est mentionné dans le mémoire que Mme Goodfellow a lu.

Mme Lavoie-Roux: Elle semblait dire que Baldwin Mills et North Hatley pourraient être écrits différemment. Moi, j'ai cru que c'était encore un problème. Tant mieux si vous l'avez fait corriger.

M. Fortier: C'est comme le trait d'union dans la souveraineté-association, ils le mettent partout.

M. Godin: Elle disait très clairement... Mme Lavoie-Roux: II me semblait que...

Le Président (M. Gagnon): On parle deux ou trois en même temps, cela peut être plus difficile pour le journal des Débats.

Mme la députée de L'Acadie, vous avez la parole.

Mme Lavoie-Roux: Votre demande est même exaucée. On redonne l'orthographe correct aux noms de lieux de langue anglaise comme, par exemple, Baldwin Mills au lieu de Baldwin-Mills, North Hatley au lieu de North-Hatley. Alors, tant mieux si c'est fait.

Mais la question précise... Vous semblez indiquer qu'il y avait déjà eu beaucoup de traductions de noms d'endroits et que c'est lorsque vous avez fait des représentations que, finalement, on a apporté des solutions qu'on juge fort appropriées. Vous avez présenté les félicitations qui s'imposaient au ministre. Mais, est-ce qu'on a corrigé ce qui aurait pu constituer des abus auparavant et qui, du point de vue du patrimoine et du point de vue historique, n'étaient pas des traductions appropriées, ou des changements appropriés? Ou si, simplement, les mesures qu'on a prises, c'est pour l'avenir?

Mme Goodfellow: II y a déjà eu quelques traductions que nous trouvions malheureuses, c'est vrai. Mais M. Godin nous a assuré que, si nous faisions une représentation à la commission, notre cas serait étudié. Il y a même des erreurs dans les versions de noms. Et je pense à lac Bennaly qui est écrit dans un français incorrect. Nous avons signalé cette erreur à M. Godin.

Je pense que M. Ross veut ajouter quelque chose concernant vos propos du début.

M. Ross: J'ai seulement un commentaire à propos d'une autre question qu'on a mentionnée également. C'est sur le fait qu'avant la loi 101, la population des Cantons de l'Est - la population anglophone -avait commencé à diminuer. C'est encore vrai actuellement. Les chiffres de Gary Caldwell nous ont démontré qu'il y avait eu une diminution avant 1977, dans notre population d'étudiants, d'environ 20% sur une base de cinq ou dix ans. Mais, depuis 1977, il y a une diminution de plus de 60%, trois fois plus. Et c'est difficile de dire exactement quel pourcentage de ce chiffre est causé par la loi 101. Mais, si vous prenez les chiffres, ils sont remarquablement différents. Notre opinion sur ce qui se passe chez nous, par exemple, concernant le manque d'emplois, la quantité de chômage que nous avons...

Je peux vous donner deux exemples du problème qui, je pense, est aussi relié à la loi 101. À l'un de nos endroits Beebe, Stanstead, Rock Island, l'industrie principale,

Butterfield's, est fermée, du côté canadien, depuis deux ou trois ans. Maintenant, il y a un manque d'emplois à cet endroit de plus de 40%. Et nous avons fortement l'impression que le problème de francisation dans l'industrie a été un facteur important pour la fermeture ou le changement de l'industrie en Ontario. Maintenant, ce que nous voyons à Derby Line, juste de l'autre côté de Rock Island - à dix pieds de l'autre côté de la frontière - c'est que Butterfield's commence à employer de plus en plus de personnes. Mais, c'est fermé à Rock Island.

Le deuxième exemple: le problème du transfert du service de cartographie du gouvernement fédéral dans les Cantons de l'Est. À notre avis, on n'effectue pas ce transfert à cause de la loi 101 et de l'accès à l'éducation.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, Dr Ross.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Il me reste trois minutes à partager entre le député de Vachon, le député de Fabre et le député d'Outremont, qui m'avaient aussi demandé la parole. M. le député de Vachon, rapidement, s'il vous plaît.

M. Payne: II me reste une minute et demie?

Le Président (M. Gagnon): Une minute et demie environ. Mais, il ne faudrait pas perdre de temps; il faudrait y aller tout de suite. (17 h 15)

M. Payne: Well, what can I say? I found that the brief was extremely informative, repeating some of the very serious preoccupations brought before the Government for a number of years. The serious decline in the school population particularly, which is a reflection of society at large in the Townships. It is dramatic. It is caused by the dropping in migration and the increase particularly in student out-migration, for sure.

It is not my conviction that the Canada clause, which is in fact the position of the Opposition party, not ours, will change in any real significant way the problem. The problem is specifically one of out-migration. However, in the figures that we have compiled one has to bear in mind that, because of article 85, the Government can give temperary permits to those coming from the US or from other places. It is a three-year permit renewable to six years. In fact, the figures are quite eloquent. Approximately 7461 permits have been asked and 7159 have been granted. So, those figures are counted. Therefore, even given that freedom to come into the school, it does not help significantly the problem. I think that the linguistic

school commissions, the unified school boards will contribute significantly, plus the factor of the five-year moratorium which has been proposed. That is one proposal before the table, with Bill 40, at the moment.

I have to ask a question and my time is out, but I would like to suggest that we explore that and discuss it some other time more carefully, the way in which the reformed unified school boards can in fact help somewhat the dramatic outflow of students.

My question would be on another area. Could you envisage a way in which the school commissions could negotiate with the professional corporations to bring pressure to bear upon them, if necessary, to encourage them and convince them that the school commission, along with the Ministery of Education, is in a position to beef up the quality of those school leaving Secondary V certificates?

I believe, at the moment, that they are pathetically poor and that the tests given by the OLF are quite reasonable. There is something wrong somewhere with the system, but I think that it has to be tackled - I agree with you - at the Secondary V level. Are you interested, as an association, in meeting with the professional corporations to put that kind of proposition on the table? If I had the conviction that there was quality teaching and quality testing at teh Secondary V level, I would be fully in favour of getting rid of the tests, but it is not the case at the moment.

Mme Goodfellow: If I may, Mr. President, I would like to address the three points you have made. I would like to challenge you on the in-migration opinion that you have. Your opinion to the effect that in-migration is not a serious problem, the lack of in-migration...

M. Payne: No, I said it was a very serious problem.

Mme Goodfellow: I think that not enough studies have been done and I would hope that the Conseil de la langue française would pay some attention to that fact.

As far as the professional permits and the corporations are concerned, people talking together can only do good; this is the credo that we hold by. But, I would like to see far more money being put into teaching French as a second language in the schools. I think in some schools it is done extremely well. In others, it is done less well. I think that the problem is, at the very base, in the funding of that particular program. I am going to ask my colleagues if they have any other things to add.

M. Ross: I would just like to respond regarding one part of your comments as to the number of people who have applied for temporary permits to send their children to English schools. The problem is that when you go out to recrute someone - and I have done this a number of times - when they see the situation, they do not even apply. When you interview them and you try to bring them to your community, if they are given to understand that they must write for a three-year temporary permit, possibly renewed once, but with the understanding and that that is all, they will not apply. That has been our experience a number of times. So I think the statistics you give us are accurate, but they are not pointing out where the problem is. The problem is that people will not come in the first place.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Mr. Chairman, I have a very quick question to ask Mrs. Goodfellow. It regards the statement, under job opportunities and economic development in your document, where you say: "There is a feeling amongst our youth that no matter how bilingual they may be, they will not be as equitably considered as their francophone counterparts." I think that is really a ridiculous situation; if English-speaking youth become bilingual, I would think that together we would do the utmost to keep them here.

I have two questions. The first one is: Would you agree that that statement is valid not only for your region, but for the whole Province of Québec where English-speaking youth would feel that way? Secondly, beyond the modifications that you suggest to the law, to Bill 101, and beyond the recommendations you made for changing the regulations, would you think that it would be proper for government spokesmen to correct some statements made in the past which may have led English-speaking youth to believe that they have no future in the Province of Québec?

Le Président (M. Gagnon): Cela va. Mme Goodfellow: Yes, certainly.

M. Ross: If I may respond to that, I totally agree with what you are saying. What we refer to, in that difference between M. Lajeunesse and Mr. Young, is an attitude. It is extremely difficult to pick out and give you case numbers because people do not want to complain about that. But we do have a number of people, young teenage people, who will go not just to provincial organizations but to federal organizations in our area, like Canada Manpower or something else, looking for a job. They meet the lowest level of "fonctionnaire" who is

the first person you see trying to get an interview and they are given the attitude: We have so many French-speaking people waiting for a job, you, Mr. Young, have not got a chance.

M. Fortier: Even if he is bilingual.

M. Ross: Even if he is bilingual. We have seen this happen a number of times and that is probably the last time that that person tries to look for a job in Québec. I think that is directly related to many statements made by many members of our Government who try to put all our problems in Québec on the fault of the old English establishment. That attitude sifts right down to the person who, the next time he meets an English-speaking person, greets him with a different attitude. I think it should be changed.

M. Fortier: So you would agree with me that beyond changes to the law, changes to the regulations, if those former statements do not correspond to the actual policy of the Government, new statements should be made to correct those former impressions.

M. Ross: Yes.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Oui, madame.

Mme Goodfellow: J'aurais quelque chose à ajouter. There are several large employers who traditionally did employ English speaking youth in our area. I am thinking of Bell Canada, but there are certainly others, so I do not wish to put all the blame on them. Francisation programs have meant, in our area, that they have transferred out bilingual English-speaking employees to Ottawa specifically, another area where they need people who can speak French, and that now, it is very difficult for an English-speaking person in Sherbrooke or in the Eastern Townships anywhere to get a job with Bell Canada because of the francisation program, I would assume. That is an assumption on my part, but it is a fact that it is difficult.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: Mme Goodfellow, j'ai une question à vous poser, mais avant, un très court commentaire. Est-ce que, dans votre évaluation du cas que vous mentionnez, M. Young et M. Lajeunesse ne tomberaient pas sous le coup de la Commission des droits de la personne éventuellement? Cette charte existe; elle entend des centaines de plaintes chaque année et il y a certains cas qui sont réglés par des décisions de la commission.

Mme Goodfellow: La charte existe, mais il faut aller faire un rapport au tribunal à ce moment-là. Les gens deviennent très découragés avant et se demandent si cela en vaut la peine.

M. Marx: Pour les chauffeurs de taxi, l'article ne dit pas si vous êtes haïtien. On ne les engage pas.

M. Godin: Excusez-moi.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Godin: Le Parti libéral et le Parti québécois, quand ils étaient au gouvernement, successivement ont travaillé à raffiner la charte et à la rédiger de manière que de tels cas ne puissent pas se produire. J'ose espérer que, dans des cas de discrimination claire, les personnes, de quelque région du Québec que ce soit et quelle que soit la langue parlée, n'hésiteraient pas à avoir recours à la charte, comme j'ai eu moi-même à le faire après les événements d'octobre.

En terminant, je ne voudrais pas relever - comme on dit en italien, de Rome in cauda venenum - les allusions un peu perfides de mes collègues d'Argenteuil et de L'Acadie comme quoi "they hope that changes will follow words".

The whole purpose of this hearing is precisely, Mrs. Goodfellow and Dr. Ross, to listen to the people, not to announce here the decisions that we are going to make, but in due time - that should be by mid-November - we will come up with some news. Judging from your recommendations, I am ready to buy right now some of these, but I will keep it a secret until the 15th of November. Thank you so much.

Le Président (M. Gagnon): Merci, mesdames et messieurs de l'Association des anglophones de l'Estrie. J'invite maintenant l'Association des manufacturiers canadiens à prendre place.

Alors, M. Dessureault?

Association des manufacturiers canadiens

M. Dessureault (Claude): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, mon nom est Claude Dessureault, vice-président exécutif de l'Association des manufacturiers canadiens. Ceux qui m'accompagnent sont: M. Mario Lavoie, à ma droite, président du comité de législation, ainsi que M. Thomas Lavoie, notre représentant membre du comité de législation.

Avant de vous lire le mémoire, j'aimerais peut-être vous donner une idée de ce que nous représentons comme organisme.

D'abord, nous représentons exclusivement des manufacturiers québécois. 75% des produits manufacturés au Québec sont fabriqués par des membres de notre association. Nous représentons 94% de la grande entreprise et 75% de nos membres sont de la PME. Nous représentons dix conseils d'administration répartis dans toutes les régions du Québec. (17 h 30)

Plus de six ans se sont écoulés depuis la proclamation de la Charte de la langue française. Les manufacturiers membres de l'AMC ont appris à vivre avec cette législation qui a révolutionné non seulement l'environnement de travail, mais le commerce dans son ensemble au Québec. Notre association ne conteste pas l'esprit de la Charte de la langue française ni ses principes fondamentaux. Cependant, la préoccupation principale de l'AMC est et demeure l'amélioration de la productivité et de la compétitivité des manufacturiers. Dans ce contexte, nous devons souligner les faiblesses de cette législation, faiblesses qui ont causé un tort tant aux manufacturiers qu'à l'économie québécoise en général.

Nous constatons que la plus grande difficulté en demeure une d'interprétation. Malheureusement, la rédaction de certaines dispositions de cette législation - et nous référons ici particulièrement aux règlements a été pour le moins confuse. Ces imprécisions ont donné lieu à des interprétations divergentes, sinon opposées, qui sont source de frustration et de coûts additionnels pour les manufacturiers.

Ce commentaire, formulé fréquemment par nos membres au cours des dernières années, s'est illustré particulièrement dans trois domaines bien précis: la publicité, surtout en matière d'affichage public, catalogues et brochures; les programmes de francisation, notamment en ce qui a trait à leur application et, troisièmement, la langue d'enseignement pour les enfants des employés venant de l'extérieur du Québec. Nous commenterons chacun de ces éléments avant de vous formuler notre demande.

Sur le plan de la publicité, le manufacturier identifie de plus en plus le marché québécois dans son contexte nord-américain. En conséquence, il voit l'importance, sinon la nécessité, d'une publicité bilingue. Ceci est vrai non seulement pour le manufacturier canadien ou étranger faisant affaires au Québec, mais aussi pour le manufacturier québécois qui désire percer sur le marché nord-américain. À notre avis, une publicité bilingue minimise les coûts tout en respectant l'esprit de la loi.

Les contraintes imposées par la loi et les complexités de la réglementation à ce sujet découragent l'usage de plusieurs messages publicitaires et ce, particulièrement pour le manufacturier québécois. Par exemple, l'article 19 du règlement sur la langue du commerce et des affaires traite de la publicité sur les véhicules. Cette publicité peut paraître soit en français, soit bilingue ou dans une autre langue selon la destination habituelle du véhicule. Or, l'entreprise moderne apporte fréquemment des changements à l'usage et aux destinations de ses véhicules. Cette dynamique rend donc inutilisable la publicité figurant sur ces véhicules et, par le fait même, ces derniers. Pourquoi ne pas permettre qu'une telle publicité soit tout simplement bilingue?

Une autre illustration de ces contraintes se retrouve au chapitre des catalogues, brochures, dépliants et autres publications. Le manufacturier québécois qui vise à la fois les marchés québécois et étrangers se voit imposer des coûts exorbitants à cause de la complexité de la législation qui exige trois types d'imprimés.

En effet, si la publicité se fait par catalogue dans un endroit public, celui-ci doit paraître dans une publication distincte en français et dans une publication distincte dans une langue autre que le français. Par ailleurs, si la publicité est effectuée hors d'un lieu public, par la poste, par exemple, le catalogue pourrait être alors bilingue. En conséquence, le manufacturier qui, lors d'une campagne publicitaire, veut distribuer ses catalogues à la fois dans un endroit public, à son établissement et par la poste doit préparer des imprimés français, bilingues et dans une langue autre que le français. Pourquoi ne pas permettre les publications en français ou bilingues dans tous les cas?

Cette contrainte soulève un autre problème sérieux, celui de la raison sociale de l'entreprise. En fait quelle version doit-on utiliser dans les relations commerciales? Selon la catégorie de documents - contrats, factures, bons de commande, catalogues et autres documents - la raison sociale de l'entreprise paraîtra obligatoirement en français, en version bilingue ou dans une autre langue que le français. Pourquoi ne pas permettre la version française ou bilingue dans tous les cas?

Sur le programme de francisation, l'AMC constate à regret que certaines modalités des programmes individuels sont trop souvent laissées à la discrétion des négociateurs de l'Office de la langue française. Nous soulignons, toutefois, que certains d'entre eux ont compris les contraintes pratiques et quotidiennes des manufacturiers et ont composé avec ceux-ci des programmes qui respectent à la fois l'esprit et la lettre de la loi. Toutefois, nous déplorons que certaines interprétations des dispositions législatives aient obligé des manufacturiers à apporter des modifications à leurs pratiques ou à mettre en place des mécanismes qui auraient été inutiles si une interprétation raisonnable de la loi eut été appliquée.

L'AMC ne suggère pas que tous les aspects de tous les programmes de francisation soient réglementés strictement. Au contraire, nous croyons fermement que la flexibilité est nécessaire afin de négocier chaque programme avec l'entreprise visée. Toutefois, les négociateurs devraient se consulter afin d'établir des règles ou des guides pour certains aspects de la "francisation appliquée", notamment au chapitre des en-têtes de lettres, affichage interne, cartes d'affaires, manuels techniques, timbres de caoutchouc, etc.

Pour ce qui est de la langue d'enseignement, le manufacturier québécois est particulièrement préoccupé par les difficultés que crée la charte pour des employés venant de l'extérieur. Dans le contexte économique actuel et compte tenu du virage technologique proposé par le gouvernement et endossé par l'AMC, le manufacturier doit, dans plusieurs cas, faire appel à des techniciens ou professionnels de l'extérieur du Québec. Nous constatons malheureusement que la plupart de ces personnes voient leur passage au Québec comme un stage à cause du traitement aménagé dans la loi au titre de la langue d'enseignement; celles-ci se considèrent comme des citoyens en transit. En conséquence, elles ne sont pas encouragées à faire du Québec leur domicile et ainsi à faire profiter les manufacturiers québécois de leur expertise à long terme. Ces personnes-ressources ont des qualités nécessaires à la relance économique des manufacturiers québécois. À notre avis, il est important d'éliminer les obstacles qui nuisent à la venue au Québec de ces experts. Nous devons donc prendre tous les moyens pour inciter ces personnes à s'établir chez nous et contribuer positivement aux transferts technologiques nécessaires à la relance économique.

Ce que nous demandons au législateur, M. le Président, ce que nous demandons au gouvernement, par le biais de votre commission, c'est de faire une concession aux manufacturiers québécois, francophones et anglophones; c'est de faire une concession aux administrateurs francophones et anglophones de l'entreprise manufacturière de cette province; c'est de faire une concession aux étudiants francophones et anglophones de cette province qui se préparent à faire carrière dans le secteur manufacturier québécois de leur faire une concession en éliminant, dans la réglementation et dans la mise en application des règlements de cette loi, des irritants comme ceux que nous venons de vous souligner.

Ce sont ces irritants parmi d'autres au Québec qui empêchent certains manufacturiers francophones et anglophones de faire de nouveaux investissements dans notre province. Ce sont ces irritants parmi d'autres qui diminuent aux yeux de plusieurs manufacturiers québécois les avantages comparatifs nécessaires pour être plus concurrentiels au Canada et à l'étranger. Ce sont ces irritants parmi d'autres qui empêchent l'entrée normale au Québec d'hommes et de femmes nantis de talents et de ressources non disponibles chez nous, mais combien nécessaires aux investissements et à la création de nouveaux emplois, sachant, par exemple, ce que la création d'un poste supérieur peut amener comme effet multiplicateur sur les emplois de production et de services. Ce sont ces irritants parmi d'autres qui ont déplacé et qui déplaceront des sièges sociaux ou des sections de sièges sociaux de l'entreprise manufacturière grande ou petite - vers l'extérieur du Québec, emportant avec eux les centres majeurs de décision aussi reconnus que des écoles ou des centres de formation et d'entraînement professionnel sur place, des administrateurs francophones et anglophones, des nouveaux diplômés, des techniciens, etc.; ces déplacements étant réalisés à des coûts directs et indirects élevés et inutiles. Ce sont ces irritants parmi d'autres qui ont relégué et qui relégueront certains de nos bons administrateurs québécois qui ont décidé de demeurer au Québec dans des postes secondaires de conseillers ou de représentants québécois en administration, en marketing, en relations industrielles, en législation ou en affaires publiques, bien souvent avec les titres ronflants, mais pas toujours consolants, de président du conseil, directeur général, vice-président et autres dans des postes d'exécutants plutôt que dans des postes de décideurs.

Notre conclusion, M. le Président. Depuis l'introduction de la loi, l'AMC a participé activement à des séminaires, des colloques, des rencontres entre l'Office de la langue française et les manufacturiers, autant au Québec qu'à l'extérieur, en vue de soutenir ses membres dans la mise en application des dispositions de la charte. L'AMC continuera de jouer ce rôle au Québec. Grâce à ces échanges et lors de la préparation de ceux d'aujourd'hui, l'AMC a été en mesure de constater que certains aspects de la législation créent de fortes contraintes à l'égard des manufacturiers québécois ou étrangers désirant s'établir dans cette province. Nous avons illustré dans ce bref mémoire certaines contraintes de ce genre et proposons certains assouplissements à la loi dans le but premier de l'éclaircir pour ceux qui doivent l'appliquer quotidiennement. Ainsi, ces changements contribueront à créer un climat plus propice au commerce et aux affaires au Québec.

Nous vous remercions, M. le Président, de nous avoir permis de vous souligner les aspects de la charte qui nous préoccupent et vous assurons, M. le ministre, de notre plus

entière collaboration afin que nous puissions trouver ensemble des solutions pratiques à ces lacunes et éliminer les irritants le plus rapidement possible avant qu'ils soient encore plus nuisibles au développement économique du Québec. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Dessureault. M. le ministre.

M. Godin: M. Dessureault, M. Lavoie, merci d'être venus nous faire part de vos observations en tant que témoins privilégiés de ce qui se passe dans l'entreprise. Je constate avec plaisir - je vous le dis dès maintenant - que vous affirmez que votre association ne conteste pas, premièrement, l'esprit de la charte ni ses principes fondamentaux et je m'en réjouis. "Nous soulignons toutefois, dites-vous, que certains d'entre eux - je parle des négociateurs de l'Office de la langue française - ont compris les contraintes pratiques et quotidiennes des manufacturiers et ont composé, avec ceux-ci, des programmes qui respectent à la fois l'esprit et la lettre de la loi." Cette attitude est-elle le fait de programmes récemment négociés ou si vous n'avez noté aucun changement récent ou si ces personnes étaient des négociateurs appliquant déjà des règles plus pratiques au tout début des programmes de francisation?

M. Dessureault: M. le ministre, notre mémoire rejoint la dimension des trois dernières années, particulièrement. Tous les exemples qu'on pourrait porter à votre attention sont très frais. Je laisserai à mes deux confrères le soin de vous faire peut-être des commentaires additionnels.

M. Godin: Est-ce que ce sont des exemples de négociateurs qui ont compris ou qui n'ont pas compris, d'après vous?

M. Dessureault: Pour ceux qui ont compris, on n'a pas de problèmes. Par exemple, chez Pratt et Whitney, on vous a dit qu'il y avait des négociateurs qui avaient compris. Il y a des programmes de francisation qui sont en marche. Il n'y a de conflits ni d'un côté ni de l'autre. Dans plusieurs sociétés, même chose. Mais, dans plusieurs autres sociétés, les contraintes entraînent particulièrement des problèmes en publicité, des problèmes dans les programmes de formation et des problèmes dans la langue d'enseignement. Les grands problèmes chez les grands manufacturiers, c'est de ne pas être libres ou en mesure de transférer des personnes qualifiées depuis l'extérieur du Québec. Ce sont des problèmes réels, M. le ministre. On peut vous donner des cas par centaines, de citoyens ontariens, par exemple, qui refusent des transferts au

Québec à cause de ces irritants - ce sont des irritants parmi d'autres - et ceux-ci entraînent des problèmes d'enfants, des problèmes d'épouses ou de conjoints. Ce sont des refus. Ce sont même des refus de promotions au Québec. Ce sont même des refus de Québécois, au Québec, qui veulent des rétrogadations en Ontario. Alors, vous avez des situations difficiles des deux côtés. On pourrait vous livrer des centaines de cas. C'est à faire pleurer.

M. Godin: M. Dessureault, je suis à votre disposition en tout temps, en dehors même des heures de séance normales de cette commission, pour que vous me fassiez part éventuellement de vos suggestions quant à la façon dont les programmes de francisation devraient être appliqués. Vous m'apporteriez les cas où vous estimez que les programmes tiennent compte des contraintes pratiques et autres. Par ailleurs, je vous inciterais, en toute amitié, à ne pas citer Pratt et Whitney comme étant un modèle à suivre, d'après ce que nous avons entendu ici au début de la commission.

(17 h 45)

M. Dessureault: C'est justement ce que j'essaie de corriger, M. le ministre. Ce que vous entendez de la part de certains employés de Pratt et Whitney, vous devriez l'entendre aussi des autres employés de Pratt et Whitney. Je ne suis pas ici mandaté pour traiter le cas de Pratt et Whitney, mais, parce qu'il a été cité publiquement, je me dois, comme représentant de cet organisme dont Pratt et Whitney est membre, de vous répéter ce que la compagnie elle-même a dit aux médias. C'est qu'ils ont des programmes de francisation négociés avec les représentants de l'office et les représentants de l'office sont satisfaits de ces engagements.

M. Godin: Nous espérons alors obtenir de l'entreprise elle-même, Pratt et Whitney, son témoignage; elle aurait été la bienvenue si elle avait bien voulu venir ici. D'autre part, j'obtiendrai de l'office les renseignements les plus précis possible pour voir au milieu de quelles affirmations se situe la vérité que nous cherchons tous ensemble.

M. Dessureault: M. le ministre, un commentaire si vous le permettez. Quand on parle d'une société qui a de la machinerie d'un côté et des ressources humaines de l'autre, il est bien évident que, lorsque vous regardez l'ensemble des manufacturiers, pour quelques-uns, les situations sont beaucoup plus difficiles. Quand au Québec, par exemple, on manque de machinerie parce qu'elle n'est pas manufacturée au Québec, il faut se procurer cette machinerie à l'étranger et, quand cette machinerie entre

chez nous, il y a un article qui prévoit que, si c'est gravé dans la machine - comme c'est le cas pour cette pièce de machinerie qui nous filme - il y a une exception à la règle. Et, dans certaines usines, lorsqu'il s'agit de traduire des cahiers de charges, par exemple, qui changent tous les jours à cause de cette nouvelle technologie et de cette nouvelle machinerie, etc., il faut comprendre que, pour certains manufacturiers, il faut que le temps permette ces changements. Ces changements sont faits à des coûts bien souvent exorbitants.

M. Godin: Vu. Par ailleurs, je me réjouis de voir le succès obtenu dans certains secteurs industriels au Québec, entre autres dans les pâtes et papiers qui ont francisé leurs activités à 80% ou à peu près au moment où on se parle et ce, malgré les mutations technologiques qu'eux aussi ont vécues. À tel point qu'on se demande si le fait qu'une entreprise soit reliée directement aux ressources naturelles du Québec n'est pas un facteur incitatif très puissant pour se franciser alors que, si c'est une entreprise...

M. Dessureault: Je peux vous citer des exemples, M. le ministre, qui ont...

M. Godin: ...enfin - M. Dessureault... M. Dessureault: Je m'excuse.

M. Godin: ...excusez-moi, je vous remets la parole illico - moins intégrée, à la ressource naturelle qu'elle trouve ici, comme par hasard, c'est plus lent. Donc, nous tenons compte, enfin l'office tient compte de ces contraintes. Mais je vous rends la parole avant de vous poser une dernière question. Allez-y.

M. Dessureault: Je m'excuse, j'allais dire qu'il est bien sûr que certaines entreprises étaient à l'avant-garde bien avant la loi 63, bien avant la loi 22, du côté de la francisation. Je pourrais vous citer des cas où on avait, dans des établissements, bien avant les années soixante, des bureaux de traduction avec peut-être une quarantaine de traducteurs. Je peux vous dire que, dans bien des cas, ces entreprises ont déjà déménagé des sièges sociaux. Alors, d'un côté, vous avez ceux qui ont pu planifier des changements; cela a peut-être été plus facile pour quelques-uns. D'un autre côté, vous avez ceux qui subissent les irritants, qui ne peuvent pas faire les changements comme ils aimeraient les faire.

M. Godin: D'accord.

M. Dessureault: On n'est pas ici pour discuter des principes de la charte, mais simplement des irritants, particulièrement dans ces trois domaines.

M. Godin: La pratique.

M. Dessureault: Si on pouvait réussir à éliminer ces irritants, nous serions en meilleure posture pour défendre le Québec sur le plan économique à l'extérieur du Québec.

M. Godin: Mais c'est un objectif que nous avons tous à coeur, M. Dessureault. Pour avoir fait des tournées dans divers États américains, en Europe et même ailleurs, je peux vous en donner la certitude et la garantie.

À la page qui porte sur la publicité, une seule question. Vous dites que, d'après le règlement, l'affichage sur les camions de livraison de l'entreprise doit être en français ou dans une autre langue suivant la destination habituelle du véhicule, mais que, dans la pratique, la destination peut changer. Est-ce que, à votre connaissance, il y a eu des pressions faites par quelque organisme que ce soit disant: Voilà, ce camion ne va plus à la même place, pourriez-vous, s'il vous plaît, changer votre affichage? Ou n'y a-t-il pas une espèce de processus d'attrition? Comme le camion n'est pas permanent, on laisse la même inscription tant qu'il n'est pas remplacé ou tant qu'il n'est pas repeint. Ou est-ce que vous avez des cas précis où ce serait vraiment un irritant, où, même si la nouvelle affectation ne dure que quelques mois, on oblige à transformer l'inscription? Ce sera ma dernière question, messieurs.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M...

M. Lavoie (Mario): M. le ministre, si vous le permettez, je vais tenter de répondre à cette question. Nous n'avons pas d'exemples très précis, tel que vous le mentionnez, à savoir un camion ou une entreprise qui aurait dû empêcher ses camions de passer la frontière simplement parce que l'affichage était mal fait. Ce qu'on voulait illustrer ici, c'est plutôt ceci. Voici un article précis de la loi qui impose des obligations en regard de l'affichage pour un camion selon sa destination, à savoir que, s'il est à Montréal, il peut être en français; que, s'il passe occasionnellement la frontière américaine, il peut encore être en français ou bilingue. S'il fait régulièrement la route des États-Unis ou de l'Ontario, il peut être en anglais. La question qu'on s'est posée là-dessus, c'est: Pourquoi autant de règles, pourquoi ne pas simplifier les choses? Lorsqu'on tente d'expliquer cela à des gens de l'extérieur, que ce soient des investisseurs, des entreprises dont le siège social est situé à l'étranger et qu'ils ont des flottes de camions ici, ils ont un peu de

difficulté à concevoir comment ils peuvent orchestrer de façon flexible leurs flottes de camions à cause de choses comme celles-là. Celui-là est un irritant, si vous voulez.

M. Godin: Cela répond à ma question, M. Lavoie. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Merci, M. le Président. M. Dessureault, M. Lavoie, j'aimerais tout d'abord faire remarquer le ton serein, mais combien réaliste de votre mémoire. On voit que les gens que vous représentez ont sûrement ensemble tenté de trouver certaines solutions aux problèmes auxquels vous êtes confrontés et qui font peut-être que vous ne pouvez aller jusqu'au bout de certaines réalisations au niveau de l'Association des manufacturiers canadiens.

Avant de parler des coûts supplémentaires aux entreprises, parce que c'est drôlement important, je pense, pour les manufacturiers, j'aimerais quand même, si vous le voulez, revenir à certains irritants que vous avez mentionnés. Vous vous préoccupez de la jeunesse québécoise. On sait que, dans les facultés d'administration, par exemple, ou de commerce, les jeunes sont préoccupés de se trouver un emploi par la suite. Est-ce qu'il faudrait se dire que ce serait de plus en plus difficile pour eux de trouver des débouchés sur le marché du travail à cause de certains des irritants auxquels vous avez à faire face?

M. Dessureault: Certainement, face aux ambitions des jeunes qui veulent gravir les échelons particulièrement dans le secteur manufacturier. J'ai dit tantôt la grande ou la petite. Vous savez qu'il y a des irritants qui forcent même nos PME à sortir de la province. Pour les diplômés universitaires particulièrement, ainsi que pour certains techniciens qui auraient avantage à travailler au niveau des grands laboratoires par exemple, ce sera plus difficile.

Je peux essayer d'illustrer un peu ce que j'essaie de dire. J'ai pris l'avion hier matin pour Toronto. Dans l'avion, les gens parlaient plus français qu'anglais. J'ai remarqué que beaucoup de jeunes francophones prennent l'avion pour Toronto. Où vont-ils? Sûrement au siège social. Quoi faire? Sûrement chercher de l'entraînement, de la formation, en même temps que remplir des fonctions. Je me souviens d'un temps où il y avait beaucoup moins de francophones qui prenaient l'avion ou le train pour Toronto et beaucoup plus de francophones qui voulaient gravir les échelons dans les années soixante, soixante-dix. On retrouvait alors au Québec des sièges sociaux intéressants dans le secteur manufacturier, où on pouvait gravir les échelons dans des fonctions de décideur et non pas dans des fonctions d'exécutant. C'est au contact de ces personnes qui ont les responsabilités de décision, particulièrement dans un siège social, qu'on apprend le métier.

Si je recule en 1953, moi-même à Shawinigan, j'ai été le premier Français à avoir une fonction de surveillant. J'ai demandé à ma société et aux société des alentours, parce que j'oeuvrais dans des associations même à cette époque: Comment se fait-il que nous n'ayons pas de francophones contremaîtres, surveillants dans nos usines? À Shawinigan, en 1953, l'industrie manufacturière était florissante. On me disait: On est allé voir les curés, les évêques un peu partout pour leur demander s'ils connaissaient des francophones prêts à accepter des postes de contremaître ou de surveillant. On a fait venir des étrangers d'Irlande, d'Écosse et d'un peu partout qui ne parlaient pas le français et ce sont eux qui ont été les premiers contremaîtres, les premiers surveillants dans nos usines au Québec.

En 1965, c'était changé dans beaucoup d'usines du Québec. Si vous regardez 1965 et que vous analysez les postes de direction dans les usines au Québec, eh bien huit sur dix sont occupés par des francophones. Déjà, avant le bill 101, il y avait une progression. Le bill 101 a ajouté pour les francophones une nouvelle dimension, une nouvelle aide qu'on ne conteste pas, mais on conteste les irritants. Et c'est là-dessus qu'on insiste ce soir. On ne fait pas de politique, nous, mais les irritants, si on les enlevait, il n'y a pas un parti politique qui y perdrait dans la situation économique actuelle du Québec.

Mme Bacon: Au niveau de la concurrence, par exemple, ces mêmes irritants, qui peuvent quand même faire mal à l'industrie manufacturière, blessent-ils davantage les PME que la grande industrie?

M. Dessureault: II y en a plusieurs qui sont la propriété d'anglophones au Québec. Il y en a aussi qui sont la propriété de francophones. Plusieurs de ces PME ont besoin des experts dont on parlait tantôt. Ils veulent les engager aussi dans leur entreprise, soit dans un secteur de recherche ou purement dans un secteur de production. D'un côté, vous avez la liberté d'acheter une machinerie de l'étranger. Si cette machinerie faisait défaut aujourd'hui, on ferait appel à ceux qui nous l'ont vendue pour venir la réparer ici au Québec. On n'exigerait pas qu'ils parlent le français. Cela, c'est pour la machinerie.

On pense à la ressource humaine. On veut importer de la ressource humaine pendant qu'il est encore temps parce que demain il n'y en aura pas de disponible, car

chaque pays qui veut être concurrent sur le plan mondial va s'assurer de garder sa ressource humaine chez lui. Mais il est encore temps d'aller en chercher quelques-uns. Pendant que l'on a cette possibilité, faisons entrer au Québec ces experts. Demandons-leur poliment d'apprendre la langue; ils vont l'apprendre éventuellement. Cela fait 30 ans que je parle anglais et je ne suis pas encore à l'aise; je suis bien plus à l'aise dans ma langue et je voudrais que les autres soient traités de la même façon. Cela ne m'inquiète pas qu'on soit majoritairement francophone au Québec et de laisser aux anglophones le droit de parler leur langue ou le droit d'enseigner leur langue à leurs enfants. (18 heures)

Un président d'une grande société a été transféré il n'y a pas tellement longtemps au Québec; il a envoyé ses enfants à l'école privée, mais un négociateur de l'Office de la langue française lui a dit: Si vous aviez choisi l'école publique, vous n'auriez pas pu envoyer vos enfants a l'école française parce que votre poste est permanent. S'il avait été temporaire, pas de problème. M. le ministre, c'est ce genre d'irritant. C'est quoi un poste permanent au Québec, au Canada et au monde, aujourd'hui? Cela peut être six mois, cela peut être un an et cela peut être trois ans, mais jamais vingt-cinq ans, jamais dix ans et jamais six ans. On vous dit que c'est fini, les carrières de trente ans dans un même poste. C'est incroyable. L'avenir des jeunes de demain, c'est cinq, huit ou dix postes. Les postes permanents, c'est un an, deux ans ou trois ans. Alors, enlever le mot "temporaire" dans la loi et le remplacer par le mot "permanent", cela veut peut-être dire deux ans ou trois ans.

Se sentir étranger au Québec. Combien de cas avons-nous qui pourraient vous être livrés, de personnes qui disent: Je ne vais pas au Québec parce que le fait d'envoyer mes enfants à l'école publique francophone, cela veut dire que je suis à la merci de représentants du gouvernement qui décident d'abord si, oui ou non, je peux les envoyer et, ensuite, combien de temps je peux les envoyer. Alors, je ne suis pas intéressé à aller au Québec. Transportez le poste à Toronto, je vais aller à Toronto. C'est ce genre d'irritant. Ce n'est pas compliqué. C'est simple, et c'est de la perception, en même temps que la réalité. Moi, quand je me présente à Toronto, on me taquine. On me dit: Merci, Montréal, d'avoir construit tous ces beaux édifices. Et c'est rare que je vais à Toronto sans recevoir de la part de confrères, d'amis et de collègues dans l'entreprise privée d'abord un commentaire négatif sur le Québec à cet effet. Je défends le Québec en Ontario. Je le défends, mais je peux difficilement défendre les irritants, par exemple.

M. Lavoie: M. le Président, si vous me le permettez...

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. Lavoie.

M. Lavoie: ...j'ai deux commentaires à la question de Mme Bacon. Ce qui me frappe en fait dans votre question, ce sont deux choses. D'abord, il faut retenir que les petites et moyennes entreprises du Québec sont souvent des sous-traitants de plus grandes entreprises. Vous posez la question: Est-ce que ces irritants qui sont monnayables affectent plus la petite et la moyenne entreprise que la grande entreprise? Je vous répondrais: Ces irritants affectent les deux, autant les grandes entreprises que les petites et les moyennes, mais les premières qui tombent sont souvent les petites et les moyennes parce que, évidemment, les coûts sont souvent plus grands pour elles alors que les marges de profit sont plus petites. C'était mon premier commentaire.

Mon deuxième commentaire est au niveau de la concurrence. Il y a quelques années, cela se faisait chez notre voisin, au village ou à la ville voisine et même avec l'autre province. Aujourd'hui, ce n'est plus cela, c'est avec Taïwan, c'est avec Hong Kong, c'est avec l'Inde, c'est avec la France. Le plus petit manufacturier, qu'il soit au Québec ou ailleurs, qui veut exporter ses produits pour faire un profit, doit le faire sur un marché international, et là tous les cents vont compter. Partout où il pourra couper, il le fera. Notre mémoire vise ces irritants-là dans le but de rendre nos entreprises québécoises, petites, moyennes et grandes, les plus concurrentielles possible en minimisant les coûts le plus possible, tout en respectant l'esprit de la loi. C'était mon deuxième commentaire. Merci, M. le Président.

Mme Bacon: Au niveau des coûts, je regardais dans la Presse d'aujourd'hui, on dit 42 000 000 $ pour franciser 48 entreprises. On sait que cela a quand même amené des coûts assez considérables dans certaines entreprises. Est-ce que vous prévoyez que ces coûts vont aller en augmentant avec les années? On parle des irritants, mais s'il ne se fait pas de concessions ou d'améliorations, peut-être même des changements d'attitude de la part du législateur, est-ce que vous prévoyez que les coûts vont aller en augmentant avec les années?

M. Dessureault: Peut-être et peut-être pas. Peut-être pas parce que les manufacturiers sont en crise de liquidités depuis environ trois ans, ils n'ont pas d'argent pour investir. Si la francisation, pour eux, représente un investissement, cela se classe dans la même catégorie que les autres inves-

tissements. Donc, cela prend de l'argent pour investir. Ceux qui auront de l'argent pour investir, si, pour eux, la francisation représente un investissement, ils le feront. L'entreprise privée concurrentielle a un objectif bien précis, celui de faire un profit et elle fera son profit où elle trouvera le climat le plus favorable à la réalisation de ce profit. Si, pour l'entreprise, la ressource humaine est ce qu'il y a de plus important, elle s'occupera d'avoir une ressource humaine dont elle pourra faire appel à tous les talents, si c'est un francophone, à tous les talents, si c'est un anglophone, pour atteindre l'objectif individuel et l'objectif collectif de la société manufacturière. Si la décision est plus facile, à cause des irritants, de placer une usine à l'extérieur du Québec, ce sera la décision. Si c'est plus rentable pour d'autres raisons, elle sera placée au Québec. Et si tout ce phénomène des irritants disparaît, le Québec sera sur un pied d'égalité avec l'Ontario, par exemple, parce que ce sont seulement les irritants qui séparent les Ontariens des Québécois sur le plan de l'investissement individuel et sur le plan de l'investissement de l'entreprise.

Beaucoup d'individus qui faisaient des placements dans l'entreprise privée au Québec, hier, refusent de le faire aujourd'hui. Beaucoup transportent leurs biens à l'extérieur du Québec à cause, non pas exclusivement de la loi sur la francisation, mais de plusieurs autres irritants sur le plan de la fiscalité ou de la réglementation autre que celle-ci. Il faudrait pouvoir éliminer les irritants au Québec! On se répète, mais cela fait déjà trois ans que l'on parle de cela avec le gouvernement et avec l'Opposition. Notre but bien précis, c'est de permettre les investissements, de permettre la création d'emplois au Québec pour améliorer notre économie.

Le Président (M. Gagnon): Oui?

Mme Bacon: Juste en terminant, M. le Président, je pense que le ministre a dit, au début des audiences de cette commission, que c'était "stop, look and listen". Je pense que, si on veut créer un climat propice au commerce et aux affaires, il n'y a pas que le ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles qui devra "stop, look and listen". Il y a aussi le ministre de l'Industrie et du Commerce dont nous déplorons l'absence. Le ministre du Commerce extérieur, par exemple, nous aurions aimé qu'il soit aussi présent pour écouter certains des commentaires qui sont faits. Je pense bien que le ministre se fera le porte-parole de la commission pour leur transmettre vos messages. Je n'ai aucune inquiétude: si certains de ces irritants disparaissaient, il n'y aurait pas de problème pour la francisation dans le monde des affaires.

M. Dessureault: II n'y en avait pas avant la loi 101, il ne devrait pas y en avoir après la loi 101.

Mme Bacon: Pour ma part, je vous remercie, encore une fois, du ton serein et réaliste de ce mémoire.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la députée.

M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: M. Dessureault, ce qui me frappe en premier lieu dans votre mémoire dont nous avons reçu le texte écrit, c'est que j'ai eu beaucoup de difficulté, à la lecture, à établir un rapport entre les irritants que vous nous mentionnez dans ledit rapport écrit et le jugement que vous portez en introduction, à savoir que la loi, par ces irritants, a causé un tort considérable aux manufacturiers et à l'économie québécoise.

M. Dessureault: Je le retrouve très bien dans le texte.

M. Brouillet: C'est dans votre introduction. Quand je vois les irritants auxquels vous faites allusion dans le texte, j'ai beaucoup de difficulté à établir un rapport de cause à effet.

M. Dessureault: Comment se fait-il?

Le Président (M. Gagnon): On va laisser terminer M. le député et vous aurez la parole ensuite.

M. Brouillet: Vous mentionnez ici la question de l'affichage et de la publicité. Est-ce que ces éléments jouent un rôle tellement considérable sur les coûts que cela peut vraiment nous rendre non compétitifs? Par ailleurs, des études ont été faites pour dire que le fait de travailler en français pour des travailleurs dont la langue maternelle est le français a plutôt tendance à accroître leur productivité. Vous-même avez mentionné qu'après 30 ans de connaissance de l'anglais vous fonctionnez encore mieux en français. Dans la productivité, il y a ce volet de la productivité du travailleur. C'est bien évident qu'il y a d'autres coûts qui interviennent. Je me demande si cet irritant de publication unilingue et bilingue de temps en temps peut engendrer des coûts au point de causer un tort énorme.

L'autre irritant auquel vous faites allusion, ce sont les programmes de francisation. Là, je crois qu'il y a une porte ouverte; il est possible qu'il y ait des coûts additionnels. Il faudrait voir, mais vous ne le précisez pas tellement. Vous faites simplement allusion au fait que cela a été interprété de façon plus ou moins flexible

dans certains cas. Peut-être que certains programmes de francisation peuvent engendrer des coûts assez considérables par rapport à une application moins rigoureuse de la loi. Il y a peut-être là un point.

Pour ce qui est de la langue d'enseignement, je vois que, lorsque vous faites allusion à la langue d'enseignement, vous vous limitez aux enfants des professionnels ou des spécialistes dont on aurait besoin parce qu'on ne peut pas les trouver chez nous. C'est pour cette catégorie de personnes surtout que vous réclamez un adoucissement de la loi. Je vous dis que dans le texte, de la façon dont vous traitez des quelques irritants que vous mentionnez, je voyais difficilement le rapport de cause à effet avec le tort considérable causé à l'entreprise.

Vous avez fait toute une tirade d'irritants à la fin. On n'a pas eu le temps de les prendre. Je voyais que vous aviez à l'esprit beaucoup plus d'irritants que ce que vous avez donné dans le texte écrit.

M. Dessureault: J'ai ajouté irritants "parmi d'autres". Je ne pense pas que le "parmi d'autres" soit conciliable avec la tenue de cette commission.

M. Brouillet: Dans le cadre de la loi...

M. Dessureault: On s'en tient exclusivement aux préoccupations des manufacturiers. Si vous me demandez de me présenter comme citoyen du Québec, en dehors de mes fonctions de représentant d'un organisme patronal, mais dans mes fonctions d'entrepreneur et de chef de direction d'entreprise, je pourrais vous faire toute une autre représentation au-delà de celle que je viens de vous livrer.

M. Brouillet: Je ne veux pas déborder sur les irritants qui n'auraient rien à faire avec la loi 101. Je m'en tiens exclusivement au cadre de la loi 101.

M. Dessureault: Nous aussi.

M. Brouillet: Est-ce que les seuls irritants que vous voyez dans le cadre de la loi 101 sont ceux que vous avez mentionnés dans votre texte écrit?

M. Dessureault: Ce sont ceux qui préoccupent particulièrement les manufacturiers dans les trois secteurs bien précis de la publicité, de la langue d'enseignement et des programmes de francisation.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Laplante: Une très, très courte question. Vous avez fait valoir tout à l'heure que beaucoup d'industries étaient parties du

Québec et que d'autres songeaient peut-être à partir à cause de tous les irritants. En 1981, lorsqu'on disait à grand renfort de publicité qu'il y avait 63 industries québécoises qui étaient parties en dehors du Québec, comment penser qu'en Ontario, au même moment, 1022 industries sont parties, ainsi qu'au Canada, aux États-Unis, en Alberta? Pourquoi tant parler des 63 industries au Québec et ne pas parler des 1022 qui sont parties de l'Ontario, de la grande région de Toronto?

M. Dessureault: Parce qu'au Québec certaines entreprises ont quitté à cause des irritants. On est bien conscient du "Go west young man" et de la tendance vers l'Ouest. On connaît les statistiques et on ne peut pas réfuter ce que vous dites. Seulement, en toute connaissance de cause, on peut vous dire en toute franchise qu'il y a des entreprises dont les sièges sociaux ont quitté le Québec à cause d'irritants et que l'un de ces irritants a trait à la langue de travail, a trait à la francisation, a trait à ces commentaires qu'on vous a faits dans les trois cas bien précis.

M. Laplante: Mais l'Ontario n'a pas de loi 101.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Dessureault: Un commentaire.

Le Président (M. Gagnon): Je vais revenir à vous. Un autre commentaire, M. Lavoie.

M. Lavoie: Ce sera un commentaire très rapide pour ajouter à ce que M. Dessureault vient de dire. Il est possible qu'en Ontario il y en ait 1000 qui soient parties, en Alberta peut-être autant. Ce que nous déplorons, l'Association des manufacturiers du Québec, c'est qu'on découvre qu'il y en a 63 de trop qui sont parties. Ce qu'on veut faire, c'est trouver des solutions pour empêcher que cela arrive. Quand on cherche les solutions, on découvre qu'il y a, dans un certain nombre de cas, des facteurs tels ceux-ci, mais pas uniquement ceux-ci. On reconnaît qu'en Ontario il y a d'autre chose, mais ce qu'on vous dit c'est: Malheureusement, il y en a 63 de trop qui sont parties. (18 h 15)

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Dessureault: Je pourrais peut-être ajouter ceci en terminant...

Le Président (M. Gagnon): M.

Dessureault.

M. Dessureault: ...M. le Président.

Souvent, des hommes d'affaires de l'extérieur du Québec nous demandent: Est-ce que nous devons aller nous installer au Québec? Est-ce que telle chose est encore là? Est-ce que telle autre chose est encore là? Nous disons: Oui, c'est encore là, mais cela peut changer. C'est encore là, mais vous pouvez faire telle chose. Alors, si nous pouvions dire: II n'y a pas d'irritants.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont, pour le mot de la fin.

M. Fortier: Je conclus...

M. Lincoln: Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Je crois que je suis inscrit. M. Fortier: Allez-y.

Le Président (M. Gagnon): Effectivement. Je m'excuse.

M. Lincoln: Ensuite, je vous laisserai le mot de la fin, mais j'aurais voulu poser quelques questions à M. Dessureault.

Le Président (M. Gagnon): Je peux aussi vous laisser le mot de la fin.

M. Lincoln: Non, je vais laisser le mot de la fin à mon confrère.

Je voulais dire à M. Dessureault que j'étais très content d'entendre son mémoire, parce que les mêmes choses que vous dites, nous les avons dites à l'Assemblée nationale depuis que j'y siège. Les gens qui s'occupent de la question économique ont toujours dit la même chose, soit que les irritants causent des départs d'entreprises, causent le manque de création d'emplois. Mais on nous dit toujours que c'est de la démagogie libérale. Alors, je suis très content de vous entendre dire cela parce que cela montre que si l'Association des manufacturiers, le Conseil du patronat, Bell Canada et toutes ces organisations nous disent la même chose, il y a sûrement un fond de vérité quelque part.

Ce que j'ai remarqué, c'est que le mémoire que vous avez lu n'était pas exactement celui que vous nous aviez donné; il contenait plus de remarques. Dans le même sens que ce qu'a dit le président, s'il était possible d'en avoir une copie, j'en serais très content parce que, si cela ne vous gêne pas, je vais citer vos remarques très souvent.

M. Dessureault: J'ai composé la dernière partie ce matin. Nous vous avons envoyé un mémoire parce que nous étions pressés de vous envoyer quelque chose qui se tenait, mais, bien sûr, cela ne pouvait pas être complet.

M. Lincoln: II y a un des collègues qui s'est étonné que vous ayez parlé de l'affichage et de la langue d'enseignement comme des irritants qui auraient causé des départs et qui auraient causé des problèmes aux industries manufacturières au Québec.

Je vais vous poser une question sur des cas précis qui m'ont été mentionnés parce que, dans ma région, il y a beaucoup de manufactures et plusieurs sièges sociaux ont quitté le Québec pour ces deux raisons. D'abord, vous avez le . problème inverse, le problème du siège social qui est à Montréal, dans la région de Montréal ou au Québec, où vous avez des cadres, des ingénieurs, des spécialistes ou des technologues qui se trouvent en Ontario, en Alberta, en Colombie britannique ou en Amérique dans les multinationales et qui, avant de venir ici et d'obtenir un certificat temporaire d'éducation pour leurs enfants, sont obligés de déclarer qu'ils viennent temporairement. Avez-vous des cas de firmes qui sont obligées de mentir, de dire que des gens sont temporaires quand vraiment elles espéraient que ces gens ne soient pas temporaires? Il y a ce phénomène. D'abord, il y a les gens qui vont venir ici et qui ne veulent pas venir de façon temporaire et on les nomme artificiellement temporaires. Je connais deux cas précis qu'on m'avait référés. Un enfant a été à l'école en Ontario jusqu'à l'âge de dix ans; les parents se disent: Notre enfant va avoir treize ans et alors il aura à s'intégrer au système français. Alors, ou bien ils ne viennent pas, ou bien, s'ils viennent, ils viennent avec beaucoup de répugnance. S'ils ne viennent pas, à un moment donné le siège social se déplace pour aller rejoindre toutes ces compétences qui quittent cette firme pour aller ailleurs. Est-ce un diagnostic que vous rencontrez souvent?

M. Dessureault: Peut-être pas un diagnostic, mais je vais vous relancer la situation comme ceci. Quand j'embauche un jeune sortant de l'université, par exemple, je lui pose deux questions: Es-tu prêt à travailler? Et la deuxième question: Es-tu prêt à travailler n'importe où? S'il me répond à ces deux questions, s'il a la compétence, s'il respecte les critères de la tâche, je l'engage. Mais jamais je n'ai été en mesure, depuis trente ans, d'offrir à quelqu'un un transfert temporaire. Jamais. Quand je transfère quelqu'un, je lui dis: Es-tu prêt à aller travailler à tel endroit, dans tel poste? S'il me demande pour combien de temps: Je ne le sais pas. Cela peut être un an. Cela peut être cinq ans. C'est dans de très rares cas que vous aurez des transferts temporaires. Ce sera pour réaliser des tâches

bien précises pour une période bien précise, mais normalement, dans le cours des affaires, quand vous montez dans une hiérarchie d'entreprise privée, il n'y a aucune garantie de temporaire ou de permanent. J'ajouterai à cela que le siège social, contrairement au gouvernement ou au parlement, est mobile. Il est fluide. Il peut être placé n'importe où, parce qu'il est immatériel. Vous avez dit: II suit les gens, mais ici, au gouvernement, on peut faire des changements dans l'édifice et il va toujours être là. Mon usine à Shawinigan est fermée aujourd'hui.

M. Lincoln: On parle des coûts de l'entreprise, je vais vous donner un autre cas dans la haute technologie. Plus on devient spécialisé, plus la question devient critique. Dans la haute technologie, je vous cite une entreprise où environ 98% de la production au Québec est exportée. Elle ne peut avoir au Québec, au mieux, plus de 25% - c'est le grand maximum - de technologues, de technocrates et d'employés spécialisés. Même si on voulait prendre 100%, il n'y en a pas. Ces gens peuvent récolter encore 25% du reste du Canada au mieux. Les 50% sont obligés de venir de l'étranger. Ce chef d'entreprise, lui, pour attirer des gens qui, à cause de l'affaire de l'éducation, etc., ne voudraient pas venir ici - parce que la plupart sont des anglophones qui viennent de l'Angleterre ou de l'Amérique - est obligé de les payer plus cher. Il me dit: Ou bien on les paie plus cher et le coût de notre production monte, ou bien on va chercher des gens de deuxième calibre, parce qu'ils n'ont pas le choix, ils sont obligés de travailler, ils sont contents de venir travailler dans n'importe quelle circonstance. Est-ce que c'est quelque chose de réel? C'est un chef d'entreprise qui m'a dit cela. Plus cela devient technologiquement avancé, plus c'est le cas, parce qu'on n'a pas assez de cadres ici. N'est-ce pas un cas où l'affaire de l'enseignement devient critique?

Le Président (M. Gagnon): Brièvement, s'il vous plaît'.

M. Lincoln: Oui.

Le Président (M. Gagnon): M. Dessu-reault, avez-vous une réponse à donner à M. le député de Nelligan?

M. Dessureault: J'ai beaucoup de réponses. Il y a tellement de choses qui sont soulevées; la question des spécialistes en haute technologie, la question des techniciens à un niveau secondaire, pas nécessairement de haut calibre, mais aussi des techniciens qui vont mettre une machine en place, pour faire fonctionner cette machine pendant quelque temps, pour entraîner des hommes à faire fonctionner cette machine. Du côté de la haute technologie, vous faites face à des besoins de ressources humaines étrangères, non seulement au niveau supérieur, mais quasiment à tous les niveaux.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Lincoln: Non, attendez une minute, M. le Président! II y a une autre chose bien importante. Excusez-moi, c'est quelque chose de bien important. Je sais que le député de Bourassa a soulevé quelque chose de très important. Il a dit qu'il y avait 1023 entreprises qui avaient quitté l'Ontario pendant que 63 quittaient le Québec.

M. Laplante: 1022.

M. Lincoln: 1022. Je sais que M. Aubin, le président de l'Office de la langue française, avait dit à la radio, à Montréal, qu'il y avait autant - il n'a pas dit 1022 -d'entreprises qui quittaient le Québec que l'Ontario, en parlant des sièges sociaux, des manufactures, etc. Ce que j'aurais voulu demander au député de Bourassa, c'est de déposer la liste des 1022 qui ont quitté l'Ontario parce que le Board of Trade de l'Ontario me dit qu'il n'a pas de liste.

Deuxièmement, je vais souligner quelque chose, parce que des chiffres ont été avancés. Parmi les 500 plus grosses entreprises canadiennes dont les sièges sociaux étaient primordialement au Québec jusqu'en 1975-1976, aujourd'hui au Canada, il y en a 267, je pense, qui sont à Toronto, dans la région ontarienne, contre entre 92 et 100 au Québec et à Montréal. Si vous lisez le journal Les affaires - cela a été publié dans le Financial Post, c'est très clair - de septembre 1983, je pense, la même chose s'y trouve. Cela démontre un exode des sièges sociaux et des manufactures. Peut-être qu'il y a 1022 entreprises de une ou deux personnes qui sont parties pour l'Alberta, mais quand on parle des grosses sociétés qui créent des emplois, ce n'est pas le cas. Si M. le député a une liste de ces 1023 entreprises, nous serions enchantés de l'avoir. J'espère donc qu'elle sera déposée à la commission.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie, mais je n'accepterai pas l'ouverture que vous faites de commencer un débat dans ce sens-là, car ce n'est pas le mandat de la commission. Nous aurons certainement d'autres occasions,...

M. Lincoln: Non, mais cela avait été soulevé.

Le Président (M. Gagnon): ...comme vous le savez, d'entreprendre un débat de ce

genre-là. Mais il y encore des invités qui sont ici et qui viennent de Hull, à ce que je sache; je pense que c'est le cas de nos prochains intervenants.

M. Lincoln: Avant de passer à cela, j'aimerais demander quelque chose au ministre. Vous savez, la question de Pratt et Whitney qui a été soulevée encore une fois aujourd'hui, cela m'a gêné au début, parce qu'on avait vu seulement un côté de la médaille. J'avais demandé au ministre, à ce moment-là, si nous pourrions écouter M. Sovran, qui avait été impliqué et qui représentait l'Office de la langue française, pour connaître la version de l'office, ce qui nous aurait fait voir l'autre côté de la médaille. Vous n'avez pas répondu directement à cela. Vous m'avez promis un rapport. Concernant les firmes en aéronautique que j'avais mentionnées, vous m'aviez dit que Pratt et Whitney était très en retard, que Canadair était très en retard et que les autres suivent le pas. Et là, M. Sovran, dans une déclaration à la presse qui a paru dans deux journaux - je pense avoir vu cela dans la Gazette et peut-être aussi dans la Presse - dit que tout est normal chez Pratt et Whitney. Aujourd'hui, l'Association des manufacturiers dit la même chose. Nous avons deux côtés de la médaille. Il y a une firme multinationale qui emploie 6500 employés...

M. Godin: Je pense que je peux vous répondre.

M. Lincoln: Mais alors il faudrait le savoir. Il aurait peut-être été opportun d'entendre à cette commission des gens de l'Office de la langue française, comme M. Sovran, répondre eux-mêmes à ces questions.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, je déposerai un rapport circonstancié de l'office sur la négociation qui a eu lieu avec Pratt et Whitney, avec les résultats de cette négociation et de ce programme de francisation.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député d'Outremont pour le mot de la fin.

M. Fortier: C'est le mot de la fin pour remercier l'Association des manufacturiers canadiens. Comme on l'évoquait plus tôt, M. le Président, l'Association des manufacturiers canadiens se fait un plaisir et un devoir de rencontrer le gouvernement chaque année; non seulement le gouvernement, mais également l'Opposition. Nous sommes toujours très contents et satisfaits de pouvoir dialoguer avec eux.

Je crois que leur témoignage me convainc davantage que les Québécois désirent véritablement la francisation du Québec, bien sûr; mais qu'ils veulent également que le développement économique du Québec se fasse. La difficulté, quelquefois, est de concilier ces deux objectifs. Ces gens-là nous ont dit que si nous enlevions certains irritants, on pourrait assurer le développement économique du Québec tout en maintenant l'objectif de la francisation du Québec. Je crois que votre témoignage est très valable et j'ose espérer qu'il sera retenu.

Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: M. Dessureault, c'est un témoignage très éloquent. En tant que Trifluvien d'origine, je connais les gens de la Mauricie.

M. Dessureault: Vous reculez aux sources.

M. Godin: Voilà, je remonte aux sources, dans le temps de M. le député René Hamel, dont vous vous souvenez certainement. Donc, les gens de la Mauricie sont connus pour leur réalisme, leur franc-parler et leur pragmatisme. Je constate que vous êtes une incarnation vivante de ces qualités.

D'autre part, j'ai été P.-D.G. de deux PME dans ma courte vie avant d'être élu député. Vous avez raison de souligner qu'il y avait un grand nombre d'irritants dans certains aspects de la loi 101, sauf que moi, en tant que P.-D.G. de deux PME successives, je dois dire que, lorsque je voyais débarquer chez nous les gens du Revenu, je trouvais cela irritant; lorsque je voyais débarquer chez nous les gens de la CAT, c'était irritant; lorsque les gens de Statistique Canada ou de Statistique Québec débarquaient pour avoir des renseignements sur le nombre de copies vendues de tel livre - j'étais à l'époque éditeur - cela m'irritait aussi parce que je disais: Laissez-moi travailler, produire et créer des emplois; nous sommes ici pour travailler et non pas pour remplir vos "maudites" formules. Sauf que, à la réflexion, un bon citoyen corporatif doit se prêter à un certain nombre de choses qui l'irritent et qui lui font perdre ce qui, selon lui, est du temps précieux pour produire. On doit tenir compte de cela.

Je terminerai mon intervention en vous posant une brève question. Est-ce que, pa-rallèllement à l'effort de francisation - ceci a été observé chez General Motors -l'augmentation de la productivité qui a accompagné la francisation ne peut pas

réussir, dans certains cas, à compenser pour les coûts que peuvent impliquer des programmes de francisation? Donc, M. le Président, en quelques mots, ce serait donnant, donnant.

M. Dessureault: Est-ce que je peux répondre? Oui. Je voudrais d'abord remercier M. le ministre de nous faire une liste des irritants parmi d'autres: tous ces inspecteurs, il y en a, cela ne finit plus. Bien souvent le petit entrepreneur n'a pas le temps de s'occuper de manufacturer. (18 h 30)

Vous avez vécu l'expérience, elle est toujours là, M. le ministre. Maintenant que vous êtes au gouvernement, souvenez-vous de ces irritants et essayons de les éliminer.

Vous demandez: Est-ce que certains programmes de francisation ont atteint les objectifs qui permettent à l'entreprise d'être plus productive? Sûrement, mais ces mêmes entreprises, M. le ministre, ont déposé devant vous aujourd'hui, avec les irritants qu'on vous a mentionnés.

Pendant que, d'un côté, la francisation, ce n'est pas mauvais, de l'autre côté, il y a des irritants qu'il faut éliminer absolument.

M. Godin: Merci beaucoup, M. Dessureault.

Le Président (M. Gagnon): Merci à l'Association des manufacturiers canadiens. Merci, MM. Dessureault et Lavoie.

J'inviterais maintenant les représentants de la ville de Hull. Oui, Mme la députée de Chomedey?

Mme Bacon: M. le Président, j'aimerais demander le consentement des membres de cette commission afin que le député de Hull, qui est très intéressé par le prochain mémoire, puisse être intervenant au niveau de cette commission puisqu'il n'y était pas au début, je pense.

M. Godin: À une seule condition, c'est qu'il se rapproche de nous plutôt que de se tenir en bout de piste. Venez donc, M. le député.

Mme Bacon: C'est parce qu'il veut être plus près des gens de Hull, M. le ministre.

M. Godin: Oui, mais il est toujours avec eux et il est rarement avec nous. On commence à s'ennuyer de lui.

Le Président (M. Gagnon): Cette motion est acceptée par les membres de la commission.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Hull sera un des intervenants. Il sera ici pour entendre le mémoire et poser des questions aux gens de la ville de Hull.

J'invite M. le maire Légère à nous présenter les gens qui l'accompagnent ainsi qu'à faire la lecture de son mémoire.

Ville de Hull

M. Légère (Michel): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes les parlementaires, MM. les députés, à mon extrême droite nous avons M. Yvon Grégoire qui est le maire suppléant, M. Lesage, le greffier de la ville de Hull, Me Beaudry, conseiller juridique. A ma gauche, M. Pierre Cholette, conseiller, M. Cartier Mignault et M. André Careau, deux conseillers de la ville de Hull. Comme vous pouvez le constater, nous sommes une délégation qui, on l'espère, impressionne non seulement par la quantité mais aussi par la qualité.

Dans un premier temps, j'aimerais, au-delà du document officiel que nous avons déjà déposé et dont une partie, celle sur la loi 101, pourrait être annexée au procès-verbal de cette commission, vous dire que le conseil municipal et la population de la ville de Hull tiennent à vous remercier de l'occasion que vous nous offrez aujourd'hui de participer à cette commission parlementaire pour aider les membres de l'Assemblée nationale à poursuivre leur réflexion sur les nombreuses raisons et les divers moyens d'amender, d'assouplir et, ainsi, de bonifier la loi 101.

En comparaissant devant vous aujourd'hui, nous espérons vous amener à constater que le conseil municipal et la population de la ville recherchent les moyens de mieux assurer les potentiels et les dynamismes démographiques, industriels, commerciaux et touristiques de Hull et de l'Outaouais québécois et non de stimuler des débats politiques.

Inscrite dans la problématique élargie de la recherche d'un statut administratif particulier pour Hull et sa région et tributaire de la consultation paraélectorale de novembre 1982, notre démarche d'aujourd'hui est l'aboutissement logique et modéré des préoccupations de la population et des élus municipaux de Hull relativement à la législation et à la réglementation linguistique au Québec.

Compte tenu de notre situation frontalière unique, Hull étant au coeur d'une agglomération urbaine interprovinciale majoritairement anglophone de près d'un demi-million d'habitants dont près de 75% vivent hors du Québec, faite à la fois de concurrence et d'interdépendance, et considérant que notre ville, nos entreprises et nos commerces sont constamment à la recherche d'une clientèle potentielle, nouvelle, majoritairement anglophone, nous

nous présentons devant vous pour réclamer divers assouplissements à la loi 101 en matière d'affichage et de publicité.

Comme nous l'avons fait depuis le début des années soixante-dix avec la création de l'Office de l'identité hulloise, le conseil municipal de la capitale régionale de l'Outaouais continue à souhaiter que Hull reflète le caractère majoritairement et fortement francophone de l'Outaouais québécois et réaffirme sa volonté très ferme de ne ménager aucun effort susceptible de lui permettre de maintenir cet objectif.

Toutefois, contrairement à certaines prétentions alarmistes de quelques personnes et organismes, la population et nous croyons que la tolérance dans l'affichage public et la publicité commerciale ne fera qu'accroître notre potentiel compétitif et notre force d'attraction en région, sans aucun risque de contamination ou d'assimilation. Hull est une porte d'entrée très importante au Québec. Près de 3 000 000 de personnes, chaque année, lui jettent un regard, c'est-à-dire qu'elles visitent la ville d'Ottawa. Sur ce nombre, 2% à 3% visitent notre ville. Des 3 000 000 de touristes, 60% sont des Canadiens, 20% proviennent des États-Unis et 20% de pays étrangers. Chaque matin nous recevons approximativement 20 000 fonctionnaires du gouvernement fédéral. Selon un sondage effectué par l'Institut québécois d'opinion publique auprès de la population d'Ottawa, de Hull, de Gatineau et d'Aylmer, près des trois quarts désirent que la ville de Hull demeure une ville francophone. L'idée que la ville de Hull devienne la vitrine du Québec fait son chemin et plusieurs maires des municipalités du Québec favorisent un tel projet.

Nous croyons que la ville de Hull a une vocation particulière. Nous venons suggérer que la ville de Hull devienne l'instrument privilégié du Québec pour donner à tous les visiteurs et à tous les anglophones qui nous côtoient quotidiennement le goût de la francophonie, le goût du Québec. Pour ce faire, il devient essentiel d'ajuster certains éléments de la loi 101 à notre spécificité, à notre situation frontalière. Nous ne voulons pas devenir une ville où, à long terme, l'élément francophone risque d'être noyé et de disparaître. Au contraire, nous souhaitons qu'il rayonne, qu'il soit accepté, désiré. Nous devons prendre les mesures nécessaires pour que l'élément anglophone qui nous visite et qui vit avec nous nous apprécie et développe un amour pour notre culture.

Nous soumettons que la ville de Hull devienne un laboratoire où on donnera le goût de la francophonie, le goût du Québec. Dans cette optique, nous avons adopté la résolution suivante: "Que demande soit faite au gouvernement du Québec d'assouplir les règles d'application des dispositions de la loi 101 et de participer aux travaux d'un comité composé de représentants de la ville de Hull et du gouvernement du Québec, dont le mandat serait de déterminer des critères d'application d'une formule acceptable d'affichage temporaire bilingue au niveau des établissements commerciaux et touristiques."

Il va sans dire que, pour que nous devenions un laboratoire où on donnera le goût de la francophonie, le goût du Québec, il faudra faire beaucoup plus que développer des mécanismes d'accueil et favoriser un affichage temporaire bilingue. Cela ne pourra être fait qu'avec l'aide du gouvernement du Québec qui devra y mettre "le paquet". Je ne veux pas entrer dans le détail de ce que cela veut dire mais si on me pose la question, il me fera plaisir d'y répondre. Nous sommes d'avis que le fait français est à Hull pour y rester et que notre spécificité française n'est pas menacée, que notre volonté d'être francophones, dynamiques et compétitifs est solidement enracinée et farouchement implantée et que la prédominance de la "francité hulloise" peut maintenant se "complémentariser" par un affichage et une publicité d'accueil qui rendent Hull plus compétitive et plus souple pour les non francophones.

Somme toute, M. le Président, en nous présentant devant vous aujourd'hui, nous ajoutons notre voix et celle de notre population à celle d'une majorité de Québécois et Québécoises qui demandent à cette commission parlementaire et à l'Assemblée nationale de préserver le caractère culturel français de la belle province, tout en rendant le Québec économique plus accueillant.

C'est ainsi que notre préoccupation linguistique a un caractère essentiellement économique. J'y reviendrai tout de suite après.

Vitrine et porte d'entrée du sud-ouest du Québec, la ville de Hull vous demande de contribuer à la régénérescence et au renforcement de sa structure financière en permettant à la capitale régionale et à l'ensemble de l'Outaouais québécois de pouvoir mieux concurrencer la rive "ontaroise" de l'Outaouais.

Nous vous demandons donc, par des assouplissements mineurs à la loi 101, de favoriser l'épanouissement maximal de nos potentiels économique, démographique, industriel, commercial et touristique. Nous sommes persuadés que les amendements consentis seront ainsi bénéfiques pour les villes voisines et plusieurs autres agglomérations.

Sur le caractère économique je me réfère ici plus particulièrement à la page 34 du mémoire: "Avec la rénovation de son centre-ville, la ville de Hull a connu un développement important des activités commerciales et plusieurs établissements ont été aménagés, tant dans le domaine de la

vente au détail que dans celui de la restauration. "Selon des analyses réalisées par la Société d'aménagement de l'Outaouais, le centre-ville de Hull aurait un potentiel commercial de plusieurs centaines de milliards de dollars d'investissements. "Cependant, ce potentiel, dont les principales clientèles visées sont les touristes et les fonctionnaires qui travaillent au centre-ville, ne pourra être réalisé que si nous réussissions à attirer à Hull, entre autres, des grands magasins à rayons. "Pour justifier une décision de s'installer à Hull, les grands magasins à rayons voudront avoir l'assurance que l'investissement est rentable et qu'on réduira au minimum les restrictions liées à l'usage de la langue et aux heures d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux. "Compte tenu du fait que le bassin de population du côté québécois est en régression, ce n'est donc pas sur l'augmentation de la population que les établissements commerciaux peuvent s'appuyer pour justifier l'aménagement de quelques centaines de milliers de mètres carrés d'aires commerciales additionnelles ou pour attirer un ou des grands magasins à rayons... "Or, nous savons qu'avec 75% de la population totale du territoire de la capitale nationale, le côté ontarien a plus de facilité à attirer de grands centres commerciaux et les plus grands et les plus importants magasins à rayons".

Je peux vous faire grâce du détail qui suit, mais, selon la SAO, nous avons un potentiel commercial qui est important et qui doit être développé, à condition d'être en mesure d'attirer les grands magasins et davantage le marché des fonctionnaires, incluant évidemment la population touristique. Ce que la SAO aurait pu dire, c'est aussi que ce potentiel ne pourra être exploité que si nous sommes en mesure de concurrencer le côté ontarien avec l'affichage bilingue.

Pour la ville de Hull, le secteur où on peut prévoir la création du plus grand nombre d'emplois dans l'avenir, en dehors des secteurs public et parapublic, est celui du commerce. Nous devons être en mesure de satisfaire et d'attirer cette clientèle qui est identifiée par la Société d'aménagement de l'Outaouais. L'affichage bilingue constitue, à notre point de vue, une reconnaissance de l'intérêt que nous avons pour cette partie importante de la clientèle.

Si nous voulons donner un plus grand essor à notre secteur de commerce, il nous faudra faire preuve d'une certaine tolérance en ce qui concerne l'affichage bilingue, sans remettre en question le caractère français de la ville de Hull, et exercer localement les pouvoirs des heures d'ouverture et de fermeture des établissements commerciaux.

Ce serait là le sens à donner au statut particulier dont devrait bénéficier la ville de Hull en ce qui concerne l'affichage et les heures d'ouverture.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Légère. J'inviterais M. le ministre à prendre la parole.

M. Godin: M. le Président, M. le maire, si vous me permettez, je vais laisser la parole à mon collègue, le député de Hull, de manière qu'avant d'intervenir, nous ayons un portrait... Le vôtre, nous l'avons eu déjà et il est très impressionnant. J'aimerais maintenant avoir l'éclairage lumineux, très certainement, de votre ancien maire, notre collègue, de manière que nous puissions intervenir par la suite seulement, si vous le permettez. Êtes-vous d'accord? Merci. (18 h 45)

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. J'ai pensé qu'en m'approchant du ministre, je pourrais l'éclairer davantage. Je tiens à remercier les autorités municipales de la ville de Hull, le maire et les conseillers qui ont bien voulu se déplacer aujourd'hui afin d'être entendus à la commission parlementaire, de même que le conseiller juridique et le greffier municipal.

Je pense que c'est une suite logique aux nombreuses interventions que la ville de Hull a faites au cours des dernières années, sans se reporter à la loi 22 pour laquelle la ville de Hull avait déposé, à ce moment-là, à l'Assemblée nationale, un mémoire qui traitait déjà du fait français et du comité d'identité hulloise que la ville avait mis sur pied au cours des années 1973-1974. Nous avions alors précédé les politiques énoncées par le gouvernement au niveau de la francisation, tant du point de vue linguistique que des autres points de vue.

La ville de Hull a entériné dernièrement un rapport qui tient compte de certains éléments. On a fait appel et on a utilisé les moyens disponibles pour effectivement demander un statut particulier; on y traitait de différents points. J'ai cru remarquer hier, M. le Président, que la métropole de Montréal a aussi demandé un statut particulier. Je souhaiterais sûrement que l'ensemble du Québec puisse avoir ce statut particulier du gouvernement actuel afin de minimiser l'impact que cela peut créer sur l'économie au niveau de l'éducation et dans plusieurs autres domaines. Si la ville de Hull a cru bon de déposer un mémoire à l'Assemblée nationale, c'est justement à la suite du rapport qu'elle avait préparé et que j'avais déposé aussi à l'Assemblée nationale au mois de mai dernier, qui traitait d'un statut particulier. Je ne traiterai pas des autres points de ce mémoire aujourd'hui étant donné qu'on se limite à la loi 101 et à

la Charte de la langue française. Je pense que c'est un facteur très important. On a parlé à plusieurs reprises d'irritants et je pense que c'est un fait. Il y a plusieurs irritants actuellement dans la loi 101 et plus particulièrement dans l'application de ses règlements.

La ville de Hull est située, comme le maire l'a expliqué tantôt, dans la région de la capitale nationale, à proximité de la frontière ontarienne, où nous sommes doublés d'une population fort importante, et plus particulièrement anglophone, qui, tous les jours, s'échange tant du côté québécois que du côté ontarien depuis que la ville de Hull a bénéficié de l'impact des investissements du gouvernement fédéral. On sait que plus de 20 000 fonctionnaires exercent leur travail du côté québécois et que l'aspect commercial ne semble pas être concurrentiel comme nous le souhaiterions, étant donné que du côté de l'Ontario, plus particulièrement du côté d'Ottawa, avec la venue de centres commerciaux comme le centre Rideau, on y retrouve un affichage totalement bilingue et un personnel des plus compétents au service de la clientèle, qui est aussi bilingue. Ce que nous souhaitons et ce que nous demandons effectivement - et des questions suivront -c'est un peu ce que tous les intervenants ont fait valoir à cette commission, à savoir des modifications, non pas pour abolir, reporter ou éliminer la loi 101, mais pour y apporter les correctifs nécessaires afin d'éliminer ces formes de frustration ou d'irritants qui causent souvent préjudice à des municipalités comme la nôtre, c'est-à-dire une municipalité qui a à vivre près d'une frontière et qui a effectivement bénéficié, au point de vue de l'impact commercial, d'une population anglophone très majoritaire.

M. le ministre, ce sont les points que j'avais à souligner. J'aurai sûrement l'occasion, tantôt, de procéder à certaines questions qui me préoccupent concernant le préambule que le maire... Ou si vous voulez que je le fasse immédiatement.

Le Président (M. Brouillet): Oui, M. ledéputé de Hull. Vous pouvez passer à la période des questions immédiatement, si vous le désirez.

M. Rocheleau: Je vous remercie, M. le Président. Je voulais par contre souligner, pour le bénéfice de cette commission, étant donné que j'ai déjà soumis un rapport assez volumineux à l'Assemblée nationale au mois de mai dernier, que le conseil municipal a adopté il y a environ un mois, un document très important qui traite aussi d'autres éléments. M. le Président, j'aimerais faire allusion à l'Association touristique de l'Outaouais - l'on ne retrouve peut-être pas cela en totalité dans l'un ou l'autre des rapports - qui est un organisme important dans le milieu. Elle est subventionnée à 50 pour cent par le gouvernement du Québec et à 50 pour cent par les entreprises, commerces et associations. Or, elle a produit un document fort intéressant, soit le résultat d'un sondage sur les résidents de l'Outaouais québécois et les résidents ontariens, en ce qui concerne l'aspect touristique. Je veux simplement noter un point relativement important pour le bénéfice du ministre dans l'examen qu'il devra faire et les recommandations qu'il fera au Conseil des ministres et, par la suite, à une commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale. Dans l'Outaouais québécois, à la suite de cette enquête, 85,2% des répondants ont émis des opinions tenant compte que la loi 101 représentait certains désavantages. Je vous ferai grâce de lire toutes les interventions qui ont été faites par l'un et l'autre ainsi que du nombre qui touchaient certains points particuliers, mais 85,2%, c'est un pourcentage assez important qui dénote une certaine forme de frustration ou de mépris à l'égard d'une loi qui est tout à fait justifiable mais dont certains aspects et certains règlements doivent être absolument changés.

J'ose espérer, M. le Président, qu'on pourra tenir compte, dans son ensemble, des modifications qui sont souhaitables pour satisfaire non seulement la ville de Hull mais aussi la ville de Montréal et Côte-Saint-Luc, qui ont accepté de présenter des mémoires. Je les remercie en passant, ainsi que tous les intervenants tant du monde des affaires que de celui des associations qui ont déposé à cette commission des mémoires fort intéressants et fort importants en tenant compte des modifications qui devraient être apportées.

Si nous avons une commission qui siège, M. le Président, c'est sûrement parce qu'il y a des problèmes à l'intérieur de la loi 101 à l'heure actuelle. J'ose souhaiter que nous puissions procéder le plus rapidement possible.

En ce qui concerne les questions, M. le maire, MM. les députés, MM. les représentants de la ville, il y a un point qui m'a particulièrement touché, à la page 4: Nous ne voulons pas devenir une ville où, à long terme, l'élément francophone risque d'être noyé et de disparaître. Au contraire, nous souhaitons qu'il rayonne, qu'il soit accepté et désiré.

Si je me souviens bien de la petite histoire de Hull, qui a été fondée en 1800, je pense qu'on avait un pourcentage d'anglophones beaucoup plus important que celui que nous avons aujourd'hui. Je ne sais pas si vous pourriez situer, pour la commission, la transformation assez radicale que Hull a connue au point de vue de la population au niveau des différentes ethnies.

M. Légère: En fait, vous avez entièrement raison. Au début, la population de la ville de Hull était en majorité anglophone. Aujourd'hui, elle est composée à 95% de francophones.

M. Rocheleau: Alors, M. le maire, la crainte que vous semblez émettre, est-ce ce que c'est une crainte légitime de votre part?

M. Légère: Parce qu'il y a une population formée d'employés du gouvernement fédéral, ensuite, qu'il y a maintenant des personnes du côté de l'Ontario qui viennent s'établir au Québec, à Hull, on entend dire qu'il se pourrait que la ville devienne plus anglophone ou assimiliée. Nous disons non; c'est le contraire qui s'est produit. Nous souhaitons que l'élément de la francophonie rayonne effectivement et qu'il soit accepté et désiré. C'est dans cet esprit qu'on propose qu'il y ait une modification ou des assouplissements à la loi 101 pour que cela devienne de plus en plus acceptable.

M. Rocheleau: Maintenant, M. le maire, on se rend compte d'un phénomène assez particulier, non seulement dans l'Outaouais mais plus particulièrement à Hull. Vous l'avez noté plus tôt et j'aimerais que vous donniez des précisions là-dessus. Le fait que la population de Hull soit en régression, depuis les années soixante-quinze plus particulièrement, est-ce que vous présupposez aujourd'hui que s'il y avait des changements à apporter à la loi 101 ou à certains de ses règlements, une affluence abondante d'anglophones pourrait nous envahir?

M. Légère: Je pense qu'à l'heure actuelle, nous avons déjà une certaine croissance abondante. S'il y en avait qui venaient travailler, cela apporterait certainement de l'eau au moulin. On sait qu'au niveau de l'attrait commercial, présentement, puisque le côté de la ville d'Ottawa présente de plus en plus une attitude de bilinguisme, c'est un peu le contraire qui se produit, c'est-à-dire que nous avons des gens de chez nous qui partent pour aller de l'autre côté. Ce qu'on veut, c'est ouvrir davantage, de sorte que la clientèle qui se retrouve sur le côté ontarien puisse venir chez nous.

M. Rocheleau: Un autre point m'intéresse énormément et cela pourrait peut-être s'adresser au conseiller Pierre Cholette qui a présidé le comité qui a préparé la conception du rapport sur le statut particulier. C'est peut-être un petit peu en supplément, M. le Président, pour mentionner qu'une municipalité n'a pas nécessairement besoin de consulter, d'aller à sa population, soit par voie de référendum ou de plébiscite, pour se présenter à l'Assem- blée nationale et faire valoir ses opinions, apporter des modifications à certaines lois qui peuvent créer certaines contraintes à certains niveaux.

Fait à noter, la ville de Hull consultait la population, en novembre 1982, lors des élections municipales, par voie de référendum, sur les différents éléments que nous traitons aujourd'hui, dont la loi 101. 67% des gens se sont prononcés en faveur d'un statut particulier et demandaient aux autorités municipales de revendiquer, auprès du gouvernement du Québec, des modifications à certains des points qui sont traités à l'intérieur de la question posée à ce moment-là.

On sait que cette forme de consultation ou de référendum a été contestée, entre autres par la Société nationale des Québécois et plus particulièrement par le Parti québécois, qui a placé certaines annonces et fait certaines formes de démagogie lors de ce référendum.

Je pense qu'il serait intéressant, M. Cholette, d'indiquer à cette commission qu'en plus du référendum, lors du processus du rapport que vous avez déposé et finalement adopté, une consultation populaire a été faite auprès des gens, c'est-à-dire que les gens pouvaient être entendus sur les différents points que nous avons traités. J'aimerais vous entendre là-dessus, étant donné que toute la population avait été invitée. J'aimerais que vous nous disiez aussi de quelle façon elle avait été invitée.

M. Cholette (Pierre): M. le Président, M. Rocheleau, mesdames et messieurs, nous avons, comme on l'a dit, conjointement avec l'élection municipale, tenu un référendum sur un mandat qu'on demandait à la population afin de négocier un statut particulier pour la ville de Hull étant donné sa situation géographique par rapport à l'Ontario.

Un des points du référendum concernait des assouplissements à la loi 101, surtout en ce qui concerne l'affichage. Conséquemment, nous avons tenu des audiences publiques pendant plusieurs semaines, à intervalles réguliers, pour recueillir justement les opinions de la population plus précisément sur chacun des quatre points sur lesquels portait le référendum.

Un seul organisme et un seul individu se sont objectés à nos revendications au sujet de la loi 101, tandis que tous les autres organismes approuvaient nos démarches en ce sens. L'organisme qui s'est opposé à tout changement dans l'affichage, c'est la Société nationale des Québécois. Et on voyait récemment dans les journaux que ledit organisme, la Société nationale des Québécois mettait en doute, un an après -parce que cela s'est passé en novembre - la légitimité du référendum et de la question, donc de notre mandat de venir demander un

statut particulier. (19 heures)

Je voudrais faire remarquer à cette commission que, préalablement à la question référendaire, nous avons soumis cette question non seulement à notre conseiller juridique mais aussi à la Commission municipale et au juge Beaulieu, qui nous a donné l'assentiment en disant que c'était une question tout à fait légitime, tout à fait légale et que nous pouvions procéder au référendum. Je pense que le fait de mettre en doute la question référendaire comme telle ne valait pas du tout et ne vaut pas encore aujourd'hui, même un an après.

Comme je vous l'ai dit, tous les organismes que nous avons reçus après le référendum nous ont donné leur consentement pour qu'on procède à la demande d'adoucissements à la loi 101 en ce qui a trait à l'affichage.

M. Rocheleau: Je vous remercie, M. Cholette. C'était simplement pour qu'on tienne compte du fait que ce n'était pas uniquement un sondage que nous avions fait mais qu'il s'agissait d'une consultation qui s'était tenue à l'intérieur de l'élection. Il y a eu suffisamment d'information traitant des différents sujets et les différentes parties ont pu exposer leurs idées à la population, avant que celle-ci puisse donner son accord à une demande faite lors de ce référendum.

M. le Président, je pense que je vais laisser la parole au ministre. J'aurai peut-être un petit commentaire plus tard, si vous le permettez, et peut-être que mes collègues auraient certaines questions à poser.

M. Légère: Je voudrais ajouter un éclaircissement, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Oui, M...

M. Légère: Finalement, quand on parle de la question économique comme telle, par rapport à notre région, on regarde tout le secteur de la haute technologie. A l'heure actuelle, on l'appelle le Klondike parce que c'est là qu'a lieu le grand développement des entreprises de haute technologie. Sur le côté hullois ou le côté québécois, nous n'avons pas d'entreprises de haute technologie, si ce n'est une ou deux petites entreprises. Ce que nous demandons par rapport aux modifications de la loi 101 c'est de s'asseoir avec les représentants gouvernementaux pour y apporter une espèce d'affichage bilingue qui serait acceptable pour faire en sorte que l'élément anglophone, qu'il vienne de Vancouver, d'Halifax ou de n'importe où ailleurs, lorsqu'il vient du côté hullois, se sente dans un endroit qui ne lui est pas complètement étranger. La personne qui vient d'ailleurs, souvent, le côté québécois lui fait un peu peur. Elle n'ose pas s'y hasarder. Nous croyons qu'avec un tel affichage et certainement autre chose, nous pourrions lui démontrer que nous sommes un milieu qui peut être accueillant, intéressant afin qu'elle revienne et qu'au niveau de l'établissement d'une entreprise ce ne soit pas un milieu totalement différent, totalement étranger.

Quant à la question de l'assimilation ou la crainte de perdre, à long terme, notre caractère francophone, nous disons non parce que c'est ce que nous avons de plus important comme élément d'attraction. Nous en sommes de plus en plus conscients à la ville de Hull, surtout vis-à-vis des 3 000 000 de touristes. On pourrait leur dire: Écoutez, venez, il y a un affichage bilingue qui dit qu'il y a une vente, ou des menus affichés dans les deux langues, tout en maintenant la raison sociale francophone. Une fois à l'intérieur vous allez vous apercevoir qu'effectivement cela vaut la peine, c'est intéressant.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Je cède maintenant la parole à M. le ministre.

M. Godin: Merci, M. le Président. Je suis extrêmement impressionné par la volonté qui est manifeste dans votre mémoire de résoudre les problèmes économiques que la ville de Hull doit subir présentement. Vous êtes en compétition avec la capitale nationale, ce n'est pas un mince compétiteur. Le Klondike, comme vous le dites, ou ce qui s'appelle dans certains journaux et revues de la région la "Silicone Valley" canadienne draine effectivement énormément de gens vers la région de la capitale fédérale et cela met le Québec et la ville de Hull, notre partenaire privilégié dans la région, face à un défi immense - il faut bien employer ce mot - parce que non seulement est-ce une ville frontalière avec tout ce que cela peut signifier, mais c'est une ville qui est collée sur la capitale du Canada.

Du côté du Québec, vous savez que des efforts ont été faits. Je pense entre autres à la Société d'aménagement de l'Outaouais, je pense au projet Mont-Sainte-Marie - qui n'est pas à Hull précisément, mais qui peut constituer une espèce d'aimant touristique dans la région, un attrait touristique - il y a des projets économiques considérables aussi, entre autres, le projet CITUF, qui est dans la Gatineau, projet de développement du bois.

Il y a donc parallèlement, au Klondike, du côté ontarien, du côté du Québec, dans les comtés de Hull et de Gatineau une réflexion économique qui se fait, qui est très avancée, qui est très poussée et qui se fait avec les élus locaux - comme vous êtes -avec les gens de tous les partis et avec le gouvernement à chacun des ministères

concernés, pour arriver à ce que Hull et la région avoisinante soient un pôle d'attraction. Maintenant, vous me dites que la ville de Hull est en croissance démographique, que la population...

M. Légère: J'ai dit que nous étions en décroissance démographique, M. le ministre.

M. Godin: En décroissance?

M. Légère: Oui, nous avions une population de 65 000 qui maintenant est rendue, selon certaines statistiques, à approximativement 56 000.

M. Godin: À 56 000.

M. Légère: II y a évidemment une partie de notre population qui est déménagée du côté d'Aylmer ou du côté de Gatineau, mais nous avons aussi une forte population qui est déménagée du côté ontarien.

M. Godin: Donc, il y a un exode - si on peut employer ce mot - ou une mobilité vers trois points: vers Gatineau, vers Aylmer et vers Ottawa. C'est cela?

M. Légère: Oui, c'est cela.

M. Godin: En même temps, vous dites aussi qu'il y a quand même un certain nombre d'Ontariens qui se sont implantés à Hull.

M. Légère: Oui, au niveau de la construction, nous assistons à une certaine reprise et nous nous apercevons qu'il y a un début de retour, mais ce n'est pas à un rythme qui va compenser pour la décroissance que nous avons subie.

M. Godin: Donc une reprise dans le domiciliaire.

M. Légère: Oui.

M. Godin: Depuis combien d'années ce phénomène d'arrivée d'Ontariens...

M. Légère: C'est tout récent, M. le ministre, c'est seulement depuis que la ville de Hull permet, par exemple, des exemptions de taxes pendant trois ans...

M. Godin: D'accord.

M. Légère: ...et dans ce cas jusqu'en 1989, avec l'aide du gouvernement du Québec.

M. Godin: Corvée-habitation, par exemple.

M. Légère: C'est exact.

M. Godin: Ce phénomène d'entrée de nouveaux citoyens québécois venant de l'Ontario à Hull date de quelques mois seulement aussi ou s'il est un peu plus ancien?

M. Légère: II est tout récent. M. Godin: Tout récent? M. Légère: Tout récent.

M. Godin: Donc, il est trop tôt pour en mesurer l'impact, la portée et l'avenir à ce moment-là.

M. Légère: Non et d'ailleurs, par rapport au nombre total d'habitations qui auraient été construites, ce n'est pas tellement élevé. Je pourrais vous fournir les chiffres plus précis.

M. Godin: D'accord.

M. Légère: Mais c'est qu'il y a eu un exode très important de notre population et, à l'heure actuelle, si on tient compte un peu des autres éléments qui ne sont pas inscrits, dans le cadre de la loi 101 vous allez les retrouver. On parle, entre autres, de la fiscalité, mais effectivement il y a un exode qui est très important.

M. Godin: On parlera de la fiscalité quand le livre vert de M. Parizeau sera déposé. D'accord?

M. Légère: Exactement.

M. Godin: Vous serez sûrement les bienvenus pour une deuxième fois à Québec. Oui, M. Légère?

M. Légère: Tout à l'heure, vous avez dit: II y a des éléments importants de développement où effectivement le gouvernement du Québec indique que notre région est une région un peu privilégiée. Je voudrais porter à votre attention que, par exemple, en ce qui concerne Hydro-Québec, à l'heure actuelle, on assiste à un démantèlement des cadres administratifs en faveur de Saint-Jérôme. Nous avons l'Université du Québec qui, à l'heure actuelle, devrait s'établir davantage. Nous avons une autoroute qui n'est pas encore complétée pour nous lier avec la région de Montréal et nous avons une faculté de droit civil qui se trouve du côté ontarien plutôt que du côté du Québec.

M. Godin: C'est à l'Université d'Ottawa?

M. Légère: Oui.

M. Godin: D'accord. Ce que je peux

vous dire personnellement c'est que, après avoir discuté avec mes deux collègues, le ministre du Commerce extérieur, Bernard Landry, qui était jusqu'à tout récemment le ministre parrain de votre région, et avec Mme Pauline Marois, qui est la nouvelle, il y a...

M. Rocheleau: Marraine?

M. Godin: Pardon?

M. Rocheleau: Parrain, marraine.

M. Godin: Je ne le sais pas. Enfini Elle s'en occupe, disons.

Effectivement, il y a une réflexion qui se fait dans la région, à laquelle sont associés des membres du gouvernement et les députés. Le mémoire soumis d'ailleurs à l'Assemblée nationale par votre député fait son chemin au sein de la réflexion gouvernementale. Il y a plusieurs aspects qui devraient être touchés pour arriver à l'objectif visé, si je comprends bien. La loi 101, puisque c'est ce dont on parle ici...

Une voix: C'est un élément.

M. Godin: ...n'est qu'un des aspects dans la mosaïque d'interventions que vous souhaitez, entre autres, les heures d'ouverture, pour que ce soit en harmonie et même bénéfique au Québec ou plus favorable au Québec qu'en Ontario, s'il y a moyen, j'imagine. La taxe sur l'essence est aussi un facteur et il y en a d'autres qui seront abordés dans le cadre d'une réflexion plus globale. Pour ce qui touche la loi 101, je vais de mon côté réfléchir à votre suggestion. Je vous ferai par ailleurs part de ma crainte. Vous répétez à plusieurs reprises dans votre mémoire - c'est même un leitmotiv, comme on dit dans l'opéra wagnérien - que vous voulez que le caractère français soit maintenu, mais que le meilleur moyen d'attirer les gens vers le caractère français, c'est en mettant un peu de bilinguisme dans l'affichage. Cela servirait un peu comme une mouche pour le saumon, pour les amateurs de pêche. On attire les gens avec quelque chose et quand ils sont rendus, on les fait se rendre compte que c'est le français qui est la caractéristique...

M. Légère: C'est un des éléments.

M. Godin: Pardon, monsieur? Excusez-moi, M. Cholette.

M. Cholette: Je ne peux m'empêcher de faire une réflexion.

M. Godin: Ah: Allez-y.

M. Cholette: C'est aussi beaucoup du point de vue économique qu'on veut les attirer. Si on demande l'affichage bilingue dans les commerces, c'est pour pouvoir offrir aux 20 000 ou 15 000 anglophones qui viennent quotidiennement chez nous, qui ont des heures de loisirs pendant la journée, des services et des biens dans leur langue. C'est pour cela qu'on parle d'affichage temporaire, pour des soldes et ces choses-là, mais c'est entendu que par ricochet les gens vont être de plus en plus mêlés à la chose française, à la francophonie, à la langue française s'ils magasinent chez nous, s'ils fréquentent les restaurants et les établissements chez nous. Mais pour qu'ils puissent entrer, pour les inviter à entrer, il faut quand même qu'ils sachent ce qu'on a à offrir dans leur langue. C'est ce qu'on demande.

M. Godin: D'accord, mais je voudrais poser une question à vous ou à M. le maire. Ces 20 000 personnes, c'est assez récemment, au fond, qu'elles ont été implantées ou transplantées chez vous. Cela fait quelques...

M. Légère: Le processus s'est développé depuis 1971.

M. Godin: Avez-vous l'impression qu'elles se considèrent, qu'elles agissent, économiquement ou autrement, au point de vue des loisirs, comme des gens de passage ou si la tendance est plutôt de prolonger leur séjour dans votre ville pour des raisons de loisirs, pour des raisons d'achat, de consommation ou autres?

M. Légère: II y a une évolution, M. le ministre. J'étais en 1971 un de ceux qui travaillaient avec le ministère de l'Environnement et nous avons traversé du côté québécois. Au début, il y avait une réticence à se mêler à cette nouvelle population et à utiliser les services, que ce soit les services de la restauration ou les autres services commerciaux. On s'est aperçu que maintenant certains commencent à les utiliser davantage. Au lieu d'attendre une période de douze ans comme celle de 1971 à 1983, je crois qu'on pourrait l'accélérer en faisant en sorte que cela devienne davantage accueillant. Lorsqu'on passe, par exemple, devant un établissement commercial, s'il n'est pas possible d'afficher le menu bilingue dans la vitrine, souvent on sait que c'est un restaurant, mais si on regarde et on ne comprend pas, on passe tout droit. Comprenez-vous?

M. Godin: Je vous ferai remarquer, M. le maire, que les menus sont bilingues en vertu de la loi 101.

M. Légère: Oui, mais on ne peut pas les afficher à l'extérieur.

M. Godin: Je pense que cela devrait être corrigé. Je note votre suggestion.

M. Légère: Dans le cas, par exemple, d'un salon de coiffure, à l'heure actuelle, on ne peut pas afficher à l'extérieur les différentes coupes. Il faut que ce soit en français. À ce moment-là, la personne passe. Ici, c'est un salon de coiffure, mais je ne sais pas s'il y a telle catégorie de coupe... C'est indiqué en français et elle ne comprend pas. Alors, elle passe tout droit. Ce qu'on souhaiterait, c'est que finalement il y ait des accommodements semblables qui puissent se faire pour que, tranquillement, on arrive à les insérer à l'intérieur de notre milieu, pour qu'elle le découvre et que, par la suite, elle dise que réellement c'est bon, que ce n'est pas si mauvais qu'on peut l'avoir entendu dans bien des endroits. (19 h 15)

J'ai vécu un peu à Vancouver et Halifax et lorsque nous arrivons comme Québécois ou francophones, nous sommes considérés comme une espèce d'animal rare parce qu'on n'en voit pas tous les jours. Ils en entendent parler de nous, par la radio, par la télévision, par les journaux et finalement en se frottant un peu à nous, ils constatent que nous sommes des gens comme tout le monde avec une culture un peu différente qui vaut la peine d'être vécue. Dans l'Outaouais québécois, on voudrait aussi pouvoir transmettre ce message-là, par exemple, aux 3 000 000 de touristes qui viennent. Nous nous apercevons que seulement 2% à 3% viennent à l'heure actuelle. Pourquoi? Remarquez bien, ils nous regardent parce qu'ils vont sur la colline parlementaire et se disent que l'autre côté, c'est Hull, c'est effectivement francophone. Tout de suite, il y a une espèce de crainte à traverser. Nous voudrions pouvoir leur dire: Venez, vous découvrirez un monde que vous pourrez apprécier. De sorte qu'ils pourront retourner avec un goût de la francophonie, un goût du Québec. C'est pour cela que nous demandons qu'il puisse y avoir des accommodements qui nous permettront de réussir à atteindre ce but.

M. Godin: Je vous assure de la collaboration du gouvernement et je termine en vous donnant un renseignement que vous devriez transmettre à nos amis de Hull où nous savons que dans toute la région - y compris la région ontarienne - c'est là que nous trouvons le meilleur restaurant, la fameuse maison "Burger", connue, peut-être pas mondialement mais pancanadiennement. Les menus peuvent être affichés à l'extérieur dans les deux langues. Alors, ceux qui ne les affichent qu'en une seule langue sont autorisés par moi-même, le ministre responsable de la loi 101, à leur dire qu'ils peuvent afficher leur menu...

M. Légère: Est-ce qu'on pourrait...

M. Godin: ...en deux langues à compter de demain matin.

M. Légère: Ce qui signifie, M. le ministre, que cet élément-là pourrait peut-être se traduire, par exemple, au niveau de la coiffure.

M. Godin: Nous reparlerons de cela le 15 novembre.

M. Légère: Oui. Ce qu'on veut un peu vous laisser comme message, c'est que par rapport à la ville de Hull, nous croyons effectivement avoir un rôle à remplir pour tout le Québec. Moi, j'ai fait une communication avec tous les maires sur l'idée que nous soyons une vitrine où l'on pourrait entrer et ensuite poursuivre. Et d'emblée, tous les gens acceptent cette idée-là. Il faudrait la matérialiser. À ce moment-là, il faudrait que nous le fassions aussi avec le gouvernement du Québec et c'est la raison pour laquelle nous voudrions nous asseoir pour déterminer une programmation qui nous permettrait de remplir cela.

M. Godin: M. le maire et vos conseillers, c'est pour cela que nous vous avons écoutés. Merci beaucoup.

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre.

Je donnerais la parole à M. le député de Neiligan. Je crois que vous l'aviez demandée.

M. Lincoln: Très brièvement, j'aimerais poser une petite question et ensuite faire une remarque.

Vous ne parlez pas des différentes facettes de la loi 101. Est-ce que la clause Canada est un réel problème pour vous du fait que le Québec ne reconnaisse pas aujourd'hui la clause Canada par rapport aux gens de l'Ontario qui pourraient venir travailler à Hull et s'y installer?

M. Légère: C'est une question que nous ne nous sommes pas posée.

M. Lincoln: Vous n'avez donc pas pris position à ce sujet.

M. Cholette: M. le Président, j'aurais quelque chose à ajouter. Au cours des discussions qui ont précédé le référendum et de celles qui ont suivi, nous avons bien précisé que nous ne voulions pas, à titre de conseil municipal, nous embarquer dans la discussion sur la langue d'enseignement, préférant laisser cela aux gens qui sont dans le monde de l'enseignement. Je peux peut-être ajouter un commentaire qui est sans

doute partagé par plusieurs d'entre nous, c'est que la clause Canada serait souhaitable, je pense, pour la langue d'enseignement étant donné - comme M. le maire le disait plus tôt - les possibilités d'amener des industries de haute technologie, entre autres, dans notre région où nous avons des parcs industriels qui s'y prêtent. C'est un irritant de plus dont on parlait au début. Maintenant, dans notre mémoire - et c'est pour cela que nous avons volontairement omis d'en parler -c'est que lors du référendum, nous voulions nous attarder au statut particulier de la ville de Hull au point de vue économique.

Le Président (M. Brouillet): Bien, merci, M. Cholette.

M. Lincoln: Une dernière chose que j'aimerais ajouter. Ce qui m'avait frappé, c'est que la ville de Hull a demandé un statut particulier, je sais, au point de vue économique mais aussi incluant la loi 101. Il y a eu aussi la ville de Montréal qui a parlé d'un statut particulier, ainsi que Côte-Saint-Luc qui a demandé, dans un certain sens, la suspension du chapitre IV qui parlait...

M. Godin: ...du Québec dans son entier et le Québec dans son entier, il y a quelques années - M. Ryan peut vous le dire - on ne l'a jamais eu.

M. Lincoln: ...d'un genre de statut particulier. Les Cris ont demandé un statut particulier. Peut-être que cela devrait être un petit son de cloche qui ferait penser au ministre que beaucoup de gens demandent un statut particulier. Vous devriez peut-être appliquer cela à tout le Québec.

M. le ministre, un dernier mot.

M. Godin: Ce sera un statut général... M. Lincoln: Oui, justement.

M. Godin: ...qui satisfera tout le monde.

M. Lincoln: Justement, cela devrait être pensé. Une dernière petite remarque, M. le ministre. Je n'ai pas pu m'empêcher de le remarquer lorsque vous avez parlé de l'affichage comme une mouche pour le saumon. Cela m'a fait un peu mal parce que nous venions d'écouter les gens de l'Estrie et ceux d'Alliance Québec; peut-être que pour eux c'est plus qu'une mouche pour le saumon. L'affichage bilingue n'est pas un appât. Ils ont demandé cela comme une question symbolique, une question philosophique qui tient aux tripes, quelque chose qui fait une représentativité d'une réalité québécoise. J'espère que c'était un mot malheureux, j'espère que l'affichage bilingue, pour vous, n'est pas une mouche pour le saumon. Si c'est vraiment une mouche pour le saumon, rien ne changera. J'espère donc que ce n'était pas vraiment votre pensée.

M. Godin: M. le Président...

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Godin: II s'agit là d'un échange poétique et, comme exégète de la poésie, j'ai vu mieux que vous.

M. Lincoln: D'accord.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Ce ne sera pas long, M. le maire. M. le député de Hull a parlé du référendum et du résultat: 67% pour. Lors du référendum, 55% des gens se sont déplacés pour aller voter à l'élection municipale. Ce qui me surprend, c'est qu'il y a seulement 42% de la population qui s'est prononcée. Il y a un écart de près de 13%. Pourquoi ces gens-là, en même temps qu'ils votaient pour une chose, n'ont-ils pas voté pour l'autre?

D'autres questions, afin que vous puissiez répondre globalement. Je voudrais avoir les questions, si c'était possible de nous les faire parvenir. On me dit qu'il y avait cinq questions et que celles-ci n'étaient pas séparées pour que le citoyen puisse voter sur chacune des questions. Il fallait voter globalement. On nous dit aussi que, parmi les questions, il y en avait qui étaient difficilement réfutables, c'était vraiment dans l'orientation des citoyens. Je voudrais savoir si c'est vrai. Je ne veux pas en faire une affirmation. Si oui, je voudrais, si possible, recevoir copie des cinq questions qui ont été posées sur lesquelles les citoyens ont été obligés de se prononcer globalement.

M. Légère: Nous pourrons, sans problème, vous remettre le libellé de la question de même qu'un exemplaire du formulaire. Dans le document que nous vous avons remis - il est à la page 2 - vous trouvez les attendus et la résolution. Finalement, pour ce qui est de la question, la voici: Êtes-vous d'opinion de confier au prochain conseil municipal le mandat de demander au gouvernement du Québec d'accorder à la ville de Hull un statut particulier à l'intérieur de la région de la Capitale nationale du Canada? Ce statut particulier s'appliquerait aux domaines suivants: 1, 2, 3, 4, 5.

Pour ce qui est de la question des 42% par rapport aux 55%, c'est parce que la loi relative au référendum fait en sorte que les occupants ne pouvaient pas voter. Vous aviez 38 000 personnes susceptibles de voter lors

de l'élection elle-même et 33 000 personnes qui étaient susceptibles de pouvoir voter sur la question référendaire. Vous avez donc un dénivellement d'environ 5000 personnes.

M. Laplante: Elles ont donc été obligées de voter une seule fois sur les cinq questions.

M. Légère: Oui.

M. Laplante: Pas séparément.

M. Légère: C'est en rapport avec le principe, par rapport à chacun des éléments de la question.

M. Laplante: Je vous remercie, M. le maire.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Je cède la parole à M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Dans une étude démographique qui a été faite par un des experts du Conseil de la langue française, on dit qu'il y a eu une certaine évolution dans la région chez vous qui serait de nature à constituer une raison de prudence en matière d'assouplissements relatifs à la loi 101. M. Paillé a fait une étude pour le Conseil de la langue française. M. Castonguay en a fait une aussi, mais celui auquel je fais allusion, ce n'est pas lui. Je voulais vous parler de lui aussi. M. Paillé recommande que, dans le cas de la région de l'Outaouais, le gouvernement ou l'Assemblée nationale, préférablement, procède avec une prudence spéciale étant donné que la tendance démographique n'est pas tout à fait dans la même direction qu'ailleurs au Québec. Il y aurait une tendance vers un accroissement du poids relatif de l'élément anglophone. Vous nous avez dit tantôt que, à Hull, la proportion des francophones est de 95%.

M. Légère: Oui, 95%, M. Ryan.

M. Ryan: Avez-vous des données pour la région plus large?

M. Légère: Pour la population d'Aylmer, la population anglophone est d'approximati-vement 45% à 48%. Il y a là aussi une régression dans le sens que la population anglophone antérieurement était supérieure.

Sur le côté de Gatineau, je crois qu'on parle d'environ 83% de population francophone. Je ne pourrais pas vous citer les chiffres concernant le passé, mais...

M. Ryan: Puisque vous en avez parlé, M. Castonguay a des perspectives plutôt pessimistes; il sert des avertissements assez sévères. Êtes-vous porté à souscrire à son interprétation des données et statistiques ou si...

M. Légère: Je vais vous répondre personnellement, M. Ryan, dans le sens qu'on doit être optimiste vis-à-vis des éléments qui nous entourent. La population de l'Outaouais est une population en grande majorité francophone qui veut avoir des liens encore plus intenses avec le reste de la province et qui veut aussi pouvoir promouvoir la culture francophone. Dans ce sens, on développe un sentiment de fierté et, plus nous sommes fiers d'une culture, moins nous craignons l'assimilation. Au contraire, nous levons la tête et nous nous promenons...

M. Ryan: Je vais juste compléter ma question par une autre. Le rapport de M. Paillé concluait finalement, en gros, que la clause Canada pour l'ensemble du Québec ne créerait pas de problème, mais que, dans le cas de la région de l'Outaouais, cela pourrait constituer un danger. Si le gouvernement allait prendre une décision de cette nature en disant: On institue la clause Canada dans l'ensemble du Québec, sauf dans la région de l'Outaouais et en particulier dans la région immédiate de Hull, quelle serait votre réaction?

M. Légère: Ce serait un statut particulier.

M. Ryan: Dont vous ne voudriez pas. Est-ce que vous le souhaiteriez?

M. Légère: Personnellement, je ne crois pas que ce soit un problème si nous avons une communauté qui est forte; et je pense que la communauté de la ville de Hull est une communauté forte, qui est capable d'absorber ces éléments additionnels.

M. Ryan: Alors, vous ne souhaitez pas ce genre de statut particulier; ce n'est pas celui que vous demandez, en tout cas.

M. Légère: Non.

Le Président (M. Brouillet): Je crois que M. Cholette aurait quelque chose à ajouter.

M. Cholette: Oui, juste pour ajouter un élément de réponse au député d'Argenteuil. Nous en avons parlé un peu plus tôt: la ville de Hull, il y a 100 ans, était constituée de 90% d'anglophones et, cette année, nous en sommes rendus à 95% de francophones. Donc, en dedans de 100 ans, nous avons complètement renversé les statistiques et ce, pour la majorité des 100 ans, sans institution culturelle valable dans la ville de Hull. Depuis ce temps, nous avons ajouté le cégep, l'Université du Québec, le Théâtre lyrique, le Théâtre de l'île et une foule d'institutions

qui nous aident à préserver notre culture et à la faire progresser.

Les alarmistes, nous en parlons dans notre rapport: nous ne sommes pas prêts à souscrire à cette théorie, surtout quand on connaît les allégeances de M. Castonguay, qui est très près de la Société nationale des Québécois. C'est pour cela que je me demande pourquoi on a attaché tant d'importance à ses relevés statistiques.

Le Président (M. Brouillet): Merci. M. le maire, avez-vous un mot à ajouter? (19 h 30)

M. Légère: Je voudrais tout simplement ajouter que la ville de Hull, de même que celles de Gatineau et d'Aylmer, se situe dans un milieu où nous avons une population d'approximativement 700 000 anglophones. Nous sommes 183 000. Si nous ne nous donnons pas une fierté vis-à-vis de notre culture et ces éléments, il est possible que les pessimistes puissent avoir raison, mais, jusqu'à maintenant, nous assistons au contraire. Au niveau des éléments culturels, la ville de Hull - remarquez bien que ce n'était pas moi qui était maire à l'époque -s'est dotée d'instruments qui sont uniques au Québec, comme le Théâtre de l'île, et je dois lever mon chapeau devant M. Rocheleau dans ce domaine. Effectivement, à l'heure actuelle, nous avons des gens d'un peu partout qui viennent et qui participent au Théâtre de l'île. Nous avons la Maison du citoyen qui devient un instrument pour démontrer à la population anglophone qu'il existe une communauté francophone qui mérite d'être connue. Je ne partage pas les vues pessimistes. Disons à notre population: Vous avez un mandat. Vous avez une responsabilité. On vous donne les moyens, que ce soit par l'Université du Québec, que ce soit par une route qui nous relie à Montréal, et faites en sorte que vous en soyez fiers. Il n'y aura pas cette assimilation dont on parle maintenant.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Je crois que tout le monde a pu poser des questions et obtenir les réponses désirées. Pour les mots de la fin, j'inviterais le député de Hull et M. le ministre.

M. Rocheleau: M. le Président, je tiens à remercier le maire de Hull, ses conseillers ainsi que le greffier et le conseiller juridique de la ville qui ont bien voulu accepter d'être entendus en commission parlementaire concernant particulièrement la loi 101 et ce qui vous préoccupe davantage au niveau de l'économie du milieu, c'est-à-dire l'affichage. J'ose souhaiter que les revendications que la ville de Hull a faites dans ce domaine seront retenues et que des recommandations viendront dans les plus brefs délais de la part du ministre responsable ainsi que de son gouvernement.

En terminant, je veux féliciter le conseil municipal de Hull d'avoir exercé dans l'Outaouais cette forme de leadership qu'on a toujours connue, c'est-à-dire de prendre avantage de commissions comme celle-ci pour revendiquer pour l'ensemble de l'Outaouais des mesures particulières afin d'aider non seulement la population, mais tout l'essor économique du milieu.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Godin: Messieurs, le dynamisme du Québec tient au dynamisme de ses régions et je me réjouis de voir à quel point vous avez à coeur que la région de Hull soit une locomotive pour l'ensemble du Québec. Comptez sur nous pour mettre du charbon dans la fournaise - pour ne plus utiliser l'image de la mouche - pour que la locomotive Hull roule à grande vitesse le plus tôt possible vers le développement économique le plus inespéré qu'on puisse attendre. Merci beaucoup, M. le maire.

Le Président (M. Brouillet): Je remercie...

M. Légère: M. le ministre...

Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi.

M. Légère: ...lorsque vous viendrez à Hull, nous pourrons commencer à consommer cela chez Mme Burger.

M. Godin: Merci.

Le Président (M. Brouillet): Je remercie tous les invités ainsi que les membres de la commission pour leur collaboration. Nous ajournons les travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 19 h 33)

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