L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente des communautés culturelles et de l'immigration

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente des communautés culturelles et de l'immigration

Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 3 novembre 1983 - Vol. 27 N° 161

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur la Charte de la langue française


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente des communautés culturelles et de l'immigration se réunit afin de poursuivre l'audition des mémoires et d'entendre tous les intervenants intéressés par la Charte de la langue française.

Sont membres de cette commission: M. Ryan (Argenteuil), M. Paré (Saint-Hyacinthe), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Fallu (Groulx), M. Godin (Mercier), M. Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), M. La-plante (Bourassa), M. Leduc (Fabre), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Ciaccia (Mont-Royal).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Sirros (Laurier), M. Brouil-let (Chauveau), M. Payne (Vachon), M. Gauthier (Roberval), Mme Bacon (Chomedey), M. Martel (Richelieu), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Fortier (Outremont), M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Oui, M. le député de Laurier?

M. Sirros: C'est pour vous aider dans la prononciation de mon nom, M. le Président. Ce n'est pas "Xerox", c'est Sirros. Cela fait une semaine que je me retiens.

Le Président (M. Gagnon): Vous auriez dû me le faire savoir plus tôt. Merci beaucoup.

M. Godin: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: ...est-ce que je peux demander que soit ajouté, comme intervenant, le nom de mon collègue, le député de Bourget et ministre de l'Éducation, M. Camille Laurin?

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Gratton: II n'y a pas de problème, M. le Président.

M. Godin: Alors, ceci étant dit, M. le Président, avec l'accord de la commission, je vais laisser ma place à mon collègue, le député de Bourget et ministre de l'Éducation, pour l'avant-midi. D'accord, M. le Président?

Le Président (M. Gagnon): C'est d'accord? Oui, je pense.

M. Godin: Merci.

Une voix: Est-ce qu'il y a consentement?

Le Président (M. Gagnon): Il y a consentement.

L'ordre du jour, ce matin, est le suivant. Nous recevrons la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes du Québec, The Provincial Association of Catholic Teachers, The Voice of English Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec et le Groupe d'action municipale.

J'aimerais inviter immédiatement le premier groupe à prendre place à la table, c'est-à-dire la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal. En vous souhaitant la bienvenue, je vous demanderais, s'il vous plaît, de présenter les gens qui vous accompagnent, M. Butler.

Commission des écoles protestantes du Grand Montréal

M. Butler (Alan): Mr. President, Mr. Minister, Members of the parliamentary commission, may I introduce, first, the representatives of the Protestant School Board of Greater Montreal who are with me here today. Starting on the right is Mr. Tom Blacklock, our responsible member for planning and our expert on enrolment figures; next are Dr Lawrence Patterson, my vice-chairman, Mr. Marcel Fox, my director general, and Mr. Ron Paterson, the Board's coordinator of communications.

I will begin by saying that the brief which we have submitted, as its name implies, is brief, direct and precise. Its aim is to be objective, positive and sincere. It has three distinct parts and it deals respectively with our demographic problems, the human and pedagogical problems inherent in our school system and our administrative problems, all stemming from the strict and rigid implementation of the Charter of the French language.

The merits of the Charter of the French language are put in doubt through the intransigeant nature of the rules, regulations, directives and instructions resorted to in

order to insure its implementation. The demographic statistical data submitted speak for themselves. They confirm what we have always stated, namely that the English-speaking school population is decreasing drastically, much more drastically than the French-speaking school population. The rate of decrease in the enrolment of the English language school sector has doubled since the implementation of the linguistic laws in the Province of Québec.

When The Protestant School Board of Greater Montreal first released its demographic data, several years ago, predicting a strong decline in enrolment in the English language sector, we were laughed at and accused of being defeatist. Opinions have changed since and today, our concern is beginning to be shared by many. We believed in our figures then, we believe in them now, and we continue to believe in them because they have proven to be extremely accurate.

The future is of genuine concern to us. We are seeking remedies in order to rectify the situation. It appears that many human and pedagogical problems do arise; yet upon closer scruting, it could be concluded that many of them are utterly unfounded. They could therefore be easily avoided if the Government authorities would condencend to be more leniant, more flexible, less intransigeant.

For the Government, the law is the law. It must be applied at all cost and on the strength of this principle, it is indeed applied stringently and most rigorously. Great care is taken by the Government not to appear conciliatory in any way, because it is feared that any apparent sign of goodwill will immediately be construed as being a sign of inherent weakness.

In its objective, namely the promotion of the French language, the law pursues a noble aim. However, it is ruthless in the manner in which it is being presently implemented. Upon closer analysis of the human and pedagogical problems resulting from the implementation of the law, some of which are mentioned in our brief, one becomes aware that the promotion of the French language, however worthy the cause, is in itself really sponsored in a spirit of vengeance. It is felt that the implementation of the law is spiteful.

The purpose seems to be a wish to impose rather than to convince, a wish to dominate rather than to cooperate. Thus, for instance, the concession granted to the education sector to be able, in certain cases, to provide instruction in the English language is spoiled by the strict requirements imposed on those who would seek such instruction. The examples submitted in the brief are explicit; they deserve to be studied. The amendments we propose are reasonable; they deserve to be considered.

In the realm of school board administration, the effects of the law are striking and damaging. They lead to organizational stress, affect adversely the morale of the personnel and definitely cause decreased job satisfaction. The administrative measures proposed for implementation are illogical and absurd in many ways. It is useless to insist that correspondence exchange between administrators who work in the school sector wherein the language of instruction is English be in French even though, in most of the cases, correspondence will have to be translated into English.

Is it really too much to ask that we be intrusted to fulfill the task that we have been given to do? The Board's goal of graduating bilingual pupils is being attained. The progress may appear slow, but it is a steady progress based on an evolutionary human process of regeneration. We ask for certain changes; we shall not abuse them. On the contrary, we will make use of them to the best of our ability to achieve the purposes intended: a better understanding of French culture and goodwill between the two linguistic communities.

Mr. Fox will present, on our behalf, to you a series of amendments which the Board proposes for your consideration.

M. Fox (Marcel): Merci, M. Butler. Vous avez tous reçu le mémoire que nous avons soumis. Je n'insisterai pas sur la partie A, bien que je sache d'avance qu'il y aura beaucoup de questions là-dessus après. J'aborderai la section B en vous signalant quelques-uns des amendements que nous aimerions voir apporter à la loi. Je n'en souligne que quelques-uns pour ne pas retarder la présentation, mais je vous indique que tous les amendements proposés sont d'égale importance à notre avis.

Le premier amendement proposé est à la page 8. Il est recommandé que la loi 101 soit modifiée afin d'accorder le droit à l'enseignement en anglais à tous les enfants dont les parents étaient domiciliés au Québec le 26 août 1977, date d'entrée en vigueur de la loi 101, quelle que soit la langue dans laquelle ceux-ci avaient accompli leur scolarité.

Le deuxième amendement proposé serait que la loi 101 devrait être modifiée de façon à permettre à tout élève, arrivé au Québec après le 26 août 1977, de recevoir l'enseignement en anglais si la majeure partie ou une grande partie de sa scolarité ou de celle de ses parents s'est déroulée en anglais.

Le troisième amendement proposé serait que la loi 101 devrait être modifiée de façon à permettre la prise en compte de l'enseignement secondaire, aussi bien que de l'enseignement primaire pour déterminer si la majeure partie ou une grande partie de la

scolarité d'un élève ou de ses parents a été accomplie en anglais.

Je passe à la page 10 en vous demandant de regarder le premier amendement sur cette page. Il faudrait ajouter à la loi un article permettant aux frères et soeurs des enfants présentant des difficultés d'apprentissage ou des enfants qui se trouvent dans des situations particulièrement difficiles d'obtenir des certificats d'admissibilité, ceci afin d'éviter de diviser certaines familles.

Le deuxième amendement sur la même page: la loi devrait être modifiée pour permettre d'interjeter appel dans tous les cas. Ceci ne se fait pas en ce moment.

Le troisième amendement: pas d'appel autorisé en cas de délai exagéré du ministère ou du refus de prendre une décision. La loi devrait être modifiée afin de permettre aux parents faisant appel d'une décision du ministère de se faire entendre s'ils le désirent. L'audition des parents devrait avoir lieu dans la circonscription judiciaire dont ils relèvent. Ils n'ont pas le droit d'appel à l'appel.

Je m'en vais au bas de la page 11. L'amendement qui y est proposé se lit: La loi 101 devrait être modifiée de façon à ce que tout élève fréquentant une institution relevant du ministère des Affaires sociales, en raison de problèmes graves ou d'infirmité, devrait être exempté des exigences de la loi 101 et ne devrait pas être astreint à faire une demande de certificat d'admissibilité.

Je tourne à la page 14 tout de suite et vous indique le dernier amendement que je souligne particulièrement: La loi devrait être modifiée pour permettre à un organisme scolaire d'être remboursé de tous les frais entraînés directement ou indirectement par l'application des dispositions de la loi 101.

Avec ceci, j'aborderai la section C en vous donnant, là aussi, un résumé puisque je suppose que vous avez tous lu le mémoire et que je n'ai pas besoin de lire tout le texte. En ce qui concerne la correspondance, je pourrai résumer cela comme suit: nous demandons plus de latitude quant à la langue à utiliser dans la correspondance administrative.

En ce qui concerne les procès-verbaux et autres documents, chaque fois que ce sera requis nous ferons la correspondance en français. Les procès-verbaux, les extraits, les résolutions, les documents devraient pouvoir être soumis dans leur langue d'origine. Ceci est une requête économique et non point une requête linguistique en fin de compte. J'estime que, si la correspondance qui accompagne les documents est en français et donne un résumé succinct de ce qui est soumis, il est inutile de faire traduire tous les autres documents qu'on doit joindre pour considération.

En ce qui concerne les inégalités financières, je dirai simplement qu'il faudrait assurer l'allocation de fonds requis pour répondre aux exigences légales imposées. Ceci est d'autant plus vrai pour des organismes qui ont des budgets fixes et qui sont financés par l'État sur le même pied que les autres organismes auxquels ces exigences ne sont pas imposées.

Situation difficile des membres du personnel. Ceci est un chapitre très douloureux, d'une part, car dans le secteur de la langue anglaise il y a certainement le fait que la loi est source de tensions internes et ces tensions internes affectent le moral du personnel et gâtent le goût au travail. J'aimerais ajouter que nous réclamons plus de souplesse et de liberté. Il est essentiel qu'un personnel anglophone soit à même d'offrir des services en anglais à l'intérieur du secteur anglophone chaque fois que leur besoin se fait sentir.

La compétence linguistique et la compétence professionnelle - je ne vous dis rien de neuf - ne vont pas toujours de pair. En cas de nécessité, un choix judicieux devrait pouvoir s'exercer. Si la compétence professionnelle l'emporte sur la compétence linguistique, il faudrait la prendre en considération, ce que la loi ne permet pas pour le moment.

Un point très important qui a fait l'objet d'un échange de correspondance entre moi et M. Godin sous bien des rapports, c'est le transport scolaire. Je vous lis le passage que vous avez à la page 17: Pour des mesures de sécurité, les conducteurs d'autobus dans le secteur anglais doivent être capables de s'exprimer en anglais. Ceci est particulièrement important dans le secteur de l'adaptation scolaire. C'est surtout dans ce secteur que nous le demandons. La commission tient à avoir l'assurance qu'elle a légalement le droit d'exiger - je mets l'emphase sur exiger - des entrepreneurs que les chauffeurs d'autobus scolaires dans le secteur anglais soient capables de s'exprimer en anglais. Nous n'avons pas le droit de l'exiger, mais nous avons le droit de le demander. Nous ne pouvons pas l'assurer.

Les inscriptions d'écriteaux et surtout l'identification des écoles. Je dirais simplement que l'identification d'une école reflète la langue de l'enseignement qui s'y donne.

En ce qui concerne les tests de l'Office de la langue française, surtout pour les élèves, je crois qu'il y a des pourparlers en cours à ce sujet. Pour nos élèves qui suivent des cours intensifs de français, nous demandons, s'ils ont réussi leurs examens finals, qu'ils soient exemptés du test de l'Office de la langue française. En effet, si la compétence linguistique d'un élève est reconnue et récompensée à juste titre, cela ne fera qu'encourager l'étude du français comme langue seconde dans le secteur anglophone.

J'aimerais donc conclure avec cela.

Nous sommes ouverts à la discussion.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Je cède la parole au ministre de l'Éducation, M. Camille Laurin.

M. Laurin: Merci, M. le Président. D'abord, bonjour au CEPGM. Je suis très heureux de les voir à cette table. Leur mémoire est, comme l'a dit le président, bref, direct et, en dépit de sa brièveté, couvre un très grand nombre de points dignes de questionnement et d'intérêt. Évidemment, il est tellement large qu'il est difficile de commenter chacun des quinze ou seize amendements proposés dont les uns couvrent des matières législatives, d'autres des matières réglementaires et d'autres des matières administratives.

Je peux, cependant, assurer la commission que non seulement le mémoire qu'elle nous a présenté a été lu avec attention, mais que nous continuerons à l'examiner pour décider, sur chacun des points qui sont soulevés, les mesures les plus aptes à atteindre les objectifs de la politique linguistique aussi bien que nationale du Québec en ces matières. Je m'excuse à l'avance si, dans mes commentaires, je ne peux pas couvrir toutes les matières qui ont été abordées, mais ceci ne diminue en rien l'attention et l'intérêt que nous continuerons à apporter à l'étude de chacune des propositions qui nous sont faites.

Comme d'habitude - cela se comprend -la CEPGM base une bonne partie de ses propositions d'amendement sur la situation du secteur scolaire anglophone et, en particulier, sur des données démographiques. Évidemment, c'est une base absolument indispensable qu'on ne peut pas négliger, car il faut partir des faits. Cependant, les données démographiques qu'on nous présente aujourd'hui ne rejoignent pas tout à fait les nôtres ou elles ne sont pas toujours mises dans une perspective plus globale susceptible d'éclairer les données démographiques particulières qu'on nous présente aujourd'hui. (10 h 30)

Par exemple, la CEPGM fait état d'une baisse de 47,5% de ses effectifs entre 1970-1971 et 1983-1984. Elle précise également que, de 1966-1967 à 1975-1976, il y a eu une baisse de 22% et, de 1977-1978 à 1982-1983, une baisse de 30,3%. Cependant, si on met en parallèle les réductions de clientèle à la CECM et à la CEPGM, on a une vision un peu plus équilibrée des choses. On constate, par exemple, que, de 1970-1971 à 1982-1983 il y a eu une baisse de clientèle de 46,4% à la CEPGM, mais de 51,4% à la CECM. Donc, la CECM a perdu beaucoup plus de clientèle avant la loi 101. Elle en a perdu un peu moins depuis la loi 101, mais, sur 13 ans, elle a perdu 5 points de plus que la CEPGM. On peut donc conclure que les conséquences des pertes d'effectifs dont parle la CEPGM, en page 7, ne lui sont pas propres. Comme elle, la CECM a dû réduire son personnel enseignant, administratif, pédagogique et autre. Et les deux commissions ont procédé à des fermetures d'écoles.

Quant à l'avenir de la CEPGM, je pense qu'il y a ici des comparaisons à faire qui peuvent être assez éclairantes. Les effectifs de la CEPGM ont baissé de 35,3% lors des 6 premières années d'application de la loi 101, mais dans les 6 prochaines années - selon le rapport qui vient d'être publié par le Conseil scolaire de l'île de Montréal - les prévisions montrent une baisse de 20,2%; donc de 15% de moins qu'au cours des 6 années antérieures. En chiffres absolus, cela ferait, par exemple, une baisse d'effectifs, de 1976-1977 à 1982-1983, de 17 600 et, de 1982-1983 à 1988-1989, de 6600. Il est donc vrai de dire que la CEPGM connaîtra un déclin supérieur à celui de la CECM qui, elle, ne devrait perdre que 11,8% de ses effectifs d'ici 1988-1989. Mais, pour l'ensemble de la période 1970-1971 à 1988-1989, les deux plus importantes commissions scolaires du Québec auront connu les mêmes pertes relatives, soit 57,3% à la CEPGM et 57,1% à la CECM.

Je pense qu'il est important aussi de mettre en lumière la composition des clientèles de la CEPGM. Par exemple, on sait qu'en 1982-1983 les langues maternelles des écoliers inscrits à la CEPGM se répartissaient ainsi: les francophones 8,5, les anglophones 60,8 et les allophones 30,7. Donc, près de 4 écoliers sur 10 n'étaient pas de langue maternelle anglaise. Les statistiques révèlent aussi que près de 80% des allophones que compte le Québec étudiaient au secteur anglais, ce qui est, encore une fois, une réverbération de la situation encore plus marquée en ce sens qui existait en 1976 et qui faisait que la minorité anglophone, tout en étant une minorité, avait un pouvoir d'attraction de loin supérieur à la majorité francophone. C'est, d'ailleurs, une des raisons fondamentales pour lesquelles la charte du français a été instaurée et particulièrement son chapitre VIII sur la langue de l'enseignement, pour rétablir un équilibre en raison d'une situation qui s'avérait de plus en plus désavantageuse, nocive, pour ne pas dire dangereuse, pour le secteur francophone.

La baisse du secteur anglais est réelle, elle sera réelle au cours des années qui viendront. Encore une fois, je tiens à faire remarquer que la CECM a connu des déclins à peu près identiques au cours des deux lustres qui viennent de s'écouler.

Sur cette base, il importe donc de réévaluer les amendements qui nous sont proposés, particulièrement en ce qui concerne leur teneur ou leurs répercussions démographiques. Je n'entends pas, encore une fois,

prendre trop de temps de la commission pour faire une étude détaillée en ce sens, mais je pourrais quand même dire que les cinq premiers amendements qui nous sont proposés et qui s'appuient sur les données démographiques en question aboutiraient à réinstaurer une liberté de choix de la langue d'enseignement quasi totale par toutes sortes de biais ou de mesures et ce, prenant effet dès l'adoption de la Charte de la langue française en 1977.

Cela veut dire que, si nous acceptions ces amendements, nous effacerions non pas complètement, mais en grande partie les effets que la loi 101 a connus au cours des six dernières années. Sur la base des calculs que nous avons faits, ceci aboutirait à retourner à l'école anglaise, au moment où on se parle, près de 30 000 écoliers de plus que ceux qui s'y trouvent à l'heure actuelle, ce qui aurait permis au secteur anglophone d'augmenter ses effectifs de près de 15,1%. Il est difficile pour nous d'accepter un retour à cette clause universelle, car c'est précisément le but que nous poursuivions en 1977 de rétablir l'équilibre, comme je le disais tout à l'heure, et surtout de faire que le français, langue majoritaire au Québec, puisse acquérir davantage l'importance qu'il aurait toujours dû avoir au Québec.

Les quatrième et cinquième propositions d'amendements qui nous sont présentées sont aussi basées sur des données démographiques, bien qu'elles touchent des cas plus spécifiques comme les cas d'enfants en difficultés d'apprentissage. Il nous semble, en tout cas, que, si nous acceptions les quatrième et cinquième amendements qui portent sur ces sujets, on n'ajouterait pas grand-chose, car les écoliers visés par ces deux propositions se qualifieraient autrement à l'école anglaise étant donné que les trois premières propositions donnent le libre choix à tous les résidents, à tous les citoyens qui vivaient au Québec au 26 août 1977 et à leurs descendants. Encore une fois, c'est là une clause universelle des plus larges possible.

Je ne veux pas m'étendre trop longuement là-dessus, mais, pour le bénéfice des membres de la commission, M. le Président, j'aimerais déposer cette étude démographique que nous avons faite sur la base des propositions de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal.

Le Président (M. Brouillet): Très bien.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on pourrait en avoir des copies, M. le Président?

Le Président (M. Brouillet): Oui, nous allons faire faire des photocopies et les distribuer aux membres de la commission.

M. Laurin: II y a d'autres amendements qui nous sont proposés et qui appellent, je crois, d'autres commentaires. Par exemple, on nous demande de modifier les tests que fait passer actuellement l'Office de la langue française pour les professionnels qui veulent exercer au Québec. Vous vous rappellerez, messieurs, que, dès l'adoption de la loi en 1977, nous avions dit que les articles touchant ce sujet dans la loi n'auraient qu'une existence temporaire. Nous avions voulu régler le problème suivant: à l'époque, un bon nombre de professionnels ayant fait leurs études dans les écoles, les collèges ou les universités anglaises ne pouvaient pas "servir" leurs clients en français, soit parce que le français n'avait pas été enseigné d'une façon adéquate dans les écoles ou parce qu'il n'était pas enseigné du tout dans les collèges ou dans les universités, avec cette conséquence que le droit incontestable des Québécois de langue française, qui forment la majorité, à recevoir des services professionnels en français n'était pas respecté. Nous avions dit à l'époque: II faudrait que le secteur anglophone augmente, améliore l'enseignement du français dans les écoles anglaises en particulier, puisque c'est là un enseignement de base. Nous avions dit que, lorsque des mesures auraient été prises en ce sens et lorsque le Québec serait absolument assuré que les professionnels diplômés de nos collèges et universités du Québec pourraient adéquatement répondre ou traiter les demandes de leur clientèle en français, nous ne voyions aucune raison de maintenir cette obligation, car l'objectif que nous visons est un objectif de droit, un objectif démocratique et, une fois qu'il serait atteint, il n'y aurait plus de raison de maintenir une exigence comme celle-là.

Je pense que nous avons fait beaucoup de progrès à cet égard depuis six ans. L'enseignement du français s'est grandement amélioré dans les écoles anglaises: d'abord, par les programmes d'immersion primaire et d'immersion tardive dont M. Fox vient de parler et aussi par une amélioration des programmes, puisque nous avons révisé tous nos programmes de l'enseignement du français, langue seconde; en raison aussi de l'intérêt que la population anglophone prend de plus en plus à l'enseignement du français au Québec; en raison également d'un mouvement de plus en plus marqué de plusieurs parents anglophones qui ont décidé d'inscrire leurs enfants à l'école française. Donc, je pense que nous avons fait beaucoup de progrès en ce sens.

Incidemment, j'aimerais dire que nous avons fait la même chose du côté francophone. Nous avons révisé tous les programmes de l'enseignement de l'anglais, langue seconde et nous espérons que ces améliorations feront en sorte que les Québécois dans un proche avenir puissent maîtriser la langue seconde, soit l'anglais

pour les francophones, soit le français pour les anglophones, afin que les citoyens du Québec puissent connaître les deux grandes langues qu'ils doivent connaître, celle de leur pays, le Québec, et aussi celle du Canada, celle du continent. C'est là un objectif sur lequel nous travaillons.

Avons-nous fait suffisamment de progrès pour que nous puissions maintenant laisser tomber cette obligation que nous avions inscrite dans la loi? Il y a des signes très positifs à cet égard et nous sommes prêts à réexaminer la question et à prendre des décisions appropriées à cet égard, que nous pourrons annoncer dans un très proche avenir.

Quant aux autres amendements qui nous sont proposés, je voudrais dire quelques mots sur ceux qui nous sont proposés pour les élèves relevant du ministère des Affaires sociales, c'est-à-dire les enfants qui souffrent de difficultés d'apprentissage. Comme vous vous le rappelez, à la suite de demandes qui nous avaient été faites à l'époque, nous avons prévu une exemption pour les enfants qui souffrent de difficultés d'apprentissage. Nous avons établi un règlement à cet égard et les statistiques nous informent qu'un bon nombre d'élèves en ont bénéficié, près de 2000, je crois. Est-ce qu'il y a lieu d'aller plus loin? Encore une fois, nous allons examiner la question, mais je voudrais tout de même émettre une remarque à cet effet. Il faudrait que le lien entre les difficultés d'apprentissage que présente un enfant et l'utilisation de la langue, anglaise dans le cas, soit peut-être mieux établi que ce n'est le cas à l'heure actuelle. Autrement, il faudrait en conclure que, dès qu'un enfant présente une difficulté d'adaptation et d'apprentissage, cela constitue une raison suffisante pour aller étudier à l'école anglaise. Cette démonstration n'a pas toujours été faite dans les 2000 cas qui ont été traités à l'heure actuelle. Il faudrait peut-être prévoir, dans l'avenir, si nous modifions ce règlement, qu'une adéquation soit mieux établie entre la demande qui est faite d'aller au secteur anglais et la difficulté d'apprentissage en question. Mais, encore une fois, nous pourrons étudier cette question au mérite dans les semaines qui viennent.

M. le Président, pour le moment, j'aimerais autant me limiter à ces remarques. (10 h 45)

Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre.

J'inviterais le député d'Argenteuil à prendre la parole.

M. Ryan: M. le Président, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le mémoire préparé par la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal. C'est un mémoire qui contient beaucoup d'indications précises sur des aspects concrets de la loi 101 ayant donné lieu à des difficultés d'interprétation et d'application ces dernières années. Nous aurons l'occasion d'y revenir tantôt. Il est opportun de souligner ce caractère très pratique des considérations qui nous sont soumises par le Bureau des écoles protestantes du Grand Montréal.

Avant de soulever des questions précises, je voudrais revenir quelque peu sur les considérations que vient de faire le ministre au sujet de l'évolution des effectifs dans le réseau scolaire de l'agglomération de Montréal en particulier. Tantôt, le ministre faisait des comparaisons: il partait des données du Bureau des écoles protestantes du Grand Montréal; il le comparait avec la Commission des écoles catholiques de Montréal. Mais ce ne sont pas des réalités qu'on peut assimiler purement et simplement, parce qu'il faut tenir compte des effectifs de langue française et de langue anglaise dans chacun de ces deux organismes. Si on fait une analyse plus minutieuse des données relatives à l'évolution des dernières années, on n'est pas conduit aux constatations ou aux conclusions qu'a voulu suggérer le ministre tantôt. J'ai fait des calculs rapides, en écoutant le ministre parler, à partir d'un document dont personne ne récusera la solidité et le bien-fondé. C'est une étude qui a été faite par le Conseil scolaire de l'île de Montréal sur l'évolution des effectifs dans le réseau scolaire de Montréal au cours des treize dernières années; l'étude est également accompagnée de projections quant à l'évolution qu'on peut prévoir pour les prochaines années.

Quand on regarde l'ensemble des données, je pense qu'il y a une constatation qui s'impose avec force: il y a eu une diminution radicale des effectifs étudiants dans les écoles de langue anglaise, tant protestantes que catholiques. Au niveau primaire, au cours des dernières années et en particulier au cours des trois dernières années, l'évolution a été très marquée dans le sens d'une diminution plus prononcée des effectifs inscrits encore une fois aux écoles primaires de langue anglaise, tant catholiques que protestantes, par comparaison avec les écoles françaises. Je pense que c'est la donnée majeure qui se dégage de l'évolution des dernières années. On peut contourner cela par tous les moyens qu'on voudra, mais on ne pourra pas changer ce fait de base.

Quand on regarde les perspectives d'avenir, je crois que nos invités conviendront aussi que nous semblons devoir aller vers un certain plateau de stabilité. Si je regarde les chiffres que nous présente le Conseil scolaire de l'île de Montréal, je constate qu'au cours des cinq prochaines années, il continuera de se produire une chute assez accentuée des effectifs étudiants

dans les écoles de langue anglaise au niveau secondaire. C'est assez compréhensible vu que les lois linguistiques ont commencé à s'appliquer au niveau des entrées dans les écoles aux niveaux préscolaire et primaire. Au cours des prochaines années, la descente continuera dans les écoles secondaires. Par ailleurs, les chiffres que j'ai colligés rapidement ce matin indiquent qu'au niveau des écoles primaires, il semble que nous allions vers une certaine stabilisation qui n'entraînerait pas tellement de différence au cours des cinq prochaines années. On voit un plateau se profiler quelque part, qui reste évidemment très bas par rapport à ce qu'on a connu autrefois, mais il me semble que c'est une donnée dont on doit tenir compte pour apprécier l'avenir.

Dans cette perspective, je voudrais vous dire, en ce qui touche les premières recommandations contenues dans votre mémoire au sujet des critères d'admission à l'école anglaise, je voudrais vous rappeler que la position du Parti libéral du Québec consiste, pour l'avenir immédiat, à favoriser l'application de la clause Canada. Il nous semble que, au moins, l'application de la clause Canada permettrait de respirer un peu. Toutes les études qui ont été faites... Je pense que le ministre de l'Éducation a dû prendre connaissance de l'étude du démographe Paillé, faite pour l'Office de la langue française. Dans cette étude, M. Paillé conclut que l'application de la clause Canada ne comporterait aucun danger de mort ni même de recul pour le fait français au Québec.

C'est le point sur lequel nous n'avons cessé d'insister au cours des dernières années. Nous le faisons de nouveau ce matin; nous le faisons chaque fois que nous en avons l'occasion finalement. Je voudrais vous dire que cela, c'est notre position. Nous trouvons que si, au moins, cette barrière était levée, cela permettrait d'envisager l'addition d'un certain nombre d'effectifs chaque année qui viendraient compenser relativement cette chute vraiment radicale. Quand on parle de chute, c'est bien beau de faire des comparaisons, mais le gouvernement n'est peut-être pas conscient des répercussions dramatiques que ces changements ont parmi le personnel qui se consacre à l'éducation. Nous en avons discuté amplement au cours de la dernière année. Je crois que c'est souligné dans le mémoire du bureau des écoles protestantes. C'est très important de se rendre compte, si les choses continuent d'évoluer comme elles l'ont fait, que le moral des institutions d'enseignement et du personnel qui se consacrent professionnellement ou bénévolement à la gestion de la chose scolaire sera extrêmement affecté, de manière extrêmement préjudiciable aussi pour le bien de l'éducation. Ce sont des considérations qui s'imposent et dont je souhaite que le gouvernement voudra bien tenir compte.

Je voudrais vous poser une première question au sujet des effectifs, pour que les choses soient bien claires, car cela n'est pas indiqué très clairement dans votre mémoire. Pourriez-vous nous indiquer où vous en êtes au point de vue des effectifs de langue française et des effectifs de langue anglaise et nous indiquer la courbe d'évolution qui a été suivie au cours des... Vous prenez l'année 1970 comme base de comparaison. Où en êtes-vous depuis lors au point de vue des effectifs français? Je vais ajouter la deuxième question à ce sujet tout de suite. J'aimerais que vous nous donniez des précisions sur les effectifs en ce qui touche l'immersion française.

M. Fox: En ce qui concerne l'effectif du secteur français, il est absolument à la hausse. Nous avons une augmentation dans le secteur protestant de langue française. Vers 1970 - je le demanderais à M. Blacklock - le chiffre total en français était de 974. Non? D'accord; Je vois. Je vous donnerai les chiffres et vous pourrez les avoir en détail. Je me souviens très bien qu'en 1970, nous avions au total moins de 1000 élèves dans le secteur secondaire et un peu plus de 1000 élèves parmi les 1200 élèves dans le secteur élémentaire, donc au primaire, comme nous le disons de nos jours. Ceci fait à peu près 2000 élèves dans le secteur français. De nos jours, nous avons 7000 élèves dans le secteur français. Le nombre des écoles a augmenté aussi. Nous avons sept écoles élémentaires de langue française et deux écoles secondaires, maintenant, de langue française.

L'augmentation cette année, dans le secteur de langue française, était de 1200 élèves alors qu'il y avait une diminution dans le secteur de langue anglaise.

M. Ryan: Pourriez-vous me donner la répartition? Parmi les 7000 élèves, combien sont au primaire et combien sont au secondaire?

M. Fox: De nos jours? M. Ryan: Oui.

M. Fox: De nos jours, nous avons au primaire à peu près 4900 élèves - comme je vous l'ai dit, on pourrait vous transmettre ces chiffres exacts - et le reste des élèves sont au secondaire, c'est-à-dire un peu plus de 5000 élèves.

M. Ryan: Et au primaire? Je m'excuse parce qu'il y a des chiffres à la page 6 de votre mémoire, M. Fox.

M. Fox: Oui.

M. Ryan: Vous dites que les effectifs des écoles primaires anglaises en 1983-1984 sont de 11 417, n'est-ce pas?

M. Fox: Oui, primaires anglaises. M. Ryan: Oui, c'est cela. M. Fox: Oui.

M. Ryan: Et vous en auriez 4900 à vos écoles primaires françaises.

M. Fox: Oui.

M. Ryan: Est-ce possible que vous ayez le tiers de vos élèves au primaire qui seraient dorénavant dans des classes françaises?

M. Fox: Ce sont là les effectifs des écoles primaires anglaises.

M. Ryan: Oui.

M. Fox: 11 417.

M. Ryan: Oui. Et vous dites...

M. Fox: Et nous en avons à peu près 4900 dans le secteur français.

M. Ryan: Cela veut dire que vous auriez le tiers de vos élèves du niveau primaire qui seraient de langue française.

M. Fox: Pour le moment, oui.

M. Ryan: Je pense que c'est une constatation majeure à...

M. Fox: Nous avons une augmentation nette du côté français, oui.

M. Ryan: Une constatation qu'il faut enregistrer et qui est très importante. Par conséquent lorsque vous parlez de ces choses, vous ne parlez pas seulement au nom d'une population étudiante anglophone. Vous parlez de plus en plus au nom d'étudiants qui sont aussi francophones, n'est-ce pas?

M. Fox: Oui. Et pour rester là-dessus, je pourrai vous indiquer que, sur les 11 417, nous en avons à peu près 20% dans l'immersion française.

M. Ryan: 20%.

M. Fox: 20% de ces 11 000 sont dans l'immersion française. Nous considérons les élèves de l'immersion française comme étant des élèves du secteur de langue anglaise parce que l'immersion est considérée comme un programme de langue seconde intensifié. N'oubliez pas que 20% de ces élèves dans les trois premières années scolaires reçoivent 100% d'instruction en français, de leur propre choix.

M. Ryan: Juste une...

M. Fox: Je m'excuse. Une espèce de liberté de choix à l'intérieur du secteur de langue anglaise.

M. Ryan: Juste une question. Une sous-question à propos de l'immersion. Il m'est arrivé ces jours derniers de rencontrer des éducateurs du secteur protestant. Certains qui oeuvrent dans le secteur de l'immersion m'ont dit que cette partie de votre travail ne reçoit pas, de la part du gouvernement, toute la reconnaissance et la considération que vous souhaiteriez. Est-ce fondé?

M. Fox: Oui, c'est fondé. Nous ne recevons aucun fonds spécial pour l'immersion. Nous avons l'immersion depuis 1967 et nous n'avons jamais reçu de fonds spécial pour l'immersion, sauf en ce qui concerne un fonds spécial de recherche qui est financé par le ministère de l'Éducation de façon à étudier l'impact que l'étude intensive de la langue seconde peut avoir sur la langue maternelle. Mais c'est simplement un fonds de recherche qui s'élève à environ 50 000 $ à 60 000 $ au cours de certaines années; c'est plutôt donné pour le développement professionnel. Nous n'avons jamais eu de considération financière spéciale en ce qui concerne l'implantation des programmes d'immersion.

M. Ryan: Je vais passer à d'autres aspects maintenant. Il y a l'admission des enfants à l'école anglaise. Vous demandez des élargissements à la loi. Je vous ai fait part tantôt de ma réaction en ce qui concerne la clause Canada. Vous dites que vous avez toutes sortes de difficultés, que les parents des élèves qui voudraient être admis à l'école anglaise ont toutes sortes de difficultés en ce qui concerne la reconnaissance des études des parents en langue anglaise, par exemple. Pourriez-vous nous donner quelques explications additionnelles là-dessus?

M. Fox: M. Ryan, vous devez vous rendre compte que certains de ces parents... Je dirais que c'est une vraie course à l'obstacle pour être admis dans le secteur de langue anglaise. Il fut un temps où il était simple d'être admis à l'école. Vous apportiez votre certificat de naissance ou votre bulletin d'immigration et on vous inscrivait. On te disait: Tu vas dans cette classe et tu commences à étudier. De nos jours, il faut le certificat de naissance, la preuve de scolarité, des papiers qu'il faut chercher et que certains parents ne peuvent produire.

Dans certains cas, il faut aller loin, regarder dans les archives. Je vous mets au défi de me montrer votre bulletin de notes de la première année scolaire. Moi, je ne l'ai plus. Dans certains cas, il faut même produire ces documents pour pouvoir justifier une admission à l'école anglaise. Je sais que c'est pour empêcher un afflux trop fort - je comprends cela - mais tout se règle par règlement et c'est ce qui est vexant. (11 heures)

M. Ryan: Si je comprends bien, vous demanderiez que les normes devant régir l'admission des enfants à l'école anglaise soient davantage définies dans la loi plutôt que les abandonner au seul jugement discrétionnaire des bureaucrates et des hommes politiques du gouvernement.

M. Fox: Que ce qu'il faut pour se présenter à l'école soit clairement indiqué dans la loi, que ceci s'applique à tout le monde, que la question soit réglée une fois pour toutes. Si vous avez des règlements, des instructions, tout cela peut changer et les interprétations mêmes des règlements peuvent changer.

M. Ryan: Est-ce qu'il est arrivé des cas, à votre connaissance, où des parents, à cause de toutes ces difficultés bureaucratiques, se seraient vu à toutes fins utiles infliger des délais ou même des dénis de justice?

M. Fox: Oui, je dirai des délais. Certains parents étaient très frustrés du fait que le comité d'appel a pris une décision sans même qu'ils sachent que leur cas serait considéré, puisqu'ils n'ont pas le droit d'être présents lors de la décision du cas. Naturellement, il y a beaucoup de frustration. Il faut l'avoir vécu pour le comprendre. Je dis, pour être honnête, que cela s'est amélioré de beaucoup. Je vous dis pourquoi cela s'est amélioré de beaucoup. Il nous a fallu créer un service des inscriptions à la commission scolaire qui nous coûte de 80 000 $ à 100 000 $ par année seulement pour rectifier et arranger toute la paperasse administrative qu'il faut remplir.

Quand vous avez des parents ou un père de famille qui pleurent dans votre bureau, ce n'est pas très rassurant, je peux vous le dire. Ce sont surtout, dans bien des cas, des influences psychologiques. Si nous revenons en arrière et que nous demandons qu'il y ait un effet rétroactif, je vous dirai franchement que bien des parents ne prendraient pas la liberté du choix dans ce cas et laisseraient leurs enfants dans l'école où ils sont. Le seul fait d'avoir un relâchement aurait des répercussions psychologiques salutaires dans le milieu. Dans bien des cas, cela pourrait aussi régler certaines questions des élèves illégaux qui existent encore.

M. Ryan: À propos de la commission d'appel, vous avez plusieurs recommandations.

M. Fox: Oui.

M. Ryan: Je voudrais vous poser quelques questions. D'abord, il y a eu de nouvelles nominations il y a quelque temps. Je pense que cela s'est fait au cours de l'été - si mes souvenirs sont bons - après des retards prolongés. Est-ce que vous aviez été consultés au sujet de ces nominations? Est-ce que les milieux d'enseignement protestants avaient été consultés au sujet de ces nominations?

M. Fox: Pas que je sache.

M. Ryan: Est-ce que c'est le témoignage des autres membres de la délégation?

M. Fox: Non.

M. Ryan: D'accord. J'ai entendu dire qu'au début de la présente année scolaire, il y avait encore une accumulation de cas qui n'avaient pas été tranchés par la commission d'appel. On a parlé d'environ 200 cas. Normalement, pour qu'on se comprenne bien, les parents vont faire l'inscription ou la tentative d'inscription de l'élève vers les mois de février et mars. À ce moment-là, s'ils sont refusés par le bureau d'admission du gouvernement, ils ont un droit d'appel.

M. Fox: Oui.

M. Ryan: Est-ce que cela veut dire que, lorsqu'on parle de 200 cas, ce seraient des parents qui auraient soumis une demande d'admission dès le printemps ou l'hiver dernier et qui se seraient retrouvés au mois de septembre sans avoir de décision autre que celle du bureau d'admission?

M. Fox: Oui.

M. Ryan: C'est cela que cela veut dire.

M. Fox: Oui, c'est cela. Les 200 cas ne concernent pas seulement notre commission scolaire.

M. Ryan: C'est entendu.

M. Paterson (Ron): De temps en temps, cela prend jusqu'à six mois pour régler les cas.

M. Ryan: Cela veut dire que l'année scolaire est commencée à ce moment-là.

M. Paterson (Ron): Trois mois au

bureau et trois mois à l'appel.

Le Président (M. Brouillet): J'aimerais intervenir. Les autres membres de la commission peuvent aussi s'exprimer quand cela leur conviendra. C'est votre choix.

M. Ryan: Vous n'avez pas eu connaissance que le gouvernement ait jamais défini des règles concernant la procédure à suivre pour l'examen des cas d'appel. Il y a un article de la loi, qui est l'article 80, qui donne au gouvernement le pouvoir de statuer sur la procédure à suivre. Vous dites que les parents ne sont pas invités à témoigner, qu'ils n'ont pas d'assistance juridique. Dans ces cas-là, vous demandez qu'ils soient munis d'une certaine aide juridique. Est-ce que vous pourriez donner des précisions sur la manière dont cela se passe?

M. Paterson (Ron): On les aide à préparer une demande à la commission d'appel. Cette demande est présentée à la commission d'appel, mais on ne leur demande pas d'être là comme témoins. C'est cela qu'on demande, on demande qu'ils soient là comme témoins quand ils ont reçu une décision négative du bureau.

M. Fox: On ne leur demande pas de présenter leur cas, en d'autres mots. Le cas est étudié théoriquement.

M. Ryan: Un dernier point. Vous parlez plus loin des conditions spéciales que vous devez avoir comme organisme de langue anglaise, surtout si le projet de loi 40 devait se réaliser. Vous dites que ce ne peut pas être les mêmes règles que pour un organisme ordinaire. Le ministre des Communautés culturelles a déjà dit à la commission qu'il entendait faire des recommandations au gouvernement dans le sens des voeux que vous émettez. Par conséquent, je ne vous interroge pas là-dessus, non pas par manque d'intérêt, mais en voulant indiquer clairement que, si des élargissements sont apportés à ce sujet-là, cela serait une grosse amélioration par rapport à la situation qui semblait devoir survenir au début de 1984.

M. Fox: D'ailleurs, M. Laurin, le ministre de l'Éducation, a souligné - et moi-même je l'ai dit - que la question des élèves en immersion et la reconnaissance de leur compétence linguistique est en pourparlers. Je crois qu'il y aura là des solutions qui se présenteront.

M. Ryan: Un dernier point. Avez-vous fait le calcul de tout ce qu'a entraîné pour la présente année l'application de la loi 101 dans votre organisme, en comptant les frais de traduction, les frais d'assistance aux parents qui veulent inscrire leurs enfants à l'école anglaise? Est-ce que vous avez des renseignements complets à ce sujet-là?

M. Fox: Je pourrai vous fournir des chiffres à ce sujet-là. Je vous dirai franchement qu'en ce qui concerne la traduction, nous avons de 80 000 $ à 100 000 $ en frais par année; en ce qui concerne l'inscription, nous avons des frais de personnel qui représentent environ 80 000 $ à 90 000 $ par année. Ce sont des chiffres généraux, mais je pourrai vous donner ces chiffres en détail. L'assistance aux parents est bénévole; naturellement, elle prend du temps. Je ne parle pas du coût de changement de tous les affichages, des enseignes d'école, ce qui nous a d'ailleurs causé bien des problèmes. Je dois dire - je vais être honnête là-dessus - que le ministère de l'Éducation nous a accordé une certaine allocation pour changer les enseignes des écoles, mais celle-ci ne couvre que le tiers des frais encourus dans ce domaine. Les parents insistent pour que l'enseigne anglaise reste et, de ce fait, nous devons donc refaire une enseigne française; comme l'enseigne française doit dominer l'enseigne anglaise, il faut enlever l'enseigne anglaise pour mettre l'enseigne française et rajouter l'enseigne anglaise; si vous cassez une lettre de l'enseigne anglaise, il faut refaire le tout.

Je trouve qu'il s'agit là de chicaneries inutiles parce que je ne vois aucune objection à ce qu'on indique clairement que Lachine High School est Lachine High School, un point c'est tout. C'est là que se donne l'enseignement en anglais et automatiquement, si nous transformons une école anglaise en école de langue française, nous devons, pour les parents, changer le titre de l'école et le franciser. Cela se fera progressivement. Il y a cette hantise à ne pas vouloir faire apparaître des enseignes anglaises ou alors à rendre cela aussi difficile que possible du point de vue économique.

Le Président (M. Brouillet): Merci.

Tantôt, je n'ai pas donné l'occasion à nos invités de réagir brièvement aux commentaires du ministre. Je pourrais vous donner l'occasion d'intervenir avant de passer à des questions d'un autre membre de la commission.

M. Fox: Je comprends très bien. J'aimerais bien que la commission des écoles protestantes reçoive l'étude démontrant les statistiques qui viennent d'être soumises; nous ne les avons pas vues.

J'insiste une fois de plus sur le fait qu'il y a environ six ou sept ans, lorsque nous avons publié nos statistiques, on s'est moqué de nous en disant que nous étions des défaitistes. Même M. Côté, qui a produit le rapport souligné par M. Ryan, n'était pas

d'accord avec nos pronostics. Aujourd'hui, ses statistiques rejoignent les nôtres. Nous croyons en nos chiffres et je crois que M. Tom Blacklock peut se défendre la-dessus; il peut vous faire des révélations en ce qui concerne les prochaines années.

Would you like to indicate what will happen in 1989?

Mr. Blacklock (Tom): Mr. Chairman, as we approach 1990, we are really very concerned because the difference in performance between the anglophone population and the francophone population, the comparisons that were made by Dr Laurin take an entirely different direction. Mr. Ryan, I think, did refer to the Island counts or projections and I believe that it needs to be reinforced, at least from our point of view.

During the period from 1982 to 1988, the elementary population of francophones on the Island of Montreal will increase by 4%. During that same period of time, between 1982 and 1988, the population of anglophones will decrease by 20,5% in addition to the decrease we have now. If you look at the secondary level between 1982 and 1988, the francophone population will decrease by 11,2%. During that same period, the anglophone population in the secondary schools will decrease by 47,7%.

If you look ahead into 1988 to 1990-1993, the francophone secondary population having gone through the decrease of 11% in the eighties will have increased in that five-year period by 5%, but the anglophone population at the secondary level will have declined by another 14%. So, if we look to 1990 and beyond, the anglophone population -on the Island of Montreal at least - will have decreased to the point where the school system will be very very small indeed. It is difficult to make projections, obviously, that far ahead but if you do it on the basis of today's environment, it probably would mean that the anglophone schools as served by the PSBGM would be decreased, at the elementary level, to 6000 and perhaps the secondary population to that same size, 6000 or something. So, the comparison between the anglophone and francophone populations, even during the past 3 years, the comparison in decline has been similar, but it begins to take on an entirely different format now.

There is another observation which I do not think lends very much to solving the problem that concern us over Bill 101; nevertheless, Dr Laurin did make some comparisons between the francophone population decline and the anglophone population decline on the Island of Montreal during the past few years. There is one distinction that I think ought to be pointed out, which is that both populations declined radically because of the change in the birth rate, but the other things that led to the decline have to do with population migration, emigration, Bill 101 and so on. In terms of the decline relating to emigration patterns, what often happens on the Island of Montreal is that the francophone population when it migrates out of the CECM, which was compared to the PSBGM, goes off the Island simply to make the new housing developments that circle the Island of Montreal, while the anglophone population has migrated during this century out of Québec. So the two groups of population, if you look at the Island of Montréal, have declined in a similar sort of proportion. But in actual fact, the end result is quite different.

M. Fox: J'aimerais souligner que M. Blacklock a une boule de cristal de grande valeur et j'ai confiance en ses prédictions. Je suis prêt à revenir dans quelque cinq ans, si je suis encore là, pour faire amende honorable ou confirmer ce qu'on vient de vous dire.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, je vous remercie. J'inviterais le député de Vachon à prendre la parole.

M. Payne: J'aimerais remercier le PSBGM pour son mémoire étoffé et succinct. Je trouve qu'il est valable d'étudier l'application de la loi 101 six ans après, parce qu'on voit qu'effectivement une période de rodage n'est jamais trop courte. Je suis aussi sympathique à certaines suggestions qui touchent l'idée que l'éducation secondaire devrait être prise en considération pour l'application de l'article 73 qui concerne la question de l'admissibilité aux écoles anglaises. Je constate que, dans certains pays du monde, aux Indes, par exemple, on peut avoir tendance à enseigner le gujarati dans les écoles élémentaires pour ensuite, à l'école secondaire, prendre la langue nationale ou la langue commune qui est l'anglais. Je pense que le législateur pourrait être sympathique à ces problèmes qui se posent.

En ce qui concerne les certificats de naissance, on sait qu'il n'y a pas d'entente universelle sur la nature de ces certificats. Je pense qu'il y a lieu de s'entendre peut-être sur une manière plus efficace pour rendre cela plus accessible à ceux qui devraient avoir accès aux écoles anglaises, en réduisant la paperasse et les problèmes bureaucratiques si c'est possible.

À la proposition no 8, vous parlez des démarches nécessaires pour obtenir l'autorisation de recevoir l'enseignement en langue anglaise. Ces procédures sont souvent excessives. J'ai peut-être vu d'un peu plus près, de ce côté-ci, les difficultés de trouver, justement, les critères d'application

de quelque norme que ce soit, que ce soit une charte ou n'importe quelle loi. C'est bien difficile et je suis d'accord avec vous que, dans certains pays, la langue de l'enseignement puisse être la langue anglaise. Par contre, ce qu'il faut constater, c'est si la personne était résidente et a bien reçu son enseignement dans la langue anglaise dans ce pays. On revient donc à zéro. Il faut bien vérifier d'une manière ou d'une autre, administrativement, si la personne a effectivement reçu son enseignement dans la langue anglaise. C'est bien sûr qu'en Angleterre, en Australie et aux États-Unis la langue d'un système scolaire unilingue est l'anglais; mais il faut bien vérifier, spécialement dans un pays comme les États-Unis où les transferts linguistiques sont terriblement élevés. Cela existe dans tout pays qui accueille des immigrants.

J'ai une certaine difficulté avec le mémoire et c'est une inquiétude politique, dans le sens que la première proposition que vous faites, si vous l'appliquez comme il faut, vous risquez d'ouvrir la porte même aux francophones. Vous demandez au législateur, maintenant, six ans après l'adoption de la Charte de la langue française, ce que le bill 22 interdisait a l'époque. Je me demande si vous jugez qu'il y a au Québec à l'heure actuelle un consensus qui ouvrirait la porte... d'après ce qu'on calcule, à 1 096 000 élèves.

Je suis certain que vous me répondrez qu'il n'y a pas 100% des francophones qui se prévaudraient de la possibilité d'avoir accès à l'école anglaise. Je vous rappellerai que, chez les allophones, c'est demeuré, jusqu'avant l'adoption de la loi 101, à 77%. Cela veut dire que vous ajouteriez à peu près 29 000 écoliers de plus à l'école anglaise. Mon inquiétude politique ne serait donc pas seulement si la majorité des Québécois, la majorité francophone, acquiesçait à cette proposition, mais est-ce que la CECM serait, elle aussi, prête à subir une espèce de raz de marée du milieu francophone ou allophone? C'était justement cela le problème de la loi 101 et du bill 22.

Lorsque vous parlez, dans vos propositions 2 et 3, de modifier cela de façon à accorder l'enseignement en anglais à tout élève arrivé au Québec après la loi 101, c'est-à-dire après le 26 août 1977, vous arrivez à une espèce de clause universelle élargie qui n'est ni la position du Parti québécois, ni la position, si je comprends bien - je risque d'être corrigé - du Parti libéral. Mais prenons seulement cette partie qui touche la clause Canada. Je me réfère à M. Paillé, parce que cela a été évoqué par le porte-parole de l'Opposition, le député d'Argenteuil. C'est dommage que nous ne soyons pas en commission spéciale parce qu'on pourrait inviter M. Paillé à venir à la commission et je pense qu'il pourrait confirmer que, pour l'année 1981-1982, si on avait appliqué la clause Canada, 4900 élèves auraient eu accès à l'école anglaise. Si vous ajoutez à cela l'année qui suit, donc l'année scolaire qui vient de s'écouler, on arrive à 6000; c'est assez énorme. Alors, j'ai beaucoup de difficulté avec cette accessibilité accrue sous forme d'une clause universelle élargie.

Mais ma question serait plutôt spécifique. À la recommandation no 7, vous proposez une exemption automatique pour rendre plus accessible l'école anglaise aux élèves; on parle du certificat d'admissibilité. Je soumets que votre proposition mènerait très vite à un chaos administratif. Le problème pour le législateur ou l'administrateur, qui a le rôle de rendre une loi applicable, c'est précisément de trouver les critères pour appliquer les dérogations. Quels sont vos modalités et vos mécanismes pour appliquer les dérogations que vous invoquez lorsque vous dites que l'exemption devrait être automatique? Enfin, c'est une tautologie, parce que, si vous dites que ce devrait être automatique, je vous demanderais si cela veut dire pour tout le monde qui invoque les raisons de chômage, les raisons de santé, les difficultés des parents à s'adapter à un Québec français, les poursuites judiciaires, le fait que les parents éprouvent certaines difficultés à s'accommoder d'une société où le français est la langue nationale. Je considère que ce serait vraiment un chaos administratif terrible. L'administrateur qui relève du législateur a sûrement toujours le rôle de trouver les critères d'applicabilité des exemptions et des dérogations. Ma question est: Qui déciderait si quelqu'un devrait avoir automatiquement un certificat d'admissibilité? Et vous, comme commission scolaire, vous ne pouvez pas ouvrir grandes les portes sans que vous ayez des mécanismes d'accueil.

M. Fox: Vous parlez du dernier amendement proposé à la page 11?

M. Payne: C'était la proposition no 7, M. Fox, je crois.

M. Paterson (Ron): Les institutions relevant des Affaires sociales, c'est cela?

M. Payne: Oui.

M. Fox: "La loi 101 devrait être modifiée de façon à ce que tout élève fréquentant une institution relevant du ministère des Affaires sociales, en raison de problèmes graves..." C'est cela?

M. Payne: Oui.

M. Fox: "...devrait être exempté."

M. Payne: Est-ce que c'est bien là où vous parlez de l'exemption automatique? "Automatic exemption from the provisions of Bill 101 and need not apply for a certificate of admissibility."

M. Paterson (Ron): Yes. M. Fox: For those children.

M. Paterson (Ron): Who are in Social Affairs institutions.

M. Fox: Justement, j'ai fait une note sur ce sujet. C'est surtout une question qui vise à enlever des entraves administratives dans des cas particuliers. Nous parlons d'élèves qui sont dans des écoles des Affaires sociales. C'est un nombre très réduit et un nombre particulier d'élèves.

M. Payne: Si vous faites référence à MacKay Center, à Shawbridge et à Douglas Hospital, des exemples comme cela, qui pourraient avoir des programmes non pas de rattrapage, mais de réinsertion sociale, là il y aurait lieu de discuter avec le ministre responsable pour peut-être trouver une manière de réduire la paperasse. Mais, si vous invoquez une exemption automatique, je le répète, il faut que vous ayez les mécanismes pour appliquer cela.

M. Paterson (Ron): Ce n'est pas notre loi, c'est la loi du gouvernement. C'est à lui de déterminer ces dispositions.

M. Payne: À la fin de votre mémoire -je vais le retrouver rapidement - vous dites, dans la proposition no 9: "Procedures for obtaining certificates should form part of the legislation and not be set up by regulation."

M. Paterson (Ron): Excusez, à quelle page, M. Payne?

M. Payne: En anglais, c'est à la page 13. En français, c'est...

M. Paterson (Ron): C'est la réponse.

M. Payne: "Les procédures d'obtention des certificats devraient être incorporées à la loi." Mais vous parliez des exemptions ou des dérogations tout à l'heure. Vous pouvez en chiffrer un grand nombre. Je suis d'accord que cela devrait être chiffré, mais c'est très difficile pour un législateur d'insérer dans la loi toutes les dérogations possibles. Vous dites dans la proposition no 9 qu'elles devraient être incorporées dans la loi, mais, par définition, les dérogations ne font pas partie normalement de la loi.

M. Paterson (Ron): D'accord. Autant que possible, on devrait faire cela par législation.

M. Fox: Cela couvre, de nouveau, un nombre très limité d'élèves. Quant à votre première constatation que nous aurions quelque 4000 ou 6000 élèves de plus, ceci ne s'approche absolument pas de nos chiffres, surtout en ce qui concerne la clause Canada. Nous avons toujours dit, dès le début de l'action en cour, qu'il y aurait une différence de 130 à 150 élèves dans notre commission scolaire qui est la plus importante. Et nous étions dans les limites de ce que nous avions prédit. Quand vous me dites que cela s'appliquerait même aux francophones, si j'étais francophone dans ce secteur, je m'opposerais à cela parce que, justement, je trouve que vous donnez une certaine liberté de choix aux anglophones qui peuvent choisir d'avoir leur éducation dans la langue qu'ils veulent, soit le français, soit l'anglais, il n'y a pas de difficulté, alors que les francophones n'ont pas ce même choix. S'il vous plaît, pourquoi ne faites-vous pas confiance aux parents? Ne croyez pas que, si on ouvrait la porte ou qu'on mettrait des entraves moins restrictives, les parents commenceraient à changer leurs élèves d'écoles. Ce n'est pas vrai.

M. Payne: Une dernière question, très brève. Vous dites toujours que vous êtes en mesure de donner une excellente pédagogie en français, langue seconde. Les ordres professionnels exigent depuis des années, avant l'arrivée du Parti québécois au pouvoir, le droit - et c'est légitime, j'imagine - qu'ils puissent, en accordant les permis, en même temps exiger une connaissance minimale de la langue française. Je ne représente pas le gouvernement, mais je suis de ceux qui considèrent que l'Office de la langue française n'a peut-être pas le rôle ou la mission pédagogique qu'on lui confie à l'heure actuelle. (11 h 30)

Seriez-vous capables de négocier avec les ordres professionnels afin que vous puissiez administrer dans le système scolaire certaines professions, par exemple, les infirmières auxiliaires? Je ne parle pas des autres, normalement c'est au cégep ou à l'université. Êtes-vous d'accord sur le principe, d'abord, et, deuxièmement, sur la faisabilité, vu les raisons que j'invoque, que les institutions scolaires, en accord avec le ministère de l'Éducation et les ordres professionnels, puissent administrer localement les examens? Cela pourrait, au moins, rendre un peu plus compatible une incompatibilité qui existe à l'heure actuelle, selon laquelle les élèves réussissent les tests au secondaire V pour, plus tard, échouer devant l'Office de la langue française.

M. Fox: Je pourrais vous citer des cas

contraires aussi où ils ont réussi fameusement aux tests de l'Office de la langue française et ont misérablement échoué au secondaire.

M. Payne: Ma question était à savoir si vous voulez les administrer.

M. Fox: Justement, vous avez un très bon point. Nous aimerions qu'il y ait une certaine équivalence d'établie avec le certificat de fin d'études secondaires, par exemple, ou les certificats du cégep. Une fois que l'examen est passé et que la compétence est reconnue, il n'est plus besoin d'avoir un autre examen. Il ne devrait plus y avoir besoin d'un autre examen. Si le besoin existe encore, je dis qu'il y a quelque chose qui ne va pas avec l'examen initial. Si j'ai un élève qui termine son secondaire et qui obtient 80% en français, langue seconde, j'espère que cet élève, si je suis l'enseignant, pourra au moins comprendre et parler le français d'une façon normale, régulière, au niveau de sa compétence, naturellement. Il a 17 ou 18 ans, il peut le parler. S'il ne continue pas à le cultiver, naturellement, il aura des difficultés. Il faut continuer de nourrir une langue, comme on continue à nourrir une entité vivante, de façon à maintenir la compétence dans la langue. Une fois que cela est établi, si cet élève qui a obtenu 80% se présente devant l'Office de la langue française et qu'il obtient moins ou échoue son test, alors il faudrait voir la différence entre le test et les examens passés ou alors la note donnée. C'est une étude qu'il faudrait faire et nous sommes prêts à la faire.

M. Payne: C'est à suggérer parce que ce sont les ordres professionnels qui gardent jalousement leurs droits et leur autonomie non seulement pour octroyer les permis, mais pour exiger une connaissance minimale du français.

M. Fox: Je vous dis qu'une fois que vous avez fait trois années au secondaire de français langue maternelle, automatiquement, vous êtes relevé de la nécessité d'un examen de l'Office de la langue française. D'autre part, nous avons des élèves en immersion tardive qui, au lieu de prendre des examens de langue seconde, prennent des examens de langue maternelle. Ceux-là n'ont pas encore le droit de le faire. C'est cela qu'on demande.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Mme la député de L'Acadie, s'il vous plaît.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Je n'ose pas dire que je serai brève parce que quelquefois cela semble être de mauvais augure. Je voudrais remercier M. Blacklock pour les explications qu'il a données quant aux statistiques qui ont été produites par le ministre. Il a fait part de certaines variables dont le ministre n'a pas tenu compte dans ses commentaires. Je sais fort bien que la diminution des élèves de la CECM a été très importante: de 230 000 en 1969, ils sont passés à 110 000 en 1983. Il y a d'autres facteurs dont le ministre ne tient pas compte, par exemple, le fait que la population francophone a déménagé vers les banlieues, soit sur la rive nord, soit sur la rive sud. C'est étonnant de voir, concernant le nombre d'écoles qui se sont construites depuis dix ans sur la rive sud ou sur la rive nord, que la très grande majorité d'entre elles ont dû être affectées à des enfants de langue française par la force des choses. Il faudrait au moins comparer de choses comparables...

Une voix: Des pommes avec des pommes.

Mme Lavoie-Roux: ...des pommes avec des pommes. J'aimerais que le ministre nous dise s'il a des pourcentages exacts quant à la diminution dans les deux secteurs d'enfants francophones et d'enfants anglophones - car je parle des deux secteurs - pour l'ensemble du Québec. Quel était le pourcentage d'enfants anglophones dans les écoles anglaises du Québec en 1976 et quel est-il en 1983? Avez-vous ces statistiques? Quand on parle du poids relatif du français et de l'anglais au Québec, on veut parler de l'ensemble du Québec et non pas strictement de l'île de Montréal qui a connu une situation très particulière quant à toute la migration qui s'est faite vers les banlieues. Je comprends que vous ayez réagi parce que c'est le PSBGM qui est devant nous, mais il reste que, si on veut vraiment mesurer les effets de la loi 101, il faut les mesurer pour l'ensemble du Québec.

M. Laurin: Nous le faisons chaque année. La dernière étude qui a été faite est toute récente. Je l'ai lue. Je ne sais pas si je l'ai rendue publique, mais je pense que oui. Cela ne contrevient en rien d'une façon générale à ce que j'ai affirmé tout à l'heure. Il faut aussi rappeler à cet égard que, même s'il est vrai que certains élèves quittent le secteur français de la CECM pour aller s'installer en banlieue, il y a aussi un mouvement inverse qui se produit assez souvent. Il y a des familles francophones qui viennent à Montréal et qui inscrivent leurs enfants à l'école française aussi. Donc, si on fait des statistiques, il faut tenir compte des deux mouvements vers les écoles françaises de la CECM ou de l'île et vers les écoles de banlieue. Il faudrait faire cette étude.

Mme Lavoie-Roux: Vous dites: Cela ne

vient en rien contredire ce que j'ai dit tout à l'heure. À ce moment-là, peut-on conclure que, si on prend l'ensemble du Québec, le poids relatif des élèves francophones inscrits dans les écoles françaises et des élèves anglophones inscrits dans les écoles anglaises n'a pas bougé? C'est ce que vous nous avez dit en ce qui a trait à la CECM et au PSBGM, que cela s'équivaut, sauf peut-être pour les dix prochaines années où il y aura peut-être une baisse un peu plus accentuée du côté anglophone. Vous nous avez dit que, jusqu'à maintenant, c'était égal. Dois-je en conclure que c'est égal pour l'ensemble du Québec?

M. Laurin: La conclusion de l'étude indique que la loi 101 a rétabli graduellement l'équilibre; qu'il y a actuellement un pourcentage plus fort d'élèves dans les écoles françaises, autour de 84%, mais qu'il existe encore dans les écoles anglaises un pourcentage d'élèves qui y sont inscrits et qui dépassent encore de loin le nombre d'enfants dont la langue maternelle est l'anglais. C'est une des conclusions principales de cette étude.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, quand on a discuté de la loi 101 - parfois j'ai l'impression que l'on retourne en 1977 -n'a-t-il pas été convenu que le groupe allophone en très grande proportion s'était intégré à la communauté anglophone; alors, on les retrouve dans les écoles anglaises et s'il faut qu'ils disparaissent jusqu'à ce que l'on arrive à la proportion exacte d'enfants qui sont de purs anglophones, de sang et de langue, on ne poursuit pas les mêmes objectifs.

Pour terminer ce court débat, je voudrais citer ce témoignage de M. Henripin. Personne, à ma connaissance, ne met en doute les qualités de son travail. "En 1982-1983, la loi 101 et certains facteurs démocratiques avaient réduit le pourcentage des élèves fréquentant les écoles anglaises à 12,7%, de 16,7% qu'il était en 1976-1977. Cette réduction de 4% n'est qu'une petite moitié du plein effet de la loi qui ne sera atteint que vers 1992, ce qui nous conduira aux environs de 8%. En l'an 2000, toujours sous l'empire de la loi 101, la fraction des enfants dans les écoles anglaises pourrait être comprise entre 5% et 10%."

Alors, je ne sais pas ce qu'elle était en 1976, mais quand le ministre crée l'impression que, finalement, c'est absolument marginal, je m'excuse, mais je pense que ce n'est peut-être pas tout à fait conforme à la réalité.

M. Laurin: II y a quand même deux facteurs à considérer. Un bon nombre des allophones qui, dans le passé, depuis quinze ou vingt ans, se sont intégrés à l'école anglaise déclarent maintenant l'anglais comme étant leur langue maternelle. Donc, dans les statistiques, on ne les retrouve plus comme allophones qui ont intégré l'école anglaise. Il faut tenir compte de ce facteur. Deuxièmement, les chiffres de M. Henripin peuvent être vrais dans la mesure où la clause Canada, du Canadian Bill of Rights, ne viendra pas détruire en grande partie le rétablissement d'équilibre qu'avait amené la loi 101.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui! Mais là vous parlez des effets éventuels, peut-être, de la charte canadienne. Mais, pour le moment, ce que ces gens sont venus nous présenter, ce sont les effets de la loi 101 et je pense qu'on s'en tient dans la discussion aux effets de la loi 101.

M. Laurin: C'est la raison pour laquelle, dans mes commentaires, je me suis limité au mémoire qui nous était présenté et à la situation sur l'île de Montréal.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais il reste que la situation de l'anglais au Québec, il faut la prendre dans l'ensemble du Québec, M. le Président. Cela étant terminé, je voulais simplement souligner - et je pense que le ministre l'a, d'ailleurs, reconnu - les efforts du PSPGM pour l'enseignement de la langue seconde, que ce soit par des méthodes d'immersion ou autres méthodes que vous avez utilisées.

Mais j'entendais le ministre qui les en félicitait et qui ajoutait dans un même souffle: Et, d'ailleurs, ce sont les mêmes mesures que nous avons prises pour l'enseignement de l'anglais, langue seconde, dans nos écoles, si bien que nos enfants pourront maintenant maîtriser les deux grandes langues - enfin, je n'ai pas tous les termes toujours très choisis du ministre - la langue anglaise et la langue française. J'aimerais savoir ce que le ministre a à nous annoncer parce que - et tous les parents francophones s'en plaignent - les enfants sortent des écoles françaises à l'heure actuelle avec moins de connaissance de l'anglais aujourd'hui que ce n'était peut-être le cas il y a sept ou huit ans.

M. Laurin: C'est là une appréciation que je laisse à la députée de L'Acadie. D'autre part, je sais qu'il ne suffit pas d'établir un nouveau programme; il faut quand même laisser le temps à ce nouveau programme de produire ses effets. Comme l'instauration du nouveau programme est assez récente, je demanderais à la députée de L'Acadie un peu de patience avant que tous les effets que nous escomptons tous les deux de ce nouveau programme puissent se matérialiser.

Enfin, je voudrais faire remarquer à la députée de L'Acadie que, malgré toutes les lois 22 ou 101, le fait demeure que le

Québec, avec ses 5 000 000 et quelque de francophones, constitue encore un tout petit îlot dans le continent anglo-saxon. L'anglais arrive aux élèves ou aux jeunes francophones par tous les bords, tous les côtés, toutes les issues; à la télévision par le câble, il y a beaucoup plus de stations anglophones à Montréal que de stations francophones. Il y a beaucoup plus de revues anglophones que francophones. Les stations de radio anglophones à Montréal sont plus nombreuses que les stations francophones. Les francophones prennent souvent comme endroits de congé l'été nos voisins immédiats, que ce soient les provinces canadiennes ou les États-Unis. Donc, en tant que peuple francophone, nous sommes soumis à une immersion non pas scolaire, mais existentielle et collective constante qui contribue, j'en suis sûr, pour beaucoup à l'apprentissage de l'anglais.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, on pourrait élargir le débat, ce que vient de faire le ministre, sur la situation du français en Amérique du Nord. Sur bien des points, je pense que je pourrais être d'accord avec le ministre. Mais le point précis que j'ai soulevé, c'est qu'il faisait une affirmation ici devant le grand public, disant que les programmes d'anglais, langue seconde, sont de même qualité ou vont atteindre les mêmes objectifs que les programmes d'enseignement du français, langue seconde, dans les écoles anglaises.

Là, il me dit d'être un peu patiente. Bah! La patience, cela me connaît. Mais je dois vous dire qu'on a entendu ce discours il y a sept ans et cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir, M. le ministre. D'ailleurs, on le demandait avant même que vous arriviez au pouvoir. Alors, je veux bien être encore patiente, mais c'est peut-être à la population aussi... Je pense qu'il ne faut pas noyer une affirmation que vous avez faite ici en faisant déborder le débat sur la situation toujours fragile du français en Amérique du Nord et à laquelle, je pense, tous les gens qui sont ici concourent, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Brouillet): Pour le mot de la fin, M. le ministre. (11 h 45)

M. Laurin: Encore une fois, je veux remercier la CEPGM pour le mémoire étoffé et succinct qu'elle nous a présenté. Je n'ai, malheureusement, pas eu le temps d'en commenter tous les aspects - cela aurait été trop long - mais cela ne témoigne en rien, encore une fois, de notre manque d'intérêt et nous continuerons à l'étudier et à prendre, encore une fois, toutes les mesures qui nous paraissent justifiées par les objectifs que nous poursuivons et la justice qui continue d'inspirer nos décisions.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Je remercie la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal.

J'invite maintenant l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes du Québec. Pour les fins du journal des Débats, si vous voulez vous présenter à nouveau, ainsi que les personnes qui vous accompagnent.

Association des directeurs généraux

des commissions scolaires

protestantes du Québec

M. Trasler (Ian): M. le Président, mesdames et messieurs, to introduce myself, Ian Trasler, president of the association and of course Mr. Marcel Fox, past president, needs no introduction.

The brief of the Association of Directors General of Protestant School Boards of Québec concentrates on the effect that the Charter of the French language, Bill 101, has had and is having on the viability of the English language in this province and the adverse influence it has had and is continuing to have on the development and the maintenance of English education.

The concerns expressed in our brief are those of the chief executive officers of Protestant school boards. Therefore, you will note that we have restricted our comments to the effect that the law is having on the pupils in Protestant schools, the extra costs that are being incurred because of the law, costs that are taking away from the educational funds, and the ridiculous administrative procedures that have to be implemented.

The specific problems we bring to light in our brief fall into the following headings: The English language - present situation in Québec; the restriction of pupils for admission to English language instruction; the language of work and communications; legal obligations versus budgetary constraints; bilingual personnel; identification of English schools; the French Language Supervisory Commission and our conclusion.

Before I turn the presentation over to Mr. Fox, I would like to underline that we are not politicians. We are administrators who are attempting to administer school systems as effectively and efficiently as possible. Our brief, therefore, limits our comments to the problems we are encountering. Merci. Thank you. Mr. Fox.

M. Fox (Marcel): Je soulignerais que j'ai résumé le mémoire en sept pages. Est-ce que je peux le distribuer? D'accord. C'est ce que je vais vous présenter. Naturellement, nous aurons une période de questions après. Je m'excuse de m'imposer une fois de plus.

Le mémoire de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires

protestantes du Québec aborde la question de l'impact que la Charte de la langue française exerce sur la communauté de langue anglaise, en général, et la communauté du secteur de l'éducation à prédominance de langue anglaise, en particulier, sous sept points spécifiques: La situation actuelle de la langue anglaise au Québec; les avatars reliés à l'inscription des élèves dans le secteur de langue anglaise; les exigences dans le domaine du travail et des communications; les obligations légales qu'il faut respecter, d'une part, et les contraintes budgétaires qu'elles entraînent, d'autre part; la nécessité d'assurer un "influx" de personnel bilingue sans pour autant porter préjudice au personnel unilingue en place; l'ambivalence reliée à l'identification obligatoire en français d'un établissement scolaire dans lequel l'enseignement se donne en anglais et l'image négative projetée par la Commission de surveillance de la langue française.

En ce qui concerne la situation de la langue anglaise au Québec, à l'heure actuelle, nous sommes d'avis qu'elle peut être considérée plutôt comme une langue dominée qu'une langue dominante. La Charte de la langue française et sa raison d'être ne sont point contestées. Ce qui est contesté, c'est que la promotion de la langue française se fasse surtout et avant tout aux dépens de la langue anglaise. La promotion de la langue française est pleinement justifiée et devra continuer à se faire. Ce qui n'est point justifié, c'est que la langue anglaise soit ravalée, non point à un rang secondaire, mais bel et bien inférieur. L'anglais, tout comme le français, reste une des deux langues officielles du Canada et, comme telle, a droit d'existence sur un pied d'égalité.

La communauté de langue anglaise reconnaît, accepte et respecte la langue et la culture de ses concitoyens de langue française. Tout ce qu'elle demande c'est qu'on reconnaisse, accepte et respecte de même sa propre langue et sa propre culture et qu'on s'abstienne en conséquence de vouloir sciemment les dénigrer, les subjuguer et les prescrire.

Les problèmes soulevés dans certains cas par l'inscription d'élèves dans le secteur de langue anglaise sont multiples par leurs ramifications et parfois rocambolesques. Ils sont tous reliés aux mesures restrictives imposées et aux démarches administratives obligatoires à suivre. Si on accorde le droit à l'enseignement en langue anglaise dans des cas bien spécifiques, qu'on l'accorde au moins de bonne grâce, sans pour autant semer d'innombrables obstacles sur la voie à suivre pour y avoir accès. S'il y a abus, qu'on sévisse, mais qu'on laisse quand même au milieu une certaine liberté d'action afin qu'il puisse gérer ses affaires à sa guise, dans le respect intégral de la loi.

Il est à noter aussi qu'il y a une certaine injustice qui prévaut car, si, selon la Loi sur l'instruction publique, il y a égalité de droits à l'instruction pour tous les élèves, il y en a qui sont bien mieux nantis que d'autres du fait qu'on leur accorde des fonds qui ne sont point accessibles aux autres. Nous sommes lésés sous trois rapports: difficultés d'accès, coûts administratifs supplémentaires, refus d'allocation de fonds spéciaux.

La langue du travail et celle des communications se doit d'être le français. Ceci cause bien des problèmes inutiles et impose des coûts élevés au secteur de l'éducation qui, en conformité avec la loi, est en droit de dispenser l'enseignement en langue anglaise. Pour répondre à ces exigences, il a fallu, à l'heure actuelle et à nos frais, créer des services de traduction qui produisent des textes à la chaîne. Il s'ensuit que des fonds réservés à des fins pédagogiques sont canalisés vers des fins purement administratives par la force des choses. Devoir produire tous les documents avant tout en français pour les traduire en anglais ensuite par nécessité est absurde et onéreux. Ces dépenses inutiles entraînent des sacrifices inutiles qui ne servent à aucune fin spécifique. Que la correspondance avec les autorités gouvernementales et les organismes de langue française soit en français, qu'à cela ne tienne, mais que tous les documents qui accompagnent cette correspondance doivent être aussi en français est à la fois illogique et peu raisonnable. Les deux langues officielles du Canada sont et restent monnaie courante. Qu'on agisse en conséquence et qu'on les accepte sur un pied d'égalité.

Le thème dominant qui, du point de vue administratif, se détache du mémoire des directeurs généraux est celui du manque de fonds requis pour répondre aux exigences légales imposées. Le mémoire est spécifique de ce point de vue. Il y est dit que les autorités gouvernementales ne semblent pas vouloir réaliser que promulguer une loi est une chose alors qu'allouer les fonds nécessaires à son implantation en est une autre. Si donc la loi impose à un secteur de l'éducation des obligations spécifiques qu'elle n'impose pas à d'autres, par souci d'équité, les fonds nécessaires requis devraient eux aussi être alloués en conséquence.

La disponibilité indispensable d'un personnel bilingue découle des exigences de l'article 20 du chapitre IV de la Charte de la langue française qui déclare: "Pour être nommé, muté ou promu à une fonction dans l'administration, il faut avoir de la langue officielle une connaissance appropriée à cette fonction." L'objectif préconisé et à atteindre reflète une situation idéale qui voudrait qu'il y ait suffisamment de personnel bilingue en place pour s'assurer que tous les services puissent se donner dans les deux langues.

Nous sommes et restons, pour le moment, en pleine période de transition et il est de ce fait indispensable qu'on accorde aux organismes assez de flexibilité pour leur permettre de s'adapter graduellement aux exigences nouvelles. N'est pas bilingue qui veut et les compétences linguistiques et administratives ne sont pas forcément toujours liées. Une personne unilingue en place devrait pouvoir se sentir en sécurité et le demeurer si sa compétence dans le champ de ses activités spécifiques est dûment reconnue. Peu à peu la situation ira en s'améliorant et le jour viendra où le va-et-vient entre les deux langues ne causera plus de problèmes majeurs. Restons logiques et raisonnables et reconnaissons qu'une certaine latitude dans l'utilisation des deux langues reste essentielle.

Exiger et imposer aux activités en cours la camisole de force d'un unilinguisme étroit serait néfaste et ne servirait aucun but. Avec un peu de patience et de persévérance, un équilibre linguistique positif ne manquera pas de s'établir. Mieux vaut s'évertuer à convaincre qu'à contraindre. Les résultats seraient bien meilleurs et l'atmosphère harmonieuse qui en découlera sera bien plus salutaire. Le changement du nom des écoles dans lesquelles l'enseignement se donne en anglais a mis en émoi la communauté concernée qui ne veut pas et ne peut pas comprendre qu'on puisse vouloir être assez mesquin pour exiger à tout prix qu'une telle école affiche une dénomination française. Y a-t-il quelque honte à indiquer qu'il s'agit d'une école où l'enseignement se donne en langue anglaise? Il s'agit encore là d'une exigence inutile et fort onéreuse. Il serait temps qu'on remédie à cette situation. Donnons aux ressortissants de langue française ce qui leur appartient et à ceux de langue anglaise ce qui leur revient. En d'autres mots, appelons les choses par leur nom.

L'organisme qui suscite le plus de méfiance est sans conteste la Commission de surveillance de la langue française. Dans une société démocratique qui se respecte, un tel organisme n'a pas sa raison d'être. Qu'on le supprime! Cela aurait pour effet d'économiser bien de l'argent et de rassurer bien du monde.

En conclusion, je me permets de ne citer que deux des passages extraits du texte même du mémoire et qui se lisent comme suit: "Une plus grande flexibilité et une plus grande marge de manoeuvre restent de rigueur afin d'instaurer une atmosphère plus saine, plus fortifiante et plus salutaire qui saura mener vers une meilleure entente réciproque, un respect mutuel de bonne haleine et une plus forte harmonie sociale. "Un gouvernement démocratique de ce nom se base sur un concept d'entente et de confiance réciproques. Les directeurs généraux demandent qu'on leur accorde toute confiance quant à l'administration de ces commissions scolaires qui tombent sous leur charge. Ils demandent de pouvoir assumer leurs responsabilités, toutes leurs responsabilités sans ingérence indue de la part d'autorités extérieures. Ils peuvent et veulent accomplir leurs tâches. Ils sont prêts à assumer toutes leurs obligations comme citoyens libres d'agir et de penser, ils ne tiennent pas à être placés sous garde." Merci, mesdames et messieurs.

Le Président (M. Brouillet): Merci. M. le ministre.

M. Laurin: Je salue à nouveau M. Fox, cette fois en tant que directeur général de la plus importante commission scolaire anglophone au Québec.

Il nous a résumé son mémoire, celui des directeurs généraux, ce pourquoi je le remercie. Tout en étant quand même assez agressif, ce mémoire l'est quand même moins que le mémoire originel que j'ai quand même parcouru à plusieurs reprises. Au départ, j'admets avec plaisir que l'association des directeurs généraux reconnaît que le français est la langue de la majorité, la langue officielle, que les objectifs de la Charte sont légitimes et que cette Charte de la langue française doit être reconnue par la population du Québec comme utile et nécessaire. (12 heures)

Je vois quand même que les directeurs généraux s'inquiètent eux aussi, comme nous l'avons vu dans le mémoire précédent, de la situation de la langue anglaise au Québec et qu'ils appuient leurs inquiétudes, un peu comme le BEP tout à l'heure et bien d'autres groupes, sur le déclin des effectifs à l'école anglaise du Québec et sur le déclin de la situation de cette langue en général dans un certain nombre de secteurs, au point qu'ils disent qu'au Québec la langue anglaise est maintenant une langue dominée.

Il m'est très difficile d'accepter cette assertion. Dans le court débat que j'ai eu tout à l'heure avec la députée de L'Acadie, j'ai montré que, même si la charte du français visait à rétablir un certain équilibre, il reste quand même que la situation du Québec, État francophone en majorité, ne peut être comparée à celle des autres provinces qui, elles, ont l'anglais comme langue officielle, du moins comme langue parlée par la presque totalité des citoyens.

On sait très bien que la situation du Québec restera toujours précaire et aléatoire du fait qu'elle ne compte qu'un petit nombre d'habitants qui sont obligés, et Dieu sait que c'est une excellente chose, de multiplier les contacts avec leurs voisins, que ce soit pour des fins d'épanouissement personnel, que ce

soit pour les fins du travail, des affaires, un épanouissement professionnel ou culturel. Cela est sûrement à encourager, mais il reste qu'il y a également des contraintes liées à cette obligation et à ce souhait. Les contraintes ou les dangers possibles, c'est précisément le fait d'un envahissement qui se manifeste à plusieurs égards et qui, si on n'y prend garde, peut aboutir à une diminution de la qualité de la langue et aussi à une diminution du statut de la langue française au sein d'un groupe qui tient quand même à sa préservation comme marque première de son identité.

Je ne suis donc pas prêt à admettre que l'anglais, malgré le coup de barre qui a été donné il y a six ans, constitue une langue dominée au Québec. Les études de l'Université de Montréal, que ce soit celles de M. Sales ou de M. Vaillancourt, ont montré que, dans le domaine des affaires, la langue anglaise continue d'être prédominante à l'heure actuelle au Québec dans le secteur privé. Même sur le plan des entreprises, plusieurs témoignages ont été entendus qui montrent que, dans ces entreprises, le français continue à ne pas toujours en mener large et que des travailleurs en particulier sont obligés de continuer à être très vigilants pour faire en sorte qu'ils puissent continuer ou commencer à travailler en français.

La même chose pourrait être dite sur le plan de la culture, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'il s'agisse de la radio, de la télévision, des revues, des journaux. La même chose peut être dite également sur le plan des échanges touristiques. Je ne pense donc pas que, si on fait la somme de tous ces facteurs, dont les uns sont démographiques, les autres culturels, les autres politiques, les autres appartiennent aux domaines de l'entreprise, de l'argent, du capital, des affaires, on puisse affirmer que l'anglais constitue désormais au Québec une langue inférieure.

Dans le mémoire originel des directeurs généraux des commissions scolaires anglaises, on fait aussi état de quelques données démographiques, et en particulier de l'exode hors de la province d'une grande partie des ressortissants de langue anglaise qu'aurait causé le chapitre VIII de la charte du français qui touche plus précisément le domaine de l'éducation. Selon les directeurs généraux, cet exode serait causé surtout et avant tout par les mesures restrictives imposées par la Charte de la langue française.

Je voudrais noter encore une fois que la surreprésentation des Anglais parmi les anglophones qui sortent du Québec ne date pas de la loi 101. Au cours des trois derniers lustres qui marquent les recensements, on voit en effet que les proportions des anglophones parmi les immigrants étaient les suivantes: En 1966-1971, 61,8%; en 1971-1976, 64,6% et, en 1976-1981, 64,8%. Il n'y a pas là de quoi s'étonner puisqu'on sait que les anglophones sont très mobiles à l'intérieur du Canada, que beaucoup arrivent au Québec, mais que beaucoup en partent aussi constamment.

Rappelons que, jusqu'en septembre 1975, il y avait liberté de choix de la langue d'enseignement au Québec. De plus, les lois 22 et 101 n'ont pas retiré aux anglophones du Québec leur droit à une éducation en anglais. Il est vrai, comme on le dit, que le nombre d'émigrants anglophones a augmenté de 39,7% entre 1971-1976 et 1976-1981. C'est-à-dire qu'il est passé de 94 100 à 131 500. Evidemment, c'est moins spectaculaire que de dire que 140 000 anglophones sont sortis du Québec depuis l'instauration de la loi 101. C'est moins spectaculaire que de dire qu'il y en avait quand même 94 000 avant et que ce chiffre a été porté à 131 000 durant le temps où la loi 101 a été appliquée. On est obligé de ramener les chiffres à 35 000 au lieu de brandir le chiffre de 140 000. Mais c'est quand même un fait qu'il est important de rappeler. Cette augmentation a été de 40 000 en cinq ans, tout en rappelant cependant qu'il y a eu de fausses déclarations de langue maternelle anglaise en 1976 qui compteraient peut-être pour beaucoup dans l'accroissement de plus de 35 000 émigrants anglophones entre 1976 et 1981. C'est M. Castonguay qui a fait valoir cet argument, le 6 avril 1983. Je ne sache pas qu'il ait été démenti.

Nous avons fait, au gouvernement, d'autres analyses également. Nous avons analysé les départs d'enfants de 0 à 17 ans durant toutes ces périodes. Nous en arrivons à la conclusion qu'il y a eu une pointe de sorties en 1977, il est vrai, mais que ces sorties s'atténuent déjà en 1978 et en 1979. Nous avons remarqué que, dès 1980, les sorties d'enfants anglophones sont déjà inférieures à celles d'avant 1976. Par exemple, en 1974, il y avait 7565 sorties d'enfants; c'est resté à peu près tel quel jusqu'en 1976; en 1977, c'est monté à 14 500; en 1978, cela redescendait à 10 800 et, dès 1979, cela revenait aux 9000 qu'on avait connus avant pour redescendre, en 1980, à 7500, en 1981, à 6500 et, en 1982, à 6300. Ces chiffres sont tirés de l'étude d'un démographe, M. Robert Maheu, qu'on connaît bien et qui l'a présentée au congrès de l'ACFAS en mai 1983.

L'augmentation entre 1975 et 1976 laisse croire que c'est beaucoup plus la crainte d'une indépendance du Québec d'ailleurs que la loi 101 qui expliquerait cette hausse. On note aussi qu'un récent sondage CROP fait pour le compte du gouvernement fédéral montre que les anglophones qui prévoient maintenant quitter

le Québec n'évoquent plus la question linguistique que dans une proportion de 26%.

Enfin, soulignons que l'Ontario aussi est perdante dans les mouvements migratoires interprovinciaux de sa population anglophone. De 1971 à 1976, il y a eu un solde négatif de 45 755, c'est-à-dire que l'Ontario a perdu 2D5 000 citoyens pour en acquérir 159 000 et que, de 1976 à 1981, 266 000 ont quitté, alors que seulement 195 000 entraient, pour un solde négatif de moins 71 335; ce qui fait un solde négatif accru pour les dix années en question. Je ne sache pas pourtant qu'il existe une loi 101 ni un gouvernement souverainiste en Ontario. Il faudrait donc, encore une fois, mettre en équilibre les diverses statistiques que l'on nous présente.

Les directeurs généraux, dans leur mémoire originel, reviennent aussi sur la question des inscriptions des élèves dans les écoles anglaises pour parler d'une influence délétère de la Charte de la langue française dans le nombre des inscriptions. On semble oublier qu'il y a des études du ministère de l'Éducation qui ont apporté un éclairage important sur cette question. Une étude du ministère, par exemple, a démontré les choses suivantes, et je me contente d'apporter les conclusions. Selon les données établies, les facteurs responsables de la diminution de la clientèle étudiante au Québec sont, par ordre d'importance, d'abord la baisse de la fécondité; deuxièmement, les critères d'admission à l'école anglaise; troisièmement, la migration nette négative et, quatrièmement, le choix volontaire du français de la part d'élèves admissibles à l'enseignement en anglais. Quand on essaie d'apporter des chiffres pour illustrer ces divers facteurs, on en arrive aux chiffres suivants: la baisse de la fécondité compte pour 7,8% des diminutions; les critères d'admission de la loi 101, pour 5,6%; les migrations nettes négatives, pour 5,2% et le choix volontaire du français de la part d'élèves admissibles à l'anglais, pour 3,2%. Il est donc établi que ces quatre facteurs ont concouru à la diminution de la clientèle des écoles anglaises, le plus important d'entre eux étant la chute de la natalité. II faudrait donc, en conclusion, se garder d'explications fragmentaires attribuant la diminution à un seul facteur.

Il y a aussi une autre étude du ministère de l'Éducation qui montre que le pouvoir d'attraction de l'anglais dans le monde scolaire continue d'être très fort. J'y ai fait un peu allusion tout à l'heure, mais je pense qu'il importe de répéter que, même six ans après l'adoption de la loi 101, l'attraction qu'exerce l'anglais sur les populations du Québec continue d'être passablement élevée, ce qui ne cadre pas du tout avec l'affirmation que l'anglais serait une langue dominée ou une langue inférieure au Québec. Cette attraction - je ne veux pas répéter les chiffres que j'ai mentionnés tout à l'heure - joue non seulement au niveau de l'école primaire et secondaire, mais elle joue aussi au niveau des collèges et au niveau des universités du Québec. Là, je vous renvoie à cette étude dont je parlais tout à l'heure, établie par Marcel Paillé et qu'a publiée le MEQ. Je pense que le MEQ l'a rendue publique, lors d'une conférence de presse que je faisais aux journalistes. Cette étude montre que, sur le plan des études collégiales et universitaires, non seulement l'anglais n'a rien perdu de la force d'attraction qu'il avait au moment de l'adoption de la charte, en 1976, mais que ce pouvoir d'attraction est encore plus fort qu'auparavant, même avec la loi 101. Je vous renvoie à ces chiffres, mais on voit que les inscriptions dans les collèges anglophones ont crû d'une façon remarquable, ainsi que dans les universités et, en particulier, chez les allophones, qui continuent d'être de plus en plus attirés par les universités anglophones.

Encore une fois, je ne veux pas m'étendre sur ce sujet, mais il importe de mettre en perspective les données démographiques qui nous sont présentées et surtout les conclusions qu'on veut bien en tirer. Il faut toujours tenir compte de l'environnement du Québec, c'est-à-dire des pays qui l'environnent, des provinces qui l'environnent pour bien apprécier l'utilité, la nécessité ou l'opportunité de mesures que le Québec a dû prendre pour conserver un bien collectif qu'il estime absolument essentiel s'il veut continuer, bien sûr, à avoir une identité qui marque son existence dans cette terre d'Amérique. (12 h 15)

Dans le mémoire, également, les directeurs généraux ont fait beaucoup état des deux langues officielles pour demander ou pour se plaindre que la charte demande une traduction de tous les documents en français. L'argument qu'on invoque, c'est que précisément il y a deux langues officielles au Canada. Il y a une équivoque ou un glissement sémantique ici que j'aimerais relever. Les deux langues officielles ont trait au gouvernement fédéral et non pas au Canada, ce qui n'est pas du tout la même chose. Le gouvernement fédéral a imposé deux langues officielles, mais c'est le gouvernement fédéral qui a fait cela. Ce n'est pas vrai pour le Canada. Dans les autres provinces canadiennes, c'est l'anglais qui est la langue officielle pour tout, sauf au Nouveau-Brunswick où depuis deux ans on tente de mettre sur le même pied le français et l'anglais. Ce n'est que tout récemment que l'Ontario vient d'officialiser, mais d'une façon partielle, le français comme langue des tribunaux.

On connaît toutes les difficultés qu'éprouvent les Franco-Manitobains

actuellement pour faire inscrire dans la constitution de leur province les mêmes avantages que le Québec, en vertu de l'article 133 de la constitution de 1867, accorde aux anglophones sur le plan de la langue de la législation et sur le plan de la langue de la justice. Il y a donc là une équivoque, un glissement sémantique qui nourrissent de fausses argumentations, à mon avis, et qui donnent une très mauvaise idée de la situation véritable du Canada qui, encore une fois, est un État fédéral où les provinces ont quand même des prérogatives, des compétences, des juridictions et il est faux de dire que les deux langues officielles du Canada sont officielles. Les deux langues officielles sont imposées au gouvernement fédéral et les provinces restent libres, sauf la contrainte que le Manitoba et l'Ontario ont eue à l'égard d'une partie du secteur linguistique, d'adopter la langue officielle de leur choix. Dans la majorité des provinces, c'est encore l'anglais qui est la langue officielle et nos minorités francophones hors Québec en savent quelque chose, elles, qui ont encore aujourd'hui tellement de difficultés à faire reconnaître le droit à l'école française! Et même, la charte officielle du fédéral dit qu'il faudra que les francophones soient en nombre suffisant dans les autres provinces pour avoir droit aux écoles françaises.

Donc, je tenais à faire ces quelques remarques. Quant aux autres remarques, je suis prêt quand même à regarder cela de très près. D'ailleurs, le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration l'a dit à quelques reprises. Pour ce qui concerne les moyens, nous sommes sûrement prêts à revoir la situation. Je l'avais dit déjà au moment de l'adoption de la loi: Après cinq ou six ans, il nous reviendra de faire un bilan, de faire une mise au point, d'examiner, d'interroger l'expérience en cours et de faire en sorte que nous ajustions les mesures, soit législatives, soit réglementaires, à ce que l'expérience nous aura révélé et à ce qu'un nouvel examen de la situation nous aura révélé. Nous sommes prêts à le faire, aussi bien en ce qui concerne la langue de travail que la langue de communication, ou en ce qui concerne l'affichage des institutions scolaires. Nous ne sommes pas encore prêts à dire les mesures que nous prendrons, mais il est certain que nous apporterons des modifications en ce sens.

Je voudrais, cependant, rappeler une ou deux choses. Quand on dit que n'est pas bilingue qui veut, que les compétences linguistiques et administratives ne sont pas forcément toujours liées, cela est très juste. Mais il reste que, lorsqu'il faut communiquer avec une administration, avec un gouvernement dont la langue officielle est le français, il faut quand même accepter cela comme une exigence absolument logique qui découle du fait qu'une province a une langue officielle et que les communications avec l'administration doivent quand même comporter une composante linguistique qui fasse que nous soyons congruents, ou cohérents, avec la loi fondamentale qui fait d'une langue une langue officielle.

Par ailleurs, à l'intérieur de cette exigence, il y a bien des aménagements que nous pouvons faire. Et je rappelle quand même ici que la loi 101 prévoyait déjà que la langue de communication, sur le plan pédagogique, sur le plan du curriculum, puisse même être exclusivement l'anglais. Si les articles, ou les règlements ne sont pas assez clairs quant aux explicitations de ce principe, nous y verrons, nous clarifierons, nous reformulerons. Mais je signale quand même que, déjà dans la loi 101, ce principe existait et que la pédagogie, le curriculum, devaient sûrement faire l'objet d'échanges qui se situent dans la langue qui faisait elle-même l'objet de l'enseignement. Mais, encore une fois, s'il faut clarifier, reformuler, nous le ferons.

En ce qui concerne la Commission de surveillance de la langue française, je sais qu'elle a été l'objet de remarques assez acerbes, non seulement de la part de votre groupe, mais de plusieurs autres groupes. Je rappelle cependant que nous n'avons guère innové en la circonstance. Déjà, dans la loi 22, il y avait une Régie de la langue française dont une des fonctions - et c'est bien marqué tel quel dans la loi - était la surveillance de l'application de la loi. Que nous en ayons fait un corps distinct, avec une mission spécifique, la rend peut-être plus visible, mais il reste que la commission de surveillance, avec sa mission, son devoir, ses obligations, ses contraintes, était déjà incluse dans la Régie de la langue française. Et le nouveau chef libéral a dit qu'à chaque fois qu'une loi est édictée par un Parlement, il faut quand même voir à ce qu'elle soit respectée, et qu'il faut mettre en place, à cet effet, des moyens, des mécanismes, et même des institutions qui verront à l'observance de la loi et également à l'évitement, dans toute la mesure du possible, des infractions, même parfois à la punition des infractions lorsqu'elles ne peuvent pas être corrigées en temps. Tout en acceptant de revoir les façons de faire, les procédures d'un organisme, on ne peut tout de même pas tirer prétexte de quelques cas particuliers pour remettre en question l'existence d'un organisme chargé de faire respecter les lois et, en l'occurrence, cette loi fondamentale que constitue la charte du français.

Pour le moment, je voudrais limiter mes remarques à ces quelques points, tout en ajoutant peut-être en conclusion que je reconnais que l'application d'une loi de protection linguistique implique peut-être

certains frais pour certains organismes. Cela est vrai des entreprises: on l'a vu, certains groupes en ont fait mention. Cela est vrai aussi des écoles. Mais, je voudrais dire que cela est vrai pour toutes les autres mesures de protection qu'un gouvernement peut instaurer. Je pense à la loi 17 sur la santé et la sécurité des travailleurs. Il n'est pas douteux que certaines entreprises ont trouvé qu'il leur fallait payer un peu cher pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Mais au nom du bien public, de l'intérêt commun, le gouvernement a jugé bon d'adopter cette loi parce que la santé et la sécurité des travailleurs est un bien précieux qu'il faut respecter, qu'il faut protéger; et il faut, bien sûr, en payer le prix.

Il y a l'exemple de tous les autres pays: lorsque certains pays ont interdit le droit des enfants à travailler, cela a exigé des dépenses additionnelles de la part de certaines entreprises puisqu'on payait ces enfants beaucoup moins cher. On pourrait faire un parallèle pour toutes les lois qui protègent l'environnement, qui protègent les personnes, qui protègent les biens. Il y a toujours un prix à payer. Je crois que ce prix, la société doit le payer en raison d'un objectif supérieur qu'elle poursuit et en raison des impératifs d'équité et de justice qui doivent la guider dans sa législation, quitte à ce que, malgré tout, l'État puisse, lorsque cela est possible, apporter sa contribution aux frais qu'exige l'observance de telle ou telle loi, mais encore une fois cela est justifiable d'un examen que nous mènerons.

Le Président (M. Brouillet): Si vous avez des commentaires sur les propos de M. le ministre, avant que je cède la parole à Mme la députée de L'Acadie, vous pouvez les faire immédiatement.

M. Fox: Non... J'ai très bien compris les points que M. le ministre a soulignés. Je prétends quand même que, sous bien des rapports au Québec, l'anglais est dominé dans bien des domaines, puisque la liberté d'afficher certaines enseignes en anglais n'existe plus; que même si cela est toléré dans la correspondance anglaise, il faut, par règlement et par décision, que nous indiquions, par exemple, dans un texte... Par exemple, si j'écris en anglais, je dois dire: "It is the decision of le ministère de l'Éducation." Je ne peux pas dire: "It is the decision of the Ministry of Education, because it is specified that those titles are to be represented in French. It is not the Superior Council of Education, it is the "Conseil supérieur de l'éducation". It can not be the Protestant committee, it is "le comité protestant", etc." Comme linguiste, j'ai enseigné trois langues dans différents pays en Europe et en Amérique du Nord. Je trouve que la loi impose une détérioration de la langue que je ne crois pas qu'on puisse tolérer. Il y a une très bonne expression anglaise pour "ministère de l'Éducation", il y a une très bonne expression anglaise pour "Conseil supérieur de l'éducation", on devrait donc pouvoir les utiliser dans la correspondance. Quand vous voyez des rapports qui sont traduits et dans lesquels certains mots clés apparaissent immédiatement en français, je dis que c'est une façon détournée d'imposer des restrictions linguistiques à une autre langue. C'est mon opinion.

J'ai eu des statistiques. Il y a beaucoup de gens qui sont partis; je ne sais pas combien sont venus dans le même temps. Naturellement, le va-et-vient a été constant - c'est vrai - mais il y en a beaucoup qui étaient plus enclins à venir s'installer au Québec qu'il y en a maintenant qui veulent venir, surtout des jeunes familles qui ont des enfants et qui ne savent pas si elles pourront les placer dans une école de langue anglaise. Si on me dit que les sorties diminuent, je suis un peu rassuré parce que je me dis que peut-être ceux qui ne pensent plus à sortir sont assez bilingues de nos jours pour pouvoir s'établir au Québec.

S'il vous plaît, ne vous méprenez pas. Nous ne sommes pas contre la priorité du français au Québec, mais ne faites pas cela de manière à donner l'impression que cela se fait aux dépens de l'autre langue.

La question d'interprétation des langues officielles, c'est une question que je ne veux naturellement pas aborder ici. Mais je vous dis franchement - nous sommes tous de cet avis - que nous espérons que les Français du Manitoba vont gagner. Les Français du Manitoba se battent pour acquérir ce qu'ils n'ont pas et nous, les ressortissants de langue anglaise - je ne veux pas dire les Anglais - au Québec, nous nous battons pour maintenir ce que nous avons. Nous avons perdu du terrain, mais nous voulons le garder. Les autres ont gagné du terrain et je suis certain que dans un avenir rapproché nous aurons deux langues officielles au Canada.

M. Laurin: M. le Président, je n'ai qu'un petit mot à dire.

Le Président (M. Brouillet): Vous avez un bref commentaire, M. le ministre?

M. Laurin: J'ai fait un oubli tout à l'heure. Je remercie M. Fox pour ses commentaires. Je pourrai peut-être y revenir plus tard. Je voudrais déposer un autre document qui me permet d'avoir abrégé mon discours qui aurait été plus long autrement. Il résume certaines constatations de récentes études démographiques et statistiques qui pourraient éclairer les membres de la com-

mission.

Le Président (M. Brouillet): J'aimerais seulement rectifier qu'il ne s'agit pas vraiment d'un dépôt, mais d'une distribution du document aux membres de la commission et aussi à nos invités.

M. Laurin: C'est cela... (12 h 30)

Le Président (M. Brouillet): Mme la députée de L'Acadie, si vous voulez prendre la parole maintenant.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je désire remercier l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes du Québec pour leur mémoire. Il y a des points qui ont déjà été discutés tout à l'heure touchant, par exemple, les coûts, vos problèmes pour l'admissibilité des enfants à l'école anglaise, enfin ce qui vous apparaît comme des tiraillements inutiles ou des restrictions qui, finalement, pénalisent un peu tout le monde. Je ne reviendrai pas là-dessus.

Le ministre nous a encore servi beaucoup de statistiques mais ce que je trouve intéressant c'est quand il dit d'ailleurs cela a été reconnu par le gouvernement à plusieurs reprises - que les migrations à l'extérieur du Québec ne sont pas nouvelles, qu'elles existaient déjà. Enfin, c'est un peu la même chose, on est même revenu au taux de migration des enfants de 1976. Il me semble que c'est là une démonstration que la loi 101, si vraiment il ne s'agit pas d'une situation nouvelle, a eu des effets importants sur la baisse du taux d'inscription des élèves à l'école anglaise.

C'est évident qu'il y a plusieurs variables et qu'on ne peut pas toujours les isoler. En tout cas, on verra les autres études qu'il va déposer. Mais je pourrais lui en sortir une autre qui prouve de nouveau ce que j'ai avancé tout à l'heure quant à la baisse du taux d'inscription des étudiants anglophones.

Je n'ai que quelques questions. La première touche l'article 20, quant au directeur d'école muté à une autre école dans un poste comparable. Disons que vous fermez une école secondaire ou que vous l'affectez à d'autres fins, vous relocalisez ce directeur d'école dans une autre école secondaire anglaise avec les mêmes obligations qu'à la première. Vous ne pouvez le muter sans qu'il ait passé les tests d'aptitudes, de la connaissance du français.

M. Fox: Oui. C'est la façon dont j'interprète l'article 20 du chapitre IV. "Pour être nommé, muté ou promu à une fonction dans l'administration, il faut avoir de la langue officielle une connaissance appropriée à cette fonction." Ce qui m'inquiète surtout c'est le "muté". Je vous dis franchement que de nos jours quiconque postule un poste au Québec, une des premières conditions - et vous verrez cela dans toutes nos circulaires -c'est qu'une connaissance du français est indispensable. Donc le "muté" est vraiment allé très loin; le "promu" même. On hésiterait à promouvoir quelqu'un qui ne connait pas le français à moins qu'il soit un homme possédant des compétences extraordinaires dans sa catégorie. Même là, nous pourrions très bien être accusés auprès de la Commission de surveillance d'avoir muté - et nous ne savons pas qui nous accuse quelqu'un à la place d'un autre et que la connaissance de la langue n'est pas suffisante.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Quels sont les test auxquels vous soumettez cette personne? Dans le cas des hôpitaux ce sont des tests qui sont préparés par l'association conjointe des hôpitaux. Dans votre cas par qui sont préparés ces tests?

M. Fox: Nous avons des tests nous-mêmes parce que nous avons des tests établis qui indiquent la connaissance suffisante écrite et orale du personnel ou nous demandons à ces gens de se soumettre aux tests de l'Office de la langue française.

Peut-être un petit à-côté en ce qui concerne l'indication que M. le ministre avait faite qu'il y a une liberté en ce qui concerne l'utilisation de l'anglais dans la pédagogie et dans le curriculum. Je suis d'accord pour la pédagogie parce qu'on n'a pas encore trouvé le moyen d'enseigner l'anglais en français. Il faut donc continuer à l'enseigner en anglais.

Une voix: Cela va venir. Il y a de la recherche.

M. Fox: Mais cela viendra peut-être. D'autre part, je dirai que dans le curriculum ce n'est pas le fait, parce que tous les programmes qui se sont développés ne se sont pas développés en anglais. Ils se sont développés en français et nous sommes obligés de traduire ces programmes du français à l'anglais. C'est d'ailleurs un coût supplémentaire que nous ne supportons pas. C'est le ministère qui paie. C'est une traduction qui se fait.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, dans cette lignée puisque vous soulevez le problème de la pédagogie, jusqu'à récemment - je ne saurais dire le nombre d'années -vous pouviez bénéficier, dans une large mesure, de ressources au plan pédagogique qui pouvaient émaner d'autres provinces ou des États-Unis. Est-ce que ceci se trouve diminué par les exigences de la loi 101 ou si cela vous donne encore la même latitude?

M. Fox: Excusez-moi, des ressources qui venaient...

Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire des ressources quant aux manuels, au contenu de programmes, etc. ou si cela est disparu avant même la loi 101?

M. Fox: Oui, là c'est encore une tout autre histoire. A un moment donné, il y avait une loi très restrictive qui ne nous permettait plus d'acheter les livres hors du Québec ou directement hors du Québec. C'est un domaine qui est très délicat. Nous devons acheter nos livres ici de façon à retarder sur bien des rapports la disponibilité des manuscrits, des livres et cela nous a coûté beaucoup plus d'argent. Dans le temps, nous pouvions aller directement chez le grossiste ou à la maison de publication. Ceci n'existe plus car il faut que cela passe par une librairie ou par une entreprise au Québec, mais on a encore accès au matériel pédagogique anglais, en général. Il faut qu'il soit reconnu par le comité protestant dans notre cas ou par le comité catholique...

Mme Lavoie-Roux: Vous pouvez encore...

M. Fox: Oui, d'accord.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Est-ce qu'il y a des cas où - à votre connaissance -des personnes ont du démissionner parce que vous n'avez pas pu les relocaliser, compte tenu de leur connaissance inappropriée du français? Est-ce qu'il y a des gens qui sont partis? À votre point de vue, cela a-t-il créé des injustices à l'endroit du personnel que vous aviez avant la loi 101?

M. Fox: L'inquiétude existe. Il n'y a eu qu'un seul cas et la personne en question est partie, mais elle serait partie quand même. C'est justement une personne qui avait été convoquée. J'ai dû aller à la Commission de surveillance de la langue française pour expliquer l'engagement de cette personnne qui travaillait exclusivement avec des élèves de langue anglaise - c'était une psychologue mais qui n'avait pas une connaissance suffisante de la langue française et nous avions été accusés d'avoir engagé cette personne contrairement à la loi. Elle a décidé de partir avec son mari. Ils sont allés quelque part au Canada. Donc, la question est réglée là-dessus. Comment cela se serait-il terminé? Je ne le sais pas. Nous n'avons pas encore, à ce moment, vu la nécessité de renvoyer quelqu'un pour manque de connaissance. Promouvoir quelqu'un oui, renvoyer non.

Mme Lavoie-Roux: Une autre question concernant l'identification des écoles anglaises. Dans les autres provinces où il y a des écoles françaises, comment se fait l'identification?

M. Fox: Sûrement dans un titre français.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas une chose que vous avez vérifiée.

M. Fox: Non, je ne l'ai pas vérifié. J'ai tenu pour acquis que dans un libre choix on peut... Sûrement que l'école primaire de Saint-Boniface ne s'appelle pas St. Boniface Primary School. Je suis tellement sûr de cela que nous ne l'avons pas contrôlé. Vous me prenez au dépourvu. Cela a été toute une histoire dans notre commission scolaire. D'une façon pragmatique et simple, on se disait: Nous avons Lachine High School et il faut le franciser. Plutôt que dépenser de l'argent, on va simplifier la chose et on va tout simplement laisser Lachine et on va enlever le High School; quiconque passe devant la bâtisse verra bien que c'est une école. Nous avons enlevé les mots "High-School" et nous avons eu toute la communauté sur notre dos. Il faut remettre les mots "High-School"; on les a remis. Et maintenant, il faut mettre école secondaire Lachine - je parle de Lachine, cela pourrait s'appliquer à n'importe quelle autre école, c'est notre premier test du feu.

Vous vous rendez compte que d'une façon architecturale, vous avez des conditions à remplir et c'est extrêmement onéreux et, à mon avis, inutile.

Mme Lavoie-Roux: Ma dernière question touche vos commentaires de la page 16 relativement à la Commission de surveillance de la langue française. Je dois dire qu'à plusieurs endroits dans votre mémoire votre langage est assez dur. Je me suis dit que si vous l'avez utilisé c'est que vous pouvez certainement étayer ce que vous avancez. Y a-t-il eu des cas où... Vous faites état du fait que l'accusé peut être condamné à payer une amende et à être déclaré coupable sans jamais savoir qui a porté cette accusation contre lui. Est-ce simplement le fait que ceci ouvre la porte à cette possibilité-là ou est-ce qu'à votre connaissance, il y a des cas où vraiment il aurait été dans l'intérêt de celui qui était accusé de savoir qui avait porté l'accusation?

M. Fox: Madame, il serait quand même logique de savoir qui vous accuse, surtout que, dans bien des cas, il s'agit d'un employé ou de quelqu'un qui se sent frustré ou qui pense qu'il a été ignoré et qui croit qu'il est mieux que celui qui a été mis à sa place. Cela ouvre la porte à toute sorte de manigances qui, malheureusement, ne sont pas très saines.

Par exemple, nous avons été accusés -je vous le dis franchement - d'avoir des employés de cafétéria qui ne savaient pas le français dans une école où un grand nombre d'élèves étaient francophones. D'accord. C'étaient des dames qui travaillaient dans cette cafétéria depuis des années. Je n'ai jamais, personnellement, ou aucun de mes administrateurs ou le principal de l'école n'a jamais eu une plainte de quiconque du service de l'école. Les affiches étaient en français; on s'est arrangé quelques fois pour y mettre des numéros au lieu de mettre... Cela a marché et tout à coup, quelqu'un nous a accusés que cela se passait. Il a fallu remplacer deux dames, les enlever de cette cafétéria; nous les avons nommées ailleurs et nous les avons remplacées. Il y en a cinq qui travaillent dans cette cafétéria; nous en avons remplacé deux, nous en avons laissé deux qui servaient les enfants et la troisième travaillait dans la cuisine et n'avait pas de contact avec les enfants. Les enfants ne se plaignaient pas parce que c'est une école bilingue où l'enseignement se donne en français et en anglais. Lorsque l'inspecteur de la commission de surveillance est revenu, la dame avec qui il a parlé était une dame qui ne parlait pas le français; elle était de l'autre côté, il a posé la question de ce côté-là.

Vous voyez que cela cause des ennuis inutiles et ces dames sont maintenant inquiétées du fait même qu'il y en a deux qui ont été remplacées parce qu'elles ne parlaient pas le français. Ce sera le tour à qui la prochaine fois? Cela crée une certaine atmosphère malsaine.

Mme Lavoie-Roux: C'est un peu une situation, jusqu'à un certain point, analogue à celle qui existait à St. Mary's et qui a mis le personnel dans un état d'insécurité. Je me demande, M. le Président, si les dispositions qui sont contenues dans la charte pour protéger les plus vieux employés - on dit ceux qui sont à cinq ans de leur retraite -et il y a une autre disposition - je l'ai oubliée exactement - si cela ne devrait pas être révisé. Vous savez, si une personne est rendue à 55 ans, elle n'est pas nécessairement à cinq ans de sa retraite et c'est peut-être difficile pour elle d'apprendre une deuxième langue. Je trouve que dans ces cas, le gouvernement devrait faire des efforts pour empêcher qu'on commette des injustices, particulièrement à l'égard de personnes qui ne peuvent pas se replacer facilement ailleurs, parce qu'elles n'ont pas de profession, etc. Je ne sais pas si le gouvernement est disposé à examiner cela pour diminuer, s'il y en a eu, les cas d'injustice.

M. Laurin: Effectivement, il y a une disposition dans la charte qui touche les entreprises à cet égard. Pouvons-nous, par extension, considérer que les commissions scolaires constituent une entreprise à cet égard ou s'il faut être plus explicites, plus spécifiques et l'écrire tel quel dans la loi? C'est une suggestion que nous allons sûrement examiner avec attention.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le ministre.

M. Fox: J'aimerais souligner que c'est un élément extrêmement important et qui cause beaucoup de tracas. Je vous dirai franchement que, d'une part, je suis accusé par le personnel d'être trop intransigeant en ce qui concerne les exigences du français et, d'autre part, on m'accuse de ne pas faire assez pour franciser l'établissement. Donc, nous sommes pris entre les deux feux et je peux vous dire que j'ai eu des lettres anonymes de menaces. Je les ai ignorées, j'ignore toutes les lettres anonymes, mais cela prouve une certaine mentalité de crainte et une certaine mentalité de manque de confiance. Les gens ne se sentent pas à l'aise.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Bien, merci. M. le député de Bourassa, je vous demanderais de prendre en considération le temps qu'il nous reste. Il y a aussi le député de Westmount et le mot de la fin du ministre...

Une voix: ...le député d'Outremont.

Le Président (M. Brouillet): Le député d'Outremont? Je m'excuse.

M. Fortier: Comme le ministre de l'Éducation demeure dans Westmount, je suis certain qu'il ne serait pas d'accord avec moi.

M. Laplante: Nous allons faire notre possible pour nous discipliner, M. le Président.

M. Laurin: Je demeure à Vaudreuil.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président. Je débuterai par une question que le député de Mont-Royal posait de bonne foi, hier, à un groupe francophone, qui est la Société nationale des Québécois de l'Outaouais. Il lui demandait pourquoi, dans son mémoire, il revenait toujours sur l'histoire ancienne, pourquoi il ne préparait pas son mémoire de façon plus constructive vers l'avenir. C'est une question que j'ai trouvée intéressante, M. le député de Mont-Royal. Mais à la lecture

du mémoire d'aujourd'hui, je ne sais pas si vous poseriez à nouveau la question à ces francophones, parce que, à mon avis, c'est un mémoire qui utilise les thèmes les plus méprisants envers la francophonie et les francophones, c'est le mémoire le plus dur que nous ayons eu jusqu'ici. Ce que je trouve déplorable, c'est que c'est écrit par des professionnels de l'éducation, des hauts cadres de l'éducation, qui auraient au moins pu venir ici avec une préoccupation d'amender les irritants dans une charte de la langue française du Québec.

À la page 4, à propos de certaines procédures on dit: "et peuvent être considérées tout simplement comme grotesques et "kafkaïens".

À la même page 4, vous dites que: "De tous petits enfants doivent observer très méticuleusement toute une série de démarches quasi incohérentes."

A la même page, vous traitez les fonctionnaires francophones - dont vous êtes vous-mêmes, les directeurs généraux - de petits fonctionnaires mesquins. Je trouve là aussi que c'est une insulte pour nous. Vous êtes vous-mêmes des fonctionnaires.

À la page 3, vous dites: "Les mesures restrictives imposées sont nombreuses et variées, elle sont sous bien des rapports furtives et subliminales de nature."

Toujours à la page 3, vous dites: "Pourtant, il semble que certains groupes de personnes en autorité au Québec ne lésinent pas sur les moyens et s'acharnent à vouloir promouvoir à tout prix la cause de la langue française, aux dépens même de celle de la langue anglaise", cela frise le racisme, MM. les directeurs généraux.

Vous avez aussi une autre remarque. À la page 4, vous parlez d'un "vrai cauchemar administratif qui aboutit souvent à une série d'erreurs tragi-comiques et franchement loufoques." Vous dites aussi, MM. les directeurs généraux, à la page 15, au sujet de la Commission de surveillance de la langue française: "Cette commission dispose de pouvoirs fort étendus qui, sous bien des rapports, peuvent inspirer une certaine crainte. En effet, il n'est pas assez connu et reconnu que la police de la langue peut s'adjuger le droit..." Vous transférez cela aux policiers. Ensuite, à la page 16, vous dites: "La situation est grave. De telles procédures peuvent s'identifier facilement aux tactiques autoritaires d'un État policier."

Vous savez, MM. les directeurs généraux, la confiance se gagne aussi dans l'observation d'une loi vis-à-vis d'un gouvernement. Lorsque le gouvernement a voté la loi 101, il s'est fié aussi à la communauté anglophone - vous autres, les directeurs généraux - pour pouvoir au moins donner à cette loi un essai honnête. Qu'avez-vous fait? Vous avez contribué à mettre dans l'illégalité environ 1500 jeunes qui sont aujourd'hui pris dans une contrainte de la loi. Vous avez contribué à les cacher dans chacune de vos écoles. Jamais vous n'avez dénoncé cette chose au nom, justement, de ces jeunes, au nom d'un avenir collectif de ces jeunes. Tout ce que vous avez vu là-dedans, c'est l'esprit anglophone, grossir vos rangs comme anglophones avec les allophones.

Des voix: Oh: Oh!

M. Ryan: M. le Président...

M. Laplante: J'emploie à peu près le même ton qu'il y a dans le mémoire.

Le Président (M. Brouillet): Une minute, s'il vous plaît! M. le député d'Argenteuil, vous avez...

M. Ryan: ...le député de Bourassa est en train de dire des choses... Je ne sais pas s'il me permettrait de faire seulement une rectification. Je pense qu'il les dit de bonne foi, mais s'il me permettait de faire une rectification, cela éviterait...

M. Leduc (Fabre): M. le Président, je m'excuse! M. le Président!

M. Ryan: ...qu'on s'engage dans un climat impossible. S'il ne veut pas, on le fera ailleurs.

M. Leduc (Fabre): M. le Président...

Le Président (M. Brouillet): Très bien. C'est M. le député de Bourassa qui a la parole actuellement. Je lui demanderais de tenir compte des remarques que j'ai faites tantôt - le temps est assez limité - et de peut-être aboutir à des questions après ses remarques générales.

M. Laplante: C'est ce dont je voulais surtout vous faire part. Je crois que les questions ont été posées par M. le ministre et par Mme la députée de L'Acadie qui a elle-même confirmé le ton très dur de votre mémoire. Mais je veux surtout vous exprimer ma déception à vous, professionnels de l'éducation anglaise, vis-à-vis de votre crédibilité et des revendications que vous faites. Il y a quelques revendications là-dedans avec lesquelles je suis d'accord, mais il y a un ton à employer. Nous avons surtout voulu que cette commission ait ce qu'on appelle un "low profile", pour essayer de trouver entre nous les irritants d'une loi. Je serais gêné à votre place, vous, professionnels, encore une fois, d'avoir soumis un tel mémoire. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Très bien.

Quelques brefs commentaires, avant de céder la parole...

M. Fox: Je crois que je me passerai de commentaires pour ne pas entrer dans une controverse. Je prends la responsabilité de ces paroles. C'est moi qui les ai écrites.

M. Ciaccia: Avant l'intervention...

Le Président (M. Brouillet): Je vais donner la parole tout d'abord au député d'Outremont.

M. Ciaccia: Mais c'est seulement pour...

M. Fortier: M. le Président, c'est parce que le député de Bourassa...

Le Président (M. Brouillet): Si c'est pour poursuivre un débat sur le ton, non.

M. Fortier: Non, non.

Le Président (M. Brouillet): Les invités sont ici. Vous avez le droit de faire des commentaires et de poser des questions. Je ne voudrais pas qu'on commence encore à faire une discussion sur...

M. Fortier: Quant à moi, mon commentaire n'avait rien à voir avec cela, mais mon collègue de Mont-Royal a été mis en cause. Je crois qu'il voudrait dire un mot là-dessus.

M. Ciaccia: II y a une question qui m'a été posée. Je voudrais seulement répondre à la question qui m'a été posée, très simplement, sans soulever de débat, M. le Président, toujours avec l'objectif de maintenir le calme et un peu de bon sens dans les travaux de notre commission.

Le Président (M. Brouillet): Je vous donnerai le droit de parole tantôt. Pour le moment, je vais le donner à... Est-ce simplement une rectification?

M. Ciaccia: C'est parce que cela aurait beaucpup plus de bon sens de le faire maintenant, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Bon, faites votre remarque immédiatement, une rectification ou un commentaire brièvement.

M. Ciaccia: C'est ça. Alors, on m'a demandé si, à la suite de ce mémoire, je poserais la même question aux porte-parole de la Société nationale des Québécois de l'Outaouais. Catégoriquement, ma réponse est: Oui, je poserais la même question. Les propos qui avaient été soulevés, hier, indiquaient un redressement de l'histoire. On faisait un rappel des problèmes et des conflits du passé pour essayer de continuer les conflits ou de changer le pendule. Ce n'est pas en continuant les conflits, ni en faisant toujours un rappel des péchés du passé, comme cela se produisait hier, qu'on pourra trouver aujourd'hui des solutions. Le point que j'ai fait valoir hier, c'est que j'aurais préféré trouver une nouvelle formule pour regarder comment à l'avenir, au Québec, nous pourrons vivre en paix. Pour ce qui est des termes méprisants, qu'ils soient employés par une personne ou par une autre, et de l'appel au redressement de l'histoire, on ne peut pas changer l'histoire. Si on continue toujours à garder un esprit étroit qui tente de prendre une revanche sur le passé, cela ne peut se faire et on continuera à produire des conflits. Les exemples que le député de Bourassa a donnés quant aux procédures kafkaïennes et grotesques...

M. Laplante: M. le Président...

Le Président (M. Brouillet): Non, excusez, on n'entre pas dans ce débat.

M. Ciaccia: Non, je ne veux pas entrer dans le débat. Le seul point que je voudrais faire, c'est que l'appel...

M. Laplante: Je crois que la mise au point est faite, parce que je ne vous ai pas attaqué.

M. Ciaccia: Le seul point que je voulais faire...

Le Président (M. Brouillet): Le seul point que vous vouliez aborder, je pense que vous l'avez fait.

M. Ciaccia: M. le Président, si vous me le permettez, je pense que ce sera beaucoup plus calme si nous ne faisons pas de débat de procédure.

Le Président (M. Brouillet): Et si vous ne débordez pas sur le sujet dont il est question.

M. Ciaccia: M. le Président, je pense qu'il y a une grande différence entre essayer de redresser l'histoire, les péchés du passé qui peuvent produire des abus dans l'avenir et donner certaines descriptions de la commission de surveillance. Cela ne me semble pas tout à fait le même sujet. Les termes méprisants sont des termes méprisants. La question soulevée par le député de Bourassa est complètement différente. Il fait allusion à l'approche des gens d'ici quant aux procédures actuelles et à leur description. Ce n'est pas tout à fait le point que j'avais soulevé, hier, concernant un rappel de l'histoire et la revanche des abus du passé.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Je remercie le député de Mont-Royal.

J'invite maintenant le député d'Outre-mont à prendre la parole.

M. Fortier: Je suis prêt à poursuivre, mais mon collègue d'Argenteuil voulait faire un commentaire. Est-ce que vous le lui permettez?

M. Ryan: M. le Président, une affirmation fausse a été faite plus tôt et je voudrais qu'on la corrige. Je pense que le député de Bourassa va le faire aussi de bonne foi.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, s'il vous plaît! On ne veut pas de débat. M. le Président, est-ce que vous pourriez demander qu'on procède à l'interrogation de nos invités?

M. Ryan: Bien, voyons donc! On a le droit de dire ce qu'on veut.

Le Président (M. Brouillet): Écoutez, question de règlement, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, je crois que mon collègue d'Argenteuil veut simplement rétablir des faits. Comme il est le porte-parole de notre formation politique dans le domaine de l'éducation et que nous sommes ici pour connaître les faits, que nous sommes à la recherche de la vérité, je ne peux comprendre que les membres du Parti québécois s'opposent à ce que les faits soient rétablis par mon collègue d'Argenteuil

Le Président (M. Brouillet) Si c'est une question de fait, M. le député d'Argenteuil, vous pouvez donner votre opinion.

M. Ryan: Le député de Bourassa a accusé les directeurs généraux des écoles protestantes d'avoir nourri dans le sein des commissions scolaires protestantes des élèves qui étaient là de manière illégale. C'est faux! C'est faux! Ce n'est pas dans ce secteur-là que se trouvent les élèves considérés comme illégaux. Au contraire, la preuve pourra facilement établir que, dès qu'un tribunal s'est prononcé sur cette question-là, les commissions scolaires protestantes se sont soumises à la loi. L'autre cas, nous aurons l'occasion de l'examiner dans des témoignages ultérieurs. J'espère que vous retirerez cette accusation qui ne m'apparaît pas fondée.

Le Président (M. Brouillet): J'avais fourni l'occasion à M. le directeur d'énoncer ses commentaires et il avait cru bon de refuser. (13 heures)

M. Fox: Je n'ai pas voulu le faire, parce que je ne veux pas opposer le secteur catholique au secteur protestant dans ces débats. Mais ce que le député d'Argenteuil dit est vrai. Si M. le député de Bourassa dit que ce n'est pas vrai, j'aimerais bien savoir dans quelle école protestante vous avez des illégaux.

Le Président (M. Brouillet): Alors, j'invite...

M. Laplante: II faudra nous donner les listes, pour commencer. Quant à l'État policier...

Mme Lavoie-Roux: Oh! D'autres accusations insidieuses.

M. Ryan: Vous avez déjà trop de listes.

M. Laplante: ...dont il parle, le ministre s'est toujours opposé à ce que la police aille vérifier les faits. Qu'on nous donne la chance, au ministère de l'Éducation, d'envoyer nos agents et de vérifier tout ce qui se passe dans les écoles et, après cela, on pourra démentir ce qui a été dit.

Une voix: Mais vous semblez le savoir.

M. Laplante: Jusqu'à présent, les faits sont là.

Mme Lavoie-Roux: C'est absolument gratuit, ce que vous dites, M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je suis obligé d'affirmer encore une fois que, dans le secteur des écoles anglophones...

Mme Lavoie-Roux: C'est trop facile, ça!

M. Laplante: ...il y a encore approximativement 1500 illégaux appuyés par la communauté anglophone.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce que le règlement...

Le Président (M. Brouillet): S'il vous plaît!

Mme Lavoie-Roux: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Oui, question de règlement.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que la procédure parlementaire permet à un député, quel qu'il soit, d'affirmer n'importe quoi sans étayer cela par des preuves? C'est ce que le député de Bourassa fait présentement.

M. Laplante: Niez-vous qu'il y ait des enfants illégaux dans les écoles anglophones?

Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. le député de Bourassa. Un député peut affirmer des choses...

Mme Lavoie-Roux: II peut affirmer n'importe quoi?

Le Président (M. Brouillet): Oui. Mme Lavoie-Roux: Bon, tant pis!

Le Président (M. Brouillet): Je n'ai pas à juger si c'est n'importe quoi ou pas.

Mme Lavoie-Roux: On vient de rétablir des faits et il maintient...

Le Président (M. Brouillet): Une minute, s'il vous plaît. Chacun assume les propos qu'il tient ici et libre aux autres membres de la commission, quand ils obtiennent le droit de parole, de rectifier les faits ou de les contredire. C'est le jeu des commissions parlementaires et ce n'est pas à moi de décider si les propos sont exacts ou non. Toute personne a droit de contredire des propos en demandant la parole. C'est ce qui est fait depuis toujours.

M. Ciaccia: Y a-t-il consentement pour continuer après 13 heures?

M. Sirros: ...reconnaître le droit du député de Bourassa de dire n'importe quoi?

Le Président (M. Brouillet): Vous n'avez pas à le reconnaître.

M. Sirros: Comme il l'a fait, finalement.

Mme Lavoie-Roux: II l'a pris.

Le Président (M. Brouillet): C'est un droit qui est reconnu par tous indépendamment de l'opinion de l'un ou l'autre des membres des commissions.

M. Sirros: II peut même avoir le droit d'être irresponsable, M. le Président?

Le Président (M. Brouillet): C'est un droit que tous partagent.

M. Ciaccia: Est-ce qu'on a le consentement pour continuer?

Le Président (M. Brouillet): II est 13 heures et je dois obtenir le consentement pour continuer.

J'invite le député d'Outremont à prendre la parole.

M. Fortier: J'aurais un commentaire à faire et ensuite une question à poser aux directeurs généraux. Le premier commentaire est que je n'ai pas eu le plaisir d'assister aux commissions parlementaires de 1977. Je dois dire que je suis assez surpris de voir le climat se détériorer. Le député de Bourassa s'est lancé dans une direction en faisant des affirmations qui peuvent nous empêcher ou empêcher la population de saisir l'ampleur du problème. Jusqu'à maintenant, il s'était abstenu de parler et je crois que tout le monde l'appréciait.

Ce qui m'a le plus surpris, c'est le ton du ministre de l'Éducation. Il a parlé de choses qui, de toute évidence, affectent les citoyens du Québec, qui les affectent profondément. Si le député de Bourassa se surprend du ton du mémoire, je crois que cela indique jusqu'à quel point ces gens, en tant qu'individus, se sentent brimés par des mesquineries. Enfin, c'est le mot que vous employez dans votre texte. J'en suis tout à fait surpris, moi qui suis ingénieur et qui suis appelé, par ma formation, à traiter de ces questions avec des statistiques. Je suis plutôt porté à m'intéresser de très près à l'aspect humain de ces problèmes alors que, pour sa part, le ministre de l'Éducation, lui, a une formation dans le domaine des sciences humaines et il tente de régler ces problèmes à l'aide de statistiques. Je voulais simplement faire état de ma surprise devant l'attitude du ministre de l'Éducation qui cherche à traiter les problèmes qui concernent les êtres humains vivant au Québec à l'aide de statistiques alors que moi, qui suis ingénieur, je m'aperçois que le côté humain de ce problème blesse beaucoup de gens.

Je voudrais dire à l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires protestantes du Québec que, pour ma part, j'ai été très impressionné de leur témoignage. C'est le témoignage d'êtres humains vivant au Québec et voulant participer à la vie économique et culturelle du Québec. Cela m'amène à dire que je suis sûr que le député de Bourassa et le ministre comptent sur l'appui populaire des Québécois. Je voudrais dire que je suis Québécois autant que quiconque autour de la table, je suis Canadien français autant que quiconque autour de la table et je crois que les Canadiens français et les Québécois, d'une façon générale, ne sont pas mesquins et que nous devons dénoncer ces mesquineries parce que, si les gens qui sont au pouvoir croient avoir l'appui populaire pour perpétuer les mesquineries qui se sont glissées dans l'application de la loi depuis 1978, je crois que l'ensemble des Québécois le leur fera payer bien cher lors de la prochaine élection.

Pour ma part, je crois que c'est de la mesquinerie d'insister pour que les noms des écoles de langue anglaise soient inscrits en

français. On pourra même parler de fausse représentation, on pourra même se demander si la Loi sur la protection du consommateur ne pourra pas intervenir pour dire qu'il s'agit là d'une fausse représentation de la part d'écoles de langue anglaise d'avoir un nom en langue française.

Je passerai là-dessus pour vous poser une question en ce qui a trait à l'effort additionnel qui pourrait être fait, dans le sens que vous l'avez fait jusqu'à maintenant, pour faciliter l'apprentissage de la langue française. Je crois que plusieurs ici ont dit qu'on devait vous féliciter pour les efforts que vous avez faits pour les commissions scolaires avec lesquelles vous travaillez. À la page 4, vous parlez de coûts additionnels de traduction ou de coûts additionnels de toutes sortes. Est-ce que ces coûts additionnels sont assez significatifs? Quel ordre de grandeur pourriez-vous leur donner, en supposant que, dans l'avenir, il y ait des assouplissements pour que ces sommes puissent être utilisées là où elles devraient être utilisées, c'est-à-dire dans le sens d'une meilleure pédagogie, dans le sens de faciliter davantage l'apprentissage de la langue française?

Je sais que le budget de la Commission des écoles protestantes du Grand-Montréal est de l'ordre de 120 000 000 $. Est-ce qu'on parle de sommes significatives qui pourraient faire une différence en les employant d'une façon positive plutôt que de s'acharner à des niaiseries et à des mesquineries du genre de celles dont vous avez fait état?

M. Fox: Je suis d'accord. Vous parlez d'un budget de 124 000 000 $, mais n'oubliez pas que 84% de ce budget va en salaires, ce qui réduit déjà ledit budget à quelque 30 000 000 $ dont nous pouvons disposer. De ces 30 000 000 $, à peu près la moitié est réservée pour le maintien des bâtiments, le chauffage, l'électricité qui sont indispensables. Vous voyez donc que la proportion de l'argent employé se réduit de beaucoup. Nous avons prévu quelque 90 000 $, comme je vous l'ai dit dans la présentation de la commission scolaire, pour la traduction seule. Même là, nous avons des frais additionnels. La date fatidique doit être le 31 décembre 1983, date où tout devrait être produit en français. De ce point de vue-là, nous avons même regardé la possibilité d'avoir la traduction par ordinateur. Nous avons un projet avec une firme montréalaise et cela fonctionne tant bien que mal. Cela accélère la production de textes, mais c'est encore de l'argent qui, à mon avis, est gaspillé puisque c'est de l'argent que je dois utiliser à traduire beaucoup de textes qui, une fois transmis avec une lettre d'accompagnement en français... Je suis entièrement d'accord que la correspondance avec le ministère de l'Éducation se fasse en français, mais que tous les documents que je résume dans cette lettre que j'envoie en français doivent être exactement traduits en français, c'est inutile. C'est donc un des points que je veux souligner.

S'il vous plaît, regardez le côté positif! Parfois la vérité blesse. Je m'excuse, mais, d'un autre côté, je vous dis franchement que nous tenons à avoir plus de liberté d'action, qu'on nous accorde plus de confiance et qu'on cesse de surveiller tous les mouvements qu'on fait, de façon qu'on soit assuré que tout se passe selon les règles, instructions, règlements et directives qui sont fort nombreux.

M. Fortier: Je vous remercie, M. Fox.

Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie.

M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Laurin: Je veux encore remercier les directeurs généraux de leur mémoire. Je m'excuse, dans mes commentaires, d'avoir parlé de statistiques, mais je ne pense pas que mes commentaires se soient limités à des commentaires statistiques. Je ne voudrais pas que le député d'Outremont m'empêche d'utiliser des statistiques, de même que je ne voudrais jamais l'empêcher d'utiliser des arguments tirés des sciences humaines.

M. Fortier: ...oui, mais...

M. Laurin: Je pense qu'en réponse à des questions, on peut utiliser toutes les données qui existent, dont les données statistiques peuvent être parfois un élément important.

Encore une fois, je veux remercier les directeurs généraux pour leur mémoire éclairant et les assurer que nous allons étudier les moyens qu'il importe de mettre en oeuvre, d'une part pour assurer l'atteinte des objectifs que vise la loi, mais également dans un esprit d'équité et de justice à l'endroit du secteur scolaire anglophone.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 12)

(Reprise de la séance à 15 h 08)

Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente des communautés culturelles et de l'immigration reprend ses travaux.

J'invite les représentants de la Provincial Association of Catholic Teachers à prendre place et à bien vouloir se présenter.

PACT

M. Ratcheff (Dennis): Thank you very much. I would like to introduce our delegation. On my immediate right, we have Bob Dobie, our Secretary General, and beside him is Peter Gentile, Vice-President of PACT, and a member of our Board of Directors, Mario Di Domenico at the far right. Immediately to my left, we have Terry Tatasciore, a member of our Board of Directors, and Leo Fernandes, also a member of our Board of Directors. My name is Dennis Ratcheff, President of PACT.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Si vous voulez nous présenter votre mémoire.

M. Ratcheff: Thank you very much. Mr. President, Ladies and Gentlemen, in June 1977, our association presented a brief to the parliamentary committee studying Bill 1. A number of points were made on the language of instruction, the language of labour relations and the vision we had of Québec and, more specifically, of the place the minorities should play within Québec society.

The parliamentary committee listened attentively and we were sure that our recommendations would be taken into consideration. We expressed our concern with many aspects of the proposed legislation and strongly urged that the law should be applied with suppleness, taking into consideration real human factors. Premier Lévesque went as far as to say that he was humiliated to present such a law and, on numerous occasions, both he and Dr. Camille Laurin assured us that Bill 1 was a temporary solution to redress a particular situation and, once that situation had been remedied, we could expect changes. We claim that the time for modifications is overdue.

When preparing this brief, we wondered whether it would serve any use. On the one hand, we felt that the briefs presented by most nonfrancophone groups in 1977 were almost totally ignored and, furthermore, even more recently, we observed that the Parti québécois general council had given rather unequivocal instructions to the Government not to modify the provisions of Bill 101. In any event, we felt we must address ourselves to the few areas which desperately need change.

The preamble of Bill 101 states that the National Assembly intends to pursue to deal fairly and openly with ethnic minorities. The implication is that the minorities are not part of the Québec people, but are extraneous elements who have, by historical element, acquired certain tribal rights. After six years of living under Bill 101, many English-speaking Quebeckers feel that they have not been treated on an equal footing with the majority of Quebeckers and have been treated as a bothersome appendix.

The first article of Bill 101 clearly states the lack of recognition given to the English-speaking community. We accept the fact that French is the official language of Québec, but that statement fails to show respect and give recognition to the valuable contributions that the English-speaking minority has made to the development of Québec. We would recommend that the English language be given some official status in Bill 101, specially as it deals with the right to communicate with the Government and within its own institutions. To some degree, this has been done unofficially with the insertion, in government documents, that English versions are available upon request, the most recent example being the publication of the Charte québécoise des droits et libertés de la personne where citizens are invited to request English versions if they so desire.

The English-speaking community is not a monolithic community. Anyone who has tried to teach English in the English Catholic schools can give assurance that the process of inculturisation with these children has not proceeded very far. These children have not become imbued with the spirit, the culture and the language of Chaucer and Shakespeare. Contrary to what seems to be believed by many Quebeckers, we cannot equate the English language with the English culture for these children. For them and their parents, English is merely a tool and the recognition of this language should be articulated in Bill 101.

One of the tragedies of the bitterness of the debate on language in Québec is that of welding an English-speaking minority with a single sense of identity. We wish to emphasize that the community which we serve represents approximately half of the English-speaking population of Québec. It is neither wasp nor elite. It is not a homogeneous group but rather a polyglot collection of various ethnic groups, each retaining its own ethnic identification and using English as a tool of communication. The English language should be officially recognized and the law should be amended to reflect this.

M. Dobie (Robert): Cette association a émis à maintes reprises, comme principe de base, le droit de tous les parents de choisir la langue d'instruction de leurs enfants. Le gouvernement actuel a catégoriquement rejeté ce principe et seuls les Québécois anglophones certifiés, les Amérindiens et les Inuits jouissent d'un tel droit. Les nouveaux immigrants, même lorsqu'ils sont anglophones, sont acheminés vers les écoles françaises. Le seul résultat de cette restriction a été d'encourager plusieurs Néo-Québécois

anglophones potentiels à élire résidence ailleurs qu'au Québec.

La loi 101 empêche également les Canadiens des autres provinces d'inscrire leurs enfants dans les écoles anglaises. La constitution canadienne a enchâssé ce droit de façon très claire, mais le gouvernement du Québec refuse de le reconnaître. Les dispositions restrictives régissant l'accès aux écoles anglaises ont eu un effet dévastateur sur la communauté anglophone.

Dans notre mémoire présenté à la commission parlementaire en 1977, nous avons soumis de façon catégorique que de telles dispositions restrictives entraîneraient éventuellement l'étranglement de la communauté anglophone. Les membres du Parti québécois siégeant au sein de la commission parlementaire nous ont traités d'alarmistes. Nous avons aussi présenté une analyse démographique et un graphique démontrant l'éventuelle baisse des effectifs dans les écoles anglaises catholiques. Cette étude prévoyait que les effectifs du secteur anglais de la CECM passeraient d'un plafond de 42 000 élèves en 1975-1976 pour tomber à 14 000 en 1987-1988.

On nous accuse d'être alarmistes alors que nous faisons tout simplement preuve d'un certain réalisme. Nous reproduisons dans notre mémoire, à la page suivante, le même graphique pour que vous puissiez en tirer vos propres conclusions. À vrai dire, la population scolaire a même accusé une baisse plus importante que prévu. Le tableau joint au présent document fait état de l'effet radical que ceci a eu sur nous en tant que communauté. Il est évident qu'à moins que des changements majeurs soient apportés aux articles concernant l'accès aux écoles anglaises, notre communauté est vouée à un éventuel déclin, car nous savons tous que la population scolaire est l'un des meilleurs indicateurs de la croissance ou du déclin d'une communauté.

À la page suivante, vous voyez le graphique que nous avons présenté en 1977 à la commission parlementaire sur la loi 1. Également à l'annexe I - nous allons l'expliquer un peu plus tard - nous avons les prévisions de la population scolaire dans les commissions scolaires de l'île de Montréal.

Dans la partie suivante, nous parlons des étudiants visés par la loi 101. Ici, nous voulons surtout parler des enfants que certains ont appelés des "illégaux". Nous les appelons des élèves persécutés. Lors de l'entrée en vigueur de la loi 101, à la fin du mois d'août 1977, plusieurs parents ont cru qu'ils étaient traités injustement, surtout lorsqu'il s'agissait d'inscrire leurs enfants à l'école anglaise. Plusieurs parents croyaient sincèrement qu'ils devraient avoir le droit d'envoyer leurs enfants a l'école anglaise et plusieurs d'entre eux ont continué d'y inscrire leurs enfants malgré les restrictions imposées par la loi 101 et malgré le fait qu'ils n'avaient pas reçu un certificat d'admissibilité à l'école anglaise pour leurs enfants. Ces enfants furent acceptés par les enseignants et les directeurs d'école. Aux élèves de la loi 101 - les fameux illégaux -on a offert les mêmes services qu'aux autres légalement inscrits. La plupart des parents considéraient la loi injuste en raison de ses effets rétroactifs. Ces parents habitaient au Québec depuis plus de quinze ou vingt ans déjà, mais pour une raison quelconque, ils n'avaient pas reçu leur instruction primaire en anglais au Québec. En 1981, quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi, les parents insistent toujours pour envoyer leurs enfants à l'école anglaise. D'ailleurs, le nombre de ces enfants est passé d'environ 400 lors de la première année à environ 1500 en 1981. Après l'élection provinciale, en 1981, alors que le mandat du Parti québécois a été renouvelé, les parents de ces enfants ont reçu une lettre de notre association leur faisant part des conséquences de leur prise de position. Mais la très grande majorité des parents a fait savoir, sans équivoque, qu'ils continueraient à envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Encore, vous trouverez ci-joint une copie de cette lettre.

Le ministre de l'Éducation a aussi reçu une copie de cette lettre. Il aurait dû être évident que ces parents étaient déterminés à poursuivre le combat.

On a demandé au ministre d'intervenir afin de résoudre le problème en faisant preuve de souplesse et de compréhension. Il a répondu en mettant sur pied une commission d'enquête présidée par Me François Aquin. Malheureusement, le mandat accordé à Me Aquin était extrêmement limité et se bornait à des recommandations en vue d'intégrer ces enfants au secteur français. Cette opinion avait été rejetée à maintes reprises par les parents. Personne n'a été surpris lorsque Me Aquin a recommandé l'intégration des enfants aux écoles françaises et a fixé l'échéance au 31 décembre 1982. Cette recommandation était inutile et les parents ont tout simplement ignoré la menace d'une nouvelle échéance. Il est important de souligner que les enseignants et les directeurs d'école se sont réunis volontairement et ouvertement avec Me Aquin et qu'ils ont fourni des renseignements concernant ces enfants avec des statistiques et des cas spécifiques à l'appui.

Nous avons également organisé une réunion entre Me Aquin et les parents concernés. Une rencontre que Me Aquin n'a guère appréciée parce qu'elle a permis aux parents de présenter leur cas particulier, ce qui a montré la détermination de ceux-ci. Ces mêmes renseignements ont été fournis un an plus tard à M. Claude Ryan, critique du Parti libéral en matière d'éducation, qui,

après avoir étudié le dossier, a dressé une liste de recommandations. Ces recommandations mentionnaient que l'on avait affaire à une clientèle très spécifique et que la plupart de ces cas pouvaient être réglés à la satisfaction des parties si l'on tenait compte des dimensions sociales et familiales de la situation.

En juin 1983, le premier ministre et le ministre de l'Éducation ont déclaré en Chambre qu'on étudierait le rapport de M. Ryan et qu'ils espéraient résoudre le problème avant la rentrée en septembre. Cela se passait il y a deux mois.

On a beaucoup parlé au cours de ces sept dernières années du fonctionnement de la commission d'appel. Nous devons maintenant affronter un troisième groupe de commissaires. Le premier groupe de commissaires a été congédié lorsque les membres ont recommandé que des changements soient apportés à leur mandat. Le deuxième groupe a démissionné en bloc lorsque les commissaires se sont aperçus qu'on ne tenait pas compte de leurs recommandations et que le travail de la commission était injuste et inefficace, sans mentionner les pressions auxquelles les commissaires étaient soumis.

Il faut se rendre compte du fait que, pour obtenir un certificat d'inscription à l'école anglaise, le processus risque d'être très long et laborieux. Au mois de janvier, les parents doivent faire une demande auprès de la commission scolaire et, si le refus leur parvient au mois de mars environ, ils ont droit d'en appeler à la commission d'appel et ceci, dans un délai de 30 jours. Cet appel est de nature assez juridique et les parents doivent souvent avoir recours à des conseillers professionnels s'ils veulent en comprendre la procédure.

Plusieurs mois peuvent s'écouler avant que le cas ne passe devant la commission et souvent en l'absence de l'appelant. Par exemple, cette année, la rentrée scolaire avait lieu et les parents attendaient toujours une réponse. Est-ce une application humaine de la loi à laquelle le premier ministre Lévesque avait fait allusion lors des audiences sur le projet de loi no 1?

Dans ces cas particuliers, l'application de la loi s'est révélée mesquine et stupide. Nous recommandons donc que le mandat de la commission soit élargi et que des personnes bien informées des besoins de la communauté anglophone soient nommées auprès des représentants de notre communauté. Ces recommandations ont été faites au gouvernement à trois reprises au moins et il n'y a toujours aucun changement.

M. Ratcheff: In conclusion, the PACT could have addressed itself on a number of other points regarding Bill 101. It has elected to keep its comments on the most blatant misapplications of Bill 101. Areas such as testing a professional, sign legislation, internal communications with institutions and the overall economic results of Bill 101 could have been addressed. The facts that we do not articulate our reaction on any of these issues, or other parts of Bill 101, cannot be interpreted as an endorsement of these areas. We dealt with these specific aspects because they demonstrate an overzealousness in the application of the law and do not coincide with the many statements made during the hearings of Bill 1 to the effect that the law would be applied in a supple fashion.

Another issue which is about to be debated by the National Assembly is that of Bill 40. We find some comfort in the proposal that the school boards in Québec are to be structured along linguistic lines. This position could, indeed, give some structural identity to the whole English community. We do hope that these school boards will be given meaningful powers and that they will be able to communicate in the English language.

We hope that serious consideration will be given to the points we submit and that a new spirit of suppleness and humane application will come out of these hearings. Thank you very much.

Le Président (M. Brouillet): Thank you. Merci.

J'invite M. le ministre à faire ses commentaires.

M. Laurin: M. le Président, je remercie l'Association des enseignants catholiques de langue anglaise pour le mémoire qu'elle vient de nous présenter.

La commission touche un certain nombre de problèmes qui ont déjà fait l'occasion de représentations analogues de la part d'autres groupes, dont certains que nous avons entendus ce matin et d'autres que nous avons entendus les jours précédents.

J'ai commenté assez longuement ce matin la plupart de ces problèmes dont en particulier ceux qui touchent la situation de la minorité anglophone au Québec, son déclin éventuel, la portée de ce déclin, l'accès à l'école anglaise, les critères qui motivent ou déterminent l'accès à l'école anglaise, la langue de fonctionnement des commissions scolaires, la langue de travail, particulièrement en ce qui a trait à la pédagogie et à l'administration. Je ne voudrais pas répéter les commentaires ou les indications que je donnais à cette occasion. Je pense que les représentants de l'association étaient probablement présents ce matin et qu'ils ont dû en prendre connaissance.

On touche cependant une question sur laquelle je voudrais faire un léger commen-

taire. Dans le mémoire, on dit que l'article 1 de la loi qui fait du français la langue officielle indique une absence de reconnaissance de l'existence de la communauté anglophone. On va même plus loin en disant que pour le législateur, la communauté anglophone fait sûrement figure d'un appendice encombrant et gênant. Je pense que c'est là un procès d'intention que je ne saurais accepter parce qu'il est absolument contraire aux faits.

Encore une fois, la loi 101 était la loi de la protection du français, de la langue de la majorité qui, malgré qu'elle était langue majoritaire, avait été considérablement diminuée dans son existence et sa reconnaissance du fait de certains facteurs historiques, économiques, politiques dont il ne me revient pas encore de faire la somme et d'en indiquer les conséquences pour la communauté majoritaire francophone du Québec. Tout le monde reconnaît maintenant, abstraction faite des partis politiques présents en cette Chambre, qu'il est important que le législateur intervienne pour protéger le français, pour promouvoir le français même s'il était une langue majoritaire en raison de tout ces facteurs de déclin ou de difficultés auxquels il avait à faire face dans notre économie nord-américaine et dans ce continent nord-américain.

Le fait que l'on fasse une loi pour promouvoir la cause de la langue française n'implique en aucune façon qu'on renie, qu'on nie l'importance des autres communautés et en particulier de la communauté anglophone. Cela est tellement vrai que dans notre politique de développement "culturel nous avons consacré un chapitre entier à la communauté anglophone. Je pense que si on lit ce chapitre III on verra que le gouvernement a une très haute idée de la communauté anglophone, de la part de la contribution qu'elle a apportée au développement du Québec, du rôle important qu'elle continue d'y jouer et des conditions de développement qui doivent être apportées au maintien et au développement de cette communauté anglophone. (15 h 30)

C'est donc tout le contraire de cette phrase que je lisais: "Que le gouvernement considère la communauté anglophone comme appendice gênant et encombrant." Cela est absolument faux. C'est tout le contraire que le gouvernement pense. Je pense qu'il est bien évident que c'est là une réaction émotive que l'on peut comprendre mais que l'on ne peut accepter.

D'ailleurs, c'est un ancien député libéral qui s'exprimait dans le Devoir hier matin, Solange Chaput-Rolland et qui disait que "toutes les minorités francophones et en particulier la minorité franco-manitobaine aimeraient bien que tous ses gouvernements provinciaux édictent dans les semaines qui viennent une loi 101 qui leur donnerait autant de droits et d'avantages que la loi 101 maintient ou accorde à la communauté anglophone du Québec." Je pense aussi qu'on peut dire que dans les faits - comme nous avons essayé de le montrer ce matin - la communauté anglophone du Québec jouit encore d'un statut très important. Même si la charte du français vise avant tout la promotion du français, plusieurs articles - je pourrais tous les citer - accordent une reconnaissance importante à la langue anglaise soit comme langue de communication entre des personnes et l'administration, soit dans le secteur du commerce, soit dans le secteur des affaires, soit dans le secteur des entreprises. Sans parler de cet article qui dit: "Là où la loi ne le mentionne pas, l'usage des deux langues qui avait cours avant l'adoption de la loi 101 peut parfaitement continuer."

Donc, je pense qu'au départ il me faut refuser ce procès d'intention et surtout la conclusion que l'on en tire quand on prétend qu'elle vise à l'étranglement d'une communauté alors que, dans les faits, cette communauté anglophone non seulement est encore bien vivante au Québec mais qu'elle a bien des chances et toutes les occasions plus qu'ailleurs de se manifester.

Cependant, on parle d'un problème qui a été moins abordé dans les mémoires de ce matin c'est-à-dire la situation des élèves qui se trouveraient non seulement d'une façon illégale mais d'une façon clandestine dans les écoles où travaillent des enseignants faisant partie de l'Association catholique des professeurs de langue anglaise. On dit qu'en 1981, il y en avait encore 1500. Évidemment, l'association qui présente aujourd'hui son mémoire, présente surtout - pour ne pas dire exclusivement - un côté des choses c'est-à-dire la dimension sociale, familiale du problème ou en d'autres termes, les inconvénients sociaux, familiaux qu'auraient eu à connaître ces enfants s'ils avaient du, comme tant d'autres, faire leurs études dans des écoles françaises. On n'a pas parlé de l'autre dimension, de l'autre aspect du problème qui est le respect des lois de l'État, du pays où on a choisi de résider. C'est quand même un aspect extrêmement important aussi qui mériterait, au moins, qu'on le mentionne. Il n'a pas été mentionné du tout dans le rapport, dans le mémoire que nous avons entendu cet après-midi, sinon pour dire que cette loi était stupide ou mesquine ou qu'elle était inopportune ou qu'il ne convenait pas de l'adopter. Il importe quand même de rétablir un peu la situation en faisant bien voir tous les aspects du problèmes.

Encore une fois, ces dimensions sociales, familiales d'enfants qui sont obligés de fréquenter à un moment donné de leur

existence des écoles où la langue parlée n'est pas leur langue maternelle existent pour bien d'autres enfants que ceux dont on nous parle aujourd'hui. Elles existent pour tous les enfants d'immigrants qui choisissent d'aller s'installer dans un autre pays et dont les parents décident, pour des raisons tout à fait valables, de les envoyer à l'école de la majorité. Ceci est le cas de tous les pays d'Europe où les brassages de population sont plus importants que ceux que nous connaissons ici. Nous savons que cette intégration, cette insertion dans des écoles, à un moment donné de leur existence, peut certes poser des problèmes. Cependant, les parents pensent souvent que les avantages qu'on peut en retirer par la suite, du fait qu'on apprend la langue de la majorité, du fait qu'on apprend la langue qui sera celle du travail, celle des communications, la langue des gains qu'on peut faire, compensent en grande partie les pertes ou les difficultés ou les problèmes que peuvent causer ces insertions dans les écoles où la langue parlée n'est pas la langue maternelle. De cela non plus, il n'a pas été question dans le mémoire que nous avons entendu cet après-midi.

Il faut aussi rappeler que ces problèmes sociaux, familiaux dont on dit que les élèves clandestins, illégaux ont eu à souffrir, sont exactement les mêmes que ceux qu'ont rencontrés tous ceux qui ont fréquenté les écoles françaises depuis 1977, que ce soit dans le secteur catholique ou dans le secteur protestant. Le secteur protestant avait d'ailleurs manifesté son opposition à la loi 101 et avait porté sa cause devant les tribunaux. Lorsque les tribunaux les ont déboutés de leur demande, de leur revendication, ils se sont pliés à la loi et à partir de ce moment-là - comme on le rappelait ce matin - la commission protestante de Montréal s'est pliée à la loi et a intégré en grande partie, dans son secteur français, les nouveaux immigrants. C'est la raison pour laquelle, alors que nous n'avions que deux écoles françaises dans le secteur protestant - ou à peu près - en 1976, maintenant il y en a quatorze. Ces quatorze écoles reçoivent des enfants d'immigrants qui ont choisi, à cause du secteur où ils se sont inscrits, de fréquenter les écoles françaises de la CEPGM. Ces problèmes qu'ils ont connus sont sûrement à peu près identiques à ceux qu'ont pu connaître les élèves dont nous parle aujourd'hui la PACT. Je ne sache pas qu'ils n'aient pas récolté du moins les avantages que récoltent tous ceux qui justement choisissent d'apprendre la langue de la majorité. J'aurais bien aimé qu'on parle également de cet aspect.

L'autre aspect, c'est celui du respect des lois. Quand une loi est adoptée, il me semble qu'il est important que les citoyens, que les organismes - surtout lorsqu'il s'agit d'organismes d'éducation - s'y plient. En ce sens, il faut bien reconnaître que du fait de ne pas s'y être pliés au moment où il aurait fallu le faire, en prolongeant cette désobéissance civile, ces élèves ont connu des difficultés, non seulement qu'ils n'auraient pas connues autrement, mais qui se sont aggravées au fil des ans, puisque les sanctions qui avaient été prévues s'appliquent d'année en année et ont un effet cumulatif.

Bien sûr le gouvernement n'a pas voulu, en 1977-1978, au moment où a commencé cette désobéissance civile, recourir à des mesures policières. Il n'a eu recours qu'à des sanctions administratives, c'est-à-dire la non-reconnaissance pour fins de subventions et la non-reconnaissance pour fins de "diplomation". Il est vrai que, au fil des années, ces inconvénients deviennent de plus en plus lourds, mais ils sont quand même la conséquence directe du refus d'obéissance à la loi du pays. C'est d'une façon délibérée, d'une façon très consciente, en tout cas, que les familles de ces enfants ont encouru ces difficultés.

C'est maintenant la PACT qui, aujourd'hui, vient nous demander de prendre des mesures pour effacer ces sanctions qui ont été imposées. Il faut quand même reconnaître que le fait de les lever pourrait causer des préjudices ou des problèmes dont on ne nous parle pas non plus dans le mémoire. Par exemple, qu'est-ce qui arriverait à ceux qui ont décidé d'obéir à la loi, si on levait ces sanctions? N'y aurait-il pas une sorte de pénalité rétroactive pour ceux qui choisissent de se conformer à la loi? Même dans le cas très précis de ces familles que l'on vise, ceux qui ont eu à en subir les conséquences et qui ne sont plus dans le réseau scolaire pourraient trouver à objecter au fait que, à un moment donné, après quatre ou cinq années de désobéissance au lieu de deux années, on se trouve à recevoir des bénéfices ou une sorte de sanction positive pour le fait de ne pas avoir respecté les lois, alors que ceux qui s'y sont pliés ont eu à en supporter les conséquences. Il y a donc tout cet aspect de justice distributive relié à l'observance des lois dont il importe de tenir compte. Je trouve un peu étrange que ce soit l'Association provinciale des enseignants catholiques du Québec qui vienne nous faire cette demande, alors que c'est elle qui, d'une certaine façon - pour ne pas dire d'une façon certaine - a, à quelques occasions, encouragé tous ceux qui ne voulaient pas se soumettre à la loi 101, à venir dans ses écoles, les assurant à l'avance qu'elle leur dispenserait l'éducation qu'ils désiraient.

Dans le mémoire, on dit que c'est à la demande des parents que l'association des enseignants l'a fait, mais je pense qu'il circule assez d'information, pour ne pas dire

d'articles de journaux, pour affirmer que c'est souvent à l'invitation de l'association des enseignants catholiques que les parents, encouragés de ce fait et qui ne voulaient pas se soumettre à la loi 101, ont décidé d'entrer dans la brèche que leur ouvrait l'invitation de l'Association provinciale des enseignants catholiques. À ce moment-là, je répéterais à l'intention de l'association l'adage latin qui est inscrit sur le fronton du palais de justice de Montréal: Frustra legis auxilium quaerit qui in legem committit, c'est-à-dire que c'est en vain que demandera l'assistance de la justice celui qui a décidé de ne pas respecter la justice, de ne pas observer les lois. Malgré tout, je suis prêt à examiner la question au mérite, même si l'association qui le demande a sa large part de responsabilités dans la situation qu'elle vient déplorer aujourd'hui.

Il y a aussi un autre facteur qu'il importe de considérer. D'après le jugement rendu par le juge Deschênes et qui fait en sorte que ceux qui se trouvaient à l'école anglaise, même par erreur, du fait qu'ils y sont demeurés durant quelque temps, acquièrent le droit de continuer à faire leurs études à l'école anglaise, constitue un élément dont il faut tenir compte dans les mesures que nous devons prendre. S'il est vrai, comme le dit le juge Deschênes, qu'un étudiant inscrit à l'école anglaise même par erreur, même d'une façon illégale, du fait uniquement qu'il y soit, lui donne le droit d'y demeurer, c'est là quand même un élément important, car cela voudrait dire que toute mesure administrative que nous pourrions prendre, qui ferait en sorte qu'un élève pourrait demeurer à l'école anglaise, lui donnerait des droits, non seulement à lui, mais à tous ses descendants, à demeurer à l'école anglaise. Avant même que la Cour suprême se prononce, c'est là un risque qu'il importe d'évaluer, d'autant plus que ce jugement Deschênes a été porté en appel et est maintenant rendu devant la Cour suprême. Nous continuons de penser et de prétendre non seulement que le chapitre VIII était légitime, mais que les moyens qu'entendait appliquer le chapitre VIII pour l'atteinte de ces objectifs légitimes sont eux-mêmes indiqués et appropriés. Nous ne désespérons pas d'en faire la preuve auprès de la Cour suprême, malgré les jugements négatifs qui ont été apportés jusqu'ici. (15 h 45)

C'est donc là la question dans son ensemble et je dois dire que les suggestions que nous ont faites aussi bien les associations que le critique de l'éducation du Parti libéral sont encore à l'étude et que nous y accordons une grande attention en essayant de faire la part de la dimension humaine et de la dimension juridique, législative et constitutionnelle du problème, en tenant compte aussi des démarches en cours à divers niveaux. Étant donné que, dans les recommandations que nous fait, par exemple, le député d'Argenteuil, la plupart demandent une modification de la loi, il nous apparaît difficile de procéder à cette modification avant que nous ayons en main le jugement de la Cour suprême pour savoir ce que décidera ou non la Cour suprême. On ne peut le prévoir d'une façon certaine et surtout on ne peut pas prévoir les considérants, les attendus ou les conséquences qui seront inclus dans ce jugement. Nous préférons attendre ce jugement de la Cour suprême avant de procéder à des modifications de la loi qui feraient état, bien sûr, du jugement de la Cour suprême dans son ensemble mais qui feraient aussi état de toutes les autres considérations que pourrait en même temps nous apporter ce jugement.

Donc, en voie de conséquence, M. le Président, tout en accordant toute l'attention qu'il faut à la demande qui nous est faite non seulement par l'association qui nous présente aujourd'hui un mémoire mais par le Parti libéral et par d'autres groupes, je continue de dire que, pour le moment, nous continuons notre réflexion et, dès que les circonstances nous le permettront, nous apporterons une solution législative autant que réglementaire à ce problème, mais en tenant compte encore une fois de toutes ses dimensions.

Voilà.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Si vous voulez faire quelques commentaires.

M. Dobie: Oui, je voudrais faire quelques commentaires. Premièrement, sur le statut de la langue anglaise, nous ne sommes pas le premier groupe à demander une reconnaissance de la langue anglaise dans la loi 101 et des amendements à cet effet-là. Même ce matin, j'ai eu l'occasion de lire dans le journal The Montreal Gazette un article du député de Vachon, je crois, demandant qu'il y ait peut-être une loi 102 qui reconnaîtrait les droits des anglophones, c'est-à-dire d'une minorité anglophone. Alors, même sur votre propre côté de la Chambre, il semble y avoir au moins une réticence ou une certaine importance attachée à promouvoir le droit à la langue anglaise et le droit de la communauté anglophone d'exister ici au Québec. C'est d'ailleurs sous cet aspect que nous apportons cette recommandation d'avoir la reconnaissance officielle dans la loi qu'il existe ici au Québec un groupe de citoyens qui ont utilisé et qui continuent à utiliser l'anglais comme langue de communication. Ceci ne veut pas dire que ce sont tous des Anglais de langue maternelle anglaise. Si vous remarquez ici notre représentation, je pense qu'il est assez clair que les enseignants qui représentent la

Provincial Association of Catholic Teachers ne sont pas les Irlandais de 1897. Nous avons quatre Italo-Canadiens-Québécois qui sont au Québec depuis au moins une vingtaine d'années et qui sont intégrés à la communauté anglaise pour fins de communication et d'enseignement puisqu'ils enseignent eux-mêmes dans des écoles anglophones. Nous demandons une reconnaissance spécifique du fait que cette communauté d'expression anglaise existe ici au Québec. Nous avons remarqué ce matin, comme je le disais plus tôt, les voeux du député de Vachon pour la reconnaissance de ce fait dans une future loi.

En ce qui concerne les élèves dont nous parlions, on a fait référence à la Québec Association of Protestant School Board ou au PSBGM en 1977-1978. C'est vrai qu'ils défendaient exactement la même position. Ils ont pris les choses en main et ils ont fait appel devant la Cour. La décision qui a été prise était une décision financière. Je crois que la PSBGM voulait une reconnaissance de ses élèves pour fins de subvention; bien sûr, ils ont perdu et ont abandonné leur position.

En ce qui concerne les enseignants et les principaux, parce que les principaux anglo-catholiques font aussi partie de ce projet, ce n'était pas une question de financement, ce n'était pas une question de subvention, c'était une question de principe. En ce qui nous concerne, la plupart, la grande majorité de ces élèves sont des enfants dont les parents sont au Québec depuis une vingtaine d'années. Ils ont été affectés par l'effet rétroactif de la loi. Je crois que les gens du "Congresso" vous l'ont mentionné. En ce qui nous concerne, nous croyons que parce que la loi avait un effet rétroactif pour ce genre de clientèle, nous continuerons notre projet.

En ce qui concerne les difficultés de ces enfants, il n'y en a aucune. Les menaces qui ont été proférées n'ont eu aucun effet. En ce qui concerne ces enfants, la plupart ne savent même pas qu'ils sont qualifiés d'illégaux. Ils reçoivent exactement le même enseignement de professeurs qualifiés. Ils reçoivent une accréditation de ces professeurs, ils reçoivent une accréditation du principal de l'école. Ceux qui demandent à être admis à un certain niveau collégial le sont. On ne parle pas d'une centaine, on parle peut-être d'une trentaine. Ceux qui ont eu le malheur d'être transférés dans une autre province ont été reconnus; ces enfants n'ont eu aucune difficulté; ils reçoivent exactement les mêmes services de qualité que reçoivent les autres élèves dans les écoles anglo-catholiques.

En 1981 - c'est dit dans notre mémoire - nous avons adressé une lettre assez claire, très claire, aux parents concernés leur disant que le climat allait changer, leur demandant aussi de reconsidérer la chose. Le fait est que les parents n'ont rien reconsidéré. Nous avons eu environ 300 élèves qui sont passés du secteur anglophone au secteur francophone.

Je vous réfère aussi à l'émission Satellite de la semaine passée - je pense que c'était le 30 octobre - où un de ces parents se lamentait de l'accueil déplorable qu'avaient reçu ses enfants et que l'aide spéciale qui avait été promise à ces élèves n'avait pas été fournie. Ce parent a suggéré aux autres parents de ne pas changer de secteur, de ne pas abandonner la bataille pour conserver les écoles anglophones parce que l'accueil qui leur a été réservé était déplorable.

En ce qui nous concerne, nous croyons que c'est une clientèle très spéciale, très restrictive. Cela demande un peu de compréhension, pas de changement de loi. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que ce gouvernement fait des exceptions à ses propres lois. J'ai moi-même constaté ce fait en 1976 comme syndicaliste. Ce n'est pas la première fois, on peut parler de l'immigration de la population haïtienne où la même chose a été faite. On ne parle que de 1200 élèves, c'est tout. Je pense qu'on n'a besoin que d'un peu de compréhension et de considération; ils sont ici depuis quelques années, plusieurs années. C'est seulement pour jouer à la tête dure qu'on ne leur accorde pas un statut très spécifique.

Le Président (M. Brouillet): Est-ce tout pour le moment?

Une voix: Pour le moment, oui.

Le Président (M. Brouillet): Je donne la parole au député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le Président, je n'ai certainement pas envie de commencer une controverse avec le ministre mais je n'ai pu m'empêcher de sourire un petit peu lorsqu'il a cité la citation latine qui se trouve devant l'ancien palais de justice, qui dit que personne ne saurait être exempt de la loi qui n'a pas su la respecter. Je ne pouvais m'empêcher de penser justement à plusieurs cas où c'est arrivé, entre autres, le cas célèbre, en 1977, quand le premier ministre du Québec a, d'un trait de plume, suspendu toutes les pénalités judiciaires contre des syndicats en disant qu'une loi qui n'est pas respectable ne devrait pas être respectée. Remarquez que je ne fais aucun parallèle. Ensuite, citant la fameuse phrase "The law is an ass". Peut-être qu'il y a des précédents malheureux.

Une seconde chose m'a frappé. Sans prendre fait et cause pour ce qui a été dit dans le mémoire, je pense que ce qui a été souligné par rapport à la langue anglaise par les intervenants d'aujourd'hui, et avant ceux-

là, par plusieurs autres intervenants, c'est la question symbolique. Peut-être que cela vous a échappé, M. le ministre, nous sommes d'accord que la loi existe pour reconnaître le fait français. Je pense que personne ne l'a discuté ici, cela a fait l'unanimité. En même temps, quelqu'un a souligné - je pense que le maire Drapeau y a fait allusion lui-même -que, par exemple, la clause 113-F donne des exemptions à des commissions scolaires -dont on parle aujourd'hui - à des municipalités. Ensuite, l'article 26, comme vous l'avez souligné, donne la permission à des groupes de se servir de la langue anglaise, mais on ne peut même pas mentionner que c'est la langue anglaise. De quelle langue parle-t-on? On ne parle sûrement pas de l'espéranto dans la clause 113-F. Dans l'article 26, dans les commissions scolaires anglaises, on parle de l'anglais. Il me semble que c'est symbolique de ne pas le dire. On parle d'une autre langue comme si on disait: on peut parler du chinois, du russe ou de l'espéranto.

Je pense que c'est ce que les gens ont voulu dire, que sûrement si on accorde certains droits à des institutions anglophones, on ne peut pas dire qu'elles ne sont pas anglophones, en fait on le reconnaît tout à fait. Pourquoi n'a-t-on pas dit que dans la clause 113-F c'est la langue anglaise et que dans l'article 26 c'est aussi la langue anglaise? Je pense que si on inscrivait même cela de façon symbolique, le message aurait passé.

C'est la question qu'ils ont essayé de traduire. Je ne veux pas dire qu'on a envie de dire que cela a été une punition mais symboliquement, ils semblent considérer qu'on fait abstraction d'un fait réel, d'une réalité, soit qu'il y a là des institutions qui s'expriment en anglais; alors qu'on dise que c'est l'anglais, pas une autre langue, ce n'est pas du chinois.

Je m'adresse à M. Dobie. Sur la question des illégaux, vous avez expliqué exactement le statut des illégaux, les conditions dans lesquelles les parents se trouvaient, etc. Vous avez aussi fait référence, dans votre mémoire, aux propositions très concrètes faites par M. Ryan et qui allaient dans le sens de faire réintégrer peut-être une grosse portion de ces illégaux. Quelle est votre attitude vis-à-vis de cela et est-ce que ce ne serait pas selon vous une solution de compromis qui pourrait faire qu'avec le bon vouloir du ministre, on aurait peut-être pu régler la question une fois pour toutes? (16 heures)

M. Dobie: En ce qui concerne cette fameuse clientèle, je pense qu'il est important de vraiment saisir de qui nous parlons. Ce ne sont pas des élèves qui ont atterri au Québec depuis 1977 de pays comme l'Italie, le Portugal ou l'Espagne. La très très grande majorité de ces élèves sont des enfants de parents qui habitent le Québec depuis plusieurs années. En juin 1981 nous avons envoyé un questionnaire à tous les parents concernés. Nous avons reçu 700 formules-réponses qui représentaient, à l'époque, environ 1200 de ces élèves. Cela nous a démontré plusieurs choses. Premièrement, 76% des parents concernés étaient au Québec, habitaient le Québec depuis plus de quinze ans avant l'entrée en vigueur de la loi 101. Ce sont des gens qui sont venus au Québec en 1955, en 1958, en 1960 et 1962. Ensuite, nous avons appris que la très grande majorité, 99,8%, des enfants concernés sont nés au Québec et tous les enfants étaient des citoyens canadiens. On parle d'une très grande majorité d'entre eux qui étaient ici depuis longtemps.

Aussi, on a pu découvrir que les jeunes frères et soeurs de ces élèves représentaient un petit nombre, c'est-à-dire qu'en juin 1981 ou en septembre 1981, ces élèves ne comptaient que 146 frères et soeurs. Si on prenait les 1200 élèves et si leurs frères et soeurs pouvaient aussi fréquenter l'école anglaise pour mettre fin à ce programme, ce n'est pas quelque chose qui continuerait pendant des années. On parlait de 146 jeunes, frères et soeurs seulement.

Pour la très grande majorité encore, ce sont des parents ou des enfants de parents qui n'ont pas eu la chance de faire leurs études primaires en anglais au Québec. On a estimé à environ 300 le nombre de parents qui avaient fréquenté des écoles de type bilingue. On se souvient des écoles bilingues, comme Notre-Dame-de-la-Défense, de la CECM. Les parents ont fréquenté ces écoles et lorsqu'ils se sont présentés au bureau d'admissibilité, ils ont été refusés. On parle aussi de parents qui sont venus ici et qui étaient trop vieux pour fréquenter l'école primaire. Ils se sont enregistrés au secondaire dans des écoles anglaises, soit au secondaire I ou au secondaire II, et ils ont également fait toutes leurs études d'ailleurs dans le secteur anglophone et ils ne peuvent pas envoyer leurs enfants dans les écoles anglaises parce qu'ils n'ont pas reçu leur enseignement primaire en anglais au Québec. Pour la très grande majorité, c'est dans ces deux catégories.

Ensuite, nous avons environ une centaine de clauses canadiennes. Vous savez que les commissions scolaires catholiques n'ont pas été aussi chaleureuses envers la constitution canadienne. Elles n'ont pas accepté ces enfants. Les commissions scolaires protestantes, sauf une, les ont acceptés: la Commission scolaire Baldwin-Cartier ne les a pas acceptés. Nous, comme enseignants, les avons acceptés.

Ensuite, nous avons environ une centaine de cas particuliers: des élèves dont les frères ou soeurs font exception parce

qu'ils ont des difficultés d'apprentissage. Nous avons nous-mêmes décidé que ces familles ne devraient pas être séparées et nous-mêmes, comme enseignants et principaux d'école, avons accepté les enfants, ceux concernés par l'article 80, je crois.

Vraiment, ce sont des cas-types. Depuis 1981, nous n'avons accepté aucun nouvel élève, sauf les frères et les soeurs et, depuis 1977, aucun de ces élèves n'est un nouveau venu au Québec ou au Canada, sauf ceux qui satisfont aux exigences de la clause Canada, et il y en a très peu. On parle d'une clientèle très restreinte. Je ne peux pas croire qu'un jugement de la Cour suprême va changer le sort de ces enfants. Ce sont des cas très particuliers. Une fois réglé, le problème n'existe plus, c'est clair. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que nous donnons ces chiffres, nous les avons donnés à Me Aquin. Je crois que Me Aquin les a fait circuler. Il aurait dû le faire. Il a été mandaté pour cela par le ministre de l'Éducation. Nous les avons donnés aussi à M. Ryan pour qu'il fasse des recommandations.

Pour ce qui est des recommandations de M. Ryan, nous avons déclaré publiquement, au mois de juin dernier, qu'elles étaient un pas pour essayer de régler la situation. Si le mandat de la commission d'appel était d'élargir le mandat des commissaires pour qu'ils prennent en considération des cas très spécifiques, nous sommes convaincus qu'un groupe de commissaires à la commission d'appel pourrait juger favorablement ces cas. Nous avons accepté les recommandations, très positives. D'ailleurs, ce fut exactement la même chose pour le ministre de l'Éducation et le premier ministre. Ils ont accueilli les recommandations positivement.

M. Lincoln: En ce qui concerne les appels, vous avez dit, je pense, l'autre jour, lorsque vous avez représenté un autre groupe, qu'il y avait quelque chose comme 200 appels qui étaient en suspens maintenant. Là, vous recommandez qu'il y ait un élargissement de la commission d'appel, qu'on prenne des personnes venant de l'extérieur de la communauté, mais est-ce que ce sera assez pour faire débloquer les cas? Qu'est-ce qui fait que cela ne fonctionne pas? Est-ce que ce sont les gens faisant partie de la commission ou est-ce que ce sont les procédures qui bloquent?

M. Dobie: Selon mon analyse, c'est plutôt la procédure que les gens qui bloque. À ma connaissance, un rapport a été formulé...

M. Lincoln: C'est cela que je voulais vous demander, parce que vous ne parlez pas de la procédure. Vous dites, d'après ce que j'ai pu comprendre de vos recommandations, qu'on devrait élargir le cadre de la commission, mais est-ce que cela, en soi, va régler le problème de la procédure? Qu'est-ce qui colle là-dedans?

M. Dobie: Je crois vraiment qu'il y a deux choses. Le mandat de la commission d'appel est très restreint, c'est d'appliquer la loi. Vraiment, c'est cela, c'est d'appliquer et d'interpréter la loi d'une façon très restrictive. D'ailleurs, la procédure est la procédure, parce que la commission d'appel n'a pas le droit d'établir un précédent, une jurisprudence, c'est-à-dire que la commission d'appel doit se prononcer sur chaque cas individuel, cas que nous gagnons de plus en plus. Prenons un cas typique, celui des enfants qui sont venus au Québec en 1963 et qui sont allés immédiatement à une école anglaise, lorsqu'ils avaient dix ans, en 4e année. Ces enfants ont fait leur 4e, 5e et 6e année, au primaire, en anglais. Si les parents demandent un certificat d'admissibilité et que le bureau d'admissibilité refuse, s'ils font appel, faisant valoir que les enfants ont fait toutes leurs études en anglais au Québec, ils gagnent. Il y a au moins 300 cas de ce genre qui sont gagnés chaque année et, au lieu d'établir une jurisprudence, déjà établie d'ailleurs, ce qu'il faut, c'est que chaque parent fasse appel individuellement et qu'il fasse la preuve. Ces parents ont besoin d'aide, cela se produit comme cela. Si la commission d'appel pouvait établir une jurisprudence, la plupart de ces cas seraient réglés d'avance. Deuxièmement, si la commission d'appel avait le mandat de considérer certains cas très spéciaux, je crois que certains des cas "illégaux" pourraient être réglés aussi.

Qu'est-ce qu'on a vu cette année? À la rentrée scolaire, il y avait encore un "backlog" de 200 cas sur lesquels la commission d'appel ne s'était pas encore prononcée. L'école était déjà commencée. Cela n'a pas de bon sens. On a dit, dans notre mémoire, qu'au mois de janvier ou février, on a fait une demande. On est refusé. On revient à la charge. Au mois de septembre, presque un an plus tard, les gens n'ont pas encore reçu aujourd'hui même la décision. Ce sont des illégaux, M. Laurin, et ils sont inscrits dans nos écoles présentement parce que nous savons que ceux-là seront admis légalement, éventuellement dans nos écoles. Ce sont des illégaux. Qu'est-ce qu'on nous dit au bureau d'admission? C'est très simple. Allez aux écoles françaises, dans trois mois, retournez aux écoles anglaises. Intelligent, ça. Pour la maternelle, la première année.

C'est vraiment l'application de la loi avec beaucoup de souplesse.

M. Lincoln: M. Dobie, le temps presse. Je vais faire brièvement. Une question a été soulevée ce matin et tout au long de la

commission, c'est toute la question de chiffres. Je suis d'accord avec mon collègue d'Outremont qu'on ne devrait pas traduire des problèmes humains en chiffres. Malheureusement, il y a eu beaucoup de chiffres. Il y a des chiffres dans votre mémoire aussi. Est-ce que vous avez écouté ce que le ministre a dit ce matin par rapport au déclin de la population scolaire anglophone? Où trouvez-vous vos chiffres qui démontrent un grand déclin? Est-ce que vous avez des commentaires là-dessus?

M. Dobie: Je me demande si une autre étude va être soumise, cet après-midi, parce qu'il y a eu deux autres études ce matin. Il y a eu une couple de questions qui ont été posées ce matin. Je crois qu'elles demandent des précisions. Je crois que Mme Lavoie-Roux a posé la question: Quel était le cas dans la province? Alliance Québec a fait une étude, a étudié le rapport Henripin. Le rapport était très clair. On l'a soumis la semaine passée comme Alliance Québec. Je lis exactement un passage: "In 1976, the English school population represented 16,7% of the entire population. In 1982-1983, the English sector represented 12,7%. Under the provisions of Bill 101, our school enrolments will decline to 7,1%." C'est M. Henripin qui a donné ce témoignage à la cause de la constitution canadienne. Cela est clair. Je peux mentionner textuellement ce qui a été dit ici en 1977: "De toute façon, même avec le projet actuel, le projet de loi no 1, nos prévisions sont que l'ensemble du Québec, la baisse des effectifs scolaires dans le secteur anglophone ne pourrait dépasser, dans la pire des hypothèses, le pourcentage de 34% et non pas de 58% ou de 80%. Encore une fois, cette baisse serait surtout attribuable à la diminution de la fécondité et non pas à l'impact législatif." Cela a été déclaré en cette Chambre par le ministre de l'Éducation. On a démontré, la semaine passée, que la baisse actuelle, aujourd'hui, en 1982-1983, depuis 1977, était de 38%. Aussi, on estime avec les mêmes études qu'en 1986-1987 la baisse serait d'environ 58%. Cela est clair. Ce sont des études très concrètes.

On a mentionné d'autres études, ce matin. Si on regarde dans les commissions scolaires catholiques - je vous reporte à notre annexe - on parle, à la CECM, de baisser en 1976 de 36 000 à 11 000, soit une diminution de 68,2%; à Jérôme-LeRoyer, de 7000 à 3000, soit une diminution de 51,3%. C'est dans notre mémoire. On n'a pas inventé ces chiffres, on a pris les chiffres du Conseil scolaire de l'île de Montréal. On parle de toutes les commissions scolaires. On parle d'une baisse de 58,7% de 1976 à 1988. (16 h 15)

Si on parle de la survivance de la communauté anglophone, franchement, je vais utiliser une expression très canadienne-française: "Laissez-nous vivre". Laissez-nous vivre, nous accusons une baisse de 58,7% en moins de dix ans. On peut utiliser toutes sortes d'autres exemples: l'exemple de notre association elle-même où nous étions 5000 professeurs en 1977 et où nous sommes aujourd'hui environ 3200. Si on regarde toutes sortes d'autres statistiques, on ne peut pas nier que la population anglo-catholique des élèves a baissé d'une façon épouvantable. Si on regarde les écoles hors de Montréal, c'est encore pire. À l'école Macdonald-Cartier sur la rive sud, l'année passée, plus de 600 élèves ont fini leur cours en secondaire V; cette année, aujourd'hui même, il y a moins de 200 élèves au secondaire I. On peut s'imaginer ce qui va arriver à cette école dans quelques années. Cela existe partout dans la province.

Je pourrais continuer en disant que les objectifs de M. Laurin, de la loi 101 ont été déclarés à 15%; ils ont été atteints - je crois que cela a été dit - en 1979. Quand on disait que la population scolaire anglophone avait diminué de 16% ou 17% à 15%, on nous a dit que l'objectif avait été atteint et, actuellement, on baisse à environ 8%. À la CECM, ils sont rendus, je crois, à 37 écoles élémentaires anglophones. Après cette année, sur 37 écoles, 22 auront moins de 200 élèves. Le système anglophone est en peine; c'est sûr.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Je donne la parole au député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je ne peux m'empêcher, après avoir entendu M. Dobie parler de ces chiffres, de lui mentionner un article qui a paru dans la Gazette du 7 octobre 1983, un article écrit par M. Albert Côté, économiste et démographe auprès du Conseil scolaire de l'île de Montréal. L'article s'intitule "Enrolment in French language schools dropping too". M. Côté se sent obligé, dans son article, de rétablir des faits qui ont été rapportés dans la Gazette et des chiffres que vous avez mentionnés. Il y a une dramatisation de la situation - on est obligé de le dire - du côté anglophone.

Je vais me permettre de citer un bout de l'article de M. Côté; je pense que c'est révélateur: "In your September 22 editorial, entitled "Bill 101's overkill" - it is overkilling you are doing - on the forecasts of school enrolments for the island of Montreal, there is a misleading interpretation of my report that will mislead your readers as to what I meant on the past and future trends of enrolments of the Montreal Island School Council's territory. First, it is mentioned that by 1988 the English school system will have been reduced to about one

third of its 1970 enrolment. This is right. But to make the whole picture clear, this 64 per cent loss should be compared with a drop of 44 per cent for the French school system during the same period, despite the fact that Bill 101 promotes the French sector." Voilà.

Et, un peu plus loin, M. Côté constate que, de 1970 à 1982, le secteur français décroissait de 44% et le secteur anglophone, de 47%. Donc, si on veut dramatiser, il faut situer vos chiffres dans le portrait global de la situation dans laquelle se trouvent non seulement la clientèle anglophone, mais aussi la clientèle francophone. Il y a une baisse de la clientèle scolaire au Québec, c'est ce que vous nous révélez. Si on veut dramatiser, il faut également dramatiser du côté français. C'est la première remarque que je veux faire.

Mon deuxième commentaire est au sujet du bureau d'admissibilité. Je vais vous donner des statistiques qui vous permettront d'avoir un éclairage un peu plus objectif sur le travail de ce bureau. Les statistiques du bureau de l'admissibilité à l'enseignement en anglais démontrent qu'en six ans, sur près de 300 000 cas soumis, à peine 5000 furent refusés, dont 2300 ne reposaient sur aucun critère. 5000 sur 300 000 cas soumis au bureau d'admissibilité. Je ne sais pas si vous aviez ces chiffres, vous les connaissiez peut-être, vous ne vouliez peut-être pas les révéler, mais il est important que la commission soit mise au courant de ces chiffres afin de bien rétablir les faits.

Je reviens à votre mémoire sur cette question du statut officiel que vous réclamez. Vous n'êtes pas les seuls à le réclamer, mais j'aimerais bien comprendre ce que cela signifie, un statut officiel. Il y a toutes sortes d'interprétations qui circulent. Tout à l'heure, le député de Nelligan a mentionné l'article 113f. Je pourrais mentionner les articles 24, 25 et 26 complémentaires à l'article 113f, lequel reconnaît dans les faits l'importance du statut de la langue anglaise au Québec. Le député de Nelligan a admis ce fait. L'article 113f sert avant tout aux anglophones du Québec dans le domaine de l'enseignement, dans le domaine hospitalier. Qu'est-ce que cela veut dire, un statut officiel? Je reviens à cette question parce que le député de Nelligan a dit: On pourrait mentionner à titre symbolique, a-t-il dit, que l'article 113f s'applique à l'anglais. Je vous pose la question: Est-ce que vous pourriez vous contenter, M. Dobie, d'une reconnaissance symbolique à l'intérieur de la Charte de la langue française, à l'intérieur de la loi 101? Est-ce cela que vous réclamez, une reconnaissance symbolique, qu'on mentionne, quelque part dans la charte, le rôle et l'importance de la culture ou de la langue anglaise au Québec?

M. Dobie: Je crois que le député de Nelligan l'a très bien exprimé tout à l'heure, en ce qui nous concerne. Nous ne voyons dans la loi 101 aucune mention du fait qu'il y a une communauté anglophone, qu'il y a une certaine communauté qui s'exprime en anglais. C'est à cela que nous faisons allusion. Ce n'est pas que j'aime l'adjectif "symbolique", parce que je ne suis pas sûr si nous sommes d'accord seulement pour être reconnus symboliquement. Il s'agit d'être reconnus officiellement comme faisant partie de cette communauté. Peut-être que cela devient symbolique, parce qu'on pourrait dire que même l'affichage devient très symbolique. C'est symbolique que nous existions ici, c'est symbolique qu'il y ait cette communauté ici au Québec; c'est symbolique, mais c'est vrai et c'est concret. C'est cette reconnaisance que nous espérons avoir dans la loi 101. Je ne crois pas qu'on ait besoin nécessairement d'une nouvelle charte pour les anglophones du Québec. Si en pratique et selon la loi, on nous reconnaît une existence ici au Québec, c'est pas mal plus que symbolique.

M. Leduc (Fabre): Donc, c'est plus que symbolique. C'est ce que j'avais compris.

M. Dobie: On pourrait toujours dire qu'il y a certaines communautés folkloriques. On ne veut pas soulever ici une question folklorique. Si vous attachez le mot "symbolique" à "folklorique", ce n'est pas de cette façon.

M. Leduc (Fabre): Non, mais, M. Dobie, vous savez bien que ce n'est pas folklorique. Le fait d'avoir pleins pouvoirs sur ses commissions scolaires, sur son réseau de santé ou sur ses universités et ses collèges, ce n'est pas symbolique.

M. Dobie: C'est cela.

M. Lincoln: M. le Président, question de règlement. J'aurais voulu préciser quelque chose parce que mon nom a été mentionné dans l'affaire. Ce que j'ai dit, ce que j'ai voulu exprimer - c'est important cette question - c'est que...

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Nelligan, vous voulez préciser le sens que vous avez donné à "symbolique"?

M. Leduc (Fabre): Après, M. le Président.

M. Lincoln: Exactement, exactement.

Le Président (M. Brouillet): C'est pour éclairer le débat. Il y a une ambiguïté sur le sens donné au mot "symbolique".

M. Lincoln: C'est exactement cela.

Le Président (M. Brouillet): Vous voulez, je crois, préciser le sens que vous donnez au mot "symbolique".

M. Lincoln: D'abord, je n'ai pas cité seulement l'article 113f; j'ai cité aussi l'article 26 pour faire le point. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y a un symbolisme dans le fait que lorsqu'on donne une reconnaissance -puisqu'on dit qu'on donne une reconnaissance, à l'article 113f, aux commissions scolaires, aux municipalités, aux hôpitaux qui sont automatiquement anglophones; on ne parle pas des hôpitaux espéranto ou chinois, on parle des hôpitaux anglophones qui se servent de la langue anglaise - on n'a même pas le bon sens de dire les mots "de langue anglaise". On n'a même pas le courage de dire "de langue anglaise". On met cela sous le tapis, comme si c'était quelque chose...

Ce que j'ai voulu exprimer, c'est que c'était peut-être cela que l'association des directeurs catholiques, "the Provincial Association of Catholic Teachers" voulait dire lorsqu'elle disait: On met cela comme une espèce d'appendice, qu'on voulait presque oublier. J'ai dit qu'il y a quelque chose de très symbolique là-dedans. Si on reconnaît quelque chose, qu'on le dise. Qu'on ait le courage de dire "de langue anglaise", parce que c'est de cela qu'on parle. On ne parle pas de l'espéranto ou du russe; on parle de la langue anglaise quand on parle d'une autre langue. C'est cela.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. C'est ce que j'avais compris. Il s'agit d'une reconnaissance symbolique, je le répète, c'est ce que je comprends. Il voudrait qu'on ajoute le mot "anglais" après "organismes scolaires, services de santé et services sociaux", à l'article 26. Il s'agit donc d'ajouter un mot, le mot "anglais", à l'article 26 et - ce serait compris comme cela aussi - en complément dans l'article 113f.

Je comprends autre chose, M. Dobie. Je reviens à votre mémoire. Nous recommandons que la langue anglaise ait un statut officiel quelconque dans la loi 101, surtout en ce qui a trait au droit des citoyens de communiquer avec leurs propres institutions et avec leur gouvernement dans leur langue. Donc, c'est déjà un peu plus que symbolique. Vous demandez une ouverture de ce côté pour pouvoir communiquer en anglais avec le gouvernement, entre autres, et les administrations. Jusque-là, j'admets que cela peut se discuter. Ce qui me semble plus difficile à admettre, c'est à la page 5 quand vous parlez de la langue d'instruction. Là aussi, c'est beaucoup moins symbolique, ce que vous réclamez. Si je comprends bien, vous réclamez le droit de tous les parents de choisir la langue d'instruction de leurs enfants. C'est le retour même à la loi 63 que vous réclamez, si je comprends bien: le droit de tous les parents de choisir la langue d'instruction de leurs enfants. Est-ce que vous pourriez préciser si c'est bien ce que vous voulez dire?

M. Dobie: Traditionnellement - c'est indiqué dans notre mémoire - c'était notre position; elle n'a pas changé comme politique. Nous reconnaissons qu'à ce moment-ci, du moins, ce n'est pas atteignable. Comme position, je crois qu'elle est encore défendable. Avec les études qu'on pourrait amener dans le portrait, c'est que, même avec le libre choix, nous parlons d'une population aux environs de 1P% anglophone au niveau scolaire; c'est pas mal moins que ce qui existait en 1977. Oui, vous avez raison, c'est pas mal plus que symbolique.

M. Leduc (Fabre): Mais vous réclamez le libre choix.

M. Dobie: C'est notre position, oui.

M. Leduc (Fabre): D'accord. C'est ce que j'avais compris. Donc, c'est beaucoup moins symbolique que vous le prétendez ou que peut le prétendre le député de Nelligan.

M. Lincoln: Excusez-moi, M. le Président.

M. Leduc (Fabre): Si c'est le libre choix, M. le Président...

M. Lincoln: Excusez-moi, je n'ai pas envie de faire une discussion.

M. Leduc (Fabre): II n'y a pas de question de règlement en commission. (16 h 30)

M. Lincoln: Excusez-moi, M. le Président. M. le député ne fait que me mettre des mots dans la bouche. Je n'ai jamais dit que je cherchais quelque chose de symbolique. J'ai dit qu'il y a quelque chose de symbolique dans le fait que les mots "de langue anglaise" ne soient pas inscrits dans la loi. Je n'ai jamais demandé pour ces gens-là - parce qu'ils le demanderont eux-mêmes - quelque chose de symbolique. Ils demandent un statut officiel et je n'ai pas commenté cela. J'ai dit qu'il y a du symbolisme dans le fait que l'on n'a même pas le courage d'inscrire les mots "de langue anglaise" dans la loi. C'est ce que j'ai dit, M. le député de Fabre. Ne me mettez pas des mots dans la bouche en disant que j'ai demandé une reconnaissance symbolique seulement pour l'anglais. C'est tout à fait différent.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, M. le député de Fabre, continuez.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. On était rendu au libre choix. J'avais bien compris que c'était beaucoup plus que symbolique, ce que vous réclamiez.

Je reviens à votre mémoire. À la page 4, c'est écrit: "La communauté anglophone n'est certes pas une communauté monolithique". Que voulez-vous dire par là? Vous semblez dire que les anglophones ne pensent pas tous de la même façon ou ne partagent pas tous le même esprit de la culture et de la langue de Shakespeare et de Chaucer. Qu'est-ce que cela signifie?

M. Dobie: Je crois qu'il faut examiner la population surtout dite anglo-catholique. On avait toujours qualifié les anglo-catholiques comme étant des Irlandais de pure race. La communauté anglophone ne comprend pas seulement ceux qui sont anglo-saxons, mais ceux qui parlent l'anglais comme langue de communication. Notre délégation le démontre bien. Nous n'avons pas ici six Smith "or four Jones"; ce sont des gens qui sont établis ici depuis quelques années, une vingtaine d'années, et eux aussi sont anglophones. C'est ce que nous voyons dans toutes les statistiques qui parviennent depuis quelques jours. On essaie de différencier les anglophones de ceux qui ont l'anglais comme langue maternelle. Ceux qui utilisent l'anglais comme langue de communication sont des membres qui se sont associés à notre communauté. Ce ne sont pas tous des gens de la même culture. C'est ce que nous voulons dire. Cela se produit non seulement dans notre clientèle scolaire, mais aussi dans notre "membership" où nous avons un grand pourcentage de gens qui ne sont pas nés ici au Québec, mais qui ont adopté le Québec comme leur province.

M. Leduc (Fabre): Mais vous confirmez ce que l'on dit à propos du pouvoir d'assimilation de la langue anglaise au Québec.

M. Dobie: C'est un pouvoir et un fait que beaucoup de gens ont accepté de communiquer en anglais comme langue principale. La plupart des gens qui sont ici avec moi parlent trois langues: leur langue de travail est l'anglais. Ils sont enseignants dans des écoles anglaises. Ils n'ont pas perdu leur culture, soit italienne, soit ukrainienne, ni leur appartenance à cette communauté. Depuis 1976, le fait qu'on parle d'une communauté anglaise a eu tendance à regrouper dans un même plat tous ceux qui ne sont pas francophones et qui ont adopté l'anglais comme langue de communication. C'est ce que nous trouvons le plus déplorable dans toute la question linguistique. C'est clair que la très grande majorité des membres de notre communauté ne sont pas nés ici au Québec, mais ils ont adopté l'anglais comme langue de communication et comme langue de travail. Cela, c'est vrai.

M. Leduc (Fabre): C'est ce que nous disons également. C'est pourquoi on ne peut pas admettre le libre choix. Voici quelques statistiques. Puisque vous en avez donné beaucoup, je vais vous en donner un peu: en 1971, 75 000 personnes d'une langue tierce ont opté pour l'anglais, tandis que 28 000 autres environ optaient pour le français; en 1981, sous l'emprise de la loi 101, à peu près 90 000 personnes d'une langue tierce ont choisi l'anglais contre à peu près 33 000 qui ont choisi le français. Vous confirmez ce que nous disons, c'est-à-dire que l'anglais exerce toujours au Québec, un poids d'assimilation déterminant, et ce, malgré les effets de la loi 101. Alors, imaginez-vous le résultat si on allait jusqu'à ce que vous demandez - comme symbole, si je comprends bien - soit le droit de tous les parents de choisir la langue d'instruction de leurs enfants. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre votre point de vue et, bien sûr, à l'admettre.

M. Dobie: Est-ce que vous avez déjà étudié exactement pourquoi, en 1971 - on parle de 1971 - cette majorité ou ce très grand nombre a choisi l'anglais comme langue d'enseignement? Il faut qu'on sache exactement pourquoi ceci s'est produit. On le sait, on a des cas ici à cette table d'élèves, que les parents ont préféré envoyer dans une école française. Ils ont été refusés. Ils ont été refusés. Je me souviens que nous avons même recommandé à une commission parlementaire, en 1966, que l'anglais comme langue seconde ait une priorité dans le secteur français. S'il avait eu une priorité, beaucoup de ces gens auraient opté pour les écoles françaises. Ceci n'a jamais existé.

M. Leduc (Fabre): Oui, mais en 1981?

M. Dobie: Oui, oui. Je pense qu'il y a aussi des faits qu'il faut prendre en considération. La motivation d'avoir des nouveaux Québécois dans le secteur français n'était pas là. Il n'y avait aucune motivation; il n'y avait même pas d'accueil. Même avant la loi 22 et avant la loi 101, on a dit que peut-être si on pouvait changer le système d'éducation pour essayer d'offrir une motivation dans les classes françaises comme langue seconde, le problème serait réglé. Cela n'a jamais été fait. Aujourd'hui même, on apprend l'anglais comme langue seconde dans le deuxième cycle seulement dans les écoles françaises.

M. Leduc (Fabre): Une dernière

question, M. le Président. N'est-ce pas normal - je vous pose la question en tant que Québécois; vous êtes un Québécois anglophone - que les immigrants s'intègrent à la majorité française du Québec?

M. Dobie: Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a deux aspects. C'est normal que l'Etat prenne des mesures pour motiver et inciter les gens à s'intégrer à la majorité. La deuxième question, c'est exactement la question de l'effet rétroactif. Pour les gens qui ont été ici pendant 20 ans, c'est ce qui s'est produit avec la loi 101. Il y a un effet rétroactif. Ce n'est pas normal, non plus.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Je cède la parole au député d'Argenteuil.

M. Ryan: Merci, M. le Président. J'entendais tantôt le député de Fabre dire qu'il y avait eu 300 000 demandes d'admission à l'école anglaise au cours des six dernières années. Cela me semble impossible. Les effectifs totaux des écoles primaires anglaises actuellement sont d'à peu près 50 000. Cela veut dire qu'en première année il y en a à peu près 10 000. Même pas cela, parce qu'il y en a beaucoup moins en première qu'en sixième année, pour des raisons que la loi 101 nous fait comprendre facilement. Je ne vois pas du tout d'où vient ce chiffre de 300 000.

M. Dobie: Moi non plus. S'il y en avait eu tant que ça, on n'aurait pas eu de problème.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, on me dit qu'il y a 150 000 élèves dans le secteur anglophone au Québec présentement.

M. Ryan: J'ai dit, M. le Président - ne tournez pas autour des chiffres - 50 000 élèves dans le secteur primaire. Si on veut me contredire, les bureaucrates, j'en serai très heureux. Donc, 55 000 en tout. Si j'ai bien compris, les demandes d'admission se font pour la première année de l'école primaire. J'espère qu'ils ne sont pas obligés de faire une demande d'admission quand ils sont rendus en sixième année. Je ne pensais pas que vous étiez rendus si loin que cela.

Par conséquent, on pourra m'expliquer ce chiffre si on veut, mais je ne peux l'accepter comme tel pour des raisons qui sautent aux yeux.

Il y a un autre chiffre que je voudrais rappeler et ce n'est pas parce que je veux avoir le dernier mot là-dessus, pas du tout. Je pense qu'il y a un chiffre, au moins, sur lequel le ministre, s'il était ici, le député de Fabre et aussi, j'espère bien, mon bon ami, le député de Bourassa, qui est capable d'écouter même s'il ne dit pas des choses précises, pourraient s'entendre. D'après des statistiques qu'on nous a remises à la commission parlementaire de l'éducation au mois de mai dernier - le député de Fabre était aussi présent - on nous a indiqué qu'au niveau primaire dans la province de Québec les effectifs inscrits dans les écoles françaises sont de 89,3% des inscriptions totales. C'est ce qui compte pour l'avenir, car cela va se répercuter sur le secondaire au cours des années à venir. Trois ans plus tôt, c'était de 86,1%. Probablement que si on remontait à six ou sept ans en arrière, cela aurait été d'à peu près 82% ou 83%. Par conséquent, la tendance générale de l'évolution au cours des dernières années, je pense qu'on ne peut pas la contester. On peut bien dire que c'est 2%, 2,2%, 2,3%. Il me semble qu'au moins on va pouvoir s'entendre sur la base des chiffres globaux fournis par le ministère lui-même. Il me semble que l'argument de peur, la crainte de ceci et de cela qu'on invoque souvent, on pourrait au moins l'invoquer avec plus de pondération. C'est le premier point que je voulais souligner clairement. Encore là, je défie qui que ce soit de contredire ces chiffres, car ils nous ont été fournis par le gouvernement lui-même. Oui, parce qu'ils viennent de vous. C'est ce que vous pratiquez depuis longtemps. Je vous le dis, je me fie sur vous et non pas sur moi.

Deuxièmement, je voudrais revenir au problème des illégaux pour des raisons que vous comprendrez facilement, M. le Président. J'écoutais la réponse du ministre à ce sujet. Dans sa réponse, il y a quelques éléments que je voudrais relever. Tout d'abord, il a dit au début: Les problèmes qu'ont connus ces élèves considérés comme illégaux sont à peu près identiques, dans la très grande majorité des cas, à ceux qu'ont connus tous ceux qui se sont intégrés dans l'école française. Je regrette infiniment, mais il n'a pas compris l'a b c du problème quand il parle ainsi. C'est ce qu'on s'évertue à essayer de lui faire comprendre depuis quelques mois, à savoir que la mise en application de la loi 101 a entraîné des difficultés particulières pour un certain nombre de personnes et de familles qui étaient dans des situations particulières. On a défini ces situations. On les a étayées de données les plus précises possible. Entendre aujourd'hui, six mois après le commencement du débat, que c'étaient des problèmes exactement comme les autres nous amène à la conclusion: vous aviez le même problème que les autres, vous n'avez pas observé la loi, revenez à la loi et cela finit là.

Si on part du postulat qu'il n'y avait pas certaines différences dans les problèmes, c'est évident qu'il n'y en aura pas dans les conclusions et non plus dans les solutions. Je

demande au ministre d'examiner bien attentivement la documentation qui lui a été soumise à ce sujet et de se rendre compte qu'il y avait des problèmes humains, culturels, sociaux créant des situations très particulières qui aident à comprendre ce qui s'est passé.

L'exemple le plus éloquent que je puisse donner au ministre, c'est celui des enfants de parents qui ont fréquenté naguère des écoles dites bilingues de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Cela n'évoque pas grand-chose pour plusieurs ici. Les écoles bilingues avaient été instituées vers les années cinquante. On voyait que les enfants de foyers italiens surtout, et grecs s'en allaient presque tous du côté des écoles anglaises. On a dit: Pour les en dissuader, on va créer des écoles bilingues, car les parents de ces enfants insistaient pour que ces derniers puissent apprendre l'anglais. On a dit: On va leur donner des écoles où ils pourront apprendre les deux langues principales en plus de retenir des éléments de leur langue propre. Ils sont allés dans ces écoles par bonne volonté pour collaborer au désir des autorités scolaires de les intégrer plutôt du côté français. Ils se font dire quinze ans après, vous qui avez manifesté de la bonne volonté, vous n'aurez aucun droit, aucune espèce de liberté. Ceux qui n'ont pas écouté et qui sont restés dans les écoles anglaises, il n'y a pas de problème, ils peuvent rester là. Deux poids deux mesures pour des gens qui étaient à l'école en même temps, il y a quinze ans. Il me semble que, pour ceux qui ont fait montre de compréhension envers le fait français, on aurait au moins pu faire montre d'une compréhension équivalente. C'est un point, M. le ministre, qui peut se régler sans modification à la loi. (16 h 45)

Dans une autre remarque que vous avez faite, vous avez dit: Les suggestions qui ont été présentées par le député d'Argenteuil demandent des modifications à la loi. Certaines en demandent, c'est vrai mais celle-ci n'en demande point et je crois que si, au moins, une mesure était prise sur ce point précis, si une interprétation était donnée de manière qu'on puisse liquider, selon les statistiques que j'ai comprises tantôt, cela représenterait un bon nombre des enfants considérés comme illégaux. Celui-là peut se régler maintenant.

À propos du respect de la loi, je pense bien qu'on ne peut pas me reprocher d'avoir encouragé qui que ce soit à violer la loi. Dans ce cas-ci, je dis au ministre qu'on peut invoquer l'argument du respect de la loi, mais il y a trois facteurs atténuants qui doivent être retenus. D'abord, il y avait un sentiment d'injustice profond chez les personnes qui ont été frappées de manière rétroactive, comme on le disait tantôt. Elles se demandaient comment il se faisait que celui qui était passé l'année précédente avait pu passer et qu'elles, parce qu'elles arrivaient une année plus tard, ne pouvaient pas passer. Ces gens se sont sentis traités injustement. Il y a quand même une longue tradition chrétienne qui dit que, lorsque vous êtes convaincu qu'une loi est injuste, votre conscience vous justifie peut-être d'y résister. Ce n'est pas nouveau; cela a été écrit depuis longtemps.

Deuxièmement, il n'y a eu aucune privation pour personne comme résultat de ce qui a été fait de ce côté-là. Ce n'est pas comme lorsque des gens font la grève dans les hôpitaux, ou même dans l'enseignement et que des milliers de citoyens sont privés d'un service. Il n'y a personne qui a été privé. Par conséquent, il n'y a pas eu de lésion extrêmement tragique au bien général. Troisièmement, l'autre facteur atténuant, c'est l'impuissance qu'a manifestée le gouvernement depuis six ans. Quand le gouvernement s'est révélé impuissant pendant six ans, il contracte des responsabilités en ce qui regarde la solution du problème.

J'apporte ces points à l'attention du ministre. Je termine par deux questions à l'intention de M. Dobie. Premièrement - je vais vous les poser en même temps pour gagner du temps, parce que je pense que notre temps achève - j'ai remis ces recommandations au public et au gouvernement au mois de mai dernier. Si je compte bien, cela fait déjà six mois. Est-ce que vous avez eu des nouvelles du gouvernement? Est-ce qu'on vous a approché? Est-ce qu'on vous a demandé: Pourriez-vous nous fournir des données additionnelles? Est-ce qu'on pourrait avoir des explications sur ceci ou sur cela? Est-ce que vous avez eu des communications avec le gouvernement?

Deuxièmement, à propos de la commission d'appel, qui est un mécanisme absolument important dans toute cette affaire-là, vous avez souligné que les procédures ont beaucoup contribué à alourdir le problème. Depuis ce temps-là, il y a eu des nouvelles nominations qui ont été faites. Je vous demande: Est-ce qu'il est arrivé, au cours de la dernière année, que vous ayez été consultés par le gouvernement quant aux améliorations qui pourraient être apportées au fonctionnement de la commission d'appel et quant aux nominations qui ont été faites au cours de l'été dernier?

M. Dobie: En ce qui concerne des nouvelles, non, aucune nouvelle. D'ailleurs, au mois de juin, j'ai expédié un télégramme au premier ministre et au ministre de l'Éducation leur demandant une rencontre pour en discuter et essayer de trouver une solution à cette situation. Je crois que c'est au mois d'août que j'ai reçu une lettre du premier ministre disant qu'il avait donné le

dossier au ministre de l'Éducation. Depuis ce temps-là, j'attends et, depuis ce temps-là, les parents attendent aussi; depuis ce temps-là, les élèves sont encore dans nos écoles.

En ce qui concerne la commission d'appel, nous n'avons jamais été consultés sur le choix et sur la procédure comme la PACT. Je vais vous dire que j'ai eu l'occasion de représenter plusieurs parents, à certaines époques, à la commission d'appel et nous avons eu quelques rencontres avec les anciens membres, mais ce furent des consultations très ad hoc et informelles. Nous n'avons jamais été consultés.

M. Ryan: Juste un commentaire en terminant. Je pense que vous avez là l'illustration concrète de la manière dont on applique la loi dans un secteur donné. Je formule le voeu qu'on veille, le plus tôt possible, à établir les contacts de base sans lesquels il est impossible pour le gouvernement d'en arriver à des solutions qui marchent véritablement. D'ailleurs, le gouvernement le sait très bien. Dans les secteurs où il transige avec des milieux qui lui sont sympathiques, il trouve le moyen de faire des consultations et très souvent on nous dit qu'un projet de loi a été préparé après consultation détaillée avec les organismes ou les milieux intéressés. Dans ce cas-ci, l'absence totale de contact qui est mise sur la table est un argument qui témoigne de la négligence et de l'impéritie du gouvernement.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Le député de Fabre a une petite précision à apporter et ensuite le mot de la fin de M. le ministre.

M. Leduc (Fabre): Une précision sur le chiffre de 300 000. La précision est la suivante: il y en a 220 000 qui ont été reconnus en décembre 1977. Depuis ce temps, 100 000 ont été admis, soit entre 13 000 et 17 000 annuellement. Nous pouvons déposer le document, M. le député, si cela peut vous satisfaire. Mais le chiffre de 300 000 est bel et bien réel.

M. Ryan: M. le Président.

M. Leduc (Fabre): Et à peine 5000 furent refusés, dont 2300...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'à chaque année, il faut qu'ils redemandent d'être admis à l'école anglaise?

M. Fortier: C'est incroyable!

M. Ryan: M. le Président, je pense qu'il faut clarifier. Cela ne sert à rien de se jeter de la poudre aux yeux. Il y en a 267 000 qui ont été reconnus, ce fut une reconnaissance générale, un peu comme quand le comité catholique a reconnu toutes les écoles catholiques de la province de Québec d'un coup de balai. Mais, depuis ce temps, vous avez eu 63 000 demandes. C'est ce que je comprends. Depuis six ans, combien?

M. Leduc (Fabre): Nous en avons eu 100 000, soit entre 13 000 et 17 000 annuellement.

M. Ryan: Mais, depuis six ans, cela ne fait pas 100 000 si c'est 13 000 par année.

M. Leduc (Fabre): Vous pourrez faire les calculs, M. le député, nous allons déposer le document. D'accord?

M. Ryan: Oui, déposez le document, mais ne le commentez pas, je pense que ce sera plus clair!

Le Président (M. Brouillet): Nous allons distribuer le document; je demanderais au personnel de voir à ce que le document soit distribué et vous aurez le loisir de l'étudier à fond.

J'invite M. le ministre à dire le mot de la fin.

M. Laurin: Oui, avant de remercier l'Association provinciale des enseignants catholiques de langue anglaise, je voudrais quand même dire quelques mots sur ces écoles bilingues. Effectivement, c'est une suggestion que m'a faite le député d'Argenteuil, mais, comme je l'ai dit, je suis en train de l'examiner. Il faut reconnaître le fait que les deux écoles qui ont été mentionnées ne sont pas les seules écoles bilingues qui existaient, il y en avait dans d'autres commissions scolaires aussi, des écoles bilingues. Selon le cas, ces écoles bilingues ont été classées comme françaises ou anglaises aux fins de la loi, en fonction des secteurs linguistiques où elles se trouvaient.

Un peu comme je le laissais deviner au début, il faut penser aussi que ceux qui, dans le passé, ont étudié à ces écoles bilingues, qui ont demandé l'admissibilité en anglais, qui se la sont vu refuser et qui, par la suite, ont obtempéré à la loi, constituent quand même des cas qu'il ne faut pas oublier et, si jamais le gouvernement donnait suite à cette suggestion, il faut sûrement s'attendre qu'ils rappliquent et qu'ils redemandent un droit qu'ils estiment avoir perdu, puisqu'on l'accorde à ceux qui maintenant le demandent. C'est un facteur qu'il ne faut pas oublier également.

Mais, encore une fois, ces suggestions sont toujours à l'étude et je rappelle que les recommandations que nous a faites le député d'Argenteuil comportent, pour la plupart, des

modifications législatives. J'ai dit, tout à l'heure, dans quel esprit nous abordions tout ce problème des modifications législatives.

Je voudrais aussi ajouter que, si je suis bien informé, la plupart de ces élèves illégaux ne pourraient être admis à l'école anglaise non seulement en vertu de la loi 101, mais même en vertu de l'article 23 du "Canadian Bill of Rights". Donc, il s'agit de cas où les critères devraient être examinés en fonction de ces deux lois; mais, même en fonction de ces deux lois, ils ne seraient pas admissibles à l'école anglaise. Évidemment, si nous connaissions les cas dans leur entièreté, un par un, il nous resterait à déterminer lesquels pourraient bénéficier de l'article 23 du "Canadian Bill of Rights"; nous ne le savons pas à l'heure actuelle. Mais, en tout cas, selon les informations que nous possédons, ce seraient plutôt des cas d'exception. Donc, la majeure partie de ces élèves illégaux, clandestins, ne pourrait bénéficier aussi bien des critères tels que déterminés par la loi 101 que des critères déterminés par la loi fédérale. Je pense que c'est un élément important qu'il fallait souligner.

Quant à la commission d'appel, on s'est plaint beaucoup de son fonctionnement. Je continue à dire que la commission d'appel, de même que le bureau d'admissibilité ont fonctionné à une cadence accélérée durant les premières années. Évidemment, il fallait étudier tous les cas d'élèves qui se croyaient justifiés de demander leur admission à l'école anglaise et il y en a eu beaucoup dans les premières années. Mais il y en a beaucoup moins au fur et à mesure que les années s'écoulent. Le nombre de cas qui se présentent aux bureaux d'admissibilité - et, donc, à la commission d'appel, malgré que ce ne soient pas tous les cas qui aboutissent à la commission d'appel - diminue quand même graduellement. Bien souvent, les retards qu'on a à déplorer sont dus au fait qu'il faut vérifier les assertions qui sont faites à l'appui de la demande. Malheureusement, dans bien des cas, M. le Président, cette vérification a montré que les documents qui étaient présentés ou étaient faux ou constituaient une erreur ou ne correspondaient pas aux faits. Évidemment, quand on est obligé de vérifier tous ces documents, cela peut prendre un certain temps, surtout lorsqu'on fait état d'études de pays étrangers, parfois très lointains, qui n'ont pas toujours une organisation scolaire aussi perfectionnée que la nôtre. Alors, les délais sont assez longs et je ne pense pas qu'on puisse blâmer la commission d'appel de ce fait.

De même, on dit que les jugements sont souvent faits en l'absence des parents. Quand il n'y a pas lieu d'appeler les parents tellement le cas est clair, évidemment, les parents ne sont pas appelés, mais je vous rappelle que, dans la plupart de ces cas, c'est parce que la décision de la commission d'appel est positive et que l'enfant est déclaré admissible à l'école anglaise. Le fait d'appeler les parents ne ferait qu'allonger le processus et on s'en plaindrait également. Mais, dans d'autres cas beaucoup plus litigieux ou controversés, il n'est rien dans nos procédures ou nos règlements qui interdise à un parent d'assister à l'audition du cas de son enfant. S'il en fait la demande, on se fera un plaisir de l'accueillir, aussi bien lui-même que le spécialiste ou l'avocat qui voudrait l'accompagner.

Quant aux questions d'affidavits qu'on voudrait suffisants comme preuves ou de serments qu'on pourrait juger suffisants, malheureusement, là aussi, il faut tenir compte de l'expérience du passé et, précisément, c'est sur ces questions d'affidavits ou de documents que très souvent la commission d'appel s'est rendu compte que ces documents ne correspondaient pas à la réalité. Il faut donc s'entourer d'un minimum de précautions, ne serait-ce que pour éviter l'arbitraire et le pouvoir discrétionnaire.

Je tenais à faire ces remarques, justement pour contrer un peu les critiques qui ne m'apparaissaient pas toujours justifiées quant au travail de bénédictin qu'accomplissent souvent aussi bien les membres des bureaux d'admissibilité que les membres de la commission d'appel.

Sur ce, M. le Président, je veux remercier à nouveau les membres de l'Association provinciale des enseignants catholiques de langue anglaise. Je crois que leur mémoire avait le mérite de la franchise et je l'ai beaucoup apprécié à cet égard. Je veux leur dire, surtout sur la question des illégaux, que nous continuons notre réflexion. Dès que possible, nous prendrons une décision qui, je l'espère, saura concilier aussi bien les dimensions sociales et familiales que l'association a évoquées que les autres dimensions que j'ai évoquées et sur lesquelles j'aurais pu m'étendre encore plus longuement, dont, par exemple, le droit exclusif qu'accorde aux provinces, et en particulier au Québec, la constitution du Canada de légiférer en matière d'éducation et en matière de langue d'enseignement. Toucher à ce droit, c'est véritablement commettre un sacrilège constitutionnel. Ceci explique et justifie en grande partie l'attitude qu'a prise le gouvernement du Québec à cet égard et commande les actions que nous devrons poser à l'avenir.

Le Président (M. Brouillet): Merci. Alors, je...

M. Gratton: Est-ce qu'on...

Le Président (M. Brouillet): Oui,

excusez-moi. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je voudrais, au nom de l'Opposition, remercier la Provincial Association of Catholic Teachers de sa présentation.

Comme à vous tous, le ministre responsable du dossier, le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, nous a promis que nous connaîtrions tous ensemble les résultats de cette commission parlementaire lors du dépôt d'un projet de loi à l'Assemblée nationale dès la rentrée, le 15 novembre prochain. Je ne sais ce que je dois comprendre des propos que vient de tenir le ministre de l'Éducation. Je ne lui pose même pas la question à savoir si les modifications qui seront nécessaires pour régler le cas des illégaux seront incluses dans ce projet de loi. On le verra bien tous ensemble. Messieurs de l'association, vous ne serez pas là à ce moment, mais comptez que nous y serons et que nous veillerons au grain. Merci. (17 heures)

Le Président (M. Brouillet): Je remercie les membres de l'association et j'inviterais les représentants de la Voice of English Québec à prendre la parole.

Une voix: II y a eu un changement à l'ordre du jour.

Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi, il y a eu un changement à l'ordre du jour. Nous allons entendre immédiatement les représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec.

Je tiens à rappeler que nous ne pourrons certainement pas entendre un autre groupe avant la suspension à 18 heures. Alors, le Groupe d'action municipale (GAM) sera entendu après le souper.

Oui, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je pense qu'il faudrait faire état d'une entente et d'un acquiescement de la part du prochain groupe qu'on devait entendre, soit Voice of English Québec. Ces gens ont accepté, à la demande du ministre et appuyé par nous-mêmes d'ailleurs, que la CEQ puisse nous rencontrer immédiatement de façon à permettre au ministre de l'Éducation de se libérer immédiatement après. Toutefois, dans le cadre de cette entente, c'est la Voice of English Québec qui serait entendue en premier lieu ce soir, suivie du Groupe d'action municipale.

Le Président (M. Brouillet): Oui. D'ailleurs, le Groupe d'action municipale était prévu en sixième lieu dans l'ordre du jour. C'est seulement une inversion des quatrième et cinqième groupes que nous avons faite.

Je demanderais aux représentants de la

Centrale de l'enseignement du Québec de s'identifier, s'il vous plaît.

Centrale de l'enseignement du Québec

M. Johnston (Raymond): M. le Président, je suis Raymond Johnston, vice-président de la Centrale de l'enseignement du Québec et m'accompagne M. Henri Laberge, employé-conseil de la centrale, particulièrement chargé de ce dossier pour le bureau national.

Avant de commencer la présentation, comme il y a deux textes qui ont circulé de la part de la Centrale de l'enseignement du Québec, je voudrais vous indiquer que le texte à considérer, pour les fins de cette commission, est le texte à couverture bleue et j'ajouterai, probablement vers la fin de la présentation, quelques retouches que nous n'avons pu matériellement faire à l'intérieur de ce texte dès que l'essentiel du message aura pu vous être livré.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Vous pouvez faire votre exposé.

M. Johnston: M. le Président, en 1977, la Centrale de l'enseignement du Québec avait appuyé l'esprit général et la majorité des dispositions de la Charte de la langue française. Auparavant, nous avions combattu la loi 63 et nous avions également combattu la loi 22 pour des motifs qui sont rappelés dans notre mémoire.

Au début des années 1970, nous avions élaboré avec d'autres centrales syndicales québécoises des revendications précises quant à la langue du travail et des relations de travail. Nous estimions - et nous croyons encore - que c'est principalement par des actions dans ce secteur que doit passer la francisation du Québec. Nous continuons de croire que les principales dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne doivent non seulement avoir priorité sur toutes les lois du Québec, mais s'imposer au législateur lui-même en tant que pièce maîtresse de la constitution du Québec.

Sur le fond même - je suis rendu à la page 4 de notre mémoire - nous n'avons pas changé d'avis sur la nécessité pour le Québec de reconquérir sa pleine compétence en matière d'enseignement, son droit à une politique linguistique distincte ainsi que son droit à l'autodétermination nationale, droit collectif fondamental que la CEQ a toujours reconnu aux peuples autochtones du Québec.

M. le Président, je vais glisser rapidement sur un certain nombre de considérations pour m'arrêter sur l'essentiel. A la page 7, la CEQ a toujours soutenu, compte tenu de sa situation particulière, que le Québec a droit à une politique linguistique particulière et a droit de la définir lui-même. Donc, pas de problème de

compatibilité entre nous et le gouvernement sur la question de la juridiction.

Dans ce cadre, nous croyons qu'il importe que la loi québécoise établisse les conditions permettant à la langue de la majorité de jouer pleinement son rôle de langue commune et qu'elle garantisse clairement l'exercice du droit à l'usage de cette langue dans tous les secteurs et à tous les niveaux. Une fois ce minimum garanti, il y a lieu de définir des droits linguistiques minoritaires tenant compte à la fois du contexte global de la société québécoise et de ses besoins particuliers ainsi que de l'importance relative des divers groupes linguistiques. Il faut tenir compte d'une façon particulière des besoins et des aspirations des communautés autochtones héritières de sociétés établies sur notre territoire avant la constitution de la société québécoise actuelle. Les droits des autochtones, quant à nous, ne peuvent être réduits à des droits minoritaires ordinaires; ils doivent être plutôt assimilables à des droits nationaux.

Considérant la Charte de la langue française, la CEQ ne souhaite nullement la remise en question de l'esprit général et des orientations de la charte. On est conscient que des amputations majeures ont été faites au cours des derniers mois sur le contenu même de la charte, sur la base d'une jurisprudence que tout le monde connaît. Par ailleurs, on connaît aussi nos difficultés au niveau de la reconnaissance du français comme langue de travail. Nous pensons qu'à ce niveau la charte aurait besoin d'un renforcement majeur.

Il nous semble par ailleurs utile de modifier certaines autres dispositions de la charte concernant la langue de l'administration, l'accès à l'exercice des professions de même que la langue d'affichage. On s'attardera un peu plus longuement par ailleurs sur la langue d'enseignement sur laquelle il convient que la CEQ ait un discours très articulé.

Je suis rendu au bas de la page 12. Nous voulons aussi marquer clairement notre accord dès maintenant pour accentuer le statut particulier reconnu aux minorités autochtones quant à l'application de la charte et la nécessité de créer un certain nombre d'obligations précises à l'administration à l'égard de ces groupes.

Il y aurait donc lieu, selon notre position, d'accorder aux principales dispositions de la Charte de la langue française un statut de loi fondamentale, mais qui soit quand même subordonné à la Charte des droits et libertés de la personne et qui, comme la Charte des droits et libertés de la personne, devrait avoir priorité sur toutes les autres lois.

Abordons notre analyse chapitre par chapitre. Chapitre III. Nous croyons qu'il y a lieu d'expliciter un certain nombre de droits que la Charte de la langue française ne visait pas à abolir et qui étaient couverts par l'article 133 de la constitution canadienne, notamment le droit des députés d'utiliser soit le français, soit l'anglais dans les débats parlementaires et également le droit d'un individu de s'adresser aux tribunaux en français ou en anglais, à sa convenance. Dans un effort de cohérence et dans la perspective de retrouver à l'intérieur de la charte les principaux droits des personnes, il y aurait lieu d'introduire dans la charte les droits qui, autrement, ne paraîtraient que dans une constitution de type fédéral.

Même si on s'est référé à l'article 133 de la constitution canadienne, on ne pense pas qu'il faille s'en remettre à l'intangibilité de l'article 133 de la loi de 1867. On devrait prévoir, dans une charte québécoise sur la langue, l'obligation de produire les jugements en français, assortie de la possibilité d'en produire aussi une version anglaise. Cela nous semble une garantie minimale à se donner au plan démocratique.

Pour ce qui est des pièces de procédure, il nous apparaît important d'établir une règle générale, c'est-à-dire l'usage du français, à laquelle il sera possible de déroger lorsque l'expéditeur et le destinataire des pièces se mettront d'accord quant à la langue de leur rédaction.

Par ailleurs, nous recommandons d'ajouter des garanties qui ne se retrouvent ni dans l'article 133 de la constitution canadienne ni dans le texte de la charte en ce qui concerne l'obligation pour le ministère de la Justice de plaider en matière criminelle dans la même langue que le justiciable, le français ou l'anglais.

Quant à la langue de rédaction des lois, nous maintenons que les lois québécoises devraient, dans leur rédaction, être préparées et adoptées en français, appuyant ce principe sur le fait que l'on ne doit pas indirectement ou informellement imposer la connaissance de l'anglais comme une condition d'éligibilité à l'Assemblée nationale, une condition informelle d'éligibilité qui fasse en sorte que certains députés soient dans une situation d'infériorité parce qu'ils ne parleraient que le français. D'autre part, nous croyons qu'obligation doit être faite au gouvernement de produire et de publier une traduction administrative de tous les textes des projets de loi et des lois en langue anglaise.

Pour ce qui concerne les règlements, nous intervenons à deux niveaux: les règlements gouvernementaux et les règlements d'autres administrations. Quant aux règlements gouvernementaux, ils devraient être soumis, quant à nous, à la même obligation que pour les lois. Pour ce qui concerne les commissions scolaires anglophones, on devrait maintenir l'obligation

de traduire ou de publier les règlements en anglais lorsqu'il s'agit de services qui sont assurés à une communauté anglophone, mais il devrait quand même y avoir obligation de les produire dans un texte original, un texte légal, en français. De la même façon, nous pensons que ce principe devrait s'appliquer à d'autres organismes administratifs et qu'on devrait leur imposer également l'obligation de traduire et de publier, le cas échéant, en anglais, dans la mesure où la majorité des administrés a comme langue maternelle l'anglais ou une langue autre que le français.

Je ne lirai pas les modifications qui sont suggérées au texte. On pourra y revenir s'il y a des questions.

Quant à la langue de l'administration, nous reconnaissons le principe que le français doit être la langue générale, mais nous croyons qu'il est maintenant possible d'apporter certains aménagements, certains assouplissements dans ce domaine. Dans cette perspective, si l'on croit que la connaissance de la langue commune, c'est-à-dire la langue française, doit être une condition suffisante pour avoir plein accès aux services des municipalités et des autres organismes de l'administration et pour participer à la vie démocratique, il faut donc que ce droit soit garanti dans la charte. Cependant, là où la majorité de la population a comme langue maternelle une autre langue que le français, on devrait tenir compte de cette situation et créer pour les organismes administratifs concernés des obligations à cet effet. Nous proposons d'ailleurs comme amendements, formellement rédigés un peu plus loin, quelques aménagements supplémentaires qui tiennent compte des intérêts des administrés. (17 h 15)

Je veux maintenant aborder le problème de l'accès à certaines professions lequel, dans le contexte actuel, nous semble se situer à deux niveaux. D'abord, on voit une certaine forme de discrimination qui est créée par les articles 37 et 40 de la loi entre les personnes qui viennent du Québec et celles qui viennent de l'extérieur. Cela ne nous semble pas justifié de créer une telle distinction. On est d'accord avec le principe que l'octroi de permis temporaires et restrictifs devrait à l'avenir être de plus en plus limité aux cas où l'intérêt public le justifie. Par exemple, les cas de pénurie relative. Mais dans l'octroi de ces permis temporaires et restrictifs, on croit qu'il ne devrait pas y avoir de distinction entre les personnes visées selon qu'elles soient originaires du Québec ou proviennent de l'extérieur du Québec.

En complément, nous prétendons aussi qu'on devrait, à titre de mesures transitoires, prévoir des assouplissements pour les personnes qui ont terminé leurs études secondaires au Québec avant l'entrée en vigueur de la loi 101 ou qui ont passé leurs examens professionnels avant la fin de 1983. On croit que, dans ce cas, de façon automatique, le droit aux permis temporaires prévus par la loi devrait leur être acquis. Cela nous semble être de nature à corriger un certain nombre de problèmes qui ont été soulignés par ailleurs au cours des dernières années.

Au chapitre de la langue du travail, nous n'abordons pas comme groupe, cette fois-ci, les problèmes qui peuvent être générés par les programmes de francisation des entreprises quant à l'application du principe du français comme langue de travail. Cependant, nous voulons aborder ici deux types de difficultés particulières soulevées par les articles 41 et 45, en particulier, en vous soulignant que si on s'en tient à ces principes généraux, on partage cependant la plupart des demandes de renforcement qui ont été présentées devant vous par d'autres organisations syndicales quant aux programmes de francisation des entreprises et leurs effets sur la reconnaissance du français comme langue de travail.

J'aborde les deux problèmes particuliers qui font l'objet de nos considérations dans ce mémoire. À l'article 41, c'est un problème que tout le monde connaît. Il y a une certaine jurisprudence qui tend à interpréter de façon restrictive cet article en donnant à l'expression "son personnel" un sens plutôt collectif, excluant les communications individuelles, et on pense qu'il y a là un type de problème à corriger. Il nous semble important de clarifier cette situation pour que l'obligation s'applique aux communications avec un membre du personnel en particulier, mais, en même temps, on pense qu'il faut préciser que l'employeur peut communiquer par écrit dans une autre langue que le français lorsque l'employé en fait lui-même la demande par écrit. C'est là que c'est le plus vérifiable.

Quant à l'article 45 - nous avons fait des représentations de même nature quant à d'autres dispositions législatives qui sont d'une nature à peu près équivalente - nous y voyons une insuffisance majeure. L'interdiction qui est faite à l'article 45 de congédier un employé pour la seule raison que ce dernier ne parle que le français, on pense aussi que cela prête à une interprétation très restrictive. Cela signifie qu'un employeur peut invoquer ce motif parmi d'autres motifs. Cela signifie aussi que ce motif peut être sous-entendu, alors que d'autres sont invoqués et que, dans la preuve, il n'y a pas nécessairement un fardeau très important pour l'employeur. Nous croyons, quant à nous, qu'un tel motif ne devrait jamais entrer en considération pour justifier un congédiement ou quelque autre mesure disciplinaire. Nous pensons aussi que la loi devrait être amendée pour prévoir une

protection spéciale contre les mesures disciplinaires consécutives à l'exercice d'un droit reconnu par la charte. Ce sont des dispositions qu'on retrouve à l'intérieur du Code du travail et de la Loi sur les normes du travail. On pense que, dans ce cas-ci, ce serait approprié d'avoir une couverture de cette nature également. On pourra revenir sur la formulation des amendements qui sont suggérés.

Quant à la langue du commerce et des affaires - je suis rendu à la page 30 de notre mémoire - à ce chapitre, nous allons dans le sens d'assouplissements qui ne nous semblent pas menacer la sécurité collective de la communauté francophone québécoise. En matière d'affichage, nous pensons donc que les exceptions à la règle de l'usage exclusif du français devraient être contenues dans la loi elle-même pour réduire les risques d'arbitraire. Autrement dit, on ne voudrait pas que les exceptions soient définies par voie réglementaire. Les exceptions devraient être prévues dans la loi et, s'il faut amender la loi pour prévoir une série d'exceptions claires, précises, qui fassent en sorte que ce soient les règles du jeu connues et stables pour l'ensemble des administrés, nous croyons que cela devrait être une approche à retenir par le gouvernement.

Quant à l'article 59, il y a certaines difficultés auxquelles nous avons été sensibilisés qui nous permettent de recommander, d'ajouter aux exemptions prévues l'affichage des entreprises à caractère culturel qui ont pour objectif d'informer le public sur des activités culturelles qui lui sont offertes dans une autre langue que le français. Nous croyons que les dispositions actuelles de la charte ne couvrent pas de façon suffisamment explicite cet élément.

Quant à l'article 60, nous recommandons de remplacer l'exception faite sur la seule base de la dimension de l'entreprise par une exception fondée sur les caractéristiques linguistiques de la population du territoire où se fait l'affichage. D'une part, nous ne voyons aucune justification à ce qu'une entreprise établie en milieu francophone ait droit à un comportement linguistique particulier en matière d'affichage du seul fait qu'elle soit petite. D'autre part, s'il y a lieu de reconnaître des exceptions aux règles concernant l'affichage public, ce doit être en fonction des besoins du public environnant qu'on devrait le faire. Il est déjà prévu que certaines municipalités peuvent afficher à la fois en français et en une autre langue; il serait donc logique de reconnaître le même droit aux individus et aux entreprises qui affichent dans le territoire d'une de ces municipalités.

À l'article 62, nous proposons une modification que je qualifie de technique qui a des retombées cependant au niveau de l'application. Nous recommandons de reconnaître aux établissements spécialisés dans la vente de produits typiques d'une nation étrangère, d'un groupe ethnique particulier, le droit d'afficher à la fois en français et dans la langue de cette nation ou de ce groupe ethnique aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'entreprise.

Aux dispositions diverses - page 33 -nous proposons, en parfaite concordance avec le message que je vous ai livré antérieurement, l'abrogation de l'article 93 qui confère au conseil exécutif les pouvoirs de réglementation que nous jugeons abusifs. S'il y a lieu de prévoir des clarifications, nous croyons que c'est plutôt par le texte de la loi que ces clarifications devraient venir plutôt que par voie réglementaire. Nous sommes - je le répète - disposés à appuyer aussi toute revendication des groupes autochtones qui iraient dans le sens d'une meilleure affirmation du droit à leur langue particulière ainsi qu'à des services dispensés en ces langues.

Je dois aborder un chapitre sur lequel je vais demander votre attention plus longuement, celui de la langue d'enseignement. Nous avions, en 1977 - la centrale - recommandé une approche qui permettrait de reconnaître l'accès à l'école aux classes anglaises, à l'enseignement en langue anglaise au Québec à la communauté anglophone du Québec, mais également à des citoyens canadiens qui viendraient s'établir au Québec par la suite. Je vais essayer de situer de nouveau, par rapport à l'ensemble du débat qu'on a connu au cours des récentes années, notre position à cet égard. Pour bien se faire comprendre, il y a lieu d'apporter quelques clarifications, je vais m'en tenir au texte qu'on a rédigé à ce sujet, à partir de la page 36.

Nous avons analysé la portée des articles 73 et 86 de la charte et les intentions qui pouvaient s'en dégager. Et, même si, en 1977, nous n'avions pas prévu dans notre position de dispositions transitoires qui auraient éventuellement permis à des frères et soeurs d'avoir des droits générés à cause de la situation des aînés, même si nous n'avions pas prévu de règles d'exception de la nature de celles qui sont prévues à l'article 73, paragraphes b, c, d, nous pensons aujourd'hui qu'il était sage de prévoir de telles dispositions qu'on peut considérer, quant à leur caractère, de nature tout à fait transitoire.

Nous sommes toujours d'accord, par ailleurs, avec l'intention contenue à l'article 86 de la charte qui, à notre point de vue, indique l'intention d'étendre l'accessibilité à l'école anglaise aux enfants dont les parents auraient fait leurs études primaires en anglais au Canada. Cependant, nous différons d'opinion quant aux moyens opportuns pour le

faire et nous ne croyons pas, quant à nous, qu'il soit opportun de le faire en vertu de l'article 86, tel que rédigé.

Le gouvernement avait peut-être l'impression que toutes les provinces canadiennes allaient s'empresser de négocier des accords de réciprocité avec le Québec. Si tel était le cas, il aurait été bien naïf. Nous estimons, quant à nous, que les droits que nous sommes disposés à reconnaître chez nous ne devraient pas être conditionnels à ce qui se passe ailleurs.

Le droit à l'enseignement en langue anglaise ne constitue certes pas un droit fondamental de la personne humaine. Là où il est reconnu, il ne peut se définir qu'en tenant compte du contexte socio-politique et démo-linguistique global de la société particulière au sein de laquelle il s'exerce. Il s'agit toutefois d'un droit très important et c'est à une minorité québécoise que nous le reconnaissons. Non seulement un tel droit ne doit-il faire l'objet d'aucun marchandage interprovincial, mais notre législation doit éviter toutes les apparences que telle puisse être la volonté du peuple québécois ou de son Assemblée nationale.

Restreindre l'accessibilité à l'école anglaise aux seuls enfants dont les parents ont fait leurs études en anglais au Québec serait tout à fait légitime au niveau des principes, puisque toute personne qui choisit librement de s'établir au Québec, d'où qu'elle vienne, devrait accepter de modifier certains de ses comportements et habitudes pour s'intégrer à une société distincte. Si, toutefois - et nous pensons que c'est la lecture qu'on doit faire de l'article 86, et nous-mêmes, c'est notre intention - nous avons l'intention d'étendre cette accessibilité aux enfants dont les parents ont fait leurs études primaires dans une autre province du Canada, qu'on le fasse sans marchandage et qu'on établisse cette accessibilité comme un droit reconnu par la législation québécoise.

Compte tenu de ce que nous connaissons présentement de l'évolution de la situation relative du français comme langue d'enseignement au cours des dernières années, nous pensons qu'une telle extension ne mettrait pas en danger la communauté francophone dans un avenir prévisible. Cela étant dit, il convient d'établir qu'il y a quand même une démarcation entre notre position et le contenu de l'article 23 de la charte fédérale.

Nous tenons à dire que nous continuons à être complètement opposés à l'application de l'article 23 de la charte fédérale des droits, ceci pour deux raisons qui nous apparaissent fondamentales. L'article 23, tel que rédigé, pourrait avoir pour effet d'accorder le droit à l'enseignement en anglais aux frères et soeurs de toute personne qui, à un moment donné, reçoit son enseignement primaire ou secondaire en anglais dans une autre province du Canada, ou dans une institution privée non subventionnée au Québec. De plus, cet article constitue, en vertu de son origine, aussi bien que par la formule d'amendement qui s'y applique, une ingérence que nous considérons toujours inacceptable d'instances politiques extérieures au Québec dans la législation québécoise en matière d'éducation. (17 h 30)

Si, en 1977, la CEQ a appuyé le principe d'accorder l'accessibilité à l'enseignement en anglais aux enfants dont les parents ont reçu l'enseignement primaire en anglais au Canada et si nous réitérons aujourd'hui notre appui à ce principe, nous avons toujours été et nous demeurons fermement opposés à toute forme déguisée de libre choix pour les membres ou de la majorité francophone ou pour les immigrants. Or, l'application de l'article 23 serait la possibilité par des moyens détournés d'offrir le libre choix à certaines familles francophones ou immigrantes ayant les moyens de faire étudier leurs enfants dans d'autres provinces de façon temporaire.

S'il y a lieu de modifier les dispositions de l'article 73 de la loi 101, il faut que ce soit par une décision prise au sein des institutions québécoises, dans un esprit d'ouverture et de respect à l'égard de ses minorités et plus particulièrement de la minorité anglophone. S'il y avait lieu, plus tard, dans un autre contexte où la situation du français serait encore mieux assurée, d'accroître les droits minoritaires en matière de langue d'enseignement, le Québec devrait pouvoir le faire seul, sans avoir à marchander quoi que ce soit avec d'autres gouvernements.

C'est pourquoi nous souhaitons que les droits des Anglo-Québécois soient protégés de façon rigoureuse par la constitution du Québec et que le Québec soit libéré du carcan de la constitution fédérale en matière de protection des droits linguistiques minoritaires.

Nous voulons aborder un problème qui a soulevé beaucoup de discussions tantôt: le problème des élèves illégaux. Pour rétablir un climat acceptable dans le monde de l'enseignement, il faudra aussi trouver une solution humaine aux problèmes des élèves illégaux qui se trouvent encore dans les classes anglaises.

En 1977-1978, la Centrale de l'enseignement du Québec avait averti le gouvernement qu'il devait prendre rapidement les moyens de ramener à l'école française les élèves illégaux de l'école anglaise pour s'éviter des problèmes insolubles dans l'avenir.

Compte tenu de la situation de relative tolérance qu'il a manifestée à l'égard du phénomène, le gouvernement serait mal venu aujourd'hui de faire porter sur les élèves

concernés eux-mêmes tous les inconvénients de cette situation. Nous l'invitons à rechercher la solution la plus humaine possible pour les enfants impliqués - et les seuls enfants impliqués - en s'assurant toutefois que la situation d'illégalité n'aura pas pour effet de conférer ou de générer des droits dans l'avenir, en vertu du paragraphe a de l'article 73 de la loi actuelle.

Il faudrait préciser que le droit à l'enseignement en anglais ne s'applique, une fois reconnus les droits reconnus de ceux qui avaient reçu légalement l'enseignement primaire en anglais avant l'entrée en vigueur de la loi, qu'aux seuls enfants dont l'un des parents aura reçu son enseignement primaire en anglais en vertu de l'article 73 ou qui aura reçu cet enseignement au Canada alors qu'il était domicilié au Canada hors du Québec.

Une telle précision dans le texte de la loi permettrait au gouvernement d'utiliser d'ailleurs plus librement la disposition de l'article 85 pour les personnes séjournant de façon temporaire au Québec. Suivent les modifications que nous suggérons en concordance.

Je voudrais aborder la dernière partie qui est notre approche sur l'enchâssement constitutionnel de la Charte de la langue française. Au chapitre de la langue de la législation, de la justice et à celui de la langue de l'enseignement, les propositions de modifications que nous avons présentées n'ont de sens que dans la mesure où le Québec pourra se libérer des carcans constitutionnels imposés à sa législation en 1867 et en 1982 par le Parlement britannique.

Notre opposition à ce que s'applique au Québec une constitution votée par le Parlement britannique sans notre accord ne signifie pas et n'a jamais signifié une opposition au principe d'assurer à certains droits essentiels une protection constitutionnelle efficace. Bien au contraire nous avons depuis quelques années développé une approche qui viserait à garantir par des moyens constitutionnels les droits des minorités.

Il faut remarquer qu'en ce qui concerne la protection des droits minoritaires, la formule d'amendement à la constitution canadienne n'accorde aux minorités elles-mêmes aucun pouvoir d'intervention directe. Cela pourrait encore se tramer au-dessus de la population entre les gouvernements, et les minorités elles-mêmes n'auraient aucun moyen d'intervenir dans ce débat. Nous croyons toujours que le Québec est sûrement au Canada la seule province à devoir protéger de façon spéciale la langue de la majorité de sa population à cause de l'histoire, à cause de l'environnement.

Le cadre constitutionnel canadien, tel que défini par la loi de 1982, se prête mal à la prise en considération de cette particularité quand il s'agit de définir les droits minoritaires. Cependant, nous pensons que les droits linguistiques applicables au Québec doivent se définir au Québec même et être protégés par la constitution du Québec. L'adoption ou l'évolution de la constitution du Québec doit dépendre en dernier ressort de la volonté du peuple québécois pour l'ensemble de ses dispositions. Cependant, nous croyons qu'on devrait prévoir un droit de veto à la minorité anglophone sur les modifications futures qui pourraient affecter les droits essentiels qui lui sont constitu-tionnellement reconnus.

Il devrait en être de même pour les droits à reconnaître aux communautés autochtones.

La constitution du Québec devrait, selon nous, avoir priorité sur toute loi ordinaire. C'est le statut que nous voudrions voir accorder à la Charte de la langue française remaniée dans le sens de nos propositions. C'est aussi le statut que nous voudrions voir reconnaître à la Charte des droits et libertés et nous voudrions que cette dernière soit reconnue comme prioritaire pour fins d'interprétation de ladite constitution. C'est donc dans cet esprit que nous proposons l'inclusion d'un nouvel article 98a à la Charte de la langue française et que nous croyons que le gouvernement devrait introduire une disposition semblable à la Charte des droits et libertés de la personne pour garantir des droits qui soient inaliénables. Voilà, nous sommes disposés à répondre à vos questions.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Johnston. M. le ministre.

M. Godin: M. le vice-président de la CEQ, M. Johnston, M. Henri Laberge, nous reconnaissons, à la qualité de votre mémoire, que votre conseil connaît bien la loi 101; il la connaît en profondeur ainsi que les amendements que vous y proposez. D'ailleurs, je dois dire que ce qui caractérise votre mémoire, c'est précisément sa clarté, dans la mesure où vous recommandez des amendements très concrets, déjà rédigés d'ailleurs sur bien des points. Par ailleurs, je crois que la notion de langue commune que vous êtes les premiers à utiliser dans un mémoire qui nous est soumis depuis que cette commission siège, est une notion extrêmement riche. Sans nous référer à cette notion comme telle, puisque nous utilisons "langue de convergence" dans nos documents, c'est elle que nous appliquons concrètement et je dois dire que les résultats sont extrêmement positifs dans l'ensemble du Québec, à telle enseigne que, dans le centre de la ville de Montréal, par exemple, où de plus en plus d'enfants d'immigrants fréquentent l'école française, les effets se répercutent sur les parents avec le résultat que les tensions qui existaient dans certains milieux dans le passé

sont en train de se dissoudre avec le temps; donc, nous allons assister certainement à une espèce d'équilibre sociologique et de paix sociologique très grande, ce qui va peut-être nous permettre, si nous agissons avec sagesse dans l'avenir, d'éviter, malgré le multiculturalisme de Montréal, des tensions sociales que certains autres milieux ont connues. Donc, la loi 101 a eu des répercussions beaucoup plus profondes que nous ne l'avions imaginé au départ.

D'autre part je retiens, à la page 28 de votre mémoire, ce qui touche l'article 41. La notion de personnel inclut-elle dans la pratique des relations dans la langue officielle de l'employeur avec chacun des membres de son personnel? Je me suis informé. Il n'y a aucun cas qui a été porté à la connaissance de la commission de surveillance qui nous permettrait de croire que la notion de personnel, telle qu'elle apparaît à la loi, ne couvre pas tous et chacun des membres du personnel. Mais si vous avez eu connaissance de cas où précisément l'interprétation n'était pas claire, nous serions heureux de les connaître.

Quant au programme de francisation, à la suite de la présentation des mémoires de la FTQ et de la CSN, déjà un certain nombre de recommandations nous ont été faites. Nous nous penchons, au gouvernement, avec beaucoup de sympathie sur ces modifications qui permettront de s'assurer que les comités de francisation seront des éléments actifs, dynamiques et moteurs dans toute l'opération francisation de la langue de travail au Québec.

Quant à votre suggestion qui porte sur les activités à caractère culturel c'est un autre des points auxquels nous réfléchissons présentement. Je ne suis pas loin de penser comme vous que nous devrions placer les activités à caractère religieux, humanitaire et politique au même niveau que ceux à caractère culturel.

Enfin, vous terminez votre mémoire en évoquant l'éventuelle rédaction d'une constitution du Québec qui serait faite par le peuple et collectivement, au fond. Cette idée fait du chemin au sein du parti auquel j'appartiens autant qu'au sein du gouvernement auquel j'appartiens. J'ose espérer que d'ici peu nous pourrons travailler ensemble, tous les Québécois et toutes les Québécoises, de quelque origine que nous soyons, à la rédaction d'une constitution du Québec qui, contrairement à une autre que nous connaissons, sera faite, elle, par l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec, et non pas parachutée, dans certains cas pourrait-on dire, comme une grenade dans notre territoire paisible. Merci. Je vous donne la parole, M. le Président, à moins que vous ayez des commentaires.

M. Johnston: Si vous me permettez de dire que quant à l'article 41, on a porté à notre connaissance un cas, qui est d'ailleurs rapporté, semble-t-il, dans la revue du Barreau: à partir d'un congédiement d'un salarié qui avait invoqué cette disposition de la charte comme moyen de défense, il y aurait eu des jugements rendus à savoir que l'article 41 ne devait être pris que dans son sens restrictif d'être collectif, c'est-à-dire que les mots "son personnel" ne devaient être pris que dans le sens de l'être collectif et non pas s'adresser à chacun des individus. Si un tribunal, de quelque niveau qu'il soit, a pu franchir cette espèce de barrière, d'interdiction, qui était prévue par l'article 41, je crois qu'il y a un problème important qui mérite la considération de la commission à cet égard. On pourra, si vous n'avez pas pris connaissance de ce dossier, faire compléter le relevé et vous le faire parvenir.

M. Godin: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. ...

M. Johnston: Je m'excuse. Est-ce que vous permettriez...

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Johnston: ...que j'indique tout de suite les trois corrections que j'avais annoncées au point de départ à la fin de ma présentation? Puisqu'on est obligé par les temps qui courent de réagir à pas mal de politiques gouvernementales et qu'on est donc pris dans un processus d'accélération dans la rédaction de nos choses, on n'a pas eu le temps de revoir en détail le texte avant qu'il soit imprimé.

Je voudrais vous signaler que dans le bas de la page 4 de notre mémoire il faudrait rayer le dernier alinéa. Ce serait trop long de préciser. Donc, plutôt que d'en faire une page à annexer on aime autant rayer le paragraphe. On aura l'occasion de s'en reparler en d'autres moments probablement.

À la page 35 il faudrait nuancer. Cela demande tellement de nuances que je ne veux pas vous imposer une dictée. Je veux souligner qu'il y a une ambiguïté qui est créée par le texte à partir du paragraphe central concernant la position de la centrale qui est analysée ici comme étant "beaucoup plus radicale" que celle qui a été retenue par le gouvernement dans l'article 73 de la loi 101. Je pense qu'il faudrait noter que le mémoire de la CEQ à cette époque ne s'attardait pas aux mesures transitoires. C'est dans ce sens qu'il a pu y avoir une interprétation d'un peu plus de radicalisme. Je pense qu'il faut enlever l'appréciation pour ne conserver que l'esprit.

Finalement, pages 41 et 42. Dans les modifications proposées à l'article 73, page

41, à 73a, nous préférerions que soient changés à la fin de la page les mots "avant l'entrée en vigueur de la présente loi" pour les mots "avant le 26 août 1977". Il y aurait une modification de même nature au paragraphe b), en page 42, pour éviter toute confusion.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je crois que vous aviez demandé la parole tantôt, M. Laberge?

M. Laberge (Henri): Oui. C'était sur l'article 41, la question qui a été posée par M. le ministre. Ce que je voulais dire, c'est que l'Office de la langue française est au courant de la question. J'ai été en communication avec lui à ce sujet. Il ne s'agit pas d'un jugement qui a été rendu par l'office pour interpréter l'article 41 - je pense que l'office serait d'accord avec notre position là-dessus - mais il s'agit de jugements qui ont été rendus dans le cadre des tribunaux du travail et des tribunaux d'arbitrage. Cela va?

M. Godin: Merci. Je compte sur vous pour me faire parvenir la référence exacte de l'entrevue du barreau.

M. Laberge: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais vous demander une indication avant de commencer. Est-ce que vous entendez que nous ajournions à 18 heures pour reprendre ensuite à 20 heures?

Le Président (M. Gagnon): C'est ce que j'ai compris des membres de cette commission.

M. Ryan: Alors on va commencer mais je n'aurai pas le temps de tout passer dans un quart d'heure.

Le Président (M. Gagnon): On pourra, à 18 heures...

M. Ryan: On pourra continuer à 20 heures.

Le Président (M. Gagnon): On pourra se reprendre à 20 heures.

M. Godin: Vous avez de l'appétit, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: C'est parce qu'il y a de la bonne matière.

Le Président (M. Gagnon): Pardon? Peut-être pourrions-nous continuer quelques minutes après 18 heures pour vous laisser terminer votre intervention? Une voix: Non.

Le Président (M. Gagnon): Non. Nous terminerons à 18 heures, nous reprendrons à 20 heures et vous aurez encore votre droit de parole.

M. Ryan: Très bien. M. le Président. Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Ryan: M. le Président, j'ai beaucoup aimé, tout comme le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, le contenu du mémoire que la Centrale de l'enseignement du Québec nous a présenté aujourd'hui à la commission parlementaire. J'avais fait une lecture du premier texte qui nous avait été remis il y a quelques jours. Il manquait des pages dont le contenu m'a étonné, agréablement. Les pages qui traitent de la langue d'enseignement n'étaient pas dans le texte que nous avions reçu. Je pensais que c'était un problème sur lequel, peut-être un peu à l'exemple d'autres organismes, vous aviez de la difficulté à vous entendre. Je m'aperçois que vous arrivez à des propositions qui méritent un examen sérieux.

Je voudrais tout d'abord signaler l'intérêt que présentent plusieurs points de vue exprimés dans votre mémoire. Je suis d'accord avec le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration pour souligner l'intérêt du concept de langue commune. Il me semble que c'est un concept pratique, fonctionnel et dépourvu de toute charge idéologique. Si jamais il y avait moyen de faire un amendement dès la première ligne de la Charte de la langue française pour substituer ce mot-là au mot distinctif, je pense que c'est un mot plus fort, beaucoup plus positif. Il est bon que vous ayez émis ce concept qui est en circulation depuis déjà assez longtemps, dont la portée pratique n'a peut-être pas été comprise de tout le monde.

Il me semble qu'en parlant de langue commune, c'est difficile de faire comprendre à un anglophone que c'est sa langue distinctive, le français. Je pense que cela prendrait un tour de force intellectuel extraordinaire pour lui faire comprendre que c'est la langue commune de tous les membres du peuple québécois. Il me semble que c'est une proposition qui se défend, qui peut se comprendre par tout citoyen de bonne foi au Québec de quelque origine, caractéristique, familiale culturelle ou linguistique qu'il soit. Personnellement, c'est un concept auquel je me fais un grand plaisir d'adhérer. Le concept de l'enchâssement éventuel de la charte du français - j'y reviendrai dans les questions tantôt - est également un concept de la plus haute

importance qui s'applique également d'ailleurs à la Charte des droits et libertés de la personne que vous situez justement en premier lieu, avant même la charte des droits du français. Je pense que c'est excellent. Cela pose toute une série de problèmes de mécanique légale et constitutionnelle extrêmement complexe, surtout que nous continuons de vivre dans un régime fédéral. À ce sujet, il y a un certain nombre de questions que soulève votre suggestion.

Vous demandez que soient mieux définis les droits linguistiques des citoyens dans le domaine judiciaire, depuis surtout que la Cour suprême a décidé que l'ancien chapitre de la loi 101 à ce sujet n'était pas valide. Je pense qu'il y a d'autres suggestions qui ont été faites depuis le début des travaux de la commission qui vont dans le même sens. Nous avons déjà indiqué, de ce câté-ci, que nous étions tout à fait favorables à des modifications à ce sujet.

L'insistance que vous mettez sur les droits des autochtones est également extrêmement importante. Nous sommes tous portés à faire ce qu'on appelle du "lip-service" c'est-à-dire cela va bien et on est pour cela. Il est important de se le faire rappeler, car on ne fait pas grand-chose en pratique pour le reconnaître.

En ce qui regarde les commissions scolaires et les hôpitaux, les suggestions que vous faites contribueraient à faire circuler un peu plus de souplesse dans ces milieux qui voyaient venir avec appréhension l'échéance du 1er janvier 1984. Si les suggestions que vous faites étaient reçues - d'ailleurs on a donné des indications qu'elles avaient de bonnes chances de l'être - je pense que cela aiderait énormément.

Il y a une suggestion qui nous a intéressés sur laquelle je pensais que le ministre allait vous interroger. Vous avez proposé qu'un droit de veto soit reconnu à la minorité anglophone en ce qui concerne les amendements législatifs éventuels pouvant affecter les droits qui lui seraient reconnus. Actuellement, cela ne comportera pas énormément de garanties, on parle avec assez de pudeur de la communauté anglophone dans la loi 101, à un point tel que parfois on a l'impression qu'on a voulu la cacher. Je pense que c'est une suggestion qui impose réflexion. Je ne sais pas moi-même comment j'y réagirais, mais cela demande réflexion. C'est ce que nous attendons en tant que commission parlementaire, soit que des gens viennent nous obliger à réfléchir sur des aspects qui n'avaient pas retenu l'attention jusque-là.

Cela dit, je voudrais vous poser un certain nombre de questions. À la page 6 de votre mémoire, vous faites une affirmation qui m'a étonné et sur laquelle j'aurais besoin pour dire le moins, d'explication. Vous dites: "Cependant les droits linguistiques particuliers ne peuvent être identifiés à des droits fondamentaux de la personne humaine. Ces derniers sont d'application universelle et ils sont revendiqués par tous les êtres humains de tous les pays et de tous les continents, quelles que soient les circonstances de temps ou de lieux. Alors que la plus grande partie des droits linguistiques sont nécessairement fonction des contextes démographique, socioculturel, socio-économique et politique où ils doivent s'exercer."

Je considère qu'il y a du vrai dans ce que vous dites, mais qu'il n'y a qu'une partie qui soit vraie. J'ai fait venir la charte, la Déclaration universelle des droits de l'homme dans laquelle j'ai trouvé un article, en particulier, qui me semble plus exigeant que ce que vous dites dans votre mémoire. D'ailleurs, le reste du mémoire n'est pas du tout dans le sens de minimiser ces droits-là, je dois le reconnaître. L'affirmation générale qui est ici m'a étonné un peu. Je vous lis l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme: "Dans les États où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir en commun avec les autres membres de leur groupe leur propre vie culturelle, de professer, de pratiquer leur propre religion ou d'employer leur propre langue." "Employer leur propre langue" peut aller assez loin. Ce n'est pas seulement dans la chambre à coucher; ce n'est pas seulement dans le vivoir, je pense que cela veut dire davantage. Si on l'a mis dans une déclaration des droits de l'homme, je pense que cela veut dire plus que cela. J'aimerais que vous me disiez comment vous conciliez ces deux aspects. Il me semble que la déclaration des droits de l'homme est plus satisfaisante pour un esprit libéral que le paragraphe que j'ai cité de votre mémoire.

M. Laberge: En vertu de l'article 28... M. Ryan: C'est l'article 27.

M. Laberge: ...de l'article 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, je pense qu'il ne peut pas être question d'établir que le droit à l'usage de n'importe quelle langue peut être reconnu dans n'importe quelle circonstance dans tous les pays. C'est dans ce sens qu'on dit "la plupart des droits", on ne dit pas tous. Il y a un droit à un certain usage de sa langue qui, il me semble, fait partie des droits fondamentaux de la personne humaine. L'usage de sa langue dans sa vie privée et dans les relations d'ordre privé entre des individus, je pense qu'on pourrait considérer cela comme faisant partie des droits fondamentaux. Mais, quand il s'agit de droits linguistiques d'ordre public, même dans les pays bilingues, on ne peut pas dire qu'on a

reconnu à tous les individus le droit à l'usage universel de leur langue maternelle. Dans un pays bilingue, il y a deux langues qui sont reconnues, alors, ce à quoi fait allusion l'article 27, ce sont les minorités qui ont une certaine importance. Là-dessus, nous sommes d'accord quant à la reconnaissance d'une certaine minorité, mais ce que nous voulons dire c'est que ce n'est pas un droit qui est attaché à la personne humaine en tant que telle que de pouvoir utiliser en toute circonstance sa langue maternelle. Cela tient toujours au contexte socio-économique et démo-linguistique dans lequel il s'exerce.

Mais je pense que l'esprit général du mémoire montre bien le sens qu'on donne à cette affirmation.

M. Ryan: Le droit d'employer leur propre langue, est-ce que vous le reconnaîtriez de manière privilégiée aux groupes minoritaires, dans le secteur de l'éducation et de la culture, par exemple?

M. Laberge: Si vous référez à notre position sur le chapitre VIII, vous allez voir ce que nous sommes prêts à reconnaître. Mais ce que je veux dire aussi, pour compléter ma réponse, c'est que, quand on reconnaît un droit de cette nature, cela suppose l'obligation pour les autres personnes de respecter ce droit. C'est pour cela que nous ne pouvons pas reconnaître n'importe quel droit en n'importe quelle circonstance, parce que cela supposerait que nous créons des obligations qu'il est impossible de faire respecter.

M. Ryan: Reconnaîtriez-vous qu'une société civilisée doit chercher à aller le plus loin possible, dans toute la mesure compatible avec le bien général, le plus loin possible dans la reconnaissance des droits minoritaires?

M. Laberge: C'est cela, la façon la plus compatible avec le bien général, c'est ce qu'il faudrait définir.

M. Johnston: Tout dépend de la notion qu'on a du bien général. C'est là qu'on dit qu'il y a un ensemble de considérations à prendre en...

M. Ryan: Très bien. S'il était question d'enchâsser la charte du français... Là, vous dites que cela n'a rien à faire avec la Charte canadienne des droits, si j'ai bien compris, l'article 23, en particulier de la charte canadienne. Le Québec continue, jusqu'à nouvel ordre, de faire partie de la fédération canadienne. Par conséquent, la constitution du Canada est peut-être, à votre point de vue, une constitution venant d'une source étrangère, mais c'est une constitution qui s'applique au Québec comme dans les autres parties du Canada également. Si, éventuellement, par les voies de la négociation, il y avait moyen d'harmoniser les dispositions de l'article 23 de la charte canadienne et les dispositions de la Charte québécoise des droits, resterait-il des obstacles insurmontables dans votre esprit?

M. Johnston: Nous, on part de cette situation objective qu'on constate - et que j'ai rappelée tantôt dans la présentation de notre mémoire - que le Québec est, dans les faits - et a toujours été dans les faits -objectivement la seule province du Canada à devoir trouver des moyens de protéger la langue de la majorité. À partir de ce moment-là, on ne peut pas accepter, quant à nous, que la façon d'harmoniser, la façon d'assurer l'avenir de la majorité francophone du Québec repose sur une volonté qui échappe à la communauté québécoise. Soyons clairs là-dessus. Vous pouvez bien ne pas partager notre point de vue, mais c'est notre approche de la question. Cependant, nous croyons que ceci étant dit, on doit par ailleurs aller le plus loin possible dans ce qui peut être reconnu comme droits minoritaires qui ne menacent pas l'équilibre de la majorité québécoise et les reconnaître concrètement en les protégeant chez nous également, sans se laisser imposer ces choses de l'extérieur.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Sur ce, nous allons suspendre. M. Laberge, très...

M. Laberge: Je voudrais seulement ajouter une chose. Même dans un régime fédéral, il est pensable qu'une partie, un des États membres ne soit pas soumis à des dispositions qui sont soumises à d'autres. D'ailleurs, cela existe dans la loi de 1867. Je pense que c'est l'article 94 ou 95 de la loi de 1867.

Une voix: L'article 94. M. Laberge: L'article 94.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Si vous le permettez, nous reviendrons à 20 heures. Je dois suspendre les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 01)

(Reprise de la séance à 20 h 09)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! Lors de la suspension de nos travaux, nous en étions à entendre la Centrale de l'enseignement du Québec et la parole était au député d'Argenteuil.

M. le député d'Argenteuil, si vous voulez poursuivre les questions.

M. Ryan: Je voudrais vous demander, M. Johnston, si vous pourriez expliquer la position de la CEQ concernant la langue d'enseignement. Vous préconisez le remplacement de la clause Québec par la clause Canada, si j'ai bien compris, c'est-à-dire l'accès à l'école anglaise pour les enfants de parents ayant reçu la formation primaire en anglais au Québec ou ailleurs. J'ai cru comprendre, en cours de route, que vous disiez que cela ne comporterait aucun danger pour l'équilibre culturel du Québec, l'avenir du français au Québec. J'ai également cru comprendre que vous mettez certaines réserves, vous ne voulez pas que cela soit confondu avec l'article 23 de la Charte canadienne des droits. Pourriez-vous expliquer comment vous en arrivez à cette conclusion et quelles seraient les sauvegardes que vous voudriez y voir annexées pour que cela soit une affaire sûre?

M. Johnston: Je pense que nous avons expliqué assez clairement, avant l'ajournement, que finalement nous en arrivons à la conclusion qu'il faut d'abord tenir compte, dans l'application de cette règle-là, du lieu de résidence des personnes, ce qui, à notre avis, est une balise qui évite l'utilisation abusive de l'approche que nous soutenons. D'autre part, et là-dessus, je demanderai à M. Henri Laberge de peut-être compléter ma réponse, la démarcation que nous faisons entre notre position et celle de la Loi constitutionnelle de 1982, en particulier l'article 23, est basée sur le fait que, dans l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982, il y a des effets d'entraînement sur d'autres personnes. Autrement dit, les droits de certains individus sont transmis à d'autres individus par effet d'entraînement, ce sur quoi nous sommes, d'une part, en désaccord et, d'autre part, fondamentalement - on l'a exprimé assez clairement en fin d'après-midi - il y a de notre côté des réserves importantes sur la juridiction qu'on devrait reconnaître au gouvernement fédéral, sur son intrusion dans ce domaine. Pour ce qui est des articulations un peu plus techniques de la comparaison avec l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1982, je demanderai à Henri de compléter.

M. Laberge: Dans l'article 23, vous avez le paragraphe la. On sait déjà qu'il est prévu dans la charte elle-même qu'il ne s'applique pas. C'est celui qui dit: "Les citoyens canadiens dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone."

Maintenant, ce qu'on vise surtout dans notre mémoire, c'est le paragraphe 2 de l'article 23. Je vais le lire: "Les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction au niveau primaire ou secondaire en français ou en anglais au

Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants aux niveaux primaire et secondaire dans la langue de cette instruction." Nous croyons que l'effet très certain de cette clause est que, dès que quelqu'un, dans une famille, reçoit l'enseignement primaire ou secondaire en anglais - que ce soit dans une institution privée non subventionnée, ce qui n'est pas interdit par la loi 101, parce que l'enseignement reçu dans une institution privée non subventionnée n'est pas couvert par l'article 72, donc, non plus par l'article 73, par voie de conséquence - les frères et soeurs de la personne qui recevrait son enseignement, à un moment donné - ne serait-ce qu'un an, parce qu'on dit "a reçu" ou "reçoit"; ce pourrait être un an ou un mois, on n'a pas d'interprétation judiciaire de cela... Il nous semble que cela pourrait aller très loin et que c'est abusif. Pas tellement pour des raisons alarmistes, à cause du nombre de personnes - il n'y aurait probablement pas un grand nombre de personnes qui se serviraient de cette clause dans le sens mentionné - mais pour une raison d'équité. Finalement, cela conférerait des droits par une voie détournée, des droits qui ne seraient accessibles qu'aux gens qui ont les moyens de se payer cette possibilité.

M. Ryan: Vous n'avez pas d'objection à l'article 23.1b?

M. Laberge: Ce n'est pas sur le texte lui-même qu'on a une objection. Notre objection sur l'ensemble de l'article 23 tient au mode d'amendement qui s'applique à l'article 23. Or, le mode d'amendement est le suivant: Pour être modifié, cela suppose non pas l'accord de la minorité anglophone du Québec, mais cela suppose l'accord du gouvernement fédéral et de sept provinces. Cela veut dire que, si jamais le Québec voulait modifier cet article, cela lui prendrait non seulement l'accord des deux Chambres du Parlement fédéral, mais également des deux tiers des autres provinces, c'est-à-dire six sur neuf. Il nous semble que c'est vraiment de l'intrusion injustifiée dans une compétence du Québec.

Comme on considère qu'il est important de protéger et de garantir les droits de la minorité anglophone, nous disons qu'il vaut mieux les protéger par un droit de veto reconnu, dans la constitution du Québec, à la minorité anglophone. On propose une formule à l'article 98a), plutôt que de soumettre les possibilités futures du Québec de modifier son régime linguistique à l'accord de six autres provinces plus le Parlement fédéral.

M. Ryan: À propos d'affichage, vous dites qu'on aurait intérêt à suivre le principe qui s'applique aux municipalités couvertes par l'article 113f. Les municipalités qui ont une

population à majorité anglophone peuvent déjà faire leurs avis publics et leurs affiches en français et en anglais si elles le veulent. Il faut vous dire que cela s'applique également aux entreprises privées. Vous ne voudriez pas qu'on fasse de distinction entre les petites, les grosses et les moyennes, mais que cela s'applique aux entreprises privées.

Cela pose un problème. Disons que vous sortez de Montréal, que vous entrez dans Westmount, une ville à majorité anglaise, à ma connaissance, qui aurait le droit, par conséquent, de faire et d'autoriser de l'affichage dans les deux langues, et que vous arrivez, un peu plus loin, en allant vers l'ouest, à Notre-Dame-de-Grâce, qui est aussi anglaise que Westmount. L'autre jour, quand le maire Drapeau est venu rencontrer la commission, il a demandé, pour la ville de Montréal, que ce principe puisse s'appliquer suivant les quartiers parce qu'il a dit: Montréal, c'est une agglomération de petites villes. Je ne sais pas si cela contredirait l'esprit de votre suggestion ou si cela irait dans le même sens.

Pourriez-vous en même temps expliquer ce qui a inspiré votre suggestion, de quel principe vous vous inspirez pour faire cette proposition?

M. Johnston: Disons, dans un premier temps, que notre approche n'est pas incompatible avec une approche de quartier. Ce à quoi on pourrait avoir tendance à s'opposer, cependant, serait la généralisation à l'ensemble de la ville de Montréal ou à l'île de Montréal d'une pratique qui pourrait s'appliquer selon le principe de base énoncé dans notre mémoire.

Le principe de base, c'est que c'est la composition de la collectivité immédiate qui justifie ou ne justifie pas le recours à de telles mesures, plutôt que la taille de l'entreprise. À cet égard, je pense que notre texte est assez clair. Il n'y a pas d'autres fondements idéologiques ou pratiques.

M. Ryan: Très bien. Une dernière question. Votre droit de veto pour la minorité anglophone, voulez-vous dire à quelle matière cela s'appliquerait exactement, comment il pourrait être exercé, selon quelles modalités?

M. Johnston: Quant aux matières, c'est énoncé assez clairement à la fin de notre mémoire, à la page 49. Les articles de la charte sont mentionnés de façon expresse. Quant à la façon de l'articuler, il y aurait peut-être une précision à apporter au texte que vous avez devant vous. Là-dessus, je demanderais à M. Henri Laberge de nous signaler les adaptations qu'il faudrait faire. On en a discuté ensemble.

M. Ryan: Très bien.

M. Laberge: Écoutez! Ce qu'on propose là, ce n'est pas nécessairement un mot à mot auquel on tient. C'est l'esprit général. Alors, on mentionne, à la page 49, les deux derniers alinéas de l'article 98a qu'on propose. On dit: Les articles 8a, 10, 11 et 73. L'article 8a, c'est celui que nous proposons pour garantir le droit à l'usage des deux langues à l'Assemblée nationale. L'article 10, c'est la traduction obligatoire des textes de loi et des règlements. L'article 11, c'est le droit pour les individus de s'exprimer en français ou en anglais devant les tribunaux. L'article 73, c'est le droit à l'école anglaise. On dit que ces articles ainsi que le présent alinéa ne peuvent être modifiés qu'avec l'accord de la majorité des personnes ayant droit de vote qui sont visées à l'article 73 et qui exercent leur droit de vote.

On s'est demandé, à un moment donné, en parlant des personnes, s'il ne faudrait pas dire "et leurs parents". Peu importe, je pense que tout le monde va comprendre l'esprit dans lequel on l'inscrit. On ne tient pas au mot à mot, mais il nous semblerait convenable que la constitution du Québec et la Charte de la langue française, faisant partie de la constitution du Québec, aient une procédure de modification qui serait différente de celle des lois ordinaires. Alors, la procédure de modification, c'est celle qui apparaît au bas de la page 48 et au haut de la page 49. Il y a deux façons, soit par un vote des deux tiers des membres inscrits de l'Assemblée nationale ou encore, si on n'a pas le vote des deux tiers des membres de l'Assemblée nationale, ce peut être une majorité ordinaire de l'Assemblée nationale suivie d'un référendum de ratification. Ce serait la formule générale pour modifier la Charte de la langue française et on demande au gouvernement de faire la même chose pour la Charte des droits et libertés de la personne.

Il y aurait certains articles qui, en plus de cette disposition générale, seraient protégés par un droit de veto possible de la minorité anglophone, laquelle se définirait par les critères de l'article 73.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que cela va? Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais à mon tour dire aux deux représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec combien j'ai trouvé le mémoire de la centrale intéressant et stimulant. Il est assez étonnant, ce mémoire, parce qu'il ne se limite pas du tout aux préoccupations courantes des enseignants. C'est un mémoire qui vole très haut et qui embrasse les questions de fond. D'ailleurs, ce compliment pourrait aussi être un reproche

parce que j'aurais été très curieux de savoir ce que les enseignants du Québec pensent de certaines questions. On y viendra. Deux intervenants, le ministre et le député d'Argenteuil, ont déjà dit combien ils s'intéressent à cette notion d'une langue commune. C'est effectivement une notion très intéressante. Durant les travaux de la commission, nous avons rencontré des gens qui nous proposaient que la forme de bilinguisme que la Charte de la langue française impose à des institutions reconnues comme anglophones soit un bilinguisme institutionnel plutôt qu'individuel.

Or, je me dis que, si la notion de langue commune a tout son sens, elle signifie que, sauf exception, parce qu'il y a toujours des exceptions à ce genre de règle, tout le monde au Québec devra acquérir une bonne connaissance d'usage du français. C'est cela, il me semble, le sens de langue commune. Comment peut-on concilier cette notion de langue commune avec un éventuel bilinguisme institutionnel selon lequel, dans une institution reconnue de langue anglaise, par exemple un hôpital, il n'y aurait pas de bilinguisme de tous les individus ou de la grande majorité des individus? Il y aurait seulement l'assurance qu'au besoin, on peut trouver quelqu'un qui sait parler français. A ce moment, dans ce cadre, je ne vois pas comment la langue est commune.

C'était ma première question. Je préférerais que vous répondiez au fur et à mesure parce que autrement, il va y en avoir trop.

Le Président (M. Gagnon): M. Johnston.

M. Johnston: Je préférerais peut-être que cela s'enfile. On pourrait en prendre quelques-unes en même temps.

M. de Bellefeuille: Ah oui? Bon, d'accord, comme vous voulez. Je note que, dès le début de votre mémoire, vous parlez des droits linguistiques particuliers. Le député d'Argenteuil vous a interrogé là-dessus. Il avait des doutes sur les fondements de ce passage de votre mémoire. Vous dites: Les droits linguistiques particuliers ne peuvent être identifiés à des droits fondamentaux de la personne humaine. Je voudrais vous dire que je suis profondément d'accord avec cela. Nous sommes en train d'essayer de débrouiller un peu ces questions de droit.

J'ai dit hier, en parlant à d'autres, que j'avais du mal à mettre sur le même pied la notion de droit de la personne et la notion de droit collectif. Les mettre sur le même pied, cela me paraît extrêmement dangereux parce que, dès qu'on les met sur le même pied, il y a des gens qui vont aussitôt conclure que les droits collectifs sont évidemment plus importants que les droits de la personne. Cela peut mener à de graves abus. Mais je crois que vous nous apportez une distinction utile, extrêmement pertinente, puisque vous dites que les droits linguistiques ne sont pas fondamentaux. Ils ne peuvent être identifiés à des droits fondamentaux de la personne humaine. Voilà. Donc, les droits fondamentaux sont ceux de la personne. Il émerge dans les sociétés beaucoup d'autres droits dont certains sont collectifs, mais ils ne sont pas fondamentaux. C'est comme cela que je perçois la distinction. Vous y reviendrez si vous voulez. Elle me paraît très utile.

Je note que vous relevez le caractère illusoire de la protection des minorités offerte par la constitution canadienne. Cela se trouve aux pages 45 et suivantes de votre mémoire; cela a été aussi relevé par les intervenants précédents.

Vous dites, à la page 10 - la pagination est peut-être un peu difficile à suivre parce qu'il y a l'ancien et le nouveau texte; je crois qu'il s'agit de la page 10 de l'ancien texte... Il s'agit de renforcer le chapitre sur la langue du travail. Et c'est un peu là-dessus que j'aurais aimé connaître la pensée des enseignants, pas nécessairement en ce qui les concerne professionnellement, mais en ce qui les concerne comme enseignants. Mais les enseignants peuvent être considérés comme des citoyens éclairés; ils doivent pouvoir être considérés comme des citoyens éclairés. Et, j'imagine qu'ils ont des idées sur les raisons pour lesquelles il faut, comme vous le dites, renforcer le chapitre sur la langue du travail, que vous n'abordez que par le biais des questions essentielles. Au fond, je pense que la question, c'est de savoir si, selon votre centrale, la situation du français au Québec comme langue du travail s'est nettement améliorée. C'est peut-être cela qu'il s'agirait de savoir. Puisque la loi est conçue pour protéger le français et que les restrictions imposées à d'autres ne le sont que pour protéger le français, il faudrait que nous puissions mesurer le degré de protection dont le français continue d'avoir besoin.

On a déjà relevé ce que vous proposez au sujet du chapitre III, sur la législation et la justice. Il y a là, en effet, des trous dans la loi résultant d'un jugement de la Cour suprême, qu'il est important de combler. Il y a déjà eu au moins un mémoire, celui du Parti québécois de Montréal-Centre, qui nous a fait des propositions concrètes là-dessus qui recoupent les vôtres. Je crois que c'est un domaine dans lequel on pourrait se mettre rapidement d'accord.

À la page 28 du premier texte, au chapitre VII, langue du commerce et des affaires, vous proposez de modifier l'article 59. C'est au sujet de l'affichage. C'est l'article qui exempte des prescriptions prévues à l'article précédent "ne s'applique pas à la publicité véhiculée par des organes

d'information diffusant dans une langue autre que le français ni aux messages de type religieux, politique, idéologique ou humanitaire, pourvu qu'ils ne soient pas à but lucratif". Je voudrais vous demander pourquoi vous voulez modifier l'article 59 puisqu'il y a déjà l'article 61. Vous voulez modifier l'article 59 pour y inclure le culturel; l'article 61 traite du culturel: "Pour tout ce qui concerne les activités culturelles d'un groupe ethnique particulier, l'affichage public peut se faire à la fois en français et dans la langue de ce groupe ethnique." Je sais que ce que je viens de lire et qui est dans la loi ne correspond pas exactement au nouveau libellé que vous proposez. Ce n'est pas très clair dans mon esprit pourquoi vous croyez qu'il faut modifier l'article 59 et pourquoi vous considérez que l'article 61 ne correspond pas à ce que vous désirez. (20 h 30)

À l'article 60, le passage de votre mémoire où vous dites que les entreprises ne devraient pas être exemptées de certaines obligations essentielles du seul fait de leur taille, me paraît convaincant. Mais ce que vous écrivez ne me paraît pas très clair. Je voudrais retrouver la référence exacte. C'est toujours a la page 28: "Les caractéristiques linguistiques de la population du territoire où se fait l'affichage", je crains que cela ne soit facilement applicable dans certaines parties du Québec, mais très difficilement applicable dans d'autres parties du Québec. C'est ce qu'il s'agirait d'éclairer un peu.

À l'article 62, vous relevez que les mots "dans les établissements spécialisés" prêtent à des difficultés parce que cela a été interprété comme signifiant "exclusivement à l'intérieur de" et ne permettant pas d'afficher de façon que cela soit vu dehors. Je pense que l'on est tous d'accord sur la nécessité de faire en sorte que la loi soit bien comprise. Faire cette exclusion n'était pas, je crois, l'intention du législateur.

À la page 32 de l'ancien texte, vous parlez du chapitre IX, dispositions diverses. Vous reprochez à l'article 93 de conférer au Conseil exécutif, c'est-à-dire au gouvernement, aux ministres, des pouvoirs de réglementation - et je vous cite - "que nous jugeons abusifs". Je ne sais pas s'ils sont abusifs. Ils sont en effet très larges parce que la loi confère déjà certains pouvoirs et cet article-là vient dire: S'il y en a que l'on a oubliés, le gouvernement les a; autrement dit, le gouvernement les a tous. Je voudrais seulement vous signaler que ce problème-là, au fond, n'est peut-être pas le plus important des problèmes parce que, à mon sens, le plus important des problèmes est de savoir si ce pouvoir de réglementation, quelle qu'en soit la mesure, est ou non contrôlé par le Parlement. Donc, ce n'est pas la loi 101 qui va voir à cela. Même si on enlevait l'article 93, la loi accorderait encore au Conseil exécutif de très larges pouvoirs de réglementation et on n'aurait rien réglé en abrogeant cela. La vraie solution est dans le contrôle parlementaire du pouvoir de réglementation.

C'est à peu près cela que je voulais vous dire. Il y aurait beaucoup d'autres choses, mais le temps passe. Ah oui! Un seul point qui me paraît important, c'est là où vous vous élevez, à la page 37 de la deuxième version, contre ce que vous appelez le marchandage. Vous dites que les droits à garantir au Québec ne doivent pas dépendre de ce qui est garanti dans d'autres provinces. Est-ce bien la page 37?

M. Laberge: Oui, à peu près, page 37 ou page 38.

M. de Bellefeuille: Oui, c'est cela: "II s'agit toutefois d'un droit très important et c'est à une minorité québécoise que nous le reconnaissons. Non seulement un tel droit ne doit-il faire l'objet d'aucun marchandage interprovincial, mais notre législation doit éviter toutes les apparences que telle puisse être la volonté du peuple québécois ou de son Assemblée nationale." C'est une position que vous prenez qui va nettement, si je la comprends bien, à l'encontre de l'offre de réciprocité que le gouvernement du Québec a faite et qui est inscrite dans la loi 101.

Je veux vous dire que le droit qui, à mon sens, ne devrait pas faire l'objet de marchandage est celui qui appartient aux Québécois. Ce n'est pas un droit qui appartient à des gens qui viennent d'ailleurs. Je trouve que votre argument qui est beau, qui est séduisant, qui est bien fondé, n'est pas vraiment pertinent parce qu'il ne peut s'appliquer qu'à ceux qui sont déjà Québécois, alors que ce dont il s'agit dans cette réciprocité, c'est d'étendre certains droits ou privilèges à des personnes qui ne sont pas Québécoises, qui par conséquent ne tombent pas sous le coup de ce très bel argument que vous nous présentez. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Laberge. M. Johnston?

M. Johnston: Je vais commencer par la fin et on va remonter tranquillement. Sur la question du marchandage, eu égard à notre position contenue dans le mémoire à la page 37 qui fait référence à l'article 86 de la charte, il est exact de dire que la communauté canadienne anglophone extérieure au Québec ne fait pas partie de la communauté québécoise, au sens strict. On ne discutera pas là-dessus, sauf que, dans notre compréhension des rapports internes à la communauté québécoise, il faut aussi tenir compte de cette situation où est placée la

minorité anglophone québécoise qui se situe comme une espèce de prolongement de la majorité canadienne. Pour la minorité anglophone québécoise, c'est plus que symbolique que des membres de la même communauté à travers le pays, moyennant certaines conditions, puissent avoir accès aux écoles qui sont ouvertes à leur communauté au Québec.

On dit: Pas de marchandage de ces droits. Dans la même mesure on dit aussi: Pas de marchandage des droits de la majorité francophone québécoise. Il faut dire que notre position à l'égard du marchandage n'est pas unilatérale. Pas de marchandage sur les droits de la communauté anglophone et sur l'accès à l'école anglaise pour les descendants des anglophones canadiens qui auraient suivi leurs études primaires en anglais, mais on dit aussi: Pas de marchandage des droits de la majorité francophone du Québec. À ce qu'il me semble, il n'y a pas de contradiction dans notre position.

Quant à l'article 93, regardons comment est rédigé l'article 93 de la charte. On y lit: Le gouvernement peut, outre les pouvoirs de réglementation prévus à la présente loi, adopter des règlements pour en faciliter la mise en oeuvre. Si cela s'arrêtait là, cela ne nous poserait peut-être pas tellement de problèmes, mais "y compris pour préciser la portée des termes et expressions qui y sont utilisés". Notre compréhension de ce passage est que c'est largement abuser, et, dans les faits, cela peut donner au gouvernement un pouvoir de modifier la portée réelle de la loi telle que votée par l'Assemblée nationale. C'est là qu'on considère qu'il y a vraiment un abus dans l'octroi d'un pouvoir au Conseil des ministres qui peut se voir justifié de demander à l'Assemblée nationale un pouvoir de réglementation pour faciliter l'application d'une loi. Mais cela ne devrait pas aller jusqu'à la possibilité de pouvoir modifier la portée de la loi en précisant lui-même la portée des termes de la loi.

M. Laberge: Est-ce que tu me permets d'ajouter, tout de suite, quelque chose?

M. Johnston: Oui.

M. Laberge: Je ne sais pas ce que le député de Deux-Montagnes dirait s'il se retrouvait dans l'Opposition et qu'un autre gouvernement décidait d'utiliser l'article 93 pour dire que les mots "langue officielle" veulent dire autre chose que la langue française. Je prends un cas extrême; je le prends justement pour faire ressortir... Prenons des cas beaucoup moins extrêmes que cela. Je pense qu'il y aurait d'énormes possibilités de changer complètement la portée de certaines dispositions de la loi simplement par décision réglementaire du gouvernement, sans contrôle de l'Assemblée nationale.

M. Johnston: Finalement, pour nous, à travers ce débat-là, il s'agit de voir où s'exprime dans notre régime démocratique le consensus de la population. Quel est le forum pour déterminer la ligne générale qui est l'assise législative? Si l'assiette peut être modifiée par d'autres personnes que celles qui adoptent les lois, on pense qu'il y a un risque que la loi adoptée par l'Assemblée nationale soit ensuite appliquée avec une portée totalement différente de celle que l'Assemblée nationale pouvait avoir l'intention de lui donner au moment où elle l'a adoptée. On s'élève contre cela à ce moment-ci et on s'élèvera probablement contre cela à chaque fois que cela se présentera. Je vous signale que cela se présentera prochainement.

Pour ce qui est de l'article 62, vous avez tout à fait raison d'indiquer qu'il s'agit là d'un amendement technique seulement. On n'a pas compris que, quant à nous, l'intention avouable de l'Assemblée nationale pouvait être de lui donner cette portée restrictive. On propose qu'il y ait une modification pour lui donner la véritable portée intentionnelle, vraisemblable et éviter que cela n'engendre des problèmes inutiles.

Je pense qu'il peut y avoir, effectivement, certaines difficultés à traduire cela dans des termes législatifs. L'intention qu'on recherche - je l'ai exprimée tantôt en réponse au porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation - c'est d'établir une connexion entre les obligations et la réalité de la communauté environnante. On ne prétend pas que cela ne pose pas de problème d'application, mais on pense que cela doit se creuser de façon qu'on puisse trouver le moyen de l'articuler en causant le moins de problèmes possible. Henri pourrait peut-être compléter.

Quant à votre référence à l'article 61, en réponse à notre proposition d'amendement à l'article 59, je vous signalerai que l'article 61 se réfère aux activités d'un groupe ethnique particulier. C'est donc une communauté, une association ethnique ou quelque chose de cette nature-là alors que la proposition d'amendement que nous suggérons concerne des entreprises qui ont une vocation culturelle liée à un groupe ethnique, ce qui a une portée intentionnelle un peu différente de ce qui est couvert par l'article 61.

Je voudrais aussi répondre à votre question sur notre perception de l'évolution de la situation pour ce qui concerne l'utilisation du français comme langue de travail. À la Centrale de l'enseignement du Québec, peut-être malheureusement, mais encore pour l'instant, nous sommes dans un secteur qui est relativement limité et où

nous ne sommes pas en mesure de vivre en direct ce qui se passe dans chacune des entreprises. Nous n'avons pas de syndicat dans les entreprises privées dites du type de production, dans le secteur du papier, dans le secteur de l'automobile ou autre, nous n'avons pas une prise réelle sur le vécu dans ces milieux, nous n'avons pas d'évaluation très serrée de l'évolution qui a été réalisée. Nous sommes conscients qu'il y a eu une évolution dans le sens d'une amélioration, mais nous sommes cependant conscients que même le cadre législatif actuel est insuffisant - nous vous soulignons au moins quelques corrections qu'il faudrait apporter -et nous avons tendance à croire que les organisations syndicales qui représentent les travailleurs dans le secteur privé rapportent la vérité quand ils disent que cela ne va pas assez loin.

Nous n'avons pas d'expertise là-dessus, nous n'avons pas fait de consultation générale auprès de nos membres pour vérifier, par les étudiants ou par les parents dans chacun des milieux, comment cela se traduisait, mais nous avons le sentiment que ce qui est véhiculé par les autres centrales, quant au secteur privé, correspond à la réalité. Mais nous n'avons pas d'évaluation chiffrée qui permettrait de détailler de façon presque scientifique le besoin d'un renforcement à cet égard, sauf quant aux dispositions législatives que nous avons déjà proposées à l'intérieur de notre mémoire. C'est pourquoi, comme groupe, comme centrale, nous ne nous sommes pas aventurés sur les programmes de francisation des entreprises; nous n'avons pas d'expertise suffisante pour être capables de donner un son de cloche suffisamment raisonnable là-dessus, pour développer un discours cohérent et juste sur cette question. Nous avons aussi nos limites objectives et nous nous en confessons. (20 h 45)

Quant à la distinction entre droits linguistiques et droits de la personne, etc., il y a effectivement des distinctions qu'il faut faire, mais je pense qu'il ne faut pas étirer cette distinction à l'infini. Faire une distinction entre les droits fondamentaux de la personne et les droits linguistiques ne nous amène pas nécessairement à dire que tout ce qui n'est pas de la nature des droits fondamentaux de la personne n'est pas de la nature des droits fondamentaux. Là, je pense qu'il y a une zone dans votre intervention qu'il faudrait, le cas échéant, rebrasser pour en arriver à quelque chose d'un peu plus articulé, mais je pense que vous comprenez un peu le sens des réserves que je veux indiquer là-dessus. Sur le reste, Henri pourrait peut-être compléter.

M. Laberge: Sur la question des droits fondamentaux - je vais faire l'inverse de

Raymond - je vais prendre l'exemple de ce qui se passe en Suisse, où il y a une législation linguistique de chaque canton qui est assez développée. Je pense que vous devez la connaître assez bien. Donc, il y a des lois très détaillées sur les droits linguistiques qui s'exercent dans chaque canton et, en général, on reconnaît que ces droits se définissent en fonction de la nature historique et démographique du canton donné. Ce ne sont pas des droits qui sont transportés par la personne elle-même, sauf qu'il y a une limite à cela. Il y a eu un jugement - au moins un dont je suis au courant - qui a dit qu'il existait dans le droit non écrit de la Suisse ce qu'on appelle le droit fondamental à sa langue. Il y a quand même un minimum qui fait également partie des droits fondamentaux de la personne, mais toute la jurisprudence suisse et la jurisprudence européenne en général tendent à dire qu'il ne faut pas donner une extension exagérée à ce droit linguistique quand on le raccroche à un droit fondamental de la personne. En général, les droits linguistiques découlent plutôt de droits collectifs que d'un droit individuel.

La plupart des droits linguistiques qui sont reconnus dans la législation suisse, en Belgique et en plusieurs autres endroits, tiennent beaucoup plus compte, pour leur exercice, de la nature de la collectivité dans laquelle s'exerce le droit linguistique. C'est le sens qu'on a voulu donner. Il ne faut pas l'exagérer ni dans un sens ni dans l'autre. Évidemment, cela ne veut pas dire que les droits collectifs ne sont pas fondamentaux. Il nous semble, entre autres, que le droit à l'autodétermination des peuples est un droit fondamental, mais ce n'est pas un droit fondamental de la personne humaine. C'est un droit fondamental des collectivités. Donc, il y a des droits fondamentaux qui sont du côté des droits collectifs.

Je ne reviendrai pas sur les articles 59 et 61. Je pense que cela va bien.

Sur la question du marchandage, je vais revenir là-dessus, parce que je pense que, de la façon que vous l'avez posée, votre question serait extrêmement pertinente si l'accord de réciprocité portait sur des services à accorder à des gens venant d'une autre province et qui viendraient pour une période temporaire au Québec. Ce n'est pas ce dont il s'agit. Il s'agit de droits reconnus à des gens qui sont devenus des Québécois parce qu'ils sont établis au Québec, mais dont le père ou la mère, avant qu'ils soient établis au Québec, avait reçu son enseignement dans une autre province. On dit que, sur le plan des principes, la position réservée aux gens qui sont d'origine québécoise pourrait se défendre. On dit clairement que ce n'est pas une hérésie en soi, sauf que nous constatons que c'est l'intention du gouvernement d'accorder cette

extension. Il l'a exprimée par l'article 86. Cela ne fonctionne pas par l'article 86. Il nous apparaît qu'il y a un odieux à dire: Les droits qu'on va reconnaître à une partie de nos citoyens - parce qu'ils sont devenus nos citoyens; même s'ils viennent d'ailleurs, on parle de gens qui sont maintenant des Québécois - ces droits, on serait bien prêt à vous les reconnaître, mais on a un accord à signer avec le Manitoba et la Saskatchewan et après, une fois que cet accord sera conclu, ils vous seront reconnus. Il nous semble qu'on devrait régler nos politiques linguistiques à l'intérieur du Québec et ne pas se mettre à la remorque de ce qui se passe ailleurs pour définir des politiques chez nous. En fait, c'est une position indépendantiste au sens d'être indépendant de ce qui se passe ailleurs pour définir nos politiques chez nous.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, j'aimerais remercier MM. Laberge et Johnston non seulement pour l'excellence du mémoire qu'ils nous ont présenté, mais pour la façon très habile et très intéressante qu'ils ont de le défendre. On voudrait continuer et pousser plus loin la discussion, mais, malheureusement, compte tenu de l'heure et du fait que nous avons deux autres organismes à entendre ce soir, nous vous remercions très sincèrement de votre participation.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: Si je compare votre mémoire avec celui de 1977, le mémoire d'autres groupes qui sont venus cette année avec celui qui a été présenté en 1977, je pense que ce qui se dégage, après 75% du temps écoulé, c'est qu'il y a presque une espèce de consensus présentement au Québec sur les changements qui devraient être apportés à la loi 101. Je pense que cela révèle peut-être une nouvelle maturité collective, j'entends. Soyez assurés que nous tenterons, en ce qui nous concerne, de nous mettre au diapason de cette maturité collective.

Merci, messieurs.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

Je remercie la Centrale de l'enseignement du Québec, représentée par MM. Johnston et Laberge.

J'inviterais maintenant Voice of English Québec à prendre place. Et pendant que nos prochains invités s'installent, je voudrais rappeler aux membres de cette commission que demain nous débuterons à 9 heures. Je pense que cela fut l'objet de discussions et la commission est d'accord. Alors, les travaux débureront à 9 heures. Les invités seront le Bureau de commerce de Montréal, Logidisque, M. Yves Beauchemin et le Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal.

M. Dawson, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent et nous faire la lecture de votre mémoire.

Voice of English Québec

M. Dawson (Robert): M. le Président et distingués parlementaires, je vous présente mes deux collègues: à ma droite, le vice-président de Voice of English Québec, M. Glenn O'Farrell; à ma gauche, le directeur exécutif de Voice of English Québec, M. Kevin Saville.

M. O'Farrell va commencer le mémoire.

M. O'Farrell (Glenn): Dans un premier temps, je me permettrai de faire une mise au point. Cet après-midi, nous avons distribué des copies du mémoire que nous avons devant nous et que nous vous présentons ce soir. Alors, pour faciliter le suivi de notre présentation, je vous conseillerais fortement de vous référer à celui que nous vous avons distribué cet après-midi.

Le 26 août 1977, la Charte de la langue française a fait du français la langue officielle de la province de Québec. Cette loi, d'après nous, doit son adoption à la progression constante du désir collectif manifesté par la population québécoise d'assurer à la langue française, parlée par la majorité des habitants de la province, le rang, la dignité et le respect auxquels elle a droit au sein de notre société québécoise. Son objectif final était, demeure et entend demeurer le maintien et la mise en valeur de la langue et de la culture françaises au Québec. La position adoptée par Voice of English Québec au début du présent exposé est que le paragraphe qui précède - dont je viens de vous faire lecture - exprime et décrit avec exactitude la croyance collective qui s'est fait jour dans la province, à savoir qu'il s'imposait d'y adopter une loi qui assurerait au français le statut de langue dominante dans notre société. Nous soutenons, toutefois, que la Charte de la langue française a réussi à préserver la langue et la culture françaises. Elle a su mettre au point un mécanisme propre à assurer le progrès qualitatif, constant et harmonieux du français.

Nous affirmons également qu'en favorisant le statut de la langue française, la loi 101 a produit certains effets négatifs et posé des restrictions à l'évolution du Québec, en général, et de sa communauté anglophone, en particulier. L'objectif de notre mémoire est d'attirer l'attention sur les excès, les applications mal conçues et, pour tout dire, les abus auxquels la loi a donné lieu et qui

se répercutent sur notre société. Le mémoire portera sur les domaines suivants: l'éducation, les services de santé et les services sociaux, les emplois et les affaires.

Nous nous permettons un dernier mot, avant d'entamer ces champs de discussion, car l'organisme qui vous soumet ce mémoire se caractérise surtout comme étant le coor-donnateur de toutes les associations et de tous les groupes anglophones de la région administrative 03. Nous sommes d'opinion que cette voix anglophone, intégrée au milieu majoritairement francophone de ladite région, devrait constituer un intérêt tout particulier aux yeux de cette commission.

Nous avançons cette hypothèse sans aucune prétention, mais nous ajoutons que les propos tenus dans le cadre de ce mémoire sont fondés sur l'expérience de ce rapport que nous entretenons dans le quotidien. Nous avons le privilège d'appuyer nos suggestions sur une véritable connaissance du milieu et des institutions de langue française, car nous en faisons partie intégralement tout en voulant conserver, sauvegarder et développer davantage les composantes de la communauté anglophone.

En dernier lieu, nous tenons à vous souligner que nous saisissons cette occasion de vous présenter un mémoire non pas pour exprimer les intérêts d'une communauté au détriment des intérêts de l'autre, mais pour présenter des idées que nous croyons bien sincèrement être favorables à tout le Québec.

M. Dawson: Dans le secteur de l'éducation, the basic principle that must guide the application of any law is its respect for the individual and collective rights of the citizens that are subject to its provisions. It is the fundamental right of all communities and the individuals within, to grow and to prosper. In order to do this, contemporary communities welcome new members into their midst through their institutions.

The francophone community of our province benefits from the richness of the cultural input of many immigrants. Such integration brings the French community new ideas, methods and an exciting variety of perceptions. This type of integration is as vital for the maintenance and growth of the English community and its institutions as it is for the French community. Law 101 prevents English Canadians from entering the educational instutions of Québec's English community.

Voice of English Québec clearly regards that the application of the Canada Clause is an essential step in maintaining the well-being of the English-speaking community through the integration into its educational institutions of other English-speaking Canadians who wish to establish themselves within the Province of Québec. The application of this clause would enable the English community to benefit from the innovative ideas, methods and perceptions of other English-speaking individuals without jeopardizing at all the continued existence of a strong and vibrant French language and culture.

Not directly issuing from Bill 101, or at least Law 101, but inconsistent with its objectives is the recent reduction in the time dedicated to the teaching of French as a second language, under the new "régime pédagogique" being implemented in all Québec schools. We are believe it is imperative that an English-speaking resident of Québec possess the highest possible knowledge of the French language. Clearly, to be able to work and contribute on a daily basis to Québec society, the standard of French training for English-speaking residents, as a second language, must be one of the highest order.

Quite frankly, one must ponder aloud the true intentions and good will of a government which on the one hand establishes the primacy of the French language and, on the other hand, renders difficult and restricts its acquisition. This irreconcilable state of affairs must not be permitted to exist for one more day, if the Government of Québec seriously intends to promote the French language and the French culture amongst its English-speaking citizens. (21 heures)

In the same way that the teaching of French as a second language has been reduced in English schools, so has the teaching of English as a second language been reduced in French schools. The result is a restriction of the capacity of French-speaking Quebeckers to learn and understand a language which is universally useful on a general scale, and particularly usefull on a provincial scale in terms of allowing French-speaking Quebeckers to understand and communicate effectively with the largest linguistic minority of the Province of Québec.

M. O'Farrell: Toujours au chapitre de l'éducation, nous ferons enfin remarquer que la loi 101 prive les Québécois francophones de leur droit fondamental et individuel de choisir la langue dans laquelle seront instruits leurs enfants.

En favorisant la renonciation aux droits individuels au profit de la sauvegarde et du développement des droits collectifs, le gouvernement proclame son manque de confiance dans la libre volonté de tous les Québécois de sauvegarder et de développer l'aspect le plus essentiel, le plus fondamental de leur identité, leur langue et leur culture.

Il nous reste à espérer qu'un jour cette confiance se rétablira parmi tous les Québécois, de telle sorte que ce droit des

individus puisse retrouver sa juste place.

Fondamentalement, mesdames et messieurs, nous croyons que cette mesure a été jugée nécessaire afin d'assurer que les Québécois de langue française cessent de choisir defaire éduquer leurs enfants dans les établissements de langue anglaise.

Nous soulignons bien respectueusement que les objectifs de la loi seraient mieux servis en mettant l'accent sur la qualité de l'enseignement des langues, et anglaise et française, dans tous les établissements d'enseignement du Québec. De cette façon, il ne serait pas nécessaire de contrôler le choix de la langue d'enseignement des jeunes Québécois et Québécoises. Dès lors, la supression de ce droit individuel n'aurait plus la justification de sauvegarder ni de développer les droits collectifs, le maintien de ces derniers étant du ressort exclusif des mécanismes mis en place afin d'assurer la qualité de l'enseignement des langues.

Qui plus est, il n'y aurait plus d'intérêt pour les Québécois de langue française à faire éduquer leurs enfants dans les établissements anglais, les bienfaits recherchés étant offerts dans les établissements d'enseignement français.

M. Dawson: In the sector of health and social services, Voice of English Québec states its conviction that language is one of the most important and therapeutic tools. Based on the principle that language must be viewed not from a political point of view but from a humanitarian treatment and communal point of view, Voice of English Québec submits that health and social services must be available in the English language in order to ensure that the needs of the English-speaking community are met in the most effective way possible.

In very practical terms this means, in reference to the English-speaking community of Metropolitan Québec, that where numbers warrant the Minister of Social Affairs should designate offices capable of responding to the English community in its own language, and with an understanding of the English-speaking milieu. Also, English language health and social services institutions must be capable of maintaining their sociocultural identity so as to be able to continue to provide needed services to the members of the English-speaking community.

It is, therefore, imperative that the Government take note on this common sense humanitarian approach and ensure that language legislation never interfere with the effective and efficient delivery of client services.

We submit, therefore: first, that the principle of English language health and social services across Québec be accepted; second, that article 113f of Law 101 be maintained and extended indefinately in order to ensure the socio-cultural nature of English language institutions; third, that Law 101 require that institutions and not individuals be responsible for the provisions of services in French to their clients requesting such services.

M. O'Farrell: Au chapitre de l'emploi et des affaires, nous prétendons qu'aux exceptions susmentionnées près, nous acceptons le principe que le français soit la langue de travail du Québec.

Il faut toutefois que tous les Québécois se rendent à l'évidence que, hors des frontières de leur province, les affaires se concluent, dans une très grande mesure, en anglais. Si l'économie québécoise veut pouvoir rivaliser avec les autres, elle doit pouvoir communiquer dans la langue de ces autres milieux. Nous insistons donc de nouveau sur la nécessité pour tous les Québécois de posséder une seconde langue.

La loi présente d'autres lacunes qu'il faut pallier, notamment en ce qui touche l'industrie touristique. Il importe que le gouvernement du Québec lève les règlements qui rendent la signalisation publique en anglais pratiquement inexistante. Le Québec est français et, compte tenu de la volonté collective de tous les Québécois, demeurera toujours le symbole suprême et l'incarnation bien vivante du fait français en Amérique du Nord. L'interprétation donnée à notre province et à notre société passe par l'expérience qu'en retirent nos visiteurs. La prédominance du caractère français du Québec n'y perdrait pas si la signalisation publique pouvait être bilingue dans l'industrie touristique et pouvait soutenir, par le fait même, au lieu d'entraver, les efforts des gens d'affaires pour offrir à leurs clients des services complets, instructifs et accueillants.

Par ailleurs, la loi 101 autorise les entreprises à n'afficher que des enseignes en français. À notre avis, tel ne devait pas être le cas, car nous sommes convaincus que cette restriction n'a rien de propice à notre conjoncture économique. En outre, elle gêne l'expression de la diversité du milieu commercial, québécois bien sûr.

Nous nous permettons enfin de faire, sur l'image de la province de Québec depuis l'adoption de la loi 101, l'observation suivante. Nous estimons que cette loi a créé, approfondi et maintenu une idée négative de notre société. Pour les entreprises du Québec et de l'extérieur, les lois linguistiques sont un obstacle de plus à franchir dans un climat économique déjà tendu. Il importe absolument que notre gouvernement trouve le moyen d'en maintenir les principes tout en appliquant les dispositions de la loi de telle sorte que les gens d'affaires voient dans le Québec un milieu favorable et accueillant pour les investissements et l'activité

économique.

Nous conclurons en disant que les concessions - on peut parler ainsi susmentionnées, en préservant le principe de la loi, en assurant l'application raisonnable et rationnelle de la loi, manifesteraient de l'ouverture d'esprit.

M. Dawson: The conclusion of our brief to this parliamentary commission is quite simply this. The number of modifications and the quality of those proposed in this brief is indicative of the degree of acceptance that law 101 has achieved with all Quebeckers. The essential nature of the law is supported by the vast majority of both English and French-speaking Quebeckers. It would appear that there is a collective will on the part of all Quebeckers to come to terms with the language issue in this province so that we may move on together and build a strong, viable, dynamic, open and harmonious society. This brief accepts the role that law 101 must continue to play in ensuring this development. This brief also recommends that law 101 no longer simply refer in a restrictive sense to the simple promotion of the French language which we all admit is its major goal. Law 101 must also, in a very positive and energetic approach, become the promotional agent of the English language, the English culture, and all other languages and cultures existing now in the Province of Québec.

Law 101 should state in dynamic terms the most recent directions to be taken in order to preserve and promote the French language. It should also actively promote the positive, dynamic and healthy relationship that must exist between the French language, the English language, and all other constituent language groups and cultural groups that form the Québec society. Law 101 can no longer be seen as the Charter of the French language; it must be the charter of language relationships of the present and of the future Québec society.

The province of Québec has passed through a difficult period in its evolution. It now has the opportunity to bring together all Quebeckers under a policy for which consensus exists. Voice of English Québec believes that the principles enunciated in this brief, as well as the proposed modifications to law 101, reflect this consensus. Law 101 must become the linguistic design of the society that all Quebeckers wish to develop together. This law must speak to all Quebeckers and all Quebeckers must share in the communal spirit that this law must now create.

Statesmanship requires an understanding of the propitious moment in history in which to move a society to a new level of collective action. It is time for Québec to take this step in order to develop a linguistic and cultural harmony which can be acceptable to the Province of Québec within all its regions and in all of its expressions.

M. O'Farrell: Si vous me permettez, M. le Président, Voice of English Québec est un nouvel organisme ne datant pas de tellement longtemps. On a certains accomplissements derrière nous. On aimerait, avec votre permission, déroger à la tradition des commissions parlementaires car on considère le mandat qu'a cette commission, et les délibérations jusqu'à maintenant et celles que vous allez avoir à entretenir sont fort importantes et pour la communauté anglophone et pour tout le Québec. Considérant le caractère sérieux du mandat, nous avons cru bon d'alléger un peu les discussions de ce soir dans la mesure suivante. C'est que nous sommes un organisme qui travaille dans le quotidien avec une communauté francophone. On vous a dit cela au tout début. Depuis deux ans, nous organisons un festival d'automne dans la ville de Québec où on attire les parties composantes de la communauté anglophone de la région administrative 03, mais en même temps - et c'est une raison d'être de notre festival - nous créons une fête pour la communauté anglophone et francophone à l'occasion de l'Action de grâces. Nous avons reçu tout près de 25 000 personnes à l'Action de grâces cette année. Pour terminer sur ce petit point que nous aimerions apporter à cette commission parlementaire, nous aimerions faire un modeste présent aux membres de cette commission par le biais de votre président, nous aimerions vous offrir le poster officiel "The Fall Fest 83", qui a connu un large succès. Nous espérons, sachant le succès qu'a connu le "Fall Fest" pour amener et la communauté francophone et la communauté anglophone ensemble à une fête, que cela pourrait peut-être vous inspirer dans vos délibérations.

M. le Président, vous avez l'honneur de recevoir ce magnifique présent de Mme Sandra Anderson et de notre organisme.

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. Je pense qu'on déroge aux pratiques de la commission. Merci beaucoup. Je ne voudrais pas que la commission vienne de créer un précédent parce que cela ne s'est probablement jamais fait. Ce n'est sûrement pas dans les règlements de la commission de recevoir de tels présents, mais je vous remercie beaucoup.

M. Marx: Je ne sais pas si ce sera permis par l'office, étant donné que c'est bilingue.

M. Gratton: Ni de les refuser.

Le Président (M. Gagnon): Ni de les

refuser. M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, M. Robert Dawson, président de The Voice of Québec, M. Glenn O'Farrell, M. Kevin Saville, je vous remercie de remettre le poster à notre président. Vous savez que je l'avais déjà, l'ayant acquis de vous en ayant participé à votre dernier "Fall Fest", où d'ailleurs était présent M. Bussières, que je salue dans cette salle. C'est bien cela, M. Bussières?

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire et je dois dire qu'un grand nombre des demandes qui sont formulées vont dans le sens de la réflexion du gouvernement. Je vois, derrière vous, un autre membre de votre communauté, Me Alex Patterson, qui était ici, il y a quelques jours, et qui a pu constater en présentant le mémoire des institutions de santé anglophones du Québec que, sur le champ ou presque, nous étions presque en mesure d'annoncer un certain nombre de mesures qui allaient dans le sens de la reconnaissance de la pérennité des institutions anglophones du Québec, d'une part, et, d'autre part, de manière à éviter toute confusion qu'aurait pu créer la rédaction de la loi 101, première manière, que ce que nous avons l'intention de concrétiser dans cette loi, c'est que le bilinguisme soit institutionnel et non pas universel dans les institutions de santé anglophones du Québec. (21 h 15)

Par ailleurs, je note - et je transmettrai certainement à l'intention de mon collègue, le ministre des Affaires sociales, votre requête - que, dans les régions où il y a une concentration d'anglophones dans tout le Québec, qu'un personnel qui parle anglais soit accessible, de manière que ces personnes soient spontanément, et, d'après mes renseignements, c'est la tradition présentement au Québec, que dans les institutions francophones, quand un patient anglophone se présente, spontanément, le personnel détache vers ces patients ou ces patientes, un personnel qui parle anglais. Je l'ai d'ailleurs évoqué devant le groupe dont Me Paterson était le porte-parole ici, que l'expérience dans ma famille, à Trois-Rivières, dans un hôpital francophone, confirmait cette tradition dans les institutions francophones. Mais je sais, pour vous l'avoir entendu dire, que, en dehors des hôpitaux, en dehors des centres d'accueil pour personnes âgées, dans les services sociaux, les CLSC, etc., dans des régions comme ici à Québec, il y a des problèmes particuliers. Donc, mon collègue des Affaires sociales sera informé de la situation, pour une deuxième fois, à la suite de votre mémoire. Et, je présume qu'il accueillera l'idée avec beaucoup de sympathie.

Quant à la question de l'enseignement des langues secondes, je vais vous donner des chiffres exacts que vous ne citez pas dans votre mémoire. L'enseignement de l'anglais, langue seconde, dans les écoles françaises du Québec, au deuxième cycle du primaire, représente 120 minutes par semaine; au secondaire, c'est 200 minutes par semaine d'anglais, langue seconde, dans les écoles françaises. Et c'est le nombre de minutes le plus important de quelque système scolaire que ce soit au Canada. Pour l'enseignement du français, langue seconde, c'est un peu plus, vous avez raison, soit 200 minutes par semaine au deuxième cycle du primaire et 250 par semaine au secondaire. Mais, juste une correction à votre mémoire, il ne s'agit pas de dire que c'est une diminution; ce n'est pas une diminution. C'est la première fois que, dans le système scolaire québécois anglophone et francophone dans son ensemble, de telles périodes sont rendues obligatoires. Et, dans l'ensemble du secteur scolaire québécois francophone et anglophone, c'est la première fois qu'il y a un bloc-minutes universel d'enseignement de la langue seconde.

C'est une première phase, une première étape. Cela peut être augmenté ou diminué suivant les demandes du milieu. Votre suggestion sera transmise également aux services compétents au ministère de l'Éducation de sorte que, si des changements doivent être apportés, ils le seront. Mais il n'y a pas eu de réduction depuis quelques années. Au contraire, nous avons uniformisé un nombre de minutes qui, je le répète, est plus important que dans n'importe quel système scolaire dans le reste du pays.

D'autre part, seulement à titre d'exemple - il est possible que vous n'ayez pas vu ces chiffres - on compte au Québec 56% de tous les bilingues du Canada, pour un grand total de 2 000 000 de personnes au Québec qui parlent couramment les deux langues: 56% du total canadien. De ce chiffre, 1 500 000 sont des francophones et 371 000 sont des anglophones, selon les renseignements qui me viennent du dernier recensement de Statistique Canada. Donc, nous avons déjà une avance confortable comme province. D'ailleurs, la communauté anglophone du Québec est la plus bilingue du Canada. La communauté francophone, évidemment, est la seule qui compte plusieurs millions de personnes et on a une avance confortable. Mais vous avez raison de vous poser des questions quant à l'avenir et je transmettrai votre suggestion à mon collègue, M. Camille Laurin.

En terminant, je vous dirais qu'il est vrai que certaines choses qui ont été dites sur la loi 101, certaines perceptions qui découlaient de la loi 101, fausses dans certains cas, dans d'autres cas, fondées... Un sondage fait auprès de la communauté anglophone du Québec montrait que 25% des

anglophones du Québec ignoraient la portée réelle de la loi 101. Par exemple, à peu près tous les anglophones du Québec croient qu'ils ne peuvent pas témoigner en anglais dans les cours et tribunaux du Québec. Les avocats, comme Me O'Farrell, savent bien que ce n'est pas vrai. Ce qui a été dit à l'époque où la loi a été adoptée, c'était que les individus, les anglophones au Québec ne pouvaient pas témoigner en anglais devant les tribunaux, ce qui est faux, ce qui n'a jamais été vrai. Donc, un des buts de cette commission ici, c'est précisément de faire connaître la loi 101 telle qu'elle est dans la mesure où cette connaissance corrigera des impressions fausses que l'ignorance passée pouvait expliquer, d'une part. D'autre part, il est bien certain aussi qu'il y a effectivement dans la loi 101 des aspects - que certaines personnes ont appelé des irritants - sur des modifications dans la loi 101 qui tendraient à améliorer - je reprends votre notion - l'idée négative que les anglophones du continent, au fond, peuvent avoir à l'égard du Québec, qui nous ont amenés à essayer de réfléchir sur des manières de changer cette perception en changeant la loi, premièrement, et, deuxièmement, en informant le reste du continent de ce qui se passe au Québec.

Je terminerais par deux boutades. "In 1977, the winds were inside, now they are outside" on peut les entendre. Vous parlez, enfin, à la page 11: "Statesmanship requires an understanding etc." Il y a un proverbe américain qui dit: "A statesman is a dead politician". C'est un proverbe un peu cynique peut-être mais enfin, ce n'est pas le mien. Je voulais seulement, à vous, M. O'Farrell, en tant que fils d'un député qui a siégé ici, vous rappeler ce principe nord-américain par rapport à la politique. Ceci étant dit, il reste que, blague à part, nous allons tenter à cette commission, et le gouvernement par la suite, va tenter d'en arriver à un consensus sur un objectif qui nous paraît fondamental et que vous reconnaissez vous-même comme étant fondamental, c'est-à-dire le caractère français du Québec dans le respect absolu de la diversité culturelle du Québec à l'intérieur de laquelle la communauté anglophone est un partenaire essentiel de la communauté francophone depuis les débuts du Québec contemporain. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

M. O'Farrell: II y a deux choses qui attirent particulièrement mon attention dans vos commentaires. Vous avancez le chiffre de 56% et le bilinguisme éclatant des Québécois par rapport au contexte canadien. A mon sens, cela a beaucoup à faire. A titre d'exemple, ce ne sont sûrement pas des chiffres ni des statistiques qui ont été générés par le système scolaire depuis l'entrée en vigueur de la loi 101. Ce qui veut dire qu'avant la loi 101 et avant qu'on impose ces restrictions... Peut-être que votre chiffre est - je ne dirais pas faussé - peut-être un peu nuancé par ce fait. Il serait intéressant de voir la même statistique après une génération de la loi 101 avec les restrictions au niveau du bilinguisme. Je serais bien intéressé de la voir.

Deuxièmement, au niveau de ce qu'on apporte à la fin de notre mémoire et où on invoque le "statesmanship", nous ne l'invoquons sûrement pas dans un sens cynique, mais nous l'invoquons pour essayer de renfermer l'approche que nous avons face au problème. C'est un problème que nous croyons connaître un peu, vu que nous vivons dans un milieu qui est quand même très francophone. On le rencontre - on l'a dit dans notre mémoire - quotidiennement. Nous croyons bien honnêtement qu'il s'agit, au moment où on se parle et au moment où cette commission, après cinq ans de la loi 101, siège qu'il est grand temps de laisser de côté justement les questions et les côtés cyniques de tout ce débat et d'avancer dans le vrai sens. Je tiens à faire non pas la mise au point parce que je sais dans quel cadre vous avez fait la remarque, mais je tiens à faire cette affirmation parce que nous avançons et nous avons saisi l'occasion - on l'a dit dans notre mémoire - on l'a saisie et, ce, au sens véritable du terme parce qu'on est les premiers intéressés, vous savez, du moins à notre point de vue. Nous vivons dans une société et dans un milieu majoritairement francophones. Nous sommes bien ici. Nous entendons y rester. Mais là où nous pouvons peut-être prétendre qu'il y a des améliorations à apporter, on les apporte avec une sincérité qui est celle que vous retrouvez dans notre mémoire.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: Seulement une information, M. O'Farrell, le pourcentage d'augmentation des francophones bilingues au Québec depuis 1977 se maintient, à peu de choses près. Donc, la courbe continue à progresser de façon constante année après année depuis la loi 101. Car depuis la loi 101, ces règlements qui touchent les heures d'enseignement des langues secondes existent, alors qu'ils n'existaient pas avant. Je crois que ce processus va tendre à s'accélérer et non pas à se ralentir.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux féliciter premièrement The Voice of English Québec pour son mémoire. Il est d'un

ton très modéré, très positif et ne suscite pas de conflits. Il nous fait remarquer qu'il y a certaines positions qui ont déjà été portées à notre attention par d'autres regroupements, soit sur le côté francophone, soit sur le côté anglophone. Je trouve que l'approche en est une des plus raisonnables. Finalement, ce que The Voice of English Québec essaie de nous faire comprendre et essaie de répondre, c'est: Comment pouvons-nous vivre ensemble en harmonie au Québec plutôt que de continuer le débat, le conflit?

If I understand your position correctly, what you are trying to tell us is that you are prepared... You even go so far as also to say that there is a necessity for a language law in Québec, and you accept the predominance of the French language and the French fact in Québec; but it need not be done at the expense of depriving the English-speaking community of certain basis rights.

Je crois que le ton du mémoire et les suggestions qui y sont faites méritent non seulement nos félicitations, mais la considération très sincère de cette commission.

Vous nous avez dit que vous représentiez un groupe anglophone dans la région 03. Vous pourriez peut-être expliciter un peu ce que comprend la région administrative 03, parce que plusieurs d'entre nous ne savons pas quelles sont les limites géographiques de cette région. Peut-être pourriez-vous nous dire en premier lieu quels sont les effets de la loi 101 sur votre communauté, dans le domaine de l'éducation ou dans le domaine des affaires, sur les gens que vous représentez?

M. Saville: Je vais répondre à la première partie de la question et je vais laisser mes deux collègues répondre à la deuxième partie. The Voice of English Québec a été fondée il y a deux ans et demi à peu près. Elle a été créée par la volonté des leaders de notre communauté d'établir une association communautaire qui pourrait répondre aux besoins de notre communauté et d'établir des programmes qui répondraient aux besoins de notre communauté. Si on parle de la communauté anglophone dans la région 03, il y a à peu près 20 000 anglophones comme tels dans cette région: la plus grande partie sont dans le Québec métropolitain et les autres sont dispersés dans la région. Les frontières de cette région vont de la frontière ouest du comté de Portneuf, descendent jusqu'à Rimouski, et montent jusqu'au nord, au plus haut que vous pouvez monter et descendent jusqu'aux frontières américaines. Cela veut dire qu'on essaie de regrouper ces gens parce qu'ils visent plus ou moins le Québec comme centre urbain dans cette partie de la province. C'est pour cela que nous avons essayé de mettre cela ensemble. Je vais laisser un de mes collègues répondre à la deuxième partie concernant l'autre aspect de la question. (21 h 30)

M. Dawson: Au point de vue des effets du projet de loi 101, premièrement, dans le domaine de l'éducation cela a beaucoup affecté nos écoles. Évidemment, on n'a pas la même base de population que Montréal, par exemple. Il y a seulement quatre écoles secondaires dans la ville de Québec. Je n'ai pas les chiffres exacts mais j'imagine que vous avez reçu des chiffres par-dessus la tête, pendant toute la semaine, de gens qui sont des experts dans le domaine de l'éducation. On sait par expérience que la population en général dans les écoles anglophones à Québec est la moitié de ce qu'elle était il y a cinq ou six ans.

Sans parler comme un membre de la communauté anglophone de Québec je peux parler comme membre de la communauté en général. Je pense qu'on sait aussi que le tourisme a été beaucoup affecté ces dernières années. Il y a plusieurs raisons à cela. Pour vous, qui voyagez un peu partout, vous savez qu'on n'a pas la meilleure réputation dans certains endroits. Je pense à des villes comme Boston où on a un vrai programme de P.R. à faire au point de vue de "Québec is not so bad after all". Il y a une rééducation à faire dans les centres ayant un bassin de population assez important à proximité de Québec, ce qu'on appelle des "good marketing zones", pour attirer des gens dans cette région qui a pour première industrie le tourisme.

On a un phénomène qui est assez bizarre dans la communauté anglophone à Québec. C'est nos étudiants qui quittent le système du cégep et s'en vont dans les universités, soit à Montréal, McGill, Concordia ou plus loin comme Queen's et d'autres universités à Toronto, et qui ne reviennent jamais. On devient le meilleur exportateur de jeunes dans le pays. C'est peut-être parce qu'il existe un doute chez les jeunes qu'il n'y a pas d'emplois pour eux ici à Québec, que ce n'est pas une région qui est très industrialisée. Une fois rendus dans les universités de l'Ontario, voyant que le système est beaucoup plus gros qu'ici, qu'il y a beaucoup d'emplois là-bas... Je ne connais pas encore les pourcentages et les chiffres, mais je le sais par expérience parce que je pense que je suis le dernier de la classe de 1966 qui soit venu à Québec. Je ne sais pas s'il y a autre chose.

M. O'Farrell: Mais c'est un phénomène qu'on relate ici qui a une application quand même assez présente chez nous, parce que justement le poster qu'on vous a remis est une espèce de "home coming". Vous savez que dans la communauté anglophone un "home coming" est un phénomène. Ils font

cela dans les universités, ils font cela partout. Notre "home coming" est celui de gens qui ont quitté la ville non pas il y a 30 ans, 35 ans ou 40 ans, mais de jeunes gens qui ont quitté pour aller poursuivre leurs études soit à Montréal, aux universités McGill, Concordia ou autres, ou encore, comme disait mon collègue, dans les universités ontariennes. Puis une fois qu'on les a perdus, si on peut parler ainsi, je pense que le terme "exportateur de ressources brutes" viendrait bien qualifier la situation parce que c'est ce qu'on devient. Ces gens reviennent pour la fin de semaine de l'Action de grâces en disant: "Bonjour, how are you? Cela fait longtemps", puis ils repartent pour retrouver leur vie, qu'ils ont faite ailleurs. Et ce sont des Québécois de souche. Ce ne sont pas des gens qui ont quitté il y a 25 ans. Ce sont des gens qui ont quitté il y a trois ans, quatre ans, cinq ans, dix ans. C'est un phénomène qui est malheureux parce que lorsqu'on se retrouve pour essayer de bâtir une jeune génération, souvent, de très bons éléments, pour ne pas dire les meilleurs, sont partis et ils ne reviennent pas. Je parle de la région de Québec.

M. Ciaccia: Est-ce que vous considérez que la loi 101 a eu une influence sur le départ de ces jeunes?

M. O'Farrell: Absolument, dans la mesure où ces gens-là... Premièrement, il faut dire que ces gens qui quittent la province souvent n'ont pas des aptitudes en français suffisantes pour leur permettre de vivre dans des milieux majoritairement francophones. Si on n'ouvre pas la porte à ces personnes et si on ne met pas des mécanismes en place pour leur faciler l'intégration - au sens strict du mot - ce n'est pas compliqué, ces gens-là ne reviendront pas parce que, malheureusement, ils ne se sentent pas chez eux dans leur propre province.

M. Ciaccia: Est-ce que ce dont vous parlez, ce que vous décrivez comme étant des impacts, une idée négative de notre société... Vous dites à la page 9 de votre mémoire: "Nous estimons que cette loi a créé, approfondi et maintenu une idée négative de notre société." Est-ce que vous pourriez expliciter un peu plus? Est-ce que vous pourriez parler de cela en rapport avec le "relationship" entre les communautés, auquel vous faites référence dans votre conclusion?

M. O'Farrell: Je vais répondre en anglais parce que je pense qu'il y a certaines choses - du moins quand on vit dans un milieu ou lorsqu'on vit dans un cadre bilingue qu'on relate mieux en anglais qu'en français. I believe that the negative effects that Law 101 has created abroad are such that we now have a major marketing - and I am speaking on behalf of the Province of Québec, which is certainly not my role here tonight - role to undertake.

We feel it in the following connotations and in the following circles. We feel it when people have to relate to institutions in the city. We feel it from the community organization's point of view and a little bit more so; we feel it when we see and when we hear experiences of people who, unfortunalety, have misconceived the true applications of the law that we believe in, fundamentally. We said that in our brief and we repeat it. The fundamental principle of creating a situation whereby the French language will be the dominant language in this province is something that we adhere to one hundred percent.

When we refer to the "applications mal conçues", we are referring to the application and, for whatever reasons, the perception that we are creating as an image. It can be referred to in any sector that you want to discuss and I would be willing to discuss one in particular. When companies are discussing coming into - I am speaking for the City of Québec, nothing else - the region that Québec has and offers - there are all types of things that are offered in this region - I think one of the major concerns that they have to keep in mind is that if they are going to be investing whatever amount of dollars in order to create economic activity, they also have to invest that extra amount to come into an area that is - let us call it by its name - a majority French area.

Going into Montreal or going into the Montreal region, we find, I think, a completely different set of values that one would have to attach to that. But when you are coming into the Québec City region, due to the extremely high French fact, which is not bad, which we believe in and which we are proud to live in, the problem is that for whatever reasons, Bill 101 has created this mysterious cloud. When it is related to the very French intensity area of the Québec region, it has a negative image and we are perceived as a geographic site that is not the best place to go if you have other choices.

That is a very unfortunate situation to be in when you know that, fundamentally, the principles of the law are to uphold a language and a culture. As a community organization, we believe in that fullheartedly, but, knowing that on the other side we are also creating the possibility, and more than the possibility, the result that we are being misconceived because of the applications of that law in whatever field. This is what I was referring to earlier as being a major marketing role abroad. I think it applies to the whole province, but very

specifically, in fact, to regions that have high intensity French facts with little English facts, for instance, our region.

M. Ciaccia: But you believe that this negative view could be changed if you made amendments to the abuses or to the so-called "irritants" of Bill 101, both to the law itself and its application. Were the recommendations that you propose in your presentation made to help eliminate that negative image?

M. O'Farrell: I will just answer on that and the rest of the answer could perhaps be picked up.

In our conclusion, we suggest that what is now considered as the Charter of the French Language should be sold first at home not as a Charter of the French Language which has overbearing, protectionist, negative connotations to it. Call it as you will, that is an opinion that I think we can voice here quite honestly.

Our recommendation to this committee is that the law as it is restructured, amendments of all types and sorts included, should become the law upholding the French language, upholding the French culture, the law of linguistic relations in the Province of Québec. Our amendments and our solutions -if we are so pretentious as to say that we have solutions - our approach to that is to say: We believe that if you first sell a law as being the law of linguistic relations within a province to your own constituents, you might have less problems selling it abroad, because when your people believe in what is there, you do not have to present fronts or cosmetics to perhaps shade off things that you do not want to show. I do not know if you want to add anything to that.

M. Dawson: Just to answer your question more directly, I would think that - I am not trying to say that you were indirectly answering the question amendments would change the image of this province outside of the province. I think that Bill 101, because of the way that it had to be or was imposed, certainly conjured up all kinds of negative aspects on such a broad field that we would be here all night just trying to pick up some of the details. I think that we are all a little bit sensitive to the tourism fact here in Québec, as it is the home town for the three of us and as we were all, at one point in our lives, involved in the tourist industry, I think.

To repeat myself, we are not seen in the best of eyes, outside of this province. We are spending great sums of money policing a bill that we would like to see some adjustments made to. Some other provinces and States South of us are spending great sums of money promoting their tourism. We have not only to make amendments to Bill 101, but a big noise about the fact that amendments are being made, and not just cosmetic amendments. They must not be very light cosmetic amendments; they have to have some teeth and some muscle to demonstrate to the rest of the areas around us that there are changes being made to Bill 101 or Law 101.

M. Ciaccia: Je voudrais bien continuer à poser plus de questions; malheureusement, le temps nous manque. Je voudrais seulement vous signaler que j'ai été particulièrement frappé par les conclusions auxquelles vous en êtes venus, quand vous parlez de la charte des relations linguistiques de la société québécoise actuelle et future. Vous parlez des rapports entre les différentes communautés au Québec. Je crois que cela devrait être vraiment l'approche que le gouvernement prenne, plutôt que de parler des droits pour ou contre et d'avoir le genre d'harmonie que vous proposez dans vos recommandations. Je crois que vos recommandations conduiraient particulièrement à des relations beaucoup plus harmonieuses, sans enlever - c'est ce qu'on a de la difficulté, parfois, à faire comprendre au gouvernement - le fait français, le visage français, le droit de travailler en français et le droit de recevoir des services en français. Cela peut se faire de la façon dont vous l'expliquez ici, de façon positive, sans enlever des droits aux autres minorités. (21 h 45)

Puisque le temps passe vite et qu'on doit procéder à d'autres mémoires, je voudrais seulement répondre à la définition du ministre. J'ai été particulièrement frappé par votre dernier paragraphe quand vous dites: "L'art politique exige l'intuition du moment où l'histoire se prête à l'accession d'une société à un nouveau palier d'action collective." "Statesmanship requires an understanding of the propitious moment in history in which to move a society to a new level of collective action." La réaction du ministre, c'est qu'il vous a cité la définition d'un "statesman" comme étant un "dead politician". Je voudrais lui citer une autre définition de "statesman" par M. Norman Cousins, un personnage très remarquable, un écrivain américain. Quant à lui, sa définition est qu'un "statesman is concerned with the long-term benefits of our society and a politician wants to cash in on the short-term policies for his own immediate interest." Merci.

M. Godin: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: ...j'ai bien pris la peine au

début de ces deux citations de dire que c'était une "joke", mais je n'ai jamais vu John avoir tellement le sens de l'humour. Il ne l'a pas acquis encore, je le regrette beaucoup.

M. Ciaccia: Le sens de l'humour, on l'a tous, quand on entend... Même les éléments se plaignent de votre loi.

M. Godin: C'est en dehors cette année. En 1977, c'était ici.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Mont-Royal. M. le député de Groulx.

M. Fallu: M. le Président, j'avais une remarque. Elle a été entamée par le ministre. J'avais une question. Elle a été largement débattue déjà par le député de Mont-Royal. Donc, il me restera à être bref.

Je me dois de rectifier, si vous le permettez, une assertion à la page 4 à propos de "recent reduction in the time dedicated to the teaching of French" et l'équivalent pour ce qui a trait à l'enseignement de l'anglais. Je me dois de le faire parce qu'au moment où le régime pédagogique a été préparé j'étais adjoint parlementaire au ministre de l'Éducation. J'aimerais dire qu'il ne faut pas confondre entre le temps réglementaire et les situations de fait dans les écoles. Avant 1981, personne n'avait déterminé un temps minimum horaire pour l'enseignement des langues secondes au Québec. Or, le régime pédagogique a eu cette grande valeur d'établir d'abord un programme qui ne soit pas un programme-cadre, mais un programme bien précis, détaillé, accompagné maintenant de manuels, et déterminer qu'il y aurait dorénavant un minimum d'heures à consacrer à l'enseignement des langues secondes, c'est-à-dire deux. Toutefois, il faut savoir qu'il appartient aux commissions scolaires de déterminer les nombres maximums d'heures. D'autre part, on sait que le régime pédagogique a accru maintenant, notamment au primaire, le nombre d'heures totales, ce qu'on appelle la plage horaire, ce qui laisse donc infiniment plus de place à l'enseignement des langues secondes, et cela est souhaité à travers le nouveau régime pédagogique. Il appartient au gouvernement d'établir des standards minimums, devrais-je dire, et aux commissions scolaires d'appliquer les maximums.

Je tenais à le dire, parce que souvent on a l'impression qu'on a réduit depuis quelques années parce que dans les faits, dans certaines commissions scolaires, il y a eu une réorganisation, par exemple, un regroupement en une demi-année pour faire de l'immersion totale, soit qu'on ait déplacé de quatrième à cinquième secondaire, bref, peu importent les modalités, mais, au total, le nombre d'heures d'enseignement de l'anglais langue seconde et du français langue seconde a déjà et devrait, à l'avenir, s'accroître d'une façon assez considérable.

En 1977, il s'était formé d'une façon assez spontanée un rassemblement d'anglophones de la région de Québec qui étaient venus témoigner. J'en garde un souvenir très précis, parce que cela avait été un témoignage assez touchant, puisqu'ils s'étaient un peu livrés à nous devant la commission avec leurs problèmes de survie locale, de vie quotidienne, assez difficile quelquefois, il faut le dire, et conscients que la région ici a déjà été une région anglophone, même que la ville de Québec, en 1870, était largement et majoritairement anglophone. Donc, c'étaient des gens qui étaient venus un peu spontanément nous dire leur vécu quotidien.

Le député de Mont-Royal vous a permis tout à l'heure de dire également un peu quelle était votre vue.

Une question d'abord à propos d'une insertion qui m'a un peu surpris. Vous avez parlé de la difficulté d'intégration des jeunes dans la société à Québec et dans les environs de Québec; des jeunes anglophones donc nés à Québec, dans un milieu francophone, après des études de niveau universitaire. J'arrive mal à saisir parce que les anglophones que je connais ici à Québec, ma foi de Dieu, on les oublie dans le paysage tellement ils sont intégrés. Ils restent des anglophones, ils se regroupent dans une communauté religieuse, dans une pratique religieuse, ils se regroupent dans des institutions, ils ont un réseau d'amis mais on ne perçoit presque pas, tout à fait un petit accent à l'occasion. J'ai toujours trouvé cela assez remarquable. Est-ce que cette intégration que j'avais cru percevoir n'est pas un fait réel et qu'il y a des gens qui vivent, je n'ose pas dire en repliement, mais qui, dès leur bas âge, ont une difficulté de relation avec la communauté francophone ici dans la région de Québec au point que plus tard ils n'arrivent pas à vivre dans ce milieu qui est le leur depuis leur naissance et souvent depuis des générations?

M. Saville: Si vous me le permettez, j'aurais deux commentaires. Premièrement, je crois que ce que nous voulons souligner dans le chapitre qui traite de l'éducation est que le gouvernement décide de la durée minimale de l'enseignement d'une langue seconde mais comme le ministre l'a mentionné, il appartient au milieu de trouver quelle serait la durée maximale et d'adapter le régime pédagogique aux besoins du milieu. Tout ce que nous voulons souligner ici, c'est que lorsque nous constatons la nécessité pour les anglophones et pour les francophones de posséder une langue seconde afin d'être très

compétents, je crois que c'est le devoir du gouvernement de toujours regarder le sujet de façon très sérieuse et non pas établir uniquement les standards minimaux pour l'étude d'une deuxième langue mais aussi de regarder et de superviser l'implantation d'une politique pour s'assurer que, dans tous les milieux, le minimum soit assuré mais aussi que les jeunes Québécois et Québécoises francophones et anglophones réussissent à terminer leurs cours primaire et secondaire avec un diplôme de secondaire V indiquant qu'ils ont complété leur cours anglais dans des écoles françaises ou leur cours français dans des écoles anglaises; qu'ils aient vraiment la capacité de s'exprimer et même de travailler dans la langue si nécessaire. Il serait intéressant, et je n'ai pas les statistiques en main, mais j'ai souvent l'occasion de rencontrer ou de faire des présentations devant des étudiants de différents collèges francophones, ici à Québec, et cela me surprend, à maintes reprises lorsque je suis parmi eux, de constater leur incapacité de s'exprimer en français. Nous tenons à souligner seulement le fait que même les standards minimaux qui sont établis par le gouvernement, c'est bien beau de regarder à plus long terme mais il faut toujours viser la vraie compétence pour les gens.

Deuxièmement, concernant le point que vous avez soulevé sur l'intégration des jeunes Québécois anglophones de notre région qui ont de la difficulté à s'intégrer, je crois que le problème est beaucoup relié à l'énoncé de M. O'Farrell sur l'image du Québec.

Les jeunes anglophones, depuis l'adoption de la loi 101, sont maintenant sous l'impression qu'ils ne sont pas acceptés ici à Québec. Et puis, sans regarder les possibilités de travailler ici, dans notre région, sans faire de recherche concernant les différents types d'emplois qui pourraient être disponibles ici, dans la région, sans exploiter leur bilinguisme, ils décident d'aller ailleurs parce qu'ils ne se sentent pas bien. C'est pourquoi on met l'accent sur notre conclusion en disant que la loi 101 devrait reconnaître le français comme la langue dominante de notre société. D'un autre point de vue, c'est aussi la loi de tous les groupes linguistiques et dont tous nos jeunes seront preneurs.

De cette façon, les jeunes qui vont rester, qui vont demeurer ici, à Québec, vont se sentir membres de la société, ils n'en sont pas exclus. C'est quelque chose dont il faut tenir compte, sans cela, nos jeunes vont toujours chercher à quitter la région et on aura toujours le même problème de la diminution du nombre de nos jeunes. Il y en aura de moins en moins pour prendre la relève de la communauté. La société québécoise comme telle va perdre, car ces jeunes iront dans les autres provinces ou dans les autres pays du monde pour exploiter un bilinguisme qui a été appris ici, à Québec. Si on peut arriver à ce qu'ils se sentent bien dans leur peau ici, dans notre région, on pourra ainsi compter sur de jeunes Québécois anglophones bilingues qui vont oeuvrer pour le Québec et pour notre pays.

M. Fallu: J'ai une question fondamentale. J'ai souvenance d'un type qui portait le nom de Pelletier qui est venu, en 1977, nous faire cette remarque, un anglophone de Québec. Il nous avait déjà souligné que les jeunes de la région de Québec émigraient, allaient faire des études à l'étranger et, finalement, restaient à Toronto ou dans la région de Montréal.

Pour en avoir le coeur net, étant donné qu'il y a là une certaine ambiguïté, puisqu'on nous a parlé de la chose en 1977 et qu'on y revient maintenant, en 1983, je voudrais qu'on éclaircisse ce point une fois pour toutes. Puisque vous n'avez pas les statistiques et nous non plus, je pourrais peut-être suggérer au ministre qu'on établisse des données démographiques pour la région 03 afin de savoir si, oui ou non, la loi 101 a accéléré un processus de départ ou si on doit constater que le phénomène existait avant mais qu'il n'y a pas eu d'accélération de la baisse. Je ne le sais pas et sans doute n'avez-vous pas de données précises vous non plus.

M. Saville: J'aimerais vous faire part du fait que, cet été, nous avons commencé une étude démographique concernant notre communauté dans la région 03. Quand cette étude sera complétée, je vais certainement faire parvenir une copie du document au ministre et à vous-mêmes. Les données que nous avons à ce jour indiquent très clairement qu'une des raisons pour lesquelles nos jeunes - ce n'est pas nécessairement la première, mais c'est certainement une des trois premières raisons - ne veulent pas rester à Québec, c'est qu'ils ne se sentent pas bien ici. C'est une attitude clairement indiquée dans l'étude que nous avons menée cet été.

M. Fallu: Oui, mais j'aimerais m'assurer qu'on ait des éléments historiques également.

M. O'Farrell: Je pourrais peut-être enchaîner sur votre question. Tout d'abord, j'aimerais revenir sur le régime pédagogique dont vous avez parlé tout à l'heure. Ce que vous devez comprendre de notre mémoire, c'est bien simple, c'est que nous voulons, en tant qu'organisme communautaire, voir mettre davantage l'accent, dans le système d'éducation du Québec, non seulement sur la langue anglaise dans les écoles françaises, mais sur la langue française dans les écoles anglaises. Malgré les chiffres de 120 minutes ou de 200 minutes par semaine, je pense

qu'on peut faire l'unanimité pour dire qu'il est dans l'intérêt de tous de forcer ce phénomène du fait que le Québec constitue une minorité sur le continent. Ce sont nos prétentions avant tout.

Quant à votre question concernant les anglophones de la région 03 et ceux de la ville de Québec, plusieurs d'entre eux vivent une vie très intégrée. Le type que vous avez nommé, M. Pelletier, en est la preuve vivante. Mais vous avez, de l'autre côté de cette médaille, des gens qui ne feront pas le choix de vivre dans un milieu intégré. S'ils ne font pas ce choix, c'est peut-être parce qu'on a réussi - ce n'est peut-être pas le bon terme à employer - à créer une situation par laquelle on n'incite pas ces gens-là à rester et à vouloir s'intégrer. C'est un choix, être anglophone et rester dans la ville de Québec. (22 heures)

Personnellement je suis dans une étude où il y a des anglophones, mais c'est une des situations des plus exceptionnelles qui peuvent exister. La plupart du temps c'est un anglophone dans un bain francophone. Les gens vivent bien mais, dans la majorité des cas, ils ont fait ce choix-là. Ceux qui quittent le Québec - et on revient au régime pédagogique et au système d'éducation - sont formés dans nos écoles québécoises. Si on ne leur permet pas ou si on ne les incite pas à rester ici au Québec, par la formation qu'on leur donne dans nos écoles québécoises, c'est à ce moment-là qu'on doit se retourner sur nous-mêmes et dire: On a mal réussi parce qu'on n'a pas incité ces gens à rester.

Le point que je soulève là-dessus c'est que ceux qui quittent... On parlait d'exportation tout à l'heure; elle est due en grande partie, d'après nous, au fait que dans leur formation on ne les a pas incités à rester. Car si on les avait incités à rester, pourquoi seraient-ils rendus à Western, à Queens ou n'importe où. Cela revient à cela.

On avance ces prétentions tout simplement pour vous éclairer sur une situation qui n'est pas dramatique. Et on ne vient pas ici en tant que criards on vient ici simplement pour vous dire qu'il existe une situation dans notre ville et dans notre région pour les anglophones. On est intégrés pour la plupart, mais ceux qui ne le sont pas et ceux qui quittent qu'est-ce qu'on en fait? Ce sont des Québécois, des jeunes pour la plupart, malheureusement. On insiste là-dessus: si on formait dans nos écoles, si on avait la formation pour venir en aide à ces gens pour leur donner le goût de rester au Québec, à ce moment-là cette exportation ne se ferait pas.

Le Président (M. Gagnon): En terminant?

M. Fallu: Une question très courte. Je la veux du moins très courte. En 1977 les anglophones de Québec étaient inquiets pour la survie de leurs institutions communautaires, notamment écoles, cégeps, services hospitaliers, centres d'accueil. Six ans après, vous jouissez toujours, ici dans la région, d'un minimum de services communautaires qui soient vôtres: commissions scolaires, cégeps, services hospitaliers et autres.

M. O'Farrell: Oui, cela existe. Vous me permettrez de vous dire que cela existe un peu par la force des traditions de ces institutions. Elles sont vivantes dans certaines parcelles des institutions, mais pour dire que les institutions sont pleines de vie et qu'elles regorgent de qualités qu'on voit dans un organisme qui prend de l'expansion, non, ce n'est pas le cas. Elles sont là, oui, mais c'est le temps d'ailleurs de les redorer et de faire de ces institutions ce qu'elles étaient autrefois dans le milieu et dans le contexte des années quatre-vingt.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Groulx. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, simplement pour remercier nos invités du souvenir qu'ils nous ont remis et peut-être même les féliciter également du succès remporté par le "Fall Fest" il y a quelques semaines, leur dire que nous apprécions vivement qu'ils soient venus nous décrire la situation de cette communauté anglophone de la vieille capitale. Lorsque nos invités nous parlent de ces jeunes Québécois anglophones de la ville de Québec qui quittent pour l'université et ne reviennent pas, il ne faut pas s'en surprendre, parce que cela arrive également, toujours malheureusement trop souvent, même parmi les francophones. Ce qui m'encourage, c'est de voir des gens de votre génération articuler dans les deux langues, Québécois de vieille souche anglophone, qui viennent nous dire: Nous sommes ici, nous sommes ici pour y rester et on a l'intention de faire valoir notre point de vue. Vous le faites de façon tellement brillante que je n'ai aucun doute que sous un gouvernement ou sous un autre, vous finirez par avoir raison. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député.

M. le ministre.

M. Godin: Je vais bien me garder de tenter de faire de l'humour cette fois-ci, M. O'Farrell, parce qu'on n'est pas toujours bien compris. Je vous dirai en terminant...

M. O'Farrell: Ce n'est pas mon habitude de mal comprendre.

M. Godin: Je ne m'adressais pas à vous.

N'ayez aucune crainte; je ne m'adressais pas du tout à vous. Je pense que la solution de fond au problème que vous soulevez des départs de jeunes anglophones - comme de jeunes francophones d'ailleurs - c'est de bâtir une économie du Québec qui soit forte. C'est quelque chose, d'après votre activité, à vous, en tout cas, que vous avez réussi grâce à des investissements qui ont été faits par des Québécois dans une entreprise typiquement québécoise, qui est en train de faire honte à une autre entreprise, à Montréal, qu'on appelle Les Canadiens. Je pense que c'est un exemple à suivre dans d'autres domaines évidemment. Je pense que la solution est là. Je voyais, ce matin, dans les journaux, les résultats d'une étude du Conference Board du Canada, à savoir que la reprise au Québec allait être très surprenante pour les 18 prochains mois, que le Québec allait être en tête de file pour ce qui est de la création d'emplois, pour ce qui est de l'activité économique industrielle manufacturière privée pour l'année et demie qui s'en vient. Je pense que la solution est là. Si on veut garder nos gens au Québec, tous les Québécois et toutes les Québécoises, il va falloir qu'on fasse des efforts ensemble pour qu'il y ait des emplois, pour qu'il y ait une activité économique considérable. C'est l'objectif de ce gouvernement-ci et je suis sûr que c'est le vôtre également, messieurs. Merci beaucoup.

M. O'Farrell: Nous vous remercions de cette occasion...

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Merci à vous trois, à votre groupe, pour votre présence à la commission parlementaire, et un merci particulier pour le souvenir que vous laissez à la commission.

M. O'Farrell: Je m'excuse d'avoir dérogé aux règles.

Le Président (M. Gagnon): J'invite maintenant les membres du Groupe d'action municipale à s'approcher.

Je vous souhaite la bienvenue et vous invite à vous identifier et à nous faire lecture de votre mémoire.

Groupe d'action municipale

M. Auf'der Maur (Nick): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés, je suis Nick Auf'der Maur. Je suis conseiller municipal à la ville de Montréal. À ma droite, je vous présente M. Marc Lebeau, président de notre parti politique, le Groupe d'action municipale. À ma gauche, je vous présente Me Sam Berliner, également conseiller municipal. Il représente le district de Victoria, à Montréal, situé près de Côte-des-Neiges. Je représente le district de Peter

McGill, situé dans le centre de Montréal, qui va du Forum à la place Ville-Marie, de la Gare centrale au parc Mont-Royal, et qui inclut les universités McGill et Concordia. Il inclut également une grande partie des sièges sociaux de Montréal et plusieurs des activités économiques de la ville. Étant conseiller municipal de ce district, je peux constater les effets néfastes de la loi 101 sur l'économie de Montréal. Aussi, j'aimerais ajouter le nom de mon district, Peter McGill. Peter McGill a été le deuxième maire de la ville de Montréal, après M. Jacques Viger, le premier maire de la ville. C'était à l'époque où Montréal était majoritairement anglophone et, durant cette période jusqu'en 1908 ou 1906, Montréal respectait le principe de l'alternance anglophone-francophone en élisant le maire.

M. Berliner va donner un résumé du mémoire qu'on a présenté.

M. Berliner (Sam): Le Groupe d'action municipale, le GAM, croit que, si un palier gouvernemental adopte des lois qui affectent la vie économique et la structure sociale d'une ville et affectent la capacité de la ville de rendre des services à ses résidents en français et en anglais, la ville a l'obligation de se faire entendre auprès de cet autre palier gouvernemental.

Cette année, le GAM a déposé un avis de motion dans ce sens auprès du conseil de la ville de Montréal, avis qui a été endossé à l'unanimité par le conseil. Depuis l'adoption de l'avis de motion par la ville d'autres municipalités de la région de Montréal ont adopté des motions qui approuvent le même principe. En fait, j'ai ici avec moi les copies des motions qui étaient adoptées par toutes les autres villes. Je parle des villes de Saint-Laurent, Westmount, Beaconsfield, Rosemère, Verdun, de la cité de Côte-Saint-Luc et de la ville de Montréal.

Toutes ces villes ont adopté des motions qui approuvent le même principe, motions qui, plus particulièrement, s'adressent, premièrement, aux aspects de la loi 101 qui affectent la capacité de ces villes de rendre des services à leurs résidents et, deuxièmement, aux aspects de la loi 101 qui affectent la vie économique de ces villes. Le GAM est fier d'avoir pris l'initiative dans ce dossier au niveau municipal et nous continuerons à suivre le dossier.

Abordons, premièrement, la façon dont certains aspects de la loi 101 empêchent la ville de Montréal de rendre des services à ses résidents. Selon les politiques de l'administration de la ville de Montréal, telles qu'énoncées par M. Lamarre, président du comité exécutif, en réponse à ma question, la ville est désireuse de rendre des services et de communiquer avec ses résidents en français et en anglais.

Quoi qu'il en soit, le fait demeure que, quand un aréna est en construction à Snowdon ou une bibliothèque à Notre-Dame-de-Grâce, ou s'il y a des travaux routiers à Côte-des-Neiges, tous des quartiers où il y a quand même beaucoup d'anglophones, les panneaux avertisseurs, les affiches que la ville érige pour prévenir les gens sont seulement en français. Appelez-vous cela communiquer avec les résidents en français et en anglais?

Le sujet des panneaux avertisseurs peut sembler n'avoir que peu d'importance, mais il n'en reste pas moins que, pour la communauté anglophone, c'est symbolique d'un problème de base et, comme vous le savez, les symboles sont importants pour toutes les sociétés. Nous croyons que la langue sur un panneau avertisseur devrait être le miroir de la population à laquelle on s'adresse. Présentement, le miroir reflète une distorsion. Où sont les 800 000 non-francophones dans ce miroir? Existent-ils? Il n'est pas étonnant que les anglophones ne se sentent plus bienvenus ici. Il n'est pas étonnant qu'ils soient partis.

Naturellement, quand la question est posée, la ville déclare que les panneaux avertisseurs et l'affichage doivent, selon la loi 101, être en français seulement.

Let us now look at another problem. During the debate on the budget, the Director of Personnel told us the problems that he was having with the "Office de la langue française". The city had certain positions to fill within the Social Welfare Department and the city wanted these positions to be characterized as jobs requiring more than just French and wanted them to be advertised as such. The Personnel Department's reasons were obvious. The people hired would, during the course of their everyday work, come into contact with not only francophones, but anglophones and members of other ethnic groups. The office refused to allow the city to characterize these jobs as requiring more than just French. There you have a perfect example of legislation passed by one level of government which is preventing the city from doing what it thinks is right and what it wants to do for the benefit of its residents.

Il y en a qui diront que ce qui distingue Montréal des autres villes est son côté francophone. Nous sommes en accord avec cette distinction. Nous sommes aussi d'accord qu'il est important et légitime d'agir pour protéger la langue et la culture française, mais il y a aussi une autre distinction importante en ce qui concerne Montréal. Elle se rapporte au fait d'être une ville composée de gens de divers groupes ethniques et de langues différentes, au sein de laquelle on retrouve deux groupes linguistiques principaux, soit le français et l'anglais. Cette distinction place Montréal dans une classe unique, comparativement aux autres villes du monde.

Au cours des derniers mois, différents groupes et individus ont commencé à promouvoir de nouveaux projets pour la ville. Le premier qui me vient à l'idée est un centre de biotechnologie; le deuxième est un centre de gestion maritime, qui était mentionné par M. Paul Martin récemment.

(22 h 15)

Le Board of Trade et la chambre de commerce se sont réunis pour promouvoir l'idée d'établir un centre bancaire international à Montréal. Naturellement, Montréal, avec sa coalition de français et d'anglais, semble, à première vue, être l'endroit naturel pour mettre en place différents centres internationaux. Après tout, ne sommes-nous pas le pont entre le monde francophone et le monde anglophone? Ne sommes-nous pas le pont naturel entre l'Amérique du Nord et l'Europe? Mais entre ce qui se passe à Montréal et ce qui devrait s'y passer, la réalité est complètement différente. La population non francophone, un élément important à ce pont naturel, a quitté et continue de quitter le Québec.

The census figures show that there has been a net loss of 141 000 Quebeckers: 106 000 anglophones, 18 000 francophones and 17 000 others from Québec, over the period from 1976 to 1981. The majority of these people worked and resided in the Montreal area.

A recent survey done on the exodus of jobs from Québec indicates that over 14 000 jobs have been lost over the period from 1976 to 1982. These are only the ones that the survey could find out about. What about the others? What about the multiplier effect? Most of these jobs that have left have been from the Montreal area as well.

Les non-francophones sont naturellement, à cause de leur nombre décroissant, inquiets en ce qui concerne l'existence de leur communauté. Jusqu'à récemment, le Québec a toujours été un endroit où, chaque année, un certain nombre de non-francophones ont, à cause des écoles, de la famille ou du travail, quitté la province. En même temps, le Québec, jusqu'à récemment, avait été un endroit où un nombre correspondant de non francophones immigraient chaque année. C'est cette immigration qui permettait à notre communauté de demeurer saine et vibrante.

De nos jours, les non-francophones continuent à quitter, mais la contrepartie, l'immigration n'existe plus et la communauté se sent affectée. Pourquoi, demandez-vous, ne viennent-ils plus ici? Les raisons en sont compliquées, mais certainement l'un des facteurs qui y contribuent est le fait qu'en venant ici ils seront empêchés d'inscrire leurs enfants dans des écoles anglaises. La communauté non francophone, un des deux

éléments qui distinguent Montréal et lui donnent une dimension naturellement internationale, décroît à un rythme alarmant. Tous les Québécois devraient être concernés par cette réalité.

D'autres facteurs qui contribuent à l'exode des anglophones et des emplois du Québec et de Montréal sont les suivants. Le monde des affaires a réagi à l'application rigide et sans imagination de différents aspects de la loi 101. Il y a aussi la question de l'accès aux écoles anglaises qui affecte les hommes d'affaires d'une façon très importante et spéciale. Ils doivent faire face au problème réel de pouvoir attirer, de l'extérieur du Québec, des personnes avec l'expertise requise pour remplir certains postes. Beaucoup de ces gens ne viendront plus ici s'ils sont empêchés d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise.

Je vais demander à mon collègue, M. Lebeau, de continuer sur cet aspect de notre mémoire.

M. Lebeau (Marc): Merci. M. le Président, messieurs et mesdames les membres de la commission, je m'attarderai surtout au plan économique. Mon exposé se divisera, en fait, en trois parties. Dans un premier temps, je dresserai un bref bilan de l'économie montréalaise. Dans un deuxième temps, le GAM tentera de dégager certaines voies d'avenir, certaines solutions pour l'économie de Montréal. Finalement, dans un troisième temps, en guise de conclusion, j'établirai un rapport avec la question linguistique: Comment la politique de la langue peut-elle aider, ou ne pas aider, selon le cas, nos priorités économiques, la vie économique à Montréal?

L'économie de Montréal périclite dangereusement. À ce chapitre, si vous me le permettez, j'aimerais vous montrer quelques tableaux que je me suis procurés. On a ici un tableau qui illustre le volume des biens manufacturés à Montréal, en pourcentage et le volume en milliards de dollars des biens manufacturés dans l'ensemble du Canada. Oui.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. C'est pour les fins du journal des Débats -on comprend qu'on voit le tableau à la télévision - j'aimerais bien que vous puissiez l'expliquer...

M. Lebeau: Oui.

Le Président (M. Gagnon): ...sans cela, on va le garder seulement en images.

M. Lebeau: Est-ce que je peux l'expliquer en le montrant?

Le Président (M. Gagnon): Oui, c'est cela. Expliquez-le en le montrant.

M. Lebeau: D'accord. Vous avez sur un axe la production manufacturière dans l'ensemble du Canada. Sur l'autre axe, la production manufacturière à Montréal, non pas seulement la ville de Montréal, mais la région de Montréal dans son ensemble. La production manufacturière montréalaise, depuis 1973 jusqu'à 1981, a doublé en volume en milliards de dollars. Pendant le même temps, la production manufacturière à l'échelle canadienne, dans l'ensemble du Canada, a triplé, ce que l'on voit sur le graphique ici en barres jaunes, passant de 5 000 000 000 $ à tout près de 16 000 000 000 $, de 1973 à 1981. Ce qui fait que la part relative de Montréal dans le commerce manufacturier par rapport au commerce manufacturier pancanadien a diminué de 10% qu'il était en 1973 jusqu'à 7,6%. C'est donc une indication très nette que le secteur secondaire de l'économie - ce que j'entendais par les biens manufacturés produits - est en nette décroissance à Montréal par rapport au reste du Canada.

Aussi, dans le secteur tertiaire, on observe depuis 1980, une même décroissance. Le secteur tertiaire montréalais représentait, en 1980, 12% de l'ensemble canadien et, en 1981, cette proportion a diminué à environ 10%. Donc, sur les deux plans, sur le plan économique de l'industrie secondaire et sur le plan de l'industrie tertiaire, Montréal est en nette décroissance économique par rapport à l'ensemble du Canada.

Certains prétendront qu'il s'agit là d'un déplacement structurel normal d'est en ouest de l'économie - on soumet souvent cet exemple - mais force est de constater que des villes comme Ottawa et Boston, des villes de l'Est de l'Amérique, ont su admirablement bien tirer leur épingle du jeu, notamment dans le domaine des industries à haute technologie. C'est là une des voies d'avenir que l'on voit, nous, au Groupe d'action municipale, quand je parlais de dégager des solutions pour le problème économique montréalais. Le GAM estime qu'il est important que Montréal prenne très tôt le virage technologique. D'ailleurs, je citerai à ce propos le ministre de la Science et de la Technologie, M. Paquette, qui disait: "II est important que le Québec prenne le virage technologique avant que les autres ne le prennent à notre place."

Qu'est-ce qui fait qu'une ville réussit à prendre le virage technologique et qu'une autre échoue dans cet objectif? Citons l'exemple d'Ottawa qui est une ville canadienne, pas tellement loin de Montréal -c'est peut-être un exemple plus facile à comprendre - sur les 115 firmes répertoriées oeuvrant dans le domaine de la technologie, il y en a 45 qui sont situées dans la région d'Ottawa.

Les raisons sont finalement assez simples. Vous avez une concentration à

Ottawa, une proximité des grands centres nationaux; exemple: le Centre national de la recherche à Ottawa. Cela est dû aussi à l'avant-gardisme des universités de Carleton et d'Ottawa qui, très tôt, dans leur programme pédagoqique ont eu des facultés d'ingénierie, des facultés de génie en sciences de l'informatique.

La conclusion de cela, M. le Président, c'est que la haute technologie, ce n'est pas tellement une question de gros sous. On a souvent tendance à s'imaginer que la haute technologie, ce sont des questions de millions et de centaines de millions de dollars. Aujourd'hui, avec 100 $ de matière première, on peut fabriquer un micro-ordinateur. Tout ce qu'on a besoin pour prendre le tournant de la haute technologie, c'est en fait de la matière grise, des ressources humaines et une carte de crédit. C'est à ce niveau qu'intervient la législation linguistique.

Le GAM estime qu'il faut que le gouvernement du Québec lève les contraintes à l'arrivée à Montréal de ressources humaines importantes pour le développement de notre économie. Il faut que le gouvernement lève les contraintes telles que la clause Québec et la connaissance préalable du français exigée des nouveaux arrivants afin de provoquer vers Montréal une fuite des cerveaux qui fera bénéficier, à moyen terme et un peu plus tard, les Montréalais, les Montréalaises, les Québécois et les Québécoises d'emplois nouveaux créés dans le secteur de la haute technologie, des emplois bien rémunérés qui ne profiteront pas seulement aux Montréalais, mais à l'ensemble des Québécois.

La haute technologie, c'est un domaine, pour l'avoir étudié un peu, qui se déroule presque exclusivement en anglais. Que l'on soit au Canada, aux États-Unis, en Europe de l'Ouest ou même en Europe de l'Est, quand il est question de ces sujets, les micro-ordinateurs, les microprocesseurs, les circuits intégrés, le "know-how" est anglais. Sur le plan économique un peu plus large, la ville de Montréal est située aux confins de deux grandes civilisations: la civilisation britannique et la civilisation française, ce qui lui confère, d'après nous du Groupe d'action municipale, un atout particulier pour nous attirer la main-d'oeuvre spécialisée, les ressources humaines et la fuite des cerveaux vers Montréal pour relancer notre économie.

J'ajouterai un petit paragraphe et ce sera mon dernier mot. On a parfois l'impression qu'à cause des contraintes linguistiques le gouvernement québécois doit, pour attirer ici des industries de technologie de pointe, payer un peu plus cher en subventions. Un cas assez récent est celui de Bell Helicopter. Sur un investissement de 500 000 000 $, tout près de la moitié vient des deux paliers de gouvernement fédéral et provincial.

Alors, on a parfois l'impression que, pour atténuer les effets des contraintes linguistiques, on paie un peu plus cher en subventions pour attirer ici l'expertise étrangère. Finalement, ce sont les Québécois, les Montréalais, qui assument le coût de cette politique. C'est pour cela que le Groupe d'action municipale demande des assouplissements, notamment, en ce qui a trait à l'accès à l'école anglaise et à la connaissance préalable du français. C'était l'essentiel de mon message. Peut-être que Sam aimerait continuer.

M. Berliner: At this point, I want to take time to look at one concrete example of what my colleague has been speaking about. It has to do with the biotechnological center, of which the sod-turning ceremony took place just last week. The Federal Government is going to be investing 61 000 000 $ to build that center. I have a particular interest in it, as it happens to be located in my riding, the area that I represent in the City of Montreal.

Now, biotechnology is a new dynamic field; a field which holds forth many possibilities for the creation of new industries, new jobs and so forth. The center that the Federal Government is going to be building envisions employing some 60 scientists, people with doctorates in microbiology and other similar fields, and over 120 technicians.

Presently, there is a tremendous amount of competition going on, certainly within the United States and countries like Japan and so on, in order to attract the people that have those specialties, those doctorate degrees. It is a new field; there is a lot of competition out there. If we think that we are going be able to attract those 60 scientists to Québec, then we have to be able to compete on an equal basis. If we think that we are going to be able to attract scientists here while those people, say people coming from the United States or from other parts of Canada, are not going to be able to send their children to English schools, then we are dreaming in color and the 61 000 000 $ should be spent in another way. This Government which, on the one hand, wants to attract high technology and, at the same time, wants to attract things like the biotechnological center cannot set up road blocks to those projects. Otherwise, why are we here? What are we talking about? We are not going to accomplish anything that way.

La loi 101 a été adoptée principalement pour la ville de Montréal puisque c'est là que l'on trouve cette conjoncture de francophones et d'anglophones. Il y a un phénomène très important dont le gouvernement devrait tenir compte: c'est qu'il y a de plus en plus un consensus parmi la majorité

des francophones et la majorité des anglophones du Québec.

Ce consensus se manifeste de trois façons différentes. Premièrement, il y a le fait que, devant cette commission parlementaire, vous ayez entendu des représentants de différents secteurs de la société. Je pense, par exemple, à la chambre de commerce, la Fédération des affaires sociales, à la Commission des droits de la personne, à Alliance Québec et à tous ces divers groupes de divers secteurs qui disent qu'il faudrait apporter certains changements à la loi 101. Même hier, M. David Payne a tenu une conférence de presse. Lui aussi a demandé des changements à la loi 101. (22 h 30)

Deuxièmement, on a révélé récemment devant cette commission les résultats des sondages qui démontrent d'une manière objective qu'il y a au sein des populations francophones et anglophones du Québec un consensus sur certains changements qu'on devrait apporter à la loi 101. Je parle maintenant de la langue de l'affichage, de la nécessité pour les institutions anglaises d'avoir la possibilité de rendre des services en français sans qu'il soit obligatoire pour chacun de ses employés d'être bilingues, et de la question de l'accès aux écoles anglaises.

Troisièmement, la semaine dernière, vous avez entendu l'intervention du maire Drapeau. Comme vous le savez, la baisse de popularité du maire se remarque dans les districts plutôt francophones et pourtant le maire a insisté afin d'obtenir certains changements importants à la loi 101. Aujourd'hui, les membres du GAM, un parti de l'Opposition, un parti qui ne partage pas toujours l'opinion du maire Drapeau et dont les conseillers élus représentent les quartiers plutôt ethniques ou anglophones de la ville, exigent des changements à la loi 101. Il y a aujourd'hui un consensus parmi la grande majorité des représentants élus de la ville de Montréal voulant qu'il y ait moyen de protéger la culture et la langue française tout en donnant à la communauté anglophone les outils nécessaires à son existence.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. C'est difficile pour les membres de la commission de suivre votre lecture, parce que je me rends compte depuis un bon bout de temps qu'on n'a plus le texte. Est-ce que vous avez le texte dont vous êtes en train de faire la lecture?

M. Berliner: Vous avez le texte qu'on avait soumis et...

Le Président (M. Gagnon): Oui. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Berliner: ...les dernières interven- tions sont vraiment ce qui vient de notre analyse du mémoire qui était déposé devant la commission. C'est un travail qu'on a fait après avoir déposé notre mémoire. Ce n'est qu'une constatation du consensus sur certaines choses qui sont reflétées ici.

Le Président (M. Gagnon): Si vous me permettez, pour qu'on puisse tous suivre. Je présume que l'intervention que vous êtes en train de faire pourrait venir à la suite de questions que vous poseraient les membres de la commission.

M. Berliner: Oui.

M. Auf'der Maur: Ah; On n'a pas l'intention de lire le mémoire...

Le Président (M. Gagnon): C'est parce qu'on a lu le mémoire. Vous l'avez lu et on a été capable de suivre jusqu'à maintenant. Mais depuis dix bonnes minutes les membres de la commission ne peuvent suivre parce qu'on n'a pas...

M. Auf'der Maur: D'accord. On s'excuse, M. le Président.

M. Marx: Je suis vraiment sans difficulté, M. le Président.

M. Auf'der Maur: On s'excuse que... M. Marx: Sans difficulté.

M. Auf'der Maur: Vous avez déjà eu le mémoire en votre possession. On trouvait que c'était un peu inutile de vous lire le mémoire que vous avez sans doute déjà lu.

M. Marx: Oui, mais de la façon que le Parlement oeuvre, c'est toujours...

M. Berliner: Mais ce n'est quand même pas toujours le cas.

M. Godin: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: C'est parce qu'il y a un principe ici, M. Auf'der Maur, que vous connaissez sûrement. Comme nous ne sommes pas sténographes - sauf exception je pense -il serait souhaitable... c'est la pratique courante dans toutes les commissions qui siègent, autant à Ottawa qu'ici, ou qu'à Washington. Il est normal que vous ayez des ajouts à faire s'il y a des événements qui se déroulent entre le moment où vous rédigez un mémoire et le jour où vous vous présentez ici. Peut-être n'en étiez-vous pas informé, mais la norme veut que vous remettiez - un résumé peut-être suffirait -

au moins un nouveau document qui nous permettrait... Ce n'est pas le cas de votre présentation, parce que, au fond, elle ne présente pas de faits qui appelleraient des corrections éventuellement. Mais la pratique veut qu'on ait un résumé du nouvel ajout au mémoire déjà présenté. Maintenant, en avez-vous encore pour longtemps?

M. Berliner: Non. Pour encore dix minutes. Même pas dix minutes.

Le Président (M. Gagnon): Un instant.

M. Godin: Vous êtes dans le "homestretch".

M. Berliner: Oui, on y arrive.

M. Auf'der Maur: Et on espère que vous n'avez pas perdu vos atouts de journaliste de prendre des notes.

Une voix: Mais nous ne sommes pas des journalistes.

M. Auf'der Maur: Non, non, je sais.

M. Marx: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Nous sommes sur une question de règlement. M. le député de Gatineau m'a demandé la parole.

M. Gratton: Je ne sais trop comment interpréter cela. Je conviens avec le ministre que dans la mesure où c'est possible que nos invités devraient normalement nous fournir le texte de la déclaration qu'ils vont faire. Je ne pense pas que ce soit la pratique, même la pratique courante, d'exiger qu'on fournisse un résumé écrit des propos qu'on veut tenir devant une commission parlementaire. On pourrait, je pense - j'ai déjà vu cela se faire faire des présentations verbales à la condition que cela s'inscrive dans les 20 minutes prescrites par les règles de pratique pour la présentation des représentations. Il me semble qu'on doit avoir toute la latitude voulue. Vu que nos invités nous attendent depuis fort longtemps aujourd'hui, je pense bien qu'on pourrait les laisser terminer.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Question de règlement, M. le Président. Je veux seulement souligner qu'il y avait d'autres groupes qui étaient devant nous qui se sont écartés de leur mémoire écrit et le ministre n'a pas fait d'objection. Je vois mal qu'on fasse des objections maintenant pour le GAM et je propose qu'on leur permette de continuer.

Le Président (M. Gagnon): Effectivement, ce n'est pas le ministre qui a fait objection, c'est moi qui viens de soulever le point de règlement parce que j'ai eu l'occasion de citer l'article - je ne le trouve pas exactement, je crois que c'est... je le trouverai - où on demande normalement à ceux qui sont invités de remettre les mémoires à la commission parlementaire avec un résumé du mémoire, au moins sept jours avant la comparution. La pratique veut qu'on puisse faire des ajouts au mémoire immédiatement avant la présentation, pour autant que les membres de la commission en ont une copie. C'est dans ce sens-là que j'ai...

Une voix: On a des copies si vous les voulez.

M. Auf'der Maur: On pourra déposer des copies...

Le Président (M. Gagnon): Cela serait excellent. Cela règle le problème.

M. Auf'der Maur: Vous savez, une partie de notre mémoire a été rédigée hier parce que cela reflète des événements qui se font de jour...

Le Président (M. Gagnon): À ce moment-là, vous pouvez continuer; le problème est réglé. Ce sera plus facile à suivre pour...

M. Berliner: Je reprends mon dernier paragraphe où je disais qu'il y a un consensus actuellement parmi la grande majorité des représentants élus de la ville de Montréal, selon lequel il y a moyen de protéger la culture et la langue françaises tout en donnant à la communauté anglophone les outils nécessaires pour son existence. Parlons spécifiquement: aujourd'hui, il y a un consensus au sujet de la langue d'affichage, au sujet de la question de l'accès aux écoles anglaises, au sujet de la question des communications entre le gouvernement et ses citoyens.

Quand j'ai présenté mon avis de motion sur la loi 101 devant le conseil de la ville de Montréal, j'ai indiqué que la ville ne pouvait pas se permettre de rester à l'écart du débat sur la langue du Québec. Il fallait que les conseillers y participent parce que agir autrement serait une abdication de nos responsabilités en tant que représentants élus des Montréalais. Il y a actuellement un consensus au sein de la grande majorité des populations francophone et anglophone du Québec et un consensus parmi une grande majorité des représentants élus de la ville de Montréal. C'est à vous maintenant, en tant que représentants élus de la population du Québec, de tenir compte de ce consensus et

d'apporter les changements requis à la loi pour refléter ce consensus. Agir autrement serait une abdication de vos responsabilités en tant que représentants élus de tout le Québec. Montréal a, comme nous l'avons mentionné plus tôt, tous les attributs nécessaires pour devenir une ville réellement internationale. Nous pouvons atteindre ce but mais seulement quand et si les gens commencent à travailler ensemble, quand et si les gens abandonnent l'idée que c'est seulement en enlevant certains privilèges à un groupe qu'on peut renforcer l'autre. Nous sommes persuadés qu'il est possible de protéger et de renforcer les deux groupes linguistiques en même temps. Nous croyons que les Québécois croient que c'est possible. Merci.

M. Auf'der Maur: En terminant, M. le Président, j'aimerais ajouter qu'on endosse, en grande partie, la présentation faite par le maire de Montréal, M. Jean Drapeau. Une grande partie du problème à Montréal est un problème psychologique. C'est le fait que Montréal a toujours été une ville à caractère bilingue, où il y a une composante anglaise très importante et que Montréal a grandi et est devenue une métropole de presque 3 000 000 de personnes, car Montréal a été un centre de services qui a desservi tout le Canada et tout le continent nord-américain. On accepte, comme tout le monde, la prédominance de la langue française, mais on insiste pour qu'il soit reconnu que la langue anglaise a une place et est bienvenue au Québec. Si on veut reconstruire Montréal comme une grande métropole canadienne, il faut reconnaître que la présence de la langue anglaise à Montréal est un atout. Il semble que la loi, telle que rédigée actuellement, prétend que la langue anglaise est quelque chose qu'il faut éliminer à Montréal. Il faut reconnaître que la présence de la langue anglaise pourra aider à notre renaissance économique. J'espère que les prédictions du Conference Board seront bonnes. Même sans les changements à la loi 101, je souhaite une amélioration de notre situation économique, mais j'espère une reconnaissance et une attitude plus accueillante envers la langue anglaise.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: D'abord, je veux vous remercier, MM. Berliner, Auf'der Maur et Lebeau, de nous avoir fait part de vos perceptions et de vos opinions par rapport à la loi 101. Je veux vous remercier aussi de nous remettre la nouvelle version de votre mémoire. Il ne s'agit pas de harceler les gens qui viennent témoigner ici, mais tout simplement de faire en sorte que les travaux s'améliorent. On travaille beaucoup mieux quand on peut prendre des notes en marge du mémoire.

Cela étant dit, il y a un certain nombre de questions très précises que j'aimerais vous poser. M. Berliner, vous citez dans votre mémoire le cas de fonctionnaires de la ville de Montréal, à la page 2 du mémoire no 1: "Durant le débat sur le budget de la ville, le directeur du personnel nous a fait part de problèmes que la ville avait avec l'Office de la langue française." Je suis informé des faits suivants: la ville de Montréal voulait affecter cinq personnes de son personnel des affaires sociales à cinq postes pour lesquels la ville exigeait une connaissance d'une langue autre que le français. Je ne sais pas s'il s'agissait de l'anglais ou d'une autre langue, mais, comme vous le savez, Montréal est une ville multiethnique, donc cela peut être la connaissance d'une autre langue. Parmi ces cinq personnes, en six ans - M. Auf'der Maur, ce serait peut-être bon pour votre "column in The Gazette" - moins d'une personne par année a porté plainte à l'office, parce qu'on exigeait son déplacement d'un poste unilingue francophone à un autre poste à Montréal où on exigeait le bilinguisme, le français et une autre langue que j'ignore. Ces postes ont-ils été comblés par des personnes qui parlaient deux langues ou si, à votre connaissance, ces postes n'ont pas été comblés par des personnes qui parlaient deux langues?

M. Auf'der Maur: Cette question du personnel a été soulevée au moment de la discussion du budget de la ville de Montréal, alors que nous avions le directeur du personnel devant nous. Par hasard, vraiment, nous avons constaté qu'il y avait un problème entre la ville et l'Office de la langue française en ce qui concerne certains postes. J'ai demandé: Quel est le problème? On m'a expliqué le problème. J'ai demandé: Êtes-vous retournés à l'office? On ma dit: Oui, deux ou trois fois et on n'arrive pas a le convaincre de la nécessité d'avoir cette permission d'engager quelqu'un et de publier des annonces dans les journaux, à savoir qu'on a besoin de quelqu'un qui parle non seulement le français, mais une deuxième langue. C'est tout ce que je sais. Il y avait un problème. J'ai demandé: Qu'est-ce que vous avez fait? Et j'ai demandé une autre chose: Quand il y avait un problème avec l'office, avez-vous fait des représentations plus haut, c'est-à-dire ici, à Québec? On m'a dit non. Et c'est ce genre de chose qui a abouti, finalement, au dépôt de notre avis de motion au Conseil de ville de Montréal pour obliger chacun des conseillers à se prononcer sur la question de la loi, pour que la ville s'implique dans le dossier et qu'elle fasse des représentations ici à Québec. C'est pour cela qu'on est très fier du fait que cela a été adopté à l'unanimité et on est très heureux

de voir que le maire est venu. Comme mon collègue l'a dit, on endosse les positions qui ont été prises par le maire. (22 h 45)

M. Godin: Je suis informé que le conflit était entre la ville et cinq de ses employés et non pas entre la ville et l'office. Les cinq employés ont saisi l'office d'un problème et l'office est intervenu.

M. Berliner: J'ai demandé clairement quel était le problème et cela a été expliqué deux ou trois fois avec l'office.

M. Godin: Bon! Je vais tenter de voir clair là-dedans en interrogeant les deux autres parties, l'office et la ville de Montréal, pour voir quel est le fond de la question et voir à la régler.

M. Auf'der Maur: Mais le fond de la question, c'est que je pense que dans le passé, il n'y a rien eu à reprocher à la ville de Montréal en ce qui concerne la francisation des services à la ville de Montréal. La ville de Montréal a un bon dossier. C'est l'idée que vous n'avez pas confiance en la ville de Montréal, et que vous obligez la ville, quand elle veut remplir des postes bilingues, à le demander à un autre organisme gouvernemental. Cela crée de longues attentes. C'est l'idée de confiance. Je pense que l'administration publique ne doit pas être obligée de demander la permission à une autre agence gouvernementale. Car la preuve, c'est le passé de la ville de Montréal. Et dans le passé il n'y a rien eu de mauvais dans notre dossier; il n'y a pas de plaintes. En ce qui concerne les plaintes pour des services en anglais, comme conseiller, j'en reçois - je ne sais pas - une cinquantaine par an de la part de citoyens qui ne peuvent pas être servis en langue anglaise.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: Je pense que nous ne nous sommes pas compris. Je suis informé que ce sont des fonctionnaires de la ville de Montréal qui ont porté plainte à l'office, parce que l'office voulait les obliger à occuper des postes bilingues, alors qu'ils ne voulaient pas. Ils voulaient rester aux postes unilingues où ils étaient. Si la situation est telle que vous me la décrivez, je vais m'en informer et je vais tenter de résoudre ce problème, parce que j'estime que dans une ville comme Montréal, certains services devraient être donnés au citoyen dans la langue du citoyen. D'ailleurs, le principe est reconnu par le gouvernement que la langue de la personne qui s'adresse à un fonctionnaire de l'administration doit être la langue qui est utilisée.

M. Berliner: Je voudrais seulement ajouter une chose.

M. Godin: Oui.

M. Berliner: Si je me souviens bien, dans le mémoire qui a été déposé par le maire Drapeau, celui-ci a soulevé le fait que généralement la ville a des difficultés avec l'office et qu'elle exige d'avoir une flexibilité en ce qui concerne l'engagement des gens. Je vous réfère à son mémoire.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: D'accord. Mais quand vous mentionnez ce point-là précisément, je tenais à vous poser des questions précises là-dessus. D'autre part, M. Lebeau, vous citez la nécessité pour le Québec et Montréal de prendre le virage technologique. Je vous rappellerai que c'est notre gouvernement qui a créé le ministère de la Science et de la Technologie. Vous avez vu dans les journaux récemment que Comterm vient d'acheter Bytec, qui s'est portée acquéreur de Hyperion, aux États-Unis, de sorte qu'on peut dire qu'un seul exemple illustre la vitalité de Montréal dans ce secteur, et nous l'accélérerons. Il est possible que vous n'ayez pas le tableau complet de l'activité et du dynamisme de Montréal dans ce secteur, mais c'est extrêmement impressionnant.

Il est sûr qu'à la ville d'Ottawa, que vous citez en exemple, il y a effectivement un grand nombre d'entreprises de ce secteur qui ont été implantées, mais je dois dire que la ville d'Ottawa n'est pas un lieu naturel d'implantation de Silicone Valley No. 2, comme on l'appelle à Ottawa. C'est grâce à des politiques déterminées du gouvernement fédéral qui veut faire d'Ottawa une ville et non plus une bourgade; une ville avec une population importante en nombre. C'est à la suite de politiques fédérales que la ville d'Ottawa est devenue cette capitale canadienne de développement technologique, mais ce n'est pas un mouvement naturel. C'est un mouvement - et pourquoi pas - qui a réussi grâce à des politiques d'investissements privés et publics, mais largement publics dans la plupart des cas. Qu'on pense à l'échec de cette usine d'ordinateurs qui a coûté, je pense, 200 000 000 $. Je crois que M. Auf'der Maur avait écrit un article dans son journal à ce sujet à l'époque. Il y a eu des tentatives très nettes du gouvernement fédéral d'investir largement des fonds publics dans cette Silicone Valley No. 2. Je ne dis pas que c'est un mauvais exemple. Au contraire, il faudrait utiliser les mêmes politiques; nous tentons de le faire et nous l'avons réussi dans certains secteurs.

Maintenant, vous citez dans votre mémoire un certain nombre de chiffres sur

une période de cinq ans qui font état des départs du Québec vers d'autres parties du Canada. Vu l'importance que cette question a prise au Québec, j'ai fait procéder à des recherches approfondies. Je vous citerai des chiffres qui datent de 20 ans, soit de 1962 à 1980, sur ce qui s'est passé au Québec et dans d'autres régions du Canada par rapport à ces déplacements de population, ce que nous appelons au Canada "mobility" et que nous appelons au Québec "exodus". On constatera que "there are more English Canadians who are mobile in the English provinces of Canada than Anglo or Franco-Quebeckers who are, let us say, inclined to take part in an exodus. By that, I mean that the mobility factor has been much more important in numbers than the exodus factors from Québec...

Vous aurez la parole, M. Auf'der Maur, n'ayez aucune crainte.

Je vous donnerai les chiffres. Depuis 1963, les gens quittent le Québec, comme d'ailleurs le Manitoba, comme d'autres provinces. Je vous donnerai plutôt des taux par mille et non pas des chiffres absolus, c'est-à-dire des taux de départ par mille personnes pour des années significatives. L'année la plus douloureuse a été l'année 1970: 12,3 personnes sur 1000 ont quitté le Québec. En 1969, l'année précédente: 11,3 personnes sur 1000. L'autre année douloureuse, c'est 1977: 11,5 personnes sur 1000. La quatrième en importance, c'est l'année 1971: 10,6 sur 1000. La cinquième en importance, 1966: 10,5 sur 1000. Il y donc un mouvement qui est ancien. Je ne dis pas que c'est un mouvement qui est bon pour l'économie du Québec. Au contraire, je pense que c'est très mauvais, mais c'est en 1948 que la Bourse de Toronto a dépassé la Bourse de Montréal; cela, vous le savez très bien. D'autre part, d'autres renseignements datent du recensement de 1981. Je pense qu'il est important de citer ces chiffres parce qu'ils placent ce soi-disant exode dans une perspective plus juste.

Dans la période péquiste, de 1976 à 1981, 328 640 personnes ont quitté l'Ontario; durant la même période péquiste, 203 000 ont quitté le Québec. Il y en a donc plus qui ont quitté l'Ontario que le Québec avec, en proportion, à peu près le même per capita. Il n'y avait pas de loi 101 en Ontario.

Dans la période des cinq années précédentes, de 1971 à 1976, l'Ontario, encore une fois, a perdu plus de citoyens que le Québec. On appelle cela de la mobilité, en Ontario. Ici, on dit que c'est un exode.

En 1981, 400 000 personnes ont changé de province au Canada. De ce nombre, 51 000 sont du Québec, soit 11% du total, alors que la population est de 26%. En 1981, la perte nette de l'Ontario a été, pour la première fois depuis fort longtemps, plus élevée qu'au Québec. L'Ontario a perdu 33 000 personnes, le Québec, 23 000 personnes. L'Alberta a perdu 81 000 personnes. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a des facteurs économiques qui jouent. Voilà deux provinces, l'Alberta et l'Ontario, de même que la Colombie britannique, qui est une province qui a perdu plus de citoyens que le Québec aussi, voilà donc trois provinces canadiennes anglaises où la perte a été plus lourde que pour le Québec. Il y a donc des facteurs économiques qui jouent.

Tenter de dire que c'est le facteur linguistique qui jouerait un rôle déterminant dans les départs du Québec, je pense que c'est rendre un mauvais service à l'objectif de la loi 101 que vous endossez et qui est de faire du français la langue la plus utilisée au Québec. Je tenais à vous donner ces chiffres parce qu'on entend dire toutes sortes de choses.

Une autre étude démontre que depuis plus de dix ans le marché du travail du Québec est plus dynamique qu'en Ontario, une étude de Statistique Canada, malgré la loi 101 et la loi 22, d'ailleurs, qui, soi-disant aussi, à l'époque, aurait entraîné des effets négatifs. La loi 101, le caractère français du Québec n'est pas, comme le disait M. Auf'der Maur tout à l'heure, en parlant de l'anglais, la francisation du Québec n'est pas un facteur négatif mais un facteur positif à la condition que nous le présentions comme tel et que nous constations que ses effets sont positifs.

Il est sûr que sur une période de six ans la loi 101 a eu des effets mais il est sûr que sur une période de 20 ans ses effets deviendront positifs, j'en suis profondément convaincu. Les études du Conference Board semblent l'indiquer et je m'en réjouis. Nous verrons les résultats dans 18 mois, dans deux ans.

En terminant, je tiens à vous remercier de nous avoir fait part de vos suggestions. Avant de vous remettre la parole, je vous assure qu'un certain nombre de vos suggestions trouveront ici une oreille plus que sympathique et je m'enquerrai, comme je vous l'ai dit un peu plus tôt, auprès de la ville de Montréal et de l'office de solutions aux problèmes qui nous ont été présentés dans votre mémoire, M. Berliner, sur la question des postes bilingues à être comblés à Montréal.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. Lebeau.

M. Lebeau: Je voudrais répondre à M. le ministre sur la question d'Ottawa. On en a parlé un peu. Un autre élément qui fait qu'Ottawa a su développer un Sillicone Valley, c'est la deuxième guerre mondiale qui a vu une concentration assez grande d'industries. On ne parlait pas de haute

technologie à l'époque, il n'était pas question d'informatique, mais néanmoins une technologie de pointe, une technologie assez avancée pour l'époque, la deuxième guerre mondiale. Quand la guerre a été finie, certaines entreprises sont parties, d'autres se sont recyclées dans d'autres secteurs de l'économie. Une chose est certaine, il en est resté quelque chose au Canada. Il en est resté un "know-how", une main-d'oeuvre spécialisée et semi-spécialisée qu'on a pu par la suite exploiter, et on est allé vers les secteurs dits de haute technologie.

Je ne veux pas faire de débat entre Ottawa et Montréal, mais c'est un exemple qui illustre que ce dont on a besoin, premièrement, pour aller vers les industries à haute technologie, pour prendre le tournant technologique, ce ne sont pas des ressources minières, ce n'est pas de l'équipement, c'est de la matière grise, des ressources humaines. Je me félicite des efforts du gouvernement québécois pour faire de Montréal une ville à haute concentration en industries à haute technologie. Si on envisage l'avenir, parce que c'est de cela dont il est question ici, il est important de mettre tous les atouts dans notre jeu pour attirer chez nous cette expertise et ces ressources humaines pour créer des emplois.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Auf'der Maur.

M. Auf'der Maur: Justement sur ce point, M. le ministre, vous avez raison de dire que la croissance de la haute technologie dans la région d'Ottawa n'est pas dans un endroit naturel, mais on aurait pu l'assumer. C'est une politique fédérale qu'on ne voulait pas voir le gouvernement du Québec appuyer... C'est dans le sens de rendre la région d'Ottawa plus attrayante par rapport à Montréal, en ajoutant des irritants. Peut-être que quelques-unes de ces compagnies auraient pu s'installer dans un endroit plus naturel, c'est-à-dire à Montréal si on avait eu des politiques plus attrayantes.

Vous avez raison concernant la mobilité. Toute l'Amérique du Nord, c'est une société très mobile. J'en suis très conscient à cause du district que je représente, car il y a beaucoup de sièges sociaux de compagnies qui administrent des affaires sur le continent ou font des affaires partout au Canada et aux États-Unis. Si vous visitez ces compagnies, soit à Montréal, à New York, à Toronto ou à Vancouver, vous découvrirez... Si vous visitez les bureaux de ces compagnies, demandez aux gens d'où ils viennent et une grande partie de ces gens, ces gérants, ne viennent pas de la ville où la compagnie est installée. Ce sont des compagnies qui ont besoin de recruter à une échelle internationale. Elles ne peuvent pas baser leur politique de recrutement simplement dans un bassin de population très restreint. La mobilité est très importante et Montréal concurrence, mais pas avec Paris. Montréal est en concurrence avec Boston et d'autres villes, et il faut faciliter la mobilité à ces compagnies et faciliter la mobilité, cela veut dire dans la langue d'enseignement et également dans la langue de travail des compagnies qui, pour la plupart, font affaires à l'extérieur du Québec. Il faut garder ces compagnies, ne pas les inciter à quitter Montréal et il faut aussi essayer d'attirer de nouvelles compagnies. Vous avez raison en ce qui a trait aux départs vers les autres provinces, mais ce qui importe, ce ne sont pas seulement les départs, mais aussi les arrivées. (23 heures)

You know, just from my own personal experience, you travel around and you find increasingly... Mr. Berliner's family came here in 1948; they spent the war in a concentration camp, partially in Auschwitz, and they came to Montreal. My family came from Switzerland, I grew up in Montreal and it seemed to me then that I grew up in a city that people came to. Now, when I travel around, I meet Montrealers everywhere; it is now becoming a city that people came from instead of a city that we come to.

It is important that Montreal become again a city that people can come to. You are the Immigration Minister and I assume that you appreciate that. We must make Montreal a natural place to come to again, with less restrictive policies.

Vous avez raison quand vous dites qu'il y a eu des départs avant l'arrivée au pouvoir de votre gouvernement. Nous n'avons pas blâmé la loi 101 pour tous nos problèmes, loin de là, mais c'est le sujet de cette commission. Si cette commission s'étendait plus sur les problèmes de Montréal, nous aurions pu ajouter plusieurs autres facteurs. Parmi ces facteurs, il n'y a pas simplement la prise du pouvoir par le PQ, mais il y a l'agitation sociale qu'on a vécue au cours des années soixante-dix, agitation sociale à laquelle nous avons participé, vous et moi.

Le Président (M. Gagnon): M. Berliner.

M. Berliner: I would just like to add a few words. Mr. Godin, you mentioned that it was a federal policy that helped to make a high technological center out of Ottawa. I would like to say that that may be so but I think that it is a federal policy as well that is going to make the biotechnological center of Canada in Montreal. But what we are concerned about is that the Federal Government may take a positive approach towards Montreal on the one hand, but that positive approach may be negated by measures taken by this Government,

particularly with regards to access to English schools, in our ability to attract the scientists that we need in order to run that biotechnological center. That is one example.

With regards to your statistics, I find it interesting that before, you were complaining that we had not submitted all our information in advance and now, you are asking us to deal with statistics that we are hearing for the first time, etc.

That aside, I think that, as my...

M. Godin: I will give you copies of them.

M. Berliner: Thank you. That aside, I think that my colleague has mentioned that it seems that you are not taking into account what we mentioned in our brief before and that is, that there has always been a certain amount of movement out of Québec in terms of jobs, education, etc., from the anglophone community. There has also always been a certain amount of influx. Today, we still have the movement going out, but we do not have... "La contrepartie n'existe pas". That is why we have a problem. I think that is the part you are not taking into account in your statistics.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, en vous demandant de...

M. Godin: Very briefly, a last remark as far as I am concerned. I just received the figures from the Federal and Provincial Immigration Departments for the last six months. Investor immigrants who came to Canada: Ontario, 61; Québec, 51. That is for the last six-month period.

M. Ciaccia: ...

M. Godin: I am coming to that, Mr. Ciaccia. The investments last year: 60 000 000 $ were invested, contributing to the movement of "650 000 000 $ d'activités produites par cet investissement de 60 000 000 $. Depuis huit ans, 500 000 000 $ ont été investis par "these newcomers that you are talking about, Mr. Berliner. The average is between 30 000 000 $ and 100 000 000 $ a year. Last year, it was 60 000 000 $, but over a period of seven or eight years, 500 000 000 $ have been invested by newcomers who have chosen Québec for what it is, as is.

M. Berliner: Tant mieux!

M. Godin: Next year, we will spend much more money to recruit newcomers and I am sure that, on a period of time, we will be in a very good position in Québec. Je pense que nous allons tenter d'améliorer trois aspects de la loi qui touchent les sièges sociaux, qui touchent les centres de recherche et qui touchent les exemptions de six ans qui sont accordées à des chercheurs pour le domaine scolaire. Je tiens à vous dire, par ailleurs, qu'un grand nombre de ces savants et de ces chercheurs que nous recrutons tiennent à envoyer leurs enfants à l'école française. It is not a punishment to send your children to the French school.

M. Auf'der Maur: I know it very well, you know that.

M. Godin: Yes, I know you know. And a very recent example is the new director of the Montreal Museum of Fine Arts, Mr. Gaudieri from Savannah, Georgia. He fought with the Federal Government to get into Québec and we had to fight with Mr. Lloyd Axworthy to get him in. He is sending his children to the French school system and he is very proud of that. Thank you so much.

M. Auf'der Maur: Good for him.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Laurier.

M. Sirros: Merci, M. le Président. Well now, I know that you know that he knows. Mais j'aimerais peut-être d'abord commencer en saluant les deux conseillers municipaux du GAM, les remercier pour leur présence et peut-être, avant d'aborder comme tel le mémoire qui nous a été présenté, que j'aimerais simplement faire quelques brefs commentaires.

Il arrive assez souvent qu'on entende des chiffres lancés à gauche et à droite par le ministre, qui a probablement pris l'habitude de son prédécesseur, le responsable de la loi 101. Cette loi a peut-être été adoptée parce que le ministre de l'Éducation est, lui aussi, très habile à présenter continuellement des chiffres. J'aimerais simplement dire que c'est beau de dire qu'il y a eu 60 000 000 $ d'investissements par des immigrants investisseurs, etc., mais je pense que la question fondamentale qu'on se pose, quand on parle de l'économie de Montréal et du Québec, de ses impacts, etc., est la suivante: Qu'est-ce que cela aurait pu être si le climat avait été différent et meilleur? Je pense qu'on ne peut pas chiffrer les montants qui ne sont pas venus. C'est un peu une tactique habile de lancer des chiffres, mais je vous demanderais si possible de nous chiffrer ce qu'on a manqué depuis des années, depuis qu'on se plaint que la situation économique se détériore. En ce qui concerne, encore une fois, les chiffres - et je pense que cela a été soulevé une couple de fois - l'exode comme tel, je pense que, dans le mémoire qui nous a été présenté, les 141 000 Québécois qui sont partis, c'est un

chiffre net. Le ministre a, encore une fois, lancé des chiffres comme 300 000 personnes qui ont quitté l'Ontario, mais il n'a pas mentionné le nombre de gens qui sont entrés en Ontario. Combien?

M. Gratton: 250 570... M. Sirros: 250 570.

M. Gratton: ...pour une migration nette de 78 070, ce qui est à peu près la moitié de celle du Québec.

M. Sirros: Ah! Il y a probablement, je ne dirai pas une "cooked figure", comme le dit mon collègue de D'Arcy McGee...

Le Président (M. Gagnon): Vous avez toujours...

M. Sirros: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Sirros: ...j'aimerais simplement faire cette mise au point, dans le sens que ceux qui nous écoutent et qui entendent ces chiffres pourraient se dire que c'est magnifique. Mais en gardant à l'esprit le fait qu'il y a des chiffres qu'on ne peut pas avancer, parce qu'on a manqué un paquet de choses, je pense qu'on a peut-être, à ce moment-là, une image plus réaliste de la situation.

Quant au mémoire qui a été présenté, vous avez parié une couple de fois de la question de l'entrée dans les écoles anglophones, mais vous n'avez pas précisé -et j'aimerais que vous le fassiez pour les fins de la discussion - ce que vous préconisez. Parlez-vous de la clause Canada? Parlez-vous d'une clause universelle? Parlez-vous d'assouplissements aux exceptions pour les gens qui viennent? Quoi, au juste?

M. Berliner: D'accord. On est pour la clause universelle. Comme je l'ai mentionné, il y a toujours cet exode d'un certain nombre de gens. Par contre, on n'a pas actuellement la contrepartie. Je crois que la contrepartie est importante, premièrement, pour l'existence ou la continuation de la survivance de la communauté anglophone. Deuxièmement, je crois que cette clause universelle serait importante du point de vue économique, c'est-à-dire pour attirer des chercheurs, des techniciens et des hommes d'affaires d'un peu partout, pas seulement des autres provinces, mais aussi de l'Amérique, des États-Unis et de l'Angleterre, de là où les gens viennent, des pays anglophones. Nous croyons que cela devrait être la clause universelle. Une troisième chose que je peux invoquer, c'est le rapport de M. Henripin qui a démontré que, même avec une clause universelle, la population de l'école anglaise sera à peine de 10% du total en l'an 2000. Cela ne peut représenter un danger pour la population; cela ne va pas créer une "ballance" dans la société.

Il y a aussi d'autres aspects de la loi, en ce qui concerne l'accès aux écoles anglaises actuellement, qui posent des problèmes, qui soulèvent des exemples tout à fait imbéciles. Je pourrais passer la parole à mon collègue, M. Auf'der Maur, là-dessus.

M. Auf'der Maur: En somme, c'est une lettre ouverte que j'ai déjà écrite au ministre. Il n'y a pas que des irritants dans la loi 101, il y a aussi des absurdités. J'ai cité, par exemple, le cas d'un journaliste que vous connaissez sans doute, M. Inwood. Ses parents, qui étaient progressistes, parce qu'ils comprenaient la réalité du Québec, ont décidé d'envoyer notre ami à l'école primaire mi-française, mi-anglaise. À cause du fait que ses parents étaient progressistes, lui, aujourd'hui, n'a pas le droit d'envoyer ses enfants à l'école anglaise, parce qu'il n'a pas terminé toutes ses études en anglais ici, au Québec. Ses enfants sont punis, ils perdent leurs droits parce que leurs grands-parents étaient progressistes et réceptifs envers le Québec. C'est une absurdité. J'imagine que le législateur qui a pensé la loi 101 ne voulait pas punir ainsi des gens. Il y a d'autres exemples que je pourrais citer.

Quant à l'affichage, je citerai l'exemple d'un homme d'affaires de mon district, un Canadien français, un Québécois qui a décidé de lancer une compagnie tout en faisant concurrence à une compagnie américaine de Montréal. La compagnie américaine s'appelle Chemlawn; "chem", comme chimique, "lawn" comme pelouse. C'est un nom enregistré. Cette compagnie entretient les pelouses des compagnies et surtout des résidences. Ce Québécois a lancé une compagnie qui s'appelle Pelouses Québec Lawn. Il a acheté de gros camions sur lesquels on peut lire, en petites lettres, "Pelouses", en grosses lettres "Québec" et en petites lettres "Lawn", à côté, pour faire de la publicité quand ses camions se trouvent surtout dans le West Island. Il a été visité par les inspecteurs de la Commission de surveillance de la langue française et on lui a demandé d'enlever le mot "lawn" de ses camions. Lui, c'est un bonhomme qui commence une entreprise, il fait de la concurrence à une compagnie américaine qui peut inscrire "lawn" en grosses lettres sur ses camions. Lui, le Québécois, ne le peut pas. C'est une absurdité. Il continue de défier la loi maintenant, mais ce n'est pas parce qu'il le veut, ses sentiments sont québécois, entièrement. Il n'est pas contre la francisation au Québec, pas du tout, il parle mieux le français que l'anglais. Lui enlever

une chance de faire la concurrence à une compagnie américaine, c'est absurde. Il y a beaucoup de petits détails comme cela qui, j'en suis sûr, n'étaient pas le but original de la loi 101. Il faut enlever ces absurdités qui, je l'espère, n'étaient pas dans les intentions du législateur originalement. (23 h 15)

En terminant, je veux souligner un fait. On parle surtout d'économie, parce que nous sommes des élus municipaux, mais il n'y a pas que les problèmes économiques qui nous agacent. Quand j'ai commencé en politique, au début des années soixante - j'étais un jeune anglophone, mais j'étais catholique - je me rappelle avoir lu une phrase de l'abbé Lionel Groulx qui exprimait beaucoup le sentiment de survivance du Canada français. C'est une citation qui m'a beaucoup inspiré. J'ai oeuvré pour la francisation du Québec au cours des années soixante, j'ai milité avec des groupes qui visaient ce but. Les premières manifestations auxquelles j'ai participé demandaient les services et les menus bilingues dans le centre de la ville de Montréal. Je veux toujours que ces choses soient bilingues, mais, à l'époque, il n'y avait pas de français et j'ai milité pour cela. Lionel Groulx écrivait que ce n'est pas une question - en parlant du Canada français -de savoir si nous serons riches ou pauvres, grands ou petits, c'est une question de savoir si nous serons, point.

C'est la même question que je me pose aujourd'hui comme membre de la communauté anglophone de Montréal. C'est une question de savoir si nous serons. Nous voulons avoir une assurance. Le problème de la survivance, le Canada français l'a vécu depuis la conquête. Maintenant, c'est à notre tour d'être agacés par ce problème et nous voulons une assurance qu'à Montréal il y aura toujours une présence anglophone.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Laurier.

M. Sirros: Une couple d'autres questions, M. le Président. Tout à l'heure, nous avons touché les services de la ville de Montréal et les difficultés qu'avait la ville par rapport aux services bilingues ou l'affichage des postes bilingues.

Comme parti de l'Opposition, vous dites dans votre mémoire que vous desservez surtout des quartiers anglophones à l'heure actuelle. Avez-vous une idée de la situation linguistique du point de vue des services de la ville aux citoyens comme tels, en termes de loisirs, d'aide sociale, etc.? Est-ce un domaine qui suscite des réactions de la part des citoyens? Dans ces quartiers, est-ce une situation qui crée l'impression que la ville ne les représente pas? Pouvez-vous donner des exemples, si vous en avez?

M. Berliner: Je pourrais dire que mon quartier est peut-être le quartier qui a le pourcentage le plus élevé de la ville des gens de l'âge d'or, anglophones, qui ne parlent pas français et qui souvent sont des immigrants, des gens qui sont venus de l'extérieur du pays. En marchant dans les rues, en passant du temps dans les parcs, en regardant les arénas, en allant à la bibliothèque qui a été construite dans notre quartier tout récemment... Là, c'est indiqué, devant l'immeuble, "bibliothèque" seulement. Peut-on se sentir accueilli dans un immeuble comme cela, quand c'est indiqué seulement "bibliothèque"? Elle a été construite dans un quartier où habitent des anglophones et des francophones, alors il faudrait quand même qu'il y ait un signe de bienvenue à l'extérieur des murs indiquant que les anglophones sont aussi bienvenus dans cet immeuble. Voici une exemple concret de ce qui se passe.

M. Sirros: Comme dernière question, M. le Président, j'aimerais peut-être ouvrir un débat un peu plus général, si vous voulez. Le maire de Montréal, quand il est venu ici il y a quelques jours, nous a présenté sa conception de Montréal et, si ma mémoire est bonne, il parlait de Montréal comme d'une ville internationale francophone. Le ministre, lui, a répliqué en quelque sorte en qualifiant Montréal de métropole francophone d'Amérique. Pour moi, il y a là deux notions très différentes de la perception qu'on a de Montréal et de la place que Montréal a au sein du Québec, du Canada, de l'Amérique du Nord, etc. M. Auf'der Maur - qui êtes un Montréalais passionné, comme je vous connais - auriez-vous un point de vue sur cela?

M. Auf'der Maur: La définition de ville internationale que le maire a évoquée n'est pas une définition exclusive, dans le sens que cette définition peut aussi inclure la définition de M. Godin. Métropole francophone d'Amérique, c'est inclus - M. Drapeau le sait très bien - dans sa définition de ville internationale. Montréal va rester la métropole francophone d'Amérique, mais elle peut le rester sans y exclure la langue anglaise et sans devenir un grand centre international. Il n'y a pas d'exclusivité et je ne comprends pas pourquoi il semble avoir la drôle d'idée que la présence de la langue anglaise, qui est une langue internationale -pas simplement la langue de Montréal, mais une langue internationale - va nuire aussi à la vocation de Montréal comme métropole francophone d'Amérique. D'après moi, il n'y a pas de problème de coexistence des deux nations de Montréal, mais le fait de réprimer l'anglais comme tel, pas simplement réprimer l'anglais, mais aussi traiter la langue anglaise comme un folklore à Montréal, d'essayer de folkloriser la langue anglaise en la traitant

sur un pied d'égalité avec les 22 autres langues parlées à Montréal, est ridicule. C'est une insulte à l'histoire de Montréal et aux gens qui ont bâti Montréal. Il faut reconnaître qu'il y a surtout deux langues à Montréal, pas 28 langues.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Laurier. Avant de laisser la parole au député de Groulx, je voudrais lancer un chiffre qui ne sera contesté par personne, j'en suis persuadé. Il est 23 heures 22 minutes. M. le député de Groulx.

M. Fallu: M. le Président, le GAM, en notre présence, soulève un certain nombre de débats. Étant donné l'heure, on va les restreindre.

M. le conseiller Lebeau nous a présenté tout à l'heure un tableau dont on ne peut nullement contester la valeur puisqu'il est malheureusement réel, à savoir la déperdition proportionnelle de Montréal en valeur de production manufacturière par rapport au Canada. Vous le présentez dans le cadre d'une commission parlementaire relative à la Charte de la langue française et vous terminez - j'ai pris la peine de noter exactement vos propos - en suggérant qu'il faut lever les contraintes linguistiques et notamment adopter la clause Canada. Il me semble qu'il y a là un raisonnement qui est un peu court, parce qu'à Montréal, il n'y a pas seulement les problèmes de langue qui ont pu influer dans le domaine de la production manufacturière.

Montréal a perdu, dans les 20 dernières années, tout près de 15% de sa population au profit des banlieues, proches ou lointaines. On connaît la vétusté du tissu urbain de Montréal - et je sais que vous ne le contesterez pas vous non plus - l'absence d'aménagement urbain - l'aménagement urbain commence à Montréal, hélas - le déclin du port de Montréal, la déstructuration du transport aérien à Montréal, l'absence d'infrastructures industrielles pendant très longtemps, l'absence de mécanismes institutionnels de valorisation d'entreprises manufacturières. Vous n'aviez pas ce que la plupart des gros villages dans tout le Québec avaient, un commissaire industriel. Il fut un temps encore récent - et je dois vous faire un aveu public ce soir -où nous allions, nous, de la rive nord, voler systématiquement les industries manufacturières de Montréal. Vous vouliez des sièges sociaux. Pendant ce temps, nous allions chercher vos manufactures de talons de bottine que certains ne voulaient pas voir à Montréal à cause de la vétusté, de l'odeur ou de ne je ne sais trop quoi, par rapport à des règlements municipaux. Il n'y avait personne pour voir à la relocalisation de ces usines. Montréal avait fait des choix, depuis 20 ans, l'exposition internationale et les

Olympiques, par rapport à des infrastructures industrielles.

Je pense qu'il faut tenir compte des données et cela, très faiblement, parce qu'il y aurait un long débat sur le développement de l'industrie manufacturière à Montréal et sa chute vertigineuse, mais je ne voudrais surtout pas qu'on sorte de cette commission parlementaire ce soir avec l'impression que cette chute vertigineuse relative par rapport au Canada est due essentiellement au débat linguistique. Vous êtes bien d'accord avec...

M. Lebeau: Oui. Je peux répondre à cette question?

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Lebeau: Premièrement, je remercie les membres de la commission de m'avoir donné une promotion depuis ce matin. Je ne suis pas conseiller municipal. Je suis président du parti. Il y a une erreur sur la feuille. Merci quand même. Pardon?

Une voix: ...

M. Lebeau: Oui, oui. En fait, je n'ai pas voulu établir de relation de cause à effet entre le déclin économique de l'industrie manufacturière à Montréal et la question de la langue. C'est clair que la loi 101 n'était pas là, il y a dix ou quinze ans. Ce que j'ai voulu signifier, c'est que c'est un fait que Montréal décline sur le plan économique. Regardez les chiffres. Regardez aussi la population; on a retapé les 1 000 000 avec l'annexion de Pointe-aux-Trembles, mais, l'an dernier, on était descendu pour la première fois depuis 20 ans en bas de 1 000 000. C'est un indice d'un déclin économique. Je ne veux pas que le public et que les membres de la commission partent avec l'impression que le GAM estime que cela est dû uniquement à la politique linguistique. Là n'est pas l'idée. Mais si on veut revitaliser Montréal sur le plan économique dans l'avenir, parce qu'on parle de l'avenir, il est important de mettre tous les atouts de notre côté pour attirer l'expertise, la main-d'oeuvre spécialisée. Qu'elle soit autochtone ou qu'elle vienne d'ailleurs, l'important, c'est d'avoir la matière grise pour réaliser nos objectifs sur le plan économique.

La haute technologie est un secteur qui, contrairement à plusieurs appréhensions, n'est pas uniquement bénéfique à des gens qui ont des diplômes longs comme ça. Il y a 25% des gens qui travaillent dans les entreprises à haute technologie qui ne sont pas spécialisés du tout ou qui sont semi-spécialisés; donc, cela profite à tout le monde.

Une autre point. Quand le Groupe d'action municipale parle de l'industrie à

haute technologie, il n'est pas contre la revitalisation, loin de là, des entreprises traditionnelles. Vous parliez de la chaussure, vous parliez du textile; c'est vrai qu'il s'est passé des choses à Montréal. Ces entreprises ont quitté et on n'a pas su les remplacer. C'est aussi une lacune à laquelle il faudra voir. Ce n'est pas parce qu'on s'occupe du domaine de la haute technologie qu'on doive nécessairement délaisser les entreprises traditionnelles comme la chaussure, la bonneterie et le textile parce que ce sont là des secteurs qui emploient quand même une très grande partie de la population. Si jamais le gouvernement du Québec convoque une commission parlementaire sur la revitalisation de ces entreprises, il nous fera plaisir de revenir vous soumettre un mémoire sur ce secteur particulier.

Je ne voudrais pas que vous restiez avec de fausses impressions: premièrement, qu'on attribue à la langue le déclin économique, ce n'est pas vrai; deuxièmement, qu'on est uniquement centré sur les industries dites de haute technologie; on peut mâcher de la gomme et marcher en même temps.

M. Fallu: Une question, et je vous préviens que c'est une question piège. La ville de Montréal, pour desservir 30% d'une population anglophone, a 100% de ses pompiers bilingues; c'est ce qu'on appelle le bilinguisme individuel. Or, dans les hôpitaux de Montréal, où la clientèle est à 50% francophone, la communauté anglophone demande le bilinguisme institutionnel. Lequel des deux faut-il choisir?

M. Auf'der Maur: Je n'ai pas compris le sens de la question.

M. Fallu: Vous vous êtes plaints que Montréal avait de la difficulté à servir ses concitoyens anglophones. Or, on sait que 100% des pompiers doivent être bilingues à Montréal au cas, nous a dit M. le maire, où ils devraient avertir quelqu'un de ne pas sauter par une fenêtre parce qu'on arrive à son secours. Bon, parfait, pour une clientèle de 30% d'anglophones. C'est ce qu'on appelle le bilinguisme individuel.

Mais, en contrepartie, dans Montréal, il existe des hôpitaux, des services sociaux, reconnus en vertu de l'article 113f comme anglophones, qui accueillent à 50%, et même au-delà, des francophones. Ces institutions, à Montréal, réclament le bilinguisme institutionnel, c'est-à-dire non pas que les infirmières et les préposés aux patients parlent personnellement le français et l'anglais, mais que quelques-unes puissent être disponibles en tout temps pour s'exprimer en français. N'y a-t-il pas une ambiguïté là-dedans?

M. Auf'der Maur: Non, il n'y a pas d'ambiguïté. La comparaison que vous faites du pompier qui peut rencontrer n'importe qui n'importe quand n'est pas tout à fait adéquate par rapport à une infirmière qui est affectée à une chambre. Il est possible que des infirmières unilingues anglaises ne soient pas affectées à des chambres de malades francophones. Je trouve que c'est une drôle de comparaison, les pompiers et les infirmières. Je comprends le sens, mais...

M. Fallu: II est plus rare qu'un pompier rencontre une personne unilingue anglaise qu'une infirmière rencontre une personne unilingue française. Il y a, dans les demandes venant de Montréal, de ces contradictions qui me paraissent presque absolues par rapport aux amendements demandés à la Charte de la langue française. C'est ce que je voulais souligner.

Le Président (M. Gagnon): Merci, messieurs. Merci, M. le député de Groulx. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Je serai très bref.

Le Président (M. Gagnon): Je vous accorde 20 secondes. (23 h 30)

M. Laplante: D'accord. J'ai eu l'honneur de rencontrer la Chambre de commerce de Montréal dans une réunion informelle. On a beaucoup parlé de la fierté de Montréal. On a aussi beaucoup parlé de ce qu'on appelle les irritants, au point de vue économique, amenés par la loi 101. La Chambre de commerce de Montréal a aussi avoué que trop de publicité a été faite sous toutes les formes et a été véhiculée en dehors du Québec, en dehors du Canada et aux États-Unis, sur les contraintes que la loi 101 a apportées.

Actuellement, il y a une grande campagne entreprise sur la fierté de Montréal. Vous êtes des gens responsables dans une ville, quelle que soit la position que vous pouvez détenir à l'hôtel de ville de Montréal, mais croyez-vous que, pour la bonne renommée de Montréal, pour lui donner cette fierté, pour lui donner cet aspect économique qu'on veut conserver ou qu'on veut développer à l'avenir, il n'est pas temps aujourd'hui de dire ce qui est positif au Québec et aussi de dire ce qui est positif pour la ville de Montréal, et d'arrêter de se chicaner sur ces choses? Par exemple, exporter nos divergences de vues sur la langue. Et aussi demander à nos journaux anglophones d'être plus objectifs sur la population du Québec et sur le fait français du Québec. Je pense que, tous ensemble, nous aurions économiquement à y gagner, parce que, au début, lorsque vous avez présenté votre mémoire, c'était pas mal noir,

mais, en se parlant depuis que vous avez présenté votre mémoire, c'est beau, la façon dont nous avons échangé. Vous avez changé d'idée. Maintenant, l'économie, ce n'est plus la loi 101, nous avons trouvé autre chose. Nous avons donné l'exemple d'Ottawa qui donne 55% des budgets de la recherche à l'Ontario, alors que le Québec n'a que 17%. Nous avons pu établir certains problèmes qui n'étaient pas causés par la loi 101.

Comme administrateurs publics, tous ensemble, n'y aurait-il pas possibilité de nous épauler et de dire: La loi 101, c'est un fait, c'est une minorité francophone qui est dans une majorité anglophone au Canada. Il faut vivre avec cela, il faut préserver cette minorité francophone canadienne et travailler tous ensemble à revaloriser le Québec pour en faire un des champions en Amérique du Nord. Je pense que nous pouvons le faire ensemble.

M. Auf'der Maur: Nous ne voulons que le bien de Montréal et du Québec, nous ne voulons pas lui faire de tort car ce serait nous faire tort à nous-mêmes. Nous sommes fiers d'être Montréalais, nous sommes fiers d'être Québécois, mais, vous savez, on peut faire toutes les campagnes de promotion et de publicité d'une ville, parfois, toutes ces campagnes de promotion peuvent être annulées par quelque chose. Par exemple, quand votre gouvernement a décidé d'éliminer le mot "stop" sur les signaux, cela a fait une drôle de publicité pour le Québec dans tout le monde. En France, en Angleterre, en Russie même, on utilise le mot "stop", sans parler des Etats-Unis. Cela fait drôle d'utiliser le mot "arrêt", mais ce n'est pas nous qui faisons cela et ce n'est pas nous qui le faisons publiquement, c'est le gouvernement. On sait que souvent il y a beaucoup de problèmes à Montréal. Nous ne voulons pas tous les rattacher au débat linguistique - je termine maintenant - mais souvent, lorsqu'il y a des décisions économiques qui affectent Montréal, c'est le débat linguistique qui est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Laplante: Merci, mais on s'entend pour revaloriser.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Bourassa. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, compte tenu de l'heure, je serai très bref, je ne m'embarquerai pas dans une guerre de chiffres avec le ministre, parce qu'on sait que les chiffres, on peut leur faire dire ce que l'on veut, surtout quand le ministre s'en sert à dessein.

Le 12 mai 1983, il avait répondu au député de Vachon, qui lui demandait de confirmer si les départs de l'Ontario vers les autres provinces, au cours des derniers cinq ans, étaient d'environ 120 000 de plus que les départs du Québec vers les autres provinces, il avait répondu - je cite le journal des Débats - "Les chiffres de Statistique Canada démontrent qu'il y a plus de gens qui ont quitté l'Ontario vers les autres provinces que de gens qui ont quitté le Québec vers les autres provinces." Alors, l'affirmation que le ministre faisait tantôt n'est pas nouvelle. Nous avons eu la chance de le corriger, de l'amener a s'amender et il nous arrive à la commission avec la même baliverne, à savoir qu'il n'y a pas de loi 101 en Ontario et pourtant, entre 1976 et 1981, il y a eu 120 000 personnes de plus qu'au Québec qui ont quitté l'Ontario vers les autres provinces.

Mais il oublie toujours de nous parler de ceux qui sont venus au Québec et de ceux qui sont venus en Ontario, parce que c'est ce qui est important. On n'a jamais prétendu, nous non plus, que l'exode ou le départ de 103 000 anglophones sur une période de cinq ans vers les autres provinces canadiennes était l'effet de la loi 101. On s'est simplement posé la question à savoir si ceux qui ne sont pas venus n'étaient peut-être pas venus, justement, à cause de la clause restrictive ou de la clause Québec dans la Charte de la langue française. Je pense qu'il s'impose qu'on rétablisse les chiffres.

En 1976-1981, il y a eu 203 035 personnes qui ont quitté le Québec vers d'autres provinces canadiennes et seulement 61 305 sont venues s'installer au Québec en provenance des autres provinces, pour une migration nette de 141 730 personnes. En Ontario, il est vrai que 328 640 personnes ont quitté vers d'autres provinces canadiennes, mais elles ont été remplacées par 250 570 personnes. Et je mets le ministre au défi - il a les chiffres devant lui, il va me suivre jusqu'au bout - de contester ces chiffres officiels. Donc, la migration nette en Ontario a été de 78 070 à comparer avec 141 730 ici. C'est presque la moitié. C'est vrai qu'il n'y a pas de loi 101 en Ontario et on est loin de penser que c'est uniquement à cause de la loi 101 que les gens ne sont pas venus.

Le ministre disait: Ce sont les facteurs économiques qui amènent les gens à se déplacer d'une province à l'autre, mais on pose la question suivante: Si la loi 101 contribue à un climat économique qui n'est pas propice aux investissements - assez de gens sont venus nous en faire part ici à la commission pour qu'on puisse dire que l'on a une partie de la réponse - effectivement, la francisation n'est pas quelque chose qui engendre ou qui a engendré un climat

économique favorable jusqu'à maintenant. Le ministre nous dit: En telle année, il y en a eu plus qui sont partis de l'Ontario que du Québec, mais on pourrait comparer - c'est beaucoup plus significatif - de 1971 à 1976, avant la loi 101, et parler de la migration nette. On va constater que non seulement il y avait moins de gens qui quittaient le Québec pendant cette période de cinq ans, mais qu'il y en avait également plus qui venaient s'y installer, avec le résultat que la migration nette était à peu près équivalente à celle de l'Ontario. Les facteurs économiques et toutes les autres choses dont nous a parlé le ministre, c'était la même chose. C'était la même période de temps pour la même province. La seule différence -je ne veux même pas mentionner que c'était la seule différence - c'est qu'on avait un gouvernement du Parti québécois au Québec et qu'en Ontario, on avait le même gouvernement conservateur qui est là depuis 40 ans, qui ne fait pas tellement de dogmatisme, mais qui semble administrer la chose économique un peu mieux que le gouvernement péquiste actuel. Je vous livre cela très gratuitement.

Voyons ce que donnait, entre 1971 et 1976, le nombre de gens qui ont quitté le Québec: 138 475. C'est beaucoup moins que 203 000 entre 1976 et 1981, mais là où c'est plus important, les gens qui sont venus, 79 060, pour une migration nette de 59 415. C'est deux fois et demie moins qu'entre 1976 et 1981. On ne peut pas dire que cela s'est amélioré. Le ministre nous dit: Elle était commencée bien avant, la migration des gens. C'était commencé, mais cela n'atteignait pas les proportions atteintes depuis 1976. Quand on compare les migrations nettes du Québec avec celles de l'Ontario, pour la période de 1971 à 1976, 59 415 au Québec, 52 110 en Ontario. C'est presque la même chose. Cela me fait dire qu'il s'est passé quelque chose ici au Québec, entre 1976 et 1981, qui a amené les résultats qu'on connaît.

Tout cela pour dire, M. le Président, qu'on peut faire dire à peu près n'importe quoi aux chiffres. J'inviterais le ministre à ne pas se risquer là-dessus, parce qu'il a la mauvaise habitude de citer des chiffres complètement de travers. Il nous parlait des investissements des immigrants. S'il y a seulement 60 000 000 $ qui ont été investis par tous les immigrants sur une période de temps donnée au Québec, je pense qu'on doit s'en inquiéter. On doit se demander pourquoi il n'y en a pas eu plus. Félicitations à ceux qui sont venus, mais trouvons les raisons pour lesquelles les autres ne sont pas venus. Bell Helicopter va venir, mais, semble-t-il, on a dû donner certaines garanties par rapport à l'accès à l'école anglaise pour les enfants. Le gouvernement nous a dit: Non, c'est la loi qui s'applique. Pourtant, on a des coupures de journaux qui nous disent qu'effectivement il y a eu des discussions et que des concessions ont été faites par le gouvernement. Le gouvernement veut conserver le symbole, il ne veut pas toucher à la loi, mais, dans le fond, quand il en arrive à l'application, il fait comme bon lui semble et essaie de cacher. On va se reprendre là-dessus, de toute façon, avec le ministre en commission parlementaire.

Je termine là-dessus, M. le Président. Je ne toucherai pas à l'exemple du député de Groulx au sujet des pompiers par rapport aux infirmières. Je ne crois pas qu'il veuille suggérer, quand une conflagration va se déclarer quelque part, qu'on envoie les pompiers et que, constatant que ce sont des anglophones, on dise: Attendez, on va aller chercher des gens qui peuvent vous parler. Ce n'est pas du tout la même situation que dans un hôpital où on affecte des infirmières à des patients de façon qu'ils puissent se comprendre entre eux.

J'aimerais, en guise de remerciement, dire aux représentants du GAM qu'on apprécie non seulement qu'ils soient venus nous rencontrer ce soir, mais qu'on apprécie aussi l'initiative d'un membre de leur groupe de sensibiliser la ville de Montréal et certaines villes de l'île de Montréal, de la Communauté urbaine de Montréal, à l'importance de venir faire des représentations devant la commission parlementaire sur la question linguistique. On sait que, depuis fort longtemps, les autorités municipales de Montréal, de même que celles des villes environnantes, considéraient que ce n'était pas leur rôle de s'exprimer sur les questions linguistiques. Cette fois-ci, compte tenu de la perception que les élus municipaux de votre région ont des effets de la loi 101, vous avez cru nécessaire de venir nous dire ce qu'est votre perception et de nous faire des suggestions quant aux accommodements et aux amendements qu'on devrait y apporter. Je pense qu'on doit vous en féliciter et vous en remercier.

J'aimerais aussi vous demander de nous remettre une copie des résolutions des autres villes dont vous nous avez parlé tantôt, lesquelles, même si on n'a pas entendu ces villes ici à la commission, pourront nous être utiles au moment du débat sur le projet de loi que le ministre nous annonce pour le 15 novembre. Merci infiniment, messieurs.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Gatineau. M. le ministre.

M. Godin: Seulement deux mots: Merci, messieurs. Avec tous les chiffres qui ont été cités, une seule conclusion s'impose, M. le député de Gatineau: Depuis plus de dix ans, le marché du travail au Québec est plus dynamique qu'en Ontario. Je pense que c'est

également significatif, cela nous vient de Statistique Canada et de la presse.

Ceci étant dit, messieurs, merci d'être venus. Je voudrais joindre ma voix à celle du député de Gatineau pour féliciter le conseiller municipal Sam Berliner d'avoir pris l'initiative de demander au conseil de ville de Montréal de réfléchir sur la loi 101. Le fruit des réflexions des deux partis - nous rencontrerons le RCM d'ici quelques heures, en fait - le fruit de vos réflexions collectives va nous aider à nous faire une meilleure idée des changements que nous devrons apporter pour que la francisation ne soit pas négative pour Montréal et le Québec, et qu'elle se fasse dans le respect de la diversité culturelle du Québec, et de Montréal, en particulier. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

Merci au Groupe d'action municipale de sa participation à cette commission.

Avant d'ajourner nos travaux à demain, je voudrais vous souligner que j'ai oublié de demander à la commission la permission de continuer au-delà de 22 heures. Je présume que j'avais la permission de la commission.

Des voix: Consentement!

Le Président (M. Gagnon): J'ai l'impression qu'on a eu le consentement automatique, car personne ne s'est opposé.

Sur ce, auriez-vous quelque chose à ajouter?

M. Auf'der Maur: Non, je voudrais simplement exprimer nos remerciements pour la manière dont vous nous avez reçus. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup.

La commission élue permanente des communautés culturelles et de l'immigration ajourne ses travaux à demain, 9 heures.

(Fin de la séance à 23 h 45)

Document(s) associé(s) à la séance