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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 8 novembre 1983 - Vol. 27 N° 163

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur la Charte de la langue française


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des communautés culturelles et de l'immigration se réunit afin d'entendre tous les intervenants intéressés par la Charte de la langue française.

Les membres de cette commission sont: MM. Marx (D'Arcy McGee), Brouillet (Chau-veau), Dupré (Saint-Hyacinthe), Fallu (Groulx), Godin (Mercier), Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Laplante (Bourassa), Leduc (Fabre), Fortier (Outremont) et Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Doyon (Louis-Hébert), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), MM. Payne (Vachon), Polak (Sainte-Anne), Mme Bacon (Chomedey) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

À l'ordre du jour, aujourd'hui, nous avons la Commission des écoles catholiques de Montréal; le Centre de services sociaux Ville-Marie; l'Association québécoise des professeurs de français; le Mouvement national des Québécois; M. Pierre Beaudry et le Mouvement impératif français.

J'inviterais à prendre place à la table...

M. Marx: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'ai une question de règlement à poser au ministre.

Le Président (M. Gagnon): Oui. Affichage bilingue

M. Marx: Vendredi, j'ai dit que la Gazette ne pouvait avoir de panneaux-réclame bilingues, c'est-à-dire tous les mercredis, "every Wednesday". Le ministre m'a répondu: Moi, je suis le ministre et je vous dis que c'est permis. Je lisais des articles dans la Gazette d'hier, lundi, et d'aujourd'hui et, apparemment, la Gazette ne savait pas, les postes de radio anglophones ne savaient pas qu'ils pouvaient produire des affiches bilingues. La Gazette a téléphoné à l'Office de la langue française et quelqu'un de l'office a dit: Le ministre s'est trompé dans le sens que la permission n'est pas donnée à l'article 59, comme il a voulu le dire l'autre jour, mais la permission pour les médias anglophones d'afficher d'une façon bilingue se trouve dans les règlements et, plus précisément, à l'article 8 du règlement relatif à la langue du commerce et des affaires.

J'ai ici, M. le Président, une opinion du ministre de la Justice. It says: The Law Officers of the Crown. Sur l'article 8 de ce règlement, ils ont écrit: "Le premier et le troisième alinéas de l'article 8 sont illégaux, parce que imprécis et vagues à cause de l'emploi respectif des expressions "à tout autre produit culturel ou éducatif de même nature et à toute activité culturelle ou éducative de même nature." Donc, nous avons trois opinions. Nous avons l'opinion du ministre, nous avons l'opinion de l'office et nous avons l'opinion du ministère de la Justice. J'aimerais savoir quelle opinion l'emporte.

The question really is: Who knows what he is talking about? Is it the Minister who knows what he is talking about, or is it the Office or the Minister of Justice? We are dealing with a law, Mr. Chairman. We are not dealing with poetry, psychiatry or sociology. I think there has to be some security so that people know what the law is. Here we have three different opinions. How can people know what they can do and what they cannot do? When people are not sure, when the law is unclear, it has a chilling effect. People do not know what they can do. They do not know what they cannot do. So, what people do is nothing.

I would like this to be cleared up, if the Minister can modify the regulations to make it explicitly possible for anglophone medias to advertise bilingually. That would at least be a help or, if you want to really do it as it should be done, Section 59 of Bill 101 would have to be modified.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, la seule erreur que j'aie faite, c'est de dire que, par exemple - prenons une analogie - j'ai 45 ans alors que j'en ai 44. Cela n'empêche pas que je sois vivant. Je pense que, par analogie, cela veut dire que le principe est dans la loi et dans les règlements. Je vais le lire, so that everybody concerned with this question knows where the Government stands.

Je vais vous lire l'article 8 du règlement qui porte sur la langue du commerce

et des affaires: "L'affichage public - donc, les posters, Médiacom, dont on a parlé dans la Gazette d'hier - et la publicité commerciale affichée relatifs à une publication - la Gazette est une publication -à un livre, à un disque, etc., peuvent se faire à la fois en français et dans une ou plusieurs des langues dudit produit." Ce règlement, M. le député de D'Arcy McGee, M. le Président, a été publié il y a déjà, mon Dieu...

M. Marx: II y a quatre ans.

M. Godin: II a été publié le 27 juin 1979. Je pense que, si cette commission a réussi à clarifier certaines choses et à faire disparaître certaines perceptions négatives, elle aura atteint une partie de ses objectifs - merci, M. le député de Gatineau - elle aura atteint une partie importante de ses objectifs. Et je me réjouis de voir que, dans la même Gazette de ce matin, le journaliste, très consciencieusement, a téléphoné à plusieurs médias anglophones de Montréal, pour leur faire découvrir que la loi et le règlement leur donnaient le droit de faire cela et ils s'en réjouissent tous. Ils s'en réjouissent dans l'article. Je déplore que, dans l'éditorial de la Gazette, au lieu de se réjouir de la bonne nouvelle, on dise: Ah! on savait que c'était compliqué. Ce n'est pas compliqué, c'est dans la loi. Je pense qu'ils auraient du montrer une joie sans partage au lieu, encore une fois, de réussir à picosser, à picocher le gouvernement une fois de plus. Enfin...

M. Marx: Mais...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Mr. Chairman, the Minister says that the Government has a policy. But, how can we reconcile both arms of Government? The Ministry of Justice says that this regulation is illegal. The Minister of Immigration and Cultural Communities says it is valid. I mean that there is a total confusion. D'une part, le ministre dit que c'est valide; d'autre part, le ministre de la Justice dit que ce n'est pas valide. Qu'on clarifie la loi et les règlements pour qu'on sache de quoi on parle; c'est complètement mêlé.

Je me suis réjoui aussi quand le ministre a dit que la Gazette peut s'afficher bilingue, parce que je me suis dit qu'il n'y a pas un pays au monde, un territoire, où les médias d'une langue ne peuvent pas s'afficher dans leur langue; c'est tellement ridicule. Je suis très heureux, mais je veux être heureux avec des règlements légaux, dans la légalité. Je ne veux pas être heureux dans l'illégalité. Tout ce que je demande au ministre, c'est de lire l'opinion de son collègue du Conseil des ministres où on dit que c'est illégal. Pour certains ministres, c'est légal; pour d'autres, c'est illégal. C'était la confusion totale et normale pour l'Office de la langue française.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: En terminant, oui. Je pense qu'il n'y a pas une loi, de quelque gouvernement que ce soit, et on le voit bien avec le Canada Bill aujourd'hui, que le gouvernement fédéral a voté en passant sur le corps du Québec, il y a quelques mois... On voit bien, avec ce Canada Bill, qui est la constitution du pays, à quel point les interprétations diffèrent d'un avocat à un autre et, dans certains cas même, de ce qu'un ministre ou un autre en dit. Donc, le mot final - M. le député de D'Arcy McGee, laissez-moi terminer, je ne vous ai pas interrompu pendant votre savant exposé d'avocat et de juriste compétent - c'est pour cela qu'il y a des tribunaux, c'est pour cela qu'il y a une Cour d'appel et une Cour suprême et c'est pour cela qu'on peut changer la constitution. Toute loi est sujette à interprétation. Ce que je vous dis aujourd'hui, c'est que l'interprétation que j'en ai donné ici est confirmée par l'Office de la langue française. La mienne venait de ce qu'il m'en avait dit et c'était l'intention - c'est ce qui compte en ce qui me concerne - du législateur, quand cette loi et ces règlements ont été adoptés, de permettre à la Gazette de pouvoir afficher où que ce soit au Québec dans sa langue de publication et dans la langue officielle. C'est très clair. En ce qui me concerne, ce dossier est clos, M. le député.

M. Marx: J'espère qu'il est clos. On va attendre le jugement d'un tribunal compétent.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Marx: J'ai une autre question de règlement sur un autre sujet.

Le Président (M. Gagnon): Auparavant, j'aimerais vous suggérer une méthode de travail, si vous êtes d'accord. Cela fait déjà plusieurs jours que la commission siège et on se rend parfois compte que, rendu à 23 heures et 23 h 30, on a encore des invités qui sont ici et qui attendent. Est-ce possible de vous demander que la question de règlement soit retardée à la fin de la journée, de façon à pouvoir entendre nos invités d'abord, le plus rapidement possible, puis d'en arriver à clarifier les questions de règlement ou les questions que vous avez à poser au ministre par la suite?

M. Marx: C'est important que je pose cette question de règlement maintenant, mais il n'y aura pas de débat sur cette question de règlement.

Le Président (M. Gagnon): Je prends votre parole, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Toujours. Je suis un homme de parole, M. le Président.

Il y a deux semaines maintenant, j'ai demandé au ministre de me fournir la documentation, les études, de l'Office de la langue française. Il a dit: Pas de problème, c'est un gouvernement réceptif, un Parlement de droite. J'ai aussi demandé le Code d'interprétation de la loi 101 qui a été publié par l'Office de la langue française. Le président de l'Office de la langue française est ici aujourd'hui. Pouvez-vous, s'il vous plaît, demander au président de l'Office de la langue française de me donner ce Code d'interprétation de la loi 101, aujourd'hui, ainsi que les autres documents que j'ai demandés, parce que c'est le dernier jour de la commission? C'est bien beau de faire des promesses en commission parlementaire, mais le ministre n'y a pas donné suite. On a l'impression qu'il a donné suite à ses promesses, mais je vous dis... Je vois, maintenant que j'ai posé la question, que des documents arrivent. J'espère que le code d'interprétation est là. J'aimerais vérifier moi-même l'interprétation que l'Office de la langue française donne à la loi 101 et aux règlements.

M. Godin: M. le Président, je vous remets - vous le remettrez en main propre au député de D'Arcy McGee - la liste des documents demandés, à l'exception du code d'interprétation.

M. Marx: Ah! La voilà, la cachette!

M. Godin: Je vais vous dire pourquoi, M. le député de D'Arcy McGee et M. le Président. C'est que, comme la loi sera amendée, le code existant ne sera plus valide dans quelques jours. Par conséquent, vous aurez le document qui accompagnera la nouvelle version de la loi.

M. Marx: C'est tout à fait inacceptable, M. le Président. Le ministre a promis. La loi est encore en vigueur et on ne sait jamais quand elle sera modifiée. Le code sera applicable aux articles qu'on ne modifiera pas. Il a peur de me le donner parce qu'il sait qu'il y a des contradictions dans ce code d'interprétation et dans ses propos en ce qui concerne la loi 101. Il sait qu'il y a des choses dans ce code d'interprétation qui font fi de la loi 101, qui passent outre cette loi. Il le sait, M. le Président, et c'est pourquoi il a peur.

Pourquoi avoir fait une promesse il y a deux semaines et maintenant... Ah! Il ne peut pas, et pourquoi? Parce qu'on va modifier la loi.

M. Godin: Évidemment!

M. Marx: Laissez-moi avoir cela pour l'histoire du Québec, au moins.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee, vous m'aviez fait la promesse, il y a quelques secondes, qu'il n'y aurait pas de débat sur cette question de règlement. M. le ministre.

M. Godin: En ce qui me concerne, je vous répète qu'il n'y aura pas de débat de ma part. Tout ce que je veux vous dire, M. le député de D'Arcy McGee, c'est que, si nous sommes ici depuis trois semaines, à travailler douze et dix-huit heures par jour, c'est précisément pour faire en sorte que la loi soit modifiée conformément aux aspirations et aux revendications des gens dont je salue la présence ici ce matin et qui nous regardent peut-être en se demandant... Non, cela ne vous dérange pas; on va continuer un peu, merci.

Je vous dis que le nouveau document qui accompagnera la nouvelle loi vous sera remis en temps opportun. Je ne veux, M. le député de D'Arcy McGee, donner à personne l'occasion de revenir sur le passé. Je veux que nous pensions ensemble à l'avenir. Vous aurez les documents qui portent sur l'avenir et l'avenir vous sera connu dans moins de deux semaines, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: On voit le vrai visage du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau.

M. Marx: ...le vrai visage du gouvernement. Peureux et cachottier.

Le Président (M. Gagnon): M. le député... À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, très brièvement, je voudrais simplement me dire surpris de l'attitude du ministre quant à son refus de déposer le code d'interprétation de la loi. Il se rendra sûrement à l'évidence qu'au moment où il présentera son projet de

loi, qui comportera sûrement des amendements à la loi 101, le 15 novembre prochain, j'imagine qu'il y aura plusieurs articles de la loi 101 qui ne seront pas touchés par ces amendements. Une des raisons pour lesquelles ils ne seront pas touchés, dans certains cas, découlera du fait que le code d'interprétation dont se sont servi l'office et les organismes gouvernementaux jusqu'à maintenant ne pose pas de problème quant à l'interprétation que l'on doit donner aux articles actuels de la loi 101. Comme l'a mis en relief mon collègue, le député de D'arcy McGee, du fait que l'on a des règlements qui sont légaux ou illégaux, selon que la loi est modifiée ou pas, et que, dans un cas très précis, le ministre s'est déjà engagé à modifier la loi pour légaliser le règlement qui en découle et qui est présentement illégal, il me semble qu'au minimum on devrait avoir ce code d'interprétation pour pouvoir nous y retrouver nous aussi. Je comprends que le ministre ne veuille pas faire tout le débat sur le passé; ce qui nous intéresse, c'est l'avenir, mais pour bien comprendre l'avenir, et même le présent, il faut s'appuyer sur le passé. Ne pas savoir à partir de quel document, à partir de quel code on a interprété la loi jusqu'à maintenant nous rendra la tâche quasiment impossible de comprendre pourquoi on touche à tel article et pas à tel autre. Je conviens que, sur le plan politique, ce n'est peut-être pas l'idéal comme situation, mais, pour la bonne compréhension, pour faire en sorte que l'on fasse le travail le plus sérieusement possible et surtout pour éviter que l'on ne s'éternise dans ce débat, ce que personne ne souhaite à ce moment-ci, ne serait-il pas plus facile que le ministre nous en fournisse une copie ou s'engage à le faire au moment opportun pour que l'on puisse en faire l'étude de façon convenable?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, le nouveau document sera remis à chacun des membres de cette commission dès qu'il sera prêt, mais je voudrais utiliser une analogie pour permettre à ceux qui sont ici ce matin de comprendre un peu le sens de ce que nous faisons et le sens de ce que je dis. C'est un peu comme si, sur une voiture qui a déjà six ans d'âge, on changeait quelques pièces, on changeait deux pneus, par exemple, et que le député de D'Arcy McGee disait: Moi, je collectionne les vieux pneus, est-ce que je peux ramasser vos pneus, ce que l'on appelle les pneus usés?

M. Gratton: Non, pas du tout.

M. Godin: Par ailleurs, revenons au sérieux. Je prends la question en délibéré...

M. Gratton: J'aime mieux cela.

M. Godin: M. le député de Gatineau, quand je termine, en général, vous êtes d'accord avec moi. Pas quand je commence, mais à la fin, oui.

M. Gratton: Parce que vous modifiez votre attitude en cours de route, des fois.

M. Godin: Cela dépend de votre réaction.

M. Gratton: On ne vous le reproche pas.

M. Godin: On est ici pour s'entendre... (10 h 30)

Le Président (M. Gagnon): Vous avez toujours la parole, M. le ministre.

M. Godin: ...et en venir à un consensus conjoint sur cette question vitale et fondamentale.

Je prends votre suggestion en délibéré, M. le député de D'Arcy McGee, et vous pouvez dire que les chances sont bonnes que vous l'ayez, de même que la collection de vieux pneus pour votre musée personnel.

M. Marx: J'ai demandé au ministre de s'engager, de terminer ce délibéré avant la fin de la commission.

M. Godin: C'est ce soir, 22 heures, n'est-ce pas?

M. Marx: Ce soir, c'est cela. M. Godin: Oui, oui.

M. Marx: Parce qu'une fois la commission terminée, la question sera close. Si je dois poser la question chaque jour à l'Assemblée nationale...

Le Président (M. Gagnon): Cela va, cela va. À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Gratton: M. le Président, pourrais-je dire, au nom de mon parti, qu'on accepte que le ministre en délibère au moins jusqu'à la fin de la journée et qu'on s'en reparlera d'ici à la fin de la journée?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: Ce que je veux dire, c'est que la Chambre va reprendre quelques jours après que cette commission aura ajourné ses travaux. Je serais fort surpris, M. le député de D'Arcy McGee, que vous laissiez votre langue au vestiaire.

M. Marx: Vous pouvez en être certain.

Auditions

Le Président (M. Gagnon): Merci. Là-dessus, on invite les gens qui sont déjà prêts à nous faire la lecture de leur mémoire. M. Geci? C'est cela, votre nom.

CECM M. Geci (John F.): Geci.

Le Président (M. Gagnon): Je vous inviterais à présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît, et à nous faire la lecture de votre mémoire.

M. Geci: Thank you, Mr. Chairman. First of all, I would like to present my colleagues who are here with me. To my right, Mr. George Pajuk, who is the deputy director general of the English sector of the Montreal Catholic School Commissions or the CECM. To his right is Mrs Sylvia Chesterman. She is the director of the department of teaching of studies in the English sector of the CECM. To her right is Mr. Ed Ropeleski, consultant in policies, planning and research.

To my left is Mr. Michael Macchiagodena, who is the director of the auxiliary resources of the English sector of the CECM and to his left is our own Mr. Bernard Landry, formerly consultant in policies, planning and research and presently occupying a new position in the last two weeks. He was formerly with my office for over four years.

We would like to thank you, Mr. Chairman, and we would like to thank this parliamentary committee for receiving us and giving us an opportunity to present our views. If it pleased the parliamentary committee, I would like to make some opening statements in English and introduce two documents which are very short, in terms of explaining to you who we are. Thereafter, I would like to proceed with our brief in the French language and thereafter, all questions and answers we would be prepared to answer in the French language.

If I may ask the clerks of the parliamentary committee to please deposit. Si vous pouviez déposer ces deux documents.

The first document which you will receive is called The English Sector: Excellence and Tradition. I would like to show you a "macaron" that will probably be the object of some of our discussions, depending on your questions later on, in terms of the application of Bill 101. This "macaron" was produced at the CECM to identify something that we have at the CECM in the English sector, excellence and tradition. Hopefully, it will become an item for discussion at a given point in time, if you find or if you judge it apropos.

The first document you will see - that I would like to refer you to - is the English sector as we are here; I make reference to its presence. In fact, at a committee meeting of the Conseil des commissaires the 12th of October 1983, the Conseil des commissaires de la CECM - I quote here from a resolution read, you do not have this document - motioned the following: "II est proposé d'autoriser les cadres supérieurs du secteur anglais à présenter le mémoire sur les aspects administratifs de la loi 101 devant la commission parlementaire." Cela a été adopté unanimement avec deux abstentions.

C'est la raison de notre présence à titre de représentants anglais de la CECM. Il y a une petite nuance. En effet, nous, les cadres supérieurs, présentons ce mémoire afin de soumettre des considérations au gouvernement en vue de changer la loi 101 et de la rendre plus acceptable et moins restrictive que présentement.

The English sector of the CECM has been providing English Catholic education for over six generations of Montrealers. As information, our first school in Montreal was formed in 1846. To this day, its jurisdiction encompasses the third largest clientele in Québec, offering a full range of educational services in the English language.

As far as pedagogical services are concerned, we offer academic programs from pre-K to secondary V, a wide choice of tech courses, advanced second language instruction through special programs such as French intensive, continuing updating of our curriculum, an introduction to microcomputers, a full range of special education services and subject consultants in all the major disciplines. Our parapedagogical services offer psychological help, speech therapy, guidance counselors, social workers, counselors, pastoral animators. In the administrative services, we find coordination of all parapedagogical and pedagogical services listed above, management of buildings and material resources of over 40 schools and the direction and supervision of human resources including teachers, professionals, support personnel and administrators for approximately 20 000 students in Montreal.

Vous avez le texte français. J'aimerais simplement souligner l'organigramme. In it, in terms of the way the Montreal Catholic School Commissions operate, we have naturally the elected officials, called the Council of School Commissioners or the Board. We have an executive committee of those elected officials. We have a director general and the director general is the first one responsible for the operation of the MCSC. To him are responsible both an assistant director general in charge of French studies - it is on the left handside of

the diagram - development "d'une école spéciale". We have a secretary general who is equally responsible to him for equipment. We have a deputy director general of administration, responsible for human resources, informatique and finances.

There are three regions of French schools in the MCSC, each governed and administered by a deputy director general of the region.

Now, we come to the people before you, in front of this parliamentary committee. I hold the position of assistant director general; Mr. Pajuk is the deputy director general. I am also in charge of the "service du contentieux à la commission" and we offer these services to over 20 000 students.

Just an element that may be of interest to the parliamentary committee, the last table shows that in 1970, we had approximately 44 516 students; we peaked in 1972 to about 44 600 students. Since 1972, and particularly since 1976-1977, we have been dropping at a phenomenal rate. The diagram shows that in 1982, we were at 20 888. This year, our figures show 18 825 and the projections for the Catholic English-speaking schools of Montreal are unfortunately somewhere in the vicinity of 11 000.

The second document which I would like to bring to your attention contains the minutes of our board of management, in terms of the operation of the English sector. Subsequent to study, we have in fact agreed unanimously on the final contents of this brief which is presently before you as a parliamentary committee.

I would like to highlight - I think it is quite important, Mr. Chairman - that this brief was presented by senior officials of the Montreal Catholic Schools Commission. We took it upon ourselves to at least circulate it amongst our immediate public with whom we treat and with whom we deal, to at least make them aware of what we intend to do. We have received unsolicited letters of approval and "en français" - I think the French word is probably nuanced in a better fashion - "les appuis des cinq organismes": the English Sector Parents' Coordinating Committee, president, Mrs. Bradley, representing approximately 40 000 parents in the Montreal Catholic Schools Commission English Sector; the Association of Catholic Principals of all our schools; the Association of Directors of Schools, which represents all the English Catholic "cadres" of our schools; the Federation of English-Speaking Catholic Teachers, which covers all the teachers in the Montreal Catholic Schools Commission English Sector and the English-Speaking Catholic Council, which is a coordinating group and spokesman for over 170 000 Catholic English-speaking people in Montreal.

So, generally, I think the number game... If that is of interest, and I do not think it is necessarily... There are a lot of people in agreement with our recommendations in terms of our submission to you as a parliamentary committee.

I would also like to say, for the record, Mr. Chairman -before I start into the brief - that the opinions expressed by me and my colleagues are our own and those of the English sector; in no way do they engage neither the Council of Commissioners nor "la Commission des écoles catholiques de Montréal".

J'aimerais peut-être lire simplement une page et demie du préambule. Le principe fondamental de la Charte de la langue française, loi 101, est de promouvoir la primauté du français comme langue de travail, de l'enseignement, du commerce, de la législation et de l'administration au Québec. La charte reconnaît aussi l'apport précieux des minorités ethniques au développement du Québec et elle reconnaît aux Amérindiens et aux Inuits le droit de préserver et de développer leur langue et leur culture.

Alors que nous nous réjouissons de la reconnaissance accordée aux minorités ethniques et que nous reconnaissons la place spéciale occupée par les peuples autochtones dans notre histoire, nous constatons avec amertume l'absence totale de référence à la communauté anglophone du Québec, communauté dont le rôle de peuple fondateur et l'apport au développement culturel et économique du Québec et du Canada sont reconnus par les historiens et les hommes publics de tous les horizons de la scène politique. Ce genre d'omission a engendré un sentiment grandissant d'insécurité culturelle au sein de la communauté anglophone et cela nous amène à nous interroger sur les véritables intentions du gouvernement. Si notre communauté a l'impression d'être traitée injustement, il lui sera difficile de contribuer pleinement à l'édification d'un Québec dynamique.

Certains prétendent que la sécurité culturelle et linguistique des anglophones québécois réside dans l'omniprésence de l'anglais dans tous les secteurs de la vie nord-américaine et dans leur relation avec cette culture envahissante. Ils invoquent que le Québécois francophone est le seul à avoir besoin du gouvernement pour protéger ses droits individuels et collectifs au moyen d'une législation ad hoc sur la langue française. Toutefois, ces prétentions ne résistent pas à un examen approfondi. En effet, alors que le Québécois anglophone a accès à la vaste culture nord-américaine, sa capacité de fonctionner dans une communauté anglophone viable au sein de son Québec natal est systématiquement érodée par une politique linguistique restrictive. Le

droit inaliénable à la survivance culturelle, le droit de fonctionner dans sa propre langue dans un pays historiquement sien doit être le même pour le Québécois anglophone et le Québécois francophone et, pour y arriver, des garanties législatives sont essentielles à chacun. Si le gouvernement du Québec ne peut consentir cette sécurité à une minorité dont la contribution à l'édification de cette société est généralement reconnue, il violera le principe même du droit de survivance linguistique et culturelle proclamé dans la Charte de la langue française. Ici, je passe à la page 4, au milieu.

Dans ce mémoire, nous voulons souligner les domaines où l'application de la loi 101 restreint démesurément, de façon inutile et potentiellement répressive, l'utilisation de l'anglais. De l'aveu même du ministre Godin: "Y a-t-il des excès, des abus, des erreurs, des fautes? Évidemment." Nous ne pouvons accepter que les erreurs et les négligences du passé constituent la justification des mesures actuelles - le faire équivaudrait à accepter un Québec amoindri. Tout en respectant les principes fondamentaux de la charte, l'on doit pouvoir en amender les dispositions et règlements qui, à l'usage se sont révélés trop restrictifs, abusifs, voire même corriger toutes les contraintes et les injustices à l'endroit d'un secteur important de la population du Québec. C'est à partir de ce contexte et afin de développer un climat de compréhension et de coopération que nous vous soumettons un certain nombre de recommandations concernant la langue de l'administration et son application au secteur anglais de la CECM de même qu'au secteur de l'éducation en général. (10 h 45)

Ici, j'aimerais faire simplement un petit aparté, M. le Président. J'aimerais vous référer à l'article 113f de la loi. Dans l'article 113f, je lis: "L'office doit reconnaître d'une part les organismes municipaux, les organismes scolaires - et ici, je souligne "organismes scolaires", parce que c'est un facteur majeur pour nous dans ce débat - les services de santé et les services sociaux qui fournissent leurs services à des personnes en majorité d'une langue autre que française...". Et pour nous, au secteur anglais de la CECM, l'aspect le plus important de cette loi, c'est: "...d'autre part, les services qui, dans les organismes scolaires, sont chargés d'organiser ou de donner l'enseignement dans une langue autre que le français." C'est cet aspect, cette deuxième partie de l'article 113f qui, soi-disant, touche le secteur anglais de la CECM; j'ai bien dit "soi-disant". En effet, dans une publication de la Gazette officielle, datée du 22 avril 1978, on voit qu'il y a des listes d'organismes scolaires qui fournissent leurs services à des personnes en majorité d'une langue autre que le français. Et on voit plusieurs commissions scolaires qui, au sein du PSBGM, comptent environ 30 000 ou 35 000 enfants, jusqu'à des commissions scolaires anglaises qui ont une population à desservir de 1700, 1800, 2000, 3000 enfants, qui ont des droits prévus par les articles de la loi 101.

Le deuxième paragraphe, cependant, qui touche au secteur anglais de la CECM, concerne la liste des organismes scolaires qui ont des services chargés d'organiser ou de donner l'enseignement dans une langue autre que le français. Et, quand on arrive à un "listing": Montréal, (la Commission des écoles catholiques de). Donc, en effet, nous sommes touchés par la deuxième partie de l'article 113f.

Le facteur le plus important, M. le Président - et je vous avoue que la correspondance entre l'office et la CECM est volumineuse - concerne les applications de la loi et, plus particulièrement, l'article 25, où on dit: "Les organismes municipaux ou scolaires, les services de santé et les services sociaux reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 doivent se conformer...". Donc, toute l'application de l'article 25 est toujours en relation avec la première partie de l'article 113f. Et jamais, sauf pour l'article 24, elle ne touche le secteur anglais qui a une juridiction sur plus de 18 000 enfants au Québec. La simple raison, c'est qu'on est dans un organisme qui est, depuis longtemps, majoritairement français. Donc, les impositions de la loi ont obligé cet organisme majoritairement français à pratiquement abolir, pour cette clientèle anglophone, une tradition, incluant un honneur pour beaucoup, de vivre à l'intérieur d'une communauté francophone à Montréal, particulièrement à la CECM.

Nous ne contestons pas - et je retourne à notre mémoire, à la page 5 - que le français soit la langue officielle de l'administration. J'aimerais vous donner ici un aperçu rapide de nos recommandations et je terminerai ensuite pour être disponible pour répondre à toutes vos questions. Nos huit recommandations - et je m'explique à la page 9 - sont les suivantes: "La désignation des organismes publics tels que les écoles et leurs services administratifs devrait être autorisée à la fois dans la langue la mieux connue de la clientèle qu'elle dessert et dans la langue officielle." Qu'est-ce qu'on veut dire par cela? C'est qu'en effet une école et tout le support qu'on lui donne, c'est-à-dire une commission scolaire, ainsi que tous les services nécessaires à l'apprentissage des jeunes dans une école anglaise font partie d'un tout. La reconnaissance du gouvernement d'un système scolaire anglophone, la reconnaissance des écoles anglaises, nécessite que le véhicule des communications claires, efficaces, cohérentes soit en anglais.

Autrement, c'est contraire à l'efficacité, à la compréhension et même à la cohérence que de nous obliger de communiquer dans une autre langue, alors que la vraie essence ou la vraie raison d'être est la nature de la composition de ces choses, c'est l'apprentissage de la langue anglaise.

Je note ici, dans notre mémoire, à la page 10, qu'on fait une recommandation pour nous permettre, M. le Président, que le gouvernement reconnaisse le titre de la Montreal Catholic School Commission. Envers la Commission des écoles catholiques de Montréal, pour beaucoup de Français au Québec, aussi d'autres personnes que les Montréalais, partout, il y a la reconnaissance d'une tradition, il y a la reconnaissance de la Commission des écoles catholiques de Montréal comme un instrument de l'éducation depuis plusieurs années, laquelle a aidé au développement de l'éducation francophone au Québec. Cette même tradition, ce même honneur, ce même type de respect existent pour les anglophones envers la Montreal Catholic School Commission. Je note avec beaucoup de peine que, lorsque je rencontre les retraités et que je suis obligé de leur remettre - parce que c'est une chose qu'on fait - un certificat lors de leur départ avec quelque chose, un petit cadeau après leurs 35 ans à la MCSC, c'est un peu avec regret que je suis obligé de remettre ce certificat avec l'inscription CECM parce que, pour eux, la CECM, ce n'est pas une chose qui existe. C'est une loi qui a exigé une dénomination. Mais, pour eux, la MCSC, c'est une valeur, c'est une tradition et pour la communauté anglophone de la CECM, il y a des choses à l'intérieur de cela. On ne peut pas, par une loi, éliminer simplement ces traditions. Donc, c'est la raison d'être de notre recommandation sur l'affichage de nos écoles.

Je reviens à notre deuxième recommandation. Que les organismes reconnus comme étant au service de clientèles anglophones puissent communiquer en anglais avec le gouvernement, ses services, et les organismes de l'administration publique à l'extérieur du Québec.

En effet, M. le Président, nous avons une juridiction pour l'apprentissage de l'anglais dans nos écoles, ce mandat est confirmé par le ministère de l'Éducation à des commissions scolaires et ensuite à des secteurs comme le nôtre. On traite souvent et on échange souvent avec d'autres commissions scolaires dans tout le Canada et avec d'autres commissions scolaires des États-Unis. On traite souvent avec des organismes qui ont leur siège social à Toronto, avec des universités à l'extérieur du Québec et plusieurs de ces organismes n'ont pas de connaissances en français. La loi nous oblige à écrire en français parce qu'on est une administration publique ou parapublique. Nous demandons d'avoir le droit de communiquer en anglais dans l'intérêt d'une meilleure compréhension et d'une plus grande efficacité, et pour ne pas engendrer des dépenses inutiles pour la traduction de lettres qui ne seront pas lues, de toute façon, par ces organismes à l'extérieur du Québec. Le gouvernement a même prévu ces types d'action dans sa propre loi, je crois que c'est l'article 15, où il y a des possibilités de faire de la correspondance en une autre langue ou de signer des contrats, à l'article 21, dans d'autres langues que... C'est simplement une extension de cette possibilité. On demande, comme juridiction anglophone, d'avoir la capacité de communiquer en anglais, par écrit, avec des gens de l'extérieur du Québec.

La troisième recommandation c'est une recommandation similaire, mais c'est à l'intérieur du Québec. En effet, on le soumet à votre sérieuse considération car c'est un non-sens que de demander à un secteur anglais comme le nôtre de communiquer en français avec une entreprise comme McGill University "or Concordia University" touchant l'enseignement ou les stagiaires dont on a besoin dans les classes anglaises, d'être obligé de communiquer en français concernant le système de stagiaires qu'on va introduire dans nos écoles. C'est également un non-sens que de nous obliger à communiquer en français avec notre syndicat. C'est également un non-sens que de nous obliger - par exemple, le Ville-Marie Social Service - à communiquer avec le Ville-Marie Social Service en français, d'envoyer des lettres en disant ce qui arrivera et demandant des réunions incluant un ordre du jour en français. Quand on assiste à cette réunion, on parle anglais, on discute des articles en anglais, on résume nos affaires en anglais, mais toute l'administration autour de cette communication devra être en français; c'est un non-sens, c'est poussé la loi trop loin.

J'aimerais faire remarquer ici qu'on ne demande pas que, lors des réunions avec des organismes français ou des organismes qui viennent du ministère comme tel, on oblige les gens de langue française à être bilingues, ce n'est pas cela notre nuance. Notre nuance, c'est en effet de laisser aux organismes qui donnent un service aux clientèles anglaises le droit de s'exprimer et de communiquer en anglais sans être obligés nécessairement de faire appel à un service de traduction, d'ajouter des copies en français que les gens ne liront pas, parce que c'est la communication en anglais qui les intéresse, ou même de nous obliger à ne pas écrire, parce que cela coûterait trop cher ou cela prendrait trop de temps; donc le va-et-vient se fait verbalement. Semble-t-il qu'on a encore le droit de parler sans être obligé de traduire.

Recommandation no 4. Les organismes

reconnus desservant les clientèles anglophones devraient être exemptés de l'obligation de communiquer à la fois en français et en anglais avec leurs publics. Ici, c'est bien simple. En effet, on demande que, pour le secteur anglais, pour l'ensemble de notre public et à l'interne, soit nos employés, les enfants, ou les parents - pour les "report cards" - la façon de communiquer se fasse en anglais seulement. Je le souligne parce qu'au début, quand j'ai mentionné l'article 113f, à savoir si le secteur anglais est couvert ou non couvert, c'était un point litigieux, semble-t-il. Il y a des gens qui disent: Vous êtes couverts par l'article 113f, donc vous avec le droit de le faire. D'autres, de l'office, nous disent: Pas tout à fait; il y a des articles qui vous couvrent, mais vous êtes dans la deuxième partie, vous n'êtes pas un organisme scolaire, vous êtes un organisme qui donne des services, donc vous n'êtes pas couverts par cela. De toute façon, l'article 25 élimine tous ces droits, existants ou non - j'aimerais bien avoir un éclaircissement sur cela - au 1er janvier 1984. Peut-être qu'on n'aura pas les droits qu'on avait auparavant, mais on verra.

Recommandation no 5. Un organisme de l'administration desservant à la fois une clientèle française et une clientèle anglaise devrait offrir des services dans chaque langue au prorata des clientèles à desservir. En effet, à cause de notre structure, si vous vous rappelez l'organigramme, il y a un service des finances, un service de l'équipement, un service de l'informatique qui sont des services centraux. Qu'est-ce qu'on demande? C'est qu'à l'intérieur de ces services centraux, les gens puissent transiger et régler des problèmes, pour les services et les écoles, en anglais. Si un tuyau se brise dans une école, bien sûr, ce n'est pas pédagogique, mais le tuyau se brise et l'eau coule abondamment, il faut arrêter l'enseignement à l'école. Donc, c'est relatif à l'enseignement, c'est un apport à l'enseignement. Ces services centraux devraient avoir au moins une proportion de services en anglais, proportionnellement à la clientèle. (11 heures)

À la CECM, nous représentons environ un cinquième de l'ensemble de laCECM. Ce que l'on demande et que l'on a déjà transigé avec l'office, c'est qu'il y ait au moins des services centraux qui puissent se faire en anglais pour que, lorsque les parents appellent pour le transport, lorsque les enseignants ou les professionnels appellent pour connaître des détails sur leur chèque de paye, lorsque des gens veulent avoir des informations sur les assurances, quand les parents veulent savoir quelque chose concernant les classes combinées ou l'école, quelque chose qui vient du service central, ils aient des possibilités d'avoir des communications en anglais, ce qui éviterait une foule de problèmes. Ceci, par exemple, et je le note encore ici, existe pour des petites commissions scolaires dans la première partie de l'article 113f de la loi 101, mais cela n'existe pas dans une juridiction comme le secteur anglais de la CECM parce que l'on est dans une entreprise majoritairement française, mais on couvre peut-être plus d'enfants, sauf pour un ou deux organismes, que l'ensemble de ces organismes reconnus par la première partie de l'article 113f. On trouve que c'est une aberration.

Sixièmement, les formulaires, à la page 17, émanant des services centralisés d'un organisme scolaire et utilisés dans les secteurs français et anglais devraient être bilingues. Ici, j'ajoute pour votre considération: pour le secteur anglais. En effet, par la recommandation 6, on ne veut pas faire instaurer le bilinguisme pour tout le monde à la CECM, mais on voudrait s'assurer que, pour les gens anglophones, les formulaires soient compréhensibles. On reçoit différents formulaires exigeant que les directeurs, les professeurs, les gens des services centraux du secteur anglais remplissant des formules avec des données. Mais si le formulaire est seulement en français, pour obtenir ces informations, il est très difficile pour le répondant de donner exactement ce qui est demandé. Surtout, de nos jours, alors que beaucoup de choses sont informatisées, vous savez quel genre de résultat peut sortir quand les bonnes données ne sont pas entrées dans l'informatique. Donc, on demande au moins que, pour les services anglais, l'information soit donnée ou demandée d'une façon bilingue. On ne pense pas que cela soit trop demander en demandant que les gens sachent exactement ce qui est requis pour qu'ils donnent les bonnes informations.

Septièmement, l'évaluation de la compétence requise en français dans certains postes et pour l'obtention d'une promotion devra être faite par la commission scolaire et tenir compte de la nature et du rôle de la fonction à exercer. J'utilise encore, et j'espère que je n'aurai pas trop l'occasion d'utiliser le terme "non-sens"... En effet, c'est un non-sens que d'exiger de nous que la capacité en français vienne avant la compétence à diriger. Pour nous, c'est très clair que, pour diriger une école, pour devenir principal, consultant, enseignant, ou cadre, c'est d'abord la compétence qui devra être exigée; après, ce sera la capacité en français. Bien entendu, et je le souligne ici, tous les moyens possibles devront être pris pour s'assurer que l'individu sera capable de communiquer en français, selon les besoins dans son poste, soit par le perfectionnement, soit par des cours obligatoires, soit par différents moyens. Mais on ne devrait pas en

arriver à une situation où la compétence n'est pas le facteur primordial pour une nomination, une promotion ou une mutation. Autrement, vous nous demandez, dans le secteur anglais, de ne pas avoir comme standard la compétence. Je sais, à la CECM et dans d'autres organismes, que c'est la compétence qui est ou devra être la mesure pour obtenir des promotions ou des postes.

La dernière recommandation est l'abolition de la commission de surveillance. Les raisons particulières de cette recommandation sont les suivantes. Pour nous et, croit-on pour la population québécoise, il n'y a pas place au Québec pour un régime dans lequel, sans aucune identification, une plainte puisse se faire et une enquête commencer pour demander soit à des individus ou à un organisme de soi-disant vérifier ladite plainte. Ceci est réel, M. le Président.

J'aimerais justement vous lire un texte d'il y a quelques semaines venant de la Commission de surveillance de la langue française: D'après les renseignements dont nous disposons au terme de l'année 1982-1983, dans certaines écoles du secteur français, on a remis aux élèves qui avaient participé à certaines disciplines sportives des macarons ou écussons portant l'inscription unilingue anglaise "Canada Fitness Award".

On sait que ce n'est pas le macaron Excellence et Tradition - on va distribuer ces macarons pour vous - mais on a même entendu dire que quelqu'un s'opposait à ce macaron parce que c'était en anglais: Excellence and Tradition. Cela prend un petit peu d'ingéniosité, mais c'est aussi en français: Excellence et Tradition. Mais les deux langues ne se complètent pas toujours comme cela. On espère donc que, quand les enfants - vous me permettrez simplement de vous donner ici quelques exemples - d'une école veulent faire une pièce de théâtre, qu'ils produisent eux-mêmes, par exemple, Tom Sawyer, An operetta in three acts, Gerald McShane School, 7:30, June 16th, dans l'école, on soit capable d'afficher cela, car c'est une école anglaise. Pourquoi obliger les enfants à produire des choses francophones ou françaises aussi, également, avec prédominance... Toute l'argumentation, je ne rentre pas dans cela.

Quand, dans les écoles, on dit "volleyball skills" pour montrer comment frapper la balle, c'est tout en anglais. On ne voit pas la nécessité d'avoir ces choses en français également. On a une grande campagne contre le vandalisme à la CECM. "Do yourselves a favor, get involved. Erase vandalism. Take pride in your school. School projects. CECM English sector." Mais il n'y a pas obligation... Si on affiche ces choses en anglais dans une école anglaise, cela se peut qu'une personne française entre dans l'école et voie sur les murs toutes ces affiches. Je crois que c'est aussi compréhensible pour un francophone québécois qui entre dans une école anglaise et qui voie des choses en français. Cette seule personne entre peut-être une fois en l'espace de deux ou trois semaines ou peut-être même de deux ou trois mois, M. le Président. C'est un non-sens. C'est peut-être ridicule aussi d'obliger les gens à faire tous ces posters en français. "Look out for number 1. "Take pride of your school." Toutes les choses, même jusqu'à Centraide... Vous savez, Centraide orchestre vos dons. Comment affiche-t-on cela? Centraide put lives in tunes. Est-ce qu'on tourne? Comment, obligatoirement, dans les écoles anglaises ou dans les services centraux, on affiche en deux... En tout cas, je peux continuer et continuer et continuer. Les poèmes des enfants dans nos écoles où il y a l'imprimerie... les enfants font des poèmes en anglais. Dans celui-là, c'est une enfant, Teresa P., qui fait un poème en anglais. Mais un poème en anglais, suite à une lecture ou suite au cours de littérature anglaise, ne se traduit pas. Donc, on publie ces choses en anglais. Je peux continuer. Peut-être que quelqu'un peut avoir raison. On produit des "chess-boards" pour que les enfants jouent aux échecs. C'est en anglais parce que c'est dans une école secondaire anglaise.

Je termine, M. le Président, en disant que les identifications ou les plaintes sans identification, je ne pense pas et on ne pense pas... On pense que le peuple québécois n'a pas une tradition de ce type d'action sans que les plaintes ne soient identifiées ou connues.

Le deuxième aspect ou la deuxième raison pour notre suggestion de l'abolition de la commission de surveillance, ce sont les abus; les abus vont trop loin en termes de subtilité et on se demande jusqu'à quel point la langue anglaise est permise dans les écoles. Dans ce contexte, M. le Président, je termine notre présentation et nous sommes disponibles et prêts à répondre à toutes les questions que vous voudrez poser. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: Madame, messieurs, M. Geci, je dois rendre hommage à votre mémoire. On voit qu'il a été fait par des pédagogues; il est extrêmement clair, extrêmement précis. Il est présenté de façon plus claire que la plupart des longs mémoires qu'on a eus ici. Cela nous permet de nous faire une idée plus rapidement et de vous poser des questions plus précises.

Il y a un certain nombre de recommandations que vous faites qui, déjà, font l'objet d'une réflexion très poussée à l'intérieur du gouvernement présentement, afin que le caractère anglophone des institutions, comme

les écoles dont vous êtes le porte-parole ici, puisse fonctionner en anglais. Par ailleurs, dans votre intervention, il y a une phrase que j'ai trouvée superflue, M. Geci, et je vous le dis carrément, quand vous avez dit: Semble-t-il qu'encore on a le droit de parler anglais dans nos écoles. Je pense que c'est le genre de phrase qui ne peut que contribuer a jeter de l'huile sur le feu. Il n'a jamais été question d'interdire cela et le laisser entendre, à mon avis, détonne tellement avec le style de vos propos, avec le style de votre mémoire que je me demande ce que cela faisait dans un exposé très rationnel, raisonnable et convaincant.

S'il y a des gens dans votre système scolaire qui vivent avec cette fausse impression, je compte sur vous pour les éclairer là-dessus. Le respect de l'anglais dans vos institutions est sacré pour nous du gouvernement. J'aurais aimé que cela soit clair. Maintenant, vous avez cité, vous avez montré un certain nombre de documents qui émanent de votre école. Je pense qu'on ne les prendra pas un à un, mais il y en a qui sont du matériel pédagogique pur. À ce moment-là, c'est la langue de l'école, donc l'anglais, qui est utilisée. Il n'est pas question que le poème de vos étudiants affiché sur les murs soit traduit. Je pense que personne au monde ne songerait à interdire que l'oeuvre artistique de votre étudiant annonçant la pièce Tom Sawyer soit traduite. Par ailleurs, pour ce qui est des deux documents que vous avez montrés, "volleyball skills" ou "basketball skills", il n'y a rien qui empêche que vous ayez les deux côte à côte. Il n'y a rien qui empêche que vous ayez les deux affiches côte à côte et le fabricant des "balls" en question doit disposer normalement d'une documentation française parce que nous voulons que vos écoles préparent des gens qui, tôt au tard, vont rencontrer des francophones en sortant de l'école, dans la rue ou dans le quartier où ils habitent. Je ne pense pas que ce soit demander des choses inacceptables que de suggérer que les affiches d'information qui viennent des fabricants d'articles de sport soient fournies simultanément en français et en anglais pour mieux comprendre la pratique d'un sport. À mon avis, ce n'est pas abusif de demander que cela soit fait, d'autant plus que vous avez dans vos écoles des étudiants qui parlent déjà deux et même trois langues. (11 h 15)

Également, pour la publicité faite par la CECM en anglais pour vos étudiants, il n'y a rien qui empêche que les affiches soient placées côte à côte. C'est le parallélisme - l'un n'empêche pas l'autre -que nous souhaitons et que nous suggérons dans la loi, que nous imposons dans la loi pour la documentation qui est imprimée par la CECM. Il n'est pas question d'enlever l'anglais, il est question d'ajouter un peu de français. Je pense que c'est cela qui est l'intention du gouvernement.

En conclusion - car votre mémoire parle de lui-même - déjà, à la faveur d'autres présentations, j'ai eu l'occasion d'éclairer les intervenants sur les intentions du gouvernement. Vous aurez, d'ici quelques jours, l'occasion de voir qu'une partie importante de vos recommandations trouvera auprès du gouvernement une oreille sympathique.

En terminant, quand vous parlez de la commission de surveillance, contrairement à ce que vous affirmez, les plaintes ne sont pas anonymes. La commission de surveillance a les noms des personnes qui portent des plaintes et elle ne les dévoile que si la personne qui porte plainte l'autorise à le faire. C'est le même comportement que la Commission des droits de la personne. Vous parlez des infractions au Code criminel dans votre mémoire, mais je vous dis que c'est une pratique courante. À chaque fois où ce qui est en cause est l'intérêt général, c'est le Procureur général qui assume la responsabilité d'une plainte et il ne dévoile pas le nom de la personne qui porte plainte, à moins que celle-ci ne soit d'accord. Donc, ce ne sont pas des plaintes anonymes ou un téléphone anonyme d'une personne qui est dans une telle situation.

Par ailleurs, M. Geci - je suis sûr que vous êtes au courant de cela - il y a des situations où des personnes peuvent se plaindre. Et vous reconnaissez qu'il y a un ombudsman qui recueille de telles plaintes déjà, mais l'ombudsman n'est pas équipé pour s'occuper de l'application de la loi 101.

D'ailleurs, les déclarations d'Alliance Québec, dans une entrevue accordée au magazine L'Actualité, et les déclarations récentes du nouveau chef du Parti libéral parlent du maintien de la commission de surveillance. Il semble donc qu'il y ait certains mécontentements, mais le consensus est que, si vous avez une loi qui porte sur un sujet aussi délicat que la question linguistique au Québec, il est normal qu'il y ait un lieu où les plaintes puissent être acheminées et faire l'objet d'une analyse aussi précise que possible.

Maintenant, le but de cette commission - je terminerai là-dessus, M. Geci, avant de vous demander des commentaires s'il y a lieu - c'est précisément d'entendre une évaluation, faite par les gens qui sont sur le terrain - comme vous tous et vous toutes -de la loi 101 et des organismes qui découlent de la loi 101. Donc, tout ce que vous nous dites nous intéresse et une partie importante de ce que vous nous dites aura des suites. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Geci.

M. Geci: M. le Président, d'abord, je devrais dire que je m'excuse de ma connaissance de la langue de Molière; de temps en temps des choses laissent à désirer dans mes expressions. Je vous demanderai donc votre indulgence.

M. Gratton: Le ministre a ce même problème à l'occasion. Quand il ne parle pas jouai, il a de la difficulté en français!

M. Geci: D'accord, parfait. Je suis très heureux d'entendre que le gouvernement nous félicite sur le fait que nous considérons que la langue anglaise est sacrée dans nos écoles et dans nos systèmes. Nous espérons voir cela se concrétiser dans les projets de loi qui s'en viennent pour les amendements.

J'aimerais revenir plus précisément sur certains aspects, sur la façon dont on les traite. Il est vrai que, quand il est possible d'afficher des signes, des posters et différentes choses pédagogiques ou administratives en français ou en anglais, cela aide, c'est un moyen de communication, c'est un moyen pédagogique. Mais, nous obliger à le faire au point où la loi dise: Vous ne pouvez pas afficher en anglais si cela ne l'est pas en français, là, c'est différent. J'aimerais ajouter pour votre considération qu'en effet il y des choses comme le volley-ball ou le basket-ball qui viennent de l'extérieur du Québec, parce que, au Québec, de plus en plus, les différentes firmes qui produisent ces matières ne veulent pas produire en anglais. Donc, le marché pour la communauté anglophone catholique -je pense que mes collègues protestants diront la même chose - c'est que, dans le domaine scolaire, dans les domaines d'activités, une entreprise dirigée par des Québécois, peu importe la langue, qu'elle soit française, anglaise, etc., a un intérêt, bien entendu, économique, mais, si le marché pour les anglophones est très petit, peut-être que cela n'entre pas dans le cadre économique pour son entreprise de produire des informations en anglais. Donc, ces entreprises produisent en langue française seulement. On a de la difficulté. On est obligé d'aller à l'extérieur du Québec pour les posters, mais plus que cela, pour nos livres maintenant. Le régime pédagogique s'en vient. On introduit de nouveaux cours au Québec. Peut-être que vous le savez et peut-être que vous ne le savez pas, mais êtes-vous au courant que, dans la communauté anglophone protestante et catholique, on est obligé de faire nos propres textes pour compléter le régime pédagogique? Il n'y a aucune librairie ou maison au Québec qui veut faire cela en anglais, parce que c'est trop coûteux ou, si elle veut le faire, cela va coûter une fortune au réseau scolaire anglophone; le prix ne sera pas abordable pour rendre encore plus efficace et compétent le système scolaire anglophone. Donc, on est obligé d'aller à l'extérieur. On est obligé de faire des démarches en Ontario et même aux États-Unis, sauf qu'on en fait moins aux États-Unis, parce qu'ils parlent de Détroit, Michigan, plutôt que de parler de Sault-Saint-Louis, de Chicoutimi et du Lac-Saint-Jean, etc. Donc, au moins, les livres canadiens parlent de ces endroits.

C'est un problème majeur pour nous. C'est là qu'on vous démontre que, pour les juridictions anglophones, vous êtes en train, à cause de l'obligation de produire en français - autrement, l'anglais ne peut pas être affiché et fait, etc. - d'amener un coût exorbitant en termes de traduction, en termes de production de matériel, en termes de communications, etc., pour en arriver à ce point-là.

M. Godin: Excusez-moi, M. Geci, une dernière question. La documentation pédagogique dans vos écoles est en anglais et rien dans la loi...

M. Geci: Oui, monsieur.

M. Godin: ...ne vous oblige à l'avoir dans une autre langue que l'anglais.

M. Geci: Bien entendu.

M. Godin: Et vous avez accès à l'immense marché de "text books", de manuels scolaires, de documentations, d'illustrations...

M. Geci: C'est exact.

M. Godin: ...pédagogiques, américaines, anglaises et canadiennes anglaises. En quoi la loi vous...

M. Geci: C'est quand, M. le Président...

M. Godin: Excusez-moi. En quoi la loi vous pose-t-elle des problèmes à cet égard?

M. Geci: D'accord. Quand nous avons besoin d'un texte, par exemple, un texte de littérature du deuxième cycle ou de la deuxième année, je suis obligé, par la loi 101, d'envoyer la lettre en français seulement. Donc, j'envoie une lettre en Ontario, à New York, partout. C'est sûr que, si je voulais être efficace, j'enverrais cette lettre en anglais pour au moins faire appel à ces entreprises afin qu'elles nous fournissent des livres, mais, présentement, je dois l'envoyer en français. Bien sûr, on essaie de voir de quelle façon on a à faire un appel téléphonique, etc. On correspond en français parce que la loi nous y oblige. Quand vous dites: Peut-être que non, c'est là, en effet, qu'on vous demande de clarifier distinctement pour que, dans la loi et dans

toutes les agences gouvernementales, ce soit très clair pour tout le monde, ce qui est permis et ce qui n'est pas permis, et pour ne pas laisser des individus penser que, pour un, c'est suffisant et, pour l'autre, ce n'est pas suffisant. Mais c'est dans ce sens qu'on envoie une lettre en français. Vous savez où la lettre s'en va, en Ontario ou pour ces compagnies. Cela va dans le panier 13.

M. Godin: Est-ce que la voie de la filière 13...

M. Geci: Filière, oui, excusez-moi.

M. Godin: On en a aussi chez nous. Filière, c'est... De toute façon, on s'entend sur le panier 13. On a le même panier dans tous les ministères. Mais je pense, M. Geci, que l'article 15 de la loi que vous avez évoqué tout à l'heure est très clair. Je ne comprends pas pourquoi il n'a pas réglé le problème que vous soulevez. L'administration aurait dit, etc. Le présent article ne s'applique pas aux relations avec l'extérieur du Québec. Cela veut dire que, pour toute commande que vous passez avec n'importe quel fournisseur, de l'Ontario ou des provinces anglaises, des États-Unis ou de n'importe quel autre pays, vous pouvez envoyer votre commande en anglais.

M. Geci: Je m'excuse, M. le Président. Pour signer le contrat, vous avez raison, mais, quand on fait appel, pour différentes demandes, pour savoir combien cela coûtera, s'ils ont des livres dans tel genre, s'ils ont différentes choses, on n'en est pas capable, parce que la loi, pour faire des appels d'offres, pour demander des soumissions, nous oblige à le faire en français. Et ce qui est encore plus nuancé, c'est que ce service est centralisé à la CECM; c'est donc un service français-anglais et nos règles d'administration interne disent: John, c'est en français, il faut qu'on suive la loi. C'est là que toutes ces choses n'ont pas leur raison d'être si on veut être efficace.

De toute façon, souvent, même quand on ne fait pas ces appels, on obtient des livres entièrement traduits en français. Et si ce n'était pas bon dans le temps pour la communauté francophone du Québec, ce n'est pas bon non plus, aujourd'hui, pour la communauté anglophone du Québec.

M. Godin: J'avais l'impression que l'article 15 était clair. Mais puisque vous me dites qu'il ne l'est pas, nous allons faire l'impossible pour qu'il soit clarifié, de manière que vous puissiez, en tant que secteur anglais catholique, contracter à l'extérieur du Québec dans la langue que vous parlez à l'école. Ce sera fait.

M. Geci: On le demande et on espère que l'office sera avisé de votre point de vue, M. le ministre.

M. Godin: II nous écoute plus attentivement que n'importe qui au Québec. Merci, M. Geci.

Une voix: Au prochain remaniement ministériel.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Encore là, on aurait avantage à avoir le code d'interprétation dont on parlait tantôt pour essayer de clarifier tout cela et pour pouvoir, éventuellement, clarifier la loi.

Je désire, au nom de l'Opposition, M. Geci, ainsi que ceux qui vous accompagnent, vous remercier pour la qualité de votre mémoire. Vous faites état de façon très concise, très succincte, de problèmes vécus que le ministre de l'Éducation aurait eu avantage à venir écouter, ce matin, à la commission parlementaire. Je déplore son absence.

Une voix: II n'écoute jamais.

M. Gratton: On convient qu'il est retenu probablement ailleurs par des fonctions tout aussi importantes que celle de bonifier la loi 101. Il est possible qu'il aurait écouté sans entendre le plaidoyer que vous avez fait ce matin. Le malheur, c'est qu'il n'est même pas là pour l'écouter. Nous comptons donc sur la bienveillance du ministre responsable du dossier pour lui faire les messages qui s'imposent, et surtout pour le convaincre de la justesse du point de vue que vous exprimez ici ce matin.

Le ministre vous a fait un reproche tantôt en disant que vous avez peut-être... Cela a juré dans le décor quand vous avez souhaité que l'on puisse encore se parler en anglais dans nos écoles. Je trouve cela assez curieux que le ministre se permette de vous faire des reproches, lui qui, à l'occasion, a eu des paroles beaucoup plus malheureuses que celles-là et qu'il a dû expliquer en cours de route à certains égards.

M. Godin: M. le Président, question...

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, je ferai remarquer au député de Gatineau qu'il ne s'est pas privé lui-même, à chaque fois que je l'ai fait, de me faire des leçons que j'ai acceptées de bonne grâce.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Oui, j'en conviens, le ministre, sans toujours me satisfaire pleinement, a quand même reconnu que certains des reproches qu'on lui adressait étaient justifiés. Je l'en remercie. J'ai eu beaucoup plus de succès avec lui qu'avec son prédécesseur, inutile de le dire, M. le Président. Quoi qu'il en soit, on est rendu à la dernière journée de nos auditions. Le ministre vous a dit à vous, comme il a dit à plusieurs autres, que plusieurs de vos recommandations, sinon l'ensemble, seraient retenues par le gouvernement. Je vous avoue franchement que j'ai hâte de voir ce que cela va donner. Il y a des positions nettement contradictoires qui ont été exprimées ici par rapport à ce que vous nous dites aujourd'hui, par rapport à ce que d'autres nous ont dit. Je crois en la bonne volonté du ministre. Je suis sûr qu'il va tenter, dans la mesure du possible, d'éliminer ce qu'il appelait lui-même les excès et les abus de la loi 101. Il restera à voir s'il aura compris la situation comme nous et comme certains qui sont venus nous rencontrer. Aussi, il restera à voir surtout s'il réussira à convaincre ses collègues du cabinet qui sont quand même, pour certains, les mêmes qui avaient refusé obstinément de se prêter aux représentations du même genre qui leur avaient été faites en 1977 par anticipation des problèmes que cela pourrait causer. (11 h 30)

On se rend compte aujourd'hui, devant votre témoignage et les nombreux autres qu'on a entendus, que ce qui avait été prévu par certains, anticipé et même appréhendé en 1977 s'est révélé encore plus grave que ce qu'on appréhendait. Je le répète, tout en croyant en la bonne foi du ministre dans son intention exprimée de vouloir réparer des choses: j'espère qu'il aura tout le succès voulu au sein du cabinet pour amener ses collègues à voir les choses sous le même angle que lui.

De toute façon, nous aussi de l'Opposition, on prend bonne note de vos recommandations. D'ailleurs mon collègue d'Outremont aura un certain nombre de questions à poser. Je voudrais simplement que vous réalisiez ce que vous savez déjà: ce n'est pas l'Opposition qui déposera un projet de loi le 15 novembre prochain, mais bien le gouvernement. Et dans la mesure où ce projet de loi ne fera pas écho aux nombreux engagements que le ministre a semblé prendre ou a donné l'indication d'être en mesure de prendre prochainement, on sera là pour les lui rappeler très amicalement, très calmement, très sereinement, mais de façon que la population, au bout de la démarche, s'y retrouve, soit le mieux informée possible et soit en mesure de juger que votre approche est la meilleure approche des deux, en supposant qu'il y aurait différentes approches entre nous deux.

Merci infiniment.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Merci, M. le Président, mesdames et messieurs présents. Il me fait plaisir aujourd'hui de vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Cela me rappelle un peu le temps où nous avons travaillé ensemble durant près de quatre ans; un travail amical et constructif que nous avons fait à la Commission des écoles catholiques de Montréal.

Votre mémoire est intéressant, comme le ministre vous l'a exprimé. D'autant plus que votre mémoire exprime une acceptation de l'identité fondamentale du français au Québec. En même temps, vous êtes désolés aussi de l'absence totale de référence à la communauté anglophone et vous en faites écho dans votre mémoire. Les modifications que vous suggérez concernent presque essentiellement le chapitre traitant de la langue de l'administration. Vous avez voulu choisir probablement le champ d'action qui vous touche de plus près, parce que vous êtes tous des administrateurs au sein de cette commission scolaire anglophone catholique.

J'aurais trois questions à poser. Vous dites, à la page 2, que même si les anglophones québécois ont accès à la vaste culture nord-américaine, leur capacité de fonctionner dans une communauté anglophone viable au sein de leur Québec natal est systématiquement érodée par une politique linguistique restrictive. Comme vous le savez sans doute, il y a dans la Charte de la langue française neuf articles - les articles 14, 16, 17, 18, 19, 22, 34, 58 et 69 - qui exigent l'unilinguisme français. Tous les autres articles ne sont là que pour faire en sorte que le français apparaisse partout où se trouve une autre langue. Croyez-vous, M. Geci, que ces seuls neuf articles soient de nature à vraiment éroder votre communauté?

M. Geci: M. le Président, oui. C'est par l'application de ces articles qu'en effet la défense d'afficher en anglais sans avoir également l'affichage en français nous oblige presque d'en arriver à un point où on n'est pas capable d'afficher en anglais. Que les affiches ou les communications puissent être faites en français, je pense que j'ai déjà été très clair sur cela, on ne conteste pas cela du tout. Mais par l'application de ces articles et les différents articles que vous avez mentionnés, surtout ceux que j'ai mentionnés dans notre mémoire, il y a un aspect dans lequel, obligatoirement... Un exemple: "Department of Studies" n'est pas une dénomination reconnue; le service de Mme Chesterman n'est pas un service reconnu par votre loi. On peut afficher

"Department of studies" si on met en évidence l'aspect "Service de l'enseignement". Mais, comme telle, la reconnaissance du département en anglais n'existe pas. La loi prévoit simplement l'affichage possible en français du département de Mme Chesterman. Quand nous produisons un document pour les enseignants et pour les écoles et qu'on dit: "Department of instructional services" - je m'excuse, j'ai dit "studies", c'est "Departement on instructional services" - on peut afficher ou inscrire sur le document "Department of instructional services" et il faut qu'on dise "Service de l'enseignement". Cela est seulement pour l'affichage; la loi ne prévoit pas la reconnaissance de "Department of instructional services" légalement pour le secteur anglais à la CECM. Si on était dans une commission scolaire reconnue par la première partie de l'article 113f, même si on avait 600 enfants par rapport aux 18 000 ou 19 000 qu'on a, on serait reconnu. Mais à l'intérieur de la CECM, à cause de l'application de la loi, on ne peut pas. C'est là ce que je soumets à votre considération, et c'est réel. Oui, notre droit d'utilisation de la langue anglaise non seulement pour l'affichage, mais pour la reconnaissance en dénomination est érodé.

M. Laplante: L'un des principaux irritants qu'il peut y avoir dans votre secteur, c'est là surtout, parce que vous êtes, en somme, sous la juridiction de la CECM, vous faites partie de la CECM, d'une section anglophone. Vous aimeriez être considéré un peu comme le fait l'article 113 au point de vue des municipalités et des autres corps reconnus anglophones, de santé ou autres. D'accord.

M. Geci: Je vous donnerai un autre bon exemple: la dénomination d'une école. C'est vrai, dans la Gazette officielle, on reconnaît toutes les écoles. Qu'est-ce qu'on demande? C'est réel et cela se passe sur le territoire de Montréal. Il y a des individus qui, en juin ou en juillet, déménagent, et, parce qu'ils sont nouveaux dans un endroit, ils se présentent à une école anglaise pour, en effet, demander l'inscription de leurs enfants. Ce sont des francophones québécois. On est obligé de dire: On regrette, vous devrez aller à une école française, à une rue ou pas loin de l'école anglaise. Les parents disent, avec justice: C'est une école française? Mais non! c'est une école anglaise. Le nom affiché sur le tableau ne dénote d'aucune façon qu'un édifice, une bâtisse ou une école est identifiée pour l'enseignement de l'anglais, que c'est pour l'anglais. C'est obligatoirement bilingue. On ne voudrait pas enlever l'aspect français du nom pour l'affichage. Notre recommandation, c'est que, si c'est une institution anglaise, on devrait pouvoir afficher de façon à montrer que cette institution est anglaise, bien oui, avec l'ajout en français pour ceux qui ne peuvent pas comprendre. C'est bien acceptable. Mais il ne faut pas compliquer l'affichage ou compliquer la dénomination pour que les publics francophone et anglophone soient mêlés et qu'on se demande si c'est une école anglaise ou une école française.

M. Laplante: D'accord. Vous parlez aussi à la page 3 de l'exode de la population anglophone du Québec, alors qu'en général dans d'autres provinces on parle de départs vers une autre province. On parle aussi ailleurs de migration interprovinciale. Il y a eu au Québec 135 000 départs de 1976 à 1981. Dans la même période, en Ontario, il y a eu 266 600 départs et on ne parle pas d'exode. Pourquoi cette ambiguïté dans vos remarques en ce qui concerne le Québec? Quand il s'agit de départs de la communauté anglophone, vous parlez d'exode tout de suite et, lorsque cela arrive dans une autre province, où vous avez le double de départs, de migrations d'une province à l'autre, personne ne parle d'exode. J'aimerais d'une façon très sincère essayer de comprendre pourquoi les termes ne sont pas les mêmes ici quand une population anglophone quitte pour effectuer vers une migration interprovinciale. Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas employer le même verbe et le même ton qu'ailleurs?

M. Geci: D'abord, notre mémoire ne traite pas des va-et-vient des populations des provinces autres que le Québec. Donc, c'est pour cette raison, on fait abstraction de ce qui se passe ailleurs.

M. Laplante: Vous parlez d'exode.

M. Geci: Mais si on parle de l'exode de la population anglophone au Québec, c'est parce que c'est, en effet, un facteur très important non seulement pour la survie de la communauté anglaise au Québec, mais pour son propre développement à l'intérieur du cadre québécois, pour que les Québécois anglophones puissent s'intégrer. C'est dans ce sens que l'on vous démontre la baisse de clientèle et la chute produite depuis l'instauration de la loi 101. En effet, les différents aspects connexes de cette chute nous démontrent très clairement qu'il y a un départ substantiel, lequel affecte le nombre d'élèves dans nos écoles. Conséquemment, si cela continue à se produire, un jour on n'aura pas le système que l'on connaît aujourd'hui.

M. Laplante: Le mot "exode" n'a peut-être pas la même signification pour nous que "départ" pour vous. Pour nous, le mot "exode" est radical. Cela veut dire que tout

le monde s'en va. Un départ, c'est beaucoup plus nuancé dans notre langage. À peu près tous les mémoires de la communauté anglophone ont parlé d'exode. Pour nous, celasonne dur. Quand on sait la migration qui se fait en dehors, dans les autres provinces, c'est un langage auquel on a de la misère à s'habituer.

J'ai un commentaire à faire sur la page 16. À votre cinquième recommandation, lorsque vous dites que l'office a accepté que 10% des postes au sein des services centralisés soient déclarés bilingues, vous affirmez que ce quantum est aussi inférieur au rapport entre le nombre d'élèves anglais et le nombre d'élèves français desservis par la CECM. Cette affirmation m'étonne, car, pour l'année 1982-1983, il y avait 111 114 élèves inscrits à la CECM dont 8227 étaient de langue maternelle anglophone, soit 7,4% du total. Pour moi, le quantum de 10% est supérieur à la clientèle anglaise de langue maternelle qui a été inscrite à la CECM. Là-dessus, il n'y a pas de concordance.

À mon avis, vous avez obtenu justice dans la répartition lorsque vous avez demandé 10%, que vous avez obtenus. Vous avez 7,4%.

J'ajouterai aussi que, peut-être pas dans l'écrit, mais au point de vue verbal et téléphonique, même dans la lutte que l'on a faite ensemble - parce que j'étais de votre côté sur la loi 22; il y avait une injustice flagrante dans les tests là-dessus et on défendait la famille à ce moment-là - soit un élève, soit un professeur, soit un professionnel ou toute autre catégorie de travailleurs ou de parents qui ont pu appeler à la CECM, ont toujours reçu, à ma connaissance, une réponse dans leur langue. On avait même un bureau sur la langue à la CECM qui doit exister encore - c'était M. Attar qui en avait la responsabilité dans ce temps-là - où on pouvait parler jusqu'à 18 langues pour essayer de desservir les communautés ethniques de Montréal. C'est pour cela que, lorsque je pèse le pour et le contre je ne peux pas crier à l'injustice actuellement envers les minorités, ni envers la communauté anglophone pour les 10% que l'on vous accorde actuellement qui peuvent vous accommoder beaucoup.

M. Geci: M. le Président, dans la question de M. le député, il y a trois aspects. J'aimerais toucher chacun séparément, parce que je pense que c'est important et qu'il y a des clarifications très importantes à faire. C'est vrai que lorsqu'on a dit qu'il y avait eu une entente, c'est dans les discussions du président de l'office; nous avons, semble-t-il, eu un échange dans lequel on a eu une entente verbale, à savoir qu'environ 10% devront être capables de servir la clientèle du secteur anglais. J'aimerais bien noter - toute la documentation du ministère de l'Éducation sur les chiffres le démontre - que, dans le temps, le secteur anglais représentait 22% de l'ensemble de la clientèle de la CECM. Présentement, aujourd'hui même, on est 18% de la clientèle de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Sur un total de 107 000 enfants, le secteur anglais comprend 18 825 enfants. Ce n'est donc pas 7% ou 8%; c'est 18% de l'ensemble de la CECM.

M. Laplante: Enlevez-vous les francophones que vous avez dans votre secteur actuellement quand vous dites cela?

M. Geci: Non. Vous suggérez d'enlever les francophones. Les gens viennent aux écoles anglaises pour l'apprentissage de l'anglais. On ne fait pas de distinction entre les 56 langues qu'on a dans une école. On a à peu près 27 langues. Donc, pour nous, les parents ont choisi une école anglaise pour l'apprentissage. On ne commence pas à demander quelle est l'origine, francophone ou autre. Les formules du ministère et de la commission sont standards et on ne fait pas d'extrapolations dans ce sens.

Deuxième partie de la réponse à votre question, je vous achemine une petite carte qu'on a fait préparer sur la chute de clientèle, parce qu'on a parlé tantôt de votre population, pourquoi il y a tellement de gens qui viennent. La mienne est colorée; je m'excuse de la qualité de la vôtre, cela a été fait hier. La colonne de gauche en jaune démontre que le déclin de la population anglophone à la CECM depuis 1976 est de 43%; mais le déclin de la population francophone à la CECM depuis 1976 est de 26%. Toutes ces statistiques sont connues au ministère de l'Éducation et sont vérifiables et validées.

Deuxièmement, par rapport au reste de la province, le déclin de la population depuis 1976 est de 33% chez les anglophones et de 17% chez les francophones. En effetj cette année - pour vous donner un autre chiffre si on veut embarquer dans les chiffres - on avait une perte de 2000 dans le secteur anglais sur 20 000, ce qui fait une proportion de 10,7% je crois. Nos collègues francophones à la CECM, je pense que leur perte était d'environ 3%. On voit donc que la chute de clientèle anglophone dans le contexte CECM catholique, c'est beaucoup.

Concernant le troisième facteur qui a été amené dans la question, je fais référence à une lettre du 12 janvier 1982 de l'Office de la langue française adressée à M. Luc Larrivée, le président, concernant, semble-t-il, cette entente de 10% ou environ, et dans laquelle on dit: "L'office vous demande également de planifier une réduction progressive du nombre de postes qui dans vos services centraux exigent présentement la connaissance de l'anglais pour desservir votre secteur anglophone et de bien vouloir l'en informer."

Je veux bien qu'il y ait un respect, une reconnaissance de l'anglais pour la communauté anglophone, mais quand, par différents moyens, arrivent des communications des différentes agences pour nous dire: Messieurs, progressivement, diminuez les services pour les anglophones, on se demande si on ne devrait pas aller aux commissions parlementaires pour exprimer notre point de vue. Il y a des choses concrètes qu'on vit quotidiennement. C'est ce qui amène des remous, c'est ce qui amène, en effet, dans la population anglophone au Québec un mécontentement et aussi une "misstrust" - excusez l'expression, je ne connais pas le mot en français - une méfiance face aux paroles parce qu'il y a des gestes qui se posent, il y a des choses qui se disent et les deux ne concordent pas.

M. Laplante: J'aurais encore beaucoup de questions à poser, mais le temps nous manque. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Bourassa. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Geci, le ministre vous a dit tout à l'heure - comme mon collègue de Gatineau le disait - qu'une très grande majorité de vos recommandations avaient été entendues et seraient prises en sérieuse considération. Il a dit cela à bien des gens qui sont venus présenter des mémoires. Cela me fait un peu penser à Charles de Gaulle qui était allé en Algérie pour dire aux pieds-noirs: Je vous ai compris et, six mois après, ils faisaient l'indépendance. J'espère que le ministre vous a bien compris. J'aimerais bien comprendre le message principal. Je pense que le message principal que vous nous avez donné, c'est que la CECM, avec le secteur anglais, était dans un position différente de celle des autres commissions scolaires et que, relativement à l'article 113f, vous vous posez des questions sur la latitude que vous avez de communiquer en anglais avec les services.

J'aimerais savoir de façon bien précise, pour comprendre exactement ce que vous nous avez dit, quelle est la pratique actuelle. Si vous faites référence à l'organigramme que vous avez distribué, vous nous dites qu'il y a un secteur de langue anglaise qui, dans le moment, peut fonctionner en anglais sur le plan pédagogique, mais il y a d'autres services communs aux secteurs français et anglais et c'est là que vous vous posez des questions.

Le ministre a déjà dit, en réponse à des recommandations qui avaient été faites par d'autres groupes, qu'il favoriserait ou qu'il ferait des recommandations pour le bilinguisme institutionnel, c'est-à-dire pour permettre à certains services à l'intérieur d'un organisme de langue anglaise d'obtenir le bilinguisme institutionnel. On pourrait penser qu'à la limite cela pourrait s'appliquer aux services qui sont à l'intérieur d'une école. Votre position à l'intérieur de la CECM est tout à fait différente de tous les cas qu'on nous a amenés jusqu'à maintenant. J'imagine que le bilinguisme institutionnel ne répondra pas à toutes vos attentes et qu'il faudra véritablement une modification à l'article 113f pour prendre en considération la recommandation majeure que vous nous faites aujourd'hui. J'aimerais vous entendre sur la pratique telle qu'elle se fait maintenant ou sur les efforts, du moins les pressions qui ont été faites sur vous pour appliquer la loi, du moins la politique officielle de la CECM dans son ensemble. Dans quelle mesure une reconnaissance de votre statut particulier amènerait-elle une modification spéciale de l'article 113f?

M. Geci: De deux façons. Premièrement, à la CECM présentement, on a des directives administratives concernant l'application de la loi 101, que la commission a adoptées en 1979. Selon ces directives, nous sommes en conformité avec la loi, mais nous n'avons pas reçu notre certificat de francisation à la Commission des écoles catholiques de Montréal. Vous pouvez juger vous-même du bien-fondé de cette décision. Il y a deux questions: les dénominations et les communications. Dans le secteur français, la commission est connue présentement comme étant la CECM seulement. En termes de dénomination, la commission et tous les services sont reconnus en français seulement. Nous demandons donc d'avoir la possibilité d'appeler la CECM, MCSC, Montreal Catholic School Commission. Nous demandons que les "instructional services" soient reconnus comme "instructional services" et non pas reconnus comme services de l'enseignement et que le service de M. Macchiagodena soit reconnu comme "service of auxiliary resources", que les écoles soient reconnues comme des institutions anglaises d'abord pour l'affichage - c'est autre chose - bilingue, mais que l'anglais soit prédominant pour démontrer qu'il s'agit d'une institution anglaise. Présentement, on n'a pas cela à la CECM parce que la loi ne nous le permet pas. La loi et la commission exigent que tous les services soient reconnus en français.

L'usage de cette reconnaissance. Quand on arrive aux différents articles concernant l'affichage des différentes dénonciations ou la connaissance de ces services dans les documents et les communications, à la CECM présentement, quand cela vient d'un service central (informatique, équipement) cela vient soit en français seulement ou cela peut venir de façon bilingue, mais il faut que ce soit en français. Souvent, jusqu'à maintenant, nous le recevons dans les deux langues, mais nous nous inquiétons quand les

gens nous disent: Progressivement, éliminez l'aspect anglais des services centraux.

Deuxièmement, quant aux services connexes à l'organisation de la pédagogie anglaise, nous tous qui sommes présents ici, nous discutons et nous communiquons en anglais à l'interne avec nos écoles; cela est permis. Nous pensons que cela est permis par l'article 113f deuxièmement, mais il y a des gens qui pensent que l'article 113f deuxièmement ne nous le permet pas parce que les articles 15 à 23 ne s'appliquent pas au deuxièmement de 113f. Donc, nous ne savons pas si nous sommes dans l'illégalité ou non, mais nous laisserons les avocats trancher cela. Donc, pour cet aspect, à l'interne, nous transigeons en anglais à la CECM.

Quand il s'agit de différentes informations, communications et pour l'informatique, nous voulions que les informations viennent toujours des services centraux obligatoirement en anglais et en français. Mais, selon la loi, ce n'est pas obligatoire que ces services soient fournis en anglais et en français conjointement. C'est là la nuance que nous apportons dans notre mémoire à cause de notre situation.

J'aimerais dire que, peut-être parce que la CECM est importante et efficace, nous avons présenté ce mémoire, mais que dans plusieurs commissions scolaires catholiques où il y a des sections anglaises ou un regroupement d'une ou deux écoles, la même situation et le même problème existent, ils ne sont pas reconnus selon la première partie de l'article 113f.

M. Fortier: Un secteur que vous n'avez pas touché a trait au fait que dans les services il devrait y avoir des gens bilingues pour être capables de communiquer avec vous. J'imagine que présentement la loi ou, du moins, ceux qui sont chargés d'appliquer la loi ne reconnaissent pas nécessairement des postes que la CECM voudrait voir bilingues. Quelle est la pratique en ce qui concerne la reconnaissance de postes bilingues pour satisfaire les demandes?

M. Geci: Présentement, de façon pratique, à la CECM, lors des entrevues pour des postes... Dieu sait qu'à la CECM nous n'avons pas beaucoup d'entrevues parce qu'on ne crée pas beaucoup de postes dans le secteur anglais; c'est l'inverse, nous diminuons. Mais la loi prévoit des règles non seulement pour les promotions, mais pour les mutations. Que nous disent ceux qui administrent l'application de la loi? Même pour les mutations, tout le monde devra avoir une connaissance du français.

Alors, le problème que nous avons -c'est réel - c'est que, en diminuant le nombre d'élèves par école, à cause de la chute de la clientèle, ceci amènera une réaffectation des professeurs dans d'autres écoles à cause de leur ancienneté pour appliquer la convention collective et techniquement on ne pourra pas affecter un enseignant dans une autre école parce qu'un enseignant d'anglais, langue maternelle, n'a pas nécessairement une connaissance du français. Que nous a-t-on dit récemment? C'est que six postes à la CECM, pour 1400 enseignants, sont exclus de cette modalité d'avoir la connaissance du français pour une mutation. C'est un non-sens. Ces gens sont là pour enseigner l'anglais aux enfants.

Cela concerne les mutations non seulement d'enseignants, mais de professionnels. On mute des professionnels en musique, en arts plastiques, en physique, en chimie et ces gens connaissent leur matière en anglais. Avoir une connaissance en français de ces matières n'est pas un besoin. Oui, cela peut être un facteur lors des réunions provinciales avec les collègues français. À cet égard, ce que nous essayons de faire - ici, je réponds plus particulièrement à votre question - c'est essayer de perfectionner ces gens par le biais de cours de perfectionnement, de cours spéciaux de français pour essayer d'aider ces gens à s'exprimer. Espérons que ces gens seront capables d'échanger comme moi qui ai appris la langue française dans une école anglaise de la CECM. (12 heures)

M. Fortier: Vous avez illustré trois situations ou trois problèmes: les dénominations, les communications et les mutations. D'une façon bien précise, avez-vous regardé la loi pour vous assurer qu'à l'avenir il n'y aura pas de mésentente sur l'interprétation? Avez-vous regardé les articles de la loi qui nécessiteraient une modification?

M. Geci: Nous n'avons pas regardé cela dans ce sens. Nous avons regardé la loi et son application dans la façon dont elle affecte directement notre secteur à la CECM. Ce que nous espérons - peut-être avec beaucoup plus d'espérance et j'espère que ce n'est pas une espérance inutile - à la suite des remarques de M. le ministre, à savoir qu'il retient beaucoup de nos recommandations, c'est que la loi soit, en effet, très claire et très précise. Pour nous, la meilleure façon de faire cela, c'est de faire une déclaration, un cadre de référence qui dise: En effet, l'anglais est possible ici, l'anglais est reconnu, et non pas dans le sens inverse où il y a des complications en termes d'interprétation. Souvent, on a des livres d'interprétation plus large que la loi ne l'est. Bien entendu, la jurisprudence se fait devant les tribunaux, mais on demande à la population, on demande à l'administrateur, on demande à notre public - les parents, les enseignants et les principaux - de dépenser trop d'énergie pour appliquer la loi; c'est

quelque chose qui est simple à appliquer si, en effet, on écrit ce qu'on dit dans l'énoncé des dispositions de la loi.

M. Fortier: Une dernière question, M. le Président. Vous avez dit tout à l'heure que vous espériez obtenir la possibilité de communiquer en anglais avec les syndicats, en particulier. La loi exige présentement que la convention collective soit écrite en français. C'est bien cela? Les officiers des syndicats qui dialoguent avec vous sont-ils des gens de langue anglaise ou des gens de langue française?

M. Geci: Ce sont des gens de langue anglaise. Justement, dans le dépôt de documents que j'ai fait - le dépôt no 2 -The Federation of English Speaking Catholic Teachers est d'accord avec nous. Quand on transige, on transige en anglais. Quand on s'écrit, ce n'est pas souvent, parce que la loi dit: Cela devra être en français. Donc, on est dans la situation où on se parle plus souvent, ce qui est bon dans un sens, mais on aimerait avoir surtout avec des syndicats, des ententes - c'est bon de les avoir ainsi -par écrit. Les deux côtés le souhaitent. C'est ce qu'on souhaite, en effet. Le syndicat nous appuie dans nos démarches pour dire: Oui, on devrait avoir la capacité d'échanger par écrit en anglais seulement.

Là encore, je reviens sur une nuance. Ce n'est pas pour nier le français, mais avoir un document en français entre deux groupes anglophones pour traiter d'une question qui concerne les deux groupes est inutile. Donc, c'est nous obliger à faire plus, ce qui n'est dans l'intérêt de personne, sauf pour être conformes à une disposition de la loi.

M. Fortier: Je vous remercie, M. Geci, d'autant plus que vous nous avez apporté un éclairage sur les problèmes pratico-pratiques que vous vivez. Je crois que c'est un rappel au législateur qu'à chaque fois qu'on légifère dans des domaines comme la langue la loi amène des situations qu'il est difficile de réglementer dans tous les détails. En espérant que les modifications à venir sauront répondre à certaines des recommandations que vous avez faites, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Oui, M. le Président. Simplement pour vous réitérer nos remerciements. On aurait beaucoup de choses à discuter avec les gens du secteur anglophone de la CECM. Ce sera à reprendre ou à continuer plus tard, une fois qu'on connaîtra le contenu du projet de loi que le ministre entend déposer le 15 novembre.

Encore une fois, merci. Cela nous est fort utile.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: Je joins ma voix à celle de mes collègues des deux côtés de la Chambre pour vous remercier d'être venus ici et pour vous réitérer qu'en ce qui nous concerne vous avez touché "a cord", comme on dit en anglais, et que nous tenterons de vous donner satisfaction, à tout le moins, sur un certain nombre de vos demandes. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Oui?

M. Geci: M. le Président, j'aimerais dire en terminant qu'on vous remercie. Je m'excuse si quelque chose n'était pas compréhensible. À la CECM, comme d'habitude, on est à la disposition du gouvernement, des deux côtés de la Chambre, pour vous donner des explications. J'aimerais simplement terminer en disant que, pour nous, à la CECM, l'importance de l'article 25 est primordiale et qu'on espère avoir des éclaircissements dans les plus brefs délais pour qu'on sache à quoi s'en tenir et qu'on puisse planifier où on s'en va à partir du 1er janvier 1984. C'est dans une cinquantaine de jours et on n'aimerait pas - comme tout le monde n'aimerait pas - devoir s'ajuster et faires toutes sortes de changements à la dernière minute. On apprécierait que le gouvernement prenne en considération cette disposition pour rendre très claire l'application de l'article 25 et surtout préciser comment cela touche le secteur anglais de la CECM. Je vous remercie pour votre courtoisie et votre attention. Merci bien.

M. Godin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci à vous-même et à vos collaborateurs, ainsi qu'à la Commission des écoles catholiques de Montréal.

Je voudrais maintenant inviter le

Centre de services sociaux Ville-Marie à prendre place. M. Walker?

Centre de services sociaux Ville-Marie

M. Walker (John R.): Oui.

Le Président (M. Gagnon): Je vous souhaite la bienvenue et je vous demande de nous présenter les gens qui vous accompagnent, ainsi que de nous faire la lecture de votre mémoire.

M. Walker: M. le Président, membres de la commission parlementaire, je suis le

directeur général du Centre de services sociaux Ville-Marie.

Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous rapprocher votre micro?

M. Walker: Bon. Encore une fois, merci. Avant de commencer, je dois vous dire que j'ai demandé à la secrétaire de faire circuler une précision concernant notre mémoire; ce n'est pas un changement, c'est une précision.

Nous sommes très heureux de présenter ici aujourd'hui notre point de vue sur la loi 101. Nous sommes ici en tant que centre de services sociaux spécialisés mandaté par le gouvernement du Québec selon le chapitre 48 ou loi S-5.

J'aimerais présenter les membres de notre conseil d'administration. Immédiatement à ma droite, notre présidente, Mme Frances Boylston, également représentante des groupes socio-économiques; à mon extrême droite, Mme Sylvia Schwartz, représentante du personnel clinique; à ma gauche, Mme Deborah Hughes-Geoffrion, représentante des usagers à notre conseil. Je cède la parole à Mme Boylston et, ensuite, nous serons disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Gagnon): Madame.

Mme Boylston (Frances): Mesdames, messieurs, M. le ministre, il me fait plaisir de vous rencontrer aujourd'hui. Notre exposé se divise en trois parties. D'abord, nous aborderons le caractère anglophone du CSS Ville-Marie. Ensuite, nous parlerons du rôle de la langue dans un centre de services sociaux. Enfin, nous proposerons des modifications à la loi 101.

Le Centre de services sociaux Ville-Marie, fondé en 1973, est le fruit de l'intégration de plusieurs organismes anglophones sans but lucratif, par exemple, la Federation of Catholic Charities et les diverses organisations formant la Red Feather. Ces organismes desservaient la population anglophone depuis plusieurs générations.

Le chapitre 48 a permis l'intégration de ces organismes et la naissance du Centre de services sociaux Ville-Marie. Le gouvernement du Québec reconnaissait ainsi l'existence du caractère anglophone du CSS Ville-Marie. Faisant état de la diversité socioculturelle du Grand Montréal, trois centres de services sociaux y ont vu le jour: le CSS du Montréal métropolitain, le CSS Ville-Marie et le CSS Juifs à la famille, tandis que dans le reste du Québec un seul CSS fut créé par région.

La reconnaissance officielle de ce fait est exprimée dans une lettre que le ministre des Affaires sociales du temps, M. Denis Lazure, a adressée au CSS Ville-Marie en 1980. Je cite: "La réalité socioculturelle de chaque CSS doit être respectée."

Après avoir consulté différents groupes communautaires, nous, les membres du conseil d'administration du CSS Ville-Marie, avons réaffirmé l'énoncé de la mission du centre. Faisant état de nos rapports avec la collectivité tout entière et de notre engagement envers celle-ci qui se fondent sur nos origines socioculturelles et sociohistoriques, voici quelques extraits de cette mission que je vais citer en anglais:

The mission of Ville-Marie Social Service Centre is drawn from the mandate given to it by the laws and regulations and the legislation for Health and Social Services (Chapter 48) and Youth Protection (Chapter 20). The mandate and the role of the Social Service Centre is also interpreted by the Ministry of Social Affairs and the Regional Council for Health and Social Services in region 6A, Montreal. In addition, the mandate is given to it from the founding amalgamated agencies and foundations and from the community served and to be served, based on its - the community's -needs.

As a major social agency for the English-speaking community and as an integral partner in the total network of Health and Social Services in Québec, Ville-Marie Social Service Centre must continue to reflect the sociocultural and sociohistorical roots and expressions of its community. This must be done without losing sight of the humanity and the basic human needs of all our community's members in terms of their needs for self-sufficiency and self-expression.

Ville-Marie Social Service Centre is committed to providing specialized psychosocial services for the preservation of the family, whatever its structures, as a basic social unit. Any measure which would jeopardize the quality of services would have to be carefully scrutinized by all the members of the organization and by the community.

Le ministère des Affaires sociales a tenté, à maintes reprises, de rationaliser les services uniquement en fonction du territoire. Le CSS Ville-Marie, par l'entremise de son conseil d'administration et de son personnel, a reconnu la nécessité de la démarche de rationalisation des services et a dû accepter le principe de la territorialité.

Cependant, le conseil d'administration et le personnel ont sans cesse réaffirmé l'engagement du CSS Ville-Marie vis-à-vis de la communauté anglophone qui fait appel à ses services depuis la création des services sociaux. Nous avons donc appuyé ce principe à la condition que nous puissions continuer à desservir les anglophones qui se situent à l'extérieur de la région 6A, notre région, après la mise en vigueur de la "territorialisation".

La mise en pratique de notre énoncé de

mission témoigne de la dispensation de services à plus de 33 000 bénéficiaires au cours de la dernière année financière. Soulignons que quelque 52,3% de cette clientèle provenait de l'extérieur de notre juridiction territoriale au sein de la région 6A. En dépit de la politique de "territorialisation", le ministère des Affaires sociales, les autres centres de services sociaux et les clients eux-mêmes font souvent appel au CSS Ville-Marie pour la dispensation de services sociaux aux anglophones résidant à l'extérieur de notre région. Le CSS Ville-Marie reçoit ces demandes et y répond étant donné la tradition qui veut que le CSS desserve la population anglophone. (12 h 15)

La dimension anglophone du CSS Ville-Marie a des répercussions non seulement d'ordre socioculturel, mais également d'ordre clinique. À ce sujet, je vais demander à Mme Sylvia Schwartz, membre de notre conseil d'administration, mais aussi travailleuse sociale, de vous parler.

Mme Schwartz (Sylvia): Thank you. Language is the key tool in providing social services and language consists of more than just words. It is the nuances, subtleties and cultural understandings built around the language. The relationship between the client and the worker must be a relationship of trust, and that trust is dependent on communication. Our clients, who come to us vulnerable and in distress, must feel that they can be understood and are at home in their community. Thus, it is vital that we provide services to the users in their own language.

In order to continue to respect the needs of these users and the community from which they are drawn, it is vital that access to delivery and quality of services in user terms not suffer because of accommodations made necessary by the imposition of a language legislation. If the French Language Charter is not modified, particularly with Article 25 coming into effect December 1983, services in user terms will be seriously jeopardized. The interests of the users must at all times prevail. We feel that the following principles must be adhered to if our services are not to be seriously jeopardized. 1. All clients should be able to receive service in their own language, if it is English or French and, where possible, in another language. 2. I quote from law, Article 4, S-5, An Act respecting Health Services and Social Services: "Every person has the right to receive adequate, continuous and personal health services and social services from a scientific, human and social standpoint, taking into account the organization and resources of the establishments providing such services." 3. The requirements of linguistic proficiency should be relevant to the delivery of service. They must not hamper the quality or efficiency of such service. 4. As Ville-Marie is committed to the provision of services to the anglophone community and is the anglophone community's major agency, Ville-Marie has a responsibility to provide a work place in which anglophones can be comfortable. This means, in part, giving anglophone professionals the opportunity to interface with others in the institutions that constitute the network that defines anglophone resources, that is, those institutions which are currently been given a Section 113f status in Bill 101. Thank you.

Mme Hughes-Geoffrion (Deborah): Dans le respect et la reconnaissance des réalités de la collectivité francophone et, en même temps, dans l'exécution du mandat que lui confère la loi, le CSS Ville-Marie propose que certaines modifications soient apportées à la loi 101.

Le paragraphe f de l'article 113 reconnaît le caractère distinct de nos organismes. Toutefois, la mise en vigueur des articles 15 à 23, le 31 décembre 1983, jettera une ombre sur cette distinction. Le moins que l'on puisse demander, c'est que les exemptions actuellement prévues par la loi fassent désormais partie intégrante de la loi.

À l'article 17, nous proposons l'amendement suivant: Les organismes reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 peuvent communiquer entre eux en utilisant soit la langue officielle, soit l'anglais. Les raisons motivant l'amendement sont les suivantes. Le CSS Ville-Marie n'agit pas seul; il fait partie d'un ensemble d'organismes dispensant des services sociaux, au sein desquels la clientèle se déplace. Pour qu'un client soit assuré d'une continuité de services dans un délai raisonnable et pour que l'utilisation des ressources soit des plus efficaces, il faut reconnaître l'interrelation des organismes anglophones au sein de ce réseau et pouvoir communiquer dans sa propre langue. Sans cet amendement, ne serait-il pas absurde d'exiger que l'hôpital de Montréal pour enfants ou l'école de service social de l'Université McGill communique avec le CSS Ville-Marie uniquement en français, malgré le fait que toutes les parties en cause soient anglophones?

 l'article 18, nous proposons l'amendement suivant: Dans les organismes reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113, les communications internes peuvent se faire en anglais lorsque les personnes qui communiquent entre elles sont anglophones. Les raisons motivant cette proposition d'amendement sont que l'introduction de cet

amendement rendrait l'exemption accordée en vertu de l'article 26 permanente.

Article 20. L'amendement prévoit le remplacement du deuxième paragraphe de l'article 20 par ce qui suit: Les organismes de santé et de services sociaux reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 doivent assurer que les services sont disponibles dans la langue officielle. Raisons motivant la proposition d'amendement. La responsabilité d'assurer la disponibilité de ses services dans la langue officielle appartient à l'organisme et non pas au praticien lui-même. Seul le centre de services sociaux connaît les besoins de ses clients et est en mesure d'évaluer les compétences de ses praticiens; ainsi, il doit conserver le droit de déterminer les exigences linguistiques des postes, tout en assurant la disponibilité de ses services dans la langue officielle à la communauté.

Article 21. Nous proposons l'amendement suivant: Les organismes reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 peuvent rédiger des contrats et les documents qui s'y rattachent en français ou en anglais selon la volonté expresse des parties. Raisons motivant la proposition d'amendement. Sans cet amendement, l'article 21 ne permet pas que soient rédigées dans leur langue usuelle des ententes entre des organismes reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 ou entre un centre de services sociaux et ses clients anglophones. Nombre d'ententes dont le CSS Ville-Marie est partie, telles les ententes avec les familles d'accueil ou celles prescrivant des mesures volontaires en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, sont conclues avec des personnes qui n'ont aucune connaissance de la langue juridique française. Il est donc important que ces ententes soient comprises par les deux parties.

Article 22. Nous proposons l'amendement suivant: Les organismes reconnus en vertu du paragraphe f de l'article 113 peuvent utiliser le français et l'anglais ou une autre langue dans l'affichage. Raisons motivant la proposition d'amendement. Bien que nous rattachions le terme "santé publique" aux services sociaux et aux services de santé communautaire, nous estimons que cet amendement permettrait d'éviter toute confusion possible.

En sa qualité de centre de services sociaux, la CSS Ville-Marie traite avec différentes personnes: des personnes âgées, des jeunes en difficulté, des malades, des parents adoptifs, des enfants et des familles. Les besoins de ceux-ci doivent constituer la première préoccupation du centre. En conséquence, nous ne pouvons permettre a une loi sur la langue de mettre en péril la nature essentielle de nos services qui sont un outil de communication entre la clientèle et l'organisme.

La CSS Ville-Marie se considère comme un associé des autres centres de services sociaux et du gouvernement. Cette association suppose une réciprocité par le biais de laquelle chacune des parties tente de prendre les mesures nécessaires en vue d'assurer le bien-être des individus et de la collectivité. Le mémoire que nous présentons est rédigé dans cet esprit et nous espérons qu'il sera accueilli favorablement. Merci.

M. Walker: M. le Président, nous avons terminé la présentation mais nous sommes disponibles pour répondre aux questions.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: M. Walker, Mmes Boylston, Schwartz et Hughes, bienvenue à cette commission. Vous reprenez les mêmes arguments que les hôpitaux anglophones qui sont venus la semaine dernière. J'ai eu l'occasion de leur faire part de nos intentions là-dessus. Je retiens de votre mémoire deux points avec lesquels je suis d'accord à 100%. Je cite: "La langue joue un rôle clé dans la dispensation de services sociaux. Cette langue n'est pas uniquement constituée de mots, mais se compose également de nuances, de subtilités, ainsi que de particularités culturelles que revêt le langage." J'ai dans mon comté un centre de services sociaux portugais, un centre de promotion des Portugais. Tous les témoignages concordent et coïncident, à savoir que, lorsqu'un patient, pour quelque problème social que ce soit, peut communiquer dans sa langue avec le médecin, le professionnel ou la professionnelle, l'amélioration au plan de la santé est immédiate. Cela a même été vérifié dans le cas du joueur de hockey des Bruins de Boston, Normand Léveillée, quand il est arrivé dans un hôpital où il y avait des services et où on lui parlait dans sa langue, son état s'est amélioré grandement. Cela confirme tout a fait la perception que nous avions et que nous voulons incarner concrètement.

À la page 5, j'endosse également totalement "l'intérêt des bénéficiaires doit prévaloir en tout temps". Cela rejoint ce que j'ai dit en Chambre il y a déjà plusieurs mois.

Une seule question en ce qui me concerne, après avoir fait l'éloge du sérieux de votre mémoire. À la page 10, article 22, à l'amendement qui porte sur l'affichage, est-ce que l'article 24 de la loi actuelle ne répond pas, justement, à votre inquiétude, M. Walker? Il est ainsi rédigé et je le cite pour la bonne compréhension de ceux qui suivent nos débats: "Les services de santé et les services sociaux reconnus en vertu de 113f -

c'est votre cas - peuvent afficher à la fois en français et dans une autre langue avec prédominance du français".

M. Walker: Oui, M. Godin, mais, d'un autre côté, nous désirons continuer d'afficher aussi en français...

M. Godin: D'accord.

M. Walker: ...mais nous allons sauvegarder le droit d'afficher en anglais aussi.

M. Godin: Vous craignez que l'article 25 n'annule l'article 24, si j'ai bien compris. (12 h 30)

M. Walker: C'est notre opinion, oui.

M. Godin: C'est votre crainte. Bon, c'est clair.

Maintenant, je tiens à souligner que l'Office de la langue française a remis au CSS Ville-Marie un certificat de conformité à la loi, le 24 octobre 1983. Donc, vous êtes déjà parfaitement en règle en ce qui concerne le gouvernement du Québec et la loi 101. Vous êtes le plus important organisme de services sociaux reconnu en vertu de l'article 113f au Québec à déternir un tel certificat et je tiens à vous en féliciter. Parce que vous avez fait votre part, le gouvernement, de son côté, fera la sienne pour que les relations excellentes qui existent se maintiennent et que votre caractère soit absolument préservé. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je veux, d'abord, remercier les représentants du Centre de services sociaux Ville-Marie. Je suis sûre que les bonnes paroles que le ministre des Communautés culturelles vient de leur adresser les réjouissent beaucoup et qu'ils voudraient en entendre de semblables du ministre des Affaires sociales aussi, en d'autres circonstances.

En ce qui a trait aux demandes fondamentales de votre mémoire, déjà le ministre, à l'occasion d'un autre mémoire, a exprimé sa volonté sans ambiguïté, que le caractère culturel des institutions anglophones soit préservé. Je pense qu'il a même fait des ouvertures pour que, dans le cas d'autres groupes culturels qui utilisent la langue d'origine, des mesures soient prises pour permettre, particulièrement dans le domaine de la santé et des services sociaux, que les gens soient servis le plus possible dans leur langue.

À l'article 21, vous parlez des communications entre votre centre de services sociaux et d'autres organismes anglophones du milieu. Là-dessus, le ministre ne s'est pas prononcé ou ne s'est guère avancé; il me semble que votre demande soit bien fondée quant aux communications entre des institutions anglophones, tout en assurant qu'il y ait une traduction, si elle est requise ou demandée, dans le cas des institutions anglophones.

Dans le cas des familles d'accueil, c'est un nouvel aspect qu'on n'a pas beaucoup touché ici. J'aimerais savoir si, dans l'esprit du ministre, on considère les familles d'accueil comme des institutions ou comme des individus. Il vous serait alors loisible de faire des contrats en anglais avec elles. Je me demande pourquoi vous l'avez ajouté ici.

M. Walker: Parce que nous croyons que le CSS, en vertu de la loi au point de vue administratif, est engagé par des contrats. C'est quasi officiel, mais tous nos contrats types sont en français. Cela pose un problème pour nos familles d'accueil parce que, la plupart du temps, elles ne comprennent pas les termes juridiques employés en langue française, car elles sont unilingues anglophones. On a donné cet exemple parce que nous sommes conscients que, dans le cas du CSSVM, il est possible que des contrats français soient conclus avec des familles d'accueil anglophones. C'est en vue d'une meilleure compréhension de ce qui se passe entre le CSS et la famille d'accueil que nous demandons que ce soit fait en anglais.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais comprendre clairement. La loi vous permet de conclure des contrats en anglais avec ces familles d'accueil.

M. Walker: Je ne le sais pas. Je pense que c'est permis, mais j'ai des inquiétudes du côté de l'Office de la langue française. L'année dernière, une plainte a été faite sur un contrat de colonie de vacances. Une personne a porté plainte et une enquête a été faite. Il peut arriver qu'une plainte soit portée sur un contrat entre une famille d'accueil et le CSSVM. C'est pour cela que j'aimerais savoir si c'est légal ou non. Si c'est permis, je suis bien d'accord. J'aimerais dire qu'on veut un contrat en anglais avec nos familles d'accueil.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre semble indiquer que les familles d'accueil sont considérées comme des individus...

M. Godin: Voilà!

Mme Lavoie-Roux: ...et qu'à ce moment-là il est loisible de faire un contrat en anglais avec elles.

M. Godin: Tout à fait.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela.

M. Godin: De toute façon, Mme la députée, nous le préciserons si c'est nécessaire. D'accord?

Mme Lavoie-Roux: Dans le cas des camps de vacances, je pense que c'est un autre point. Comment sont-ils considérés? J'imagine que c'est une corporation a ce moment-là.

M. Godin: C'est une personne morale.

Mme Lavoie-Roux: Les contrats devraient se faire en français à ce moment-là.

M. Godin: C'est-à-dire que seule la version française des contrats serait officielle, mais rien n'empêche qu'il n'y ait une version anglaise qui permette aux gens de comprendre ce que cela veut dire.

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.

M. Walker: II y a un autre aspect que j'aimerais mentionner ici parce que nous ne sommes pas dans un vacuum, isolés à Ville-Marie. Il devient très important de s'engager, dans un contrat administratif, au niveau administratif, avec, par exemple, le centre Horizons Jeunesse ou le Shawbridge Center. Ce sont deux parties anglophones; on veut s'engager avec elles dans un contrat en anglais. C'est très important de voir les services sociaux dans un continuum de services pour le client. Ce n'est pas pour nous autres, mais pour le client. Je trouve malheureux que nos contrats avec Shawbridge jusqu'à maintenant aient été toujours rédigés en français. Cela pose des problèmes pour les deux administrations et pour une meilleure compréhension du service au client.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce un contrat type qui vient du ministère des Affaires sociales ou votre contrat à vous autres?

M. Walker: C'est un contrat type du ministère des Affaires sociales. Tous nos contrats proviennent du ministère des Affaires sociales.

Mme Lavoie-Roux: Même pour les familles d'accueil?

M. Walker: Même pour les familles d'accueil.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Plusieurs personnes sont venues ici pour contester le rôle de la commission de surveillance. Dans votre situation, est-ce que le fonctionnement de la commission de surveillance a créé des problèmes? Est-ce que des plaintes ont été portées contre le Centre de services sociaux Ville-Marie comme ne se conformant pas à la loi?

M. Walker: Nous avons reçu notre certificat.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Walker: On prend soin de ce programme de francisation. Ce n'est pas tout à fait "smooth". On a eu des problèmes durant les trois ou quatre années. On reçoit des plaintes. Comme exemple, je peux citer mon propre cas. Je suis le directeur général. L'expérience requise pour cette position, c'est d'être bilingue. Après cinq entrevues avec un comité de sélection, deux membres représentant le gouvernement et le conseil régional, j'ai reçu une lettre de l'Office de la langue française qui disait: M. Walker ne se conforme pas à l'article 20 qui dit que, pour être nommé, muté ou promu, il faut passer les tests de l'Office de la langue française. Après six entrevues, dont trois complètement en français avec un comité de sélection, deux membres représentant le gouvernement, je trouve un peu ridicule de passer le test en français. J'ai reçu une deuxième lettre et, à ce moment-là, j'ai décidé de passer le test et je l'ai réussi.

On avait souvent des plaintes comme cela avant. C'est très gentil, très respectueux envers notre culture. C'était encore problématique au cours des dernières années. Maintenant, on a le certificat et j'espère que c'est le dernier appel à l'Office de la langue française du CSS Ville-Marie.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez des points de service ailleurs que sur sur la rue Sainte-Catherine?

M. Walker: Notre siège social, c'est sur la rue Sainte-Catherine. Nous avons 57 points de service à Montréal.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que la règle de l'article 20, quant à la mutation, etc., s'applique à votre centre quand vous transférez quelqu'un d'un point de service à un autre, c'est-à-dire la connaissance du français pour être muté d'un poste à un autre? Est-ce que cela s'applique quand, par exemple, un travailleur social attaché au General Hospital tout à coup s'en va à l'Institut neurologique? Est-ce qu'à ce moment-là il est soumis à l'article 20?

M. Walker: C'est une question que je veux poser au gouvernement, parce que l'interprétation des mots "mutation" et "promotion" n'est pas tout à fait claire. Par exemple, dans une succursale du West Island

une personne participant à un programme famille-enfance veut être transférée à une succursale du centre-ville qui a le même programme. Est-ce que c'est un transfert? Est-ce que c'est une mutation? L'interprétation antérieure était assez vague et dans les dispositions que nous appliquons chez nous, jusqu'à maintenant, on fait le "testing" pour le changement. Mais je trouve que ce n'est pas utile. C'est "absurd actually".

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce que le ministre examine cette question de mutation dans un tel poste? Pour quelqu'un qui a X années d'expérience - je prends l'exemple d'un hôpital - à l'hôpital X et qui, tout à coup, se retrouve à l'hôpital Y, qui est aussi un hôpital anglophone - on transfère la personne, pour une demande ou des besoins plus grands, d'un endroit à un autre - est-ce que le ministre croit sincèrement qu'à ce moment-là la question des tests devrait s'appliquer? Il ne s'agit pas de promotion. Il s'agit de mutation latérale.

M. Godin: Oui, mais je pense, Mme la députée, que l'article 20 est clair dans son principe: "Pour être nommé, muté ou promu à une fonction dans l'administration, il faut avoir de la langue officielle une connaissance appropriée à cette fonction." Si le législateur, en 1977, avait voulu que toutes les promotions, mutations ou nominations entraînent la connaissance du français, il n'aurait pas ajouté ces mots "une connaissance appropriée à cette fonction". Je pense que c'est là que se situe, que se loge, si vous voulez, la marge de manoeuvre de l'administration du CS5 Ville-Marie ou de tout autre organisme en vertu de l'article 113f.

Mme Lavoie-Roux: II semble, quand même, qu'il reste passablement de confusion. Ce que j'aimerais savoir, soit de M. Walker ou du ministre, c'est ceci: Est-ce que c'est une interprétation "abusive" ou, disons, plus sévère de cet article qui fait que les gens se sentent paralysés dans ce processus de mutation, c'est-à-dire que tout le monde, à ce moment-là, semblerait devoir être soumis à un test? Selon votre interprétation, ce n'est pas nécessaire. Si les institutions l'ont fait, est-ce parce qu'il y a eu des représentations qui vous ont été faites ou des plaintes qui ont été portées? Il semble vraiment y avoir confusion.

M. Godin: On va laisser M. Walker donner son bout de réponse et je donnerai mon bout de réponse ensuite.

M. Walker: D'accord. On a fait, chez nous, une interprétation stricte là-dessus. L'exemple que j'ai donné, du West Island au centre-ville, ce n'est pas une promotion, mais une mutation, un transfert. Mais c'est un transfert interne au CSS, pour le même programme. Notre personnel clinique et notre personnel syndiqué ont dit: Vous êtes trop stricts là-dessus. J'ai le goût de dire oui, mais une promotion et un transfert dans un autre milieu, c'est-à-dire entre succurales, dans le milieu institutionnel ou scolaire, c'est autre chose. Dans un transfert latéral, je trouve que le "testing" n'est pas applicable et je suis heureux d'entendre que ce point est laissé à l'administration. (12 h 45)

M. Godin: En fait, Mme la députée, il y a une entente entre l'office et l'Institut conjoint hospitalier de Montréal, dont vous faites partie, je crois.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Godin: Sur une période de six ans, il y a eu 288 personnes qui ont été soumises aux tests, ce qui est fort peu par rapport au nombre de personnes qui ont été mutées, promues ou nommées pendant sept ans dans l'ensemble du réseau anglophone du Québec. Mais le principe - je tiens à le répéter -c'est que la connaissance du français n'est requise que pour une fonction où le français est requis par l'institut conjoint lui-même. Ce sont les hôpitaux et les services sociaux qui administrent leurs propres tests, qui administrent cette propre partie de la loi ou des règlements...

Mme Lavoie-Roux: Oui, qui décident qui devrait être soumis aux tests.

M. Godin: ...et qui décident. Il est possible - je dis cela à la décharge de nos invités - que la présence de l'article 25 ait créé l'impression que tous les postes, à compter de la fin de l'année, devraient exiger une connaissance universelle du français par tous les employés des organismes, selon l'article 113f. Je vous ai dit l'autre jour que nous allons tenter d'éclaircir cette question.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. M. Godin: Merci.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question. Quel est le pourcentage de la population francophone que vous devez desservir, parce que ce sont des protestants?

M. Walker: Des protestants? Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Walker: La religion ne touche pas notre service. Le pourcentage de francophones...

Mme Lavoie-Roux: Ils relèvent du CSSMM?

M. Walker: Non, la religion n'est pas applicable à notre service. Nous desservons des gens de toutes les religions. D'accord?

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais les francophones protestants vont où?

M. Walker: Vous voulez savoir si les francophones protestants vont chez nous? Non.

Mme Lavoie-Roux: Non.

M. Walker: J'aimerais expliquer une chose, Mme Lavoie-Roux. Par exemple, le pourcentage de notre clientèle francophone est maintenant entre 15% et 20%, mais nous ne savons pas sur quelle base. Dans notre mémoire, il y a un mouvement par rapport au conseil régional du ministère des Affaires sociales de mise en place d'un CSS par territoire.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Walker: D'accord. C'est basé sur le principe de la population dans un territoire.

Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, vous auriez peut-être plus de francophones à desservir.

M. Walker: Oui, nous sommes d'accord avec le principe du territoire, mais on veut sauvegarder notre service aux clientèles anglophones à l'extérieur du territoire. Pour ce qui est des clientèles francophones à l'intérieur de notre territoire, on dit: Notre capacité en français est limitée et on trouve la langue très importante. La meilleure façon de pouvoir desservir les francophones de notre territoire, c'est de garantir un contrat de services avec le CSSMM pour l'aspect clinique.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Walker: On va continuer d'administrer l'argent, mais on va s'engager par contrat avec le CSSMM afin d'avoir un meilleur service en français pour les francophones de notre territoire. C'est pour cette raison qu'on parle des contraintes socioculturelles. Dans notre mémoire, on dit: La langue, ce n'est pas seulement des mots, mais des nuances, la compréhension des cultures, etc. Du point de vue administratif, dans notre territoire, nous avons l'argent. Avec cet argent, on trouve que c'est mieux de s'engager par contrat avec des professionnels du CSSMM pour desservir...

Mme Lavoie-Roux: La population fran- cophone.

M. Walker: ...les clientèles du territoire et l'inverse pour les anglophones à l'extérieur du territoire.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie. Nous prenons note chaque jour des bonnes intentions du ministre. On verra au dépôt des amendements. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Very simply to say thank you very much for your appearance this morning. As the Member from L'Acadie has pointed out, we will be watching the minister very carefully in your absence as starting November 15th.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Godin: "They will buy a microscope." Merci beaucoup, encore une fois, M. Walker et mesdames, de votre mémoire. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci, mesdames et monsieur, du Centre de services sociaux Ville-Marie.

J'inviterais maintenant l'Association québécoise des professeurs de français à prendre place.

Si la commission est d'accord, nous pourrions suspendre nos travaux immédiatement et recommencer à 14 h 30 au lieu de 15 heures. Est-ce la suggestion qui est faite?

M. Gratton: Si cela convient à tout le monde, oui.

M. Godin: Est-ce que nos invités sont d'accord?

Le Président (M. Gagnon): Vous êtes d'accord?

Une voix: Nous avons subi les effets des coupures de salaires; nous préférerions ne pas être coupés dans notre mémoire.

Une voix: Le message est passé.

Le Président (M. Gagnon): La commission permanente des communautés culturelles et de l'immigration suspend ses travaux jusqu'à 14 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 51)

(Reprise de la séance à 14 h 38)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente des communautés culturelles et de

l'immigration poursuit ses travaux aux fins d'entendre tous les intervenants intéressés par la Charte de la langue française.

Lors de la suspension de nos travaux, nous étions à inviter l'Association québécoise des professeurs de français à prendre place. Vous n'entendez pas bien? Est-ce mieux ainsi? Ce que je disais, c'est que lors de la suspension de nos travaux pour le dîner, nous étions à inviter l'Association québécoise des professeurs de français à prendre place. En vous souhaitant la bienvenue à cette commission, Mme Belleau, j'aimerais que vous nous présentiez les gens qui vous accompagnent avant de nous faire la lecture de votre mémoire.

AQPF

Mme Belleau (Irène): Oui, bien sûr, avec plaisir. À ma droite, M. Gilles Dorion, professeur à l'Université Laval, rédacteur en chef de la revue Dialogue et culture - pour ceux et celles qui ne l'ont jamais vue, je me permets de la montrer - de la Fédération internationale des professeurs de français et ancien président de l'Association québécoise des professeurs de français - c'est mon épaule de droite; à ma gauche, André Gaulin, professeur à l'Université Laval, porte-parole des questions linguistiques à l'AQPF et ancien président aussi de l'Association québécoise des professeurs de français - je l'appelle mon épaule de gauche; Denise Picard, vice-présidente à l'Association québécoise des professeurs de français et moi-même, Irène Belleau, présidente.

Vous avez trouvé sur votre table de travail une enveloppe dans laquelle je me suis permis d'ajouter quelques notes complémentaires sur l'Association québécoise des professeurs de français. Je voudrais aussi vous dire, avant de vous faire entendre le mémoire, que l'Association québécoise des professeurs de français rassemble les professeurs de français de tous les niveaux d'enseignement: primaire, secondaire, collégial, universitaire et ce, autant pour l'enseignement du français, langue maternelle que pour l'enseignement du français, langue seconde, étrangère ou tierce, comme certains l'appellent.

L'Association s'est toujours profondément et consciencieusement préoccupée des deux volets de la question linguistique du Québec. Le premier volet, la question pédagogique, la question didactique: langue, littérature, l'oral, l'écrit, la grammaire, l'orthographe, les programmes, le matériel didactique, le perfectionnement des maîtres, etc. Deuxièmement, la question politico-socio-linguistique. Elle s'est intéressée aux lois qui ont déjà concerné la question linguistique: la loi 85, la loi 63, la loi 22, la loi 28 sur la restructuration scolaire de Montréal, et la loi 101. Elle travaille toujours à essayer de trouver quelle est la véritable place et quel est le véritable rôle de l'enseignement du français au Québec et même ailleurs.

L'Association québécoise des professeurs de français s'est toujours aussi profondément et consciencieusement impliquée dans ces deux volets et au-delà des frontières québécoises. Comme une langue nationale, ou seconde, ou tierce, ou étrangère, est intimement liée à une civilisation, à une histoire, à une culture, l'Association québécoise des professeurs de français considère que la place et le rôle d'une langue sont essentiellement liés aux relations que cette langue entretient avec les autres langues et avec les peuples qui les parlent: l'espagnol, le russe, l'italien, l'espéranto, le portugais, etc.

L'acte éducatif, l'acte d'apprentissage d'une langue, comporte, à n'en pas douter, une dimension culturelle et une dimension interculturelle. Avec ses moyens, l'AQPF a contribué, depuis déjà quelques années, à travailler au Québec et dans la francophonie pour le rayonnement international de l'enseignement du français. Nous sommes membres de la Fédération internationale des professeurs de français. Je dirais que nous y sommes très actifs. Le président du bureau de la FIPF est un Québécois, M. Émile Bessette. Nous avons des représentants aux commissions interrégionales de la fédération internationale et nous préparons, à l'heure actuelle, le sixième congrès mondial des professeurs de français qui se tiendra au Québec en juillet 1984.

Nous sommes toujours profondément partisans d'un enseignement du français moderne et de qualité, dans les écoles francophones, dans les COFI, dans les classes d'accueil, partout. Avec ses moyens, l'AQPF travaille au rayonnement international du français. Elle a développé et développe de plus en plus chez ses membres le sens de l'universalisation du dialogue des cultures. Et elle réalise, par le fait même, que sa force repose en bonne partie sur l'avenir de la langue française au Québec. Cette conviction lui a fait écrire le mémoire que nous vous livrons aujourd'hui.

On a dit dernièrement que la conscience linguistique des jeunes Québécois pouvait être dépeinte de la façon suivante. Au Québec, actuellement, même si sept jeunes sur dix demeurent optimistes face à la situation du français, il y a 10% à 32% des jeunes du collégial qui croient que la cause du français est perdue d'avance, que le français est en perte de vitesse, qu'il est important pour un francophone d'apprendre l'anglais plus que de perfectionner son français, que les francophones n'accordent pas plus d'importance à l'anglais qu'avant, que la situation du français au Québec ne s'est pas tellement améliorée, que les

anglophones n'utilisent pas plus le français au Québec qu'avant la loi 101 et que les immigrants vont apprendre davantage l'anglais que le français. C'est une simple préparation, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Ah bon! Nous n'avons pas...

Mme Belleau: Dans quelques minutes nous allons lire le mémoire. (14 h 45)

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous avez des copies de votre texte?

Mme Belleau: C'est une simple préparation au mémoire.

Le Président (M. Gagnon): Au mémoire.

Mme Belleau: Je n'ai pas le texte pour le remettre. J'aurais peut-être dû vous prévenir: dans un instant, M. Gaulin vous lira le texte même du mémoire.

Le Président (M. Gagnon): Cela va.

Mme Belleau: Dans un même moment, nous constatons que la qualité du français écrit et oral chez les jeunes est de moins en moins rigoureuse.

Nous avons donc résolu de vous présenter ce mémoire aujourd'hui en pensant que la situation linguistique du Québec avait besoin de notre présence ici. La semaine dernière nous avons tenu un congrès à Montréal où nous avons réaffirmé notre appui et notre attachement à la Charte de la langue française. Nous demandons toujours au gouvernement de ne pas toucher à la loi 101 sinon pour la renforcer dans le sens du mémoire que M. Gaulin vous livrera maintenant.

M. Gaulin.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Gaulin.

M. Gaulin (André): Nous avons passé un "errata" pour les quelques fautes et coquilles qui se sont glissées dans notre texte, qui sont là peut-être pour rappeler que, comme le disait Vigneault, notre langue n'est pas châtiée mais punie. Le texte du mémoire s'appuie sur quelqu'un qui a été au Québec une sorte d'Albert Memmi de la condition québécoise, savoir Gaston Miron, prix David de cette année d'ailleurs, que nous citons dans le mémoire et dont je rappelle la citation tirée des Notes sur le non-poème et le poème: "Je sais que le non-poème a détruit en moi jusqu'à la racine, l'instinct même du mot français." Et le texte se poursuit.

Voici la lecture du mémoire: L'Association québécoise des professeurs de français est connue au Québec pour ses positions claires et modérées en faveur d'un territoire de langue française, peu importe le statut fédéré ou indépendant de son gouvernement. Au risque de nous répéter, nous revenons devant cette commission parlementaire pour témoigner encore de notre volonté de continuer de construire dans le Canada ou hors de lui un État français au Québec.

Nous ne croyons pas faire erreur en affirmant que si nous sommes à nouveau ici aujourd'hui, c'est à cause du Canada Bill, nouvelle constitution du Canada, à laquelle nous appartenons par force juridique. Cette constitution - on l'a dit - a rogné sur les pouvoirs dévolus aux provinces par la constitution de 1867, elle-même compromis historique fait il y a plus de 100 ans entre deux peuples. Point n'est besoin d'être analyste politique pour affirmer que la nouvelle constitution canadienne a dorénavant orienté le pays appelé Canada vers un gouvernement unitaire et, dans l'usage quotidien, unilingue anglais, le bilinguisme restant un service individuel propre à maintenir tout au plus une ethnie française et un usage folklorique de la langue de Molière et de Miron.

Nous pourrions donc affirmer, pour la forme, être surpris de voir le gouvernement actuel nous inviter en quelque sorte a rouvrir, pour examen, la Charte de la langue française, charte pour laquelle existe chez les Québécois un consensus indéniable, y compris chez les libéraux. Nous n'ignorons pas pourtant que, s'il en est ainsi, nous le devons à un changement juridique du rapport de forces. Il n'est pas insignifiant de rappeler que celui qui, avec une troupe étonnamment docile, a présidé à l'infléchissement des forces du "oui" au référendum de mai 1980 a également participé à la vassalisation du Québec dans la nouvelle constitution canadienne. En effet, Pierre-Elliot Trudeau a alors renié intellectuellement l'esprit même de la langue française en ayant perverti son code de linguistique. Jouant sur l'ambiguïté de la réalité politique canadienne-française et québécoise, utilisant les atouts de son prestige et de son ascendant, mettant à l'appui de son argumentation une publicité à grands frais qui échappait aux deux comités-parapluies, M. Trudeau, sans qu'il lui soit demandé des engagements publics et précis, se permettait d'affirmer à Montréal qu'un "non" à la question référendaire voulait signifier un "oui" au renouvellement de la constitution.

Les gens naïfs ayant des responsabilités politiques en ont été quittes pour constater que non veut dire non, amers, dupés et déçus.

On pourra donc évidemment s'autoriser d'une autre exégèse des événements pour affirmer que le gouvernement du Parti

québécois a laissé tomber son droit de veto et a amoindri les forces politiques du Québec. Il nous apparaît plutôt que le Québec a perdu des atouts dans un combat politique à cause de tous ceux qui n'ont pas obéi à l'instinct linguistique français lui-même: oui voulant dire oui et non voulant dire non. Dès lors, le Québec sortait perdant. Pendant que le Canada anglais refusait de se révolter contre lui-même, Ottawa et les capitales anglaises ayant les mêmes arcanes, la même convergence et fondamentalement les mêmes intérêts, le Québec se trouvait déstabilisé. Alors que le "Canada Bill" resserrait la gouverne d'un pays de même langue et culture anglaises, le Québec se retrouvait presque dans un état aussi précaire que celui qui prévalait au début du gouvernement de l'Union en 1840.

Comment expliquer autrement que nous nous retrouvions ici, aujourd'hui, en train de rouvrir une opération politique qui, avec le zonage agricole, appartient à deux des acquis les plus fondamentaux de toute la révolution tranquille? Comment expliquer autrement que l'actuel gouvernement semble vouloir se remettre au pilori alors que la Charte de la langue française rallie autant les libéraux (loi 22) que les ministériels? Comment expliquer encore que cette réouverture n'ait pas pour appui des données d'enquêtes scientifiques nous confirmant que le Québec français n'est plus menacé par l'assimilation, que le français comme langue de travail a acquis ses lettres de créance et que les études sur le dernier recensement canadien de 1981 manifestent à peine un certain redressement des effets néfastes visés par les lois 22 et 101?

Rien, sinon par une perte du pouvoir francophone qui n'était pourtant ni intolérant ni vindicatif. Mais une certaine presse anglophone a fait son chemin, depuis les accusations outrancières de ceux qui ont comparé ce gouvernement à celui d'Hitler, le Dr Laurin au Dr Goebbels, jusqu'aux insinuations mêmes d'une certaine presse francophone froussarde retrouvant l'insécurité issue d'un vieux colonialisme. Bien sûr, nous dira-t-on chez les adversaires feutrés de la charte, on ne veut surtout pas remettre en cause la légitimité d'un Québec français. On voudrait tout au plus un bilinguisme mitigé même si à Montréal on refuse dans plusieurs milieux de vous servir dorénavant en français. On veut tout au plus retourner à la clause Canada pour des raisons de concordance avec le "Canada Bill", n'ignorant pas que la clause Canada constitue le premier pas du Québec vers un district bilingue. Serait-ce donc là le statut particulier du Québec?

On comprendra donc par notre intervention, M. le Président, que l'Association québécoise des professeurs de français s'oppose à toute atteinte de ce qui reste de la loi 101, la Cour suprême du Canada ayant déjà rogné dessus et le "Canada Bill" étant pour elle une menace profonde. Si nous intervenons aujourd'hui en public devant les instances de l'État québécois, c'est pour réaffirmer notre attachement profond à la Charte de la langue française toujours garante de la paix sociale sur ce territoire. On voudra bien nous faire passer pour extrémistes dans certains milieux. Nous serons alors ces drôles d'extrémistes du statu quo.

Laissons la charte faire ses preuves. Appliquons-la tout simplement. L'article 84, par exemple: "Aucun certificat de fin d'études secondaires ne peut être livré à l'élève qui n'a du français parlé et écrit la connaissance exigée par les programmes du ministère de l'Éducation."

Affirmons donc sans complexe qu'ici et maintenant personne n'est lésé, surtout pas la communauté anglophone qui jouit d'un statut privilégié comme minorité sur notre territoire. Le sort qui est actuellement imparti au Québec dans le "Canada Bill" est trop injuste historiquement pour que nous soyons bourreaux de nous-mêmes. Nous refusons comme Association québécoise des professeurs de français que l'on nous intègre de force dans un pays qui, à ce titre, n'a pas droit à notre respect.

Nous considérons comme illégitime la constitution actuelle du Canada parce que le Québec français s'y trouve essentiellement menacé. Aussi profitons-nous de notre passage devant cette commission parlementaire de l'Assemblée nationale pour demander aux représentants de notre peuple, de quelque allégeance de parti qu'ils soient, de ne pas céder au chantage, aussi subtil soit-il. Quant à nous, à un Québec français, à sa culture, à son histoire et à son peuple, nous redisons toujours: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: M. Gaulin, Mme Belleau, ceux qui vous accompagnent, bonjour. Nous voulons vous remercier de nous avoir fait part de votre opinion parce que vous êtes en première ligne pour assurer la place du français dans l'avenir du Québec. Sans vous, en effet, les jeunes Québécoises et les jeunes Québécois seraient mal équipés pour s'insérer dans ce Québec que nous voulons de plus en plus français. Mes questions seront brèves. J'aimerais avoir vos opinions, en tant que professeurs de français, sur, selon vous, les raisons qui font que les jeunes qui sortent de nos écoles... J'en parle en connaissance de cause pour avoir été chargé de cours dans une université de Montréal pendant 18 mois, j'ai fait l'expérience de donner une dictée, comme on le faisait à l'époque, auprès de mes étudiants qui avaient entre 18 et 22

ans. J'ai découvert à ma grande surprise que la qualité du français était d'une pauvreté sans nom. J'aimerais avoir votre analyse, vous qui êtes sur le terrain, qui êtes au coeur de la question. Comment expliquez-vous que les jeunes qui sortent de nos écoles connaissent si peu leur langue maternelle, si peu la manière de l'écrire?

Mme Belleau: Je voudrais d'abord vous dire merci de votre témoignage. Bien sûr, nous sommes sur la ligne de front, j'allais dire en tout premier lieu responsables de l'enseignement du français au Québec. Nous portons cette lourde tâche. Comme vous l'avez remarqué vous-même, les jeunes ne sont pas toujours profondément conscients de la qualité que devrait revêtir leur propre langue parlée et écrite. Qui en est responsable? Quelles sont les raisons qui expliqueraient cette situation? Je crois qu'au premier chef, c'est cette conscience des jeunes qu'il faudrait développer sur l'importance de la langue pour eux, maintenant et pour leur avenir. Cela m'apparaît essentiel. Si la langue n'a pas pour eux une valeur plus que personnelle, si la langue ne revêt pas pour eux une importance plus grande que personnelle, je doute qu'ils soient véritablement convaincus de la nécessité de maîtriser parfaitement leur propre langue. Je dirais que c'est la première des raisons, c'est la plus importante. Il ne faut pas travailler dans le vide, il faut que notre enseignement soit assis sur quelque chose de solide. Cette reconnaissance de l'importance de la langue pour eux, il est bien évident que ce n'est pas uniquement l'école qui doit la donner, c'est toute la société, mais c'est aussi le gouvernement.

Sur le terrain plus pratico-pratique de l'enseignement de tous les jours, je dirais que comme deuxième raison, c'est l'importance du perfectionnement des maîtres. Nous avons fait un bon bout de chemin depuis quelques années, grâce au programme de perfectionnement des maîtres. Par le phénomène des PPMF dans les universités, on a véritablement donné un bon coup de pouce. On a donné un deuxième coup de pouce d'importance aussi, d'après moi - bien qu'on n'en voie pas maintenant tout à fait les effets - par l'élaboration, la conception et l'implantation progressive qui est en train de se faire des nouveaux programmes au primaire, au secondaire et bientôt aussi au niveau collégial. Je crois que ces nouveaux programmes implantés au niveau primaire et au niveau secondaire sont aussi de grande importance pour améliorer autant l'enseignement que cette conscience de la langue dont je parlais tout à l'heure et qu'on devrait retrouver chez chacun des jeunes Québécois. (15 heures)

Or, cette importance de la langue, cette importance du perfectionnement des maîtres, cette importance des nouveaux programmes, cette importance du matériel didactique à mettre entre les mains des enseignants et des élèves, il me semble que ce sont des raisons majeures qui doivent être considérées profondément, j'allais dire par le ministère de l'Éducation, mais je dirais aussi par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, puisque l'enseignement du français ne se fait pas qu'aux parlants français, il se fait aussi dans les classes d'accueil pour les immigrants, dans les COFI. Pour nous, à l'AQPF, depuis quelques années, c'est devenu de plus en plus important, je dirais que c'est devenu de plus en plus important depuis que la loi 101 a décrété que les classes d'accueil pour les immigrants devaient être dans les écoles francophones. Nous ne sommes peut-être pas encore suffisamment équipés de moyens véritablement pédagogiques pour cet enseignement, mais je pense que d'ici à quelques années, nous allons nous équiper un peu mieux. Je sais qu'il y a un programme de français qui est en train de s'élaborer au ministère de l'Éducation, particulièrement au Service aux communautés culturelles, donc pour l'enseignement du français langue seconde chez les immigrants, dans les classes d'accueil et dans les classes de francisation. Il nous est apparu que le premier projet de programme n'était pas suffisamment valable nous l'avons rejeté d'ailleurs - et nous attendons la deuxième version.

Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question, peut-être que mes collègues veulent aussi ajouter autre chose.

M. Gaulin: M. le ministre, je voudrais rappeler ici les propos de Jean-Paul Desbiens dans les Insolences du Frère Untel, quand il disait: "C'est à quatre heures que nous, les enseignants, nous commençons d'avoir tort." Et je pense que le sort qui est infléchi aux professeurs de français est toujours le même. J'étais à Montréal en fin de semaine - il faut que toute une civilisation nous supporte, sans cela nos efforts sont dérisoires et inutiles, c'est de l'argent jeté par les fenêtres. Quand on se promène sur la rue Sainte-Catherine et qu'on ne voit que l'apparence du français, se trouvant en quelque sorte un peu rassuré parce que l'apparence est française, nous pouvons nous poser des questions plus profondes. Que veut dire, par exemple, sur une annonce d'un club de nuit "danseuses continuelles"? On est porté à envier ces femmes qui sont des danseuses continuelles. Ce n'est pas du français. Nous avons "danseuses" qui est un mot français. Nous avons "continuelles" qui est un mot français. Mais en Belgique, on dirait "danseuses non stop" - ce n'est pas beaucoup mieux, remarquez - de sorte qu'au

fond, on a une apparence de francisation. Ceux qui n'ont pas attaché d'importance, par exemple, à la symbolique profonde de l'affichage français à Montréal, en particulier... Et là-dessus, le rapport Parent rappelait très bien, en 1964, que c'est là que se jouait notre sort linguistique et notre poids comme peuple et comme territoire; si on ne francise pas Montréal, nos gestes seront toujours des gestes dérisoires.

En deuxième lieu, je pense que la crise de l'enseignement, si on voulait parler ainsi, si on voulait dramatiser à la manière dont Lysiane Gagnon l'avait fait à l'époque dans les journaux, cette crise se pose dans tous les pays du monde. Nous participons, comme l'a dit la présidente, Mme Belleau, à la Fédération internationale des professeurs de français. Nous avons vu là des gens de tous les pays. Nous sommes en réunion chaque année à Sèvres et nous pouvons remarquer, par exemple, que les Anglais de Londres se posent la question suivante: Pourquoi les jeunes Londoniens et les jeunes Anglais d'Angleterre ne savent-ils plus écrire leur langue? Donc, il y a là aussi, en plus du problème politique qui nous est propre - le glissement diglossique, etc. - un problème de civilation, une civilisation tournée vers l'oral, une civilisation tournée vers la consommation, une civilisation de l'homme mise en morceaux, parcellaire, de l'homme flash, de sorte qu'il n'y a pas de continuité de civilisation. Ceci appartient aussi en propre au problème linguistique qui est le nôtre, en plus, évidemment, des problèmes pédagogiques propres qu'a soulignés la présidente ou des problèmes sociopolitiques propres au Québec.

M. Godin: Merci, madame. Merci, M. Gaulin.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les membres de l'Association québécoise des professeurs de français pour leur mémoire. Je comprends que votre mission quotidienne est d'enseigner le français. Concurremment, votre souci évident de la qualité du français est fort naturel. C'est ainsi que j'essaie de m'expliquer certaines affirmations de votre mémoire puisque - et c'est légitime - vous exercez avec vigilance la protection du français. Mais je ne puis m'empêcher de trouver que, dans ce désir que vous avez d'assurer la qualité du français et de le protéger, vous faites montre, à mon point de vue, d'un certain pessimisme. Par exemple, vous dites qu'on se prépare à remettre, ou qu'on remet, au pilori la Charte de la langue française par l'exercice que nous faisons en commission parlementaire, depuis deux ou trois semaines, de réviser non pas les principes fondamentaux de la Charte de la langue française - je pense que personne ne les a remis en question autour de cette table mais vraiment d'essayer, après une application de cinq ans, de corriger ce qui pourrait apparaître comme... quelques-uns ont utilisé le mot "irritants". D'autres ont parlé de certains "abus" ou de certaines conséquences qui pourraient sembler abusives dans l'application de la Charte de la langue française. J'aimerais simplement vous poser une question. On a parlé beaucoup autour de cette table de certaines exigences qui, à partir du 1er janvier 1984, seraient imposées aux institutions anglophones. Je pense particulièrement à leurs institutions d'enseignement, de services sociaux et de services de santé. Comment certaines modifications apportées aux dispositions de la loi, eu égard à ces institutions, pourraient-elles mettre en péril à un tel point la situation du français au Québec, ou mettre au pilori la charte du français? Je vais vous donner un exemple concret. Dans une institution anglophone où tout le monde parle anglais - je pense surtout que la survie des institutions anglophones a été reconnue par le gouvernement actuel et par l'ensemble de la population - le fait que les gens d'une même langue puissent communiquer entre eux par écrit en français, je ne vois pas dans quelle mesure reposer ce type de question à ce moment-ci et dire: Peut-être qu'à l'application, ceci crée finalement des difficultés ou des irritants qui ne sont pas justifiés, je ne vois pas, dis-je, comment le fait d'essayer de corriger des choses, qui à l'usage apparaissent non nécessaires, viendrait compromettre en quelque sorte le fait français au Québec ou la survie du français au Québec. Il y a d'autres exemples, mais je prends celui-ci en particulier.

Mme Belleau: Remarquez que je vous dirai d'abord que si nous avons utilisé cette expression peut-être un peu forte "mettre au pilori", c'est parce que lorsque nous avons entendu le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration déclarer qu'il voulait rouvrir la loi 101, je vous avoue que nous avons eu peur. C'est ce sentiment, je crois, qui se reflète vraiment dans cette expression et dans notre mémoire. Je vous avoue que nous avons véritablement ressenti une peur, une crainte, de voir rouvrir la loi 101. Bien sûr, peut-être qu'à ce moment-là on a dit qu'on ne remettrait pas en question les principes fondamentaux de la Charte de la langue française. Mais, à partir du moment où on décide de rouvrir la loi 101, on l'ouvre pour qui, on l'ouvre pourquoi? Et on la referme où? Où va s'arrêter cette ouverture? C'est cette crainte, c'est cette peur que nous avons eue de voir peut-être réaménager la loi 101 dans ses fondements.

Bien sûr qu'il y a peut-être une réglementation à réviser, a des concordances, comme on dit, à essayer d'améliorer, de perfectionner.

Tout objet étant susceptible de perfection, on n'a rien contre cela. Mais nous voulions vous faire part véritablement de notre inquiétude, de notre crainte, non pas de voir mettre en péril cette loi 101, mais en tout cas de voir qu'on lui permette de devenir un objet plus intéressant pour la communauté anglophone. Mais on ne parlait pas de la communauté francophone québécoise. Dans quelle mesure cette volonté de rouvrir la loi 101 ne convenait ou n'était orientée que dans le sens de diminuer les irritations de la communauté anglophone? C'est à ce point de vue qu'on a eu peur. Remarquez que, comme je vous le répète, l'expression est peut-être un peu forte mais nous ne voudrions pas que la loi 101, dans ses principes, dans sa base, dans ses fondements essentiels soit changée. C'est cela que nous voulons.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, dois-je comprendre que fort probablement vous avez dû suivre non pas assidûment, mais de temps à autre, les débats qui se sont tenus autour de cette table depuis deux ou trois semaines? Est-ce qu'à ce moment, les craintes que vous entreteniez dont vous vouliez faire part à la commission sont diminuées?

Mme Belleau: Je vous avoue qu'au tout début de cette séance d'audience, nous partagions la même crainte qu'au tout début quand nous avons écrit notre mémoire et quand nous avons décidé d'intervenir en commission parlementaire.

Les choses se sont peut-être relativisées un peu depuis une semaine. On ne veut pas perdre la confiance qu'on a, une certaine sécurité qu'on a encore par l'assurance que le gouvernement au pouvoir va garder la loi 101 dans son essence. S'il ne s'agit que de faire des changements à la réglementation, notre crainte disparaîtra mais je vous avoue que pour le moment, elle n'est pas complètement disparue, non. Je n'empêche pas les gens de s'exprimer en anglais, mais il y a sans doute des lois qui leur permettent de le faire. Il reste que dans des institutions, dans des moments très importants où la vie québécoise se manifeste, la vie parlementaire, la vie des commissions, je considère que nous sommes très tolérants, que nous laissons pleine liberté de parole aux anglophones. Bien sûr, qu'il ne faut pas leur enlever. Ils ont leurs institutions, on veut les conserver, etc. Mais que fera la commission parlementaire? Que fera le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration après la commission parlementaire? J'oserais dire que je vais réserver un jugement à l'heure actuelle. Je crains toujours un peu.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, une dernière question. Je suis un peu étonnée que même ce matin, si je vous ai bien compris -je ne voudrais surtout pas déformer ce que vous venez de dire - vous sentiez une certaine gêne ou un certain scandale au fait que des gens d'expression anglaise puissent venir ici et s'exprimer dans l'une ou l'autre des langues puisque la langue anglaise est leur langue. À la page 4 de votre mémoire, vous dites: ..."le Canada Bill - cela m'étonne que vous ne soyez pas capables de le traduire alors que cela existe en français pour des professeurs de langue française -n'ignorant pas que la clause Canada constitue le premier pas du Québec vers un district bilingue." (15 h 15)

J'aimerais que vous étayiez ceci. Il est vrai que dans la Loi constitutionnelle de 1980 il y a une clause Canada, mais qui comprend plusieurs volets, dont deux relevant de la décision de l'Assemblée nationale de les voir s'appliquer - il faudrait que ce soit sanctionné par l'Assemblée nationale - et l'autre disant que les enfants des parents qui ont fait leurs études primaires et secondaires en langue anglaise pourraient, en venant au Québec, aller à l'école anglaise. Les statistiques qui nous ont été fournies indiquent qu'il n'y a pas là de menace, par exemple, à un renversement du mouvement qui se fait sentir maintenant dans la diminution du secteur anglophone. Il n'y aurait pas de renversement pour qu'on retourne à une situation équivalant à celle de 1976. Je voudrais que vous m'expliquiez comment vous pouvez conclure que le fait qu'on permettrait à des enfants dont les parents ont fait des études en anglais et dont la langue finalement... Même au moment du débat de la loi 101, le gouvernement avait dit: Faire ses études primaires en anglais ou être de langue maternelle anglaise, c'est équivalent - on pourrait retrouver cela au journal des Débats. Il faudrait en déduire, compte tenu de leur nombre restreint, qu'on s'acheminerait vers un district bilingue? Je trouve qu'il y a là aussi, à mon point de vue, une légère exagération.

M. Gaulin: Je pense, Mme Lavoie-Roux, que le "Canada Bill" est beaucoup plus que cela. Je ne connais pas beaucoup de fédérations dans le monde dont une partie prenante ne soit pas signataire. Nous avons évoqué, en fait, l'infamie que c'est d'être membre d'une fédération dont on n'est pas signataire. Je n'ai pas à vous rappeler que même le chef de l'Opposition ne s'est pas rendu à Ottawa à l'époque pour la proclamation de la nouvelle charte. Je pense que c'est déjà un premier acquis. On a

rappelé également que le pays, le Canada.... C'est pour cela, d'ailleurs, que nous disons "Canada Bill", c'est vraiment la constitution de l'autre contre lequel nous n'avons rien, mais avec lequel nous ne serons jamais dans la mesure où nous ne serons pas respectés plus que nous ne le sommes actuellement.

Nous sommes au Canada, dans un pays qui nous traduit constamment. La clause Canada est justement un bel exemple d'intervention du gouvernement fédéral, d'un pays fédéré, en principe, qui vient altérer les droits d'une question relative à une compétence provinciale: l'éducation. De Charybde en Scylla, en s'en va vers l'unilinguisme anglais en passant par la bilinguisation. Au fond, ce n'est rien de moins que demande - si on lit bien entre les lignes et dans la marge du texte - une certaine communauté anglophone de Montréal qui n'est peut-être pas représentative de l'ensemble de la communauté anglophone de Montréal, mais qui fait dans le monde une discréditation du Québec, de son collectif et de sa loi 101.

Cet été, mon collègue, M. Gilles Dorion, et moi-même avons donné des cours de littérature québécoise à Fribourg. Des collègues allemands nous ont montré l'important journal Spiegel dans lequel il y avait une charge contre la loi 101. D'où c'est parti et d'où cela vient? Des collègues de Belgique qui sont passés par Ottawa reviennent à l'Université Laval et nous disent que nous, Québécois, avec notre charte, notre langue et notre loi 101, sommes des empêcheurs de tourner en rond. D'où cela part-il? Et où cela va-t-il? On voudrait bien, au niveau des règlements - puisque c'est le point que vous avez touché - être plus compréhensifs à l'endroit de la communauté anglophone, mais on voudrait que cesse une campagne de salissage à l'endroit du collectif québécois.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse auprès de M. Gaulin, mais ce n'était pas tout à fait la question que je lui avais posée. La question que je lui ai posée, c'est: Comment l'application de la clause Canada, quant à un de ses volets, produirait-elle ce bilinguisme ou serait-elle un premier pas vers le bilinguisme, pour utiliser votre texte d'une façon plus précise? Ce dont vous parlez, c'est tout le problème qui a entouré le rapatriement de la constitution; je pense que cela pourrait faire l'objet d'un autre débat où on pourrait aussi discuter. Dans votre texte d'ailleurs vous avez essayé de lier les deux. Mais j'aimerais que vous m'expliquiez si l'offre de réciprocité que le gouvernement du Québec avait faite aux autres provinces au moment de l'adoption de la loi 101 n'est pas, à toutes fins utiles, l'équivalent de la clause Canada dans ce premier volet - je ne sais pas si c'est le premier ou le deuxième, on pourrait vérifier - telle qu'elle est contenue dans la loi constitutionnelle.

Mme Belleau: Sur cela, je dirais que oui, au niveau de la clause Canada. Nous avons déjà étudié la question. Mais remarquez qu'à l'association, cette question est toujours vue avec, je dirais, un regard un peu déformant, en ce sens que ce que l'on veut privilégier et qui soit respecté, c'est la clause Québec. Dans quelle mesure les statistiques peuvent-elles être véritablement probantes et peuvent-elles véritablement dire que la clause Canada n'augmenterait pas le nombre d'élèves qui choisiraient l'école anglaise? C'est cela votre question.

Enfin, bien sûr que l'on peut sortir des chiffres, mais à partir du moment où la clause Canada est reconnue et que l'on se base sur des chiffres possibles, cela ne peut pas être des statistiques réelles. Au moment où nous supposons que les statistiques deviendraient véritablement une épreuve pour le Québec, va-t-on retourner en arrière? Va-t-on dire par exemple: On va privilégier certains jeunes qui viennent du Manitoba, de la Saskatchewan, de la Colombie britannique et qui ne respectent pas véritablement toute la clause Canada? À quel moment va-t-on arrêter cela? Remarquez qu'encore là je n'ose pas non plus entrer profondément dans ce débat puisque, pour nous, il est essentiel que la clause Québec soit respectée.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, ce sera mon dernier mot. C'est vrai que des chiffres peuvent toujours être remis en question. Mais quand je vous écoute parler, Mme Belleau, on a l'impression qu'à ce moment-ci, il n'y a plus aucune planification démographique qui puisse être faite de quelque nature que ce soit. Pourtant, dans un grand nombre de domaines, on s'appuie beaucoup sur les prévisions démographiques. Là, elles peuvent être dans la langue d'enseignement et dans un autre domaine, du point de vue du vieillissement de la population, etc., pour faire une planification. Alors, c'est peut-être un peu facile de dire qu'on ne peut rien conclure parce qu'il n'y a pas de prévision qui tienne. Enfin, on pourrait continuer d'arguer là-dessus, mais il reste que jusqu'à maintenant, la science de la démographie a quand même donné des résultats qui ont été valables.

Mme Belleau: Est-ce que vous-même, à l'heure actuelle pourriez, par exemple, avoir une idée de ce que l'on pourrait faire à supposer que la clause Canada soit reconnue non favorable au Québec? Avez-vous déjà une idée de ce que le Québec pourrait faire pour revenir à une situation antérieure? C'est un peu cela qui nous laisse perplexe. Dans quelle mesure la situation qui

prévaudrait à la suite de l'adoption de la clause Canada, si on se rend véritablement compte, démographie aidant bien sûr, qu'elle n'est pas favorable au Québec? Peut-on revenir en arrière et dans quelle mesure? A-t-on déjà maintenant une idée de cette possibilité? Que ferait-on? Va-t-on retourner à des situations difficiles? Je vous rappellerai simplement - cela m'est venu à l'esprit tout à l'heure - que l'on a commencé cette bataille, puisque c'est une véritable bataille, avec la publication du livre noir en 1970. Cela touchait le caractère politique et le caractère pédagogique aussi. C'était même sous-titré de l'impossibilité presque totale d'enseigner le français. Alors, à partir du moment où la clause Canada est reconnue, à partir du moment où on n'est pas certain que le Québec est un véritable territoire francophone protégé par le gouvernement du Québec, on fait attention, on se tient sur ses gardes et on ne voudrait pas retomber dans une situation difficile où il faudrait écrire à nouveau un deuxième livre noir peut-être encore plus noir que le premier.

Je suis pessimiste; vous m'avez dit vous-même tout à l'heure que nous avions présenté un mémoire pessimiste. Oui, j'avoue que mes propos le sont, mais je crois qu'ils rendent compte aussi d'un état d'esprit qui est vrai, à l'association. Bien sûr qu'il y a des optimistes, mais je n'hésiterais pas à dire qu'il y a aussi des pessimistes, à l'association. Je pense que c'est pour cela qu'on a renouvelé notre appui et notre attachement à la Charte de la langue française.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le ministre.

M. Godin: Mesdames, messieurs, je dois dire que, comme gouvernement, nous comptons sur vous pour assurer non seulement la qualité du français mais qu'il se répande partout au Québec et que le plus de gens possible non seulement le parlent mais le parlent bien.

Seulement pour aller dans le sens de votre pessimisme, les statistiques qu'on a vues récemment par rapport aux effets de la clause Canada sont basées sur les chiffres depuis 1977, depuis que la loi 101 existe. Il est sûr que le nombre de personnes qui viennent des autres provinces a diminué dans les écoles anglaises à cause de ces lois. Si elles n'existaient plus, on se rendrait compte qu'on a comparé des tomates avec des oranges, parce que les chiffres de 1976 à 1981 n'ont rien à voir avec ceux d'avant 1976. Les vraies extrapolations devraient tenir compte de la situation d'avant les lois linguistiques. C'est pour cela que je partage un peu de votre inquiétude quant à l'ouverture générale de la clause Canada. D'autant plus qu'une clause Canada qui ne s'accompagnerait pas d'une réciprocité réelle - non pas une réciprocité de papier comme on a vue au Manitoba - par des institutions scolaires contrôlées par des francophones dans chacune des provinces anglaises du Québec, serait, pour nous, illusoire. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous avez un dernier mot?

Mme Belleau: Je voudrais remercier la commission permanente des communautés culturelles et de l'immigration de nous avoir entendus. Je pense qu'au nom de l'association, je puis assurer la commission permanente des communautés culturelles et de l'immigration de notre intérêt profond et pour le Québec, et pour la loi 101, et pour la Charte de la langue française, et pour la qualité de l'enseignement du français au Québec et même au-delà. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, mesdames et messieurs de l'Association québécoise des professeurs de français.

J'inviterais maintenant le Mouvement national des Québécois à prendre place à la table.

En vous souhaitant la bienvenue, M. Rhéaume, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent et faire lecture de votre mémoire.

MNQ

M. Rhéaume (GiUes): M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs les députés, la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de me présenter devant vous a titre de président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Je reviens aujourd'hui à titre de président du Mouvement national des Québécois - oui, je change de chapeau. Nous en avons tous plusieurs - afin de démontrer que la position de la Société Saint-Jean-Baptiste, qui est membre du Mouvement national des Québécois, n'est pas une position personnelle.

Il me fait plaisir de vous présenter à la commission parlementaire aujourd'hui le Mouvement national des Québécois qui regroupe quinze sociétés nationales affiliées dans toutes les régions du Québec et qui regroupait, au 31 décembre dernier, près de 150 000 membres. Nous avons ici, la société de l'Abitibi-Témiscamingue, avec M. Réjean Beauvais; la société de l'amiante, avec M. Jean-Charles Gagné, directeur général, la société de la Capitale, la société de la Côte-Nord, la société de Trois-Rivières, la société de l'Est du Québec, la société des Hautes-Rivières, la société de Lanaudière, la société Laurentides, qui n'a pas de représentant aujourd'hui; la Société Saint-

Jean-Baptiste de Montréal, la Société nationale des Québécois de l'Outaouais, qui n'a pas de représentant aujourd'hui; la Société Richelieu-Saint-Laurent avec M. Larochelle, son président; la Société Richelieu-Yamaska avec Mmes Gervais et Paquet; la Société du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec M. Lucien Bergeron qui est ici avec une délégation. (15 h 30)

Sont présents à la table avec moi, Mme Paulette-Michèle Hétu, qui lira le mémoire, trésorière du Mouvement national des Québécois et présidente de la Société nationale des Québécois de Lanaudière, de la région de Joliette; M. François-Albert Angers, ancien président général de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et ancien vice-président du Mouvement national des Québécois; M. Réjean Beauvais dont j'ai parlé tantôt, de la Société nationale des Québécois de l'Abitibi-Témiscamingue; M. Ghislain Jean, de la Société nationale de l'Est du Québec dont le siège social est à Rimouski; M. Georges-Henri Fortin, qui est un ancien président de la fédération, qu'on appelle maintenant le Mouvement national des Québécois, ainsi que M. René Charette, qui est directeur général de la Société de Joliettte.

Le Mouvement national des Québécois c'est le nom officiel de ce qu'on a appelé longtemps la Fédération des sociétés Saint-Jean-Baptiste. Comme je l'ai dit tout à l'heure, elle regroupe actuellement 15 sociétés régionales et près de 150 000 membres. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal est membre de cette fédération, et c'est à titre de président de la fédération, président du mouvement, que je me présente devant vous aujourd'hui. Je demande à Mme Paulette-Michèle Hétu de bien vouloir vous faire lecture du mémoire du mouvement.

Le Président (M. Gagnon): Madame.

Mme Hétu (Paulette-Michèle): M. le Président, mesdames et messieurs, le Mouvement national des Québécois mène depuis plus de 35 ans le combat pour la reconnaissance des droits du peuple québécois, majoritairement francophone sur son territoire. Il va sans dire que les droits plus spécifiques de la langue de la nation ont été l'objet d'une attention, d'une recherche et d'un effort constant du Mouvement national des Québécois pour sensibiliser la collectivité et pour tenter de persuader les différents gouvernements de prendre courageusement leurs responsabilités face à l'urgence de corriger une situation étouffante et anormale à bien des égards: de naître et de vivre bilingues dans son propre milieu et de subir une domination économique et sociale de la part d'une minorité parlant une autre langue.

Le combat pour la langue mené par les sociétés nationales a pris le relais unifié des forces vives de la nation canadienne-française dont les porte-parole ont toujours appuyé leurs revendications sur deux assises bien établies: Les francophones d'Amérique constituent un peuple disposant d'un dynamisme interne, garant de son évolution et de son épanouissement; la confédération lui assure des droits difficiles à exercer qui, en plus, lui ont été systématiquement spoliés. Ce qui s'est passé à la fin du siècle dernier au Manitoba constitué de Canadiens français, extension de nous-mêmes, détachés du tronc original et plongés dans un milieu pré-industriel, nous arrive maintenant ici au Québec dans un environnement globalisant où les communications sont multipliées et accélérées.

Nous savons que les francophones du Manitoba ont été privés de leur droit constitutionnel de recevoir l'enseignement dans leur langue et que le gouvernement, qui n'a pas redressé ce déni de justice, a favorisé une immigration massive de non francophones, empêchant ainsi les Franco-Manitobains d'évoluer normalement en conformité avec le BNA Act de 1867. En 1983, la nation québécoise doit vivre sous le choc d'un coup de force du gouvernement fédéral qui, en rapatriant unilatéralement la constitution, dota le pays d'une prétendue charte des droits et libertés qui sabra la Charte de la langue française, loi vitale que le peuple s'était démocratiquement donnée.

Le peuple du Québec, par son gouvernement et son Assemblée nationale, a dit non au "Canada Bill" parce qu'il sait bien, entre autres, que les jugements suprêmes qui découleront de cette nouvelle entente signée dans son dos lui enlèveront les pouvoirs qu'il avait eus jusque là en matière d'éducation et de langue pour rectifier une situation intolérable. Les mesures que l'Assemblée nationale du Québec a prises en adoptant la loi 101 représentent un minimum de protection de la langue nationale, sans laquelle les Québécoises et les Québécois auraient à subir le malheureux sort de leurs compatriotes du reste de la Confédération.

Déjà, en 1969, le Mouvement national des Québécois, dans un mémoire présenté à la commission d'enquête sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques du Québec demandait au gouvernement d'effectuer un relèvement radical de la situation et de définir clairement et courageusement une politique linguistique et d'y mettre le poids d'une législation appropriée: "Le gouvernement a le devoir d'appuyer les justes aspirations de la majorité québécoise... L'Assemblée nationale a la très lourde responsabilité de déterminer le statut du français comme la langue nationale et la langue officielle du Québec. Elle doit exposer clairement aux investisseurs étrangers dans quel milieu ils viennent s'établir et à quelles

conditions, au point de vue langue du travail et des affaires, ils pourront y faire des profits. Voilà la seule façon logique et lucide de créer le climat de confiance tant recherché par tous les hommes de bonne volonté."

Les lois 63 et 22, qui sont venues par la suite, ont consacré le bilinguisme au Québec en se basant sur la fausse prémisse que le colonialisme linguistique et économique du Québec était une fatalité. Nous avons combattu - et nous n'étions pas seuls - ces deux lois adoptées par des gouvernements d'une servilité quasi "génocidaire" qui, pour la première fois dans l'histoire, reconnaissaient le Québec comme juridiquement bilingue. Il était donc urgent que la loi 101 vienne mettre de l'ordre et affirme l'unilinguisme français du Québec, tout en faisant preuve d'une générosité envers la langue de la minorité coloniale, à laquelle peu de peuples ont consenti dans l'histoire de l'humanité.

Cette affirmation du caractère français de toute notre activité nationale: le travail, les affaires, l'enseignement, la justice, la législation, l'administration publique, l'affichage public, etc., constitue un rempart minimal contre l'intoxication massive du bilinguisme dont souffrait le Québec et qui ne pouvait mener qu'à son anglicisation graduelle et inexcusable.

La loi 101 consacre la langue française comme langue distinctive d'un peuple majoritairement francophone et permet au peuple québécois d'exprimer son identité.

Le "Canada Act" permet à l'Ontario de devenir unilingue anglais, mais oblige le Québec à traduire ses lois. La Charte des droits et libertés du fédéral enlève la compétence exclusive du Québec en matière d'éducation et de langue et, conséquemment, l'expression française de l'identité du peuple québécois est impossible. C'est la réintroduction du bilinguisme institutionnel, néfaste pour le peuple québécois qui s'était donné démocratiquement les moyens de contrer cette érosion nuisible à l'expression de son identité que constitue le bilinguisme.

Le Mouvement national des Québécois est d'avis qu'après six ans, la loi 101 n'a pas été appliquée assez rigoureusement et que, en une si courte période, elle n'a pas réussi à faire prendre la place qui revient à la langue française sur le territoire du Québec. Elle n'a pas été appliquée dans toute son extension possible et n'a pu infléchir valablement la tendance à l'assimilation galopante qui nous menace. Les transferts linguistiques ne pourront être valablement indicatifs que sur une assez longue période. Si la proportion des francophones étudiant en anglais a diminuée de 2,2% à 1,3% à l'école publique, elle a augmenté dans les cégeps de 2,1% à 2,6% et de 6,3% à 7,3% à l'université. Ce ne sont certainement pas ces deux dernières tendances qui peuvent nous faire conclure que la Charte de la langue française a atteint ses objectifs.

Les sociétés nationales affiliées au Mouvement national des Québécois sont d'avis qu'à ce stade-ci, la situation du français au Québec n'a pas sensiblement changé d'une façon favorable et que les dangers d'assimilation progressive, que la loi 101 a tenté de circonscrire, ne sont pas pour autant conjurés, et qu'en conséquence, toute dilution du présent régime linguistique serait absolument néfaste à la langue, à notre culture et à notre avenir comme peuple. Le Mouvement national des Québécois estime que la reconquête culturelle du peuple québécois nécessite des attitudes fermes et rapides et que des mesures comme la loi 101 doivent être accompagnées de moyens politiques propres à maintenir leur légitimité et à les rendre applicables. Pour les sociétés nationales affiliées au Mouvement national des Québécois, seule l'indépendance du Québec permettra à son peuple, à sa langue et à sa culture non seulement de survivre, mais de s'épanouir normalement. Merci, messieurs.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le ministre.

M. Godin: Mme Hétu, M. Rhéaume, M. Angers, M. Fortin, M. Charette, M. Beauvais et M. Jean, je crois, merci de nous faire part de vos opinions et de vos inquiétudes par rapport à la francisation du Québec. Je note, entre autres, à la page 4 de votremémoire, une affirmation qui est faite déjà en 1969 par votre organisme et qui va tout à fait dans le sens de ce que notre gouvernement a implanté. Vous dites, par exemple, que le gouvernement du Québec doit exposer clairement aux investisseurs étrangers dans quel milieu ils viennent s'établir et à quelles conditions au point de vue de la langue de travail et des affaires ils pourront y fairedes profits. Je peux vous dire que certains groupes ou organismes tentent de faire croire aux Québécois que l'avenir du Québec passe uniquement, totalement et automatiquement par le bassin anglophone de capitaux, d'experts, de savants et d'hommes d'affaires, alors que l'expérience que le Québec mène depuis que nous avons notre propre juridiction dans le domaine de l'immigration, depuis l'entente Couture-Cullen, nous permet d'affirmer aujourd'hui, ici devant vous, que les pays de recrutement francophone de ces experts, de ces capitaux, de ces savants et de ces techniques ne sont pas négligeables non plus. Les chiffres que nous avons montrent que s'il est vrai qu'un certain nombre de personnes ont quitté le Québec pour toutes sortes de raisons, il y a quand même, en même temps, 150 000 personnes qui sont sur les listes d'attente pour

immigrer au Québec, le Québec actuel, le Québec français, le Québec de la loi 101. Depuis six ou sept ans, 500 000 000 $ d'investissements ont été faits ou engendrés par des immigrants investisseurs qui savaient, en venant ici, que c'était dans un Québec français qu'ils s'en venaient. Donc, il ne faut pas voir le monde de façon unidimension-nelle. Le monde est multiple. Le monde est vaste. Il y a une concurrence internationale entre les langues et les peuples. Le Québec étant un terre d'avenir, les gens viennent ici de partout, au Québec de la loi 101, au Québec français et ils contribuent grandement à notre développement économique.

Je voudrais poser une question à M. Angers, qui est le vétéran des luttes linguistiques au Québec. M. Angers, dans la mesure où les trois piliers de la francisation du Québec sont la langue de travail, la langue de l'enseignement et la langue de l'affichage, à votre avis, lequel des trois points devrait être prioritaire pour assurer que l'opération francisation s'accélère et porte tous ses fruits?

M. Angers (François-Albert): Je pourrais difficilement parler de priorité, parce que ce sont trois domaines qui ont une valeur propre en eux-mêmes et qui s'épaulent l'un et l'autre. Il est clair que la langue de travail doit, le plus rapidement possible - mais justement, c'est peut-être le domaine le plus difficile - devenir la langue française, d'une façon générale. La langue d'enseignement, c'est la langue de la formation. Il est clair qu'on ne doit pas permettre d'aucune façon que puissent aller à l'école anglaise d'autres que ceux à qui on a reconnu ce droit strict et d'une façon, d'ailleurs, très large, puisque les prescriptions de la loi 101 ne limitent pas la fréquentation de l'école anglaise aux véritables anglophones, mais à des personnes dont les parents ont suivi l'école en anglais, ce qui permet même à des Canadiens français d'aller à l'école anglaise d'une façon légitime, d'après la loi. (15 h 45)

Et la langue d'affichage, c'est la langue de la manifestation culturelle et du visage français du Québec. Par conséquent, ce serait un peu paradoxal qu'on dise que la langue de travail est prioritaire et qu'on laisse l'affichage se faire, soit de façon bilingue, soit en anglais - enfin, même bilingue - parce que à ce moment-là on donne tout de suite l'impression que le Québec est un pays bilingue. Or, c'est la clé du problème: il ne faut pas que l'on croie nulle part que le Québec est un pays bilingue. Il faut affirmer clairement que le Québec est un pays français, qui veut rester français et qui s'affirme français, qui doit donc avoir un visage français. Je vous avoue que je ne suis pas capable de dire qu'on peut sacrifier l'un des trois, ou deux des trois. Il faut vraiment faire fonctionner les trois activités ensemble. L'affichage, c'est peut-être l'aspect le plus superficiel de la culture, parce que c'est l'aspect extérieur. Mais c'est le point de départ qui, en donnant à tout le monde, à tous ceux qui viennent ici l'impression qu'ils sont en pays français, va les amener à se comporter comme dans un pays français. Alors que, si on fait un affichage bilingue, ceux qui viennent ici disent: On peut aussi bien choisir entre l'anglais et le français dans notre comportement. C'est extrêmement important; c'est fondamental même.

C'est un peu l'état d'esprit dans lequel je me trouve et dans lequel, je pense, nous nous trouvons tous. On ne peut pas faire de choix entre ces trois choses. Il faut les poursuivre systématiquement jusqu'à ce qu'il soit bien établi par tout le monde, et admis tout d'abord par la minorité anglophone, qu'elle est en pays français - ce qui est loin d'être fait comme le prouve ce qui s'est dit devant cette commission après six ans. Que cette communauté anglophone reconnaisse finalement qu'elle est en pays français, qu'elle accepte de se comporter comme dans un pays français, après quoi on pourra voir ce qu'on peut faire dans l'application de la réglementation qui, à l'heure actuelle, doit être assez stricte pour que ces gens-là se rendent compte qu'il n'y a pas moyen de déroger, qu'il faut se comporter comme dans un pays français. C'est ce que veut le peuple du Québec et c'est ce qui nous est imposé par la nécessité de notre survivance. Tout affaiblissement de l'un ou l'autre est un point de départ vers la glissade et un retour en arrière aux situations d'avant la loi 101.

M. Godin: Merci, M. Angers. Une dernière remarque qui appellera peut-être un commentaire. Nous avons constaté dans les premières années d'application de la loi 101 qu'un grand nombre de familles qui auraient eu droit à l'école anglaise, familles anglophones et allophones - quelques milliers dans l'ensemble du Québec - avaient choisi d'envoyer leurs enfants à l'école française. Et la raison pour laquelle elles avaient pris cette décision, c'était qu'il leur apparaissait clair que, pour vivre et réussir au Québec, il fallait parler français. Moi, j'ai toujours maintenu que, quand la langue de travail sera dans l'ensemble du Québec le français, le reste ira de soi; que le véritable fondement solide d'une langue, c'est quand on peut l'utiliser pour gagner sa vie.

Il est sûr que la langue d'enseignement a des effets plus vastes qu'on ne le prévoyait aussi, parce qu'on se rend compte que des parents arrivés récemment au Québec, qui ne parlaient ni le français, ni l'anglais, parce que leurs enfants vont à l'école française, se sont mis, eux aussi, à

l'étude du français pour pouvoir les aider à faire leurs devoirs en revenant de l'école. Donc, il est sûr que chacun de ces trois piliers a un rôle plus vaste qu'on ne l'avait prévu au départ. Mais il m'apparaissait, dès 1977, quand la commission parlementaire s'était réunie au tout début, que, si nous francisions le travail, au fond, sur une période d'années assez courte, le reste s'enchaînerait. C'est sur ce point que j'aurais aimé avoir votre opinion. Mais, au fond, vous m'avez donné l'ensemble du portrait et je vous en remercie.

M. Angers: Ce que j'ajouterais, seulement en quelques mots, c'est qu'à mon sens nous n'arriverons pas à obtenir que la langue du travail devienne le français de façon générale et régulière si nous cédons sur les autres points, parce que précisément on attaque ces points-là à l'heure actuelle, croyant que ce sont les points les plus faibles, ceux qui permettent le plus de diviser l'opinion publique. La lutte qui serait perdue ou à demi-perdue sur l'un ou l'autre des deux terrains amènerait tout simplement qu'on reprenne la lutte pour faire que les deux langues soient également reconnues au travail. C'est dans ce sens que cela se tient. C'est un front commun qui s'avance. À mon sens, vous n'aboutirez pas - vous avez déjà des difficultés - à franciser la langue de travail si vous commencez à céder sur les autres points de la loi qui, avec raison, comme vous le dites, a fait son impression au début parce qu'on a vu qu'un gouvernement ferme avait eu l'audace de voter une loi ferme. Si vous ne restez pas fermes, alors les revendications vont ne faire que se multiplier dans tous les domaines.

M. Godin: En vertu du principe que l'appétit vient en mangeant. Merci beaucoup, M. Angers.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, j'aimerais simplement remercier madame et messieurs du Mouvement national des Québécois d'être venus nous présenter leur mémoire. Il a le mérite d'être clair et sans ambiguïté quant aux intentions et quant aux recommandations au gouvernement. De cela je vous en remercie. Je le respecte et je l'apprécie d'autant plus qu'on n'est pas toujours habitué à cela de la part du gouvernement.

Je l'ai évoqué au début de nos travaux, je préférerais de loin qu'on dise exactement ce qu'on veut dans la loi. Que cela soit clair, que cela soit interprété par tout le monde de la même façon, que tous se sentent égaux devant la loi et qu'on sache à quoi s'en tenir. Malheureusement, on a l'impression - je ne sais pas si vous la partagez, vous pourrez me le dire tantôt en réaction - quand on lit certains articles de la loi 101 qu'ils sont très clairs, qu'ils sont très fermes, qu'ils veulent viser l'objectif de la francisation à tout prix. Mais immédiatement après on s'aperçoit, soit par le biais de règlements qui sont illégaux, ou soit par des interprétations qui portent à confusion... D'ailleurs on n'a toujours pas de réponse à savoir si on aura ce fameux code d'interprétation de la loi. Je pense que oui. Le ministre avait l'air ouvert ce matin. Il s'ouvre de plus en plus au cours de l'après-midi, j'imagine. On a hâte de savoir ce que veut le gouvernement. Comment pourriez-nous ne pas le traduire dans la loi? Dans votre cas, vous nous dites: N'y touchez pas, raffermissez s'il le faut. Mettez cela plus clair encore. Sur cela je vous suis, à condition qu'on sache quels sont les objectifs du gouvernement. Cela, semble-t-il, on le saura le 15 novembre prochain.

Quant au complément que vous recherchez à la loi 101, c'est-à-dire l'accession du Québec à l'indépendance, sur cela aussi j'aimerais cela qu'on fasse un jour ce débat pour vrai, non pas comme au référendum de 1980 autour d'une question alambiquée qui permettait à un non de vouloir dire un oui et à un oui un non. Peu importe qui en était le responsable, le fait demeure que la question n'a pas été vidée, semble-t-il, sûrement pas à votre satisfaction et je vous l'avoue franchement, non pas à la mienne non plus. Il semble qu'on ait un engagement qu'on pourra peut-être régler à la prochaine élection. Je vous mets en garde, les gens du Mouvement national des Québécois. Les rumeurs qu'on entend c'est qu'on est en train de mijoter une autre façon de s'en sortir et de faire l'élection sur autre chose la prochaine fois. Alors, pour une fois, on serait ensemble pour surveiller le gouvernement sur cela. En attendant, je vous remercie très sincèrement de la présentation de votre mémoire.

Le Président (M. Gagnon): M. Rhéaume.

M. Rhéaume: En ce qui concerne les objectifs de francisation pour nous, nous souhaitons qu'ils soient le plus clairs possible et que les moyens préconisés soient utilisés afin qu'on atteigne le plus rapidement possible la refrancisation du Québec qui est en train de se faire.

En ce qui concerne notre option nationale qui est celle de l'indépendance du Québec, nous, les sociétés nationales, sommes toujours prêtes à faire ce débat n'importe quand, n'importe où et avec n'importe qui.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, en terminant j'aurais quelques mots pour vous remercier de votre contribution une fois de plus, M. Rhéaume, et pour vous dire que je n'entrerai pas dans les débats avec mon collègue et ami de Gatineau sur cela aujourd'hui. Il y aura d'autres lieux pour le faire. Je suis convaincu que tôt ou tard le peuple du Québec s'ouvrira les yeux.

Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci, mesdames et messieurs du Mouvement national des Québécois.

J'inviterais maintenant M. Pierre Beaudry à prendre place. M. Beaudry, je vous souhaite la bienvenue. Vous pouvez y aller.

M. Pierre Beaudry

M. Beaudry (Pierre): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je voudrais avec votre aimable permission faire une brève digression afin de proposer une réflexion sur une situation qui me paraît pour le moins anormale sinon dommageable à tous les Québécois. Je veux faire état du fait qu'à l'occasion même où nous sommes réunis pour étudier des questions d'ordre vital pour notre peuple, nous constatons, nous les hommes, que nous sommes encore en majorité et qu'il nous manque hélas! un concours quantitatif de la part de nos femmes. Je pense que l'occasion est bien choisie pour justement soulever cette question et souhaiter qu'à la longue, nous en venions à travailler ensemble en Québécois et trouver, dans une réunion comme celle-ci, autant de femmes que d'hommes. L'occasion me paraît d'autant plus propice qu'il faut quand même reconnaître que c'est grâce à la femme québécoise si la langue française a été si bien ou du moins un tant soit peu préservée au Québec.

Cela dit, j'ai l'honneur de vous présenter mon mémoire. J'aimerais vous le lire. Ensuite, j'aimerais avoir vos commentaires ou vos questions.

Autant la connaissance de certaines langues étrangères est souhaitable en notre époque d'échanges internationaux, autant l'obligation de vivre simultanément en anglais et en français constitue pour les francophones du Canada un danger qui peut se révéler mortel. Car pour un peuple dont les institutions sont, par le jeu même de la démocratie, inexorablement à la merci du bon vouloir d'une majorité parlant une autre langue, rien d'autre que la rigueur la plus résolue ne saurait prévenir l'assimilation. Si donc pareille rigueur est impossible hors du Québec, sa nécessité chez nous n'en devient que plus évidente.

S'il est en effet une question qui se dégage clairement des événements les plus récents, c'est bien que nul n'est mieux servi que par soi-même. Quand on songe à l'importance capitale pour les francophones du pays de compter sur la possession en toute exclusivité des pouvoirs nécessaires à la survie de leur communauté, il devient évident que toute constitution les protégeant au gré d'un Parlement composé en immense majorité de non-francophones leur impose l'obligation de reboubler de vigilance. Sans même mettre en doute la sincérité des assurances que nos compatriotes anglophones ne cessent de nous présenter depuis quelques années, leur prise en charge de nos intérêts ne devrait pas nous inciter à abandonner les moyens de défense et d'épanouissement qui nous restent encore.

Or, parmi ces moyens, il y a l'existence, au Québec, d'un Parlement majoritairement francophone, un Parlement qui ne saurait donc, sans risquer la défaite, permettre le recul que constituerait la ré-installation du bilinguisme qui nous a si longtemps infériorisés, un bilinguisme qui, étant donné l'écrasante supériorité de l'anglais sur le continent nord-américain, ne peut avoir d'autre effet que de nous faire disparaître, à plus ou moins brève échéance.

La vertu est une bonne chose. Donc, tout le monde devrait être pour le bilinguisme, semble-t-on vouloir nous dire. Mais il y a un hic: le bilinguisme intégral n'est pas une vertu. Au contraire, c'est pour un peuple minoritaire une situation absolument invivable. Les seuls pays, hormis le Canada, qui ont jusqu'ici réussi à le pratiquer n'y sont parvenus qu'en créant des zones linguistiques bien distinctes à partir d'un état central utilisant les deux ou même, comme en Suisse, les quatre langues sur un pied de parfaite égalité. Même alors, cette solution est loin d'être idéale. Elle ne peut empêcher que, dans les régions - songeons à Bruxelles - où les gens sont obligés de se côtoyer tous les jours sans savoir quelle langue employer, l'agacement mène à l'exaspération. Personne n'est heureux tant qu'une langue ne l'a pas emporté sur l'autre. Si les seuls méfaits du bilinguisme se situaient dans des conflits personnels, on pourrait peut-être espérer qu'ils soient un jour éliminés par la compréhension. Mais ces conflits ne sont rien, comparés à l'appauvrissement intellectuel qu'entraîne inévitablement la cohabitation de deux langues. (16 heures)

S'il est vrai que la langue est un instrument de communication, cette fonction lui vient d'une particularité encore plus primordiale: son rôle d'instrument de la pensée. Avec tout le respect que mérite Boileau, il n'est pas interdit de se demander s'il aurait eu raison de prétendre chez nous que "ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément." Car encore faut-il que les mots voulus soient présents dans l'esprit. Ce qui,

hélas, est trop souvent l'exception chez nous. Même chez notre élite, nous avons des comptables, des ingénieurs, des avocats, des juges et des hommes politiques, qui vivent dans la plus totale confusion des mots, donc de la pensée.

Comment, en effet, peut-on avoir une pensée lucide quand on prononce dans la plus sereine inconséquence des incongruités comme "étude légale", "bureau-chef", "en autant que je suis concerné", "parler à travers son chapeau", "fausses représentations", "mail piétonnier", "commande à l'auto", "à l'année longue", "ajouter l'insulte à l'injure", ou "à toutes fins pratiques", ou même, en guise de correction fautive si jamais il en fut, "à toutes fins utiles", quand on confond avocat et procureur, voûte et chambre forte, statut et loi, plancher et étage, bouilloire et chaudière, chaudière et seau, temps et température, place et bâtiment, gicleur et extincteur, soupape et vanne, valve et robinet, profession et profession libérale, corporation et société? Comment peut-on collaborer intelligemment à la formation des jeunes quand on s'affuble fièrement d'un titre aussi irréconciliablement contradictoire que "professionnel de l'enseignement" pour bien signaler que l'on n'a pas l'enseignement pour profession? Quoi d'aussi aberrant que de s'appeler "professionnel du gouvernement" quand on n'a pas pour profession de gouverner?

Ce simple aperçu de nos difficultés ne peut qu'effleurer la triste réalité de notre aliénation, tant intellectuelle que linguistique, puisque mal comprendre les mots, c'est avant tout mal se comprendre soi-même. Mais d'ici l'audience demandée, il devrait au moins servir à faire reconnaître les ravages du bilinguisme. Et surtout, comme dans la plupart des exemples ci-dessus, d'un bilinguisme qui n'a même pas l'avantage de favoriser la compréhension de l'anglais: dans cette langue, "car order" veut dire "car order depot" et parle donc d'une consigne et non pas d'une commande; l'expression "all year long" utilise le mot "long" comme adverbe et non comme adjectif, et le mot "injury" signifie "blessure, dommage", de sorte qu'en le traduisant par "injure", on aboutit à l'incohérence puisque l'on ne se rend même pas compte du fait que l'on juxtapose deux synonymes dans la plus insignifiante redondance, alors qu'il suffirait de dire "tourner le fer dans la plaie". Toutes nos "traductions" de ce genre ne servent qu'à étaler l'ignorance non pas d'une langue, mais de deux.

Et c'est sur cette note que se terminera ce mémoire: la nécessité de l'énorme effort qu'il nous reste à faire pour nous débarrasser, après vingt ans de révolution beaucoup trop tranquille et cinq ans d'unilinguisme officieusement anglais, des déformations qu'ont exercées sur nos cerveaux, nos coeurs, nos yeux et nos oreilles, deux siècles d'accoutumance à une langue, un esprit, une culture qui, n'étant pas les nôtres, nous ont presque totalement dépersonnalisés.

Que ceux qui nous présentent le bilinguisme comme une gloire nationale s'arrêtent à cette grande vérité: Rien n'est plus nocif que la coexistence des langues, car rien ne peut entraîner autant de confusion dans les esprits. Que les francophones du Québec apprennent l'anglais, d'accord; mais seulement comme cela se fait en Europe, c'est-à-dire à partir d'une bonne connaissance de la langue maternelle, pour prévenir la confusion. Et pour cela, il faut à tout prix que leur environnement soit français. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Beaudry. M. le ministre.

M. Godin: M. Beaudry...

M. Beaudry: Oui, je vous écoute. Excusez-moi, M. le ministre.

M. Godin: ...je vous ai lu pendant de nombreuses années dans la Presse où vous livriez vos chroniques. Et comme on dit en mauvais français: Nous manquons vos chroniques; alors qu'en bon français, c'est: Vos chroniques nous manquent beaucoup.

M. Beaudry: Ah oui! Je suis bien content.

M. Godin: Je vais vous poser une question qui est plus générale. À votre connaissance, dans d'autres régions du monde où on ne vit pas cette coexistence linguistique de deux ou plusieurs langues comme on la vit ici, est-ce qu'on ne passe pas par les mêmes problèmes linguistiques? Je lisais récemment dans une revue américaine à grand tirage que la qualité de l'anglais aux États-Unis diminuait aussi alors qu'ils ne sont pas en butte aux mêmes difficultés de diglossie, c'est-à-dire de coexistence de deux langues sur un territoire donné, que nous ici.

Tout à l'heure, votre prédécesseur à cette table, le professeur Gaulin, disait qu'en Angleterre... Diglossie, cela vient du grec, comme vous le savez, M. Sirros...

M. Sirros: C'était pour informer mes collègues, M. le Président.

M. Godin: Merci beaucoup. À Londres, les enseignants se plaignent aussi de la baisse de la qualité de l'anglais écrit. Sur cette question précisément, est-ce qu'il y aurait des causes identifiables à ce problème, à cette situation dramatique dans certains cas, d'une part, et quelles seraient les

solutions que vous seriez en mesure de nous proposer en tant qu'expert en langues?

M. Beaudry: À mon sens, ce qu'on appelle la dégradation des langues, que vous parliez des États-Unis ou de l'Angleterre, ne cause aucune espèce de différence parce que la langue étant avant tout un code, ses modifications sont sans conséquence pour autant qu'elles aboutissent à un consensus. Autrement dit, même en France, si on voulait appeler un cendrier une fourchette, cela n'aurait aucune espèce d'importance si tout le monde était d'accord.

Ce que je veux dire, c'est qu'au Canada le Québécois est voué à une langue qui est internationale, mais qui est aussi la sienne. Il ne faut quand même pas oublier que nous sommes le peuple le plus authenti-quement français hors la France. C'est un fait historique que personne ne peut nier et dont nous devons prendre pleinement connaissance et nous dire: Notre langue est le français, et les déformations qu'elles a subies, soit par l'influence anglaise, soit par les Allemands, sont des choses qui nous nuisent. Je vous assure que je ne suis pas du tout partisan d'une langue régionale parce qu'elle ne nous mènerait à rien. Surtout dans un continent aussi largement dominé par une autre langue que l'Amérique, il ne vaudrait absolument rien d'essayer de nous cantonner dans une langue que d'autres ne comprendraient pas. Le français est une langue internationale, c'est une des cinq langues des Nations Unies, c'est la seule aux Nations Unies qui ait un pied de parfaite égalité avec l'anglais, c'est une langue qui peut nous être essentiellement utile dans tous les domaines: économique, culturel, politique. Nous n'avons nullement besoin au Québec de nous laisser influencer par des méthodes de pensée qui sont anglaises, si valables qu'elles puissent être dans cette langue.

J'aimerais bien que vous me permettiez d'en arriver à un point très sensible, M. le ministre, qui vous touche particulièrement. C'est la qualité de la langue de notre législation. Je vous assure que ce n'est pas joli. Là-dessus, je ne crois pas que la loi 101 ait pu apporter de remède. Ce qui a manqué, après la loi 101, c'est que nous nous sommes un petit peu endormis en disant: Voici, le français, c'est notre langue. On n'a plus rien à faire. On n'a qu'à écarter l'anglais, tout va bien aller.

Il y avait une autre chose qu'il fallait faire aussi. Il fallait se débarrasser de nos mauvaises habitudes et nous ne l'avons pas fait. Je vous dis - ce n'est pas un reproche parce que nous sommes tous pris dans le même marasme - que les lois du Québec sont très mal écrites. Elles sont écrites dans le style anglais. Je peux vous montrer une bible de la rédaction rédigée par le juge

Pigeon en 1965 qui s'inspire des règles d'interprétation d'Angleterre pour rédiger des lois françaises, qui nous parle de la règle ejusdem generis qui n'a jamais existé en français, d'une part, et qui, d'autre part, est à l'inverse du style français puisqu'il s'agit d'interpréter les mots selon une certaine énumération, ce qu'on ne fait jamais en français.

Je pense qu'il faut à tout prix que tous les Québécois commencent par prendre conscience de cette vérité. Nous avons beaucoup à apprendre. Je dois signaler ici -remarquez que je le fais pour provoquer une réflexion, non pour critiquer - que le dernier-né de la législation québécoise, la Charte des droits et libertés, est très mal écrit. Vous avez des fautes de syntaxe et de grammaire et de vocabulaire insupportables.

Dans cette loi, je vais donner un exemple. On parle de la juridiction des provinces. Le mot "juridiction" s'applique aux pouvoirs des tribunaux, en français. En anglais, ce sont des pouvoirs, des compétences. C'est là un exemple. Vous avez un article qui dit "que tout prêtre ou toute autre personne qui est tenue au secret professionnel ne peut le dévoiler". Si on a une phrase négative, l'adjectif qui précède le substantif doit aussi être négatif. Il faudrait dire: aucun. En français, on n'aurait pas dit cela. On aurait mis la forme positive, on aurait dit: Est tenu au secret professionnel quiconque, par sa profession... En fait, c'est une façon de le tourner. Je vous jure que 50% des articles de nos lois sont rédigés à l'anglaise.

Je ne peux manquer de protester encore une fois ici ouvertement contre cette abomination qui s'appelle le Code des professions et qui utilise le mot "professionnel" dans le sens anglais, qui nous introduit des corporations professionnelles qui n'ont aucune espèce de sens en français. Si on comprend le problème des anglophones qui n'arrivaient pas à définir les professions libérales, ils ont constitué des Professional Corporations alors que, chez nous, on n'avait qu'à dire professions reconnues ou libérales. On aurait évité tout ce dilemme qui fait que, lorsqu'on parle des professionnels au Québec, on parle des gens qui exercent des professions libérales. Par contre, dans nos cégeps, on parle d'un collège d'enseignement général et professionnel et là le mot "professionnel" est français, c'est-à-dire qui a trait à l'occupation dont on tire ses revenus. Que ce soit dans la tôlerie des voitures ou que ce soit comme pharmacien, c'est toujours une profession en français.

On a même des fascicules qui parlent des compagnies, qui devraient être des sociétés, de services professionnels. On entend des avocats qui se réunissent en société, qui ont une personnalité morale et on se demande si c'est légal ou pas, si c'est

bon. Ce ne sont pas des sociétés de services professionnels. J'ai une société de services professionnels, tout le monde a une société de services professionnels. Cette loi-là, M. le ministre, je l'ai dénoncée en 1971 avant sa promulgation. J'ai écrit à tous les ministres qui pouvaient m'écouter et il ne s'est rien passé. On a encore ici le conflit de parler de professionnels qui n'en sont pas en français. Je vous donne un bon exemple, si vous me le permettez, un article dans Paris-Match qui déplorait le nombre d'accidents sur les grandes routes occasionnés par des poids lourds. On trouvait cela d'autant plus inexcusable que ces véhicules sont conduits par des professionnels. J'ai ajouté qu'au Québec on s'imaginait que c'étaient des avocats qui les conduisent. Le mot "professionnel" veut dire... Justement dans la loi des... Vous voyez comme cela va loin, parce que, même dans notre Charte des droits et libertés, on fait la distinction entre les membres des corporations professionnelles et les personnes qui ont une autre occupation. On remonte à l'anglicisme "occupation" dont on s'est débarassé dans le Code de procédure civile il y a 20 ans et, dans la dernière loi, on ramène un vieil anglicisme.

Si vous me le permettez, je voudrais aussi l'appui de notre gouvernement pour nous débarrasser de certaines fautes insupportables qui nous font passer pour les derniers des ignorants. On bâtit des places à Montréal. On a une Place Canada, on a une Place des Arts, on a une Place Ville-Marie. Ce ne sont pas des places, ce sont des complexes ou des bâtiments. La place fait partie de la voirie. Une place c'est comme une rue. C'est la même chose pour le cours; on a le cours Le Royer. Ce ne sont pas des bâtiments, c'est une avenue. Si vous habitez rue Sherbrooke, vous habitez rue Sherbrooke, mais votre bâtiment ne s'appelle pas une rue. Qu'avons-nous fait avec nos places? Cela est entré dans l'usage à cause de M. Zenckendorf en 1960 et c'est devenu général. Je voudrais que le gouvernement du Québec écrive à Air Canada et lui dise: Cessez de nous faire passer pour des ignorants, ce n'est pas une place, Place Air Canada. C'est la compagnie Trizec qui avait la Place Ville-Marie et qui a fait la Place Beaver Hall. C'était joli, Place Beaver Hall. Je me suis dit: Hourra! On va vendre cela à Air Canada et ça va bien aller. Bien non, on en a fait une place.

Vous souvenez-vous de l'époque où on se préparait à bâtir la place de la Justice? J'ai attaqué cela en 1964. Il y avait des clôtures de sept ou huit pieds de haut sur lesquelles on avait écrit Place de la Justice. J'ai écrit à tous les responsables; il n'y avait rien à faire. Un jour, j'ai eu l'oreille de M. Choquette, Jérôme Choquette, et je lui rends hommage, en trois minutes, il l'a corrigé.

Cela a été fini. Avec Radio-Canada, c'est à peu près vers la même époque que j'ai dit sur les ondes de Radio-Canada qu'il ne fallait pas dire que c'était une place; Gérard Dagenais m'a appuyé et cela s'est corrigé le jour même. On a eu le même succès avec le Complexe Desjardins qui s'appelait la Place Desjardins, mais là, il y a quelqu'un qui a présumé qu'on pouvait appeler place l'espace intérieur. C'est de la folie furieuse parce que la place est le contraire de ce qui est à l'intérieur d'un bâtiment, c'est ce qui est à l'extérieur. Comment peut-on avoir une rue dans une maison? C'est ce qu'on a fait au Complexe Desjardins. (16 h 15)

En face du Complexe Desjardins, en face du Complexe Guy-Favreau qui, lui aussi, devait être une place, mais que j'avais fait corriger, on est en train d'ériger une place du quartier à 200 logements. Ce sera un condominium. D'où sort ce mot "condominium"? C'est une bêtise monumentale, c'est une réalité française. C'est en France qu'on a commencé à vendre des appartements en copropriété et je peux vous montrer des journaux français où on annonce des appartements autant comme autant, sans jamais dire qu'ils sont en copropriété. Ce n'est pas nécessaire, comment voulez-vous avoir un appartement autrement qu'en copropriété? Cela ne se bâtit pas tout seul. S'il s'agit de maisons, c'est différent, mais le mot "condominium" n'existe même pas dans notre Code civil et on le voit affiché partout à Montréal et tout le monde s'en glorifie.

J'ai ici des photos des fautes épouvantables qu'on trouve à Montréal, la loi 101 n'a pas aidé cela. Je peux vous inviter à venir avec moi, à partir de la rue Saint-Laurent et de la rue Saint-Jacques, faire simplement le tour de la Place d'Armes et je vais vous sortir 300 fautes affichées, des bêtises monumentales. Par exemple, une indication qui dit: "canalisation sec", pour le "dry pipe system", c'est une installation d'extincteurs. Oui, parlons des extincteurs. Même à la porte de la Presse, le grand journal français qui a eu l'honneur de ma collaboration pendant plusieurs années, on a ce panneau qui dit: "valves de système de gicleurs"; or ce ne sont pas des "valves", mais des "vannes"; c'est une vanne, une espèce de gros robinet qu'on commande manuellement, c'est la vanne; ce n'est pas un système, mais une installation et ce ne sont pas des gicleurs, mais des extincteurs. Le gicleur a pour objet de provoquer une explosion dans un carburateur ou d'alimenter le foyer d'un brûleur à mazout.

Parlant de mazout, j'ai vu dans la Presse, ce matin, à la une: de l'huile à chauffage. De l'huile à chauffage, "heating oil". Il y a 35 ans qu'on a condamné cette faute et on la trouve à la une du plus grand

journal quotidien français d'Amérique. J'en ai parlé de l'huile à chauffage dans mes chroniques. Savez-vous quel est le mot français pour huile à chauffage? Tenez-vous bien, c'est fuel, ce n'est pas mazout; cela a déjà été mazout qui venait du russe, cela a été changé il y a à peine 20 ans parce que les Français ont commencé à s'alimenter à partir d'approvisionnements américains et le mot mazout subsiste encore dans des expressions comme brûleur à mazout, chauffage au mazout, mais n'allez pas essayer de voir le mot "mazout" sur le camion qui va venir vous livrer le produit, ce sera "fuel" qui sera marqué. C'est un mot aussi justifié que tous les emprunts que le français décide de faire, comme l'anglais emprunte au français. C'est une notion qui nous échappe.

M. le ministre, je vous en prie, débarrassez-nous des mots "arrêt" aux coins des rues, le mot "arrêt" n'a jamais voulu dire "stop" et ce n'est pas français. Le mot "arrêt", c'est un endroit où on arrête, vous avez des arrêts d'autobus pour descendre et faire quelque chose, ce n'est pas l'endroit où on marque une pose, un moment d'arrêt; avant de repartir. Non seulement le mot "stop" est français, il est international et ce n'est même pas un mot, c'est un symbole qu'on utilise dans les pays qui n'ont pas notre alphabet comme la Chine ou la Russie. Je vous en prie, ne cédez pas à la démagogie et aidez aux Québécois à retrouver leur langue, c'est la France qui a imposé le mot "stop" à l'Angleterre qui disait "halt" jusqu'en 1954. Les Américains ont dit "stop" parce que, quand ils sont allés en France pendant la grande guerre, ils ont vu le mot "stop" et ils ont dit: C'est un mot anglais. Mais les Américains ont très peu d'affinités avec la culture britannique et c'est facile pour eux de croire qu'un mot est anglais quand il ne l'est pas; mais les Anglais ne voulaient pas de "stop" dans leur pays. Je vous le jure, il y a eu des débats. C'est un mot français "stop". C'est ce qui est l'ironie de notre situation.

Justement, je lisais que, si quelqu'un venait à Ottawa, il pourrait voir le mot "toilet" en anglais, qui vient du français, alors qu'en France, on a les mots "water closet", expression qui vient de l'anglais. On a le "art nouveau" en anglais et on a le "modern style" en français. Il ne faut pas s'en faire, mais chez nous on a érigé que l'emprunt est un crime. Il n'y a pas de langue qui n'ait emprunté et il n'y a aucun mot de la langue française, je vous le dis, qui ne vienne pas directement ou indirectement d'une autre langue parce qu'il n'y a pas de langue vivante qui ne soit pas faite d'abord d'autres langues.

Je pourrais continuer de la sorte, mais je vous en prie, s'il vous plaît, donnez-nous des lois en bon français, autorisez des raisons sociales qui ont du sens en français. Qu'est-ce que vous pensez du Stationnement de l'Est Alliright Ltée? C'est une raison sociale française qu'on va afficher à Montréal, on la voit dans le Complexe Desjardins. Le Stationnement de l'Est Allright Ltée! Et il y a les Pharmacies Universelles Ltée. C'est au Québec qu'on a imposé le mot "corporation", qui est un anglicisme insupportable, après que votre humble serviteur, après 20 ans de lutte, l'eut fait déloger du vocabulaire légal d'Ottawa. Il y a un dossier complet. C'était sur mes instances qu'on a corrigé la Loi des corporations canadiennes pour l'appeler la Loi des sociétés canadiennes. Trois ans plus tard, le gouvernement du Québec nous obligeait d'avoir des "Inc." au bout de nos noms. Cela n'a aucune espèce de sens, "Inc.", comme français, ce n'est même pas une abréviation reconnue. Je vous le dis, nos sociétés commerciales devraient s'appeler des sociétés commerciales. Il y a quelques années, j'ai fondé un bureau - que j'ai maintenant vendu - qui s'appelait Pierre Beaudry et compagnie, société à responsabilité limitée. Tous les Français me demandaient: Pourquoi ne mettez-vous pas SARL? Je n'ai pas le droit. J'ai le droit de mettre "limitée" à la fin de ma raison sociale. C'est ce que j'ai fait, "société à responsabilité limitée", parce qu'en anglais, c'est "limited liability corporation", quoi qu'on en dise. Qu'on ne vienne pas me dire que ce n'est pas légal. C'est parfaitement légal. On a fermé la porte au Québec et il faut que vous vous appeliez "Inc". Et j'ai pleuré. Je vous le dis bien franchement. Il ne faudrait pas que ces choses se répètent. Il faudrait qu'il y ait... Je proposerais même la formation d'un comité d'étude vraiment décidé à nous débarrasser de l'anglicisation dans nos lois. C'est très important. On trouve encore des dépendants dans nos lois pour des personnes à charge. Je vais loin, là. Vous pouvez m'arrêter maintenant. Permettez-moi...

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Beaudry.

M. Godin: M. Beaudry, j'ai de bonnes nouvelles pour vous. Le Conseil de la langue française s'est vu confier le mandat d'étudier le style des documents gouvernementaux, les mémoires aussi bien que les lois. Donc, ce sont des professeurs de l'Université Laval qui se sont vu confier ce mandat et qui vont nous faire rapport bientôt. Donc, on a des correcteurs d'épreuves permanents qui travaillent maintenant sur des textes qui sont pondus par le gouvernement...

M. Beaudry: En avons-nous...

M. Godin: ...et j'espère que les résultats iront dans le sens que vous

souhaitez.

M. Beaudry: ...qui ont étudié en France? C'est ce qui nous manque. Nous n'avons pas de rédacteurs qui ont travaillé en France. Nous avons des rédacteurs québécois qui sont bien intentionnés, mais qui, trop souvent, n'ont pas la formation requise. Cela se voit dans nos lois. Votre loi 101, M. le ministre, a été écrite par l'Office de la langue française. J'espère que lorsque vous allez la refaire, vous la corrigerez. Vous savez qu'il y a un dossier complet là-dessus. Vous êtes au courant. Il n'y a aucune espèce de raison pour qu'on ne fasse pas la différence entre avoir droit à quelque chose et avoir le droit de faire quelque chose. Quand on voit un texte qui dit "on a droit de faire quelque chose", c'est du mauvais français. Vous le savez...

M. Godin: Merci, M. Beaudry.

M. Beaudry: ...et il devrait être défendu dans la loi de dire que "tout Québécois a droit que communiquent avec lui les gens en français". On ne parle pas ainsi en français, "avoir droit que". Comme vous le savez, je suis venu me faire des amis. Du côté libéral, il y a la Loi des corporations professionnelles que je ne saurais pardonner. Du côté péquiste, il y a des choses que je n'aime pas, mais nous sommes tous quand même Québécois et de grâce, sachons voir la réalité.

Je voudrais terminer sur une dernière note, parce que je pense que j'ai dû dépasser le temps qui m'était accordé, je ne le sais pas trop, je n'ai pas regardé ma montre. Je dois vous dire qu'on parle souvent des dangers de l'assimilation des Québécois. On voit cela comme une éventualité dangereuse, mais assez lointaine. Or, je dois vous dire que c'est un fait accompli. C'est triste. Nous sommes à 75% assimilés à l'anglais et je peux vous le démontrer n'importe quand à partir, non pas uniquement de nos textes juridiques, mais de nos textes scolaires, de notre télévision et de tout ce que nous faisons. Nous pensons, nous vivons, nous mangeons en anglais, mais la seule note d'encouragement que je peux vous donner, c'est que c'est à 75%, alors qu'il y a 30 ans, c'était à 90%. Nous avons donc fait un certain progrès.

Des voix: Ah! Ah!

M. Beaudry: Essayons de continuer.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Beaudry, on vous remercie pour votre plaidoyer. C'est un plaidoyer pour la qualité du français qui ne peut pas être prescrit par une loi, même si elle est de rédaction plutôt anglaise. Venant d'Outremont, je vous dirai tout de go qu'au moins, l'administration sortante d'Outremont a fait une très bonne chose, parce que dans notre municipalité, malgré un règlement qui oblige les villes à utiliser le mot "arrêt", dans Outremont, tous les "stop" sont bien des "stop". Ce que vous nous avez rappelé, dans le fond, c'est que si on veut que le français survive au Québec, il va falloir changer nos attitudes. Votre plaidoyer est dans le sens qu'il faudrait rechercher l'excellence et qu'il faut changer certaines de nos attitudes. Cela m'amènerait à poser une question puisque les 122 parlementaires de l'Assemblée nationale sont les premiers à faire des discours pour assurer la survie de la langue française, alors qu'ils sont eux-mêmes coupables, dans bien des cas, de nombreuses fautes lorsqu'ils parlent à l'Assemblée nationale. Je me demandais si une recommandation par extension de ce que vous venez de nous dire ne serait pas de demander aux parlementaires de mieux parler le français lorsqu'ils parlent à l'Assemblée nationale. Peut-être qu'on devrait se donner à nous-mêmes un correcteur qui serait le premier à nous rappeler les fautes qu'on a commises. En faisant cette suggestion, que vous pourrez nous faire en tant que recommandation, je me rappelle que lorsque j'étais au conseil d'administration de l'Université de Montréal, qui est une institution française très bien cotée, le recteur lui-même avait cru bon d'engager une grammairienne qui revoyait tous les textes sortant de l'Université de Montréal pour s'assurer qu'ils étaient en bon français. Alors, si l'Université de Montréal l'a fait, je crois bien que l'Assemblée nationale devrait donner le ton. Et, ne croyez-vous pas, M. Beaudry, que les parlementaires qui sont les premiers a revendiquer la survie du français au Québec devraient être ceux qui donnent l'exemple à la population du Québec?

Le Président (M. Gagnon): M. Beaudry.

M. Beaudry: Je vous remercie bien. Votre suggestion est certainement très valable. Je dois cependant vous signaler que c'est une chose que de vouloir parler français et une autre chose que d'en être capable. La langue s'apprend par osmose. Nous en avons au moins pour dix ans avant d'avoir la possibilité d'utiliser cette langue comme si elle nous était arrivée de naissance. Mais je suis parfaitement d'accord et s'il faut faire... On m'a déjà traité de censeur, vous savez. C'est épouvantable, moi, je reprends tout le monde. Il y en a trop comme moi? Si les gens n'ont pas le droit de parler, ne veulent pas parler, parce que je les gêne, je les fige, vous savez que ce n'est pas vrai. Il n'y en a pas beaucoup

comme moi, hélasl Je le dis en toute modestie. Mais le fait est que nous devrions nous entraider. Si j'ai un ami qui m'entend faire une faute et qui ne me corrige pas, je considère qu'il n'est pas un ami. Il faut que je sache que j'ai fait une faute et j'en fais tous les jours.

Mais je pense qu'entre Québécois, nous devons abandonner cette espèce de douce certitude que nous avons et qui nous met tellement à l'aise: Mon Dieu, nous sommes francophones. Nous le sommes de naissance, mais nous avons beaucoup à apprendre et il faut s'entraider.

M. Fortier: Alors, M. Beaudry, quant à moi, je...

M. Beaudry: Je suis parfaitement d'accord, monsieur.

M. Fortier: Je vous remercie de votre témoignage.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. M. Beaudry signale en passant l'influence de la télévision et, particulièrement de la télévision américaine sur notre façon de parler, notre façon d'agir, et du danger d'assimilation que vous notez en passant. Je sais qu'il y a des efforts qui se font. On voit des émissions de télévision importées de France sur la chaîne française TVFQ. Il y a un certain nombre d'émissions qui nous arrivent de France. Malheureusement, on s'aperçoit que le rôle positif que pourrait jouer cette chaîne dans l'amélioration de notre façon de nous exprimer, ou même parfois de penser... on traite de sujets qui n'ont aucun rapport avec nos préoccupations à nous, comme personnes vivant en Amérique du Nord, au Québec. Voici un exemple. Au cours d'une longue interview avec quelqu'un qui, à Paris, avait perdu son chien, on donnait le numéro de téléphone pour les gens qui l'auraient vu quelque part. Cela passait ici à huit heures du soir. C'était sûrement intéressant en soi, mais cela ne me permettait pas de m'identifier beaucoup au programme de télévision. Et je n'avais aucune chance de voir le chien en question étant donné qu'un océan nous sépare. Je me demande si le manque d'à-propos de ce genre de programmes n'est pas de nature à décourager les téléspectateurs et les auditeurs de puiser aux meilleures sources du français et, de cette façon, amener une certaine amélioration de l'expression de leurs idées, de l'expression de leur façon d'être, ou de leur façon de vivre. J'aimerais que vous me disiez simplement deux mots à ce sujet.

Le Président (M. Gagnon): M. Beaudry.

M. Beaudry: Je dois vous répondre comme ceci. La première fois où je suis allé en France, j'ai entendu deux commères dans un autobus qui parlaient du ménage de leur maison et j'ai trouvé cela tellement intéressant que j'étais bien malheureux quand elles sont descendues. Qu'on me parle de... Comment appelez-vous cette émission? C'était un programme à quel sujet?

M. Doyon: C'était un programme anodin où quelqu'un avait perdu son chien...

M. Beaudry: Oui, mais on a besoin de savoir comment parler français, même dans les domaines anodins, monsieur. Et je ne vous dis pas que c'est ce qu'il y a de plus intéressant. C'est bien sûr qu'à la chaîne 99, on est obligé de se contenter de certaines émissions qui n'ont pu être vendues ailleurs, parce que Radio-Canada en achète aussi. Mais il reste qu'en général, c'est très intéressant de suivre cette télévision, ne serait-ce que de nous trouver dans un milieu véritablement français où il n'y a même pas de mauvaise publicité. Parlant de publicité, s'il vous plaît, est-ce qu'on pourrait demander à nos organismes d'État et à nos services ministériels d'engager des comédiens qui parlent correctement pour nous passer des messages? Je n'aime pas entendre Yvon Deschamps nous parler de son "char"; je n'aime pas cela. Et il n'y a pas beaucoup de Québécois qui aiment cela. C'est peut-être amusant sur une scène de théâtre, mais lorsque l'Office de protection des consommateurs veut me parler, je veux qu'il me parle en bon français: qu'il me parle de ma voiture. Et je suis certain d'exprimer le voeu de tous les Québécois. (16 h 30)

Parlons aussi de télévision. Comment se fait-il qu'à Radio-Québec, on a eu un slogan aussi triste que "l'autre télévision"? Qu'est-ce que cela veut dire "l'autre télévision"? C'est négatif à faire pleurer. Vous avez: "La fierté a une ville", à Montréal. J'avais presque oublié de vous parler de cela. "La fierté a une ville"; C'est beau cela, je vous assure. Il ne faut pas être très fier pour parler comme cela. Vous avez en face de l'hôtel de ville de Montréal, la ville où M. Drapeau prétend qu'il n'y a aucun danger parce que la loi a complètement éliminé le danger d'assimilation, vous avez un mail piétonnier qu'il voit tous les jours. Le mot "mail" n'est pas français dans ce sens. C'est moi qui l'ai condamné. Je l'ai condamné c'est un calque du mot "mall". Pour le mail piétonnier, le "mall", en français on dit la rue piétonnière. Comme il s'agit de la place de Jacques-Cartier, on a été embêté on ne savait pas quoi dire, on a mis mail piétonnier. On n'avait rien à mettre. Il suffit

de descendre une barrière les week-end et la place est interdite à la circulation mais il fallait mettre des mots et on ne savait pas quels mots mettre. C'est là que si on avait vu même une émission aussi anodine que celle dont vous parlez, peut-être qu'on aurait vu à ce moment un endroit où c'est écrit "rue barrée". On a appris que des rues sont barrées et non pas fermées en français. Vous auriez peut-être vu déviation plutôt que détour, et toutes sortes de choses qu'on peut apprendre. C'est parce que j'aime à étudier la langue même a mon âge. On a beaucoup à apprendre avec des émissions françaises, un infusion de français. Demandons-nous où nous serions aujourd'hui si M. de Sève ne nous avait pas fait l'immense cadeau de nous apporter du film français? Si on n'avait pas eu France-films qu'est-ce qu'on aurait fait? Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: Merci, M. Beaudry. Vous avez parfaitement raison de nous dire que toute émission qui nous vient de France -d'autre part les chiens savent nager et peuvent peut-être aboutir chez vous dans votre comté, M. Doyon - toute émission qui vient de France est un cours de français, en particulier celle de M. Bernard Pivot, Apostrophe, qui est une pure merveille.

Merci beaucoup, M. Beaudry. Vous dites en terminant: "malgré mon âge, je m'intéresse toujours au français." Je constate que c'est de plus en plus que vous vous y intéressez. Je m'en réjouis.

M. Beaudry: Bien sûr.

Le Président (M. Gagnon): Merci, monsieur. Merci mesdames.

J'inviterais Impératif français à prendre place.

Mme Marie Bourgeois si vous voulez bien présenter les gens qui vous accompagnent et nous faire la lecture de votre mémoire.

Mouvement impératif français

Mme Bourgeois (Marie): D'accord.

À ma droite, M. Jules Fournier, coauteur avec Mme Claire Legault, à ma gauche. Nous avons été trois à rédiger ce mémoire.

Tout d'abord j'aimerais vous remercier beaucoup de nous permettre de venir exprimer des réflexions et quelques recommandations ici concernant la Charte de la langue française. Après la lecture de notre mémoire, nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Même lorsqu'une société reconnaît l'égalité de deux langues distinctes, il n'en demeure pas moins que dans les faits, une de ces deux langues a préséance sur l'autre, étant donné qu'un plus grand nombre de personnes la parlent.

Or, au Québec la langue parlée par la majorité a longtemps eu le statut de langue de la minorité. C'est ce que les immigrants percevaient et nous démontraient quand ils apprenaient l'anglais plutôt que le français. Il faut ajouter à ceci que le contexte géosocial favorise tout naturellement l'apprentissage de la langue anglaise. Cependant, nous croyons qu'il est primordial d'assurer la survie du peuple francophone pour que celui-ci pense à s'ouvrir au monde.

Le Mouvement impératif français est un organisme sans but lucratif, non partisan, qui a vu le jour en 1975. Ses deux principaux objectifs consistent à promouvoir la langue française et la culture québécoise à Aylmer, dans l'Outaouais. Même en travaillant dans une perspective québécoise, le mouvement se défend bien de se fermer aux différentes cultures environnantes.

Dans ce mémoire, nos propos porteront principalement sur deux aspects, savoir: l'assimilation constante des francophones de la région outaouaise et l'aspect de la Charte de la langue française concernant plus particulièrement l'affichage et la langue de service.

Le premier volet qui est l'assimilation constante des francophones de la région outaouaise. Avec une population de 27 000 habitants, Aylmer est l'une des trois villes urbaines de l'Outaouais. Comme ses deux consoeurs, elle est en contact étroit avec la région anglophone d'Ottawa.

Depuis 1969, la zone outaouaise a connu une forte expansion domiciliaire, ce qui a amené plusieurs nouveaux résidents à Aylmer. Comme l'Outaouais québécois offre des avantages certains dans ce domaine par rapport à la région de la capitale canadienne, la majorité de ces nouveaux résidents arrivait de l'Ontario et était unilingue anglais. La ville devenait dans les faits une extension de la banlieu d'Ottawa.

De plus, un establishment anglophone, fortement présent depuis plusieurs décennies, contrôlait tous les aspects de la vie des Aylmerois. Impuissante devant un manque d'appui aussi bien moral que politique, la langue française n'a jamais été en mesure de s'affirmer. La proximité de l'Ontario, notre éloignement du coeur du Québec n'ont fait que renforcer la position de la langue de Shakespeare.

En 1977, la Charte de la langue française vint changer les règles du jeu. Dorénavant, il n'était plus possible de vivre en ontarien au Québec. Ne pouvant plus envoyer leurs enfants à l'école anglaise, une bonne partie de ces Ontariens anglophones ont choisi de retourner dans leur province d'origine.

La Charte de la langue française venait modifier ce qui, dans l'ordre établi, était un équilibre normal de deux langues. C'est-à-dire que la langue anglaise devait avoir une place privilégiée tandis que le français, facultatif en plusieurs endroits, ne possédait que peu de valeur culturelle et économique.

Ainsi, de 1971 à 1981, la population ayant comme langue d'usage le français est passée de 8470 à 14 770, donc de 48,1% à 55,7%, alors que durant la période entre 1971, 1976 et 1981, la population ayant comme langue d'usage l'anglais a évolué ainsi: en 1971, 51,1% et on se retrouve en 1981 avec 42,8%.

Selon ces données de Statistique Canada, nous pouvons constater que la population francophone a gagné du terrain. Cependant, pour ce groupe ethnique, la situation est encore précaire. En effet, si on ajoute une colonne "langue maternelle" à la colonne de la langue d'usage, on constate que le groupe anglophone continue à assimiler les francophones et les allophones.

La population française de langue maternelle se chiffre par 15 685, ce qui représente 59,1%; la population de langue d'usage française: 14 770, ce qui équivaut à 55,7%, ce qui représente une perte de 915 et un indice de continuité de 94,2.

Quant à la population de langue maternelle anglaise, elle représente 9925, ce qui veut dire 37,4%. La langue d'usage: 42,8%, ce qui représente un gain de 1440 et un indice de continuité de 114,5.

Quant à la population possédant une autre langue, allophone, le pourcentage est de 3,5% pour ceux ayant une langue maternelle autre que l'anglais ont le français et une langue d'usage à 1,5%, ce qui indique un perte de 525 avec un indice de continuité de 43,5.

Quant à l'interprétation de ce tableau, quand on parle de la langue maternelle, il s'agit de la première langue apprise à la maison, la langue d'usage étant la langue couramment utilisée à la maison.

Les articles "gain" et "perte": le gain exprime lorsque le nombre de personnes qui utilisent une langue est plus élevé que le nombre de personnes la considérant comme leur langue maternelle; la perte est lorsque le nombre de personnes qui utilisent la langue est moins élevé que le nombre de personnes la considérant comme leur langue maternelle.

Quant à l'indice de continuité, plus de 100 indique que le groupe ethnique assimile d'autres groupes ethniques et moins que 100 indique que ces groupes ethniques se font assimiler.

Donc, à la lecture de ce tableau, nous réalisons que, malgré l'augmentation de leur nombre, les francophones continuent à se faire assimiler. La charte était essentielle à la francisation du Québec en 1977. Selon nous, elle l'est encore, car il ne faut pas se leurrer: malgré les apparences, la majorité québécoise doit se prémunir contre les pressions venant de cette mer de 250 000 000 d'anglophones qui nous entourent. La mentalité d'un groupe se comportant comme une minorité ne se change pas seulement en six ans. Nous demandons donc de maintenir la Charte de la langue française en la modifiant pour qu'elle soit plus équitable et mieux applicable.

Le deuxième volet traite de la Charte de la langue française, via l'affichage et la langue de service. Au cours des huit années d'existence d'Impératif français, nous avons fait plusieurs relevés de l'affichage public à Aylmer et à cinq reprises, soumis des dossiers complets de commerces ne respectant pas ou la loi 22 ou, depuis 1977, la loi 101 au chapitre de la langue de service et d'affichage des commerces.

C'est fort de cette expérience que nous présentons ici quelques réflexions et recommandations concernant l'article 5 et quelques articles du chapitre VII. Ainsi à l'article 5 qui se lit comme suit: "Les consommateurs de biens ou de services ont le droit d'être informés et servis en français", il serait important, à notre avis, de préciser que le service doit être disponible en tout temps.

À l'article 51, que je cite: "Toute inscription sur un produit, sur son contenant ou sur son emballage, sur un document ou objet accompagnant ce produit, y compris le mode d'emploi et les certificats de garantie, doit être rédigée en français. Cette règle s'applique également aux menus et aux cartes des vins. Le texte français peut être assorti d'une ou de plusieurs traductions, mais aucune inscription rédigée dans une autre langue ne doit l'emporter sur celle qui est rédigée en français," pour éviter certains faux-fuyants, il serait bon d'ajouter: "Quiconque produit, importe, vend, offre un article ne se conformant pas à cette disposition contrevient à la loi".

L'article 53: "Les catalogues, brochures, dépliants et autres publications de même nature doivent être rédigés en français". Toujours dans le but d'éviter des oublis fâcheux, on spécifierait: "Quiconque conçoit, offre, publie, distribue des catalogues, brochures, dépliants et autres publications ne se conformant pas à cet article contrevient à la loi".

L'article 57, et je cite: "Les formulaires de demande d'emploi, les bons de commande, les factures, les reçus et quittances sont rédigés en français." On complète par: "Quiconque rédige, offre, distribue des formulaires, des bons de commande, des factures, des reçus et quittances ne se conformant pas à cet article, contrevient à la loi."

Quant à l'article 60: "Les entreprises

employant au plus quatre personnes, y compris le patron, peuvent afficher à la fois en français et dans une autre langue dans leur établissement. Toutefois, le français doit apparaître d'une manière au moins aussi évidente que l'autre langue." Le mot "dans" soulève beaucoup d'ambivalence et est souvent utilisé à double sens. Il serait bon de préciser la signification exacte du mot "dans" telle que l'envisage la Commission de surveillance de la langue.

En ce qui concerne la dernière partie de cet article, et je cite: "Toutefois, le français doit apparaître d'une manière aussi évidente que l'autre langue", nous favoriserions plutôt la formulation suivante: "Toutefois, le français doit prévaloir sur l'autre langue."

Quant à nos recommandations: afin de combler les lacunes soulevées dans ce mémoire et toujours dans l'optique de faire du français la langue vraiment officielle au Québec, le Mouvement impératif français fait les recommandations suivantes: premièrement il est primordial d'amender la loi, afin de la rendre plus facilement exécutoire dans le but d'éviter les ambiguïtés actuelles qui la rendent inopérante; il est essentiel d'augmenter le personnel de la Commission de surveillance de la langue afin que cette dernière puisse fonctionner sur la totalité du territoire québécois, évitant ainsi la délation que nous jugeons socialement néfaste; troisièmement, il est très important que des plaintes soient déposées par le Procureur général lorsqu'un cas de mauvaise foi évidente persiste et que des amendes significatives soient infligées afin que la loi soit prise au sérieux.

Nous concluons donc ainsi: Comment redonner au français le statut qui lui revient de droit? Comment faire du français la langue d'usage au travail, dans les affaires, la langue que les immigrants choisissent tout naturellement pour s'intégrer à la communauté québécoise? Selon nous, la Charte de la langue française demeure un outil important pour atteindre cet objectif, ce qui implique évidemment le maintien de l'affichage unilingue français.

Car, aussi longtemps que le français dans l'esprit des Québécois n'aura pas le statut de langue principale, aussi longtemps que les Québécois continueront de passer du français à l'anglais dès que, dans un commerce, on leur dit: I do not speak French ou tout simplement à baisser la tête lorsqu'ils n'ont pas le bonheur de parler l'anglais, la Charte de la langue française aura sa place chez nous. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le ministre.

M. Godin: Mme Bourgeois, Mme Legault, M. Fournier, ce n'est peut-être pas un hasard que vous soyez les derniers à comparaître devant nous et à nous rappeler qu'il faut que le français soit vu au Québec et qu'il faut éviter de revenir à cette espèce d'ambiguïté qui existait et qui donnait à penser aux gens qu'il n'y avait pas de langue au Québec. Il y en avait tellement qu'il n'y en avait pas. Avec le résultat que des phénomènes sociaux se sont produits, l'assimilation étant le pire de ces phénomènes pour la survie d'une minorité en Amérique du Nord et au Canada, la minorité que nous sommes.

On voit aujourd'hui les effets de la loi 101 et on en a oublié les causes. On a oublié les raisons pour lesquelles cette loi a été adoptée et on a oublié surtout que la loi 101 a découlé d'un processus de réflexion collective au Québec qui a duré pendant presque une génération, pendant presque 20 ans. Votre mémoire nous rappelle l'essentiel de ce que fut cette réflexion et les objectifs que poursuivait cette réflexion.

D'autre part sur les points précis que vous soulevez, je suis d'accord avec le principe de rendre la loi plus claire et plus facilement exécutoire dans le but d'éviter des ambiguïtés actuelles qui la rendent inopérante. En ce qui me concerne, je ne vous dis pas sur quels articles nous interviendrons, mais c'est un des objectifs que poursuit cette commission et sur lesquels ces travaux nous amènent à conclure qu'il faut effectivement que la loi soit rendue plus claire.

Dans votre deuxième recommandation, je m'arrêterai deux secondes sur le mot "délation". Au fond, ce que vous appelez délation, c'est une personne qui porte une plainte à un organisme reconnu de l'État québécois, créé par le Parlement et dont la tâche, la mission, le mandat est de recevoir de telle plainte, d'enregistrer le nom de la ou des personnes qui portent la plainte et de faire enquête. C'est un principe élémentaire et fondamental de notre droit ici. Il y a un grand nombre d'organismes qui enregistrent des plaintes formulées par des personnes et qui agissent au nom de ces personnes. Quand l'intérêt public est en jeu, ce n'est pas à la personne d'assumer la protection de l'environnement, par exemple, ou que les limites de vitesse sur les routes soient respectées ou que les droits de la personne soient respectés, mais c'est à l'État. Ainsi, dans la loi 101, c'était à l'État de s'assurer que la loi 101 est respectée.

Il n'est donc pas question pour nous de modifier la règle qui ferait que ce soit Mme Marie Bourgeois qui serait accusatrice dans une cause de non-respect de la loi 101. C'est l'État qui doit assumer cela car ce dont il s'agit, c'est de l'intérêt public et c'est l'État qui est le gardien de l'intérêt public. Pour moi, le mot "délation" ne me semble pas bien choisi pour rendre votre idée, dans la

mesure où il s'agit tout simplement de citoyens qui font leur métier de citoyens. Chacun doit voir à ce que les lois soient respectées tant qu'elles existent.

Enfin, le troisième point, il y a des plaintes qui ont été portées par le Procureur général face à certains cas de mauvaise foi évidente qui persistent. Chacune de ces causes devient une cause type et ce n'est que quand chacune de ces causes-là aura fait son chemin de croix judiciaire, c'est-à-dire que ce sera rendu jusqu'en Cour suprême, que nous serons en mesure de voir si d'autres plaintes peuvent être portées. Il est certain que la phase 2 de la loi 101, si elle s'accompagne d'assouplissements par rapport à certains principes que j'ai déjà évoqués ici, s'accompagnera aussi d'un rappel de principes non moins importants auprès de ce qu'on appellerait les récalcitrants, aussi bien dans le domaine fondamental de la langue du travail que dans d'autres secteurs. Il n'est pas question pour nous de renoncer à toute intervention, quelle qu'elle soit. Nous prendrons des mesures pour que la loi 101 s'applique. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: J'aimerais remercier Mmes Bourgeois et Legault et M. Fournier d'être venus nous présenter leur mémoire. Je le fais avec d'autant plus d'aise que j'avais le plaisir, il n'y a pas si longtemps, de représenter la ville d'Aylmer qui faisait alors partie du comté de Gatineau à l'Assemblée nationale et, à ce titre, j'ai eu l'occasion à quelques reprises d'échanger de la correspondance et même de souhaiter des débats qui n'ont jamais eu lieu et qui auraient pu être intéressants. L'offre demeure toujours ouverte, je suis sûr qu'il en est de même de votre côté.

Il y a quelques précisions que j'aimerais que vous m'apportiez. Votre mémoire a le mérite d'être clair lui aussi. Je pense bien qu'on n'a pas à se poser de questions sur vos recommandations et sur les conclusions auxquelles vous en arrivez. Quand vous demandez de préciser, en tout temps, que les services soient disponibles, je présume que ce doit être parce que cela vous arrive à l'occasion de vous faire dire: "We do not speak French." Cela vous arrive-t-il souvent? Dans quelle sorte de commerce? Est-ce que c'est seulement un irritant, parce qu'on en parle beaucoup de ce temps-ci, ou si c'est une pratique qui est répandue dans Aylmer?

Mme Bourgeois: Quand on parle d'un service disponible en tout temps, dans la majorité des commerces à Aylmer, on a la chance d'être servi en français, mais souvent la première approche que le commerçant ou la personne qui est au comptoir va avoir avec la clientèle sera la langue anglaise. Quand il nous arrive de demander un service en français, on ne tient pas à s'adresser nécessairement en anglais, souvent on n'a pas, sur place, des gens qui peuvent nous répondre. On demande à d'autres clients. On aimerait qu'en tout temps il y ait quelqu'un, pas nécessairement que la personne soit bilingue, mais que, dans l'établissement, il y ait un autre employé qui puisse nous donner le même service en français, en tout temps. Pas se servir de la clientèle, des gens autour, d'un passant. Même si le commerçant a de la difficulté à s'exprimer en français, qu'il puisse s'assurer que sa clientèle peut être servie en tout temps.

M. Gratton: Si je comprends bien, il s'agit surtout de petites entreprises. M. Fournier voudrait ajouter quelque chose.

M. Fournier (Jules): Je pourrais peut-être préciser. On peut dire qu'à Aylmer, il y a à peu près maintenant une dizaine d'entreprises, de petits dépanneurs, de petits restaurants, où on ne peut pas encore se faire servir en français. Il y a eu beaucoup de chemin de fait. C'est pourquoi, tantôt, Marie disait qu'on ne veut pas spécialement que tout le monde parle français; on sait que, dans des petits endroits, c'est difficile. Mais on aimerait que, sur place, il y ait au moins une personne qui puisse nous servir en français, comme la charte nous le garantit.

M. Gratton: Oui, je comprends bien le sens de votre intervention. Là où j'aurais de la difficulté à l'inscrire, comme vous le recommandez, dans la loi, c'est qu'on pourrait risquer de brimer la liberté d'un individu qui voudrait ouvrir un commerce et être seul. Surtout pour des commerces qui commencent, il arrive qu'on ait une personne seule qui peut être unilingue anglaise et je ne pense pas que personne ne veuille imposer le bilinguisme intégral. On pourrait brimer par cet... Il me semble qu'il devrait y avoir moyen d'obtenir le résultat que vous recherchez sans pour autant s'exposer à placer ces personnes dans l'embarras.

M. Fournier: Je peux répondre. Vous avez vu que notre mémoire était très modéré. Comme je l'ai dit tantôt, nous ne souhaitons pas que tout le monde parle français, parce que nous savons que c'est impossible; mais nous travaillons dans une perspective québécoise et nous croyons important que, dans chaque établissement, au moins une personne puisse nous servir rapidement en français. Nous croyons à cela.

M. Gratton: La meilleure façon de s'assurer qu'on obtient des services en français, surtout quand c'est de la mauvaise volonté de la part d'un commerçant, c'est de

ne pas y retourner. J'ai l'impression que cela ne prendrait pas grand temps - compte tenu du contexte d'Aylmer - pour qu'un commerçant s'aperçoive qu'il y a des problèmes matériels à une attitude qui serait intransigeante et manifestement négative à l'endroit des francophones.

Une dernière question. Est-ce que toute cette discussion autour de la possibilité que des dispositions de la loi 101 soient amendées par le gouvernement - notamment en ce qui a trait aux services en français et à l'affichage - vous a amenés - parce que je sais combien vous êtes actifs dans le domaine - à constater qu'il y a un relâchement de la part des gens d'Aylmer? Est-ce qu'on se dit: On va attendre? Par exemple, au point de vue de l'affichage.

M. Fournier: Je peux vous dire que, juste avant l'élection de 1981, il y avait un relâchement, les gens sentaient un certain mouvement et cela n'a pas pris grand-chose pour que les gens arrêtent. On a l'impression que les gens n'ont pas pris le pli, c'est-à-dire que la plupart des gens maintenant respectent la loi, mais ils le font parce qu'ils sentent une menace. Aussitôt que la menace ne serait plus là, pour une raison ou pour une autre, on a l'impression que le pli n'est pas encore pris; donc, ils retourneraient sans doute à l'affichage anglais. C'est un milieu difficile.

Mme Legault (Claire): Je pourrais ajouter que des corrections ont été faites, mais ce sont des corrections qui ne sont que temporaires. Dans le sens qu'on a masqué avec du ruban gommé des appellations anglophones, mais ce sont des corrections qui pourraient facilement être annulées.

Mme Bourgeois: Cela demeure fragile. Mme Legault: Cela demeure fragile. M. Gratton: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme la députée de Dorion.

Mme Lachapelle: Mesdames, monsieur, tout d'abord, je voudrais vous remercier de votre mémoire, je pense qu'il est clair et précis. J'ai seulement une petite question à vous poser.

À la lecture de votre mémoire, j'ai surtout accroché - excusez le terme - à l'article 51, quand vous parlez de modifier cet article en regard des commerces spécialisés dans la vente d'un seul produit. Avez-vous mesuré l'impact de cette modification?

Mme Bourgeois: Pourriez-vous reformuler votre question?

Mme Lachapelle: Oui, je vais recommencer. Avez-vous mesuré l'impact de la modification que vous suggérez à l'article 51 en regard des commerces spécialisés dans la vente d'un seul produit? Un exemple, l'électronique. Avez-vous mesuré l'impact d'une telle modification? (17 heures)

M. Fournier: Je peux vous dire que le texte qu'on a ajouté, c'est pour pallier la lacune suivante. Nous faisons partie de ce qu'on peut appeler la frontière, c'est-à-dire que, de l'autre côté de chez nous, c'est l'Ontario, une autre province. Il arrive chez nous qu'on prenne un produit quelconque qui est fabriqué en Ontario, ce qui fait que, lorsqu'on essaie de faire appliquer la loi, autant l'article 51 que les articles 53 et 57, on se fait dire: Cela a été fait en Ontario; donc, on ne peut rien faire. La loi n'est pas applicable en ce moment. La commission de surveillance a beaucoup de difficulté à la faire appliquer. On n'a pas fait d'étude d'impact économique et tout. Tout ce qu'on essaie de vous dire, c'est que la loi est difficilement applicable de la façon dont elle est écrite. On a eu des conseils, à un moment donné, du conseil de la surveillance.

Mme Legault: Votre exemple, pour les produits électroniques, c'est cela. Si le guide explicatif n'est qu'en anglais, la loi n'a plus de juridiction sur cela.

Mme Lachapelle: Si j'ai bien compris, vous voulez la traduction française accompagnant les explications et les directives.

Mme Legault: Tout simplement. Mme Lachapelle: Parfait! Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Bourassa.

M. Laplante: Seulement une courte question. Dans votre mémoire, à un moment donné, vous dites qu'en 1976 il y a eu des départs de citoyens de la communauté anglophone qui sont allés vers l'Ontario. Dans la communauté anglophone qui demeure ici actuellement, avez-vous senti depuis 1977 une bilinguisation plus grande des citoyens? Sont-ils un peu plus bilingues qu'ils ne l'étaient auparavant?

Mme Legault: Ce serait difficile de répondre à cette question.

M. Laplante: Vous n'avez pas de chiffres, rien?

Mme Legault: Non, pas vraiment. Il n'y a pas eu d'évaluation qui a été faite de la francisation de la population anglophone.

C'est difficile à dire.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce oui ou non? Mme Legault: Je ne le sais pas.

Mme Lavoie-Roux: Vous ne le savez pas?

Mme Legault: On ne pourrait pas le dire. C'est difficile. Je n'ai pas de chiffres pour avancer qu'il y a eu un changement. Je ne le sais pas.

Mme Lavoie-Roux: Mais nous, c'est drôle, on s'en aperçoit à Montréal qu'ils sont plus bilingues qu'avant, si vous, vous n'êtes pas capables de le dire. Je n'ai pas de statistiques.

M. Fournier: Je pourrais peut-être vous dire que ce qui est arrivé en 1977, entre autres, c'est que beaucoup d'anglophones sont repartis en Ontario d'pù ils venaient, parce qu'ils ne pouvaient pas faire éduquer leurs enfants dans leur langue maternelle. Les anglophones qui sont restés, pour la plupart, sont ceux qui habitaient ici depuis un bon bout de temps. Donc, ils n'ont pas été affectés par la loi 101. Je ne peux pas vous dire s'il y a eu une bilinguisation des gens ou non. Je ne peux pas vous le dire.

M. Laplante: Le député de Gatineau pourrait peut-être nous répondre.

M. Gratton: Je vous donnerai cela en vrac demain.

Le Président (M. Gagnon): Un instant! Un instant! Avez-vous terminé, Mme la députée de L'Acadie?

Mme Lavoie-Roux: Oui, oui. Je n'ai pas de réponse à ma question, mais cela va.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, avez-vous un mot à ajouter?

M. Godin: Un bref mot pour vous remercier d'être venus ici de si loin. Non? Ce n'est pas si loin que cela, M. le député de Gatineau? Parce que nous, à Québec, cela nous paraît loin. En tout cas, merci d'être venus et soyez sûrs que vos remarques sont prises en considération par le gouvernement. Merci, monsieur. Merci, mesdames.

Le Président (M. Gagnon): Merci au Mouvement impératif français de sa participation à cette commission. En vous remerciant, je voudrais remercier aussi tous les invités que nous avons eus depuis une dizaine de jours, puisque vous êtes les derniers à l'ordre du jour de cette commission. M. le ministre, avez-vous un mot de la fin?

Conclusions M. Godin: M. Gratton, peut-être.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau.

M. Michel Gratton

M. Gratton: M. le Président, très brièvement, si on me permet à la fin de ces travaux, j'aimerais d'abord remercier, comme vous l'avez fait à l'endroit de nos invités, tous nos invités, bien entendu, mais aussi tous les membres de la commission et particulièrement - il faut le dire - le ministre pour l'accueil chaleureux qu'il a permis d'offrir à tous nos invités. De façon plus particulière, je voudrais remercier ceux de mon parti qui ont travaillé, je pense, dans un climat qui n'a sûrement pas déplu au ministre et qui a été de nature à faciliter le plus possible la discussion franche, mais sereine d'une question qui, jusqu'à il n'y a pas si longtemps, demeurait quand même parfois explosive.

J'aimerais également remercier le personnel du Secrétariat des commissions -et en me tournant, je vois un étranger, M. le Président - qui nous a rendu d'énormes services au cours de nos travaux, souvent dans des conditions qui ne sont pas tellement faciles. Je pense qu'on n'exagère jamais en soulignant le travail fort opportun qu'il accomplit dans la bonne organisation des travaux des commissions parlementaires.

M. Fortier: Ceux qui font la transcription.

M. Gratton: Je remercie aussi, bien entendu, les gens du journal des Débats, les cameramen, les "camérapersons", qui ont permis à un plus grand nombre de citoyens d'être mieux informés sur la politique linguistique et les services de recherche des deux côtés. Le ministre est en mesure de savoir jusqu'à quel point les services de recherche de l'Opposition sont à la fine pointe des moindres détails. Je lui en ai fourni la preuve en aparté il y a quelques jours.

Bref, M. le Président, merci à tout le monde et espérons que, le 15 novembre, on sera en aussi grande sympathie avec le ministre que nous le sommes présentement.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Gatineau. M. le ministre.

Oui, M. le député de D'Arcy McGee?

M. Marx: Vous m'avez demandé de garder mes questions de règlement pour la fin.

Le Président (M. Gagnon): Je croyais

que vous les aviez posées quand même, au fur et à mesure.

M. Marx: Non, non, je n'ai pas...

Mme Lavoie-Roux: À la prochaine commission parlementaire.

M. Marx: La persévérance est une qualité ou une vertu, ou je ne sais pas quoi.

Ma question de règlement porte sur ceci. Il y a deux ou trois semaines, j'ai demandé au ministre tous les documents qui sont sur la liste dont: Office de la langue française, rapport de recherche. Il m'a promis tous les documents. J'ai eu une rencontre avec quelqu'un du ministère qui m'a dit qu'il serait difficile de fournir tout cela cette semaine. Je comprends qu'il faut faire des photocopies, etc. Donc, j'ai fait la liste d'un certain nombre d'études. C'est une question de règlement qui vous concerne, M. le Président, parce que la lettre vous a été adressée ce matin et les études demandées y étaient attachées. J'ai essayé d'avoir ce que j'ai demandé et je vois qu'il y a deux études qui manquent sur les huit ou neuf que j'ai demandées, dont "L'OLF, ses pouvoirs, ses rôles, sa place". Peut-être que c'est un oubli, un "oversight". L'autre, d'André Martin, "Profil sociolinguistique et rendement à l'examen de français de l'Office de la langue française", Service de la recherche socio-linguistique, OLF, 1983, 143 pages, rapport interne. Je n'ai pas eu ces deux études. Peut-être que cela est un oubli. J'aimerais que le ministre m'assure que je vais avoir toutes les autres études d'ici le 15, le 20 ou le 25 novembre. Si le ministre me donne une date, je sais que je peux me fier à lui.

Voici le deuxième volet de ma question de règlement. Je sais que le ministre est beaucoup plus rapide que les juges qui ont souvent l'habitude de prendre les choses en délibéré pendant six mois alors qu'il s'agit de trancher une question assez simple. Est-ce que le ministre va nous fournir le guide d'interprétation, tel que déjà promis au moins deux fois à cette commission? J'espère que le ministre pourra nous donner le guide tout de suite étant donné que ses fonctionnaires sont juste derrière lui et que je suis certain qu'ils ont tous les documents pertinents avec eux.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: Je note le premier volet de la question: "L'OLF, ses pouvoirs, ses rôles, sa place" et Profil sociolinguistique des personnes soumises aux tests. Je vais tenter de vous faire tenir ces documents dans les plus brefs délais. Quant au guide d'interprétation, je vous ai répondu ce matin et ma réponse tient toujours.

M. Marx: Et les autres documents que vous m'avez promis qui se trouvent dans cette liste?

M. Godin: Le plus tôt possible.

M. Marx: Cela veut dire quoi?

M. Godin: À la rentrée parlementaire.

M. Marx: Avant Noël?

M. Godin: Avant la rentrée parlementaire.

M. Marx: Ah bon.

Une voix: Donc, avant le 15 novembre.

M. Marx: Et le guide, c'est encore en délibéré? Faudra-t-il que je pose cette question au salon bleu chaque jour pendant un mois?

M. Godin: Vous ferez ce que vous voudrez, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Un instant!

M. Marx: Est-ce que le ministre va nous dire...

Le Président (M. Gagnon): Un instant. Un instant.

M. Godin: Non, non, M. le député de Gatineau... M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Un instant. M. le député de D'Arcy McGee parlait en vertu d'une question de règlement. Alors, on va le laisser terminer.

M. Godin: D'accord.

M. Marx: Le ministre a promis. Il a donné sa parole à cette commission. Est-il en train maintenant de nier et de dire: Ma parole, cela ne veut pas dire grand-chose: parce que quelqu'un à l'office m'a dit que cela va embarrasser des fonctionnaires, donc, je ne peux pas donner cela au Parlement? Il est en train de dire cela. Il a donné sa parole. Maintenant, on est en commission parlementaire et il est en train de revenir sur ses paroles. Je trouve cela inacceptable non seulement pour les membres de la commission, mais aussi pour le président. Il vous a donné sa parole. Maintenant, il est en train de la retirer et sans nous fournir une raison qui se tient.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le

ministre.

M. Godin: Do not break the furniture, Mr. Member. Je vais prendre en délibéré le deuxième volet de votre question, je vous l'ai dit ce matin. Je vous répète ma réponse. Je vais prendre votre question en délibéré.

M. Marx: "Not good enough". Vous avez promis.

M. Godin: Est-ce que je peux conclure? Est-ce que le député de D'Arcy McGee a terminé?

Le Président (M. Gagnon): II a terminé. M. le ministre vous avez la parole.

M. Gérald Godin

M. Godin: Sur le même ton sérieux et amical, je dois dire, que le député de Gatineau a utilisé pour décrire les travaux de cette commission, je dois rendre hommage à chacun des membres de cette commission pour la qualité du travail qui a été accompli ici. Lors de l'ajournement du 19 octobre, il a été dit à quelques reprises que les députés étaient en vacances. Tout le monde a pu constater qu'il s'est abattu à cette commission un travail considérable et très sérieux, je tiens à le souligner. De ce côté-ci de la Chambre, nous nous réunissions tôt le matin et nous terminions nos soirées tard pour analyser les mémoires et pour nous préparer pour le lendemain. C'étaient des journées de 15 à 18 heures pendant une dizaine de jours; c'est une masse d'heures considérable. Je suis sûr que, de l'autre côté, si j'en juge par la qualité des questions qui ont été posées, cela a été autant de travail que de ce côté.

D'autre part, ce qui m'a frappé par rapport à l'autre commission parlementaire d'il y a six ans à laquelle j'ai participé, c'est que les échanges étaient beaucoup plus de ce côté-ci vers nos invités que de ce côté à l'autre côté ou de l'autre côté à ce côté-ci, en ce sens que nous n'étions pas ici pour nous crêper le chignon entre Opposition et gouvernement, mais bien pour nous informer en toute honnêteté et avec le plus grand sérieux pour que les amendements à cette loi correspondent à ce que j'appellerais le nouveau consensus qui existe au Québec sur la question linguistique.

Aussi, je dis dès maintenant aux entreprises qui sont en voie de se franciser que les méthodes, les procédures, la documentation qui accompagnent ces programmes de francisation feront l'objet d'une évaluation et d'une révision et que cette révision sera faite conjointement par les représentants de l'Office de la langue française, les gens de chez nous au ministère et les gens de ces milieux d'affaires qui ont tout de même, à 93% embarqué à fond de train dans cette opération de francisation.

Je vais répéter une chose que j'ai dite pendant la commission, brièvement, si vous me le permettez, M. le Président. On a fait état des coûts qu'imposait aux entreprises ce travail de francisation, mais quiconque a étudié l'ergonomie, c'est-à-dire les conditions de travail et de qualité de vie à l'intérieur des usines, à l'intérieur des lieux où les gens travaillent, a pu constater que, partout où l'employeur respecte ses employés, partout où l'employeur respecte la culture, la langue, les goûts, l'imagination créatrice de ses employés, les résultats sont meilleurs, la productivité est meilleure et le climat qui règne est meilleur. Quant à moi, je suis persuadé - et j'ai l'intention de faire approfondir cette question par nos chercheurs - que les coûts de la francisation assumés par l'entreprise et par le gouvernement - ce sont des coûts conjoints- sont largement compensés par un sentiment d'appartenance que les travailleurs doivent ressentir en voyant que leur employeur commence à les respecter, commence à respecter la langue qu'ils parlent et commence à tenir compte de leur spécificité culturelle. C'est un placement extrêmement rentable pour une entreprise que de respecter ses travailleurs et ses travailleuses.

Enfin, il reste quelques points à préciser. Je vais reprendre une citation que j'avais déjà utilisée: Une langue, c'est un dialecte qui dispose d'un marché. Si le français, au Québec, n'était pas parlé par 6 000 000 de personnes qui dépensent chaque année des dizaines de milliards de dollars si le français, en Amérique du Nord, n'était pas porté par ce poids économique, il n'existerait plus. C'est dans cette perspective que chaque dollar qui est dépensé par un francophone en Amérique du Nord, au Québec, doit trouver de la part de l'entreprise qui lui vend son produit un respect de son poids économique. Si nous n'accordons pas à notre poids économique son aspect culturel, son aspect linguistique, à plus ou moins long terme... Je ne pense pas à demain ni dans cinq ans ou dans dix ans; je pense à la génération qui viendra et à celle qui suivra. Je pense que chacune des générations qui viendra après la nôtre doit envisager le français comme étant d'abord et avant tout une force économique. Avec cette force économique, nous devons faire en sorte que notre langue soit respectée; elle sera respectée dans la mesure où le Québec sera fort et parlera français.

Le point qui reste et sur lequel nous travaillerons communément avec le ministère de la Science et de la Technologie, c'est comment s'assurer que les logiciels, les ordinateurs qui entrent au Québec respecteront le caractère français du Québec. Ce n'est pas un mince problème. Il faudra trouver, encore là, un point d'équilibre concernant le nécessaire accès des

Québécoises et des Québécois aux logiciels et aux ordinateurs les plus récents qui existent. Il ne faudra donc pas ériger de barrière de Chine autour du Québec qui empêcherait l'entrée ici de quelque découverte, de quelque instrument technique que ce soit. En même temps que ce progrès technique parvient au Québec, il ne faudrait pas qu'on y laisse notre culture et surtout notre langue. Nous travaillerons donc, ainsi que plusieurs de mes collègues, à trouver une solution à ce problème qui peut s'avérer le problème clé de la survie du français pour demain au Québec.

En terminant, M. le Président, madame et messieurs de l'Opposition, de ce côté de la Chambre, nous allons continuer à travailler pour être en mesure de déposer à la Chambre, vers la mi-novembre - je ne donne pas de date précise parce que le député de D'Arcy McGee peut m'intenter une poursuite s'il y a une heure de retard - le fruit de vos travaux et de nos travaux, car nous les avons faits conjointement.

Je veux remercier tout le monde: d'abord et avant tout, la loyale Opposition de l'Assemblée nationale, mes collègues avec qui on a travaillé la main dans la main, le personnel du Secrétariat des commissions, les messagers qui nous ont assistés fraternellement et parternellement pendant cette longue période et, également, le personnel qui assure la propreté des lieux, qu'on oublie souvent, et qui fait en sorte que nous travaillons ici dans une atmosphère reposante pour l'esprit et le cerveau. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. En terminant, je voudrais dire que la commission qui avait comme mandat d'entendre tous les intervenants intéressés par la Charte de la langue française s'est très bien acquittée de cette tâche puisque, jusqu'à maintenant, nous avons étudié, nous avons écouté et nous avons interrogé des invités pendant 68 heures et 20 minutes. On avait environ 60 groupes invités, ce qui veut dire que des centaines d'invités sont venus nous donner leur opinion sur la Charte de la langue française. Je voudrais les remercier encore une fois. Je voudrais remercier les membres de la commission qui m'ont facilité la tâche comme président. Je voudrais aussi remercier les employés de l'Assemblée nationale.

En terminant, je voudrais demander au député de Bourassa de faire rapport à l'Assemblée nationale que la commission des communautés culturelles et de l'immigration a rempli son mandat.

Sur ce, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 20)

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