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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mardi 21 septembre 2010 - Vol. 41 N° 44

Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 103 - Loi modifiant la Charte de la langue française et d’autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures cinquante-neuf minutes)

Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

**(10 heures)**

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Richard (Marguerite-D'Youville) remplace M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) et M. Deltell remplace Mme Roy (Lotbinière).

Auditions (suite)

Le Président (M. Marsan): Alors, il me fait plaisir d'accueillir les collègues députés et Mme la ministre. Nous avons une bonne journée devant nous, nous poursuivrons nos travaux jusqu'à 9 h 30 ce soir. Et nous commençons immédiatement en recevant les représentants du Réseau des écoles Vision, représenté par M. Richard Dumais, le président, et M. Serge Pelletier, directeur pédagogique général.

Et, vous savez, M. Dumais, que la présentation dure environ 15 minutes. Par la suite, il y a une période d'échange de part et d'autre avec les parlementaires. Alors, il nous fait plaisir de vous accueillir, et vous pouvez immédiatement commencer votre présentation. M. Dumais, la parole est à vous.

Réseau des écoles Vision

M. Dumais (Richard): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés membres de la commission, nous vous remercions de votre invitation. À titre de premier regroupement d'écoles privées non subventionnées de niveau préscolaire et primaire au Québec et considérant l'importance de l'enjeu que représente la langue d'enseignement au Québec, nous participons à cette commission dans le but de fournir aux membres de la commission un éclairage sur nos écoles et celles qui s'y apparentent afin qu'ils considèrent préserver le droit des enfants francophones du Québec d'étudier dans des établissements dont le projet éducatif est basé sur un enseignement plurilingue, et ce, tout en démontrant que cet enseignement peut se faire sans compromettre l'apprentissage de leur langue maternelle qu'est le français.

Le projet éducatif des écoles Vision est basé sur l'apprentissage des langues que sont le français, l'anglais et l'espagnol. Bien que nos élèves évoluent dans un contexte d'immersion anglaise, nos écoles respectent en tous points le régime pédagogique qui prévaut au Québec. Comme nos écoles accueillent presque exclusivement des enfants francophones, l'apprentissage du français est une priorité au sein de nos établissements. Nous y reviendrons.

Fondé en 1995, le Réseau des écoles Vision est présent dans les neuf villes suivantes du Québec: Québec, Saint-Augustin-de-Desmaures, Lévis, Sainte-Marie en Beauce, Trois-Rivières, Victoriaville, Sherbrooke, Terrebonne et Varennes. Notre réseau regroupe quelque 2 000 enfants francophones âgés de trois à 13 ans et plus de 200 éducateurs et enseignants qualifiés. Toutes les écoles Vision détiennent un permis du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport du Québec et sont membres de la Fédération des établissements d'enseignement privés.

Vous me permettrez une petite parenthèse. J'ai oublié de vous dire en entrée de jeu que le document dont je fais lecture aujourd'hui est une version bonifiée, révisée du mémoire qui a été déposé. Alors, je m'en excuse, d'avoir oublié cette petite mention en début. Alors, je poursuis.

Dans le cadre de sa mission, le Réseau des écoles Vision vise à ce que chaque élève devienne un apprenant compétent en s'appuyant sur les avantages que procurent l'apprentissage des langues et l'adoption de modes de vie sains et actifs. Afin de réaliser cette mission, notre réseau a opté pour un enseignement dans un contexte d'immersion. Ainsi, les matières prescrites par le régime pédagogique sont enseignées en français, en anglais et dans une moindre mesure en espagnol. C'est en vertu de cette orientation stratégique et afin de faire valoir les particularités et les bénéfices de ce type d'enseignement que le Réseau des écoles Vision participe à la présente consultation.

Les écoles Vision ne sont pas des écoles anglophones. Nous n'avons jamais aspiré et nous n'aspirons pas à devenir des écoles qualifiantes ou des écoles passerelles. Le français est la principale langue enseignée dans les écoles Vision. Pour qu'un enfant réussisse à parler et écrire en plusieurs langues, il faut d'abord qu'il maîtrise bien sa langue maternelle. C'est pourquoi nos écoles respectent et, dans certains cas, dépassent le nombre d'heures suggéré dans le régime pédagogique pour l'enseignement du français langue maternelle. Ce nombre d'heures correspond à celui enseigné dans les écoles francophones du Québec, soit neuf heures au premier cycle du primaire et sept heures au deuxième et au troisième cycles.

En comparaison avec les écoles anglophones, le réseau Vision ou les écoles Vision offrent entre 2,5 et trois fois plus d'heures d'enseignement du français. Tous les élèves qui fréquentent nos établissements doivent avoir acquis les compétences prescrites dans le programme de français pour francophones du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport du Québec. À la fin de la quatrième et de la sixième années, tous les élèves des écoles Vision passent obligatoirement les examens de français langue maternelle du ministère. Au cours des deux dernières années, le taux de réussite des élèves Vision de sixième année aux examens de français a été de 100 %. Les moyennes de nos élèves se sont établies à 85 % en juin 2009 et à 82 % en juin 2010. La presque totalité de nos élèves est francophone. Nos élèves ne sont aucunement titulaires de certificats d'admissibilité ou d'autorisations particulières à recevoir l'enseignement en anglais en vertu de la Charte de la langue française. Ils ne sont pas non plus soumis à des examens d'admission et, si besoin est, ils bénéficient tout au long du primaire de mesures d'accompagnement individualisées qui favorisent leur réussite scolaire.

Qu'advient-il de nos élèves après le primaire? La presque totalité d'entre eux poursuivent leurs études dans des écoles secondaires francophones. Des 134 élèves de 6e année qui ont gradué en juin 2009, seulement deux élèves ont poursuivi leurs études dans une école secondaire anglophone non subventionnée. Aucun élève finissant n'a fréquenté un établissement anglophone subventionné, qu'il soit privé ou public.

Les avantages de l'apprentissage d'une langue seconde à un jeune âge ont été largement démontrés, et la documentation à ce chapitre est abondante. Le Réseau des écoles Vision vit l'expérience de l'apprentissage d'une deuxième et même d'une troisième langue depuis près de 15 ans. Notre constat est sans équivoque: l'apprentissage de l'anglais et de l'espagnol ne nuit en aucun temps à l'apprentissage et à l'usage du français. Dans les faits, l'apprentissage d'une nouvelle langue à un jeune âge facilite le développement des volets oral et écrit de la langue maternelle en plus d'offrir aux enfants une variété de bénéfices. Voici quelques constats qui appuient ces affirmations.

Meilleure habilité de lecture. Une étude de l'Université York, Toronto, effectuée auprès de 137 enfants âgés de quatre et cinq ans suggère que les connaissances et les expériences linguistiques acquises par les enfants bilingues lors de l'apprentissage d'une seconde langue leur donnent un avantage dans l'apprentissage de la lecture. Entre autres, dans un test sur la reconnaissance de mots, les résultats des enfants bilingues étaient deux fois supérieurs à ceux des enfants monolingues.

Meilleurs résultats lors d'évaluations. Plusieurs rapports confirment que les étudiants ayant appris une seconde langue réussissent mieux que leurs pairs lors d'examens standardisés. Un rapport du College Board à New York, qui administre les épreuves SAT, Scholastic Aptitude Test, démontre que les élèves qui ont étudié une langue seconde pendant plus de quatre ans ont obtenu des scores sensiblement plus élevés en écriture, en mathématiques et en analyse critique. Comparativement aux élèves monolingues, ces étudiants ont obtenu, sur un total possible de 800 points, des résultats supérieurs de 140 points en analyse critique et en mathématiques et de 150 points en écriture.

Une meilleure compréhension de leur langue maternelle. Plus les enfants s'appliquent dans l'apprentissage d'une nouvelle langue, plus ils maîtrisent leur langue maternelle. Comme le mentionne le centre pour la linguistique appliquée de Washington, les élèves bilingues utilisent ce qu'ils apprennent dans la seconde langue pour renforcer les concepts acquis et leurs habilités en plus de bonifier le vocabulaire de leur langue maternelle.

Le Réseau des écoles Vision accueille positivement les propositions soumises par le gouvernement du Québec. Le dossier de l'accessibilité à l'école anglaise est très complexe. Le Réseau des écoles Vision n'a pas la prétention d'apporter un éclairage juridique ou constitutionnel sur une partie ou l'ensemble du projet de loi n° 103 ni sur celui du projet de règlement sur les critères et la pondération applicables pour la prise en compte de l'enseignement en anglais reçu dans un établissement d'enseignement privé non agréé aux fins de subventions. Notre intervention devant cette commission se limitera à réitérer la position du Réseau des écoles Vision au sujet de certaines dispositions, dont celle portant sur l'ajout de l'article 78.2 à la Charte de la langue française et celle traitant de la classification des écoles privées non subventionnées.

Le but premier de toutes les écoles du Québec doit être de favoriser le développement intégral des élèves. Les structures administratives et pédagogiques mises en place au sein de chaque école doivent permettre à tous les élèves de s'épanouir pleinement dans un environnement qui les amène à développer leur plein potentiel. Il est inconcevable qu'une école identifie la qualification à l'école anglaise comme un premier principe stratégique. C'est pourquoi le Réseau des écoles Vision adhère pleinement à l'ajout de l'article 78.2 à la Charte de la langue française, qui vise à interdire l'exploitation d'un établissement d'enseignement privé principalement destiné à rendre les élèves admissibles à l'enseignement en anglais. Nous désirons également rappeler aux membres de la commission que nous sommes favorables à ce que le ou la ministre continue d'assurer un contrôle rigoureux sur la délivrance des permis et qu'une attention particulière soit portée aux demandes en provenance d'établissements où l'application de l'article 72 de la charte est concernée.

**(10 h 10)**

Quant au Règlement sur les critères et la pondération applicables pour la prise en compte de l'enseignement en anglais reçu dans un établissement d'enseignement privé non agréé aux fins de subventions, le Réseau des écoles Vision apprécie la classification des écoles qui est proposée. Cette classification crée une démarcation claire et sans ambiguïté entre les écoles jugées qualifiantes et les autres écoles tout en permettant aux jeunes enfants du Québec d'accéder à un apprentissage plurilingue. En établissant une telle classification, nous estimons qu'il sera plus facile de situer les établissements privés non subventionnés sur un continuum tout en leur permettant de respecter leurs projets éducatifs respectifs.

En ce qui a trait aux mécanismes qui seront retenus aux fins d'analyse, qu'il s'agisse du parcours scolaire, de la constance et du caractère réel de l'engagement de l'élève ainsi que de la situation et du cheminement de celui-ci pris globalement, nous ne souhaitons pas qu'ils permettent de créer de nouvelles catégories d'ayants droit. Toute décision concernant l'admissibilité à l'enseignement en anglais doit être juste, équitable et rigoureuse.

En conclusion, le Réseau des écoles Vision est en accord avec le projet de loi n° 103 ainsi que le projet de règlement sur les critères et la pondération applicables pour la prise en compte de l'enseignement en anglais reçu dans un établissement d'enseignement privé non agréé aux fins de subventions. Dans cette perspective, le Réseau des écoles Vision pourra ainsi poursuivre sa mission tout en respectant les nouvelles normes établies par le projet de loi.

Si la loi 101 devait s'étendre aux écoles privées non subventionnées, le Réseau des écoles Vision devrait abandonner son projet éducatif actuel et ainsi priver des milliers de jeunes Québécois de langue française d'un enseignement plurilingue. Nous ne saurions trop insister sur un des éléments clés du projet de règlement qu'est la classification des établissements d'enseignement.

Le Réseau des écoles Vision apprécie qu'il reconnaisse les différences entres les écoles privées non subventionnées et qu'une catégorie ait été créée spécifiquement pour les écoles qui proposent un projet éducatif basé sur un apprentissage plurilingue mais qui ne veulent pas être reconnues comme établissements qualifiants. Nous sommes particulièrement concernés par la nécessité de maintenir un équilibre entre la protection du français en tant que langue maternelle et la volonté des Québécois de langue française d'apprendre plus d'une langue. C'est dans cet esprit que nous avons bâti notre projet éducatif. Nous espérons être en mesure de le garder intact tant pour le Québec d'aujourd'hui que celui de demain. Merci de votre attention.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Dumais, de nous avoir donné la position du Réseau des écoles Vision sur le projet de loi n° 103. Nous allons immédiatement débuter la période d'échange. Et j'invite Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine à prendre la parole. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci d'être là ce matin. Je vous souhaite la bienvenue à la commission et je suis heureuse de voir que la commission s'était également élargie d'autres députés pour discuter de cet important projet de loi.

J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'intérêt. Vous entrez vraiment dans le projet de loi sur certains articles, vous détaillez certains articles, votre opinion sur certains articles. Est-ce qu'il y a des choses qui pourraient, à votre point de vue, dans ces articles-là tels qu'ils sont, qui pourraient être soit changées, bonifiées ou si ces articles-là vous conviennent tels qu'ils sont?

M. Dumais (Richard): M. le Président, dans la mesure où le projet de loi permet aux enfants francophones, d'une part, d'avoir accès à de l'enseignement plurilingue et aux écoles Vision de pouvoir maintenir, poursuivre leur projet éducatif, sans pour autant être qualifiant, pour nous, le projet, dans le contexte actuel, nous convient très bien.

Mme St-Pierre: O.K. Alors, vous oeuvrez depuis 1995 puis vous parlez de 2 000 élèves présentement au Québec. Donc, depuis 1995, ça voudrait dire que vous avez formé combien d'élèves environ?

M. Dumais (Richard): Il est difficile, M. le Président, de chiffrer exactement. Bien sûr, en 1995, les moyens, que ce soient les moyens technologiques ou autres, étaient moins élaborés qu'aujourd'hui. Ce que je peux vous dire, c'est que, depuis 2005, c'est plus de 3 000 élèves qui ont fréquenté un des établissements du réseau Vision.

Mme St-Pierre: Vous parlez de 2 000 ici. Présentement, vous avez 2 000...

M. Dumais (Richard): Actuellement, 2 000. Donc, graduellement, année après année, c'est une centaine d'élèves qui graduent.

Mme St-Pierre: Puis vous avez l'intention de continuer votre développement ou si vous répondez à la demande?

M. Dumais (Richard): Le Réseau des écoles Vision est bâti... Les écoles Vision sont dirigées par des directions qui sont propriétaires de leurs écoles. Alors, bien sûr, nous avons des demandes dans certains marchés pour l'ouverture de nouvelles écoles. Nous avons déposé tout récemment des demandes pour l'ouverture de nouvelles écoles à Boisbriand et à Saint-Jean-sur-Richelieu. Donc, nous y allons, nous, selon les demandes des marchés. Et ce n'est pas notre plan à nous. Nous, ça arrêterait aujourd'hui, ce serait parfait. Mais c'est, d'un autre côté, des gens du milieu, c'est des enseignants, puisque ce sont souvent des enseignants qui nous approchent pour l'ouverture d'écoles. Alors, dans ce contexte-là, s'il y a des demandes, bien sûr, nous allons analyser les demandes au mérite.

Mme St-Pierre: Quel serait l'impact sur vos écoles de l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées?

M. Dumais (Richard): M. le Président, l'application de la loi 101 à nos établissements ferait en sorte que les matières qui sont enseignées en anglais et/ou en espagnol, nous ne pourrions plus enseigner ces matières-là dans une autre langue que celle du français. Donc, pour nous, c'est tout notre projet éducatif que l'on devrait abandonner, et, à ce chapitre-là, le point distinctif de nos établissements, qui est celui non pas exclusivement d'enseigner la langue, de permettre aux élèves de vivre également, que ce soit d'apprendre dans une autre langue, ferait en sorte que nous devrions abandonner, ni plus ni moins, l'enseignement de certaines matières dans des langues comme l'anglais ou l'espagnol. Je tiens à vous souligner que le français demeure la langue enseignée, la principale langue enseignée dans nos écoles.

Mme St-Pierre: Vous faites référence à plusieurs études, dans votre présentation, sur l'apprentissage d'une autre langue, mais ce sont des études qui n'ont pas été réalisées ici. Vous parlez d'études américaines, et tout ça. Donc, on peut comprendre ce sont des études américaines, ce sont des études qui ont été faites sur des enfants de langue anglaise. Ici, nous sommes dans un contexte différent, c'est-à-dire, nous sommes dans un contexte où nous sommes 2 % de la population en Amérique du Nord et qu'on sait que le français doit être protégé. Comment pouvez-vous adapter ces études-là? Comment pouvez-vous nous dire que l'enfant qui termine son primaire à... Bien, vous dites de trois à 13 ans. 13 ans, le primaire est terminé, il me semble.

M. Dumais (Richard): C'est jusqu'à la sixième année, nous n'allons pas plus loin que la sixième année.

Mme St-Pierre: Comment pouvez-vous dire que l'apprentissage du français est à ce point solide que l'enfant est confortable, est très, très solide en français puis en plus il sort avec une connaissance, je pense, assez approfondie d'au moins deux autres langues?

M. Dumais (Richard): Alors, c'est... Oui.

Mme St-Pierre: Est-ce que c'est l'expérience ou si vous avez des études qui sont faites ici même au Québec?

M. Dumais (Richard): M. le Président, je vais laisser M. Pelletier répondre à la question, si vous permettez.

Le Président (M. Marsan): M. Pelletier.

M. Pelletier (Serge): M. le Président, pour être en mesure de bien répondre à la question, je crois qu'il faut qu'on puisse se référer à un référentiel d'apprentissage, sur comment l'apprentissage se réalise, pour bien comprendre. Apprendre, finalement, ce que ça implique au niveau de notre mémoire à long terme, c'est tous les réseaux de concepts qu'on peut y avoir, finalement. Lorsqu'on les modifie, lorsqu'on les bonifie, lorsqu'on amène un changement à ces structures-là, c'est là qu'il y a des apprentissages qui se réalisent.

Donc, nous, finalement, lorsque nos élèves travaillent justement dans l'apprentissage d'une autre langue, ce qu'ils doivent faire, c'est devenir conscients finalement de la structure de la nouvelle langue, des stratégies qui sont impliquées dans l'écriture, dans la lecture. Parce que, bien souvent, avec notre langue maternelle, il y a des automatismes qui ont été créés, et ces automatismes-là, bien souvent, sont comme dormants, si on veut, d'une certaine façon. Lorsqu'on travaille avec une nouvelle langue et lorsqu'on peut en amener même une troisième, comme on fait avec l'espagnol, ce que l'enfant, ce que l'apprenant est obligé de faire, c'est de devenir conscient finalement de cette structure-là, de ces règles-là qui établissent la langue. Et donc, à un moment donné, ce qui se produit, c'est que l'élève compare ce qu'il a avec ce qu'il apprend.

Puis, bien souvent, ce qu'on remarque, nous, dans nos écoles avec nos élèves, c'est qu'il se produit un petit quelque chose qui est très puissant au niveau de l'éducation, c'est qu'il y a un conflit cognitif qui se produit. Donc, l'enfant est amené à questionner, à un moment donné, qu'est-ce qui se passe justement: Qu'est-ce que j'ai justement au niveau de ma mémoire long terme? Et, à ce moment-là, lorsque l'élève réalise ça, travaille un petit peu là-dessus et travaille avec son enseignant, qui valide des éléments, il y a justement une bonification qui se fait au niveau des apprentissages puis surtout au niveau de la langue maternelle, puisque l'élève devient conscient de certaines difficultés qui peuvent être dormantes pour un long moment.

Donc, c'est en comprenant justement le référentiel d'apprentissage que ça nous permet de voir ce que ces règles-là, ce que ces différentes recherches là, finalement, ont pu apporter... qui permet de voir justement, nous, dans nos écoles, que nos élèves, lorsqu'ils font des examens de français, lorsqu'ils font les tests de français, qu'ils vont bien, qu'ils vont très bien dans leur langue maternelle. Ils se questionnent sur leur langue, et puis c'est ça qui amène une bonification finalement des règles qu'ils ont déjà finalement dans leur mémoire long terme. C'est de cette façon-là que ça fonctionne avec peu importe la langue, finalement, que ce soit l'anglais ou le français. Puis ce qui est intéressant, nous, avec l'anglais, français, espagnol, les langues se ressemblent, il y a des éléments qui reviennent qui permettent justement de bonifier ces éléments-là.

**(10 h 20)**

Mme St-Pierre: Ils ne sortent pas de chez vous tout mélangés, là?

M. Pelletier (Serge): Non, pas du tout.

Mme St-Pierre: Quelle langue les enfants parlent dans la cour d'école entre eux?

M. Dumais (Richard): Leur langue maternelle, le français.

M. Pelletier (Serge): Oui.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous insistez sur le fait que c'est le français la langue maternelle et que c'est le français qui est enseigné majoritairement dans vos écoles?

M. Dumais (Richard): M. le Président, les mesures que nous prenons pour le maintien et, je dirais, le développement de la langue au français ne se limitent pas à l'enseignement du français, il y a également des mesures, que ce soient, entre autres, de l'apprentissage... Dans certains cas, on a de l'apprentissage de... Dans certains cas, nous avons également des heures additionnelles qui sont consacrées à l'apprentissage du français. Dans d'autres cas, nous avons également, au sein même de nos établissements, des dictées ou des initiatives pour faire en sorte de favoriser l'apprentissage du français.

Alors, à savoir, maintenant, est-ce que nous avons des... de quelle façon nous faisons vivre l'immersion anglaise aux jeunes ou de quelle façon à nos élèves, c'est que, de façon générale, nous leur disons: Adressez-vous à vos enseignants dans la langue dans laquelle ils vous enseignent, pour qu'ils créent une référence facile. Donc, il y a une enseignante de français, parlez-leur en français. À 98 % ou 99 %, nos élèves sont francophones. Donc, ils vivent chez eux, dans la cour d'école... entre eux, ils vont échanger également souvent en français. Par contre, dans une classe d'anglais, on va leur demander de s'adresser entre eux et de s'adresser à l'enseignante ou à l'enseignant en anglais, et c'est un peu la même chose pour l'espagnol dans une moindre mesure. Un élément qui nous permet de pouvoir bien intégrer les langues, c'est qu'au lieu d'avoir 25 heures d'enseignement par semaine nous en avons 30, d'heures par semaine. C'est ce qui nous permet de ne pas faire de compromis, et en aucun temps nous n'entendons faire de compromis sur l'enseignement du français.

Mme St-Pierre: Je reviens sur le moment où vous avez commencé à créer ces écoles-là. On parle de 1995. Qu'est-ce qui a fait que, dans la société québécoise, on ait senti le besoin d'aller vers ce type de projet pédagogique? Est-ce qu'il y avait une maturité particulière qui s'installait ou... Qu'est-ce qui est arrivé sociologiquement?

M. Dumais (Richard): M. le Président, je n'ai pas le mérite d'avoir fondé le Réseau des écoles Vision en 1995, j'y suis arrivé en 2005. Par contre, je sais de la part du fondateur du réseau que ça venait justement d'un besoin, d'une recherche, qu'il souhaitait pouvoir offrir... Il était lui-même enseignant d'espagnol au cégep et il souhaitait offrir à ses enfants, dans le fond, un enseignement plurilingue. Et c'est de cette idée-là qu'il est venu... Et c'est parti tout petit à Drummondville, à peine une dizaine d'enfants la première année, et aujourd'hui nous en sommes à plus de 2 000.

Mme St-Pierre: Donc, c'est né à Drummondville?

M. Dumais (Richard): C'est né à Drummondville.

Mme St-Pierre: Alors, on a le député de Drummond ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Marsan): Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Alors donc, je reviens sur votre mémoire. Vous avez senti le besoin d'aller plus directement dans le projet de loi, vous relevez les articles du projet de loi et vous dites clairement dans ce mémoire qu'il y a des articles du projet de loi qui interdisent et qui interdiraient les écoles passerelles. Donc, je comprends que vous l'avez vraiment étudié en détail, ce projet de loi, enfin, concernant les articles qui touchent les écoles. Vous constatez que... Si vous aviez un qualificatif à lui donner, par rapport à tout ce que vous entendez présentement concernant le projet de loi, est-ce que vous considérez... Et je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, là, mais considérez-vous que c'est une approche qui est raisonnable, équilibrée? Est-ce que vous auriez un qualificatif?

M. Dumais (Richard): M. le Président, si j'avais un qualificatif, c'est que je le trouve juste, d'autant qu'il nous permet... Parce que, là, oui, nous en avons fait une analyse, nous l'avons analysé en fonction de notre point de vue, de la situation dans laquelle nous sommes, et, pour nous, de pouvoir poursuivre l'enseignement plurilingue auprès d'enfants québécois de langue française, pouvoir leur permettre d'apprendre de nouvelles langues en bas âge était pour nous le point d'évaluation, le point de départ de notre évaluation. À ce chapitre-là, le qualificatif qui me viendrait est certainement «juste».

Mme St-Pierre: Les familles qui envoient des enfants dans vos écoles, j'imagine, c'est des familles qui sont mieux nanties que les autres.

M. Dumais (Richard): M. le Président, nous ne tenons pas de statistiques sur les revenus de nos familles. Par contre, j'ai relevé dans certaines classes quelles étaient les professions de nos parents. Si vous me permettez d'en faire quelque lecture, alors, d'une classe de maternelle, nous avons un parent ingénieur, une enseignante au secondaire dans le secteur public, un administrateur, pharmacienne, actuaire, chef de division, une adjointe administrative, analyste informatique, entrepreneur, consultante, une enseignante au secondaire et directrice d'une garderie, un professeur de cégep, un représentant des ventes, assistante dentaire, charpentier-menuisier. Alors, on en a de...

Mme St-Pierre: Vous en avez de toutes les professions. Ça coûte combien, envoyer un enfant chez vous?

M. Dumais (Richard): Quand nous estimons à la fois les frais de scolarité et également les frais afférents, services de garde et uniformes, la moyenne se situe entre 7 000 $ et 9 000 $ par année pour un élève du primaire.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous considérez qu'il y a des parents qui décident de ce projet pédagogique là en acceptant de se priver d'autre chose dans la vie?

M. Dumais (Richard): Encore là, M. le Président, notre clientèle est formée possiblement de gens qui sont aisés, certainement. D'autre part, il y a une forte proportion de familles dont les enfants fréquentent nos établissements qui font des efforts familiaux par choix. Je ne peux présenter... Je n'ai pas de statistiques précises à ce chapitre-là. Peut-être est-ce que c'est trois personnes sur 10, que c'est quatre personnes sur 10 qui font ce choix familial là, mais certainement qu'il y en a, nous le constatons, nous le vivons. Mais je ne peux le quantifier au moment où on se parle.

Mme St-Pierre: Est-ce que les parents vous ont manifesté des commentaires par rapport au projet de loi? Est-ce que vous en avez discuté à des comités de parents? Est-ce que vous avez reçu des commentaires sur possiblement, peut-être, leurs inquiétudes si la loi 101 s'appliquait aux écoles privées non subventionnées?

M. Dumais (Richard): M. le Président, nous avons nos écoles en première ligne, puisque je dois vous dire que M. Pelletier et moi sommes au siège social. Nous ne sommes pas dans les établissements proprement dits, nous sommes en support aux établissements. Mais je sais pertinemment que, dans les établissements scolaires, il y a eu plusieurs rencontres. Ça a été des sujets de discussion très chauds au sein des comités de parents. Il y a eu plusieurs parents qui ont manifesté de l'inquiétude quant à la survie, dans le fond, et à la continuité du projet éducatif des écoles Vision si, par exemple, la loi 101 devait s'appliquer aux écoles privées non subventionnées.

Mme St-Pierre: Vous parlez aussi, dans le mémoire, vous soulevez les trois catégories, la catégorie des écoles Vision, la catégorie... Vous êtes un établissement de type C, entre guillemets, donc vous... Il y a l'autre, la catégorie aussi des écoles qu'on qualifie de confessionnelles. Donc, pourquoi avez-vous senti le besoin de parler de ces catégories-là?

M. Dumais (Richard): M. le Président, les catégories ont le mérite d'établir une distinction claire entre chaque type d'école. Lorsqu'on le met en perspective avec la grille d'analyse, nous avons fait l'exercice pour nous, et les chances sont à peu près nulles ou inexistantes qu'un élève puisse se qualifier et obtenir un certificat d'admissibilité s'il fréquente un de nos établissements. Alors, lorsque nous lisons la définition de la catégorie de type C, on parle de formule d'immersion ou autrement et dont moins de 60 % de la clientèle est titulaire d'un certificat d'admissibilité ou une autorisation particulière.

Je vous rappelle que, nous, 98 % de notre clientèle, si ce n'est pas 99 %, est francophone. Alors, pour nous, cette distinction-là, lorsque... Si un établissement scolaire devait avoir... s'approcher de ces chiffres-là, ça ne serait pas un établissement scolaire dédié aux francophones comme nous le sommes.

**(10 h 30)**

Mme St-Pierre: ...les enfants qui commencent une formation chez vous la plupart du temps vont la terminer, vont faire tout leur primaire?

M. Dumais (Richard): Absolument. Nous le souhaitons en grande partie.

Mme St-Pierre: En pourcentage, à peu près.

M. Dumais (Richard): Nous pouvons parler de tout près de 90 %. S'ils quittent, ce sont pour des raisons... des fois des raisons familiales, déménagement, ça peut être des séparations ou des divorces, ça peut être un changement d'emploi, ça peut être aussi, dans certains cas, pour des difficultés d'apprentissage ou autres, où on décide de se réorienter. Mais, de façon générale, tout près de neuf élèves sur 10 qui débutent sa première année dans les écoles Vision terminent sa sixième année.

Mme St-Pierre: Et, quand vous dites que vous n'avez jamais utilisé votre service pour se servir comme école passerelle, il n'y a pas de parents qui essaient, une fois qu'ils ont terminé le cheminement de l'enfant, d'aller dans une école... vous dites qu'il y a à peu près deux enfants ou enfin, c'est très, très minime.

M. Dumais (Richard): Bien, en fait, M. le Président, il y a deux enfants qui, au 30 juin 2009, il y a deux enfants qui ont poursuivi leurs études dans des établissements privés anglophones non subventionnés. Alors, ils ne sont pas allés...

Mme St-Pierre: Il n'y en a pas qui ont fait le transfert dans des écoles publiques subventionnées anglophones. Donc, depuis 1995, vous n'en avez eu aucun.

M. Dumais (Richard): Je ne peux déclarer avant 2005 ou avant 2002, en fait. Mais, de l'intention, nous nous définissons entre nous comme... nous communiquons avec nos parents en français. Notre langue de travail dans nos établissements est en français, nos employés administratifs bien sûr sont bilingues dans certains cas, mais la langue d'usage entre nous est le français. Nos rencontres de direction se déroulent en français. Je le répète, nos communications avec les parents sont en français. Alors, nous nous définissons, dans le fond, comme une école francophone moderne.

Mme St-Pierre: M. le Président, je n'ai pas d'autre question. Je ne sais pas s'il me reste du temps, s'il y a des collègues qui ont des questions à poser.

Le Président (M. Marsan): Ça va.

Mme St-Pierre: Est-ce qu'il reste du temps?

Le Président (M. Marsan): Trois minutes.

Mme St-Pierre: Trois minutes.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Lévis, ça va?

M. Lehouillier: Non, moi, ça allait, je pense qu'on a fait...

Le Président (M. Marsan): Parfait.

M. Lehouillier: ...un bon tour de la question. Et, moi, ce qui m'a impressionné le plus, M. le Président, c'est que, pour la première fois, on a une institution qui vient nous dire qu'ils ont testé, qu'ils ont testé le règlement et qu'il était extrêmement difficile sinon impossible de passer à travers, ce qui veut donc dire que... Et j'aimerais ça vous entendre davantage là-dessus. Vous avez fait le test de ce règlement-là?

Le Président (M. Marsan): M. Pelletier.

M. Pelletier (Serge): M. le Président, lorsque le projet de loi et le projet de règlement sont devenus disponibles, un des premiers éléments qu'on a faits effectivement, c'est aller voir comment est-ce que... Surtout avec le système de pointage, avec les 15 points, on est allés voir un peu où se situait Vision, les écoles Vision, à l'intérieur de tout.

Je voudrais vous dire, un des éléments qui nous a rassurés beaucoup, c'est justement, dans les établissements de type C, que même à l'intérieur de cette catégorie-là, qu'il y a quand même des classes là aussi, puisque nos... Les parents qui envoient leurs élèves chez nous se situent, en fait, dans la première classe où on a un établissement dont zéro à 25 % de la clientèle est titulaire d'un certificat d'admissibilité. Je crois que présentement, à l'intérieur de l'ensemble du réseau, c'est 0 %.

Donc, lorsqu'on a vu finalement le nombre de points qu'un élève pouvait obtenir après une fréquentation de deux à trois ans chez nous, ça donnait deux points, on a dit: C'est rassurant. Parce que, nous, notre objectif, c'est, lorsque les enfants arrivent chez nous à la maternelle, première année, c'est de pouvoir les scolariser jusqu'en sixième; c'est notre objectif, les parents viennent chez nous pour ça. Sinon, on se retrouverait avec des classes de 40 en première année, 40 en deuxième, 40 en troisième et 10 en quatrième; ce n'est pas notre objectif.

Donc, nous, c'est pour ça qu'avec une classification comme celle-ci... Est-ce qu'elle peut être modifiée? Il y a-tu quelque chose... Peut-être. Mais nous ne voulons surtout pas que des parents, à un moment, donné cognent à la porte puis disent: Là, maintenant, je veux faire ma demande, moi, pour aller au secteur public anglophone. Ce n'est pas le cas. On veut qu'ils puissent continuer chez nous. Puis les parents, de toute façon, lorsqu'ils terminent après la sixième année, vont justement au secondaire en français. C'est ce qu'on recherche, là. Donc, c'est ces éléments-là, on les a validés. Les autres, il y a peut-être une certaine complexité parce qu'on connaît certains de nos parents. Mais là, de pouvoir dire justement les frères, et soeurs et tout... il y avait une certaine limite là-dessus. Mais, nous, je vais vous dire, on joue dans le zéro à 25 %. Puis il faut qu'il y ait quelque chose comme ça qui puisse demeurer parce que, si ça demeure, ça nous permet, à nous, de continuer puis de justement que nos écoles ne deviennent pas des écoles passerelles. On ne veut pas ça. Du fond de notre coeur, il ne faut pas que ça se produise, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Pelletier. Ceci termine la période d'échange avec le parti ministériel. Avant de céder la parole au député de Borduas, je voudrais en profiter pour souhaiter la bienvenue à Mme la députée de Marguerite-D'Youville. Mme la députée est aussi la porte-parole en matière d'enseignement primaire et secondaire. Alors, soyez la bienvenue. Et je cède maintenant la parole au député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue. M. le député.

M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, monsieur. Vous savez que vous êtes ce matin l'exception, vous êtes les premiers à être d'accord avec le projet de loi n° 103. C'est, je dirais, c'est rafraîchissant...

Des voix: ...

M. Curzi: ...pour la ministre, mais...

Une voix: Oui, O.K.

M. Curzi: ...pour nous, pour nous, ça pose des questions. Ça pose des questions. Puis je vous écoutais puis je me disais: Mais, si 98 % ou deux personnes seulement poursuivent leurs parcours dans le système scolaire anglophone, dans le fond, que la loi 101 s'applique strictement, jusqu'à un certain point, ça ferait votre affaire, si on parle business, là, jusqu'à un certain point. Je veux dire, vous, vous n'y perdriez rien comme clientèles qui fréquentent vos établissements, si je comprends bien?

M. Dumais (Richard): M. le Président, bien au contraire, l'application de la loi 101 à nos établissements ferait en sorte que nous devrions abandonner notre projet éducatif, nous devrions abandonner l'enseignement en immersion. On entend beaucoup parler, dans le secteur de l'éducation, de cours d'anglais enrichis et de cours d'anglais intensifs, et il y a une différence entre ce type de cours là et de l'immersion. Nous faisons de l'immersion, donc, dans certains cas, nous enseignons des matières dans une autre langue que le français. La loi 101 nous interdirait de faire cet enseignement-là. Donc, notre projet éducatif, nous devrions ni plus ni moins l'abandonner.

M. Curzi: Alors, j'avais bien compris cette explication-là, je parlais juste des critères d'admissibilité. Dans un sens, si la loi 101 était appliquée, vous auriez une clientèle qui serait garantie en quelque sorte. Je veux dire, la loi 101 définirait que les francophones et les allophones peuvent aller dans votre école dans la mesure... Mais là où elle vous contraint évidemment, c'est dans l'application, dans votre projet éducatif.

Mais votre projet éducatif, il est donc de l'immersion, je veux dire... Et ça, il y a quelque chose que j'ai de la misère à saisir. Vous donnez une formation en français et vous insistez beaucoup dans votre document là-dessus, donc vous donnez une connaissance profonde de la langue française et de ses structures, si je comprends bien, mais il y a un bon nombre de cours cependant qui sont donnés en anglais aussi. Est-ce que vous pouvez être plus précis quand vous dites cela? Est-ce que... Oui?

M. Dumais (Richard): M. le Président, si vous me permettez, je donnerais l'exemple des mathématiques, par exemple. Alors, dans une école privée ou publique francophone, au primaire, les mathématiques sont, même si on a des programmes enrichis ou bonifiés en anglais, sont enseignées en français. Chez nous, les mathématiques de façon générale sont enseignées en anglais. Toutefois, considérant que nos élèves poursuivent leurs études en très grande majorité dans les établissements francophones, nous savons très bien que, pour favoriser ce passage au secondaire, en 5e et 6e année, nous allons, par exemple... nous autorisons nos établissements ou nous pouvons enseigner les mathématiques en français.

Donc, tout ça pour dire qu'au lieu de simplement enseigner un cours d'anglais, dans d'autres cas, nos élèves peuvent être exposés, je dirais, à la langue anglaise dans une autre matière, celle des mathématiques, je viens de vous donner l'exemple. Ça peut... On pourrait parler également de l'éducation physique, d'autres matières qui sont enseignées... ou les sciences qui sont enseignées au primaire.

Ce qu'il est important de retenir, c'est que nous ne faisons aucun compromis sur l'enseignement du français. S'il y a neuf heures au premier cycle, neuf heures d'enseignement du français au premier cycle, nous allons offrir neuf heures d'enseignement du français. Il peut y avoir également d'autres cours qui peuvent être donnés en français, mais ceci varie d'un établissement à l'autre en fonction de la composition de l'équipe-école.

**(10 h 40)**

M. Curzi: De l'équipe-école. Ça veut dire que vous n'avez pas, par exemple, de cours spécifiquement, systématiquement, donné en français autre que les cours de français. Il n'y a pas d'obligation de donner un certain nombre de cours en français.

M. Dumais (Richard): M. le Président, il y a des obligations d'heures au sein de notre réseau et non pas des obligations de cours. Alors, nous fixons nos... Au-delà, je dirais, des normes ou de la prescription du nombre d'heures du ministère de l'Éducation qu'on retrouve dans le régime pédagogique, nous avons nos propres normes. Donc, il y a un nombre d'heures minimum à respecter pour chacune des langues.

M. Curzi: Mais, par exemple, monsieur, est-ce que vous enseignez l'anglais... Est-ce que vous enseignez l'histoire en anglais? Donnez-vous des cours d'histoire?

Le Président (M. Marsan): M. Pelletier.

M. Pelletier (Serge): M. le Président, je vais vous dire, le régime pédagogique justement du Québec, du MELS, est respecté dans l'ensemble des établissements. Donc, à partir du deuxième cycle, effectivement il y a des cours d'histoire, deuxième, troisième, selon le régime pédagogique, et ces matières-là, dans l'ensemble des établissements ou à peu près, sont enseignées en anglais, effectivement.

M. Curzi: Donc, vous enseignez l'histoire du Canada, l'histoire du Québec, l'histoire internationale. Ce sont des cours qui sont enseignés en anglais.

M. Pelletier (Serge): M. le Président, disons qu'on respecte justement ce qui est demandé à l'intérieur du programme de formation, progression des apprentissages. Donc, les différents éléments qu'il y a à l'intérieur de ça sont discutés effectivement en anglais. Mais il y a un élément, par contre, je crois, M. le Président, qui est important, c'est que justement, le cours de français, pour ne pas que ce soit simplement un cours technique, un cours de stratégie, on s'assure toujours qu'il puisse y avoir des situations d'apprentissage qui englobent beaucoup plus, qui englobent assez large.

Donc, c'est pour ça que, dans certains niveaux, on va se concentrer un peu plus sur les sciences de la nature et, lorsqu'on arrive aux deuxième, troisième cycles, on va s'assurer justement d'avoir un thème, une question importante que les élèves vont devoir travailler, qui va toucher d'autres matières. L'histoire en est une qui est privilégiée. Donc, ce que ça veut dire, ça, ça veut dire qu'en plus du cours d'histoire -- parce qu'au cours d'histoire on parle de 1 h 30 min par semaine -- ce qu'on va faire, c'est qu'à l'intérieur des autres matières, dont le français, c'est quelque chose qui va être travaillé là. Donc, on s'assure finalement que le cours de français puisse toucher l'ensemble des autres matières aussi pour que les élèves aussi trouvent important, primordial, chez nous, de développer le vocabulaire aussi de ces différentes matières-là. Puis il y a des éléments de culture aussi qui se touchent, de culture, que ce soit scientifique ou encore de culture historique, qui se travaillent beaucoup mieux dans d'autres matières, dont le français, peut-être même en anglais et en espagnol aussi.

M. Curzi: Donc, vous n'avez pas... vous ne savez pas précisément ce qui arrive avec vos élèves après qu'ils ont passé par le primaire anglophone. Ce que je comprends, c'est que vous n'avez pas de statistique claire, vous ne savez pas si certains de vos élèves vont passer du côté du secondaire public anglophone, par exemple. Vous n'avez aucun chiffre là-dessus?

M. Dumais (Richard): M. le Président, nous avons présenté les chiffres de juin 2009, nous avons dit justement que, sur les 134 élèves qui ont gradué en 6ème année en juin 2009, 132 se sont retrouvés dans des établissements francophones, publics et privés.

M. Curzi: La majorité continue donc au privé en français. Public et privé. O.K. Je ne veux pas... J'ai été inattentif sans doute à ce passage-là.

Mais rien ne dit que vous... Vous ne voulez pas être des écoles passerelles, ça, on le comprend bien, mais rien n'empêche, en fait... Oui, comment on présenterait ça? Avec le projet de loi n° 103, vos élèves, en sortant de votre primaire, pourraient s'inscrire dans des écoles évidemment secondaires privées non subventionnées...

M. Dumais (Richard): M. le Président, je pense que...

M. Curzi: ...anglophones.

M. Dumais (Richard): ...dans des écoles privées anglophones non subventionnées, tous les élèves québécois peuvent s'y inscrire, ce ne sont pas exclusivement de nos élèves.

M. Curzi: Si je comprends votre système, c'est que finalement, c'est une sorte... ce sont comme des franchises finalement, hein? Votre projet éducatif, c'est un projet éducatif sur l'apprentissage. Vous avez parlé, là, du choc linguistique en quelque sorte, là, d'un choc comme si on découvrait... en apprenant plusieurs langues jeunes, on devient plus conscients des structures de la langue et ce qu'on comprend de la structure permet d'en apprendre une ou deux autres. C'est ça, votre... Et chacune de vos écoles est comme une franchise. Des gens décident que votre projet éducatif est intéressant et qu'ils ont une clientèle potentielle, et ils font partie de votre structure, ils deviennent vos franchisés en quelque sorte. C'est comme ça que ça fonctionne.

M. Dumais (Richard): M. le Président, je pense que la... Tout à fait, c'est un réseau de franchises dont les directions sont en général composées d'enseignants et d'enseignantes, je dois dire même, qui ont fait le choix de démarrer, je dirais, leur propre école en raison du caractère particulier de notre projet éducatif.

M. Curzi: Quand vous considérez l'avis, par exemple, du Conseil supérieur de la langue française qui recommande l'application de la loi 101, est-ce que vous considérez que cet avis-là est injuste? Parce que vous avez utilisé le terme, là, j'utilise...

M. Dumais (Richard): M. le Président, bien sûr que l'application de la loi 101 aux établissements privés non subventionnés ferait en sorte que nous devrions abandonner notre projet éducatif. Je reviens sur ce point, c'est un point important pour nous, c'est l'essence même, c'est notre adrénaline, je dirais, c'est notre point de distinction également. Alors, de devoir abandonner l'enseignement en immersion, pour nous, c'est ni plus ni moins que l'abandon de notre projet éducatif. Puis je ne sais pas ce qui arriverait de nos établissements à toutes fins pratiques.

M. Curzi: Donc, vos établissements, ce que vous dites clairement, c'est qu'actuellement ils ne sont pas conformes à l'esprit de l'application stricte de la loi 101. Est-ce qu'on pourrait dire que vos écoles finalement... et je ne veux pas porter de jugement, là, négatif, mais vous êtes en train de former des gens essentiellement bilingues ou trilingues. C'est ce que vous... C'est ça, votre projet éducatif, c'est un projet...

M. Dumais (Richard): Notre projet éducatif est de former de jeunes apprenants en se basant sur l'apprentissage des langues et des modes de vie sains et actifs. Ce n'est pas le sujet de la présente commission, mais, dans nos établissements, la majorité de nos établissements offrent trois heures d'éducation physique par semaine. Alors, notre projet éducatif est plus global que celui de l'apprentissage des langues, mais il est basé sur l'apprentissage des langues.

M. Curzi: Je pense que, pour moi, ça va. Est-ce qu'il y a d'autres...

Le Président (M. Marsan): Oui. M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques, la parole est à vous.

M. Lemay: Oui. Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Une simple petite question. Et ça ne vous regarde pas directement, mais j'imagine que vous devez le savoir parce que vous savez que les élèves s'en vont dans des écoles francophones suite à un passage chez vous. Mais, à ce moment-là, que font les parents qui ont mis très souvent près de 50 000 $ pour l'éducation bilingue de leur enfant et quelquefois trilingue et, par la suite, rendu au secondaire, c'est un abandon complet de... Est-ce que vous avez une petite idée là-dessus? Je suis conscient, M. le Président, que ça ne les regarde pas directement, mais, comme ils disent que 80... plus de 90 % se retrouvent dans le réseau francophone... Comment expliquer ce qui semble être une contradiction...

M. Dumais (Richard): M. le Président, plusieurs établissements secondaires, maintenant qu'ils connaissent mieux nos élèves, également, mettent en place des... je dirais... est-ce que je pourrais parler de structures d'accueil ou favorisent, dans le fond, la progression des apprentissages. Plusieurs établissements secondaires débutent l'enseignement de l'espagnol, que ce soit en secondaire I ou secondaire II. La seule différence entre nos élèves et les autres élèves qui désirent poursuivre un apprentissage ou apprendre l'anglais ou l'espagnol, c'est juste que leur point de départ... ils sont rendus plus loin dans leur apprentissage. Alors, ça ne devient qu'une question, je dirais, pour les établissements secondaires, de s'adapter à la clientèle et de faire en sorte d'offrir un enseignement qui est adapté au niveau d'apprentissage de nos jeunes, ce que plusieurs établissements font.

Le Président (M. Marsan): Ça va? M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Bonjour, messieurs. J'aimerais savoir avec davantage de précision quels sont les cours, à part le français, qui sont donnés en français.

M. Pelletier (Serge): M. le Président, c'est...

Le Président (M. Marsan): M. Pelletier.

**(10 h 50)**

M. Pelletier (Serge): ...ça va dépendre des écoles. Donc, ce qu'on peut regarder, dans certaines écoles, le cours d'éthique et culture religieuse va être donné en français, dans d'autres, ce sera le cours d'éducation physique qui va être donné en français aussi, et, comme mentionné tout à l'heure, dans bien des établissements, le cours de mathématiques au troisième cycle va être donné en français, et tout ça afin de justement faciliter le passage de nos élèves au secondaire.

M. Blanchet: Quel est approximativement... Et je sais que vous ne pourrez pas être extrêmement précis, mais vous pourrez l'être davantage que moi. Quel est approximativement le pourcentage des cours qui se donnent en français, à part le français?

M. Dumais (Richard): M. le Président, si nous considérons l'ensemble des matières enseignées, nous avons 40 % des matières qui sont enseignées en français, 45 % en anglais et 15 % pour l'espagnol. En moyenne, sur les six années du primaire.

M. Blanchet: Est-ce que votre moyenne de ce qui est donné en français inclut les cours de français?

M. Dumais (Richard): M. le Président, la moyenne que je viens de donner inclut les cours de français.

M. Blanchet: Si on les exclut, on arrive à peu près à quoi? En fait, je veux identifier la langue seconde dans l'école.

M. Dumais (Richard): M. le Président, pour répondre à la question, il nous faudrait quelques minutes additionnelles.

M. Blanchet: O.K.

Le Président (M. Marsan): Vous pourriez transmettre l'information au secrétariat de la commission par la suite.

M. Blanchet: Deuxième petite question.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Oui. La dernière phrase... l'avant-dernière phrase de votre document: «Nous sommes particulièrement concernés par la nécessité de maintenir un équilibre entre la protection du français en tant que langue maternelle et la volonté des Québécois de langue française d'apprendre plus d'une langue.»

Dans la mesure où vous représentez un pourcentage somme toute très réduit du volume d'étudiants au primaire au Québec et dans la mesure où la population québécoise de langue maternelle française n'est pas très loin d'être à la moitié bilingue, est-ce que ce n'est pas un peu présomptueux que de dire que les parents québécois de langue française qui veulent que leurs enfants apprennent plus d'une langue doivent passer par un réseau tel que le vôtre, tandis que la formation publique forme des dizaines de milliers de jeunes tout à fait à l'aise dans les deux langues?

Le Président (M. Marsan): En terminant, M. Dumais.

M. Dumais (Richard): M. le Président, je ne prétends pas que les écoles Vision sont le seul chemin pour apprendre l'anglais. Par contre, je dois constater, que ce soit dans le réseau public ou dans le réseau privé, l'ensemble des initiatives qui sont mises en place pour favoriser l'apprentissage d'une langue seconde en plus bas âge. Et c'est sur ce point que cette affirmation a été faite.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie bien pour cette... Ceci termine la période d'échange avec l'opposition officielle. Nous allons poursuivre avec le deuxième groupe d'opposition. Et je vais reconnaître le chef de l'Action démocratique pour une période d'un peu moins de cinq minutes. M. le député de Chauveau.

M. Deltell: Merci beaucoup, M. le Président. Messieurs, soyez les bienvenus à l'Assemblée nationale, ça me fait plaisir de vous rencontrer.

Je connais très bien votre réseau d'écoles. Je ne suis pas de Drummondville, je suis de Québec, mais je me souviens très bien de la naissance de vos écoles à Québec, j'avais déjà fait des reportages là-dessus. Puis je connais très bien aussi une des personnes, Mme Turmel, qui est à l'origine de la création des écoles Vision à Québec. Moi, je crois que la... Et je connais aussi encore beaucoup de gens qui aujourd'hui envoient les enfants dans vos écoles.

Et, moi, je crois, sans avoir fait d'étude scientifique là-dessus... Mais, à chaque fois que je parle à quelqu'un qui va chez vous, je leur demande: Pourquoi vous envoyez vos enfants à l'école Vision, avec tous les sacrifices que ça commande? Souvent, les parents, vous le dites vous-mêmes, font des sacrifices, font des choix, les grands-parents également contribuent. Et la plupart des gens me disent: C'est parce qu'on veut que nos enfants soient bilingues. Ce n'est peut-être pas la raison principale pour vous, mais, moi, ce que j'entends, c'est que les gens veulent que leurs enfants soient bilingues.

Et, quand je vois là où sont vos écoles, que ce soit à Québec, à Saint-Augustin, à Lévis, à Sainte-Marie, à Victoriaville, à Terrebonne et à Varennes, on voit que ce sont des endroits à forte, très forte concentration francophone, à 95 %, 98 %. Si on fait exception de Sherbrooke, où on sait qu'il y a une bonne communauté anglophone québécoise qui parle en anglais qui est là, essentiellement ce sont des endroits où les francophones sont presque unanimes là, et ces gens-là, ça vous fait vivre une école. Donc, c'est la preuve, à mon point de vue, que la principale raison pour laquelle les gens envoient les enfants chez vous, c'est parce qu'ils veulent que leurs enfants soient bilingues.

Vous avez peut-être entendu parler de notre proposition à nous. Nous, on dit que la meilleure façon de contrer les écoles passerelles, c'est de permettre à nos enfants qui sont francophones d'apprendre une deuxième langue et donc de finir l'école secondaire avec le bilinguisme, et ça, bien, ça passe par l'école primaire. Et, quand on sait qu'au Québec 35,8 % des Québécois francophones sont bilingues, c'est bon, mais ce n'est pas assez, surtout si on se compare aux 56 % d'Européens qui, eux, sont bilingues. Et, moi, j'ai trop d'ambition pour le Québec pour laisser ce chiffre-là à ce niveau-là. Et j'estime aussi, comme administrateur public, que, lorsqu'on consacre plus de 14 milliards de dollars à notre système d'éducation, la moindre des choses, c'est qu'on doit s'assurer, parce qu'on a investi tant de sommes que ça, que nos enfants, lorsqu'ils ont fini le secteur public à 16 ans au secondaire V, qu'ils soient bilingues, c'est un outil essentiel pour le XXIe siècle.

Donc, deux points. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus. Est-ce que vous estimez que ce serait une bonne idée que nous ayons un enseignement anglais intensif en cinquième ou sixième année, tel que, nous, nous le proposons? Je comprends que ça pourrait peut-être porter ombrage à vos écoles, mais, comme citoyens, vous qui payez des taxes et impôts, je présume, lourdement, comme nous tous ici, est-ce que vous estimez qu'il est normal qu'on s'assure que notre système public d'enseignement s'assure que les enfants, à la sortie de l'école, soient bilingues?

Et, dans un second temps, notre proposition à nous, c'est de faire ce qui existe dans plusieurs écoles au Québec déjà, pas partout, malheureusement pas partout mais dans certaines écoles, c'est-à-dire qu'on consacre les quatre premiers mois de l'année à l'enseignement dit régulier et les quatre derniers mois de l'année, ou vice et versa, à l'enseignement intensif de l'anglais. Donc, on n'enseigne pas l'histoire en anglais, on enseigne l'anglais en anglais, mais de façon intensive.

Depuis que j'ai fait cette proposition-là il y a quatre mois, il y a beaucoup de gens qui nous disent: Ce n'est pas vilain, votre idée, mais on estime que d'enseigner comme vous le faites, vous, ce serait une meilleure approche. Moi, je suis ouvert à ça. Et j'aimerais vous entendre là-dessus, donc sur notre proposition à nous et, dans un second temps, sur les bienfaits, selon vous, de l'enseignement de d'autres matières mais en anglais.

M. Dumais (Richard): Oui, M. le Président, je vais répondre à la première question, M. Pelletier pourrait répondre à la deuxième, au deuxième volet de la question.

Bien sûr que nous sommes favorables à l'apprentissage d'une langue seconde pour l'ensemble des Québécois francophones. Nous, c'est l'orientation que nous nous sommes donnée. Le moyen qui était à notre disposition était de mettre en place des écoles privées non subventionnées en fonction de notre projet éducatif. Alors, bien sûr que nous sommes favorables au bilinguisme, je dirais, à l'apprentissage d'une deuxième langue dès le bas âge. Quant aux moyens, il y en a plusieurs, et, parmi ceux-ci, je pense que la proposition mériterait d'être considérée. Quant à la deuxième question, M. Pelletier?

M. Pelletier (Serge): M. le Président, justement, lorsqu'on a l'occasion d'étudier dans un milieu d'immersion, dans un contexte d'immersion comme le nôtre, il y a des bénéfices additionnels qui surviennent, qu'on a découvert nous-mêmes aussi, là, depuis que nous sommes avec le réseau. Une de celles-là... un de ces bénéfices-là finalement, c'est au niveau du développement de la culture du jeune, de la culture générale du jeune. Lorsqu'on étudie, lorsqu'on a la chance d'être exposé à de la littérature, aux nouveaux médias de d'autres pays et qu'on peut le lire, qu'on peut l'étudier dans la langue de ces pays-là, ce qui devient intéressant, c'est que les jeunes finalement deviennent, si on a une tâche qui est bien... qui est bien construite, se voient dans l'obligation d'étudier, de mieux comprendre leur culture, qui ils sont. Puis, nous, ce que ça a apporté et ce qu'on remarque avec ça, M. le Président, c'est que les jeunes, nos jeunes, ils réalisent finalement à quel point ils sont uniques. Puis, je vais vous dire, M. le Président, je crois que vous seriez fier aussi...

Le Président (M. Marsan): En terminant.

M. Pelletier (Serge): ...de voir, lorsque nos élèves peuvent participer à des activités, des voyages culturels à l'extérieur de la province, je crois que vous seriez fier de voir les beaux et bons ambassadeurs que nous pouvons avoir...

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Pelletier, M. Dumais, pour nous avoir fait connaître la position du Réseau des écoles Vision sur le projet de loi n° 103.

J'inviterais maintenant M. Michel Seymour à se présenter à cette table. Je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 heures)

 

(Reprise à 11 h 2)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Et nous sommes heureux d'accueillir M. Michel Seymour. M. Seymour, vous avez une période de 15 minutes environ pour nous faire votre présentation. Et, comme vous le savez, par la suite, nous procéderons à une période d'échange. Alors, M. Seymour, la parole est à vous.

M. Michel Seymour

M. Seymour (Michel): M. le Président, Mme la ministre, messieurs dames les députés, je vous remercie sincèrement de me donner l'occasion de venir prendre la parole ici, à l'Assemblée nationale, sur un sujet d'une très grande importance, la question linguistique. J'ai envoyé très tôt mon mémoire, cet été, et, tout d'abord, il était très long, et j'ai préparé une version écourtée qui rassemble même cinq recommandations. J'en ai fait une vingtaine de copies. On aurait pu la faire circuler immédiatement, avec votre autorisation bien sûr.

Je dois ajouter également que, depuis cette époque, le gouvernement du Québec a fait savoir assez clairement qu'il n'avait pas l'intention d'étendre les prescriptions de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, et c'est dans cet esprit que j'ai formulé, en quelque sorte, une alternative à ce que je propose comme première et grande recommandation. J'allais frapper sur le même clou que tout le monde et dire qu'il fallait étendre la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, et là, je soumets, pour faire avancer le débat et éventuellement nous réunir tous, un certain nombre de recommandations qui, moi, de mon côté, me permettraient de me satisfaire quant à l'atteinte des objectifs qui étaient fixés par la loi n° 104 et sur laquelle nous nous entendions tous. Alors, pour préserver le même esprit, j'essaie de formuler quelque chose qui n'implique pas que la loi 101 s'étend aux écoles privées non subventionnées.

Alors, la première recommandation, le gouvernement du Québec devrait aviser clairement les immigrants qui viennent s'établir au Québec qu'en choisissant de vivre ici ils choisissent du même coup de s'intégrer à la communauté francophone, ce qui est compatible bien sûr avec la possibilité de s'assimiler à la communauté anglophone. Cette obligation d'intégration et cette liberté d'assimilation concernent aussi leurs enfants. En choisissant le Québec, ou bien ils acceptent de faire entrer leurs enfants dans le régime d'éducation public de langue française ou bien ils assurent leur éducation à l'école privée non subventionnée de langue anglaise. Cette politique à l'égard de l'immigration devrait aller de pair avec l'affirmation que la langue française est la langue publique commune du Québec et qu'elle s'applique également aux francophones. Il faudrait aussi instaurer, dans l'esprit des recommandations du rapport Larose, une citoyenneté québécoise et indiquer que la langue française est la langue de la citoyenneté. Pour acquérir la citoyenneté québécoise, il faudrait alors manifester des aptitudes à parler français.

Donc, première recommandation, intensifier le message et envoyer plusieurs signaux aux nouveaux arrivants que la langue publique commune est le français, et qu'en choisissant de venir au Québec on choisit, au fond, si on choisit le système public, d'envoyer nos enfants dans des écoles de langue française.

Deuxième recommandation, on reconnaîtrait, selon cette proposition, aux allophones et aux francophones le droit d'envoyer leurs enfants dans des écoles privées non subventionnées de langue anglaise, mais aussi, dans l'esprit de la proposition soumise par M. Louis Bernard, ils devraient alors prendre quelque chose qui ressemble à un engagement solennel de ne pas se servir de ce moyen pour passer à l'école publique de langue anglaise. Ils doivent en somme s'engager à laisser leur enfant dans le régime privé non subventionné pendant la période de leur formation. Ils peuvent toutefois, bien évidemment, décider à tout moment de faire éduquer leur enfant en français en les inscrivant dans une école publique de langue française. Donc, ça, c'est en gros quelque chose qui s'inspire de la proposition qui vous a été soumise par M. Louis Bernard.

Recommandation n° 3. Peut-être que c'est la plus importante de mon mémoire. Une fois engagés dans un tel parcours scolaire, il se pourrait que certains parents soient confrontés à des problèmes imprévus. Ils pourraient, par exemple, faire face à des difficultés financières qui les empêcheraient d'assurer la poursuite des études de leur enfant dans l'école privée non subventionnée; ils seraient alors invités bien sûr à s'intégrer à l'école publique de langue française. Mais, s'ils choisissent plutôt de s'intégrer à l'école publique de langue anglaise en s'appuyant sur l'article 23.2 de la charte canadienne, on leur annoncera que leur enfant devra par la suite s'inscrire dans un cégep de langue française. Son parcours scolaire devra être en français pendant toute la durée de ses études collégiales. On leur dira que, d'une manière générale, tous les enfants de parents francophones et de parents allophones qui n'auront pas eu un parcours scolaire en français aux niveaux primaire et secondaire devront aller dans un cégep de langue française.

Cette solution répond à l'objectif d'intégration visé par la loi 101, mais elle pourrait aussi avoir un effet dissuasif pour ceux qui seraient enclins d'opter pour un parcours dans des écoles de langue anglaise privées non subventionnées. Sachant que leur enfant devra de toute façon s'intégrer à la communauté francophone, ils choisiront peut-être de ne pas l'envoyer dans une école de langue anglaise privée non subventionnée.

L'autre avantage de cette mesure du cégep francophone obligatoire pour les francophones et allophones qui n'auraient pas réalisé un parcours primaire et secondaire en français est qu'elle ne peut pas être déclarée inconstitutionnelle sur la base de l'article 23, car ce dernier a une application seulement pour les études primaires et secondaires.

En outre, la mesure envisagée poursuit, au fond, le même objectif que celle visant à étendre la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, mais, au lieu de leur interdire l'accès à l'école privée de langue anglaise en tant que telle, on ne s'opposerait pas à un tel accès, mais on leur ferait savoir que l'enfant devra poursuivre ses études au niveau collégial en français. On rétablit de cette manière presque intégralement l'équilibre qui était recherché par la loi 104: assurer tôt ou tard l'intégration à l'école publique de langue française pour les francophones et allophones, tout en maintenant leur droit à l'école privée non subventionnée dans la langue de leur choix.

Recommandation n° 4. Le gouvernement propose d'inclure une clause dans la Charte des droits et libertés affirmant la nécessité d'assurer la pérennité de la langue française. Mais cette clause élude le défi réel qui est le nôtre et qui est de se doter d'une constitution interne dans laquelle seraient arrimées l'une et l'autre, la Charte des droits et libertés et la Charte de la langue française. La tâche de réaliser cet arrimage nous est en quelque sorte imposée par le jugement de la Cour suprême du Canada. Le gouvernement du Québec devrait donc s'engager à se doter d'une constitution interne dans laquelle les rapports entre les deux chartes seraient expliqués et compris. C'est seulement de cette manière que l'on pourrait notamment comprendre la Charte de la langue française comme l'expression du droit collectif du Québec de faire du français la langue publique commune du Québec. Il faudrait également constitutionnaliser l'existence d'une citoyenneté québécoise et faire de la langue française la langue de la citoyenneté.

À mon avis, la Cour suprême a erré dans son jugement contre la loi n° 104 en interprétant la raison d'être de la Charte de la langue française comme étant d'assurer seulement la survivance ou l'épanouissement de la langue française, aux article 38 et 39 principalement. En s'appuyant sur une telle interprétation, on prétendit ensuite que le passage de quelques centaines d'allophones ou de francophones à des écoles publiques de langue anglaise n'allait pas compromettre cette survivance et cet épanouissement.

Mais la charte n'impose pas des règles du survivre-ensemble, elle imposerait, et elle impose, des règles du vivre-ensemble. Après tout, si la France, par exemple, stipule que le français est la langue de la république, ce n'est pas pour assurer la survivance de langue française, mais bien pour affirmer le droit collectif du peuple français de vivre dans sa langue.

Une constitution interne permettrait de clarifier le statut de la Charte de la langue française et de préciser que le Québec a le droit collectif d'imposer une langue publique commune partout sur le territoire québécois. Or, le passage de centaines de francophones ou d'allophones vers l'école publique de langue anglaise heurte de plein fouet ce principe. Le gouvernement québécois a sans doute raison de ne pas vouloir piétiner les libertés individuelles, mais il ne doit pas non plus faire abstraction des droits collectifs du peuple québécois.

Si d'aventure l'une ou l'autre de ces mesures faisait l'objet d'une contestation -- et j'en arrive donc à la cinquième et dernière recommandation -- une contestation en Cour suprême, en invoquant, par exemple, l'article 7 de la charte canadienne, on pourrait arguer qu'il s'agit de restrictions raisonnables dans une société libre et démocratique. On donnerait, je dirais, aux juges une chance de se reprendre après avoir erré dans leur interprétation de la signification profonde de la Charte de la langue française. On leur expliquerait que la Charte de la langue française impose des règles du vivre-ensemble et non du survivre-ensemble. On leur expliquerait que, comme en France, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Italie ou en Allemagne, le Québec a le droit collectif d'imposer une langue publique commune d'intégration. Si la cour estimait que la limitation n'est pas raisonnable, l'un ou l'autre des aspects que je viens d'évoquer ici, si on estimait que ce n'était pas raisonnable, on pourrait recourir à la clause dérogatoire.

On ne peut pas se réfugier, à mon avis, derrière le problème posé par la réputation du Québec à l'étranger pour refuser d'adopter des mesures qui sont justes, car, à ce compte-là, il faudrait également renoncer à la loi 101, étant donné que celle-ci a été nuisible à la réputation du Québec à l'étranger. Si les Québécois ont, avec raison, gardé le cap et cherché à sauver l'essentiel de cette loi en dépit de cette mauvaise réputation internationale, il faut également être prêt à mener une nouvelle lutte pour défendre la cause du français, y compris devant la Cour suprême du Canada, car, à bien des égards, cette cour n'a toujours pas bien compris, elle non plus, le bien-fondé de la loi 101. Je vous remercie.

**(11 h 10)**

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Seymour. Et je cède immédiatement la parole à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine pour débuter cette période d'échange. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Merci, M. Seymour, d'être avec nous ce matin. Sur votre proposition, recommandation n° 3, j'aurais une question à vous poser. Qu'est-ce qui arriverait aux enfants, aux élèves qui décideraient de ne pas aller au cégep et de décider d'aller vers un parcours professionnel? Parce que, là, vous dites, dans votre solution finalement, on permettrait à des enfants allophones d'aller à l'école publique anglophone subventionnée au primaire, secondaire, puis ensuite on dirait à ces enfants-là: Bien, vous allez être obligés, quand vous allez aller au cégep, d'y aller en français. Donc, on ferait comme une application... Il y aurait comme un trou: Passez puis après ça vous devez aller au cégep. Mais il y a plein... il y a bien des jeunes qui décident de ne pas aller au cégep, de faire une formation de mécanicien ou de... enfin, de toutes sortes de métiers de la construction. Qu'est-ce que vous faites avec ces gens-là?

M. Seymour (Michel): Bien, le cégep, c'est une formation générale de deux ans ou une formation professionnelle de trois ans, donc ça couvre aussi toutes les formations professionnelles au cégep. Et, s'il y a d'autres formations professionnelles non couvertes, eh bien, je suis tout à fait ouvert effectivement à ce que ça s'applique là aussi.

Mme St-Pierre: C'est que vous savez que la loi dit qu'il faut aller à l'école au moins jusqu'à 16 ans. Mais il y a des jeunes qui décident de ne pas aller faire la formation professionnelle ou générale -- dans mon temps ça s'appelait comme ça, je ne sais pas si ça s'appelle encore comme ça au cégep -- il y en a qui décident d'aller vers des écoles de métiers.

M. Seymour (Michel): C'est ça. Alors...

Mme St-Pierre: Alors, dans votre système, là, ça va marcher comment? Ça veut dire qu'ils vont aller dans des écoles de métiers anglophones?

M. Seymour (Michel): On peut aller...

Mme St-Pierre: Puis ils vont aller sur le marché du travail en ayant une formation en anglais?

M. Seymour (Michel): On peut étendre, on peut étendre aussi aux écoles de métiers la règle que je viens d'invoquer. Mais ce qui est important, c'est de comprendre l'ensemble des mesures que j'invoque ici. On a un ensemble, un éventail de mesures, message plus clair que jamais à l'intention des citoyens issus de l'immigration. Et c'est cinq recommandations que je fais. Moi, je dis que, moi, je n'ai pas d'objection à ce qu'on étende les prescriptions de la loi 101 à l'école privée non subventionnée, mais, si on ne va pas de ce côté-là, alors le train de mesures que j'invoque ici m'apparaît être une alternative avec laquelle personnellement je pourrais me rallier.

Mme St-Pierre: Oui. Je vous avoue que, moi, j'avais pris connaissance de votre mémoire. Ce matin, vous arrivez avec des choses qui sont pas mal... qui vont dans une autre zone.

M. Seymour (Michel): Bien, pour l'essentiel, tout ce que j'ai dit là est dans mon mémoire, sauf...

Mme St-Pierre: Oui, bien, enfin, pas la 3, là.

M. Seymour (Michel): Oui, oui. J'en ai parlé.

Mme St-Pierre: La 3 est là?

M. Seymour (Michel): Sauf parce que, d'une manière générale, je signale, dans mon mémoire, que je n'ai pas d'objection à ce qu'on étende la loi 101 à l'école privée non subventionnée.

Mme St-Pierre: Vous avez parlé de la question internationale. Vous avez sans doute pris connaissance des autres personnes qui sont venues ici, devant la commission, dont M. Louis Bernard, qui était un grand conseiller du père fondateur du Parti québécois, qui est M. René Lévesque, et il a corroboré nos dires pour ce qui est de la réputation du Québec sur la scène internationale. Et je vais le citer ici.

Alors, M. Bernard dit, donc; «...c'est pour ça que, si on va aussi loin que de dire: Bien, on enlève complètement cette liberté-là -- donc, lui, il parle d'une zone de liberté, là, que M. Laurin et M. Lévesque n'avaient pas voulu franchir -- [...]qui existe, on l'enlève, et puis on est obligés de passer la clause dérogatoire, bien évidemment ça va avoir de la difficulté à expliquer ça sur la scène internationale compte tenu du fait que le Québec, c'est un pays de liberté.

«Moi, je pense qu'on peut être très fiers de la façon dont on respecte les droits des uns et des autres au Québec, c'est un pays de grande liberté, [...]et ça peut donner le sentiment à l'extérieur que ce n'est pas le cas, qu'il y a des zones où [les libertés individuelles ne sont pas respectées].

«...la menace -- dit-il -- est tellement grande[...]. [...]d'après moi, on devrait [essayer d'examiner] d'autres façons de le faire avant de s'en remettre à cette solution-là [qui est] une solution radicale...»

Alors, M. Bernard, qui n'est quand même pas de la même confessionnalité politique que nous, là, est venu nous dire... est venu corroborer nos dires quant à la réputation du Québec sur la scène internationale. Vous venez de dire, dans votre présentation, que vous n'êtes pas d'accord avec ça, mais il y a quand même des gens qui sont venus ici, qui ont été au début, qui ont été là au moment où la loi 101 a été... aux premiers moments de la conception, qui ont suivi tout ce débat, qui sont des personnes qu'on peut parler... qu'on peut dire qu'ils sont de grands intellectuels, et ils viennent nous dire cela. Ça ne vous ébranle pas un peu?

M. Seymour (Michel): Bien, écoutez, je dirai, d'une part, que les cinq recommandations que vous avez sous les yeux en sont une qui, moi, me rapproche un peu de cette position, puisque, là, ici, dans le cas qui nous occupe, on n'interdit pas l'accès à l'école privée non subventionnée, hein? Dans mes recommandations, là, ici, je ne l'interdis pas, et c'est en ce sens-là que je m'éloigne du mémoire initial, d'une part.

D'autre part, même la possibilité de passer à l'école publique anglaise n'est pas complètement exclue. Mais, si vous voulez qu'on accepte ça au nom des libertés individuelles qu'il ne faut pas piétiner, je dis aussi qu'il ne faut pas oublier les droits collectifs du peuple québécois qu'il ne faut pas aussi piétiner.

Et ce serait plus crédible pour le peuple québécois d'entendre dire de la part du gouvernement qu'à notre avis la Cour suprême s'est trompée, qu'il y avait un consensus fondamental au Québec, que l'équilibre était préservé avec la loi n° 104, que ça a été une erreur de jugement et qu'on va expliquer pourquoi il y a eu une erreur de jugement. Et j'essaie d'identifier la source de cette erreur de jugement dans mon mémoire.

Si on faisait ça, qu'on envoyait un message très clair aux immigrants qu'ils vont devoir s'intégrer à la communauté francophone, que les francophones doivent aussi aller principalement dans les écoles publiques de langue française, si on fait valoir ça et si on dit aussi que, pour tous ceux qui n'auront pas un parcours primaire ou secondaire essentiellement en français parmi les allophones et les francophones, ils vont devoir, par la suite, poursuivre leur formation en langue française et qu'on décide qu'il y a un débat de société à avoir pour une constitution interne dans laquelle les principes fondamentaux du vivre-ensemble sont affirmés, bien, je vous dis que, là, dans ce cas-là, je serai d'accord pour ménager cet équilibre du privé et du public, un peu dans le sens que M. Louis Bernard l'indique. Donc, ma réflexion a évolué.

Maintenant, si la loi n° 103... le projet de loi n° 103 est adopté tel quel, alors, dans la même logique de mon mémoire, je souscrirais alors non seulement à l'idée d'accepter le principe des études au cégep en français pour les allophones et les francophones qui n'ont pas eu un parcours en français dans leurs études primaires et secondaires, je dirais, là, dans ce cas-là, je serais pour généraliser le principe des études postsecondaires en français pour tous les allophones et tous les francophones. C'est ça, la position qu'il faut comprendre, qui découle de mon mémoire.

**(11 h 20)**

Le Président (M. Marsan): Merci. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. M. le Président, je n'ai pas d'autre question. Peut-être que mes collègues...

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, je vais céder la parole à notre collègue Mme la députée de Gatineau.

Mme Vallée: Merci, M. le Président. M. Seymour, j'ai pris connaissance de vos propositions pour amender ou modifier un petit peu le mémoire que vous aviez déposé. Je vous avoue que, lorsque je regarde la recommandation n° 1, j'ai un certain malaise. Lorsque vous parlez de la citoyenneté québécoise qui inclut une langue de citoyenneté et une manifestation des aptitudes à parler français, ça m'interpelle un petit peu parce que je pense à toutes nos communautés, oui, des communautés anglophones, des gens qui sont ici depuis des siècles, nos communautés autochtones également qui ne maîtrisent pas nécessairement la langue française. Je pense, là, j'ai des citoyens dans le comté, chez moi, dans les communautés de lac Barrière et de Kitigan Zibi qui ne parlent pas du tout français. On fait quoi? On gère comment cette situation-là?

Parce que, pour moi, quelqu'un qui habite le Québec depuis sa tendre enfance, depuis sa naissance n'est pas moins un citoyen québécois que, moi, je le suis. Et je crains que votre recommandation catégorise des citoyens québécois. Et l'objectif n'est pas de catégoriser et de dire: Tu es moins Québécois que je ne le suis, mais plutôt d'inclure les gens dans la société québécoise. Et je crois personnellement que nous avons beaucoup plus à gagner en étant inclusifs et à inciter les différentes communautés à s'intéresser au français et à apprendre le français dans une vision beaucoup plus inclusive qu'exclusive.

Et votre recommandation, votre première recommandation, moi, je la vois plutôt comme un espèce de braquage face aux nouveaux arrivants ou face aux peuples qui sont aussi des peuples fondateurs et qui sont ici depuis le début des temps. Puis, moi, personnellement, là, je ne suis pas à l'aise avec ça, bien que je croie fortement en l'importance de notre culture et de notre langue.

M. Seymour (Michel): Merci pour votre question. Je pense que la raison pour laquelle nous avons des citoyens, au Québec, là, au sens informel de l'expression, qui... Au sens informel de l'expression, tous les individus qui vivent au Québec sont des citoyens du Québec. Bien, ici, c'est un sens plus formel que j'introduis. Je pense que la raison pour laquelle des gens qui vivent ici ne maîtrisent pas encore le français malgré qu'ils demeurent ici depuis toute leur vie, c'est peut-être parce que nous n'avons pas été suffisamment à l'avant-garde de la mise en valeur du français. Là, ici, l'idée de créer une citoyenneté québécoise dont nous serons tous fiers, de la rendre, de la valoriser, c'est un moyen de les attirer vers le français. Je pense que, si on ne les a pas attirés vers le français encore, c'est parce que nous avons été souvent trop tièdes dans l'affirmation de la valeur de cette langue pour les citoyens du Québec.

Alors, il y a déjà des statistiques qui disent que 94 % des anglophones du Québec sont... 94 % des citoyens du Québec sont capables à peu près de s'exprimer en français -- la statistique est probablement quelque peu étirée ici -- mais il y a plein d'anglophones, surtout les enfants de la loi 101, il y a plein d'anglophones qui maîtrisent le français maintenant, donc ce n'est pas un clivage entre les communautés. Idem pour les membres des peuples autochtones. Il y a plusieurs membres de peuples autochtones qui maîtrisent parfaitement bien le français. Donc, ce n'est pas un clivage communautaire.

J'ajouterais en plus qu'étant donné que je suis le promoteur, je suis un petit peu un obsédé des droits collectifs -- je viens d'écrire une grosse brique là-dessus -- ce n'est pas seulement pour le peuple québécois que je défends cette idée-là, mais pour les peuples autochtones aussi, et la reconnaissance des peuples autochtones et la reconnaissance de la minorité anglophone. Ils ont des droits collectifs, à mon sens, aussi. Alors, ça aussi, ça doit être précisé. Mais et c'est une autre façon de les inclure dans la communauté de langue publique commune française.

Donc, il n'y aura pas de clivage communautaire, ce n'est pas un mur érigé, c'est une valorisation de notre langue. On crée une citoyenneté québécoise dont nous pouvons être tous fiers. Et il y aurait effectivement des citoyens qui, parce qu'ils ne maîtrisent bien le français, n'auront pas cette citoyenneté. Mais, vous savez, au Canada, il y a plein de gens qui ont un statut d'immigrant reçu depuis très, très, très longtemps et qui ne sont pas des citoyens canadiens. On n'en fait pas grand cas de ça. Mais, au Québec, dès qu'il est question de ce genre de chose, tout d'un coup, les projecteurs sont braqués.

Alors, je n'en fais pas une mesure d'exclusion, j'en fais une mesure de valorisation de notre langue. Et plus on va la valoriser par des mesures comme celles-là, plus on va attirer les gens vers le français.

Le Président (M. Marsan): Madame.

Mme Vallée: Votre deuxième recommandation... Pardon, votre troisième recommandation, qui suggère une fréquentation du cégep en langue française, est un petit peu difficile à imaginer concrètement parce que, rendus au cégep, plusieurs étudiants auront atteint l'âge de la majorité, à tout le moins certains étudiants auront atteint la majorité. Comment contrôler ça? Parce que vous demandez à ce que... Vous reconnaissez la proposition de Me Bernard, c'est-à-dire que les parents fassent un engagement solennel et ainsi permettent à leur enfant de fréquenter l'école en anglais au primaire et au secondaire. Une fois le secondaire terminé, une fois que l'étudiant aura atteint sa majorité, comment peut-on le contraindre, en tant qu'adulte, à fréquenter le cégep en français? Mais est-ce qu'on ne brime pas... Parce que, moi, je...

M. Seymour (Michel): Ils ont des curriculums vitae... Pardon. Je m'excuse, je vous ai interrompue.

Mme Vallée: Non. C'est parce que je reviens... je repense au commentaire encore de Me Bernard, et puis honnêtement il disait que, lorsque la loi 101 a été mise de l'avant, l'objectif, c'était que, s'il n'y avait pas de fonds publics qui étaient engagés, on ne limite pas les droits individuels. Donc, il y a une espèce de zone de liberté qui existe pour les citoyens et qui doit être respectée. Puis il a dit, et je l'ai pris en note, je l'ai soulevé, il a dit: «On doit aller aussi loin que nécessaire, mais pas plus loin.» Alors, est-ce qu'en obligeant la fréquentation d'un cégep en français on ne va pas justement plus loin que nécessaire?

M. Seymour (Michel): Là, j'aimerais bien, et je me permets de le préciser parce qu'effectivement peut-être cette idée-là n'est pas parfaitement claire... Remarquez, ici, je ne fais que couvrir vers l'idée du cégep en français, pas pour tout le monde. Je réserve mon jugement quant à l'application du cégep en français pour tous les allophones et francophones. Je réserve mon jugement.

D'ailleurs, je vous dis un peu ma réflexion à ce sujet-là. Dans le contexte actuel, je dis, pour les francophones et les allophones qui n'auraient pas tout leur parcours en français au niveau du primaire et du secondaire, ils devraient, ceux-là, aller au cégep de langue française. Mais, pour ceux qui auraient un primaire et un secondaire en français, là je réserve mon jugement. Auraient-ils l'obligation aussi d'aller au cégep en français? Ce n'est pas ça que je dis ici. C'est juste pour ceux qui n'ont pas le parcours primaire et secondaire en français parmi les allophones et les francophones.

Est-ce qu'on devrait l'étendre à tous les francophones et les allophones, le cégep français? Je dis que, si la loi 103 est appliquée telle quelle, là, dans mon propre raisonnement, ma propre réflexion, ma propre démarche, je m'ouvre à l'idée du cégep en français pour tous les allophones et les francophones. Est-ce que c'est brimer leur liberté? Bien, est-ce que c'est brimer la liberté de tous les citoyens qui s'installent en France d'apprendre le français à l'école française? Est-ce que c'est brimer la liberté des Allemands, des citoyens allemands, des citoyens américains, des citoyens italiens? Ce n'est pas brimer leurs droits que de les envoyer à l'école de la langue nationale du pays d'accueil.

**(11 h 30)**

Eh bien, de la même manière, si l'on veut que le Canada existe en tant qu'État multinational, il faut que, sous certains aspects, on reconnaisse une sorte de ressemblance du Québec avec un État souverain, sur le plan linguistique par exemple. Il faudrait que, là, ce soit un petit peu comme si on était dans un autre pays.

Mais on n'a pas besoin de croire à cette idée du pays pour être d'accord avec mon point de vue, là. Au contraire, même, je dis, si on veut la viabilité du fédéralisme multinational, bien il va falloir qu'on donne de la place à l'intérieur du Canada pour le Québec en permettant aux Québécois d'imposer une langue publique commune sur leur territoire. Si ça ne peut pas être fait au niveau du primaire ou secondaire, ça va être fait au niveau cégep.

Le Président (M. Marsan): Mme la députée de Mille-Îles, ça va?

Mme Charbonneau: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour. J'ai vu que votre mémoire avait été numéroté 02. J'ai compris votre empressement de nous guider, oui, de nous guider. Donc, vous avez...

M. Seymour (Michel): Je ne suis pas... Je n'ai pas été le premier? Ah!

Mme Charbonneau: Mais, des fois, on est bon deuxième, vous savez. Il faut savoir. Surtout qu'en philosophie on pourrait imaginer plein de choses par rapport aux premiers puis aux deuxièmes. Je veux vous ramener à un débat qui me touche énormément mais qui n'est pas nécessairement rattaché à vos propositions. Mais je vous amène sur le palier que vous connaissez bien, c'est-à-dire la philosophie, entre le droit collectif et le droit individuel.

Vous l'avez bien mentionné à ma collègue auparavant, on fait toujours partie du Canada. Je viens du monde scolaire et j'ai eu le privilège de rencontrer des gens du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve, d'un peu partout, qui nous disaient: S'il vous plaît, gardez une vision du français, c'est important, sans vous fermer au complet parce que, nous, à l'extérieur, nous qui vous regardons des autres provinces, on aimerait bien savoir qu'on a encore de la place parce que, si vous posez des gestes trop drastiques par rapport à la langue française, les autres provinces vont aussi se camper de façon drastique.

Alors, le droit collectif et le droit individuel, pour moi, c'est de garder un esprit ouvert. Je ne vous dis pas que vous avez tort, je ne vous dis pas que vous avez raison, mais je veux vraiment mieux camper l'idée que, si, nous, on reste avec une version ouverte, pas tous azimuts, je vous entends, mais ouverte, on garde et on oblige les provinces à avoir un regard ouvert sur la langue française. Parce que, vous savez, une école, au Nouveau-Brunswick, francophone, là, ça ne vit pas aussi grassement qu'une école francophone au Québec, ça a beaucoup plus de difficulté. Ça ne veut pas dire que ça ne veut pas vivre, et puis que ça ne veut pas survivre, puis que la langue française n'est pas moins importante, mais la pression collective est importante.

Alors, j'entends vos propositions. Je vous entends parler de l'immigration; ça m'inquiète, parce qu'il faudrait aller voir ce qui régit l'immigration. Ils ont des obligations qui sont importantes par rapport à la langue. Donc, entre le droit collectif et le droit individuel, comme citoyen québécois qui fait partie du Canada, ils se situent où, philosophiquement, mon droit collectif puis mon droit individuel?

M. Seymour (Michel): Vous posez des belles questions, et ça nous donne...

Le Président (M. Marsan): Oui. Oui, et il reste très peu de temps, M. Seymour. Alors, très rapidement.

M. Seymour (Michel): Oui, d'accord. Je vais être très bref, malgré l'engouement que j'aurais à vous répondre longuement là-dessus. Écoutez, c'est précisément ça qui est en jeu ici, là. Vous jouez fortement la carte de l'ouverture, mais j'estime qu'elle est une ouverture à sens unique, dans le projet de loi n° 103, en faveur des libertés individuelles. Les droits collectifs ne sont pas affirmés assez fortement. Vous donnez raison à la Cour suprême, qui a brisé l'équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels en disant qu'on devait laisser passer, au nom de la liberté individuelle, les gens dans la communauté de leur choix, alors que le Parti libéral était pour le loi n° 104, était pour l'équilibre qui avait été instauré alors.

Alors, pour préserver cet équilibre, pour préserver l'ouverture que vous défendez, je vous dis: Il faut un train de mesures, comme celui que j'indique ici, pour qu'il y ait un tel équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs. J'étais à Moncton il y a quelques mois et j'ai parlé aux représentants du peuple acadien là-bas. Et la chose que je réalise, c'est qu'effectivement le Québec doit de plus en plus défendre, avec le peuple acadien, la minorité franco-ontarienne et les peuples autochtones, les droits collectifs des peuples minoritaires du Canada. Probablement que là les nationalistes québécois n'ont pas suffisamment fait leur devoir en ce sens. Mais il est hors de question, pour défendre les minorités à l'extérieur du Québec, de négliger les droits collectifs du peuple québécois.

Le Président (M. Marsan): Merci. Ceci termine la première période d'échange avec le parti ministériel. Nous poursuivons avec l'opposition officielle. Et je vais céder la parole au député de Borduas, porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue. M. le député.

M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Seymour. Dans le fond, ce que vous venez nous dire ce matin, c'est que vous confirmez le fait que... L'ex-leader parlementaire du Parti libéral a dit: Les commissions parlementaires, ce sont des lieux où l'on vient après que les décisions sont prises. Puis ça vient d'être confirmé par le nouveau leader, qui dit: De toute façon, nous, on ne bougera pas, on n'appliquera pas 101, oubliez ça, la loi n° 103 va s'appliquer. Hein? Ça, ce sont deux affirmations qui sont très conformes, très solides.

Ce que vous faites ce matin, c'est en prendre... je dirais, considérer que ce point de vue là, vous y croyez. Est-ce qu'à votre avis de philosophe il n'y a pas un déni du sens même d'une commission parlementaire quand on affirme clairement que cette commission parlementaire là ne changera pas une décision qui est préalablement établie? Et est-ce qu'on n'est pas en train de dire et d'envoyer un message extrêmement sévère à tous ceux qui se donnent la peine, comme vous l'avez fait, non seulement de rédiger un mémoire, qui était, lui, clairement en faveur de l'application, mais en plus qui sont obligés d'en rédiger un autre pour tenir compte du fait que cette consultation-là finalement est relativement bidon puisque la décision est prise et qu'elle ne changera pas?

M. Seymour (Michel): En tout cas, j'ai essayé, par mon mémoire, de voir comment on peut tendre la main à ceux qui ont mis de l'avant le projet n° 103. Donc, je maintiens ma stratégie d'ouverture. À l'occasion d'une commission comme celle-là, on doit essayer par tous les moyens possibles de faire des ouvertures. Quand j'ai vu clairement que le gouvernement se peinturait dans le coin au lieu de proposer, comme Jean Chrétien, de marcher sur la peinture, j'essaie de voir comment ils pourraient maintenir leur idée de donner des droits, eu égard aux francophones et allophones, d'utiliser l'école non subventionnée, privée, comme un moyen pour développer leurs habiletés pédagogiques, et éventuellement même j'essaie de voir dans quelles conditions j'accepterais qu'ils puissent ensuite passer à l'école anglaise. Ça, c'est avec le sentiment par ailleurs que, comme je l'ai dit, la Cour suprême s'est trompée. Je trouve ça... pardonnez-moi, là, mon emportement relatif, mais c'est terrible de penser que des personnes non élues se pointent tout d'un coup, sortent de leur tanière, nous présentent un jugement qui ne tient pas compte du consensus québécois qui existait pour briser tout ça, repartir derrière leurs portes closes ensuite. Je suis profondément scandalisé parce qu'à ce moment-là on se retrouve à argumenter dans le vide. Bon.

Néanmoins, j'essaie de composer avec le jugement de la Cour suprême. La ministre nous dit: Il est hors de question d'étendre la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Bien, j'essaie de composer avec ça. Je présente quelque chose qui serait compatible avec ça. Mais, dans la recherche de l'équilibre qui existait avec la loi n° 104 et qui maintenait la liberté pour le secteur privé, pour les francophones et les allophones, j'essaie de restaurer cet équilibre, et il me semble qu'on y parvient avec le train de mesures que je propose ici.

Si, en plus de ça, on me dit: Vous allez trop loin, la réputation, les autres communautés... j'estime que, là, moi, j'ai fait le maximum. Et, si on dit que c'est encore insatisfaisant, ce n'est pas parce que je vais trop loin, c'est parce que le gouvernement, en ce moment, ne saisit pas l'occasion fondamentale qui lui est donnée de parler et de répéter le consensus québécois. Vous vous êtes tout d'un coup mis à vous plier complètement sans essayer de revenir à la charge en restaurant l'équilibre qui existait avec la loi n° 104.

**(11 h 40)**

M. Curzi: Donc, je comprends que, dans votre position comme philosophe, ce que vous dites clairement, c'est: Si j'avais le choix réel et je ne me butais pas à une fin de non-recevoir, le contenu de mon mémoire tel qu'il a été présenté à l'origine, c'est celui-là que je proposais. Et, celui-là, je me souviens de l'avoir lu, à ce moment-là, c'est donc clairement l'application de la loi 101 parce que ça vous semblait être dans l'équilibre du droit collectif, et vous l'affirmiez d'une façon très claire. Vous affirmiez très clairement la prépondérance du droit collectif et le fait que, malgré qu'il y ait effectivement une certaine brimade de certains droits individuels, il vous apparaissait que, dans l'équilibre, il valait mieux adopter cette position-là au niveau de la défense. Et votre argumentaire était intéressant puisqu'il inversait en quelque sorte le jugement et qu'il faisait reporter justement sur la Cour suprême son inadéquation à tenir compte d'un droit collectif. Et vous aviez tout un concept de nation, et vous le développez ici mais d'une façon qui est... que je comprends, qui cherche philosophiquement aussi: Puisqu'il y a un mur, est-ce qu'on peut contourner le mur?

Donc, regardons cet aspect-là. Moi, l'impression que j'ai à première vue -- parce qu'on vient de le recevoir -- c'est que j'ai l'impression qu'en quelque sorte pour contrer le problème des écoles passerelles, vous en créez deux, c'est-à-dire que vous... Et ça, dans ce sens-là, ce qui est apparu dans la proposition de M. Bernard, c'était un petit peu ça, c'est qu'il disait: On va allonger... rétrécir la passerelle, mais on va la maintenir; avec donc les mêmes conséquences qu'il était toujours possible d'avoir accès au système public, on était toujours dans des jugements où des fonctionnaires sont obligés de juger et donc sont susceptibles d'être contestés, et on était toujours dans les mêmes problèmes.

Là, votre proposition, dans un sens, elle va encore... je dirais, elle va à la fois plus loin et moins loin, elle crée une possibilité, donc, pour tout le monde d'avoir... Là, on parle carrément de libre choix, après une déclaration solennelle, mais on prévoit que cette déclaration solennelle là, pour toutes sortes de raisons qu'on ne juge pas... Donc, dans un sens, dans votre proposition, on affaiblit jusqu'à un certain point ce qui... bon, enfin, on enlève cette espèce de verrou qu'aurait pu être une décision de quelqu'un chargé de l'appliquer, un fonctionnaire. Vous enlevez ce verrou-là, parce que vous dites: Une déclaration solennelle, vous allez faire votre parcours entièrement dans des écoles non subventionnées, donc vous en assumez les frais, sachez que tout l'environnement que vous allez... vous devez vous intégrer à une communauté dont la langue commune est le français. J'ai bien lu les préalables. Ça, ça va. Mais, cependant, ce que vous dites, ce que vous ajoutez, c'est que, si jamais il vous arrivait, pour quelque raison, revers de fortune, et que vous décidez de continuer dans le système public anglophone, vous aurez l'obligation d'aller au cégep, bien, sans vous commettre sur l'obligation du cégep pour les francophones et les allophones, mais on aura sans doute l'occasion d'en reparler.

Cependant, j'ai au moins une question, c'est: Qu'arrive-t-il des frères, des soeurs et des ayants droit?

M. Seymour (Michel): Bien, je pensais qu'en partie le principe que j'invoquais ici, c'est un principe qui va au-delà simplement de ceux qui font le passage du privé non subventionné au public anglophone subventionné, parce que le principe, c'est: tous ceux qui n'auront pas un parcours essentiellement en français au primaire et au secondaire, donc pas simplement ceux qui font le passage mais aussi les autres qui iraient ensuite automatiquement, le frère ou la soeur qui irait automatiquement au privé non subventionné ou carrément à l'école anglaise publique, tous les gens qui n'ont pas leur parcours essentiellement en français au primaire et au secondaire vont devoir aller au cégep. Donc, c'est une mesure qui affecte tous les francophones et les allophones qui n'ont pas leur parcours essentiellement en français ou en anglais. Ceux qui utilisent une école passerelle et leurs frères et soeurs aussi sont dans cette situation. Donc, ça a une application, au-delà de ceux qui font le passage, ça a une application aussi au niveau de leurs frères et soeurs.

Sur le fond cependant de votre interprétation, il est vrai qu'au moment où j'ai rédigé mon rapport, j'étais encore sous le coup d'une colère que je contrôle encore mal parce que je sens qu'elle est celle de la société québécoise en général. Et c'est en ce sens-là que j'ai affirmé assez... de manière draconienne: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on étende la loi 101 au niveau de l'école privée. Je sais qu'il faudrait alors, si on fait ça, éventuellement faire face à des contestations, mais la mesure de Louis Bernard aussi, j'en suis parfaitement conscient. On va de toute façon se retrouver encore en Cour suprême, quoi qu'il arrive. Peut-être que la loi n° 103, si elle est appliquée telle quelle, elle va réussir le magnifique coup de nous éviter cet écueil, je ne sais pas, mais elle va juste écoeurer carrément les Québécois. Alors, ce n'est pas la bonne solution.

Mais je suis en train de réfléchir malgré tout à cette question de l'équilibre et je me demande... Je ne voyais pas comment on pouvait, dans le nouveau contexte -- parce que pour moi l'équilibre parfait était avec la loi n° 104 -- je ne voyais pas comment, dans le nouveau contexte, maintenir cet équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs sans étendre la loi 101 au niveau des écoles privées non subventionnées. Je ne le voyais pas. Alors, voilà pourquoi dans mon mémoire je l'ai affirmé, qu'il fallait faire ça.

Maintenant, avec ce que j'ai à vous livrer comme réflexion, je vois comment, avec une constitution interne, un message à envoyer aux immigrants, une création d'une citoyenneté québécoise, les balises de Louis Bernard, plus le cégep en français pour tous ceux qui n'ont pas un parcours primaire et secondaire en français, bien là, je trouve qu'on est en train de se rapprocher de l'équilibre qu'on avait avec la loi n° 104. Et, pour cette raison, je me serais rallié à une proposition qui irait dans ce sens-là. Mais, si le projet de loi n° 103 est adopté tel quel, alors, à ce moment-là, je suis un nouvel adhérent à l'idée du cégep en français pour les allophones et les francophones du Québec dans l'ensemble.

M. Curzi: Le fait de fréquenter l'école non subventionnée en anglais confère quand même le droit actuellement de... oui, le droit, en fait, puisque ce que vous dites, c'est qu'il faudrait faire l'ensemble du parcours. Donc, ça veut dire qu'il n'y aurait aucune... Je veux juste essayer de comprendre, là, des histoires de cas, là. Ça veut dire qu'il serait impossible pour quelqu'un de faire, par exemple, quelques années dans une école anglophone privée non subventionnée et... Oui, il aurait accès, à ce moment-là, à...

M. Seymour (Michel): Si, après deux, trois ans à l'école privée anglophone non subventionnée, s'il s'en va à l'école francophone privée ou francophone...

M. Curzi: Ah non! Il n'y a pas de problème.

M. Seymour (Michel): ...il n'y a plus de problème.

M. Curzi: Mais il peut aller...

M. Seymour (Michel): Ce n'est pas l'essentiel de son parcours qui est en anglais.

M. Curzi: Mais il peut aller dans le système public anglophone.

M. Seymour (Michel): Bien, c'est-à-dire, dans certaines conditions, il pourrait le faire. Je n'ai pas énuméré toutes les conditions; M. Bernard en énumère plusieurs autres. Et, en passant, qu'il y ait des gens pour évaluer ça, ce n'est pas mentionné dans mon mémoire, mais ce n'était pas exclu non plus. Donc, il y a des conditions où on l'autoriserait, qu'ils passent de l'anglais non subventionné à l'anglais public, mais, dans ces conditions-là, vu que leur parcours ne serait pas essentiellement en français au primaire et au secondaire, eh bien, ils seraient obligés d'aller au cégep de langue française.

Ce n'est pas anticonstitutionnel, ça répond à l'objectif fondamental de l'intégration des allophones et des francophones à l'école française et ça a un effet potentiellement dissuasif pour ceux qui disent: On va passer outre à la langue française. Non, on les attend dans le détour. Et, s'ils veulent vraiment être capables de rentrer au collège en français et être en mesure de s'en sortir, il va falloir qu'ils soient déjà assez immergés en français avant d'y arriver. Donc, ça crée une mesure dissuasive pour une version abusive de l'utilisation des écoles privées non subventionnées en anglais.

M. Curzi: On ouvre une porte à... bon, en fait, une porte, puis je ne suis pas contre, là. L'idée, ce serait donc qu'après le primaire et le secondaire, pour allophones et francophones qui auraient choisi ce parcours-là, évidemment, s'il ne vont pas au cégep, on peut dire que leur intégration à la communauté ou en tout cas, à la langue anglaise sera réussie. Si tel était le but qu'ils poursuivaient, ils auront réussi. En ce sens-là, on échappe un certain nombre. Mais ça, ce que vous dites, c'est que c'est relativement limité puis que, bon, on vivra toujours... O.K.

Pour ceux qui... et je pense beaucoup aux nouveaux arrivants dont on exige de plus en plus qu'ils soient formés, plusieurs arrivent, et c'est une des grandes constations, c'est qu'il y a un phénomène d'anglicisation parce que les gens qui arrivent de partout, et qui veulent travailler à juste titre, et qui ont déjà une certaine compétence vont souvent aller se former dans des... et ils ont le choix à ce moment-là. Ils peuvent aller vers les cégeps francophones, ou les écoles de métier anglophones ou francophones. Est-ce que, dans votre tête, cette application-là, l'obligation de fréquenter le cégep français s'appliquerait aussi aux gens qui arrivent?

**(11 h 50)**

M. Seymour (Michel): Peut-être juste une remarque que je voulais faire. Je vous remercie de me donner l'occasion de la faire. Un enfant d'immigrant qui arrive ici, et qui a 13 ans, 14 ans, et qui a eu une éducation dans une autre langue, je crois que, dans ce cas-là aussi, on devrait lui imposer le français au niveau des collèges. Ce que ça montre, ça, ici, c'est que, dans la logique de l'intégration à la langue française, qui était un objectif de la loi n° 104, on doit, si on maintient ça au lieu de capituler face à la Cour suprême, si on maintient cet objectif-là, il faut alors absolument s'ouvrir un peu, moyennement ou beaucoup, selon les positions politiques, à l'idée du cégep en français pour les allophones et les francophones. Et je vois que ce n'est pas rien qu'une mesure en l'air, isolée, elle est organiquement liée à l'équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs.

Et je dois ajouter aussi que je n'ai pas énoncé tout ce que je conçois comme moyens pour renforcer et valoriser la langue française, mais, pour moi, la langue de travail dans les entreprises de 10 employés et plus, ça fait partie de cette valorisation-là. Un gouvernement qui fait la valorisation du français langue au travail, la valorisation du français à l'arrivée des citoyens, la création d'une citoyenneté québécoise, du français comme langue de la citoyenneté, qui est énergique dans la promotion du français, bien un gouvernement comme ça peut effectivement nous convaincre que, pour préserver l'équilibre, l'école privée devrait rester une affaire de liberté. Mais, si le gouvernement n'a pas de telles mesures, bien, à ce moment-là, l'équilibre est rompu, à mon avis.

M. Curzi: Je comprends bien. Ce que vous dites, ce que vous suggérez ce matin, d'abord, c'est un tout, il y a plusieurs... un ensemble de mesures, et qu'en plus ces mesures-là devraient s'intégrer dans une politique globale de...

M. Seymour (Michel): La promotion de la langue française.

M. Curzi: Oui, voilà, qui favoriserait la langue française. Peut-être, Monique, tu avais une question? Ça va. J'en avais une qui m'a échappé. Ah bon, bien, ça va pour moi. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Bien, je vous remercie beaucoup.

M. Curzi: ...M. Lemay avait...

Le Président (M. Marsan): Oui. Il reste une minute.

M. Lemay: Ça va être très rapide.

Le Président (M. Marsan): Allez-y. M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques.

M. Lemay: Bonjour. Simplement, rapidement arriver à ma question, mais répondre aussi à ma collègue qui a peur de la réaction des provinces du Canada, une réaction drastique d'après elle. Bien, la réaction des autres provinces a déjà eu lieu: les écoles francophones catholiques ont été fermées pendant 100 ans à l'extérieur du Québec. Donc, je pense que le passé est là pour le prouver.

Une simple question. On le sait maintenant que la loi 101 a été amendée plus de 200 fois. Plus on met de règles, comme vous le proposez, d'ailleurs, fort bien, je dois le dire, comme Me Bernard aussi... mais, dès qu'il y a des règles d'application, et tout, c'est là que c'est contesté et c'est là qu'on perd toujours parce que, comme vous le savez, la Cour suprême est comme la tour de Pise, hein...

M. Seymour (Michel): La cour de Pise.

M. Lemay: La cour de Pise, voilà. Alors, comment réussissez-vous à concilier le projet que vous déposez et les contestations inévitables qui vont arriver...

Le Président (M. Marsan): En terminant...

M. Lemay: ...peu importe le volet?

Le Président (M. Marsan): En terminant, M. Seymour.

M. Seymour (Michel): Oui. Bien, la position que je défends ici, c'est que, dès que cela va se produire, on montre que c'est... on démontre, on peut le démontrer que ce train de mesures respecte l'équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs. Alors, à moins d'être carrément individualiste et de nier les droits collectifs, s'ils font ça, ils devraient être sensibilisés au fait qu'il y a une autre vision des rapports juridiques entre les droits collectifs et les droits individuels sur le territoire du Québec. Et, s'ils veulent pratiquer le pluralisme juridique au profit des peuples autochtones, pourquoi ils n'accepteraient pas une vision plurielle juridique avec d'autres aménagements pour le Québec? S'ils ne l'acceptent pas, on invoque qu'en vertu de leur propre charte les mesures ici sont compatibles avec une société libre et démocratique. S'ils disent que ce n'est pas le cas: clause dérogatoire. Et, si l'étranger fait un grand soupir de désolation, eh bien, on va aller leur expliquer l'intransigeance de notre cour.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, M. Seymour. Nous poursuivons nos travaux. Et je vais maintenant céder la parole au deuxième groupe d'opposition et au chef de l'Action démocratique, M. le député de Chauveau. M. le député.

M. Deltell: Merci, M. le Président. M. Seymour, soyez le bienvenu à l'Assemblée nationale. Je vais peut-être vous surprendre, mais il y a bien des éléments que vous avez dits avec lesquels je suis d'accord, d'autres avec lesquels je suis férocement contre, mais avec lesquels je suis d'accord. Quand vous parlez d'aviser les immigrants qu'au Québec ça se passe en français, quand vous parlez de citoyenneté québécoise, quand vous parlez d'instituer une constitution au Québec, nous sommes tout à fait d'accord avec votre propos. Et ça n'enlève strictement rien, comme le disait à juste titre la députée de Gatineau tout à l'heure concernant les droits des premières nations -- je suis représentant, d'ailleurs, dans ma circonscription, j'ai une première nation -- et également les droits des familles qui sont établies ici depuis 250 ans, mais il y a consensus au Québec comme quoi le Québec est français, et ce, depuis la loi 22 de 1974 de Robert Bourassa. On parle souvent de la loi 101, mais il faut rappeler que la première fois que le Québec a été défini clairement comme un endroit où la langue, la seule langue officielle, c'est le français, c'est Robert Bourassa qui l'a établi en 1922.

Par contre, lorsque vous dites qu'il faut rendre dans certains cas obligatoire le cégep et appliquer la loi 101 aux cégeps, là, à ce moment-là, je suis totalement en désaccord avec vous, pour la raison suivante. On estime que, lorsqu'on est au cégep, on est à l'âge adulte, et plusieurs personnes font le choix de leur carrière dès ce moment-là, et leur carrière peut les amener à mener des études à l'étranger, à mener des études en anglais, et que le cégep anglophone, même si vous avez fait tout votre parcours en français, peut être un excellent terrain d'apprentissage pour travailler, pour étudier, pour faire les examens, pour faire les recherches uniquement en anglais, et après ça aller à McGill, aller à Concordia, ou aller dans les autres universités américaines, ou canadiennes anglaises, ou à travers le monde. Et on a donc eu l'occasion pendant deux ans au cégep de se pratiquer, entre guillemets, en anglais. Et c'est pour ça que nous estimons qu'implanter la loi 101 au cégep n'est pas une bonne idée.

Et je tiens à vous rappeler aussi qu'on peut être en désaccord avec les jugements de la Cour suprême, mais la Cour suprême demeure le tribunal absolu dans notre système. Quand vous comparez ça à une tanière, je m'inscris en faux. Ces gens-là ont leurs responsabilités, ces gens-là assument. On peut être en total désaccord avec leurs décisions, mais il faut respecter ce qu'ils sont. Ce n'est pas des gens cachés qui sortent de leur tanière de temps en temps, c'est des gens, là, qui sont là pour assumer pleinement leurs justifications, notre système de justice, et, dans toutes les démocraties du monde, vous avez un tribunal supérieur qu'il faut respecter; sinon, désolé, mais la démocratie commence à s'émietter.

Maintenant, j'aimerais vous parler de notre proposition, dont vous avez sûrement entendu parler, c'est-à-dire que, nous, on estime que la meilleure façon de contrer les écoles passerelles, c'est de permettre aux Québécois francophones d'apprendre l'anglais, puisque souvent les parents font le choix d'envoyer leurs enfants dans les écoles passerelles parce qu'ils veulent qu'ils soient bilingues. Nous, on estime qu'au primaire, si on a des cours intensifs d'anglais, on serait capable d'éviter ça et on élimine énormément de gens qui seraient tentés de prendre les écoles passerelles pour qu'ils deviennent bilingues. Et, comme je le disais tout à l'heure, quand on investit plus de 14 milliards de dollars dans notre système d'éducation, si on veut faire face aux défis du XXIe siècle, il est impératif que nos enfants soient bilingues. Nous sommes pour un Québec français, mais des Québécois bilingues et une génération bilingue le plus rapidement possible. Quel est votre point de vue là-dessus?

M. Seymour (Michel): Vous voulez imposer ce système-là?

M. Deltell: Je le souhaite.

M. Seymour (Michel): Mais, si vous étiez au pouvoir, vous l'imposeriez?

M. Deltell: Ah! je le mettrais en marche le plus rapidement possible.

M. Seymour (Michel): Ah bon!

M. Deltell: Pour que nos enfants soient bilingues? Absolument, M. Seymour.

M. Seymour (Michel): Mais pourquoi ne pas... Je veux dire, ne faut-il pas laisser la liberté aux gens de choisir?

M. Deltell: Oui, bien entendu, mais je pense qu'il est de notre responsabilité, comme administrateurs publics, d'assurer la meilleure éducation à nos enfants, et cette meilleure éducation, au XXIe siècle, passe par le bilinguisme.

M. Seymour (Michel): En tout cas, je pense, moi, que c'est une vertu individuelle que le bilinguisme. Je suis moi-même bilingue. J'espère que ma fille le sera. Je fais en sorte qu'elle puisse l'être. De là à instaurer un système, il faut y aller de manière délicate. Il y a différentes mesures. Le Parti québécois, lui, propose qu'au niveau des collèges, il y ait une session d'immersion en anglais dans les collèges de langue française et une session d'immersion en français dans les collèges de langue anglaise. Donc, il y a différentes mesures et, moi, je suis ouvert à la discussion.

Sur la Cour suprême cependant, vous avez raison. Dans tous les pays, nous devons respect à la Cour suprême. Si je suis irrespectueux, peut-être trop, je m'en excuse, mais j'estime que, vu que l'ordre constitutionnel est illégitime, ça accentue la difficulté d'accorder une crédibilité aux conclusions. Il y a déjà quelqu'un qui a dit: Le gouvernement fédéral nomme unilatéralement les juges à la Cour suprême. Ceux-ci se retrouvent à ne pas être élus. Et ils le font sur une constitution qui a été décidée unilatéralement. Dans ce contexte-là, j'estime que la fierté du Québec, qu'on soit souverainiste ou fédéraliste, requiert qu'on soit très critique à l'égard des décisions qui sont prises et qui ont parfois, eh oui, un caractère politique.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Seymour, merci beaucoup pour votre présentation.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 16 heures. Bon appétit.

(Suspension de la séance à 12 heures)

 

(Reprise à 16 h 51)

Le Président (M. Marsan): ...s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives.

Nous sommes heureux d'accueillir cet après-midi les représentants de la commission scolaire de Montréal. Et nous accueillons d'abord la présidente, Mme Diane De Courcy. Mme De Courcy, je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de poursuivre par la suite votre présentation pour une période ne dépassant pas 15 minutes.

Commission scolaire de Montréal (CSDM)

Mme De Courcy (Diane): Certainement.

Le Président (M. Marsan): La parole est à vous.

Mme De Courcy (Diane): Merci, M. le Président. M'accompagnent à cette présentation: à ma droite, Mme Lynda Laurencelle, qui est commissaire-parent à la commission scolaire de Montréal, représentante de l'ordre d'enseignement secondaire mais représentante du Comité central de parents, qui regroupe presque 100 000 parents à la commission scolaire de Montréal -- vous vous souvenez que c'est la plus grande commission scolaire francophone au Québec; à ma droite aussi, Mme Dominique Cousineau, qui est commissaire scolaire dans le quartier très cosmopolite de Parc-Extension et Villeray; et, à ma gauche, M. Maniruzzaman, qui est commissaire scolaire dans le quartier Côte-des-Neiges, certainement le plus cosmopolite au Québec.

Alors, d'abord, d'entrée de jeu, j'aimerais remercier Mme la ministre et les membres de la commission de nous permettre de faire cette allocution et de nous inviter à nous expliquer auprès de vous sur notre point de vue. Nous avons décidé de maintenir notre présentation d'aujourd'hui malgré ce que nous avons lu aujourd'hui et que nous avons probablement mal compris dans les médias, où il était indiqué que le projet de loi serait présenté tel quel à l'Assemblée nationale. Alors, on s'est dit qu'on ne devait pas comprendre les mécanismes. Et malgré tout nous venons vous présenter notre point de vue.

Alors, la commission scolaire de Montréal, dans son cheminement, a procédé à un certain nombre de choses avant d'établir cette déclaration et cette position. Alors, je vous mentionne cette déclaration que je vous lirai dans un premier temps, ensuite je céderai la parole aux représentants qui m'accompagnent, qui souligneront certains aspects de cette déclaration.

Cette déclaration a fait l'objet de discussion à l'ensemble des membres du Conseil des commissaires, elle a fait l'objet de discussion parmi les membres du Comité central de parents de la CSDM, elle a fait objet de discussion aussi auprès des membres de l'administration de la commission scolaire de Montréal. Ce n'est donc pas un point de vue partisan que nous présentons mais un point de vue institutionnel, c'est important, je crois, de vous le mentionner. Alors, je lirai donc cette déclaration.

La commission scolaire de Montréal, plus grande commission scolaire du Québec, demeure toujours convaincue, même trois décennies après l'adoption de la Charte de la langue française, qu'il faut veiller à ce que le français demeure la langue commune de l'enseignement, de la vie citoyenne, du travail et du commerce au Québec. Au coeur de Montréal, nous croyons que nous ne pouvons pas relâcher notre vigilance. Ce choix collectif du français comme langue commune au Québec doit continuellement être réaffirmé, et les discussions entourant le projet de loi n° 103 nous amènent à le redire haut et fort.

La CSDM émet de sérieuses réserves sur ce projet de loi. Ici, je fais une parenthèse quant au texte en vous indiquant que nous comprenons et nous voyons la volonté gouvernementale et la volonté de la ministre de l'Éducation de vouloir régler cette question. Nous ne remettons pas en cause cette volonté, nous croyons que le moyen est mal choisi. Étant d'avis que les dispositions originales de la Charte de la langue française quant à la langue d'enseignement sont tout à fait justes et qu'il faut les faire respecter, par conséquent, nous, à la CSDM, demandons que le gouvernement du Québec retire son projet de loi et utilise la disposition de dérogation prévue à la Charte canadienne des droits et libertés. Souvenons-nous que le recours à cette clause lors de la mise en place des commissions scolaires linguistiques a été nécessaire en 1998. Aucune voix de la communauté internationale ne s'est alors élevée à la défense des droits des enfants et leurs parents. Ma collègue Dominique Cousineau, dans quelques minutes, vous donnera une précision quant à l'utilisation de cette clause dérogatoire.

Les questions que nous posons aujourd'hui sont fondamentales. Pourquoi permettre l'accès à l'école anglaise aux allophones et aux francophones, alors que l'anglais et l'enseignement de l'anglais se portent si bien à Montréal? Je signale que les résultats des élèves de la commission scolaire de Montréal en anglais sont les meilleurs au Québec, et de loin, pour la simple et bonne raison que bien souvent, dans bien des cas, la langue seconde des enfants allophones de la commission scolaire de Montréal est l'anglais.

Pourquoi ne pas plutôt investir dans l'enseignement du français, alors que Montréal s'anglicise à tel point que le bilinguisme est souvent un critère d'embauche pour les parents de nos élèves? Ceci nous a été dit et redit lors de la consultation publique faite par la commission scolaire de Montréal. Lorsque nous avons établi la politique d'éducation interculturelle, nous avons reçu plus de 300 parents provenant des communautés à différentes soirées. Près de 1 000 personnes ont contribué à cette politique en éducation interculturelle, et le message était très clair de la part des parents dont les enfants sont issus de l'immigration, nous disant que la langue de travail était manifestement préférablement l'anglais à Montréal.

La maîtrise du français est devenue une priorité du plan Réussir de la commission scolaire de Montréal à tous les ordres d'enseignement. D'ici aux cinq prochaines années, la CSDM compte atteindre les cibles particulièrement ambitieuses qu'elle s'est fixées pour améliorer la lecture et l'écriture. Je ferai une coquetterie de notre part, je vous dirai que nous sommes contents, nous avons le début de bons de résultats. Nous avons fait régresser le décrochage scolaire de 5 % et les résultats scolaires, notamment l'apprentissage du français se sont améliorés de façon significative.

Notre école francophone est clairement prête à en faire davantage. Nous pourrions, par exemple, offrir des maternelles pour les enfants de quatre ans sur l'ensemble du territoire, notamment dans les quartiers fortement multiethniques où elles n'existent actuellement pas, des services accrus d'aide aux devoirs ou encore davantage de camps d'été en français.

Il faut rappeler qu'au-delà de la scolarisation des enfants c'est tout un réseau de socialisation en français qui est offert aux parents. Sans cette porte d'entrée de l'école, quel réseau pourrait lier les nouveaux arrivants à la majorité francophone quand on sait que près de 40 % des nouveaux arrivants qui ne parlent pas le français ne suivent pas de cours de français? Cette dernière donnée est d'autant plus cruciale qu'en augmentant le nombre de nouveaux arrivants à Montréal nous amplifierons la situation. Mon collègue Maniruzzaman vous parlera de cette situation plus particulière de Côte-des-Neiges en quelques secondes.

À la CSDM, grâce à notre expertise dans l'intégration des enfants et des adultes allophones, nous sommes particulièrement bien placés pour voir les défis que posent la défense et l'avenir du français au Québec. Il s'agit de notre quotidien. Au moment où, à l'évidence, la situation du français se fragilise au Québec, tout particulièrement dans la métropole... À ce point, j'aimerais saluer l'initiative d'ailleurs de la ministre lors du forum à Montréal qui a eu lieu avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. J'ai eu l'occasion de croiser M. le sous-ministre. Nous savons que le programme a du succès et nous sommes très fiers d'y contribuer.

**(17 heures)**

Nous voulons, à l'occasion des audiences publiques sur le projet de loi n° 103, accomplir ce qui suit.

Convaincre le gouvernement de retirer son projet de loi en ayant recours à la disposition de dérogation. De cette façon, tous les parents et enfants, riches ou pauvres -- j'insiste, riches ou pauvres -- de toutes les écoles du Québec, privées ou publiques, auraient les mêmes droits;

Démontrer à la ministre de l'Immigration l'importance de soutenir plus fermement la francisation des élèves jeunes et adultes de Montréal, puisque c'est dorénavant son mandat;

Nous assurer que la langue de travail au Québec est bien le français et ainsi soutenir les actions qui ont découlé du rendez-vous auquel je fais allusion, le Rendez-vous des gens d'affaires du Montréal métropolitain, coprésidé, précisons-le, par Mme Hudon, ex-présidente de la Chambre de commerce de Montréal et par notre premier ministre, M. Jean Charest, quant à la francisation des petites entreprises et commerces montréalais qui emploient les parents de nos élèves ainsi que plusieurs de nos élèves.

Le Québec s'est doté d'une école publique qui peut et doit continuer de veiller à la démocratisation de l'éducation et exercer son pouvoir de levier social pour l'intégration des nouveaux arrivants, qui sont des Québécois, certes, mais surtout des nouveaux Montréalais. La commission scolaire de Montréal, plus grand réseau d'écoles publiques du Québec, entend jouer pleinement ce rôle que la société québécoise lui a confié.

Je céderais maintenant pour quelques minutes la parole d'abord à Mme Cousineau pour qu'elle vous donne un bref point de vue autour de la question de la clause dérogatoire.

Le Président (M. Marsan): Mme Cousineau.

Mme Cousineau (Dominique): Oui, merci. Le Québec ne doit pas hésiter à avoir recours à la clause dérogatoire si nécessaire, c'est à ça qu'elle sert. Parfois, un droit collectif peut et doit avoir préséance sur un droit individuel. Je pense ici au droit collectif des Québécois d'affirmer que la langue officielle du Québec est le français et que c'est cette langue qui doit être la langue commune de tous.

Quant à l'image que cela pourrait projeter sur la scène internationale, cela ne m'inquiète pas. Dans tous les pays du monde, on demande aux immigrants d'apprendre la langue de leur communauté d'accueil. La loi 101 ne fait ici, au fond, que rétablir ce qui devrait être normal. L'obligation pour les francophones et les allophones de fréquenter l'école française est peut-être l'élément le plus fondamental de la Charte de la langue française.

La loi n° 104 venait colmater une brèche inadmissible, tellement inadmissible que l'Assemblée nationale, on s'en rappellera, l'avait adoptée à l'unanimité. Le fait que la Cour suprême ait invalidé la loi n° 104 ne change rien sur le fond. La brèche que constituent les écoles passerelles était et demeure inadmissible, et le gouvernement doit utiliser tous les outils à sa disposition, y compris la clause dérogatoire, pour s'assurer du respect de l'esprit de la Charte de la langue française. Merci.

Mme De Courcy (Diane): Nous rappelons que le gouvernement du Québec a été salué, et ce, tous partis confondus, lorsqu'il l'a utilisée pour la mise en place des commissions scolaires linguistiques. Je céderais maintenant la parole à M. Maniruzzaman.

Le Président (M. Marsan): M. Maniruzzaman, la parole est à vous.

M. Maniruzzaman (Khokon): Merci, M. le Président. C'est un grand plaisir d'être devant une telle commission avec notre présidente, Mme Diane De Courcy. J'habite dans Côte-des-Neiges. Comme vous le savez, c'est un quartier très coloré. Côte-des-Neiges est connu pour sa multiethnicité, c'est un quartier cosmopolite. Selon les statistiques, il y a plus que 168... représentants de 168 ethnies, et les langues parlées, c'est 130.

La question, c'est: Quelle doit être la langue commune en face de cette diversité? La réponse, ça va être: Français, bien sûr. C'est la langue du Québec, c'est la langue de la majorité. Nos écoles sont les places pour l'intégration. Et, pour intégrer les nouveaux arrivants, les immigrants à la société québécoise, quelle sera la langue? Ça doit être la langue française.

Moi-même, je suis un immigrant. Après avoir arrivé au Québec, j'ai appris de la commission scolaire de Montréal. Et j'ai apporté mes enfants pour faire l'inscription. Je ne cherchais pas d'autres écoles, d'autre commission parce que, pour moi, c'est naturel qu'on fait l'inscription pour nos enfants aux écoles françaises. Imaginons, si je vais aux États-Unis, Angleterre, Italie ou la Russie, quelle sera la langue pour l'enseignement.

Aussi, je peux vous dire: Est-ce que c'est une question de honte ou la fierté d'apprendre la langue française? La langue française, c'est une langue très, très riche. Rappelons que Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, Victor Hugo, Molière, André Gide, Jean-Paul Sartre... On a une richesse très, très grande et on doit être fiers de la langue française. Pourquoi on doit créer un espace pour les mieux nantis pour apprendre la langue anglaise dans les écoles? Ça doit être surtout la langue française.

Mme De Courcy (Diane): Alors, vous comprenez que, dans cet espace qui est celui de Côte-des-Neiges et de Parc-Extension, selon les deux commissaires scolaires, les personnes immigrantes ayant une deuxième langue font le choix du français. En fait, ils ont l'obligation de cette langue, et, de leur point de vue, de ce que nous avons entendu... Mme Laurencelle vous dira brièvement comment les parents réagissent au fait qu'il y ait des gens qui, ayant des fortunes un peu plus grandes, pourraient, entre guillemets, s'acheter un privilège. Mme Laurencelle.

Le Président (M. Marsan): Mme Laurencelle, en terminant.

Mme Laurencelle (Lynda): Merci. Les parents m'ont permis de venir m'adresser à vous avec le message suivant. Pour eux, l'image que ça leur envoie, la loi n° 103, c'est de dire: Si tu es un nouvel arrivant bien nanti, tu peux contourner la loi -- légalement, mais tu peux la contourner quand même -- en allant dans les écoles publiques... privées non subventionnées pour ensuite te diriger vers une école anglophone. Et, bien, si tu es moins nanti, bien tu te contentes de l'école francophone publique que nous avons à Montréal. C'est cette image-là qu'ils ont reçue avec cette loi-là.

Ils ne sont pas heureux de cette décision-là, bien de cette loi-là. Pour eux, c'est une claque pour eux, c'est ce qu'ils ont dit à la dernière rencontre. C'est comme leur dire que nos écoles publiques francophones sont moins bonnes et que, si tu as des sous, bien, écoute, passe par là, puis ça va aller mieux, tu vas aller à l'école anglophone, et ça va être beau. C'est vraiment cette image-là, ce message-là qu'ils ont reçu, et ils souhaitent ardemment qu'on en reste à la dérogation, au lieu de changer ça pour les écoles passerelles. C'est le message.

Mme De Courcy (Diane): Je vous remercie de nous avoir entendus.

Le Président (M. Marsan): Oui. Merci de nous avoir donné la position de la commission scolaire de Montréal. Et nous commençons immédiatement la période d'échange. Et je cède la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Merci d'être ici aujourd'hui. Merci aussi pour votre patience parce que vous avez vu que vous avez été décalés un peu dans le temps, étant donné nos travaux à l'Assemblée nationale. Alors, merci d'être parmi nous.

Tout d'abord, je voudrais comprendre un peu. Sur la question d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, vous dites que, dans tous les pays du monde, on doit apprendre... on doit aller à l'école dans la langue du pays, la langue publique du pays. Ici, bon, on a deux communautés, on a la communauté anglophone, la communauté francophone. Alors, ce n'est pas un modèle qu'on retrouve... on en retrouve un peu à certains endroits mais pas partout dans le monde. Et, partout dans le monde, à ma connaissance, il y a des systèmes d'écoles privées non subventionnées.

Quand je suis allée personnellement à Washington, si j'avais eu des enfants puis si j'avais voulu les envoyer étudier en français, j'aurais dû les envoyer au collège, dans un lycée français, puis ça coûte 20 000 $ par année, je pense. Alors, dans les pays, il y a ça, ça existe, un système privé non subventionné. Ici, on a le système, là, de passage, là, quelque chose qui n'est pas permanent, là, on a ça. Mais quand même ça existe, alors on ne peut pas dire que ça n'existe pas, ces écoles-là dans d'autres pays, ça existe ici aussi.

Je voudrais savoir, moi, depuis 1977... Peut-être que la question, là, va vous demander de la recherche, mais est-ce que vous êtes en mesure de nous dire, depuis 1977, c'est-à-dire depuis l'adoption de la loi 101, combien d'enfants allophones ont fréquenté l'école publique francophone à Montréal?

**(17 h 10)**

Mme De Courcy (Diane): Je ne suis pas en mesure de vous le dire maintenant, mais je suis en mesure très certainement de vous donner... de faire parvenir à la commission les chiffres. Mais vous comprenez qu'on a été en progression de façon très, très importante à cause, à cause notamment de la loi 101. Ça a été très important comme phénomène.

Je voudrais, si vous permettez, être bien au clair. Nous ne touchons pas et nous n'évoquons pas le fait que des écoles privées non subventionnées ne doivent plus exister, mais nous croyons que, lorsque les parents font ce choix, ils le paient, fort bien, mais, lorsque, pour des raisons qui leur appartiennent ou qui appartiennent à leur situation économique qui change ou à leur situation globale change, ils doivent retourner à l'enseignement en français, que ceci ne leur donne pas un privilège qui appartient à la minorité anglophone historique au Québec, lequel bien sûr nous n'attaquons pas en aucune façon, nous comprenons très bien. Et nous côtoyons avec beaucoup d'agrément les deux minorités, à telle enseigne d'ailleurs que nous avons demandé à la ministre de l'Éducation, dans le cas du boom démographique qui fait en sorte que les écoles vont devenir surpeuplées, et c'est une très bonne nouvelle, de partager les équipements d'ailleurs avec la communauté anglophone.

Mme St-Pierre: Mais là j'essaie de... Vous dites: Nous comprenons que des parents puissent envoyer les enfants dans les écoles privées non subventionnées, ce que vous dites, c'est qu'il ne faut pas qu'ils fassent le passage, tout le monde...

Mme De Courcy (Diane): Voilà. On s'entend tous là-dessus.

Mme St-Pierre: ...s'entend là-dessus. C'était ce que 104 faisait.

Mme De Courcy (Diane): Voilà.

Mme St-Pierre: Mais on doit trouver avec... Et on pense qu'avec le projet de loi n° 103... Tout d'abord, je veux juste faire une parenthèse parce que vous avez commencé vos propos avec les remarques de M. Jean-Marc Fournier hier. On a réécouté -- parce que ça a été rapporté comme ça dans les médias -- on a réécouté les bandes sonores de la conférence de presse que M. Fournier a donnée et il n'a jamais parlé d'adoption intégrale, là. C'est un parlementaire aguerri, très conscient que les travaux se poursuivent. Puis il y a des gens qui arrivent avec des idées et nous font des recommandations. Donc, je m'en allais où avec ça, là? Je vais retrouver mon idée.

Alors, pour parler des enfants qui fréquentent les écoles publiques francophones à Montréal, on a vu qu'avec l'adoption de la loi en 1977 ça a comme vraiment permis, là, d'augmenter la clientèle dans les commissions scolaires francophones. Du côté des anglophones, on nous dit aujourd'hui que, bon, leur clientèle a baissé mais on... Il y a eu des diminutions au cours des dernières années, mais, avec justement les naissances, ça devrait remonter dans les deux commissions scolaires. Alors, de ce côté-là, bien on est heureux de voir qu'il y a plus d'enfants qui vont fréquenter les écoles.

Qu'est-ce que vous faites avec la... Quand on parle de la scène internationale, qu'est-ce que vous faites avec l'engagement du Québec vis-à-vis le Pacte sur les droits civils et politiques?

Mme De Courcy (Diane): Nous sommes très à l'aise, quant à nous, à cause probablement d'un lien que nous faisons et qui, je pense, mérite d'être fouillé. Notamment, quand il y a eu la mise en place des commissions scolaires linguistiques, la clause «nonobstant» a été utilisée pour maintenir l'enseignement religieux catholique dans les écoles et l'enseignement religieux protestant pendant une certaine période de temps. Vous avez d'ailleurs, certains parlementaires qui sont autour de la table... participé à l'utilisation de cette clause «nonobstant».

Et, contrairement à ce qui se disait dans l'opinion... une certaine opinion publique, parce que c'est trop fort de généraliser, dans une certaine opinion publique, notamment du côté des gens qui étaient très militants autour de la religion, on nous indiquait que la communauté internationale était pour réagir de façon très forte. Le discours que nous entendons maintenant quant à cette réaction était le même que nous entendons aujourd'hui. Alors, nous croyons sincèrement qu'il n'y aura pas cette réaction.

Par ailleurs, nous ne sommes pas des juristes, probablement... Nous sommes des généralistes. Probablement que l'utilisation de la clause «nonobstant», tel que vu lors de la mise en place des commissions scolaires linguistiques, a peut-être moins de liens avec ce que vous me dites, mais il n'en demeure pas moins que l'utilisation de cette clause dérogatoire nous a aidés, tous, à collectivement aller dans le sens de ce que la population voulait, même si une minorité était en désaccord. C'était ça, la mise en place des commissions scolaires linguistiques. Et toutes les clauses entourant l'utilisation de la clause «nonobstant» pour l'enseignement religieux, nous n'avons plus eu recours depuis que nous avons mis en place le cours d'éthique et religion. C'est le lien que nous faisons.

Mme St-Pierre: Mais, si ma mémoire est bonne, c'était une situation temporaire, pour permettre le changement constitutionnel bilatéral. C'est ça, si ma mémoire est bonne, là. Je me souviens d'avoir...

Mme De Courcy (Diane): Oui, c'était pour une période temporaire qui a quand même été assez longue, hein? Souvent, c'est le cas. Ça nous a pris presque 10 ans, je crois, si je ne m'abuse, quant à cette utilisation. Et nous pensons que, s'il y a d'autres solutions, bien faisons la même chose, temporairement prenons cette solution et essayons de trouver d'autres solutions, mais, en attendant, utilisons la clause dérogatoire, puisque les efforts gouvernementaux, de par ce que vous faites comme travail dans l'administration publique... Et le travail des parlementaires manifestement ne correspond pas ni à la volonté du gouvernement, du parti majoritaire, ni du gouvernement en général. Alors, on pense que vous êtes de très bons révélateurs de la population et que conséquemment l'utilisation de la clause dérogatoire, peut-être temporairement, jusqu'à trouver une solution plus finale, vous permettrait de faire une transition très correcte.

Quant à une loi à amender, malheureusement je n'ai pas de suggestion à vous faire. Je pense qu'il n'y a pas 36 solutions et que vous devez utiliser, comme ma collègue le disait, le dispositif qui est prévu à cet effet. S'il n'y avait pas eu des événements ou des moments où on devrait l'utiliser, bien le recours à une clause comme celle-ci n'aurait pas été prévu.

Mme St-Pierre: Il y a cependant des parents des écoles Vision qui sont venus ce matin...

Mme de Courcy (Diane): Oui, je sais.

Mme St-Pierre: ...nous parler de leurs écoles. On nous a parlé de 2 000 élèves qui fréquentent cette année ces écoles. Bon, ils ont expliqué le projet éducatif des parents qui envoient leurs enfants dans ces écoles-là, et ils ont dit que la conséquence d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées viendrait les toucher de front, puisque le projet éducatif que les parents ont choisi ne pouvait plus être possible -- c'est comme ça qu'ils ont expliqué -- et évidemment ça entraînerait possiblement des fermetures de ces écoles-là.

Alors, le projet éducatif qui est choisi par ces parents-là... Puis ils ne nous ont pas dit que c'étaient juste des gens bien nantis, ils ont dit qu'il y a des parents qui faisaient beaucoup de sacrifices pour envoyer leurs enfants dans ce projet pédagogique là parce qu'il n'est pas possible d'avoir ce projet pédagogique là au public. Qu'est-ce qu'on fait avec eux, là, si on applique la loi 101 aux écoles privées non subventionnées le 22 octobre?

Mme De Courcy (Diane): Je crois sincèrement qu'il n'y a pas de projet éducatif qui existe dans le réseau privé qui n'est pas possible dans le réseau public, d'abord. Je serais très étonnée de cette affaire, puisque, notamment au niveau de l'apprentissage des langues, l'importance du réseau des écoles internationales au Québec, l'importance des réseaux des écoles à vocation particulière dont l'apprentissage des langues est très important... Et d'ailleurs, et vous le savez puisqu'on a eu l'occasion de l'évoquer notamment avec des membres de votre bureau de circonscription, dans Ahuntsic-Bordeaux-Cartierville, où la langue arabe est très importante à cause de l'importance de la communauté, bien, hein, vous savez qu'il y aura potentiellement une école internationale où on aura l'enseignement du français, de l'espagnol, de l'arabe et potentiellement du mandarin dans cette école, une école publique du...

Alors, je trouve que ceci fait glisser le débat parce que, somme toute, les parents qui désirent faire encore le choix de ce projet éducatif et de mettre leur argent, durement gagné dans certains cas, dans une école privée non subventionnée pourront continuer à le faire. Pour ma part, ça ne pose pas de problème. Ce qui pose un problème, c'est le retour. Lorsque ces parents feront un choix d'aller dans le réseau public, ce n'est pas leur fréquentation dans ce réseau qui devrait leur permettre d'aller vers l'enseignement public anglophone. Et je suis certaine qu'à ce moment-là, si leurs situation financière ou personnelle change, nous les accueillerons avec plaisir en se rapprochant le plus près possible du projet éducatif qu'ils auront eu dans le réseau privé. Et ceci est vrai, vous savez, pour un très grand nombre d'élèves qui étudient dans le réseau privé et qui, à un certain moment, sont rejetés du réseau privé et reviennent dans le réseau public. D'habitude, ça se passe en secondaire III, IV, V, lorsque malheureusement leur score, leur performance ne leur permet plus d'être parmi ces élèves.

Mme St-Pierre: Mais vous êtes d'accord avec moi que l'immersion n'est pas permise?

**(17 h 20)**

Mme De Courcy (Diane): Bien sûr que oui, qu'elle est permise, l'immersion, et elle est d'ailleurs très actualisée. Je pourrai vous envoyer la liste des écoles qui travaillent en immersion. Et nous sommes même, dans certains cas, dans des écoles où les deux commissions scolaires sont confondues, notamment la très belle école FACE, que vous connaissez, à Montréal, qui est de réputation, d'ailleurs, internationale.

Alors, probablement qu'il s'agit, de la part des parents qui fréquentent ces écoles, d'un choix d'aller vers l'enseignement privé. Je peux en penser ce que je veux, mais c'est malgré tout un choix qui est présent au Québec. Il y a deux réseaux, un réseau public, un réseau privé. Et, bon, on peut vouloir qu'il soit moins subventionné, on pourrait vouloir... mais il existe présentement, et ce choix-là est là. Les parents ont, pour ma part, je crois, une méconnaissance de l'ensemble des projets éducatifs qui pourraient leur être offerts si jamais ils faisaient un choix de retour vers le public et le public francophone. Du côté anglophone, mes collègues des commissions scolaires anglophones vous feraient sans doute le même commentaire, ils vous diraient que, dans leur réseau public, ils ont un réseau d'immersion sans pareil. Sans pareil, hein? Vous le savez.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous avez une idée de combien d'enfants qui fréquentent le réseau francophone auraient le droit de fréquenter le réseau anglophone, qui pourraient avoir le certificat? Parce que j'ai vu un reportage... en fait j'ai lu un article à un moment donné, il n'y a pas longtemps, dans The Gazette, ça disait que, bien, des commissions scolaires faisaient des démarches auprès des parents qui auraient la possibilité d'envoyer leurs enfants, parce qu'ils pourraient être détenteurs du certificat, dans le réseau public anglophone et qui préféraient choisir le public francophone parce qu'ils veulent que leurs enfants apprennent bien... Ils évaluaient ça à à peu près 13 000. Est-ce que vous en...

Mme De Courcy (Diane): Je ne possède pas malheureusement ces données. Je pourrai faire des vérifications, si vous le voulez, et les faire parvenir à la commission, très certainement.

Mme St-Pierre: On a eu, vous en avez entendu parler, M. Louis Bernard qui est venu nous parler du fait que d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, ça pourrait créer certains problèmes. Il dit: «Je pense que, si on l'enlève -- si on enlève la possibilité d'aller dans des écoles privées non subventionnées -- on va avoir des problèmes importants [quand] il y a toutes sortes d'écoles là-dedans. [...]des écoles ethniques, [...]des écoles religieuses, [...]des écoles qui sont à régime pédagogique privé, [...]c'est une réalité très diversifiée. Alors, je pense qu'enlever ça il faudrait avoir des très bonnes raisons. [...]je suis d'accord avec ce que la ministre a dit, qu'au point de vue [internationale], si on passe la clause "nonobstant" -- parce que je pense qu'on serait obligés de la passer -- ça ne serait pas bon pour la réputation du Québec.»

Est-ce que vous pensez qu'on serait obligés de passer la clause dérogatoire si on appliquait la loi 101 aux écoles privées non subventionnées?

Mme De Courcy (Diane): Mes connaissances ne sont pas suffisantes sur le plan juridique pour me permettre de me prononcer sur cette question-là, malheureusement. Mais je voudrais revenir au fond, pour ma part, de cette question. La question est le retour. La question n'est pas d'empêcher, pour le moment, des parents d'aller vers ces écoles, mais c'est la question du droit de retour dans l'enseignement public qui est la question. Et, si, pour ceci, pour éviter des contestations, il faille utiliser la clause dérogatoire, je vous dis: Faisons-le.

Mme St-Pierre: Donc, vous dites que c'est...

Mme De Courcy (Diane): Je vous dis: Faisons-le.

Mme St-Pierre: Vous dites que ce n'est pas nécessaire d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées?

Mme De Courcy (Diane): Si d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées empêche des gens d'y aller parce qu'ils ne font pas partie de la minorité historique, je vous dis: Je ne suis pas là. Nous sommes dans le droit de retour. Alors, si ça veut dire ne pas appliquer la loi 101, peut-être. Je n'ai pas les compétences juridiques pour vous dire qu'il faille ou non appliquer cette loi. Nous sommes plus, nous, dans le retour. Et ce sera vrai pour n'importe quelle, pour nous, école privée. Actuellement, les écoles privées subventionnées qui reçoivent des élèves, leur retour se fait dans l'enseignement en français, hein, ça ne se fait pas en enseignement en anglais.

Mme St-Pierre: Donc, quelle serait la raison qui pourrait permettre... Vous avez parlé tantôt peut-être d'un revers de fortune ou des problèmes financiers. Qu'est-ce qui... S'il arrive quelque chose, là, dans l'école privée non subventionnée puis qu'un enfant francophone ou allophone est là...

Mme De Courcy (Diane): ...doit retourner au public, par exemple. C'est ça que vous dites?

Mme St-Pierre: Parce que, la solution de l'autre côté, c'est on applique ça mur à mur, la loi 101, aux écoles privées, tout le monde, écoles privées non subventionnées. Là, on vient comme créer une certaine secousse sismique de l'autre côté. Vous, vous me dites, si je comprends bien: N'appliquons pas la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, mais c'est au retour qu'il faut trouver une solution. Quelle serait votre solution? Est-ce que c'est la solution de M. Bernard qui ferait la déclaration solennelle?

Mme De Courcy (Diane): Ah non, absolument pas. Nous, ce que nous voulons, c'est que ce soit automatique, automatique. À partir du moment où je suis un parent, j'ai inscrit mes enfants dans une école privée non subventionnée, dans cette école, et pour des raisons x, y, peu importe, elles m'appartiennent, je suis parent. Je désire maintenant aller dans l'enseignement public. Que ça fasse un mois, deux mois, trois ans ou quatre ans, je retourne dans l'enseignement en français.

Mme St-Pierre: ...

Mme De Courcy (Diane): Bien sûr. Mais, pour ça, il va falloir qu'il y ait une certaine protection et l'utilisation de la clause dérogatoire.

Mme St-Pierre: C'est parce que tu ne peux pas l'appliquer, la clause dérogatoire, de cette manière-là, c'est 23. On ne peut pas.

Mme De Courcy (Diane): J'aurais tendance à vous dire qu'il faudrait faire travailler les juristes peut-être plus avant.

Mme St-Pierre: ...travailler très fort.

Mme De Courcy (Diane): Probablement.

Mme St-Pierre: Je peux vous dire qu'il a travaillé plusieurs heures.

Mme De Courcy (Diane): Et si, à ce moment-là...

Mme St-Pierre: Regardez comment il est cerné!

Mme De Courcy (Diane): Et il avait l'air très gai tantôt quand je lui ai parlé. Je vous dis: Si ce n'est pas cette voie-là, et que ce que je vous propose n'est pas la bonne solution, et que ce que d'autres vous proposent ou d'autres qui sont venus ici... s'avère la bonne solution pour atteindre cet objectif, bien allons-y. Et, si ça veut dire l'application de la loi 101, allons-y.

Je vous l'ai dit, nous sommes ici pour vous présenter, nous, notre préoccupation sur le fond. Le moyen, à ce stade-ci, nous pensions que la clause dérogatoire serait le bon. Si c'est l'application de la loi 101, intégrale, faisons-le et, si ceci demande en plus l'utilisation de la clause dérogatoire, faisons-le. Votre volonté était tellement ferme dans la loi n° 104 que je suis certaine que nous devons y trouver... Ce que nous ne voulons pas dans les faits, c'est qu'il y ait un accommodement trop raisonnable.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Je n'ai plus de question. Je veux remercier M. le commissaire de Côte-des-Neiges, félicitations pour votre français. Puis le Parc-Extension... Je pensais avoir le comté où il y avait le plus de communautés culturelles à Montréal, j'en ai 123, mais je me rends compte qu'il y en a qui me dépassent. Alors, bravo. Merci.

Le Président (M. Marsan): Merci, Mme la ministre. Et nous poursuivons nos échanges. Et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.

M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, bonjour, monsieur. Très heureux de vous recevoir. Désolé du retard aussi.

En fait, ce que vous dites, Mme De Courcy, c'est, vous, ce que vous dites clairement, en fait c'est ce que tout le monde dit finalement depuis longtemps, c'est que la loi n° 104 permettait un équilibre et satisfaisait tout le monde?

Mme De Courcy (Diane): Absolument.

M. Curzi: Elle permettait aux parents, donc, d'envoyer leurs enfants dans des écoles en anglais non subventionnées, mais elle empêchait le passage vers le système public. Effectivement, la clause dérogatoire, dans ce cas-là, ne peut pas s'appliquer, et c'est la raison pour laquelle, le jugement de la Cour suprême ayant détruit un consensus avec lequel nous vivions tous bien, nous en arrivons à des situations où, si on veut interdire ce que la loi n° 104 interdisait et ce qui nous permet d'avoir un consensus, on en arrive à adopter la position de la loi 101. Si on applique la loi 101, effectivement ça va s'appliquer à tout le monde. Donc, les parents seront privés -- et la faute en est vraiment à ce jugement-là -- de la possibilité d'envoyer leurs enfants dans des écoles non subventionnées dans le système anglais. C'est un préambule, je pense, qui rejoint, là, qui fait... qui clarifie votre position.

Je me souviens avec beaucoup de plaisir d'une visite dans une école, je pense que c'est à Côte-Saint-Luc, une grosse école primaire où il y a à peu près 600 enfants. Puis là je pense qu'il y a 80 langues parlées là. Et c'est une visite fascinante. Moi, j'y suis allé plusieurs heures, reçu par les étudiants qui, en général... Et tout se passe en français dans cette école, mais la majorité des jeunes qui étaient là parlaient aussi... évidemment, ils parlaient leurs langues maternelles, très variées, beaucoup de gens d'origine chinoise, pakistanaise, jamaïquaine, mais parlaient tous un très bon français, et généralement ils parlaient aussi une troisième langue qui était l'anglais. Généralement, ces enfants-là, ils étaient... On était à l'école primaire, donc c'était dans le système public francophone. Il est clair qu'il y avait un très bon enseignement du français, qu'il y avait une très belle disponibilité à l'anglais, même s'ils n'avaient peut-être pas de cours d'anglais, je n'ai pas vérifié, mais ils avaient... Donc, ces enfants-là avaient trois langues, et, ma foi, ça semblait se passer bien. Donc, le système public est en mesure, et c'est ce que vous réaffirmez, d'offrir non seulement un apprentissage du français qui est la langue commune et qui est, si je comprends, un outil d'intégration fondamental.

Bon, je répète un peu ce que vous avez dit mais, dans le fond, ma question s'adresse plus à madame et à monsieur qui venez de Parc-Extension. Et, moi, ce qui m'intéresse, et je le dis sans vouloir préjuger de votre réponse, je veux savoir, vous qui êtes dans les milieux où il y a beaucoup de langues maternelles diverses, est-ce que les inquiétudes que j'ai exprimées, est-ce que vous partagez une partie de ces inquiétudes-là quant à la fragilité, disons, du français dans des milieux... dans les milieux où les écoles existent?

**(17 h 30)**

Mme De Courcy (Diane): Avant de céder la parole à Mme Cousineau et à M. Maniruzzaman, j'aimerais vous rappeler des situations qui sont constantes dans l'école montréalaise. D'abord, vous savez qu'à la CSDM il y a 54 % des enfants qui viennent d'ailleurs maintenant, nous en sommes heureux, mais c'est 54 %. Les assemblées générales de parents peuvent recourir, dans certains cas, à 10, 12, 13 interprètes pour que nous puissions donner les informations en français. Et la deuxième langue d'une très forte majorité des immigrants qui sont inscrits à la commission scolaire de Montréal est l'anglais. Donc, dans les soirées de parents maintenant, les enseignants et les enseignantes doivent s'exprimer en anglais pour être en mesure de parler individuellement aux parents ou, sinon, faire appel à de la traduction par les enfants, ce qui n'est pas toujours une bonne idée...

Des voix: ...

Mme De Courcy (Diane): ...auprès des enseignants, vous en conviendrez.

Alors, il y a eu des efforts bien sûr faits par le ministère de l'Éducation au niveau de l'interprétariat, mais la situation est telle que vous comprenez que la question du français est au coeur de la quotidienneté du personnel scolaire de la commission scolaire de Montréal, qui est toujours partagé entre le fait, par exemple, que nous émettons nos directives et toutes les consignes en français, mais que nous prévoyons des traductions en six langues en se servant d'une des dispositions de la loi 101 qui permet que, pour des causes humanitaires ou d'information, nous ayons ces traductions. Bien sûr que, nous, à chaque fois que nous émettons une traduction, nous donnons comment apprendre le français, c'est-à-dire comment s'inscrire, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une situation de fragilité. Mme Cousineau.

Mme Cousineau (Dominique): Bien, c'est certain que...

Le Président (M. Marsan): Mme Cousineau.

Mme Cousineau (Dominique): Pardon, je suis désolée. Non, c'est certain que, bien, comme dit Mme De Courcy, les assemblées générales de parents, on a recours à plusieurs interprètes, souvent des gens des communautés. Ce n'est pas une mince affaire, la communication, puis ce n'est pas une mince affaire de... Bien, je pense qu'on fait un très bon travail avec les enfants, qui apprennent le français, qui généralement, après un an, deux ans, trois ans conversent très facilement en français. On voit d'ailleurs les résultats scolaires qui s'améliorent à mesure que le primaire avance.

Mais, pour ce qui est de la communication avec les parents, on offre des cours de francisation aux parents dans les écoles puis dans les centres de francisation évidemment -- mais là je céderai sans doute la parole à mon collègue M. Maniruzzaman qui connaît cette situation-là mieux que moi -- mais c'est certain que, pour des gens qui sont nouveaux arrivants... dans Parc-Extension, c'est une majorité des gens. Les enfants, c'est moins de 5 % des enfants qui sont des Québécois francophones dits de souche. Alors, les gens qui viennent d'arriver et qui se débrouillent pour travailler, pour s'intégrer, et tout ça, de prendre en plus des cours de français... Puis, dans les centres de francisation, c'est à temps plein, là. Alors, ce n'est vraiment pas une mince affaire de convaincre les gens d'apprendre le français, surtout qu'ils arrivent souvent bien... S'ils maîtrisent bien l'anglais, ils arrivent généralement bien à se débrouiller en anglais.

Alors, disons que la porte d'entrée qui est l'école francophone, qui met en contact avec la communauté, les enfants apprennent le français, on leur propose toutes sortes de ressources pour eux-mêmes s'améliorer en français, c'est une porte d'entrée, je pense, qui est importante. Je cède la parole à M. Maniruzzaman.

Le Président (M. Marsan): M. Maniruzzaman.

M. Maniruzzaman (Khokon): Oui, merci. Je suis d'accord avec Mme De Courcy que la survie du français sera fragilisée. Même si je suis un allophone, mon français est très faible, mais je crois que la langue du Québec est le français. On doit protéger la langue française à tout prix. Québec est le bastion de la langue française et culture française. Mais, comme j'ai dit, la langue et la culture françaises est très, très riche. Pourquoi on crée un espace pour autres langues?

Mais la langue du Québec est le français, on doit promouvoir la langue française. Et la mission de la commission scolaire de Montréal est de promouvoir la langue et la culture françaises. Si on crée de l'espace pour d'autres écoles, subventionnées ou pas, ou non subventionnées, on va créer une classe artificielle, une classe qui va créer des tensions dans la société. Et, d'autre part, comment dire, dans le groupe qui ont le droit d'acheter aux écoles pas subventionnées, ça va, comment dire, créer des méfiances et des mal- compréhensions et, comment dire, une réticence d'intégrer à la société québécoise. C'est le danger que je vois. C'est pour ça, je crois, que la langue française... les parents, comme Mme De Courcy a expliqué, mon collègue Dominique Cousineau...

Et aussi d'autre chose, ce que je vois, c'est qu'à cause de la technologie les groupes communautaires, les groupes culturels voient leur canal de télévision. C'est un grand, grand danger. On doit, comment dire, diriger les immigrants vers la langue française, vers la langue du Québec. C'est très, très important. On doit tenir compte de ce phénomène qui passe dans la communauté, ce que j'observe quotidiennement dans Côte-des-Neiges et dans Parc-Extension aussi.

M. Curzi: Vous parlez de cohésion sociale finalement, et de...

M. Maniruzzaman (Khokon): Oui. Oui.

M. Curzi: Et c'est la raison pour laquelle vous insistez sur la langue de travail des premiers emplois. Mais je vais passer la parole puis je reviendrai s'il reste du temps.

Le Président (M. Marsan): Alors, Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. Mme De Courcy, mesdames monsieur, merci de cette contribution aux travaux de la commission. C'est ma première journée en commission, pour ma part, parce que j'étais à la commission de mourir dans la dignité, mais j'apprécie énormément les témoignages qui sont faits. Je pense que, dans les commissions scolaires comme au gouvernement du Québec, on a la responsabilité d'être là pour nos citoyens, nos citoyennes.

Et je souligne particulièrement la consultation qui a été faite. J'aimerais d'ailleurs vous entendre en parler un petit peu plus, de cette consultation auprès des parents. Je me réfère à un paragraphe où vous dites: «Pourquoi ne pas plutôt investir dans l'enseignement du français, alors que Montréal s'anglicise à tel point que le bilinguisme est souvent un critère d'embauche pour les parents de nos élèves?» Ce sont ces parents-là que vous avez rencontrés probablement pour la majorité. Alors, comment vous en arrivez à porter cette idée d'un enseignement en français et d'arrêter cette possibilité de passerelle?

Mme De Courcy (Diane): Il y a trois ans, lorsque nous avons voulu mettre en place une politique en éducation interculturelle et une politique de la langue, je crois... Peut-être que d'autres commissions scolaires ont suivi, mais je serais étonnée. Nous sommes la commission scolaire qui a seulement... nous sommes la seule qui a une politique de la langue. Ce n'est pas étranger à notre situation.

Lorsque nous avons fait cette consultation, nous avons tenu des soirées publiques sur tout le territoire de la commission scolaire de Montréal et nous avons visité tous les centres d'éducation des adultes de la commission scolaire de Montréal, et ils sont nombreux. Par exemple, celui que vous connaissez peut-être, qui est le plus renommé, qui est le Centre Yves-Thériault reçoit une quantité très importante de personnes immigrantes voulant se franciser.

Et nous avons posé la question suivante: Quelle était, pour eux, la place du français dans leur vie personnelle? Et: Nos méthodes de francisation, est-ce qu'elles donnaient des résultats à leurs yeux? Est-ce qu'elles leur permettaient d'accéder au marché du travail? Deux réponses nous ont été rendues à ce moment-là. La première en a été une demande d'affirmation, en ce sens... Et certains qui feront une recherche dans les médias vous diront que... C'est repris par Mme Marie-Andrée Chouinard, du Devoir, où elle me cite en disant que nous avons été -- et je l'ai été à ce moment-là -- très surpris de la réaction des parents immigrants, qui nous disaient: Affirmez-vous, vous n'êtes pas clairs dans le message sociétal que vous envoyez, autant à l'interne de la commission scolaire de Montréal, dans la façon dont nous avions de présenter les cours de francisation et l'importance et notre insistance à vouloir franciser et aussi dans le message sociétal qui leur était donné lorsqu'ils étaient en recherche d'emploi sur le territoire de la commission scolaire de Montréal, notamment -- ça vous fera sourire, Mme la ministre -- dans les petites entreprises, où manifestement le devoir de parler français était moins que nécessaire. Il fallait d'ailleurs parler particulièrement l'anglais, ils nous l'ont dit de façon explicite. Ils sont très représentatifs, à mon avis, de ceux et celles qui vivent à Montréal et qui sont des personnes nouvellement arrivées qui veulent s'intégrer à cette société mais qui nous demandent un devoir de cohérence.

Alors, c'est donc il y a trois ans, à travers cette tournée-là qui a duré un an, qui a regroupé beaucoup de monde. Nous avons aussi tenu des rencontres avec le mouvement associatif, le mouvement syndical aussi. Et malheureusement, vous savez, ce type d'exercice fait par les commissions scolaires -- et ce sera un message payé par moi -- ce type d'exercice fait par des commissions scolaires malheureusement est peu connu et empêche la population en général de réaliser le travail qui est fait, notamment à la commission scolaire de Montréal.

**(17 h 40)**

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Mme De Courcy, quand vous dites 54 % d'allophones, ça veut dire combien? Je me réfère à une intervention de la ministre tantôt qui parlait du Réseau Vision qui touche 2 000 étudiants et étudiantes dans neuf villes du Québec. Quand je regarde le nombre d'étudiants que vous avez, chez vous, à servir, où on fait les constats du français à Montréal, je pense qu'il y a là une différenciation très certaine, et j'aimerais avoir un peu d'indications.

Mme De Courcy (Diane): Bien, en fait, je vais vous donner les détails de la population de la commission scolaire de Montréal, ça vous permettra de faire les rapports. À la toute dernière déclaration, qui date de ce matin, il y aura 68 000 enfants dans le réseau primaire, secondaire, alors nous sommes très contents; 54 % d'entre eux sont donc des enfants venus d'ailleurs. Et, du côté de l'éducation des adultes, ils sont quelque 35 000, et, dans ce réseau, ils sont majoritairement du côté des allophones parce que c'est un réseau qui est un réseau de perfectionnement, hein, bien sûr. Alors, très souvent, on va passer par la reconnaissance des acquis, la francisation, etc. Donc, c'est un réseau qui est majoritairement allophone.

Du côté de la formation professionnelle, c'est un réseau qui est minoritairement allophone parce qu'actuellement la formation professionnelle n'a pas encore ouvert ses portes aux allophones à cause de la difficulté de la langue. C'est un défi pour les commissions scolaires comme la nôtre, et c'est, je vous dirais... Un des prochains plans Réussir de la commission scolaire de Montréal portera sur la question de la formation professionnelle, de son lien avec les entreprises. Puis nous pensons, messieurs dames, que ce sera notre apport significatif justement à la francisation des entreprises par le fait que la formation professionnelle soit en plus grand lien avec la commission scolaire, les entreprises et le réseau de la formation professionnelle.

Certaines options en formation professionnelle d'ailleurs sont, entre guillemets, ethnicisées dans un sens comme dans l'autre. Par exemple, du côté des métiers de l'aérospatial, on retrouvera un plus grand nombre de gens dits de souche; on retrouvera par ailleurs dans certains métiers, notamment dans le réseau de la santé, notamment dans ce qui concerne les préposés aux bénéficiaires, une ethnicisation de cette option. Donc, tout ça ferait objet d'une commission parlementaire autour de la formation professionnelle.

Le Président (M. Marsan): Merci, merci, Mme De Courcy.

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci.

Le Président (M. Marsan): Nous allons poursuivre avec le deuxième groupe d'opposition. Et je vais céder la parole au chef de l'Action démocratique, M. le député de Chauveau.

M. Deltell: Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames, monsieur, soyez les bienvenus à l'Assemblée nationale. Vous savez qu'à l'occasion l'ADQ et les commissions scolaires avons certains différends. Je tiens à préciser tout de suite que je m'inscris en faux sur ce que j'ai entendu tout à l'heure, et c'est les propos tenus par M. Maniruzzaman. Monsieur, vers 17 h 33, vous avez dit que vous parliez un mauvais français. Je m'inscris en faux, vous parlez un excellent français et vous êtes un exemple à suivre en ce domaine. Je vous félicite du plus profond du coeur, monsieur. Bravo pour ce que vous dites. Et sachez que vous êtes vraiment un exemple, une inspiration pour bien des gens. Bravo!

M. Maniruzzaman (Khokon): Merci.

M. Deltell: Mon propos sera court parce que je veux vous entendre. Il m'est déjà arrivé à quelques reprises de préciser notre position sur la loi n° 103, où on dit, entre autres, que, nous, on estime que... Pourquoi la loi n° 103 existe? Pourquoi les écoles passerelles existent? Parce que des Québécois francophones veulent envoyer leurs enfants dans les écoles passerelles afin qu'ils puissent, à la fin de leurs études, être bilingues. Et, nous, on estime qu'il est de notre devoir de s'assurer, puisqu'on dépense 14 milliards de dollars en éducation, il est de notre devoir de s'assurer qu'à la fin du cours secondaire, donc à la fin des 16 ans obligatoires, nos enfants soient bilingues. On est pour un Québec français mais des Québécois bilingues.

Est-ce que vous estimez que si, par bonheur, on était capables d'implanter des cours d'anglais intensifs au primaire, que ce soit en cinquième ou sixième année, sous différentes formes... On a déjà, nous, notre position là-dessus: on souhaite que ce soit quatre mois, que les premiers quatre mois de l'année se passent en français pour l'ensemble des classes et par la suite que ce soit l'anglais intensif, l'enseignement de la langue anglaise. Mais fondamentalement est-ce que vous estimez que, si notre système scolaire s'assurait qu'à la fin des études secondaires, les enfants québécois soient bilingues, on n'aurait plus besoin d'écoles passerelles?

Mme De Courcy (Diane): Alors, on va d'abord spécifier deux choses. Ça va me faire plaisir de vous faire parvenir la liste des écoles de la commission scolaire de Montréal qui offrent le programme auquel vous faites allusion. Deuxièmement, quand nous remettons en question le bilinguisme des enfants qui diplôment dans les écoles publiques du Québec, on fait, à ce moment-ci, appel à une révision en profondeur du Programme de l'école de formation de l'école québécoise, puisque, par exemple, à la commission scolaire de Montréal, les taux de réussite sont très élevés au niveau des examens et de la sanction des cours d'anglais -- et c'est probablement vrai aussi dans d'autres commissions scolaires, mais je dirais que les scores de la commission scolaire de Montréal sont élevés -- mais on constate un niveau d'insatisfaction, malgré tout, qui est maintenu, qui est là, de la part des parents. C'est comme si, même si les enfants suivent un très bon cours d'anglais, qu'ils réussissent très bien ce cours d'anglais là, le niveau de bilinguisme n'est pas atteint.

Alors, pour ma part, il s'agit donc, si nous avons cette volonté d'améliorer l'apprentissage de la langue seconde, ce qui est tout à fait légitime... Et j'aurais tendance à vous dire que l'apprentissage de la langue espagnole, par exemple, dans l'ensemble des écoles québécoises et, dans beaucoup de cas, l'ensemble... bien, l'apprentissage de l'espagnol est même mieux vu que l'apprentissage de l'anglais en termes de résultats nets. Donc, il faut faire une révision, s'il y a lieu, avec des spécialistes pour l'apprentissage de l'anglais. Et cette croyance-là -- parce qu'il faudrait faire l'adéquation -- si c'est une croyance que nous avons que nos cours ne sont pas bons, il faut donc remettre en question le programme.

Par ailleurs, je souhaiterais vivement qu'on puisse vérifier. Et il y a lieu, il y a des méthodes qui existent. Si c'est ça, notre préoccupation, vérifions-le et demandons au ministère de l'Éducation de faire une vérification rigoureuse de cet état de fait plutôt que d'être sur une impression, j'aurais tendance à vous dire.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, Mme De Courcy, Mme Laurencelle, Mme Cousineau et M. Maniruzzaman, pour nous avoir amené le point de vue de la commission scolaire de Montréal sur le projet de loi n° 103.

J'inviterais le Mouvement national... ou les représentants du Mouvement national des Québécoises et Québécois à venir se présenter à notre table.

Et je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 47)

 

(Reprise à 17 h 49)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Et il nous fait plaisir d'accueillir les représentants du Mouvement national des Québécoises et Québécois, Mme Chantale Trottier et Mme Myriam D'Arcy. Alors, vous avez une période d'environ 15 minutes pour nous faire la présentation de votre organisation et surtout la position sur le projet de loi n° 103. La parole est à vous, Mme Trottier.

Mouvement national des
Québécoises et Québécois (MNQ)

Mme Trottier (Chantale): Merci, M. le Président. Alors, Mme la ministre St-Pierre, je vous remercie de nous entendre aujourd'hui, en cette commission parlementaire. Alors, le Mouvement national regroupe 19 sociétés nationales et Saint-Jean-Baptiste réparties sur l'ensemble du territoire québécois. Depuis sa fondation en 1947, la promotion et la défense de la langue française sont au coeur de sa mission, alors c'est ce qui nous motive à prendre position sur le projet de loi n° 103 et à se présenter devant vous aujourd'hui.

**(17 h 50)**

Alors, depuis son adoption, la Charte de la langue française, c'est-à-dire notre loi 101, fait sans cesse l'objet de contestations juridiques. Aujourd'hui, même des modifications visant à la renforcer ou simplement à éviter son contournement sont attaquées devant les tribunaux.

En 2005, dans l'affaire Solski, en réponse à une contestation des articles 72 et 73 de la loi, la Cour suprême impose le critère subjectif de la partie importante de l'enseignement reçu, alors que le législateur québécois avait sciemment choisi le critère objectif de la majeure partie de l'enseignement reçu. Concrètement cela a eu pour effet de permettre à des citoyens qui n'avaient pas accès à l'école anglaise publique d'y avoir accès mais aussi d'encourager les adversaires de la loi 101 à poursuivre leur contestation en créant un précédent dont ils pourront se servir.

Dans son jugement rendu en 2009 dans l'affaire Nguyen, la Cour suprême atténue à nouveau la portée de la loi 101 en invoquant le précédent de l'arrêt Solski. Cette fois, ce sont les deux derniers alinéas de l'article 73 de la loi 101 qui sont visés. L'essentiel de cette affaire implique des citoyens qui, n'ayant pas reçu d'instruction en anglais au Canada, contrairement à l'arrêt Solski, ne peuvent envoyer leurs enfants à l'école anglaise publique en vertu de la loi 101.

Alors que ce stratagème visant à contourner l'application d'une loi aurait dû être condamné sans hésitation, la Cour suprême a plutôt choisi de critiquer la solution adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 2002. En effet, au nom de l'évaluation qualitative du cheminement de l'enfant imposée par l'arrêt Solski, elle en vient à la conclusion que les deux derniers alinéas de l'article 73 de la loi 101 sont inconstitutionnels.

L'arrêt Nguyen est hautement critiquable. Il repose sur des considérations qui relèvent davantage de l'ordre des valeurs et de l'évaluation d'une situation sociale et politique complexe que du droit à proprement parler. On peut se demander en quoi une cour composée de neuf juges nommés par le gouvernement canadien est mieux à même de déterminer si une contrainte est trop draconienne que ne l'est l'Assemblée nationale du Québec, d'autant plus qu'en 2002 la loi n° 104 a fait non seulement consensus à l'Assemblée nationale mais également dans la société québécoise. Et l'arrêt Nguyen est néfaste en raison du résultat auquel il mène. En s'immisçant dans les détails du processus administratif menant à la reconnaissance du droit de fréquenter l'école anglaise québécoise, la Cour suprême invite le gouvernement du Québec à mettre en place une procédure extrêmement complexe.

En réponse au jugement de la Cour suprême, le gouvernement a déposé le projet de loi n° 103. L'article 1 de ce projet de loi supprime, entre autres, l'avant-dernier alinéa de l'article 73 de la loi 101, et l'article 2 confère au gouvernement plutôt qu'à l'Assemblée nationale le pouvoir de déterminer en détail les critères en matière d'accès à l'école anglaise publique. Considérant l'importance de la question linguistique pour l'avenir de la nation québécoise, il serait de loin préférable que ce pouvoir demeure une prérogative de l'Assemblée nationale.

Le Conseil supérieur de la langue française a donc raison de craindre que la suggestion de la Cour suprême mène à un fardeau méthodologique et administratif, tout comme les professeurs Daniel Proulx et Jean-Pierre Proulx ont raison de qualifier d'impraticable cette solution d'une enquête hypersubjective. À cause de la subjectivité inhérente à l'approche au cas par cas, chaque refus du gouvernement de reconnaître à un demandeur le droit d'envoyer ses enfants à l'école anglaise pourra être contesté devant les tribunaux. Le risque est grand que le gouvernement, une fois qu'il constatera les difficultés administratives et juridiques de son approche, adopte par règlement de nouveaux critères hypothétiquement plus simples d'application et assurément plus souples. C'est pourquoi il est impératif que la question de l'accès à l'école anglaise relève de l'Assemblée nationale et non du gouvernement.

Le projet de loi n° 103, s'il est adopté, obligera le gouvernement à s'engager sur une voie nécessairement perdante pour le français et pour le Québec. Il consacre la possibilité de s'acheter un droit qu'autrement on ne possèderait pas. D'une part, s'il fixe des critères trop souples, de plus en plus de citoyens en profiteront pour accéder à l'école anglaise publique. À l'inverse, s'il fixe des critères trop contraignants, ils feront nécessairement l'objet d'une contestation. En somme, le gouvernement est coincé entre deux pièges: l'anglicisation, d'un côté; ou la judiciarisation de l'accès à l'école anglaise publique, de l'autre.

En souhaitant ainsi ménager la chèvre et le chou, le gouvernement souhaite vraisemblablement acheter la paix. Il fait cependant un bien mauvais calcul et risque plutôt de semer la discorde. Loin de clore le débat, le projet de loi n° 103 nous promet ainsi un enlisement du débat qui ne pourra jouer qu'au désavantage du gouvernement et du climat politico-linguistique.

Plutôt que de s'engager sur cette voie, le gouvernement doit adopter une réponse qui mettra fin de façon définitive au problème. Cela implique nécessairement de ne pas s'engager dans la voie tracée par la Cour suprême. Il doit réaffirmer les principes au fondement de la Charte de la langue française et de notre politique linguistique: le français est la langue normale de l'enseignement au Québec et la fréquentation de l'école anglaise est réservée aux membres de la communauté anglophone historique. La Charte de la langue française actuelle définit de façon suffisamment large les critères d'appartenance à cette communauté, et il n'est pas nécessaire de les élargir. Au Québec, la majorité des Québécois ont un devoir d'intégration à l'école française. Ce devoir n'est pas monnayable.

Historiquement, le Québec a été contraint par la Cour suprême à assouplir les critères d'accès à l'école anglaise pour respecter l'article 23 de la constitution. Ces défaites historiques pour la langue française ne doivent cependant pas nous paralyser. Le devoir du gouvernement du Québec est de faire respecter les principes fondamentaux de notre politique linguistique. En vertu de ces principes, le fait de fréquenter une école anglaise non subventionnée ne donne tout simplement pas le droit de fréquenter l'école anglaise publique. On ne peut tout simplement pas payer pour s'acheter un droit, qu'on le fasse dans le cadre d'un parcours authentique ou non. Le droit de fréquenter l'école anglaise est réservé aux membres de la communauté anglophone historique. L'Assemblée nationale ne doit pas le reconnaître aux personnes qui souhaitent s'angliciser et se soustraire à leur devoir d'intégration au Québec français même si leur parcours est authentique.

De plus, le gouvernement québécois a le devoir de ne pas affaiblir les lois linguistiques. La loi 101 a eu des effets bénéfiques mais n'a pas eu tous les effets souhaités pour empêcher le déclin du français au Québec, et surtout dans la grande région métropolitaine. Et c'est d'autant plus impératif dans un contexte où le gouvernement souhaite une hausse significative de l'immigration, le gouvernement doit donc tout mettre en oeuvre pour que ces nouveaux arrivants s'intègrent à la société québécoise dont la langue d'usage est le français, plutôt que de leur offrir une échappatoire leur permettant de s'intégrer à la minorité anglophone, allant ainsi à l'encontre de l'esprit de la loi 101. Il ne faut pas oublier non plus que la loi n° 103, en élargissant l'accès à l'école anglaise, n'aura pas que des impacts aux niveaux primaire et secondaire, mais également au niveau des cégeps et éventuellement dans les milieux de travail.

Comme plusieurs autres intervenants, nous croyons que la meilleure réponse et la seule réponse au jugement de la Cour suprême consiste à appliquer la loi 101 aux écoles non subventionnées. Cette solution éliminerait le problème à la source, puisqu'il serait alors impossible pour une personne n'ayant pas le droit d'accès à l'école anglaise publique de fréquenter une école anglaise non subventionnée. Comme il s'agirait d'appliquer aux écoles non subventionnées les critères d'accès à l'école anglaise subventionnée qui existent actuellement -- soit les critères objectifs qui ne posent pas de problème d'application sur le plan administratif -- cette solution est inattaquable du point de vue de l'efficacité administrative.

L'application de la loi 101 aux écoles anglaises non subventionnées viendrait ainsi colmater une brèche significative dans la politique linguistique québécoise en réaffirmant le rôle fondamental de l'État québécois dans la défense et la promotion de la langue française comme norme d'intégration sociale et culturelle à la société québécoise. Merci.

**(18 heures)**

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Alors, nous allons débuter cette période d'échange. Et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine.

Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. le Président. Merci d'être ici aujourd'hui. Tout d'abord, M. le Président, on va déposer un document. C'est la déclaration de M. Jean-Marc Fournier, hier, concernant les travaux sur le projet de loi n° 103. Je vais citer, ensuite nous allons déposer: «Sur le projet de loi n° 103, sur la langue d'enseignement, le projet de loi reflète aussi une position d'équilibre entre deux extrêmes: le projet de loi ne porte pas atteinte aux droits et libertés de la charte et fait la promotion du français. Nous allons d'ailleurs, sur le projet de loi n° 103, poursuivre l'étude intensive du projet de loi. Nous voulons y consacrer tout le temps que l'on peut y consacrer. Vous savez que la Cour suprême a fixé au 22 octobre la date fatidique à la suite de sa décision. Jusqu'ici, huit jours et 45 heures en commission parlementaire y ont été consacrés, et l'étude va se poursuivre avec beaucoup d'intensité d'ici le 22 octobre. Voilà pour le menu...» Bon. En fait, donc, il parle de l'étude du projet de loi. Donc, ce qui a été rapporté dans les médias n'est pas conforme aux propos de M. Jean-Marc Fournier.

Document déposé

Le Président (M. Marsan): Alors, le document Point de presse de M. Jean-Marc Fournier, leader parlementaire du gouvernement, lundi le 20 septembre 2010, à 11 heures, est déposé.

Mme St-Pierre: Bon. Alors, merci pour votre présentation. C'est sûr qu'on avait pris connaissance de votre mémoire, mais votre position aussi ne nous étonne pas puisque vous êtes un mouvement... Le Mouvement national des Québécois et Québécoises, c'est clair sur son site Internet, fait la promotion de la souveraineté du Québec. Donc, vous êtes alignés sur le Parti québécois et la position du Parti québécois, avec la Société Saint-Jean-Baptiste. Alors, c'est légitime, nous sommes dans un pays libre et démocratique, vous pouvez vous exprimer.

J'ai lu votre communiqué cet après-midi. Vous avez émis un communiqué de presse avant de venir parler aux parlementaires. Et, à la fin du communiqué, vous dites que vous êtes aussi responsables de la fête nationale depuis 1984. C'est ça? Oui?

Mme Trottier (Chantale): Oui, absolument.

Mme St-Pierre: Donc, en 1984, si ma mémoire est bonne, à moins que je me trompe, c'était M. René Lévesque qui était premier ministre du Québec?

Mme Trottier (Chantale): Oui.

Mme St-Pierre: Donc, M. René Lévesque vous a confié la fête nationale. Il a voulu appeler ça la fête nationale parce qu'il voulait que ça soit la fête de tous les Québécois. Et M. Lévesque avait beaucoup, beaucoup de respect pour les libertés individuelles et le respect des libertés fondamentales. Et, dans le cas des écoles, lorsque la loi 101 a été adoptée, il a voulu, avec M. Laurin, respecter cet espace de liberté qu'il voyait dans les écoles privées non subventionnées puisqu'il n'y a pas de sous de l'État dans ces écoles-là. Donc, M. Lévesque et M. Laurin, M. Bernard est venu nous répéter qu'ils étaient d'ailleurs, à cette époque, fiers de dire que nous respectons les libertés individuelles lorsqu'on rentre dans cet espace de liberté.

Puisque, vous, vous êtes de l'héritage de M. Lévesque, étant donné que vous vous occupez de la fête nationale -- vous le faites très bien d'ailleurs, félicitations -- comment conciliez-vous votre position aujourd'hui avec l'héritage qui vous a été donné en 1984 par le premier ministre M. René Lévesque?

Mme Trottier (Chantale): Si vous permettez, il y a plusieurs éléments dans votre intervention. Je vous remercie de me permettre d'éclaircir certains éléments.

Alors, vous faites allusion à notre position souverainiste, je dis bien notre position, que nous avons prise bien sûr à la fin des années soixante, début des années soixante-dix. Mais, moi, j'ai fait appel à la mission fondamentale du Mouvement national, qui date de sa fondation, 1947, et je vous la lis: «La mission du MNQ est de promouvoir et défendre...» Ça ne s'appelait pas le MNQ à l'époque, c'était la Fédération des sociétés Saint-Jean-Baptiste. «...promouvoir et défendre l'identité québécoise -- qui était l'identité canadienne-française à l'époque -- prioritairement la langue, l'histoire, la culture et le patrimoine.»

Alors, depuis plus de 60 ans, nous avons cette tradition, cette mission fondamentale de défendre l'identité québécoise et de considérer que la langue fait partie, est l'élément central, est l'élément essentiel de cette identité québécoise. Notre prise de position souverainiste est venue après. Donc, nous avons une longue tradition de défense et de promotion de la langue française qui n'est pas liée à notre position souverainiste.

Bien sûr, vous faites appel à M. René Lévesque, qui a décrété que la fête nationale était la fête de l'ensemble des Québécois. C'était en 1977. Nous sommes mandataires de la fête nationale depuis 1984. Donc, plusieurs gouvernements se sont succédé et nous ont accordé leur confiance. Je ne vois pas en quoi notre position sur la loi n° 103 aujourd'hui est en conflit avec la position de M. René Lévesque.

Je vous rappelle que l'article en question, qui faisait partie de la loi 101, au départ, il a été écrit pour permettre les écoles privées non subventionnées, les écoles anglaises, pour permettre aux gens qui étaient de passage quelques années au Québec, soit les diplomates, soit les gens qui étaient ici pour remplir des contrats, leur permettre, s'ils étaient de langue anglaise, que leurs enfants fréquentent la langue anglaise. Mais, dans l'esprit de M. Lévesque, je crois, et dans... bon, je ne lui ai pas demandé, mais j'en suis persuadée, ce n'était pas pour permettre le passage à l'école anglaise publique. Alors, c'est pour ça...

Mme St-Pierre: J'ai d'autres questions à vous poser, alors on...

Mme Trottier (Chantale): Je m'excuse.

Mme St-Pierre: J'aimerais vous dire que M. Bernard est venu nous parler de l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées comme étant une solution radicale. Alors, comment le Mouvement national des Québécois et Québécoises peut-il prôner une solution radicale si vous êtes, comme vous le dites, ouverts et que vous avez d'ailleurs la charge, pour ce qui est de la fête nationale, de célébrer et d'organiser la célébration de la fête de tous les Québécois?

Mme Trottier (Chantale): Parce que malheureusement il y a un jugement de la Cour suprême. Vous avez cité M. Fournier tantôt, en disant que c'était une position d'équilibre, la loi n° 103. Nous, nous croyons que c'était la loi n° 104 qui était une position d'équilibre parce qu'elle permettait la fréquentation des écoles privées...

Mme St-Pierre: On la connaît très bien, la loi n° 104. Vous n'êtes pas obligée de me la répéter.

Mme Trottier (Chantale): Oui, je sais, on se répète, mais, qu'est-ce que vous voulez, les...

Mme St-Pierre: Mais la loi n° 103 a d'autres éléments aussi. Puis ce qui me... je me demande même si vous l'avez lu, le projet de loi, parce que vous ne parlez pas des autres éléments dans notre projet de loi, qui est la Charte des droits et libertés, l'augmentation des amendes, la question des collèges et des universités. Vous ne parlez pas de ces éléments-là. Vous ne parlez que d'un seul élément dans notre projet de loi et vous parlez de cet élément-là, puis, je comprends, il est important pour vous, puis vous êtes venus réitérer votre position ici, mais vous réagissez comment aux autres aspects? On est à l'étude du projet de loi n° 103, on n'est pas à l'étude d'un article, là.

Mme Trottier (Chantale): Non, je comprends...

Mme St-Pierre: Puis le projet de loi n° 103 interdit les écoles passerelles. Si vous l'avez lu bien comme il faut...

Mme Trottier (Chantale): Absolument.

Mme St-Pierre: ...il interdit les écoles passerelles.

Mme Trottier (Chantale): Il interdit les écoles passerelles, mais il demeure toujours que, quel que soit le temps que l'élève va passer dans cette école privée non subventionnée, il pourra passer, sous certaines conditions définies par réglementation, il pourra passer à l'école publique anglaise.

Mme St-Pierre: Sur les autres articles, comment vous réagissez?

Mme Trottier (Chantale): Moi, je trouve...

Mme St-Pierre: Êtes-vous tout à fait d'accord? Est-ce que vous aimez ça? Est-ce que vous trouvez que c'est un beau projet, de ce côté-là?

Mme Trottier (Chantale): ...tout à fait d'accord. Vous comprendrez, Mme la ministre, que, oui, j'en conviens, que c'est une responsabilité du gouvernement de soutenir la langue française au Québec, c'est notre langue nationale, et je vous félicite de cette préoccupation. Mais permettez que, si on vient s'exprimer, malheureusement, c'est pour souligner ce qui cause problème, bien sûr. Et on peut bien dire: Oui, on est d'accord, tout va bien, mais je pense que ça, ce ne serait pas constructif. Je pense qu'on est venus apporter un éclairage sur ce qu'on pensait de façon tout à fait sincère de la loi n° 103. Et on pouvait très bien vivre avec la loi n° 104. Et c'était un compromis qui était acceptable. Ça permettait encore la fréquentation des écoles privées non subventionnées. Mais c'est la Cour suprême qui est venue causer problème. Je n'y peux rien.

**(18 h 10)**

Mme St-Pierre: Oui, ça, on le sait.

Mme Trottier (Chantale): Bien oui!

Mme St-Pierre: Vous dites quand même qu'il y a des... Dans votre mémoire, à la page 12, dernier paragraphe, vous dites quand même qu'il y a des avancées intéressantes. Vous parlez de l'article 78.2 de manière... qui interdit... «Par exemple, son article 5 vise à [ajouter] à la loi 101 un article 78.2 de manière à interdire les écoles passerelles.» Alors, au moins, vous reconnaissez qu'il y a un effort de vraiment fermer cette possibilité-là. Mais je n'aurai pas d'autres questions, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie. Nous allons poursuivre, et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, le député de Borduas. M. le député.

M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. En fait, je ne contesterai pas ce que vous venez présenter, parce que j'ai un peu le sentiment qu'actuellement on vous attaque sur ce sur quoi vous ne voulez pas vous prononcer. Ce que je comprends de votre position, c'est que vous dites: Ce projet de loi, il a du plomb dans l'aile et du plomb tellement... tellement de plomb qu'il coule. Et ce que vous souhaitez, c'est qu'on retire carrément le projet de loi.

S'il y avait d'autres mesures ou d'autres projets de loi qui contenaient certaines des mesures qui sont là-dedans, vous seriez prêts à les réexaminer, mais, pour vous, actuellement, l'essentiel du projet de loi n° 103, qui est une possibilité d'avoir un accès, vous semble éliminer toute possibilité d'avoir de l'intérêt pour d'autres mesures. C'est bien ce que je comprends?

Mme Trottier (Chantale): Pour l'instant, oui, parce que le projet de loi n° 103, parce qu'il se base, en réaction au jugement de la Cour suprême, sur de l'arbitraire. Juger d'un parcours authentique d'un enfant, un enfant qui entre à l'école, par exemple, à six ans, qui passe un an, deux ans, trois ans, sept ans, et là... et sept ans à huit ans, comment on juge un parcours authentique? Alors, c'est de l'arbitraire. Il n'y a pas de critères... Bon, il peut y en avoir, des critères objectifs, mais le fondement d'un parcours authentique, ce sont des critères subjectifs.

Alors, j'imagine très bien, même si ça règle la question dans l'année qui vient, à court et à moyen terme, c'est sûr qu'il y aura des contestations juridiques. Moi, je me mets à la place d'un parent qui se fait dire que son enfant qui est allé trois ans à l'école anglophone non subventionnée n'a pas un parcours authentique, bien, c'est sûr, qu'il va contester. Alors, ça ne sera pas applicable parce que la Cour suprême introduit des critères subjectifs.

Alors, c'est ça, le fondement de notre argumentation. Ce n'est pas: Est-ce qu'un citoyen peut avoir la liberté d'envoyer son enfant à l'école anglaise non subventionnée? C'est: Comment juger un parcours authentique. Et nous sommes, bien, déçus d'une cour suprême, en autant qu'on peut s'attendre à un jugement de la Cour suprême qui ne satisferait... Mais je ne comprends pas le raisonnement d'introduire des critères subjectifs pour juger du parcours d'un enfant. Et je dirais que nous n'avons pas tout à fait la même position que le Parti québécois puisque nous ne lions pas notre position à l'utilisation de la clause «nonobstant». Alors...

M. Curzi: J'allais y venir. Parce qu'effectivement la différence entre votre position, qui est la nôtre, l'application de la loi 101... sauf que vous ne mentionnez pas la clause dérogatoire. Ce que je comprends, c'est que, pour vous, l'application de 101, est-ce que... O.K. Reposons la question autrement: Est-ce que vous pensez qu'en appliquant la loi 101 cela risque de susciter des contestations?

Mme Trottier (Chantale): C'est possible. Notre position, c'est que le gouvernement a le devoir de légiférer. Il a la responsabilité de protéger le français au Québec. Il a la responsabilité d'affirmer les principes de la loi 101, c'est-à-dire la volonté de la nation québécoise de vivre en français au Québec. Alors, c'est déjà une responsabilité, parce que la Cour suprême est dans une optique de droits individuels. Alors, nous, on prétend que le gouvernement a la possibilité d'évoquer les intérêts supérieurs de la nation.

Et certains juristes qu'on a consultés nous disent qu'il n'y a rien qui interdit, dans la charte des droits canadienne ni la québécoise, d'assujettir les écoles anglophones privées non subventionnées à la loi 101. Mais d'autres juristes pourront dire: Il n'y a rien qui l'interdit, mais il n'y a rien qui le permet. Et, moi, je ne suis pas juriste, mais, s'il le faut, appliquons la clause «nonobstant», s'il le faut.

M. Curzi: Donc, vous dites, avec... Oui, effectivement, la loi 101 peut être appliquée telle quelle. On ne peut présumer qu'il y aurait des poursuites; on peut les imaginer. S'il y en avait et que, la cause ayant été entendue quel que soit l'article de la charte qui soit invoqué, et que ça allait confirmer que le droit individuel a la suprématie sur le droit collectif, vous seriez donc d'accord pour l'utilisation de la clause dérogatoire en ce...

Mme Trottier (Chantale): Absolument.

M. Curzi: Parfait.

Mme Trottier (Chantale): Absolument. Je pense qu'elle est prévue dans la constitution pour une certaine utilisation. Bien sûr, il faut l'utiliser judicieusement, mais elle est là pour tempérer le pouvoir des juges quand le gouvernement... la prérogative des élus de considérer l'intérêt supérieur de la nation, et on l'a déjà utilisée au Québec, comme Mme De Courcy l'a dit tantôt.

M. Curzi: Comme vous êtes effectivement des organisateurs de la fête nationale, j'imagine que... dont l'objet est de maintenir fièrement... en fait, pas de maintenir fièrement, mais de maintenir la fierté de la langue, et qu'il y a aussi dans cette fête nationale l'idée qu'une nation est composée de tous ceux qui la composent, et donc la fierté de la langue est un élément... Et je ne veux pas vous le suggérer, mais est-ce que, dans votre... J'imagine que, dans votre mouvement et pour vous, l'affirmation du français langue commune, officielle, est un élément de cohésion de la nation.

Mme Trottier (Chantale): Absolument. Puis je pense que, dans la coordination et la réalisation de la fête nationale, on a comme préoccupation constante de s'adresser à l'ensemble des Québécois. Et j'ai la prétention de croire qu'on réussit assez bien. Mais, parmi ces éléments de fierté, il y a bien sûr, comme je l'ai dit tantôt, le fondement de l'identité québécoise qui est la langue. D'ailleurs, c'est inscrit au protocole que nous avons le devoir, à travers la fête nationale, de faire la promotion de la langue française comme langue nationale. C'est inscrit dans le protocole.

M. Curzi: Considérez-vous que votre position, qui est, ma foi, aussi celle du Conseil supérieur de la langue française... sont des positions qui représentent un extrême?

Mme Trottier (Chantale): Non, pas du tout, parce qu'on est dans la position où on doit réagir à un jugement de la Cour suprême, alors, forcément, on doit trouver une réponse qu'on juge la meilleure possible pour éviter les problèmes dans l'avenir, pour éviter des contestations juridiques, pour éviter que le gouvernement se retrouve avec une suite de procès. Alors, il faut trouver la meilleure des réponses. Et la meilleure des réponses, puisque la loi n° 104 est invalidée, c'est d'assujettir les écoles privées non subventionnées à la loi 101, qui est une loi qui fait consensus au Québec. C'est une loi qui est claire pour les immigrants, les nouveaux arrivants. Et je pense que, pour eux aussi, c'est important de leur envoyer un message clair que le français, c'est la langue nationale, c'est la langue d'usage au Québec.

Alors, pour toutes ces raisons, je ne pense pas que c'est une position extrême. Parce que je comprends très bien que, bon, on va se le dire, nous sommes mal pris, nous sommes mal pris. Il faut réagir à ce jugement. Il y a un délai, qui est le 22 octobre. Il y aura un vide juridique. Et on a très peu de marge de manoeuvre, puis tellement peu de marge de manoeuvre que je ne vois pas comment on peut avoir des positions extrêmes. On a juste un petit peu, comme ça, de place pour bouger et de trouver la meilleure solution, et qui serait la plus logique, c'est d'aller dans le sens de la loi 101.

M. Curzi: Merci. Je n'ai pas d'autre question.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vais céder la parole maintenant à notre collègue le chef de l'Action démocratique du Québec et chef du deuxième groupe d'opposition. M. le député de Chauveau.

**(18 h 20)**

M. Deltell: Merci, M. le Président. Mesdames, soyez les bienvenues à l'Assemblée nationale. Je vais vous poser la même question que je pose à tous les groupes et je suis d'autant plus heureux de vous le poser puisque je crois qu'on ne fait pas nécessairement de la même famille politique. Nous estimons que, pourquoi les Québécois francophones utiliseraient les écoles passerelles, à notre point de vue, c'est parce qu'ils souhaitent que leurs enfants soient bilingues à la fin de leur cours secondaire. Nous, on estime qu'il est de notre devoir, comme législateurs, de s'assurer que nos enfants soient bilingues à la fin du cours secondaire. On estime que, pour faire face aux défis du XXIe siècle, être bilingue, c'est un atout majeur.

Moi, j'aimerais savoir ce que vous pensez de notre position là-dessus, et que... Bon, pour être plus précis, nous souhaitons qu'il y ait des cours intensifs d'anglais dès le primaire et que les cours au secondaire soient adaptés au fait que nos enfants, lorsqu'ils sortent de l'école primaire, seront beaucoup plus équipés en anglais qu'ils le sont actuellement. Donc, on va mettre... passez-moi l'expression anglaise, «upgrader», on va améliorer les cours en anglais au secondaire pour s'assurer qu'à la fin des études secondaires nos Québécois soient bilingues. Nous sommes pour un Québec français, mais des Québécois bilingues. Quelle est votre position là-dessus?

Mme Trottier (Chantale): Notre position, c'est que... Bon, je dirais d'abord qu'une deuxième langue et même une troisième langue, c'est une richesse, mais nous n'avons pas cet objectif de former des Québécois bilingues. Je pense que le jeune doit sortir, terminer son secondaire avec une connaissance suffisante de l'anglais. Je pense que le saupoudrage une ou deux heures par semaine est contre-productif. Effectivement, ça prend un enseignement intensif de l'anglais pour avoir une connaissance suffisante. Mais qu'est-ce que... Bon.

Si aussi on a l'impression -- parce que Mme De Courcy l'a démontré tantôt, moi, je n'ai pas les chiffres, je ne connais pas assez le réseau scolaire -- qu'il y a une connaissance suffisante de l'anglais dans les écoles, peut-être que, si on a l'impression que cette connaissance-là n'est pas suffisante, c'est qu'ils n'ont peut-être pas l'occasion de l'utiliser, et c'est normal, parce que la connaissance d'une langue seconde et même d'une troisième langue, ça vient aussi avec l'usage. Et peut-être que ceux qui deviendront bilingues, comme vous le souhaitez, c'est qu'ils auront besoin de l'anglais et qu'ils seront motivés à l'apprendre par d'autres moyens que le réseau scolaire, peut-être au niveau universitaire, par des camps de vacances, par l'école anglaise... pas l'école, la télévision en anglais, ou le clavardage avec des personnes qui sont de langue anglaise.

Mais effectivement, bien, malgré la richesse que puisse être une deuxième langue, nous ne souhaitons pas former des Québécois bilingues. Je pense que chaque nation a sa langue nationale. Et le premier objectif, c'est de bien connaître, de bien pratiquer, de bien parler notre langue nationale.

M. Deltell: O.K. Vous souhaitez que ceux qui le désirent puissent apprendre l'anglais, mais il ne faudrait pas que ce soit tout le monde qui l'ait. Nous, on estime qu'actuellement au Québec il y a 36 % de bilinguisme, ce n'est pas assez; particulièrement les Européens, qui nous montrent l'exemple, à 56 %, et, dans certaines nations comme la Suède, par exemple, c'est 90 % de bilinguisme. Nous, on estime que c'est une richesse d'être bilingue. Vous ne partagez pas ce point de vue là? Vous estimez que ce n'est pas riche, qu'on pourrait rester...

Mme Trottier (Chantale): ...d'être bilingue...

M. Deltell: ...unilingues francophones, puis c'est correct?

Mme Trottier (Chantale): Je vous dis que le système scolaire n'a pas l'obligation, à notre avis, de former des jeunes bilingues, de leur donner une connaissance suffisante comme langue seconde. Mais c'est après, au cégep, au niveau universitaire, si le jeune a besoin de parfaire sa connaissance, s'il en sent le besoin et l'intérêt, il continuera, ou il apprendra l'espagnol ou une autre langue.

M. Deltell: Pourquoi refuser aux Québécois une telle richesse? Quiconque est bilingue est bien heureux de l'être. Je ne connais personne, moi, que ça ne lui tente plus de parler une deuxième langue.

Mme Trottier (Chantale): Je ne...

M. Deltell: Quiconque l'est, quiconque a cette richesse-là...

Mme Trottier (Chantale): Je ne refuse pas...

M. Deltell: ...veut la préserver. Et nous estimons que c'est notre devoir, comme administrateurs publics, de s'assurer que notre système d'éducation puisse permettre aux Québécois d'être bilingues, de faire face ainsi... d'être outillés naturellement pour les défis du XXIe siècle. Quand on vit en Amérique du Nord et refuser d'apprendre l'anglais, c'est se priver d'un outil essentiel de développement. Pourquoi refuser à nous, Québécois, cette richesse qui est un outil important pour le XXIe siècle?

Le Président (M. Marsan): En terminant, Mme Trottier, le mot de la fin.

Mme Trottier (Chantale): Alors, je ne refuse pas, mais je pense qu'on ne se comprend pas sur la notion de bilinguisme. Je pense que le système scolaire n'a pas la responsabilité de créer des enfants bilingues. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Marsan): Merci, Mme Trottier, merci Mme D'Arcy de nous avoir donné la position du Mouvement national des Québécoises et des Québécois sur le projet de loi n° 103.

Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à 19 h 30. Et on m'indique que vous pouvez laisser vos effets dans la salle. Alors, bon appétit.

(Suspension de la séance à 18 h 25)

 

(Reprise à 19 h 34)

Le Président (M. Marsan): S'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Et nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 103, Loi modifiant la Charte de la langue française et d'autres dispositions législatives.

Nous avons le bonheur d'accueillir M. Élie Presseault. M. Presseault est une personne malentendante, il est donc accompagné par deux autres personnes qui vont agir à titre d'interprètes...

M. Élie Presseault

M. Presseault (Élie):[Interprétation] Excuse. Je ne suis pas un malentendant, je suis un sourd. Il y a une distinction importante à faire. [Fin de l'interprétation]

Le Président (M. Marsan): O.K. Alors...

M. Presseault (Élie):[Interprétation] Au niveau de la culture, moi, je... [Fin de l'interprétation]

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, je répète. Nous accueillons M. Élie Presseault, sourd. C'est ça? Et il est accompagné par deux interprètes, M. Claude Trépanier, Mme Nathalie Gilbert. Pour les fins d'enregistrement, cependant, les enregistrements vont être sous M. Élie Presseault.

Alors, M. Presseault, il nous fait plaisir de vous accueillir. Et nous vous demandons de nous présenter ce que vous voulez bien nous dire sur le projet de loi n° 103, et vous avez environ une quinzaine de minutes pour faire cette présentation. Alors, nous vous écoutons.

M. Presseault (Élie):[Interprétation] D'abord, il est important de savoir pour la commission du projet que le français... C'est important que le français... O.K., je vais vous parler de l'importance du français et de la langue des signes québécoise.

Je vais donner un exemple. Récemment, aux Jeux olympiques de Vancouver, les Jeux olympiques, là-bas, la langue était française, parce qu'on est un peuple fondateur, donc le français s'est transmis... Mais là, à Vancouver, on a perdu quelque chose, là, aux Olympiques. Les sourds, notre langue est importante aussi pour les jeux sportifs. Ça s'appelle... Nous aussi, on a des jeux qui s'appellent Les Sourdlympiques.

Depuis le 11 septembre, la mentalité a beaucoup changé. Le 11 septembre, il est arrivé quelque chose de grave. Les conceptions ont changé depuis ce temps-là. Une chose importante, c'est le conseil de Milan. On appelle ça le 11 septembre aussi des sourds. Ça s'est passé du 6 au 12 septembre 1880. Qu'est-ce qui est arrivé comme conséquence, c'est qu'on a essayé de forcer les enfants sourds à parler puis on les a empêchés de signer en classe. Ça fait que ça, ça a eu beaucoup de conséquences pour notre communauté sourde. Il y a eu une atteinte au libre choix par ce fait même.

Le Congrès international de l'éducation de Vancouver qu'on a eu l'été dernier, ils ont fait des démarches pour avoir une présentation des excuses. Là, la première, il y avait... Il y avait quatre associations. Il y avait l'association... Il y avait le Congrès -- pardon -- international de l'éducation. Ensuite, il y avait la Fédération mondiale des sourds, dont le président était présent; c'est un Finlandais. Ensuite, il y avait l'Association des sourds du Canada et la Communauté sourde de la Colombie-Britannique. Ces quatre associations-là se sont mises d'accord pour demander à avoir des excuses historiques à cause des conséquences. Ça fait qu'on continue à travailler pour que... Comme Gary Malkowski, là, il avait fait une demande pour sauver les écoles à Terre-Neuve. Parce qu'il y a une école de sourds à Terre-Neuve, puis on fait des démarches pour conserver cette école-là, parce qu'il faut éviter la fermeture de cette école-là.

Aussi, la connaissance des signes au Québec, bien, on est en processus, on essaie de faire la reconnaissance de la langue des signes québécoise. Mais présentement la langue, le français... La langue française, présentement, elle doit être au coeur du projet national québécois. La loi 101, historiquement parlant, il y a déjà eu au-dessus de 200 modifications à la loi 101, alors elle n'est plus comme elle était à l'origine, là. Bien, si on faisait comme M. Terry Jones, qui menaçait de brûler le Coran, bien, si on faisait comme lui... Il ne faudrait pas, là. Il faut soutenir la loi 101. On n'est pas pour brûler la loi 101, là, il faut la soutenir. Les anglos... [Fin de l'interprétation]

Une voix: ...

M. Presseault (Élie):[Interprétation] Bien, O.K. L'Anglo Society du Nouveau-Brunswick, ils ne sont pas d'accord, eux, de... Ils ne sont pas d'accord avec... [Fin de l'interprétation]

Des voix: ...

**(19 h 40)**

M. Presseault (Élie):[Interprétation] ...la nation acadienne, oui, O.K. La ville de Bathurst, le conseil de ville, il pensait que c'était correct d'enlever le drapeau, mais... Bien non, il y a une intégration là-bas. Il ne faut pas qu'il y ait de la guerre entre les deux communautés, francophone et anglophone. Ça fait qu'il faut vivre ensemble, là, il faut... Donc, le Québec et le Canada, c'est la même chose, il ne faut pas qu'il y ait une distinction entre les deux cultures.

Récemment, on a appris la création des écoles passerelles. Le premier ministre Charest... le projet de loi n° 103... Le ministre Charest avait donner des permis, là -- on l'a appris, après que le projet de loi n° 103 soit passé -- pour les écoles privées. Et puis finalement, c'est ce qu'on a appris, là, que, pendant que la loi se faisait, il y a eu quand même des gens qui ont pu aller à l'école anglophone au privé. Donc, moi, je pense qu'on doit plutôt appuyer les écoles francophones.

La reconnaissance de la langue des signes est importante pour avoir le libre accès à la langue. Ça va permettre aux sourds d'utiliser leur langue puis aussi ça va permettre l'accès au français pour les entendants puis aussi comme langue seconde pour les sourds aussi, sauf exception, évidemment. On a hâte d'avoir la décision du gouvernement, à savoir, à propos de la loi n° 103, là, qu'est-ce qu'il va en... en advenir.

À propos de l'école, il y a un événement... il y a eu l'érosion de l'école publique francophone pour l'accès, là. Mais, au niveau de l'éducation, elle est vraiment moins bonne qu'avant, elle s'est dégradée. Les enfants de clientèles spécialisées, ils sont intégrés, et c'est difficile pour eux, parce qu'il faut les gérer en classe, donc c'est plus difficile pour eux, là, d'aller au même rythme que les autres. Les autres écoles privées, bien, ils sont trop lents. Et puis, pour avoir une meilleure éducation présentement, il faut aller à l'école privée, parce que l'éducation publique est moins... est plus faible, est plus déficiente. Aussi, là, il y a le renforcement de l'école anglaise qu'il y a eu depuis quelque temps. C'est problématique, ça, pour nous.

La cohabitation des élèves de différentes communautés. Bien, moi, j'ai déjà été à l'école secondaire, et puis il y avait 85 % des élèves qui étaient de communautés ethniques. L'autre 15 %, c'étaient des Québécois, bon. Puis ça parlait surtout, surtout en anglais dans les corridors, ou une autre langue, mais le français, il était vraiment en minorité, minoritaire.

À propos de l'éducation des sourds, présentement, le libre choix... Parce que c'est comparable à l'école spécialisée. Les entendants, à l'école publique, etc., bien, il y a différentes clientèles. Les sourds, eux, bien, il y a des sourds, mais il y a des sourds avec d'autres handicaps, alors ça fait un groupe affaibli, c'est plus difficile d'aller dans les études avancées. Quand on va à la classe intégrée, bien, c'est peut-être une bonne chose, mais le niveau de compétence de la communication en groupe, bien, on n'y a pas accès parce qu'on est isolés.

Au travail, maintenant. Il est arrivé quelque chose récemment au restaurant. Il était indien. Il y avait une serveuse qui parlait seulement anglais. Sauf une serveuse, toutes les autres serveuses, ça parlait anglais. C'étaient des jeunes personnes, là, du niveau secondaire. Donc, la serveuse est venue pour nous servir au restaurant hindou, on lui a demandé une question en français, elle est partie. L'autre serveuse est revenue. Elle a posé la même question que la première serveuse avait posée. Donc, on a compris qu'elle n'avait pas compris, là. Donc, celle-là aussi est allée chercher une autre serveuse qui parlait français, qui a recommencé à poser les mêmes questions, on lui a répondu. Donc, c'est ça, c'est ce que... C'était dans le Parc-Extension, là. On est ouverts, on peut être ouverts, mais, quand même, il y a un problème, là, au niveau de la langue, là, il faut la préserver, il faut continuer d'aller dans ce sens-là.

Le pouvoir de l'intégration... L'attraction, le pouvoir d'attraction dans les commerces, dans les affaires... Parfois, il y a des personnes, il y a des clients qui veulent être répondus en anglais. À ce moment-là, il faut qu'ils posent la question en français. Mais, quand on pose une question en français, on se fait répondre quand même en anglais. Il faudrait se faire répondre dans la langue qu'on pose. Ça fait que c'est l'anglais qui prime.

Bon. Depuis le libre-échange national, on ne se sent pas obligé de respecter la loi... la langue française. Ça fait que c'est ça qui est problématique. On a déjà... Ça fait qu'on tend à corriger cette situation-là. La loi, elle n'est pas solide, elle est faible, elle est affaiblie, parce que le rapport de force de la loi 101... Mais, dans le fond, là, la loi, là, il faut la respecter. Mais est-ce qu'elle est vraiment respectée? C'est des conséquences dues aux modifications, aux nombreuses modifications qu'elle a eues.

La LSQ, bien, pour les enfants sourds, c'est quoi, leur problème? C'est que l'accès au travail, ce n'est pas si pire, mais on ne peut pas avoir de promotion. On est mal pris parce que souvent la raison qu'on nous donne, c'est que: Vous êtes limité sur la communication, ou bien: Vous ne pouvez pas parler au téléphone, vous ne pouvez pas répondre au téléphone. C'est souvent la réponse qu'on nous sert.

Bon. Maintenant, on vous parle de l'accessibilité des sourds, de la communauté sourde. Il faut avoir le... On voudrait avoir accès aux événements publics. Souvent, quand il y a des événements publics, il n'y a pas d'interprète de disponible, ça fait qu'on ne peut pas profiter des événements publics. Parfois, bien, ce qui arrive, c'est qu'on a accès seulement à des interprètes bénévoles, à ce moment-là, pour ces types d'événements là. Mais il faut penser que ça prend un interprète professionnel. Donc, il faut respecter la profession de l'interprète. Il faut changer notre attitude. Quand il y a des services d'interprétation, bien, donc il faut penser qu'il y a des frais, qu'il faut payer pour ça, ça fait qu'il faut penser à tout le monde, à tous les clients, à notre communauté sourde, à tous nos clients sourds.

C'est pour ça que je fais le parallèle entre le français puis la langue des signes, là. Ici, c'est comme si on sentait que la langue des signes est un luxe. D'abord, les services d'interprétariat, c'est un luxe, mais en fait il faudrait que les rapports de force soient changés.

**(19 h 50)**

La communauté anglophone doit être conscientisée pour accepter la ligne sociale... Il faut qu'ils acceptent de vivre dans le respect ici au Québec. Il faut qu'ils apprennent à respecter la langue française. Si son... Comment je dirais ça, donc? Dominante? La langue anglaise est dominante? Non?

Un anglophone, il se voit comme dominant. Les anglophones voient la langue française comme étant la langue dominante. Il faudrait que... On dit que, si les anglophones pouvaient voir que la... Je m'excuse, on va recommencer au début de la phrase. S'ils voient que le français est dominant... O.K. Si jamais...

O.K. On les accueille dans la société québécoise, dans le fond, les anglophones, puis je ne vois pas... Dans le fond, on les voit comme dominants, là, en ce moment. La communauté sourde est minoritaire puis voudrait servir d'exemple. On peut avoir une autre langue puis en même temps quand même être ouvert à l'anglais, mais il faut être conscient aussi qu'on est membre à part entière de la communauté québécoise puis que la langue première ici, au Québec, c'est le français.

Le bilinguisme maintenant, un autre sujet. Pour finir, je vais parler du bilinguisme. Depuis que je suis jeune... Ma première langue, moi, ma première langue a été le français, moi, et non la LSQ. Finalement, j'ai cru à la LSQ seulement à l'âge de 20 ans. Avant ça, je fonctionnais en français signé, c'était vraiment mélangé. C'est un code, hein, puis c'est compliqué, puis des fois c'est difficile à comprendre. Maintenant, c'est parce que j'ai eu beaucoup d'influence avec la langue française. C'est parce que j'ai eu une non-connaissance de la langue des signes québécoise. Il y a une domination d'une langue sur l'autre. Alors, il faut prévoir... Il faut penser aux enfants, il faut qu'ils développent leur confiance en eux-mêmes. Donc, il faut leur accorder leur langue qu'est la LSQ. Il faut arrêter de penser au bilinguisme, que c'est une solution magique. Voilà. [Fin de l'interprétation]

Le Président (M. Marsan): Alors, merci. Merci, M. Presseault. Nous allons débuter notre période d'échange, et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, merci d'être là. C'est une belle expérience, je pense, que nous venons de vivre. Puis j'aimerais, en débutant, en commençant, citer le début de votre mémoire ici. Vous écrivez: «Je suis une personne sourde. Comptant de nombreuses années au sein du milieu associatif -- vous me paraissez bien jeune, mais... -- sourd, j'ai développé un regard quant aux revendications de ma communauté. En outre, je prends la plume dans une publication sourde, Voir Dire. Au cours des années, j'ai entrepris des études en communication et [en] politique à l'Université de Montréal et en études littéraires à l'Université du Québec à Montréal. Je suis présentement chroniqueur sur le site de Vigile.net», site que je fréquente personnellement régulièrement, alors je vais porter plus attention à ce que vous écrivez. «J'ai participé au Moulin à paroles d'une heure au parc Molson à Montréal le 23 juin dernier. La question de la langue m'intéresse dans la mesure où le processus de la reconnaissance de la langue des signes québécoise est actuellement à l'étude et que l'avenir de la langue française m'interpelle. La consolidation du statut de ces deux langues ne pourra qu'enrichir un certain patrimoine linguistique et national.» Fin de la citation.

Alors, je trouve que votre cheminement, tout d'abord, personnel, d'avoir fait des études universitaires, d'avoir vraiment fait en sorte que vous vouliez atteindre vos rêves, vraiment, c'est très émouvant de voir ça, puis en même temps, bien, votre détermination à nous dire: Bien, il y a des gens aussi qui aimeraient être servis dans leur langue. Puis votre langue, c'est le français.

Je veux juste faire une petite correction de ce que vous venez de dire... ce que vous avez dit dans la présentation. Vous avez dit que, depuis le début... depuis l'arrivée du jugement de la Cour suprême, «le gouvernement en titre [a] délivré de nombreux permis à [des] écoles passerelles, nous mettant devant ce fait accompli». C'est faux. La loi n° 104 s'applique jusqu'au 22 octobre. Il n'y a pas eu de permis qui ont été accordés. Alors, je voulais juste faire cette petite parenthèse-là.

Expliquez-moi, juste pour commencer, comment ça fonctionne quand vous devez vous exprimer en anglais. Est-ce que vous avez des signes... J'imagine que vous avez des signes différents. Est-ce que vous devez apprendre... Comment vous apprenez une autre langue?

M. Presseault (Élie):[Interprétation] À propos de la langue des signes, la LSQ, c'est la langue des signes québécoise. Elle est originaire de deux langues. Tu as la langue des signes française et l'American Sign Language, Donc, c'est une langue. Mais la langue en France et ici, au Québec, ce n'est pas les mêmes signes, ce n'est pas la même langue. C'est comme si quelqu'un voulait apprendre l'anglais par écrit. La langue étrangère, pour une personne sourde, il y a de la théorie, mais... C'est compliqué pour les personnes sourdes d'apprendre une nouvelle langue. Sauf qu'il peut y avoir plus de facilité pour l'anglais par rapport au français, parce que c'est bizarre à dire, mais l'anglais, ça vient de la même famille que la langue germanique, l'allemand, bien est... La LSQ, la structure de la LSQ ressemble à la langue allemande, si on peut dire, la structure de la LSQ, oui. [Fin de l'interprétation]

Mme St-Pierre: Quand vous êtes au congrès de Milan -- vous parlez du congrès de Milan -- comment ça fonctionne?

M. Presseault (Élie):[Interprétation] Le congrès de Milan, ça s'est passé en 1880. Ça a été un événement malheureux pour les sourds, parce que les conséquences historiques, on les vit encore aujourd'hui. Le 11 septembre des sourds, ce n'est pas vraiment terminé, parce que le processus des excuses de la communauté sourde est en route. On a besoin de l'appui de toutes les personnes influençables pour encourager la langue des signes, parce que c'est l'avenir... pour l'avenir des personnes sourdes. [Fin de l'interprétation]

Mme St-Pierre: Alors, M. le Président, aujourd'hui, nous avons eu à l'Assemblée nationale... je pense que c'était une première, si je ne m'abuse. Pendant la période des débats à l'Assemblée nationale, il y avait les langages qui étaient transmis sur les ondes. Alors, c'était... Vous arrivez aujourd'hui dans un moment où c'est assez particulier pour nous, les parlementaires.

Par rapport au projet de loi n° 103, est-ce que vous prônez, de votre côté, l'application de la loi 101 aux écoles privées non subventionnées avec la clause qu'on dit dérogatoire, qui est la clause qui suspend les libertés individuelles?

M. Presseault (Élie):[Interprétation] Je préfère laisser le mandat... l'initiative -- pardon -- au gouvernement. C'est peut-être mieux... vous êtes mieux placés pour voir, connaître la situation. Ce que je pense de plus important, c'est d'aller vers le respect de la langue française, parce qu'actuellement je sens qu'il n'y en a pas, puis il faut aller... il faut prendre les mesures énergiques pour la défendre, pour affirmer la langue française, et la même chose pour la langue des signes québécoise. [Fin de l'interprétation]

Mme St-Pierre: Alors, dans votre mémoire, vous écrivez qu'il faudrait «trouver un compromis de société quant à l'éducation publique québécoise et l'existence des écoles passerelles en anglais». Quelles seraient vos recommandations? Le compromis. Vous parlez de compromis. Le mot est très important.

**(20 heures)**

M. Presseault (Élie):[Interprétation] Oui, O.K. Concernant, oui, concernant -- excusez-moi -- les écoles passerelles, je pense que le moyen, le compromis, ce serait de ne pas trop élargir la place, l'accessibilité aux anglophones, il faudrait garder un équilibre. Je pense que le gouvernement et l'opposition, le Parti québécois, là, ils devraient suivre... faire un consensus, oui, là-dessus. [Fin de l'interprétation]

Mme St-Pierre: Ah bien, j'aime bien ça, entendre le mot «consensus». Alors, je veux vous remercier d'avoir pris la peine de venir nous rencontrer ce soir. Je veux aussi remercier vos interprètes, qui ont fait, je pense, un excellent travail. Je pense qu'ils ont bien transmis votre pensée et assez rapidement parce que je suis... Je vois leur professionnalisme. Puis, bien, j'espère que vous continuerez à suivre nos travaux. Merci beaucoup.

Le Président (M. Marsan): Alors, merci, Mme la ministre. Nous allons poursuivre nos échanges avec le porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas. M. le député.

M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Presseault. Très heureux de votre visite ici. C'est passionnant d'avoir quelqu'un qui s'exprime dans une langue différente. Et je crois que vous établissez ce concept-là, que la différence est une richesse et qu'en ce sens -- et vous me direz si je me trompe -- vous considérez que le français au Québec est une différence qu'il faut préserver.

M. Presseault (Élie):[Interprétation] Oui, tout à fait. [Fin de l'interprétation]

M. Curzi: Bien. Cette conscience aussi que le français actuellement subit une certaine... est fragile, disons, cette conscience-là, vous l'avez, et je vous demande: Vous la tenez à la fois de votre vie quotidienne et aussi de la fréquentation de votre travail à Vigile?

M. Presseault (Élie):[Interprétation] Oui. Oui, avec différentes expériences de vie et puis dans les communautés ethniques... C'est une richesse. Mais la société québécoise, où est-ce qu'elle s'en va, là, il faut penser à ça aussi. Vers quels choix on va se diriger? Je ne le sais pas. [Fin de l'interprétation]

M. Curzi: Donc, pour vous, la cohésion sociale, elle est liée au fait de maintenir la langue extrêmement vivante, extrêmement... Et, à cet égard, quand vous intervenez sur la loi ici, sur la loi n° 103, vous considérez qu'on devrait éliminer les possibilités d'avoir... d'acheter un droit ou d'échapper en quelque sorte à la langue commune quand on n'y a pas droit?

M. Presseault (Élie):[Interprétation] Je pense que, si on vise l'égalité démocratique, il faut atteindre les idéaux de la société québécoise, il faut prendre des mesures pour favoriser le français comme langue... comme projet de société. Comme, moi, le futur... Moi, j'écris, je suis écrivain, et puis c'est important de construire une langue pérenne, c'est mon souci actuel.

Je sens aussi que tout le monde peut lire. Comme les sourds, il y en a qui lisent, il y en a d'autres que, pour eux, c'est leur deuxième langue. Ils sont comme des personnes normales. Il y en a qui sont analphabètes. Donc, il y a différents niveaux. Donc, je pense que c'est important de regarder les personnes... de voir qu'est-ce qu'ils peuvent apporter à la société. C'est important aussi de donner la chance à tous, à tout le monde. [Fin de l'interprétation]

M. Curzi: Vous dites que, dans le fond, fondamentalement, là, on ne devrait pas élargir les écoles passerelles?

M. Presseault (Élie):[Interprétation] C'est ça. [Fin de l'interprétation]

M. Curzi: Est-ce que vous croyez que le fait d'empêcher la fréquentation... Est-ce que vous ne croyez pas que le fait d'empêcher la fréquentation des écoles privées non subventionnées est peut-être la meilleure manière de terminer cette loi passerelle, étant donné que la Cour suprême a défait en quelque sorte le consensus qui permettait de fréquenter ces écoles privées non subventionnées?

M. Presseault (Élie):[Interprétation] En 2002, on a eu une motion unanime qui disait que l'Assemblée était d'accord que... Là, on est revenus sur cet accord-là. On nous oblige à repenser l'accord. Moi, je pense que c'est important de conserver cette ligne de pensée justement pour bien encadrer les écoles passerelles. Ça fait que ça serait possible... il faut respecter les différences, mais justement il ne faut pas favoriser une partie plus que l'autre. [Fin de l'interprétation]

M. Curzi: Donc, dans le fond, vous, ce que vous cherchez ou ce que vous nous demandez, c'est plus: Est-ce qu'il y a un consensus qui préserverait les droits de tout le monde et qui assurerait un meilleur équilibre?

Une voix: ...

M. Curzi: Un meilleur équilibre.

M. Presseault (Élie):[Interprétation] Oui, c'est ça. [Fin de l'interprétation]

M. Curzi: Et j'imagine que, pour vous, cependant, le fait qu'il y ait une langue commune réelle, ça doit faciliter aussi votre langage, puisque vous êtes dans la langue des signes du Québec et que c'est une dominante française, ce qui est un avantage pour vous et vous permet de peut-être avoir... mieux vous exprimer avec tous.

M. Presseault (Élie):[Interprétation] La langue des signes québécoise, l'intérêt, c'est de préserver la différence linguistique justement. C'est la langue française, il ne faut pas qu'elle soit affaiblie. Il faut que la langue des signes québécoise et le français se supportent mutuellement parce que la langue des signes québécoise, elle fait partie de la culture québécoise. Donc, ça a un rapport direct, là. [Fin de l'interprétation]

M. Curzi: C'est ça, vous intégrez votre différence à l'intérieur de cette cohésion sociale là, en disant: Plus c'est fort, mieux ça nous renforcit, nous aussi.

M. Presseault (Élie):[Interprétation] Tout à fait. [Fin de l'interprétation]

M. Curzi: Je vous remercie de votre contribution, c'était extrêmement passionnant d'être confrontés à cette notion d'un langage dont nous sommes, nous, ignorants. Alors, merci à vous de nous avoir... d'être venus.

Le Président (M. Marsan): M. Presseault, M. Élie Presseault, merci, à mon tour, là, pour votre témoignage. Et je veux remercier également les interprètes, M. Claude Trépanier et Mme Nathalie Gilbert.

Alors, nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 9)

 

(Reprise à 20 h 38)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Et il nous fait plaisir d'accueillir Me Marc Chétrit Rieger.

M. Marc Chétrit Rieger

M. Chétrit Rieger (Marc): Rieger.

Le Président (M. Marsan): Rieger. Et ça nous fait plaisir de vous accueillir. Et j'aimerais ça vous signifier que vous avez une période d'environ 15 minutes pour nous faire votre présentation. Et cela sera suivi par une période d'échange par la suite. Alors, vous avez la parole.

M. Chétrit Rieger (Marc): Merci. Je suis désolé, je suis un peu essoufflé, je viens juste d'arriver de Montréal. Ça m'a fait quatre heures de route. Donc, si vous permettez, je vais prendre un peu d'eau.

Donc, ça me fait plaisir d'être là. C'est la première fois que je suis, en fait, à l'Assemblée nationale. C'est de très beaux lieux. En fait, je voulais faire part à la commission de certaines de mes observations suite à mon passage au ministère de l'Éducation en tant que personne désignée par la ministre pour l'application de la Charte de la langue française en matière de l'admissibilité à l'enseignement en anglais, donc, évidemment, un dossier qui... un bureau et un dossier qui appliquent directement la loi n° 104, qui vient juste d'être invalidée par la Cour suprême du Canada, et que la loi n° 103... le projet de loi n° 103 est appelé à remplacer.

Donc, un peu pour vous donner une idée de ma formation, je suis diplômé de l'Université de Montréal en droit civil et en common law. Je suis également membre du Barreau du Québec. J'ai fait une maîtrise de droit international à la Sorbonne et je complète en ce moment une thèse de maîtrise, à l'Université de Montréal, sur la liberté d'expression sur Internet.

**(20 h 40)**

Donc, ce que je voulais faire part à la commission, ce sont des observations quant à certaines pratiques administratives qui étaient en vigueur au Bureau d'admissibilité à l'enseignement en anglais dans les huit dernières années, suite à l'adoption justement de la loi n° 104, et qui auront des répercussions majeures et très importantes sur les pratiques à l'avenir, à cause justement du jugement de la Cour suprême et des principes généraux qui y sont énumérés... ou énoncés plutôt.

Je vais vous lire le résumé. Je sais que vous en avez déjà pris connaissance, mais c'est pour faire un topo. Donc, depuis bientôt 10 ans, l'admissibilité à l'enseignement en anglais du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport accorde des renouvellements d'exemption pour séjour temporaire en contravention des dispositions de la Charte de la langue française et de ses règlements. Donc, on parle ici des règlements dans l'application de la Charte de la langue française qui prévoient, en fait, un nombre de choses. Il y a, je pense, six règlements d'application.

Le règlement dont je parle ou je parlerai le plus ici, il s'agit du règlement qui donne des exemptions pour séjour temporaire. Ce règlement-là vise à favoriser la mobilité des travailleurs et des étudiants pour en quelque sorte les accueillir ou faciliter leur transition d'établissement au Québec, que ce soit transitoire ou, on l'espère, permanent. Et donc ce sont ce qu'on appellerait des exemptions spéciales. Ce n'est pas quelque chose qu'on devrait prendre à la légère parce que, comme on le verra un peu plus tard, ça peut avoir des conséquences inattendues et inusitées qui vont, en fait, selon moi, de façon tout à fait contraires à l'esprit de la loi.

Donc, promulguée en 2002, la loi n° 104 limitait les types de fréquentation, notamment celles dans les écoles privées non subventionnées, ou écoles passerelles, comme on les appelle aujourd'hui, et celles effectuées en vertu d'exemptions pouvant servir dans la reconnaissance d'un droit constitutionnel à l'enseignement subventionné dans la langue de la minorité linguistique du Québec. La loi n° 104 a subséquemment été invalidée par la Cour suprême du Canada en octobre 2009, comme vous le savez tous. C'est pour ça d'ailleurs que nous sommes ici aujourd'hui.

Tel que proposé, le projet de loi n° 103 ne répondra qu'à un aspect de cette nouvelle brèche, soit celui des écoles passerelles. Et ce que je veux dire par là, c'est qu'il faut se rappeler que la loi n° 104, elle faisait trois choses distinctes. D'une part, en effet, elle mettait en quelque sorte... elle colmatait en quelque sorte la brèche des écoles passerelles, mais les deux autres volets dont on ne semble pas discuter dans la sphère publique en ce moment, ce sont justement les exemptions pour un séjour temporaire et les autres exemptions, c'est-à-dire pour difficultés graves d'apprentissage ou pour raisons humanitaires. Ces autres exemptions là, on les compte par milliers d'étudiants en ce moment.

Et l'important de comprendre cela, c'est que la Cour suprême, en invalidant la loi n° 104, elle n'a pas invalidé juste certaines des dispositions, elle les a invalidées toutes. Pourquoi? Parce qu'elles utilisaient les mêmes mécanismes. Et c'est la logique qui a été utilisée que la Cour suprême veut éradiquer, c'est-à-dire de dire que les enfants sont à l'école mais, en bout de ligne, ça ne compte pas ou ce n'est pas reconnu. Et donc c'est un peu là-dessus que j'aimerais vous entretenir.

Donc, en effet, en vertu des principes énoncés par la Cour suprême dans l'arrêt Nguyen, des milliers d'enfants ayant fréquenté l'école anglaise en vertu d'exemptions, que ce soit pour cause de difficultés graves d'apprentissage, séjour temporaire ou encore motifs humanitaires, pourraient se voir reconnaître un droit constitutionnel permanent, transmissible à leurs frères et soeurs ainsi qu'à leurs descendants, et ce, malgré le fait que les fonctionnaires du MELS aient accordé une partie des renouvellements d'exemption pour séjour temporaire, en contravention des dispositions de la CLF.

Quand je parle des fonctionnaires du MELS, je m'inclus également. En tant que fonctionnaire, je suivais les politiques du ministère. Malgré le fait que j'ai soulevé la question à plusieurs reprises avec mes supérieurs, dont certains sont ici présents aujourd'hui, j'ai quand même dû rendre des décisions qui étaient en ligne avec ces politiques. Donc, je m'inclus parmi ces fonctionnaires-là. Enfin...

Donc, mes recommandations, je les ai formulées de façon un peu brève. Elles sont à l'effet de revoir de manière exhaustive les pratiques administratives de l'admissibilité à l'enseignement en anglais, particulièrement en ce qui concerne les exemptions pour séjour temporaire; limiter le pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires de soustraire ou d'ajouter un nombre important de points dans la grille d'analyse, qui, en fait, est proposée par règlement et qui servira à la reconnaissance éventuelle du droit constitutionnel, tel que proposé actuellement dans le projet de loi; et finalement transférer la surveillance de l'admissibilité à l'enseignement en anglais aux services à la communauté anglophone du MELS afin de rendre le processus décisionnel plus transparent.

Et, en fait, cette dernière suggestion ou recommandation, je la tire, en fait, du traité qui a été édité par l'ancien juge de la Cour suprême, M. Bastarache... Me Bastarache, pardon, et, en fait, où le professeur Foucher, qui est maintenant professeur à l'Université d'Ottawa, et d'autres experts en droits linguistiques canadiens sont d'avis qu'en fait dans notre système les exemptions devraient être gérées par la communauté minoritaire. Et la raison pour laquelle cette recommandation est faite, c'est simplement pour justement assurer l'application transparente des droits des minorités dans les différentes provinces.

Et, lorsqu'on parle évidemment des questions de droits... de langues minoritaires, il faut également prendre en compte le fait que le Canada est un grand pays de 10 provinces, et les communautés francophones minoritaires dans les autres provinces anglophones sont nombreuses, et il existe beaucoup d'instances où justement ces droits de ces communautés minoritaires francophones dans les autres provinces anglophones sont reconnus et où on leur donne plein pouvoir de déterminer quels sont les membres du groupe minoritaire linguistique. Donc, ça, c'est la troisième recommandation.

J'ai amendé mon mémoire récemment, il y a deux jours, pour ajouter certaines citations de la Cour suprême et également mettre le texte du règlement n° 7, donc le règlement qui touche les séjours temporaires, et démontrer justement quelles dispositions n'ont pas été respectées dans le passé. Et ces dispositions-là, en fait, c'est celles qui auront justement les graves conséquences que je suis en train d'essayer d'expliquer. Donc, je lis la page 6 et j'ouvrirai aux questions. Est-ce que j'ai encore le temps?

Le Président (M. Marsan): Il vous reste quelques minutes.

M. Chétrit Rieger (Marc): O.K., excellent. Donc, juste le temps d'une page, puis on passera aux questions.

Donc, les conséquences inattendues du jugement Nguyen. Selon moi, dans l'arrêt Nguyen, la Cour suprême déclare inopérante la loi n° 104 et énonce comme principe général que toute fréquentation scolaire dans un établissement anglophone doit être comptabilisée pour les fins de la reconnaissance d'un droit constitutionnel à l'enseignement subventionné dans la langue de la minorité au Québec.

Évidemment, là, je simplifie les choses. La Cour suprême ne dit ça textuellement nulle part, mais c'est ça vraiment le but du fait que la loi n° 104 a été invalidée. La Cour suprême vient nous dire, en quelque sorte: On ne peut pas faire fi de la fréquentation scolaire d'un enfant dans la langue minoritaire. Que ce soit de la reconnaître par la suite par des règlements qui attribuent avec une grille d'analyse des points ou non, ça, c'est laissé évidemment à l'Assemblée nationale de le déterminer. Mais de dire qu'un enfant fréquente une école... pardon, un établissement d'enseignement en anglais, mais que ça ne comptera pas pour la reconnaissance des droits en vertu de la Charte canadienne, ce n'est plus possible à partir de maintenant.

Donc, en ce qui a trait aux exemptions en vertu des articles 81, 85, 85.1 de la CLF, la cour déclare: «...il ne faut pas oublier que le mécanisme des autorisations spéciales continue de relever entièrement du gouvernement du Québec. Celui-ci peut donc accorder des autorisations qui excèdent le cadre de ses obligations constitutionnelles, mais il ne peut, ce faisant, nier les droits qui découlent de ces autorisations et qui sont garantis par la Charte canadienne.»

**(20 h 50)**

Donc, selon moi, en vertu des principes énoncés ci-haut, toute nouvelle exemption accordée pourrait ainsi éventuellement mener à la reconnaissance d'un droit constitutionnel permanent. On ne parle pas ici des personnes qui sont au Québec en vertu de visa de travail ou d'études, on parle ici de trois classes de personnes: des militaires, des résidents permanents ou citoyens canadiens qui sont domiciliés dans une autre province et qui viennent temporairement séjourner au Québec, et finalement des... en fait, je crois que le règlement parle de réfugiés, mais en tout cas ce n'est jamais... c'est un cas que je n'ai jamais vu dans ma pratique.

Or, dans sa version actuelle, le projet de loi n° 103, selon moi, ne règle nullement cette question à savoir si les fréquentations en vertu d'exemptions pour cause de difficultés graves d'apprentissage, de séjour temporaire ou pour motifs d'ordre humanitaire seront à nouveau comptabilisées, comme c'était le cas avant l'entrée en vigueur de la loi n° 104. Avant la loi n° 104, on parlait de passage, de séjour temporaire à la clause Canada. La clause Canada, c'était la façon que l'on appelait le droit permanent constitutionnel. Donc, c'est une question extrêmement importante compte tenu du fait que des milliers d'enfants bénéficient actuellement de ces exemptions.

Là où le bât blesse, c'est qu'une bonne partie de ces enfants ont reçu leur renouvellement d'exemption pour séjour temporaire en contravention des dispositions de la CLF. Et, lorsque que je dis «en contravention», je parle du fait que le règlement fait état plusieurs fois du fait qu'on est supposé donner des exemptions seulement pour un délai qui ne peut excéder trois ans. Là, je fais référence au règlement sur l'exemption de l'application du premier alinéa de l'article 72 de la Charte de la langue française qui peut être accordée aux enfants séjournant au Québec de façon temporaire.

Donc, on mentionne le délai maximum de trois ans à trois reprises et, pour une raison qui m'échappe, le ministère accorde ces exemptions depuis près de 10 ans avec des renouvellements sans cesse, de sorte que l'on peut être en séjour temporaire au Québec alors qu'on est nés au Québec de parents nés au Québec, francophones, éduqués en français, on peut être au Québec de façon temporaire, artificiellement, en quelque sorte, pour près de 10 ans. Voilà.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, Me Marc Chétrit Rieger. Et nous allons débuter notre période d'échange immédiatement. Et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Alors, bonsoir. Vous avez eu une longue route. Merci d'être là.

Tout d'abord, vous parlez des exemptions, et notre projet de loi ne touche... ne parle pas d'exemptions, mais, puisque nous sommes dans l'ouverture de la Charte de la langue française, j'imagine que vous en profitez pour venir nous informer de ce que vous avez vécu comme fonctionnaire ou professionnel au ministère de l'Éducation.

J'aimerais bien comprendre votre... ce que vous dites. Ce que vous dites, c'est qu'une exemption ne peut pas excéder trois ans. C'est ça? Et par contre, si on regarde à la charte, l'article 7, ça dit que «l'exemption peut être renouvelée pourvu que soient remplies les mêmes conditions que celles exigées pour la demande initiale». Donc, est-ce que vous suggérez qu'il y a une contradiction dans la loi, l'article 3 par rapport à l'article 7?

M. Chétrit Rieger (Marc): En effet, si on regarde de façon sommaire et très simpliste le règlement, on peut prendre hors contexte la dernière phrase... pardon, le deuxième alinéa de l'article 7, qui dit: «L'exemption peut être renouvelée pourvu que soient remplies les mêmes conditions que celles exigées pour la demande initiale.»

Mais prendre ce deuxième alinéa hors contexte et ne pas lire les mots «sous réserve des troisième et quatrième alinéas de l'article 1 et du deuxième alinéa de l'article 3», qui mentionnent spécifiquement justement les mots «qui n'excède pas trois ans», O.K., ne pas prendre ces trois mots là qui commencent ou débutent l'article 7, ne pas voir ce que le texte réglementaire essaie de nous dire, c'est que, des personnes qui ont des attaches permanentes déjà au Canada... Qu'est-ce qui, en fait...

Si vous voulez que je vous réponde rapidement, là, je vais essayer de simplifier les choses. Qu'est-ce qui est commun aux résidents permanents, citoyens canadiens et militaires? Ils ont tous des attaches permanentes au Canada. Lorsqu'ils viennent au Québec séjourner de façon temporaire, d'abord, entre vous et moi, ça veut dire que, dès le départ, ils n'étaient pas au Québec, ils viennent séjourner au Québec, bon, ça, c'est déjà un point très important, mais ces personnes-là ont déjà des attaches ou un statut d'immigration au Canada. C'est pour cela que, dans la logique interne du règlement, on limite les exemptions qu'on peut leur donner à trois ans. C'est mon interprétation. C'est également l'interprétation de l'avocate de la Direction des affaires juridiques que j'avais contactée lorsque j'étais fonctionnaire et qui m'a confirmé justement que mon interprétation n'était pas mauvaise, sauf que les pratiques du ministère faisaient en sorte qu'elles étaient déjà en quelque sorte enchâssées et que, bon, en tant que professionnel fonctionnaire, disons que je n'étais pas là pour interpréter la loi mais plutôt pour l'appliquer telle qu'on me donnait l'instruction de le faire.

Mme St-Pierre: D'accord. Pour...

M. Chétrit Rieger (Marc): Par contre...

Mme St-Pierre: Oui.

M. Chétrit Rieger (Marc): Oui. Par contre, si vous regardez, comme je l'explique, la logique interne du règlement, on distingue entre les personnes qui ont des attaches permanentes déjà au Canada des personnes qui n'ont aucune attache. Les personnes qui n'ont aucune attache, on parle ici des personnes qui sont au Québec en vertu de visa de travail ou de visa pour études, le traitement pour ces personnes-là est différent. Dans la mesure où ces personnes-là n'ont pas fait de gestes dans le but d'avoir des attaches permanentes au Québec, on leur permet des renouvellements ad vitam aeternam parce qu'on n'est pas, en quelque sorte, concernés par le fait qu'ils se francisent ou non, parce que ces personnes-là sont des travailleurs spécialisés dans toutes sortes de domaines, et parfois aussi des diplomates -- j'avais oublié cette catégorie-là. Donc, pour les diplomates ou pour les personnes avec des visas de travail ou études, le règlement permet tous les renouvellements qui sont demandés, justement, voilà, s'ils rencontrent les critères.

Mme St-Pierre: Donc, on comprend bien votre point de vue. On va faire en sorte que vos informations, enfin, tout ce que vous nous dites ici, comme ce que vous nous faites comme déclarations, ce soit transmis à la ministre de l'Éducation.

Par rapport à notre projet de loi à nous, est-ce que vous souhaiteriez que... Il y a certains groupes qui... Certaines personnes sont venues ici nous parlant de la grille en disant: Ça devrait être intégré dans le projet de loi. Sans faire un long exposé, est-ce que vous souhaiteriez, vous, que le règlement soit intégré dans le projet de loi ou si vous voyez l'avis des règlements comme étant... faisant partie... En fait, c'est un processus, puis il y a la loi, là, qui est plus générale.

M. Chétrit Rieger (Marc): Justement, comme vous le mentionnez, Mme la ministre, les lois en général vont énoncer les principes généraux, et les règlements sont là justement pour voir le menu détail.

Mme St-Pierre: Pour peaufiner.

M. Chétrit Rieger (Marc): C'est ça. Exactement. Il y a des raisons pour cela, et je ne crois pas qu'un règlement aussi complexe que va l'être le règlement d'application pour la reconnaissance des droits constitutionnels, je ne crois pas qu'il se prêterait bien à être placé au niveau de la loi.

Mme St-Pierre: ...dans la loi. O.K.

M. Chétrit Rieger (Marc): Maintenant, ça, c'est mon opinion personnelle simplement parce que... ce dont je suis habitué à voir dans le domaine juridique. Mais il y a peut-être d'autres exceptions que je ne connais pas. Mais en général un texte... des règles... Oui?

Mme St-Pierre: Vous avez été combien de temps au ministère de l'Éducation?

M. Chétrit Rieger (Marc): Un an et trois mois, donc 15 mois.

Mme St-Pierre: O.K. Et vous avez traité combien de cas en un an et trois mois?

M. Chétrit Rieger (Marc): J'ai émis tout près de 10 000... en fait, c'est 9 000... à peu près 9 700 certificats d'admissibilité.

Mme St-Pierre: En un an et trois mois?

M. Chétrit Rieger (Marc): En un an et trois mois.

Mme St-Pierre: D'accord.

M. Chétrit Rieger (Marc): En fait, c'est un peu moins que ça parce que ma formation a dû durer un ou deux mois.

Mme St-Pierre: Et là-dedans le pourcentage de renouvellement excédant trois ans, c'était...

M. Chétrit Rieger (Marc): C'est ce que j'allais vous dire. Il ne faut pas penser que c'est 9 700 nouveaux enfants qui rentrent dans le système anglophone. On a à peu près, au bureau d'admissibilité... enfin, ils ont à peu près 12 000 certificats... pardon, 12 000 demandes d'admissibilité annuellement. Mais évidemment, comme vous le mentionnez, il y a plusieurs milliers de ces demandes-là qui sont des renouvellements d'exemption ou qui sont des... c'est ça, des demandes d'exemption. Donc, ce n'était pas appelé à être des droits permanents. Alors, vous demandez...

Mme St-Pierre: ...

M. Chétrit Rieger (Marc): Vous demandez en fait, si je comprends bien, le pourcentage entre les droits permanents et les droits... les exemptions, c'est ça?

Mme St-Pierre: Oui.

M. Chétrit Rieger (Marc): Je dirais deux tiers, un tiers.

Mme St-Pierre: O.K. Puis...

M. Chétrit Rieger (Marc): Mais je vous dis ça de façon instinctive. Je pourrais aller voir dans mes papiers.

Mme St-Pierre: À 9 000, vous passez combien de temps sur un dossier?

**(21 heures)**

M. Chétrit Rieger (Marc): Alors, la... Pardon. La façon dont ça marche, c'est qu'il y a beaucoup de demandes qui sont hypersimples, c'est-à-dire ce sont des droits permanents qui se transmettent des parents aux enfants, et ce processus-là est même appelé à être encore plus simplifié. Si je comprends bien par ce que mes anciens collègues me disent, il sera peut-être même numérisé bientôt, ce qui serait une bonne chose parce que ça accélérerait le...

Mme St-Pierre: ...pour vous, il y a comme un tiers, là, où ça demande une attention plus particulière. C'est ça?

M. Chétrit Rieger (Marc): Non, sur les 12 000 demandes annuelles, il y a à nouveau les deux tiers des demandes qui sont plus permanentes, c'est-à-dire simplement des droits qui se transmettent, des droits permanents qui se transmettent soit de frères à... vers les frères et soeurs ou de parents vers les enfants. La complexité, par contre, de traitement se trouve dans certains dossiers plutôt... par exemple, les clauses grands-parents, où il y a une double analyse à effectuer, ou dans les dossiers dans lesquels je m'étais spécialisé, les dossiers de difficultés graves d'apprentissage, qui requièrent l'avis d'un psychologue désigné, souvent également qui vont comporter beaucoup de rapports médicaux pour étayer les difficultés de l'enfant au niveau psychopédagogique ou au niveau médical, parce qu'il s'agit également d'enfants qui, pour certains, sont handicapés. Voilà.

Mme St-Pierre: Je vous remercie beaucoup. Vous pouvez être assuré que nous allons transmettre vos commentaires. Mais je pense qu'il y a des gens qui vont aussi en prendre bonne note. Alors, merci d'avoir fait cette route pour venir nous parler ce soir. Merci. Je n'ai pas d'autre question, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de langue, M. le député de Borduas.

M. Curzi: Merci, M. le Président. Bonsoir, M. Chétrit Rieger. En fait, ce que vous dites, je veux comprendre clairement, sur les 12 000 cas que vous avez traités durant... Non, il y a eu 12 000 demandes. Vous en avez...

M. Chétrit Rieger (Marc): ...demandes annuelles. Pardon. Il y a 12 000 demandes annuelles en moyenne.

M. Curzi: Vous en avez traité 9 000...

M. Chétrit Rieger (Marc): Dans les 10 dernières années, ça a été 12 000 demandes annuelles en moyenne. Donc, ça a varié entre 11 000 et 14 000, donc on dit 12 000. Personnellement, je ne suis pas à jour sur les chiffres, donc je ne pourrais pas vous dire, dans les 12 derniers mois, exactement combien il y en a eu. Mais, dans la mesure où je partageais mes tâches... Pardon. Je partageais la charge de travail avec mon collègue qui est responsable du bureau. À ce moment-là, on était seuls, donc on était deux pendant les 12 mois, 12, 13 mois dont je parle. Donc, mon collègue était évidemment très occupé pour préparer ou participer à la préparation de certaines observations par rapport au projet de loi n° 103. Donc, la répartition de la tâche était un peu plus accentuée, disons, de mon côté, mais c'était très agréable comme expérience.

J'en ai vu de toutes les couleurs, je peux vous dire. Et ce sont des tâches, je trouve, qui sont passionnantes parce qu'on applique une loi qui est d'une importance capitale pour le Québec. Et ce n'est pas tout le temps facile parce qu'on jongle avec des droits hiérarchiquement supérieurs, en quelque sorte, constitutionnels, donc on a toujours ça derrière la tête, que justement il y a -- excusez-moi -- il y a la charte canadienne qui plane au-dessus de tout ça et qui en quelque sorte impose certaines contraintes assez contraignantes. Voilà.

M. Curzi: Mais ce qu'on cherche à savoir, dans le fond, c'est on cherche... Parce que vous dénoncez le cas des militaires de qui on renouvelle systématiquement l'exemption sur des périodes... Et vous dites que c'est facilement trois ou quatre renouvellements. Donc, on va, là, à trois, six, neuf, et vous dites que finalement c'est l'ensemble du cours primaire qui est sous exemption pour les Forces armées.

Ce qu'on cherche, ce que je voudrais savoir, c'est ça représente combien de renouvellements annuellement. C'est difficile à saisir, pour le moment. J'ai compris tantôt qu'il y avait plus ou moins... en 15 mois, vous aviez plus ou moins renouvelé... ce type de renouvellement là, que vous dénoncez en quelque sorte, que vous en aviez fait un bon... Et là, je n'arrive pas à définir. 3 000, 4 000? C'est un tiers, deux tiers? Ce n'était pas clair pour moi de quel tiers il s'agissait quand vous parlez de renouvellement indu d'un permis.

M. Chétrit Rieger (Marc): Évidemment, ils ne sont pas tous indus parce que...

M. Curzi: Voilà. La question est donc: Combien...

M. Chétrit Rieger (Marc): Évidemment, ils ne sont pas tous indus parce qu'ils ne touchent pas tous les mêmes catégories. Et, quand on parle des exemptions, moi, je parlais de toutes les exemptions: ça inclut les difficultés graves d'apprentissage, ça inclut les visas de travail, les visas d'études, les diplomates, le personnel religieux, parce qu'il y a une exemption pour les ministres religieux.

M. Curzi: Toutes ces exemptions-là sont prévues, sont normales.

M. Chétrit Rieger (Marc): Celles-là sont normales.

M. Curzi: Celles qui sont... En fait, vous dénoncez une situation illégale en quelque sorte, c'est-à-dire... enfin, une exagération d'une application qui frise... C'est que vous êtes venu pour ça. Alors, moi, je veux savoir: Quand vous parlez de ça, c'est combien, ça? C'est-u 200, 500, 800, 900, 1 000? Ce n'est pas clair.

M. Chétrit Rieger (Marc): Oui. C'est clair que c'est plusieurs centaines par année. Et, si on compte le fait qu'il y a 11 années de primaire et de secondaire, vous faites le calcul, c'est sûr que ça fait quelques milliers. Maintenant, quand je dis quelques milliers, je ne parle pas juste des militaires, je parle aussi des personnes qui sont en code G, je pense, qui sont les résidents permanents et citoyens canadiens domiciliés dans d'autres provinces du Canada, qui viennent séjourner de façon temporaire.

Écoutez, pour être franc avec vous, je suis content qu'il y ait de nouveaux Canadiens qui viennent enrichir notre société tous les jours, mais, lorsque quelqu'un passe un certain nombre d'années dans une province anglophone canadienne et obtient une exemption et finit par passer plus d'années au Québec qu'il n'avait passé d'années dans une province anglophone au préalable, je vois mal comment une loi, dans un système démocratique, dont le titre dit Séjour temporaire peut continuer à reconnaître ces gens-là, alors qu'elle vous dit... il vous dit, le règlement: Ne peut excéder trois ans.

Écoutez, je veux dire, on ne parle pas d'une interprétation ici, on parle vraiment... En tout cas, j'aimerais demander à un prof de droit de m'interpréter ce règlement-là. Je vois qu'il est peut-être un peu mal rédigé parce que l'alinéa 2 de l'article 7 semble poser problème ou porter à confusion. Mais il n'y a pas personne qui va pouvoir me convaincre que quelqu'un qui a passé sept ans au Québec mais qui n'avait passé que trois ans dans une province X anglophone canadienne ou bilingue -- parce qu'il y a au moins une province qui est bilingue -- qu'il est encore en séjour temporaire au Québec. Ça ne marche pas.

Puis le règlement nous le dit: Maximum trois ans. Ce n'est pas une coïncidence, là, c'est que la logique interne du règlement, elle devrait être claire pour tout le monde. On ne peut pas être en séjour temporaire passé trois ans, alors qu'on a passé moins de temps dans une autre province. Ou simplement par la logique même: on est né au Québec, on a grandi au Québec, on a été éduqué en français au Québec puis, tout à coup, à cause d'un statut d'emploi, O.K., on est en séjour temporaire au Québec, puis ça, c'est correct parce que le règlement qui a été édicté par l'Assemblée nationale prévoit cela, mais il prévoit également que ça ne peut excéder trois ans.

M. Curzi: Ce que vous êtes en train de décrire, c'est un phénomène de passerelle qui s'applique particulièrement actuellement, dans ce que vous décrivez, aux Forces armées canadiennes. Et là la question qui se pose, c'est que ce type de passerelle, il peut être utilisé de deux manières... pour deux raisons, disons. Les motifs, je sais bien que vous ne rentrerez pas dans les motifs, mais grosso modo on se dit: Si des gens font ça, c'est qu'ils profitent du séjour temporaire et le font renouveler pour pouvoir faire ce que la loi leur interdit normalement, c'est-à-dire donc donner à leurs enfants, frères, soeurs et descendants, leur faire acquérir un droit qu'ils n'auraient pas.

On peut imaginer aussi que des militaires, par exemple, prévoyant que l'accès à l'éducation en français dans certaines autres provinces peut être compliqué, choisissent délibérément de donner une éducation en anglais à leurs enfants, prévoyant effectivement qu'ils vont être déplacés.

**(21 h 10)**

M. Chétrit Rieger (Marc): Il faut faire juste légèrement attention avec le cas des militaires parce qu'il faut se rappeler que le Québec a fait beaucoup... enfin, le gouvernement a fait beaucoup d'efforts pour en quelque sorte assujettir les écoles qui se trouvaient sur les bases militaires, qui n'étaient pas assujetties au régime québécois. Il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits. Et, de ce côté-là, je veux dire, je trouve ça remarquable qu'on ait pu parvenir à trouver une entente avec le gouvernement fédéral pour dire: Regardez, les écoles, sur les... j'allais dire les réserves, mais, en fait, je veux dire les bases militaires, sont maintenant administrées par les commissions scolaires qui, elles, évidemment relèvent du ministère de l'Éducation. Ça, c'est remarquable, mais, d'un autre côté...

C'est-à-dire, je comprends le mécanisme, je comprends la pratique. La pratique, je crois -- en tout cas, ça, c'est ma théorie -- elle découle du fait que, de toute façon, si les militaires le voulaient, ils pourraient mettre leurs enfants dans une école anglophone; et ça, à nouveau, c'est une aberration. Et c'est pour ça que je mentionne le rapport du Commissaire des langues officielles fédéral, qui dit que justement les Forces armées ne respectent pas leurs obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles du Canada. Et je trouve que ces deux phénomènes-là sont un peu interreliés. C'est-à-dire, ça peut se comprendre, la pratique, son origine peut se comprendre un peu de ce côté-là, c'est-à-dire qu'il y a quelqu'un qui s'est dit, à un certain point: On va leur donner des exemptions renouvelées, même si, à la base, l'Assemblée nationale, en 1997, n'avait pas prévu ça dans la logique interne du règlement, parce que de toute façon ils pourraient l'obtenir d'une autre façon, légale, qui est le fait que, bien, sur les bases militaires, c'est le droit fédéral qui s'applique. Je peux comprendre, mais, d'un autre côté, la loi et les règlements sont là pour être respectés.

Si on voulait faire ça, il aurait fallu revenir devant la Chambre, en redébattre de façon publique, tel qu'on le fait aujourd'hui, maintenant, mais ce n'est pas ça ce qui a été fait. Ce qui a été fait, c'est: On va décider que, politiquement, c'est peut-être plus facile de faire telle ou telle chose puis on va y aller. Sauf que, là, on est rendus... j'allais dire... enfin j'allais donner une expression que je ne pourrais pas dire ici, mais on s'est fait pogner par la Cour suprême. Parce que la Cour suprême, ce qu'elle est venue dire, c'est que: Vous ne pouvez pas faire semblant que les enfants sont à l'école, mais ils ne le sont pas vraiment. Mais là, quand on l'a fait pour plus d'enfants qu'on aurait vraiment dû le faire en vertu du règlement tel qu'il était supposé être appliqué, eh bien le dégât, en quelque sorte, entre guillemets...

Je n'essaie pas de faire de jugement de valeur ici, mais, disons, par rapport à la loi, à la logique interne de la Charte de la langue française et également de la Charte canadienne, lorsqu'un francophone se fait reconnaître un droit qui est supposé être réservé à un anglophone, et vice versa -- ça peut arriver dans d'autres provinces aussi -- évidemment, ça va à l'encontre de l'esprit de la loi. La loi essaie de justement protéger les minorités, mais, pour protéger les minorités, il faut également encadrer les différents groupes linguistiques. Et, lorsqu'on brouille les cartes et qu'on commence à avoir des enfants qui sont nés de parents francophones, éduqués en français, nés au Québec, toute la famille, puis qu'en 2010 ils vont se retrouver à pouvoir réclamer des droits constitutionnels permanents, ad vitam aeternam, transmissibles à tous leurs descendants à jamais, je trouve ça un peu de valeur. C'est dommage parce que ce n'est vraiment pas ça, selon moi, ce que voulait la Charte de la langue française ni la Charte canadienne, selon moi. Il n'y a pas de libre choix au niveau de la constitution, ça, c'est assez clair comme principe, et c'est...

M. Curzi: ...votre logique, à ce moment-là.

M. Chétrit Rieger (Marc): ...c'est reconnu par la Cour suprême aussi. Par contre, malheureusement, la façon dont la Cour suprême applique ces règles-là tend vers, disons, de ne laisser au Québec aucun choix. Parce que, dans le fond...

M. Curzi: C'est ça.

M. Chétrit Rieger (Marc): ...comme je mentionne, selon moi, à partir de maintenant, toute exemption qu'on donne, si on se fie à ce que les juges de la Cour suprême ont dit, ça risque de... on doit en prendre compte. Et rappelez-vous une chose, c'est bien beau de faire plein de règles par règlement et de dire: Pour l'école passerelle, il va falloir avoir tant de points et tant d'années, etc., mais ça, ce n'est pas possible pour des enfants qui ont été à l'école publique sous des exemptions légales, entre guillemets. Il n'y a personne qui va pouvoir remettre en question la validité ou la légitimité d'une école publique anglophone dans le système public québécois.

Alors là, vous allez vous retrouver avec des milliers d'applications potentielles. Je ne présume de rien, mais, si j'étais certaines personnes et que je voulais vraiment me faire reconnaître un droit, je serais en train de consulter tous les avocats de la province qui se spécialisent en droits linguistiques parce que, dans le fond, la Cour suprême vient juste de nous dire...

M. Curzi: Oui. Mais, si on applique la loi 101...

M. Chétrit Rieger (Marc): ...un enfant qui est à l'école...

M. Curzi: ...M. Rieger, strictement... Rieger? M. Rieger.

M. Chétrit Rieger (Marc): Oui.

M. Curzi: M. Rieger, si on applique la loi 101 d'une façon stricte, hein, tel que nous le proposons, on se trouve à régler ce problème-là, puisqu'on est, à ce moment-là...

M. Chétrit Rieger (Marc): Quand vous dites «vous»... Pardon. Quand vous dites «vous», vous voulez dire?

M. Curzi: Si le gouvernement décidait, plutôt, de retirer son projet de loi n° 103 et d'appliquer la loi 101?

M. Chétrit Rieger (Marc): Bien, regardez, ce sera tout aussi dangereux dans la mesure que, le 22 octobre, la loi n° 104 cesse d'exister.

M. Curzi: Oui. Ça, on est d'accord.

M. Chétrit Rieger (Marc): Et là c'est le pire des scénarios s'il n'y a rien qui vient la remplacer. Je ne présume pas d'avoir la réponse, là...

M. Curzi: Mais ce n'est pas ce scénario-là dont je vous parle. Je vous parle de l'application de la loi 101 pour...

M. Chétrit Rieger (Marc): Oui.

M. Curzi: Disons, le 23 octobre, le gouvernement décide que, en plein accord avec l'opposition, il applique la loi 101.

M. Chétrit Rieger (Marc): Oui, mais la loi 101...

M. Curzi: Oui.

M. Chétrit Rieger (Marc): ...elle a subi beaucoup de modifications. Je ne vois pas exactement ce que vous voulez dire par «la loi 101», parce que la loi 101 telle qu'on l'a aujourd'hui, légalement elle inclut la loi n° 104, et la loi n° 104 tombe le 22 octobre. C'est-à-dire, la loi n° 104, elle modifiait la loi 101, et la loi 101 elle-même a été modifiée plusieurs fois avant à cause de la Charte canadienne, etc. Donc, je ne vois pas exactement ce que vous voulez dire par «la loi 101». Je suis désolé.

M. Curzi: Bon. O.K. Ce que je veux dire par «l'application de la loi 101», ça veut dire le fait que les écoles privées non subventionnées soient assujetties à l'article 73 de la loi 101 telle qu'elle a été créée et modifiée au cours du temps, c'est ça que je veux dire, donc, autrement dit, que la charte, le principe de l'admissibilité soit étanche en quelque sorte. Ma question -- parce que c'était juste un préambule -- ma question, c'était pour dire: À ce moment-là, cette loi s'appliquerait même aux Forces armées canadiennes?

M. Chétrit Rieger (Marc): Jamais. Il ne faut oublier que...

M. Curzi: Non. Ce que vous me dites, c'est: C'est un territoire fédéral, et c'est la loi... Et donc la loi ne s'applique pas. Mais, en même...

M. Chétrit Rieger (Marc): Il ne faut mélanger les systèmes parce que le...

M. Curzi: Oui. Mais, en même temps, la loi fédérale relève de la Charte canadienne, et il n'y a pas d'exception dans l'article 23.

M. Chétrit Rieger (Marc): Ça, c'est... En fait, je ne voulais pas en parler là-dedans parce que ce n'est pas du tout... je n'ai aucune expertise là-dedans et je ne présume même pas d'avoir une réelle expertise là-dedans non plus, mais je vous fais juste part de mes observations. Mais ce que je veux dire, c'est qu'au niveau fédéral on touche à une autre question complète, là. Quelle est l'obligation du gouvernement fédéral envers ses employés? Et ça, on peut lire justement dans le traité qui a été édité par le juge... l'ancien juge Bastarache plusieurs experts qui parlent justement des obligations du gouvernement fédéral envers leurs employés, qu'ils soient postés à l'étranger ou n'importe où sur les bases militaires à travers le pays.

Si une personne francophone se retrouve à être dans les Forces armées dans une autre province, elle a le droit d'exiger du gouvernement fédéral que ses enfants soient éduqués en français, et même parfois que ce soit à l'autre bout de la planète. C'est une obligation de résultat, là. C'est un droit linguistique qu'ont ces employés-là en vertu de la charte justement. Et c'est pour ça que je ne veux pas mélanger les choses parce que c'est un régime différent, ce qui se passe sur une base militaire.

On a réussi, par prouesse, en quelque sorte, au Québec, d'amener le gouvernement fédéral à une entente pour assujettir les écoles à notre régime, au régime québécois, mais ce n'est pas comme ça partout. Puis, dans le fond, on dirait qu'il y a eu un troc: On vous laisse gérer les écoles, mais vous ne nous obligez pas de mettre les enfants dans une langue qu'on ne préfère pas. Et c'est là la tragédie. La tragédie, c'est, en quelque sorte, une génération d'enfants qui sont anglicisés de par le fait de l'emploi de leurs parents.

Et, avec tout le respect et l'admiration que je porte envers nos concitoyens qui rendent service au pays, ils se retrouvent un peu à se faire tordre le bras pour se faire angliciser, dans le fond. Et ça, c'est quelque chose qu'on me répète dans certains cercles plusieurs fois. Un militaire francophone doit s'angliciser; un militaire anglophone, lui, n'a pas besoin de se franciser. Puis c'étaient ça, les conclusions justement du dernier rapport du Commissaire des langues officielles, c'est de dire: Il n'y a pas assez de formateurs francophones pour assurer les formations aux militaires francophones. Donc, en d'autres termes, s'ils veulent avancer dans leur carrière et acquérir plus de compétences, c'est quasiment automatique qu'ils vont devoir apprendre l'anglais.

**(21 h 20)**

M. Curzi: Si je comprends bien, vous semblez suggérer qu'il y aurait eu une complicité à cet égard.

M. Chétrit Rieger (Marc): Notons que je n'ai jamais utilisé le mot «illégal» dans mon mémoire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chétrit Rieger (Marc): De prime abord...

M. Curzi: ...c'est simplement l'effet du hasard qui fait que nous sommes ici.

M. Chétrit Rieger (Marc): De prime abord...

M. Curzi: Nous sommes ici par hasard.

M. Chétrit Rieger (Marc): Non, mais, juste pour...

M. Curzi: Mais nous ne sommes pas en train de comploter. Il y a une distinction entre les deux probablement. Y aurait-il eu, monsieur, l'effet du hasard ou un complot de méchants fédéralistes?

Le Président (M. Marsan): En terminant.

M. Chétrit Rieger (Marc): Pour revenir à la question de tantôt, vous m'avez demandé s'il y a des pratiques illégales...

Le Président (M. Marsan): Me Rieger, en terminant, s'il vous plaît.

M. Chétrit Rieger (Marc): ...je n'ai jamais utilisé le mot «illégal», ça, c'est... Et, de la même façon, je ne parlerai pas de complot non plus, parce que qui suis-je pour savoir ce qui se passe ou ce qui se trame dans des cercles plus élevés?

Des voix:...

Le Président (M. Marsan): Alors, Me Marc Chétrit Rieger, merci pour nous avoir donné votre opinion sur le projet de loi n° 103.

Des voix: ...

Le Président (M. Marsan): Oui, très courte. Une minute.

M. Blanchet: Une minute?

Le Président (M. Marsan): Oui.

M. Blanchet: Oh! Bon, bien, on va laisser faire la minute parce que je ne suis pas sûr qu'on va y arriver en une minute.

Le Président (M. Marsan): O.K. Alors, je vous remercie encore une fois.

Et, sur ce, la commission ajourne ses travaux au mercredi 22 septembre, après les affaires courantes, afin de poursuivre son mandat. Merci et bon retour.

(Fin de la séance à 21 h 22)

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