Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version finale du Journal est publiée dans un délai de 2 à 4 mois suivant la date de la séance de la commission.
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Le
mercredi 6 juin 2018
-
Vol. 44 N° 115
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 400, Loi modifiant la Loi concernant la succession de l’honorable Trefflé Berthiaume et la Compagnie de Publication de La Presse, Limitée
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11 h (version non révisée)
(Onze heures vingt-neuf minutes)
La Présidente (Mme de Santis) :
Pour que les règles soient connues, c'est seulement au début des auditions que
vous pouvez prendre des images. Et vous pouvez aussi, au tout début d'une
présentation, mais ensuite vous allez cesser de prendre les images, s'il vous
plaît. Je parle aux représentants des médias.
• (11 h 30) •
Alors, est-ce qu'on... Alors, à l'ordre,
s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques...
11 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme de Santis) :
...alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
appareils électroniques.
La commission est réunie afin de procéder
aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi
n° 400, le Loi modifiant la Loi concernant la succession de l'honorable
Trefflé Berthiaume et la Compagnie de Publication de La Presse, Limitée.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui,
Mme la Présidente : Mme Sauvé (Fabre) sera remplacée par M. Tanguay
(LaFontaine) et M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Avant de débuter, j'aimerais faire une déclaration. Avant que je rentre
en politique, j'étais avocate et «partner», associée, chez Davies
Ward Phillips & Vineberg. J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de
représenter Gesca et Power Corporation, en particulier dans deux dossiers qui
avaient une certaine ampleur. C'était la création de Newsworld et Newsworld International
en 1994, et en 2000, c'était l'acquisition des journaux de Unimédia et Conrad
Black. J'ai travaillé sur d'autres dossiers moins d'envergure, mais je n'ai pas
représenté aucun, ni Gesca, ni Power, ni La Presse depuis très
longtemps, depuis plus que 10 ans.
Lundi,j'ai appelé le
Commissaire à l'éthique pour avoir un avis sur les conflits d'intérêts. On m'a
assuré qu'il n'y avait aucun conflit d'intérêts. J'ai aussi demandé, hier, j'ai
envoyé une lettre qu'on me donne l'avis par écrit, parce que c'était un avis
verbal. J'espère recevoir l'avis écrit avant l'étude article par article. Je
croyais que c'était important que je fasse cette déclaration.
Maintenant, nous allons
procéder. Nous débutons cet avant-midi par les remarques préliminaires, et nous
allons entendre La Presse Limitée et Power Corporation du Canada. Nous
débutons avec les remarques préliminaires. Alors, Mme la ministre, vous
disposez de six minutes, l'opposition officielle dispose de
3 min 30 s et le deuxième groupe d'opposition de 2 min 30 s.
Mme la ministre.
Mme Montpetit :
Je vous remercie, Mme la Présidente. Tout d'abord, saluer mes collègues de la
partie ministérielle ainsi que les députés de l'opposition. Je suis certaine
que nous aurons des échanges éclairants aujourd'hui.
Alors, Mme la Présidente, le
monde des médias traverse une période de défis très importants depuis quelques
années. Alors que les revenus de publicité fondent au profit des géants du
Web... des Web américains, les entreprises doivent trouver des façons
innovantes d'y faire face et ainsi assurer une offre d'information diversifiée
et de qualité pour tous les citoyens. Le quotidien LaPresse
fait partie des entreprises ayant décidé de transformer leur modèle d'affaires
pour faire face aux nouveaux défis de notre époque. En l'occurrence, son
actionnaire principal, le groupe Power Corporation, souhaite se départir de ses
actifs investis dans LaPresse.
La
Presse,
contrairement aux autres médias du Québec, constitue un cas unique en raison de
lois privées adoptées uniquement pour elle en 1955, 1961 et 1967. Je rappelle
que la loi de 1967 a conservé son article qui prévoit notamment qu'«aucune
vente, cession, transport ou nantissement de droits ou d'un nombre d'actions de
toute compagnie qui aurait pour objet ou comme résultat de déplacer le contrôle
de la compagnie de publication La Presse Limitée ou d'une partie substantielle
des biens de la compagnie, à l'exception du poste de radio CKAC et du journal La
Patrie, ne peut être validement fait ou consenti, sauf avec l'autorisation
de la législature».
En raison de cette loi
privée du siècle dernier, LaPresse ne peut se donner de
nouveaux propriétaires ou disposer de ses biens sans que l'Assemblée nationale
ne l'y autorise, contrairement à tous les autres médias du Québec. Ces derniers
jours, Mme la Présidente, nous avons clairement entendu les représentants de LaPresse
qui nous demandent de leur assurer leur indépendance. Ils nous demandent d'être
traités comme tous les autres médias au Québec. Est-ce à nous, parlementaires,
de s'immiscer dans le choix du modèle d'affaires que veulent retenir les
propriétaires des médias ? Non. Est-ce à nous de décider qui siégera sur
le conseil d'administration des groupes de presse, non. Est-ce à nous de juger
de la façon dont la transformation souhaitée s'effectuera ? Assurément que
non. Est-ce à nous de leur dicter leur conduite ? Bien évidemment que non.
Il n'appartient pas aux parlementaires de s'immiscer dans un média, ni dans son
contenu, ni dans sa structure. Les dirigeants de La Presse on jugé
avoir trouvé le meilleur moyen pour assurer la pérennité de La Presse
et assurer qu'ils pourraient poursuivre leur mission de produire une
information de qualité…
Mme Montpetit : ... Est-ce à
nous de leur dicter leur conduite? Bien évidemment que non. Il n'appartient pas
aux parlementaires de s'immiscer dans un média, ni dans son contenu, ni dans sa
structure. Les dirigeants de LaPresse ont jugé avoir trouvé
le meilleur moyen pour assurer la pérennité de LaPresse et
assurer qu'ils pourraient poursuivre leur mission de produire une information
de qualité accessible aux Québécois. Il est de notre devoir comme parlementaires
de ne pas s'ingérer dans la gestion d'un groupe de presse, et nous ne devons
pas franchir la ligne devant délimiter la politique et les médias, comme le
souhaitent certains membres de l'opposition. Je fais appel à mes collègues, car
nous devons agir au nom de l'indépendance de la presse au Québec, puisque c'est
de cela dont il est question, corriger une situation qui s'apparente à une
tutelle gouvernementale qui contraint la liberté de décision de LaPresse
sur son propre avenir. Nous devons être guidés aujourd'hui dans cette analyse
par des principes fondamentaux, qui sont la séparation entre le politique et
les médias et l'équité entre les différents médias. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme la ministre. Maintenant, je demanderais au porte-parole de
l'opposition officielle et député de Matane-Matapédia à faire ses remarques
préliminaires pour un maximum de 3 min 30 s.
M.
Bérubé
: Merci,
Mme la Présidente. Je veux à mon tour saluer la ministre, son équipe gouvernementale,
les collègues de l'opposition et réitérer le rôle des parlementaires à l'Assemblée
nationale. À partir du moment où un projet de loi est déposé, le rôle des parlementaires,
c'est de l'étudier avec professionnalisme en posant les questions qui
s'imposent, et on ne peut pas se substituer à ce rôle-là. Alors, à partir du
moment où il y a un projet de loi, j'annonce que les parlementaires du Parti
québécois vont faire leur travail, et c'est pour ça qu'ils ont été élus. Alors,
sinon, on ne siégerait pas à ce moment-ci pour le projet de loi n° 400.
Trois thèmes qui vont nous guider dans
cette étude : l'indépendance, la transparence et la gouvernance. Nous
avons déjà eu des échanges en privé avec les représentants de LaPresse
à leur demande, des échanges qui ont été constructifs... des questions
légitimes que nous nous posons, mais que d'autres observateurs se posent également
sur la scène médiatique, politique et auprès des citoyens et des gens qui sont
épris de l'information.
Le Parti québécois réitère sa volonté
d'avoir une pluralité des sources. Dans une démocratie, c'est important d'avoir
des institutions de presse fortes qui jouent un rôle essentiel, notamment
auprès du politique, de questionner, et il est acquis que nous allons
collaborer avec cet esprit pour s'assurer de l'avenir de LaPresse,
qui est une grande institution québécoise, de l'avenir de cette institution.
Aussi, nous avons en tête les artisans de l'information, et c'est peut-être à
eux que je pense davantage, les artisans de l'information qui font un travail
exceptionnel depuis des décennies. Nous allons nous assurer qu'ils auront toute
l'indépendance nécessaire. Des questions vont quand même s'imposer quant aux
liens que souhaite conserver le propriétaire de LaPresse
malgré la création d'un organisme à but non lucratif. Ce qu'on va consentir au
journal LaPresse, ce n'est pas banal, c'est des avantages
qui vont permettre à cette entreprise d'aller chercher des revenus supplémentaires.
Il nous apparaît qu'il est essentiel de poser les questions qui s'imposent, notamment
en termes de gouvernance, et je suis convaincu que les représentants sauront y
répondre du mieux possible. Évidemment, j'ai pris connaissance des engagements
de LaPresse dans l'édition de samedi dernier, mais il
m'apparaît que le meilleur endroit où prendre ces engagements, c'est ici, au
salon rouge de l'Assemblée nationale lors d'une audition, voire même à
l'intérieur d'un projet de loi. Alors, je suggère un autre média qui est aussi
important dans notre démocratie où peuvent être inscrits ces principes, c'est
la Gazette officielle, celle de l'Assemblée nationale, où sera consigné
ce projet de loi.
Alors, Mme la Présidente, en terminant — et
je prendrai le temps qu'il reste pour mes interventions — je réitère
notre volonté de collaborer pour l'adoption dès cette session d'un projet de
loi qui va permettre à LaPresse de poursuivre son aventure
au service de l'information, de ses lecteurs et de notre démocratie.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, M. le député. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième groupe
d'opposition et députée d'Iberville à faire ses remarques préliminaires pour un
maximum de 2 min 30 s.
Mme Samson : Merci, Mme la
Présidente. J'aimerais saluer tout le monde. Bonjour, messieurs. Mme la
Présidente, c'est un projet de loi bien spécial, on n'en voit pas beaucoup
comme ceux-ci, puis dans les délais qu'on connaît, et, si on réussit à régler
ça avant la fin de la session, ce sera bien la première chose qui sera réglée
ici en deux semaines. On applaudira si on veut à ce moment-là.
• (11 h 40) •
Il n'en demeure pas moins que ce projet de
loi là soulève plein de questions pour tous ceux et celles qui s'intéressent au
monde des médias et de la culture, et on peut certainement exprimer toutes nos
questions et tous nos doutes quant au modèle d'affaires suggéré, c'est
légitime. Tout le monde peut se questionner sur la probabilité que ce soit un
succès. Mais, à la fin de la journée, est-ce que le modèle d'affaires que veut
adopter LaPresse nous concerne dans la vraie vie? Non. Je
pense que ce n'est pas de nos affaires, de quelle façon LaPresse
veut mener ses choses, comment elle veut générer ses revenus, et de quelles
sources, et sur quel échéancier...
Mme Samson : …à la fin de
la journée, est-ce que le modèle d'affaires que veut adopter La Presse
nous concerne dans la vraie vie? Non. Je pense que ce n'est pas de nos
affaires, de quelle façon La Presse veut mener ses choses, comment
elle veut générer ses revenus, et de quelles sources, et sur quel échéancier.
C'est leur défi. Ce n'est pas le nôtre. Ça sera le leur de le relever. Alors,
moi, Mme la Présidente, ça sera tout. Je suis prête à écouter et à poser des questions.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, Mme la députée. Avant qu'on procède, j'aimerais avoir le consentement
des membres de la commission qu'on puisse aller au-delà de 13 heures pour
que les deux groupes qui viennent devant nous aient leurs 45 minutes. Est-ce
que j'ai l'approbation?
Des voix
: Consentement.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Donc, maintenant, je souhaite la bienvenue à La Presse.
Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Puisque
nous allons procéder à la période d'échange avec les membres de la commission,
les membres de la commission auront, le gouvernement, 15 minutes, l'opposition
officielle, neuf minutes, le deuxième groupe d'opposition six minutes. Et je
vois deux membres indépendants. Donc, chacun aura deux minutes. J'invite maintenant
à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent et de procéder à
votre exposé. La parole est à vous.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Donc, Mme la Présidente de la commission, Mme la ministre
de la Culture et des Communications, mesdames et messieurs les membres de la commission,
mon nom est Pierre-Elliott Levasseur, président de La Presse. Je
suis accompagné de M. Guy Crevier, vice-président du conseil et éditeur de
La Presse, et de M. Éric Trottier, éditeur adjoint de La Presse.
Merci de nous recevoir.
J'aimerais débuter en soulignant
l'importance du moment. La direction de La Presse se présente aujourd'hui
à l'Assemblée nationale en faisant front commun avec ses employés, ses syndicats,
les deux grandes centrales syndicales du Québec ainsi que la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec. Je laisse chacun de ces groupes
expliquer en détail les raisons qui les amènent à témoigner devant vous, mais
je peux vous dire que nous faisons alliance aujourd'hui derrière le projet de
transformation de La Presse, car nous sommes tous convaincus que la
structure à but non lucratif vers laquelle La Presse se dirige est
la structure d'avenir qui donne le plus de chance à La Presse
d'assurer la pérennité de sa mission, soit de livrer une information de
qualité, rigoureuse, basée sur les faits.
Vous n'êtes pas sans savoir que les médias
écrits vivent actuellement une crise sans précédent. Le modèle des journaux
papier est brisé de façon irréversible. Le tirage ne cesse de décroître et le
lectorat des journaux papier vieillit avec peu de capacité de renouvellement.
Résultat, les journaux papier ont perdu pas moins de 66 % de leurs revenus
publicitaires depuis 2005. Aujourd'hui, près de 80 % des revenus
publicitaires numériques sont entre les mains de deux grands joueurs
américains, Google et Facebook, qui menacent le modèle d'affaire des médias
d'ici. L'innovation est le seul moyen d'assurer la viabilité de grandes salles
de nouvelles qui jouent un rôle fondamental dans la vitalité, pardon, de la
démocratie du Québec.
Vous le savez, face à un tel contexte, La Presse
a justement su innover ces dernières années en prenant le virage numérique
comme aucun autre média écrit l'a fait. Le projet à nécessité trois ans
d'efforts, le développement et la modification de plus de 25 systèmes de
production, ce qui nous a permis de lancer La Presse+ qui est devenue un
formidable succès populaire. Nous avons rapidement réussi à atteindre une
consultation moyenne de 260 000 tablettes par jour, avec une moyenne
de consultation quotidienne de 40 minutes, et même 50 minutes le
week-end. Nous avons également réussi le tour de force de rajeunir
considérablement notre auditoire. Et nous avons réussi grâce à ce virage
numérique à mieux résister que les autres journaux au Canada de taille
similaire à l'érosion de nos revenus en conservant les deux tiers de nos
revenus publicitaires.
Parallèlement, il faut le noter, La Presse
a su réduire des dépenses au fil des ans sans aucun conflit de travail. Elle a
abandonné un environnement industriel lourd et coûteux, et vu son nombre
d'employés passer de 910 à 558 employés. Et elle a pu compter sur la
contribution de ses syndicats et de ses employés qui ont accepté que leurs
salaires, comme ceux des cadres, soient gelés pendant cinq des neuf dernières
années, des salaires d'ailleurs qui respectent les normes de l'industrie selon
les études de rémunération.
Mais malgré nos succès, notre modèle n'est
pas parfait, loin de là. Aucun grand média de la taille de La Presse
n'a encore trouvé la solution ou la recette qui pourrait assurer sa pérennité.
La réalité, c'est que personne dans l'industrie n'avait deviné la montée aussi
rapide des géants américains que sont Google et Facebook. La transformation
numérique est bien amorcée à La Presse mais il nous faut aller plus
loin. Nous devons procéder à une refonte majeure de l'expérience utilisateur,
l'expérience usager…
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
…qui pourrait assurer sa pérennité. La réalité, c'est que personne dans l'industrie
n'avait deviné la montée aussi rapide des géants américains que sont Google et
Facebook. La transformation numérique est bien amorcée à La Presse, mais
il nous faut aller plus loin. Nous devons procéder à une refonte majeure de l'expérience
utilisateur, l'expérience usager sur le mobile et sur le Web. Nous devons également
poursuivre le développement de notre intelligence d'affaires et continuer de
faire évoluer notre écosystème publicitaire. Bref, nous savons ce que nous
avons à faire, mais ce virage, il est très coûteux.
Il est donc important, dans un contexte
d'érosion des revenus publicitaires, que La Presse diversifie ses
sources de revenus, ce qui passe inévitablement par une transformation de sa
structure dans le respect de ses employés et de ses retraités. La Presse
s'engage en effet à respecter ses conventions collectives et à instaurer des
régimes de retraite miroirs pour ses employés. De plus, nous rappelons que
Power Corporation s'est dite disposée à mettre en place, avec la collaboration
des syndicats, un mécanisme afin de conserver sous sa charge les obligations
passées des régimes de retraite sur une base de continuité des affaires. Cette nouvelle
structure nous permettra de mettre à exécution notre plan stratégique de façon
ordonnée et de profiter de l'appui de grands donateurs, de grandes entreprises,
de fondations et de citoyens.
Il est donc important de préciser que nous
n'exigeons aucun traitement particulier. Nous demandons plutôt à Québec et à
Ottawa de mettre sur pieds des programmes universels ouverts à tous les
journaux. La fiducie d'utilité sociale qui chapeautera La Presse sera
totalement indépendante de Power Corporation. La Presse a formellement
demandé au Barreau du Québec d'assumer la responsabilité de lui dresser une
liste de trois noms de juges à la retraite reconnus pour leur grande rigueur
pour combler la fonction de fiduciaire. Ce dernier serait choisi à partir de
cette liste par la haute direction de La Presse sans aucune consultation
auprès de Power Corporation. Le rôle du fiduciaire sera de veiller à ce que le
conseil d'administration respecte la mission du journal et s'assurer que tout
argent recueilli et tout profit généré soient consacrés aux opérations de La
Presse dans le but ultime de produire une information de qualité accessible
à l'ensemble de la population.
Un conseil d'administration sera aussi
nommé pour veiller au bon fonctionnement de La Presse. Pour dissiper
tout doute quant à l'indépendance du journal, le président initial du conseil
sera nommé par la haute direction de La Presse de façon totalement
indépendante de l'actionnaire actuel, Power Corporation, et sans consultation
de ce dernier. La Presse cherchera à ce que la personne qui occupe le
poste de président ou présidente du conseil ait une connaissance approfondie
des médias, du milieu de la publicité et du numérique. Cette personne devra
avoir mené à bien la gestion de grands dossiers.
L'identification des autres
administrateurs initiaux… reviendra, pardon, au président du conseil ou à la
présidente, mais une description des qualités et compétences souhaitées a été
élaborée. On devra retrouver au conseil des personnes capables d'incarner
l'essence du rôle des médias, de représenter le milieu journalistique, de faire
valoir publiquement l'importance des campagnes de sociofinancement, de
maîtriser les technologies et l'intelligence d'affaires, de… démontrer, pardon,
une grande connaissance du milieu de la publicité et de faire valoir une solide
expérience du monde de la finance.
Par la suite, ce sera au conseil
d'administration que reviendra la tâche de nommer le successeur au premier
président ou présidente du conseil et de recommander les prochains administrateurs.
Les choix devront se faire à la majorité des deux tiers des membres du conseil.
Nous sommes convaincus que la structure à but non lucratif est une approche
moderne, adaptée à la nouvelle réalité des médias écrits, et nous permettra de
poursuivre nos démarches novatrices dans le but d'assurer la pérennité de La
Presse.
• (11 h 50) •
Nous sommes toutefois ici ce matin
car il existe un obstacle à cette transformation. Ce changement majeur de
structure nécessite en effet l'abrogation d'une disposition de la loi privée
adoptée à la suite d'une chicane testamentaire datant de plus de 100 ans.
L'Assemblée nationale s'est ainsi prononcée à quatre reprises au fil des
décennies jusqu'au bill d'août 1967, une loi privée adoptée dans le but
d'encadrer la vente d'actions à Corporation de valeurs transcontinentale…
Trans-Canada, pardon. Des restrictions au changement de contrôle du journal La
Presse ont alors été établies dans le but de s'assurer de conserver la
propriété du quotidien au Québec. Notons que les législateurs respectifs ont
statué à plusieurs reprises sur la propriété des actions de La Presse
tout en se gardant à chaque époque de s'ingérer dans le fonctionnement et la
gouvernance de La Presse. Précisons d'ailleurs qu'en plus d'appuyer
l'abrogation, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, les
syndicats de la presse, la Fédération nationale des communications affiliée à
la CSN, ainsi que la FTQ ont unanimement demandé aux parlementaires de ne pas
s'ingérer dans la gouvernance de La Presse en imposant des conditions à
ce transfert. Nous vous demandons donc…
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
…professionnelle des journalistes du Québec, les syndicats de LaPresse,
la Fédération nationale des communications, affiliée à la CSN, ainsi que la FTQ
ont unanimement demandé aux parlementaires de ne pas s'ingérer dans la
gouvernance de LaPresse en imposant des conditions à ce
transfert.
Nous vous demandons donc de traiter LaPresse
sur le même pied d'égalité que tous les autres journaux écrits au Québec et au
Canada en levant une disposition de loi privée de 1967. En levant ces
dispositions, vous permettez à LaPresse d'évoluer, mais
aussi de demeurer à jamais la propriété d'une institution québécoise à part
entière. En ce sens, vous respectez tout à fait l'esprit de la loi à l'époque.
Pour terminer, il est important pour nous
de rappeler que, si nous sommes ici, ce matin, c'est dans le seul but de sauver
un journal qui joue un rôle essentiel dans la société québécoise depuis plus de
100 ans. Comme tous les médias écrits, le plus grand journal francophone
d'Amérique est menacé par la crise qui secoue l'industrie. Nous voulons innover
pour préserver l'une des plus grandes salles de rédaction au pays et plus de
500 emplois. Nous pensons que le rôle des élus est de favoriser l'innovation,
mais pas de s'ingérer dans la gouvernance et dans les opérations d'un média
écrit.
Nous formons aujourd'hui un front commun
historique avec nos syndicats, les centrales syndicales et la FPJQ. C'est un
geste fort qui vise à permettre à LaPresse de pérenniser sa
mission et ses opérations. Nous espérons sincèrement que vous allez lever
l'unique obstacle à cet important projet pour LaPresse pour
l'écosystème médiatique et pour le Québec.
Merci pour votre écoute.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, M. Levasseur. J'aimerais faire une rectification. D'après les
règles, le temps octroyé est de trois minutes aux deux indépendants, donc ça va
être 1 min 30 s chacun. Et pour les... ça reste 15 minutes pour le
gouvernement, neuf minutes pour l'opposition officielle et six minutes pour le
deuxième groupe d'opposition. Merci. Maintenant, la parole est à la ministre.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. M. Levasseur, M. Crevier,
M. Trottier, bonjour, merci de prendre le temps de venir nous exposer ce
que vous aviez à nous présenter suite à votre requête.
D'entrée de jeu, moi, j'aimerais vous
entendre davantage sur les derniers propos que vous avez tenus sur toute la
question de l'ingérence qui est demandée, qui a été soulevée, notamment dans
des demandes de certains députés de l'opposition, donc une perception
d'ingérence ou des demandes d'ingérence directe sur votre gouvernance
justement, sur votre modèle d'affaires, sur votre gestion. J'aimerais vous
entendre davantage sur ce point spécifique.
M. Crevier (Guy) : Écoutez, ce
qui m'a frappé, moi, c'est tout le processus, je suis très respectueux du
processus, mais il y a quand même 15 groupes ou personnes qui ont été invités
et il y en a au moins sept qui ont refusé de venir témoigner puis je veux juste
vous lire un paragraphe de Marc-François Bernier qui a publié hier un mémo à ce
sujet-là. Il disait essentiellement que lui ne voulait pas se présenter ici
aujourd'hui, parce que c'était une formalité puisque la loi de 1967 avait perdu
toute sa pertinence de l'époque. Maintenant, il est allé un peu plus loin, il a
dit que cette commission parlementaire risque d'être une véritable ingérence
injustifiée dans la vie d'un média pour toutes sortes de mauvaises raisons,
concurrence, règlements de comptes et partisanerie. Moi, je ne dis pas qu'on
partage ça. Ce n'est pas... tu sais, on a parlé beaucoup... puis je respecte
l'énoncé que M. Bérubé a fait en disant qu'il voulait poser des questions et
vous avez le droit de poser des questions puis on veut répondre au maximum de
vos questions... mais il y a toujours une ligne très fine qui est difficile à
franchir entre l'indépendance d'un média et le rôle des politiciens. Nous, la
seule chose qui nous concerne aujourd'hui, c'est qu'on demande tout simplement
à être traité sur un pied d'égalité avec les autres médias. LaPresse
est une institution qui joue un rôle important dans la société québécoise et je
pense que c'est important, on fait face à un défi important qui est lié par...
qui nous est donné par les géants américains. Je pense que c'est important que
les parlementaires nous permettent d'assumer adéquatement notre rôle et d'assurer
de mettre en place une stratégie qui est fortement appuyée par nos employés,
par les syndicats, par la CSN, par la FTQ, par la FPJQ qui sont tous unanimes à
dire que cette loi-là devrait être abrogée et demander également aux
parlementaires d'être prudents dans les exigences qu'ils pourraient formuler à
l'endroit d'un média, parce que c'est... il y a un risque de franchir là, une
ligne qui est excessivement fine.
Mme Melançon : C'est... On a
eu l'occasion de se rencontrer effectivement avec les députés de l'opposition,
notamment, puis je pense que le message était bien clair que vous parlez d'une
seule voix avec vos employés non seulement, mais avec vos syndicats également
et puis je pense qu'il faudra peut-être le resouligner au cours des prochains
échanges aussi, mais ma compréhension, puis je pense qu'elle doit être aussi...
Mme Montpetit : ...le message
était bien clair que vous parlez d'une seule voix, avec vos employés, non seulement,
mais avec vos syndicats, également. Et puis je pense qu'il faudra peut-être le
resouligner au cours des prochains échanges aussi, mais ma compréhension, puis
je pense qu'elle doit être aussi très claire pour celle du public qui nous
écoute, c'est que la seule et unique demande que vous faites, c'est d'être
traités comme les autres médias du Québec. Il n'y a pas de demande financière
qui est rattachée à ça, il n'y a pas de demande d'autre intervention sur votre
structure, après ça, c'est vraiment une demande qui est une question d'équité.
Et c'est pour ça que je le mentionnais, en entrée de jeu, parce que c'est un
peu à... le modèle, la dynamique dans laquelle on se retrouve... vous vous
retrouvez un peu effectivement en tutelle de parlementaires, alors qu'on a de
nombreuses discussions, à l'heure actuelle, dans la sphère publique, sur
d'autres dossiers, sur l'importance d'avoir des médias qui sont indépendants,
notamment sur toute la question de comment on vient soutenir financièrement
l'aide à la transformation numérique, comment on vient soutenir la diversification
de nos médias à travers le Québec, s'assurer d'avoir un pilier démocratique de
médias qui demeure... dont la vitalité demeure. Et, dans le fond, l'article en
question du projet de loi mélange le politique et mélange les médias, en ce
sens que vous devez venir demander l'autorisation de l'Assemblée nationale pour
pouvoir procéder.
Ce que j'aimerais aussi que vous puissiez
expliciter davantage, et vous avez eu l'occasion de le faire, notamment dans
les médias, mais je pense que c'est important, pour les membres de cette
commission-là aussi, comme plus grosse salle de presse francophone en Amérique
du Nord aussi... les conséquences de ne pas procéder à l'adoption de ce projet
de loi là, les conséquences de ne pas changer l'article spécifique dont il est
question.
M. Crevier (Guy) : Je vais
laisser M. Levasseur répondre à cette question-là, mais peut-être... avant de
donner la parole à M. Levasseur, j'aimerais ça, peut-être, reprendre deux des
éléments que vous avez soulevés. La première, c'est que vous avez totalement
raison, il y a 89 quotidiens aujourd'hui, au Canada, qui peuvent adopter le
statut corporatif qu'ils désirent sans demander aucune permission à des
parlementaires. Nous sommes les seuls, au Canada, à être régis par une
contrainte comme celle-là, d'une part. Secundo, vous avez fait allusion au fait
que nous étions unis, une seule voix, quand on se présentait devant vous,
aujourd'hui. Et ce n'est pas un accident, parce que les employés de LaPresse,
comme la plupart des gens qui travaillent dans les médias aujourd'hui, même,
que ce soit la télévision et la radio, les gens sont conscients du dommage qui
est fait par ces gens-là, américains, puis ils sont conscients aussi, les gens
de LaPresse... tu sais, quand on dit qu'on a lancé La Presse+,
là, il n'y a pas un emploi à la LaPresse dont la
description de tâches n'a pas changé. Donc, tout au long du processus de
transformation, on a communiqué avec nos employés, on a partagé des
informations avec les syndicats, nos syndicats ont d'ailleurs accès à nos
résultats financiers. On a posé des gestes constamment, on a répondu aux
questions des employés à toutes les années, on a partagé nos stratégies. C'est
ce qui fait qu'aujourd'hui ce n'est pas juste un bloc unifié qui dit :
Bon, voilà notre position. Il y a une compréhension profonde de la part de nos
syndicats, de la part de nos employés, des enjeux d'un média écrit,
aujourd'hui, et non seulement ils adhèrent à notre position, mais ils
l'appuient, ils appuient la stratégie qui est mise en place.
C'est assez fascinant, parce qu'on aurait pu
sentir, au sein des employés de LaPresse, une forme de
découragement, de perdre un actionnaire d'importance aussi grande que Power
Corporation, les gens ne comprennent pourquoi on pose ce geste-là puis les gens
sont unis en arrière de nous, exactement parce qu'ils voient très bien que
c'est la seule solution pour sauver un média d'importance. Et vous faites bien
de le rappeler, c'est la plus grande salle de nouvelles francophone en Amérique
du Nord.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Bien, moi, je dirais que la raison que c'est important d'agir rapidement c'est
que le modèle, on l'a dit à répétition, là, le modèle des médias écrits est
brisé. Aujourd'hui, la progression de Google et Facebook est phénoménale puis
elle ne ralentit pas. Juste dans les dernières années, là, leur part de marché
est allée de 50 % des revenus publicitaires dans le secteur numérique à
80 % des revenus publicitaires. Puis cette progression-là, elle ne
ralentit pas. Donc, nous, on a un plan, ça fait des mois qu'on étudie
différentes options, on est arrivés à un plan dans lequel on croit, dans lequel
nos employés croient, dans lequel nos syndicats croient, on a un plan, mais on
ne peut pas se permettre d'attendre une année de plus et de paver la voie, de
laisser la voie tout ouverte à Google et à Facebook pour dire : Nous,
pendant la prochaine année, on ne va rien faire puis on va vous laisser
accaparer 90 %, 95 % du marché publicitaire sans qu'on fasse quoi que
ce soit.
Puis je veux juste être clair, on n'a pas
la prétention qu'on va être capable de faire crouler Google ou Facebook, on
n'est pas cinglés. Toutefois, on pense qu'on est capables d'aller chercher
notre juste part des revenus publicitaires avec nos projets de transformation.
Donc, on a un plan, mais il y a urgence d'agir.
• (12 heures) •
Mme Montpetit : Peut-être
aussi... vous avez... bon, on parle justement des rencontres qui ont été faites
avec les employés, je pense que ça, c'est important puis c'est...
12 h (version non révisée)
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
… des revenus publicitaires avec nos projets de transformation. Donc, on a un
plan, mais il y a urgence d'agir.
Mme Montpetit : Peut-être
aussi… vous avez… bon, on parle justement des rencontres qui ont été faites
avec les employés. Je pense que ça, c'est important, puis c'est certainement
quelque chose qui va nous éclairer pour la suite des choses, mais dans les
échanges que vous avez eus avec vos employés, justement, pour qu'ils se
rallient, qu'ils fassent partie de cette importante décision, parce que je
pense que vous l'avez souligné, j'imagine que ça a été une grosse nouvelle
quand vous leur avez annoncé, ça a dû être une onde de choc assez importante,
j'imagine, au sein de l'entreprise. Est-ce que, justement, cette décision-là va
venir changer quelque chose pour vos employés?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Non. Nous, bien, premièrement, ce qu'on a fait, c'est que un, on a fait l'annonce,
on a passé une heure après à répondre aux questions de nos employés, puis évidemment
il était quand même certain qu'ils étaient sous le choc, là, c'était une
nouvelle qui tait très importante de pour eux.
Après ça, ce qu'on a fait dans la semaine
qui a suivi… les deux semaines qui ont suivi, c'est qu'on les a rencontrés en
petits groupes, des petits groupes de travail pour encore leur permettre de
nous poser toutes les questions, une fois qu'ils ont eu la chance un peu de
réfléchir à la nouvelle structure puis de formuler leurs questions puis leurs
inquiétudes. Les employés, les syndicats, encore, ont très, très bien réagi. On
a répondu à toutes leurs questions. Donc, ça, c'est dans un premier temps, en
termes de les rassurer.
Au niveau de la convention collective,
nous, c'est clair qu'on va respecter les conventions collectives telles qu'ils
existent aujourd'hui. On vient de signer une convention collective avec la
Fédération des… avec la FTQ, essentiellement, et… pour un groupe de nos
employés, on va respecter tous les termes et conditions de cette convention
collective là.
Également, on a annoncé qu'on allait
mettre sur pied un fonds de pension qui serait miroir au fonds de pension qui
existe aujourd'hui. Donc, il a y avoir zéro changement dans le fonds de
pension, et comme on a annoncé également, Power Corporation, s'est dite
disposée, encore avec l'accord des syndicats, de garder, essentiellement, les
obligations passées du fonds de pension, basé sur la continuité des affaires.
M. Crevier (Guy) : Puis, vous
avez raison, Mme la ministre, de dire que quand on a annoncé la nouvelle, que
les gens étaient inquiets, mais si j'essayais de tracer le portait de la
situation présente à La Presse, aujourd'hui, là, tu sais, quelques
semaines après notre annonce, moi, je vous dirais que la majorité des employés
sont inquiets de na pas savoir ce qu'il va arriver avec la structure
corporative.
Aujourd'hui, ce n'est plus une inquiétude
qui est liée au fait qu'on devienne une structure à but non lucratif, c'est
bien accepté par l'ensemble de nos employés. L'inquiétude aujourd'hui, c'est de
dire : Est-ce qu'on va être capables de se transformer rapidement? Est-ce
que les parlementaires vont accepter de nous traiter comme les autres journaux
au Canada sont traités? Est-ce que… puis, moi, je vous dirais aussi, j'ai
énormément de respect pour les employés de La Presse, pour les
syndicats, pour tous les gens qui ont été nos partenaires dans ces
aventures-là, de changer la structure de fonctionnement d'une entreprise qui
est centenaire et qui est syndiquée, ce n'est pas facile.
Et les gens ont fait preuve d'énormément
d'ouverture et de collaboration. Ils ont travaillé fort, ils ont innové. Vous
voyez, on a été les premiers au monde à faire La Presse+.
Donc, les gens ont été très innovateurs,
ils veulent poursuivre cette innovation-là, ils veulent poursuivre… ils
appuient le plan qu'on met en place, mais ils aimeraient être capables de
bouger rapidement. Donc, il y a une forme de… je dirais des employés une forme
de cri du cœur à l'endroit des parlementaires, de dire : Ne nous laissez
pas dans un «no-man's-land» dans un endroit où est-ce qu'on ne sait pas où on
va, ce qu'on va faire, et comment on va pouvoir gérer notre avenir
collectivement ensemble.
La Présidente (Mme de Santis) :
Mme la ministre.
Mme Montpetit : Oui, donc, ce
que vous nous dites, c'est que cette période d'instabilité liée au fait d'être
régi par l'Assemblée nationale, de ne pas savoir la suite des choses par
rapport à l'adoption ou pas de ce projet de loi alimente cette inquiétude-là
auprès des employés.
M. Crevier (Guy) : Je vous
dirais qu'il y a deux éléments dans ça. Premièrement, ce n'est pas juste d'être
régi par l'Assemblée nationale, parce que, nous, on espère qu'en bout de ligne
le gros bon sens va prévaloir puis que ça va être… mais il n'y a pas juste les
exigences de l'Assemblée nationale, il y a le processus parlementaire, hein?
Il faut réaliser qu'on est dans un
processus parlementaire qui est sommes toutes… même nous, on a découvert ça
avec beaucoup de surprise… il faut réaliser qu'aujourd'hui nous avons besoin de
l'unanimité, hein, des parlementaires, O.K.? Si jamais on décidait de repousser
la question à l'automne, il n'y a rien qui nous garantit que l'Assemblée
nationale va siéger avant le 15 novembre.
Donc, si jamais l'Assemblée nationale ne
siège pas avant le 15 novembre, nous allons retourner exactement à la même
situation d'aujourd'hui, O.K.? Donc, ça va nous pousser au printemps, ou au
début 2019.
Début 2019, si on arrive, nous, avec une
proposition d'une loi privée, est-ce que va elle va être entendue avant les
lois publiques qui vont être amenée par un nouveau gouvernement? Je ne pense pas.
Donc, ça va nous repousser au mois de mai, juin prochain, O.K.?
Donc, mai, juin prochain, c'est une année
de complètement perdue, puis je reprends les paroles de M. Levasseur qui
étaient très précises, tu sais…
M. Crevier (Guy) :
...début 2019, si on arrive, nous, avec une proposition d'une loi privée, est-ce
qu'elle va être entendue avant l'été, des lois publiques qui vont être amenées
par un nouveau gouvernement? Je ne pense pas. Donc, ça va nous repousser quelque
part au mois de mai, juin prochain. O.K.? Donc, mai, juin prochain, c'est une
année complètement perdue. Puis je reprends les paroles de M. Levasseur
qui étaient très précises, tu sais, il y a quelques années de ça, on se battait
pour s'accaparer de 50 % des revenus numériques qui sont quand même aujourd'hui
de 6,3 milliards. 80 % aujourd'hui sont dans les mains beaucoup des
Facebook, et si on ne fait rien, ça va être 90 % dans pas grand temps.
Donc, il y a urgence d'agir.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Oui. Puis je rajouterais juste à ce point-là, c'est
que le plan qu'on a développé, ça fait des mois qu'on travaille à regarder des
options, puis on a finalement proposé le plan qui est vraiment le meilleur plan
pour LaPresse. Mais il faut réaliser que le
50 millions de dollars de Power Corporation, il n'existe pas sans ce
plan-là. On a 50 millions, le 50 millions fait partie d'un plan
global, il fait partie de... une partie du plan, c'est qu'on reçoit
50 millions qui nous permettent de poursuivre notre transformation d'une
façon ordonnée, puis l'autre partie du plan, c'est qu'on ouvre les portes à du
financement additionnel, du financement qui ne nous est pas disponible
aujourd'hui. Donc, si je n'ai pas... si la loi n'est pas... si on n'abroge pas
la loi dans cette session parlementaire ci, moi, je me retrouve face à une
situation où il faut que je retourne plusieurs mois en arrière puis que je
trouve une... j'essaie de trouver une autre option, une autre option qui ne va
certainement pas être aussi bonne que l'option qu'on propose aujourd'hui. Elle
ne sera pas aussi bonne pour nos employés, elle ne sera pas aussi bonne pour
nous, elle ne sera pas aussi bonne pour la société québécoise, ça, c'est clair.
La Présidente (Mme de
Santis) : Mme la ministre, 39 secondes.
Mme Montpetit : Oh! Mais,
de ce que j'entends dans le fond, c'est vraiment pour vous comme plus grosse
salle de presse francophone en Amérique du Nord, il y a urgence d'agir, il y a
urgence de vous redonner la liberté de prendre vos décisions comme si c'est le
cas pour l'ensemble des médias au Québec pour la suite des choses pour vous.
Merci.
Des voix
: Merci.
La Présidente (Mme de
Santis) : Merci, Mme la ministre. Maintenant, la parole est au député
de Matane-Matapédia pour neuf minutes.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bienvenue, à l'Assemblée nationale. Alors,
j'entendais, il y a quelques instants, la ministre libérale nous indiquer qu'il
est important que le politique ne s'ingère pas dans les médias, voire les
médias écrits aujourd'hui. J'indique à la ministre que c'est toujours bien son
gouvernement qui, en décembre 2017, a fait le choix politique d'accorder
un prêt de 10 millions à Capitales Médias. C'est une décision
politique. Consentir à un nouveau modèle qui permet d'aller chercher des
revenus tant d'Ottawa et de Québec, c'est une décision politique également. Ce
nouveau modèle qui permettrait à LaPresse d'avoir un
avantage que d'autres médias n'ont pas, bien là, ça pose une autre question
d'équité. Lorsque, M. Crevier, vous indiquez que vous voulez être traité
avec équité, le nouveau statut vous donnerait des avantages que d'autres médias
n'ont pas. Alors, je tiens à le préciser parce que c'est important de le
réitérer. Il y a des décisions politiques qui se prennent, et à Ottawa il y
aura d'autres décisions qui vont se prendre quant à la philanthropie, quant aux
conditions d'accessibilité aux reçus de charité. Tout ça, c'est des décisions
politiques. Alors, oui, il s'en prend des décisions politiques qui ont un lien
avec les médias.
Ma première question. M. Levasseur,
vous avez dit au micro de Paul Arcand, vous avez expliqué que «la fiducie
devra préserver la mission du journal, soit d'offrir une information de
qualité, mais qu'elle devra s'assurer du respect des principes éditoriaux
établis depuis 1972. Les résultats de l'application de ces principes éditoriaux
sont bien connus». Alors, ma question : Est-ce que... et vous l'avez un
peu réitéré tout à l'heure, est-ce que... est-ce dans vos intentions de
préserver ces concepts-là, ce principe-là même si ça va à l'encontre des
principes qui guident l'octroi d'un financement fédéral?
M. Crevier (Guy) : Est-ce
que tu veux que je réponde, là, Pierre -Elliot?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bien, en partie, là.
M.
Bérubé
:
Sur les propos de M. Levasseur.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : En tout cas, tu peux commencer, puis je vais y
aller.
M. Crevier (Guy) : Bon,
première des choses, aujourd'hui, on...
M.
Bérubé
: M.
le Président, en tout respect, c'était sur les propos d'abord de
M. Levasseur à Paul Arcand.
M. Crevier (Guy) : Ah!
O.K., excusez-moi, je vais laisser M. Levasseur.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Bien, écoutez, premièrement dans un premier temps,
vous parlez du lien entre l'octroi d'un statut de bienfaisance à Ottawa avec
une position éditoriale. Moi, je pense que tous les journaux en Amérique du
Nord prennent position, prennent position sur plusieurs sujets dans notre société.
Nous, ce que... premièrement, le gouvernement fédéral a tracé une ligne pour
l'obtention d'un financement éventuel, une ligne qui était une ligne de
philanthropie. Ce n'est pas nous qui avons proposé cette ligne-là, c'est une
ligne que le gouvernement fédéral a tracée. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on va
laisser les travailleurs, les fonctionnaires au fédéral travailler. On n'a
aucune idée de la... on n'a aucune idée de ce que cette proposition-là d'Ottawa
va être, et ça, c'est dans un premier temps.
• (12 h 10) •
Deuxièmement, nous, ce qu'on demande au
gouvernement fédéral, c'est un crédit d'impôt de 35 % sur la masse
salariale de la salle de rédaction. C'est ça qu'on demande à Ottawa, puis on
demande que ça soit un programme qui est universel. Ça, c'est ce qu'on demande
principalement à Ottawa. Si jamais on obtient le statut d'oeuvre de
bienfaisance, on...
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
...et, ça, c'est dans un premier temps.
Deuxièmement, nous, ce qu'on demande au
gouvernement fédéral, c'est un crédit d'impôt de 35 % sur la masse
salariale de la salle de rédaction. C'est ça qu'on demande à Ottawa. Puis on
demande que ça soit un programme qui est universel. Ça, c'est ce qu'on demande
principalement à Ottawa. Si jamais on obtient le statut d'oeuvre de
bienfaisance... On sait qu'aujourd'hui on n'y a pas accès; on pourrait y avoir
accès si jamais le gouvernement décidait de changer la définition d'une
entreprise qui aurait accès à... le statut d'oeuvre de bienfaisance. Mais,
encore, ce n'est pas nous qui allons dicter aux fonctionnaires ou au
gouvernement quoi faire à ce niveau-là.
Deuxièmement, ce n'est pas ce qui le plus
important pour nous. Pour nous, d'obtenir le statut d'oeuvre de bienfaisance ne
nous empêchera pas d'aller voir nos anciens abonnés, par exemple, et leur
demander de faire une contribution financière à LaPresse
pour assurer sa mission et assurer ses opérations futures. Vous le savez...
La Présidente (Mme de Santis) :
Donnez les réponses assez courtes; sinon, il n'y aura...
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
O.K. Donc, je vais juste terminer rapidement. Je vous donne juste
l'exemple : dans le passé, quand quelqu'un donnait 200 $, exemple, à La Presse,
il y avait une partie de cet argent-là qui allait pour la mission puis les
opérations de LaPresse, puis il y avait le reste de
l'argent qui allait à l'actionnaire. Aujourd'hui, on dit : Bien, si vous
pouvez nous aider avec 200 $, tout l'argent va aller à la mission puis aux
opérations.
La Présidente (Mme de Santis) :
M. le député.
M.
Bérubé
: Mme
la Présidente, dans les critères de reconnaissance du statut d'organisme de
bienfaisance par l'Agence du revenu du Canada, c'est très clair. Ce qui est
proscrit : «promouvoir les intérêts d'un parti politique; appuyer un
candidat à une charge publique; promouvoir un ensemble d'idées à caractère
politique; tenter de changer ou de s'opposer à des modifications à la loi, aux
politiques gouvernementales ou à une décision du gouvernement; et essayer de
convaincre la population d'adopter une position spécifique sur une question
sociale».
Or, il se trouve que, depuis 1970,
invariablement, votre journal appuie toujours la même formation politique et la
même position constitutionnelle. Alors, il m'apparaît que c'est un
positionnement très clair de LaPresse. Si ce n'est pas si
important pour vous pour la suite et c'est vraiment l'avenir du journal,
pourquoi ne pas abandonner cette question?
M. Crevier
(Guy) : Bien, premièrement, M. Bérubé, vous avez, dans votre
«statement» tantôt, fait une erreur, à mon point de vue, fondamentale. La
décision qu'on demande aujourd'hui n'est pas d'adopter un statut de charité
pour LaPresse. La décision qu'on demande aujourd'hui, c'est
de nous donner un statut d'OBNL. Donc, quand on a un statut d'OBNL, on est sur
le même pied d'égalité que tout le monde.
On ne demande
pas... On ne demande pas un statut de charité. C'est quand Ottawa va accorder,
quand Ottawa va définir c'est quoi, un statut de charité, c'est là peut-être qu'il
y a un risque d'avoir un débalancement par rapport aux autres. Mais, demain
matin, en abrogeant la loi, il n'y a aucune iniquité. O.K.? La seule chose que,
nous, on dit, c'est que l'argent qu'on va demander, qu'on va recueillir de nos
abonnés, on ne les versera pas à un actionnaire, on va investir ça à la qualité
de l'information.
Maintenant, sur
nos prises de position éditoriales, je veux dire, c'est reconnu en Amérique du
Nord qu'un média prend des positions éditoriales. Donc, je ne vois pas en quoi
la situation change demain matin.
La Présidente
(Mme de Santis) : Merci. M. le député.
M.
Bérubé
:
Alors, je comprends que vous allez le maintenir. Et vous avez l'appui,
j'imagine, de toutes les personnes qui vont appuyer le projet de loi qui
souhaitent également maintenir cette position. On aura l'occasion de les questionner.
M. Crevier
(Guy) : ...M. Bérubé... Oui.
M.
Bérubé
:
Mais je veux compléter avec une question. J'ai peu de temps, M. Crevier.
M. Crevier
(Guy) : D'accord.
M.
Bérubé
:
Question de gouvernance. Qui va recommander la présidence du conseil d'administration
et sur quels critères?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Le premier président du conseil, c'est moi qui va
recommander le... c'est moi qui va choisir le président du conseil. Et puis il
faut réaliser une chose, là : premièrement, on habite dans un monde où on
travaille dans une industrie qui est extrêmement complexe et on compétitionne,
on concurrence contre deux géants américains qui ont 80 % de la part de
marché de notre... Oui.
La Présidente
(Mme de Santis) : S'il vous plaît, donnez votre réponse à...
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Moi, je n'ai pas de problème. Premièrement, c'est
un monde qui est extrêmement complexe. Deuxièmement, demain, LaPresse...
Oui.
M.
Bérubé
:
...on a très peu de temps, M. Levasseur.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Allez-y.
M.
Bérubé
:
En tout respect, j'ai eu ma réponse, vous l'avez bien fournie.
Donc, ma
question : si vous nommez cette personne-là, vous recommandez, qui est
votre patron? Quelqu'un que vous avez nommé?
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : La responsabilité de faire le contrepoids à la
direction de LaPresse revient à l'ensemble du conseil, ne
revient pas uniquement au président du conseil. Le président du conseil, lui,
va nommer d'une façon totalement indépendante les autres membres du conseil.
La Présidente
(Mme de Santis) : Oui, M. le député.
M.
Bérubé
:
Donc, si je comprends bien, M. Levasseur, vous êtes la personne qui allez
choisir celui qui est votre patron. Donc, vous vous rapportez à quelqu'un que
vous avez nommé et qui vous est redevable. C'est la position que vous nous...
Une voix
:
...
M.
Bérubé
:
M. Levasseur, s'il vous plaît. C'est la question que vous nous soumettez, en
termes de gouvernance, qui est acceptée par toutes les personnes qui appuient
ce projet de loi.
M. Levasseur
(Pierre-Elliott) : Vous pourrez... Demain matin, La Presse,
si la loi est abrogée, va se retrouver orpheline. On n'aura pas d'actionnaire
indépendant physique, si vous voulez, pour... comme on en a aujourd'hui. Il n'y
a rien... Si vous regardez des compagnies qui sont en mode de démarrage, nous,
on va être orphelins. Donc, si vous regardez des compagnies privées ou des
compagnies qui sont en mode de démarrage, il n'y a rien d'unique qu'un
propriétaire, ou quelqu'un qui est en mode démarrage, ou une compagnie privée
nomme le premier président.
Deuxièmement,
qu'un premier président, une fois, soit...
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
…donc, si vous regardez des compagnies privées ou des compagnies qui sont en
mode de démarrage, il n'y a rien d'unique qu'un propriétaire, ou quelqu'un qui
est en mode démarrage, ou une compagnie privée nomme le premier président. Deuxièmement,
qu'un premier président, une fois, soit nommé par la direction, et qu'après ça,
qu'il fait partie d'un groupe de six à huit membres du conseil c'est beaucoup,
beaucoup d'indépendance.
La Présidente (Mme de Santis) :
M. le député, 45 secondes.
M.
Bérubé
:
Alors, j'aimerais que vous puissiez nous fournir la liste des postes réservés.
Par exemple, est-ce qu'il y a des postes de journalistes, de lecteurs, etc.?
…puisse fournir ça aux membres de la commission. Je comprends que vous allez
faire cette recommandation. Est-ce que le propriétaire actuel de LaPresse
vous a demandé de tenir compte d'une de ces recommandations, d'abord, quant à
la présidence? Et je veux savoir également qui vous a nommé, vous, comme
président.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
D'abord, le président… c'était le conseil d'administration qui m'a nommé comme
président. Et deuxièmement… Votre question, pardon?
M.
Bérubé
: …en
fait, est-ce que la famille Desmarais, qui va accorder ce statut, qui va… le
50 millions, et tout ça, est-ce qu'on vous a demandé de tenir compte d'une
recommandation qu'elle pourrait faire? Ça n'a pas été le cas?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Non.
M.
Bérubé
:
Parfait. Donc, en résumé…
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Maintenant, c'est terminé. Merci, M. le député. La parole est à la
députée d'Iberville.
Mme Samson : Merci, Mme la
Présidente. Messieurs, rebonjour. Moi, je ne vous demanderai pas de détails sur
votre plan stratégique, d'abord parce que LaPresse qu'on
connaît a toujours oeuvré dans un environnement excessivement compétitif,
c'est-à-dire les médias traditionnels. LaPresse, si on
approuve ce projet de loi, évoluera dorénavant dans deux environnements
excessivement compétitifs. Donc, ça double le défi, là. La concurrence va venir
de partout, du numérique, du traditionnel, et tout ça. Et je serais plutôt d'avis
de vous conseiller de ne dévoiler aucun aspect de votre plan stratégique parce
que c'est trop fragile, c'est trop… ça fragiliserait énormément votre
organisation, donc.
Et je pense qu'on peut se dire que M.
Crevier et moi avons travaillé ensemble de nombreuses années au siècle dernier.
D'ailleurs, il était blond à l'époque, mais… Je pense qu'on était tous les deux
blonds, d'ailleurs. Et cette compétition-là, cette compétitivité-là dans
l'industrie n'a pas changé. Elle est juste plus large, plus mondiale et plus
importante. Et quelque part, je suis heureuse de voir… En tout cas, je trouve
ça rassurant de savoir que vous avez la complicité puis l'appui de votre
personnel, parce qu'un tel virage, ça ne se fait pas tout seul, là, de toute
façon. Donc, c'est peut-être un élément positif dans votre affaire. Donc, je ne
veux pas voir votre plan d'affaires. J'aurais aimé ça, par exemple, là, parce
que c'est assez fascinant pour quiconque s'intéresse à la chose. Mais ce n'est
sûrement pas la chose à faire.
Et moi, je vais vous faire une allusion,
puis vous allez me corriger, là. Si ce projet de loi est adopté, puis qu'on
abroge l'article 3, là, ça va être une tentative de sauvetage de LaPresse.
Et quelque part, est-ce que je me trompe si on va pouvoir vous regarder aller
comme une petite bibitte dans un laboratoire? Parce que vous aurez… vous serez
la première entreprise à aborder ce virage-là avec autant de force, là.
M. Crevier (Guy) : Bien, vous
avez raison, dans un sens. Puis il y a eu un rapport qui a été fait au Canada
sur l'industrie des médias, qui est pas mal le meilleur… le rapport le plus
vaste qui s'est fait dans les 10 dernières années. Et à de nombreux endroits, LaPresse
a été citée comme étant le média le plus innovateur dans sa volonté de faire un
changement de lieu dans un monde numérique, puis c'est… Et moi, la seule
réponse que je voudrais ajouter à ça, c'est qu'il n'y a personne au monde
aujourd'hui qui a trouvé la recette, hein? Donc, il y a des risques, hein, pour
tout le monde, mais c'est un environnement qu'il est très difficile de se
battre contre deux grands géants américains comme ça.
Et LaPresse, on n'est
pas un journal concentré non plus. On est seuls, hein? Puis c'est en dehors des
Américains, qui contrôlent 80 % des revenus. On se bat contre deux grands
conglomérats, qui est Bell Média puis Québecor, qui est hyperconcentré dans un
petit marché qu'est le Québec, hein, qu'on ne voit pas souvent ça dans des
sociétés démocratiques, une concentration aussi forte que celle-là.
Mme Samson : Mais est-ce qu'on
peut dire que cet exercice-là de sauvetage, c'est, si ça ne marche pas, c'est
fini, là?
M. Crevier (Guy) : Bien, moi,
j'ai… C'est un…
Mme Samson : Bien, il y a
toujours une vente possible pour une piastre, là.
• (12 h 20) •
M. Crevier (Guy) : Non, c'est…
je pense que c'est un sujet qui est en évolution. Je pense que LaPresse,
pour retourner en arrière, a toujours fait preuve d'innovation depuis l'an
2000. On a adopté des concepts qui étaient nouveaux. Quand on a fait
l'impartition, on était les premiers à faire ça. D'autres journaux ont copié
par la suite. On n'était pas les premiers au monde, mais, tu sais, on a été les
premiers ici, au Québec, à faire ça. Donc, c'est une évolution, hein? Donc, il
faut suivre attentivement les changements puis s'y adapter…
M. Crevier (Guy) : ...on
retourne en arrière, a toujours fait preuve d'innovation depuis l'an 2000, on a
adopté des concepts qui étaient nouveaux quand on a fait l'impartition, on
était les premiers à faire ça, d'autres journaux ont copié par la suite, on
n'était pas les premiers au monde, mais, tu sais, on était les premiers ici, au
Québec, à faire ça, donc c'est une évolution, hein, donc il faut suivre
attentivement les changements puis s'y adapter.
Mme Samson : Y a-tu un modèle
au monde qui marche? C'est-u le Philadelphia Tribune qui fonctionne un
peu sur ce modèle-là?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Bien, il y a deux... il y a plusieurs exemples, il y en a entre autres, vous
faites référence probablement au Philadelphia Inquirer, ça, c'en est un
qui a adopté un modèle similaire à celui qu'on propose. Il y a également le Guardian.
Encore, ils ont leurs propres particularités. Dans aucun des deux cas, c'est
exactement ce que nous, on propose. Nous, ce qu'on propose, c'est un modèle qui
est adapté à notre réalité. Donc, il y a quand même des différences entre notre
modèle et ceux qu'on voit à l'extérieur, mais il y a des principes qui sont
respectés effectivement.
Mme Samson : J'imagine que
pour parachever votre virage numérique, il vous reste encore à consentir des
investissements importants?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Oui, bien, c'est pour ça... quand on regarde... puis c'est une bonne question, parce
que, pour nous, le modèle est en deux parties. C'est pour ça que la première
partie du modèle...on parle beaucoup de la deuxième partie du modèle qui est
d'ouvrir les portes à diverses sources de financement... mais la première
partie du modèle, c'est d'obtenir le 50 millions de dollars de notre
actionnaire actuel pour nous permettre de poursuivre notre transformation d'une
façon, puis ça, c'est important, d'une façon ordonnée au cours des prochaines
années.
Mme Samson : Parce qu'il vous
reste encore différentes étapes à franchir, parce que les autres n'arrêteront
pas d'évoluer non plus, là?
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Parce qu'il reste plusieurs étapes encore à franchir... C'est exactement ça.
Mme Samson : Il ne faut pas se
conter d'histoire, là.
M. Levasseur (Pierre-Elliott) :
Exactement.
12217 La Présidente (Mme de
Santis) : ...50 secondes.
Mme Samson : Bien, 50
secondes, moi, comme je n'aurai plus l'occasion de vous reposer de questions à
moins que j'appelle M. Crevier, mais je ne le ferais pas. Je pense que notre
rôle ici, aujourd'hui, est dans la réflexion qu'on va faire avec nos collègues.
C'est de... Moi, je ne vois pas comment on pourrait refuser ou ne pas accorder
à LaPresse une chance de survie et d'évoluer et puis, moi,
je vous le dis honnêtement, là, si ça se règle, ça va me faire un plaisir de
regarder ça comme une petite bibitte de laboratoire en espérant que ça
permettrait aussi à d'autres entreprises québécoises d'aborder le virage sur
lequel j'estime nous avons entre 15 et 20 ans de retard, à peu près.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, merci. Maintenant, la parole est à la députée de Vachon pour
trois minutes.
Mme Ouellet : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour à tous. Avec mon trois minutes, on va essayer de faire au
plus vite. Donc, je voulais revenir sur un premier élément, l'urgence. Vous
nous avez dit que ça faisait des mois que vous étiez en train d'étudier le
modèle d'affaires. M Crevier, par téléphone, m'a même dit que c'était
au-delà d'un an. Donc, je pense que... je suis un peu surprise que vous nous
arriviez comme ça en toute fin de session parlementaire où, là, il faut sortir
de l'ensemble des règles. De deux choses l'une : Ou bien, non, c'est un
hasard, et là, à ce moment-là, vous avez été très, très, très mal conseillés.
Je suis assez surprise que, pour une entreprise de l'ampleur de Power Corporation,
que vous n'ayez pas les informations de comment fonctionne l'Assemblée
nationale; ou bien, non, ce n'est pas un hasard et à ce moment-là, vous arrivez
et dépassez les délais et une façon de mettre de la pression sur les élus pour
qu'on fasse les choses très rapidement puis un petit peu escamoter les débats.
Donc et moi, je ne partage pas du tout
votre avis que ce ne sera pas possible de le déposer avant le 15 novembre, moi,
je pense que ça serait tout à fait possible et même normal que la session
parlementaire, la prochaine, commence avant le 15 novembre et donc, à ce
moment-là, les choses puissent se faire à la session prochaine. Je pense que
vous êtes en train de nous faire des scénarios catastrophes et je ne voudrais
pas qu'on rentre là-dedans, puis je ne voudrais pas que vous utilisiez ces
scénarios catastrophes là pour nous mettre de la pression supplémentaire.
Mais ma question n'est pas sur cet
alignement-là, moi, mon enjeu, c'est vraiment le maintien des emplois et vous
nous avez dit que LaPresse était déficitaire et moi, on m'a
informée, je ne sais pas si c'est exact, parce que vos états financiers ne sont
pas publics, moi, on m'a informée que LaPresse était
déficitaire depuis une vingtaine d'années. Donc, ce ne serait pas seulement que
les Google, les Facebook de ce monde et j'aimerais savoir dans un premier
temps : Est-ce exact? Et on m'a informée également que le niveau de
déficit de l'année passée pouvait s'élever à plusieurs dizaines de millions de
dollars. Est-ce que vous pourriez nous informer du niveau de déficit de l'année
passée? Parce que vous nous dites : On sait très bien où est-ce qu'on s'en
va, on sait quoi faire et M. Levasseur, vous nous dites aussi, même je
vais moi-même choisir le prochain...
La Présidente (Mme de Santis) :
...secondes.
Mme Ouellet : ...président,
mais il y a eu des déficits dans les années passées. Donc, est-ce exact, les 20
dernières années et le déficit de l'année passée?
M. Crevier (Guy) : Deux
choses. Premièrement, quand on a fait connaître la décision d'aller dans une
structure à but non lucratif, c'est exactement six jours après que ça a été
adopté au conseil de Power Corporation. Donc, on a suivi un processus, qui est
un processus normal, ce n'est pas facile d'aller présenter un dossier comme
celui-là. Sur les états financiers, moi, ce que je vous dirais, c'est que ni
les états financiers du Journal de Montréal ni le Journal de Québec
ni ceux du Devoir d'ailleurs ne sont connus au public, O.K. Nous, on a
quand même pris nos états financiers, en tout cas nos résultats financiers puis
on les...
M. Crevier (Guy) : ...été adopté
au conseil de Power Corporation. Donc, il y a... on a suivi un processus qui
est un processus normal. Ce n'est pas facile d'aller présenter un dossier comme
celui-là. Sur les états financiers, moi, ce que je vous dirais, c'est que ni
les états financiers du Journal de Montréal, ni le Journal de Québec,
ni ceux du Devoir d'ailleurs ne sont connus et publics, O.K.? Nous, on a
quand même pris nos états financiers, en tout cas nos résultats financiers,
puis on les partage depuis déjà, je pense, je ne veux pas vous induire en
erreur, au moins quatre, cinq ans, avec nos employés. Mais, quand on est tout
petit, dans un monde médiatique qui est grand et aussi concentré que certains
groupes le sont, si on fait connaître nos états financiers chaque année, ça va
permettre à ces groupes-là de nous attaquer directement puis de voir le
résultat de leur attaque. On est tout petit, LaPresse, on
est seuls, hein? On n'est pas concentrés. On est le seul groupe...
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, M. Crevier.
M. Crevier (Guy) : ...pas
concentré.Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Alors, M. Crevier, M. Levasseur, M. Trottier, merci beaucoup d'avoir contribué
aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre aux représentants de Power Corporation du Canada de prendre
place.
(Suspension de la séance à 12 h 26)
(Reprise à 12 h 28)
La Présidente (Mme de Santis) :
Alors, nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants
de Power Corporation du Canada. Je vous rappelle que vous disposez de 10
minutes pour votre exposé. Puis nous allons procéder à la période d'échange
avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter, ainsi que
les personnes qui vous accompagnent, et à procéder à votre exposé. La parole
est à vous.
M. Desmarais
(André) : Alors, merci, Mme la députée et Mme la Présidente de
la commission. Bonjour à tout le monde, merci de nous accueillir; Mme la
ministre de la Culture et des Communications, Mmes et MM. les membres de la
commission.
Je suis accompagné de M. Jacques Parisien,
président de Power Communications, qui siège sur le conseil d'administration de
LaPresse, ainsi que M. Arnaud Bellens, vice-président de
Power Corporation du Canada.
Je débuterais en répondant tout de suite à
la question que plusieurs se posent et que vous vous posez fort probablement
aussi : Pourquoi Power Corporation, ma famille et moi avons-nous accepté
de nous départir de LaPresse sans bénéfices, en choisissant
de contribuer financièrement à la mise sur pied d'une nouvelle structure à but
non lucratif?
La réponse à cette question relève d'une
longue réflexion à la fois sur le rôle que joue un média comme LaPresse
au sein d'une démocratie et plus largement sur l'évolution de l'industrie de la
presse écrite de ces dernières années. Power Corporation et ma famille sommes
associées à LaPresse depuis plus de 50 ans. Nous avons
indéniablement prouvé notre attachement à une institution qui a marqué notre
histoire et qui demeure une référence en matière d'information. De tout temps,
nous avons privilégié le maintien d'une salle de nouvelle forte et
indépendante. Nous avons toujours appuyé la mission de LaPresse,
qui est de produire chaque jour, pour un public francophone, une information de
qualité, rigoureuse et basée sur des faits. Ce mandat me semble encore plus
important au Québec, un marché francophone dans un univers nord-américain.
• (12 h 30) •
C'est d'ailleurs pourquoi je suis ici ce
matin pour appuyer la direction de LaPresse. Je vous
demande...
12 h 30 (version non révisée)
M. Desmarais (André) :
…une information de qualité, rigoureuse et basée sur des faits. Ce mandat me
semble encore plus important au Québec, un marché francophone dans un univers nord-américain.
C'est d'ailleurs pourquoi je suis ici ce
matin pour appuyer la direction de La Presse. Je vous demande, pour
une question d'équité avec les autres médias, de lever la disposition de la loi
privée de 1967 afin de permettre à La Presse d'adopter un modèle
qui lui donnera les meilleures chances de poursuivre sa mission. Vous êtes bien
placés comme parlementaires pour savoir qu'une saine démocratie repose sur les
institutions collectives comme la vôtre, mais aussi sur un écosystème
médiatique fort et diversifié, et qui a les moyens de remplir l'important rôle
qu'il doit jouer.
Or, voilà, cet écosystème est remis en
question. Jusqu'à récemment, le modèle d'affaires d'un journal n'avait rien de
bien compliqué. Il s'appuyait essentiellement sur deux grandes sources de
revenus, les abonnements et la publicité. Le problème auquel on fait face
aujourd'hui, la presse écrite, c'est que, depuis 25 ans, les journaux
assistent à un déclin continu de leurs revenus d'abonnement et de leurs revenus
publicitaires. C'est dans ce contexte que l'équipe de la direction en place est
arrivée à la conclusion en 2009 qu'il fallait modifier le modèle d'affaires de La Presse.
Et comme propriétaire, j'avoue être très fier du chemin parcouru depuis par une
équipe de direction et de rédaction quand je regarde La Presse+ qui
connaît un grand succès d'adhésion et d'estime de ses lecteurs.
Mais malgré ce grand succès, nous devons
reconnaître ses limites. Au moment de concevoir La Presse+, nous
n'avions pas prévu, et personne ne l'avait prévu, que deux géants américains
viendraient, dans un délai aussi rapide, avec une vélocité aussi forte,
ébranler aussi considérablement le système des médias. Il y a une statistique
qui résume à elle seule le problème, c'est que Facebook et Google, aujourd'hui,
contrôlent près de 80 % de tous les revenus publicitaires numériques au
pays. Cette domination sans précédent des entreprises numériques étrangères
nous oblige tous à repenser nos façons de faire pour assurer la pérennité des
médias, surtout au Québec.
Devant les difficultés de la presse
écrite, le gouvernement du Québec a promptement réagi en offrant à toutes les
entreprises un programme universel de crédits d'impôt pour favoriser la
conversion au numérique. Le gouvernement fédéral pour sa part a signifié dans
son dernier budget son intention de contribuer lui aussi, mais il y a
clairement précisé ses réticences, que je comprends bien, à aider
financièrement les médias qui sont la propriété de familles riches ou de
grandes entreprises. C'est pourquoi la direction de La Presse,
après réflexion approfondie, est venue à la conclusion qu'il fallait changer de
structure. Face aux impacts dévastateurs que se font sentir la viabilité des
médias traditionnels, la production d'une information de qualité rigoureuse et
basée sur les faits ne peut plus être l'affaire d'une seule entreprise.
La Presse a toujours occupé
une place particulière pour notre famille et pour Power Corporation. C'est un
héritage de mon père. Et il est certain que voir cette institution quitter
notre entreprise nous fait un pincement au coeur. Cependant, dans le nouveau
contexte du marché, il est difficile pour la société privée de soutenir seule
une grande organisation nouvelle telle que La Presse. Puis j'ai
ainsi la conviction que le transfert de La Presse à une structure à
but non lucratif est dans le meilleur intérêt du journal et de ceux qui le
font, tous les travailleurs, et de ceux qui le lisent… ou la lisent. Mais je
tiens à préciser que cela est loin d'être un abandon quand on considère ce que
nous avons soutenu comme transformation au cours des dernières années et ce que
nous faisons aujourd'hui en investissement dans son avenir.
Comme actionnaire responsable en effet,
nous avons voulu démontrer l'attachement et le respect de notre famille, de
Power Corp, et nous avons toujours eu envers cette grande institution, en
offrant une contribution financière qui se traduit en nos convictions en faveur
d'une presse libre et forte. La contribution de 50 millions de dollars
servira essentiellement à poursuivre de façon ordonnée un développement
technologique de La Presse et de ses plateformes et à continuer de
remplir sa mission de produire une information de qualité pour un marché
francophone.
Et bien que nous n'ayons aucune obligation
au chapitre des fonds de pension de La Presse, Power a
volontairement décidé de mettre en place avec la collaboration des syndicats un
mécanisme afin de conserver…
M. Desmarais (André) : ...de
remplir sa mission, produire une information de qualité pour un marché
francophone. Et, bien que nous n'ayons aucune obligation au chapitre des fonds
de pension de La Presse, Power a volontairement décidé de mettre
en place, avec la collaboration des syndicats, un mécanisme afin de conserver
sous sa charge les obligations passées du régime de retraite sur une base de
continuité des affaires. Cela aura, entre autres, pour conséquence de réduire
les charges financières futures de La Presse, tout en étant à l'avantage
des retraités et des employés actifs et inactifs qui ont accumulé les rentes,
jusqu'à date, de la mise en place de cette nouvelle structure.
Cela dit, il est important de noter que la
fiducie d'utilité sociale qui chapeautera La Presse, sera totalement
indépendante de Power Corp. Nous avons, en effet, toujours fait preuve de la
plus grande indépendance par rapport à La Presse et à ses
salles de nouvelles. D'ailleurs, au moment de l'annonce du changement de
structure, le président du Syndicat des travailleurs de l'information de LaPresse
s'est spontanément exprimé, remercié ma famille à cet égard.
Cela dit, je fais confiance aux dirigeants
actuels de La Presse et j'accepte le plan qui a été déposé
et qui vise à garantir une indépendance totale à la future structure à but non
lucratif. Ni moi ni ma famille, ni Power Corporation, n'auront le droit de
regard sur le choix du fiduciaire ou le président du conseil d'administration.
Et, pour terminer, il est important de rappeler que nous sommes tous ici, ce
matin, dans le seul but, c'est d'assurer une pérennité d'un journal qui joue un
rôle essentiel dans la société québécoise depuis plus de 100 ans. Nous sommes
le seul média d'information au Québec, tributaire de l'accord de l'Assemblée
nationale, pour implanter ces changements nécessaires face à un environnement
de turbulence.
Cette situation est inadéquate, d'autant
plus que les changements que projette La Presse s'inscrivent
dans l'esprit de la loi de 1967. LaPresse souhaite innover
pour préserver l'une de ses grandes salles de rédaction au pays et plus de 500
emplois. Ma famille et moi, ainsi que Power Corporation, sommes parfaitement en
accord avec la démarche initiée par la direction du journal. Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, M. Desmarais. Maintenant, nous allons maintenant procéder avec la
période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour 15 minutes.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. M. Desmarais, bonjour, M. Parisien, M. Bellens.
J'imagine... merci pour votre exposé. J'imagine qu'effectivement, pour Power,
ça doit être une décision qui n'est pas facile à prendre compte tenu du lien...
du long lien historique qui lie votre famille à ce quotidien. J'aimerais ça,
d'entrée de jeu, aborder le fait que, bon, il y a... je pense qu'il n'y a
personne de mieux placé pour être au courant de la situation du journal que
ceux qui y travaillent, que ceux qui dirigent, que ceux qui en sont les
propriétaires. Et aujourd'hui vous venez tous nous rencontrer et vous faites
front commun, donc je présume que vos relations, notamment avec les syndicats,
sont bonnes, avec les employés également.
Vous nous parliez justement de LaPresse,
dont les succès d'adhésion... l'adhésion est un succès, qui a réussi à
renouveler son lectorat, qui a gagné plusieurs prix aussi au cours des
dernières années. N'avez-vous pas le goût de continuer justement à participer à
la transformation numérique de ce journal-là? Pourquoi prendre cette
décision-là et pourquoi la prendre aujourd'hui aussi? Pourquoi ne pas l'avoir
prise... l'année dernière, je pense qu'on vous posait la question, je pense que
c'est pertinent pour les membres de cette commission-là de comprendre pourquoi.
Je comprends qu'il y a un processus parlementaire à travers ça. Mais pourquoi
votre décision, vous la prenez au printemps 2018? Vous ne l'avez pas prise
l'année dernière. Pourquoi ne pas attendre un an encore pour la prendre?
M. Desmarais (André) : Moi, je
crois que... Premièrement, oui, j'aimerais continuer de participer au
développement de LaPresse. Ce serait merveilleux, mais ce
ne sera pas possible. Et j'accepte ça. Je pense que l'important, c'est sauver LaPresse
et s'assurer de sa pérennité. Et je crois sincèrement... Et nous sommes venus à
la conclusion, après pas mal de temps de réflexion, parce que, vous avez
raison, quand on a un actif, ça fait 50 et quelques années qu'on l'a dans la
famille et dans la société, ce n'est pas une décision facile de dire : On
va se départir et laisser partir l'actif. On a quand même un attachement assez
spécial à LaPresse. Ça a toujours été. Puis ça a été avec
mon père puis ça a été avec moi.
• (12 h 40) •
Cela dit, il y a des choses qui se passent
économiquement qui sont réelles. Et on...
M. Desmarais (André) : ...et
laisser partir l'actif. On a quand même un attachement assez spécial à La
Presse. Ça a toujours été, ça a été avec mon père puis ça a été avec moi.
Cela dit, il y a des choses qui se passent économiquement qui sont réelles. Et
on a vu ses débuts, mais on n'a pas vraiment conçu de la sévérité de
l'engouement, si vous voulez, de Google et de Facebook, et de leur façon de
pouvoir prendre du terrain dans la tarte publicitaire. C'est incroyable, ce qui
s'est passé. Et lorsqu'on a regardé cela sur le long terme, on avait vu assez rapidement,
je vous dis début de cette année, qu'il fallait penser à une décision
quelconque. On n'avait pas encore formulé le plan en tant que tel. On n'avait
pas pensé à cette idée de créer un nouveau système qui permettrait à d'autres
gens d'y investir et permettrait au gouvernement de pouvoir y participer,
permettrait à toutes sortes de façons de lever des fonds. Et donc, c'est vraiment
arrivé, moi, je vous dirais, par circonstances économiques où nos chiffres et
où la force de Google et Facebook a vraiment démontré, là, que ce n'était pas quelque
chose qui allait disparaître demain matin. Nous, on espérait, avec La
Presse+, parce qu'on a quand même beaucoup de succès, que ça n'aurait pas
été le cas. Et on a quand même 40 minutes de lecture par jour, 260 000
personnes, 2 600 000 personnes. Et on s'était dit, tu sais, on va y
arriver. Alors, c'est toujours le mois prochain. Tu vis sur l'espérance du
prochain mois. Et finalement, on est venus à la conclusion que non, ils sont
trop forts, il faut qu'on fasse quelque chose, et il faut qu'on fasse quelque
chose de sérieux.
Et l'autre raison est une raison beaucoup
plus philosophique, si vous voulez, mais importante. Personnellement, je ne
veux pas vivre au Kansas, je ne veux pas vivre en Oklahoma, je ne veux pas
vivre au Wyoming. On est fiers d'être au Québec, on est ici, on parle le
français et on a besoin d'un journal, on a besoin de la presse écrite qui
raconte nos histoires tous les jours. Et ça, ça fait que nous sommes différents
et ça nous aide à être qui nous voulons être, dans mon esprit en tout cas. Et
je ne voulais pas me retrouver dans une situation où on agirait trop tard, et La
Presse aurait été vulnérable où elle ne pourrait plus se remettre. Moi, je
crois qu'il y a... c'est toujours des jugements, ça, mais il y a une inflexion
en ce moment qui me semble importante d'agir. La Presse a un bon plan,
ils ont l'argent, parce qu'on leur donne l'argent, pour qu'ils puissent réussir
ce plan. Et je pense qu'ils le réussiront. Pierre-Elliott Levasseur, ça fait
quand même 12 ans qu'il est à La Presse, ce n'est pas un jeune homme
même s'il en a l'air, il a de l'expérience, et je pense que c'est le leader
pour nous amener là, et je pense que s'il choisit un bon président de conseil,
qui a les connaissances nécessaires pour l'aider, puis après ça, qu'il y ait un
conseil qui va être choisi après ça, bien entendu, il sera en selle pour
vraiment pouvoir faire quelque chose de bien. Et personnellement, est-ce que
j'aurais aimé ça, participer, parce que je vais le redire? Oui. Mais ce n'est
pas raisonnable. Et je le comprends. Et c'est pour ça que j'ai accepté de me
désister.
Mme Montpetit : Donc, je
comprends que vous ne voyez pas d'autre alternative à ce stade-ci que de
procéder à la décision que vous avez prise. Vous avez évalué différents
scénarios, puis j'aimerais comprendre encore davantage, là, vous nous parlez
d'une question d'urgence, de survie de La Presse. Je l'ai mentionné plus
tôt, là, je pense que c'est important de... Moi, comme ministre de la Culture
et des Communications, je suis très préoccupée par toute la question de la
vitalité de nos différents médias dans toute... de l'accès aussi à de
l'information de qualité, de l'information diversifiée, et, je le répète, on
parle de la plus grande salle de presse francophone de l'Amérique du Nord.
Quelle est votre lecture par rapport à la
situation justement de ne pas procéder, de vous maintenir dans le modèle actuel?
Est-ce qu'il y a urgence d'agir? Il y a question vraiment de survie pour
maintenir les emplois à La Presse?
M. Desmarais (André) : On fait
tous nos jugements dans la vie. Personnellement, moi, je crois que La Presse
telle quelle aurait beaucoup de difficulté à survivre. Il faut investir dans
les nouvelles technologies qui lui permettront d'affronter et de vraiment
pouvoir prendre sa place. Elle ne tuera pas Google et Facebook, il ne faut
quand même pas être fous, là, mais...
M. Desmarais (André) : …personnellement,
moi, je crois que La Presse, telle quelle, aurait beaucoup de difficulté
à survivre. Il faut investir dans les nouvelles technologies qui lui
permettront d'affronter et de vraiment pouvoir prendre sa place, elle ne tuera
pas Google et Facebook, il ne faut quand même pas être fou, là, mais sa juste
part de la publicité, c'est tout ce qu'on a de besoin. Et, pour ça, il faut
faire des investissements et il faut les faire rapidement, puis il faut qu'on
se lance pour s'assurer que l'on puisse aussi être beaucoup plus impliqués avec
le mobile, je veux dire, il y a toutes sortes de stratégies à l'intérieur de
ça.
Donc, personnellement… On a regardé
d'autres options, on avait des options, vendre… on avait toutes sortes
d'options. Mais, quand on a la meilleure option, et surtout avec La Presse,
est-ce qu'on peut se permettre de ne pas prendre la meilleure option? C'est vraiment
la meilleure option. C'est l'option que le management croit qu'ils peuvent
avoir pour réussir. Et c'est tellement important, on parle de
240 journalistes, il n'y a pas une salle comme ça, je pense, nulle part probablement
en Amérique du Nord, excepté pour les très, très grands quotidiens, là, qui
racontent tous les jours… Et tous les jours on a les débats, on a des gens
d'opinions différentes qui s'expriment, et c'est fantastique, c'est ça qui crée
une société riche, valable, et La Presse contribue à ça tous les jours.
Tous les jours, on a le pour et le contre sur certaines choses. Et on a des
opinions, que ce soit M. Landry, que ce soit M. Chrétien, que ce soit
M. Bouchard, M. Parizeau, ça ne fait rien. L'important, c'est qu'il y
ait une multitude d'opinions qui permettent aux citoyens de s'enrichir d'idées.
Et, après ça, bien ils décideront comment ils veulent vivre et faire leurs
choses. Et La Presse a joué un rôle indéniablement important à cet
égard. La façon dont elle a été gérée, si je peux le dire, par nous, on en est
fiers. Mais c'est quelque chose d'important.
Alors, moi, je vous dirais :
N'hésitez pas, parce que le danger d'hésitation, c'est le danger de ne pas
pouvoir aller de l'avant assez rapidement pour être où on doit être. Et ça,
c'est très dangereux, et surtout dans les marchés publicitaires d'aujourd'hui,
et avec, si je peux dire, «the wolves», les forts, Facebook et Google, qui ont
une force incroyable dans les marchés. Il faut qu'on puisse investir et aller
de l'avant. Et moi, je pense que LaPresse a l'équipe, puis
ils ont l'intelligence, ils ont le «knowledge». Ils l'ont démontré en créant LaPresse+.
Ils ont vraiment la possibilité. Et ce qui leur manque maintenant, c'est le
temps, et de pouvoir arriver à leur objectif.
Mme Montpetit : On a entendu
aussi que… toute la discussion qu'on a aujourd'hui, le projet de loi original
part d'une chicane familiale au siècle dernier, qui a dû être réglée, dans le
fond, par la mise en place d'un premier projet de loi et qui s'en est ensuivie
par d'autres projets de loi.
M. Desmarais (André) :
...Berthiaume, puis pas nous autres.
Mme Montpetit : Exactement.
Mais je...
M. Desmarais (André) : Pas
notre famille.
Mme Montpetit : C'est parce
que je veux faire référence à... Avez-vous l'impression qu'à l'heure actuelle
certaines personnes essaient de s'ingérer dans vos affaires familiales, qu'on
vient politiser le débat autour de cette décision d'affaires?
M. Desmarais (André) : Oui,
écoutez, je ne veux pas passer de jugement. Les gens ont des raisons
différentes d'avoir des opinions, et je respecte les opinions des gens. Et je
peux être en désaccord avec, mais ce n'est pas parce que je suis en désaccord
que j'ai raison ou pas raison. Mais il est sûr que, quand on parle de médias et
qu'on parle de cela, vous avez entendu M. Levasseur et M. Crevier, je pense
qu'ils vous ont parlé un tout petit peu de ce sujet-là. Bien, je pense que, ce
qu'ils ont dit est probablement le reflet de nos pensées, assez bien, en
réalité.
Mme Montpetit : Peut-être deux
dernières questions. Je pense que... un collègue qui souhaiterait aussi
échanger avec vous. Moi, j'aimerais comprendre — vous en avez parlé
d'entrée de jeu — pourquoi votre conseil d'administration, dans le
fond, a accepté d'approuver un don de 50 millions de dollars? C'est une
grosse décision qui a été prise. Et pourquoi aussi le conseil d'administration
a accepté de reprendre la responsabilité des régimes de retraite? Je pense c'est
un élément qu'on a besoin de comprendre aussi.
• (12 h 50) •
M. Desmarais (André) : Bon,
alors, les deux choses sont raisonnablement simples. On voulait s'assurer que LaPresse
ait une très, très grande chance de survie, et même plus qu'une chance de survie
mais une chance de réussir son plan. Et le chiffre avec lequel nous avons
discuté et parlé beaucoup avec l'administration, c'était ce chiffre-là. Et le
conseil d'administration ne voulait pas bêtement laisser LaPresse
partir, comme ça, dans le vent. On sent qu'on a une responsabilité sociale.
Nous avons... nous nous sommes quand même occupés de ce journal-là pendant bien
des années, et c'était important de...
M. Desmarais (André) :
...parler beaucoup avec l'administration, c'était ce chiffre-là. Et le conseil
d'administration ne voulait pas bêtement laisser LaPresse
partir comme ça, dans le vent. On sent qu'on a une responsabilité sociale, nous
nous sommes quand même occupés de ce journal-là pendant bien des années, et c'était
important que cette continuation d'éthique reste. De ce qu'il y a sur les
employés, c'est très simple, mon frère, et moi, et, je pense, le conseil aussi,
je devrais dire, sommes tous d'accord. Tu ne peux pas avoir des employés qui
ont travaillé pour vous toute votre vie, mais, juste parce que techniquement
ils n'avaient pas un fonds de pension, qu'ils allaient être protégés, que ça
n'existerait plus. Et donc le conseil était d'accord avec nous de payer et de
continuer de payer les rentes sur une façon de business, là, la continuité
qu'on fera pour s'assurer que tous les gens qui ont travaillé pour nous pendant
toutes ces années auront la retraite qu'ils méritent. Et alors, c'est pour ça
qu'on l'a fait.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci.
Mme Montpetit : En terminant,
j'aurais mon collègue de D'Arcy-McGee qui souhaiterait poser une question.
La Présidente (Mme de Santis) :
Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, 1 min 20 s.
M. Birnbaum : Bon, merci, Mme
la Présidente. M. Desmarais, M. Parisien, M. Bellens, merci beaucoup pour votre
exposé. Écoutez, c'est un petit peu intéressant, notre situation, ici, parce
qu'on a un projet de loi avec deux articles et on parle... je ne veux pas
banaliser ça, mais de la plomberie, mais de la plomberie qui a tout son impact
potentiel. On parle, en quelque part, de sauvegarder la pérennité des médias,
l'indépendance, la transparence et la gouvernance. Tout ça est là. Et là on a
toutes sortes de questions. J'ai été journaliste à la Gazette dans les
années 80 et j'ai étudié en journalisme, les questions, déjà, se posaient sur
la concentration, la diversité, la transparence. Mais, en tout respect, on n'a
pas les 89 autres médias devant nous pour répondre sur pied égal à ces questions-là,
et je tiens à juste nous rappeler qu'on est en train d'assurer un champ égal
pour chacun des intervenants, dont un d'une ampleur très significative, pour
nous tous, au Québec, y compris les communautés pour qui la langue française
est la deuxième langue.
Mais, écoutez, comme on est ici, je vous
invite à explorer avec nous la possibilité que d'autres des 89 membres...
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : On va l'explorer
à un autre moment.
La Présidente (Mme de Santis) :
La parole est maintenant au député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. Messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale. Un peu
plus tôt, j'ai réitéré, au nom de ma formation politique, l'importance qu'on
accorde à la pluralité des voix dans une démocratie, l'importance de confronter
des idées, l'importance d'avoir des médias qui sont forts, des médias qui
posent les questions, notamment ici, à l'Assemblée nationale. Tout le respect
que j'ai pour les artisans de l'information, dont plusieurs de vos artisans
sont ici, présentement, au salon rouge de l'Assemblée nationale... Et cette
question de LaPresse, elle est chère aux Québécois, elle a
une grande tradition.
Et je ne peux pas occulter le fait que l'histoire
de l'acquisition de LaPresse par votre famille est arrivée
à peu près au même moment de la fondation de ma formation politique. Et, tout
au long des 50 dernières années, on a été à même de constater, outre ce que je
viens de vous dire, également un certain nombre de choix que votre journal a
fait et que votre famille a faits quant à LaPresse. Depuis
1970, après recension, invariablement, à chacune des élections, à chacun des
référendums, LaPresse a pris la même position éditoriale,
en faveur de la formation politique représentée par la ministre, en faveur de
l'option fédéraliste. Vous avez fait le choix de vous départir de LaPresse.
Vous avez fait part de vos intentions à l'ensemble des employés, vous avez
annoncé une volonté d'avoir un leg de 50 millions de dollars, et c'est
bien. Est-ce que, selon vous, ce leg doit être accompagné également par la
poursuite des principes éditoriaux qui ont été établis en 1972? Est-ce que
c'est important, pour vous, ou êtes-vous prêt à dédouaner les futurs administrateurs
de ces principes, pour qu'ils puissent davantage s'ouvrir aux membres, aux gens
qu'ils financent, qui pourraient décider d'avoir une pluralité des options dans
la ligne éditoriale?
M. Desmarais (André) : Bien,
je peux vous répondre que notre 50 millions n'a pas d'attache. Donc, ça,
c'est important que vous le sachiez. J'ai entendu beaucoup de gens qui pensent
que, parce qu'on met 50 millions de dollars, qu'il va y avoir des attaches
quelconques. Ce n'est pas pour ça qu'on a mis le 50 millions de dollars,
on a mis le 50 millions de dollars parce qu'on aimerait que LaPresse
puisse continuer d'exister et qu'elle puisse faire son plan tel que M.
Levasseurnous a présenté et nous pensons qu'il peut accomplir.
De ce qui est de la mission de La Presse,
parce que c'est vraiment à ça dont vous faites allusion, celle qui avait
écrite, je crois, par Roger Lemelin à l'époque et qui définit le journal, moi,
je ne sais pas ce que vont faire les gens à l'intérieur de ça, mais on me dit
que la mission...
M. Desmarais (André) :
…accomplir de ce qui est de la mission de La Presse, parce que
c'est vraiment à ça dont vous faites allusion, celle qui avait écrite, je
crois, par Roger Lemelin à l'époque et qui définit le journal.
Moi, je ne sais pas ce que vont faire les
gens à l'intérieur de ça, mais on me dit que la mission et l'acte de fiducie
seront mis ensemble et qu'ils seront décidés à ce moment-là. Et je pense qu'ils
vont rajeunir probablement la mission pour qu'elle soit le reflet un peu plus d'aujourd'hui.
Mais est-ce qu'elle sera fédéraliste? La réponse probablement, c'est oui. Je
serais surpris que La Presse change sa façon aussi considérablement
sur sa mission. Et c'est ça à la fin de la ligne, votre question, parce que de
là vient la position éditoriale qui, probablement, ne supporte pas un parti
séparatiste qui veut séparer le Québec du Canada. Alors, c'est une différence
d'opinions qui existe qui est réelle. Et c'est vrai, je ne le nierai pas, c'est
absolument vrai, nous avons été propriétaires du journal et nous avons exercé
notre droit de propriétaire sur ces questions-là. Je dois dire par exemple,
j'aimerais que vous le sachiez, parce que c'est important, à l'intérieur de ça,
la plupart des éditoriaux et la grande, grande, grande majorité des éditoriaux,
on ne fait jamais rien. On n'a pas de commande, là. On n'a pas rien, rien,
jamais. Et je veux juste vous le dire, parce que c'est important à l'intérieur
de ça. Mais on exerce notre droit de propriétaire comme ça se fait dans tous
les grands journaux à travers les États-Unis.
La Présidente (Mme de Santis) :
Veuillez conclure, s'il vous plaît.
M. Desmarais (André) :
Woups! Oui.
M.
Bérubé
:
C'est votre droit de propriétaire, mais vous m'avez indiqué que vous seriez
surpris que ça ne soit pas le cas. Est-ce que c'est votre souhait? Est-ce que
c'est une demande que vous avez faite aux administrateurs?
M. Desmarais (André) :
Non. Je n'ai pas fait de demande.
M.
Bérubé
:
D'accord.
M. Desmarais (André) :
Mais est-ce que c'est un souhait? Oui. Moi, j'espère que La Presse
garde sa mission et qu'elle continue d'être ce qu'elle est. Parce que je trouve
que La Presse offre un ballant de la société qui est magnifique.
Elle l'a toujours fait. Et à l'intérieur, je trouve qu'il y a beaucoup de pages
qui permettent aux gens de s'exprimer et qui leur permettent d'exprimer leurs
opinions sans être… Même des journalistes, là, qui peuvent prendre vos mots
puis les corriger. Vous pouvez écrire ce que vous voulez.
M.
Bérubé
:
Notre inquiétude ne réside pas pour les artisans de l'information. Ça ne réside
pas là. Donc, vous avez indiqué, puis ce n'est peut-être pas le mot exact, vous
présumez que cette tradition va se poursuivre. J'imagine que vous avez des…
Vous l'espérez.
M. Desmarais (André) : Je
l'espère, oui.
M.
Bérubé
:
Vous l'espérez, qu'on n'appuie jamais un parti séparatiste, comme vous avez
dit. Donc, ce que vous indiquez, c'est…
M. Desmarais (André) :
…ça ne me fait rien qu'il y ait un parti séparatiste.
M.
Bérubé
:
Vous avez utilisé ce mot-là.
M. Desmarais (André) :
C'est le droit d'une société de l'avoir.
M.
Bérubé
:
Vous avez utilisé ce mot-là.
M. Desmarais (André) : Ce
que je vous dis, c'est que j'aimerais que La Presse reste libre de
faire…
M.
Bérubé
:
D'accord.
M. Desmarais (André) :
…et de supporter, comme elle l'a toujours fait dans l'ancien temps.
M.
Bérubé
:
D'accord. Je vous indique que la prochaine structure pourrait faire appel à la
pluralité des opinions de ses membres qui contribuent et n'avoir même aucune
position éditoriale. Je vous indique qu'en date d'aujourd'hui, le Globe and
Mail ne prend aucune position dans l'élection ontarienne. Ça, c'est un
choix que…
M. Desmarais (André) :
Vous avez raison. Il faudra qu'ils prennent position de comment ils veulent gérer
cet aspect-là du journal. Et ils décideront.
M.
Bérubé
:
Le ton est donné. D'accord. Quant à la gouvernance, je l'ai évoqué tout à
l'heure, j'ai posé une question à M. Levasseur tout à l'heure quant à la
nomination du président du conseil d'administration. Il nous apparaît que, dans
les principes de saine gouvernance, la présidence du conseil d'administration
doit assurer un rôle de contrepoids, surtout dans la nouvelle structure, et
assurer une place pour tout le monde, et pas un poids prépondérant ou une
relation privilégiée avec la présidence. Alors, j'ai posé la question de la
nomination. Au départ, j'avais des indications qui me permettaient de croire
que vous pourriez faire une recommandation. On me dit que non. Alors, je prends
la parole de M. Levasseur là-dessus. Donc, je comprends que, dans la
nouvelle structure que vous avez acceptée, vous êtes à l'aise avec le fait que
le président nomme le président du… En fait le conseil d'administration.
M. Desmarais (André) :
…avec le texte, parce que sinon il n'aurait pas été présenté. Donc, je ne suis
quand même pas pour…
M.
Bérubé
:
C'est important pour vous.
M. Desmarais (André) :
…vous dire que je ne suis pas à l'aise avec. Je suis à l'aise aussi avec.
Pierre-Elliott va nommer le prochain président du conseil. Et pour moi ça a
beaucoup de bon sens. Il faudra qu'il travaille avec son président de conseil.
Et puis il faudra qu'il nomme quelqu'un qui connaît la business un peu et puis
qui marche un peu. C'est mieux que si, moi, je l'avais nommé parce que, si,
moi, je l'avais nommé, tout le monde aurait dit : Power Corp s'ingère dans
la place. Donc, je trouve que c'est un bon compromis. Et après ça, comme a dit
Pierre-Elliott, j'ai trouvé que c'était intéressant, sa réponse, c'était de
dire : Oui, mais il va nommer d'autres personnes. Et avec l'ensemble des
personnes, il va avoir un conseil qui va lui donner un peu de «pushback» pour
que ce soit un bon conseil.
• (13 heures) •
M.
Bérubé
:
Je réitère en tout respect, M. Desmarais, qu'il m'apparaît que, dans les
règles de saine gouvernance, on aborde ces questions-là de façon régulière à
l'Assemblée nationale, il m'apparaît que de nommer soi-même son patron, ce
n'est pas l'idéal. Ce n'est pas l'idéal. Et là, je n'ai pas eu pour l'instant
d'indication quant à la composition du conseil d'administration, je présume
qu'on nous le fournira un peu plus tard tout à l'heure, mais c'est important
qu'il y ait une place, par exemple, aux journalistes, aux artisans de
l'information…
13 h (version non révisée)
M.
Bérubé
: …
aborde ces questions-là de façon régulière à l'Assemblée nationale et il
m'apparaît que de nommer soi-même son patron, ce n'est pas l'idéal, et là je
n'ai pas eu, pour l'instant, d'indications quant à la composition du conseil
d'administration, je présume qu'on nous le fournira un peu plus tard, tout à
l'heure, mais c'est important qu'il y ait une place, par exemple, aux
journalistes, aux artisans de l'information, aux lecteurs, à d'autres
observateurs, surtout pour s'assurer que lorsqu'il y a des décisions
importantes qui seront prises… là vous m'avez indiqué tout à l'heure 240
journalistes. Si un jour la décision se prenait d'en amputer un certain nombre,
là, il faut qu'il y ait des pare-feu, il faut qu'il y ait des gens qui soient
attentifs à ce qui se passe. Vous remarquerez, je ne poserai jamais de
question sur le modèle d'affaire, la question financière. Ça vous appartient.
C'est le choix que vous avez fait, mais sur la gouvernance, comme c'est un
projet de loi, puis on a à le regarder, puis on ne l'a pas choisi, ça fait
partie de… c'est un caractère assez inusité, on en conviendra…
La Présidente (Mme de Santis) :
Il reste une minute.
M.
Bérubé
: …
donc, la question que je vous pose, vous êtes à l'aise, ce que je comprends,
c'est que la condition pour que vous acceptiez le plan qui vous a été proposé,
c'était notamment, tant que le C.A. soit selon les volontés de M. Levasseur?
M. Desmarais (André) : Ce
n'est pas la volonté de M. Levasseur, le C.A., il nomme le président et le
président après ça nomme ses administrateurs… oui.
M.
Bérubé
: Pas
les membres de la nouvelle structure?
M. Desmarais (André) : Pardon?
M.
Bérubé
: Pas
les membres de la nouvelle structure? Il va nommer l'ensemble des membres, pour
la première fois.
M. Desmarais (André) : …hein,
Jacques? Il nomme les membres, il nome tous les membres, c'est tous des
nouveaux membres, et ces gens-là forment le nouveau conseil d'administration,
s'il va y avoir un journaliste, je n'en ai aucune idée, ça va être au nouveau
président qui décidera qu'est-ce qu'il veut ou qu'est-ce qu'il ne veut pas, je
sais qu'il y a un nombre d'attributs que Pierre-Elliott aimerait avoir à son
conseil, qu'il va discuter avec son «chairman» et puis après ça, le
«chairman» : nomme -moi des gens. Mais ça ne sera pas des gens que
Pierre-Elliott nommera, c'est très important parce que je suis d'accord avec
vous…
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci
M. Desmarais (André) : …tu ne
peux pas avoir un gars qui nomme son patron à 100°%...
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, M. Desmarais
M. Desmarais (André) : …
arrêtez-vous, ça ne marche pas, ça vous avez entièrement… je suis entièrement
avec vous. M. Bérubé, là-dessus
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant la parole est à la députée d'Iberville pour 6
minutes.
Mme Samson : Merci, Mme la
Présidente.Merci. Desmarais pour votre présentation, c'était on ne peut plus
clair, je pense qu'on a tous bien pu entendre et sous-entendre autant les
raisons qui ont motivé votre décision que la passion que vous avez mis dans La
Presse au fil des ans et l'attachement que vous ressentez auprès cette
entreprise-là. Alors, je vous félicite, c'est des propos empreints de sagesse.
On voit que vous connaissez bien vos dossiers. J'imagine que vous avez toujours
été un gestionnaire assez «hands on», parce qu'il faut bien connaître ses
dossiers.
En tout cas, vous possédez bien
l'industrie et tout ça, et j'ai aussi bien senti le sens des responsabilités
que Power Corporationa voulu assumer en assurant une transition financière
acceptable pour La Presse, en espérant, justement, qu'elle survive et qu'elle
réussisse dans son mandat, et honnêtement, je vous dirais qu'à moindre
d'entendre des arguments fracassants aujourd'hui, si j'étais commissaire au
CRTC, M. Parisien, va savoir pourquoi j'y fais allusion, tout ce qu'il me
resterait à faire, c'est d'essayer de vous soutirer encore quelques millions
comme bénéfices tangibles pour clore le tout.
Alors, moi, j'aimerais en profiter, bien
que ma question ne portera pas sur le projet de loi, il y a deux articles, on
ne se questionnera pas de midi à quatorze heures. J'ai remarqué toutefois, je
suis retourné lire la loi de 1977, et c'était vraiment une loi faite sur mesure
pour Power Corporation, parce qu'il y avait les exceptions de CKAC et de La
Patrie. Alors, c'était vraiment une loi sur mesure pour un cas bien
particulier, il n'y en existe pas beaucoup, ceux dans la législature du Québec,
ça doit être un cas assez rare, mais j'aimerais que…
Vous avez parlé un peu tantôt de votre
volonté au fil des ans malgré les pertes financières puis les risques associés
à garder La Presse dans votre giron, à votre volonté tout le temps d'y
croire et d'y croire et d'y croire, et ça m'a rappelé un peu mon expérience à Télévision
Quatre Saisons, quand M. Pouliot, bien que TQS était en faillit technique année
après année, il remettait de l'argent dedans grâce à CFCF, puis CF Câble qui
faisaient de l'argent, bon. Alors, j'ai vécu ça, là, d'être la pauvre des
présidents, puis qui allait quêter, qui allait toujours chercher de l'argent
et…
Mais cette volonté-là de vouloir y croire
toutes ces années-là, là… puis ça fait longtemps, là, mais La Presse a
été votre propriété pendant plus de 50 ans, vous avez célébré son 100e
anniversaire, pourquoi avez-vous tant cru à La Presse, toutes ces
années-là, malgré…
Mme Samson : ...toutes ces
années-là, là, puis ça fait longtemps, là, LaPresse a été
votre propriété pendant plus de 50 ans, vous avez célébré son 100e anniversaire.
Pourquoi avez-vous tant cru à LaPresse toutes ces
années-là, malgré ces difficultés puis ces défis parfois insurmontables?
M. Desmarais (André) : Vous
brossez un portrait économique de LaPresse qui n'est pas
nécessairement réel tout le temps, hein, donc ça, c'est sûr, parce qu'on parle
d'une période de 50 ans, quand même.
La deuxième chose, c'est que la grande
raison, c'est que c'était un actif qui, je pense, à l'époque, permettait à mon
père d'être bien informé de ce qui se passait dans la province de Québec et
puis dans les autres endroits, et de participer dans la société. Mon père a
toujours été extrêmement, extrêmement impliqué dans la société, il voulait
toujours participer, aider, trouver des façons de faire des choses, etc., et je
pense que LaPresse était, pour lui, un véhicule qui lui
permettait, de façon intéressée, à passer puis à regarder son journal, etc. Et
puis ça l'intéressait beaucoup.
Et moi, je dois dire que j'ai beaucoup la
même sensation, une sensation de fierté d'avoir un journal qui n'existe pas
nécessairement dans d'autres business. Le journal, c'est le reflet d'une
société, et nous, on est très fiers du fait qu'on ait gardé notre journal si
libre puis que les gens puissent faire tout... Écoutez, quand on est allés voir
les employés... il y avait quelqu'un qui avait parlé des employés qui sont
venus nous voir, là, qui sont venus me voir. Moi, je vous garantis, hein, trois
quarts des journalistes ne m'avaient jamais vu dans leur vie, là, mais pas une
fois, puis pas reçu d'appel, ou «whatever», là. Parce que ce n'est pas comme ça
qu'on opère, et donc c'est fascinant, parce que c'est des gens qui font un
travail tellement important pour la société, c'est quelque chose d'unique,
c'est vraiment unique. Moi, écoutez, je vous le dis franchement, je vais
manquer ça beaucoup, hein, parce que j'aimais ça, aller à LaPresse,
à l'occasion, puis aller voir les gens là-bas, puis qu'est-ce qui se passe,
puis tout ça, puis voir le journal en marche. C'est le fun. J'ai peut-être un
point de vue un peu trop romantique. Il faut aller regarder le film de Mme
Graham.
La Présidente (Mme de Santis) :
Mme la députée, 30 secondes.
Mme Samson : C'est beau, j'ai
terminé, moi, madame.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, nous avons deux indépendants qui vont intervenir.
Alors, M. le député de Mercier, pour 1 min 30 s.
M. Khadir
: Merci, Mme
la Présidente. M. Desmarais ne doit pas ignorer que Québec... Je vous souhaite
d'abord la bienvenue. Vous n'ignorez sans doute pas que Québec solidaire est
probablement l'adversaire politique le plus farouche, au Québec, de l'influence
indue des grandes fortunes, des grandes corporations sur les décisions
politiques, sur les partis politiques, et malheureusement Power Corporation a
été, de ce point de vue là, une présence très néfaste sur la scène politique
québécoise et canadienne. Mais ce n'est pas pour le procès de ça que
j'interviens, je veux juste que ça soit clair puis, bon, pour que vous vous sentiez
à l'aise et que je me sente à l'aise.
Les considérations qui sont importantes,
pour nous, dans l'examen de ce projet de loi, pour la succession, là, Trefflé
Berthiaume et LaPresse, je vais vous les énumérer, elles
sont au nombre de six, puis je voudrais savoir si vous avez des objections ou
une opposition à l'une ou l'autre de ces considérations.
Indépendance éditoriale totale de cet
OBNL, deuxièmement, garantie du maintien des postes actuels, troisièmement, la
présence de représentants des employés sur le C.A., quatrièmement...
M. Desmarais (André) : ...
M. Khadir
: Trop vite?
M. Desmarais (André) :
Excusez-moi, M. Khadir, c'est parce que je ne me rappellerai pas. La première,
c'est l'indépendance éditoriale?
M. Khadir
: Totale.
M. Desmarais (André) : Ce
n'est pas moi qui décidera, c'est le nouveau...
M. Khadir
: Mais non,
je comprends, mais vous avez une opinion, c'est votre...
La Présidente (Mme de Santis) :
Malheureusement, la minute et demie est terminée.
M. Khadir
: ...et vous
pourriez, à ce moment-là, vous commettre publiquement par la suite. Je n'ai pas
le temps, mais je vais vous les soumettre tout à l'heure.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Maintenant, la parole est à la députée de Vachon pour 1 min 30 s.
Ça passe très vite.
Mme Ouellet : Merci, Mme la
Présidente. Donc, bienvenue. J'aimerais savoir : Depuis combien d'années
Power Corporation absorbe les déficits de LaPresse? Parce
que je pense que ce n'est pas récent, là, je pense que ça fait plusieurs
années, parce que vous me parlez de Google puis des géants de ce monde, mais je
pense que LaPresse avait des déficits avant ça. Et
pouvez-vous nous donner la différence d'ampleur entre avant et après le phénomène
Google?
• (13 h 10) •
M. Desmarais (André) : Je suis
désolé, malheureusement, on ne peut pas révéler les états de LaPresse,
d'une façon ou d'une autre, parce qu'on n'a pas besoin de le faire, alors je ne
pourrai pas répondre à vos questions, je suis désolé, mais c'est...
Mme Ouellet : ...et après le
phénomène des Google.
M. Desmarais (André) : Je suis
désolé, malheureusement on ne peut pas révéler les états de La Presse d'une
façon ou d'une autre, parce qu'on n'a pas besoin de le faire. Alors, je ne
pourrai pas vous... répondre à vos questions. Je suis désolé, mais c'est la
réalité.
Mme Ouellet : Je vous
entends. Ce n'est pas que vous ne pouvez pas, c'est que vous décidez que vous
ne le faites pas, parce que vous venez ici, à l'Assemblée nationale, pour nous
demander des autorisations, et vous allez venir dans un deuxième temps pour
venir chercher de l'argent des contribuables, de l'argent du gouvernement. Et
vous nous présentez une indépendance qui est importante, qu'elle soit présentée
entre le gouvernement et LaPresse, mais ça prendrait une
indépendance aussi de Power Corporation et LaPresse, qu'on
ne constate pas actuellement.
Et moi, je pense qu'il y a deux éléments
très importants, effectivement. Si le gouvernement doit investir à travers des
dons de charité, est-ce que c'est le rôle du gouvernement d'investir dans des
lignes éditoriales? Une ligne éditoriale qui est clairement fédéraliste, vous
l'avez confirmé, mais une ligne éditoriale aussi qu'on a vue au fil du temps,
qui n'est peut-être pas écrite dans votre mission, mais qui est aussi pour le
grand capital, qui est aussi très néolibéraliste, donc beaucoup pour la
privatisation...
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, Mme la députée de Vachon...
Mme Ouellet : ...qu'on a
remarquée dans vos journaux.
La Présidente (Mme de Santis) :
Monsieur...
Une voix
: ...
La Présidente (Mme de Santis) :
...non, c'est terminé, maintenant. M. Desmarais, M. Parisien, M. Bellens, merci
d'avoir contribué à cette commission.
Maintenant, nous allons suspendre les
travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 13 h 11)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 3)
La Présidente (Mme de Santis) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leur appareil électronique.
Nous poursuivons les auditions publiques dans
le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 400, la Loi
modifiant la Loi concernant la succession de l'honorable Trefflé Berthiaume et
la Compagnie de Publication de La Presse, Limitée.
Cet après-midi, nous allons entendre la Confédération
des syndicats nationaux conjointement avec la Fédération nationale des
communications, le Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse,
la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec.
Je souhaite la bienvenue aux représentants
de la Confédération des syndicats nationaux et la Fédération nationale des
communications. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre
exposé; ensuite, nous allons procéder à la période d'échange avec les membres
de la commission. On vous invite donc à vous présenter, ainsi les personnes qui
vous accompagnent, et ensuite de procéder avec votre exposé. La parole est à
vous pour 10 minutes.
M. Létourneau (Jacques) :
Bien. Alors, merci, Mme la Présidente, membres de la commission. Jacques
Létourneau. Je suis le président de la Confédération des syndicats nationaux,
la CSN, et je suis accompagné de Pascale St-Onge, qui est la présidente de la
Fédération nationale des communications affiliée à la CSN. D'abord, vous
remercier pour cette commission parce que la CSN est bien sûr une organisation
syndicale d'importance au Québec, qui représente 300 000 travailleuses et
travailleurs dans tous les secteurs d'activité, dans toutes les catégories
d'emploi...
M. Létourneau (Jacques) :
...nationale des communications affiliée à la CSN.
D'abord, vous remercier pour cette commission,
parce que la CSN est, bien sûr, une organisation syndicale d'importance au Québec,
qui représente 300 000 travailleuses et travailleurs dans tous les secteurs
d'activité, dans toutes les catégories d'emploi. Mais nous représentons aussi
des travailleuses et des travailleurs dans le monde des communications, qui
sont affiliés à la fédération et j'oserais dire même la majorité des
travailleuses et des travailleurs qui sont liés à la presse écrite au Québec.
Alors, évidemment, comme vous allez l'entendre un peu plus tard cet après-midi,
la CSN représente aussi des travailleuses et des travailleurs de LaPresse
qui sont directement concernés par les choix que vous aurez à faire très
bientôt sur l'avenir et la transformation du journal LaPresse
en OBNL pour assurer et permettre sa pérennité. Alors, c'est clair qu'une
organisation comme la nôtre, lorsqu'elle se présente en commission
parlementaire, elle est d'abord et avant tout préoccupée par la question des
emplois, parce que nous représentons des travailleuses, des travailleurs,
Pascale vous l'expliquera tantôt, là, mais qui ont été pas mal malmenés dans le
monde de la presse écrite au cours des dernières années avec toutes les
transformations qu'on a connues. Alors, LaPresse n'est pas
du tout à l'abri de ces transformations, bien au contraire, même. Alors, c'est
clair que, comme organisation syndicale, notre première préoccupation, c'est
celle des emplois et du maintien des emplois. Mais je dirais aussi, comme
organisation syndicale qui est attachée aux valeurs et aux principes d'une
société démocratique comme la nôtre, on a toujours adhéré à l'importance, la
nécessité d'avoir une presse au sens large, là, je ne parle pas juste du
journal LaPresse, mais d'une presse écrite diversifiée, qui
illustre l'ensemble des points de vue et qui se pratique dans une société comme
la nôtre de façon indépendante. D'ailleurs, on a eu la chance, comme CSN, à
plusieurs reprises d'intervenir dans le débat public en rappelant qu'on était
préoccupés justement par la quasi-disparition de la presse écrite, parce que,
dans une société démocratique, quand on est syndicaliste ou encore politicien
ou politicienne, on souhaite justement cette diversité au niveau de la
production de l'information.
Alors, c'est clair que nous, comme
organisation syndicale, ce qu'on va souhaiter, c'est que l'Assemblée nationale
procède et procède sans aucune condition, parce que, comme ça vous a été
expliqué ce matin par les actuels propriétaires, si la question de la loi
adoptée à la fin des années 1960 n'amenait pas l'Assemblée nationale à se
prononcer sur la transformation de LaPresse, bien, comme à
peu près 100 % des autres journaux indépendants au Québec et au Canada
pourraient faire les transformations qu'ils veulent sans avoir l'autorisation
de l'Assemblée nationale. Et j'ajouterais que, pour nous, c'est un principe
fondamental que la production journalistique se fasse de façon indépendante
pour assurer justement l'émergence des différents points de vue et le respect
des grands principes qui gouvernent une société démocratique comme la nôtre.
Alors, c'est un peu la demande que nous faisons, puis je vais passer la parole
à Pascale.
Mme St-Onge (Pascale) : La
FNC souhaite aujourd'hui défendre deux principes qui nous sont chers. Le
premier, c'est la protection des emplois et, le deuxième, c'est l'indépendance
journalistique et des médias.
L'indépendance des médias... en fait, le
rôle des médias, c'est de surveiller les pouvoirs publics et privés, d'être les
yeux et les oreilles de la population et de les informer de ce qu'elle devrait
savoir afin d'être en mesure de prendre des décisions éclairées.
La pire chose qui puisse nuire à la
démocratie, c'est l'impression que le politique a la main-mise ou empêche le
libre exercice de la justice ou de la liberté de presse. Jusqu'à présent, nos gouvernements
ont reconnu ces principes et ont toujours pris beaucoup de précautions pour
traiter de tout ce qui concerne les médias et le journalisme.
La situation qui amène LaPresse
devant cette commission parlementaire ne doit pas être celle qui met à mal
cette indépendance des médias. Il peut y avoir des gens en désaccord avec la
ligne éditoriale de LaPresse, mais ce n'est certainement
pas à l'Assemblée nationale d'en imposer une autre. LaPresse
n'est pas ici pour être transformée en société d'État, mais seulement pour
demander d'annuler une loi qui est aujourd'hui complètement désuète et
inapplicable, une loi qui a été adoptée pour une chicane de succession et pour
éviter la vente à des intérêts étrangers. Ces ceux éléments ne sont pas en
cause aujourd'hui.
Au moment de la création de la loi, en
1967, le monde des médias était bien différent de celui d'aujourd'hui. La
Fédération nationale des communications n'existait même pas encore sous sa
forme actuelle, car elle a été créée en 1972. Il y a eu un grand mouvement de
syndicalisation des journalistes dans les années 1960, 1970, 1980. La raison
principale de cette syndicalisation, à part l'amélioration de leurs conditions
de travail et de vie, était de se protéger contre toutes les formes de pression
externes qui nuisaient à leur indépendance d'esprit et à leur capacité
d'exercer le journalisme tel qu'on le connaît aujourd'hui. À une certaine
époque, les enveloppes brunes pour arrondir les fins de mois en échange d'une
couverture de presse favorable était chose courante.
• (15 h 10) •
Les syndicats ont donc permis de
développer des codes d'éthique qui ont...
Mme St-Onge (Pascale) : ...de
se protéger contre toutes les formes de pression externes qui nuisaient à leur
indépendance d'esprit et à leur capacité d'exercer le journalisme tel qu'on le
connaît aujourd'hui. À une certaine époque, les enveloppes brunes pour arrondir
les fins de mois en échange d'une couverture de presse favorable étaient chose
courante. Les syndicats ont donc permis de développer des codes d'éthique qui
ont favorisé l'essor du journalisme professionnel. Nous avons aussi permis
d'ériger des barrières étanches entre les salles de nouvelles et les
différentes pressions, que ce soit celles des propriétaires, des annonceurs,
des groupes criminels, des commerçants ou des politiciens.
Dans le contexte d'aujourd'hui, alors que
les journalistes doivent se battre constamment contre les fausses nouvelles,
les pressions économiques, la dictature du clic, qu'ils ont tous concédé
d'importants reculs dans leurs conditions de travail afin de protéger leurs
emplois dans le contexte économique et numérique difficile, toute pression
additionnelle constitue une entrave à la liberté de presse, et cela, nous
devons le réaliser.
C'est pourquoi il y a aujourd'hui une
ligne à ne pas franchir sous peine de mettre à mal la crédibilité et
l'indépendance de La Presse et de tout autre média. Vous pouvez ne pas
être d'accord avec ce qui est écrit dans un journal, et vous pouvez le dire,
mais vous ne pouvez pas vous servir de votre pouvoir politique pour empêcher
d'écrire ou pour influencer la gestion interne d'un média.
La responsabilité des élus n'est pas
d'attester de la qualité du modèle d'affaires qui est proposé par La Presse,
pas plus qu'elle n'a la responsabilité de trancher à savoir si le bon modèle
est celui du Devoir ou de Québecor. D'ailleurs, personne à l'heure
actuelle ne peut vous garantir la survie ou la pérennité de n'importe quel
média d'information. Près de 50°% des emplois de la presse écrite ont disparu
au Québec en moins de 10 ans. De nombreux journaux, hebdomadaires et quotidiens
ont fermé partout au Canada. Le modèle est brisé, et ce, de façon irréversible,
il faut le réinventer.
Les gouvernements ont commencé à
introduire des programmes de financement public. C'est un premier pas, mais ça
ne sera pas suffisant. Cependant, les problématiques complexes ne pourront
pas être réglées dans le cadre de cette commission parlementaire et encore
moins en regard de ce qui vous est demandé, soit d'abroger une loi qui date de
1967, afin de permettre le transfert de La Presse dans une fiducie
d'utilité sociale. Les problèmes quant à l'avenir de La Presse, et de
tous les autres quotidiens doivent être étudiés dans leur ensemble et les
solutions qui seront proposées et mises sur pied par les gouvernements devront
être neutres, objectives et universelles, elles ne pourront pas favoriser un
média au détriment d'un autre. Non, le transfert de La Presse
dans une fiducie d'utilité sociale ne garantit pas les emplois, mais de
maintenir de force La Presse au sein de Power Corporation non plus. La
seule chose que cette transformation permet, c'est de diversifier de sources de
revenus et pour nous, c'est un passage obligé. Toutes les entreprises
cherchent à diversifier leurs sources de revenus car celles que nous avions ont
fondues comme neige au soleil, et ce, peu importe les efforts qui ont été
faits. Nous accueillons aussi comme une bonne nouvelle le fait que tous les
revenus demeureront au sein de la fiducie et serviront au fonctionnement de La
Presse, plutôt que de se retrouver entre les mains des actionnaires. Les
gens que nous représentons ne souhaitent pas voir le gouvernement intervenir et
empêcher le transfert de La Presse dans une fiducie d'utilité sociale.
La Présidente (Mme de Santis) :
Alors, merci beaucoup Mme St-Onge et M. Létourneau, nous sommes maintenant à...
vous avez terminé?
Une voix
: …
La Présidente (Mme de Santis) :
Non, non, c'est pour ça que je procédais, maintenant nous allons débuter la
période d'échange. Mme la ministre, la parole est à vous pour 15 minutes.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente Je pensais que vous n'aviez pas complété, je vous
aurais cédé du temps supplémentaire de notre côté pour compléter.
Donc, Mme St-Onge, M. Létourneau, bien
contente de vous voir ici pour apporter votre point de vue sur cet important
dossier. On comprend que nous sommes tous ici pour donner les coudées franches,
dans le fond, à La Presse, de faire les changements qui s'imposent pour
assurer sa pérennité, comme vous l'avez mentionné.
D'entrée de jeu, j'aborderais la question
parce que vous avez fait référence beaucoup à ça, Mme St-Onge, à la question de
la liberté de presse et l'indépendance des médias et si ce qui nous occupe,
finalement, comme débat plus large autour de ce projet de loi-là, toute la
question que la production journaliste puisse se faire, dans le fond, dans
toute l'indépendance nécessaire.
Et j'aimerais vous entendre davantage sur
cette question-là, parce que, ce matin, le leader de l'opposition, notamment,
posait des questions sur la ligne éditoriale de La Presse, et je pense
qu'on s'éloigne bien loin de notre rôle de parlementaire quand on pose ce genre
de questions. Et vous l'avez mentionné : que ce soit Le Devoir, que
ce soit les journaux de Québecor ou que ce soit La Presse, ce n'est
absolument pas notre rôle comme parlementaires d'aller poser quelque question
que ce soit, d'intervenir de quelque façon que ce soit et, effectivement, nous
faisons toujours bien attention, comme gouvernement, que ce soit dans les
programmes qui ont été mis en…
Mme Montpetit : …ce genre
de question. Et vous l'avez mentionné, que ce soit Le Devoir, que
ce soit les journaux de Québecor ou que ce soit La Presse, ce n'est
absolument pas notre rôle comme parlementaire d'aller poser quelque question que
ce soit, d'intervenir de quelque façon que ce soit.
Et effectivement nous faisons toujours
bien attention comme gouvernement, que ce soit dans les programmes qui ont été
mis en place, vous y avez fait référence, c'est dans notre responsabilité de
venir soutenir les différents médias écrits notamment qui sont très secoués par
ce qui se passe en ce moment justement à cause des revenus publicitaires qui
glissent vers les grands géants du Web depuis quelques années. Et dans les
décisions que nous avons prises, vous y avez fait référence au cours de
l'automne dernier, nous avons mis une première mesure en place. Et au cours du budget,
du dernier budget en mars dernier, avec mon collègue le ministre des Finances,
nous sommes venus mettre de l'avant un crédit d'impôt pour venir soutenir
l'ensemble des médias justement dans leur transformation numérique pour qu'ils
demeurent compétitifs.
Et l'objectif de ça, c'est évidemment de
venir soutenir nos piliers de notre démocratie, de s'assurer que nos médias
demeurent, leur vitalité demeure, qu'ils demeurent diversifiés, qu'ils
demeurent disponibles dans toutes les régions du Québec. Et on s'assure à tout
moment, dans ces décisions-là justement, d'éloigner le plus le politique des
médias, d'avoir des programmes qui sont normés, d'avoir des crédits d'impôt ou
des mesures qui sont applicables à l'ensemble des médias du Québec. Et donc, je
souhaiterais vous entendre davantage sur ces questions entre autres de ligne
éditoriale et d'indépendance des médias.
M. Létourneau (Jacques) :
Bien, peut-être débuter, puis Pascale complétera. Une organisation syndicale
comme la CSN va toujours souhaiter qu'il y ait davantage de point de vue
syndical ou encore de point de vue critique à l'endroit des mesures d'austérité
d'un gouvernement. Bon. Je sais qu'on ne partage pas la même notion. Vous
parlez de rigueur. Nous, on a parlé d'austérité. Et parfois on va peut-être
effectivement trouver que ces couvertures-là sont déficitaires par rapport à ce
qu'on souhaiterait. Une fois qu'on a dit ça, un peu comme Pascale l'a placé
tantôt, on peut avoir un point de vue critique à l'endroit de la façon dont La Presse,
ou Le Devoir, ou le Journal de Montréal va se positionner
dans le débat public sur des enjeux politiques, socioéconomiques. Mais de là à
se présenter ici pour exiger que les pouvoirs politiques dictent la ligne
éditoriale d'un journal, jamais.
Nous, on ne loge pas à cette enseigne-là.
On pense… Tout comme les organisations syndicales ont le loisir d'avoir leur
propre journal pour faire leur propre… pour faire leur propre propagande sur la
question des points de vue syndicaux, nous, on va souhaiter que, de façon
indépendante, la production de la presse, de façon générale, se fasse en toute
liberté, dépendamment du point de vue que nous pouvons avoir, y compris sur la
question de l'avenir du Québec, ou de la question nationale, ou du fédéralisme.
Mme St-Onge (Pascale) :
Je pense aussi qu'il faut bien distinguer la ligne éditoriale du travail des
journalistes. La ligne éditoriale effectivement peut être, des fois, décidée à
l'intérieur d'une équipe éditoriale. Ça peut être, parfois, sur certaines
questions, la ligne… les propriétaires qui se servent de la section éditoriale
pour apporter leur point de vue au débat. Mais, dans la réalité, les salles de
nouvelles fonctionnent de façon totalement indépendante. Et dans toutes les
salles de nouvelles, que ce soit celle de La Presse, du Devoir,
du Journal de Montréal, on retrouve des gens qui ont probablement tout
le spectre des idées politiques et qui le partagent avec leur famille, avec
leurs amis. Mais lorsqu'ils font leur travail journalistique, ils le font de
façon la plus objective possible en s'appuyant sur des faits et en appliquant
un code d'éthique qui est conventionné, c'est-à-dire que c'est à l'intérieur
des conventions collectives. Et lorsqu'il y a une entrave à ce code d'éthique
là ou qu'il y a des… ou qu'on tente de leur faire des pressions, bien, on se
défend contre ça. Et c'est le rôle des organisations syndicales.
Sur la question du financement, bien
évidemment, nous, on est favorables à un financement qui sera universel. Et
puis ça fait plusieurs années qu'on demande l'intervention, que ce soit du
gouvernement provincial ou du gouvernement fédéral, pour soutenir le quatrième
pouvoir, ce qu'on décrit comme le quatrième pouvoir, les médias d'information
qui jouent un rôle essentiel aujourd'hui dans nos sociétés. Les médias n'ont
pas toujours joué ce rôle-là dans l'histoire, mais aujourd'hui, nous, on croit
que, dans la situation actuelle où on a des blogueurs dans leur sous-sol qui
partagent leurs idées nazies et qui ont 40 000 abonnés, on pense que
les médias d'information doivent pouvoir continuer à faire un travail objectif,
et avec un code d'éthique professionnel. Et en ce sens-là, le financement doit
à un moment donné être apporté pour soutenir ce travail-là parce que, vous le
savez, les revenus ne sont plus au rendez-vous, les revenus publicitaires. Et
ça, ce n'est pas la transformation de La Presse dans une fiducie
qui va empêcher cette réalité-là. Et ce n'est pas non plus son maintien à
l'intérieur de Power Corporarion qui va changer cette donnée-là.
• (15 h 20) •
Donc, on peut bien, ici, débattre pendant
très longtemps, là, sur le modèle d'affaires qui est choisi par La Presse,
là, mais la catastrophe, elle est ailleurs. La catastrophe, elle est dans
l'érosion de nos médias d'information puis dans l'abolition et la perte
d'emplois de journalistes et tous les autres emplois qui sont rattachés à ces
médias-là…
Mme St-Onge (Pascale) : ...
Donc, on peut bien ici débattre pendant très longtemps, là, sur le modèle
d'affaires qui est choisi par LaPresse, là, mais la catastrophe,
elle est ailleurs : la catastrophe, elle est dans l'érosion de nos médias
d'information puis dans l'abolition et la perte d'emplois de journalistes et
tous les autres emplois qui sont rattachés à ces médias-là.
Mme Montpetit : Je vous remercie.
Puis, M. Létourneau, vous faisiez référence à l'importance de la diversité de points
de vue, puis on est bien d'accord avec ça, parce que vous parliez de l'important
travail d'équilibre des finances qu'on a fait comme gouvernement et de la
rigueur budgétaire, et c'est ce qui nous a permis justement de faire ces
annonces-là dernièrement, de venir soutenir l'ensemble des médias au Québec, et
on en est bien contents, mais c'est pour ça qu'on a une société où la pluralité
des opinions est à mettre de l'avant.
Mme St-Onge, vous avez dit dans votre
allocution tout à l'heure, puis vous y faisiez référence dans votre dernière intervention
aussi, que — je vous cite, là : «Toute tentative de bloquer
cette transformation, donc la transformation de LaPresse,
sera considérée comme de l'ingérence politique et une entrave à l'indépendance
des médias.» Je reviens là-dessus aussi. Et vous avez parlé beaucoup de
l'urgence, de l'importance de la survie de LaPresse, de
l'implication que ça pourrait avoir pour les journalistes à l'heure actuelle.
J'ai fait référence ce matin, quand on a eu les discussions avec LaPresse
et avec Power Corporation, sur le fait que vous êtes la plus grande salle de
presse francophone en Amérique du Nord. J'aimerais vraiment que vous puissiez
expliquer pour les membres de cette commission, pour les gens qui nous écoutent
également votre point de vue là-dessus, à savoir : Pourquoi maintenant?
Pourquoi ça doit être fait rapidement? On l'a demandé aux autres personnes qui
sont venues se présenter en consultation. Pourquoi est-ce que ça doit être fait
dans un laps de temps très rapide? Quelles sont les conséquences que vous voyez
pour vous?
Mme St-Onge (Pascale) : Je
pense qu'il y a un contexte qu'on ne peut pas écarter de ce qui se passe aujourd'hui.
Le premier, c'est qu'avant 2017 il n'y avait aucun financement public qui
soutenait les médias de la presse écrite. Il y a eu un premier programme qui a
été introduit au provincial en 2017, il y en a eu un deuxième en 2018 et il y a
eu, pour la première fois du côté fédéral, une ouverture à apporter un certain
soutien. Donc, pour nous, ce qu'on ne s'explique pas, c'est les réactions aujourd'hui
quand les entreprises cherchent à s'adapter pour être capables d'aller chercher
ce financement-là. C'est normal, on est à la recherche de revenus. Donc, si le gouvernement
met en place des règles de financement avec des critères qui s'appliquent à
tous et que les entreprises s'adaptent, bien, il me semble que c'est tout à
fait normal. Ces règles-là, cependant, sont débattues dans d'autres forums. On
n'est pas ici pour débattre à savoir si LaPresse pourra
obtenir le statut d'oeuvre de charité, c'est un débat qui va se faire, je
présume, au fédéral à un moment donné quand la question va être soulevée, parce
que c'était une ligne qui est apparue dans le budget fédéral. Donc, ces
questions-là, il va y avoir des forums pour en discuter, pour en débattre et
puis pour appliquer des programmes normés qui seront appliqués à tous.
Maintenant, l'autre chose que j'ajouterais
à ça, c'est qu'effectivement on est dans une situation précipitée où l'Assemblée
nationale est appelée à voter rapidement sur cette question-là en fin de
session. Puis moi, je ne suis pas ici pour défendre le modèle d'affaires de LaPresse
ou encore pour justifier pourquoi on est ici à la dernière minute et tout ça,
mais il faut prendre conscience quand même, là, que la question de la reconnaissance
possible, éventuelle d'un statut d'oeuvre de charité pour les médias d'information
est apparue pour la première fois dans le budget fédéral à la fin février 2018,
ce qui laisse quand même très peu de temps pour arriver avec un programme ou un
modèle d'affaires qui pourrait éventuellement répondre aux critères qui seront
déterminés par le gouvernement fédéral. Donc, c'est la situation dans laquelle
on est, puis... bien, malheureusement, il y a un processus électoral qui va
débuter à l'automne, et, si on n'arrive pas à entamer la transformation de LaPresse
maintenant, bien, ça se fera peut-être dans un an ou peut-être pas, parce qu'en
une année il se passe beaucoup de choses dans le monde des médias. En moins de
10 ans, à peu près 50 % des emplois ont disparu, et il y a une
accélération ces dernières années. Il y a eu la vente des hebdos de Transcontinental
à des intérêts particuliers qui a entraîné plusieurs fermetures, et c'est ce
qu'on vit à tous les jours et c'est ce qu'on gère à la fédération à tous les
jours. Donc, une année, là, dans la vie d'un média d'information, c'est très
long et c'est énorme, et dans le contexte actuel où on fait face à des géants
du Web qu'on peut qualifier de bulldozers qui détruisent la concurrence, eh
bien, on est dans un contexte très précaire, et j'espère que tout le monde en
saisit l'importance.
M. Létourneau (Jacques) : Peut-être
ajouter — 30 secondes : À chaque année, dans le budget du
Québec, il y a une multitude de crédits d'impôt qui sont accordés à l'ensemble
des entreprises pour procéder à leur propre transformation, et ce, sans aucune
condition. Je l'ai rappelé encore dernièrement, à chaque fois qu'on se présente
lors de l'adoption du budget du Québec, on constate que les mesures sont mises
en place, et souvent on va même les encourager, parce que ça permet d'adapter
la main-d'oeuvre avec les transformations technologiques et les différents
changements qui frappent au quotidien les entreprises qui sont en concurrence,
par exemple, dans le contexte de mondialisation et de libre-échange. Alors,
quand on pose la question...
M. Létourneau (Jacques) : ...du
budget du Québec, on constate que les mesures sont mises en place et, souvent,
on va même les encourager, parce que ça permet d'adapter la main-d'oeuvre avec
les transformations technologiques et les différents changements qui frappent
au quotidien les entreprises qui sont en concurrence, par exemple, dans le
contexte de mondialisation et de libre-échange. Alors, quand on pose la
question de l'avenir de LaPresse, Pascale l'a bien
expliqué, c'est à la vitesse grand V que la transformation se fait et elle ne
se fait pas juste de l'intérieur par, justement, l'arrivée des nouvelles
technologies, mais elle se fait sur des conditions qui sont complètement
indépendantes de la façon dont les entreprises de presse se placent aujourd'hui
avec l'arrivée des géants où la réglementation est quasi-absente quand ils
viennent justement s'accaparer la plus grande part des revenus. Donc, on n'est
pas dans de la théorie politique, là, on est dans de la pratique puis les
organisations syndicales, en général, on négocie à partir de la réalité de
l'entreprise, on n'est pas sur l'idéologie, on est sur la réalité de
l'entreprise et, surtout, dans le respect des points de vue qui sont dégagés
par nos syndicats qui sont totalement et entièrement autonomes dans la gestion
de leurs affaires syndicales.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. M. le député de LaFontaine pour 2 min 30 s.
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup. Je vais aller rapidement. Je vous ai entendu dire, Mme St-Onge,
que vous ne vous expliquiez pas les réactions au projet de loi n° 400 qui,
somme toute, est une technicalité, mais une technicalité qui est importante et
qui doit être... et qu'il en va de l'avenir de LaPresse.
Vous ne vous expliquez pas, donc, les réactions à ce projet de loi, là. Comment
pourrions-nous l'expliquer justement? Pensez-vous que deux facteurs tels que la
compétition économique d'autres médias pourrait être un facteur et la
compétition éditoriale d'autres médias pourraient être les deux facteurs à
100 % qui expliqueraient ces réactions-là qui sont, effectivement, pour
certains, difficiles à justifier?
Mme St-Onge (Pascale) : Bien,
en fait, ce que je veux dire par «je ne m'explique pas les réactions», c'est
qu'on est très loin de la portée de la loi de 1967 sur certaines questions. Je
trouve que toutes les questions sont légitimes. On a le droit de demander aux
dirigeants de LaPresse quel sera leur... s'ils vont
transférer la politique éditoriale. On a le droit de leur demander ce qu'ils
vont faire comme conseil d'administration et tout ça. Là, où il y a une limite
à ne pas franchir, c'est d'empêcher sa transformation à cause de l'existence de
cette loi de 1967.
Ça, à notre avis, ça outrepasse largement
la portée de cette loi-là et ça porte une atteinte à l'indépendance des médias
et à l'indépendance de LaPresse. On ne peut pas, à notre
avis, se servir d'un pouvoir politique pour s'ingérer dans le contenu d'un
média ou dans sa gestion interne. On franchit là une ligne qui n'a jamais été
franchie par le passé, pas même avec l'adoption de la loi de 1967. Cette loi-là
n'allait pas aussi loin.
Alors, c'est pour ça que nous, on est ici,
aujourd'hui, pour demander aux parlementaires d'abroger cette loi-là d'ici la
fin de la session parlementaire.
M. Tanguay
: Donc, si
je vous comprends bien, s'il y avait continuité entre le modèle de LaPresse
actuelle et post projet de loi n° 400, vous seriez tout à fait à l'aise?
Mme St-Onge (Pascale) : Ça ne
nous regarde pas, ça, c'est la diversité des voix et la pluralité des médias,
c'est ça qu'on défend et que LaPresse existe telle qu'elle
existe aujourd'hui, on va le défendre jusqu'à la fin des temps, tout comme on
va défendre le Journal de Montréal, tout comme on va défendre Le Devoir
et tous les autres médias qui existent. Parce que, quand on perd un média, ce
qu'on perd, c'est une partie de notre liberté, c'est une partie de notre
liberté de presse et c'est une partie des voix qui s'éteignent et qui arrêtent
d'être reflétées dans l'opinion publique et dans l'espace public. Et ça, c'est
désastreux pour une société démocratique et contre ça qu'on se prononce
aujourd'hui.
M. Létourneau (Jacques) : On
aurait l'air de quoi si... aujourd'hui...
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, Mme St-Onge. Maintenant, la parole... je m'excuse... la
parole est au député de Matane-Matpédia pour neuf minutes.
M. Létourneau (Jacques) :
Ah...
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la présidente, bienvenus, Mme St-Onge, M. Létourneau. Il y
aurait beaucoup à dire sur ce dossier en lien avec les centrales syndicales,
mais je me permettrai de rappeler un certain nombre de choses.
• (15 h 30) •
D'abord, le Parti québécois est pour la
pluralité des sources d'information dans les médias écrits, considère que LaPresse
est un journal important dans notre démocratie, un énorme respect pour les
artisans de l'information. Les inquiétudes que vous partagez sur l'avenir des
médias écrits, ce n'est pas en date d'aujourd'hui,là. Les communiqués avec vos
noms respectifs sont abondants. Lorsque Power a vendu à Capitales Médias, je me
souviens de ce que vous avez dit, je me le suis rappelé ce matin. Ça n'a pas
empêché de perdre des emplois, plusieurs. Vous avez été durs puis avec raison,
c'est votre job dans les centrales syndicales. Vous n'avez pas choisi la
situation dans laquelle vous êtes, les parlementaires non plus et les
parlementaires vont jouer leur rôle correctement. Et à quelques reprises, ici,
au salon rouge et à l'extérieur, vous avez indiqué que vous craigniez que les
parlementaires puissent bloquer ou empêcher l'adoption d'un projet de loi. Dans
votre réponse, j'aimerais ça que vous puissiez m'indiquer qui a évoqué cela,
quand et avec quelles paroles, juste pour s'assurer à qui vous vous adressez,
comme ça, on pourra aviser en conséquence. J'ai réitéré encore ce matin notre
pleine participation...
15 h 30 (version non révisée)
M.
Bérubé
:
…l'extérieur, vous avez indiqué que vous craignez que les parlementaires
puissent bloquer ou empêcher l'adoption d'un projet de loi. Dans votre réponse,
j'aimerais ça que vous puissiez m'indiquer qui a évoqué cela, quand et avec
quelles paroles, juste pour s'assurer à qui vous vous adressez, comme ça, on
pourra aviser en conséquence.
J'ai réitéré encore ce matin notre pleine participation
pour adopter ce projet de loi dans cette session, et nous nous réservons notre
vote. Ne vous inquiétez pas. Manifestement, le gouvernement libéral est déjà en
faveur, à voir les questions, et il est majoritaire, O.K.? Et nous, on vous dit
ce qui en est. Les autres formations politiques vous diront ce qu'ils en
pensent et les indépendants aussi. Mais je vous donne la position du Parti
québécois. Ça va régler une chose en partant. Parlons-nous franchement. Avec
les centrales syndicales, dans mon comté, c'est comme ça qu'on fonctionne puis
on se comprend bien, d'accord?
Mais il y a des questions qui se posent
qui sont réelles. Moi, il y a plusieurs de vos membres qui m'ont fait part
d'inquiétudes réelles, d'accord, de leur propre chef, qui m'ont contacté et
qui… il y a des questions qui sont essentielles. Juste sur la ligne éditoriale,
on n'a jamais demandé de dicter une ligne éditoriale, on a demandé de nous
l'expliquer, de nous l'expliquer. Alors, si un propriétaire veut maintenir sa
ligne éditoriale, qu'il paie, que ça soit lui qui décide. Mais là, on est dans
une nouvelle structure. Une fois que c'est dit, j'ai la réponse du
propriétaire, on fera avec. Et l'important, je réitère que c'est l'avenir du
journal.
Donc, mon propos avec vous, c'est sur
l'avenir des artisans de l'information et toutes les personnes qui gravitent
autour, comment on maintient des emplois de qualité où il n'y a pas beaucoup
d'ailleurs dans les médias dans des emplois de cette qualité-là. Alors, je veux
vous parler des emplois, je veux vous parler de gouvernance, du conseil
d'administration, puis j'ai des exemples qui m'interpellent, notamment qui
viennent de la CSN, quant à la saine gouvernance. Puis avec Fondaction, vous
êtes des modèles en matière de gouvernance. Je le sais, je connais des
entreprises dans lesquelles vous investissez, vous êtes des premiers de classe
dans ce domaine-là, d'accord? Puis je pense que vous êtes pas mal d'accord avec
ça, puis il y a des exemples très probants qui ont servi dans bien de nos
politiques, quant à moi.
Donc, quant à la place des artisans de
l'information, c'est une définition assez large, quelle garantie avez-vous eue
quant au conseil d'administration? Ça serait ma première question.
Mme St-Onge (Pascale) :
Alors, vous avez… bon, élaboré sur plusieurs aspects, là. Le premier, nous, on
n'est pas ici dans un débat politisé, donc mon message s'adresse à tous et non
pas à un parti ou à des parlementaires en particulier. Le message, là, sur
notre demande d'abroger la loi, elle s'adresse à tous.
Effectivement, on a aussi des inquiétudes
réelles sur les emplois et on les défend quotidiennement, que ce soit dans le
cadre des négociations ou que ce soit dans le cadre des demandes qu'on adresse
aux gouvernements, que ce soit le gouvernement provincial ou le gouvernement
fédéral.
Sur la question de la gouvernance et de la
constitution du conseil d'administration, on a… les syndicats de LaPresse
ont fait leur demande à l'employeur, et c'est avec l'employeur que cela sera
discuté. Donc, oui, il y a des demandes qui sont faites afin qu'il y ait un
poste au conseil d'administration réservé peut-être à un ancien journaliste, à
un journaliste actif, on ne le sait pas, on est ouverts aux discussions. Mais
une chose est sûre, c'est qu'on ne demande pas une intervention de l'État pour
nous aider dans ces discussions-là, on est capables de les mener en parallèle.
Et les inquiétudes que les gens qui vous
ont contacté, bien, on les partage avec eux au quotidien quant à leur avenir.
Pardon?
M.
Bérubé
: Il y
a aussi des retraités, j'ai oublié de l'ajouter tout à l'heure.
Mme St-Onge (Pascale) : Les
retraités également. On est inquiets pour l'avenir des emplois. Et
malheureusement, là, aujourd'hui, je ne peux pas vous dire que la
transformation de LaPresse, le transfert de LaPresse
dans une fiducie, que ça va permettre aux retraités de bénéficier de 100 %
de leur rente jusqu'à la fin des temps ni que LaPresse va
poursuivre ses activités jusqu'à la fin des temps. Mais il n'y a personne qui
peut vous promettre ça dans aucune entreprise et encore moins dans le contexte
médiatique d'aujourd'hui. Donc, ce qu'on a à faire, c'est de continuer à se
battre puis à lutter pour préserver ces piliers-là de la démocratie. Et ça, je
vous le garantis, la FNC puis la CSN n'arrêteront jamais.
La Présidente (Mme de Santis) :
M. Létourneau voudrait ajouter quelque.
M.
Bérubé
: Oui,
j'ai plusieurs… Allez-y, M. Létourneau.
M. Létourneau (Jacques) :
Bien, O.K., mais vraiment rapidement. D'abord, sur la question de la
gouvernance, je vous remercie, là, de saluer la façon dont on mène la
gouvernance à Fondaction, j'en suis le président du conseil d'administration.
Mais en même temps, je veux juste nuancer la chose suivante, c'est qu'on a à la
CSN tout près de 1 500 syndicats autonomes dont certains sont très ouverts
à l'idée de participer à des conseils d'administration d'entreprise, d'autres
pas du tout, pas du tout pour les raisons que vous pouvez imaginer :
conflits d'intérêts, négociations de conventions, tout ça. Même quand on crée
des coopératives, souvent ça crée un certain nombre de tensions qui font en
sorte que les syndicats, ultimement, vont décider quel est le propre de leur
façon de voir la gouvernance d'une entreprise. C'est un peu difficile pour une
centrale syndicale de dire : On veut s'assurer que, absolument, les
travailleurs, ils seront représentés, alors que c'est un débat qui leur
appartient fondamentalement.
L'autre chose, sur les garanties
d'emploi — je finis là-dessus — c'est que les garanties
d'emploi, écoutez, quand vous êtes en négociation dans tous les secteurs
d'activité au Québec, même dans le secteur public, vous ne pouvez pas…
M. Létourneau (Jacques) :
…centrale syndicale de dire : On veut s'assurer qu'absolument les
travailleurs, ils seront représentés, alors que c'est un débat qui leur
appartient, fondamentalement.
L'autre chose sur les garanties d'emploi.
Je finis là-dessus. C'est que les garanties d'emploi… Écoutez, quand vous êtes
en négociation, dans tous les secteurs d'activité au Québec, même dans le secteur
public, vous ne pouvez pas avoir la garantie absolue que tous les emplois
seront maintenus. Je sais bien que c'est une réponse qui est générale, mais
quand on est en négociation quotidienne...
La Présidente (Mme de Santis) :
Veuillez conclure.
M. Létourneau (Jacques) :
…c'est une réalité avec laquelle on doit composer.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme St-Onge, M. Létourneau. Donc, pour reprendre le modèle de
Fondaction, si je ne me trompe pas, trois administrateurs nommés par l'AGA des
actionnaires, c'est un beau modèle, ça, qui pourrait s'appliquer à LaPresse.
Je vous le soumets. Vous le connaissez.
Ce matin, j'ai beaucoup parlé des patrons
parce que les patrons étaient là. Puis là je parle aux syndiqués, parce que les
représentants des syndiqués sont là. Moi, que les artisans de l'information
puissent avoir le rôle qu'ils souhaitent obtenir, dépendamment de leurs
intérêts, des différents syndicats, ça m'apparaît intéressant, et c'est de
nature à nous rassurer. Là, c'est seulement une journée aujourd'hui où on
échange à cet enjeu-là, mais vous autres, vous allez vivre longtemps avec ce
modèle-là. Alors, c'est pour ça qu'on pose les questions maintenant. On l'aura
dit. Moi, c'est mon rôle de parlementaire, et je le fais en toutes
circonstances. Mes collègues sont au courant. Sur d'autres débats, ce que je
dis en privé et en public, c'est exactement la même chose. C'était le cas
l'automne passé. Et celui-là aussi.
Alors, ce que je vous dis, c'est que ça,
c'est… ça m'apparaît intéressant. Évidemment, vous avez des négociations à
l'interne. Vous allez tenir compte de l'avis de vos membres, voire même, des
lecteurs. Je pense que les lecteurs aussi ont envie de participer. Donc, je
vous soumets que ça… Ce n'est pas dans le débat directement, mais il faut bien
questionner la pièce législative qu'on a là avec le souci de préserver les
emplois, puis l'indépendance, et tout ça. Ça m'apparaît intéressant. Tout comme
d'avoir une indépendance du président du conseil d'administration. Je vous le
dis à vous, comme je l'ai dit au patron de LaPresse tout à
l'heure.
Alors, avez-vous une réflexion là-dessus,
sur la gouvernance, que vous pouvez nous partager, à nous, et puis sur le
maintien des emplois? C'était ma dernière question.
Mme St-Onge (Pascale) : Bien,
tout d'abord, M. Bérubé, je veux vous remercier de vos préoccupations parce que
les questions que vous soulevez sont tout à fait légitimes, là. Puis, je le
redis encore une fois, c'est légitime de poser ces questions-là. Puis on vous
remercie de vous préoccuper du sort des gens qu'on représente.
Mais, encore une fois, pour nous, bien il
faut qu'il y ait un premier président du conseil d'administration qui soit
nommé. Qu'il soit nommé par la direction actuelle de LaPresse…
bon, ça aurait peut-être pu être fait d'une autre façon, mais pour le moment,
en tout cas, on n'y voit pas d'objection. Ensuite, ce président-là, qui nommera
le conseil d'administration selon des critères qui pourront aider à
l'entreprise d'évoluer, on voit ça comme, quand même, quelque chose de positif.
Et que, par la suite, que les prochains présidents soient désignés autrement,
soit par le conseil d'administration ou que la structure évolue, bien on n'a
aucun problème avec ça.
Donc, bien, voilà, c'est à peu près les
éléments, là, que je voulais souligner quant à tout ça.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée d'Iberville pour six
minutes.
Mme Samson : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour, bienvenue. J'aimerais aborder une question un petit peu
plus générale, si vous me le permettez. D'abord, l'évolution technologique
qu'on a connue au cours des 40 dernières années, là. On est passés du télex
aux e-mails, là. On a vu beaucoup de changements. Ça a révolutionné beaucoup de
nos modèles d'affaires. Le premier modèle d'affaires à être frappé par
l'Internet puis le numérique, ça a été la musique, il y a de ça 15 ans, et,
malgré tous les efforts qui ont été déployés au fil des ans, la solution n'est
toujours pas évidente aux yeux de personne.
On a vu les effets sur le commerce du
détail. On a l'exemple récent de Simons, à Québec, là, qui… M. Simons, qui,
depuis deux ans, nous dit : Faites quelque chose, faites quelque chose, ça
change, ça change. Là, on voit la presse écrite qui vit des difficultés
importantes. Moi, je vous parierais que, dans deux, trois ou quatre ans, ça va
être les stations de radio et les réseaux de télévision qui vont éprouver les
mêmes difficultés.
Vous êtes une organisation importante au
Québec. Vous représentez beaucoup de monde dans plusieurs domaines des
communications. Est-ce que ces changements technologiques là, là… Si les
entrepreneurs, si on réussit, avec les entrepreneurs, à faire le virage
technologique, quelle est la réflexion d'une organisation comme la vôtre?
Qu'est-ce que ça change dans les relations de travail? Comment ça va évoluer
avec tout le… Est-ce que vous réfléchissez à ces choses-là? Faites-vous des
études?
• (15 h 40) •
Mme St-Onge (Pascale) : Bien
sûr, on a fait plusieurs études sur toutes ces questions-là. On étudie
différents modèles qui pourront être appliqués. Mais ce qui est surtout évident
pour nous, c'est que, dans toutes les évolutions technologiques qu'on a vécues,
il y a eu un moment où on a légiféré et on a réglementé les nouvelles
technologies. Et il va falloir passer par là à un moment donné parce que,
sinon, vous l'avez dit, c'est l'ensemble de nos industries qui vont être
profondément affectées et transformées par cette évolution…
Mme St-Onge (Pascale) :
…mais ce qui est surtout évident pour nous, c'est que, dans toutes les évolutions
technologiques qu'on a vécues, il y a eu un moment où on a légiféré et on a
réglementé les nouvelles technologies, et il va falloir passer par là à un
moment donné, parce que sinon, vous l'avez dit, c'est l'ensemble de nos industries
qui vont être profondément affectées et transformées par cette évolution
technologique là, donc… et je crois, là, le dernier rapport du CRTC allait
exactement dans cette direction-là, c'est-à-dire que ceux qui profitent
aujourd'hui des contenus qu'on produit, nous, que ce soit du contenu
d'information, ou la musique, ou d'autres, donc, ceux qui profitent de ça, ils
doivent participer au financement de ce contenu-là, sinon c'est le contenu, à
un moment donné, qu'on n'aura plus. On va avoir des beaux tuyaux, de la belle
technologie, mais avec pas grand-chose d'intéressant dedans.
Donc, oui, on réfléchit à toutes ces
questions-là puis on se prononce à toutes les commissions parlementaires. Puis,
dans les relations de travail, je pense qu'on a su d'adapter puis adapter nos
conventions collectives, nos conditions de travail pour être capables, là, de
suivre l'évolution technologique. Puis on l'a fait assez rapidement, je dirais
même, avec une pointe d'humour, beaucoup plus rapidement que les gouvernements
ont su s'adapter aux nouvelles technologies. On le fait quotidiennement dans
nos conventions collectives.
Mme Samson : Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
M. Létourneau.
M. Létourneau (Jacques) :
Bien, puisqu'on est à l'Assemblée nationale, rappeler que les deux grands
enjeux qui traversent notre époque, la mondialisation, l'ouverture des marchés
et tout le phénomène des transformations technologiques obligent les États, que
ce soit un État provincial ou encore un État central comme le gouvernement
fédéral, à mettre en application une réglementation pour mettre de l'ordre dans
la maison. Sinon, si ce n'est que le libre marché qui détermine, bien, vous
savez comme moi qui va l'emporter, et ce, au détriment de la démocratie. C'est
un principe général qui s'applique à l'ensemble de l'activité humaine et
économique, y compris sur l'avenir de la presse, de la presse écrite.
La Présidente (Mme de Santis) :
Mme la députée.
Mme Samson : Oui, merci,
Mme la Présidente. J'aurais une autre question, et là ce n'est pas la question
qui tue, mais pas loin, là, je vous avertis d'avance. Vous avez parlé,
Mme St-Onge, de l'importance de l'indépendance journalistique. Selon votre
expérience puis votre implication dans l'industrie, autant de la presse écrite
que des médias en général, est-ce que vous pouvez nous dire si les politiques
et les pratiques d'indépendance journalistique de La Presse sont
exemplaires, piètres ou semblables à ce que vous pouvez observer ailleurs?
Mme St-Onge (Pascale) :
Mais, écoutez, le…
Mme Samson : Ça ne tue
pas, mais ça peut faire mal, là, je vous dis ça.
Une voix
: Vous avez un
choix de réponses.
Mme St-Onge (Pascale) :
Oui. Mais le syndicat, tantôt, de l'information, va, j'en suis sûre, se faire
un plaisir de répondre à ça. Mais, à notre avis, le code d'éthique et les
pratiques journalistiques à La Presse répondent aux plus hauts
standards. Il y a des codes d'éthique adoptés par la Fédération professionnelle
des journalistes. Il y a ceux des conventions collectives. Il y a ceux du
Conseil de presse. Et on les respecte tous. Et, quand on ne les respecte pas,
et ça, dans n'importe quelle entreprise, le public fait des plaintes au Conseil
de presse, et on est redevables de ce qu'on publie, de ce qu'on… et du travail
qu'on fait. Donc, oui, les standards de la salle de nouvelles à La Presse
sont aussi élevés que Radio-Canada ou n'importe où ailleurs.
La Présidente (Mme de Santis) :
…vous avez 46 secondes.
Mme Samson : 36 secondes.
Une voix
: Une
anecdote?
Mme Samson : Hein?
Une voix
: Une
anecdote?
Mme Samson : Non, je n'ai
pas d'anecdote, non. J'ai terminé, madame.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée de Vachon pour trois
minutes.
Mme Ouellet : Merci.
Donc, bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous parliez des géants du Web. Je
suis allée chercher certaines informations, parce que je pense qu'on se parle
entre géants. Donc, Google, on parle de 109 milliards de revenus par
année; Power Corporation, de 52 milliards par année; et Facebook, de
40 milliards par année. Donc, je pense que Power Corporation fait partie
des géants de ce monde.
Et moi, j'ai une grande préoccupation par
rapport aux emplois et je suis quand même assez surprise, là, de votre volonté
d'aller de l'avant malgré le peu d'informations sur la suite des choses, parce
qu'il me semble que La Presse, on a une bien meilleure garantie
pour la suite des choses avec un endosseur comme Power Corporation que comme un
OBNL avec pas d'endosseur pantoute. Power Corporation, depuis déjà un certain
nombre d'années, rembourse ou absorbe les dettes de LaPresse.
Et donc c'est pour ça que, dans ce sens-là, quand vous dites que la structure
n'a aucun impact, ce n'est pas vrai. Moi, je pense que la structure a de
l'impact, et vous dites qu'un financement qui sera universel… bien, en fait,
actuellement, ce qu'on est en train de discuter, ce n'est pas universel, parce
que le financement sera au Québec, accessible seulement qu'à Power Corporation
à travers des dons de charité. Donc, il y a deux éléments dans ça où vous venez
nous dire que vous n'avez pas à vous ingérer, puis on est d'accord, mais il y a
des décisions du gouvernement où on doit aussi s'assurer d'une certaine équité,
et ça, je pense que c'est notre rôle. Je pense que vous avez un rôle comme
syndicat, mais on a un rôle comme parlementaires aussi.
Donc, moi, je voudrais connaître mieux
votre niveau de sécurité de penser que les emplois…
Mme Ouellet : ...que vous
n'avez pas à vous ingérer, puis on est d'accord, mais il y a des décisions du gouvernement
où on doit aussi s'assurer d'une certaine équité, et ça, je pense que c'est
notre rôle. Je pense que vous avez un rôle comme syndicat, mais on a un rôle
comme parlementaires aussi. Donc, moi, je voudrais connaître mieux votre niveau
de sécurité de penser que les emplois dans l'OBNL, parce que 50 milliards,
je ne sais pas à quelle vitesse ça se brûle, à LaPresse...
50 millions, excusez, à quelle vitesse ça se brûle, à LaPresse,
parce qu'on n'a aucun état financier, on n'a aucune idée des dépenses
annuelles. Mais... je ne sais pas combien de temps ça dure, mais quand Power
Corporation est là, vous savez que vous avez un géant avec vous à côté. Quand
Power Corporation ne sera plus là, ça ne sera plus le cas.
Mme St-Onge (Pascale) :
Encore une fois, je vous remercie...
La Présidente (Mme de Santis) :
50 secondes.
Mme St-Onge (Pascale) :
...très court — encore une fois, je vous remercie de votre préoccupation
par rapport à l'avenir des emplois et tout ça. Je vous dirais qu'à l'heure
actuelle Power Corporation n'a aucune obligation légale de maintenir LaPresse
ouverte et de maintenir les emplois, même si on le souhaiterait. Donc, oui, on
peut penser que Power Corporation, c'est un bon endosseur avec les difficultés économiques
qu'on connaît, à l'industrie des médias, à l'heure actuelle. Mais il n'y a
aucune obligation légale qui force une entreprise à garder ouverte une de ses
filiales, surtout si, et je ne dis pas que c'est le cas, mais surtout si cette entreprise-là
perd de l'argent. Il n'y a aucune loi qui oblige une corporation à rester
ouverte.
Donc, pour nous, la garantie que LaPresse
va être plus solide à l'intérieur de Power Corporation ou à l'extérieur de
Corporation, malheureusement, on n'est pas capables de défendre cette
position-là, parce qu'on n'a aucune garantie que Power va garder LaPresse
ouverte.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, Mme St-Onge. Merci, M. Létourneau. Vous avez bien participé à
nos travaux et vous êtes présents, alors merci beaucoup d'être là.
Nous allons maintenant permettre aux
représentants du Syndicat des travailleurs de l'information de LaPresse
de prendre place, et nous allons suspendre pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 15 h 47)
(Reprise à 15 h 48)
La Présidente (Mme de Santis) :
Je souhaite la bienvenue aux représentants du Syndicat des travailleurs de
l'information de LaPresse. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé, et ensuite nous allons procéder à la
période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite à présenter... à vous
présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et ensuite procéder à
votre exposé. La parole est à vous.
M. Champagne (Éric-Pierre) :
Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme la ministre et messieurs dames les
parlementaires, de nous accueillir. Je m'appelle Éric-Pierre Champagne, je suis
le premier vice-président du Syndicat des travailleurs de l'information de LaPresse.
J'ai avec moi Charles Côté, qui est le président du syndicat, le même syndicat,
et Janie Gosselin, qui est la secrétaire du syndicat. Je prends seulement une
minute, là, ou deux pour vous adresser la parole, parce que je suis aussi le
coordonnateur des syndicats CSN à LaPresse, donc à ce
titre-là je représente quelque 300 employés. On parle évidemment des employés
de la rédaction, des employés des bureaux, donc le syndicat des bureaux, les
employés de l'informatique et de la filiale Nuglif, la filiale de LaPresse
Nuglif, qui fait essentiellement le développement technologique. Donc, je
représente ces 300 personnes là.
J'ai entendu aujourd'hui plusieurs
parlementaires qui se disent préoccupés par les emplois. Alors, ça tombe bien,
parce que les employés aussi sont très préoccupés, très inquiets. Ils sont
inquiets, bon, pour plusieurs raisons. Premièrement, parce qu'ils travaillent
depuis maintenant de nombreuses années dans une industrie qui vit une crise
historique. Alors, ça crée beaucoup d'incertitude, et cette incertitude-là, on
la vit au quotidien.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a
plusieurs emplois qui ont disparu à LaPresse au cours des
dernières années. On vous a rappelé ce matin que LaPresse
est passée de 910 à 550 employés au cours des dernières années. Juste rappeler
rapidement qu'en 2015, il y a eu des coupes historiques. Il y a 157 personnes
qui ont perdu leur emploi ce jour-là ou dans les semaines suivantes. Donc, les
gens ont tout ça en tête et ils craignent toujours qu'il y ait d'autres
coupures, évidemment.
• (15 h 50) •
Mes collègues sont donc inquiets, mais ils
ont aussi... ils sont aussi très inquiets de la situation actuelle et ils ont
très hâte de voir l'Assemblée nationale se prononcer sur la question qui leur
est posée. Alors, je suis certain... en fait, il y a probablement plusieurs de
mes collègues qui suivent présentement les travaux de cette commission-là, ils
la suivent en direct. Et en fait ils espèrent certainement que, grâce à leurs
représentants...
M. Champagne (Éric-Pierre) :
...sont donc inquiets, mais ils ont aussi, ils ont aussi... ils sont aussi très
inquiets de la situation actuelle, ils ont très hâte de voir l'Assemblée
nationale se prononcer sur la question qui leur est posée. Alors, je suis
certain, en fait, qu'il y a probablement plusieurs de mes collègues qui suivent
présentement les travaux de cette commission-là. Ils la suivent en direct et,
en fait, ils espèrent certainement que grâce à leurs représentants, que les
membres de l'Assemblée nationale, que les membres de cette commission vont les
avoir entendus.
Alors, sur ce, bien, je cède la parole à
Charles Côté qui est le président du Syndicat des travailleurs de l'information
de La Presse. Donc, Charles Côté qui est aussi mon collègue et un ami.
M. Côté (Charles) : Oui,
merci, Éric-Pierre. Merci, Mme la ministre, MM., Mmes les députés. Donc, le
STIP compte plus de 200 membres, donc artisans de la salle de rédaction,
journalistes, photographes, pupitreurs, graphistes, réviseurs, éditeurs photo,
recherchistes et aussi trois éditorialistes syndiqués.
Donc, nous sommes ici parce que le STIP et
les autres syndicats affiliés à la CSN donc, informatique, Nuglif et le bureau
appuient la demande de La Presse pour permettre à celle-ci de passer des
mains de Power Corporation à une fiducie d'utilité sociale. Alors, pourquoi on
appuie cette demande?
Parce qu'on connaît très bien le contexte
actuel et nous croyons que cette structure proposée par La Presse est la
meilleure avenue pour assurer l'avenir à court et à long terme d'un journal qui
occupe une place fondamentale dans la société québécoise.
Évidemment, il n'y a aucune garantie de
succès, on n'est pas les premiers à vous le dire, les médias sont en crise, la
presse écrite est en crise, fait face à des géants étrangers et ça coûte très
cher à avoir les équipes capables de répliquer à ces géants-là sur le plan
technologique, entre autres, mais à travers tout ça, La Presse a su garder
sa pertinence et ce n'est pas rien de passer d'un support papier à un support
électronique, d'augmenter son lectorat. Moi, comme journaliste, j'étais
inquiet. Quand on a passé... quand le papier a disparu et quand... et on voit
que notre travail a toujours autant d'impact, toujours autant de pertinence.
Probablement que les parlementaires ici sont capables d'en témoigner.
Pour nous, le statu quo n'est pas une
option. Si rien n'est fait, la situation va continuer de s'empirer et l'emprise
de Google et Facebook va grandir, pas seulement sur les revenus, mais aussi sur
la circulation de l'information. Et ça, si vous voulez nous poser des questions
là-dessus après, on va être très, très heureux d'y répondre.
Donc, pourquoi dire oui à la demande de La
Presse? Revenons à ce qui est l'objet du projet de loi, c'est-à-dire est-ce
que Power Corporation peut céder La Presse à une fiducie d'utilité
sociale? Donc, La Presse actuellement a un actionnaire unique, Power
Corporation, la transaction fera en sorte que La Presse aura un autre
actionnaire unique soit une fiducie d'utilité sociale. Le premier effet de ça,
ça enlève une pression pour faire des profits, pression qui vient des
actionnaires qui vient du conseil d'administration qui vient de l'assemblée des
actionnaires. La transformation, entre autres, ne change rien à la
concentration des médias au Québec. Donc, les parlementaires s'inquiètent
parfois, avec raison, de cette question-là, mais, pour une fois, cette
transaction-là n'y change rien.
Plusieurs questions sont posées par les
parlementaires, comme l'a dit ma collègue tout à l'heure, c'est tout à fait
pertinent, mais, à notre avis, elles sont posées dans le mauvais forum.
L'intention législative de 1967 était d'empêcher La Presse de passer aux
mains d'un actionnaire étranger. Ce dont on parle, c'est de céder La Presse
à une fiducie québécoise et selon les lois qui gouvernent les fiducies dans le
Code civil. La Presse ne pourra plus jamais être cédée à un autre
actionnaire, à moins que ce soit une autre fiducie qui partage le plus possible
les buts de la fiducie précédente et tout ça, ça devrait être vérifié et
approuvé par un juge de la Cour supérieure. En tout cas, c'est notre
compréhension du Code civil. Donc, ça apporte à peu près les mêmes garanties qu'apportait
le projet de loi... la loi de 1967.
Encore une fois, il faut préciser que le
vote que l'Assemblée nationale devra prendre n'accorde aucun avantage
supplémentaire à La Presse. Il n'y a rien qui existe actuellement ni
dans les lois fiscales qui permet à La Presse de devenir un organisme de
bienfaisance. Cependant, La Presse pourra effectivement solliciter des
dons sans émettre de reçus d'impôt, comme le font certains grands médias, le
Guardian, moi, j'ai donné 50 $ au Guardian cette année parce que je trouve
qu'ils font une très bonne job et je n'ai pas reçu de reçu d'impôt du
gouvernement du Royaume-Uni. Et c'est tout à fait quelque chose qui pourrait se
produire, c'est quelque chose qui se fait même au Québec avec Le Devoir,
les Amis du Devoir. Alors, je ne vois pas qu'est-ce qu'il y a de scandaleux
là-dedans.
La Presse est déjà éligible à un
programme d'aide financière mis sur pied pas le gouvernement du Québec pour la
transformation numérique. Elle ne profite pas d'avantage supplémentaire par
rapport aux autres médias. Évidemment, elle va y participer, c'est une très
bonne idée d'avoir mis ce programme sur pied.
Et doit-on rappeler, on n'est pas les
premiers, là, qu'aucun autre média au Québec ne doit soumettre sa
transformation à l'Assemblée nationale, bien qu'il y a eu de nombreuses
transactions dans le monde des médias, bien, qui ont souvent eu des effets
assez délétères sur l'emploi et sur l'information. Alors, bien entendu, cette
annonce-là a pris bien du monde par surprise, soulève des questions sur la
gouvernance. Évidemment, la première chose que j'ai quand ça a été annoncé aux
employés le 8 mai, j'ai été le premier à aller au micro, j'ai dit deux choses,
j'ai dit premièrement...
M. Côté (Charles) :
...souvent eu des effets assez délétères sur l'emploi et sur l'information.
Alors, bien entendu, cette annonce-là a pris bien du monde par surprise,
soulève des questions sur la gouvernance.
Évidemment, la première chose que j'ai
faite quand ça a été annoncé aux employés le 8 mai, j'ai été le premier à
aller au micro, j'ai dit deux choses. J'ai dit, premièrement à M. Desmarais :
Je trouve que les Desmarais ont été des propriétaires exemplaires du point de
vue du respect de l'indépendance journalistique à la rédaction à LaPresse.
Et deuxième chose : Est-ce qu'on peut avoir une place au conseil
d'administration? C'est les deux choses que j'ai dites dans la première minute
suivant l'annonce. Donc, on est toujours sur cette page-là aujourd'hui. La
direction nous a répondu qu'elle était prête à entendre les préoccupations des
employés et des syndicats à cet égard-là pour ce qui est de la représentation.
Mais évidemment on n'en fait pas une condition, on ne vous demande pas de nous
aider à arriver à cet objectif-là. On croit bien qu'on va être capables d'y
arriver tout seuls.
Donc, rappelons qu'à LaPresse
il y a une convention collective avec un chapitre complet sur les clauses
professionnelles. On vous a distribué un extrait de ces clauses-là. Il y a des
choses... évidemment, on est un syndicat d'employés, donc on défend les droits
des employés comme tous les syndicats le font, puis on cherche à améliorer
leurs conditions de travail ou à les détériorer le moins possible comme c'est
le cas plutôt à LaPresse depuis quelques années. Ceci dit,
il y a tout un chapitre de clauses professionnelles, et il y a des dispositions
que vous ne trouverez pas dans d'autres conventions collectives. Par exemple,
quand on nomme un vice-président à l'information à LaPresse,
ou un directeur principal, les employés de la rédaction sont consultés, et on
mentionne donc que l'employeur et le syndicat reconnaissent l'indépendance
professionnelle des employés selon les modalités prévues à la présente
convention et on dit aussi que la première obligation des journalistes à LaPresse
est à l'égard du public. Donc, il n'y a pas beaucoup d'entreprises privées où
la première obligation des employés c'est à l'égard du public.
Donc, l'intérêt public a toujours été à
coeur des préoccupations du syndicat à la rédaction à LaPresse.
Dans les années 1950, les journalistes ont fait la grève pour avoir le
droit de signer leurs textes dans leur propre journal et aussi pour instaurer
des lignes claires entre la publicité puis la rédaction. Plus récemment, pour
sauter quelque... 50 ans ou 60 ans en avant, le syndicat a mené une
bataille pour obtenir des règles plus claires pour les textes publicitaires
publiés dans LaPresse+. On a déposé des dizaines de griefs.
On a fait une médiation et on s'est entendus avec l'employeur pour une façon
d'identifier ces textes publicitaires correctement.
Donc, nous sommes très contents et on
prend note de toutes les préoccupations qu'on entend ici sur les emplois à LaPresse,
les emplois de journalistes et tous les autres emplois. Et soyez assurés que
c'est aussi notre première préoccupation et qu'on est aussi les mieux placés
pour évaluer l'impact de cette... de la proposition de LaPresse
sur les emplois. Et on a accès, sous le couvert d'une entente de
confidentialité comme il se doit, aux données financières de l'entreprise, et
on va en tenir compte dans nos négociations. Comme il se doit dans toute
entreprise qui demande des concessions importantes à ses employés, eh bien,
évidemment on veut ce qu'il se passe, et puis on va en tenir compte.
Donc, en conclusion, on est heureux de
constater que les parlementaires se préoccupent de questions comme le
financement des médias, l'indépendance de l'information, l'avenir de
l'information qui est l'oxygène de la démocratie. Ces questions-là sont
pertinentes, mais ce n'est pas dans ce cadre-ci concernant juste LaPresse...
La Présidente (Mme de
Santis) : Plus haut, s'il vous plaît.
M. Côté (Charles) :
...que ça... oui, j'achève. Donc, nous croyons que les parlementaires doivent
adopter la loi n° 400 et, si on invoquait des raisons étrangères à l'objet
de la loi pour ne pas l'adopter, eh bien, quant à nous, ça serait une tentative
d'ingérence. Alors, bien, merci beaucoup.
La Présidente (Mme de
Santis) : Merci beaucoup. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme Montpetit : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. M. Côté, M. Champagne,
Mme Gosselin, merci d'être présents avec nous. C'est important d'entendre
ce que vous avez à dire aujourd'hui. Je pense que ça vient certainement
éclairer notre travail de parlementaires pour prendre les bonnes décisions en
effet sur ce petit, mais important projet... bref, mais important projet de
loi.
Effectivement, il y a beaucoup de... vous
l'avez mentionné, il y a beaucoup de questions qui ont été soulevées mais qui
sont loin de la portée du projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, donc on va
essayer de maintenir nos échanges sur ce qui fait l'objet de nos débats. Vous
avez mentionné entre autres que, bon, vous êtes... les syndicats en fait sont
vraiment partie prenante de la décision, de la proposition qui est faite, puis
on voit très bien que vous êtes présents, les quatre syndicats aujourd'hui avec
LaPresse et que vous parlez... semblez parler d'une même
voix sur la nécessité d'aller de l'avant sur ce projet. Et j'aimerais ça que
vous nous en disiez davantage entre autres sur le rôle que vous avez joué et
que vous allez être amené à jouer également comme syndicat auprès du processus
qui est en train de se mettre en place, là.
• (16 heures) •
M. Côté (Charles) : Bien, la
première chose qu'il faut savoir, c'est que donc qu'il y a quatre syndicats à La Presse.
Il y en a trois CSN, un FTQ. Et pour ce qui est du syndicat FTQ, ils ont conclu
une convention collective à la fin de l'an dernier. Pour les trois syndicats
CSN...
16 h (version non révisée)
Mme Montpetit : …et que
vous allez être amené à jouer également comme syndicat auprès du processus qui
est en train de se mettre en place, là.
M. Côté (Charles) : Bien, la
première chose qu'il faut savoir, c'est que, donc, il y a quatre syndicats à La Presse,
il y en a trois CSN, un FTQ, et pour ce qui est du syndicat FTQ, ils ont conclu
une convention collective à la fin de l'an dernier. Pour les trois syndicats CSN,
ce n'est pas le cas. Donc, on est toujours en négociation, on est en demande
sur plusieurs points. C'est une négociation qui se déroule sous des paramètres
normaux, si on veut. Évidemment, ces jours-ci, on sent que les gens sont
occupés à d'autres occupations plus pressantes, mais certainement que la négociation
va reprendre. Donc ça, c'est une façon que le syndicat, particulièrement à la
rédaction, va jouer son rôle pour les questions qui peuvent être soulevées de
gouvernance, et de transparence, et de respect de l'indépendance
professionnelle. Mais, comme je vous dis, on est dans un cadre qui nous est
familier, on a confiance dans la haute direction de La Presse
actuelle pour ce qui est de ces questions-là et, aussi, on a une ouverture pour
regarder les préoccupations des employés quant à la représentation. Mais on
maintient que, pour l'instant, très certainement, la représentation au conseil
d'administration, c'est une voie à explorer.
Plus largement, par
exemple — puis ça permettrait de souligner le travail remarquable de
Pascale St-Onge, qui m'a précédé ici — évidemment, comme syndicats de
journalistes, on travaille en groupe — on arrive d'un congrès la
semaine dernière à Saguenay — et depuis maintenant deux ans et demi,
on voit la tempête venir, et de manière plus aiguë, et on a fait le
constat — et ça, c'est quelque chose qui s'adresse vraiment aux
parlementaires qui sont devant nous aujourd'hui — on fait le constat
que, pour financer un système d'information de qualité tel qu'on l'a
aujourd'hui, avec les revenus traditionnels des médias, ça va devenir
pratiquement impossible, si ce n'est pas déjà le cas, et ça, c'est vrai pour
tous les médias. Et on a lancé ce débat-là déjà depuis deux ans et demi, et on
fait des représentations sur les deux collines parlementaires qui ont trouvé
écho, je dirais, parce que je pense que tout le monde saisit aujourd'hui
l'importance des médias existants.
Quand les changements technologiques ont
commencé, tout le monde pensait qu'il y aurait des nouveaux médias qui émergeraient,
qui seraient capables de prendre le relais, prendre la place. Pour toutes
sortes de raisons, ça n'a pas vraiment été le cas. Et là, maintenant, ce qui
est en train de prendre la place, c'est les réseaux sociaux, les réseaux
sociaux, dont le modèle d'affaires n'est pas de faire circuler de l'information
vérifiée. Non, le modèle d'affaires des réseaux sociaux, c'est de faire
circuler de l'information qui suscite une réaction. Donc, c'est plus facile de
susciter une réaction en écrivant des faussetés ou en étant déplaisant qu'en
produisant de l'information de qualité, et ça, c'est à peu près la chose la
plus dangereuse qui nous guette actuellement. Donc, effectivement, Youtube, le
modèle d'affaires de Youtube, c'est d'avoir des gens qui sont… Bien d'ailleurs,
dans La Presse, il y a deux semaines, il y avait un dossier
là-dessus de mon collègue Gabriel Béland. Il y a un blogueur Youtube qui tient
des propos antisémites au Québec et qui fait de l'argent parce que les gens
surenchérissent sur son antisémitisme et, mettons, ils mettent 10 $ pour
que le commentaire antisémite paraisse sur la vidéo de ce monsieur. Google, via
Youtube, se met 3 $ dans les poches, et puis le monsieur, dans son
sous-sol… je ne sais pas s'il est dans son sous-sol, mais, bref, le monsieur se
met 7 $ dans les poches.
Donc, ça, c'est le modèle d'affaires de la
nouvelle économie de l'information. Je suis certain que ce n'est pas ça qu'on
veut, je suis certain que les parlementaires ici autour de la table, ils ne
veulent pas, dans cinq ans, dans 10 ans, donner des entrevues à un blogueur
antisémite dans son sous-sol, O.K. Je pense que... Et il y a un système
d'information qui a été érigé au fil des ans, il y a eu les médias, les
propriétaires de médias, il y a eu les syndicats, il y a eu les syndicats de
journalistes. Tout ça s'est mis ensemble pour essayer d'avoir quelque chose qui
se tient, qui réussit à être performant pour produire une information de
qualité et vérifiée. C'est ça qui est en danger.
La
Presse a choisi une
manière de perpétuer ce rôle-là dans la société. Nous, on appuie ça, on
l'appuie à 100 %. Ce n'est pas la seule façon, mais c'est certainement une
façon. Et la décision que l'Assemblée nationale a à prendre aujourd'hui ne
procure aucun avantage supplémentaire à LaPresse. Le
lendemain matin, là, LaPresse n'est pas mieux, elle n'est
pas pire, elle est transformée. Oui, il y a un élément qui va... dont je
parlais tantôt : on peut commencer à solliciter des dons. Ça ne nous donne
pas le droit d'écrire des reçus d'impôt, mais on peut solliciter des dons, il y
a de nombreux médias qui le font. Donc, je pense, si on prend un pas de recul,
là, c'est plutôt toute la situation de l'information et l'avenir de
l'information qui est en cause et qu'il va falloir examiner dans une autre
instance ou peut-être dans une autre commission parlementaire très bientôt.
M. Champagne (Éric-Pierre) :
Juste 30 secondes rapidement, parce que je voudrais ajouter...
La Présidente (Mme de Santis) :
Mme la ministre. Pardon.
M. Champagne (Éric-Pierre) :
Les syndicats, si LaPresse est transformée, vont toujours
exister, les conventions collectives continuent d'exister. Donc, si ça peut
rassurer les parlementaires, ce n'est pas la disparition des syndicats à LaPresse
si LaPresse est cédée à une fiducie d'utilité sociale, là.
La Présidente (Mme de Santis) :
Mme la ministre.
Mme Montpetit : Oui. Peut-être
juste confirmer à monsieur...
M. Champagne (Éric-Pierre) :
...il y a un élément que je voudrais les syndicats, si La Presse est
transformée, ils vont toujours exister, les conventions collectives continuent
d'exister. Donc, si ça peut rassurer les parlementaires, ce n'est pas la
disparition des syndicats à La Presse si La Presse est cédée à
une fiducie d'utilité sociale, là.
La Présidente (Mme de
Santis) : Mme la ministre.
Mme Montpetit : Oui, peut-être
juste confirmer à M. Côté qu'effectivement on partage, je partage certainement
vos préoccupations et je suis certaine que l'ensemble des parlementaires aussi,
ils sont très concernés par ce qui se passe en ce moment, et sur l'importance,
effectivement, de s'adresser à la question de l'avenir de nos... l'avenir de
l'information, comme vous l'avez mentionné. Et vous n'êtes pas sans savoir,
justement, que les mesures auxquelles je faisais référence plus tôt, justement,
de soutien à la transformation, aux différents médias, le plan d'aide aux
médias qui a été annoncé à l'automne pour les médias communautaires, pour la
presse écrite, c'est des premiers pas dans cette direction-là, mais je pense
que vous avez certainement raison de souligner qu'il faudra collectivement
aussi entamer une réflexion plus vaste que ça, parce que vous en faites mention,
la qualité journalistique n'est pas seulement importante, elle est déterminante.
Elle est déterminante de notre société et déterminante de l'information à
laquelle on a accès. C'est sûr que pour nous, comme parlementaires, c'est extrêmement,
extrêmement important de s'assurer que ça demeure. Et les exemples auxquels
vous faites référence, on en est bien conscient que la guerre des clics, comme
on... les clics avec un c, amène un certain dérapage ou à une certaine désinformation
aussi que l'on ne souhaite pas personne. Donc, soyez rassurés qu'on est bien
conscient de la crise à laquelle est confronté les médias, puis je pense que
vous soulignez effectivement le travail de Mme St-Onge. Elle nous a
interpellés à plusieurs reprises à cet effet-là, et je suis certaine qu'elle a
bien mesuré l'écho qui a été donné à ses représentations et aux demandes qui
ont été faites.
Plus largement, vous parlez aussi de votre
préoccupation sur toute la question du maintien des emplois. Je pense que c'est
quelque chose sur laquelle on souhaiterait être éclairés encore davantage pour
bien mesurer l'ampleur de la décision qui va être prise par chacun des
parlementaires d'aller de l'avant ou non, de donner son aval ou non à ce projet
de loi là. Comment vous voyez... vous êtes à la ligne de front, au premier plan
pour voir justement ce qu'il s'est passé dans les dernières années et comment
vous voyez la suite des choses avec les différentes transformations que
subissent les médias. Comment vous envisagez justement les conséquences qu'il
pourrait y avoir sur la salle d'information, sur les emplois à LaPresse
si le modèle justement... si le projet de loi ne devait pas être avalisé?
M. Côté (Charles) : Bien,
je comprends qu'il y a certaines personnes peut-être qui ne sentent pas
l'urgence, mais nous très certainement, les employés de LaPresse,
on vit dans l'urgence depuis longtemps. O.K.? Et puis nos patrons, on sait très
bien qu'ils sont à la recherche de solutions à temps complet. O.K.? Et ça bouge
très vite, comme l'a dit, dans le domaine de l'information. Dans le domaine du
marché publicitaire en particulier, ça bouge plus vite que la capacité de
réaction des gouvernements puis des administrations, puis ça, c'est un constat,
ce n'est pas un blâme, là. C'est ce qu'on comprend, puis on le voit au
gouvernement fédéral. On a appris hier qu'après avoir fait une consultation de
18 mois, on repart dans un autre cycle de consultations de 18 mois
avant de savoir si on ne va pas intervenir dans le domaine de l'économie numérique.
Donc, nous, devant ça, on vit plus dans l'urgence effectivement.
Et ceci dit, si je peux parler de ce qu'il
s'est passé à LaPresse, il y a eu de très nombreuses pertes
d'emploi, mais le nombre d'emplois à la rédaction à LaPresse
est à peu près au même niveau qu'il était en 2009. Je ne pense pas que vous
trouverez beaucoup de médias qui ont réussi ce tour de force là en Amérique du
Nord. Oui, tout le monde parle du succès du New York Times, du
Washington Post, mais c'est toujours les deux exceptions qui confirment
la règle. Alors, je suis tout content du travail accompli jusqu'à maintenant.
Puis la raison pour laquelle on appuie le projet de l'employeur, c'est qu'on
pense que c'est peut-être la meilleure façon de continuer ce travail-là.
La Présidente (Mme de
Santis) : Merci. M. le député de LaFontaine pour
3 min 50 s.
M. Tanguay
: Oui.
Merci beaucoup. Merci d'être là, merci d'éclairer nos lanternes. M. Côté,
vous êtes le président du Syndicat des travailleurs de l'information de LaPresse,
et je pense que vous nous aviez communiqué des extraits de votre convention
collective où il est dit qu'évidemment l'importance que les parties
reconnaissent à la liberté de presse qui est un droit fondamental, je cite la
dernière clause, la dernière partie de la clause 7.02 :«Il est
essentiel que la protection de ces droits fondamentaux que LaPresse
soit libre de rechercher la nouvelle sans obstruction ou intervention de qui
que ce soit, libre de publier les nouvelles et les commenter.» Ça, je prends
pour acquis évidemment que vous le vivez à LaPresse, que
c'est ce que vous vivez à tous les jours. Une réponse courte, s'il vous plaît.
M. Côté (Charles) : Oui,
oui, en gros, oui.
M. Tanguay
: Vous
le vivez. Est-ce que la présence d'un espace éditorial limite, interfère votre
liberté de presse de journaliste?
• (16 h 10) •
M. Côté (Charles) : Bien,
c'est sous deux directions différentes, donc il y a un directeur...
M. Tanguay
: …je prends
pour acquis, évidemment, que vous le vivez à La Presse, que c'est
ce que vous vivez à tous les jours. La réponse courte, c'est ça?
M. Côté (Charles) : Oui,
oui. En gros, oui.
M. Tanguay
: Vous
le vivez?
M. Côté (Charles) : Oui.
M. Tanguay
: Est-ce
que la présence d'un espace éditorial limite, interfère votre liberté de presse
de journaliste.
M. Côté (Charles) : Bien,
c'est sous deux directions différentes. Donc, il y a un directeur… Il y a un
éditorialiste en chef avec ses employés, puis il y a un directeur de l'information
avec ses employés. Donc, ils sont membres chez nous, évidemment. Il y a trois
éditorialistes. Puis il y a aussi d'un graphiste… Il y a deux
graphistes-pupitreurs. Il y a le caricaturiste. Chapleau est membre de notre syndicat.
Donc… Mais sinon, c'est… Du point de vue de la direction, c'est deux directions
séparées. Il n'y a pas… Il n'y a pas d'interaction. Il n'y a pas d'interférence
entre les deux services.
M. Tanguay
: Et
vous avez dit un peu plus tôt que les Desmarais, et je vous cite, ont été
exemplaires quant à l'indépendance journalistique. Est-ce que ça a déjà fait
partie de vos revendications, de dire : Bien, cessez l'espace éditorial, parce
qu'elle interfère avec la liberté de nos journalistes.
M. Côté (Charles) : Ah
non. Pas du tout. Bien, pas pour… Certainement pas pour cette raison. Bien, on…
En tout cas, c'est la pratique en Amérique du Nord que la page éditoriale est
la page du propriétaire, là, puis on n'a jamais contesté ça.
M. Tanguay
: Puis est-ce
que ça a encore lieu, ça, aujourd'hui, d'avoir un espace éditorial? Vous dites
que c'est la pratique en Amérique du Nord. Ça a encore sa place, là, cette
espace-là.
M. Côté (Charles) : Bien,
d'après ce que je vois, oui. Il y a… Bien, il y a des certains journaux qui
n'ont pas de page éditoriale, mais c'est une infime minorité, là.
M. Tanguay
: Puis est-ce
qu'à la page éditoriale il y a une importance d'avoir une liberté, là,
également. Je veux dire, l'éditeur…
M. Côté (Charles) : Bien,
également, là aussi, là. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a aussi des
clauses…
M. Tanguay
: Ce
qui est bon pour l'un est bon pour l'autre aussi en termes de liberté.
M. Côté (Charles) : Bien,
c'est-à-dire, moi, je n'ai jamais travaillé à l'éditorial. Je ne peux vraiment
pas parler en leur nom. Donc… Mais je sais qu'ils bénéficient des mêmes clauses
professionnelles. Ils sont soumis à la même convention collective.
M. Tanguay
:
Dernière question. S'il y avait une continuité quant à cette interaction-là,
espace éditoriale, espace journalistique, s'il y avait une continuité après le
projet de loi n° 400, est-ce que vous seriez satisfait?
M. Côté (Charles) : Bien,
nous, la continuité, on serait très satisfaits.
M. Tanguay
:
Merci.
M. Côté (Charles) :
Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Vous avez encore 1 min 23 s.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup. J'ai terminé.
Une voix
: Je vous
remercie, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Donc, la parole est maintenant au député de Matane-Matapédia
pour neuf minutes.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue aux artisans de l'information de La Presse.
J'aime cette appellation. Je trouve que ça fait… Ça démontre la noblesse de
votre travail, qu'on peut observer, ici à l'Assemblée nationale,
quotidiennement, avec les membres de la colline parlementaire, mais également à
travers nos lectures, à travers nos réflexions également. Je réitère
l'importance que La Presse a à nos yeux, La Presse, le
journal dans l'univers médiatique québécois. C'est une grande tradition d'information,
c'est des artisans, c'est des gens aussi qui, par leur condition, qu'ils ont
pleinement méritée, ont une certaine indépendance, une certaine stabilité également.
Je trouve ça important dans le monde actuel des médias. Et depuis ce matin, les
questions qu'on a posées, vous le réalisez, sont très différentes, qu'elles
s'adressent aux patrons ou qu'elles s'adressent aux syndiqués.
On ne s'ingère pas dans les négociations.
D'ailleurs, je pense que vous êtes en… Nonobstant ce qui est arrivé, vous étiez
déjà en négociation avec votre patron. On ne l'a pas évoqué jusqu'à maintenant,
mais on le sait. Alors, c'est public. Je ne pose pas de questions là-dessus. Ça
vous appartient. Je ne pose pas de questions sur la liberté de la presse. Je
sais qu'elle est acquise. Ce n'était pas là-dessus, notre questionnement ce
matin. C'était sur la ligne éditoriale. Alors, ça s'adresse davantage à un
autre niveau. C'est le choix du propriétaire. Si le choix, le propriétaire veut
se le faire financer, c'est son choix. On l'a dit. Pas besoin de le ramener.
Ceci étant dit, vous n'avez pas choisi
cette situation-là, puis nous non plus. Alors, moi, je ne m'attendais pas comme
leader parlementaire à avoir un projet de loi de cette nature-là. On a
dépoussiéré beaucoup de choses pour le retrouver, les débats qui ont eu lieu à
l'époque. Et puis on s'est fait une tête, puis on a réfléchi, puis on pose des
questions. Alors, je veux vous le dire, puis ça ne s'adresse pas
particulièrement à vous, mais à tout le monde parce que, souvent, puis on est
habitué à recevoir des pressions ou des mises en garde en disant : Il faut
l'adopter. Il faut… Il faut faire attention. Jamais il ne nous viendrait à
l'idée comme parlementaires de dire aux journalistes quoi faire. Et je suis
convaincu que c'est la même chose pour les journalistes qui ne diront jamais
aux parlementaires quoi faire. Alors, si on s'entend là-dessus, ça va bien aller.
Parce que j'ai vu tantôt, là, quelques entrefilets où on faisait peser beaucoup
de poids sur les parlementaires si ce n'était pas adopté, notamment à l'égard
de la députée de Vachon.
Alors, moi, comme gardien des droits des
parlementaires, je vais vous dire une chose, ça m'a touché un peu. Alors, les
débats vont se faire sereinement et correctement. Et comme elle a peu de temps
pour pouvoir le dire, je voulais le dire à sa place. Je pense que ses questions
sont correctes. Elles sont légitimes. Et puis, au bout de l'exercice, les gens
vont faire le choix en âme et conscience. Moi, j'ai déjà indiqué notre volonté
que vous puissiez avoir la structure que les patrons ont choisie et que vous
avez acceptée. Et on la respecte. Je termine là-dessus, mais je veux que ça
soit clair. Vous allez voir que c'est toujours… Il n'y a pas d'ambiguïté, là,
sur mes propos.
Sur… C'est sûr qu'il n'y a pas de garantie
sur la suite. Mais là, l'inquiétude, c'est le nombre de journalistes, je pense,
c'est 240 à peu près, là, dans ces eaux-là. Il y en a déjà eu plus. S'il y
avait des pertes, qu'est-ce qu'on vous dit? Parce que, tu sais, ça va devoir
être épongé. Quand il y a un gros groupe, évidemment, ça aide à avoir plus
d'assurance là-dessus. Est-ce qu'on vous a donné des indications comment ça
pourrait fonctionner…
M.
Bérubé
:
…dans ces eaux-là. Il y en a déjà eu plus. S'il y avait des pertes, qu'est-ce
qu'on vous dit? Parce que, tu sais, ça va devoir être épongé. Quand il y a un
gros groupe, évidemment, ça aide à avoir plus d'assurance là-dessus. Est-ce
qu'on vous a donné des indications, comment ça pourrait fonctionner sans
toucher à l'essentiel, c'est-à-dire l'information? Dans la présentation qu'on
vous a faite, là, à la… et les autres…
M. Côté (Charles) : Je ne
suis pas sûr de comprendre la question.
M.
Bérubé
:
Bien…
M. Côté (Charles) : À la table
de négo, ils nous ont… non, ils ne nous ont pas dit… il n'a pas annoncé… il n'y
a pas de coupes annoncées, il n'y a pas de pertes d'emploi d'annoncées, donc…
M.
Bérubé
:
Je vais préciser davantage ma question.
M. Côté (Charles) : Oui.
M.
Bérubé
:
Si dans la nouvelle structure il y avait des pertes, il va falloir que
quelqu'un les éponge, alors comment ça fonctionnerait?
M. Côté (Charles) : Des
pertes financières.
M.
Bérubé
:
Oui, des pertes financières. Oui, oui, excusez-moi.
M. Côté (Charles) : Bien,
ce qu'on nous dit, puis encore une fois, on va avoir accès à une transparence
financière. On a un protocole qui va nous permettre d'y avoir… sous le sceau de
la confidentialité, évidemment, comme c'est le cas dans ces situations-là,
habituellement. Et on a une annonce d'un montant de 50 millions.
L'employeur nous dit, et l'actionnaire nous dit : Mais ce montant-là, il a
été conçu pour nous aider à passer au travers puis mettre en place une
stratégie d'affaires qui pourrait rapporter des nouveaux revenus. Donc, ça,
c'est quelque chose qu'on va vouloir évaluer dans le cadre de cet exercice-là.
M.
Bérubé
:
Vous avez parlé tout à l'heure qu'il serait possible de solliciter des dons, ce
qui existe ailleurs également, c'est le cas du Devoir,qui va
s'adresser à nous en soirée, à travers la philanthropie, ce qui serait une
nouveauté pour LaPresse. Vous avez la chance d'avoir… le
privilège d'avoir des lecteurs qui sont fidèles depuis longtemps, puis des
lecteurs qui auront certainement envie de considérer d'appuyer LaPresse.
Tout à l'heure, M. Crevier nous a souligné que l'aide fédérale était
essentielle, donc les dons sont insuffisants. Est-ce que c'est quelque chose
qui vous préoccupe?
M. Côté (Charles) : Bien,
c'est-à-dire que nous, à la Fédération nationale des communications, qui
regroupe l'immense majorité des syndicats de journalistes, là, au Québec, on
fait campagne depuis longtemps pour le modèle du crédit d'impôt sur la masse
salariale dans les salles de rédaction. Donc, nous, on est derrière cette
idée-là depuis longtemps. On pense que c'est la meilleure façon de financer une
partie du travail d'une salle de rédaction, puis ça, c'est à la grandeur du
Canada. On sait que Google et Facebook font 7… à eux deux, entre 7 et
8 milliards de chiffre d'affaires par année au Canada et qu'ils ne sont
aucunement taxés, pas de TPS, par de TVQ. Et il y a Marwah Rizqy, qui est
maintenant candidate libérale, mais, quand même, qui est une fiscaliste
compétente, qui a évalué les pertes annuelles au Canada à 600 millions.
Donc, est-ce qu'avec 600 millions on peut financer en partie, en tout cas,
entre autres, un crédit d'impôt sur la masse salariale des salles de rédaction
au Canada? Je crois bien que oui, si on estime collectivement que c'est
important de le faire. Et nous, on continue de… bien, à travers la fédération,
on continue d'être derrière cette idée-là.
M.
Bérubé
:
J'ai envie de…
M. Champagne (Éric-Pierre) :
…précision… je veux juste ajouter…
M.
Bérubé
:
Oui?
M. Champagne (Éric-Pierre) :
Il n'y a aucune garantie. Il n'y en avait pas sous Power Corporation.
M.
Bérubé
:
Ah! bien non.
M. Champagne (Éric-Pierre) :
La preuve, il y a eu 157 emplois qui ont été perdus en 2015. Il n'y en aura pas
plus dans la nouvelle structure. Évidemment, notre travail à nous, c'est
d'essayer de maintenir le plus grand nombre d'emplois, mais il n'y a aucune
garantie.
M.
Bérubé
:
O.K. Oui, effectivement, puis c'est un monde qui est mouvant, c'est un monde
qui est nouveau, et puis même dans nos pratiques de lecture, nous-mêmes comme
parlementaires, on réalise souvent que, même dans les médias papier, souvent on
va les voir davantage sur Internet. Alors, nous-mêmes, on est témoins de ça.
J'ai envie d'utiliser le temps à ma
disposition pour vous permettre d'expliquer ce crédit d'impôt et comment ça
pourrait fonctionner. En tout cas, la connaissance que vous en avez. Parce que
l'Assemblée nationale, par exemple, je ne sais pas si c'est déjà le cas,
pourrait adopter une motion unanime, je ne sais pas si ça a été fait, là, j'ai
peut-être échappé ça, mais ça pourrait être une façon d'être utile pour la
suite des choses si… En tout cas, moi, si ça n'a pas été fait, la députée de
Vachon en a déjà parlé…
Une voix
: Ça a été
refusé par les libéraux.
M.
Bérubé
:
Ça a été refusé par le parti de Marwah Rizqy? D'accord. Je relance l'idée. Moi,
je prends l'engagement que, si c'est une bonne idée… D'abord,
expliquez-le-nous. Et j'espère avoir l'assentiment de la ministre et de son
équipe pour adopter une motion unanime qui pourrait aider LaPresse.
Qu'en pensez-vous?
M. Côté (Charles) : Bien,
je ne me sens pas habilité à l'expliquer en détail. Je sais que la FNC a
produit au moins deux études là-dessus avec l'aide d'une firme de consultants
externes et d'experts indépendants. Mais toujours est-il que le modèle qu'on a
en place aujourd'hui dans le secteur du jeu vidéo, c'est pour créer de l'emploi
dans un secteur important, mais que… l'argent s'en va dans les poches
d'entreprises à but lucratif étrangères. Mais, bon, on a quand même trouvé ça
acceptable de créer un crédit d'impôt sur la masse salariale dans ce
secteur-là. Là, on pense que c'est un modèle qui peut être intéressant, parce
que ça permet de mettre une distance. Ce n'est pas un programme de subvention,
c'est un programme de crédit d'impôt, donc c'est normé puis c'est géré à distance
par les gouvernements, donc c'est peut-être la meilleure façon.
• (16 h 20) •
M.
Bérubé
:
Alors, je propose de faire oeuvre utile et de tenter avec vous et d'autres de
convaincre ceux qui ne seraient pas encore d'accord avec cette idée…
M. Côté (Charles) : ...ce n'est
pas un programme de subventions, c'est un programme de crédits d'impôt, donc
c'est normé puis c'est géré à distance par les gouvernements, donc c'est peut-être
la meilleure façon.
M.
Bérubé
: Je
propose de faire oeuvre utile et de tenter, avec vous et d'autres, de
convaincre ceux qui ne seraient pas encore d'accord avec cette idée utile et
intéressante proposée par une fiscaliste qui aspire à siéger à cette Assemblée
nationale, de convaincre le gouvernement d'adopter avec nous une résolution
unanime qu'on enverra à Ottawa pour aider LaPresse. Alors,
c'est mon engagement et je termine là-dessus, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée d'Iberville pour six
minutes.
Mme Samson : Merci, Mme la
Présidente. Bonjour. Je voulais justement parler du crédit d'impôt. Je pense
que le modèle qui est contemplé, c'est le modèle qui est largement inspiré du
crédit d'impôt de la vidéo et du long métrage, que je connais particulièrement
bien. C'est basé sur la main-d'oeuvre, un pourcentage de la main-d'oeuvre, etc.
C'est complexe parce que la machine est habituée de le traiter projet par
projet, alors que, dans une entreprise... je comprends qu'on ne peut pas
traiter chaque publication, chaque journée comme un projet, là, vous pouvez
vous imaginer le «redtape» qui viendrait avec ça... donc, il faudrait que la
formule soit certainement assez révisée, revue et corrigée.
Je n'aurai pas besoin de vous poser ma
question qui tue parce que vous y avez déjà répondu dans votre présentation,
mais j'en ai une autre. On va entendre, d'ici la fin de la soirée, d'autres
intervenants, dont certains vont s'opposer à ce que ce projet de loi là soit
adopté, justement parce que LaPresse pourrait bénéficier de
crédits d'impôt.
Une voix
: C'était
votre question, oui?
Mme Samson : Ma question
est : Comment réagissez-vous à ça si on nous présente cet argument-là
qu'il n'y a pas de raison pour que LaPresse ait accès à des
crédits d'impôt?
Une voix
: Il n'y a
rien... Excusez...
M. Champagne (Éric-Pierre) :
...seulement LaPresse va bénéficier de ces crédits d'impôt
là. Évidemment, il y a déjà un programme qui permet à LaPresse,
mais au Devoir, à Québécor et à d'autres de bénéficier des crédits
d'impôt, ce programme-là existe. S'il y en a d'autres que l'Assemblée
nationale, que le prochain gouvernement souhaite mettre en place, ça sera au
gouvernement d'établir les critères et il n'y a rien qui garantit que LaPresse
sera éligible ou n'y sera pas et que les autres médias ne seront pas éligibles.
Nous, notre position, puis elle est en accord avec
celle de la FNC, c'est que ce soit universel et que ce soit des programmes
normés connus de tous.
Alors, nous, comme syndicat, on ne demande
pas un traitement de faveur, là. Alors, on souhaite que s'il y a des
programmes, que ça soit pour tout le monde. Alors, on ne souhaite pas que
d'autres soient exclus, parce qu'à chaque fois qu'il y a des emplois de
journaliste qui disparaissent, on pense que ce n'est pas bon pour... ce n'est
pas bon pour nous, premièrement, comme journalistes, même comme organisation
syndicale et c'est... on pense que ce n'est pas bon aussi pour l'ensemble de la
société. Puis là-dessus, je ferais juste rappeler... au Québec, en ce moment,
il y a 4,5 relationnistes pour un journaliste, alors... puis ça va aller en
grandissant, malheureusement, là. Je pense que c'est une question aussi qu'il
faut garder en tête.
Mme Samson : Quelle
distinction faites-vous entre journaliste et chroniqueur?
M. Côté (Charles) : Bien, un
journaliste est là pour rapporter, enquêter éventuellement, faire des grands
dossiers, des reportages puis un chroniqueur, il est là pour peut-être faire
toutes ces choses-là puis, en plus, donner son opinion. Mais... donc, à LaPresse,
quoi, il y a 20... je ne sais... je n'ai pas le chiffre exact en tête, là.
Mme Samson : Est-ce que les
chroniqueurs sont inclus dans votre syndicat?
M. Côté (Charles) : Oui, oui,
tous les chroniqueurs sont syndiqués.
Mme Samson : Tous les
chroniqueurs sont syndiqués.
M. Côté (Charles) : Oui.
Mme Samson : O.K. Il me reste
quoi, deux minutes à peu près?
La Présidente (Mme de Santis) :
2 min 55 s.
Mme Samson : Ah! c'est bon.
C'est bon quand on a fait de la TV, tu sais, on a une espèce de «cue sheet»
dans la tête à longueur de journée. J'aimerais peut-être vous entendre sur...
j'ai posé la question à vos collègues tantôt de la CSN... sur les
bouleversements qu'ont provoqués tous les changements technologiques, vous y
avez fait référence vous-même. On le sait que, dans les médias puis à la presse
écrite, c'est comme dans tous les médias, c'est une business de «people», c'est
un «people business» avant toute chose, si vous n'avez pas les bons employés
puis les employés... vous n'avez pas d'entreprise. De quelle manière et comment
réfléchissez-vous à cette relation-là de travail que vous avez
traditionnellement dans un mode X, Y, Z, les gens rentrent au bureau, ils font
leur papier, vont faire leur topo puis tout ça, là, là, dans cinq ans, là, ou
dans quatre ans, ça va être le télétravail, est-ce que vous êtes prêts...
est-ce que vos organisations sont prêtes à changer le modus operandi compte
tenu de l'évolution technologique?
M. Côté (Charles) : Je pense
que c'est ce qu'on fait sans arrêt depuis 15 ans. On est toujours en
négociation à LaPresse, toujours, toujours, toujours, sur
tous ces sujets-là.
Mme Samson : Toujours,
toujours, toujours?
M. Côté (Charles) : Et là, les
prochains changements qu'on entrevoit, c'est peut-être... non, en fait, je ne
m'avancerai pas là-dessus, mais on a fait la preuve depuis 15 ans... moi, ça
fait 20 ans que je suis impliqué au syndicat...
Mme Samson : Vous êtes
condamné à...
M. Côté (Charles) : Il n'y a pas
une seule année...
M. Côté (Charles) : …sur tous
ces sujets-là.
Mme Samson : Toujours, toujours,
toujours.
M. Côté (Charles) : Et là, les
prochains changements qu'on entrevoit, c'est peut-être… non, en fait, je ne
m'avancerai pas là-dessus, mais on a fait la preuve depuis 15 ans… moi, ça fait
20 ans que je suis impliqué au syndicat…
Mme Samson : Vous êtes
condamnés au changement.
M. Côté (Charles) : …il n'y a
pas une seule année qui s'est passée sans qu'on ait une lettre d'entente ou une
nouvelle création, une nouvelle fonction, permission pour embaucher des
surnuméraires pour relancer la nouvelle application. Écoutez…
Une voix
: Pour lancer La
Presse+…
M. Côté (Charles) : …je
voulais juste résumer, c'est que, comme syndicat, on a très certainement voulu
toujours être là où la technologie s'en allait. Il n'a jamais été question
qu'on se fasse contourner pour des raisons de changements technologiques. Et
ça, ça va continuer, mais… Et nos membres aussi sont prêts, pour la plupart…
pas pour la plupart, mais quand c'est bien expliqué, quand c'est bien amené,
ça…
Mme Samson : Le changement est
accepté.
M. Côté (Charles) : …le
changement est accepté.
Mme Samson : …
M. Champagne (Éric-Pierre) :
Pour lancer La Presse+…
Mme Samson : Oui.
M. Champagne (Éric-Pierre) :
…l'employeur, LaPresse et les syndicats ont négocié 128
lettres d'entente, si je me rappelle bien. Donc, quand Charles dit que nous
sommes tout le temps en négociation, puis ce n'était pas une négociation de
convention collective, là, il y a eu 128 lettres d'entente pour permettre le
lancement et tous les changements qui sont arrivés avec La Presse+.
Donc, oui, on négocie presque quotidiennement, pour ainsi dire.
Mme Samson : …aux nouvelles
technologies, c'est bon. Je vous remercie, messieurs, merci, madame. C'est tout
pour moi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, Mme la députée. Maintenant, la parole est à la députée de Vachon pour
trois minutes.
Mme Ouellet : Merci.
Bienvenue. Moi, j'aimerais ça qu'on revienne aux crédits d'impôt parce
qu'effectivement, si on est ici aujourd'hui puis qu'on parle de l'OBNL, c'est
parce que cette transformation-là, elle n'est pas par hasard, c'est pour
pouvoir avoir accès aux futurs crédits d'impôt du gouvernement canadien pour
dons de charité. Et ce crédit d'impôt là pour dons de charité, il est seulement
qu'accessible aux OBNL, donc discriminatoire sur la structure d'entreprise.
Vous ne pensez pas que ce serait mieux, au lieu d'avoir un crédit d'impôt pour
dons de charité, qui est discriminatoire quant à la structure d'entreprise, qui
nous oblige actuellement à regarder les différentes structures d'entreprise,
que ce soit plutôt un crédit d'impôt justement sur la masse salariale? Et
effectivement, c'est une motion que j'ai déposée ici, à l'Assemblée nationale,
qui a été appuyée par le Parti québécois, qui a été appuyée par Québec
solidaire, sur laquelle ne s'est pas prononcée la CAQ, mais qui a été refusée
par le Parti libéral du Québec. Donc, parce que vous dites qu'il ne faut pas
qu'il y ait de discrimination, qu'il faut que ça soit des mesures universelles.
Mais actuellement, ce qui est en jeu, ce n'est pas une mesure universelle,
c'est une mesure qui est accessible seulement qu'à un OBNL. Et c'est pour ça
qu'on se retrouve avec un OBNL un peu bizarre, fiducie de Power Corporation,
lié à Power Corporation indirectement par les nominations, avec
52 milliards de revenus. Moi, je trouve que pour OBNL, là, on repassera.
Mais c'est ça, l'enjeu, actuellement. Ça fait que vous ne pensez pas que la
solution ce serait plus un crédit d'impôt sur la masse salariale?
M. Côté (Charles) : Je pense
qu'il y a deux choses là-dedans, il y a la faculté d'une OBNL de donner des
reçus d'impôt eu égard à sa mission. Puis ça, c'est oui ou non, puis je pense
que l'entreprise va vivre avec. Mais c'est une autre chose de dire : Un
crédit d'impôt de 35 % sur la masse salariale des salles de rédaction. Ça,
vous l'avez entendu aussi de la bouche des dirigeants de LaPresse,
là. Puis je pense que c'est vraiment deux questions différentes.
Ensuite, de dire que Power fait
50 milliards de chiffre d'affaires puis Facebook fait 50 milliards de
chiffre d'affaires, ce n'est pas du tout… L'essentiel du chiffre d'affaires de
Power Corporation, c'est dans un monde qui n'a rien à voir avec l'information.
Et, oui, on aimerait bien ça avoir les mêmes moyens que Facebook et Google en
termes d'ingénieurs en informatique, puis en intelligence artificielle, puis en
«business intelligence», puis tout ce que vous voudrez, là, ça… mais c'est ça,
là, mais on ne pourra jamais, à l'échelle de LaPresse,
avoir les mêmes ressources dans ces secteurs-là sans changer le modèle de
revenu, parce que le modèle de revenus, il est brisé par Google et Facebook,
qui eux vont chercher les revenus pour financer ces développements-là. Ce n'est
pas La Great-West, là, qui fait de la recherche dans ce secteur-là, là, tu
sais, ce n'est pas le Groupe Investors ou… tu sais, on est une bibitte à part dans
le monde de Power Corporation, on est la seule entreprise du monde médiatique à
Power Corporation.
Mme Ouellet : Je comprends,
mais de toute façon, Power Corporation, une chance qu'il était là, parce que
c'est ce qui a permis d'avoir une aussi grande salle de rédaction, parce qu'ils
ont absorbé des déficits d'une année à l'autre. Savez-vous ça prendrait
combien…
M. Côté (Charles) : …LaPresse
a fait des profits, on a le programme de partage des bénéfices, et certaines
années on a reçu… on a eu le partage des bénéfices.
Mme Ouellet : Ah oui? C'est
quand, la dernière année que vous avez reçu un partage de bénéfices?
M. Côté (Charles) : Je ne suis
pas là pour communiquer cette information-là, mais on laisse dire des choses
sur les finances de LaPresse qui ne sont pas…
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Alors, M. Côté, M. Champagne, Mme Gosselin,
merci d'avoir participé aux travaux de cette commission.
Je suspends les travaux quelques instants
afin de permettre aux représentants de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 30)
16 h 30 (version non révisée)
La Présidente (Mme de Santis) :
…du Québec de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 30)
(Reprise à 16 h 31)
La Présidente (Mme de Santis) :
On reprend nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération
des travailleurs et travailleuses du Québec. Je vous rappelle que vous disposez
de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite nous allons procéder à la période
d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous présenter
ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Ensuite, vous allez procéder à
votre exposé. La parole est à vous pour 10 minutes.
M. León (Atïm) : Merci,
Mme la Présidente. Atïm Léon. Je suis conseiller politique à la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ. Et à ce titre-là, je suis le
principal adjoint du président, Daniel Boyer, qui m'a demandé de le remplacer puisqu'il
est en déplacement à l'étranger. Je suis accompagné à ma droite par Me Kathleen
Bourgault, qui est conseillère syndicale au SEPB, qui est un affilié de la FTQ,
le syndicat des employées professionnelles et de bureau, et aussi de Philippe
St-Jean, qui est président du syndicat SEPB-574 à La Presse.
Ils vont se présenter plus en détail par la suite. Un seul mot d'introduction
assez rapide, assez bref, si vous permettez. La FTQ, moi, je n'ai pas besoin de
vous la présenter en détail. On est présent dans tous les secteurs de
l'économie québécoise, dans toutes les régions. C'est une grande centrale
syndicale qui regroupe 37 syndicats, 5 000 unités locales, dont
une à La Presse. Et c'est la raison de notre présence aujourd'hui.
Lorsque La Presse a annoncé
publiquement sa démarche visant à transformer sa structure légale en OSBL il y
a un peu plus de trois semaines, il s'est trouvé que le Conseil général de la
FTQ qui est l'instance décisionnelle entre nos congrès se réunissait quelques
jours plus tard. Et à cette occasion, l'ensemble des affiliés de La Presse…
Voyons, de la FTQ, excusez-moi, ont publiquement exprimé leur préoccupation
pour la tendance désastreuse à la fermeture de salles de presse dans les
régions et dans les médias régionaux du Québec. Je veux aussi signaler que la
FTQ a eu l'occasion à maintes reprises par le passé de s'exprimer sur ces
enjeux, d'insister sur son adhésion au principe fondamental de la liberté de la
presse et son corollaire qui est la responsabilité d'informer le public de
manière impartiale et avec des standards professionnels élevés.
Mais, ceci étant dit, ce n'est pas le
coeur de notre propos ni la question qui est posée aujourd'hui. Eu égard au
projet de loi n° 400, nous sommes ici pour vous dire que nous appuyons la
demande émanant de la direction de La Presse, parce qu'elle a le
mérite de s'accompagner, à nos yeux, des deux seules garanties qui sont
pertinentes de discuter à cette étape-ci, c'est-à-dire d'abord pour nous,
encore une fois à nos yeux, le respect des ententes signées avec les
travailleurs et travailleuses syndiquées à La Presse et ensuite le
désir de pérenniser ce grand quotidien qui nous semble animer la démarche de la
direction de La Presse et qui, à nos yeux, est la garantie la plus
importante. Pourquoi? Bien, parce que la presse joue un rôle important dans l'expression
de la pluralité des opinions au Québec et le maintien d'un dialogue
démocratique fort.
Alors, j'arrête mes remarques
introductives ici et je passe la parole à mes collègues du SEPB, en particulier
d'abord à Kathleen Bourgault.
Mme Bourgault (Kathleen B.) :
Alors, bonjour, Mme la Présidente. Alors, je suis heureuse d'être ici également
aujourd'hui. Et je suis la conseillère syndicale attitrée au dossier de La Presse
pour les employés de la publicité et la production. Je suis devant vous, car
nos dirigeants du SEPB-Québec sont en comité exécutif national en Ontario
actuellement. Alors, le…
Mme Bourgault (Kathleen B.) : …également,
aujourd'hui, je suis la conseillère syndicale attitrée au dossier LaPresse
pour les employés de la publicité et la production. Je suis devant vous car nos
dirigeants du SEPB-Québec sont en comité exécutif national en Ontario
actuellement.
Alors, le SEPB-Québec représente près de
15 000 membres dans les catégories d'emplois professionnels, soutien
technique et administratif. Le SEPB-574, la section locale à laquelle
appartient l'unité LaPresse, fait partie du SEPB-Québec, et
donc le SEPB-574 détient l'accréditation de LaPresse. Nous
représentons environ 120 travailleuses et travailleurs oeuvrant en vente
et en production publicitaire pour les médias numériques de LaPresse,
et ce, depuis plus de 50 ans. Nous appuyons le principe du projet de loi,
soit un projet permettant à LaPresse d'adopter une
structure OBNL. Principalement, nous sommes en faveur pour les motifs suivants.
Bon, d'une part, la loi actuelle oblige LaPresse
à obtenir l'autorisation de l'Assemblée nationale avant de conclure une vente
de droits ou d'actions, et évidemment cela est basé sur des événements d'ordre
familiaux débutant dans les années 1900. Ces événements n'ont plus de lien
réel avec le rôle joué aujourd'hui par LaPresse dans notre
société québécoise. Évidemment, vous le savez, depuis ce matin, on l'entend, il
n'y a aucun autre média qui n'est assujetti à cette exigence. Également, nous
considérons que LaPresse devrait être traitée de la même
façon que les autres médias.
Évidemment, comme conseillère syndicale
dans le dossier, dans le «day to day» pour représenter les employés de LaPresse,
vous comprendrez que nous sommes en faveur particulièrement parce qu'il y aura
respect des conditions de travail prévues dans la convention collective ainsi
que de l'accréditation. La convention collective, elle est présentement en
vigueur et elle expire le 31 décembre 2020. Alors, les parties admettent, de
part et d'autre, qu'il s'agit d'une aliénation totale, ce qui fait en sorte que
l'article 45 du Code du travail s'applique, et donc, par le fait même,
permet le transfert intégral de la convention collective ainsi que de
l'accréditation chez la nouvelle entité.
Bref, pour nous, nous sommes satisfaits
des engagements pris par l'employeur dans l'édition du 2 juin à l'effet que LaPresse
s'engage à respecter ses conventions collectives et à instaurer des régimes de
retraite miroirs pour ses employés. Évidemment, nous sommes conscients que ces
enjeux, malgré l'engagement de l'employeur, sont présents et demeureront
présents dans le futur. Mais, à ce stade-ci, pour nous, l'article 45
s'applique, et donc les règles usuelles vont s'appliquer.
Également, pour nous, on est rassurés que
Power Corporation s'est dit disposé à mettre en place avec la collaboration des
syndicats un mécanisme afin de conserver sous sa charge les obligations passées
des régimes de retraite sur une base de continuité des affaires. Évidemment,
cela permet d'assurer la protection des droits des participants aux régimes de
retraite, qu'ils soient actifs, inactifs et retraités.
De plus, nous sommes conscients et nous
acceptons l'engagement de l'employeur à l'effet de maintenir les emplois
actuellement. Donc, cela, cet engagement-là nous convient à ce stade-ci, tout
en sachant qu'il y aura… il devra y avoir des discussions entre les parties
pour discuter des impacts et des enjeux de la création de cette nouvelle
entité. Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci.
M. St-Jean (Philippe) : Et je
vais compléter. Bonjour, Mme la Présidente. Je me présente, je suis Philippe
St-Jean. Je prends la parole cet après-midi en tant que président de l'unité LaPresse
SEPB-574. Alors, c'est un syndicat qui regroupe plus ou moins
120 travailleuses et travailleurs, qui oeuvrent principalement en vente
publicitaire, en production et en diffusion publicitaire, en créativité média
et en recherche marketing.
• (16 h 40) •
Les membres que je représente sont celles
et ceux qui ont la responsabilité quotidienne d'alimenter la principale source
de revenus pour LaPresse, c'est-à-dire les revenus
publicitaires, ces fameux revenus publicitaires qui décroissent de façon
exponentielle chaque année, chaque trimestre, chaque mois. Depuis les dernières
années, bien que nos équipes ont redoublé d'efforts pour sensibiliser les
annonceurs québécois et canadiens d'investir leur budget…
M. St-Jean (Philippe) : ...de
revenus pour LaPresse, c'est-à-dire les revenus
publicitaires. Ces fameux revenus publicitaires, qui décroissent de façon
exponentielle chaque année, chaque trimestre, chaque mois. Depuis les dernières
années, bien que nos équipes ont redoublé d'effort pour sensibiliser les
annonceurs québécois et canadiens d'investir leur budget publicitaire au sein
d'un média d'information numérique crédible, innovant, qui joue un rôle
primordial pour la société québécoise, la réalité, c'est que les annonceurs consacrent
tout près de 80 % de leur budget numérique chez deux géants américains,
soit Google et Facebook. Et pour être capable de concurrencer, dans la mesure
du possible évidemment, ces deux géants, il faut inévitablement innover. En
effet, il est nécessaire de renouveler régulièrement les produits offerts,
d'optimiser les stratégies publicitaires pour les rendre encore plus
performantes. Les membres que je représente ont, au cours des dernières années,
su adapter leurs méthodes de travail, ont su créer des outils exclusifs de
mesure, ont su programmer des logiciels uniques pour permettre la publication
quotidienne d'une édition numérique et engageante de LaPresse,
ont su maîtriser la conception d'une nouvelle forme de publicité qui mise maintenant
sur l'interactivité. Bref, les membres que je représente ont mis tous les
efforts nécessaires pour réussir la transformation numérique de LaPresse,
car on croyait que ce virage était essentiel à la survie de l'entreprise.
Aujourd'hui, on croit que si l'on veut maintenir
cette salle de rédaction qui a fait et qui fait encore la renommée de LaPresse,
on croit que si l'on veut poursuivre le développement technologique des
plateformes médiatiques performantes et engageantes, on croit que si l'on veut
s'assurer de garder ce joyau québécois ici, bien ancré dans sa communauté, on
croit que ça va prendre bien plus que des revenus publicitaires...
La Présidente (Mme de Santis) :
...
M. St-Jean (Philippe) :
...oui... pour l'ensemble de ces raisons et pour diversifier rapidement les
sources de revenus de l'entreprise, on croit que la pérennité de LaPresse
passe d'abord par l'adoption du projet de loi n° 400.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Alors, maintenant, la parole est à la ministre pour 15 minutes.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. Mme Bourgault, M. St-Jean, M. León
, merci d'être avec nous aujourd'hui. Merci pour votre présentation également.
Je n'aurai qu'une seule question, en fait.
Vous avez fait à la nécessité pour LaPresse d'obtenir
l'autorisation des parlementaires pour pouvoir, soit vendre, soit céder
l'entreprise puis vous avez bien souligné que c'est un préalable, c'est une
autorisation préalable, effectivement, qui est unique au Québec. Aucun autre
média n'est assujetti à cette exigence puis je pense qu'il
est bien de souligner qu'il est sage qu'il en soit
ainsi puis, je le répète, je pense qu'il est important, effectivement, que les
médias soient libres de toute ingérence politique et c'est tous ce qu'on
devrait rechercher aujourd'hui, effectivement, à la fin de cette journée, et la
chose sur laquelle je souhaiterais vous entendre, vous avez dit dans... en
fait, c'est souligné dans le mémoire que vous nous avez déposé... vous dites que :
L'avenir de LaPresse se joue aujourd'hui. C'est une
affirmation qui est très, très forte et je partage l'opinion du leader de
l'opposition sur le fait qu'effectivement, je ne pense pas qu'on cherche à
mettre de la pression sur les parlementaires avec ce genre d'opinion, mais je
pense que, s'il faut éclairer les membres de cette commission, comme vous êtes
certainement encore là, comme je le mentionnais, que ce soit les employés,
l'employeur, les travailleurs, les syndicats, les premiers à être capables d'évaluer
cette situation, j'aimerais bien que vous puissiez nous dire qu'est-ce qui vous
porte à avoir une affirmation aussi forte?
M. St-Jean (Philippe) : Oui,
en fait, je peux peut-être répondre à cette question-là. En fait, moi, je suis
en contact directement avec les revenus publicitaires. C'est mon équipe et moi
aussi, mes collègues qui travaillent avec les revenus publicitaires, le statu
quo, on l'a répété sur plusieurs tribunes, ce n'est pas une option pour nous.
Il faut revoir le modèle et on pense, on croit que le modèle qui a été présenté
par la direction de LaPresse est un modèle qui fait du
sens. Ça nous permet de diversifier aussi les revenus de LaPresse,
de diversifier les sources de revenus, ça enlève évidemment une grosse pression
également sur les équipes de vente qui eux, qui elles plutôt sentent une
pression de plus en plus élevée en raison des deux grands joueurs américains,
Google et Facebook. Alors, oui, je crois que l'avenir de LaPresse
se joue en ce moment.
Mme Montpetit : Parfait. Je
vous remercie, Mme la Présidente. À moins que j'aie des collègues...pour moi,
ça fera le tour, je vous remercie.
La Présidente (Mme de Santis) :
Est-ce qu'il y a des collègues qui... non? Alors, maintenant, la parole est au
député de Matane-Matapédia pour neuf minutes...
M. St-Jean (Philippe) : …en ce
moment.
Mme Montpetit : Parfait. Je
vous remercie, Mme la Présidente. À moins que j'aie des collègues, pour moi, ça
fera le tour. Je vous remercie.
La Présidente (Mme de Santis) :
Est-ce qu'il y a des collègues qui… Non? Alors, maintenant, la parole est au député
de Matane-Matapédia pour 9 minutes.
M.
Bérubé
: Merci,
Mme la Présidente. À mon tour de saluer Mme Bourgault, M. St-Jean et M. León.
Je dois révéler que c'est un ancien collègue du mouvement étudiant avec qui on
a mené bien des batailles. Alors, je vous salue tous, et bienvenue à l'Assemblée…
Non, mais il faut révéler ce genre de choses là. Vous l'avez fait, vous, Mme la
Présidente. Alors, il me fait plaisir de vous accueillir. Vous avez vu… entendu
les questions. Je ne veux pas me répéter. J'aimerais peut-être aborder une
question qui ne l'a pas été jusqu'à maintenant, qui est celle des retraités,
parce que vous avez des retraités qui ont été syndiqués chez vous, et vous vous
souciez de l'avenir des rentes. Alors, comme on n'en a pas parlé, ce que
j'aimerais, c'est vous donner l'occasion de nous indiquer votre appréciation de
la situation, si vous avez des craintes ou si vous avez… vous êtes rassurés.
Alors, offrons ce temps, je dirais, aux fiers retraités de LaPresse,
ils sont nombreux, et ils sont notamment dans votre unité syndicale. Alors, je
vous offre ce temps-là pour parler de cette situation-là. Et je salue ceux qui
m'ont contacté en leur disant que oui, on va parler de votre situation.
Mme Bourgault (Kathleen B.) :
Oui. Alors, peut-être que je peux répondre à vos questionnements au sujet de
ça. Évidemment, nous avons une préoccupation au sujet des rentes des retraités,
des gens qui reçoivent déjà leur rente. Mais je tiens à dire, il y a également
la préoccupation des inactifs, ceux qui ont accumulé des droits et qui ont
quitté, et ceux qui travaillent toujours, qui sont actifs, mais qui vont être
transférés dans la nouvelle entité. Évidemment, ce ne sont pas les mêmes
enjeux. Ce que je peux vous dire, à ce stade-ci, c'est que des rencontres sont
prévues à cet égard-là. Chaque partie sont accompagnées d'actuaires, parce que
vous comprendrez que c'est légèrement complexe, toutes ces questions au sujet
d'un nouveau régime de retraite versus l'ancien, et qu'à ce stade-ci, pour
nous, que Power Corporation nous avise qu'il désire conserver sous sa charge
ses obligations passées des régimes de retraite, bien, vous comprendrez que ça
nous rassure et qu'évidemment, si cette charge-là avait été transportée à la
nouvelle entité, bien, ça aurait été possiblement périlleux, là, parce que
c'est quand même une charge financière importante.
Alors, évidemment, quand je vous dis ça,
je ne vous dis pas qu'on n'est pas toujours préoccupés, ce sont des
préoccupations réelles, des discussions doivent avoir lieu avec les parties, et
surtout des informations très techniques qui doivent être soumises à nos
actuaires pour que… D'ailleurs, nous, au SEPB, nous rencontrons notre actuaire
demain, à 2 heures, pour évaluer certaines choses.
M.
Bérubé
: Mme
la Présidente, pour Mme Bourgault, vos collègues, est-ce qu'à votre connaissance
les retraités vont être mis à contribution dans les échanges sur la nouvelle
structure? Moi, j'ai parlé avec M. Jeannard, entre autres, là, je ne sais pas
si c'était votre unité syndicale ou c'est plus l'autre côté, mais il me parlait
de façon générale de tous les anciens, qu'ils soient à l'information ou dans
d'autres postes, qu'ils ont envie de participer, puis d'être consultés, puis de
peut-être vous donner des éclairages supplémentaires.
Mme Bourgault (Kathleen B.) :
Bien, peut-être ce que je peux… à ma connaissance, tous les retraités ont reçu
des avis actuellement de LaPresse. Comment va se faire les
consultations avec les retraités, je ne suis pas dans le
«fine-tuning» — excusez-moi l'anglicisme — mais je sais que
les gens ont reçu des avis et qu'évidemment, s'il y a des retraités au
SEPB-Québec qui veulent communiquer avec nous, puis on évaluera les enjeux,
évidemment, mais ils sont consultés également d'une façon différente.
M.
Bérubé
: Ça
va, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
Vous avez encore 5 min 20 s.
M.
Bérubé
: J'ai
terminé.
La Présidente (Mme de Santis) :
Vous avez terminé?
M.
Bérubé
: Oui.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Alors…
Une voix
: …
La Présidente (Mme de Santis) :
Allez-y, M. St-Jean.
M. St-Jean (Philippe) :
Ajouter également, on a des comités de retraite à la LaPresse
où siègent des retraités, et évidemment, là, toutes les nouvelles règles vont
être soumises à ce comité de retraite là.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Alors, la parole est à la députée d'Iberville pour 6 minutes.
Mme Samson : Merci, Mme la
Présidente. Alors, comme vous représentez les gens qui font les ventes pour LaPresse,
on va parler des revenus un peu, j'imagine que vous suivez ça de près, comment
ça évolue. Un petit peu? Oui, j'imagine que c'est plus qu'un petit peu.
• (16 h 50) •
Dites-moi, par rapport à l'ensemble des
affaires publicitaires au Québec, est-ce qu'il y a beaucoup de réticence des
grandes agences au Québec et au Canada qui planifient les campagnes
publicitaires des grands annonceurs? Est-ce qu'il y a encore beaucoup de
réticence à confier une partie importante des budgets à La Presse+, par
exemple? C'est automatique, ils vont se tourner plus vers Youtube ou sur
Google?
Mme Samson : …est-ce qu'il
y a encore beaucoup de réticence à confier une partie importante des budgets à La
Presse+, par exemple? C'est automatique, ils vont se tourner plus vers
YouTube ou sur Google?
M. St-Jean (Philippe) :
En fait, je peux peut-être répondre à ça. En fait, ce n'est pas un automatisme.
Je vous dirais qu'évidemment l'arrivée de tous ces nouveaux joueurs numériques
en sol québécois, c'est venu apporter de nouveaux joueurs, de nouveaux
concurrents qui ont des avantages qu'on n'a pas. Par exemple, on a parlé tantôt
de l'intelligence publicitaire. Bien qu'on fasse des grands pas de notre côté à
La Presse, que les agences apprécient énormément, ça reste que les
grands joueurs de ce monde ont déjà beaucoup d'avance, ont beaucoup de moyens.
Donc, tout dépendant, je vous dirais, des objectifs marketing que recherchent
les clients des grands annonceurs, bien, on va avoir une part du gâteau, de la
tarte publicitaire. Et il y en a une autre part qui va être donnée aux autres
joueurs américains. C'est le portrait un peu des concurrents qui a changé
depuis les dernières années.
Mme Samson : …à sa place.
M. St-Jean (Philippe) :
Exact.
Mme Samson : O.K. Moi,
j'ai un préjugé malheureusement parce que, dans mon ancienne vie, j'ai touché à
l'industrie des communications. Quand l'Internet est arrivé avec les sites
complémentaires puis les diffuseurs qui s'en allaient sur l'Internet, j'ai toujours
eu l'impression qu'au début ils ont donné de la visibilité supplémentaire sur
l'Internet, mais donné à leurs annonceurs comme étant une plus-value s'ils
annonçaient sur leur média traditionnel. Et j'ai toujours pensé que les médias,
en faisant ça, se tiraient un peu dans le pied et qu'un jour ce serait
difficile de valoriser la place du numérique à partir du moment où on habitue…
C'est un peu comme le contenu musical que les gens ont consommé gratuitement
pendant des années, c'est difficile de changer ensuite un comportement puis de
dire : Bien, par souci de faire vivre les artistes puis les créateurs, il
faut payer quelque chose quelque part. C'est difficile de détricoter ça après.
Puis j'ai toujours eu ce préjugé-là, mais… Puis c'est parce que, bon,
l'imprimé, je connais moins ça un peu, mais vous vendez ça. Bon, dans les
journaux, ça se vend au lectorat. Sur l'Internet, ça se vend aux clics, aux
visiteurs, aux visites.
M. St-Jean (Philippe) :
…différentes méthodes. Il y a différentes méthodes qui peuvent être un coût par
millier, un coût par clic, un coût par acquisition. Il y a différentes façons,
là, qu'on peut établir la tarification sur un site Internet dans le monde
numérique.
Mme Samson : Bien, tu
sais, si je suis l'annonceur, moi, je suis-tu plus privilégiée si je calcule
votre coût par clic ou votre coût par mille? Il n'y a pas de standard, là.
M. St-Jean (Philippe) :
Bien, en fait, il n'y a pas de standard. Là, je vais vous charger une
consultation si ça continue. Mais non, sans blague, en fait…
Mme Samson : …j'ai un programme
de soutien, là, à l'action bénévole.
M. St-Jean (Philippe) :
Plus sérieusement en fait, ça dépend vraiment de votre stratégie. Tu sais, si
vous voulez… Si vous voulez lancer un message, vous voulez faire voir un
message au plus grand nombre, bien, je vais vous dire : Allez-y avec un
coût par mille. Si vous avez… Si vous voulez que les gens, vraiment, posent une
action concrète pour acheter un article que vous vendez, bien là, c'est un coût
par acquisition qui peut être un petit peu plus avantageux pour vous. Donc,
c'est vraiment de voir. Ça dépend de vos stratégies de communication.
Mme Samson : J'imagine
que les sous-segmentations femme, homme, jeune, vieux…
M. St-Jean (Philippe) :
Bien, on est en train de créer des audiences de plus en plus précises à La Presse.
C'est un nouveau produit qu'on est en train, là, de lancer. Et en effet, il va
avoir différentes audiences qu'on va pouvoir cibler.
Mme Samson : Bien, je
vous remercie infiniment. Puis j'ai appris quelque chose, Mme la Présidente.
C'est bon.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Alors, maintenant, la parole est à la députée de Vachon pour trois
minutes.
Mme Ouellet : Merci, Mme
la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Étant donné que c'est une modification
de structure dont on est en train de discuter, et c'est pour le financement de La Presse
dans le futur, est-ce que vous pensez, parce que j'imagine que vous étudiez ça
depuis un certain temps, les différentes structures, que la structure telle que
présentée par La Presse serait la meilleure structure? Parce que
l'on fait du cas par cas malheureusement. Moi, j'aurais souhaité qu'on puisse
avoir une discussion beaucoup plus large sur comment on peut répondre, là, à
l'avenir de l'information. Et je pense qu'il y a d'autres structures qui
peuvent être intéressantes. Est-ce que vous pensez que c'est cette structure-là
qui est la plus intéressante?
M. León (Atïm) : Je vais
vous le dire. En fait, il n'y a pas de réflexion sur quelle est la meilleure
structure, si c'est ça la question. Mais par rapport à votre intuition, effectivement,
il est urgent que la société québécoise et, a fortiori, l'Assemblée nationale
aient une réflexion, un débat sur comment on va faire à l'avenir pour que la
marché publicitaire continue à alimenter les…
M. León (Atïm) : …la
meilleure structure, si c'est ça la question. Mais, par rapport à votre
intuition, effectivement, il est urgent que la société québécoise, et a
fortiori l'Assemblée nationale, ait une réflexion, un débat sur : Comment
on va faire à l'avenir pour que le marché publicitaire continue à alimenter les
structures de production, d'information et de culture en général? Parce que la
même question se pose pour la télévision, pour le cinéma, pour le livre, pour
la musique, et c'est exactement le débat que tous ces médias-là, ces moyens
culturels sont en train d'avoir avec le gouvernement fédéral en ce moment.
Mélanie Joly a annoncé hier la mise sur pied d'un panel d'experts qui va se
pencher sur cette question-là, c'est-à-dire : Comment on fait pour
rediriger dans le système de production culturelle les revenus générés par les
nouvelles plateformes Internet? Ou, en tout cas, une partie de ces revenus-là.
Et donc quelle va être leur contribution? Et je pense que pour les médias d'information,
la même question se pose, et le Québec aurait tout intérêt à se questionner
rapidement là-dessus, parce que ça va très, très vite. Je pense que la raison
pour laquelle on se retrouve dans cette situation maintenant, à la fin de la
session parlementaire, c'est parce que la situation bouge très vite.
Mme Ouellet : Et ça
serait quoi votre solution à vous sur les revenus pour les différentes…
maintenant que c'est plus des plateformes électroniques, pour aller chercher de
la publicité pour que ça soit réparti de façon plus équitable?
M. León (Atïm) :
Écoutez, je pense que le rapport du CRTC de la semaine dernière ouvre des
pistes, même s'il… ce n'est pas une révolution, hein, qu'il propose, on
s'entend, là, on aurait aimé qu'il aille plus loin. Mais il ouvre des pistes
dans la mesure où il dit : Il va falloir se poser la question de…
c'est-à-dire… ce qu'on a fait avec les câblodistributeurs à une certaine
époque, qu'il y ait une contribution de la part des câblodistributeurs pour
financer la production via le Fonds des médias du Canada. Il va falloir se
poser la même question pour les plateformes et réfléchir comment est-ce que… et
dans qu'elle proportion est-ce qu'ils doivent contribuer, et est-ce que ça soit
avoir un impact sur le tarif des abonnements Internet ou pas.
La Présidente (Mme de Santis) :
…s'il vous plaît.
M. León (Atïm) : J'ai
conclu.
La Présidente (Mme de Santis) :
…c'est fini. Alors, merci beaucoup, Mme Bourgault, M. St-Jean et
M. León. Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux
représentants de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec de
prendre place.
(Suspension de la séance à 16 h 58)
17 h (version non révisée)
(Reprise à 17 h 1)
La Présidente (Mme de Santis) :
Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue aux représentantes de la
Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons procéder à
la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite à vous
présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Procédez à votre
exposé, la parole est à vous.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Chers députés membres de cette commission parlementaire, je me présente :
Marie Lambert-Chan. Je suis membre du conseil d'administration de la Fédération
professionnelle des journalistes du Québec, la FPJQ. Je désire tout d'abord
vous souligner que je remplace au pied levé notre président, Stéphane Giroux,
qui malheureusement ne peut s'adresser à vous aujourd'hui pour des raisons
médicales. Je suis accompagnée de notre directrice générale adjointe, Mme
Marie-Philippe Gagnon-Hamelin. Je sais qu'il se fait tard, je vous promets
d'être précise et concise autant que faire se peut.
Avec près de 2 000 membres, la FPJQ
est le plus important regroupement de journalistes au pays. Notre rôle est de
défendre la liberté de presse et le droit du public à l'information. Ce sont
justement ces principes qui nous amènent ici, parce que l'indépendance des
médias est un des fondements de notre démocratie. La FPJQ est d'avis que l'État
n'a pas à décider du mode de gestion d'une entreprise de presse, quelle qu'elle
soit. C'est vrai pour LaPresse, mais c'est aussi vrai pour
les journaux de Capitales Médias, de Québecor, de Transcontinental. C'est aussi
vrai pour les autres médias, qu'il s'agisse de la télévision, de la radio, des
magazines ou des médias en ligne. On n'imaginerait pas le gouvernement avoir
son mot à dire sur la structure d'une entreprise, que ce soit Domtar, Metro ou
Louis Garneau. C'est tout aussi vrai pour les entreprises de presse, qui
doivent être épargnées par toute forme d'ingérence de l'État pour pouvoir
remplir leur mandat d'informer le public, parce que, je vous le rappelle, si l'État
s'immisce dans la gestion de la structure d'une entreprise de presse, qu'est-ce
qui l'empêchera ensuite de s'immiscer dans le contenu des médias, de dicter ce
qui doit être écrit et ce qui ne doit pas l'être? Permettre une telle chose
serait s'aventurer sur une pente glissante très dangereuse.
On vous l'a dit aujourd'hui, mais je me
permets de vous le répéter, il y a 90 quotidiens au Canada, 90 journaux qui ont
des structures différentes. Certains sont indépendants, d'autres appartiennent
à des groupes de presse. Ils sont tous libres de prendre les décisions
nécessaires pour assurer leur pérennité, tous sauf un, LaPresse.
Un anachronisme historique fait que ce quotidien doit demander la permission à
l'Assemblée nationale pour changer de propriétaire. Le législateur voulait
ainsi s'assurer que LaPresse reste de propriété québécoise.
Mais est-ce que l'État doit avoir le pouvoir de contrôler qui possède un
journal et surtout quel doit être son modèle d'affaires? Nous vous soumettons
humblement que la réponse doit être non et nous vous soumettons humblement que
ce n'était pas l'objectif de la loi dont l'abrogation est demandée aujourd'hui.
Nous ne disons pas que les médias ne doivent être soumis à aucune loi. Au
contraire, les médias se doivent de respecter la loi, et il est normal que
l'État établisse des règles pour favoriser la concurrence, par exemple. Mais
l'État ne doit pas s'ingérer dans la gestion des médias. C'est aussi ça, la
liberté de presse.
Comme le soulignait l'ancien secrétaire
général de la FPJQ, Claude Robillard, dans son livre La liberté de presse,
la liberté de tous, publié en 2016...
Mme Lambert-Chan (Marie) :
...l'État établisse des règles pour favoriser la concurrence, par exemple. Mais
l'État ne doit pas s'ingérer dans la gestion des médias, c'est aussi ça, la
liberté de presse. Comme le soulignait l'ancien secrétaire général de la FPJQ,
Claude Robillard, dans son livre La liberté de presse, la liberté de tous,
publié en 2016, le Québec a connu son lot d'obstacles pour obtenir une presse
libre et indépendante du pouvoir de l'État.
Jusqu'en 1760, la question était
simple : Il était interdit en Nouvelle-France de posséder ou d'utiliser
une imprimerie. La question était rapidement réglée. Les premiers journaux sont
apparus sous le régime anglais, mais cette presse n'était pas libre. L'autorité
religieuse et les lois en vigueur à l'époque permettaient de contrôler ce qu'on
pouvait écrire. Le fondateur de la Montreal Gazette l'a appris à ses dépens en
1882 en étant emprisonné pour avoir défendu des idées jugées révolutionnaires.
Fort heureusement, le XXe siècle aura été plus respectueux de cette liberté
fondamentale. Le recul de l'église, l'arrivée de la Charte québécoise, de la
Charte canadienne des droits et libertés nous ont finalement libérés de la
menace d'un État censeur.
Et nous voici donc, en 2018. Le quotidien LaPresse
estime devoir transformer sa structure pour assurer sa pérennité. L'État n'a
pas à se prononcer sur ce choix, tout comme il n'est pas appelé à se prononcer
sur les choix stratégiques et organisationnels que font ses 89 concurrents. Les
médias écrits, on vous l'a dit aujourd'hui et on le répète, les médias écrits
traversent une crise grave. Les revenus sont en chute libre, siphonnés par les
géants du Web que sont Facebook et Google, notamment, des géants étrangers qui
ne produisent pas le contenu qu'ils diffusent et qui, donc, ne paye pas celles
et ceux qui le produisent.
Au cours de la dernière décennie,
43 % des emplois dans les journaux au Québec ont disparu en raison de ces
nouvelles réalités économiques. Le Toronto Star, le plus important
journal au Canada, a affirmé publiquement tout récemment que sa survie était
menacée. Dans ce contexte, tous les médias cherchent des solutions. LaPresse
souhaite devenir un organisme à but non lucratif, comme d'autres journaux dans
le monde le tentent aussi. Est-ce que ce changement de modèle d'affaires lui
permettra d'assurer sa survie, comme plusieurs d'entre vous l'ont demandé
aujourd'hui? Nous n'en avons aucune idée. Par contre, ce que nous savons, c'est
que, si rien n'est fait, si on maintient le statu quo, le Québec pourrait
perdre l'un de ses plus importants quotidiens.
Mmes et MM. les élus, il n'est pas
question ici de juger le quotidien LaPresse ni de faire le
procès de ses actionnaires. Il est question d'un principe démocratique
fondamental : l'indépendance des médias. C'est pour cela que la FPJQ
recommande que soit adopté le projet de loi n° 400 pour permettre la
transformation du journal LaPresse.
Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Est-ce que vous voulez ajouter?
Mme Gagnon-Hamelin (Marie-Philippe) :
Non, merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Alors, nous allons procéder avec la ministre. Vous avez la
parole pour 15 minutes.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. Mme Lambert-Chan, Mme Gagnon-Hamelin,
bonjour à toutes les deux, bienvenues à l'Assemblée nationale. Merci pour votre
présentation éclairante.
• (17 h 10) •
Je n'aurai aussi dans ce cas-ci qu'une
seule question pour continuer de nous éclairer dans nos réflexions et dans
notre compréhension de la situation. Moi, j'ai décidé... si j'ai décidé comme
ministre de la Culture et des Communications de déposer le projet de loi
n° 400, c'est vraiment dans l'objectif de corriger une situation qui est
inéquitable pour LaPresse par rapport aux autres médias du
Québec. Et c'est vraiment dans cet objectif-là bien précis. Donc,
effectivement, vous mentionnez... ce n'est pas dans aucune intervention ni dans
le modèle d'affaires ni dans les décisions qui seront prises par la suite,
c'est simplement pour venir corriger une iniquité historique qui, pour des
raisons qui nous sont antérieures, ont mené LaPresse à
faire l'objet d'un projet de loi. Et si je l'ai déposé maintenant, puis c'est
vrai que ce n'est pas toujours évident pour l'ensemble des parlementaires, on
est dans les deux semaines de session intensive et ce sont des semaines qui
sont excessivement chargées, occupées, et c'est évident que, comme on l'a
mentionné, vous vous retrouvez dans cette situation-là bien malgré vous et nous
également, mais la raison pour laquelle je l'ai déposé cette session-ci et que
je n'ai pas attendu une autre session, c'est parce que je jugeais de
l'importance de l'affaire et d'une certaine urgence aussi de procéder. Mais,
comme je l'ai mentionné aux groupes qui vous ont précédés, je pense qu'il n'y a
nul autre que vous et que l'ensemble des groupes qu'on rencontre aujourd'hui
qui peuvent nous expliquer et venir éclairer les parlementaires et les gens qui
nous écoutent mieux que vous sur l'importance d'agir avec célérité et de
procéder rapidement et j'aimerais ça vous entendre sur ce sujet-là précisément.
Vous avez parlé de l'avenir des emplois, de l'avenir de LaPresse,
je comprends que vous ne pouvez pas présumer de l'avenir par la suite...
Mme Montpetit : …les parlementaires
et les gens qui nous écoutent mieux que vous sur l'importance d'agir avec
célérité et de procéder rapidement. Et j'aimerais ça vous entendre sur ce
sujet-là précisément. Vous avez parlé de l'avenir des emplois, de l'avenir de La Presse.
Je comprends que vous ne pouvez pas présumer de l'avenir par la suite… suite à
l'abrogation d'un projet de loi, mais je comprends que, si on ne va pas de
l'avant, vous, votre lecture, c'est qu'à l'heure actuelle c'est problématique
et ça pourrait venir compromettre des emplois.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Bien, absolument. Écoutez, nous ce qu'on défend, c'est la liberté de presse. Il
n'est pas exagéré de dire que, sans presse, il n'y a pas de liberté de presse.
À titre personnel, je suis rédactrice en chef du magazine Québec Science.
Nous sommes dans un modèle d'affaires qui est différent, mais je peux vous dire
que nous sommes loin d'être épargnés par la crise. Et chaque jour nous
regardons nos revenus fondre. Chaque jour, nous nous demandons comment changer
les choses. Évidemment, les députés ont à faire leur devoir. On fait le nôtre. Peut-être
que la question d'urgence n'est pas toujours bien comprise, mais pour nous qui
évoluons dans ce milieu tous les jours, qui vivons cette crise… Moi-même, ça
fait à peine 12 ans que je suis dans le milieu, quand je suis sortie de l'université,
on commençait à peine à parler de Facebook. Et je peux vous dire que tout a
changé et tout continue de changer à une vitesse qui nous échappe. Et donc,
oui, il y a urgence à agir.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Est-ce qu'il…
Mme Montpetit : Parfait.
Je pense que c'était… C'était important. Peut-être juste pour finir, puis je
pense que mon collègue de LaFontaine aura une question par la suite. Je pense
que c'est important, parce que ça fait l'objet des discussions qu'on a eues
depuis ce matin sur certains parlementaires qui ont peut-être l'impression
d'être bousculés. Et ce n'est pas… Ce n'est pas l'intention de personne, ici.
Si, comme ministre, moi, j'ai décidé de déposer ce projet-là, si comme gouvernement
on a décidé d'appeler le projet de loi, c'est parce qu'on fait cette lecture-là
également. On voit qu'il y a une nécessité de le faire. Et c'est la raison pour
laquelle on souhaitait qu'il soit étudié et qu'il soit appelé rapidement malgré
le fait qu'effectivement ça bouscule les travaux de l'Assemblée nationale. Et
je suis contente aujourd'hui, justement, d'entendre des groupes qui viennent de
façon unanime avec un message qui est très uniforme et qui viennent nous
expliquer la situation, qui viennent nous éclairer justement sur la nécessité
de procéder et d'aller de l'avant avec ce projet de loi également. Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. M. le député de LaFontaine.
M. Tanguay
: Oui. Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup d'être avec nous ce soir pour
participer au débat et à la discussion. Vous avez dit un peu plus tôt,
Mme Lambert-Chan, que, s'il ne revient pas à l'État de dicter le contenu
journalistique, une loi québécoise, une loi de l'Assemblée nationale qui
interdirait la présence dans un journal d'un espace éditorial serait
condamnable. Pourquoi?
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Parce que ça contreviendrait à l'indépendance des médias qui est un pilier fondamental
de notre démocratie. Chaque média a droit d'avoir sa ligne éditoriale. Ce n'est
ni à l'État ni à nous d'en juger. Ça fait partie de l'indépendance des médias.
Et l'indépendance des médias est nécessaire à la pluralité des voix, qui est nécessaire
à notre démocratie pour que les citoyens puissent se faire une opinion éclairée
et prendre des décisions conséquentes.
M. Tanguay
:
Comment recevriez-vous, si d'aventure l'on suivait la voie qui nous est soumise
ou proposée par les collègues entre autres du Parti québécois, de se questionner
quant à l'à-propos ou pas de certaines lignes éditorialistes ou pas par rapport
à d'autres et, le cas échéant, peut-être d'en limiter la présence? Quels
seraient les dangers à ce que, moi, je considère notre démocratie et la l'équilibre
de notre démocratie? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
On a parlé un peu de l'historique du Québec. Ça fait belle lurette qu'on a
séparé les pouvoirs entre les médias et les politiciens. Je pense que notre
démocratie ne s'en tire que mieux. Je ne pense pas qu'on veuille revenir à
l'époque d'un état censeur. Et je pense que, si on devait aller vers cette
voie, ça serait une pente glissante très dangereuse, comme on l'a dit. Mais de
toute manière, je dois rappeler que ce n'est pas le forum pour discuter de
cette question. Il est question de l'abrogation du projet de loi n° 400
pour l'abrogation de la disposition pour permettre à La Presse de
faire son virage commercial.
M. Tanguay
: Et
donc, la présence… la pente extrêmement glissante sur laquelle il ne faut pas
aller, d'un début d'état censeur, est-ce que vos commentaires également
s'appliqueraient à certains qui voudraient déterminer qui peut et ne peut pas
être propriétaire de média? Est-ce que vous incluriez cet aspect-là.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Évidemment.
M. Tanguay
: O.K.
Bien, je vous remercie beaucoup. Votre témoignage à titre de représentante de
la Fédération professionnelle des journalistes du Québec est très, très clair.
Merci beaucoup. Pas d'autres questions pour notre part, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Alors, maintenant, la parole est au député de Matane-Matapédia pour neuf
minutes.
M.
Bérubé
:
Le timing est bon. Merci, Mme la Présidente. Alors, Mmes Marie
Lambert-Chan, Marie-Philippe Gagnon-Hamelin, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Permettez-moi de…
M. Tanguay
: très,
très clair. Merci beaucoup. Pas d'autre question pour notre part, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Alors, maintenant, la parole est au député de Matane-Matapédia pour neuf
minutes.
M.
Bérubé
:
Le timing est bon. Merci, Mme la Présidente. Alors, mesdames, Marie
Lambert-Chan, Marie-Philippe Gagnon-Hamelin, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Permettez-moi de réitérer un certain
nombre de choses. L'importance pour notre formation politique d'avoir une
pluralité des sources médiatiques, notamment dans les quotidiens. La nécessité
d'avoir des journalistes qui exercent pleinement leur travail sans aucune
ingérence, c'est acquis à LaPresse, nous n'en doutons
point. La nécessité pour l'État de se préoccuper de cela au même titre que les
artisans de l'information, c'est acquis également. Et, encore une fois, réitérer
notre volonté de participer au débat, de poser des questions, puis c'est le
rôle des parlementaires. Les parlementaires ont un rôle à jouer à chaque fois
qu'une pièce législative nous est présentée, nous posons des questions.
Et j'avoue que depuis ce matin je suis un
peu déconcerté. On peut bien parler de principes auxquels nous souscrivons, d'indépendance,
et tout ça, mais je ne vous cacherai pas les témoignages que j'ai depuis des
années d'artisans de l'information LaPresse, qui se
disent : À chaque fois qu'on écrit, on se fait dire : Est-ce que ça
doit être la ligne fédéraliste, etc.? Ça existe, et je suis convaincu qu'on
vous l'a déjà dit. Alors, c'est un poids qui pèse sur les épaules des
journalistes. Ça n'influence pas leur travail, mais c'est un poids qui pèse
dans la perception.
Et, quand moi, je me fais dire tout à
l'heure, comme député indépendantiste, par M. Desmarais, et je cite La
Presse+ : «Quant à la ligne éditoriale du quotidien, M. Desmarais
a dit souhaiter qu'elle demeure favorable à l'unité canadienne», ça, ça peut
aller, «et qu'elle s'oppose à l'élection — et je
cite — d'un parti séparatiste.» Donc, un journal qui consacre sa
ligne éditoriale à combattre une formation parfaitement légitime fondée par
René Lévesque, je trouve ça inacceptable. Je vous le dis et je sais que c'est
partagé par de nombreux journalistes de LaPresse, ce genre
de propos. Alors, ça va continuer. Manifestement, je ne m'attends pas à avoir
d'avis de quiconque là-dessus, mais ça, pour un député d'une formation
légitime, élue démocratiquement, qui n'est pas déshonorante, je trouve ça
blessant. Alors, je le dis devant vous. Je le dis devant témoins. C'est le
genre choses… Donc, l'éditorial de LaPresse est condamné à
combattre l'élection d'un parti, et je cite le mot, «séparatiste».
Alors, j'aimerais, éventuellement, qu'on
se penche sur ce genre de choses là. Ça ne joue pas sur l'indépendance des
journalistes, on les voit chaque jour, on sait le travail qu'ils font,
rigoureux. Je viens de lire le texte qui rapporte les propos, c'est fidèle,
c'est bien fait, c'est des professionnels de l'information au même titre que
les autres médias. Mais ça, je trouve et je le soumets à vos réflexions
futures, notamment dans vos congrès, je suis convaincu que, pour plusieurs journalistes,
ça pèse. On le voit sur les réseaux sociaux. On voit le genre d'attaques
auxquelles certains se livrent sur cette question-là. C'est une pression
supplémentaire. Est-ce qu'en 2018 c'est toujours aussi pertinent pour un
journal? Bien sûr, ils ont la liberté de le faire. Mais le Globe and Mail
vient de choisir en Ontario de ne pas adopter de position éditoriale pour
l'élection qui va se tenir demain. Ce n'est pas une obligation. Il y a des
journaux qui n'ont pas de position éditoriale. Donc, je le dis.
Mais surtout, ce qui est plus important
encore — il fallait que je le dise, vous sentez bien que ça m'a
piqué, puis je ne suis pas le seul — pour des journalistes dans une
institution aussi importante que LaPresse, il n'y a pas
beaucoup d'ailleurs avec les mêmes conditions. On peut se dire ça. Alors,
préserver ces emplois importants d'information et toutes les personnes qui
contribuent, c'est important pour nous. Et oui, il y a cet exercice
aujourd'hui, mais les journalistes, les gens de LaPresse
vont vivre longtemps avec la nouvelle structure. Ce n'est pas sans raison qu'on
pose les questions, on veut que ça réussisse, on veut que ça fonctionne.
Tellement qu'on aimerait mieux que ça soit adopté là que plus tard. Donc, ça
c'est… je l'ai dit, ça.
Mais il faut poser ces questions-là, et ce
n'est pas de l'ingérence de l'État, c'est une occasion qui nous est donnée,
qu'on n'avait pas prévue, de poser un certain nombre de questions, qui seront
utiles pour le débat de ceux qui auront à faire fonctionner cette nouvelle
structure, dont on ne peut pas prévoir quels seront les résultats pour
l'avenir. On est tous un peu à tâtons là-dedans. Donc, je voulais vous livrer
ça et vous laisser évidemment du temps pour peut-être ajouter à ce que vous
auriez aimé dire d'autre suite à nos échanges. Voilà.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
C'est une position, oui, que vous avez réitérée. Je vous ai entendu, j'entends
vos sentiments. Je pense que mes collègues ont répondu à plusieurs de vos
inquiétudes. Vous avez des questions qui, évidemment, sont légitimes.
D'ailleurs, Mme Gagnon-Hamelin et moi en prenons bonne note. La FPJQ est
en train de travailler sur le programme de son prochain congrès, donc il y a
peut-être des choses qui vont être matière à débat à ce moment.
M.
Bérubé
:
J'ai d'autres suggestions.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Ça nous fera plaisir de vous entendre dans un autre forum.
• (17 h 20) •
M.
Bérubé
:
D'accord. Bien, je… sur mon temps, je vais en livrer un pendant que j'ai la
FPJQ, ça n'arrive pas souvent. Souvent, on peut s'adresser aux journalistes qui
font un texte que j'appelle parfois une œuvre, donc c'est le travail, mais on
n'a pas l'occasion de connaître qui sont les titreurs, mais je peux vous dire
que les titreurs ne sont pas à l'Assemblée nationale puis ils ont un rôle
important dans la démocratie. Alors, un atelier sur les titreurs, je…
M.
Bérubé
:
…bien, sur mon temps, je vais en livrer un pendant que j'ai la FPJQ, ça
n'arrive pas souvent. Souvent, on peut s'adresser aux journalistes, qui font un
texte que j'appelle parfois une oeuvre, donc c'est le travail, mais on n'a pas l'occasion
de connaître qui sont les titreurs. Mais je peux vous dire que les titreurs ne
sont pas à l'Assemblée nationale puis ils ont un rôle important dans la démocratie.
Alors, un atelier sur les titreurs, je pense que ça serait intéressant. Parce
que j'ai appris, en 11 ans de vie parlementaire, que les journalistes ne
choisissent pas leur titre. Alors, c'est comme une oeuvre. Moi, j'aimerais ça
qu'ils puissent donner le titre à leur oeuvre, voilà, c'est dit.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
…une généralité de dire que les journalistes ne choisissent pas leur titre. Je
peux vous dire que pour y travailler…
M.
Bérubé
: Pas
si souvent… pas si souvent que ça dans les médias qui couvrent la presse parlementaire.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Ceux que j'ai connus, c'est un travail de collaboration.
M.
Bérubé
: …question
à Québecor. Mais voilà, je voulais le glisser comme ça, pendant que vous êtes
là pour profiter de votre déplacement à l'Assemblée nationale. Alors, LaPresse,
grande institution centenaire, des journalistes, des artisans, des vocations dans
le domaine des médias, des inquiétudes, des familles qui sont en jeu, puis
voyons-le aussi comme une entreprise, il y a des gens qui… c'est leur choix de
carrière. Je sens les inquiétudes, je les reçois, je connais des gens qui y
travaillent. Alors, on pose ces questions-là, mais la finalité, c'est qu'on
souhaite le plus grand succès possible avec la meilleure gouvernance possible,
la meilleure transparence, la meilleure indépendance, et on souhaite bonne
chance à LaPresse, et on veut que ça fonctionne. Voilà.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Merci.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, M. le député. Maintenant, la parole est à la députée d'Iberville pour 6
minutes.
Mme Samson : Merci, Mme la
Présidente. Bonsoir, mesdames. C'est encourageant de voir ça, deux jeunes
femmes à la tête de la FPJQ. Je trouve que c'est bon, je vous félicite, c'est
bien.
J'ai une question pour vous, Mme Chan.
Vous avez qualifié la loi de 1967 d'anachronisme. C'est sûr qu'a posteriori on
peut en convenir, 50 ans plus tard, on peut en convenir, mais il n'en demeure
pas moins, quand on va jouer dans une ancienne loi ou qu'on adopte une loi qui
en touche une autre, il faut, par souci de rigueur, aller relire l'ancienne loi
et d'essayer de comprendre l'intention du législateur. L'intention du
législateur, à l'époque, était de toute évidence de maintenir les actifs de LaPresse
entre les mains d'intérêts québécois. De dire que cette situation-là était
anachronique, probablement que dans le contexte de l'époque il était essentiel
d'emprunter cette voie-là pour garantir que ce soient des intérêts québécois
qui détiennent LaPresse, c'est une chose, mais posons-nous
la question aujourd'hui : Est-il encore essentiel aujourd'hui que LaPresse
soit détenue par des intérêts québécois? Ou, si Power Corp avait décidé de
vendre LaPresse à n'importe qui, est-ce que quelqu'un se
serait objecté à la transaction? Est-ce qu'on tient encore à ce que Power Corp
soit détenue et soit entre les mains d'intérêts québécois?
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Écoutez, c'est une question intéressante, mais hautement spéculative sur
laquelle la FPJQ ne peut pas commenter.
Mme Samson : Sujet de
colloque. Bien moi, je vous dirais, en tout cas, personnellement, que je pense
que l'intention du législateur a encore du mérite aujourd'hui, certainement.
Mme Lambert-Chan (Marie) : Et LaPresse
va rester propriété québécoise.
Mme Samson : Elle le resterait
là, là.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Oui.
Mme Samson : Donc, l'intention
du législateur, peut-être qu'aujourd'hui vous la jugez anachronique, mais
reconnaissez-vous qu'à l'époque c'était probablement la seule façon… Puis
écoutez, c'est un projet de loi, là, il faut le lire, là, celui de 1967, là, ça
a été écrit sur mesure pour cette situation-là spécifique, là.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Oui. Bien, comme vous l'avez souligné, c'est un anachronisme vu de la
perspective de 2018.
Mme Samson : Oui.
Mme Lambert-Chan (Marie) : Il
faudrait se reporter à l'époque, dans la tête des gens qui ont écrit cette loi,
mais le mot «anachronisme» faisait référence à notre vision d'aujourd'hui.
Mme Samson : À notre vision
d'aujourd'hui. Oui, mais vous savez, en 1967, là, si vous aviez dit à mon père
que j'allais faire quelque chose de bien dans la vie, il aurait peut-être émis
des doutes aussi, tu sais. Alors, mais donc… Mais le point que je veux faire,
c'est que je pense qu'il faut se rappeler que l'intention du législateur a
certainement encore de la valeur aujourd'hui, là, que ce n'est pas une… ce
n'est pas une incongruité que de chercher à s'assurer que les intérêts de LaPresse
restent au Québec plutôt qu'à des intérêts ontariens ou je ne sais pas, là.
Moi, c'est tout pour moi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée de Vachon pour 3
minutes.
Mme Ouellet : Merci, Mme la
Présidente. Est-ce qu'il reste plus de temps? Parce que des fois, quand il y a
du temps non utilisé, on peut l'utiliser. Est-ce qu'il reste plus de temps?
La Présidente (Mme de Santis) :
Vous n'avez que 3 minutes.
Mme Ouellet : Que 3 minutes.
Je vous ai entendue sur la liberté, l'indépendance, je pense, c'est
effectivement très important. Est-ce que vous pensez qu'actuellement, avec
l'encadrement qui est dans la mission très inscrite de LaPresse
et avec la réaffirmation de M. Desmarais et de Power Corporation et… que LaPresse
va rester fédéraliste…
Mme Ouellet : ... Je vous ai
entendues sur la liberté et l'indépendance. Je pense que c'est effectivement
très important. Est-ce que vous pensez qu'actuellement, avec l'encadrement qu'il
y a dans la mission très inscrite de LaPresse et avec la
réaffirmation de M. Desmarais et de Power Corporation que LaPresse
va rester fédéraliste, est-ce que vous pensez que les journalistes et les
éditorialistes sont libres d'écrire ce qu'ils veulent?
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Écoutez, Mme Vachon, je pense que la... Mme Ouellet, excusez-moi. Écoutez, je
pense que ce n'est pas à la FPJP de commenter. Nous, notre position, c'est de
dire que LaPresse doit... on doit pouvoir permettre à LaPresse
de prendre ce virage technologique et ce virage commercial, et ce n'est ni à
nous, ni à l'État de juger de sa ligne éditoriale ou de... L'indépendance de sa
salle de rédaction est importante.
Mme Ouellet : Je comprends,
mais vous venez en disant qu'il doit y avoir une liberté, une indépendance de
pouvoir de l'État et vous nous dites que dans le fond on n'a pas à interférer.
Mais moi, ce que je vous dis, c'est qu'il doit y avoir une liberté et une indépendance
aussi du pouvoir de l'argent, et actuellement je ne crois pas qu'il y a une
liberté ni des journalistes, ni des éditorialistes d'aller... de contrecarrer,
d'aller à contresens de ce qui est donné par la ligne éditoriale. Et qu'une
entité décide de se payer ça, c'est une chose. Mais là, la modification qu'on
est en train de faire aujourd'hui, c'est pour aller chercher du financement de l'État,
et est-ce que vous croyez que c'est le rôle de l'État de financer des lignes
éditoriales qui sont très clairement identifiées dans un sens, puis que ce soit
n'importe laquelle, là? Que ce soit n'importe laquelle, pensez-vous que c'est
le rôle de l'État, donc que les contribuables ont à financer une ligne
éditoriale bien particulière, et comme c'est le cas? Parce que c'est un de vos
arguments très forts, la liberté et l'indépendance, et je suis assez surprise
qu'elle est bonne d'un côté, puis ce qui est bon pour pitou n'a pas de l'air
d'être bon pour minou, et ça me surprend beaucoup.
Mme Lambert-Chan (Marie) :
Bien, dans notre démocratie, les entreprises sont libres de choisir leur mode
de fonctionnement, leurs gestionnaires, puis ce n'est pas à...
Mme Ouellet : Mais là, je
parle de financement de l'État, parce qu'il y a un financement des
contribuables.
La Présidente (Mme de Santis) :
On va lui permettre aussi de répondre. Allez-y, Mme Lambert-Chan.
Mme Lambert-Chan (Marie) : Et
donc ce n'est pas à l'État de décider. Ce serait une entrave à la liberté de
presse, ce serait un accroc à nos principes démocratiques de commencer à dire à
LaPresse quoi faire. De parler du pouvoir de l'argent dans
une salle de rédaction, je ne suis pas certaine que c'est l'objet de la loi
dont il est question ici. Non?
Mme Ouellet : Bien oui, parce
qu'on a... Et quand vous dites : Ce serait une liberté... une entrave,
bien, actuellement, il y a un enlignement très clair. Quand vous dites :
Il doit y avoir une liberté puis une indépendance, c'est-u des entreprises
privées? Parce que, quand on dit : la presse, les médias, est-ce qu'on
parle des journalistes ou on parle des institutions? Les journalistes ne
devraient-ils pas être libres de pouvoir exprimer... avoir une liberté complète
sans ligne éditoriale?
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, Mme la députée de Vachon. Alors, Mme Lambert-Chan, Mme
Gagnon-Hamelin, merci beaucoup d'être venues participer à nos travaux.
Alors, la commission maintenant suspend
ses travaux jusqu'à 19 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 28)
19 h (version non révisée)
(Reprise à 19 h 1)
La Présidente (Mme de Santis) :
...À l'ordre, s'il vous plaît! Bonsoir. La Commission de la culture et de
l'éducation reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la
salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques. Nous
poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 400, Loi modifiant la Loi concernant
la succession de l'honorable Trefflé Berthiaume et la Compagnie de Publication
de La Presse, Limitée.
Ce soir, nous entendons Québecor Média et Le Devoir.
Je souhaite la bienvenue aux représentants de Québecor Média. Je vous rappelle
que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, nous allons
procéder à la période d'échange avec les membres de la commission.
Je vous invite donc à vous présenter ainsi
que les personnes qui vous accompagnent et à procéder à votre exposé. La parole
est à vous.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Merci, Mme la Présidente. Messieurs-dames les parlementaires, merci de nous
recevoir ce soir à la Commission de la culture et de l'éducation. Je suis
accompagné de ma collaboratrice, Sandra Desjardins, qui est la directrice des
opérations pour les journaux de Québecor. J'aurais pu également être
accompagné... elle aussi, qui a plus de 25 ans de service chez Québecor... de
Lyne Robitaille qui, malheureusement, est en vacances en Europe, mais Sandra
sera là pour répondre à vos questions si vous en avez concernant les
considérations d'ordre financier.
Alors, je croyais vous lire un beau texte
ce soir, bien rédigé, faire en sorte de mettre en valeur le succès économique
de Québecor, de ses journaux, vous le savez, en 1964, Pierre Péladeau, mon
père, lançait le Journal de Montréal. C'est plus qu'un succès d'estime,
c'est également un succès économique. Mais j'ai... en écoutant, donc, les
témoignages plus tôt aujourd'hui... j'ai été un petit peu choqué par les propos
et les délibérations concernant donc les représentants de Power Corporation du
Canada et de LaPresse, parce que je pense que c'est très
important de vous informer d'une considération qui, selon moi, a été occultée
et qui vient aussi témoigner de l'envergure de la problématique.
Guy Crevier et André Desmarais ont dit, ce
matin, que les journaux Québecor, les journaux de Québecor et Le Devoir
ne divulguent pas leurs états financiers. Eh bien, Mme la Présidente, il n'y a
rien de plus faux. Je les ai devant moi pour la période de 12 mois terminés le
31 décembre 2017. Vous avez, à la page 5, les résultats de nos journaux, les
journaux pour 2016, 2017, le comparatif, oui, certes, la situation est plus
difficile qu'elle ne l'était, mais nous ne pouvons tolérer que des propos
inexacts soient prononcés ici, devant cette honorable Assemblée. Le Devoir
également divulgue ses résultats et j'en ai un exemplaire au 24 décembre 2016
et au 31 décembre 2015, 2014, ils prendront certainement le temps de vous
donner davantage de détails.
Pendant ce temps, Mme la Présidente, Power
Corporation du Canada refuse de divulguer et, excusez-moi l'expression, pour
des prétextes bidons, ceux de LaPresse comme ils ont
toujours refusé également de divulgué les résultats des autres journaux dont
ils étaient propriétaires, il y a encore un peu plus de deux ans.
Alors, pendant que LaPresse
faisait la cigale ainsi que sa direction, elle faisait des pertes chaque année,
nous, nous nous sommes arrêtés pour faire en sorte de faire face à la musique
et de poser les gestes appropriés en ce qui concerne le déclin de la presse
écrite. Ma collègue, Sandra Desjardins, vous donnera davantage de détails.
Alors...
M. Péladeau (Pierre Karl) :
…des pertes chaque année, nous, nous nous sommes… nous nous sommes arrêtés pour
faire en sorte de faire face à la musique et de poser les gestes appropriés en
ce qui concerne le déclin de la presse écrite. Ma collègue, Sandra Desjardins,
vous donnera davantage de détails.
Alors, n'en déplaise, Mme la Présidente,
aux représentants de Power et de La Presse, la loi existe. Cette
loi, Paul Desmarais sénior, lorsqu'il a acheté La Presse, la
connaissait, connaissait qu'il y avait également donc des contraintes et des
limites à la disposition du journal dont il faisait l'acquisition. Et c'est la
raison pour laquelle cette loi exige des parlementaires d'examiner justement
les modalités de cession, de déterminer si elles sont valables et si elles se
font dans le meilleur intérêt de la population. Et on doit dire compte tenu,
excusez-moi de l'anglicisme, là, du forcing de Power Corporation et de ses représentants,
de présenter ce projet de loi, bien, chacun des députés aujourd'hui a un droit
de veto. Et ce droit de veto doit être assumé pour s'assurer que les parlementaires
vont faire le nécessaire pour que les processus normaux en matière de
législation soient appliqués, c'est-à-dire de faire les examens nécessaires
pour que, justement, les intérêts législatifs fassent en sorte de subir le test
de l'intérêt de la population.
Les représentants de La Presse
et de Power ont réitéré ce matin la volonté de s'affranchir de l'obligation de
faire connaître l'envergure des pertes d'exploitation de La Presse année
après année. Les pertes dont seuls les administrateurs de Power Corporation
connaissent l'ampleur ont été épongées par Power Corporation. Et dans cette
nouvelle structure, là, croyez-vous qu'une opacité, celle de l'OBNL, va
remplacer ou va être remplacée par une autre? On a vu ce que ça donne, un OBNL
récemment encore dans l'actualité. Pour les administrations publiques, c'est la
meilleure façon de faire en sorte de camoufler des dépenses mal avisées. On l'a
vu encore récemment avec le scandale de l'OBNL, de Montréal c'est électrique.
Alors, soyons clairs. Aujourd'hui, après
s'être débarrassé de tous ses quotidiens régionaux, les dirigeants de Power ont
décidé d'abandonner et de se débarrasser de La Presse. Plutôt que
de faire face à leurs obligations économiques, ou encore se trouver un
véritable acheteur, excusez-moi l'expression, là aussi, ils ont choisi une
patente, un OBNL, une fiducie d'utilité sociale. Mais est-ce que les représentants
de Power, là, ont été capables de vous expliquer ce matin, là, comment une entreprise
qui perd des millions, voire des dizaines de millions, maintenant qu'on a
changé la structure, va cesser de perdre des millions ou des dizaines de
millions? Vous n'avez eu aucune garantie à cet effet. Et je vous invite à faire
le travail nécessaire qui est celui que la loi faisait en sorte d'instaurer.
Et est-ce que c'est vraiment
déraisonnable? Et d'ailleurs, les représentants de Power l'ont dit ce matin,
est-ce vraiment déraisonnable de penser que la concurrence qui existe va être
moins intense qu'elle l'a été antérieurement? Alors, si c'est le cas, quelle
est la réponse à la question : Par qui et comment les énormes pertes
d'exploitation seront financées? Est-ce que les parlementaires sont véritablement
prêts à donner un chèque en blanc, excusez-moi, un chèque de 50 millions, pour
que Power paie pour se débarrasser de La Presse? Est-ce que 50 millions
vont suffire à éponger 12, 18, 24 millions… pardon, 24 mois de pertes
d'exploitation de La Presse? Nul ne le sait, sinon les
administrateurs de Power. Chose certaine, ce que la population sait, c'est que
50 millions, ça représente 89 000 $ par employé. Et j'espère que
les organisations syndicales sont conscientes de cette réalité économique et
financière. Il ne faut pas oublier que, lorsque La Presse a fermé
ses importantes activités d'impression et de distribution, et c'est de
notoriété industrielle, les employés syndiqués ont reçu cinq ans de salaire. Et
si les mêmes hypothèses étaient retenues dans le cas présent, ce n'est pas
50 millions que ça coûterait à La Presse, c'est 275. Alors,
vous comprenez que se débarrasser de La Presse pour
50 millions, c'est une très bonne affaire pour les actionnaires de Power
et la famille Desmarais.
• (19 h 10) •
Oui, Québecor est un concurrent. Oui, je
suis ici pour défendre ses intérêts…
M. Péladeau (Pierre Karl) : …ce
n'est pas 50 millions que ça coûterait à LaPresse,
c'est 275. Alors, vous comprenez que se débarrasser de LaPresse
pour 50 millions, c'est une très bonne affaire pour les actionnaires de
Power et la famille Desmarais.
Oui, Québecor est un concurrent. Oui, je
suis ici pour défendre ses intérêts. Et, oui, je suis l'actionnaire de contrôle
de Québecor, tout le monde le sait, les députés me l'ont dit assez fréquemment
lorsque j'ai eu le privilège de siéger à l'Assemblée nationale. Mais,
contrairement à ce que certaines personnes veulent nier, je pense avoir
l'expertise et la compétence, voire le rôle d'éclairer cette honorable
assemblée pour dire que ce qui vous est présenté est un subterfuge que les
représentants de Power Corporation du Canada souhaitent utiliser pour se
débarrasser à peu de frais de LaPresse.
Alors, je vois que je vais dépasser mon
temps, je n'y vais pas avec le chronomètre, mais j'ai mis ma télé, pardon, mon
téléphone. Je dirais, pour terminer, que les salaires des journalistes, des
techniciens informatiques, des employés de bureau, ça ne se paie pas avec un
succès d'estime, ça se paie avec des dollars du Dominion.
Alors, j'ai une suggestion à vous faire.
Puisqu'André Desmarais, il l'a dit ce matin, est si fier de LaPresse,
puisqu'il souhaite maintenir l'héritage de son père, et puisqu'il est
multimilliardaire, pourquoi il ne l'achète pas, lui, LaPresse?
Ce serait la meilleure façon d'assurer sa pérennité. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci, M. Péladeau. Maintenant, la parole est à la ministre pour 15 minutes.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. D'entrée de jeu, j'aimerais peut-être faire une
précision par rapport à ce qui a été dit. M. Péladeau faisait mention du
respect du processus législatif. Et je m'en voudrais, comme parlementaire, de
ne pas souligner à quel point le processus législatif est respecté. Et c'est la
raison pour laquelle on procède à des consultations ce soir et qu'on prend le
temps de l'écouter. Sinon, on ne procéderait pas à des consultations, et le
processus législatif suit son cours, comme pour tout projet de loi. Et c'est la
raison pour laquelle on se trouve ici ce soir et que vous avez du temps de
parole pour venir nous exposer votre position.
Vous avez dit… Puis entendons-nous, là,
d'entrée de jeu, on est très loin dans les discussions qui sont faites jusqu'à
maintenant, dans l'exposé qui nous est fait, de la portée du projet de loi
n° 400, qui fait les travaux… qui fait l'objet des travaux qu'on a en
commission. Et j'espère que, pour les quelque 35 minutes qui nous restent, on
saura se recentrer sur les travaux de notre commission. Parce que c'est un
projet de loi qui est important, et j'espère que l'ensemble des parlementaires,
et vous, comme l'invité de cette consultation, vous pourrez rester dans le
cadre du projet de loi n° 400 également.
Entendons-nous, d'entrée de jeu, si LaPresse
avait exactement les mêmes possibilités que vous, exactement les mêmes
possibilités que vous de vendre, de céder son entreprise, on ne serait pas là
ce soir. Et vous avez parlé du droit de veto des parlementaires qui sont autour
de cette table. Est-ce que vous accepteriez, vous, que les parlementaires qui
sont autour de cette table utilisent leur droit de veto pour vous empêcher de
vendre votre entreprise?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
C'est une question?
Mme Montpetit : C'est ma
question.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Écoutez, le droit de veto, ce n'est pas moi qui l'ai inventé, c'est ce que je
vous ai dit tout à l'heure, le «forcing» que les représentants de Power
Corporation essaient de faire traverser la gorge des parlementaires. Vous
connaissez très bien la procédure en ce qui concerne le dépôt de projets de loi
avant la fin de la session.
Mme Montpetit : …à ma
question. M. Péladeau…
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien, écoutez, si vous ne laissez pas parler, comment voulez-vous que je
réponde…
La Présidente (Mme de Santis) :
Non, un instant! Mme la ministre, on va lui permettre de répondre, et vous
pouvez reposer la question. Allez-y.
M. Péladeau (Pierre Karl) : Si
vous étiez dans une session parlementaire normale, le gouvernement amènerait le
projet de loi à l'Assemblée nationale, vous avez la majorité, vous passeriez le
projet de loi. Or, cette situation n'est pas celle qui prévaut aujourd'hui. La
situation qui prévaut aujourd'hui, c'est celle de faire du «forcing», venir
présenter un projet de loi, alors que ça prend l'unanimité, vous le savez très
bien, Mme la ministre.
Mme Montpetit : Donc, je
repose ma question, M. Péladeau, qui était très claire. Vous avez fait appel au
droit de veto des parlementaires qui sont autour de cette table.
Accepteriez-vous, oui ou non, que les parlementaires de l'Assemblée nationale
utilisent un droit de veto pour vous empêcher de vendre ou de céder votre
entreprise?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Vous voulez que je répète la même chose?
Mme Montpetit : …répondiez par
oui ou non. Accepteriez-vous, comme propriétaire d'un média…
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Écoutez, Mme la ministre, ce n'est pas vous qui allez me dire quoi répondre, si
oui ou non, O.K.?
Mme Montpetit : …que les
parlementaires interviennent… Je suis en train de parler, merci.
Accepteriez-vous que les parlementaires de l'Assemblée nationale interviennent
dans votre décision, comme propriétaire d'un grand média au Québec, de vendre
ou de céder votre entreprise? La question, elle est simple, je vous demande d'y
répondre simplement.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Moi, je n'ai rien à accepter, Mme la ministre. Ce que vous avez à faire, c'est
de respecter la loi et c'est tout. Moi, j'essaie de vous expliquer qu'il y a
une procédure parlementaire qui est en cours, et ce n'est pas une procédure
parlementaire habituelle…
Mme Montpetit : …de vendre ou
de céder votre entreprise? La question, elle est simple, je vous demande d'y
répondre simplement.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Moi, je n'ai rien à accepter, Mme la ministre. Ce que vous avez à faire, c'est
de respecter la loi, et c'est tout. Et moi, j'essaie de vous expliquer qu'il y
a une procédure parlementaire qui est en cours, et ce n'est pas une procédure parlementaire
habituelle.
Mme Montpetit : J'imagine que
vous êtes au courant, parce que vous avez siégé avec nous en cette Assemblée,
que les lois peuvent être modifiées et que c'est la raison pour laquelle nous
sommes là, ici, pour corriger…
M. Péladeau (Pierre Karl) : …
Mme Montpetit : Je n'ai pas
terminé ce que je dis. Pour corriger une situation historique, pour corriger
une loi, pour venir amender une loi, pour donner à LaPresse
les mêmes droits que l'ensemble des médias du Québec. C'est une situation qui
est unique. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi là est déposé. C'est
la raison pour laquelle on fait des consultations, qu'on vous écoute, qu'on
suit un processus législatif. Alors, je vais vous reposer ma question
autrement : Accepteriez-vous, vous, comme propriétaire d'un média au
Québec, de passer par un processus législatif pour vendre ou pour céder votre entreprise?
M. Péladeau (Pierre Karl) : Premièrement,
j'aimerais faire une petite, je dirais, nuance, dans votre propos. Je ne suis
pas propriétaire de journaux, j'ai le privilège de diriger une entreprise qui
s'appelle Québecor et Québecor Média, et, parmi ses actifs, il y a le Journal
de Montréal, le Journal de Québec et 24 Heures, ce sont
certains des actifs.
Par ailleurs, moi, je suis désolé, Mme la
ministre, là, cette loi-là ne s'applique pas à notre entreprise, elle
s'applique à LaPresse. C'est une vérité législative et
c'est une vérité que les parlementaires doivent assumer. Ni vous ni moi
n'étions là en 1925, ou en 1915, ou en 1917. Ce que nous savons, par ailleurs,
c'est que M. Desmarais sénior savait très bien qu'il était assujetti à des
contraintes de disposition lorsqu'il a fait l'acquisition de LaPresse.
C'est une réalité législative, Mme la ministre.
La Présidente (Mme de Santis) :
Mme la ministre.
Mme Montpetit : M. Péladeau,
on est contents que vous soyez là ce soir puis on va avoir Le Devoir
après qui va pouvoir nous parler aussi. On est contents de parler à différents
médias qui peuvent nous exposer leurs réalités, qui sont différentes de celle
de LaPresse. Donc, je vous repose la question. Je nommerai
Québecor, alors. Accepteriez-vous que Québecor passe par un processus législatif
pour pouvoir prendre une décision par rapport à son entreprise? C'est une question
toute simple.
M. Péladeau (Pierre Karl) : Je
vous ai répondu, Mme la ministre. Je ne peux pas rien dire de plus que ce que
je vous ai dit tout à l'heure. Ma réponse m'est apparue assez claire et
précise.
Mme Montpetit : Ce que je
comprends de votre réponse, c'est que, comme propriétaire, vous n'accepteriez
pas de passer par un processus législatif, parce que l'ensemble des médias au
Québec n'ont pas à passer par un processus législatif pour prendre des
décisions d'affaires. Aucune entreprise n'a à passer par une décision de l'Assemblée
nationale, c'est une situation unique, dans laquelle se retrouve LaPresse
pour des considérations historiques, et c'est ce qu'on souhaite corriger pour
leur donner une équité par rapport aux autres médias. Et ce que j'entends de
votre réponse, c'est que vous n'accepteriez pas ça comme propriétaire.
M. Péladeau (Pierre Karl) : Je
vous ai répondu. Vous faites l'interprétation que vous voulez de mon propos. Je
ne pense pas que ce soit ça, mais vous l'interprétez comme vous le voulez, Mme
la ministre.
Mme Montpetit : J'aurais une
autre question, Mme la Présidente, parce que M. Péladeau a eu l'occasion de
parler à plusieurs reprises aussi de la ligne éditoriale de LaPresse,
puis, à vous entendre, vous avez eu maintes fois l'occasion de le dire, vous
l'avez redit ce soir, vous parlez souvent de la mainmise de Power Corporation
sur les journalistes, sur leur contenu aussi. Donc, est-ce qu'on doit
comprendre, puis c'est important, je pense, de nous éclairer sur… est-ce que
vous… on doit comprendre, puis je pense que c'est ce que je comprends, que vous
préfériez le statu quo? Nonobstant le désir de la direction des employés de LaPresse,
justement, vous préfériez que LaPresse demeure une
propriété détenue par Power Corporation?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien, premièrement, je me permets de vous corriger. Vous me prêtez des propos
que je n'ai jamais tenus, et j'ai donc l'obligation de vous corriger. Je suis
désolé de le faire ici, au salon rouge, mais d'aucune façon je ne tiens ce
genre de propos.
Maintenant, cette décision-là ne
m'appartient pas, elle appartient aux dirigeants de Power Corporation. C'est à
eux de faire ce qu'ils considèrent être la chose à faire. Moi, je vous ai fait
une suggestion pour… parce qu'il semble que ce soit le cas, nous souhaitons
assurer la pérennité de LaPresse. Mais la meilleure façon,
c'est de confier la propriété à un multimilliardaire. D'ailleurs, dans ce
sens-là, ça ne serait pas une singularité ou une exception, Jeff Bezos a fait
ça avec le Washington Post.
Mme Montpetit : Bien, écoutez,
Mme la Présidente, je suis contente de voir qu'on partage les mêmes objectifs,
M. Péladeau et moi, qui sont la pérennité de LaPresse, qui
sont la pérennité de nos médias au Québec et de s'assurer que l'ensemble de nos
médias, dont les siens, ne soient pas régis par l'Assemblée nationale. Ce sera
tout pour moi, Mme la Présidente.
• (19 h 20) •
La Présidente (Mme de Santis) :
M. le député de LaFontaine pour 6 min 30 s.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup…
Mme Montpetit : ...les mêmes
objectifs, M. Péladeau et moi, qui sont la pérennité de LaPresse,
qui sont la pérennité de nos médias au Québec et de s'assurer que l'ensemble de
nos médias, dont les siens, ne soient pas régis par l'Assemblée nationale. Ce
sera tout pour moi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
M. le député de LaFontaine pour 6 min 30 s.
M. Tanguay
: Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup d'être avec nous ce soir pour nous
aider dans ce débat-là. On sait que la situation qui amène le projet de loi
n° 400 vient modifier une loi, effectivement, par une loi, vient modifier
une situation unique où il y a transfert de propriété qui nécessite un
amendement législatif. Je veux être sûr de bien vous comprendre. M. Péladeau,
vous dites que, parce qu'il y a une loi, on ne devrait pas y toucher, la loi
serait immuable et éternelle. Est-ce que je vous ai bien compris ou on peut
amender la loi?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien sûr que vous pouvez amender la loi et j'ai dit aussi que vous pouvez
l'abroger. C'est le privilège et même l'obligation des parlementaires. Je n'ai
jamais nié la capacité des parlementaires de faire la loi. J'ai eu le privilège
d'en être un.
M. Tanguay
: Alors,
est-ce que je vous ai mal compris tantôt quand vous avez dit que quand les
Desmarais ont acquis LaPresse, ils connaissaient
l'existence de la loi et qu'ils doivent aujourd'hui vivre avec? Est-ce que je
vous ai mal compris quand vous avez dit ça?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Pas du tout. Clairement, je me suis dit...
M. Tanguay
: Et vous
l'avez clairement dit.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien, moi, je n'en ai pas une connaissance personnelle, là, mais je pars du
principe que, lorsque vous faites l'acquisition d'un actif, on fait ce qu'on
appelle une vérification diligente et je présume que cette vérification
diligente a été faite et a fait connaître au propriétaire qu'il existait une
loi et donc, en conséquence, qu'il était assujetti à cette loi.
M. Tanguay
: Assujetti
à cette loi qui peut être amendée par la procédure aujourd'hui.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Exactement. Mais, encore une fois, dans le cadre normal de la procédure, en
session ordinaire. Mais aujourd'hui, c'était le sens de mon intervention. Tous
les députés ont un droit de veto puisque ça prend l'unanimité pour le faire
passer au feuilleton. C'est ça la réalité.
M. Tanguay
: Que ce
soit, peu importe le temps justement de la présentation du projet de loi, que
ce soit en début, en milieu ou en fin de session, on respecte la procédure
parlementaire de un et de deux, si d'aventure ça avait été fait beaucoup plus
tôt, il n'y a aucun de nous qui aurait eu le pouvoir justement de contrecarrer
l'adoption, donc aujourd'hui, la façon de procéder, à la limite, je vous
dirais, ça va contre votre propos, parce que chaque collègue aurait le droit et
le loisir d'imposer son veto, donc ça accorde plus de pouvoir à chacun des
collègues, incluant la collègue de Vachon.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Oui...
M. Tanguay
: Donc, ça,
vous le déplorez?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Non, je constate. Je constate et je constate que si vous discutiez de cette
question, vous alliez proposer le projet de loi n° 400 tel qu'il est
nommé. En session ordinaire, bien, la majorité libérale aurait suffi pour le
faire passer.
M. Tanguay
: Parce que
de votre 10 minutes, vous avez passé une partie très substantielle à ce
point-là. En quoi, ce point-là vient nous aider ce soir?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
J'essaie également aussi de vous brosser l'état des lieux. L'état des lieux,
c'est que LaPresse et les représentants de Power
Corporation ont toujours refusé de divulguer leurs résultats. Alors, qu'est-ce
qui vous garantit que, lorsque LaPresse va être vendue à un
OBNL, cette OBNL-là ne perdra pas des dizaines et des dizaines de millions et
je pose la question : Qui va financer ces dizaines de millions de perte
d'exploitation? Est-ce que c'est le gouvernement? Est-ce que ce sont des
crédits d'impôt? Est-ce que ce sont des reçus de dons de charité? Pour
l'instant, vous avez reçu aucune garantie et c'est la raison pour laquelle je
vous invite à y réfléchir, mais ce n'est pas moi qui détiens le pouvoir de
prendre des décisions pour vous.
M. Tanguay
: Est-ce
qu'aujourd'hui, selon votre compréhension de l'état des lieux, Québecor serait
empêchée de transférer le Journal de Montréal à un OBNL ou elle pourrait
le faire?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Québecor n'est pas assujettie à une loi comme celle qui existe pour LaPresse.
Il n'y a personne qui a consenti à une loi semblable et donc, son «régime»
législatif ou administratif, est différent de celui de LaPresse,
clairement.
M. Tanguay
: Québecor
pourrait transférer le Journal de Montréal à un OBNL?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Oui, elle pourrait le vendre aussi, pourrait le fermer, serait... est libre
d'ailleurs, comme l'a dit M. Desmarais ce matin dans son témoignage, c'est le
privilège du propriétaire.
M. Tanguay
: Et est-ce
que vous aimeriez que les parlementaires se saisissent d'opportunités pour
Québecor ou pas de transférer le Journal de Montréal à un OBNL. Est-ce
que vous aimeriez ça qu'on aille jouer dans vos plates-bandes?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien, écoutez, ça ne me concerne pas. Si les parlementaires souhaitent... non,
non, mais c'est parce que vous posez des questions qui sont extrêmement
théoriques. Alors, ça ne se produira pas. Il n'y en a pas de loi, M. le député
de LaFontaine, concernant Québecor. N'essayez pas d'en inventer une.
M. Tanguay
: Il n'y en
a pas de loi, donc vous seriez prêt à vous soumettre au débat parlementaire si
d'aventure où sur le principe, vous seriez d'accord que les députés statuent ou
pas si Québecor peut envoyer le Journal de Montréal dans un OBNL...
M. Péladeau (Pierre Karl) :
…M. le député de LaFontaine concernant Québecor. N'essayez pas d'en inventer
une.
M. Tanguay
: Il
n'y en a pas de loi. Donc, vous seriez prêt à vous soumettre au débat parlementaire
si d'aventure… Ou, sur le principe, vous seriez d'accord que les députés
statuent ou pas si Québecor peut envoyer le Journal de Montréal dans un
OBNL. Vous seriez sur le principe, parce que vous devez appliquer à vous-même
ce que vous demandez aux autres. Vous seriez d'accord que les députés
disent : Québecor, non, vous n'avez pas le droit d'envoyer le Journal
de Montréal dans un OBNL. Sur le principe, vous aimeriez ça, vous.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Excusez-moi, M. le député, là, ce n'est pas une question de principe, c'est une
question de réalité juridique.
M. Tanguay
: Que
l'on peut amender puis qu'on fait à soir.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Dans un cas, il y a une loi. Puis dans l'autre cas, il n'y en a pas. Alors,
vous ne pouvez pas inventer une loi si elle n'existe pas. Maintenant, si les parlementaires
souhaitent abroger ou modifier la loi de 1967, bien, bien sûr qu'ils ont le
droit. Et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. C'est la
raison pour laquelle le gouvernement a appelé ou a déposé le projet de loi
n° 400.
M. Tanguay
: Et ça sera
à nous de juger s'il est de bon aloi, justement, de modifier une loi qui va
permettre la pérennité d'une institution journalistique pour laquelle le
président, M. Charles Côté, est venu dire : «Les Desmarais ont toujours
été exemplaires quant à l'indépendance journalistique», est venu plaider pour
la continuité des emplois, une institution. Et même je vous dirais que la représentante
de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec sont venus vanter
l'importance de pouvoir assurer la pérennité de cette institution qui est La Presse
et dont ils ont toutes les garanties que l'indépendance journalistique que se
vérifie à tous les jours, indépendamment de la ligne éditorialiste pour
laquelle vous avez dit un peu plus tôt que vous n'aviez pas de commentaire puis
que vous ne les aviez pas faits, ces commentaires-là. Alors, je pense que notre
rôle de législateur, on va le réaliser pleinement…
La Présidente (Mme de Santis) :
…M. le député de LaFontaine, maintenant la parole est au député de Matane-Matapédia
pour neuf minutes.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Tout à l'heure,
j'ai entendu la ministre indiquer qu'elle était heureuse d'entendre les
représentants de Québecor et du Devoir. Alors, je suis heureux qu'elle
s'en réjouisse, parce que le Parti libéral n'avait pas cru bon inviter ni
Québecor ni Le Devoir, ce que les oppositions ont fait. Alors, on
est heureux de prodiguer ce plaisir des échanges aux représentants libéraux. Et
n'eût été notre intervention, on aurait privé la ministre de cette réjouissance
qu'elle a eue de poser cette question.
Ceci étant dit, évidemment, vous êtes un
compétiteur. Évidemment, vos positions critiques quant à La Presse
sont connues. Mais là, ce projet de loi là, qui nous a surpris aussi comme, je
pense, a surpris l'ensemble des artisans en information, les observateurs, fait
en sorte qu'on n'a pas eu beaucoup de temps pour se présenter… pour se
préparer. Quand vous dites que c'est une procédure accélérée, tellement
accélérée, que toutes les personnes qui sont venues s'asseoir là aujourd'hui
ont eu à peu près 24 heures de convocation pour se préparer. Et je veux
remercier l'ensemble de ces personnes-là. On a réitéré l'importance de la
pluralité des sources dans une société démocratique, d'avoir des journalistes qui
couvrent l'actualité, notamment le politique, qui nous posent des questions
dans une démocratie.
Vous êtes critique quant au modèle qui est
choisi par un compétiteur. Ma question. Est-ce que ça vous apparaît un avantage
qui est accordé à La Presse qui est préjudiciable pour votre
entreprise?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Écoutez, M. le député, ce qu'on peut dire pour l'instant, c'est qu'il y a un
certain nombre d'hypothèses qui ont été évoquées. On a parlé de considérations
de nature fiscale à Ottawa. On a parlé de considérations de crédits d'impôt. Il
a été aussi question de… Il y avait donc l'impôt, le crédit d'impôt, les dons
de charité, financement public, subventions. On sait que le gouvernement, par
l'intermédiaire d'Investissement Québec, a fait un prêt de 10 millions à
groupe Capitales Médias, je serais très heureux de savoir où en est la valeur
de ce prêt, je ne serais pas surpris de le voir radier. M. Desmarais, ce matin,
disait qu'il comptait sur la participation des pouvoirs publics et de l'État,
il l'a mentionné. Donc, est-ce que c'est un avantage ou c'est un
inconvénient? Bon. Moi, j'aurais tendance à penser que c'est un inconvénient
dans la mesure où les employés, les organisations syndicales sont en train de
faire en sorte d'accepter la cession d'une propriété, tu sais, disons-le, là,
d'une entreprise qui est extrêmement solvable dorénavant à une entité, dont on
ne sait pas véritablement de quel avenir on va lui proposer, alors c'est
problématique. Et, si on devait, le cas échéant, accepter ce transfert-là,
j'ose espérer que les parlementaires vont être un petit peu plus exigeants sur
la contribution de chacun et de chacune de ceux et celles qui sont impliqués
là-dedans.
• (19 h 30) •
M.
Bérubé
: Mme
la Présidente, est-ce que votre entreprise, M. Péladeau, pourrait, à la lumière
de l'adoption de ce projet de loi, se...
19 h 30 (version non révisée)
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...et, si on devait, le cas échéant, accepter ce transfert-là, j'ose espérer
que les parlementaires vont être un petit peu plus exigeants sur la
contribution de chacun et de chacune de ceux et celles qui sont impliqués là-dedans.
M.
Bérubé
: Mme
la Présidente, est-ce que votre entreprise, M. Péladeau, pourrait, à la
lumière de l'adoption de ce projet de loi, se prévaloir d'une telle disposition
pour ses journaux ou c'est exclu dans votre modèle d'affaires?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Une OBNL?
M.
Bérubé
: Oui.
M. Péladeau (Pierre Karl) : Clairement
que ce n'est pas l'intention et les objectifs actuels de l'entreprise. Maintenant,
est-ce qu'on peut parler dans cinq ans, dans 10 ans, dans 15 ans? Je ne suis
pas en mesure de pouvoir affirmer, là, tu sais, de façon péremptoire qu'est-ce
qui va se produire dans cinq ans. C'est vrai qu'il y a beaucoup de changements
dans le domaine des médias écrits.
M.
Bérubé
: Une
des questions liées au changement qui nous a été évoquée en privé... Parce
qu'on on a eu une rencontre mardi la semaine dernière, les différentes formations
politiques — par souci de transparence, je pense qu'il faut
l'indiquer aux gens qui nous suivent — où on a indiqué que c'est un
univers qui change rapidement, que Facebook et Google s'accaparent une partie
substantielle des revenus publicitaires, que ça pose un défi notamment à la
presse écrite. Vous avez indiqué tout à l'heure que vous considérez que le Journal
de Montréal, le Journal de Québec sont toujours rentables dans la
formule que vous avez adoptée. Quelle est votre appréciation de ce
phénomène-là, qui frappe, j'imagine, l'ensemble des médias québécois, et pas
seulement les médias écrits? Et comment vous y avez fait face? Parce que vous
indiquez que c'est profitable, donc il existe probablement des formules qui
permettent de se démarquer. Quelle est la formule que vous avez choisie dans
les dernières années pour faire face à un phénomène, j'imagine, que vous
observez au même titre que les gens qui sont venus nous voir aujourd'hui?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Écoutez, très tôt, excusez-moi, je ne veux pas me considérer comme étant
visionnaire, là, mais on pouvait aisément anticiper que lors de la venue de ce
nouvel univers numérique il allait y avoir de fortes perturbations dans les
médias conventionnels et particulièrement, notamment, effectivement, dans le
domaine de la presse écrite. J'ai cru comprendre quelqu'un aussi s'est exprimé
un peu plus tôt, il y a eu ces mêmes changements dans le domaine
de — Ah! je pense que c'est Mme la députée
d'Iberville — dans le domaine de la musique. Donc, aujourd'hui, c'est
le streaming, avant... ou la musique en continu, antérieurement, on l'achetait
cette musique-là. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a anticipé ces changements-là?
Oui, il y a des gens qui ont anticipé ces changements-là, ils se sont adaptés.
Nous considérons qu'en matière de médias
écrits nous avons pris les décisions qui nous apparaissaient opportunes. Vous
savez, les décisions, lorsque vous êtes un dirigeant d'entreprise, ne sont pas
nécessairement faciles à prendre et je le sais très bien puisque j'ai été
affublé pendant de nombreuses années de roi du lock-out. Mais je considérais
que mon rôle était de faire en sorte de poser les gestes appropriés pour
assurer la pérennité. Et s'il y avait des considérations dans les conventions
collectives qui étaient malheureusement préjudiciables à l'avenir de nos
quotidiens, il fallait les prendre ces décisions-là. Il fallait avoir le
courage de les prendre. Mais vous savez quoi? Aujourd'hui, il y a plus de
journalistes au Journal de Québec, au Journal de Montréal, au
bureau parlementaire, au bureau d'enquêtes qu'il y en avait antérieurement.
Nous avons donc pris les bonnes décisions...
La Présidente (Mme de Santis) :
Et concluons, s'il vous plaît.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...pour faire en sorte d'assurer la pérennité de nos quotidiens.
M.
Bérubé
: Je
reviens, Mme la Présidente, à l'essentiel parce que la nouvelle structure
permet des nouvelles sources de financement et on peut comprendre La Presse
de vouloir assurer son avenir avec des nouvelles sources de financement,
puisqu'Ottawa dit qu'il ne va financer que des médias OBNL. Ça, c'est la
nouveauté qui n'existait pas si on s'était rencontrés l'an dernier.
Sentez-vous que si Québecor avait à faire une demande au gouvernement fédéral,
il serait traité de la même façon et équitablement?
M. Péladeau (Pierre Karl) : Je
n'en sais rien, mais, comme le disait lui-même d'ailleurs, M. Desmarais, à
quelques reprises, je pense qu'il l'a réitéré ce matin, il se voyait dans une
position difficile de demander aux pouvoirs publics de subventionner une
entreprise qui était détenue par des multimilliardaires. Alors, est-ce que si
cette situation-là est exacte, est-ce que Québecor qui a une capitalisation
boursière de 6 milliards de dollars va être reçue avec enthousiasme à
Ottawa? Je ne sais pas, je n'en sais rien. Mais je pense que c'est légitime
d'en douter.
M.
Bérubé
:
Allez-vous, à la lumière de vos propos qui sont assez clairs là-dessus, que la
nouvelle structure est une façon différente d'obtenir un financement qu'on
n'obtiendrait pas par la structure actuelle? Donc, c'est un passage obligé qui
est mué essentiellement par la volonté d'avoir du nouveau... un nouveau
financement et que c'est la... essentiellement cette raison-là qui guide le
changement de structure uniquement?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Écoutez, c'était le sens de mon intervention et c'est tellement, entre
guillemets, le sens de mon intervention, que c'est M. Desmarais qui le dit
lui-même. Alors, aujourd'hui, nous sommes obligés de constater, là, que La
Presse, c'est un échec patent et c'est une illustration de...
M. Péladeau (Pierre Karl) :
…Écoutez, c'était le sens de mon intervention et c'est tellement, entre
guillemets, le sens de mon intervention que c'est M. Desmarais qui le dit lui-même.
Alors, aujourd'hui, nous sommes obligés de constater, là, que LaPresse,
c'est un échec patent et c'est une illustration de l'incompétence de la
direction. Ils ont mal dirigé, ils n'ont pas pris les décisions appropriées
pour leur média. Ils ont essayé de vendre leur plateforme sur la planète tout
entière. Ils l'ont vendue au Toronto Star, qui l'a abandonnée très rapidement.
C'est un échec patent. Et aujourd'hui nous demandons, d'ailleurs, comme ça a
été le cas pour Groupe Capitales Médias, aux contribuables et aux citoyens de
prendre la place des actionnaires de Power Corporation pour financer les pertes
d'exploitation de ce média. C'est ça, la réalité, il n'y en a pas d'autre.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée d'Iberville pour
6 minutes.
Mme Samson : Merci, Mme
la Présidente. Bonsoir, M. Péladeau, bonsoir, madame. M. Péladeau, on
a… j'ai six minutes seulement, six minutes de prime time, vous savez comme moi
ce que ça vaut, hein? Je vais vous poser ma question bien simplement. Mis à
part de l'affaiblissement d'un concurrent, au net-net, là, ça change quoi dans
votre vie que l'Assemblée nationale accepte le projet de loi? Au net-net, là,
que ce soit une OBNL, que ça soit Power Corp, M. Desmarais ou … qui en soit
propriétaire, ça change quoi dans votre vie?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Écoutez, moi, je pense… et c'est encore une fois ce que j'invite les parlementaires
à faire, c'est de tirer les conséquences de l'adoption du projet de loi. Donc,
vous disposez ou vous permettez à Power Corporation de disposer de LaPresse
et de l'envoyer dans une OBNL. Même théoriquement, vous savez quoi? Ça devrait
être plutôt favorable à Québecor, parce que les chances de survie de LaPresse
détenue dans une OBNL sont beaucoup moins élevées que si LaPresse
demeurait chez Power Corporation, je vous l'ai dit tout à l'heure. Vous faites
un — excusez-moi l'expression — un swap d'un créancier
extrêmement solvable pour une inconnue la plus absolue à l'heure où nous nous
parlons. Vraiment, ce n'est pas un bon deal pour les employés non plus, puis je
les invite à y réfléchir. À moins qu'il y ait des deals qui ont été négociés
qu'on ne connaît pas. Mais ça, c'est une autre affaire.
Mme Samson : Mais vous
comprendrez, M. Péladeau, là, que de vous entendre défendre les employés
puis les syndicats, on est tous un petit peu crédules, là, tu sais. Un petit
peu. Un petit peu, soyons honnêtes, là, M. Péladeau, vous savez que je
n'ai pas l'habitude…
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Écoutez, Mme la députée d'Iberville, je n'ai pas défendu qui que ce soit, là.
Je vous ai simplement… essayé de décrire des faits, là.
Mme Samson : Oui, oui.
Mais dans le fond…
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Ne me prêtez pas d'intentions, Mme la députée. Je suis désolé, ne me prêtez pas
d'intentions.
Mme Samson : Non, je ne
vous prête pas d'intentions.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Je demanderais d'ailleurs à Mme la présidente, tu sais… que c'est interdit de
prêter des intentions.
Mme Samson : C'est
interdit de prêter des intentions à un élu, mais pas à un entrepreneur.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Ah! O.K., d'accord. Bon, vous faites de la discrimination d'abord! Les élus ont
un statut différent du citoyen.
Mme Samson : Mais mon
point, c'est que, M. Péladeau, j'essaie de comprendre votre motivation à
vous opposer à ce projet de loi. Puis là, quand je vous pose la question, vous
me dites : Mais, si vous l'accordez, l'abrogation de l'article 3,
vous la rendez plus vulnérable qu'elle ne l'est par rapport à mon entreprise.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Est-ce que vous m'avez entendu dire que je m'oppose à… je ne m'oppose pas, je
fais le nécessaire pour tenter, bon, peut-être que c'est prétentieux de ma
part, Mme la députée d'Iberville, mais d'éclairer adéquatement les
parlementaires au sujet de la situation auquel ils font face, les
parlementaires, monsieur et mesdames les députés.
Mme Samson : Donc, votre
propos tient surtout quant au déroulement du processus parlementaire qu'à
l'«outcome» de l'adoption ou non du projet de loi?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Mais peut-être que dans la session parlementaire habituelle avec une
commission, justement, vous auriez tous les intervenants, les participants à
l'intérieur, donc, de l'industrie, parce que c'est une industrie importante. Et
tout le monde a mentionné que les considérations derrière la presse écrite et
l'information… on a parlé du quatrième pouvoir, on a parlé de la démocratie,
c'est exact. C'est peut-être également aussi la raison pour laquelle les
parlementaires devraient prendre le temps adéquat pour regarder et bien assumer
toutes les conséquences des gestes qui vont être posés le jour où LaPresse
va être vendue à une OBNL.
• (19 h 40) •
Mme Samson : M. Péladeau,
là-dessus, on va se rejoindre un petit peu, là. Je l'ai dit ce matin, moi,
j'estime qu'on est 15 ans en retard sur le virage numérique, 15 ans
en retard sur le plus cancre des cancres qui l'a pris, puis on est 20 ans
en retard sur ceux qui se sont un petit peu adaptés. Je suis d'accord avec
vous, là, il est temps qu'on enferme cinq, six personnes dans une salle, là,
puis qu'on leur demande de sortir quand ils auront des idées sur comment on va
aborder ça, tant pour la…
Mme Samson : ... en retard sur
le virage numérique, 15 ans en retard sur le plus cancre des cancres des
cancres qui l'a pris, puis on est 20 ans en retard sur ceux qui se sont un
petit peu adaptés. Je suis d'accord avec vous, là, il est temps qu'on enferme
cinq, six personnes dans une salle, là, puis qu'on leur demande de ressortir
quand ils auront des idées sur comment on va aborder ça, tant pour la musique,
que pour pour le commerce du détail, que pour les médias, parce que dans deux
ans, dans trois ans, dans quatre ans, ça va être la radio, ça va être votre
réseau de télévision ou vos réseaux de télévision, qui vont être ici puis qui
vont dire : On n'est plus capables, on est noyés, on est en train de
mourir. Là-dessus, bien, on n'a que nous à blâmer pour n'avoir pas eu de vision
pendant 20 ans et puis d'avoir fait des erreurs. Moi, j'ai l'impression que La
Presse a pris un virage très tôt dans l'arrivée du numérique, ça n'a peut-être
pas été des choix tous heureux, mais je n'irais pas jusqu'à condamner complètement
la tentative d'aborder le virage numérique, mais j'essaie de comprendre votre
motivation, outre le processus que vous questionnez puis la responsabilité que
vous voulez nous donner, qui, à mon avis,là, on peut la décaler, mais vous le
savez M. Péladeau ,si on ne le fait pas maintenant puis qu'on attend au mois de
février prochain, vous savez dans qu'elle mesure ça va être douloureux pour La
Presse aussi. Vous savez à quelle vitesse ça roule dans cette industrie-là,
là, vous en êtes un principal dirigeant, là. Mais j'essaie de comprendre, au
net-net, là, je vous parle en bon comptable, là, au net-net, «bottom-line», là…
La Présidente (Mme de Santis) :
30 secondes.
Mme Samson : … qu'est-ce que
ça vous enlève que l'Assemblée nationale accepte... adopte le projet de loi
n° 400?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Moi, je pense…
Mme Samson : Qu'est-ce que ça
change dans votre vie dans un an?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bon, premièrement… il n'y a pas d'urgence nationale, là, les choses
n'évolueront pas, tu sais… les GAFAvont demeurer aussi présents demain que dans
six mois, là,il ne faut pas se raconter d'histoires. Ce qu'on vous demande,
c'est de faire en sorte, à la sauvette, de faire… d'adopter une loi qui va
libérer Power Corporation de ses obligations, je l'ai mentionné dans ma
proposition, et qui va faire en sorte, malheureusement, que les parlementaires
ne prennent pas le temps…
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
…parce que, ces processus-là, ils…
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée de Vachon pour 3
minutes.
Mme Ouellet : Oui. Merci, Mme
la Présidente. Bienvenue. Peut-être juste répondre, parce que les gens
reviennent toujours avec la loi de 1967, que si elle n'était, nous ne serions
pas là, mais si elle n'était pas là, Power Corporation ne serait pas
propriétaire La Presse. Donc, je pense que c'est une loi qu'ils ont beaucoup
aimée parce que sinon, ils n'auraient pas La Presse aujourd'hui et tout
ce qu'ils ont pu faire avec La Presse depuis ce temps-là.
M. Péladeau, ça fait plaisir de vous
rencontrer. Deux éléments, premièrement, les dons de charité, parce que La
Presse souhaite se financer à travers les dons de charité. Est-ce que vous
considérez que ce serait de la concurrence déloyale qu'une fois en OBNL, ils
aient accès aux dons de charité, alors que vous, à cause de la structure
corporative, vous n'auriez pas accès aux dons de charité? Premièrement.
Et deuxièmement, vous entendre un peu plus
parce que, effectivement, j'ai la même préoccupation sur les emplois, et c'est
ce que je disais un peu plus tôt ce matin, l'endosseur de La Presse par
rapport à pas d'endosseur d'OBNL pour les employés il me semble que c'est pas
mal plus gagnant de rester avec Power Corporation qu'avec juste un OBNL.
J'aimerais vous entendre une peu plus sur cet élément-là.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
Bien, écoutez, j'ai dit ce que j'avais à dire puis on ne peut pas
nécessairement, tu sais, donner beaucoup plus de détails. C'est un endosseur
très solvable pour un espèce de mystère, là, mais le point que vous avez
abordé, bon, évidemment, ça aussi, c'est parce que c'est un processus à la
sauvette, on n'a pas l'occasion, tu sais, d'éclairer complètement le dossier,
mais c'est vrai que ça va être de la concurrence déloyale.
Alors, on prendrait le temps, là,
imaginez-vous, là, puis ça peut avoir un impact considérable également sur la
liberté de presse. Parce que si Bell Canada donne 100 000 piastres, ou
200 000 piastres à La Presse, pensez-vous que les journalistes, qui
font en général un très bon travail, vont être aussi attentif à dénoncer les
pratiques de Bell Canada en matière de télécommunications? Je pense que c'est
légitime de s'interroger. Alors, ça, c'est certain que Québecor ne donnera pas
d'argent à l'OBNL de La Presse, là, tu sais, on est d'accord avec ça?
Mais on pourrait, éventuellement,
commencer à venir circonscrire un univers où l'entière liberté est dorénavant, malheureusement,
assujettie à des pressions possibles, en tout cas susceptibles d'exister.
Vont-elles exister? Bien, il n'y a personne pour le dire, mais ce n'est pas impossible
qu'elles fassent son chemin aussi.
Mme Ouellet : Donc, ce que
vous êtes en train de me dire c'est que le financement futur, à travers des
dons de charité, qui pourraient provenir de grandes entreprises comme Bell, ou
d'amis des Desmarais, ou de l'ensemble, bien, ça pourrait faire en sorte que
les journalistes se sentent un peu mal à l'aise de dénoncer,étant donné qu'on
ne mord pas la main qui nous nourrit?
M. Péladeau (Pierre Karl) :
L'ampleur des dons pourrait être tellement considérable que cette situation-là
ne pourrait être ignorée, en tout cas, certainement de la direction, bien évidemment…
La Présidente (Mme de Santis) :
Malheureusement, le temps…
o M. Péladeau (Pierre Karl) : …
et est-ce que ça peut avoir un impact sur les…
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...l'ampleur des dons pourrait être tellement considérable que cette situation-là
ne pourrait être ignorée, en tout cas, certainement de la direction, bien évidemment,
et est-ce que ça peut avoir un impact sur les journalistes...
La Présidente (Mme de Santis) :
Malheureusement, le temps est expiré.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...je n'en sais rien...
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci.
M. Péladeau (Pierre Karl) :
...s'assurer que les protections...
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup. Merci, M. Péladeau. Merci, Mme Desjardins, vous avez contribué
à nos travaux.
Alors, maintenant, nous allons suspendre
pour quelques instants, afin de permettre aux représentants du Devoir de
prendre place.
(Suspension de la séance à 19 h 46)
(Reprise à 19 h 47)
La Présidente (Mme de Santis) :
Alors, M. Ouellet, s'il vous plaît. O.K. Alors, allez-y.
Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la
bienvenue aux représentants de Le Devoir. Je vous rappelle que vous
disposez de 10 minutes pour votre exposé. Ensuite, vous allez procéder... on va
procéder à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous
invite donc à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, et
à procéder à votre exposé. La parole est à vous.
M. Ryan (André) : Merci, Mme
la Présidente. Messieurs, mesdames, Mmes et MM. les parlementaires, mon nom est
André Ryan, je suis président du conseil d'administration de Le Devoir
inc.. Vous avez reconnu, à ma droite, notre directeur, Brian Myles. Je voudrais
également vous remercier de nous avoir invités à vous adresser la parole ce
soir. On sera brefs, comme le fut notre préparation, mais, dans les circonstances,
on assume notre responsabilité.
On est heureux d'être avec vous pour
partager nos réflexions essentiellement sur deux sujets. D'abord, une position
qui vous sera communiquée très clairement par M. Myles quant au projet qui est
sur la table. Pour ma part, j'ai cru que l'opportunité était importante de
prendre le moins de minutes possible, mais quelques minutes, quand même, pour
vous parler de notre modèle d'affaires, dont nous sommes très fiers et qu'on
pense qu'il peut apporter un éclairage, là, dans le contexte dans lequel vous
êtes appelés à intervenir.
Je ne veux pas remonter évidemment à 110
ans pour parler du Devoir, mais je veux simplement vous dire qu'en 1993,
Le Devoir a subi une transformation importante, était alors
exploité par L'Imprimerie populaire, ltée. Une filiale qui s'appelle Le Devoir
inc. a été créée, et, à travers un véhicule de placement qui existait à
l'époque, à savoir les specs, les lecteurs ainsi que les employés du Devoir
ont été appelés à contribuer à une recapitalisation, une relance par laquelle Le Devoir
est allé chercher environ 5 millions de dollars, à l'époque, et est devenu
une société à capital ouvert. L'élargissement a, entre autres, permis et donné
lieu à l'arrivée au conseil d'administration d'un représentant des employés du Devoir.
De 2000 à 2014, les choses de sont plutôt bien déroulées, sous la direction de
notre ancien directeur, M. Bernard Descôteaux, qui était directeur quand je
suis arrivé au conseil, en 2012. En 2010, l'année du centenaire, Le Devoir
a généré un bénéfice d'environ 1,2 million de dollars.
• (19 h 50) •
Le déclin a commencé par la suite avec
l'arrivée massive des GAFA, dont vous avez parlé abondamment, sur le marché de
la publicité, et, après 2010, les choses se sont un peu compliquées, et des
pertes ont commencé à être accumulées. À l'initiative du directeur, Bernard
Descôteaux, et surtout...
M. Ryan (André) : ...un
bénéfice d'environ 1,2 million de dollars.
Le déclin a commencé par la suite avec
l'arrivée massive des GAFA, dont vous avez parlé abondamment, sur le marché de
la publicité, et après 2010, les choses se sont un peu compliquées, et des
pertes ont commencé à être accumulées. À l'initiative du directeur Bernard
Descôteaux et surtout sous l'impulsion du président du conseil d'administration
de l'époque, M. Jean Lamarre, un nouveau plan ambitieux de relance a été
imaginé. En décembre 2016, à la demande de M. Lamarre, j'ai collaboré avec
plusieurs de mes collègues à un scénario de refinancement. Le Devoir
est redevenu une société à capital fermé, et nous avons procédé à une nouvelle
recapitalisation pour un montant de plus de 2 millions de dollars. M.
Myles était, entre-temps, arrivé à la direction à l'âge de 43 ans, apportait
avec lui une vision extrêmement porteuse et beaucoup de modernité, beaucoup
d'ambition dans la conversion numérique, qui avait été entamée, mais il a
accéléré cette transformation-là.
Tout au long de ces transformations, Le Devoir
a été accompagné, et ce, depuis 110 ans, par Les Amis du
Devoir — dans sa forme actuelle, existe depuis 2009 — et
qui est un OBNL, et qui, avec Le Devoir, coordonne des activités de
financement philanthropique.
À travers toutes les étapes que nous avons
traversées, les divers scénarios de recapitalisation, dont les deux que je vous
ai décrits, une importance extrêmement attentionnée a été portée au maintien et
à la préservation de la liberté complète et de l'indépendance de la direction,
et plus particulièrement de la direction éditoriale du journal. Nos structures
actuelles garantissent l'indépendance de la position éditoriale du journal;
nous en sommes extrêmement fiers.
En terminant, je vous dirais que le modèle
actuel repose sur trois axes, M. Myles pourra les développer davantage, mais
les trois axes principaux : évidemment, d'abord, les abonnements et ce
qu'on appelle le mur payant; deuxièmement, ce que j'appellerais une stratégie
multiplateforme, donc un équilibre entre le papier et nos plateformes
numériques; et troisièmement, je vous dirais, un préjugé en faveur du téléphone
mobile. C'est essentiellement ce que je voulais vous communiquer. Je cède la
parole à notre directeur, M. Myles.
M. Myles (Brian) : Mme la
Présidente, merci. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, merci de nous
recevoir. Essentiellement, notre position est très simple : la fameuse loi
de 1967 qui empêche la transformation de LaPresse a épuisé
son utilité; elle date d'une autre époque qui est révolue, une époque où on
craignait la perte de propriété de LaPresse à des intérêts
étrangers, où on se méfiait aussi de la concentration de LaPresse.
Mais, en 2018, le débat sur la concentration de LaPresse et
la propriété des médias ne se pose plus de la même façon.
Je ne voudrais pas, aujourd'hui, comme
directeur du Devoir, me retrouver dans la position de LaPresse
et être obligé de vous demander la permission pour changer de structure
juridique. Et je vous le dis en tout respect : il ne m'apparaît pas que
c'est aux parlementaires de décider quel sera le modèle d'affaires et la
structure juridique des médias. Il reste beaucoup de questions sur le modèle La Presse,
si cet OBNL sera pleinement indépendant, et vous avez entendu des
représentations toute la journée, mais ultimement l'expérience nous dira de
quoi sera faite LaPresse de demain, et le public sera à
même de poser un jugement sur sa juste valeur. Et le gouvernement fédéral,
comme le vôtre, aura l'occasion d'édicter des critères pour élaborer des
programmes d'aide, que ce soit les crédits d'impôt, les subventions ou autres.
Et donc, au fond, il m'apparaît qu'on a, on doit, comme éditeurs, comme patrons
de presse, avoir l'autonomie et la latitude pour choisir nos modèles.
Notre industrie est en crise, vous l'avez
entendu maintes et maintes fois. C'est vrai. Essentiellement, ce qu'on a choisi
de faire au fil des ans, c'est de miser, selon les différents modèles, entre la
qualité des contenus ou la quantité, entre la gratuité des contenus et le
modèle d'abonnement. Et, dans certains cas, on a voulu être des compagnies de
technologie par opposition à des compagnies de contenu. Le Devoir,
dans ses grands cadrans, a choisi d'être une compagnie de contenu. On utilise
des technologies produites par d'autres, au coût le plus faible possible. On a
choisi de faire la qualité évidemment des contenus — je ne pense pas
que j'aie besoin de vous faire la démonstration de tout ça — et le
modèle d'abonnement, le modèle d'abonnement qui est pérenne.
Le modèle d'abonnement, par contre, pour
moi, c'est la première partie de la pièce de monnaie qui va avec la
philanthropie; hein, les dons et l'abonnement, c'est deux côtés d'une même
pièce de monnaie. Et au Devoir, je crois qu'on est le média qui reçoit
le plus de dons, certainement au Québec et probablement au Canada. Les Amis du
Devoir, depuis les trois dernières années, ont réussi à collecter
1,2 million de dollars auprès de plus de 2 000 donateurs uniques, et
ça tient au contrat social qu'on a créé avec nos abonnés, avec notre
communauté.
Alors, c'est évident que...
M. Myles (Brian) : ...qui
reçoit le plus de dons, certainement au Québec et probablement au Canada. Les
Amis du Devoir, depuis les trois dernières années, ont réussi à collecter 1,2 million
de dollars auprès de plus de 2 000 donateurs uniques. Et ça tient au
contrat social qu'on a créé avec nos abonnés, avec notre communauté.
Alors, c'est évident que, si le
gouvernement fédéral décide de transformer la structure de la Loi sur l'impôt
et de la loi... des lois fiscales, il m'apparaît impensable que Le Devoir
ou à tout le moins Les Amis du Devoir, qui est un OBNL, ne puissent pas, à la
fin de l'année, avoir des exemptions fiscales ou émettre des reçus de charité à
ses donateurs. Alors, je compte sur vous, MM., Mmes les députés, pour faire
entendre votre voix dans le débat et s'assurer qu'à la fin de l'année on ne
refuse pas au Devoir, aux Amis du Devoir ce qu'on s'apprêterait à
accorder à LaPresse.
Ce modèle de philanthropie a fait ses
preuves au Devoir. C'est une base, selon les années, de 4 % à
6 % des revenus. Ça ne va pas sauver les médias. N'imaginez pas que vous
allez régler tous les problèmes en permettant à ce que des entreprises de
presse puissent aller chercher des dons, mais c'est un revenu d'appoint, c'est
un revenu complémentaire qui nous permet de poursuivre notre virage. Et chez
nous on fait le pari que le virage repose sur les abonnements et qu'on existe
pour des communautés de lecteurs avant toute chose.
En terminant, messieurs, madame, je tiens
à vous remercier et je réitère l'importance qu'on respecte certains principes
entre vous et nous, ce fameux principe de distance entre le politique et le
médiatique. Alors, je vous inviterais à la prudence, parce qu'on ne peut pas
d'un côté de la bouche dire qu'on respecte l'indépendance des médias, et de
l'autre utiliser le prétexte d'une loi obsolète pour freiner des transformations.
Le reste, je décline compétence ou expertise sur le sentiment d'urgence qu'on
vous a plaidé. Je ne suis pas dans le secret des stratégies d'affaires de LaPresse.
Et ce sera à vous, en toute sérénité, dans votre délibération de décider du juste
moment où vous devriez autoriser ces transformations-là. Il m'apparaît
impensable de ne pas le faire. Et n'oubliez pas l'enjeu de l'équité dans les
programmes. Le programme de subvention du ministère de la Culture, le programme
des crédits d'impôt de 35 % sur les dépenses numériques, l'exemption sur
la taxe de recyclage, ce sont trois programmes qui ont été adoptés dans les
deux dernières années par votre gouvernement, trois programmes normés,
équitables, qui s'appliquent à tous, et ce sont les programmes normés,
équitables qui nous permettent de continuer d'avoir la distance entre l'État et
les médias et de ne pas faire des gagnants et des perdants dans les programmes
d'aide au soutien à la transformation numérique. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci à vous. Maintenant, la parole est à la ministre pour 15 minutes.
Mme Montpetit : Je vous
remercie, Mme la Présidente. M. Ryan, M. Myles, bonsoir, bienvenue à
l'Assemblée nationale. Pourriez-vous nous rappeler depuis quand une société à
but non lucratif participe au financement du Devoir?
M. Ryan (André) : Avec
notre... Oui, Bryan, merci. Les Amis du Devoir existent depuis les tout débuts
de l'histoire du journal. Je ne peux pas vous garantir la forme juridique que
Les Amis du Devoir avaient au cours de la première moitié du XXe siècle.
Ce que je peux vous dire c'est que, depuis 2009, Les Amis du Devoir, dans leur
mouture actuelle, sont un OBNL et collaborent de manière ponctuelle, à travers
des campagnes, au financement du Devoir; et, de manière beaucoup plus
active, je vous dirais, depuis trois ans et demi environ, à travers une
campagne que je qualifierais de grand public, donc auprès de notre premier
public que sont les lecteurs fidèles du Devoir, qui des fois ajoutent un
10 $, 15 $, 20 $, nous envoient des lettres qui nous touchent
énormément pour signifier leurs appuis; et, d'autre part, une campagne plus
ciblée, qui s'est appelée Les Grands Amis du Devoir et qui a visé une clientèle
peut-être un peu plus à l'aise et qui nous a donnés évidemment une contribution
exceptionnelle au cours des trois dernières années. Bryan l'a évoqué, là, on a
accumulé une somme impressionnante de 1,2 million de dollars au cours des
trois dernières années qui sont venus contribuer à nos opérations et à notre
transformation en profondeur.
M. Myles (Brian) : Tout à
fait. Donc, dès 2015... 1915, pardon, il y avait une première société des Amis
du Devoir. Et la philanthropie a toujours été une partie intégrante. Il y a eu
des époques où on en avait moins besoin. Et, depuis 2009, comme André l'a
expliqué, c'est devenu constant, pérenne, et c'est budgété à chaque année. Et
on espère faire progresser ces revenus-là, mais on n'est pas dupe, on sait bien
que ça ne dépassera probablement jamais 10 % de nos revenus.
Mme Montpetit : Mais
est-ce que vous diriez que cette société-là participe à assurer la pérennité du
Devoir?
• (20 heures) •
M. Myles (Brian) :
Écoutez, Les Amis du Devoir, au fond, c'est des gens qui portent Le Devoir
sur leur coeur et sur leurs manches et qui font des pieds et des mains pour
aller chercher des donateurs et...
20 h (version non révisée)
Mme Montpetit : ...mais est-ce
que vous diriez que cette société-là participe à assurer la pérennité du Devoir?
M. Myles (Brian) : ...écoutez,
Les Amis du Devoir, au fond, c'est des gens qui portent Le Devoir
sur leur coeur et sur leurs manches et qui font des pieds et des mains pour
aller chercher des donateurs et des donateurs aussi qui, spontanément, se
manifestent. Dans la palette des donateurs, des 2 000 donateurs, on a
réussi à récolter des sommes qui vont de 10 $ à 25 000 $. Et
c'est toujours des dons... c'est presque toujours des dons d'individu, ce n'est
pas des grandes compagnies qui essaient de nous financer, c'est un appel du
coeur, c'est un appel d'une communauté pour qui Le Devoir es trop
important, hein?
On se fait souvent dire : Le Québec
n'a pas les moyens de perdre Le Devoir, et ça, c'est la première
étape qui mène vers l'engagement, l'engagement par l'abonnement, l'engagement
par le don. Et, à ça, s'ajoute aussi une mission d'éducation et de débat que
Les Amis du Devoir organisent à l'occasion, et remettent aussi les prix de la
presse étudiante à chaque année.
Mme Montpetit : Parfait.
J'aimerais vous entendre aussi sur les propos qui ont été tenus par M.
Péladeau, qui était présent juste avant vous, sur la question justement sur le
droit de regard. Puis vous l'avez évoqué, mais j'aimerais bien vous réentendre là-dessus,
sur le fait justement que le projet de loi n° 400, qu'on dépose comme gouvernement,
vient corriger, vient corriger une unicité historique pour un média, mais
j'aimerais vraiment vous entendre sur ce qui a été dit sur le droit de regard
des parlementaires à venir abroger cette loi.
M. Myles (Brian) : Écoutez, je
préférerais bien franchement commenter la situation et le modèle du Devoir.
Moi, j'ai des excellentes relations avec Québecor, avec M. Péladeau. Vous
savez, Québecor distribue Le Devoir et l'imprime. Québecor, en
1993, on a passé très rapidement, mais si Pierre Péladeau père n'avait pas été
là, Le Devoir n'aurait pas passé à travers. Il a accepté d'effacer
l'ardoise pour Le Devoir. Et c'est un partenaire avec lequel on a beaucoup
de liens d'affaires.
Et, sur la question de votre privilège,
bien, franchement, il vous appartient de déterminer ce que vous allez faire de
cette loi privée de 1967, mais, moi, à mon avis, le mien, cette loi-là a épuisé
son utilité et n'a plus sa raison d'être dans le contexte de 2018.
Mme Montpetit : C'était... peut-être
que ma question a été mal comprise, M. Myles, mais c'était le sens de ma
question, la dernière partie de votre réponse, à savoir : Comment vous
vous positionnez par rapport à la loi qui est en cours de 1967, par rapport à
celle qui vient abroger justement l'article 3 de cette loi? Une autre question,
est-ce qu'en tant qu'entreprise de presse justement vous accepteriez que le gouvernement
ait un contrôle sur vos décisions d'affaires?
M. Myles (Brian) : Non, pas du
tout, et c'était le sens de mon intervention initiale, peu importe le modèle
d'affaires et la structure juridique qu'on choisit, il nous appartient de la
choisir. Bon. Oui, l'information est importante, l'information, on a toujours
dit que ce n'était pas un produit comme les autres, c'était vital pour une démocratie.
Mais, une fois qu'on a dit ça, c'est par les critères d'attribution :
Est-ce que vous avez un intérêt immédiat à poser ces questions-là si on va vers
de l'aide, hein?
Il y a eu pour 101 millions de
dollars d'aide répartie sur cinq ans dans les deux dernières années. Alors, il
y a un intérêt de poser des questions de votre part, j'en conviens. Mais c'est
dans le design, l'intelligence des programmes que vous allez mettre en place,
les critères d'attribution de l'aide, que vous avez une capacité d'exercer
votre rôle de parlementaire et non pas en amont sur la structure de propriété
ou la structure juridique qu'on va choisir.
M. Ryan (André) : Et en une
phrase, je vous dirais que je parle sans doute et sans aucun doute même, au nom
des 14 membres du conseil d'administration, pour vous dire que nous ne serions
pas d'accord avec une telle proposition.
Mme Montpetit : Parfait. Et
vous avez fait référence aux différents programmes d'aide aux médias qui ont
été mis en place par notre gouvernement dans les deux dernières années, donc le
programme d'aide aux médias qui a été mis en place... qui a été annoncé au mois
de novembre dernier, les crédits d'impôt à la transformation... l'aide à la
transformation numérique qui ont été annoncés, au budget du mois de mars 2018,
par mon collègue le ministre des Finances. Donc, différentes mesures pour nous
qui étaient extrêmement importantes à mettre en place pour venir soutenir
justement l'ensemble des médias, les médias communautaires, mais la presse écrite
de façon plus précise dans les différentes difficultés auxquelles ils font
face.
Est-ce que vous diriez... est-ce que vous
diriez que, malgré ces mesures gouvernementales, vous conservez une pleine
indépendance quant à votre ligne éditoriale, quant à votre contenu?
M. Myles (Brian) : Tout à
fait. Et tout au long de la journée, je me mordais un peu les doigts et je me
disais : Il manque un élément de réponse quand on parle d'indépendance.
Vous savez, l'indépendance, c'est une construction sur le long temps dans
l'histoire des médias. On l'a affirmé à plusieurs étapes, mais dans l'époque
moderne, l'indépendance rédactionnelle a commencé au moment où les journalistes
se sont structurés comme un groupe à part entière, qu'on a commencé à bien les
rémunérer pour les mettre à l'abri des conflits d'intérêts. Ensuite, par le
syndicalisme, ils se sont dotés...
M. Myles (Brian) : …une
construction sur le longtemps dans l'histoire des médias. On l'a affirmé à
plusieurs étapes. Mais dans l'époque moderne, l'indépendance rédactionnelle a
commencé au moment où les journalistes se sont structurés comme un groupe à
part entière. On a commencé à bien les rémunérer pour les mettre à l'abri des
conflits d'intérêts. Ensuite, par le syndicalisme, ils se sont dotés de clauses
de conscience, qu'on a intégrées dans les conventions. Les médias, les
entreprises, les directeurs, les éditeurs ont adopté des politiques
d'information également.
On s'est structurés au sein de la FPJQ. On
s'est dotés d'un guide de déontologie. Le Conseil de presse, qui est un mécanisme
d'autoréglementation, a son Droits et responsabilités de la presse. Il y
a un enchevêtrement de clauses de conscience, de guides de déontologie, de
règles de pratique et qui crée l'indépendance. Et notre marque de commerce,
c'est la crédibilité, hein? Moi, je ne veux pas, demain matin, que les gens
pensent que Le Devoir est à vendre, que sa ligne éditoriale est au
crédit d'impôt le plus offrant, d'aucune façon.
Et quand les programmes sont universels,
quand ils touchent à des éléments de transformation numérique — les
dépenses sur les CMS, les frais de consultants, le développement d'outils
contemporains, des approches par projet, aussi, avec des jurys indépendants, ce
qui est le cas du volet B du ministère de la Culture — ces programmes-là
nous mettent à l'abri d'une perception d'interférence et de l'interférence
elle-même. Et ce n'est pas plus risqué ou pernicieux que d'avoir des revenus de
publicité. Ce n'est pas parce qu'on a des concessionnaires de voitures qui
annoncent dans nos pages qu'on s'empêche de parler de la pollution
atmosphérique par les automobiles, et du cancer que représente la congestion
routière sur nos routes, et de la nécessité d'avoir des transports actifs. On
ne laisse pas les crédits d'impôt, l'aide de l'État interférer sur notre ligne,
pas plus qu'on laisse les clients, les annonceurs interférer sur notre ligne.
M. Ryan (André) : Et à
l'interne, de manière structurelle, on s'est dotés des outils pour protéger,
promouvoir et garantir la liberté de la ligne éditoriale au niveau juridique
également.
Mme Montpetit : Je vous
remercie. Oui, parce que je pense que c'est important de le préciser, puis vous
le mentionnez. Mais je pense que, comme plein de choses sont dites, il est
important de le resouligner qu'effectivement les programmes qui ont été mis en
place par le gouvernement… Vous le mentionnez bien qu'au ministère de la
Culture c'est un jury indépendant qui choisit les projets. Je n'ai aucun droit
de regard, comme ministre de la Culture. Je n'interviens aucunement. C'est un
jury complètement indépendant qui a choisi les différents projets qui ont été
soutenus. Ce sont des programmes qui sont normés. Les crédits d'impôt sont
universels, ils sont applicables à tous les médias du Québec. Et je pense que
c'est important de le rementionner qu'il n'y a aucun lien entre l'aide qui est
faite et aucune intervention. Et je pense qu'on convient tous qu'il est
important, comme gouvernement, qu'on vienne soutenir l'industrie de la presse
dans les défis auxquels elle fait face présentement.
Ça va être tout pour moi, Mme la Présidente.
Mon collègue de LaFontaine aurait des questions.
La Présidente (Mme de Santis) :
Alors, M. le député de LaFontaine, 4 min 50 s.
M. Tanguay
: Oui, merci
beaucoup. Merci et bienvenue à Me Ryan et M. Myles de venir participer à un
débat très important. J'aimerais axer mes interventions avec vous, pour les
quelques minutes qui restent, sur, justement, la liberté quant à l'éditorial.
Il y a un éditorial dans Le Devoir, comme il y en a un dans LaPresse,
très important, élément très important, et qui participe de la liberté entière
qu'ont les éditorialistes à écrire ce qu'ils veulent, et qui participe
également de la liberté journalistique. Et vous avez dit un peu plus tôt qu'il
faut impérativement — puis je vous paraphrase — une
distance entre le politique et le médiatique. Il ne faut pas… et corrigez-moi
si je vous ai mal compris, mais il ne faut pas qu'à l'Assemblée nationale les
élus commencent à évaluer l'à-propos ou pas… Puis j'aimerais savoir si vous
êtes d'accord avec cette affirmation-là.
Il n'est pas du ressort, dans une
démocratie, dans une société de droit, où on respecte le pouvoir exécutif,
législatif, judiciaire et médiatique… Il ne serait non seulement pas à-propos,
mais ça participerait d'une dérive très préoccupante que des élus à l'Assemblée
nationale commencent à évaluer l'à-propos d'une certaine ligne éditorialiste de
LaPresse qui est plus fédéraliste et l'à-propos d'une ligne
éditorialiste du Devoir qui serait peut-être, tantôt, beaucoup plus
souverainiste ou pas. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette affirmation-là?
M. Myles (Brian) : Tout à
fait. Puis moi, j'ai eu ces discussions-là dans mes efforts de lobbying, autant
à Québec qu'à Ottawa, et je suis inscrit aux registres dans les deux places, en
passant. C'est le tiraillement entre les programmes dits quantitatifs et
qualitatifs. Il y a toujours une tentation de dire, à un moment donné : On
fait un programme qualitatif. On veut financer la bonne information. On ne veut
pas financer n'importe quoi, donc, l'information sur la politique,
l'information sur ceci et cela. Et ça, c'est le piège qu'il faut éviter. Et les
programmes quantitatifs, basés sur le crédit d'impôt, 35 %, sur des
dépenses très bien identifiées, le caractère universel de ces programmes-là, les
programmes avec des jurys indépendants, tout ça nous permet de tenir la
distance. Et c'est…
• (20 h 10) •
Tu sais, dans le fond, ce qu'on dit aux
parlementaires… ça vous met dans une position un peu ingrate… c'est :
Contribuez au virage numérique des entreprises de presse…
M. Myles (Brian) : …sur
des dépenses très bien identifiées, le caractère universel de ces programmes-là,
des programmes avec des jurys indépendants, tout ça nous permet de tenir la
distance. Et c'est… Tu sais, dans le fond, ce qu'on dit aux parlementaires, ça
nous met dans une position un peu ingrate, c'est : Contribuez au virage
numérique des entreprises de presse, commettez ou investissez des fonds
publics, mais en sachant très bien que vous n'allez pas tenir le crayon à notre
place et que vous allez accepter après et reconnaître que c'est important que
les médias décident par eux-mêmes de ce qu'ils vont en faire et du type de
contenu qu'ils vont faire.
Et la première fois que ça s'est posé dans
l'histoire, c'était avec le fonds des périodiques canadiens pour sauver des
magazines comme Maclean's et d'autres titres anglophones de l'invasion
des titres américains au début au début des années 90. On a créé un programme
sous le gouvernement libéral de M. Trudeau… Chrétien, pardon. Et au fond
on a fini par financer tous les titres là-dedans. On a financé L'Actualité
au Québec, comme des magazines plus triviaux. Mais c'était l'outil qu'on a
choisi pour structurer et protéger l'industrie du magazine, des programmes
normés axés sur le quantitatif.
M. Tanguay
: Et je
ne veux pas vous mettre en boîte, mais quand même, on est dans une société démocratique.
Et ici vous avez toute la liberté de prendre notre parole et d'exprimer votre
opinion. Et je ne mettrai pas en piège… dans un piège mon collègue de Matane-Matapédia,
leader du Parti québécois, mais je vais le citer. Puis j'aimerais ça vous
entendre là-dessus. Puis après ça il pourra échanger avec vous. Alors, la
liberté de discussion et de parole est pleine et entière. Puis c'est à ça que
ça sert, une commission parlementaire, qu'on se parle entre quatre yeux, qu'on
se dise les vraies affaires, puis qu'on n'ait pas peur, quitte à déplaire à un collègue
deuxième opposition, de dire : Bien, je ne suis pas d'accord. Alors, basé
sur ce que vous venez de dire, je cite le collègue de Matane-Matapédia, leader
du Parti québécois qui, dans un article aujourd'hui dans le Journal de
Québec, et je le cite : «Or, il se trouve que, depuis 1970, et
invariablement, La Presse, à travers sa politique éditoriale,
appuie le PLQ et appuie l'option fédéraliste. Si d'aventure il souhaite garder
la ligne éditoriale éditorialiste, ça va en contradiction avec les règles à Ottawa
et à Québec». Fin de la citation au texte du journaliste qui a rapporté ces
propos. Croyez-vous, puis c'est justement, basé sur ce que vous venez dire,
c'est faire fausse route que d'interpréter des règles justement applicables à
des OBNL en disant : Bien, ça va nous permettre, nous, de se mettre les
mains dans les lignes éditorialistes?
Une voix
: …
M. Myles (Brian) : Est-ce
que je pourrais réentendre la question, s'il vous plaît?
M. Tanguay
: Est-ce
que vous êtes d'accord que c'est de faire fausse route, d'aborder le sujet de
cette façon-là?
M. Myles (Brian) : En
tout respect, je préférerais être tenu à l'écart des affrontements
interparlementaires. Et je vous répondrai sur ma ligne éditoriale. La ligne
éditoriale du Devoir, elle est décidée par le directeur, moi-même, en
collégialité avec le comité éditorial. Et cette ligne-là a évolué au fil du
temps. On a toujours pensé que Le Devoir frappait juste dans un
sens…
La Présidente (Mme de Santis) :
Je m'excuse, mais maintenant c'est terminé. C'est… La parole est au député de Matane-Matapédia
pour neuf minutes.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. Alors, Le Devoir, sa contribution à la démocratie
québécoise comme média est importante. Ses moyens sont modestes, je pense.
Cette humilité, cette transparence dont vous faites preuve en nous parlant de
vos chiffres, votre structure, votre cheminement vous honore. Et c'est
franchement tout à votre honneur. C'est digne de l'héritage d'Henri Bourassa,
que celui notamment aussi de débusquer les coquins, mais vous le faites bien,
alors on vous lit chaque jour, mais d'être très transparent. Et je sais que,
les artisans du Devoir, on voit au chapitre et pose des questions, sont
des gens exigeants. Alors, je veux vous saluer. Et comme le collègue de LaFontaine
a choisi d'aborder la question des éditoriaux, alors moi je veux l'informer
d'une chose. Je n'avais pas prévu en parler, mais en 1976, lorsque La Presse
invitait à battre à tout prix tout candidat indépendantiste, le père de
M. Ryan ici présent a eu le courage d'inciter à voter pour le Parti
québécois au Devoir. Il a fait preuve d'un courage, et qui… Et ça montre
la diversité des opinions, qui n'est pas uniforme à travers le temps pour Le Devoir.
Alors, vous avez un témoin de l'histoire qui pourra vous indiquer que, malheureusement,
votre argument tombe à plat.
M. le Président… Mme la Présidente, pour
continuer, tout à l'heure, vous avez évoqué que, lorsque vous allez avoir une
demande à faire, vous espérez qu'on soit attentif à ça. J'ai entendu ça tout à
l'heure. On a invoqué également que, là, il y a un programme qui est normé. Un programme
normé, c'est bien, parce que tout le monde peut appliquer dessus. Or, il se trouve
que le gouvernement a fait un autre choix en décembre 2017. Il a accordé, il a
fait le choix politique d'accorder un prêt direct à Capitales Médias avant le programme,
et au Devoir. Mais vous l'avez refusé à ma connaissance. Alors,
j'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Il n'aurait pas fallu avoir des
règles qui sont communes pour tous au lieu de juger de façon arbitraire, comme
le gouvernement l'a fait à un an d'une élection, d'octroyer 10 millions de
dollars de prêt à un média écrit?
M. Ryan (André) : Je
répondrai sommairement…
M.
Bérubé
: ...et
au Devoir, mais vous l'avez refusé, à ma connaissance. Alors, j'aimerais
avoir votre opinion là-dessus. Il n'aurait pas fallu avoir des règles qui sont
communes pour tous au lieu de juger de façon arbitraire, comme le gouvernement
l'a fait, à un an d'une élection, d'octroyer 10 millions de dollars de
prêts à un média écrit?
M. Ryan (André) : Je répondrai
sommairement pour Le Devoir. Donc, l'information que vous communiquez à
l'effet qu'un prêt a été accordé à Capitales Médias est une information qui est
connue et publique. En vertu d'une disposition similaire, un prêt de même
nature a effectivement été offert au Devoir. Cependant, la mise en place
des programmes adoptés par l'Assemblée nationale et par le gouvernement ont
fait en sorte, associés, là, à notre capacité nouvelle d'aller chercher du
financement auprès de donateurs privés, donc, toute la tradition qu'on a de
lever des fonds auprès de nos lecteurs et de donateurs, ont fait en sorte que
le prêt n'a pas son utilité chez nous. On est satisfaits de la recapitalisation
qu'on a complétée à la fin de l'année. On a donc décliné, effectivement,
l'encaissement dudit prêt, dont nous ne nous prévaudrons pas. Alors, le prêt
n'est tout simplement pas en place.
M.
Bérubé
: Bon,
allez-y, M. Myles.
M. Myles (Brian) : En
complément, j'aimerais qu'on puisse remettre les choses en perspective. C'était
10 millions pour Capitales Médias, mais c'était 525 000 $ pour Le
Devoir. Et à partir du moment où on a vu le programme de crédit d'impôt
remboursable de 35 % sur les dépenses numériques, on a vu là des dépenses
qui auraient été couvertes par notre fameux prêt et on a préféré utiliser le
crédit d'impôt.
M.
Bérubé
:
Capitales Médias a accepté le prêt, d'accord. Tout à l'heure, je reviens, vous
avez indiqué que vous allez avoir éventuellement une demande à faire et que
vous souhaitez qu'on considère la situation du Devoir en toute équité.
Je pense que c'est un peu l'essence de ce que vous avez dit tout à l'heure,
j'ai peut-être manqué quelques mots. Pouvez-vous nous préciser à nouveau, par
exemple, quel type de demande Le Devoir pourrait être susceptible de
faire à l'intention des parlementaires de l'Assemblée nationale, du
gouvernement du Québec?
M. Myles (Brian) : Il y a...
on fait du cheminement, là, pour essayer d'avoir un apport plus important du
côté d'Ottawa, que le gouvernement fédéral imite un peu ce que le gouvernement
du Québec a fait. Et le leadership en matière de crédit d'impôt pour les dons,
c'est le fédéral qui l'assume. Alors nous, on ne va pas changer de structure
juridique demain matin. Le Devoir, c'est une compagnie formée en vertu
de... c'est une compagnie privée. C'est une compagnie à but lucratif qui a
oublié pendant longtemps de faire des profits. Mais on a atteint une situation
d'équilibre en ce moment, et ça nous a pris, depuis Bernard Descôteaux jusqu'à
aujourd'hui, plusieurs années pour arriver à ce montage-là. On ne veut pas tout
défaire. Alors, notre crainte, c'est que le fédéral nous dise : Faites
donc comme La Presse, une fiducie d'utilité sociale, un OBNL par-ci,
par-là. On a déjà tous les attributs d'un média d'utilité sociale. Il y a des
fiduciaires dont je... qui m'accordent mon mandat comme directeur, et on a Les
Amis du Devoir, qui est un OBNL en bonne et due forme, constitué sous charte
fédérale. Alors, notre demande, c'est qu'on puisse qualifier Les Amis du Devoir
pour émettre des reçus d'impôt à des fins de charité.
M.
Bérubé
:
C'est une demande que vous allez faire peut-être au cours des prochains mois?
M. Myles (Brian) : Déjà faite.
M.
Bérubé
:
D'accord.
M. Myles (Brian) : Et je la
réitère et je profite de votre écoute pour vous demander votre appui dans cette
démarche-là, parce que Le Devoir, c'est un petit navire dans un océan
assez vaste, et faire entendre notre voix, ce n'est pas toujours facile.
M.
Bérubé
: Mme la
Présidente, je ne suis pas un spécialiste de ces questions, et d'ailleurs
plusieurs journalistes veulent me le faire sentir à travers Twitter depuis ce
matin. Alors, je les salue en leur disant que je ne leur dis pas quoi faire en
journalisme, et j'espère qu'ils en font autant pour les parlementaires. La
collègue de Vachon, qui a très peu de temps, a fait une proposition à
l'Assemblée nationale indiquant qu'au fédéral, à moins que je me trompe, il
pourrait avoir l'équivalent... et également ce crédit d'impôt, c'est ça, de
35 % sur masse salariale des journalistes de la salle de presse? C'est ça?
Ça serait quelque chose d'intéressant pour l'ensemble des médias?
M. Myles (Brian) : C'est une
demande qu'on a déjà faite par la Coalition pour la pérennité de la presse
d'information. C'est dans le rapport du Forum des politiques publiques, Le
miroir éclaté. Il y a... je sais qu'il y a des... certaines réticences chez
les députés. Il y en a qui nous disent : On ne veut pas donner
l'impression de financer des salaires de journalistes...
M.
Bérubé
: À
Québec ou à Ottawa?
M. Myles (Brian) : J'en ai eu
des deux côtés, autant à Québec qu'à Ottawa.
M.
Bérubé
: O.K.
M. Myles (Brian) : Des gens
qui me disaient : On a un malaise à financer des salaires de journalistes.
Alors, est-ce qu'ils vont privilégier cette voie-là? Je n'en sais rien. Les
décisions finales n'ont pas été prises, mais quoi qu'il en soit, au Devoir,
50 % des dépenses, c'est de la masse salariale de la rédaction. Alors...
M.
Bérubé
:
Alors, je présume que ça serait quelque chose... vous pourriez vous en
prévaloir, c'est quelque chose de...
M. Myles (Brian) : Oui, mais
ce qu'on veut éviter, c'est qu'on vienne mettre des conditions, tout le temps,
le spectre qu'on soit obligés d'adhérer au Conseil de presse ou obligés de
ceci, obligés de cela. Et...
• (20 h 20) •
M.
Bérubé
:
C'est une proposition que vous accueillez plutôt positivement...
Une voix
: ...des
dépenses et de la masse salariale de la rédaction. Alors...
M.
Bérubé
:
Alors, je présume que ce serait quelque chose... vous pourriez vous en
prévaloir. C'est quelque chose de...
M. Myles (Brian) : Mais ce
qu'on veut éviter, c'est qu'on vienne mettre des conditions, tout le temps le
spectre qu'on soit obligés d'adhérer au Conseil de presse ou obligés de ceci,
obligés de cela et...
M.
Bérubé
:
C'est une proposition que vous accueillez plutôt positivement. Si d'aventure le
gouvernement fédéral voulait aller de l'avant, vous pourriez vous en prévaloir
en évaluant les conditions. Alors, ce que je veux vous dire, c'est qu'il
m'apparaît que l'Assemblée nationale pourrait jouer un rôle pour demander
unanimement à Ottawa d'intervenir en ce sens, ce qui s'ajouterait, je dirais,
aux différents moyens à la disposition de La Presse, mais de
d'autres médias également, pour préserver les emplois importants de
journalistes dans la salle de presse. Je vous indique que nous appuyons cette
proposition, je vous indique que l'instigatrice est la députée de Vachon. À ma
connaissance, je crois qu'il y a Québec solidaire qui appuie également, et nous
espérons, dans les prochains jours, voire les prochaines heures, convaincre le
gouvernement, qui a refusé cette motion, de vous permettre d'avoir accès à des
moyens supplémentaires pour assurer une stabilité et des salles de presse et de
payer les gens que vous engagez, les artisans de l'information. Alors, je vous
informe de ça, que, pour nous, ça ne remplace pas... on ne veut pas s'ingérer
dans la structure.
Les questions qu'on pose, elles
m'apparaissent légitimes. Mais on cherche aussi. En échangeant avec vous, il
nous apparaît qu'on voit les défis, comment on peut aussi réfléchir comme
parlementaires à des moyens supplémentaires pour aider l'ensemble des médias.
Et je vous indique qu'on va tenter d'obtenir ce consensus et de convaincre à
nouveau le gouvernement, qui avait refusé d'appuyer cette motion, qui serait
bénéfique pour les médias québécois, quels qu'ils soient. Voilà. Je crois que
je n'ai pas beaucoup de temps encore.
La Présidente (Mme de Santis) :
20 secondes.
M.
Bérubé
: Je
vous remercie. Je vous indique, et je le dis à travers vous, que notre souhait,
c'est que cette pièce législative puisse être adoptée d'ici le 15 juin
prochain. Nous réservons notre vote, suite à un échange avec le caucus, de
façon démocratique, un peu comme ça se passe au Devoir, et vous
dire que ces questions, elles sont posées... mais nous sommes très conscients
de l'importance historique de La Presse et du Devoir.
La Présidente (Mme de Santis) :
M. le député, merci beaucoup. Maintenant, la parole est à la députée
d'Iberville pour six minutes.
Mme Samson : Merci, Mme la
Présidente. Bonsoir, messieurs. En tout cas, on pourra dire que votre
présentation a le mérite d'être claire, presque comme la totalité de vos
papiers, M. Myles, c'est bon.
M. Myles (Brian) : Merci.
Mme Samson : Et j'écoutais
également, Me Ryan, vos explications sur le modèle. Dans le fond, Le Devoir
a été un précurseur d'un nouveau modèle, parce que... est-ce que c'est parce
que vous aviez compris assez rapidement que le modèle traditionnel : J'ai
des pubs, j'ajoute quatre pages, je n'ai pas de pubs, j'enlève quatre pages, ça
ne pourrait pas fonctionner? C'est un calcul qui se faisait dans mon temps, en
tout cas, là : J'ajoute des pages si j'ai des pubs, j'enlève des pages...
D'ailleurs, j'ai toujours trouvé que c'était moins frustrant la presse écrite
que la télévision. La télévision, quand le bulletin de nouvelles, il part, là,
on ne peut pas enlever des topos, là, il faut livrer. C'est comme un avion, les
bancs ne se vendent pas pendant qu'on vole, hein, il faut les vendre au départ.
Mais, vous êtes aussi un précurseur, certainement, dans la création d'un
nouveau modèle de financement, avec des sources différentes. Là, j'entends
M. Myles nous dire qu'il y a certainement d'autres programmes ou d'autres
mesures qui peuvent être mises en place pour aider les médias à passer au
travers, parce que, comme je l'ai dit un peu plus, vous étiez dans la salle.
Moi, j'ai l'impression qu'il y a une autre vague qui va venir après, ça va être
la radio, la télévision, et tout ça.
Est-ce que... Dans votre virage que vous
avez pris, est-ce que vous avez senti que vous pouviez trouver au Québec les
ressources tant humaines que financières pour... est-ce qu'on a les
connaissances, le «know-how», l'expertise pour vraiment accompagner les médias
dans le virage numérique? Est-ce qu'on est assez outillé?
M. Ryan (André) : Je vais vous
parler quelques secondes et je vais céder la parole à M. Myles. D'abord,
on prend les compliments quand ils passent, on vous remercie. Dire qu'on a été
précurseur, je pense que c'est vrai, en partie. Moi, je peux vous dire que j'ai
accédé au conseil d'administration en 2012 et, depuis 2012, on réfléchit aux
transformations, mais on est conscients de ce qui se passe. Le feu court qu'on
a eu par contre, c'est qu'en regardant en arrière, en regardant dans notre
histoire, on a trouvé les jalons de certains éléments de réponse, puisque de
manière ponctuelle, on avait vécu des crises et on était parvenus à y répondre
avec des choses qui existaient, et je donnais l'exemple des amis du Devoir,
qui ont, comme Bryan l'a signalé, depuis 1915, accompagné Le Devoir
en période de tumulte, et ils étaient là, ils étaient disposés, puis c'était
une armée de gens de coeur, de bonne volonté, qui ont cru au projet, puis qui
ont adhéré très rapidement. Donc, oui on a été précurseur en ce sens-là. Pour
le reste, je te cède la parole, Brian.
M. Myles (Brian) : Bien, on...
M. Ryan (André) : ...qui ont,
comme Brian a signalé, depuis 1915, accompagné Le Devoir en période
de tumulte. Et ils étaient là, ils étaient disposés puis c'était une armée de
gens de coeur, de bonne volonté, qui ont cru au projet puis qui ont adhéré très
rapidement. Donc, oui, on était précurseurs, en ce sens-là. Pour le reste, je
te cède la parole, Brian.
M. Myles (Brian) : Bien, on
est restés très humbles, là-dedans, parce que, si on avait trouvé la recette,
là, et le modèle d'affaires puis qu'on était les précurseurs, comme vous le
dites, on l'aurait fait breveter puis on le monétiserait, notre modèle.
Ça s'est fait, je dirais, par intuition et
parfois même par accident. Le Devoir n'a jamais été un succès
d'audience, ça a toujours été une niche, hein, ciblée sur la politique, la
culture, le débat d'idées, le média qui a voulu tirer le Québec vers le haut,
l'amener à se dépasser. Et forcément, on est tombés sur un positionnement qui
est en tête d'épingle. Et la seule façon de tirer son épingle du jeu, c'est de
dépendre de ses lecteurs et des abonnements. On ne peut pas monétiser ça par la
publicité, une niche.
Là, ce qui est arrivé, c'est que Google et
Facebook accaparent 80 % du revenu publicitaire nord-américain, et la
publicité ne reviendra pas dans nos médias. Leur force de frappe, leur capacité
de capter le revenu publicitaire, elle est incomparable et elle est imbattable.
Et récemment, j'étais dans un congrès, à Washington, de gens qui réfléchissent
à l'univers des médias, et quelqu'un a dit : On est passé d'un statut de
média de masse à média de niche. Et ça, ça vaut pour tous les types. Vous
savez, le New York Times, aujourd'hui, dont on vante les succès, c'est
devenu l'équivalent d'un média de niche, parce que le nombre d'abonnés qu'ils
ont, pour un marché de 350 millions de personnes, n'est pas si élevé que
ça, il est juste quatre fois plus gros que le nôtre. Alors, dans une niche,
forcément, par les abonnements, c'est une façon de s'en tirer, mais ça reste
fragile. Le Devoir a 66 % de ses revenus tirés de
l'abonnement. On abonne des gens, au numérique comme au papier, hein, ce n'est
pas vrai qu'on ne peut pas faire payer les gens sur le numérique, et on
monétise notre papier, on ne perd pas d'argent avec le papier, les lecteurs
papier sont prêts à payer cher pour le produit et ils veulent s'injecter du
papier pour 20 ans encore. Alors, on fait un mix, une addition de plateforme
numérique et de papier et on essaie de miser sur l'abonnement. Avec la
philanthropie et l'abonnement, on arrive à 7 $ sur 10 $.
Est-ce qu'on a les outils? On ne les a pas
tous. On a besoin de se doter d'outils d'intelligence d'affaires, de suivre nos
audiences, de créer des contenus ciblés, des verticaux, et on ne peut pas se
permettre de développer ces technologies-là, il faut aller chercher des
licences. Et notre innovation, on la fait dans les contenus, on la fait dans
les formats interactifs, on a fait une carte extraordinaire, on a pris les
données du recensement sur la langue et on a fait une carte qui s'intitulait Quelles
langues parle-t-on dans votre quartier?, et, sur notre téléphone mobile,
ici, on peut localiser la langue parlée par son voisin. Donc, on innove par les
contenus, on n'innove pas par notre capacité de breveter de la technologie
nouvelle.
Ça vient avec un coût. Ce qu'on a sauvé,
dans les vieux frais d'impression et de distribution, on le repaie dans les
nouveaux frais, qui est le frais de développement technologique et
d'acquisition de licences.
Mme Samson : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci. Maintenant, la parole est à la députée de Vahcon pour trois minutes.
Mme Ouellet : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue. Vous avez parlé beaucoup de la gouvernance, vous étiez
très fiers de votre modèle de gouvernance, comment vous nommiez, là, les
directeurs puis tout ça. Est-ce que vous diriez que le modèle de gouvernance
proposé par Power Corporation pour l'OBNL, qui est très différent du vôtre,
vous, vous avez clairement une indépendance que... par rapport à vous, en tout
cas, il n'y a pas d'indépendance, et qu'à ce moment-là ça pourrait même faire en
sorte que, lorsqu'on parle de liberté de presse... que la liberté de presse
n'est plus complètement là?
M. Ryan (André) : Ce que je
peux vous dire, et je ne pense pas être qualifié, à titre de président du
conseil d'administration du Devoir, pour commenter la structure de
gouvernance proposée par Power Corporation... Nous, on est extrêmement fiers de
la nôtre... par LaPresse, pardon, et on estime, et ça a
toujours été au coeur de la mission du Devoir, que la mise en place des
structures propres à assurer l'indépendance de l'équipe éditoriale sont
fondamentales, sont une caractéristique, je dirais, dominante, pour laquelle le
journal est reconnu.
Brian a parlé tantôt de média de niche.
Dans la niche que nous occupons, on estime que c'est une donnée fondamentale et
on ne fera pas de compromis sur celle-là. À l'occasion de la recapitalisation
que nous avons complétée l'année dernière, on a échangé avec nos partenaires,
et ça faisait partie tellement de notre ADN, qu'ils l'ont acceptée.
Mme Ouellet : Vous estimez
que c'est fondamental. Est-ce que vous estimez que c'est aussi de la
responsabilité des parlementaires de s'assurer de l'indépendance de l'équipe de
direction?
M. Myles (Brian) : Moi, je
dirais qu'on met le pied sur une pente savonneuse, à partir de là.
Mme Ouellet : ...parce que
vous êtes très préoccupés par l'indépendance par rapport aux parlementaires,
mais vous ne semblez pas être très préoccupés par l'indépendance par rapport à
d'autres entités.
• (20 h 30) •
M. Myles (Brian) : Il y a
l'indépendance rédactionnelle, qui est...
20 h 30 (version non révisée)
M. Myles (Brian) : ...moi, je
dirais qu'on met le pied sur une pente savonneuse à partir de là.
Mme Ouellet : Il n'y a pas d'orientation
de l'indépendance, parce que vous êtes très préoccupé par l'indépendance par
rapport aux parlementaires, mais vous ne semblez pas être très préoccupé par
l'indépendance par rapport à d'autres entités.
M. Myles (Brian) : Bien, il y
a l'indépendance rédactionnelle qui est fondamentale, mais des entreprises de
possession privée, il y en a, il y en a plusieurs. La vraie question au fond,
c'est : Est-ce que ça va être un véritable OBNL? Puis ça, c'est
l'expérience qui va le montrer.
Mme Ouellet : Oui, mais
l'infrastructure présentée, il y a quand même des signes précurseurs. Et si on
voit qu'il n'y a pas d'indépendance de l'équipe rédactionnelle, si on voit
qu'il n'y a pas d'indépendance de la ligne éditoriale, vous dites, c'est vous
qui décidez la ligne éditoriale, la ligne éditoriale serait imposée dans le cas
de l'OBNL et qu'il ne faut pas tenir le crayon à la place des gens. On a déjà
des signes précurseurs qui démontrent que l'indépendance ne sera, à tout le
moins, pas complète. Il n'y a pas une préoccupation de votre part? Que vous
avez une très grande préoccupation que ça reste indépendant du politique, mais
le politique, on n'a pas la... devrait avoir la préoccupation qu'il y ait une
indépendance, justement pour que ça soit indépendant ni dans une direction ni
dans l'autre, mais que ce soit indépendant? Parce qu'actuellement, ça ne semble
pas être le cas du côté de l'OBNL avec Power Corporation.
M. Myles (Brian) :
Personnellement, je ne souhaiterais pas être obligé de venir témoigner de
l'indépendance de ma structure devant des parlementaires. C'est les règles de
gouvernance qu'on se donne qui créent l'indépendance et on s'est doté d'un
système de pouvoir et de contre-pouvoir. Le directeur qui est nommé par les
fiduciaires, le directeur nomme la moitié du conseil, l'autre moitié vient des
actionnaires, le syndicat qui siège au conseil et qui a accès à l'ensemble des
données financières de l'entreprise, la reddition de comptes qu'on fait aux
employés, je présente la rapport annuel avec l'ensemble des chiffres à
l'ensemble du personnel...
La Présidente (Mme de Santis) :
Terminé.
M. Myles (Brian) : ...et puis,
pour moi, c'est là où on réussit à asseoir dans l'expérience et dans le temps la
viabilité de la structure.
La Présidente (Mme de Santis) :
Merci beaucoup, M. Myles. Merci, M. Ryan. Nous apprécions énormément votre
contribution à nos travaux. Merci à tous ceux et celles qui ont participé.
Alors, la commission ayant accompli son mandat, je lève la séance et la commission
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 20 h 32)