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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le jeudi 21 octobre 1971 - Vol. 11 N° 93

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 28 - Loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Education

Projet de loi no 28

Loi concernant la restructuration des

Commissions scolaires sur l'île de Montréal

Séance du jeudi 21 octobre 1971

(Dix heures treize minutes)

M. PILOTE (président de la commission permanente de l'Education): A l'ordre, messieurs! La parole est à M. Bernard Grégoire, représentant du comité consultatif de la CECM.

Comité consultatif de la CECM

M. GREGOIRE: Bonjour, M. le Président. Je vous remercie, M. le Président, de même que les membres de votre commission, d'avoir accepté de nous entendre ce matin. Je vous présente immédiatement les gens qui m'accompagnent. A ma gauche, Mme Terry Killins, qui est mère de famille et a quatre enfants dans les écoles de la CECM; M. Georges Lahaise, qui est aussi membre du comité consultatif de la CECM et a deux enfants dans les écoles de la CECM. Moi, j'en ai quatre, ce qui veut dire qu'à nous trois nous en avons dix. Je remonte la moyenne de mon ami Lahaise. Nous avons...

M. CARDINAL: Pardon, M. Grégoire. Hier, j'ai soulevé la question de la représentativité. Est-ce la réponse que vous venez nous donner ce matin?

M. GREGOIRE: Non, j'ai d'ailleurs l'intention de répondre aux questions du député de Bagot. Il a, hier, entrouvert une porte, et j'ai l'impression qu'ayant été ministre de l'Education, le député de Bagot est sûrement au courant de ce dont il s'agit quand on parle des comités consultatifs.

Cependant, en ouvrant cette porte je discerne un certain machiavélisme et peut-être la possibilité de vous parler des comités de parents, de vous parler des parents. C'est revenu plusieurs fois, au cours de la journée d'hier. Alors que j'assistais à vos débats, j'ai remarqué que c'était une préoccupation. C'est sûrement très important parce que la clientèle que vous touchez avec le projet de loi 28, en fait, en ce qui concerne la CECM, c'est 220,000 enfants; donc, on peut dire près d'un demi-millions de parents.

Je continue mes présentations. M. Pellegrino fait partie du personnel de la CECM et nous aide, du côté anglophone, pour nos réunions du comité consultatif, du côté francophone, M. Jean-Paul Charbonneau est secrétaire du comité.

Je n'ai pas l'intention de vous lire notre mémoire. Je vous ferai un bref exposé en trois parties. D'abord, je vous parlerai des comités d'écoles, tels qu'ils sont. Je tenterai de répondre à la question du député de Bagot, je vous parlerai de l'attitude des parents vis-à-vis de la CECM et ensuite et je vous parlerai de l'attitude des parents vis-à-vis du projet de loi no 28.

Tout d'abord, je dpis remercier la CECM d'avoir accepté que nous présentions ce mémoire séparément. Il eut été peut-être plus normal, plus logique, étant un comité de la CECM, que nous présentions notre mémoire aux commissaires et qu'ensuite, eux, vous fassent part des vues des parents.

Mais, devant l'importance du sujet, nous avons demandé aux commissaires d'être entendus séparément, parce qu'on leur a dit: S'il fallait que les parents soient en désaccord avec les commissaires de la CECM, nous pensons que les législateurs devraient le savoir, et la même chose s'ils sont en accord. C'est comme ça que nous sommes parvenus à cette formule. Donc, je remercie la CECM.

Sans plus tarder, quant aux comités consultatifs à la CECM, Mme Roux, hier, vous en a tracé un tableau assez précis. Présentement, 300 comités fonctionnent sur une possibilité de 350 écoles. Ces comités sont élus, évidemment, au cours de réunions de parents dans chacune des écoles. On convoque les parents et parfois, par exemple dans une école de 800 parents, il peut arriver que 700 parents viennent, mais c'est très rare. Il va arriver plus souvent qu'il y en ait 100 ou 150. A ce moment-là, ça se fait un peu à la bonne franquette. On doit reconnaître évidemment que le système n'est pas parfait.

Les comités sont formés au niveau de chacune des écoles. Comme la CECM se divise en sept territoires administratifs, les comités d'école de chacun de ces territoires élisent ensuite un comité consultatif régional qui discute des questions régionales avec l'administration de la CECM au niveau régional. Ensuite, les sept régions délèguent sept représentants en haut de la pyramide au niveau des commissaires, pour siéger au comité consultatif d'éducation. C'est de là qu'on vient.

Pour ma part, j'ai été élu dans une école; ensuite, j'ai été élu président du comité consultatif de cette école, l'école Evangéline; ensuite, j'ai été élu au comité consultatif régional Après, j'ai été élu président du comité consultatif régional de la région no 5 et ensuite, j'ai été mandaté au comité consultatif de la CECM; ensuite, élu président. C'est comme ça que je suis ici ce matin.

Une autre question a été posée hier. On a demandé: Est-ce que ces comités sont financés par la CECM? M. Dugas a dit oui. Je voudrais peut-être nuancer cela un peu. C'est oui et c'est non, en ce sens que la CECM, pour ces comités, fournit $0.20 par élève si le comité est formé avant Noël.

Elle fournit $0.10 par élève, s'il est formé après Noël et le montant versé ne doit pas dépasser un maximum de $350. Dans mon école, par exemple, on reçoit environ $238.85 et je dois vous dire qu'au bout de deux mois

l'argent est dépensé. La plupart du temps il est dépensé pour l'achat de timbres, pour les frais de poste, c'est-à-dire envoyer les communications aux parents. C'est là le financement des comités consultatifs.

Evidemment, quand on multiplie ça par 300 comités consultatifs, il faut admettre que ça fait, en chiffres absolus, un effort assez important de la part de la CECM.

De plus, la CECM...

M. PICARD: A la suite de l'augmentation des tarifs postaux a-t-on augmenté votre cotisation?

M. GREGOIRE: Non, on n'a pas augmenté notre cotisation pour l'instant.

M. PICARD: Comment pouvez-vous arriver à envoyer des avis à $0.07?

M. GREGOIRE: Nous n'arrivons pas et peut-être qu'un jour nous pourrons nous adresser au ministère des Postes à ce sujet-là.

De plus, la CECM nous donne de l'aide, en ce sens qu'elle nous fournit les services des deux personnes que je vous ai présentées tantôt qui s'occupent du fonctionnement du comité. Elle nous fournit les locaux où nous devons nous réunir et elle nous permet aussi de faire appel à des ressources humaines si, par exemple, nous avons besoin de techniciens pour nous expliquer un problème donné, parce que nous ne sommes pas des experts en éducation, loin de là, nous pouvons, par le truchement de la CECM, demander à un fonctionnaire de venir nous expliquer de quoi il en retourne.

Alors, la participation des parents au niveau des comités consultatifs est assez bonne. Evidemment, certains comités fonctionnent mieux que d'autres, mais ça dépend des gens qui en font partie. Dans l'ensemble, je peux dire que nous sommes de plus en plus satisfaits de la chose et c'est important d'en parler parce que, dans le projet de loi 28, il est question de comités d'écoles.

Quant à l'attitude des parents vis-à-vis de la CECM, je veux vous en parler assez brièvement, ça ne fait pas partie du projet de loi 28 comme tel, mais c'est pour "contextualiser" la question.

Quand vous demandez aux parents ce qu'ils pensent du projet de loi 28, c'est assez étrange, mais l'on s'aperçoit qu'ils sont un peu surpris et ils se disent, à priori, satisfaits de la CECM. Ils disent ça va bien, nous sommes contents, c'est efficace, c'est honnête, ça marche. Ils sont satisfaits mais évidemment ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas certains griefs, il y en a.

Par exemple, les parents sont mécontents de l'enseignement de la langue seconde. C'est une chose qui revient souvent surtout du côté francophone. Du côté anglophone aussi, mais ils sont mécontents de l'enseignement religieux, et cela revient peut-être plus du côté francophone.

Il y a aussi les griefs qui sont très localisés, par exemple, dans le cas où la construction d'une école ne serait pas terminée à temps. Bien, dans ce secteur-là, il peut y avoir des parents qui sont un peu en colère. Des petites choses comme ça. Mais dans l'ensemble, les parents sont assez satisfaits. C'est pour ça que lorsqu'on leur parle du projet de loi no 28, ils commencent à se poser des questions, parce qu'ils ne savent pas ce que c'est.

Alors, nous, dans les délais très courts qu'on avait, on a réussi quand même à faire parvenir un exemplaire du projet de loi à tous les membres de tous les comités consultatifs accompagné d'un document que nos collègues du comité de la CECM ont préparé, un document synthèse qui résumait, autant que faire se peut, le projet de loi no 28 et qui le comparait avec la situation actuelle, si vous voulez, dans le domaine scolaire de Montréal.

Ce document a donc été envoyé à tous les comités et on leur a demandé d'étudier le projet de loi no 28, de se réunir au niveau régional, d'en reparler et ensuite de nous faire rapport. Cela a été fait. Cela a été fait dans certaines régions avec beaucoup de succès. Dans la mienne, par exemple, parce que c'est celle-là que je connais le mieux, le lundi 20 septembre, tous les présidents des comités consultatifs se sont réunis et ont préparé un rapport qu'ils nous ont soumis. C'est la somme de tout cela qui nous a permis de préparer le mémoire que vous avez devant vous.

Alors, dans les grandes lignes, quelle est l'attitude des parents? Qu'est-ce qui ressort de cela vis-à-vis du projet de loi no 28? Ils sont d'accord sur les lignes de force du projet de loi no 28. Ils sont d'accord sur la restructuration, sur le conseil scolaire, sur les commissions scolaires unifiées. Dans notre comité, il y a eu, toutefois, une dissidence, comme vous le remarquerez, c'est qu'au sein du comité consultatif de la CECM, il y a un membre qui nous est délégué par l'Association des parents catholiques. Cette personne, évidemment, c'était normal pour elle de s'opposer à ce mémoire parce que nous, nous étions d'accord sur le principe des commissions scolaires unifiées. Il y a eu une seule dissidence qui est celle-là.

M. CARDINAL: Je suis à me demander si c'est la dissidence à laquelle j'ai fait allusion, hier, parce que j'ai mentionné que le ministre de l'Education, deux autres députés et moi-même avons reçu une lettre d'un secrétaire-trésorier d'un comité de parents de la commission scolaire de Montréal. Je n'ai pas voulu identifier alors...

M. GREGOIRE: Voici, au sujet de cette lettre, je sais à quoi vous faites allusion.

C'est que, la semaine dernière, au cours de l'émission de télévision Format 30, j'ai expliqué que les parents, en majorité — j'ai bien dit, à ce moment-là, "en grande majorité" — étaient

d'accord sur le principe des commissions scolaires unifiées. Evidemment, il y en a parmi mes 400,000 électeurs qui ne sont pas d'accord. Parmi ceux-ià, il y en a un qui s'est demandé de quel droit j'allais affirmer que les parents étaient en majorité en faveur des commissions scolaires unifiées. C'est ce monsieur-là qui a envoyé la lettre dont vous parlez. Je n'ai reçu qu'une seule lettre. C'est la seule intervention.

M. CARDINAL: C'est exact. Je ne le souligne pas pour vous embarrasser. Dans le fond, les questions que je pose — je reviens à une phrase que vous avez dite plus tôt — ce n'est pas par machiavélisme, mais c'est parce qu'enfin il est exact que j'ai déjà occupé le poste que l'honorable Saint-Pierre occupe aujourd'hui. Le projet de loi no 28 est quelque chose de compliqué. Même si les députés l'ont étudié, tous les organismes qui viennent devant nous, il faut pouvoir les replacer dans un contexte. Vous l'avez dit, vous-même. Comme il n'y a eu qu'une lettre d'envoyée et qu'elle n'a été envoyée qu'à quatre députés seulement, j'ai voulu soulever le fait pour que, justement, on se rende compte qu'en majorité les parents vous ont vraiment donné un mandat pour être leur porte-parole dans le cadre de ces comités consultatifs. Je pourrais même ajouter ceci: Il m'est arrivé à moi-même d'expliquer le projet de loi no 28 pendant deux heures à la radio. Le résultat a été que j'ai constaté moi-même que, sauf une exception, les parents demandaient d'abord à être renseignés et, deuxièmement, étaient, en principe, d'accord sur ce que vous avez appelé les lignes de force du projet.

M. GREGOIRE: C'est exact.

M. CARDINAL: Et c'est exact qu'il n'y a eu qu'une lettre de protestation.

M. GREGOIRE: M. le Président, je remercie le député de Bagot pour son intervention. Il est exact qu'à ma connaissance il y a pas eu de contestation sur ce que j'avais dit à ce moment-là, sauf la lettre dont on parlait. Je vous ai expliqué le mécanisme qui, à mon sens, est très démocratique pour l'élection des comités. Il y a peut-être une chose que je dois ajouter, c'est qu'hier on parlait du financement des comités consultatifs. Je vous ai expliqué comment on était financé. Je dois vous dire que nous sommes tous, évidemment, bénévoles. Lorsque nous sommes ici, ce matin, nous ne sommes pas à notre travail. Nous ne sommes pas des spécialistes de l'éducation. Nous sommes des parents et nous avons appris, depuis quelques années, avec ce système de comités consultatifs, à connaître la participation. Nous pensons que c'est une formule valable et qu'il va falloir l'enrichir de plus en plus. A travers le projet de loi no 28, je pense que cela va se faire. Maintenant, je suis prêt à répondre à vos questions sur notre mémoire. Je n'avais pas l'intention de vous le lire, je ne crois pas que ce soit nécessaire.

M. CARDINAL: J'aurais une question à poser. Est-ce que le comité consultatif désire que ce mémoire soit déposé au journal des Débats, vu qu'il est relativement court, ou que, simplement, les députés en prennent connaissance?

M. LE PRESIDENT: Nous pouvons permettre aux membres que leur mémoire soit publié dans le journal des Débats.

M. GREGOIRE: Si vous voulez.

M. CARDINAL: C'est parce qu'en fait cela donne un élément de référence, éventuellement. Nous sommes présentement en première lecture. La deuxième lecture n'est pas commencée. Nous aurons tout le temps — je l'ai dit au ministre au tout début — de réétudier le projet de loi 28 après avoir entendu de nombreux groupes, mais je trouverais qu'en général il serait utile que nous ayons les textes ou, au moins, des synthèses des textes au journal des Débats pour pouvoir s'y référer au moment de la deuxième lecture et, particulièrement, du comité plénier.

M. GREGOIRE: C'est là une technicité à laquelle je ne peux pas m'opposer. (Voir annexe A).

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Si vous me permettez, je passe rapidement à certaines des recommandations que vous faites.

M. GREGOIRE: Oui, d'accord.

M. CHARRON: J'aimerais avoir des explications sur quelques-unes d'entre elles.

Vous vous dites d'accord sur l'article qui permettrait au ministre de nommer deux commissaires là où la minorité ne serait pas représentée. Etes-vous d'accord aussi sur le dédoublement de structures, l'article qu'on appelle celui des adjoints? Vous êtes d'accord sur le fait que le directeur général ait un adjoint francophone. Mais la CECM, hier, nous avait aussi dit qu'elle était d'accord sur cela mais qu'elle ne demandait pas le dédoublement au niveau du directeur du service aux étudiants, du directeur du service pédagogique et du directeur du service du personnel, comme le dit le projet de loi. Est-ce que les parents ont exprimé une opinion là-dessus?

M. GREGOIRE: Les parents n'ont pas tellement exprimé d'opinions à ce sujet. Nous ne sommes pas allés assez loin, je pense. Nous sommes plutôt d'accord sur le projet de loi tel qu'il est.

M. CHARRON: Plus loin, sur ce qui vous concerne, disons, plus pratiquement, vous, les parents, qui aurez à vivre dans cette nouvelle structure, vous demandez qu'un tiers des commissaires de chacune des commissions scolaires soit élu par un collège électoral qui serait formé des comités d'écoles. C'est une entaille au principe du suffrage universel qu'apporte le projet de loi. Pourquoi? J'imagine que vous avez des motivations.

M. GREGOIRE: Oui. Il est vrai qu'en démocratie pure c'est une entaille, comme vous dites. Nous le reconnaissons. Nous avons évidemment, comme vous pouvez le penser, repêché cela dans l'article 640 du projet de loi 62, où il était question d'un collège électoral.

Et on pense que les parents ont un rôle primordial à jouer dans le contexte scolaire à Montréal, beaucoup plus, par exemple, que le propriétaire d'un immeuble, qui paye des taxes évidemment, mais qui n'aurait pas d'enfants à l'école qui ne serait pas intégré, si vous voulez, à la communauté scolaire. Lui aussi il va voter au suffrage universel.

Le parent, lui, qui aurait des enfants à l'école, selon ce que nous proposons — et cela a été unanime dans tous les comités consultatifs de proposer cet amendement-là — a beaucoup plus d'intérêt à la chose scolaire. Cela lui donne deux votes à lui, parce qu'il va voter au suffrage universel, d'une part, et il va voter via son collège électoral pour trois commissaires.

Mais nous pensons que nous avons besoin de la participation des parents. Et si nous ne donnons pas au comité d'écoles un rôle un peu de décision, un rôle de participation vraiment active les parents vont se désintéresser, alors qu'au contraire il faut les intéresser de plus en plus.

Il faut les intéresser de plus en plus, les parents, parce que depuis 1960 il y a eu des bouleversements assez considérables dans le domaine de l'éducation. La génération de parents qui est là présentement est formée de gens qui sont allés à l'école dans l'ancien système et, depuis I960, nous tentons de leur apprendre ce qu'est le nouveau système; nous avons de la difficulté à les faire participer parce qu'ils ne s'y retrouvent pas. C'est là l'importance des comités d'écoles. Plus ils vont participer, plus ça va être démocratique, à l'envers de l'entaille, si vous voulez; je pense que ça va aller mieux à long terme.

M. CHARRON: Je trouve curieux que votre recommandation là-dessus — je comprends votre motivation — ait comme but ultime d'augmenter la participation. Si les parents sentaient que ce pouvoir-là leur est reconnu, ils seraient peut-être plus intéressés. Mais je trouve curieux que vous ne demandiez pas que ce soit au niveau de l'école, là où ils travaillent, que les pouvoirs soient accrus plutôt que dans le choix des commissaires. Vous jugez acceptables les fonctions attribuées aux comités d'écoles. D'autres groupes sont venus nous dire ici qu'ils les trouvaient floues — pour reprendre l'expression que j'ai utilisée avec Mme Roux hier.

Pour augmenter le pouvoir des parents, vous portez le pouvoir dans la nomination des commissaires plutôt que dans la vie interne de l'école.

M. GREGOIRE : Nous ajoutons autre chose à la vie interne de l'école. Si vous remarquez, plus loin dans le mémoire, nous ajoutons que les parents du comité devraient être consultés avant la nomination du principal de l'école.

Cela, c'est une responsabilité accrue pour le comité d'école.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, la parole est au ministre de l'Education.

M. SAINT-PIERRE: Sur un point j'aimerais obtenir votre point de vue. Compte tenu que nous recherchons de la part des parents des candidats possibles pour occuper les postes de commissaires, est-ce que votre groupe serait favorable, contrairement au projet de loi, à ce que le renouvellement des commissaires sur une période de quatre ans se fasse en bloc, c'est-à-dire qu'un peu à long terme on applique le principe du parti scolaire qui se présenterait avec un programme défini et qu'il y aurait une rupture dans le mandat des commissaires, leur terme se terminant à la même date? Si vous étiez favorables ou non, pourriez-vous m'expliquer pour quelle raison?

M. GREGOIRE: Oui, M. le Président, c'est une bonne question. M. le ministre, on est favorable à cela. On est favorable à une élection tous les quatre ans, tout le monde en même temps. Mais quand je dis tout le monde, je veux dire aussi les conseillers municipaux. On pense que la simultanéité va accroître de part et d'autre l'intérêt pour la chose publique. La cité, en somme, avec le phénomène d'urbanisation, c'est l'école, c'est la ville, ça va un peu tout ensemble. Si une question est débattue sur le plan municipal, par exemple, cela va intéresser les gens à aller voter. Si, par ailleurs, c'est assez tranquille du côté municipal et qu'il y a une question intéressante du côté scolaire, ils vont être intéressés à y aller en même temps. Ils auront leurs deux papiers puis ils voteront. Cela va un peu tout ensemble.

Dans cette optique, on est contre la rotation, donc pour une élection simultanée tous les quatre ans.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que cela ne rend pas plus difficile la participation de parents qui pourraient être très bien préparés à remplir un rôle de commissaires? Est-ce que cela ne favorisera pas un petit peu la formation de partis politiques scolaires, ce qui rendrait très difficile la participation par la suite de groupes

de parents ou d'un parent individuellement qui, à moins de faire partie d'une alliance ou d'être accepté par un groupe qui trouve impossible...

M. GREGOIRE: C'est une hypothèse qu'il faudrait vérifier à l'expérience. Evidemment, dans une grande ville comme Montréal on ne l'a pas vécue encore. Peut-être que si, comme vous le dites hypothétiquement, il se formait des partis, même des coteries, je me demande si ce serait vraiment mauvais. En plus de cela, en faisant cette simultanéité d'élections, il y aurait pour le contribuable montréalais une économie substantielle, puisque c'est le même cens électoral, ce sont les mêmes voteurs, le suffrage universel à 18 ans. Et si on additionne cela de quatre ans en quatre ans, d'après les informations que j'ai eues auprès des fonctionnaires de la communauté urbaine, on sauverait entre $2 millions et $3 millions à chaque élection.

C'est là une affaire que vous allez trouver dans notre mémoire. Je ne l'ai pas vu ailleurs, mais c'est un fait. Oui, en posant des questions j'ai appris aussi que c'est ce qui se fait à Toronto, semble-t-il et on m'a dit que cela fonctionne bien.

M. CHARRON: D'autre part, avec la notion de partis scolaires, je sais très bien que des gens peuvent avoir peur rien qu'à cette mention, parce que ça peut vouloir dire de la propagande, des posters, la Brinks, tout ce que vous voulez, sur le plan scolaire, des choses absolument inacceptables quand on travaille dans le monde de l'éducation. Le parti scolaire peut vouloir dire aussi l'occasion de regrouper des hommes professant la même idée, ce qui fait que ça augmente le choix de la personne.

S'il n'y a pas de parti scolaire, c'est au hasard du résultat dans les quinze quartiers que va se déceler une majorité. Ces gens ne se connaissaient peut-être même pas avant. Ils vont se retrouver tous les quinze en face et ils vont avoir à administrer une commission scolaire sans même s'être entendus sur un certain nombre de principes d'administration scolaire, au départ, qui fait que quand il y a une majorité, on sait où on s'en va.

L'existence de l'action simultanée va donner naissance à, je n'appellerais pas cela des partis mais, des plate-formes — avec le mot anglais — sur lesquelles un certain nombre de candidats pourraient s'entendre, ce qui valorise la participation des citoyens. Là, désormais, ils savent à quoi ils s'engagent quand ils votent pour un homme en place.

M. GREGOIRE: Il y a une autre chose aussi. S'il y a rotation au niveau des commissaires d'une commission scolaire donnée et si, par hasard, vous n'êtes pas satisfaits de votre administration scolaire, cela devient très difficile de déloger ceux qui sont en place. Tandis que si vous avez une élection globale, à un moment donné, au bout de quatre ans, par exemple — on a dit quatre ans parce que cela coincide avec le municipal — vous pouvez faire un changement, si vous n'êtes pas satisfaits.

La période de quatre ans donne évidemment l'occasion aux hommes en place de vraiment... Vous le savez, vous autres, cela prend un élan pour vraiment se mettre au travail et comprendre les problèmes du milieu. Trois ans, c'est peut-être un peu court.

M. SAINT-PIERRE: M. Grégoire, il y a un autre point. Les garanties confessionnelles prévues au projet de loi 28 apparaissent-elles satisfaisantes aux parents que vous avez consultés?

M. GREGOIRE: Oui, elles paraissent satisfaisantes. D'après ce que j'ai entendu de beaucoup de parents — je ne veux pas dire la totalité, encore une fois, des parents, je ne veux pas être mal interprété — présentement, dans le système actuel, l'enseignement religieux est quasi inexistant. Cela s'appelle la Commission des écoles catholiques de Montréal mais ce n'est pas en consacrant le statu quo, par exemple, que cela améliorerait les affaires. Tandis qu'avec le projet de loi 28, si j'ai bien compris, les parents vont pouvoir, au niveau de l'école, s'en occuper et dire: On veut de l'enseignement religieux de telle façon, et le surveiller de près. S'ils en veulent, ils l'auront, je pense, d'une façon beaucoup plus active que cela se fait maintenant.

M. CARDINAL: Dans le même ordre d'idées, M. le Président, en d'autres mots, votre position est que ce n'est pas la structure qui assure la qualité de l'enseignement religieux, c'est l'intérêt des parents au niveau du comité d'école.

M. GREGOIRE: C'est exactement cela, M. le Président. C'est vrai, ce que dit le député de Bagot. C'est l'intérêt des parents au niveau de l'école qui va, je pense, donner un nouvel essor à l'enseignement religieux si les parents le désirent, et je pense qu'ils le désirent.

M. SAINT-PIERRE: M. Grégoire, une dernière question à titre général. Je sais que nous avons à Montréal, sur le plan scolaire, une situation de fait qui a un historique, dans certains cas, de plus de 25 ans.

Cela fait sept ou huit ans que nous tentons de nous attaquer à ce problème, non pas que les nouvelles structures scolaires pourraient être une panacée à tous nos problèmes, mais les dispositions que nous avons prévues pourraient peut-être vous permettre d'atteindre plus facilement certains objectifs que tous semblent partager: les francophones, les protestants et les anglophones.

Ma question ne veut pas un jugement de votre part, mais, de la consultation des parents, d'une part — et c'est ma première question —

est-ce que vous avez l'impression que le gouvernement s'attaque, en tentant de transformer le statu quo, à un problème qui n'existe pas ou est-ce que, d'après les parents, il y a une nécessité réelle de changer le statu quo? Ma deuxième question: Avez-vous l'impression que, même si le gouvernement et le législateur font face à des demandes contradictoires et qu'on a, dès le départ, l'assurance qu'on ne pourra pas satisfaire quand même tout le monde, on peut régler certains problèmes par le projet de loi 28?

M. GREGOIRE: Certainement, pour répondre à votre première question, M. le ministre. Nous pensons que le projet de loi va aider à régler des problèmes. Il va peut-être en susciter certains autres. C'est inévitable. Mais, dans l'ensemble, je pense qu'on peut être favorable parce que c'est un pas important en avant. Je pense que ça vient couronner tout le changement qui s'est fait depuis 1960 dans le domaine de l'éducation. Il fallait arriver à la démocratisation de l'enseignement à Montréal, et je pense que c'est nécessaire.

Dans notre comité consultatif, nous avons une participation très active des anglophones catholiques. On a discuté longuement des différents aspects du projet de loi vis-à-vis d'eux et vis-à-vis de nous. On a compris leur point de vue facilement, leur crainte à l'effet que, dans une commission scolaire, il pouvait y avoir évidemment une minorité d'anglophones catholiques et que les ressources pédagogiques, à ce moment-là, pouvaient être déficientes. C'est pour ça que, dans notre mémoire, vous allez trouver une suggestion que nos collègues de langue anglaise ont appelée 1'"overlapping"; c'est le chevauchement, si vous voulez, des ressources pédagogiques et des ressources administratives entre les commissions scolaires. Il y a cette possibilité de chevauchement pour satisfaire ces minorités. C'est pour ça que nos collègues de langue anglaise dans le comité se sont facilement ralliés à notre mémoire et c'est pour ça que, sauf la dissidence que j'expliquais au début, cela a été l'unanimité entre anglophones et francophones.

M. SAINT-PIERRE: Merci, M. Grégoire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je reviens à la question confessionnelle, M. Grégoire. Vous avez dit tout à l'heure que vos consultations auprès des parents vous permettent de dire que, dans l'ensemble, les parents sont satisfaits du projet de loi 28 en ce qui concerne l'organisation d'écoles confessionnelles.

M. GREGOIRE: M. le Président, comme je le disais, les parents présentement ne sont pas satisfaits de l'enseignement religieux qui se fait dans les écoles. Même si notre consultation, dans les délais que nous avions, est imparfaite — je dois le reconnaître — ce qu'on a pu faire sortir de tout cela, c'est qu'en face du projet de loi 28 il y a une nouvelle confiance. Il semble que les parents sont prêts à faire confiance à cette nouvelle structure et, sur le plan confessionnel, on pense que ça peut être excellent.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Grégoire, dans les circonstances, compte tenu de ce que vous venez de dire, vous ne seriez pas d'avis que l'on procède à cette restructuration scolaire de l'île de Montréal par étapes justement afin de sauvegarder ce que l'on appelle des droits en matière de confession religieuse pour permettre une meilleure organisation de l'école catholique sur l'île de Montréal.

M. GREGOIRE : Nous pensons que le conseil provisoire qui sera responsable de l'implantation des nouvelles structures, devrait pouvoir établir son propre échéancier. Pourquoi? Parce qu'il sera, nous pensons, plus près des réalités du milieu que — je m'excuse, M. le ministre, — le ministère de l'Education, et s'il doit se conformer à des échéances, tant mieux si le conseil provisoire arrive à l'intérieur des dates que veut bien lui fixer le ministère. Mais nous sommes d'avis qu'il ne faudrait pas, pour ça, brusquer les choses.

Nous pensons ainsi parce que c'est important pour nos enfants d'abord, ça va nécessairement entraîner un certain bouleversement chez les enfants, chez les parents, chez les enseignants, dans l'administration, etc. Si nous ne voulons pas que les enfants en souffrent, il faudra que ça se fasse avec certaines étapes. Et cela c'est important.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela, c'est en ce qui concerne l'organisation interne...

M. GREGOIRE: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... de fait qui se fera par le truchement du comité provisoire. De vos propos, M. Grégoire, pouvons-nous conclure, vous l'avez dit tout à l'heure, j'aimerais que vous le répétiez, que vous considérez que ce ne sont pas les structures qui doivent être catholiques, protestantes ou juives, mais que ce sont les individus, c'est-à-dire les hommes à l'intérieur de ces structures qui doivent assumer la responsabilité d'organiser l'école catholique, juive ou protestante, enfin, appelons ça d'un terme général, l'école confessionnelle et que par les comités de parents, les comités d'écoles, vous avez là les garanties suffisantes pour que l'enseignement religieux dont vous déploriez tout à l'heure la qualité soit amélioré.

M. GREGOIRE: C'est juste. Nous pensons qu'au niveau de l'école, les parents peuvent agir de façon plus concrète pour obtenir un meilleur enseignement religieux. Puisque présentement, comme je le disais, ça semble difficile de le faire à l'intérieur d'une commission scolaire. Au

niveau de l'école, enfin, en ayant étudié le projet de loi 28, nous pensons que ça peut améliorer. Loin de nous, évidemment, l'idée d'abandonner la confessionnalité. Les parents, au contraire, y tiennent, dans la majorité des cas, j'en suis sûr. C'est la façon d'y arriver. Nous pensons que le projet de loi 28 à ce sujet nous donne les garanties nécessaires.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le projet de loi 28 vous parait donner les garanties nécessaires. Alors, vous considérez qu'une sorte de comité de vigilance peut jouer ce rôle de surveillance nécessaire pour que soit maintenu l'enseignement confessionnel dans les écoles de l'île de Montréal.

M. GREGOIRE: Si je comprends bien, il y a deux choses qui vont protéger la confessionnalité, il y a le comité d'écoles, d'une part, et, d'autre part, les comités confessionnels à l'article, je pense. 593 et aux suivants qui viennent ajouter à ça.

Avec ces deux mesures, je pense qu'on devrait pouvoir y arriver et même améliorer la situation.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Grégoire., on parle de l'engagement d'un responsable de l'enseignement religieux dans les diverses écoles ou dans certains groupes d'écoles regroupées; croyez-vous que ce soit là une mesure suffisante, à votre avis, pour maintenir, conserver et améliorer l'enseignement confessionnel?

M. GREGOIRE: Je n'ai pas compris la première partie de votre question. Qu'est-ce qui devrait être suffisant, dites-vous?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): L'engagement d'un responsable de l'enseignement religieux dans les diverses écoles.

M. GREGOIRE: Je pense que oui, en autant que les parents au comité de l'école désirent cet enseignement religieux, qu'ils participent vraiment et qu'ils surveillent la chose. Je pense que cela peut se faire. Là-dessus, je me souviens que, hier, au cours des débats, on a parlé des structures à donner aux comités d'écoles et, là, je rejoins un peu votre question, M. le député. On a parlé de souplesse vis-à-vis des comités consultatifs. Il faut s'entendre là-dessus. Nous, nous pensons qu'il doit y avoir quand même une certaine standardisation pour qu'on puisse parler tous le même langage et que cela ne soit pas la tour de Babel à l'intérieur de cela. Il faudrait que dans la loi ou dans les règlements qui suivront on retrouve certaines modalités qui seraient les mêmes pour tout le monde. Mode d'élection, par exemple, des comités consultatifs. Composition du comité consultatif pour telle grosseur d'école, tant de parents, finance ment, etc Que les comités soient structurés de la même façon d'une école à l'autre au niveau de l'île de Montréal. Je pense que cela serait excellent.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On nous a fait, M. Grégoire, une objection au sujet du comité consultatif d'écoles et cette participation des parents. On nous disait que la participation des parents était une forme de mécanisme nouveau qui n'était pas suffisamment rodé pour jouer ce rôle de surveillance en ce qui concerne le cas spécifique de l'enseignement confessionnel. Avec l'expérience que vous avez à Montréal, est-ce qu'il vous apparaît que les parents sont suffisamment avertis, qu'ils ont subi ce rodage qui les a rendus sensibles à toutes ces questions d'enseignement confessionnel ou autres?

M. GREGOIRE. C'est loin d'être parfait en ce moment, mais il faut commencer quelque part. Je pense que cela se fait graduellement. Les parents, actuellement, à travers les 300 comités consultatifs qui existent, n'ont pas été sans remarquer la situation. Evidemment, au point de vue de l'enseignement religieux, nous en avons fait part à la CECM et je suis certain qu'en ce moment on fait tout ce qui est possible pour améliorer cette situation. Mais dans les structures actuelles, tout ce que nous pouvons faire, c'est de nous rendre compte de ce qui se -passe sur le plan de l'enseignement confessionnel, de faire part de nos craintes au niveau des commissaires à la CECM et de tenter d'améliorer la situation.

Dans le contexte du projet de loi no 28, directement à l'école, on pourrait être plus exigeant, comprenez-vous? Quant à savoir si les parents sont vraiment rodés, c'est assez délicat. Je vous répondrai, dans certaines écoles, présentement, oui, ils sont parfaitement rodés. Cela va très bien. Dans d'autres milieux, parfois, ils le sont moins. C'est un problème qui va se poser dans toute l'implantation du projet de loi no 28. La démocratisation des structures, c'est nouveau. Cela n'ira pas sans certaines difficultés. Il faut en convenir, je pense. Mais si l'expérience doit être tentée, il faut y faire face.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, M. Grégoire, une dernière question. Au début de votre témoignage, vous avez mentionné que de votre consultation, il ressortait qu'un bon nombre de parents n'étaient pas satisfaits de l'enseignement de la langue seconde dans les écoles de Montréal. Est-ce que vous pourriez expliciter un peu plus cette affirmation que vous avez faite?

M. GREGOIRE: C'est que dans presque toutes les réunions de parents et j'ai assisté à plusieurs réunions au niveau régional et au niveau des écoles, presque toujours la question est revenue. On en a fait part d'ailleurs à la CECM. La question est revenue.

Des gens disent — je parle des francophones — que l'enseignement de l'anglais est insuffisant et de mauvaise qualité, et vice versa du côté anglophone pour ce qui est de l'enseignement du français. On n'est pas satisfait non plus. Les parents se disent: Quelles que soient les options politiques du Québec, il demeure qu'il va falloir que nos enfants, autant que possible, aient une connaissance minimum de l'anglais dans un contexte nord-américain. Présentement, nous ne sommes pas satisfaits de l'enseignement de l'anglais dans nos écoles.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que l'on vous a fait, à ce sujet, M. Grégoire, des représentations en vue d'améliorer la situation, d'abord non seulement qualitativement mais quantativement en ce qui concerne les parents francophones? Est-ce qu'on a demandé qu'il y ait plus d'enseignement de l'anglais dans les écoles de Montréal ou s'il s'agissait simplement d'une question de qualité de cet enseignement?

M. GREGOIRE: Les suggestions que j'ai eues, M. le député, sont surtout vis-à-vis de la qualité. Trop souvent, les parents pensent qu'on n'a peut-être pas un nombre suffisant d'enseignants compétents pour la langue seconde et ils aimeraient voir un plus grand nombre d'enseignants compétents pour enseigner l'anglais. Enfin, c'est à peu près tout ce qu'ils peuvent suggérer en ce moment. Je sais que la Commission scolaire de Montréal, actuellement, fait des efforts dans ce sens-là. J'espère que cela va s'améliorer.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, vous avez perçu chez eux une certaine inquiétude qui les incite à vous demander que l'enseignement de la langue seconde soit amélioré pour des raisons d'efficacité qui tiennent à des exigences d'ordre économique.

M. GREGOIRE: Oui, de richesses culturelles aussi et d'efficacité. Je dirais d'efficacité en premier parce que là, il faut penser qu'on est dans un contexte montréalais quand on parle du projet de loi no 28. Quoi qu'il arrive, si on ne parle pas un peu l'anglais à Montréal, on est dans une situation de désavantage et cela quelle que soit la politique linguistique qui viendra plus tard du gouvernement et à la suite du rapport de la commission Gendron, quelles que soient ses conclusions. Il reste qu'à Montréal, dans cette grande métropole, il faut parler anglais le mieux possible.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.

M. GREGOIRE: Et vice versa aussi. Il va falloir que les anglophones puissent aussi parler français. Evidemment, cela a été remarqué des deux côtés, de façon...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. Grégoire.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, j'aurais une question à poser à M. Grégoire. A la page 5 de votre mémoire, dans les recommandations que vous faites quand on parle du conseil scolaire, à la recommandation no 6 il est dit ceci: "Le conseil devrait adopter des règlements pour sa régie interne sans autorisation du ministre". Vous avez répondu partiellement tantôt en disant le pourquoi de cette recommandation. J'aimerais vous faire préciser l'importance que vous y accordez. Est-ce que c'est une importance plutôt secondaire que première? J'ai l'impression que cela vient changer considérablement le principe même du projet de loi no 28. Est-ce que vous voyez par là, par exemple, s'il faut toujours, au préalable, demander l'autorisation au ministre, des difficultés d'application ou même l'efficacité du système scolaire mise en cause?

M. GREGOIRE: Il faut laisser une certaine autonomie au conseil scolaire parce que si l'on ne veut pas que cela devienne trop lourd, il ne faudrait pas que le conseil scolaire soit toujours obligé d'aller frapper à Québec pour agir. C'est dans ce sens-là qu'il faut que le conseil scolaire puisse se donner des règlements. D'ailleurs, on retrouve cela dans l'article 607 g) du projet de loi no 28. C'est dans ce sens-là.

M. GUAY: En fin de compte, vous prévoyez que l'autorisation du ministre qui devra être donnée peut avoir, par voie de conséquence, de ralentir, par exemple, considérablement les décisions qui devraient être prises et qui normalement pourraient être prises à l'intérieur du conseil scolaire.

M. GREGOIRE: Oui, c'est possible. Maintenant, on ne peut pas nier au ministre de l'Education le droit, parce que c'est une question nationale, l'éducation, de se préoccuper de très près de ce qui se passe à Montréal.

Mais il ne faudrait pas qu'à cause de cela l'administration des commissions scolaires et du conseil scolaire de l'île soit ralentie au point que tout le système d'éducation, si vous voulez, devienne une affaire centralisée, par exemple, comme en France. Je pense qu'on tomberait alors dans un excès contraire. Je soumets l'hypothèse que ce ne serait pas efficace.

M. GUAY Croyez-vous — comme dernière question — que les décisions que pourrait prendre le conseil scolaire sans l'autorisation du ministre seraient différentes de celles qui pourraient être prises avec l'autorisation du ministre?

M. GREGOIRE : On parle de règlements pour sa régie interne. Je n'ai pas d'exemple qui me vienne à l'esprit parce que je ne suis pas un expert dans le domaine. Mais, pour sa régie

interne, il faut que le conseil scolaire puisse fonctionner de façon relativement autonome. Qu'il ait besoin de l'autorisation du ministère pour des choses fort précises, j'en conviens, c'est nécessaire, mais, pour sa régie interne, je pense qu'il doit avoir une certaine autonomie d'action.

M. BROCHU: M. le Président, croyez-vous que cette recommandation serait quand même de nature, en ayant le centre de décision chez vous, à répondre peut-être d'une façon plus adéquate aux réalités que vous avez à vivre sur votre territoire...

M. GREGOIRE: Sûrement.

M. BROCHU: ... en rapprochant, de cette façon, le centre de décision du centre d'exécution? Parce qu'en fait le centre d'exécution, c'est vous autres.

M. GREGOIRE: M. le Président, pour répondre au député, si on fait voter tout le monde pour élire des commissaires, qu'on paie des taxes au conseil scolaire et qu'après cela tout se décide à Québec, il y a là quelque chose qui ne marche pas, à mon avis, sur le plan de l'efficacité.

Il faut reconnaître au ministre, évidemment, comme je le disais tantôt, sur le plan national, une autorité qui va de soi. Mais il faut que le conseil scolaire ait une autonomie relative. Autrement, il ne sert à rien d'instaurer des structures démocratisées à Montréal.

M. BROCHU: Si je comprends bien, d'après les réponses que vous nous avez fournies, vous accordez quand même une importance primordiale à l'article 6 de vos recommandations en ce qui concerne le projet de loi.

M. GREGOIRE: Ce n'est pas une importance primordiale. Ce n'est pas cela que nous voulions faire ressortir dans le mémoire. Nous avons passé là-dessus et "il nous a semblé que..." Nous n'en ferions pas une tête de chapitre, si vous voulez.

M. BROCHU: M. le Président, si vous me le permettez, sur le même sujet.

M. LE PRESIDENT: Sur le même sujet.

M. BROCHU: Dans un autre ordre d'idée, maintenant, vous avez mentionné, tout à l'heure, que vous avez fait parvenir à vos comités de parents, premièrement, le projet de loi et, ensuite, un document synthèse leur expliquant la situation. J'aimerais savoir — si c'est possible — de votre part dans quelle mesure s'est effectuée la participation des parents au niveau de ces comités dans les réponses que vous avez obtenues.

M. GREGOIRE: C'est assez difficile à éva- luer d'une façon précise, mais je peux vous dire que nous avons eu des réponses, du "feedback", de tous nos comités régionaux. Maintenant, dans quelle mesure nos comités régionaux ont-ils pu percevoir les opinions des parents à travers les comités d'écoles? Je pense que cela a été assez bon.

Si je prends la région 5, que je connais le mieux, sur les 60 comités consultatifs de la région, une quarantaine ont répondu, dont les présidents sont venus à une réunion subséquente, après l'avoir étudié dans leur propre comité d'écoles, parler au niveau régional. Cela a aussi été fait dans la région 4, dans la région 3. Dans les régions anglophones, cela a aussi été fait avec une perspicacité extraordinaire. Ils ont travaillé très fort à l'étude du projet de loi no 28.

M. BROCHU: D'autres consultations ont semblé se faire, d'après les informations que nous avons, par d'autres associations, par d'autres groupements, relativement aux parents. Y a-t-il eu, à un moment donné, certaines rencontres à ce sujet dans le but d'établir une action commune au niveau de cette consultation?

M. GREGOIRE: Etant le comité consultatif de la CECM — cela confirme ce que Mme Roux disait hier — nous avons consulté la CECM avant de rédiger notre mémoire et avant qu'elle ne rédige son mémoire. Nous avons eu une rencontre qui a duré près d'une journée avec les commissaires. Nous avons discuté du projet de loi no 28 d'une façon assez complète. Ensuite, nous avons procédé à l'étude au niveau du comité.

A notre comité, nous avons aussi des délégués qui sont en minorité, si vous voulez, mais qui viennent de corps intermédiaires, comme la CSN, la FTQ, la chambre de commerce, le Centre des dirigeants d'entreprises, qui ont aussi participé à l'élaboration de ce mémoire.

Il y a aussi les Parents catholiques, les Unions de familles. Nous avons consulté ces gens via leurs délégués dans notre comité.

Nous avons reçu aussi de la documentation d'autre groupes qui présentaient des mémoires, comme la CEQ et l'Alliance des professeurs, les cadres de la CECM. Nous avons fouillé toute cette documentation aussi, dans la mesure où c'était possible avant de tirer nos propres conclusions.

M. BROCHU: Je parle plus strictement au niveau des associations de parents, parce que vous êtes aussi une association de parents. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de concerter des efforts dans un même but, peut-être en établissant des normes convenues entre les différents groupes? Différents mémoires sont déposés ici; nous entendons différents sons de cloche, relativement aux mêmes parents puisque la clientèle finalement est toujours la même.

Est-ce qu'il n'y aurait pas eu lieu d'avoir une modalité d'entente sur une sorte de consulta-

tion, peut-être pas standardisée, mais au moins établie sur certaines normes acceptées par les différents groupes, puisque vous regroupez la même clientèle.

M. GREGOIRE: Pour faire cela il aurait fallu plus de temps, d'une part. D'autre part, les associations de parents, comme vous dites, il n'y en a pas beaucoup. C'est encore le comité consultatif qui regroupe le plus grand nombre de parents. Il y a l'Association des parents catholiques dont un délégué fait partie de notre comité. Evidemment, ces parents ont, c'est normal, des options précises vis-à-vis de la confessionnalité surtout, et nous les avons entendus.

Chez les anglophones, Mme Killins me dit que cela a également été fait de façon sérieuse. On a consulté à gauche et à droite: le Montreal Council, les associations des parents dans leur milieu. Cela a été fait dans la mesure où c'était possible.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député d'Olier.

M. PICARD: M. Grégoire, dans votre mémoire, en ce qui touche le conseil scolaire, vous faites une recommandation qui se lit comme suit: "Le conseil devrait se donner un comité consultatif de parents." Si on regarde le bill 28 aux articles 606 et suivants: "Pouvoirs et devoirs du conseil", je me demande en quoi un comité consultatif de parents pourrait être utile ou pourrait apporter une contribution valable, étant donné les devoirs ou pouvoirs hautement techniques et administratifs du conseil, comme, par exemple, l'étude et l'approbation des budgets des commissions scolaires, l'émission d'obligations.

En quoi un conseil consultatif de parents pourrait-il être utile à ce niveau-là?

M. GREGOIRE: D'abord, il nous a semblé logique, s'il y avait un comité consultatif au niveau de l'école, au niveau de la commission, qu'il y en ait un aussi au niveau du conseil. Vous dites que le conseil s'occupe de mesures administratives hautement techniques. C'est possible. Mais là aussi nous pensons que les parents peuvent être utiles aux administrateurs du conseil de l'île parce qu'ils vont être très près de la réalité.

Par exemple, dans le domaine de la péréquation qui va se faire pour les zones défavorisées, etc., les parents pourront avoir des suggestions à faire au conseil scolaire, suggestions — j'en suis certain — qui pourrait être valables sur l'attribution des budgets, etc.

C'est un rôle consultatif, si vous voulez, mais je pense que cela peut être utile au niveau du conseil scolaire. Cela complèterait la pyramide de participation.

M. PICARD: C'est plutôt parce qu'il y a un conseil consultatif, le Conseil Supérieur de l'éducation qui est parallèle au ministère pour ces choses-là.

Quelle serait la méthode utilisée pour la nomination des membres de ce conseil consultatif?

M. GREGOIRE: Nous ne nous sommes pas arrêtés à ça. Il faudrait faire à peu près comme nous le faisons en ce moment, c'est-à-dire que chaque comité de parents au niveau des commissions scolaires délègue une personne et ce groupe — qui serait de onze, si nous prenons les chiffres tels qu'ils sont dans le projet de loi 28 — pourrait élire un exécutif ou les onze constitueraient le comité consultatif du conseil scolaire. Toute la ligne de communication serait complète, de la base jusqu'au conseil de l'île, parents-administrateurs.

M. PICARD: Vous ne croyez pas qu'il y aurait un danger de placer ces personnes-là, ces membres du comité consultatif dans une situation quasi intenable si on leur demande d'approuver certaines décisions du conseil scolaire, sans leur fournir tous les détails nécessaires pour la prise d'une décision?

M. GREGOIRE: Vous auriez raison, M. le député, si, comme vous dites, on leur demandait leur approbation, mais ce n'est pas ce à quoi on pense. On pense que c'est un rôle consultatif, on leur demande une opinion et non pas une approbation. Il faut que la décision appartienne à celui qui est élu et non pas à celui qui joue un rôle consultatif...

M. PICARD: Il n'en est pas question.

M. GREGOIRE: Il est normal que celui qui est élu, comme vous le faites d'ailleurs aujourd'hui, consulte les parties intéressées avant de légiférer, et c'est dans cet esprit-là que notre participation au conseil scolaire peut être utile, non pas dans un rôle d'approbation mais de consultation.

M. LE PRESIDENT: Le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. TETLEY: Merci, M. le Président. M. Grégoire, avez-vous les chiffres par hasard ou une idée du nombre de personnes qui, depuis le bill 63, ont passé du système anglophone catholique au système francophone catholique et vice versa.

M. GREGOIRE: Non, à moins que mes collègues aient une réponse à me donner, moi je n'en ai pas, malheureusement, je dois répondre par la négative. Il faudrait plutôt trouver ça dans le mémoire de la CECM qui est beaucoup plus fouillé; on n'a pas, nous évidemment, les moyens...

M. TETLEY: Je n'ai pu le trouver dans le mémoire.

M. SAINT-PIERRE: Je signalerai au député de Notre-Dame-de-Grâce, qu'on a soulevé la question hier et les chiffres contenus dans le mémoire de la CECM s'arrêtent à 1967, mais on nous a dit que, d'ici quelque temps, on comptait pouvoir apporter des précisions sur la situation en 1970, c'est-à-dire après la loi 63.

M. TETLEY: Très bien, merci. Est-ce que ces chiffres donnent le nombre d'élèves qui ne pouvaient pas passer de l'un à l'autre, surtout du système anglophone au francophone? Je donne un exemple, la commission scolaire de Mont-Royal, parce qu'il n'y avait pas de place. Je crois que le bill 28 pourrait régler cette situation. C'est une des raisons pour lesquelles j'appuie le bill 28, mais c'est un autre chiffre qu'on doit trouver; vous n'avez pas ce chiffre non plus?

M. GREGOIRE: Malheureusement, M. le ministre, je n'ai pas ces chiffres et on n'a pas fait d'études de ce côté-là, mais dans le mémoire de la CECM, à la page 5 de l'annexe B du mémoire, on me dit 150 du côté anglais au côté francophone. Mais quant à notre comité, il n'a pas fait d'étude de ce côté-là.

Evidemment, j'admets comme vous qu'il semblerait là a priori que le projet de loi 28 facilite le rassemblement, si vous voulez, des ressources, il serait normal que s'il y a une école où il y a moins d'élèves, comme l'exemple que vous donnez, j'imagine que c'est ce qui devrait arriver, mais nous on ne s'est pas penché sur cette question statistique, je n'ai pas de chiffres. Si vous voulez vous référer au mémoire de la CECM.

M. TETLEY: Oui, parce qu'il faut aider évidemment les anglophones qui veulent apprendre le français, qui veulent envoyer leurs enfants aux écoles catholiques françaises. Voici un exemple, on a refusé mon enfant, et elle doit quitter la maison à 7 h 30 le matin ou 7 h 25 afin de se rendre à une école et prendre trois autobus. Finalement elle a une éducation en langue française, d'une bonne soeur, une magnifique éducation et dont je suis très très content, mais c'est un peu injuste lorsqu'il y a une école juste à cent verges de chez nous.

M. GREGOIRE: M. le ministre, si vous me permettez, je peux vous faire une suggestion, c'est d'en parler à votre comité consultatif d'école...

M. TETLEY: Je regrette, je suis protestant.

M. GREGOIRE: et... si vous n'en avez pas, formez-en un le plus tôt possible.

M. TETLEY: Je suis protestant. Une autre question, M. Grégoire. C'est une constatation. Dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce — je crois que c'est mon devoir de vous aviser d'un fait — j'ai plus de critiques de mes électeurs catholiques, français et anglais, au sujet de l'instruction de la deuxième langue, que des protestants.

S'ils ont raison, je ne le sais pas, mais j'ai plus de critiques des catholiques au sujet de l'enseignement de la langue française. J'en ai pas mal des protestants, mais j'en ai plus des catholiques.

M. GREGOIRE: M. le ministre, vous parlez de la situation actuelle.

M. TETLEY: Oui.

M. GREGOIRE: Cela rejoint ce que nous avons dit tantôt, c'est une préoccupation que nous avons pu ressentir, nous aussi les parents, au sujet de la langue seconde.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Merci. Pour faire suite à la question du ministre des Institutions financières...

UNE VOIX: Compagnies et Coopératives.

M. CHARRON: ...je voudrais vous demander votre avis sur une suggestion que j'ai entendue d'un groupe de parents dans la consultation que j'ai faite à propos du bill 28. On craint que dans les commissions scolaires qui vivront chacune avec une minorité il se produise une forme — j'emploie un mot peut-être un peu fort mais vous comprendrez ce que je veux dire — de discrimination à l'égard de la minorité, c'est-à-dire que la majorité, comme dans n'importe quel régime, sera servie la première. Nous sommes assez bien placés, dans le Canada, pour le savoir.

Par la suite, c'est par grignotage ou par rappels constants que la minorité va obtenir des choses. Enfin, c'est une crainte qui existe chez des groupes. On m'avait donné comme solution de reconnaître, au comité d'écoles, une manière de droit d'appel auprès du conseil scolaire de l'île quand il se dit maltraité ou non considéré de la part de la commission scolaire.

M. GREGOIRE: Ce que nous proposons, dans le mémoire, c'est un peu cela, si vous voulez, puisque nous disons: Il y aurait un comité consultatif au niveau du conseil scolaire. A ce moment-là, s'il y avait, comme vous dites, des discriminations, je pense que les parents devraient le faire savoir, et cela jusqu'au niveau du conseil scolaire, pour corriger immédiatement une situation de fait qui serait mauvaise. Avec ce que nous proposons, je pense que nous pouvons atteindre cela. Avec ce que nous

proposons aussi, soit le chevauchement des ressources pédagogiques et administratives pour pallier cette déficience vis-à-vis des minorités, si on retrouve cela, je pense qu'on aurait assez de sécurité vis-à-vis des minorités.

M. CHARRON: Vous iriez jusqu'à demander que cela figure dans le texte de la loi même, ce droit d'appel? Appelons-le comme cela pour le moment.

M. GREGOIRE: A partir du moment où on accepte qu'il y ait un comité consultatif au niveau du conseil de l'île, cela devient implicite.

M. CHARRON: S'il n'y avait pas de comité consultatif au niveau du conseil de l'île, est-ce que vous accepteriez quand même que figure, dans les pouvoirs du comité d'écoles, le droit, à certains moments, de faire appel au conseil scolaire?

M. GREGOIRE: Nous ne l'avons pas abordé de cette façon-là, mais je n'y verrais pas d'objection. D'ailleurs, je pense que si les parents s'occupent de leurs affaires, et c'est ce que nous voulons, en somme, ils vont le faire. D'abord au niveau de l'école et ensuite au niveau de la commission scolaire — c'est déjà reconnu dans le projet tel qu'il est — ils vont pouvoir faire valoir leurs opinions.

En plus, vous allez avoir des commissaires élus. Vous avez aussi les deux commissaires additionnels que le ministre peut nommer au moment où une minorité serait en danger. Avec cela, je pense qu'on a quand même assez de sécurité. Il faudrait voir à l'expérience, mais pour le moment, je suis porté à penser que cela pourrait fonctionner. Il faut faire confiance aux gens.

M. CHARRON: Est-ce une crainte que vous avez ressentie aussi chez les groupes avec qui vous travaillez, cette possibilité-là?

M. GREGOIRE: Du moment que l'on s'adresse à une minorité, quelle qu'elle soit, il y a toujours une crainte.

M. LE PRESIDENT: Je remercie les représentants du Comité consultatif de la CECM, et en particulier M. Grégoire, de leur mémoire.

Soyez assurés que nous allons prendre en considération vos remarques.

M. GREGOIRE: Je vous remercie, M. le Président, et je remercie les membres de la commission parlementaire de nous avoir entendus. Bonjour et bonne journée.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais à présent l'Association des commissions scolaires de la région de Montréal, représentée par M. Hubert Lavigne, à présenter son mémoire.

Association des commissions scolaires de la région de Montréal

M. LAVIGNE: M. le Président, MM. les membres de la commission parlementaire, je m'appelle Hubert Lavigne, je suis membre de l'exécutif de l'Association des commissions scolaires catholiques de la région métropolitaine et président d'une des commissions scolaires touchées par le projet de loi 28. M'accompagnent, M. Louis-Philippe Saint-Pierre, à ma droite, également président de l'une des 17 commissions scolaires touchées par le projet de loi 28; à ma gauche, M. Jean-Paul Vermette, secrétaire-administrateur de l'association; M. Mathieu Dispaltro, président d'une autre commission scolaire de la région, ainsi que M. Lucien Mouton, président d'une autre des 17 commissions scolaires.

L'Association des commissions scolaires de la région de Montréal regroupe les 44 commissions scolaires catholiques de la région métropolitaine, sauf la Commission des écoles catholiques de Montréal, c'est-à-dire la CECM. Ces 44 commissions scolaires desservent une population scolaire de 178,000 élèves, majoritairement de langue française.

L'association a été fondée en 1961 et son siège social est situé au 2425, rue de Salaberry, à Montréal. Tel que spécifié dans ses statuts, l'association a pour but de promouvoir les intérêts de l'éducation.

M. le Président, si vous le permettez, je vais sauter l'énumération des buts spécifiques de a) à g), et je continue à la page 2.

Des 44 commissions scolaires membres de l'association, ce sont toutefois les 17 commissions scolaires catholiques de l'île de Montréal qui seront directement touchées par l'application éventuelle des mesures contenues dans le projet de loi 28. Ces commissions scolaires sont: Baldwin-Cartier, D'Anjou, Dorval, Lachine, Lasalle, Montréal-Est, Mont-Royal, Outremont, Pointe-aux-Trembles, Saint-Laurent, Saint-Léonard, Saint-Pierre-aux-Liens, Saint-Raphaël de l'île Bizard, Sainte-Anne-de-Bellevue, Très-Saint-Sacrement de Lachine, Verdun et la régionale Le Royer.

A leur niveau, ces commissions scolaires doivent répondre de la qualité de l'éducation auprès d'une population approximative de 433,000 personnes, tant de l'ouest que de l'est, tant du nord que du sud de l'île de Montréal. Elles desservent plus précisément une population scolaire de 99,516 élèves et elles doivent administrer des budgets de l'ordre de $100 millions par année. Elles comptent 4,811 instituteurs et institutrices à leur emploi.

Après les avoir consultées au sujet du projet de loi 28, c'est le point de vue de ces commissions scolaires que l'association veut présenter à la commission parlementaire de l'Education de l'Assemblée nationale. Nous tenons à le faire le plus succinctement et le plus clairement possible.

Précisons que les 17 commissions scolaires catholiques de l'île de Montréal vivent quotidiennement plusieurs des situations qui ont déjà fait l'objet de représentations et de recommandations à cette commission parlementaire. C'est pourquoi notre approche sera la plus réaliste possible. Avant les théories, ce sont les faits qui nous préoccupent.

Dès qu'il s'agit de confessionnalité, de bilinguisme, des droits des parents, et des enfants, de participation des groupes intéressés à l'éducation, de répartition des pouvoirs entre les divers organismes responsables de l'enseignement, de financement et de taxation, les membres des 17 commissions scolaires catholiques de l'île de Montréal prétendent posséder une certaine expérience. Leurs remarques, croyons-nous, méritent d'être prises en bonne considération.

L'Association des commissions scolaires de la région de Montréal accepte le principe des commissions scolaires unifiées contenu dans le projet de loi 28. Ces commissions scolaires établies selon des bases géographiques permettront d'assurer un même enseignement de qualité à tous les jeunes de l'île de Montréal, sans distinction de langue, de race ou de religion. Elles permettront aussi de répartir équitablement le fardeau fiscal entre tous les contribuables.

Nous croyons que ceux qui le désirent devraient continuer de pouvoir recevoir un enseignement religieux à l'école, comme le prévoit d'ailleurs le projet de loi 28. A ce sujet, nous estimons qu'il appartiendra avant tout aux parents membres des comités catholiques et des comités protestants constitués pour chacune des commissions scolaires de veiller à la qualité de l'enseignement religieux. Ces comités confessionnels, prévus dans le bill 28, devront garantir la permanence de la représentation des parents.

A l'article 594 du bill 28, il est stipulé que "ces comités sont composés de trois membres élus avant le 31 octobre de chaque année parmi et par les parents membres des comités consultatifs visés à l'article 66 et établis pour les écoles publiques catholiques ou les écoles publiques protestantes, selon le cas." Nous approuvons le texte de cet article, mais notre expérience dans le domaine de l'éducation nous a maintes fois démontré la difficulté d'amener les parents à s'intéresser activement et sur une longue période aux questions scolaires.

Nous ne jugeons pas les parents qui refusent de prendre part aux activités de leurs commissions scolaires. Nous sommes en faveur de la participation, mais nous sommes obligés de noter que la participation est souvent plus un mot qu'une réalité, le nombre de ceux qui sont prêts à consacrer du temps pour discuter de questions scolaires étant parfois limité.

Or, comme la qualité de l'enseignement religieux dépendra en partie de la participation et de la vigilance des membres des comités confessionnels, tout doit être mis en oeuvre pour garantir ou du moins pour assurer raisonnablement la permanence de ces comités.

Il est prévu à l'article 594 a) du projet de loi que les "modalités d'élection des membres de ces comités et les modalités de fonctionnement de ces comités sont déterminés par règlement des comités catholique ou protestant du Conseil supérieur de l'éducation, selon le cas".

Nous acceptons les dispositions de cet article, mais nous estimons qu'il ne faudrait pas trouver chaque année, avant le 31 octobre, les trois nouveaux membres des comités catholiques ou protestants. On devrait voir à assurer une certaine rotation chez ces membres de manière, peut-être, que chaque année il ne faille en choisir qu'un ou deux.

C'est pourquoi nous recommandons que l'élection et le remplacement des membres des comités confessionnels se fassent selon des modalités qui s'inspirent largement du premier paragraphe de l'article 585 du projet de loi no 28, de manière à assurer une rotation chez les membres de ces comités.

En effet, nous ne voyons pas pourquoi les modalités d'élection aux comités confessionnels ne pourraient pas être sensiblement les mêmes que celles des commissaires.

Au sujet de ces comités, auxquels nous attachons une grande importance, un autre fait préoccupe l'Association des commissions scolaires de la région de Montréal.

Il est précisé au second paragraphe de l'article 595 du projet que "les commissaires doivent les consulter pour la nomination des directeurs d'écoles catholiques ou protestantes, selon le cas".

Nous estimons que ce droit de consultation n'est pas suffisant, car rien dans le projet de loi n'oblige de quelque façon que ce soit les commissions scolaires à tenir compte de l'avis des comités confessionnels. A notre avis, les commissaires doivent tenir compte des opinions des membres des comités catholiques ou protestants. Les directeurs d'écoles auront une grande responsabilité en ce qui touchera l'enseignement confessionnel donné aux enfants et si les commissions scolaires doivent, en dernier lieu, prendre la décision de les embaucher, les parents membres des comités doivent être assurés que leurs suggestions auront de bonnes chances d'être considérées.

C'est pourquoi nous recommandons que les commissaires soient obligés de tenir compte de l'opinion des comités confessionnels au sujet de la confessionnalité dans la nomination des directeurs d'écoles catholiques ou protestantes.

Concernant l'enseignement religieux dans les écoles, nous avons axé nos remarques sur le fonctionnement des comités confessionnels. Selon nous, c'est là que les parents seront le mieux à même de faire respecter leurs droits au sujet de l'enseignement catholique ou protestant que pourront recevoir leurs enfants.

Nous croyons que les commissaires ne devraient pas craindre de perdre une partie des pouvoirs décisionnels que leur octroie à ce sujet le bill 28, si cela se traduit par des garanties supplémentaires données aux parents qui peu-

vent s'inquiéter de la qualité de l'enseignement religieux donné à leurs enfants.

Nous croyons également qu'en assurant la permanence et la force de ces comités confessionnels, le législateur pourra être à même de calmer les appréhensions de ceux pour qui le projet de loi constitue une menace pour l'enseignement de la religion et la transmission de certaines valeurs spirituelles.

Pour nous qui représentons des commissions scolaires et surtout des commissaires d'écoles, il revient d'abord aux parents et aux enfants d'accepter ou de refuser l'enseignement de la religion. Mais à cette liberté de choix doit correspondre, pour les commissions scolaires, une obligation de donner un enseignement confessionnel à ceux qui en font la demande.

M. CHARRON: Si vous me le permettez...

M. LE PRESIDENT (Pearson): L'honorable député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: ...nous pourrions peut-être procéder tout de suite aux questions sur cet aspect confessionnel. Cela vous donnerait le temps...

M. LAVIGNE: Libre à vous.

M. CHARRON: ...de reprendre votre souffle.

Vous faites deux recommandations, en fin de compte, en matière confessionnelle. La première suggère d'adopter le système de rotation que plusieurs autres témoins qui vous ont précédé ont condamné. Il s'agit d'accepter ce système de rotation jusqu'au niveau du comité d'écoles. Je dois vous dire que je ne comprends pas exactement la motivation dans le texte que vous soumettez là. Ce serait pour assurer une stabilité dans le comité confessionnel de l'école. C'est pour cela que vous faites cela?

M. LAVIGNE: Une continuité. Si je peux me le permettre, vous savez tous que, lorsqu'on est élu à un poste, il faut quand même un certain temps pour se roder au travail. Si quelqu'un est élu commissaire d'écoles, avant qu'il soit au courant de ce qui se passe et en mesure de participer pleinement à l'administration, cela peut prendre quelques mois. Admettons qu'une année on nomme trois nouveaux membres au comité et que ce sont trois personnes qui ne se sont pas, jusqu'à ce moment, occupées très activement de la chose scolaire, cela comporte quand même un risque. Nous croyons que, s'il restait à ce comité au moins un membre et peut-être deux membres qui ont eu l'expérience d'une ou deux années, le comité continuerait à fonctionner normalement et le nouveau membre, évidemment, pourrait prendre de l'expérience. C'est dans ce sens que nous croyons que cela ajouterait de la continuité et également peut-être aussi de la permanence.

M. CHARRON: Vous admettrez avec moi que si, dans une telle modalité, vous vous trouveriez à amplifier le caractère de continuité, vous affectez, par contre, dans le sens négatif, l'autre disposition, celle du choix des parents. Parce que, si c'est par rotation, il peut se trouver qu'un des trois membres du comité ne fasse pas l'affaire des parents tellement, mais qu'ils doivent attendre trois ans avant que son tour vienne à échéance pour pouvoir le changer. Il peut se révéler, au cours d'une année scolaire, des parents inconnus au départ, en septembre ou octobre, mais qui, par leurs activités à travers le comité d'écoles toute l'année, se signalent à l'attention de l'ensemble des parents au comité par différentes qualités. Quelqu'un pourrait être le choix des parents, à ce moment-là, qui le nommeraient au comité d'écoles confessionnel. Mais ils ne pourront pas le faire puisque, chaque année, il n'y aura qu'un poste d'ouvert.

Je reprends l'opinion que j'ai souvent émise sur ce domaine confessionnel. C'est qu'on a tort de considérer aussi le confessionnel ou le catholique ou le protestant comme un bloc. Il y a des courants d'idées aussi à l'intérieur de cela. Vous allez avoir des catholiques progressistes, qui "swing" comme on dit et, d'un autre côté, vous allez avoir des catholiques nettement plus conservateurs, respectant plus à la lettre les messages, les bulles ou les encycliques. Entre les deux, on aurait tort de penser que le comité confessionnel va être un comité sans conflit. Vous allez avoir des courants d'opinions. Si on accepte votre modalité de rotation, cela va prendre du temps avant que le changement s'effectue au niveau du comité confessionnel. Puisque le nombre est si petit, il me semble que c'est possible pour des parents qui sont de 50 à 70, à ce qu'on dit, d'en choisir trois par année entre eux.

M. LAVIGNE: Remarquez que ce que vous apportez constitue une difficulté et nous le reconnaissons. Par contre, c'est une difficulté qui existe à tous les niveaux. Par exemple, au niveau de la commission scolaire, un commissaire d'écoles est élu pour trois ans et, si cela ne fait pas l'affaire, il faut l'endurer pendant trois ans. Cela existe au niveau des municipalités.

M. CHARRON: Les députés aussi.

M. LAVIGNE: Oui. Cela existe à tous les paliers. Nous reconnaissons que cela constitue une difficulté. Entre les deux difficultés, entre les deux maux, nous croyons que nous devons choisir le moindre.

M. CHARRON: D'accord. Votre deuxième recommandation, à moins que quelqu'un n'ait des questions sur la première, demande que les comités confessionnels aient droit de nommer le directeur.

M. LAVIGNE: Non. M. CHARRON. Non?

M. LAVIGNE: Dans le texte de loi, on parle de pouvoir consultatif, c'est-à-dire qu'avant de nommer un directeur d'école la commission scolaire doit consulter les comités confessionnels.

Pour prendre un exemple bien concret, chez moi, nous pourrions avoir une commission scolaire où les quinze commissaires d'école seraient tous catholiques, et où il serait question de nommer un directeur pour une école protestante. Sachant que les êtres humains sont parfois des êtres humains avec leurs défauts et leurs qualités, pour des raisons que nous pouvons difficilement concrétiser mais qui sont quand même possibles, une commission scolaire à majorité catholique pourrait nommer directeur d'une école protestante un catholique parce qu'on aurait pu consulter le comité confessionnel, mais consulter ne signifie pas tenir compte de l'opinion. Alors nous, nous voulons aller un peu plus loin que la consultation. Nous voulons que la commission scolaire soit obligée de tenir compte de l'opinion. Cela ne veut pas dire que c'est le comité qui le nomme mais c'est un moyen de pression beaucoup plus fort. Si ma commission scolaire, à un moment donné...

M. SAINT-PIERRE: Ecoutez, monsieur, ce point m'intéresse, mais je pense qu'en saine administration, il faut savoir qui prendra les décisions. Dans le projet de loi no 28, — nous pouvons être totalement dans l'erreur — nous avons dit que ce sont les commissaires qui prendront la décision. Mais nous disons qu'avant de prendre les décisions, ils sont obligés de consulter un comité confessionnel pour avoir son avis, comme dans notre législation scolaire, à l'occasion, le ministre prend les décisions mais est obligé de consulter le Conseil supérieur de l'éducation qui, lui, peut rendre son avis public. Il y a une espèce de pression morale.

Nous pouvons être dans l'erreur. Nous pourrions faire l'inverse. Je pense que c'est le sens de la question du député de Saint-Jacques. Nous pouvons dire: Ce sont les comités qui décideront mais le comité confessionnel sera tenu de consulter les commissaires. Nous pourrions mettre cela à l'inverse. Qu'est-ce que cela veut dire, "soit obligé de tenir compte"? Est-ce que cela veut dire qu'on doit entériner ce qui a été décidé par d'autres?

M. LAVIGNE: M. le ministre, à notre point de vue, cela veut dire que si le conseil confessionnel fait une recommandation et que la commission scolaire n'en tient pas compte, la commission scolaire doit se justifier, alors que si on a tout simplement un pouvoir de consultation, on peut consulter, mais est-on justifié vis-à-vis des contribuables?

M. SAINT-PIERRE: Mais cela, je pense que nous ne sommes pas obligés de l'indiquer dans le projet de loi. Ce sont des questions qui se poseront par les contribuables eux-mêmes. Ils diront: Comment se fait-il qu'à l'école Jean-de-Brébeuf, pour prendre un cas, le comité confessionnel s'était opposé à la nomination de M. X et que vous l'avez nommé? Mais je pense que c'est nécessaire, pour l'administration dans la loi, d'être très précis. Veut-on que ce soient les trois membres du comité confessionnel qui choississent les principaux, quitte à consulter les commissaires, à consulter bien du monde et à rendre des comptes? Ou est-ce qu'au contraire, on dit: Les commissaires seront là pour administrer et ce sont eux qui décideront? Comme la loi le dit, ils sont obligés — c'est un mécanisme qui est très précis — de consulter, ce qui veut dire qu'on ne pourrait pas nommer quelqu'un à la vapeur. On est obligé de soumettre cela par écrit avant de ratifier.

M. LAVIGNE: Dans notre esprit, ce sont définitivement les commissaires d'écoles et la commission scolaire qui ont le pouvoir de décider. C'est la commission scolaire qui décide. Dans notre esprit, c'est clair. Tout ce que nous voulons ajouter, c'est un moyen de pression un peu plus fort que tout simplement de la consultation.

M. SAINT-PIERRE: Oui, mais la consultation, c'est assez fort.

M. LAVIGNE: C'est déjà fort.

M. SAINT-PIERRE Lorsque le conseil des universités me dit, à moi, que je suis dans l'erreur sur telle recommandation, c'est fort, parce que cela va dans l'opinion publique et, après cela, j'ai des comptes à rendre à savoir pourquoi nous n'avons pas tenu compte d'un avis soit du conseil des universités, soit du Conseil supérieur de l'éducation.

Mais dans notre législation scolaire, cependant, il est très clair que ce ne sont pas eux qui décident, que c'est quelqu'un qui doit rendre des comptes à des gens qui sont élus par le peuple qui, lui, décide.

M. LAVIGNE: Nous croyons que ce pouvoir de décider doit demeurer à la commission scolaire. Nous voulons tout simplement suggérer une possibilité. Laquelle, au juste, d'une façon précise? Une possibilité d'augmenter le pouvoir de pression du comité confessionnel.

M. SAINT-PIERRE: Je tentais de faire préciser, dans le concret, ce que voulait dire "soit obligée de tenir compte de l'opinion des comités."

M. LAVIGNE: Dans notre esprit, cela voudrait tout simplement dire que la commission scolaire ne peut pas consulter le comité confessionnel, se retourner et prendre une décision tout à fait contraire sans donner aucune expli-

cation. Cette explication pourrait même être donnée, tout simplement, trois ans plus tard, quand celui qui serait soumis à une élection donnerait cet exemple vis-à-vis de la population.

M. SAINT-PIERRE: Mais il me semble que nous ne pouvons pas mettre cela dans un texte de loi, dire qu'en dedans de trois ans, vous pouvez expliquer vos gestes. C'est la démocratie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lavigne, la proposition que vous faites à la page 8, qui a fait l'objet des questions du ministre de l'Education, en principe, si vous voulez, se présente bien.

Seulement lorsqu'on entre dans la mécanique législative — et là on a un texte de loi — il est assez difficile de concilier, d'une part, les pouvoirs décisionnels qu'on accorde aux commissaires et, d'autre part, de rogner ces pouvoirs décisionnels à l'avantage des représentants des comités confessionnels. Ou bien les commissaires ont le pouvoir de décider ou ils ne l'ont pas. Ou ce sont les comités consultatifs qui ont le pouvoir de décider ou ils ne l'ont pas.

On ne peut pas partager, dans un domaine comme celui-là, le pouvoir décisionnel. Il faut absolument que ce soit un corps qui l'ait ou un autre.

La proposition que vous faites, pour valable qu'elle soit, me parait mécaniquement impraticable. Vous voudriez — et je comprends très bien votre point de vue — "que les commissaires soient obligés de tenir compte de l'opinion des comités confessionnels au sujet de la confes-sionnalité dans la nomination des directeurs d'écoles catholiques ou protestantes". Vous voulez, en quelque façon, que ces gens-là aient plus de poids moral.

Mais, par ailleurs, dans votre mémoire, vous parlez des pouvoirs décisionnels, ce qui nous a portés, nous, à interpréter votre proposition comme une sorte de fractionnement des pouvoirs décisionnels. Et ce que je veux vous faire entendre — je pense que vous le comprenez très bien, parce que vous avez l'expérience — c'est: Qui décidera quoi? Est-ce que ce seront les commissaires ou ces comités qui décideront?

Moi je suis d'accord avec vous que ces comités aient plus de poids, que leurs voix soient entendues de façon impérieuse à certains moments. Vous ne nous demandez pas de les constituer en autorité, si vous admettez qu'ils soient simplement consultatifs.

Dès lors que vous acceptez qu'ils soient consultatifs, vous rejetez immédiatement l'idée qu'ils aient part aux décisions. Par conséquent, leur rôle est strictement un rôle d'aviseur et il a l'importance que l'on accorde aux comités consultatifs. Vous voyez la difficulté mécanique d'inscrire dans un projet de loi une disposition qui fractionnerait le pouvoir de décision, en donnant une petite partie aux commissaires, une autre partie aux comités consultatifs.

J'aimerais que vous m'expliquiez de façon encore plus précise comment dans votre esprit ça pourrait fonctionner. Je pose cette question en toute bonne foi, parce que c'est arrivé à quelques reprises que ce genre de proposition nous ait été faite. Evidemment, on achoppe à la technicité de la loi; ou c'est l'un qui a le pouvoir ou c'est l'autre.

M. LAVIGNE: M. le député, la langue française est très belle et très riche et, si nous possédions aussi bien notre langue que vous-même, il est fort probable que nous aurions pu nous exprimer d'une façon beaucoup plus claire.

Dans notre esprit, — pour expliciter le texte de façon que rien ne demeure confus — le pouvoir de décision demeure et doit demeurer entre les mains de la commission scolaire. Tout ce que nous cherchons est d'ajouter un moyen de pression un peu plus prononcé entre les mains du comité confessionnel. Et nous avons fait une distinction au sujet de la consultation. Je peux consulter n'importe quelle personne, me tourner de bord, prendre la décision comme je l'entends et je n'ai pas de raison à donner. Tandis que, si je suis obligé de tenir compte de l'opinion de quelqu'un, je peux me tourner de bord et prendre la décision en sens contraire; mais à ce moment-là j'ai une obligation morale beaucoup plus marquée de justifier ma décision. Et c'est en ce sens-là, notre recommandation.

Nous voulons seulement ajouter. D'une façon pratique, technique, nous admettons que ce n 'est pas facile de le faire dans un texte de loi. Nous ne sommes pas des experts, nous sommes évidemment des profanes en la matière.

C'est surtout l'idée que nous avons voulu lancer. Quelles sont les façons, la technique légale et pratique de le passer dans le texte de loi? Je crois que cela dépasse notre compétence.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lavigne, si vous permettez, pour reprendre le problème général de la religion que nous avons commencé d'aborder, puisqu'on vous a interrompu à ce stade-ci de notre étude, de l'étude de votre mémoire, dans l'ensemble — je vous demande une opinion globale, naturellement, on tiendra compte des nuances que vous avez apportées dans votre mémoire — est-ce que la loi 28 vous apparaît comme un instrument qui soit de nature à protéger et à assurer l'enseignement confessionnel?

M. LAVIGNE: M. le député...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sous toutes les réserves que vous avez déjà faites dans votre mémoire?

M. LAVIGNE: M. le député, assurément, parce que quand nous voulons protéger quelque chose, qu'il s'agisse de confessionnalité, de langue ou de culture, il y a deux façons de protéger ce bien: par les structures, d'une part, et par le dynamisme de chaque citoyen. Il peut se faire qu'au cours des années ce dynamisme faiblisse. C'est à ce moment-là que les structures viennent comme garantie supplémentaire de façon que, pendant une période ou le dynamisme est affaibli, tout ne tombe pas. Mais à notre point de vue, assurément, les garanties religieuses sont suffisantes, pour autant que les structures soient un petit peu améliorées et qu'il y ait ce dynamisme individuel et indispensable de la part des parents.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lavigne, là-dessus, — ça me rassure ce que vous me dites — vous parlez dans votre mémoire au chapitre de la religion de ce dynamisme des parents et de leur participation. Quelqu'un nous a déjà fait des observations ici, nous disant que les mécanismes de participation et l'habitude de la participation chez les parents, ce n'est pas quelque chose qui soit suffisamment rodé pour constituer une garantie en ce qui concerne la protection de l'enseignement de la religion dans les écoles. Il m'apparaît, en lisant votre mémoire, que vous faites confiance aux parents, aux comités d'écoles et que vous croyez que si ces comités d'écoles fonctionnent comme ils doivent fonctionner, c'ést-à-dire que les parents y participent vraiment, à ce moment les structures de la loi 28 ne présentent pas de danger en ce qui concerne l'enseignement professionnel.

M. LAVIGNE: Je suis tout à fait d'accord avec vous et nous sommes d'accord, M. le député. Même s'il y a un manque d'expérience chez les membres d'un comité, si le dynamisme est là... Je peux bien ne pas être un expert dans un domaine donné ou dans plusieurs domaines donnés mais si j'ai ce dynamisme, si j'ai cette volonté de défendre ce à quoi je crois, nous sommes persuadés que ce dynamisme va nous permettre de défendre et de faire valoir ces droits et de faire valoir ces croyances, même s'il n'y a pas à la base l'expérience souhaitable.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. Lavigne, est-ce que je pourrais inférer des propositions que vous avez soumises que, dans votre esprit, ce ne sont pas les structures comme telles qui doivent être catholiques, protestantes ou juives, qui doivent être, si vous voulez religieuses, appelons ça d'un terme général, mais que ce sont ceux qui deviennent les moteurs de ces structures qui doivent les animer et faire en sorte que la vie religieuse se diffuse à travers ces structures?

M. LAVIGNE: C'est exactement le fond de notre pensée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Par consé- quent, M. Lavigne, vous ne seriez pas d'accord pour que l'on retarde l'adoption du projet de loi 28 sous prétexte qu'on n'a pas suffisamment fait l'expérience de ces comités, appelons-les de participation, comités de parents, comités d'écoles, etc.?

M. LAVIGNE: Nous ne serions pas d'accord pour que l'on retarde le projet de loi 28 pour cette raison.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous pensez que le statut provisoire, qui existera pendant x mois ou x années, permettra de roder le système et, en somme, d'engager les parents dans cette grande réforme de l'éducation sur l'île de Montréal.

M. LAVIGNE: Nous sommes confiants de pouvoir y réussir. Il y aura certainement des difficultés, comme il y en a dans le système actuel, et comme il y en aurait dans n'importe quel système, mais nous sommes confiants qu'il est possible de faire participer les parents en autant que l'on fasse en sorte que les parents s'y intéressent et non pas qu'ils s'en désintéressent. H y a deux possibilités, évidemment.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'est-ce que vous voulez dire par "pour qu'on ne fasse pas en sorte de désintéresser les parents"?

M. LAVIGNE: Dans la pratique, il est évidemment possible d'intéresser les parents en leur fournissant les renseignements nécessaires, en les tenant continuellement bien informés — qu'ils sachent ce qui se passe — comme, dans la pratique, on peut retenir le plus possible l'information. Si on fait cela, évidemment on risque, à un moment donné, que les parents se disent: Il y a un mur, on ne peut pas passer. On risque que les parents se désintéressent, petit à petit, de la chose.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lavigne, je pourrais conclure, si vous m'autorisez à le faire, à la suite de ce que vous avez dit, que les structures proposées par le projet de loi 28 vous paraissent de nature à intéresser les parents à cette participation et qu'il appartiendra aux parents de veiller à ce que ces structures ne deviennent pas des instruments de paralysie qui empêchent les parents de participer à la vie de l'école.

Le projet de loi comme tel ne vous apparaît pas comme dangereux, à l'heure actuelle.

M. LAVIGNE: Absolument pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je vous remercie, M. Lavigne.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: J'aurais une autre question

sur cet aspect confessionnel, celui qui a percé hier durant les travaux de la commission, c'est une inquiétude que nous avons au sujet de l'aménagement pratique d'un système qui permet six différents types d'enseignement.

Il y a des polyvalentes à Montréal — je pense à celle de la régionale Le Royer qui est membre de votre association — de 2,000 à 2,500 étudiants. Il est bien possible qu'un si bel édifice ne contienne pas, après l'aménagement, que des catholiques. Il est bien possible également qu'on y retrouve des francophones protestants ou alors des catholiques anglophones, mais il n'est pas sûr qu'il y ait une homogénéité de confessions et de langues à l'intérieur du même édifice, surtout dans un très gros comme celui-là.

Qu'est-ce qui va arriver à l'ambiance catholique — puisque c'est une question d'ambiance, l'école catholique, nous a-t-on répété — s'il y a, en même temps, un autre groupe minoritaire à l'intérieur de l'école qui, lui, aura choisi de ne pas vivre dans cette ambiance? Comment cela va-t-il se faire à l'intérieur d'une polyvalente?

Je vous pose une deuxième question parallèle. Vous, comme administrateur scolaire, aurez à distribuer les édifices scolaires selon les confessionalités, selon la langue. Qu'est-ce qui va arriver dans le favoritisme qu'une confes-sionalité ou qu'une langue pourra recevoir? Par exemple, l'école polyvalente Edouard-Mont-petit — je pense que c'est dans la régionale Le Royer — en est une très belle. A côté, on peut avoir un "shack" qui tient à peine debout. Qu'est-ce qui va arriver?

M. LAVIGNE: Je répondrai à la première question en commençant par un principe général. Nous ne croyons pas que pour défendre une valeur il faille bâtir alentour de soi une clôture ou un mur de trente pieds de haut, avec un isolant additionnel par-dessus ce mur ou cette clôture, pour que nous ne venions pas en contact avec d'autres valeurs.

Une valeur en laquelle nous croyons, que ce soit du point de vue religieux ou du point de vue culturel, une valeur en laquelle un individu croit, il doit la conserver non pas en s'isolant mais par son dynamisme individuel, non seulement conserver cette valeur, mais la faire refléter chez autrui.

Donc, dans notre esprit, s'il y a un danger à ce que deux confessionnalités se côtoient, le danger ne vient pas du côtoiement mais plutôt de la faiblesse de l'un ou l'autre des groupes.

Pour ce qui est de la répartition des immeubles, nous savons que ça constitue des difficultés, mais je répète que peu importe le système en vigueur, il y aura toujours des difficultés auxquelles nous devrons faire face. Je peux vous donner, non pas sur le plan confessionnel mais sur le plan linguistique, un exemple vécu dans une commission scolaire que je connais très bien, où un seul et même immeuble sert à la fois à un groupe d'élèves d'environ 350 à 375

Canadiens d'expression française et, également, à un groupe d'élèves d'environ 200 Canadiens d'expression anglaise. Nous sommes dans la troisième année et il n'y a eu aucun problème. Je rencontrais dernièrement un concitoyen de langue anglaise qui fait donc partie de la minorité et il était question que cette partie de population étudiante soit établie dans un autre immeuble, un peu plus loin. Ceci rejoint certains commentaires que le ministre de l'Education passait hier. Or, nous avons offert aux gens d'aménager ces élèves dans un autre immeuble mais ces derniers ne sont pas en faveur; ils préfèrent demeurer là et ils n'ont pas peur d'être, à un moment donné, assimilés par la majorité.

Je présume que, sur le plan confessionnel, la même chose peut se réaliser. J'admets toutefois que ça devient une difficulté beaucoup plus grande lorsque, dans un secteur donné, il y a un très petit groupe de 30, de 35 ou encore de 15 élèves. Il faudra peut-être faire alors ce que l'on fait présentement, il faudra peut-être utiliser le transport de façon à grouper un nombre suffisant d'élèves dans un secteur donné pour utiliser un immeuble ou une partie de l'immeuble. Alors il faudra peut-être utiliser du transport pour déplacer les élèves un peu plus loin. C'est bien possible. Mais ça se pratique actuellement.

Dans le secteur protestant, on va chercher des élèves qui sont à un mille et demi, deux et trois milles de l'école et on les amène en autobus.

M. CHARRON: Est-ce que vous ne croyez pas qu'une conséquence du projet de loi 28 est que ce phénomène va s'amplifier?

M. LAVIGNE: Peut-être pas puisque, actuellement, nous avons des autobus qui vont chercher les élèves protestants et qui les amènent dans une école, et nous avons d'autres autobus qui vont chercher les élèves catholiques dans le même secteur donné. Ça fait deux autobus qui vont dans le même coin, le même matin, à la même heure, pour aller chercher les élèves et les amener dans le même secteur. C'est une question de planification qui présentera définitivement des problèmes, mais je crois que ce ne sont pas des problèmes insolubles.

M. CHARRON: Si vous me le permettez, je vais vous poser une autre question parce que je sais qu'on va en parler encore même quand la loi sera adoptée. On nous a défini l'école confessionnelle comme étant une ambiance. D'après les conversations que j'ai eues avec les parents catholiques, ils définissent ça un peu — je ne veux pas exagérer mais je veux être sincère et franc — comme une contrepartie disciplinaire à ce qu'a apporté l'école publique.

Quand on a abordé la question ici, en commission, l'autre jour, lors du témoignage d'un groupe de parents et dans la discussion qui

s'est élaborée par la suite, on voulait dire la différence fondamentale entre l'école catholique et l'école non catholique, c'est que dans l'école catholique on va professer les valeurs catholiques. On s'est entendu pour dire qu'il n'y avait pas de façon catholique d'enseigner la géographie mais il y a une façon catholique de vivre le milieu de l'éducation.

Par une série de questions et par contacts, on sent que les parents catholiques recherchent un sain équilibre chez l'étudiant. Quand on leur demande les modalités concrètes dans lesquelles on va déterminer ce sain équilibre et ces valeurs, on s'aperçoit que ça peut se transposer dans une discipline — je ne veux pas dire de collège classique, j'espère que c'est disparu à jamais — un tant soit peu plus rigoureuse que celle qui existe dans les polyvalentes.

Par exemple, celle où il y a 2,500 élèves en grève à Montréal parce qu'ils demandent le droit de porter des jeans, les cheveux longs. Les parents inquiets de ça sentent un besoin, faux à mon avis, de passer par la confessionnalité — qui n'a rien à voir avec la discipline, quant à moi — pour rétablir cette espèce de système là où un ordre régnerait.

Mais puisqu'il est possible, selon votre dernière réponse, qu'il existe, au sein d'une même bâtisse scolaire, des gens confessionnels et des gens non confessionnels, vous imaginez le genre d'ambiance que ça va créer? Chacun des groupes, d'après la loi, aura son directeur. Les 24 classes catholiques de l'école, par exemple, seraient soumises à une discipline ou à une ambiance ou une façon de vivre différente de celle des dix autres classes qui, elles, seront là simplement parce qu'elles seront venues en autobus, comme vous venez de me le décrire, et qui, elles, ne devront pas, puisque ça aura été leur libre choix aussi, être soumises à l'ambiance catholique que leurs parents auront refusée en les inscrivant à l'école neutre, par exemple. Que fera-t-on dans ce temps là? Moi je pense que ça fout par terre la confessionnalité parce qu'il ne sera pas possible, à moins de les isoler, de créer une ambiance qui ne sera pas détruite à chaque jour par la venue d'autres étudiants. Vous ne pensez pas?

M. LAVIGNE: Je serais d'accord que l'on pourrait fouter par terre la confessionnalité si on mettait dans un même local des enfants catholiques, neutres, protestants, à coeur de jour. Dans une classe de 30 élèves, il y aurait, je ne sais pas, dix catholiques, dix protestants, dont cinq français et cinq anglais, des catholiques, quatre français, six anglais et des neutres. Ces gens-là vivraient continuellement ensemble. Je suis d'accord, mais, si je reviens à l'exemple que je vous ai donné sur le plan linguistique, nous avons quand même 350 élèves de langue française et 200 ou 225 élèves de langue anglaise dans le même édifice et il n'y a pas de problème. Il n'y a pas de problème du point de vue de la discipline. Evidemment, une coopéra- tion existe entre les deux principaux d'école; c'est entendu que l'un ne donnera pas la permission de faire telle chose, par exemple fumer dans les passages, si les élèves avaient le droit de fumer, et l'autre ne pas le faire. On va essayer de coordonner ensemble la vie de cet immeuble. Cela n'enlève pas quand même la possibilité de conserver une" atmosphère catholique, une atmosphère protestante ou une atmosphère où la culture anglaise est prédominante et où la culture française est prédominante. Je répète qu'à notre point de vue ce ne sont pas les structures d'abord qui doivent sauvegarder une valeur mais le dynamisme individuel et le dynamisme d'un groupe.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lavigne, j'écoutais mon collègue de Saint-Jacques, qui parlait de ce problème de l'ambiance qui peut exister dans une école dite confessionnelle. Mon collègue de Saint-Jacques carricature un peu, je pense, lorsqu'il dit qu'il n'y a pas de façon catholique d'enseigner la géographie, les sciences ou ci ou ça. Je ne suis pas de son avis là-dessus. Il y a une façon catholique d'enseigner la géographie, il y a une façon catholique d'enseigner les sciences, et ça dans le plus grand respect de la discipline que l'on professe, parce qu'il y a un comportement religieux. On a une foi, une croyance et cela comporte une éthique, une morale. En conséquence, si je suis professeur de sciences, je vais donner un enseignement qui peut être rigoureusement scientifique en matière de fission nucléaire, par exemple, en ne m'inspirant pas des principes du positivisme que vous connaissez bien mais m'inspirant de ma foi à moi. Si la majorité des professeurs qui enseignent diverses disciplines, y compris celles qui ne semblent pas avoir de rapport direct avec la foi, selon un esprit conforme à leur foi et à la morale qu'ils professent, à ce moment-là le climat devient un climat religieux d'inspiration chrétienne ou juive.

L'école est confessionnelle à ce moment-là parce que l'esprit de ceux qui y enseignent est disposé de telle façon que l'ambiance n'est pas celle que l'on peut trouver dans des écoles où l'on n'a aucune sorte d'égard pour les vérités de la foi, quelle que soit la foi que l'on professe.

Je crois que c'est aller trop loin que de dire qu'il n'y a pas une façon catholique, protestante, juive d'enseigner telle ou telle discipline. Sur le plan scientifique, je suis d'accord que l'on doit respecter les règles afférentes à telle discipline, mais le comportement du professeur, l'esprit du professeur, la façon dont il dispense l'enseignement et son exemple, ce sont les vertus exemplaires qui doivent se retrouver dans l'école catholique, dans l'école confessionnelle, qu'elle soit juive ou protestante, comme cela doit se retrouver dans le foyer, comme cela doit se retrouver dans toutes les associations où se regroupent des gens qui, majoritairement, professent la même foi.

Par conséquent, je ne lui fais pas la leçon,

mais mon collègue comprendra que nous ne sommes pas d'accord lorsqu'il affirme cela. Une des premières choses que, personnellement, j'ai dénoncées lors de la parution de la première tranche du rapport Parent, cela a été précisément ce nivellement par la base qui nous amènerait fatalement à poser des problèmes comme nous sommes obligés d'en poser aujourd'hui.

Nous acceptons le pluralisme, mais nous voulons quand même maintenir des écoles confessionnelles. Nous voulons que, dans ces écoles confessionnelles, il y ait un esprit qui soit le reflet de la foi de ceux qui fréquentent lesdites écoles. Je comprends très bien qu'un professeur, disons maoïste ou je ne sais pas trop quoi, qui enseigne les sciences bien, va faire comme Jean Rostand. Il va dire tout simplement que c'est le hasard qui a tout fait. Mais moi, je suis catholique; je ne fais pas mystère de mes croyances. Quand j'enseignais à l'université Laval, que ce fussent l'histoire de la littérature ou l'histoire de l'éducation en éducation comparée...

M. CHARRON: Vous, vous allez dire que c'est vous.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...je donnais un enseignement, mais un enseignement inspiré par la foi que je professais, tout en respectant les règles rigoureuses de la discipline scientifique.

M. LAVIGNE: M. le député, je suis persuadé que, si les membres des comités confessionnels et les individus faisant partie d'un groupe représentant une culture ou une confessionnalité montrent autant de dynamisme pour faire valoir cette valeur à laquelle ils croient que le député de Saint-Jacques en met à défendre ses idées, tout sera sauvegardé.

M. CHARRON: Merci, M. Lavigne.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous savez, M. Lavigne, je reviens à des faits un peu plus anciens. Quand nous avons abordé ces problèmes de confessions religieuses, il y a déjà bien des années, et particulièrement au moment de la création de la commission d'enquête Parent et lors de la création du ministère de l'Education, il y avait un très grand nombre de parents catholiques, d'enseignants catholiques qui ont exprimé des doutes sur les orientations gouvernementales et qui ont demandé à la hiérarchie de leur Eglise de leur donner des indications.

Je le dis ici publiquement et sans égard aux conséquences politiques de mes paroles, pour moi et même pour mon parti, qu'au Québec nous avons vécu l'Eglise du silence. Si, aujourd'hui, nos chefs hiérarchiques décident de se prononcer, nous en sommes fort heureux, nous catholiques — en ce qui me concerne, je suis catholique — parce que nous attendions, depuis des années, des directives qui ne sont pas venues à des moments stratégiques.

M. LE PRESIDENT: M. Lavigne.

M. LAVIGNE: Nous abordons maintenant le problème de la langue. Vous me permettrez de lire le mémoire parce que je ne voudrais pas, en m'exprimant oralement, trahir l'esprit du mémoire. C'est pourquoi je tiens beaucoup à en faire une lecture la plus compréhensible possible.

Concernant les questions linguistiques, nous avouons que nos positions ne sont pas aussi tranchées que celles de certains groupes qui se sont fait entendre devant cette commission parlementaire. Les francophones de l'île de Montréal peuvent s'inquiéter de leur avenir, mais ils sont loin de faire l'unanimité quant aux mesures à prendre pour corriger certaines situations. Les anglophones de l'île de Montréal revendiquent la protection de leurs droits acquis et ils estiment que le système scolaire montréalais doit leur garantir une place convenable.

Si la métropole connaît certaines tensions culturelles, nous croyons comprendre que le législateur n'a pas voulu, par le biais du projet de loi no 28, sécuriser les uns et les autres ou assurer à tout le monde une protection culturelle qu'ils ne pourront pas obtenir uniquement par l'école. Plus précisément, nous croyons comprendre que ce n'est pas avec le projet de loi no 28 que le législateur calmera les inquiétudes que l'on constate dans certains milieux ou qu'il permettra à un groupe linguistique d'imposer sa volonté à l'autre.

Quant à nous, notre position peut se ramener à ceci: S'il y a des problèmes linguistiques et culturels sur l'île de Montréal, nous ne croyons pas que l'école seule permettra de les résoudre. Tant que le gouvernement du Québec n'aura pas, en particulier, précisé ses politiques linguistiques, ceux qui ont la charge de l'enseignement ne peuvent absolument pas accepter que l'on règle le problème de la langue sur le dos des élèves.

Pour accepter des commissions scolaires unifiées et pour refuser la formation de commissions scolaires divisées selon la langue, nous partons du fait que des francophones et des anglophones vivent sur l'île de Montréal et qu'il est illusoire et même néfaste de vouloir élever des murs entre ces deux communautés linguistiques. A une position de repli, nous préférons un comportement plus ouvert qui consiste à accepter l'autre tel qu'il est. Les faits, d'ailleurs, nous y obligent.

Qu'il nous soit permis de rappeler que quelques-unes des commissions scolaires membres de l'association desservent depuis des années une clientèle scolaire de langue française et de langue anglaise sans que, dans la très grande majorité des cas, cela pose des problèmes sérieux. Les commissaires et les adminis-

trateurs de ces commissions scolaires ont accepté le fait qu'ils doivent vivre ensemble et cette attitude positive leur permet de faire face à leurs obligations envers les élèves.

L'association trouve pour sa part satisfaisantes les garanties accordées aux minorités linguistiques dans les onze commissions scolaires unifiées et au niveau du conseil scolaire de l'île de Montréal. C'est pourquoi, même si elle s'oppose, en principe, à toute nomination gouvernementale là où la population peut élire ses représentants, l'association est prête à accepter l'article 583 du projet de loi qui traite de la composition des futures commissions scolaires de l'île de Montréal.

Cet article précise que chaque commission scolaire est composée de quinze commissaires élus et que "le lieutenant-gouverneur en conseil peut, s'il constate que la minorité francophone ou anglophone, selon le cas, n'est pas représentée par suite de l'application de l'alinéa précédent, nommer, sur la recommandation du ministre, deux autres commissaires d'écoles pour des mandats d'une année scolaire, après consultation des présidents des comités consultatifs d'écoles de la minorité concernée".

Si nous acceptons aussi facilement ces dispositions, c'est que nous avons aussi lieu de croire, compte tenu des réalités démographiques montréalaises, que la minorité francophone ou anglophone sera presque toujours représentée dans les commissions scolaires par au moins quelques commissaires.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Avez-vous terminé, M. Lavigne?

M. LAVIGNE: Sur la langue, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lavigne, je voudrais vous interroger là-dessus. Nous avons évidemment déjà entendu plusieurs organismes qui nous ont fait des propositions sur la question de la langue. Vous abordez le problème de façon très sereine, très réaliste. Je voudrais vous poser quelques questions à partir de propositions qui nous ont été faites.

Est-ce que, selon vous, le gouvernement devrait accepter la proposition qui nous a été faite, à savoir que le projet de loi no 28 soit amendé de façon que le conseil scolaire et les commissions scolaires soient unilingues français et qu'en conséquence le français soit la seule langue officielle de travail et d'administration scolaire sur l'île de Montréal?

M. LAVIGNE: Nous ne le croyons pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On nous demandait, d'autre part, que l'on dispense dans les écoles anglophones au moins la moitié de l'enseignement en langue française. Etes-vous d'accord sur cette proposition?

M. LAVIGNE: Ceci demanderait peut-être une explication peut-être un peu plus longue qu'une simple réponse par oui ou non.

Nous croyons que le français devrait être enseigné aux francophones et aux immigrants et qu'à cela, nous devrions offrir l'opportunité d'apprendre l'anglais comme langue seconde mais non pas comme langue non importante.

Apprendre l'anglais comme langue seconde, à tel point que l'on puisse parfaitement bien maîtriser cette langue lorsqu'on se lancera d'une façon définitive pour occuper des postes importants.

Nous craignons que, dans dix ans d'ici, il y ait de plus en plus d'anglophones bilingues et peut-être très peu de francophones bilingues. Et qui peut imaginer le premier ministre de la province de Québec comme étant unilingue français? Qui peut imaginer une personne occupant un poste-clé à quelque niveau que ce soit dans les services publics ou dans l'entreprise privée, qui peut imaginer qu'un unilingue français puisse avoir autant de chances d'occuper un poste-clé?

M. CHARRON: C'est ça, le malheur.

M. LAVIGNE: Nous sommes dans un contexte nord-américain et une entreprise de quelque importance ou un service public de quelque importance devra nécessairement communiquer avec un secteur de la population de langue anglaise, que ce soit des autres provinces ou des Etats-Unis, et si je ne suis que francophone unilingue, comment puis-je espérer dans un tel contexte détenir un poste-clé? Je ne serai même pas capable d'entrer en communication avec la grande majorité de la clientèle que je devrai desservir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lavigne, je vous pose ces questions non pas pour vous opposer à des propositions qui nous ont été soumises, mais simplement pour m'éclairer sur l'état d'esprit de la population de Montréal. Vous représentez un organisme très important qui regroupe un nombre considérable de citoyens et une clientèle scolaire très importante.

Je vous pose ces questions parce que nous aurons, nous, comme législateurs, à poser des gestes, à prendre position et je dois vous dire — vous avez pu le constater d'ailleurs — que nous avons été promenés souvent entre deux extrêmes, pas seulement à cette commission-ci mais à des commissions qui ont siégé auparavant, cette année ou dans les années antérieures.

On nous demande, par exemple — et ça, c'est discutable et moi je serais prêt à le discuter sur une base de collaboration — dans un autre mémoire que la langue des communications écrites et parlées dans l'administration scolaire sur l'île de Montréal soit le français.

C'est une proposition qui nous a été faite. Moi, personnellement, j'estime que ça peut se discuter et qu'on pourrait peut-être admettre cela.

Par ailleurs, on nous demande que la langue d'enseignement dans les écoles de l'île de Montréal soit le français. L'anglais pourra être enseigné comme langue seconde. Que vous en semble d'une proposition comme celle-là?

M. LAVIGNE: Je doute que les deux groupes principaux formant la population de la province de Québec...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Excusez-moi, M. Lavigne, mais avant de vous permettre de répondre, pour être honnête, le groupe qui nous a fait cette proposition a quand même suggéré que cela soit fait par étapes, mais en somme ça revient à instituer dans les écoles de l'île de Montréal, l'unilinguisme français, même dans les écoles anglophones où l'anglais serait enseigné comme langue seconde.

M. LAVIGNE: Je doute, pour reprendre le début de mon exposé, qu'aussi bien dans la province de Québec qu'ailleurs au Canada on puisse jamais bâtir quelque chose de vraiment valable en prenant d'une part ou d'autre part des positions extrêmes et draconiennes. Partant de ce principe, je conçois très mal que, dans une commission scolaire donnée où sur 15 commissaires il pourrait y en avoir 14 de langue anglaise et unilingues anglais, on leur impose le français comme langue de travail, c'est impensable, comme ce serait impensable, à mon point de vue — et je crois représenter, même si ce n'est pas dans le mémoire, d'après les discussions que nous avons eues à notre association, la majorité, certainement, des représentants de cette association — que l'on puisse imposer à la population anglaise la langue française comme langue première et la langue anglaise comme langue seconde

Je crois, et je pense représenter fidèlement la majorité de l'opinion des membres de notre association, en disant ceci: que les Anglais ou les Canadiens d'expression anglaise — et je dis bien d'expression et de culture anglaise — ont le droit d'avoir leur langue comme langue première, mais ils veulent — et j'insiste sur le mot vouloir — il y a une tendance prononcée actuellement chez la population anglophone pour apprendre le français.

Par contre l'élément francophone doit avoir comme langue prioritaire évidemment le français.

Je crois que, si on veut être logique et si les Canadiens français veulent vraiment faire leur chemin, ils doivent également apprendre la langue de communication pour pouvoir entrer en contact avec les 200 millions de gens qui les entourent.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Lavigne, si mon collègue me le permet, sur ce sujet-là, nous sommes placés dans une situation très difficile comme législateurs. J'ai devant moi les propositions d'un autre mémoire d'une association très importante qui groupe des professeurs, donc des gens qui enseignent dans vos écoles et dans nos écoles. On nous demande ceci: Que le gouvernement proclame l'unilinguisme français; que le français soit implanté dans les écoles.

Du même souffle, on nous dit que, par ailleurs, tout cela doit se faire dans le respect des droits de la minorité, en l'espèce la minorité anglophone. L'autre jour, j'ai interrogé assez longuement un témoin afin de savoir comment il pouvait concilier ce qu'il considérait comme deux exigences, soit l'instauration de l'unilinguisme français au Québec à tous les paliers, en commençant par celui de l'école, avec le respect du droit des minorités. Je lui ai demandé: Expliquez-nous, mécaniquement, comment cela peut se faire? A la suite de cet interrogatoire, un journal — je l'ai rappelé hier et j'y reviens — a déclaré que je m'étais porté à la défense des droits des anglophones, ce qui était une interprétation pour le moins abusive.

Placez-vous dans notre situation de législateurs. J'y ai été placé de façon très nette lors de la présentation de la loi 63 dont je n'ai aucune crainte de parler. Nous avons à respecter, d'un côté, les exigences du français, de la culture française, à la faire s'épanouir, etc. d'un autre côté, nous admettons, comme les organismes qui nous ont proposé des solutions radicales, qu'il faut défendre ou respecter, appelons cela comme ça, les droits des minorités. Est-ce qu'il vous apparaît, à vous, possible de concilier deux points de vue aussi éloignés l'un de l'autre: d'un côté, l'unilinguisme français, l'unilinguisme dans les écoles même anglaises où l'anglais deviendrait langue seconde et, par ailleurs, une déclaration solennelle du respect du droit des minorités?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Est-ce que le député de Chicoutimi permettrait à M. Lavigne de préparer sa réponse pendant l'heure du dîner?

M. LAVIGNE: M. le Président, je serais tout à fait d'accord.

UNE VOIX: Je m'y oppose.

M. LAVIGNE: En revenant, j'apprécierais que le député reformule sa question au cas où un certain élément m'aurait échappé. La séance est suspendue...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): D'accord. M. LAVIGNE: Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: La commission suspend ses travaux jusqu'à 2 h 30.

M. TETLEY: M. President, will you permit me to... parce que je vais adresser la parole à un groupe anglophone, vous me permettez, M. le Président, de m'absenter cet après-midi. J'ai une

réunion, dont je suis le président, qui est déjà fixée. Certaines personnes viennent de toute la province, de 44 endroits de la province, et je ne peux pas être ici. I would like to give my apologies to the Canadian Jewish Congress, l'Archevêché de Montréal, l'Association des cadres de la commission des écoles catholiques de Montréal, the Quebec Association of School Administrators and, in particular, the Montreal Teachers Association qui ont leur siège social dans le beau comté de Notre-Dame-de-Grâce. Merci, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): I will speak on your own behalf, Bill.

M. TETLEY: Je préfère que ce soit un autre représentant. Reprise de la séance à 14 h 41

M. PILOTE (président de la commission parlementaire de l'Education): A l'ordre, messieurs!

Je vous prierais d'excuser le retard du ministre, qui avait à prononcer une conférence ce midi. Nous allons quand même continuer en son absence les délibérations. Je demanderais à ceux qui présentent un mémoire d'essayer d'être le plus concis possible. Je remarque que des groupes sont venus trois fois à la commission pour présenter leur mémoire et ils n'ont pas eu l'occasion de le faire.

Je sais qu'il faut donner justice un temps égal à tout le monde, mais il reste quand même une grande quantité de mémoires à entendre et nous n'en avons pas même la moitié d'entendus présentement.

Alors, si vous voulez avoir des réponses assez brèves et les membres de la commission, des questions plutôt brèves, pour permettre aux autres de se faire entendre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Pardon, je n'ai nommé personne, j'ai simplement regardé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Heureusement, M. le Président, que vous êtes de la même région que moi parce que j'aurais vraiment protesté.

M. VAILLANCOURT: Vous vous connaissez.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah oui! très bien. Il n'a pas été un de mes élèves mais il a subi l'enseignement d'un professeur que j'ai formé. Vous voyez le résultat. C'est comme la CECM, c'est vieux.

M. le Président, j'étais en train de poser une question à M. Lavigne, à la fin de la séance de ce matin; je la reformule à sa demande. Elle sera aussi brève que possible.

Je vous disais, M. Lavigne, qu'on nous avait posé un problème sérieux, à nous législateurs, en nous demandant, d'une part, c'est-à-dire au gouvernement et aux législateurs, de décréter l'unilinguisme français par tout le territoire du Québec, même dans les écoles anglophones, où l'anglais deviendrait la langue seconde.

Par ailleurs, on affirmait solennellement que l'on voulait, en même temps, protéger les droits de la minorité. Alors, la question que j'avais posée au témoin que j'interrogeais était la suivante: Comment pouvez-vous concilier cette exigence vraiment radicale en ce qui concerne le statut que le gouvernement devrait, selon ces gens-là, accorder à la langue française et, d'autre part, le respect des droits de la minorité?

Je vous demande à vous, M. Lavigne, s'il vous apparaît possible de décréter l'unilinguis-

me français, de faire que les écoles sur l'île de Montréal, même les écoles anglaises, soient unilingues françaises, qu'on y enseigne l'anglais comme langue seconde et que tout cela se fasse dans le plus grand respect des droits de la minorité.

M. LAVIGNE: M. le Président, je ne sais pas si le groupe qui a présenté un tel mémoire a trouvé une solution, mais personnellement, aussi bien en mon nom personnel qu'au nom de notre association, je crois que ces deux points de vue ne sont pas conciliables, à savoir que l'on ne peut pas déclarer l'unilinguisme français et en même temps sauvegarder les droits de la minorité anglophone.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci, M. Lavigne, cela répond à ma question. Alors, en ce qui concerne les autres parties de votre mémoire, pour ma part, je n'ai pas de commentaire puisqu'il s'agit de problèmes d'ordre technique et que nous avons votre mémoire qui est très clair, très positif. Alors, quant à moi, je vous remercie.

M. SAINT-PIERRE: J'aurais une dernière question à poser à M. Lavigne. M. Lavigne, je pense que, dans votre mémoire, on sent quand même que vous êtes conscient que tout ce problème de restructuration pour l'ensemble des commissions scolaires, pour les parents, pour les enseignants, cela va être une expérience assez difficile. Et peu importe la précision des textes de loi, peu importe l'à-propos des dispositions dans la loi no 28, même si on avait un texte presque parfait, cela demanderait quand même beaucoup de bonne volonté, de jugement, beaucoup de doigté chez ceux qui auront à vivre ce texte de loi. Si jamais la restructuration était une faillite, ce qui serait très grave pour le milieu montréalais, êtes-vous d'accord avec moi que celui qui en serait blâmé, ce serait surtout le gouvernement provincial responsable de l'éducation dans la province?

M. LAVIGNE: M. le ministre, je suis d'accord que celui qui serait blâmé serait fort probablement le gouvernement responsable de l'adoption de cette loi. Mais si on va au fond des choses, il faudrait certainement faire porter une partie de la responsabilité et une très grande partie de la responsabilité par les gens du milieu qui n'auraient pas su prendre leurs responsabilités. Je suis d'accord pour qu'il y ait des lois qui soient les mieux faites possible, mais il reste que, dans un domaine scolaire comme celui-ci, c'est au niveau local que cela doit s'appliquer et ce sont les gens du milieu qui doivent travailler ensemble. Si on juge que la loi n'est pas aussi parfaite qu'on le souhaiterait, il est toujours possible de revenir à la charge pour la faire amender.

Mais il appartient d'abord aux gens du milieu de faire le travail.

M. SAINT-PIERRE: Ma première question ne se voulait pas une affirmation. Je voulais simplement souligner qu'en dehors des dispositions de la loi et des structures, ce qui va assurer le succès de la restructuration scolaire ce sont, dans un sens, beaucoup plus les hommes qui vont avoir des responsabilités à choisir. Or, c'est bien évident que les hommes, à plus d'un niveau, que ce soit, je prends des exemples, au niveau des syndicats d'enseignants ou au niveau des comités de parents, le gouvernement ne peut pas les choisir. Certaines personnes auront des responsabilités plus grandes que d'autres et je pense, en particulier, au président et au vice-président du conseil scolaire. Vous savez le principe de la démocratie me plaît beaucoup. Mais je me dis que compte tenu qu'on investit plus de $500 millions par année dans l'éducation à Montréal, compte tenu que c'est une opération très délicate dans laquelle on engage tous les gens, est-ce qu'on est justifié, tout au moins au départ — là c'est peut-être une modification avec le texte de loi; on pourrait éventuellement dire que ce sont les gens qui vont élire le président pour avoir toutes les chances de notre côté que la restructuration, pour le bénéfice des gens, réussisse — de choisir un peu nous-mêmes la personne qui va avoir ce rôle extrêmement important de premier président du conseil provisoire, en particulier, et aussi du conseil scolaire? Est-ce que vous seriez plus favorable d'atténuer, peut-être, votre recommandation 6 pour dire qu'après un premier terme il serait peut-être désirable que le président et le vice-président soient élus, mais que dans un premier terme, compte tenu de nos responsabilités et compte tenu des $500 millions qu'on investit, on est peut-être justifié de choisir l'homme clé qui va réussir dans les structures et dans les dispositions de la loi à obtenir un véritable succès avec la restructuration scolaire?

M. LAVIGNE: M. le Ministre,...

M. SAINT-PIERRE: Je fais un peu une analogie avec la communauté urbaine et mon collègue des Affaires municipales n'étant pas ici, je serai assez discret dans mon analogie.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Heureusement.

M. SAINT-PIERRE: Mais chose certaine, quant à la communauté urbaine, peu importe le jugement qu'on peut porter à Montréal, cela dépend beaucoup de celui qui en est responsable. Je pense à M. Lucien Saulnier. On peut se dire: Si cela avait été un homme élu, peu importe, par un collège électoral ou par l'ensemble des citoyens, peut-être que cela aurait eu encore beaucoup moins de succès que cela a pu en avoir, tout étant relatif.

M. CARDINAL: M. le Président, permettez-moi, avant M. Lavigne, d'intervenir afin de

répondre à cela. Dans le projet de loi no 62, il était aussi prévu que le président était nommé par le gouvernement. Je ne voudrais absolument pas que l'on parte dans une question de partisanerie, absolument pas. Cela me surprend beaucoup de la part du ministre actuel, c'est-à-dire, cela ne me surprend pas, parce qu'il est peut-être différent de certains qui l'ont précédé dans ce parti; justement, il présente cette thèse que j'avais moi-même présentée et qui avait alors été combattue par le critique officiel de l'Opposition libérale. Ce que le ministre vient de dire, je serai bref mais je vais enchaîner quand même, c'est que malgré le jeu de la démocratie qui doit exister dans le bill 28, aux trois niveaux et au maximum...

D'ailleurs, au début des travaux de cette commission, j'ai fait une intervention où j'ai formulé certaines critiques à l'endroit du projet de loi no 28, parce que je trouvais que certains aspects créaient des anicroches à la démocratie. Sur ce point, je n'attaquerai certainement pas le ministre, puisque j'avais la même position que lui au moment où je présentais le projet de loi no 62, c'est-à-dire que je pense qu'il faut procéder par étapes. Il ne s'agit pas ici de toujours considérer les politiciens comme des gens qui nommeront nécessairement, à un poste important, un de leurs hommes clés pour réaliser leurs projets personnels ou leurs projets politiques. Mais au moment où l'on fait démarrer quelque chose de nouveau, que ce soit autrefois le Conseil supérieur de l'éducation, dont le président était nommé par le ministre après consultation, que ce soit tout autre organisme qui a été crée par la suite depuis sept ans, il faut quand même que l'Etat, en matière d'éducation, au Québec, en plus des parents, des enseignants, des étudiants, etc., ait un rôle de leadership à jouer.

Je me demande — je rejoindrai là entièrement le ministre — si la dernière suggestion qu'il vient de faire sous forme de question n'est pas la réponse. Ne devrait-il pas y avoir, au début, une nomination non pas de quatre membres — peu importe le nombre — à certains postes clés par le gouvernement, quitte à ce que le projet de loi lui-même, pour garantir l'avenir, contienne des dispositions qui permettent, au bout d'un certain temps, d'en sortir et de laisser jouer librement, entièrement et complètement la démocratie.

M. LAVIGNE: M. le Président, M. le ministre, M. le député, c'est certainement un problème complexe. Il y a tout d'abord le principe de la démocratie qu'il faut respecter chaque fois que c'est possible. Nous devons déployer des efforts marqués pour respecter ce principe.

Nous constatons qu'il y aura, à travers l'île de Montre'al, 165 commissaires d'écoles élus, ce qui est plus que le nombre d'élus à l'Assemblée nationale.

Nous présumons que parmi 165 personnes, il devrait se trouver quand même quelqu'un qui a à la fois la compétence et la disponibilité pour remplir de tels postes que ceux de président et de vice-président de cet organisme.

Nous avons longuement discuté ce sujet. Nous en sommes venus à un compromis — puisque vous, messieurs, vous savez fort bien que l'art de gouverner est en premier lieu l'art du compromis — à savoir que le lieutenant-gouverneur en conseil pourrait quand même faire une nomination justement pour sauvegarder la bonne mise en marche de ce projet et sauvegarder aussi à la fois cet élément démocratique auquel nous tenons beaucoup.

Nous réalisons que de mettre en marche le projet de loi 28 est quelque chose de terriblement complexe et que nous ne pouvons pas, pour la communauté québécoise, nous permettre que ce soit un fiasco. Nous devons tâcher de mettre de notre côté — et quand je dis de notre côté, je parle de tous les citoyens de la province — toutes les garanties possibles pour que ça réussisse.

Par contre, si le lieutenant-gouverneur en conseil nomme d'office, après consultation avec le ministre de l'Education, le président et le vice-président du conseil scolaire de ville de Montréal, cela comporte également des dangers. Je n'ai pas besoin de vous décrire ce qu'est l'être humain. L'être humain, peu importe le poste qu'il occupe, peu importe l'endroit où il est, demeure l'être humain avec ses points forts et ses points faibles.

Nous avons donc voulu à la fois donner la possibilité d'aller chercher l'homme compétent et disponible qui serait choisi parmi 165 personnes, et, à la fois, conserver cet élément démocratique qui nous est tellement cher.

M. CARDINAL: M. le Président, c'est une excellente réponse. D'ailleurs, M. Lavigne a donné des réponses très claires depuis le début. Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas ici pour défendre le gouvernement. Au contraire. Je ne suis pas ici pour l'attaquer non plus. M. Lavigne, pour une fois, dans sa dernière réponse, est resté dans l'ordre des principes.

Quand il dit: Les hommes sont ce qu'ils sont, je l'admets. J'admettrais même, par expérience personnelle, que, quand il s'agit d'hommes politiques, on les considère comme des hommes — je ne sais pas quelle expression employer — pires que les autres.

Dans le jeu de la démocratie tel que vous le décrivez, et que j'admets dans sa plus grande partie, surtout quand vous faites cette comparaison avec l'Assemblée nationale, où il ne faut pas oublier quand même que les chefs de parti ne sont pas élus par la population mais dans des congrès, à ce moment-là, votre comparaison — je m'excuse, M. Lavigne — comme toute comparaison, boite un peu.

M. LAVIGNE. D'accord.

M. CARDINAL: C'est une question de systè-

me et ce n'est pas le sujet de cette commission parlementaire. D'ailleurs, je ne suis pas d'accord et je l'ai déjà dit. M. Lavigne, ne pensez-vous pas que, pour une période provisoire, on puisse concilier les impératifs de la démocratie avec, non pas une emprise, une hégémonie du ministère de l'Education, mais ce que j'ai appelé tantôt un leadership? Je ne me référerai pas à un article du Devoir d'aujourd'hui, où on exprime qu'un des partis à cette table est très mêlé, pour démontrer comment cette opération est délicate et difficile.

Est-ce que vous croyez que 165 personnes vont se réunir dans une espèce de congrès, qu'il y ait ou non des fanfares ou autre chose, pour choisir l'homme compétent? Quand on me dit que c'est toujours le meilleur homme qui est élu, c'est bien beau, tant mieux, nous sommes tous les meilleurs ici. Je ne sais pas mais avec onze divisions, 165 commissaires, des groupes majoritaires et des groupes minoritaires, est-ce qu'on va réussir à s'entendre pour choisir cet être compétent? Est-ce qu'il n'y aurait pas un mécanisme intermédiaire — et je vais plus loin dans ma pensée — qui permettrait à la fois à ces 165 commissaires ou à un collège électoral choisi parmi ces 165 commissaires, de concert avec le ministère ou le ministre de l'Education — parce que le lieutenant-gouverneur en conseil est une formule que j'appellerais une clause de style; le lieutenant- gouverneur, comme vous le savez, n'est là que pour signer au bout de la ligne — de concilier cette démocratie de participation vers laquelle nous tendons au maximum, surtout à ces trois niveaux où il y a les parents, les électeurs et le conseil?

Je m'excuse, M. le ministre, de vous interrompre dans votre lecture, ce n'est pas une méchanceté. Ne serait-il pas possible de trouver une solution intermédiaire qui ne serait peut-être pas celle que vous proposez, qui ne serait peut-être pas celle qui est proposée par le gouvernement mais qui permettrait de réussir l'opération, de garantir la démocratie dans l'avenir mais de savoir comment on la part, l'opération et non pas de la laisser au libre jeu de je ne sais quelle majorité? Je sais que ma question est difficile; la réponse est peut-être encore plus difficile.

M. LAVIGNE: M. le Président, évidemment si nous choisissons le président et le vice-président de ce conseil scolaire parmi les 165 commissaires d'écoles élus, ce n'est quand même peut-être pas une garantie à 100 p.c. mais c'est une certaine garantie contre ce à quoi M. le député faisait allusion. Et la démocratie est quand même respectée, avec certaines entorses mais respectée à un certain pourcentage. Par contre, à cause d'influences difficiles à déterminer — on ne met pas à la tête de cet organisme des gens qui n'auraient pas la disponibilité, peut-être pas toute l'expérience voulue pour remplir adéquatement ces postes — nous avons accepté, comme association, que le prési- dent et le vice-président soient nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil après consultations avec le ministre de l'Education.

C'est un mi-chemin. Nous accepterions probablement qu'il y ait une période initiale où on puisse faire peut-être certaines concessions additionnelles du côté de la démocratie. Vous réalisez beaucoup mieux que moi que le projet de loi 28 est extrêmement complexe lorsqu'il s'agit de l'appliquer dans la pratique. Et je ne pense pas que nous puissions rédiger un projet de loi assez parfait pour qu'il n'y ait pas de problèmes réels dans l'application. Il faudra certainement partir avec ce qu'il y a de mieux, le mettre en pratique et réajuster son tir au fur et à mesure que le temps passera.

Remarquez que c'est un point de vue que nous avons présenté. Nous n'avons pas présenté ce point de vue-là, d'ailleurs, nous n'avons présenté aucun point de vue avec l'idée de l'imposer. Nous avons présenté ces points de vue pour attirer l'attention du législateur et il appartient au législateur de déterminer si notre point de vue est valable, s'il est réalisable et si c'est une amélioration ou non sur ce qui existe ou sur ce qui a été proposé par d'autres groupes.

M. CARDINAL: M. Lavigne, votre réponse me satisfait entièrement. Cette intervention, je l'ai faite dans un sens très positif justement pour que le ministre revoie un peu ses positions, en ce sens que je cherche une position intermédiaire qui ne fasse pas que le projet de loi 28 dans ce domaine-là comme dans le domaine de la langue, comme dans le domaine de la confessionnalité, comme dans le domaine des relations syndicales établisse un état non plus de fait mais de droit qui fasse que dans deux, quatre ou cinq ans, nous nous réunissions à cette même table, ceux qui y seront encore, pour discuter de droits acquis, ce dont on entend souvent parler, parce qu'il y aura eu un projet de loi d'adopté à un certain moment, comme si les lois étaient immuables et donnaient des droits qui ne pouvaient plus jamais être modifiés.

Vous avez vous-même cité l'exemple de l'Assemblée nationale. Quand on parle de garanties de structure, de garanties de ci, de garanties de ça, je m'interroge toujours parce que chaque gouvernement qui vient, l'un après l'autre — et l'on sait comment ils changent rapidement ces temps-ci — peut modifier la loi qui a été adoptée par le gouvernement précédent et, par conséquent, je pense qu'une espèce de fausse croyance en des garanties devant des textes de loi qui ne sont pas des actes constitutifs, comme dirait mon cher collègue de Chicoutimi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mon savant collègue.

M. CARDINAL: ...mon savant collègue de

Chicoutimi, et qui par conséquent peuvent être modifiés par n'importe quel législateur qui vient, y compris même ceux qui demeurent. Parce qu'en fait, certains qui sont venus devant nous ont semblé plutôt craindre les hommes qui pouvaient se remplacer. Ce n'est pas ce que je crains, moi, absolument pas. Vous avez été très objectif et très positif en parlant du dynamisme des gens, des parents, des commissaires, etc. Je pense que l'on peut, d'autre part, malgré tous les mythes et toutes les légendes, espérer le même dynamisme des gouvernements québécois qui se succéderont et —je suis peut-être trop optimiste, vous avez un sourire qui me laisse sceptique — non...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est parce qu'il souhaite que ça change.

M. CARDINAL: Ah bon! d'accord. Mais, pour revenir au sérieux de la question, c'est que vraiment le projet de loi no 28 est plus difficile d'application que le projet de loi no 27. Il s'applique dans une communauté qui contient peut-être les deux tiers de la population du Québec, qui coûte — je ne sais pas, moi — $500 millions au Québec, qui rapporte en impôts probablement les quatre cinquièmes de tout ce que rapporte le Québec, qui est dans une conjoncture spéciale au point de vue linguistique et au point de vue confessionnel.

Je suis bien d'accord pour le libre jeu de la démocratie. Il fut un temps à Montréal où, malgré ce qu'on a dit hier, le maire était tantôt de langue française, tantôt de langue anglaise, ce qui est un singulier phénomène. Je me dis qu'il faut rechercher, avant l'adoption en troisième lecture du projet de loi no 28, un mécanisme qui permette un excellent départ de l'application de ce projet, mais qui garantisse pour l'avenir qu'il n'y ait pas une intervention politique — j'emploie le mot — dans la marche, les démarches et la réalisation de ce qui se produira dans les années à venir, parce que je ne pense pas que ce projet soit modifié dans deux ans ou dans cinq ans. Cela fait 125 ans qu'on n'a pas modifié la situation.

M. LAVIGNE: M. le Président, mon sourire n'était certainement pas un sourire qui questionnait quoi que ce soit au sujet de l'Assemblée nationale. Je crois que nous pouvons, quand même, être sereins et de bonne humeur tout en discutant des choses sérieuses.

M. CARDINAL: Entièrement d'accord.

M. LAVIGNE: Je suis d'accord avec vous, M. le député, que les influences politiques ne doivent pas jouer dans la nomination non seulement du président et du vice-président, mais également des quatre autres membres du conseil dont il est question dans le projet de loi. Tantôt, vous avez parlé de leadership. Nous concevons parfaitement bien que le ministère de l'Education est impliqué pour des sommes considérables dans le système scolaire. Mais, si le lieutenant-gouverneur en conseil, après consultation avec le ministère de l'Education, nomme quatre personnes au conseil scolaire, nous croyons être dans le droit chemin en disant que ces quatre personnes devraient avoir suffisamment de leadership pour protéger — ce qui est un terme, quand même, un peu plus fort que ce que j'ai au fond de ma pensée — les intérêts du ministère de l'Education et des citoyens de la province de Québec. Donc, ces quatre personnes vont jouer un rôle considérable si elles le veulent bien.

Tenant compte de ce fait, cela renforce notre position à l'effet que le président et le vice-président devraient être choisis parmi les 165 commissaires élus, quitte à ce que ce soit le lieutenant-gouverneur en conseil qui nomme ce président et ce vice-président, qui auraient cependant été choisis à même les 165. Je crois que dans notre association, nous serions d'accord qu'il y ait une période où on peut accepter un certain compromis un peu plus marqué. Mais, un fait est extrêmement important et vous l'avez mentionné, M. le député de Bagot, c'est qu'on ne doit pas laisser la possibilité pour les années à venir — et quand je dis "années à venir", ce n'est pas dans un quart de siècle — on ne doit pas laisser la possibilité, vous me passerez l'expression, cela ne se fait pas mais je vais employer quand même le terme, que des manipulations politiques entrent en ligne de compte pour ces nominations. Je sais que cela ne se fait pas habituellement.

M. CARDINAL: Là, c'est moi qui souris. M. CHARRON: Parfois.

M. LE PRESIDENT: M. Lavigne, nous vous remercions. S'il n'y a pas d'autre question, nous passerons au mémoire suivant, celui du Congrès juif canadien. M. Samuel Lewin.

M. LAVIGNE: M. le Président, avant de terminer, si vous voulez me le permettre, je voudrais remercier les membres de la commission parlementaire pour l'attention soutenue qu'on a bien voulu manifester lors de la présentation du mémoire de l'Association des commissions scolaires. Je vous remercie.

Congrès juif canadien

M. BESSNER: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission de l'Education. Mon nom est Morton Bessner. J'ai l'honneur de représenter le Congrès juif canadien. J'ai avec moi, dans la délégation aujourd'hui, à ma gauche, M. Léon Teitelbaum et M. Mervin Rosenstein, à ma droite, M. Samuel Lewin et M. Mayer Levy qui a apporté à la commission quelques copies additionnelles de notre mémoire.

Le Congrès juif canadien, région de l'Est, en sa qualité de porte-parole reconnu de la Communauté juive de la province de Québec, est heureux d'avoir l'occasion de soumettre ses recommandations et son avis concernant le projet de loi no 28. Nous avons, en de nombreuses occasions précédentes, durant les sept dernières années, déposé devant le gouvernement du Québec des mémoires au sujet de l'éducation.

Nous avons déposé, la dernière fois que nous sommes venus ici, je pense que c'est le 30 septembre, sept mémoires sur cette question. C'est sur la base des mémoires précédents que nous venons aujourd'hui avec nos recommandations et nos avis.

La position de base du Congrès juif canadien est, en deux paragraphes, que le but ultime des amendements à la Loi de l'éducation devrait être l'établissement d'une administration scolaire unifiée, démocratiquement élue, comprenant des sauvegardes adéquates écrites dans la loi, en vue d'assurer l'égalité de l'éducation et les conditions nécessaires afin de fournir des cours d'études de la plus haute qualité dans la langue choisie par les parents.

We believe that our educational system ought to be based on linguistic duality within one overall school administration with the option open to all parents to send their children to schools of their choice. We believe that the aim of all schools must be an educational process equipping all students with a working knowledge of French and English as languages of communication.

The Jewish community as a whole subscribes to the principle of linguistic duality and cultural pluralism as the foundation of the public education system, with the rights of parents to choose the language of instruction and the type of school for their children.

Si vous me permettez, je voudrais faire quelques observations sur des points définis dans le projet de loi no 28. Ces recommandations sont faites pour établir un système scolaire valable dans la province de Québec, sur l'île de Montréal, pour tous les citoyens.

Dans l'article 583 du projet de loi, nous voyons que chaque commission scolaire sera composée de quinze commissaires élus. La méthode d'élection, je vous en parlerai dans quelques minutes. On disait aussi, à l'article 583: "Toutefois, le lieutenant-gouverneur en conseil peut, s'il constate que la minorité francophone ou anglophone, selon le cas, n'est pas représentée par suite de l'application de l'alinéa précédent, nommer, sur la recommandation du ministère, deux autres commissaires d'écoles pour des mandats d'une année scolaire — je vous demande de noter les mots qui suivent — après consultation des présidents des comités consultatifs d'écoles de la minorité concernée".

Respectueusement, messieurs, notre déléga- tion pense qu'il y a peut-être une erreur dans ces derniers mots. Si on lit la loi en question, on ne retrouve pas ces comités, c'est-à-dire les comités linguistiques anglophones ou francophones, dans la Loi de l'éducation ni dans ce projet. Respectueusement, nous suggérons qu'il y a une erreur.

Ces deux membres additionnels qui sont là, supposons, pour représenter, selon le cas, la minorité francophone ou anglophone, doivent être nommés — et j'ai utilisé le mot "doivent" — après consultation avec les organisations les plus représentatives de la minorité concernée.

C'est le premier point que j'expose au sujet de cet article. Deuxièmement, sur ce point, if it is the intention to give true representation to the minority concerned — and we believe that is the intention — we suggest that instead of a term of one school year which would mean in and out and not having the same mandate as the elected representatives, that they would be appointed with the same term of office as the elected representatives.

And the third point that we wish to make on that particular issue is that we feel that it should not be a discretionary matter but the word "peut" should be changed to the word "doit". So that one could be assured of true representation in the local school board.

Continuons avec les commissions scolaires. Le projet disait que, pour être élue ou pour se présenter aux élections, une personne doit avoir la citoyenneté canadienne. We believe that the provisions found in the present articles 95 and 99 as amended by bill 27, automatically would exclude a large portion of the community which is intimately concerned about educational matters, that is parents of children who we may call, for lack of a better term, new settlers.

These people must wait a minimum of five years before they can become Canadian citizens. However, during this minimum period, most of them have young children attending our school, most of them are very concerned about their entrance into our school. To remove these people from the electoral process because of the Canadian citizenship barrier, we believe, is excluding a large portion of the student community. We therefore recommend that with regard to the election for school commissioners in article 95, and the standing for election to school commissioners in 99, that a period of Canadian residence in excess of one year is fully sufficient to make persons éligible to vote at the election of a school commissioner or to hold office.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que je pourrais poser une question? Dans vos recherches que vous avez faites sur la législation scolaire dans d'autres pays, pouvez-vous m'indiquer les pays où les gens qui n'ont pas la citoyenneté du pays

peuvent se présenter comme commissaires ou voter dans une élection scolaire? Je ne sais pas, moi...

M. BESSNER: Respectueusement, M. le ministre, je ne peux pas vous citer un autre pays où cette situation existe.

J'espère que le Québec sera "in the forefront" en éducation. J'espère qu'à cette situation-là on pourra — je crois que le député a parlé de leadership — donner un leadership. Ces nouveaux arrivés, après un an, s'ils ont des enfants dans une école et qu'ils sont intéressés à l'éducation de leur enfant... Ceux qui sont ici depuis plus de cinq ans, sont des citoyens canadiens. Ensuite de cela, je pense qu'au Canada et à Québec nous avons plus d'immigration qu'en Europe, plus d'immigrants qui viennent ici définitivement. C'est la raison pour laquelle on a utilisé le terme d'un an; cela va indiquer une permanence, pas une transition.

C'est peut-être un autre moyen d'encourager les immigrants à venir à Québec parce qu'ils seront immédiatement admis, après un an, dans le milieu d'une chose essentielle pour chaque parent, chaque immigrant avec des enfants, soit une voix à la commission scolaire, dans le rôle de l'éducation dans leur pays.

The next section, to which we would like to address ourselves with regards to Bill 28, deals with the question of language of instruction. Section 203 of the Education Act was amended in November 1969 by what is commonly known as Bill 63. This body knows well the responsibilities placed on school boards "to take the measures necessary to have the courses of study from the first year level to the eleventh year level inclusive, adopted or recognized for Catholic, Protestant or other public schools, ...given to all the children domiciled in the territory under their jurisdiction..." Such courses must be given in the French language, unless the parents of the child, at the time of the enrolment of that child opt for the course to be given in English language at which time "the curricula and examinations must ensure a working knowledge of the French language". The Minister must therefore take the measures necessary for this purpose.

Nous sommes convaincus qu'il est important pour le public d'être non seulement rassuré et systématiquement informé au sujet de chaque commission disposant des moyens de fournir des cours d'étude dans la langue choisie par les parents, mais aussi de savoir comment ce système agira sous l'administration scolaire unifiée proposée.

We therefore recommend that article 589 includes provisions that it will be the duty and responsibility of the deputy directors general to see that the courses of the highest quality are available in the language of instruction chosen by the parents, in each of the schools under the jurisdiction of the board and that the deputy directors general had a power and resources to fulfill the request of parents. The adequate staff is available at all levels to establish and supervise such course. As the right to choose the language of instruction is a paramount importance to parents, we would also recommend that consideration be given to incorporating into the Education Act provisions which would permit an appeal to the Provincial Courts in case a board would fail to implement the provisions of article 203 (2) and 203(4) of the Education Act establishing this right.

And we therefore suggest that this appeal procedure be implemented as an amendment to the Education Act following article 508.

We foresee six types of schools under bill 28 which will be available under the jurisdiction of each school board. And we believe that it is essential that each parent be aware of the options available; we believe that the parents must be aware of these options and we believe that the board must take the measures necessary for the exercise by these parents of the options.

And some of the options we see are the type of school they wish their children to attend, that is Catholic, Protestant or other; the language of instruction, taht is whether they wish their child to be taught in English or French; and the nature of religious instruction, that is what kind of religious instruction they want their children to get or whether they would prefer their children to have moral instruction instead of courses in religion.

We therefore recommend that article 587 be amended to include provisions that each school board must take the measures necessary for the exercise of these parental options in all of their aspects, in all of the school boards, and that such options be opened to exercise by all parents.

Quand nous étudions l'article 589 et les articles 593 à 596 de ce projet concernant les comités confessionnels et les personnes responsables des questions religieuses, nous devons porter à votre attention les trois points suivants. Comme nous l'avons déjà souligné, parce que chaque commission scolaire peut être appelée à dispenser des cours d'instruction religieuse ou morale autres que catholiques ou protestants, dans toutes ces écoles non seulement dans celles qui ne sont pas confessionnelles, on aurait dû s'attendre que des dispositions soient édictées dans le projet pour qu'un troisième comité supervise ces cours. Ceci pour être conforme à l'esprit et à la lettre du rapport Parent.

Néanmoins, en vue de prévenir de futures fragmentations, nous ne suggérons pas l'établissement d'un comité séparé pour l'éducation non confessionnelle. Mais nous sommes préoccupés par la rédaction actuelle de l'article 589 déclarant que les commissaires d'écoles doivent désigner "deux personnes responsables des questions religieuses, l'une pour les catholiques et l'autre pour les protestants." Il nous apparaît

que cette définition va bien au-delà de ce qui est envisagé par l'établissement de comités confessionnels qui doivent veiller à l'application des règlements des comités catholiques ou protestants du Conseil supérieur de l'éducation. "Questions religieuses" a un sens beaucoup trop large et est pratiquement un terme trop vaste.

De plus, nous pensons qu'il est prévisible que plusieurs élèves catholiques ou protestants fréquenteront des écoles non confessionnelles. La loi ne devrait attribuer à ces personnes aucune juridiction sur les étudiants catholiques et protestants en dehors des écoles publiques catholiques et protestantes à moins que ces étudiants n'optent pour une éducation catholique ou protestante au sein des écoles non confessionnelles et, ainsi, uniquement pour une pareille instruction.

As a consequence of this, we have three suggestions. One we have already made that if confessional comittees are to be maintained — and we respectfully appreciate and adhere to the right of those who wish confessional committees to be maintained, but they will be maintained in the public school sector — we say that in this regard the question of exercising the option must be clearly defined and clearly available.

Secondly, we suggest that the wording of article 589, stating that school commissioners must appoint two persons "responsible for religious matters: one for Catholics and the other for Protestants", would go too far and therefore we suggest that the wording be changed to read as follows: At the request of the commitees contemplated in section 593, the school commissioners must appoint two persons responsible for the implementation of the regulations of the Catholic or Protestant committees of the Superior Council of Education as the case may be and not to have jurisdiction over all Catholics and all Protestants, especially those who may have opted to go outside the Catholic or Protestant schools into the — for a lack of a better term — non denominational school.

M. SAINT-PIERRE: You have a paragraph in page 8 which is hard to understand. You said that confessional committees should have no jurisdiction over Catholic or Protestant students who have opted to go into the non-denominational school, unless the same person decides to have, within the non-denominational school, Catholic or Protestant education.

You know, the basic choice you have to make is whether you are going to go to a Catholic school, a neutral school, or a Protestant school. Once you have decided you are going to have religious instruction, I do not think that the law should allow in a sense Catholic or Protestant instruction within a neutral school, otherwise the term neutral school becomes meaningless.

M. BESSNER: I think on that point one could opt to have religious or moral instruction without having Catholic or Protestant education. I think one was talking of a course such as mathematics, history, etc., and the other was talking about a total educational approach.

M. SAINT-PIERRE: I will be more specific. It seems to me a bit nonsense that — I am sorry about the term — in the last two lines of the third paragraph of page 8, you say "...students opt for Catholic or Protestant instruction in the non-confessional schools." You know, you cannot opt for a Catholic instruction in a non-confessional school. If you want to have a Catholic instruction, you opt for Catholic schools. Otherwise, we will have people today who want to have neutral instruction in a Catholic school. It is so complicated to start with that I would not like to have more...

M. BESSNER: I respectfully submit that perhaps it is complicated to start with, but I personnally can see a person opting for courses in moral or religious instruction, Catholic, Protestant, Jewish, Greek Orthodox. One could opt for a course of religious or moral instruction as a course of study without opting to be within the framework of a Catholic public school.

M. SAINT-PIERRE: Yes.

M. BESSNER: That is the distinction I am making, Mr. Minister and members of the Committee.

M. SAINT-PIERRE: Well, I do not know... If people are really Catholic and Protestant, I presume they would opt for a Catholic school. People who go to a neutral school, I am not saying that they could not have moral instruction, but this moral instruction cannot be tied into a particular religion. It might be natural morals, I do not know what kind, and we have actually a course of this type foreseen for neutral school.

M. BESSNER: Mr. Minister, I respectfully submit that it is foreseeable that Catholic parents and Protestant parents could opt to send their children to the public school which is neither Catholic nor Protestant. And within that school, the Parents Advisory Committee could suggest that they would like the course which you now suggest, of moral instruction, be Protestant moral instruction or Catholic religious instruction. I am not making the option but I do say that it is foreseeable that one could have a course of moral instruction and still not be in a religious public school.

M. SAINT-PIERRE: And more specifically, would this not be a disguised way of having two religious types of school plus one neutral and

trying to have the neutral become, you know, twenty-five different religions? We could at the end have 75 different types of schools because the Mormons, as a religious group, would like to take all the neutral school, and say we are going to have Mormon instruction into that. We could go in Buddhism and all the rest of it.

I am not saying this is wrong, but so far this has not been the rule of the game.

M. BESSNER: I think that there is a safeguard in all these matters. One must talk of being practical and I think it is the question of whether there is sufficient demand for this kind of course, just as there could be other courses, except the ones that one requires for matriculation purposes that are electives. Again, that is a question of demand. The electives that one has in a school depend on demands, not anything else. That is the practical criterion.

M. CARDINAL: M. le Président, what are the reasons of the goals of such recommendations? In fact, I an in the same situation as the Minister. I do not understand why you suggest such a thing. There should be a reason which would explain this paragraph.

M. BESSNER: Well, I am reading first what I see as being proposed in the bill ; the definition as suggested, I respectfully submit, goes beyond what was intended, namely the words religious matters are much broader that the definition for implementation of the regulations made by the Catholic and Protestant school committee, under the Superior Council of Education. That is point number 1.

M. CARDINAL: Right. Je m'excuse de vous interrompre. Je vais parler français. Dans la Loi du Conseil supérieur de l'éducation, on prévoit l'enseignement catholique, protestant ou autre. Est-ce que je dois comprendre — ma question va être très précise — que le Congrès juif désirerait — je ne veux pas imputer d'intention ici — que les membres de la religion juive choisissent, de préférence aux écoles protestantes, les écoles neutres, où ils désireraient avoir un enseignement religieux qui se rattache à leurs croyances? Is my question clear?

M. BESSNER: Your question is: Do we anticipate having a religious attachment to the neutral school?

M. CARDINAL: Yes.

M. BESSNER: No, we do not see a religious attachment to the neutral school. We see it as the Government has defined as a school other than Catholic or Protestant and, to use the term that has been used around the table, a neutral school, where, hopefully, there will be children of all professions, all sorts at the school. But we do foresee that even in this school, just as there are other options available, except those which are specifically required to get a matriculation at the end of grade eleven, there are other optional courses available, if there is the kind of demand that wants a course in moral instruction.

Then, I suggest that we recommend it be available as well. But we do not foresee giving a religious character to the neutral school. We foresee it as a neutral school having a non-confessionnal, non-religious connotation.

M. CARDINAL: The school will be neutral but if the parents ask for moral or religious instruction, the neutral school will be obliged to give such instruction.

M. BESSNER: If the demand is sufficient to warrant it,...

M. CARDINAL: O.K.

M. BESSNER: ... I respectfully submit however that it probably is more practical to anticipate what the Minister of Education refer to as if Catholic parents want Catholic instruction, they would probably opt for a Catholic school system. But, we do foresee in the neutral school some liberality. I am not suggesting that it will happen but we call to the Government's attention that it is a possibility because there is a possibility that Catholic parents and Protestant parents may choose to send their children to the neutral school system.

M. CARDINAL: It may happen, yes.

M. BESSNER: And, in that event, that is why we suggest that. It is really why we are suggesting it, parce que dans l'article 589 les mots sont trop larges. If a parent chooses to send his child to the neutral school, we suggest that the regulations of the Protestant and Catholic committees should not affect the people who have opted not to be affected and who should go to the neutral school.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Je comprends le sens de votre remarque. Il est prévisible, en effet, que des parents qui auraient opté pour une école confessionnelle... Je reprends mon vieux "bag" sur la confessionnalité. Il y a plusieurs confessionnalités à l'intérieur de la même confession. Supposons que des parents, ayant opté pour une école catholique, les parents catholiques de gauche, et qui se ramassent avec un comité consultatif qui soit beaucoup plus conservateur, considèrent qu'il est mieux pour le catholicisme de leurs enfants de les mettre dans une école neutre que de les mettre avec les catholiques de l'ancienne époque. Et les ayant mis dans une école neutre, qu'ils puissent se servir du comité

consultatif pour demander un enseignement moral conforme à leurs ambitions. Je comprends le sens et c'est prévisible en effet; je connais une multitude de parents qui, bien que catholiques pratiquants, vont opter pour l'école neutre pour leurs enfants plutôt qu'une école confessionnelle d'arrière-garde. Sur le plan administratif, vous imaginez ce que cela veut dire: une tour de Babel. Parce que nous aurions des écoles confessionnelles d'un style, confessionnelles d'un autre, et partiellement neutres, et vraiment neutres, et totalement neutres. La loi, en créant six types d'enseignement, se donne suffisamment d'ennuis administratifs sans pousser plus loin. La rédaction de l'article 589 est satisfaisante à cet égard-là.

Ne croyez-vous pas qu'on augmente les dangers de chaos administratif avec un amendement comme celui-là?

M. BESSNER: M. le député, quand vous parlez du pouvoir de consulter, je suis d'accord que pour l'économie, cela va être essentiel, cela va être pratique. Mais le point qu'on essaie d'établir, peut-être qu'on ne l'a pas fait encore, est que, dans les écoles publiques non catholiques, non protestantes — on les appelle neutres pour le moment — on ne voudrait pas que ces gens aient le droit de rentrer dans cette école sans invitation.

C'est la seule réserve que nous vous démontrons. Nous disons que le projet de loi, tel que rédigé, à notre avis, donne à ces personnes le droit d'entrer dans les écoles neutres sans invitation. Nous suggérerions respectueusement que dans l'intérêt d'avoir une école publique non catholique et non protestante, c'est-à-dire neutre, elles n'aient pas le droit d'y entrer mais elles doivent y être invitées. Il serait essentiel et pratique d'utiliser leurs expériences, leurs services mais par invitation.

M. CHARRON: Qui les inviterait?

M. BESSNER: Les parents, les éducateurs, les directeurs généraux adjoints, ceux qui ont la charge de donner ces cours, s'ils sont demandés. Mais je fais une distinction entre le droit d'entrer et l'invitation. Dans le cas de l'école neutre, on parlait d'une invitation. Je pense que vous avez raison, il sera nécessaire de l'utiliser mais par invitation et non par droit, parce que comment peut-on désigner quel élève a le droit de le chercher dans l'école neutre? C'est le problème. Alors par invitation, si un groupe de parents le voulaient et s'il était pratique d'avoir un cours d'instruction morale, le comité catholique a les moyens de le donner, certainement c'est pratique de l'utiliser par invitation, par utilisation, par demande mais pas par droit d'entrer dans l'école neutre en disant: Nous avons ce cours d'instruction morale, vous, catholiques, devez le prendre.

M. LE PRESIDENT: M. Bessner, étant don- né que nous avons plusieurs mémoires, serait-il possible de vous demander de lire les recommandations?

M. BESSNER: J'ai presque fini. Je ferais mieux d'arrêter ici. Tenez pour acquis que mon mémoire est déjà lu. Je répondrai à vos questions. Si c'est préférable pour les membres de la commission, je suis prêt à essayer de répondre à leurs questions.

Je laisse donc le mémoire ici et demande au président de le déposer au journal des Débats, ainsi que les autres mémoires déjà déposés. (Voir annexe B).

M. LE PRESIDENT: Très bien. Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Au niveau du conseil scolaire de l'île, vous demandez que la disposition prévue à l'article 583, au niveau des commissions scolaires, qui permet au ministre d'ajouter deux commissaires là où la minorité n'est pas représentée, soit reportée également au niveau du conseil scolaire de l'île. Or, il existe déjà une disposition, dans le projet de loi actuel, qui réserve au ministre le droit de nommer quatre personnes sur quinze. Ne trouvez-vous pas que c'est par ces quatre nominations qu'il pourrait corriger — si c'est un objectif, évidemment — la faiblesse de représentation d'une minorité, non pas lui ajouter, en plus de son droit de quatre nominations sur quinze, un droit d'en nommer deux autres? S'il ne l'a pas fait dans ses propres nominations, c'est bien sa faute si les minorités ne sont pas représentées.

M. BESSNER: Vous avez raison. C'est une chose qui est à la discrétion du ministère. Les deux modalités sont à la discrétion du ministère. Mais je pensais qu'en donnant toute la bonne foi au ministère, il arriverait peut-être qu'une minorité ou l'autre, selon le cas, ne soit pas assez représentée. Alors nous suggérons qu'il ait le droit d'y réfléchir de nouveau et de faire une nomination de deux autres personnes pour que ce groupe de la minorité soit représenté.

Même à la commission scolaire, on ne parlait pas d'un mandat d'une année. On disait que, si un groupe doit être représenté, il doit l'être durant tout le mandat de la commission, c'est-à-dire trois ou quatre ans selon le cas.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que d'autres membres aimeraient questionner M. Bessner? Est-ce que vous avez terminé, M. Bessner?

M. BESSNER: Il y a peut-être un point dont nous allons parler dans un moment, c'est du conseil scolaire de l'île de Montréal. La loi parle des personnes spécifiques, des protestants, des catholiques, et des écoles qui existent dans le moment. Elle énumère ceux qui seront nommés à ce conseil. Dans la section des dispositions

transitoires, en plus des personnes qui sont déjà désignées à l'article 9, vu que, peut-être des personnes qui auront choisi l'école non confessionnelle n'y sont pas représentées nous suggérons respectueusement, à ce point de vue là, que la loi soit amendée pour qu'une ou des personnes puissent représenter ce groupe de personnes qui veulent un système non confessionnel. Cela peut aider, durant cette période de transition, la commission scolaire de l'île de Montréal. Nous suggérons cela respectueusement comme un point essentiel dans notre présentation.

M. CHARRON: J'aurais une question, si vous me le permettez. Dans la recommandation, vous vous dites d'accord sur la disposition de la loi qui dit qu'il y aura des adjoints de la langue de la minorité dans chacune des commissions scolaires. Vous allez plus loin et vous demandez même que ces adjoints-là — c'est votre recommandation no 6 — "aient le pouvoir et les moyens de répondre à la requête des parents et disposent d'un personnel adéquat à tous les niveaux pour établir et superviser ces cours". Est-ce que ça ne veut pas dire, finalement ce que d'autres groupes à la table où vous êtes actuellement ont exprimé comme craintes, soit qu'on se ramasse, en réalité, avec 22 commissions scolaires plutôt que onze? Elles ne seraient unifiées qu'à la table des commissaires élus au suffrage universel, mais, dans le fonctionnement quotidien de l'administration des commissions scolaires, il y aurait celle des Anglais et celle des Français dans chacune. Finalement, si vous demandez qu'il y ait tous les personnels, tout le tralala, toute la bureaucratie d'une langue, toute la bureaucratie d'une autre, on va se gargariser pour rien quand on va dire qu'on a unifié les commissions scolaires.

M. BESSNER: On ne veut pas deux systèmes séparés, mais il y a une chose essentielle, c'est qu'ils doivent avoir le pouvoir. On pourra utiliser le même personnel dans la région scolaire unifiée pour que les demandes des parents soient réalisées. On ne demande pas que, dans chaque étape, il y ait deux personnes, une de langue anlaise, une de langue française, mais seulement dans les étapes où les parents demandent d'avoir le pouvoir, le personnel, les écoles, les salles de classe, les livres, les modalités. Mais chaque fois qu'on a reçu une demande, on ne doit pas nommer nécessairement un Anglais et un Français, parce que ce n'est pas pratique.

M. CHARRON: A ce moment-là, on peut se baser simplement sur l'article 587, qui oblige les commissions scolaires à assurer un enseignement de qualité à tous, qu'ils soient Anglais ou Français, catholiques, protestants ou autres. Si vous n'imposez pas le dédoublement de A à Z, c'est vrai que les commissions scolaires, là où il faudra nommer des adjoints dans la langue de la minorité, le feront, mais qu'on ne consacre pas un dédoublement d'un bout à l'autre.

Je suis bien convaincu, moi aussi, qu'une commission scolaire qui va desservir une clientèle disons à 30 p.c. de la langue d'une minorité, quelle qu'elle soit dans cette commission-là, devra engager du personnel de la langue de cette minorité là. Particulièrement pour le gars qui travaille avec des étudiants, c'est bien mieux qu'il parle leur langue, etc. Ma compréhension de votre recommandation no 6 était que vous obligiez le dédoublement de haut en bas. Là, vous faites simplement exprimer un souhait que vous portez aux commissaires. A ce moment-là, cela va.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Bessner.

M. BESSNER: Merci, M. le Président, merci aux membres de la commission.

M. LE PRESIDENT: Il est bien entendu que votre mémoire sera transcrit en entier au journal des Débats pour fins de référence.

Nous entendrons maintenant l'Office de l'éducation de l'archevêché de Montréal.

Office de l'éducation de l'archevêché de Montréal

M. LAFONTAINE: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, j'aimerais d'abord vous présenter les membres de cette délégation qui représente l'archevêque de Montréal.

M. LE PRESIDENT: Pourriez-vous vous identifier pour le journal des Débats?

M. LAFONTAINE: Mon nom est Jean-Marie Lafontaine, je suis vicaire général et coordonna-teur général du diocèse. J'aimerais maintenant présenter les membres de la délégation qui représentent l'archevêque de Montréal. En commençant par la gauche, Mlle Jeanne Leroux, directrice d'école secondaire à la Commission scolaire de Verdun; Mgr Léonard Crowley, évêque auxiliaire à Montréal; l'abbé Maurice Audet, directeur de l'Office de l'éducation du diocèse de Montréal; M. Yves-Aubert Côté, directeur du département des sciences comptables à l'Ecole des hautes études commerciales; l'abbé Jean-Paul Rivest, secrétaire du comité exécutif diocésain Mlle Denise Gaudet, directrice d'école primaire à la Commission scolaire d'Outremont, et M. Jacques Hulman, catéchète et directeur adjoint de l'Office d'éducation du diocèse de Montréal.

Nous représentons l'archevêque de Montréal qui est actuellement, comme vous le savez, à Rome pour participer au synode. Nous essaierons de transmettre le point de vue et l'avis, le plus fidèlement possible, de celui qui est le chef spirituel de la communauté catholique de Montréal, de celui qui, au début de 1970, a quand

même essayé de faire un effort de consultation qui a provoqué l'intérêt des paroissiens dans 18 paroisses et quatre associations de parents, 10 associations ou groupements de maîtres, un groupe d'étudiants-maîtres, deux groupes d'administrateurs scolaires et sept mouvements ou organismes de l'Eglise. C'est vous dire qu'au début de 1970, au sujet du projet de loi 62, environ 6,000 personnes se sont exprimées effectivement et environ 85 p c. de ces personnes ont souhaité que, dans le contexte actuel, demeurent les commissions scolaires confessionnelles.

Je commenterai brièvement l'avis de l'archevêque de Montréal à la commission parlementaire et, ensuite, s'il y avait des questions, je pense qu'il y aurait lieu que mes collègues de la délégation puissent participer aux réponses ou à l'élaboration des réponses.

Pour citer peut-être un document que je ne pourrais pas endosser dans toutes ses parties, loin de là, celui de l'Alliance des professeurs de Montréal, qui répète à deux reprises qu'il ne fait aucun doute que les catholiques montréalais désirent des écoles catholiques, le projet de loi ne met pas en cause l'existence de l'école catholique puisqu'à l'article 587, je crois, on donne comme mandat aux commissions scolaires qui naîtraient du projet de dispenser l'enseignement catholique pour les écoles catholiques.

S'il ne fait aucun doute que les catholiques de Montréal désirent des écoles catholiques, je pense qu'il incombe au premier chef spirituel de la communauté catholique, l'archevêque de Montréal, de se demander si ce souhait ou cette volonté doit être vraiment respectée.

Dans le mémoire, au premier paragraphe, on remarque une courte énumération des objectifs que se propose le projet de loi: l'égalité des services sur tout le territoire; une participation plus large de la population, notamment des parents, mais aussi de ceux qui seraient appelés à élire des commissaires; le respect du pluralisme religieux.

L'archevêque de Montréal, dans l'avis qu'il a exprimé à la commission parlementaire, s'inspire d'un certain nombre de données. D'abord, l'importance, dans l'édification de la société, de valeurs telles que la dimension spirituelle de l'homme. Quand on parle aujourd'hui de plus en plus d'éducation humaine, je pense qu'on se réfère de plus en plus à la possibilité pour l'étudiant, puisqu'il s'agit de lui, de construire lui-même sa propre échelle des valeurs et d'être dans une situation qui lui permette de le faire.

L'archevêque aussi s'inspire des exigences de la paix sociale et aussi du respect des autres, de même que du rôle subordonné mais nécessaire des structures par rapport à ces valeurs. Je pense que, depuis de nombreuses décennies dans un grand nombre de pays, les catholiques ont manifesté qu'ils accordaient beaucoup d'importance à l'école catholique, qu'il s'agisse de la province de Québec, qu'il s'agisse des autres provinces du Canada, d'un certain nombre de pays d'Europe ou des Etats-Unis, où on a quand même consenti des sacrifices assez importants pour maintenir des écoles catholiques. C'est signifier qu'elle peut constituer un apport considérable pour la promotion des valeurs spirituelles; c'est signifier que l'école n'est pas envisagée uniquement comme un endroit où on forme des producteurs mais où on essaie de développer l'esprit créateur, ce qui suppose une vie intérieure et la construction d'une hiérarchie des valeurs.

Par ailleurs, tout le monde est conscient qu'à Montréal il y a plusieurs familles spirituelles, il y a plusieurs groupes culturels et c'est l'intention de tout le monde, je crois, de voir à ce que la réforme du système d'éducation à Montréal puisse se réaliser le plus possible dans la paix. Tous ces groupes différents ont droit à des services adéquats, sans que pour autant soient compromis les droits de la majorité.

On a souvent dit que l'Eglise catholique avait mis beaucoup l'accent sur ce qu'on a appelé le juridisme; cela a pu être vrai, surtout si on se limite à un regard rapide de l'histoire. Mais, pour le moment, l'archevêque de Montréal nous indique comment l'engagement des personnes est fondamental mais que, pour assurer la stabilité à des projets, les soutiens juridiques sont importants. Et il faut que la philosophie, les objectifs de l'éducation catholique puissent se concrétiser dans un réseau de décisions et d'autorités qui les assume pleinement.

C'est ainsi que, si on fait le raisonnement que les catholiques en grande majorité à Montréal veulent des écoles catholiques, il faut s'assurer qu'il y ait justement un réseau de décisions et d'autorités qui assume pleinement les objectifs de l'école catholique.

Or, si l'on considère le projet de loi 62, on peut se rendre compte qu'on affirme maintenir l'école catholique mais sans prévoir les mécanismes de gestion appropriés à la vie et au développement de cette école. On ne trouve pas non plus de fonction de direction bien identifiée comportant un mandat spécifique pour la gestion des écoles catholiques.

Le comité confessionnel qui affectera la commission scolaire est de ce fait réduit à un rôle de vigilance et il risque justement d'être peu efficace parce qu'il ne sera pas articulé sur des fonctions ou un réseau de décisions de l'ordre que j'ai mentionné précédemment. Et ceux qui ont essayé de proposer des amendements qui donneraient au comité confessionnel de plus grandes responsabilités, parfois on dirait plus de pouvoirs, se sont rendu compte assez rapidement qu'ils essayaient d'organiser la quadrature du cercle, parce que plus on donnera de pouvoirs au comité confessionnel, plus on risquera d'avoir une autorité bicéphale dans un système scolaire, on en enlèvera aux commissaires pour en donner davantage aux membres du comité confessionnel avec tous les risques qu'une autorité bicéphale peut entraîner.

Le projet de loi prévoit aussi l'engagement

d'un responsable des questions religieuses. Je suis convaincu qu'on n'a pas eu recours à cette expression dans une intention de minimiser. Il reste quand même que, pour ma part, à première vue, lorsqu'on parle de responsable des questions religieuses, c'est une expression qui accentue la marginalité de la vie religieuse, comme si tous les autres n'avaient pas des responsabilités, ne serait-ce qu'en vertu de leur foi et parfois même en vertu de leur mandat. De toute manière, quant à ce responsable nommé de cette façon, on ne sait pas ce qui lui sera confié, quel sera son rôle, ses capacités d'agir.

Pour ce qui concerne les comités consultatifs d'école, je pense que sans avoir à se targuer de résultats phénoménaux, on peut constater que, dans beaucoup d'endroits dans la province et en particulier à Montréal, il y a eu beaucoup d'efforts de faits pour intéresser les parents à la chose scolaire.

Pour parler de Montréal, depuis deux ans, nous avons des activités qui ont été inspirées par le programme pastoral. Nous avons signifié la volonté d'intéresser les parents à la chose scolaire. Mais nous nous rendons compte quand même que la participation à la chose scolaire, comme la participation en général d'ailleurs, est difficile. Quant à la chose scolaire, il nous apparaît que l'expérience de cette participation n'est pas assez avancée pour qu'on puisse prévoir l'influence réelle des parents à l'école.

Comme j'ai essayé de l'indiquer tout à l'heure, l'étude du projet de loi lui-même, c'est en haut de la page 3, fait apparaître la difficulté qu'il y a, en raison même de l'économie du projet, de bien définir les soutiens juridiques qui garantissent l'école.

A cette difficulté s'ajoutent les problèmes qui pourront être engendrés par une unification trop rapide des structures et par la mise en place ou ensemble de gens de diverses confessions religieuses, de diverses cultures, pour administrer des écoles également diverses.

Pour toutes ces raisons, l'archevêque de Montréal propose une restructuration progressive du système scolaire montréalais.

Progressive ne veut pas dire ici que nous voulons le statu quo aussi longtemps que possible. Au contraire, l'archevêque, sans entrer dans l'élément technique, propose que d'abord on institue le conseil scolaire qui, lui, est susceptible justement d'atteindre un objectif qui est souhaité à savoir une meilleure répartition des ressources, une meilleure répartition des services. Il propose aussi qu'on redonne une impulsion aux comités d'école justement pour que nous puissions juger, à la faveur d'une expérience plus longue, de l'influence réelle des parents au niveau de l'école. Il propose aussi que, pour fins de simplification administrative, si on le juge à propos, on puisse regrouper ou rediviser les commissions scolaires mais en maintenant ces commissions scolaires catholiques, protestantes ou autres, si besoin est. Et cela pourrait, dans notre esprit, être mis en pratique dès la mise en vigueur de la loi. Ce qui veut dire que les principaux objectifs, l'égalité des services, le respect des autres et de leur foi différente, ce qui veut dire qu'une certaine simplification pourrait se faire immédiatement.

Ce qui veut dire aussi que des dispositions pourraient être gardées pour assurer le maintien du développement de l'école catholique. Par la suite, une fois l'expérience vécue, on pourrait voir quel est le type de commission scolaire qu'un sain réalisme commande.

Il s'agit ici d'une loi interne, de croissance, des mentalités et de l'expérimentation. D'ailleurs, on a un peu de difficultés à voir pourquoi, en particulier dans le Montréal métropolitain — et c'est vrai pour le reste de la province — vous auriez dans un même diocèse ou dans le Montréal métropolitain deux systèmes scolaires. A Montréal, par exemple, le diocèse s'étend jusqu'à l'île Jésus, où s'appliquerait la loi no 27. D'autre part, nous avons des voisins, de l'autre côté du fleuve, sur la rive sud, où s'appliquerait la loi no 27. Je ne pense pas que les caractéristiques culturelles de la population soient à ce point différentes qu'on puisse expliquer le bien-fondé de deux système scolaires dans un même diocèse ou dans le même Montréal métropolitain. Il semble que l'inspiration de la loi no 27 pourrait être retenue pour faire face aux problèmes que pourrait engendrer, du moins à mon avis, l'application du projet de loi no 28.

L'attitude pastorale de l'évêque s'exprime de la façon suivante: Est-ce que, dans ce nouveau contexte, l'école aura l'aptitude de favoriser l'éducation de la foi des jeunes dans l'hypothèse où les parents le désirent pour eux, ou dans l'hypothèse où les jeunes, même rendus à un certain âge, ont choisi ce type d'école?

C'est l'ensemble du mémoire et quelques commentaires que j'ai cru utile d'ajouter.

M. LE PRESIDENT (Pearson): Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. Lafontaine, j'aurais d'abord une première remarque à faire avant de passer à des questions sur l'aspect plus spécifiquement traité dans l'avis que l'archevêque de Montréal envoie par votre délégation aujourd'hui. Je ne voudrais pas que vous la preniez comme étant impolie ou comme voulant manquer d'égard à qui que ce soit, y compris et surtout à l'archevêque de Montréal, mais je suis déçu, à la lecture de l'avis de Mgr Grégoire — une fois de plus je dois dire — du comportement de l'Eglise dans les matières cruciales qui se débattent au Québec depuis quelques années.

Vous venez parler sur un projet de loi qui a d'éminentes conséquences dans plusieurs domaines. Il en a sur la confessionnalité, si vous voulez, sur la foi des Montréalais, soit. C'est votre premier devoir. Il n'y a pas mieux placé que le chef spirituel de l'Eglise à Montréal pour

le faire. Mais il ne fait pas que cela. Il aborde un problème linguistique et culturel crucial où c'est à peu près faire l'autruche que de ne pas en parler et de ne pas le voir. D'autre part, la restructuration scolaire s'est vu mandatée par plusieurs organismes qui sont venus parler, ici à la table où vous êtes, d'un besoin de rattrapage, de péréquation et de redistribution pour les zones défavorisées de Montréal, d'un besoin de justice sociale, d'un besoin de justice dans la répartition des équipements. Mgr Grégoire n'en touche aucun mot.

On dirait que vous êtes venus défendre vos seuls intérêts, que je conçois parfaitement. Il n'y a pas mieux placé que vous pour le faire. Mais l'absence de préoccupation sociale et de préoccupation culturelle à l'égard de la majorité de Montréal, comme s'il n'y avait dans le projet de loi qu'un article, celui qui crée les comités confessionnels, me blesse. Je dois le dire. Je ne suis pas catholique, mais je suis chrétien. Une des choses que j'ai reprochées à plusieurs reprises, c'est une espèce d'absence complète des problèmes sociaux. Je ne suis pas le premier que vous entendez en faire le reproche, je suppose, à l'Eglise catholique.

On lui a toujours reproché — c'est une des raisons pour lesquelles je ne suis plus catholique — sa façon discrète de se dire qu'elle est réservée aux choses spirituelles, de s'échapper des problèmes matériels et ainsi de les conserver dans leur état actuel. C'est se cacher soi-même les deux yeux, se mettre les mains sur les yeux pour ne pas parler des problèmes sociaux, des problèmes culturels qui craquent dans Montréal d'une façon, vous admettrez avec moi, toute aussi éclatante que le problème de la religion.

Cette première remarque étant dite sur l'ensemble de vos avis, je reviens au contenu même de l'avis de Mgr Grégoire. Le comité confessionnel dont vous parlez, tel que défini dans le projet de loi actuellement, a un pouvoir de recommandation. Est-ce que vous iriez jusqu'à lui suggérer, dans certains domaines, un pouvoir de décision? Où, à quel endroit et sur quelle matière?

Deuxièmement, est-ce que vous préconisez une autre forme que l'élection par les comités de parents pour le choix des personnes membres du comité confessionnel?

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Tout d'abord, je pense bien qu'on me donnera l'occasion de réagir aux remarques que vous avez faites. C'est sûr que, si nous avions l'occasion de discuter longuement,, cela pourrait être plus développé. Mais, pour ma part, je ne reconnais pas le bien-fondé de votre remarque lorsque vous dites que les problèmes sociaux des défavorisés ont été oubliés. D'une part, quand l'évêque parle de l'égalité des services sur tout le territoire, égalité qui, sans doute, doit être interprétée non pas comme une égalité mathématique mais aussi une égalité définie en fonction des besoins et en fonction du rattrapage, ce n'est pas du tout exclu là-dedans.

Deuxièmement, vous me placez dans une situation où je serais obligé de faire de l'apologétique. Mais à Montréal même, pour ce qui concerne les défavorisés, sans avoir été les seuls à s'en occuper, nous pensons à l'investissement de $100,000 pour l'animation sociale dans Pointe Saint-Charles, non pas uniquement dans le sens de l'argent investi mais aussi de la participation de l'évêque lui-même et de ses collaborateurs dans ces comités, les rencontres qu'il a accepté de faire avec eux avec plaisir. On pense aussi aux investissements en personnes et en temps qui se font actuellement dans Hochalaga-Maisonneuve, dans le secteur centre-sud. Je pourrais donner d'autres réalisations.

D'autre part, je ne pense pas que c'était l'occasion de faire un grand laïus sur les défavorisés à partir du moment où justement une meilleure perception des fonds et une meilleure redistribution faisaient l'objet de l'adhésion générale. On dit tout simplement qu'on est d'accord sur cela. Alors, c'est pour cela que votre remarque sur la question des défavorisés, je ne la trouve pas bien fondée, tout en respectant votre opinion.

Deuxièmement, la question de la langue. Je reconnais que l'aspect linguistique n'est pas mentionné dans ce document parce que, justement, on s'est dit, puisque le projet de loi propose des écoles catholiques et veut même des mesures favorisant le maintien et le développement de ces écoles catholiques, on va examiner cette question-là. Deuxièmement, ce n'est pas dans le texte mais on s'est préoccupé de cette affaire en essayant de voir comment tout serait agencé. Or, à mon avis, si à Montréal, vous avez des commissions scolaires confessionnelles — j'ai des chiffres ici et des cartes francophones et anglophones qui ont été faites par nos experts; on s'est préoccupé de cela — on se rend compte qu'environ 80 p.c. des enfants qui vont être assujettis vont être des francophones. Ce qui veut dire que là vous aurez un climat, des données et des conditions qui vont permettre le développement de la culture française. Ensuite, je crois que, si l'on veut aborder cela comme citoyen, dans le fond ce n'est pas le projet de loi no 28 qui peut régler cette situation-là. Ce sont des amendements qu'on devrait apporter à la loi no 63; alors qu'on en traite là. Mais je pense qu'on est venu ici pour traiter du projet de loi no 28.

M. LE PRESIDENT (Pearson): La parole est au ministre de l'Education.

M. SAINT-PIERRE: Avez-vous terminé? Il y avait une question, je crois.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Je m'excuse. J'ai simplement réagi sur ses remarques...

M. SAINT-PIERRE: Oui.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): ...mais je n'ai pas répondu à sa question.

M. LE PRESIDENT (Pearson): Continuez.

M. COTE: J'aurais souhaité simplement signaler à M. le député que l'idée du conseil scolaire, au premier palier, est préconisée par l'archevêque.

Il faut y voir là, évidemment, les avantages que l'on a soulignés antérieurement à l'égard de cette répartition plus équitable des ressources fiscales du secteur qui nous intéresse présentement.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): La question que vous aviez posée était de savoir si nous pouvons suggérer plus de pouvoirs au comité confessionnel. Je pourrais faire quelques suggestions. Je trouve d'abord qu'on devrait lui donner un véritable rôle de promotion plutôt qu'un rôle de veiller à l'application des règlements catholiques. Un rôle de promotion. Mais cela n'est pas un pouvoir énorme. Ce n'est pas décisionnel. C'est un comité consultatif.

Mais si on veut, comme je l'ai dit tout à l'heure, lui en donner davantage, notre problème est le suivant: L'archevêque de Montréal était aux prises avec un problème d'honnêteté, dans le fond. Il y a quand même un certain nombre de catholiques, à Montréal. Il y en a quand même un certain nombre, dans le milieu, qui lui font confiance. Alors lui, s'il est d'accord là-dessus, il se trouvera à sécuriser les parents catholiques, à Montréal, ou les gens qui veulent avoir une éducation catholique pour leurs enfants. Il les sécurisera, sûrement. Y a-t-il quelqu'un de responsable, prévu dans ce projet de loi, du maintien du développement? Y a-t-il un réseau décisionnel approprié? Y a-t-il des mécanismes de gestion appropriés en ce qui concerne la direction des écoles catholiques? A l'examen, nous concluons que la réponse est non.

Deuxièmement, si on essaie de donner plus de pouvoirs au comité catholique, on aboutit à la quadrature du cercle, c'est-à-dire à une autorité bicéphale. Je comprends très bien que les commissaires qui seront élus doivent avoir le pouvoir décisionnel. Si vous mettez un comité, à côté, qui en a presque autant, ou la moitié, ou le quart, vous vous situez dans une structure de conflits.

C'est pourquoi nous ne proposons pas des pouvoirs nouveaux au comité confessionnel. Nous proposons plutôt que dans un esprit de continuité et de progrès, on maintiennne les commissions scolaires confessionnelles pour que, pendant la période d'expérimentation, on puisse voir si, premièrement, les parents seront capables d'exercer une influence ou auront été amenés à exercer une influence qui leur donne un rôle ou une prise réelle sur l'école, pour pouvoir, également — parce que ce n'est pas directement en cause — donner des réponses à des questions qui n'en ont pas, actuellement: Qu'est-ce qu'une école catholique? Officiellement, je peux vous répondre par les règlements du comité catholique. Mais beaucoup de gens se disent: Dans le cadre actuel, ces règlements ne sont pas applicables. Est-ce que les parents ont le choix, actuellement, de l'école catholique ou non? Toutes les écoles sont pratiquement catholiques dans le moment. Est-ce que les maîtres — c'est la grande question — ont le choix de dire: Moi, je veux enseigner dans une école où il y a une équipe d'éducateurs qui tâchera, sous l'inspiration de l'évangile, d'aider les jeunes à bâtir leur échelle de valeurs, ou, j'aime mieux aller enseigner dans une autre école?

M. SAINT-PIERRE: Justement, en reconnaissant le pluralisme religieux et en permettant l'école neutre — je l'ai déjà dit dans une allocution, je ne sais pas si vous partagez ce point de vue — n'aide-t-on pas à rendre plus vivante et à fortifier l'école catholique puisque là, l'école catholique présuppose un choix de la part des parents et un choix, cela présuppose une acceptation d'une série d'états de choses qui seront différents dans l'un ou dans l'autre? Alors qu'actuellement, sous le couvert d'un système qui, à la fois dans les structures et dans les écoles, se dit catholique, on convient qu'il y a un élément qui n'accepte pas cette décision fondamentale et qui rend difficile d'établir un climat qui pourrait correspondre davantage à une définition véritable de l'école catholique.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): C'est sûr que l'article qui prévoit les écoles neutres va aider à clarifier les choses. Mais, il faut dire que ce n'est pas encore fait. Il faut dire, aussi — c'est pour cela qu'on parle de progressif, d'expérimentation — que le comité catholique du conseil supérieur a essayé d'élaborer un mécanisme de reconnaissance des écoles. L'an dernier, il a été obligé de l'abandonner, parce que difficile, compliqué, etc. Alors, on se dit: Il y a une difficulté. Peut-être qu'en réalisant ce qu'il y a moyen de réaliser aujourd'hui et en faisant confiance un peu à l'expérience qui va suivre, on saura comment sortir de ces difficultés-là. Peut-être qu'on saura quelle clarification a apporté l'école neutre, quand elle sera créée...

M. SAINT-PIERRE: Avant de laisser ce point du comité confessionnel, vous dites: Il n'y a pas de pouvoirs, on laisse beaucoup de questions, il y a toujours ce dilemme pour le législateur, savoir si on tente de mettre les points sur les "i" et de tracer exactement le mandat très précis, cela devient un petit peu restrictif et les gens diront:

On ne peut pas s'occuper d'autre chose que ce qui est dans la loi. L'autre dilemme est de mettre ça assez général, espérant que, par usage, les gens trouveront des mécanisme pour délimiter. Je me demandais: Est-ce que l'archevêque aurait des suggestions concrètes d'un mandat qui pourrait se retrouver textuellement dans un texte de loi de l'école catholique, sans faire

abstraction d'une philosophie, tenant compte d'une commission scolaire unifiée? Est-ce que vous avez quelque chose de précis que vous aimeriez recommander comme mandat d'un comité confessionnel, compte tenu de l'élection d'un an que vous soulevez? Je vous le déclare à peu près immédiatement sous réserve que quelqu'un me prouve la contraire, nous serions favorables maintenant à trois ans. On avait prévu un an parce qu'il y a tellement de changement, de mobilité des gens d'un quartier à l'autre qu'on pensait que peut-être qu'il faudrait le revoir annuellement mais trois ans, ça semble se dégager comme un consensus.

Il y a un point, Monseigneur, que j'aimerais soulever, si vous permettez, dans le projet de loi 28, au sujet des commissions scolaires unifiées et l'existence à Montréal de minorités à la fois linguistiques et religieuses: il se pose ce problème: On dit qu'il ne faut pas que la majorité impose ses vues, qu'il faut respecter, donner des garanties aux minorités pour leur permettre de survivre. Mais lorsqu'on aborde la question catholique, la question religieuse catholique, se pose cette question que j'aimerais vous soumettre: Est-ce que, finalement, l'entité catholique n'est pas majoritaire? Et, lorsqu'on examine la viabilité de l'école catholique, en plus de considérer comme vous l'avez fait les garanties religieuses que nous avons mises au plan du comité confessionnel, au plan du responsable des questions religieuses, de la consultation pour le principal, compte tenu de son influence pour l'école catholique, est-ce qu'en plus de ça, il ne faut pas examiner aussi sur le plan des statistiques — et là vous les connaissez plus que moi — le fait que, dans la très grande majorité des cas, ce sont les commissaires de foi catholique qui sont majoritaires? En d'autres termes, je comprendrais tantôt que les juifs puissent être inquiets puisqu'eux, définitivement, seront minoritaires et que les protestants, dans bien des endroits, seront définitivement minoritaires. Mais lorsque j'analyse les statistiques, je me repose la question: Est-ce que le groupe catholique n'est pas un groupe majoritaire et est-ce que les commissaires unifiés ne sont pas, somme toute, dans bien des cas, des commissaires catholiques?

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): A ce moment-là, voyez-vous si je fais la comparaison avec la loi 27, je pense que, selon la loi 27, les commissaires qui auront été élus pour diriger les commissions catholiques auront été élus en fonction d'un mandat de la population. Il y aura une liste et ce seront les catholiques qui diront: Nous voulons des commissaires catholiques pour diriger les écoles catholiques. Tandis que, dans les commissions scolaires unifiées, à ce moment-là, c'est indistinct. Personne ne reçoit un mandat précis par rapport à l'aspect de l'éducation chrétienne.

M. SAINT-PIERRE: Mais, compte tenu des statistiques, on peut s'attendre que dans pratiquement dix des commissions sur onze, — il y en a une où c'est assez surprenant, c'est la commission no 2, qui tombe dans Outremont et qui n'est pas à majorité catholique — la majorité des électeurs sont catholiques. Présumément, on pourrait penser que la majorité des commissaires unifiés sont des commissaires catholiques et que, s'il y a là un problème de minorité religieuse, c'est pour les non-catholiques.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Je comprends, mais je reviens là-dessus. Si je compare la loi 27 au projet de loi 28, dans la loi 27, il y a quelqu'un qui recevra un mandat spécifique pour diriger les écoles catholiques et dans le projet de loi 28, il y a sûrement des catholiques, c'est impossible qu'il n'y en ait pas sur 165, je crois, mais ils n'auront pas reçu de mandat à cet effet.

M. SAINT-PIERRE: En page 4 de votre mémoire, vous dites que le Montréal métropolitain est un milieu socio-culturel pratiquement identique à celui du reste de la province et vous vous demandez pourquoi la différence entre les lois 27 et 28. Je m'en doute un peu. Est-ce que, dans Montréal, il n'y a pas un milieu socioculturel qui est passablement différent du milieu qu'on rencontre à l'extérieur de la province?

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Oui, mais là-dessus, j'aimerais, étant donné que j'ai affirmé ça tout à l'heure, faire une correction. Je n'ai pas comparé au reste de la province. Vous avez Montréal, à côté la rive sud, vous avez l'île Jésus, dans le même diocèse. A ce moment-là, vous allez avoir une population dont les caractéristiques socio-culturelles sont à peu près les mêmes, qui vont être sous l'empire de deux lois différentes à ce point de vue-là. C'est ça que j'ai voulu dire en parlant de la rive sud: Longueuil, Saint-Lambert et le reste, c'est très différent de Montréal.

M. SAINT-PIERRE: Enfin, sur les objectifs, je sais qu'il y a sûrement des groupes ici — il est inutile de les mentionner — qui ont trouvé que nous donnions trop de garanties aux minorités religieuses. Inutile pour moi de vous retracer certains des mémoires qui ont été mentionnés. Personnellement, j'apprécierais que l'archevêché puisse concrètement nous dire, à la fois pour le terme "question religieuse", et ses relations avec les commissaires, et son mandat. La personne responsable qui a dit: Moi, je peux bien, je ne voudrais pas abuser de mes responsabilités, je suis bien prêt à l'appeler Cardinal. Pour la question religieuse si ça peut aider dans le débat, j'admets que le terme "question religieuse," est très vague, mais c'est de ça que le type va s'occuper.

Maintenant, je ne sais pas, mais si monseigneur avait des recommandations tant sur le

terme que sur les relations et sur le mandat du comité confessionnel, j'apprécierais de les recevoir.

M. LAFONTAINE (Jean-Maire): Là-dessus, je vais vous faire part des difficultés. Le type qui s'occupe des questions religieuses, si vous l'appeliez directeur de l'enseignement catholique, au moins, il aurait une responsabilité au niveau des cadres. A ce moment-là, on défait votre article 589 où vous avez une direction générale, un directeur adjoint francophone et anglophone. Je peux bien vous faire la suggestion, mais si vous me demandez comment cela va fonctionner, je vais vous dire que je ne le sais pas.

Deuxièmement, en ce qui concerne les comités, j'ai mentionné tout à l'heure qu'on pourrait peut-être essayer de leur donner plus de pouvoirs, mais est-ce que cela ne posera pas de problèmes par rapport aux responsabilités propres d'un commissaire? Si vous me le permettez, je vais vous donner un exemple.

M. SAINT-PIERRE: Vous avez de bonnes questions que, nous aussi, nous avons à résoudre. Si vous pensez que nous en avons donné trop aux commissaires et pas assez aux comités confessionnels, compte tenu qu'aux comités confessionnels ce sont des gens qui sont catholiques et élus exclusivement par des catholiques, et les prérogatives du bien commun étant sauvegardées, je suis bien prêt à déplacer un peu le rôle. Je vous demandais concrètement...

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Concrètement, nous suggérons que ce qui peut être fait immédiatement soit fait immédiatement. Pendant la période d'expérimentation, que l'on maintienne les commissions scolaires confessionnelles. Je vais me référer à un mémoire qui vous a été présenté, celui de la CECM, où on a introduit un directeur de pastorale qui doit s'assurer que les commissaires prennent les dispositions nécessaires pour respecter intégralement les droits. On peut, encore là, interpréter cette suggestion. Je ne veux pas discuter les mémoires des autres, mais, tout simplement, donner cela à titre d'illustration.

On peut interpréter cette suggestion comme un rôle de vigilance, par exemple. A ce moment-là, il fera ce qu'il pourra. Encore, on peut interpréter cela d'une façon très stricte et on se dit: Il va donner des ordres aux commissaires, lui, s'il doit s'assurer que les commissaires prennent les dispositions nécessaires pour que les droits soient intégralement respectés. Quand je lis cela, je me dis que c'est une illustration de la difficulté de respecter à la fois l'économie du projet de loi et, ensuite, d'avoir un réseau de décisions et de responsabilités approprié pour assurer le maintien et le développement des écoles catholiques.

C'est pourquoi, incapables de faire la quadrature du cercle dont je parlais, nous nous disons: Pendant la période d'expérimentation, maintenons, les commissions scolaires confessionnelles.

M. SAINT-PIERRE: Monseigneur, c'est peut-être difficile dans le texte, mais, compte tenu des clarifications apportées sur la question des garanties religieuses, les comités confessionnels, les questions religieuses et d'autres choses semblables, deuxièmement, d'une suggestion fort intéressante d'étaler sur une plus longue période la phase de transition et de mettre en place le conseil, les comités de parents et peut-être de démarrer plus tard au niveau des commissions scolaires, dois-je comprendre — parce que là on parlait de mettre au point le type de commissions scolaires qu'un sain réalisme commandera — que monseigneur Grégoire considère que, cette période de transition étant plus grande et les garanties étant plus précises, il est possible d'avoir une école catholique qui offre toutes les garanties dans le cadre d'une commission scolaire unifiée?

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): La réponse à cela, en un mot, est affirmative, dans le sens que ce qu'un sain réalisme pourra nous suggérer, après que l'on aura essayé de donner des réponses aux questions sans réponse, cela pourra être une commission scolaire unifiée, d'autant plus que l'on aura l'expérience, si vous voulez, d'une collaboration des divers types de familles spirituelles au niveau du conseil de l'île.

En d'autres termes, la position de l'archevêque de Montréal n'est pas une thèse; c'est la position dictée par la prudence d'un pasteur. Ce n'est pas une thèse pour dire que, de toute éternité, il sera nécessaire d'avoir des commissions scolaires confessionnelles. Ce qu'il y a d'important — et cela peut évoluer — c'est qu'il y ait un réseau de responsabilités apte à assurer l'aptitude de l'école à contribuer à la formation chrétienne des jeunes. Pour illustrer ma pensée: si, par exemple, vous avez, d'une part, les comités d'écoles qui sont très actifs et qui sont écoutés et si, d'autre part, vous avez une évolution scolaire qui a pour effet de transporter, au niveau de l'école et de sa direction, un ensemble de décisions qui sont prises ailleurs, actuellement — comme, par exemple, la sélection des maîtres, le choix des manuels, les options à prendre dans tout ce que les programmes peuvent offrir, à ce moment-là on se dira: C'est au niveau de l'école que peut s'assurer la confessionnalité.

Actuellement, quand on considère que les commissions scolaires ont le pouvoir d'engager des professeurs, de présenter des budgets pour la pastorale, pour l'enseignement religieux et aussi... Prenez simplement des cas très concrets comme celui-ci, où on peut faire un effort considérable de renouveau catéchétique, ça suppose que les martres puissent se rencontrer et étudier ce renouveau catéchétique. Mais si, par exemple, l'administration et les règlements qui sont là interdisent cette rencontre des maîtres ou ne les rendent pas faciles, il y a quelqu'un en haut pour prendre les décisions de ce genre.

En définitive, ce n'est pas une thèse, c'est

une position dictée par la prudence et là où l'impact des décisions sur la qualité catholique de l'école pour ceux qui en veulent se fera, c'est là qu'il faudra que des gens aient des responsabilités appropriées. C'est donc dire que l'expérience peut nous orienter vers beaucoup de choses, y compris l'application des thèses de Ulich sur "Deschooling America" et l'on verra à ce moment-là où il faut faire porter nos efforts.

M. SAINT-PIERRE: Monseigneur, c'est mon dernier point, après ça, je vais me taire. Je trouve qu'il serait sensé également de ne pas perdre de vue — et je suis certain que dans votre cas vous êtes au courant — les pouvoirs de réglementation — je ne veux pas renvoyer la balle à d'autres — très vastes que possède le comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation. Vous les connaissez mais, pour d'autres parlementaires, je mentionne ces pouvoirs, à l'article 22 de la Loi du Conseil supérieur de l'éducation: "Faire des règlements pour reconnaître les institutions d'enseignement confessionnel comme catholiques": J'imagine tantôt qu'il va y avoir des règlements pour savoir ce qu'est une école catholique. "Reconnaître comme catholiques, "selon le cas", c'est donc un processus de reconnaissance des institutions d'enseignement qui veulent se dire catholiques. Troisièmement: "Faire des règlements concernant l'éducation chrétienne, l'enseignement religieux et moral, le service religieux dans les institutions d'enseignement reconnues comme catholiques", ça déborde le pouvoir du ministre. "De faire des règlements — et là c'est très important — sur la qualification du point de vue religieux et moral du personnel dirigeant et enseignant dans ces institutions d'enseignement; d'approuver au point de vue religieux et moral les programmes, les manuels et le matériel didactiques pour l'enseignement — non pas religieux — général dans ces institutions d'enseignement."

Je reconnais qu'il y a des difficultés au sein du comité catholique, le gouvernement est complètement étranger, parce qu'on n'est pas majoritairement représenté au sein de ce comité mais je me pose cette question: Est-il possible que les membres du comité catholique qui pourraient expliquer ces difficultés aient attendu que le gouvernement prenne ses responsabilités au niveau des nouvelles structures qui avaient déjà été annoncées, les projets de loi 27 et 28, et que peut-être, dans un deuxième temps, compte tenu de ces vastes pouvoirs de réglementation que possède le comité provincial catholique, il soit beaucoup plus à l'aise pour formuler une réglementation qui pourrait répondre à certaines des craintes des groupes catholiques ou de l'archevêque?

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): M. le ministre, ça fait partie justement des questions qui, à mon avis, sont encore laissées sans réponse. C'est vrai que le comité catholique du conseil supérieur a des pouvoirs de réglementation importants; c'est vrai aussi qu'il a fait des règlements; c'est vrai qu'ils sont très difficiles d'application à cause du contexte dans lequel on vit et à cause justement des réponses qu'on n'a pas encore apportées à un certain nombre de questions. Alors, l'influence du comité catholique et son rôle, c'est encore, à l'expérience, un peu plus avancé; peut-être qu'en modifiant le contexte, en clarifiant davantage les choses avec les écoles neutres, par exemple, on pourra voir ce que ça peut avoir comme impact. De là, la suggestion d'une restructuration progressive.

M. LE PRESIDENT (Pearson): La parole est maintenant au député de Bagot. J'espère qu'il n'y aura pas de conflit majeur entre le cardinal et son évêque.

M. CARDINAL: Monseigneur, un commentaire avant de poser des questions. Dans la lecture de votre mémoire, de l'avis de Mgr Grégoire, vous avez sauté le paragraphe 3 à la page 3. Vous me permettrez de faire une mise au point pour que la vérité soit complète. Dans ce paragraphe 3, que vous n'avez pas lu mais que j'ai lu et qui m'a fait un petit peu sursauter, il y a la phrase suivante: "D'ailleurs, notre mémoire de février 1970, qui exprimait cette position, n'a pas été l'objet, — il y a peut-être une mauvaise rédaction là, je ne sais pas — de la part des autorités concernées, d'une étude dont les résultats nous seraient parvenus."

Permettez-moi de rappeler les faits. En 1970, au mois de février, quand Mgr Grégoire a donné son avis, il n'y a pas eu de représentant de votre commission ou de votre office, ni de la hiérarchie, devant la commission parlementaire qui siégeait depuis le mois d'octobre 1969.

Le mémoire a été reçu au ministère de l'Education, pour autant que ma mémoire est bonne, vers la fin de février 1970. Il a été immédiatement remis aux officiers du ministère — ce n'est pas la personne qui vous parle qui veut se défendre, mais elle veut défendre les officiers du ministère — qui étudiaient tous les mémoires qui arrivaient. Un système avait été établi; il en est arrivé environ 102. Le secrétaire de la commission parlementaire pourrait me corriger et peut-être dire que c'est 109. Donc, votre mémoire, comme les autres, a été étudié. Preuve qu'il a été étudié, d'ailleurs; dans le projet de loi no 28 on a ajouté des garanties qui n'existaient pas dans le projet de loi no 62.

Je suis heureux d'une part que vous n'ayez pas lu ce texte, mais d'autre part je me demande pourquoi on a mis cette phrase dans un avis qui est par ailleurs très serein, phrase qui semble être un reproche à l'égard du ministère de l'Education et non pas d'un ministre de l'Education en particulier. Ce mémoire, comme les autres, je puis vous l'assurer — j'étais là à ce moment, les élections ont été déclenchées, je le rappelle, le 12 mars 1970 et les mémoires ont

continué à arriver quand même par la suite — a été étudié par les officiers du ministère de l'Education, au moment où j'étais là comme après mon départ, comme ils l'ont fait pour les autres.

Mais j'ajoute, pour que la vérité soit entière, qu'aucun des mémoires reçus n'a eu de réponse parce qu'ils étaient étudiés en commission parlementaire et que la réponse devait venir en deuxième lecture, comme cela se fait, selon la procédure, au moment où le gouvernement dépose un projet de loi révisé après étude en commission parlementaire. Ce qui est un cas très exceptionnel. A ma connaissance, cela ne fait que quatre fois en quatre ans que des projets de loi sont étudiés avant la deuxième lecture pour que le gouvernement puisse justement entendre les intéressés et les modifier pour partir de documents de travail et en faire de véritables projets de loi au sens juridique du terme.

Enfin, me permettra-t-on d'ajouter, avec tout le respect que je vous dois, que je suis un petit peu malheureux que cela ait été mis là.

Deuxième commentaire, vous avez parlé tantôt de la division des diocèses. Cet argument ne me frappe pas beaucoup parce que c'est un argument qui peut nous amener loin. Les diocèses, si on les place sur le plan religieux — comme il n'y a pas de concordat entre le Québec ou le Canada et Rome — n'existent pas juridiquement pour l'Assemblée nationale, ni pour les municipalités, ni pour les commissions scolaires. Avec le résultat, d'ailleurs, que vous avez des diocèses qui chevauchent par exemple les provinces d'Ontario et de Québec avec tous les problèmes que ceci pose au point de vue linguistique; qui chevauchent le Labrador — qui appartient on ne sait à qui, cela dépend d'une décision du Conseil privé et peut-être du rapport Dorion — et le Québec; qui chevauchent, peut-être, je peux me tromper, le Nouveau-Brunswick et le Québec. Quand on parle de diocèses dans la région de Montréal, vous avez parfaitement raison dans les faits et dans le droit canonique aussi de dire que vous avez des situations où dans un diocèse donné les lois différentes s'appliqueront. Evidemment, je ne vois pas comment un gouvernement d'une juridiction donnée, qui a un territoire plus ou moins précis à cause du Labrador, puisse tenir compte prioritairement de la division des diocèses, parce qu'à ce moment vous avez un drôle de phénomène qui se présente et qui s'est présenté dans la constitution des collèges d'enseignement général et professionnel. La question qui se posait était de savoir si c'étaient les comtés, les circonscriptions électorales ou les diocèses qui avaient le droit d'avoir un collège d'enseignement général et professionnel. C'est que vous avez alors deux points de vue différents: le point de vue de l'Etat qui, lui, a ses divisions juridictionnelles et le vôtre, car vous avez aussi les vôtres. Votre objection dans l'ordre socio-économique est juste, mais jusqu'à un point X que je ne peux pas évaluer. Enfin, je connais très bien l'île Jésus comme l'île de Montréal, pour avoir vécu dans les deux endroits, et, évidemment, même dans l'île Jésus, même dans ce qui s'appelle Laval aujourd'hui, la situation est singulièrement différente de ce qu'elle est dans ce que l'on pourrait appeler le "grand Montréal" et ce que les anglophones appellent The Greater Montreal.

Ceci dit, pour détruire non pas votre thèse — vous avez dit vous-même que ce n'était pas votre thèse — mais une objection qui me paraît être marginale.

Ma dernière remarque est celle-ci. C'est une question. Votre mémoire est complété par un document de travail qui, pour nous, porte le numéro 18 A et qui pose une série de questions. Là, je pense que je rejoins le ministre. Ce que nous souhaiterions, dans le fond, cela ne serait pas tellement que l'on pose des questions aux parlementaires, parce qu'une loi est présentée par un gouvernement, mais elle est adoptée par l'Assemblée nationale. Nous sommes tous impliqués et en notre conscience et en tant que mandatés par une circonscription donnée. Je reviens à ce que disait le ministre tantôt. Je pense qu'il serait utile que l'on nous dise: Nous avons non seulement une position dictée par la prudence — ce qui est normal pour la hiérarchie ecclésiastique — mais nous sommes disposés à faire au ministère de l'Education, au gouvernement ou à l'Assemblée nationale — je ne sais pas, mais vous avez toute la liberté — des suggestions d'ordre concret qui permettraient justement d'amender le projet de loi no 28, si vous êtes d'accord sur les principes. Cela semble découler du premier alinéa de votre projet où vous semblez d'accord avec les objectifs qui étaient ceux, d'ailleurs, du projet de loi no 62 présenté au mois d'octobre 1969.

Evidemment, je vous fais ces remarques avec tout le respect qui s'impose dans les circonstances, mais je ne pouvais pas quand même m'empêcher, si vous voulez, en toute honnêteté intellectuelle, de le souligner.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): D'abord, je reviens sur votre observation concernant les diocèses. Vous dites que l'argument ne vous frappe pas beaucoup. Il ne me frappe pas, non plus, remarquez. D'abord, je vous ferai remarquer qu'il n'est pas dans le texte.

M. CARDINAL: Mais vous l'avez dit.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): C'est pour illustrer que j'ai dit: Dans un même diocèse. Ce qui est le plus important et ce que j'ai essayé d'indiquer, c'est que, pour une population qui a à peu près les mêmes caractéristiques culturelles et religieuses — je parle de l'île Jésus, de Laval et de Montréal, qui est différente, mais différente dans ses parties à elle — dans l'ensemble, on va avoir deux systèmes.

L'affaire du diocèse, c'est sûr, c'était seule-

ment à titre d'illustration, parce que nous sommes en relation avec des prêtres à l'île Jésus, avec des laïcs, etc. Ils nous disent : Nous autres, nous sommes dans le même diocèse. C'est si peu important que cela n'a pas été mentionné dans le texte.

M. CARDINAL: Non, c'est important quand même, si vous me permettez de vous interrompre. Ici, je peux révéler un fait qui n'est pas confidentiel puisqu'il n'a jamais été devant le cabinet, mais un fait que connaissaient les sous-ministres du ministère de l'Education, quand j'y étais. J'avais posé la question suivante et, aujourd'hui, je la soumets au ministre. Je ne lui demande pas de me répondre; je la lui soumets à titre de réflexion. Je me suis demandé: Pourquoi faisons-nous la restructuration scolaire de l'île de Montréal et non pas la restructuration scolaire de l'île Jésus? Notre position — je l'ai clairement indiqué au début de cette commission parlementaire — c'est que le projet de loi 28 aurait dû précéder le projet de loi 27, qu'on aurait dû procéder à la restructuration scolaire de l'île de Laval, qui est déjà restructurée sur le plan urbain, et qu'ensuite on aurait dû procéder au projet de loi 27, ce que j'ai dit en deuxième lecture, d'ailleurs, lors de l'étude du projet de loi 27. Sur le fond de la question, nous ne sommes pas en désaccord; c'est sur le libellé de l'affirmation.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Je pense que nous sommes d'accord pour dire que nous ne vous demandons pas de tenir compte des divisions paroissiales, diocésaines ou des zones de pastorale pour la restructuration scolaire. Ce n'est pas du tout cela. Si j'ai dit cela en fin de phrase, c'est à titre d'illustration qui peut frapper un certain nombre de gens, non pas comme argument primordial, mais comme un autre type d'illustration.

Quant à votre première remarque, je dirai, d'abord, que je n'ai pas lu ce paragraphe-là, mais ce n'est pas à dessein. Il y en a un certain nombre d'autres que je n'ai pas lus. Nous estimons — c'est dit, d'ailleurs, d'une façon assez polie, je l'espère; du moins, cela voulait être dit poliment — vu qu'après avoir consulté environ 6,000 personnes, l'archevêque a fait parvenir un avis et proposé que, dans une période d'expérimentation, il y ait encore des commissions scolaires confessionnelles, quitte à voir, après, qu'il aurait été normal qu'on puisse dire au chef spirituel du diocèse de Montréal: Bien, voici pourquoi votre suggestion ne peut pas être appliquée. Je tiens compte des circonstances, il y a eu la période électorale, etc. Deuxièmement, comme nous sommes présents ici, nous aurions aussi été présents à la commission parlementaire qui a étudié le bill 62 si les travaux n'avaient pas été interrompus pour des raisons que vous connaissez mieux que moi.

M. CARDINAL: D'accord. Sur la dernière question que j'ai posée, et que le ministre a posée, est-ce que l'archevêque de Montréal est disposé à faire des suggestions concrètes et précises?

M. RIVET: Dans son mémoire, l'archevêque a relevé ce qui lui paraissait les points faibles de la loi. Pour résumer ces points faibles, quitte à employer une expression un peu forte, c'est que la confessionnalité est perçue comme une chose marginale. La loi est telle chose et, pour compléter la loi, on fait appel à des organismes extérieurs ou encore à des forces de pression ou encore à la bonne foi des gens. Je pense qu'on change de palier à ce moment-là. Si une loi a une force juridique, elle doit pouvoir dire des choses qui sont à l'intérieur, si elle commande. Tous les compléments qui sont ajoutés, disons comités confessionnels, pressions des parents, responsabilités des questions religieuses, apparaissent, à notre regard en tout cas, comme des choses surajoutées, extérieures et qui sont là comme vigilance mais non pas comme centre de décision. Alors, la faiblesse de la loi, au point de vue que nous défendons, c'est qu'il n'y a pas, pour reprendre les propos de Mgr Lafontaine, à l'intérieur même de la structure ce réseau de décision, ce réseau d'autorités qui correspond aux désirs d'une école qui, à la base, est catholique.

Alors, tout ce que nous pourrions ajouter est encore d'ordre de la pression, de la complémentarité mais non pas de l'ordre de l'essence.

M. CARDINAL: Si vous permettez, ce que je vais dire est dit sans aucune mauvaise intention. Ce qui me surprend, ce sont diverses expériences passées que j'ai eu à vivre et l'expérience présente, depuis deux ans, quant à ce projet de restructuration.

Je sais très bien que c'est l'archevêque de Montréal qui a laïcisé l'Université de Montréal et que, maintenant, les prêtres reçoivent leur formation sur le campus de cette université laicisée alors qu'ils doivent être eux-mêmes ceux qui iront ensuite faire la pastorale au sein de la population. L'on pourrait me répondre que le niveau universitaire est différent du niveau élémentaire et du niveau secondaire. Mais, encore, ce qui me frappe, c'est l'attachement aux structures, alors que nous avons entendu de nombreuses personnes qui se sont plaintes de la mauvaise qualité de l'enseignement religieux dans un système où les structures sont entièrement religieuses. Cela me pousse à me poser énormément de questions. J'admets, comme le ministre l'a dit tantôt d'ailleurs et je l'avais dit à l'occasion du projet de loi no 62, que dans un domaine semblable où le changement est radical, je l'avoue, il y a lieu d'être prudent et de procéder par un certain nombre d'étapes. Par conséquent, par exemple, le comité provisoire devrait peut-être établir, comme quelqu'un l'a suggéré ce matin, son propre échéancier plutôt que de le voir établi par

quelqu'un qui serait lointain dans la vieille capitale du Québec. C'est-à-dire que je cherche, dans tout ceci, en toute sincérité, une cohérence — là, on pourrait s'en aller très loin — dans le système de l'Eglise actuelle; au cours des dernières années, nous avons vu, pour toutes sortes de raisons, et je ne veux pas développer un débat ici, des institutions privées se laiciser elles-mêmes et nous savons qu'il y a une majorité de parents qui veulent que leurs enfants aillent dans des écoles catholiques. Mais j'ai l'impression, après de très nombreux contacts avec la population de Montréal, soit dans des conférences, dans des colloques, soit à la radio — comment traduire "hot lines", je ne le sais pas, je n'ai pas encore retrouvé d'expression...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Les lignes ouvertes.

M. CARDINAL: ... les lignes ouvertes, si vous voulez; ce n'est pas tout à fait exact malgré le respect que j'ai envers mon collègue de gauche...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est que la langue anglaise est plus forte.

M. CARDINAL: Ces contacts directs m'ont fait constater que les gens, voulant quand même ceci, ne sont pas satisfaits des structures qui devraient garantir cela présentement. Alors, c'est pourquoi, comme le gouvernement et en tant que législateur, je suis obligé de m'interro-ger assez longuement. C'est pourquoi, au début, j'ai dit au ministre qu'il fallait prendre du temps, non pas pour repousser aux calendes grecques ce projet de loi, mais pour l'étudier très sérieusement. C'est purement dans ce sens que j'ai fait ces commentaires, ces remarques. J'ai posé, tout haut, ces questions que je me pose à moi-même.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): J'aimerais dire, M. le député, que quand vous prenez l'exemple de l'université, d'une part, il faut penser que la charte prévoit que l'archevêque de Montréal est modérateur des facultés ecclésiastiques.

M. CARDINAL: D'accord.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): En raison de cela — c'est discutable mais c'est un fait — il a le pouvoir de nommer deux personnes au conseil de l'université, lesquelles sont même éligibles au comité exécutif. Cela a été aussi un fait que des personnes nommées par l'archevêque, au conseil, ont été élues à l'exécutif. Cela veut dire que là où il est question de la faculté de théologie catholique, qui relève du magistère, la charte prévoit une autorité au point que sur cette faculté, vous avez deux autorités: l'autorité du conseil de l'université et l'autorité du modérateur, qui est l'archevêque de Montréal, pour ce qui le regarde.

Il est sûr que nous le souhaitons comme vous. L'archevêque de Montréal n'a pas du tout l'intention d'imposer des écoles catholiques à une population qui n'en veut pas. Par conséquent, s'il y avait un recensement pour fins scolaires, nous pourrions savoir un peu plus, un peu mieux, ce que les parents veulent, etc. Mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'avec les moyens dont nous disposons, en 1970 il y a eu une consultation à laquelle ont participé 6,000 personnes.

Ce qu'il y a de certain, aussi,... Je peux vous faire part, brièvement, d'une expérience personnelle. Comme membre de la commission Du-mont, qui a été mise sur pied par les évêques, j'ai fait le tour de la province avec mes collègues. Il n'y a pas une séance — dans beaucoup d'endroits, nous nous y sommes rendus trois ou quatre fois — où les gens ne nous ont pas parlé des problèmes scolaires, en exprimant à leur façon — comme je m'exprime à la mienne — leurs angoisses et aussi leur désir d'avoir des écoles catholiques le plus souvent pour leurs enfants.

Maintenant, je ne peux pas vous donner les résultats d'un recensement qui aurait été fait pour fins scolaires puisqu'il n'a pas été fait.

M. CARDINAL: Vous admettez avec moi que, même dans la situation actuelle où il y a des structures confessionnelles, les gens se plaignent de l'enseignement religieux, même si on ne fait pas le recensement.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Cela fait partie de l'ensemble des questions dont j'ai parlé, questions qui sont sans réponses. C'est qu'actuellement, on pourrait nous dire: Vous avez, dans les écoles catholiques, des professeurs qui ne croient pas à l'école catholique. Je suis absolument convaincu de cela. Je sais que c'est vrai. Vous ne pouvez pas savoir quelle est l'ampleur du phénomène. Vous avez aussi, dans ces écoles, des enfants dont les parents veulent peut-être les voir ailleurs. Cela doit être sûrement vrai mais je ne sais pas l'ampleur du phénomène. Il faut dire que les gens n'ont pas le choix, non plus. Actuellement, les gens n'ont pas le choix. Les écoles de la CECM, pour prendre cet exemple, sont confessionnelles par définition.

Le jour où on aura des écoles pour autres, pour ceux qui en veulent d'autres, la chose sera clarifiée, peut-être pour les maîtres comme pour les parents et comme pour les étudiants. A ce moment-là, on se rendra compte si les catholiques qui veulent des écoles catholiques pour leurs enfants sont en nombre suffisant pour qu'on puisse tenir compte de leur avis.

Mais pour le moment — je l'ai cité tout à l'heure peut-être en blaguant — le texte de l'alliance nous dit que la majorité des catholiques montréalais veulent avoir des écoles catho-

liques. Remarquez que je pense aussi que c'est vrai. Mais si on me demande de le prouver, je n'ai pas de statistiques ni de recensements qui ont été faits à cet effet. Mais les contacts que nous pouvons avoir, parce que nous aussi, nous nous promenons dans le milieu, nous indiquent qu'il y a sûrement une volonté dont il faut tenir compte, à ce propos.

M. CARDINAL: Je vous remercie, monseigneur.

M. LE PRESIDENT: Le député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Monseigneur, je vous remercie d'être venu exprimer l'avis de l'archevêque catholique romain de Montréal sur ce problème du projet de loi no 28. Je me serais toutefois attendu, de la part de la hiérarchie, à un document qui fût beaucoup plus positif. Certes, les positions de principe exprimées par Son Excellence Mgr Grégoire sont fort valables. Elles sont un rappel de ce que l'on nous a enseigné, ce que nous continuons de croire, nous, les catholiques romains, mais l'avis que Son Excellence nous a fait parvenir ne comporte — on l'a souligné à plusieurs reprises depuis que l'on a commencé de vous interroger — aucune suggestion concrète, sinon ce que je pourrais appeler une directive nous demandant de retarder non pas l'adoption du projet de loi mais de procéder par étapes.

Le document de Son Excellence, de même que le document de travail préparé par l'Office de l'éducation de l'archevêché de Montréal, est tout aussi négatif, en ce sens que l'on pose des questions.

Permettez-moi, monseigneur, de vous dire que les problèmes qui vous inquiètent, à l'heure actuelle, inquiètent depuis longtemps les catholiques du Québec. Beaucoup de catholiques se trouvent dans un état d'angoisse et, à bien des égards, dans un état de désarroi religieux et cela est dû au silence trop prolongé de la hiérarchie catholique sur les sujets fondamentaux de la foi et de son insertion dans le monde temporel.

Nous avons assisté, depuis dix ans et auparavant, à des changements majeurs de la société québécoise et notamment dans le domaine de l'éducation.

J'ai souvenir du débat que l'on avait institué en Chambre au moment de la création du ministère de l'Education. J'étais présent en Chambre, non pas en qualité de député, mais en ma qualité de professeur à l'université Laval et de conseiller, à ce moment-là, du chef de l'Opposition. Nous nous attendions à ce que l'épiscopat nous fil connaître son avis sur la création du ministère de l'Education dont il était évident qu'il comporterait, à plus ou moins brève échéance, d'autres changements de structures de la nature de celles que nous examinons aujourd'hui et qui sont contenues dans le projet de loi.

Or, tout ce que nous avons appris de l'épiscopat, nous l'avons appris par la lecture qu'avait faite en Chambre le premier ministre d'alors d'une lettre de Son Excellence Mgr Roy nous disant qu'il y avait, dans le projet de loi qu'on discutait alors, ce qu'il appelait le minimum pour assurer le maintien de l'enseignement confessionnel dans les écoles.

A partir de ce moment-là, nous avons assisté à la déconfessionnalisation massive d'un ensemble d'institutions, et je donne au mot "institutions" son sens étymologique. Il y a eu d'autres projets de loi, il y a eu d'autres événenements qui se sont produits et, en aucun temps, de façon directe, la hiérarchie catholique ne nous a fait connaître son opinion précise.

C'est exactement le cas aujourd'hui. L'avis de Son Excellence, Mgr Grégoire est un ensemble de questions et d'interrogations. Le document qui a été préparé par votre office est aussi un ensemble de questions. Or, il existe chez vous, à l'archevêché de Montréal, comme il existe au ministère de l'Education, un comité catholique. Je me demande comment il se fait que le comité catholique et l'Assemblée des évêques du Québec, face à des mesures législatives comme celle que nous propose le gouvernement, n'aient pas pris la peine de préparer, sur le problème spécifique de la confession dans les écoles, un document beaucoup plus précis, beaucoup plus systématique, beaucoup plus articulé en vue de nous suggérer des amendements au projet de loi ou d'indiquer au ministre quels doivent être les principes qui inspireront la réglementation afférente à ce projet de loi qui deviendra une loi.

Il n'y a rien dans les documents que vous nous avez fournis qui nous permette de penser que vous avez fait des recherches, que vous avez, en somme, pensé à des amendements, que vous avez déjà dans l'esprit une réglementation qui vous satisferait et répondrait aux questions que vous vous posez et que vous nous posez. Je suis certain que vous avez travaillé là-dessus, mais où sont les résultats de cette recherche? Vous nous posez des questions; vous n'apportez pas de réponses et vous ne nous fournissez pas d'indications, sauf des indications doctrinales que nous acceptons.

Je ne vous ferai pas les reproches que vous a faits tout à l'heure mon collègue, le député de Saint-Jacques. Il est plus jeune que moi; ce n'est pas un reproche que je lui fais...

M. CHARRON: Merci.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... mais s'il était encore catholique romain, il aurait quand même lu tout au moins, compte tenu de son âge, les encycliques des papes Pie XIl, Jean XXIIl et Paul VI sur les problèmes sociaux, etc., et il aurait été sans doute aussi attentif à tout ce qui s'est fait dans l'archidiocèse de Montréal, dans celui de Québec et dans les autres diocèses pour assurer la présence et la

collaboration de l'Eglise à l'édification d'une meilleure société et d'un meilleur partage des richesses.

Ce n'est pas là le propos qui nous intéresse. Ce qui nous intéresse, c'est le projet de loi 28. Je vous dis, monseigneur, que je suis très heureux de voir que vous avez accepté de venir devant cette commission nous faire connaître votre point de vue, mais nous ne sommes pas plus avancés, à la fin de ce témoignage que vous avez bien voulu nous donner, que nous ne l'étions avant que vous ne comparussiez. Tout ce que nous savons, c'est que vous entretenez des craintes au sujet du projet de loi 28. Il nous faudrait beaucoup plus que cela.

Nous sommes — et c'est le cas de la majorité des députés de cette Assemblée — des catholiques romains pratiquants ou des protestants ou des juifs. Même lorsque nous légiférons en une matière civile qui relève de la compétence de l'Etat civil, nous nous posons des questions. La question que je me pose personnellement est: Est-ce que les gestes législatifs que nous nous apprêtons à poser seront conformes aux principes qui soutendent l'enseignement religieux que nous avons reçu et les dogmes de la foi que nous professons? Votre document ne m'apporte, à moi, aucune lumière, ne me rassure pas sur le plan de ma conscience. C'est un avis dicté par la prudence que je suis obligé de prendre comme tel. Comme citoyen du Québec, ayant à oeuvrer au sein de l'Assemblée nationale, je ne suis pas capable de trouver, dans les documents que vous nous avez soumis, des propositions concrètes qui nous permettraient de soumettre au gouvernement des amendements au projet de loi, de lui soumettre des projets de réglementation, des articles de réglementation. Rien! Nous n'avons aucun élément, dans les documents que vous nous avez fournis, qui nous aide à le faire, sinon certains grands principes de doctrine, que nous ne discutons pas, au contraire, mais que nous acceptons, lesquels sont d'ailleurs acceptés par la majorité des gens qui sont venus devant nous.

Il y a une chose qui me frappe. Je crois que vous étiez ici ce matin quand j'ai interrogé particulièrement l'Association des commissions scolaires de la région de Montréal, hier la CECM et ce matin le comité consultatif de la CECM. Ces organismes, qui représentent quand même une majorité de parents catholiques, ne semblent pas de l'avis de l'archevêque de Montréal, Son Excellence Mgr Grégoire. Vous avez poursuivi une consultation auprès, dites-vous, d'environ 6,000 personnes. Ces gens-là nous disent avoir aussi poursuivi des consultations. Nous sommes donc ce soir dans la situation suivante: Qui a raison et sur quoi? Les lumières que vous nous avez apportées, monseigneur, je suis obligé de vous le dire avec le plus grand respect, ne nous ont pas éblouis au point où nos consciences de catholiques romains pratiquants ou nos consciences de chrétiens soient plus rassurées.

Je vous formule ces propos avec une certaine hésitation parce que tout ce qui touche à la foi catholique et à l'Eglise à laquelle j'appartiens m'est extrêmement cher et je ne voudrais pas que les adversaires de l'Eglise s'en servent contre l'Eglise catholique romaine.

Mais permettez-moi de vous dire, monseigneur, que j'ai l'impression que se poursuit encore dans l'Eglise catholique romaine du Québec et du Canada, à laquelle j'appartiens, une politique de silence qui dure depuis plus de dix ans, qui inquiète tous les catholiques. Et je vous prie très respectueusement de nous soumettre, de grâce, des propositions concrètes afin que nous puissions voir si nous sommes sur la bonne voie, si, en légiférant, nous respectons les principes de l'enseignement religieux que nous avons reçu et si nous représentons aussi — et cela est très important — la population en majorité catholique qui nous a élus. Parce qu'il y a un grand nombre d'organismes qui viennent ici devant nous et qui se présentent comme des organismes représentatifs des parents catholiques, d'associations catholiques, etc., qui nous font des propositions. Nous les examinons avec beaucoup d'égards mais — et je l'ai fait à plusieurs reprises depuis quelques mois — toutes les fois que des organismes de cette nature sont venus devant nous, je leur ai dit: Je suis très heureux d'entendre votre point de vue mais combien plus j'aimerais entendre la voix de la hiérarchie de mon Eglise.

Monseigneur, quand je parle de l'Eglise du silence, je voudrais bien que l'on s'entende. Je ne vous fais pas le reproche à vous personnellement; je ne fails pas reproche aux évêques individuellement; je fais ce reproche aux prêtres, aux évêques, au clergé et à tous les catholiques y compris les laïcs, parce que nous avons pratiqué une politique de silence. Et si je parle aujourd'hui, c'est pour me réveiller moi-même et pour essayer de réveiller ceux qui ont pendant trop longtemps dormi.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Vous me permettez de soulever une couple de points. D'abord, je me réjouis que vous n'ayez pas décidé de faire des reproches parce que je me demande où ça aurait été.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela ressemble, monseigneur, vous savez, aux avertissements polis que Bossuet donnait au roi.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Je crois beaucoup qu'on exagère le silence de l'Eglise au Québec et même au Canada. Je vais vous donner des faits concrets. Sur les questions de l'éducation, le cardinal Léger a fait, à la fin de son règne — si je peux parler ainsi — deux interventions importantes auprès de principaux et de maîtres d'écoles dans la région de Montréal et ces interventions ont été perçues dans d'autres endroits.

Deuxièmement, à l'occasion de la Loi du ministère de l'Education, l'épiscopat du Québec a envoyé une communication officielle, et pas uniquement une lettre, qui a été rendue publique et qui a d'ailleurs entraîné des amendements au projet de loi 60 du temps.

Troisièmement, le cardinal Roy, en présence de tous les députés, au moment où il a été nommé cardinal, a fait une allocution qui, encore là, a eu un certain retentissement et ç'a été sur l'éducation catholique.

L'archevêque de Montréal intervient deux fois en l'espace d'un an, sur les problèmes de l'éducation. C'est la même chose quand on pense aux problèmes sociaux, quand on pense au message de la Fête du travail et aussi à d'autres textes. Seulement, ce qui peut arriver, c'est que le style a changé, d'une part. D'autre part, l'importance des moyens de communication s'est accrue et en même temps ils ont peut-être donné moins d'importance à ce que disent les chefs religieux.

C'est pourquoi je ne pense pas qu'on puisse parler de silence. On pourrait peut-être chercher des raisons pour dire: Comment se fait-il que ça n'a pas davantage produit d'impact?

Est-ce le style, la façon de parler, l'inattention des gens? Il pourrait y avoir plusieurs facteurs. Mais le silence, je pense qu'on l'exagère. Je ne veux pas dire par là que la parole a été aussi souvent prise qu'elle aurait pu l'être, mais en matière d'éducation, depuis l'introduction du ministère de l'Education, l'Assemblée des évêques est intervenue au moins trois fois; le cardinal est intervenu et aujourd'hui je vous présente un mémoire qui a l'appui de l'épiscopat du Québec, comme d'ailleurs le mémoire sur le projet de loi 62 avait l'appui de l'épiscopat du Québec. Le mémoire sur le projet de loi 62 était de beaucoup plus élaboré justement parce que c'était le premier projet de loi. On n'a pas trouvé qu'il y avait, au point de vue de l'attitude de l'école à contribuer à la formation chrétienne des jeunes, tellement de différence entre les deux qu'il faille reprendre tout ce qui avait été dit là-dedans.

Maintenant, vous dites que c'est un mémoire négatif qui n'éclaire pas. Moi je pense plutôt que c'est un mémoire positif. Il faut faire la distinction entre le texte lui-même et l'annexe que vous avez eue; l'annexe a été faite par un office diocésain qui pose des questions pour savoir, par exemple, ce que va faire le type des questions religieuses. La loi ne nous le dit pas. Mais, dans le document principal présenté par l'évêque et signé de lui-même, je crois, au contraire, que vous avez une attitude qui est progressive, qui est ouverte sur l'avenir. Je crois que ce document dit — il ne pose pas tellement de questions — premièrement: Vous voulez prendre des mesures pour l'égalité des services à Montréal en tenant compte du rattrapage, nous sommes d'accord; vous voulez que les commissaires soient élus, nous sommes d'accord; vous voulez qu'une impulsion nouvelle soit donnée pour la participation des parents, nous sommes d'accord; vous voulez que l'école catholique continue d'exister; nous sommes d'accord. La seule question que nous posons, mais nous donnons aussi une suggestion, c'est: Y aura-t-il des réseaux décisionnels aptes à maintenir l'école catholique et à la développer? A ce moment-là, on se dit, en respectant l'économie du bill, la mentalité de la population et les diversités à Montréal, la seule chose que nous souhaitons c'est qu'on donne la place à l'expérimentation. Quand on sait que les principaux objectifs du bill peuvent être réalisés dès la mise en vigueur de la loi, au moins pour ce qui concerne l'administration et les réseaux décisionnels, qu'on fasse l'expérimentation, qu'on essaie de répondre aux questions pour lesquelles nous n'avons pas de réponses actuellement, personne d'ailleurs, parce que faute d'expérience.

Alors, je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il y a là un mémoire négatif qui pose des questions; l'archevêque ne pose pas de questions, il apprécie.

J'aimerais faire remarquer une autre chose. La confessionnalité, nous l'examinons par voie de conséquence. Il ne faut pas oublier ça, ce projet de loi ne met pas en cause directement et de front la confessionnalité. Il n'est pas question là-dedans de savoir si, par exemple, les écoles catholiques vont continuer d'exister. On le dit à l'article 587 en donnant les devoirs des commissions scolaires. Alors, on n'a pas traité, dans ce document, de confessionnalité, de formation chrétienne, de ce que ça veut dire la formation chrétienne, de ce que ça veut dire l'école catholique. On n'a rien dit de tout cela mais on a essayé simplement de répondre la question que posait le projet de loi: Est-ce que l'école catholique, qu'on dit vouloir garder, va pouvoir être appuyée par un réseau approprié de décisions? On répond non à cette question-là.

C'est pourquoi nous pensons que l'expérimentation permettra de voir comment plus tard l'administration scolaire pourra être faite à ce sujet-là, mais pour le moment il n'y a pas suffisamment de données; maintenons les commissions scolaires confessionnelles. C'est quand même une suggestion concrète.

Si vous me demandez des amendements à apporter au bill sur les comités catholiques, etc., j'ai essayé, je me suis peut-être mal exprimé, de vous dire qu'à l'examen de tout cela on a l'impression qu'on ne peut pas le faire à cause des questions laissées sans réponses et à cause, deuxièmement, du danger de proposer une autorité bicéphale pour le système scolaire à Montréal, ce que nous nous interdisons de faire.

Alors, je ne crois pas que ce soit négatif, il n'y a pas que des questions, il y a une suggestion concrète; ce n'est peut-être pas celle que vous attendez mais c'est la nôtre.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Monseigneur, lorsque j'ai dit tout à l'heure que le mémoire était négatif, j'ai bien pris soin de vous dire qu'il y avait des positions doctrinales très précises.

Pour nous, législateurs, ces positions doctrinales et ces suggestions qu'il fait de procéder par étapes ne sont pas des choses satisfaisantes pour des législateurs, et vous sachant conscient de l'importance de ce projet de loi, nous nous attendions à ce que vous présentiez un ensemble — appelons cela comme cela — d'amendements ou de suggestions pour bonifier la loi de façon qu'elle réponde aux exigences que vous croyez essentielles de l'enseignement confessionnel. Je ne dis pas que tout l'avis de Son Excellence est négatif, mais le style en est négatif, parce qu'il est interrogatif et qu'il se présente beaucoup plus comme un avertissement que comme un ensemble de propositions concrètes qui soient de nature à nous aider à reprendre le travail de rédaction de ce projet de loi.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Si le législateur veut voter une loi qui comprend un conseil scolaire, disons que nous sommes d'accord avec l'essentiel. Si le législateur veut donner une impulsion au comité d'école, nous sommes d'accord, c'est assez concret, cela vient des projets de loi.

Deuxièmement, si vous voulez vraiment, à notre avis, favoriser le développement de l'école catholique pour ces écoles, quitte à en créer d'autres, — c'est écrit aussi là-dedans — pour ces écoles, maintenir des commissions scolaires confessionnelles, au moins d'ici à ce que l'expérimentation soit faite, il me semble que c'est concret.

Ayant pris cette position-là, je ne peux pas, en même temps, vous faire des amendements sur le projet de loi. Je me contredis moi-même. Je m'excuse de dire cela, mais c'est cela que cela voudrait dire. Si je dis: Il va y avoir des commissions scolaires, d'autre part, des comités confessionnels avec des pouvoirs extraordinaires qui vont nier les pouvoirs des commissions scolaires ou qui s'harmonisent mal, je me contredirais moi-même, à partir du moment où je dis que la commission scolaire unifiée ne paraît pas apte à assurer le maintien et le développement de l'école catholique. C'est pourquoi, pendant les périodes où on essaie de répondre aux questions et à faire de l'expérimentation, c'est mieux de maintenir les commissions scolaires confessionnelles et les écoles catholiques.

Je pense que j'ai été le plus concret possible. A partir du moment où j'ai dit cela, je me suis interdit d'essayer de faire un autre projet de loi, pour dire: Les comités confessionnels pourraient faire ceci. Ou encore: Le type des questions religieuses pourrait faire cela.

Nous prenons, dans le projet de loi, l'ensemble de ce qu'on pourrait appeler les garanties qui placent la confessionnalité dans la margina- lité et on dit: C'est marginal. On dit: La garantie va se trouver là où se prennent les décisions, dans les commissions scolaires confessionnelles. Je ne vois pas comment on pourrait être plus concret.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est une question de style!

Pour un législateur, ce n'est pas très concret. Enfin, monseigneur, je ne veux pas vous en faire grief plus que de raison, mais je vous ai donné bien franchement mon opinion. Et cela ne m'empêchera pas, monseigneur, d'aller à votre cathédrale le dimanche. J'ai toujours beaucoup de joie à assister aux messes.

UNE VOIX: C'est un catholique romain pratiquant.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Dorchester.

M. GUAY: M. le Président, depuis déjà un bon bout de temps j'avais demandé la parole, disons même avant le petit exposé ou la petite homélie du député de Chicoutimi à la suite des propos qu'a tenus monseigneur. Je pense qu'on a répondu clairement à ma question. Il s'agissait d'analyser actuellement la majorité tout de même assez confortable qui existe dans les commissions scolaires de Montréal et, advenant, par exemple, l'application de la loi 28 et quelles seraient les tendances à venir, soit une augmentation ou une diminution de cette majorité de cette voix catholique, je pense que Mgr Lafontaine y a très bien répondu. Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: Il ferait un bon prédicateur, il fait ses homélies courtes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il répète le curé.

M. CHARRON: M. le Président, je comprends le sens des réponses de Mgr Lafontaine au député de Chicoutimi, mais je suis quand même porté à lui poser des questions encore plus précises. Si le législateur maintient sa volonté telle qu'exprimée dans le projet de loi 28 de créer des commissions scolaires unifiées neutres et s'il doit, par le fait même aussi, assurer des écoles confessionnelles et des comités confessionnels, dans cette hypothèse, de-manderiez-vous que les trois membres du comité confessionnel soient choisis parmi les parents ou soient nommés d'office par l'archevêché ou je ne sais trop qui, par la paroisse?

Est-ce que vous êtes d'accord sur le principe qui figure actuellement dans le projet de loi no 28 qui dit que dans l'hypothèse où les commissions scolaires sont unifiées, ce sont les parents des comités consultatifs des écoles catholiques

qui forment le comité de trois personnes que le projet de loi reconnaît?

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Quels que soient sa composition et le mode de nomination, je resterai convaincu que, dans le cadre actuel, cela restera un organisme d'influence marginale. Maintenant, pour répondre directement à votre question, je ne crois pas que ce soit absolument nécessaire que les trois personnes soient nommées uniquement parmi les membres de ces comités d'école. Elles pourraient être choisies parmi les parents. Je crois que le réalisme de cette suggestion serait plus grand si, par exemple, ces trois personnes qui seront au comité confessionnel étaient élues par des parents, membres de comité ou non, qui ont inscrit leur enfant comme catholique et qui veulent avoir une école catholique, de telle manière que les gens qui veulent avoir une école catholique puissent élire ceux qui sont chargés de veiller, comme on dit, à l'application des règlements du comité catholique.

M. CHARRON: Vous êtes d'accord qu'elles soient élues par les parents.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Absolument et on ne demanderait pas qu'elles soient nommées par l'évêque. Je pense aux interventions — je dis cela à titre d'illustration encore, parce que ce n'est pas la même chose — du cardinal Léger et de Mgr Grégoire, justement, pour dire: Nous ne croyons pas qu'il appartient actuellement à l'archevêque de Montréal de nommer des commissaires à la CECM. C'est parce que la loi est encore en vigueur. On a oublié la loi comme de bons citoyens. Mais seulement qu'il y ait des liens avec l'autorité religieuse, ce n'est pas absolument nécessaire que ce soit inscrit dans le projet de loi mais ce sera sûrement nécessaire qu'il y en ait pour que...

M. CHARRON: Cela va être laissé à la discrétion des parents, justement, s'ils les élisent, de choisir quelqu'un qui a l'appui de l'archevêché. C'est à eux de décider du lien entre leurs élus et l'autorité religieuse.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): C'est-à-dire que si c'était un comité qui a pour fonction de maintenir et de développer l'école catholique, à un moment donné, je suppose qu'il va vouloir avoir la collaboration de ceux qui s'y emploient aussi à leur manière et selon leurs compétences.

M. CHARRON: Merci.

M. LE PRESIDENT (Pearson): Le député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Si vous me permettez, M. le Président, la Commission des écoles catholiques de Montréal, actuellement, se dit catholique. Si nous considérons le statu quo, actuellement, comme on l'a dit et comme vous l'avez admis, ceux qui ne sont pas catholiques n'ont pas le choix, surtout les citoyens de langue française. Alors, il s'est créé, à mon avis, devant ces faits, une situation assez curieuse. Nous avons assisté, lors de nos travaux, à la lecture de certains mémoires, à la présentation de certains documents où ceux qui avaient à le faire étaient à l'emploi de commissions scolaires, soi-disant catholiques et j'ai personnellement remarqué que ces gens étaient non pas indifférents vis-à-vis de l'Eglise mais même d'un anticatholicisme militant.

Alors, dans cette situation, je me demande si malgré les structures, malgré qu'on dise que ces commissions scolaires sont catholiques, s'il peut réellement se donner, dans ces écoles, une éducation catholique.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie) : La situation actuelle, voyez-vous, est sûrement ambiguë. Que vous ayez constaté cela, je l'ai constaté moi-même. Mais seulement, dans la proposition concrète de Mgr Grégoire, il est question de commissions scolaires catholiques et autres, ce qui permettrait justement de faire les nuances et les distinctions entre ceux qui en veulent et ceux qui n'en veulent pas. Ceux qui veulent s'aventurer dans l'école catholique en apportant leur contribution comme telle, cela va être clair aussi. C'est pour cela que, si l'on veut comprendre la suggestion de Mgr Grégoire, à mon avis, il ne faut pas uniquement se référer à la situation existante où il y a un grand nombre de problèmes et où il y a de l'ambiguïté. La CECM est une commission scolaire catholique selon la loi et qui administre des écoles catholiques selon la loi. Alors, les gens qui veulent aller dans les écoles de la CECM, ils vont dans des écoles catholiques. Je ne suis pas convaincu que toutes ces écoles-là devraient être catholiques. Je suis convaincu, au contraire, qu'il devrait y en avoir pour ceux qui n'en veulent pas pour eux.

Mais cela n'existe pas actuellement. C'est pour cela que la meilleure façon de comprendre le texte de Mgr Grégoire, ce n'est pas nécessairement de dire: Il veut le statu quo. Il a été aussi question de division et de regroupement des commissions scolaires. Si vous voulez avoir onze commissions scolaires à Montréal, il n'y a rien qui s'oppose à ce que cela soit fait, avec la suggestion de Mgr Grégoire. A ce moment, il pourrait y avoir une commission scolaire pour "autres" et il pourrait y avoir des commissions scolaires pour ceux qui veulent avoir des écoles catholiques. Le choix serait possible.

J'ai été, moi aussi, professeur à l'Université de Montréal. C'est sans doute moins bon qu'à l'université Laval, M. le député, c'est sûrement moins ancien aussi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Montréal est une fille de Laval!

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): C'est cela.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est la fille prématurée.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Il est sûr que rien ne peut empêcher quelqu'un de fonctionner. Je pense à un professeur de religion dans une université ou dans une classe donnée où il y a 10 p.c. ou plus des élèves qui n'en veulent pas. A ce moment, vous avez l'attitude des étudiants qui n'en veulent pas, qui se sentent obligés d'être là, qui ne voudraient pas y être et qui réagissent d'une façon très compréhensible, mais qui empêchent ceux qui veulent avoir ce cours de l'avoir et qui empêchent le professeur de fonctionner. Mais si vous avez un système où ces étudiants peuvent choisir, vous clarifierez les choses.

C'est la même chose pour les parents. Je comprends qu'il y a des parents — je respecte leurs convictions, nous le disons d'ailleurs dans le document — qui désireraient avoir d'autres écoles que des écoles catholiques pour leurs enfants. Qu'on en crée! Qu'on en crée au plus tôt!

M. SAINT-GERMAIN: M. le Président, en admettant que le statu quo a de sérieux inconvénients relativement à l'école catholique, malgré les réticences que vous apportez, considérez-vous que le bill 28 sera tout de même une amélioration relativement au statu quo? Je parle toujours relativement à la catholicité des écoles.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Cela pourrait l'être par voie de conséquence et indirectement. C'est qu'étant donné que le projet de loi no 28 annonce des écoles "autres", c'est là que la distinction se fera. Remarquez qu'il y a longtemps que c'est souhaité par beaucoup de monde, y compris par votre humble serviteur. Cela permettra de clarifier les choses. C'est une amélioration sur la situation existante. Mais je ne suis pas convaincu qu'il faut des commissions scolaires unifiées pour faire des écoles "autres". La loi 27 pourra permettre, justement, des écoles "autres". Et il y a des commissions scolaires pour les catholiques et pour les protestants, voyez-vous?

L'important pour nous, remarquez, c'est que là où se prennent les décisions susceptibles d'affecter la commission scolaire catholique, des gens aient des mandats précis pour les prendre. Actuellement, c'est la commission scolaire qui a ce mandat.

M. SAINT-GERMAIN: Vous semblez, monseigneur, attacher beaucoup d'importance aux solutions que pourraient vous fournir les expériences des modifications que vous apportez dans votre mémoire. Serait-il possible que les expériences qu'apportera l'application du bill 28 ne soient pas, à ce point de vue, aussi positives, aussi valables que les expériences qui pourraient être apportées par le système que vous proposez? Parce qu'enfin, une législation, ce n'est pas éternel. Cela se modifie. J'imagine bien qu'avec une nouvelle législation comme le bill 28, il faudra nécessairement, un jour, la modifier, comme résultat des expériences et des connaissances qui seront acquises par la mise en application du bill même.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Que l'application du bill 28 puisse apporter un certain nombre d'expériences valables, je n'en doute aucunement.

Mais je n'en doute aucunement, remarquez. Mais je me dis: Pourquoi ne pas tout faire aujourd'hui ce qu'on peut faire, et faire l'expérience, pour voir, avant de changer le réseau de décisions susceptible d'affecter les écoles? C'est ça le fond de la question. Vous pouvez me dire: Après expérience, on pourra peut-être se rendre compte que ça va être bon. Peut-être, mais on se dit actuellement que vous n'avez pas, par ce projet de loi, confié à des organismes à influence marginale le soin de prendre des responsabilités pour les évêques catholiques. A mon avis, c'est mieux que la population le sache aussi. On se demande: Est-ce que ces structures-là sont aptes à maintenir et à développer l'école catholique? On dit non parce que les expériences n'ont pas été faites. On est mieux de les faire avant, ce qui n'empêcherait pas, comme je le disais tout à l'heure, de réaliser les principaux objectifs du bill, de mettre en place les structures, comme le conseil scolaire, les comités d'école, et puis de regrouper les commissions scolaires, de les rediviser mais en maintenant les réseaux de décisions appropriés pour les tâches et les finalités à organiser.

M. SAINT-GERMAIN: Puisque vous admettez à la longue l'unification, ça deviendrait simplement une question de moyens pour parvenir au même but, c'est-à-dire s'instruire de l'expérience de votre projet ou s'instruire de l'expérience du bill 28. On pourrait, par une voie ou par l'autre, à la longue, arriver pratiquement au même résultat. Est-ce que je pourrais affirmer cette chose-là?

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Vous pouvez sans doute l'affirmer mais je n'y souscrirai pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Monseigneur, je vais vous poser une autre question qui va vous paraître naive: Est-ce qu'un catholique peut voter la loi 28?

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): Ah oui! Tout à l'heure, vous avez dit vous-même que vous avez reçu des mémoires qui ont dit des choses différentes. On est dans la société d'aujourd'hui et on est dans l'Eglise d'aujourd'hui. Vous avez simplement à lire les comptes-

rendus de ce qui se passe au synode, il y a des questions importantes, c'est encore la même chose. Dans l'Eglise de Montréal, il y a des gens qui pensent qu'un réseau de décisions approprié des écoles catholiques, c'est bon, et d'autres qui disent qu'on n'en aura pas besoin parce qu'on fait confiance aux hommes. On va ignorer l'importance du droit pour s'abandonner aux organismes de pression. Il y en a qui aiment mieux la pression que la loi qui définit les lois qui les garantit. C'est leur affaire et je respecte tout ça. On est dans cette société-là, dans cette Eglise-là.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Monseigneur, si je vous ai posé la question sous cette forme-là, c'est que je voulais que vous me donniez cette explication et, en même temps, je voulais rassurer certains de nos collègues qui pourraient avoir des hésitations.

M. LAFONTAINE (Jean-Marie): On est vraiment au niveau des moyens.

M. LE PRESIDENT: Je remercie Mgr Lafontaine, représentant de l'archevêché de Montréal, du mémoire qu'il nous a présenté. Soyez assuré qu'on va en prendre bonne note. Je cède la parole au ministre de l'Education.

M. SAINT-PIERRE: Je voudrais simplement annoncer qu'en accord avec les autres partis, nous avons convenu d'avoir une séance de la commission mardi prochain, c'est-à-dire la première journée où l'Assemblée nationale aura à siéger. Les séances de la commission parlementaire auraient lieu après la période des questions, c'est-à-dire de 4 heures à 6 heures et de 8 heures à 10 heures. Je suis conscient que nous n'avons pas abattu tout le travail qu'on s'était proposé, c'est d'une part qu'on ne voulait, chez aucun groupe, laisser l'impression qu'on voulait bousculer les choses, qu'on voulait passer à la vapeur les mémoires.

Je pense que si, d'une part, on doit être déçu de ce que des groupes soient obligés de revenir, c'est malheureusement le prix qu'il faut payer si on veut bien laisser à chacun le droit d'exprimer son point de vue.

Il nous reste, avant l'heure réglementaire de six heures pour le travail de la commission, vingt minutes. Je laisse le choix à l'association des cadres de prendre la parole aujourd'hui ou de passer comme premier groupe mardi prochain. Vous préférez mardi prochain? M. le Président, je suggérerais que les travaux de la commission soient ajournés à mardi prochain, après la période des questions.

M. LE PRESIDENT: Les travaux de la commission sont ajournés à mardi prochain, après la période des questions, vers quatre heures.

(Fin de la séance: 17 h 45)

ANNEXE A

MEMOIRE DU COMITE CONSULTATIF DE LA C.E.C.M.

PREAMBULE LE COMITE CONSULTATIF DE LA CECM

Le Comité consultatif de la Commission des Ecoles catholiques de Montréal est un organisme composé de parents et de représentants de corps intermédiaires. Les parents, membres des comités consultatifs des écoles (soit environ trois cents comités dans les écoles françaises et anglaises) s'élisent des représentants au sein des comités consultatifs des régions administratives, lesquels ont chacun un représentant au Comité de la Commission. C'est la structure de consultation et de participation des parents des écoles de la CECM. A ce nombre s'ajoutent les délégués de l'Association des Parents catholiques, de la Fédération des Unions de familles et du Montreal Council of Parent Teacher Associations. Se joignent aux parents, un délégué de chacun des organismes suivants: le Conseil central de Montréal, le Conseil du Travail de Montréal, la Chambre de Commerce de Montréal, le Centre des dirigeants d'entreprise et la Fédération des CEGEP.

Ce comité adresse ses requêtes, ses mémoires à la Commission scolaire dont il est une création. C'est l'importance du projet de loi 28 qui amène le Comité, par exception et en accord avec la CECM, à présenter ce mémoire à la Commission parlementaire.

LA PREPARATION DE CE MEMOIRE

Les circonstances dans lesquelles ce mémoire a été préparé n'ont pas permis au Comité de mettre en branle tous les mécanismes de consultation dont il dispose pour sonder l'opinion de la population.

Toutefois, dans le temps qu'il avait, le Comité s'est efforcé de rejoindre le plus grand nombre possible de personnes susceptibles de lui donner la réaction du milieu et des parents principalement. Compte tenu de la diversité des groupes qui le composent et de l'effort de chacun de ses membres à consulter les parents, le Comité est en mesure d'exprimer un point de vue qui est celui d'une fraction importante de la population.

UNE DISSIDENCE

Le délégué de l'Association des Parents catholiques enregistre sa dissidence face au principe des commissions scolaires unifiées et opte pour des commissions scolaires confessionnelles, catholiques, protestantes et autres comme garantie de la confessionnalité.

Mais le délégué est d'accord sur la restructuration scolaire, sur la création du Conseil, l'élection des commissaires et les mesures prises pour assurer la participation des parents.

INTRODUCTION

Le Comité consultatif de la Commission scolaire de Montréal reconnaît la nécessité de la restructuration scolaire à Montréal et considère le projet de loi 28 comme une mesure législative qui, dans son ensemble, devrait répondre aux besoins de la communauté montréalaise.

Conséquemment le Comité se dit d'accord sur: a) création d'un Conseil scolaire pour l'île de Montréal; b) le principe des commissions scolaires unifiées.

Les principaux avantages de cette loi sont: a) la création d'un Conseil capable d'assurer une meilleure distribution des ressources humaines et matérielles du milieu et une meilleure coordination des activités.

Nous demandons que le partage du revenu de la taxe ne soit pas obligatoirement relié au seul per capita mais qu'on tienne compte par un mécanisme de péréquation des besoins particuliers des commissions scolaires les moins favorisées; b)les moyens mis en oeuvre pour respecter la diversité culturelle, linguistique et confessionnelle de la population et l'occasion qui s'offre aux groupes composants de s'intégrer progressivement à la société québécoise; c) la démocratisation du système: 1- par l'élection des commissaires, 2- par la participation organique et permanente des parents.

LES ASPECTS PARTICULIERS DE LA LOI

Considérant les divers organismes nécessaires à la restructuration, le Comité formule les remarques, les commentaires ou les recommandations qui suivent:

LE CONSEIL SCOLAIRE 1- Les quinze membres du Conseil devraient avoir un mandat d'une durée de quatre ans. 2- Le choix du président et du vice-président devrait être fait par les membres. 3- Le choix des membres nommés par le gouvernement devrait refléter la réalité des principaux groupes composant la population scolaire de l'île. 4- Le Conseil devrait se réunir deux fois par mois au moins. 5- Les décisions importantes qui affectent une commission scolaire en particulier devraient être prises après consultation avec la commission scolaire concernée. 6- Le Conseil devrait adopter des règlements pour sa régie interne sans autorisation du ministre. 7- Le Conseil devrait se donner un comité consultatif de parents.

LA COMMISSION SCOLAIRE

La division du territoire, quelle qu'elle soit, présentera des inconvénients pour des groupes minoritaires, francophones ou anglophones.

C'est pourquoi, il est très important que l'on assure un chevauchement des services administratifs, pédagogiques ou autres entre les commissions scolaires pour répondre aux besoins des groupes minoritaires et de cette façon donner une même qualité de service à tout le monde (overlapping services). 1- Chaque commission scolaire devrait compter neuf commissaires. 2- L'élection des commissaires se fait simultanément à tous les quatre ans, en même temps que les élections municipales. 3- Les deux tiers des commissaires sont élus au suffrage universel. 4- L'autre tiers est élu par le collège électoral constitué par les parents des comités d'école. 5- La division par quartiers est confiée à un comité d'experts et non à la commission scolaire. Il y a autant de quartiers que de commissaires élus au suffrage universel. 6- La loi devrait préciser les règles générales de la campagne électorale: financement, publicité, etc. 7- Le Comité est d'accord sur la nomination par le gouvernement de deux autres commissaires pour représenter les minorités au besoin, mais le mandat de ces commissaires devrait être d'une durée de quatre ans. 8- Le directeur général, le directeur général adjoint, le sous-directeur général francophone et le sous-directeur général anglophone devraient siéger régulièrement avec les commissaires.

9- Le droit de vote devrait être établi comme suit: a) un vote par personne, b) un propriétaire de plusieurs immeubles a droit à un seul vote dans le quartier de son choix, c) un vote aux parents membres du collège électoral, un parent membre de plus d'un comité n'a qu'un droit de vote; d) les parents qui n'ont pas la citoyenneté canadienne ont droit de vote après avoir habité durant un an sur le territoire du Conseil scolaire. 10- Le comité consultatif de parents de chaque commission scolaire est formé par les présidents des comités d'école.

LE COMITE D'ECOLE 1- Le Comité juge acceptable les fonctions attribuées au comité d'école.

Il importe, toutefois, de donner à ces comités un rôle déterminant en certains cas pour en souligner l'utilité aux yeux des parents et stimuler leur participation. C'est pourquoi les comités d'école devraient: a) constituer un collège électoral pour l'élection d'un tiers des commissaires dans chacune des commissions scolaires; b)les comités devraient également faire connaître à la commission scolaire, lors de la nomination d'un directeur d'école, les besoins particuliers du milieu quant aux qualités requises du directeur à nommer. 2- La présence des enseignants au sein des comités d'école est nécessaire aux parents dont la participation sera largement éclairée par la présence des enseignants. 3- Le tiers des membres du comité d'école devrait être des enseignants membres à part entière. Le nombre des parents devrait être déterminé comme suit: 3 pour une école de moins de cinq cents élève, 6 pour plus de cinq cents et moins de mille élèves et de 9 pour une école de plus de mille élèves.

LE CONSEIL PROVISOIRE

Vu les tâches énormes qui l'attendent, ce Conseil devrait être créé le plus tôt possible pour procéder à l'inventaire des ressources et à la préparation d'un projet d'unification qui tienne compte de l'aspect humain tout autant que de l'aspect physique du changement et de façon à pertuber le moins possible la vie scolaire à Montréal.

On devrait accepter le principe de prolonger le délai du 1er juillet 1973 si les circonstances l'exigeaient et laisser au Conseil toute la liberté possible dans la préparation de son échéancier. 1- Nous sommes d'accord que le Conseil compte treize membres dont trois nommés par le gouvernement. 2- Nous demandons que les membres soient choisis de façon à réfléter les caractéristiques (culturelles, religieuses, linguistiques) de la population à servir. 3- Nous acceptons l'article 11 sur les pouvoirs et devoirs du Conseil mais nous proposons que l'alinéa b se lise comme suit: "dresser, en collaboration avec les commissions scolaires existantes, les syndicats et les associations concernés, un plan d'intégration de leur personnel au sein du Conseil et des commissions scolaires nouvelles et effectuer les consultations appropriées. 4- Nous demandons que la nomination des quatre nouveaux commissaires à la CECM soit précédée d'une consultation auprès des organismes locaux, soit par exemple le Comité consultatif de la Commission. 5- Nous demandons que les représentants de la CECM au conseil soient choisis par les onze commissaires eux-mêmes.

ANNEXE B MEMOIRE DU CONGRES JUIF CANADIEN

SOMMAIRE DES RECOMMANDATIONS 1. Le but ultime des amendements à la Loi sur l'éducation devrait être l'établissement d'une administration scolaire unifiée, démocratiquement élue comprenant des sauvegardes écrites adéquates dans la loi en vue d'assurer l'égalité des opportunités éducatives et les conditions nécessaires afin de fournir des cours d'études de la plus haute qualité dans la langue choisie par les parents. 2. Le développement du système éducatif scolaire suggéré devrait inclure la pleine reconnaissance par le gouvernement du Québec du secteur des écoles indépendantes faisant l'objet d'une aide gouvernementale au plus haut point, et dans lequel chaque groupe peut, s'il le désire, assumer personnellement des responsabilités supplémentaires en vue de développer son héritage culturel et religieux et ce, conformément aux idéaux démocratiques du Québec et du Canada. 3. Que la désignation des membres additionnels aux commissions scolaires édictée à l'article 583 soit obligatoire et que le terme de la charge des personnes désignées soit égal à celui des membres élus de la commission; que des consultations concernant la désignation de ces membres ait lieu avec les organisations les plus représentatives de la minorité concernée, à la discrétion du Ministre. 4. Que soit pris en considération un amendement aux articles 95 et 99 de la Loi sur l'éducation, afin de remplacer la qualification de citoyenneté canadienne en vue du vote des commissaires scolaires et officiels par la qualification d'une résidence canadienne pour une période en sue d'une année. 5. Que l'article 587 inclue des dispositions en vue de l'exercice de l'option par les parents du type d'écoles, de la langue d'instruction et de l'instruction religieuse et morale pour leurs enfants; que cette option soit accessible à tous les parents. 6. Que l'article 589 inclue des dispositions suivant lesquelles il sera du devoir et de la responsabilité des directeurs généraux adjoints de s'assurer que des cours de la plus haute qualité soient disponibles dans la langue d'instruction choisie par les parents, dans chacune des écoles sous la juridiction de la commission et que les directeurs généraux adjoints aient le pouvoir et les moyens de répondre à la requête des parents et disposent d'un personnel adéquat à tous les niveaux pour établir et superviser ces cours. 7. Qu'une considération soit accordée en vue de modifier l'article 508 de la Loi sur l'éducation afin de permettre un appel devant les Cours Provinciales dans le cas où la commission manquerait de mettre à exécution les dispositions de l'article 203 de la Loi sur l'éducation qui assurent le droit aux parents de choisir une langue d'instruction pour leurs enfants. 8. Que l'article 589 (dernier paragraphe) soit modifié en vue de correspondre aux dispositions de l'article 594 (a) et soit rédigé comme suit: "A la demande des comités visés à l'article 593, les commissaires scolaires doivent nommer deux personnes responsables pour l'exécution des règlements des comités catholiques ou protestants du Conseil supérieur de l'éducation, tel que le cas pourrait être, dans les écoles publiques Catholiques ou dans les écoles publiques Protestantes". 9. Qu'un paragraphe soit ajouté à l'article 594 autorisant le ministre de l'Education à sa discrétion, d'approuver des cours en instruction morale ou religieuse, autres que catholiques ou protestants dans toutes les écoles et d'obliger les commissions à mettre à exécution ces cours, s'il existe une demande suffisante de ceux-ci de la part des parents. 10. Que l'article 600 soit modifié par l'ajout de dispositions suivant lesquelles le lieutenant-gouverneur en conseil, s'il considère que la minorité francophone ou anglophone, tel que le cas pourrait être, n'est pas représentée au conseil scolaire de l'île de Montréal, peut désigner, sur recommandation du ministre, deux autres membres pour un terme égal à celui des autres membres après consultation avec les organisations les plus représentatives de la minorité en question et ce, à la discrétion du ministre.

11. Que l'article 606 doit modifié et les pouvoirs du conseil scolaire de l'île de Montréal soient plus clairement définis et limités au financement des commissions scolaires qui doivent avoir les mains libres et posséder la flexibilité nécessaire en vue d'initier les programmes, dresser les plans opérationnels et créer des services. 12. Que l'article 617 soit modifié en vue d'édicter que le président et le vice-président du conseil scolaire de l'île de Montréal, soient élus par les membres de ce conseil et parmi eux. 13. Qu'une étude subséquente soit accordée aux recommandations de la Commission royale d'enquête sur l'éducation — Commission Parent — qui envisageait seulement d'établir sept commissions scolaires municipales, et au cas où le nombre de commissions serait maintenu, tel que prévu dans la loi No. 28, nous recommandons que les limites en soient modifiées à la lumière de considérations démographiques et en particulier, qu'une portion de la municipalité scolaire no 4 soit ajoutée à la municipalité scolaire no 2, qui lui est limitrophe, et ce, en vue d'une administration plus efficiente et plus cohésive des écoles de cette région. 14. Que l'article 9 des dispositions transitoires et finales soit modifié en incluant des dispositions rendant obligatoire pour le lieutenant-gouverneur en conseil de désigner, sur la recommandation du ministre de l'Education, au moins une personne qui sera représentative du segment de la population désireuse d'avoir des écoles autres que catholiques et protestantes. 1. INTRODUCTION

Ce mémoire est présenté par le Congrès juif canadien, région de l'est, en sa qualité de porte-parole reconnu de la communauté juive de la province de Québec.

Le Congrès juif canadien a, en de nombreuses occasions précédentes, exprimé son point de vue au gouvernement, à son Assemblée nationale et à ses commissions, sur le système éducatif en la province de Québec. Nos recommandations relatives à la Loi No. 28 sont fondées sur les considérations déjà exposées dans ces précédents mémoires qui comprennent: a) Mémoire soumis au Comité permanent de l'Education relatif à la Loi 62 (Février 1970) b) Mémoire soumis à la Commission d'enquête sur la position de la langue française et les droits linguistiques au Québec (Août 1969) c) Mémoire soumis à la Commission royale d'enquête sur l'éducation (Mars 1962) d) Mémoire soumis au Comité parlementaire sur la constitution (Juin 1964) e) Mémoire soumis au Conseil supérieur de l'éducation du Québec (Octobre 1966) f ) Mémoire soumis au Comité de l'éducation de l'Assemblée nationale relativement à la

Loi No. 56 — Loi sur l'éducation privée (Novembre 1968) g) Mémoire soumis au Comité de l'éducation de l'Assemblée nationale du Québec relativement à la Loi no 85 (janvier 1969) h) Mémoire soumis à la Commission Royale sur la taxation au Québec (janvier 1964).

Nous soumettons respectueusement que ces mémoires, qui sont déposés, soient considérés partie intégrante du présent. 2. POSITION DE BASE

Notre opinion bien considérée est que le but ultime des amendements à la Loi sur l'éducation doit être l'établissement d'une administration scolaire unifiée, démocratiquement élue, comprenant des sauvegardes adéquates écrites dans la loi, en vue d'assurer l'égalité des opportunités éducatives et les conditions nécessaires afin de pourvoir des cours d'études de la plus haute qualité dans la langue choisie par les parents.

Nous sommes convaincus que notre système éducatif doit -être basé sur une dualité linguistique dans un système scolaire général, avec l'option offerte à tous les parents de diriger leurs enfants vers les écoles de leur choix. Le but de toutes écoles doit être un processus éducatif donnant à tous les élèves une connaissance du français et de l'anglais en tant que langues de communication.

La communauté juive en son entité souscrit au principe de la dualité linguistique et du pluralisme culturel en tant que fondement du système éducatif public; du droit des parents de choisir la langue d'instruction et le type d'école pour leurs enfants, du caractère démocratique des structures administratives élues par suffrage universel, de la participation des parents dans l'élaboration de la décision prise et de l'égalité de taxation.

Le développement du système éducatif suggéré doit inclure la pleine reconnaissance par le gouvernement du Québec du secteur scolaire indépendant, bénéficiant d'une aide gouvernementale

la plus étendue et dans laquelle chaque groupe peut, s'il le désire, assumer des responsabilités additionnelles de son propre chef, en vue de développer sa propre culture et son héritage religieux d'accord en ceci avec les idéaux démocratiques du Québec et du Canada. Nous nous étendons plus longuement sur cet aspect au chapitre 10 de ce mémoire.

C'est en retenant ce point de vue que le Congrès Juif Canadien soumet respectueusement certaines suggestions et recommandations développées ci-après, que nous considérons essentielles au développement d'un système éducatif viable qui a "ses racines dans les traditions et regarde de l'avant vers ce qui est à venir". (Rapport de la Commission Parent). 3. COMMISSIONS SCOLAIRES a) Composition

L'article 583 tel que proposé par la Loi No. 28, édicterait qu'au cas où le lieutenant-gouverneur en conseil, considérerait que la minorité francophone ou anglophone, selon le cas, n'est pas représentée au sein de la commission, peut nommer sur la recommandation du ministre, deux autres commissaires d'écoles pour un mandat d'une année scolaire après consultation "des présidents des comités consultatifs d'écoles de la minorité concernée".

Etant d'une importance primordiale que les commissions scolaires soient pleinement représentatives, nous recommandons que la désignation des membres additionnels auprès des commissions, tel qu'édicté par l'article 583, soit obligatoire et non seulement facultative ("doit" au lieu de "peut") et que la durée du mandat de ces commissaires ainsi désignés, soit égale à celle des membres élus de la commission.

En vue de sauvegarder la clarté, nous attirons respectueusement l'attention du Comité sur l'éducation de l'Assemblée nationale, que les termes actuellement employés dans l'article 583 suivant lesquels le ministre doit consulter "le président des comités consultatifs d'écoles de la minorité concernée", sont ambigus s'ils n'induisent pas en erreur, de pareils comités linguistiques n'étant pas envisagés. Nous recommandons en conséquence que la rédaction en soit modifiée et que la consultation ait lieu avec les organisations les plus représentatives de la minorité concernée, à la discrétion du Ministre. b) Election

Conformément à l'article 99 de la Loi sur l'éducation, il est nécessaire entr'autres, d'être citoyen canadien en vue de posséder le droit de vote à toute élection de commissaires scolaires ou fiduciaires. Les mêmes exigences s'appliquent en ce qui concerne les qualifications de personnes éligibles en tant que commissaires scolaires ou fiduciaires (art. 95).

Cette disposition excluerait automatiquement les parents qui sont nouvellement établis au Canada, durant la période qui doit s'écouler afin qu'ils deviennent éligibles à la citoyenneté canadienne, soit un minimum de 5 ans. Les élections scolaires, si importantes pour le total de la population, sont d'un intérêt primordial pour ceux le plus directement touchés, soit les parents. La Loi sur l'éducation reconnaît à bon droit le rôle si important des parents dans la décision prise en ce qui concerne l'éducation de leurs enfants et accorde un droit de vote à tous les parents, sans exception, au niveau des comités scolaires. Nous soumettons que le même principe devrait être appliqué à l'élection des commissaires scolaires. Nous sommes convaincus qu'une résidence au Canada, supérieure à un an est pleinement suffisante pour rendre apte une personne à voter aux élections d'un commissaire scolaire ou d'en remplir les fonctions. Nous recommandons en conséquence que la qualification de citoyenneté canadienne en vue de pouvoir élire les commissaires scolaires ou d'en remplir les fonctions, soit abrogée et remplacée par une obligation de résidence au Canada n'excédant pas une année. 4. LANGUE D'INSTRUCTION

L'article 203 de la Loi sur l'éducation, tel qu'amendé par la Loi No. 63, impartit aux commissions scolaires l'obligation de dispenser des cours d'études à partir de la première année jusqu'à la onzième inclusivement, adoptés ou reconnus pour les écoles catholiques, protestantes ou autres, en langues française et anglaise, à tout enfant, dont les parents ou les personnes agissant en leurs lieu et place le requièrent lors de son enregistrement.

Nous sommes convaincus qu'il est important pour la communauté d'être non seulement réassurée et systématiquement informée au sujet de chaque commission disposant des moyens de fournir des cours d'études en la langue de choix des parents, mais aussi de savoir comment ce système oeuvrera sous l'administration scolaire unifiée proposée.

Nous recommandons en conséquence que l'article 589 inclue des dispositions suivant lesquelles il sera du devoir et de la responsabilité des directeurs généraux adjoints, de veiller à ce que des cours de la plus haute qualité soient disponibles dans la langue d'instruction choisie par les

parents dans chaque école sous la juridiction de la commission, et que les directeurs généraux adjoints aient le pouvoir et les moyens d'exécuter les requêtes des parents et un personnel disponible adéquat à leur disposition à tous les niveaux, pour établir et superviser ces cours.

Le droit de choisir la langue d'instruction étant pour les parents d'une importance primordiale, nous recommanderions également que soit considérée l'incorporation dans la Loi sur l'éducation, des dispositions qui permettraient un recours en appel devant les cours Provinciales, dans le cas où une Commission manquerait d'exécuter les dispositions de l'article 203-3 et 203-4 de la Loi sur l'éducation qui établit ce droit d'appel. Ceci pourrait être atteint par un amendement à l'article 508 de la Loi sur l'éducation. 5. OPTION DES PARENTS

Etant donné qu'il existera six types d'écoles sous la juridiction de chaque commission, il y a lieu d'assumer qu'il appartiendrait aux parents de choisir le type d'écoles que leurs enfants fréquenteraient (catholiques - protestantes ou autres).

Les parents auront aussi à choisir la langue d'instruction et s'ils désirent que leurs enfants reçoivent une instruction religieuse et, dans ce cas quel genre; ou s'ils préféreraient que leurs enfants reçoivent une instruction morale au lieu de cours religieux.

En conséquence, l'option des parents se présente actuellement sous trois formes: a) Le type d'école: catholique, protestante ou autre b) la langue d'instruction: français ou anglais c) la nature de l'instruction religieuse.

En vue de s'assurer que toutes ces options ne sont pas seulement offertes aux parents, mais que des dispositions existent en vue de leur exercice, nous recommandons que l'article 587 comprenne une disposition selon laquelle chaque commission scolaire prendra des mesures nécessaires pour l'exercice de l'option des parents en tous ses aspects et dans toutes ses écoles et que pareille option est ouverte à tous les parents. 6. COMITES CONFESSIONNELS, ET PERSONNEL RESPONSABLE DES QUESTIONS RELIGIEUSES

La loi no 28 propose l'établissement d'un comité catholique et d'un autre protestant pour chaque commission scolaire, qui veillera à l'application des règlements du comité catholique ou de celui protestant du Conseil supérieur de l'éducation pour les écoles dépendant de leur commission scolaire et auxquelles ces règlements sont applicables (Art. 593-596). Il est également édicté à l'article 589 qu'à la requête des comités confessionnels "les commissaires d'écoles doivent nommer deux personnes responsables des questions religieuses, l'une pour les catholiques, l'autre pour les protestants".

Chaque commission scolaire pouvant être appelée à pourvoir des cours d'instruction religieuse ou morale, autres que catholiques ou protestants, dans toutes ses écoles et non seulement dans celles non-confessionnelles, on aurait dû s'attendre à ce que des dispositions soient édictées pour qu'un troisième comité supervise ces cours. Ceci aurait été conforme à l'esprit et à la lettre du Rapport de la Commission Parent qui a recommandé que: "chaque commission scolaire établisse une direction pédagogique pour chacune des formes d'éducation — romaine catholique, protestante et non-confessionnelle, française et anglaise — qui sont dispensées dans ses écoles.

Néanmoins, en vue de prévenir de futures fragmentations, nous ne suggérons pas l'établissement d'un comité séparé pour l'éducation non-confessionnelle. Nous sommes convaincus qu'il ne serait aucunement nécessaire d'avoir des comités confessionnels; les droits religieux garantis par l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique pouvant adéquatement être assurés au sein d'une administration générale. Si cependant de pareils comités devraient être maintenus, nous soumettons que les intérêts de l'éducation non-confessionnelle seront protégés par l'amendement suggéré à l'article 587.

Nous sommes cependant préoccupés par la rédaction actuelle de l'article 589 déclarant que les commissaires d'écoles doivent désigner deux personnes "responsables des questions religieuses, l'une pour les catholiques et l'autre pour les protestants". Il nous apparait que cette définition va bien au-delà de ce qui est envisagé par l'établissement des comités confessionnels qui doivent veiller à l'application des règlements du comité catholique ou protestant, du Conseil supérieur de l'éducation. "Questions religieuses" a un sens beaucoup trop large et est pratiquement un terme trop vaste.

Au surplus, il est prévisible que plusieurs élèves catholiques ou protestants fréquenteront des écoles non-confessionnelles et la loi ne devrait attribuer à ces personnes aucune juridiction sur les étudiants catholiques et protestants, en dehors des écoles publiques catholiques et protestantes, à moins que ces étudiants n'optent pour une instruction catholique ou protestante au sein des écoles non-confessionnelles, et ainsi uniquement pour une pareille instruction.

Nous suggérons en conséquence que la rédaction du 4ème paragraphe — non numéroté — de

l'article 589 soit modifiée en vue de correspondre aux dispositions de l'article 594 (a) et soit ainsi conçue en ces termes: "A la demande des comités visés à l'article 593, les commissaires scolaires doivent nommer deux personnes responsables pour l'exécution des règlements des comités catholiques ou protestants du Conseil Supérieur de l'Education, tel que le cas pourrait être".

Nous recommandons également qu'un nouveau paragraphe soit ajouté à l'article 594 qui autoriserait le ministre de l'Education, à sa discrétion, d'approuver des cours en instruction morale ou religieuse, autres que catholiques et protestants dans toutes les écoles et d'obliger les commissions à mettre à exécution ces cours, s'il existe une demande suffisante de ceux-ci de la part des parents. 7. CONSEIL SCOLAIRE DANS L'ILE DE MONTREAL

Il est hautement essentiel que le conseil reflète pleinement la communauté en sa totalité et représente tous les types d'éducation qui seront dispensés par les commissions, que ce soit des cours d'études adoptés ou reconnus pour les écoles publiques catholiques, pour les écoles publiques protestantes et pour les écoles publiques autres que catholiques et protestantes, chacun de ces cours disponibles en français ou en anglais en tant que langue d'instruction.

Nous soumettons que les dispositions qui ont été établies dans la Loi No. 28 (Art. 583) en vue de s'assurer que chaque commission scolaire possède une représentation du groupe francophone et du groupe anglophone, soient également applicables à la composition du conseil scolaire et un paragraphe devrait être ajouté à l'article 600 disposant que: "Le lieutenant-gouverneur en conseil, s'il considère que la minorité francophone ou celle anglophone, tel que le cas pourrait être, n'est pas représentée en application de l'article précédent, il peut désigner sur la recommandation du ministre, deux autres membres pour un terme égal à celui des autres membres, après consultation avec les organisations les plus représentatives de la minorité en question et ce, à la discrétion du ministre".

Nous sommes convaincus que les pouvoirs du Conseil, tels que définis en l'article 606, sont de beaucoup trop étendus et pourraient imposer des restrictions indues aux commissions. Nous proposons que les pouvoirs du conseil devraient être plus clairement définis et limités au financement des commissions scolaires, qui doivent avoir les mains libres et posséder la flexibilité nécessaire en vue d'initier des programmes, dresser les plans opérationnels et créer des services. Nous recommandons que l'article 606 soit rédigé à nouveau en vue de refléter ce point de vue.

Nous recommandons également qu'afin de donner un vrai sens démocratique au conseil de l'île, les président et vice-président soient élus par les membres du conseil parmi eux et ne soient pas désignés par le ministre de l'Education, tel qu'actuellement édicté par le projet de loi et que l'article 617 soit modifié en conséquence. 8. DISPOSITIONS TRANSITOIRES

L'article 9 des dispositions transitoires et finales stipule que jusqu'à ce que les membres du conseil soient désignés en vertu de l'article 600, le Conseil consistera en 13 membres désignés par le lieutenant-gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre de l'Education. Dix de ceux-là devront être choisis parmi les membres des commissions scolaires centrales actuelles, catholiques et protestantes.

Nous soumettons respectueusement que des dispositions soient incluses afin que le lieutenant-gouverneur en conseil désigne, sur la recommandation du ministre de l'Education, au moins une personne représentative de cette section de la population qui désire des écoles autres que catholiques ou protestantes, qui, nous le relevons à toutes fins utiles, n'existent pas actuellement malgré les dispositions de la Loi sur l'éducation déjà en vigueur.

Il est du plus grand intérêt d'assurer une transition ordonnée et souple du système actuel vers celui envisagé par la loi no 28, afin d'être sûrs que tous les segments sont pleinement représentés dès le tout début des opérations du nouveau système et il est en conséquence très important de posséder un représentant de ces segments de la population au sein du Conseil, durant également cette période transitoire. 9. MUNICIPALITES SCOLAIRES

Nous soumettons que l'organisation scolaire à Montréal fonctionnerait plus efficacement si le nombre des commissions envisagées était moindre, pourvoyant ainsi un contrôle plus efficient et effectif des écoles soumises à la juridiction d'une commission individuelle.

Nous recommandons qu'une étude subséquente soit accordée aux recommandations de la Commission d'enquête sur l'éducation au Québec — Commission Parent — qui envisageait seulement sept commissions pour l'île de Montréal.

Au cas où le nombre de onze commissions serait maintenu, tel que prévu dans la loi no 28, nous recommandons que les limites en soient modifiées à la lumière de considérations

démographiques et en particulier qu'une portion de la municipalité scolaire no 4 soit ajoutée à la municipalité scolaire no 2 qui lui est limitrophe et ce, en vue d'une administration plus efficiente et plus cohésive des écoles de cette région.

A l'appui de cette recommandation, nous joignons une copie d'une étude qui indique la position spécifique des enfants juifs fréquentant actuellement les écoles protestantes dans cette région et les avantages y relatifs découlant des changements proposés. 10. ECOLES PRIVEES

Près de 5,000 enfants juifs représentant 25 à 30 pour cent de la population infantile juive totale fréquentent les écoles juives diurnes de Montréal, dans lesquelles ils reçoivent leur instruction générale en sus des cours d'études de culture et religion juives.

Actuellement, ces écoles jouissent de rapports contractuels avec la Commission scolaire protestante du Grand Montréal et la Commission scolaire protestante du Grand St-Martin rendus possibles en vertu de l'article 496 de la Loi sur l'éducation — tel qu'amendée en 1967 — Nous comprenons que la loi no 28 n'altérera ou préjudiciera en aucune façon aux dispositions de la Loi sur l'éducation privée adoptée en 1968, ou à l'article 206 de la Loi sur l'éducation, relativement à l'aide fournie aux écoles indépendantes dans le domaine du transport des élèves et à l'article 496 en ce qui concerne les accords financiers entre les commissions et ces écoles. 11. CONCLUSIONS

Dans une société multiculturelle, telle que la nôtre, il n'y a aucun doute qu'une emphase spéciale est nécessaire sur cet aspect de l'instruction publique qui doit aboutir à une plus profonde et durable compréhension mutuelle entre les nombreuses différences religieuses et le maintien de la dualité linguistique. Nous nous dédions tous à cette fin. Il est de notre espoir que la nouvelle perspective qui s'annonce actuellement en ce qui concerne l'organisation scolaire à Montréal apportera une nouvelle vitalité et force à ces conceptions de base. Le chemin entre la théorie et la pratique est souvent long, imprécis et pas clair et des efforts énergiques sont requis afin de s'assurer de la compréhension, de l'appui et de la confiance de toute la population.

Nous sommes reconnaissants de l'opportunité qui nous est donnée d'exprimer nos vues et sommes confiants que les problèmes présentés dans ce mémoire bénéficieront d'une considération attentive.

Respectueusement soumis de la part du Congrès juif canadien, région de l'Est.

Nathan Gaisin, Julian Kotler,

Président Président

Congrès Juif Canadien, Comité de Rédaction

Région de l'Est Loi 28

Morton Bessner, Dr. Samuel Lewin,

Président Directeur Exécutif,

Comité sur la Position des Juifs Région de l'Est en matière du Système Educatif au Québec

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