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Version finale

29e législature, 2e session
(23 février 1971 au 24 décembre 1971)

Le mercredi 17 novembre 1971 - Vol. 11 N° 101

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Projet de loi no 28 - Loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Education

Projet de loi no 28

Loi concernant la restructuration des

commissions scolaires sur l'île de Montréal

Séance du mercredi 17 novembre 1971

(Dix heures quinze minutes)

M. PILOTE (président de la commission permanente de l'Education): A l'ordre, messieurs!

J'inviterais le Front commun pour la défense de la langue française, représenté par MM. Raymond Lemieux et Reginald Chartrand, à venir présenter son mémoire.

Y a-t-il possibilité, pour les représentants du Front commun, de ne pas lire le mémoire, de donner des explications? A la suite, les membres auront le loisir de vous poser dés questions.

Front commun pour la défense de la langue française

M. LEMIEUX: M. le Président, j'aimerais présenter les trois porte-parole du Front commun. A ma gauche, M. Réginald Chartrand et, à ma droite, M. Alain Beiner, et moi-même, Raymond Lemieux.

Nous voulons remercier la commission d'avoir voulu enfin nous entendre et, en guise d'introduction, je voudrais vous expliquer un peu ce qu'est le Front commun pour la défense de la langue française. C'est un organisme qui a été fondé le 16 août dernier pour poursuivre, en quelque sorte, la campagne qui avait été lancée, il y a deux ans, par le FQF lors de l'affaire du projet de loi 63, dont l'objectif ultime est que le français devienne langue officielle au Québec dans tous les dommaines.

Comme objectif immédiat, évidemment, nous avions défini l'intégration scolaire, le retrait du projet de loi 63 et le français comme seule langue d'enseignement et de travail au Québec. Dès la fondation du Front commun, un grand nombre d'organismes et d'individus y ont adhéré et ont participé ensemble à la première activité du Front commun, c'est-à-dire la manifestation du 16 octobre dernier.

Cependant, sur le projet de loi 28, de façon précise, plusieurs de ces organismes dont, entre autres, les centrales syndicales avaient déjà rédigé leur mémoire, avaient déjà des prises de position avant même la formation du Front commun. Le mémoire que nous vous soumettons aujourd'hui représente quand même l'esprit du Front commun rejoint en tous points celui des autres groupes syndicaux et nationalistes francophones de Montréal.

Nous dénonçons les mêmes vices du bill 28 qu'eux ont déjà dénoncés. La différence, c'est que nous arrivons à une conclusion différente à partir des mêmes problèmes, c'est-à-dire que, pour remédier à ces vices, les autres groupes demandent des amendements substantiels, des amendements majeurs au bill 28, alors que nous, dans le contexte actuel, nous demandons son retrait pur et simple.

Si vous me le permettez, j'aimerais que M. Beiner lise le texte du mémoire qui est très court, M. le Président. Est-ce que ce serait possible?

M. PICARD: M. le Président, serait-il possible que le mémoire soit transcrit dans le journal des Débats? Il ne serait pas nécessaire d'en faire la lecture.

M. SAINT-PIERRE: Il est transcrit directement dans le journal des Débats, même si vous ne le lisez pas. (Voir annexe A)

M. LEMIEUX: Si les membres en ont pris connaissance, cela nous satisfait.

M. CARDINAL: Nous l'avons déjà en notre possession.

M. SAINT-PIERRE: Il y a plusieurs questions que l'on pourrait poser, M. Lemieux. Je vais commencer par quelques-unes pour identifier, peut-être, votre association. Qu'est-ce qu'il y a dans le Front commun? Est-ce que ce sont des individus ou des organismes, dans le moment?

M. LEMIEUX: Il y a les deux, M. Saint-Pierre. Il y a, notamment, la Ligue pour l'intégration scolaire, les Chevaliers de l'indépendance, la Ligue socialiste ouvrière.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que nous pouvons nous arrêter à ces trois premiers organismes? La Ligue d'intégration scolaire: à votre assemblée annuelle, vous étiez 28 ou 27 membres, c'est bien cela?

M. LEMIEUX: M. Saint-Pierre, si vous voulez jouer sur le nombre des membres.

M. SAINT-PIERRE: Non, je vous le demande.

M. LEMIEUX: Je peux vous demander le nombre de membres du Parti libéral, vous savez.

M. SAINT-PIERRE: Non, mais je vous le demande, c'est parce que...

M. MARCHAND: M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, à l'ordre!

M. SAINT-PIERRE: Je pense que c'est relativement important lorsque l'on parle...

M. LEMIEUX: Si vous me permettez de répondre, je pense que l'on a déjà démontré dans le passé — et l'on peut encore le démontrer

dans l'avenir — qu'il y a un grand nombre de Montréalais qui suivent les positions que nous prenons. Si vous voulez, nous voulons être les porte-parole de ceux qui n'ont pas de voix, justement, dans le Montréal métropolitain et ça, par des moyens que n'ont pas ces gens pour faire entendre leur voix. Enfin, je ne sais pas si ça répond à votre question.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quel organisme, M. le ministre, avons-nous entendu, représentant la population de Montréal?

M. LEMIEUX: Je n'ai pas dit la population de Montréal. J'ai dit ceux qui n'ont pas de voix au Parlement de Québec à Montréal. Cela représente une large tranche de la population.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Combien y a-t-il de députés de l'île de Montréal au Parlement?

M. MARCHAND: M. le Président, je pense que, sur le bill 28 actuellement, toute la population de Montréal a eu le loisir de se faire entendre par des organismes importants qui sont représentatifs. Il n'y a personne qui peut dire, je pense, ici à la commission, qu'il n'a pas pu se faire entendre. Je crois que monsieur est complètement dans l'erreur.

M. LE PRESIDENT: J'inviterais et les membres de la commission et les représentants à ne pas faire de politique avec le bill 28.

M. LEMIEUX: Non, non, mais...

M. LE PRESIDENT: Deuxièmement, M. Lemieux, si vous me le permettez, le ministre vous a posé une question concernant le nombre de gens qui étaient à votre assemblée et je crois que ce n'est pas une question politique, à ce moment-là.

M. LEMIEUX: Non. Sans faire de politique, nous, de la LIS, nous avons établi, il y a quelques années, que nous ne donnerions pas publiquement le nombre de membres que nous avons.

Si vous voulez que je vous explique pourquoi, je peux vous l'expliquer. Je sors d'un procès que le gouvernement a traîné en longueur pendant deux ans, uniquement un procès politique, pour essayer de désorganiser notre mouvement. Je tiens à dire qu'il n'a pas réussi, que le mouvement est bien vivant...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, M. Lemieux! C'est en dehors du sujet.

M. MARCHAND: Le gouvernement vous a tenu, parce que vous avez cassé des vitres, vous avez cassé tout ce que...

M. LEMIEUX: Je regrette, vous lirez la conclusion du jugement du procès hier.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, messieurs! Je voudrais qu'on s'en tienne au bill 28 uniquement.

M. LEMIEUX: Moi aussi, j'aimerais me consacrer au bill 28.

M. SAINT-PIERRE: Ma question était dénuée de toute agressivité. C'est parce qu'il y a ici des groupes, qui nous ont dit: On a étudié le bill 28, voici ce qu'on suggère, ce qu'on recommande. Or, dans chacun de ces groupes, les gens nous ont expliqué qui parlait exactement, parce qu'il y a beaucoup de confusion, beaucoup de fronts communs et on aime bien savoir qui parle derrière un groupe. Or, des gens — je prends l'archevêque de Montréal — ont nié cela. Ils ont dit: Très bien, on a eu des assemblées dans chacune des paroisses, il y avait peut-être 3,000 personnes pour étudier le projet de loi, il a été adopté. Hier, on a eu les mêmes questions avec des organismes syndicaux, c'est dénué d'agressivité. Tout ce que je veux savoir, c'est si ceux qui ont accepté la participation de la LIS dans ceci sont les 28 personnes qui assistaient à votre assemblée générale.

M. LEMIEUX: Ce que je peux vous dire, c'est que les organismes que j'ai nommés tantôt faisaient partie du Front commun. Le texte que vous avez devant vous a été approuvé par les plus hautes instances, les exécutifs, les conseils de ces organismes. Est-ce que cela répond à votre question?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous pourriez, M. Lemieux, répéter le nom de ces organismes, s'il vous plaît, pour l'information de la Chambre?

M. LEMIEUX: Enfin, oui, j'ai été interrompu, j'en avais d'autres à nommer, j'ai parlé de la LIS, des Chevaliers de l'indépendance, la LSO, la Société nationale populaire, le Comité des patriotes 37-38, le Comité de vigilance nationale, l'Avant-garde française d'Amérique. Est-ce qu'il y en a d'autres?

M. CHARTRAND (Réginald): Et même un bon nombre des membres du PQ.

M. PICARD: Est-ce que ce sont les mêmes personnes qui se réunissent à différentes occasions sous différents titres?

M. LEMIEUX: Evidemment, par définition, c'est un front commun qui s'est formé dans un contexte particulier. Ce n'est pas un front commun...

M. PICARD: Avec les mêmes personnes. A l'occasion d'un événement particulier, on se donne un nouveau titre, une nouvelle marque de commerce et ce sont les mêmes personnes qui se déménagent de nouveau.

M. CHARTRAND: Non, non. Si vous voulez absolument un nom...

M. PICARD: Ce sont toujours les mêmes 28. L'autobus de la Commission de transport de Montréal...

M. LEMIEUX: Ecoutez. Le 16 octobre dernier, devant l'édifice de l'Hydro-Québec, on était 12,012 pour défendre la langue française. Ce n'est pas 28.

M. CHARTRAND: Ce sont quand même des milliers de personnes.

M. BEINER (Alain): Il faut dire à part les organismes, il y a un nombre important d'individus, par exemple, les étudiants du secondaire qui, d'habitude, n'ont rien à dire sur ce qui se passe dans la ville de Montréal.

Nous avons au moins 2,500 membres chez les élèves du secondaire qui ont participé aux actions du 16 octobre et malgré les menaces de la police et de l'administration scolaire, des amendes contre les parents et des choses comme cela; puis bien qu'il y ait des mouvements qui ont plus d'argent ou plus de prestige nous parlons pour ces personnes qui à notre avis sont importantes.

M. LE PRESIDENT: Monsieur je ne permets pas ceci. On est en train d'étudier le bill 28, il n'est pas question de police, il n'est pas question de quoi que ce soit. Si vous avez des représentations et des recommandations à faire concernant le bill 28 je vous prierais de les faire, sans essayer de faire de politique, que ce soit contre la police, la ville de Montréal ou qui que ce soit; alors si vous voulez vous en tenir au bill 28 et aux articles du bill 28, je vous prierais de le faire.

M. CHARTRAND: Je suis prêt à parler du bill 28 présentement: vous voulez me laisser la parole?

Moi, j'estime que c'est le français qui est en train de disparaître en Amérique du Nord, ce n'est pas l'anglais; or, nous n'avons pas à passer des lois pour protéger l'anglais mais des lois pour protéger la langue française. Je refuse toute législation sur le bill 28, toute loi qui sera passée avant le retrait du bill 63. Le bill 28 ou le bill 63 est un bill de colonisé puis, si vous le passez vous allez passer vous autres pour des vendus. Nous ce que nous voulons dans la province de Québec, c'est le français comme langue de travail comme dans tous les pays normaux du monde. Je veux que le Québec soit aussi français que l'Ontario est anglais, ce n'est pas plus compliqué que cela; d'ailleurs, ce que je viens de dire, c'est l'ancien premier ministre du Québec qui avait dit exactement les mêmes paroles, M. Daniel Johnson. On veut vivre dans un pays normal. Par exemple, en Italie la langue de travail est l'italien, en Allemagne c'est l'allemand, en Angleterre c'est l'anglais, en Ontario c'est l'anglais. Dans la province de Québec on veut travailler en français, il me semble que cela n'est pas compliqué. La meilleure manière pour le Canada anglais de garder le peuple québécois à genoux c'est de nous forcer de travailler dans cette langue. La meilleure façon d'opprimer le peuple québécois, c'est d'abord par la langue. La seule province bilingue du Canada, c'est la province de Québec, les neuf autres provinces sont unilingues anglaises, on travaille dans les autres provinces seulement en anglais. Dans la province de Québec c'est bilingue, puis les seuls personnes qui sont bilingues sont des Canadiens français; très peu de Canadiens anglais savent parler le français, ceux qui savent le parler ne veulent pas, parce que, pour eux parler français et travailler en français c'est s'abaisser, alors que pour nous, les Canadiens français, c'est relever notre prestige que de parler leur langue dans notre pays, c'est cela être colonisé.

Au Québec et à Montréal en particulier, le Canada anglais, c'est une minorité qui est traitée comme une majorité, puis nous, nous sommes une majorité traitée comme une minorité et tout cela au niveau linguistique. D'abord c'est là que la bataille commence parce que le français, notre langue, c'est l'âme et la culture de notre peuple.

Alors, si nos politiciens n'ont pas le courage d'adopter des lois pour protéger notre langue, ils ne protègent absolument rien. Ces lois que vous devez adopter, ce sont des lois pour protéger le français et pour que le français devienne la langue du travail. Le Canada anglais a eu 104 ans de confédération pour apprendre à parler le français et il ne le sait pas aujourd'hui et il ne le saura jamais, parce que c'est psychologiquement vrai que le vainqueur n'apprendra jamais à parler la langue du vaincu. Et c'est à vous d'adopter des lois pour nous protéger et c'est pour cela que vous, gouvernement québécois, vous devez prendre l'intérêt du peuple qui vous a élu, la majorité française dans la province de Québec, mais vous faites souvent le contraire, vous prenez le côté de la minorité anglaise. M. Bourassa par exemple! On a vu M. Bourassa aller demander à des compagnies anglaises si elles voulaient faire du français la langue du travail, alors elles ont toutes dit oui. Qu'est-ce que vous attendez pour adopter des lois qui disent que le français devient la langue du travail? Ils ont dit oui ces gars là, ils étaient de bonne foi, mais on sait qu'ils ne le feront pas. Ce n'est pas une chose qui se demande, c'est une chose qui s'exige dans son pays de parler sa langue.

J'ai lu un peu le texte du bill 28, toutes les décisions finales y reviennent au lieutenant-gouverneur en conseil; je regrette, mais le lieutenant-gouverneur, qui est le "descendant" direct de la reine, ne peut pas prendre l'intérêt du peuple québécois, il est payé pour prendre l'intérêt des autres. Moi je ne marche pas dans

cette affaire-là. Moi, je dis qu'ici il faut dire qu'on est dans un pays colonisé et, s'il y a quelques députés parmi vous qui sont révolutionnaires, ils vont commencer à adopter des lois qui protègeront la majorité du peuple québécois.

M. CHARRON: Je voudrais vous faire remarquer que quand une loi dit "le lieutenant-gouverneur en conseil", c'est une formule; je veux bien croire que les formules des textes de loi sont archaïques, mais "lieutenant-gouverneur en conseil", cela veut dire le conseil des ministres. Le lieutenant-gouverneur, il est dans sa petite boîte, on le sort pour l'ouverture et la fin de la session et déposer des couronnes le 11 novembre...

M. CHARTRAND: D'abord cela indique, M. Charron, un état d'esprit, il n'y a pas ici même une Assemblée nationale. Une assemblée nationale, cela appartient à une république et vous autres, vous avez une assemblée nationale, c'est complètement fausser l'affaire. Vous avez une assemblée nationale dans une colonie; voyons, votre affaire ne tient pas debout, même si vous essayiez de me remplacer mon affaire, est-ce que oui ou non il n'y a pas un lieutenant-gouverneur qui dépend directement du gouverneur général à Ottawa et qui contrôle complètement le pays?

M. CHARRON: Oui, mais... non, non quand c'est lui qui...

M. TREMBLAY (Chicoutimi); M. le Président, je voudrais faire remarquer ici...

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... que constitutionnellement le lieutenant-gouverneur du Québec ne dépend pas du gouverneur général d'Ottawa, cela n'a absolument rien à voir.

M. CHARTRAND: Bien, supposons que vous voulez adopter une loi favorable au peuple québécois...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Chartrand, vous demandez que l'on respecte la langue française, vous dites que la langue française est dans un mauvais état. En vous entendant, j'en suis convaincu.

M. CHARTRAND: Je suis bien "smart" pour vous, c'est très gentil de votre part. C'est justement parce que vous autres, vous n'avez pas eu le courage, vous avez été trop lâches pour passer des lois pour protéger notre langue dans notre pays que nous parlons le "jouai".

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Chartrand, permettez-moi de vous faire observer monsieur, que nous avons probablement à peu près le même âge, je ne comprends pas que vous ne parliez pas le français comme je le parle.

M. CHARTRAND: Puis après, ça prouve quoi? Moi, je suis né près de l'Ontario...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela prouve qu'il y a un dynanisme interne chez certaines gens et qu'il y en a d'autres qui n'en ont pas.

M. CHARTRAND: Moi, je suis un Québécois et je ne fais pas de snobisme et d'étroitesse d'esprit comme vous, M. Tremblay.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!

M. CHARTRAND: Je parle ma langue dans mon pays. C'est un québécois assez clair qu'il se comprend dans tout l'univers. Ce n'est pas vrai que je parle si mal que ça, parce qu'on me comprend partout, toutes les nations francophones de la terre comprennent très bien le langage que je parle. Je ne fais pas de snobisme et d'étroitesse d'esprit comme vous en faites là-dessus.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!

M. CHARTRAND: Tout ce que vous faites, c'est de bien parler.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais qu'on évite de faire des personnalités ici.

M. BEINER: On sait que durant la grève à la General Motors, le gouvernement a fait semblant de vouloir défendre la langue française en exigeant poliment, si je peux continuer...

M. PICARD: Parlez-nous donc en anglais, monsieur.

M. CHARTRAND: On va vous laisser ça à vous de parler en anglais.

M. BEINER: ... de faire du français la langue de travail. Comment peut-on exiger d'une compagnie, comment peut-on demander poliment à une compagnie qu'elle fasse du français la langue du travail, quand le bill 63 réduit la langue à un bien familial. Donc, les parents peuvent décider de la langue des enfants. La langue est un bien national qui doit être protégé par l'Etat, on ne doit pas laisser aux parents de décider. Mais comment peut-on faire une chose semblable que de demander à General Motors de faire du français la langue du travail quand on l'a réduite à un bien familial?

Il faudrait d'abord forcer au moins les parents à instruire leurs enfants dans la langue nationale avant de demander poliment aux compagnies de faire du français la langue du travail. Le gouvernement libéral a exprimé des doutes quant au bill 63 et à ses effets négatifs

sur la langue française. Je pense que le gouvernement libéral a refusé de l'inclure dans la Constitution — si je ne me trompe — lors de la conférence de Victoria. Ce n'est pas parce que le gouvernement veut protéger la langue, mais qu'on a peur de provoquer une réaction massive comme lors de l'adoption du bill 63. Mais même si le gouvernement libéral a des droits quant aux effets du bill 63, je ne vois pas comment il pourrait être question de passer un autre bill comme le bill 28, qui renforce le bill 63. C'est une application administrative dans l'île de Montréal du bill 63 et de son bilinguisme faux. On fait de l'île de Montréal un territoire bilingue. On connaît déjà la situation linguistique de Montréal. L'anglicisation est de plus en plus forte.

La ville de Montréal est divisée dans une proportion de 60 p.c. et 40 p.c. en faveur des francophones, mais, selon les experts, elle est rapidement en train de se transformer en ville anglaise.

Je suis certain que tout le monde ici est au courant de ça. Selon les experts, dans quinze ou vingt ans, Montréal sera une ville à domination anglaise. Cela est sans le bill 28 qui établit le bilinguisme légal et constitutionnel. Ceci ne peut qu'accélérer l'anglicisation à Montréal, c'est certain. Il est certain que, tant que l'anglais demeure la langue de l'économie et de la haute finance, les enfants des immigrants, même les francophones, vont s'intégrer à la communauté anglophone.

Tant qu'on laissera les privilèges des anglophones en place, ce sera toujours le cas, le français va disparaître très rapidement. Je demande au ministre quelle langue est en danger. On dirait que, d'après les lois qui sont adoptées, c'est l'anglais qui est en danger. Mais je crois qu'il est clair que c'est le français. Où sont les lois pour protéger la langue française? Il n'en existe pas.

M. SAINT-PIERRE: Si l'on voit les vingt-cinq fautes de français dans votre mémoire, il va falloir donner à d'autres groupes que le vôtre...

M. BEINER: Cela, c'est grâce à vous. M. SAINT-PIERRE: Non, grâce à vous.

M. BEINER: Je suis né à Montréal, je n'ai jamais vécu ailleurs. Comment ça? Je ne parle pas un français convenable?

M. LEMIEUX: Ce n'est pas ce que nous disions.

M. BEINER: On n'a pas tous la chance de parler comme...

M. LE PRESIDENT: La parole est au ministre de l'Education et je demanderais aux représentants de parler un par un.

M. BEINER: D'accord, mais pas d'insultes personnelles.

M. CHARTRAND: Nous ne sommes peut-être pas aussi intelligents que vous, mais nous ne sommes pas aussi lâches que vous l'êtes.

M. LEMIEUX: On demanderait aux membres de la commission de cesser...

M. LE PRESIDENT: Il n'est pas question de lâcheté, monsieur.

M. CHARTRAND: C'est justement ça, une question de courage et de lâcheté. Vous n'avez pas le courage de vos convictions et vous n'adoptez pas de lois. Je vais aller plus loin que ça: je vais vous dire que vous êtes des prostitués politiques qui vendent l'intérêt de la nation pour des gains personnels.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Si cela continue, je serai obligé d'annuler...

M. CHARTRAND: Il faut leur dire la vérité une fois de temps en temps, on les a devant nous aujourd'hui.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, c'est digne d'autres lieux. Nous étions venus ici pour entendre quelque chose, nous ne sommes pas venus entendre un monologue...

M. CHARTRAND: M. Tremblay fait de l'esprit, il essaie de m'asseoir dans ma chaise, je peux répondre. Je parle peut-être le "jouai", mais je me tiens debout. Je ne penche du côté de personne.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous pouvons vous taquiner, M. Chartrand. Nous croyions que vous aviez le sens...

M. CHARTRAND: Moi aussi, je vous taquine.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...de l'humour. Quant à moi, j'estime que votre mémoire est complet par lui-même, je ne sens pas le besoin... Pardon?

M. LEMIEUX: C'est facile de bien parler français au salon rouge, mais allez vivre dans les rues de Montréal ou dans votre comté, M. Tremblay...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Dans mon comté, monsieur, je parle le français que je vous parle actuellement.

M. LEMIEUX: Vous êtes enfermé dans une tour d'ivoire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et personne ne me fait jamais de concessions sur le plan du langage...

M. BEINER: Est-ce que c'est la première fois que vous entendez la langue des travailleurs?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BEINER: C'est ça, la langue française au Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, monsieur.

M. BEINER: On ne peut même pas le parler, parce que, dans les écoles, 85 p.c. des textes sont en anglais.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je vais être obligé de vous faire évacuer de la salle, monsieur, si vous ne vous soumettez pas aux ordres du président. A l'ordre!

M. BEINER: Pas d'insultes personnelles.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! Je demanderais aux trois messieurs qui sont en face de moi d'y aller avec un peu moins d'agressivité, de parler du bill 28. Nous ne sommes pas des animaux ici pour nous lancer des mottes. Nous allons vous écouter comme nous avons écouté tous les autres représentants. Je vous demanderais d'être un peu moins agressifs. Depuis une demi-heure, vous montrez beaucoup trop d'agressivité. Nous avons écouté des gens avec attention. C'est la première fois depuis que je siège à cette commission qu'il y a tant d'agressivité. Parlons du bill 28. Evitons de parler des péchés du passé. Parlons pour 1971. Parlons de la loi que nous étudions actuellement. C'est ce que je vous demande.

M. CHARTRAND: Il faut parler des péchés du passé si nous voulons nous ramener à l'avenir.

M. LE PRESIDENT: La parole est au ministre de l'Education.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, M. le Président, je n'ai rien à ajouter. Le mémoire me semble complet.

M. BEINER: Je voudrais poser une question au ministre.

M. SAINT-PIERRE: Je regrette. Je ne suis pas au tribunal pour répondre à des questions. Je n'ai rien à ajouter à votre mémoire. Vous avez dit ce que vous aviez à dire. Si vous avez autre chose, je veux bien vous écouter encore, bien que...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai regardé le mémoire qui nous a été soumis. Je crois qu'il est complet. Il y a des propositions que nous étudierons au mérite. Je crois qu'il serait oiseux de vouloir reprendre chacun des points de vue. D'ailleurs, les propositions qui se trouvent là, outre les injures que nous retrouvons dans ce mémoire, sont exactement celles qui nous ont déjà été soumises par d'autres organismes responsables et qui ne sont pas des organismes clandestins.

M. BEINER: J'ai un point à ajouter, si vous me le permettez. D'abord, j'aimerais souligner le différence entre ce mémoire et les autres mémoires. Je pense que la plupart des mémoires des organismes qui veulent défendre la langue française poussaient pas mal, insistaient sur l'intégration des immigrants à la communauté francophone. Nous ne sommes pas d'accord uniquement pour intégrer les immigrants. Nous ne blâmons pas les immigrants. C'est tout à fait naturel qu'un immigrant qui entre au Québec s'intègre à la communauté anglophone, parce que c'est là qu'on peut s'affirmer économiquement. C'est clair. Une loi qui vise uniquement les immigrants serait raciste. Il faudrait viser tous les Québécois. Il faudrait enlever les privilèges des anglophones parce que la discrimination contre la langue française est le produit des privilèges qu'ont les Canadiens anglais. Il n'est pas question de mettre fin à cette discrimination envers le français tant que les anglophones, qui forment 15 p.c. de la population, jouissent de privilèges au détriment des Canadiens français. Il n'est pas question de blâmer les immigrants. Il n'est même pas question de blâmer les anglophones. Il s'agit de blâmer le gouvernement qui protège la minorité aux dépens de la majorité. Il faut enlever le bill 63. C'est là la première tâche. C'est ça qui garantit un bilinguisme à sens unique qui est en train de se transformer rapidement en unilinguisme anglais. Nous pouvons constater la dégénérescence de la langue française ici même, chez ceux qui vivent dans le monde, qui sont en contact avec la population et qui parlent un français qui n'est pas très bon. Pourquoi? Parce que le gouvernement protège intégralement — si je peux reprendre les citations de M. Saint-Pierre — les droits acquis de la minorité anglophone. Il ne s'agit pas de droits acquis, Ce sont des droits conquis, des droits volés, des privilèges qu'ils ont aux dépens de la majorité. La langue française va disparaître dans quelques années si le gouvernement ne défend pas la majorité qui l'a élu au lieu de défendre les pouvoirs financiers étrangers qui contrôlent le Québec.

M. CHARTRAND: Nous n'acceptons plus notre état de colonisés. Nous voulons que le français devienne la langue de travail. Quand vous aurez assez de courage pour adopter ce bill, il n'y aura plus de discussion sur la langue.

C'est vous qui avez manqué et c'est pour ça qu'on est venu ici aujourd'hui vous le dire. Ce n'est pas vous insulter que de vous le dire. Si

une certaine ingorance. Pourriez-vous nous expliquer, monsieur, ce qu'est la Société d'éducation du Québec, qui groupe-t-elle?

M.GIRARD: Notre groupe est un groupe qui s'occupe surtout de choses éducatives. Nous avons édité un livre qui s'appelle "L'affaire Saint-Léonard"; nous avons déjà produit d'autres mémoires. Notre groupe s'occupe surtout de faire des études au niveau des commissions scolaires, au niveau des recensements, au niveau des statistiques. C'est pourquoi nous arrivons avec certaines recommandations.

M. SAINT-PIERRE : Il y a combien de membres dans cette société?

M. GIRARD: Nous sommes environ une centaine de membres.

M. SAINT-PIERRE: De la région de Montréal?

M. GIRARD: Oui.

M. SAINT-PIERRE: Et ce n'est pas un groupe professionnel particulier; ce ne sont pas des enseignants, ce ne sont pas des parents...

M. GIRARD : Il y a des enseignants, il y a un permanent à l'Alliance des professeurs, — je peux le donner, il est dans l'exécutif — il y a un ingénieur à la ville de Montréal qui est membre de l'exécutif, il y a M. Couture qui est avec moi qui est plombier.

M. SAINT-PIERRE: Et quels sont de nouveau les buts de votre association?

M. GIRARD: Dans notre association, il est entendu que nous sommes en faveur de la langue française. Par contre, nous sommes aussi en faveur d'une situation logique et nous calculons qu'actuellement, avec la restructuration scolaire qui va s'amorcer, il y a certainement de bonnes choses à faire.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, pour préciser. Est-ce que vous étiez dans le Front commun du groupe que nous venons d'entendre?

M. GIRARD: Non. Donc, j'ai expliqué que la CECM ou même le Protestant School Board, sur un même territoire que les autres commissions scolaires, imposaient $1.60 au lieu de $1.80. Je pense qu'avec le projet de loi 28 — et nous l'avons prouvé dans ce cas-ci — en égalisant le taux de la taxe ce serait une injustice qui sera certainement corrigée. Je pense que tout le monde est d'accord avec moi que ce n'est pas juste que quelqu'un, parce qu'il est protestant et un autre qui est catholique, ne paie pas le même taux de taxe. vous avez manqué à votre devoir en tant que politiciens, que vous ne vous êtes pas tenus debout et qu'aujourd'hui on ne vit pas dans une situation normale, c'est votre faute à vous; ce n'est pas notre faute à nous, parce que c'est vous qui avez été élus par le peuple.

M. PICARD: M. le Président, je propose qu'on passe à la lecture du mémoire de la Société d'éducation du Québec s'il n'y a pas d'autres questions.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Je remercie MM. Lemieux, Chartrand et compagnie pour le mémoire et soyez assurés...

M. BEINER: Beiner.

M. LE PRESIDENT: ... que nous allons en prendre bonne note. J'inviterais à présent la Société d'éducation du Québec, représentée par M. Jean Girard, à bien vouloir présenter son mémoire.

M. CHARTRAND: Vive le Québec libre! Vive le Québec français!

M. SAINT-PIERRE: Etes-vous d'accord toujours?

M. TREMBLAY: Ils sont divisés...

M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Jean Girard. Monsieur on vous a laissé la parole, alors voulez-vous laisser la parole à M. Jean Girard.

Société d'éducation du Québec

M. GIRARD: Messieurs, je tiens au nom de la société d'éducation du Québec à vous remercier de la faveur que vous nous avez donnée de nous faire entendre. Nous allons essayer d'apporter quelques notes constructives au projet de loi 28. Nous allons expliquer un peu ce que nous attendons du projet de loi 28 et pourquoi nous avons approuvé certaines clauses.

A la première page: Que les populations ont droit aux mêmes services, reçoivent les mêmes services, ont droit à une éducation de qualité pour un même coût. Je pense, par exemple, à Montréal qui imposait $1.60 les $100 d'évaluation tandis que d'autres commissions scolaires imposaient $1.80. Je pense à certains territoires où le Protestant School Board percevait $1.60 sur un territoire et d'autres, sur le même territoire, les commissions scolaires catholiques, percevaient $1.80. Je crois que le projet de loi 28 en uniformisant...

M. LE PRESIDENT: La parole est au ministre de l'Education.

M. SAINT-PIERRE: Je pose la même question aux autres groupes puisqu'il y a peut-être

M. CARDINAL: Si vous me permettez, M. Girard, est-ce que actuellement, le ministre me corrigera, le taux et des protestants et des catholiques n'est pas le même?

M. SAINT-PIERRE: Oui.

M. CARDINAL: Le problème n'est pas là. Le problème c'est distribution de la taxe des neutres.

M. GIRARD: Il est le même. Je prends, par exemple, un cas lorsque j'étais commissaire à Saint-Léonard. Les protestants payaient $1.60 et il n'y avait aucune école protestante. Les catholiques, eux, payaient $1.80 en 1970. Et les compagnies se déclaraient protestantes pour payer meilleur marché que la taxe des neutres.

M. CARDINAL: C'est-à-dire que c'était la loi qui les déclarait neutres et qu'il y avait les deux tiers qui allaient aux protestants et un tiers aux catholiques.

M. GIRARD: Quand même, une compagnie pouvait se déclarer...

M. CARDINAL: Je suis d'accord sur le principe que vous énoncez. Il est exact qu'à Montréal, deux jeux se faisaient: des individus s'incorporaient de façon à payer la taxe des neutres pour faire bénéficier les protestants et que, d'autre part, pour des fins de cotisation d'église, des corporations mettaient leurs immeubles au nom d'une personne, d'un individu, pour éviter la taxe d'église. D'ailleurs, il y a justement des dispositions dans le projet de loi 28, qui est le cran d'arrêt des $100,000, pour éviter ce jeu qui se faisait.

M. GIRARD: C'est cela. Dans les petites commissions scolaires, le patronage est florissant, pour ne pas dire érigé en système. Le commissaire et même les fonctionnaires subissent énormément de pression. J'en sais quelque chose, puisque je suis un ex-commissaire et je pourrais vous citer — je pourrais peut-être éviter de le faire — des cas de patronage que j'ai vus. Maintenant, si la Chambre peut m'éviter cela — je n'aime pas tellement citer ces cas — je m'en abstiendrais, mais si vous y tenez, je vais les citer.

M. CHARRON: Cela pourrait être long M. Girard, j'aimerais vous poser une question en ce qui concerne l'article 589. C'en est un sur lequel la plupart des mémoires se sont accrochés à un moment ou l'autre, celui que nous appelons, entre nous, l'article des adjoints, celui qui permet à la minorité de chacune des commissions scolaires d'avoir, sur le plan administratif, une série d'adjoints qui sont de sa langue.

Vous dites craindre que cet article provoque un dédoublement administratif qui va augmen- ter les coûts, ce qui est vrai, mais peut-être pas autant qu'on le dit. Mais si moi aussi je suis opposé à l'article 589, c'est que non seulement cela peut augmenter les coûts dans une certaine proportion, mais c'est aussi parce que, comme vous le dites à la première page de votre mémoire, cela va augmenter ce que vous appelez les conflits d'intérêts. Tôt ou tard, selon votre analyse pour avoir demandé l'abolition de l'article 589 et de le remplacer par ce qu'il proposait dans ce chapitre-là, le bill 62 de l'ancienne Union Nationale, est-ce qu'à ce moment-là, vous ne craignez que l'on aboutisse, à la longue, à vingt-deux commissions scolaires? C'est-à-dire que dans chacune, le dédoublement sera si profondément marqué...

M. GIRARD: Il est entendu que si l'on met deux administrations différentes... Dans un mémoire, un peu plus loin, vous pourrez constater qu'à Saint-Léonard nous avons, par exemple, des classes anglaises et des classes françaises, dans les mêmes écoles; nous n'avons pas de dédoublement administratif anglophone ou francophone, catholique ou protestant. Il n'y a pas d'écoles protestantes, il y a seulement des taxes qu'ils viennent chercher.

Nous avions, quand j'étais là, seulement une administration qui administrait, et qui administre actuellement quatre-vingt-deux classes anglaises et plus d'une centaine de classes françaises. Donc, cela peut se faire avec la même administration. Je pense que les administrateurs doivent être choisis pour leur compétence.

M. SAINT-PIERRE: Dans le bill 28, monsieur, il n'y a pas deux administrations. Il n'y a pas une administration anglaise et une administration française: même au niveau des services qui sont prévus, les postes d'adjoints — je l'ai répété bien des fois — il y a simplement, même au niveau du personnel, au niveau des programmes, un seul service. Tout ce que l'on dit, c'est que l'adjoint — et cela s'applique à la fois pour les cas des commissions scolaires à majorité anglophone — doit être de la langue de la minorité, quelle qu'elle soit. Il y a une différence. En d'autres termes, ce n'est pas la réplique de la CECM qui, dans le moment, a deux services différents, un pour les anglophones et un pour les francophones. Dans la commission scolaire unifiée, il n'y a qu'un seul service.

M. GIRARD: Dans l'expérience que nous avons vécue dans le passé à Saint-Léonard... On a quand même, actuellement, deux sortes de classes, deux sortes d'écoles. Les employés ont été choisis uniquement en raison de leur critère de compétence. Ils n'ont pas été choisis parce qu'ils étaient de la langue de la majorité ou de la langue de la minorité.

M. SAINT-PIERRE: Ce que nous disons, c'est que si nous prenons le cas de la commission scolaire no 10 qui est dans l'ouest de la

ville de Montréal, où il y a 16p.c. de francophones, c'est que ces 16 p.c. de francophones, par le bill 28, sont obligés d'avoir, au niveau du personnel de l'enseignement et du service aux étudiants, un représentant de la langue et que, si on choisissait strictement sur la base de la majorité, évidemment, il pourrait bien arriver que les 16 p.c. de francophones n'aient pas un représentant. On calcule que pour ces trois services, le personnel, les étudiants et les programmes, une personne ce n'est pas beaucoup lorsqu'on tient compte qu'on groupe à la fois le service protestant et le service catholique, anglophone et francophone. Il n'est pas question de dédoubler le service, mais simplement de prévoir des postes.

M. CARDINAL: M. le Président, à ce sujet-là —si vous permettez, M. Girard — on reprend ici ce matin une discussion qui a eu lieu à la toute dernière séance de la commission parlementaire de l'Education et je voudrais rappeler la position que j'ai indiquée à ce moment-là.

Une des grandes différences entre le défunt projet de loi 62 et le projet de loi 28, qui n'est pas encore né au sens parlementaire du terme — c'est un document de travail — c'est qu'on a ajouté dans le projet 28 des garanties juridiques additionnelles — le ministre me corrigera si j'erre à un moment donné — et sur le plan de la langue et sur le plan de la confessionnalité.

Ce que j'ai alors souligné au ministre et soumis pour réflexion, parce que ceci ne nous satisfaisait pas, nous de l'Opposition officielle, c'est que l'on venait créer une situation juridique qui va consacrer de rares situations de fait —la réponse du ministre, évidemment, est toujours la même: il nous cite le cas de cette commission scolaire où il y a 16 p.c. de francophones — qui n'existent qu'à la CSCM en fait, je m'excuse du pléonasme. J'ai précisé que même si le projet de loi 28, comme n'importe quel projet de loi à l'avenir, pourrait être amendé, les gens soutiendront qu'ils ont des droits acquis que le gouvernement ne pourra plus leur enlever.

On retombe toujours dans la même situation et là, quand même, à la décharge du ministre —et ce n'est pas une attaque partisane que je fais, absolument pas, c'est une conviction profonde — je dirai que les gens, en général, ne réalisent pas qu'aucun des projets de loi, qu'il s'agisse de 63, de 62, de 28 ou de 27, n'est en soi une loi en ce sens qu'ils ne font pas partie de la constitution — on l'a encore dit hier. Ils ne réalisent pas que n'importe quel gouvernement qui viendrait, enfin, le même ou un autre qui viendrait après, pourrait les modifier. Mais quand même, malgré ceci, je suis inquiet et je partage vos inquiétudes, non pas sur le fait qu'il y ait deux administrations et que ça puisse coûter plus cher. De toute façon, la population étudiante des deux langues et des trois confessionnalités, si on peut s'exprimer ainsi à partir du projet de loi 28, est déjà là. Mais je crains que l'on donne, sur le plan de la langue, tellement de garanties que l'on ne puisse jamais, même après le rapport Gendron, revenir à des solutions plus globales. Cela me paraît être le fond du problème et non pas une question d'administration.

M. GIRARD: Si vous le permettez, je vais continuer. Je suis bien heureux que vous me posiez des questions. J'essaie quand même de trouver des solutions avec vous.

Présentement, à la page 3, on parle des commentaires, des recommandations qui sont inspirées par le souci de rendre plus économiques, plus rentables et plus justes les structures scolaires.

Dans un autre paragraphe, je vais parler quand même de l'enseignement religieux dans les commissions scolaires catholiques au niveau du cours élémentaire, il n'est pas subventionné par le gouvernement. Alors, quand on parle de commissions scolaires catholiques, c'est quand même assez drôle, puisque vous ne pouvez pas engager de coordonnateurs de catéchèse ou d'animateurs ou de professeurs de pastorale. C'est impossible, vous n'avez pas le droit de le faire, ce n'est pas subventionné par l'Etat. Alors, quand on parle de commissions scolaires catholiques, moi, je cherche ça. Il y a bien la pastorale au secondaire, mais c'est pour des aumôniers. Donc, des commissions scolaires catholiques sont administrées par des commissaires qui ont, comme catholiques, une seule obligation en réalité pour se présenter... être inscrits au rôle d'évaluation comme catholiques. Obligatoirement, les commissaires ne sont pas tenus d'être pratiquants et j'ajouterais que les commissaires s'occupent rarement, pour ne pas dire jamais, de questions religieuses.

On dit qu'on ne veut pas que les commissions scolaires ne soient ni catholiques, ni protestantes. Notre système scolaire, qui est basé sur la religion, catholique ou protestante, a accumulé au cours des années des injustices criantes. Je pense par exemple aux juifs francophones à qui, pendant des années, on a refusé des écoles françaises, et je vous assure qu'il faut rester près pour avoir une école française pour les juifs francophones.

Pour ce qui est du cas des Grecs orthodoxes, j'ai ici un témoignage de la commission scolaire de la ville de Mont-Royal qui a demandé par exemple de recevoir un enfant ou des enfants Grecs orthodoxes chez elle. Naturellement, la ville de Mont-Royal a une commission scolaire protestante et une catholique, si je ne me trompe. La commission scolaire protestante n'a pas d'école française, et la commission scolaire catholique a des écoles françaises. Naturellement, le père voulait envoyer son enfant à l'école française. Ce qui est arrivé, c'est qu'on lui a répondu qu'il payait ses taxes aux protestants et que, par le fait même, s'il voulait envoyer ses enfants à l'école catholique française, étant donné qu'il n'y avait pas d'école protestante

française à Mont-Royal, il devait payer un surplus.

C'est la même chose, j'ai un autre cas pour Pointe-aux-Trembles où il n'y a aucune école française qui ne soit pas catholique.

Il y a trois écoles protestantes françaises élémentaires à l'île Jésus, à l'île de Montréal et sur toute la rive sud. On ne peut pas tout couvrir. Un enfant de six ans ne peut pas aller à l'école française catholique et être obligé de payer. Je pense que dans le projet de loi on a aboli cette clause d'argent à payer et je suis en faveur de cette clause que l'on a abolie.

M. SAINT-PIERRE: Votre dernière recommandation, M. Girard, porte sur les immeubles excédant $100,000. Vous êtes favorables à ce que nous retrouvons dans le projet de loi 28.

M. GIRARD: Oui, je suis pour que ces immeubles soient taxés comme taxe des neutres, c'est très logique.

M. SAINT-PIERRE: Les onze membres du conseil scolaire, la formation d'un comité exécutif, vous êtes contre cela. Pour quelle raison?

M. GIRARD: Lorsque j'ai été commissaire. J'ai eu une expérience personnelle. Nous étions douze délégués à la régionale; or, les douze délégués à la régionale élisaient cinq commissaires, c'est tout ce que nous avions à faire; après cela nous n'avions rien à dire.

M. SAINT-PIERRE: Oui, mais dans le projet de loi, il serait faux de dire que tout ce que font les quinze commissaires c'est d'élire un exécutif. C'est la commission scolaire qui a tous les pouvoirs, elle peut déléguer une partie de ses pouvoirs à un exécutif qu'elle choisit elle-même, mais — il y en a qui en ont fait le reproche mais moi, je trouve que c'est une mesure de flexibilité — la commission scolaire ne peut donner aucun pouvoir à l'exécutif; de la même façon, elle peut également lui donner beaucoup de pouvoirs suivant enfin les...

M. GIRARD: Mais pourquoi ne pas réduire le nombre à sept puis au moins que ces sept-là puissent travailler?

M. SAINT-PIERRE: Quand vous prenez une population étudiante de 35,000 ou 50,000, comme nous avons dans certaines régions, il me semble que 15 personnes ce n'est pas beaucoup. Cela veut dire que la moitié de l'administration scolaire du Québec sera dirigée par 165 personnes. Prenons les chiffres que nous avons en province. Même avec le projet de loi 27, dans certains milieux, il y a des villages qui trouvent qu'ils n'ont pas assez de représentation scolaire. Nous y avons diminué le nombre de commissaires d'une façon très substantielle. Il reste que Montréal, pour le nombre d'étudiants a un nombre de commissaires beaucoup plus faible.

Le reste de la province a 2,000 commissaires pour à peu près le même nombre d'élèves que l'on retrouve sur l'île de Montréal alors qu'à Montréal nous en retrouverons 165.

M. GIRARD: Vous avez quand même à Québec 108 ou 110 députés pour 6,000,000. Pourquoi n'y aurait-il pas sept commissaires? Si les sept commissaires font partie de l'exécutif, ça peut fonctionner beaucoup mieux; autrement ce sont seulement des têtes d'affiche et ils ne servent à rien, il n'y a plus d'utilité pour eux. Quand j'étais délégué à la régionale LeRoyer, nous ne servions absolument à rien, on élisait puis point final on adoptait le budget une fois par année.

M. SAINT-PIERRE: Vous comprenez que c'est un contexte différent là. Le commissaire, ce n'est pas la même chose que le délégué à la régionale; la loi prévoit pour lui des pouvoirs beaucoup plus substantiels, qu'elle ne prévoyait pas pour les délégués qui n'étaient qu'un mécanisme, un collège électoral, élisant des responsables à la régionale. De toute façon, je vous remercie du point de vue, je ne sais pas s'il y avait d'autre question, il me semble que votre mémoire est assez complet.

M. GIRARD: J'ai d'autres notes que je ne vous ai pas données.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, M. Girard, nous sommes un peu bousculés par le temps.

M. GIRARD: Je vais essayer d'être plus bref.

M. SAINT-PIERRE: Oui, mais regardez, M. Girard, il faudrait peut-être s'en tenir au mémoire que vous nous avez déposé, qui est consigné au journal des Débats. (Voir annexe B) Si d'autres membres de la commission avaient des questions, d'accord. Autrement, vous savez que l'on peut presque retarder l'adoption d'un projet de loi...

M. GIRARD: Je voudrais ici parler surtout des classes d'accueil, je pense que cela devrait quand même être regardé dans les...

M. LE PRESIDENT (Assad): M. Girard, je m'excuse, les membres de la commission ont épuisé leurs questions, nous devons passer...

M. COUTURE: Est-ce que je pourrais vous demander quelque chose, messieurs? Nous sommes partis de Montréal pour venir expliquer quelque chose à un groupe de gens qui sont les représentants du peuple. M. Girard a quelque chose de très important à dire, je vous demanderais tout simplement un peu de patience.

M. LE PRESIDENT: L'autre jour, nous avons statué que les mémoires soient versés au journal des Débats et qu'il y aurait simplement

des questions qui seraient posées sur les mémoires.

M. GIRARD: Mais ce n'est pas le mémoire que je vous donne, ce sont mes notes.

M. LE PRESIDENT: Justement, on a demandé que ce soit présenté à la commission avant.

M. GIRARD: J'ai envoyé mon mémoire, mais j'ai des notes attachées au mémoire pour les explications. C'est ça que je voudrais donner...

M. LE PRESIDENT: Mais il n'y a personne de la commission qui a ces notes-là? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a des notes? Est-ce qu'elles ont été publiées?

M. GIRARD: Non, les notes n'ont pas été publiées.

M. LE PRESIDENT: Je trouve qu'il n'est pas possible de continuer votre exposé. En tout cas, M. Girard, nous voulons vous remercier de votre mémoire. Et maintenant, nous allons passer, si vous le voulez, à la Commission scolaire catholique Saint-Pierre-aux-Liens. Le porte-parole, je crois que c'est M. Gilles Tétreault? Pardon, voulez-vous approcher, monsieur, s'il vous plaît?

UNE VOIX: Non, il n'est pas venu. C'est M. Dispaltro.

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaft, pour le journal des Débats avant de commencer?

Commission scolaire catholique Saint-Pierre-aux-Liens.

M. MATHIEU DISPALTRO: J'aimerais que vous me permettiez de vous présenter les gens qui m'accompagnent ce matin. A ma droite, M. René Vincent, commissaire d'écoles; à mon extrême gauche, M. Roger Rivet, commissaire d'écoles; Frère Louis Beaudoin, directeur au secondaire. Mon nom est Mathieu Dispaltro de la Commission scolaire de Saint-Pierre-aux-Liens dont nous faisons tous partie.

Laissez-nous vous exprimer toute notre gratitude pour votre bienveillance à nous recevoir aujourd'hui. La Commission scolaire de Saint-Pierre-aux-Iiens accepte le principe de regroupement des commissions scolaires de l'île de Montréal. Cependant, elle formule des desirata quant à la répartition de son propre territoire. Les raisons qui inspirent notre démarche nous apparaissent logiques et valables. Voici les trois points que nous aimerions souligner et porter à votre attention. Premièrement...

M. PICARD: M. le Président, est-ce que je pourrais demander qu'on localise cette commission scolaire-là? Sur l'île de Montréal, où est-elle située exactement?

M. DISPALTRO: Entre Lachine et la ville de Montréal-Ouest.

M. PICARD: Entre Lachine et Montréal-Ouest, dans Lakeshore.

M. DISPALTRO: Oui, au sud, LaSalle.

M. PICARD: Elle comprend la ville de Saint-Pierre?

M. DISPALTRO: C'est la ville de Saint-Pierre. La Commission scolaire de Saint-Pierre-aux-Iiens est dans la ville de Saint-Pierre.

M. SAINT-PIERRE: Avant votre mémoire, déjà le 23 septembre — je ne sais pas si cela peut aider — c'était l'intention du gouvernement d'apporter un amendement, plusieurs amendements, mais au moins un à la carte scolaire et de rattacher effectivement Saint-Pierre-aux-Liens à la région no 4. Alors, c'est-à-dire changer la limite de la région: la frontière ouest de la région no 4 serait alors la limite entre votre région et Montréal-Ouest. Et tout le triangle de Saint-Pierre-aux-Iiens passerait à la région no 8. Je l'avais déjà annoncé publiquement, antérieurement, dans un discours, mais je ne sais pas si...

M. DISPALTRO: Oui, j'avais pris en note vos propos. C'était le but de notre visite. Nous vous remercions infiniment de votre décision, ainsi que de nous avoir permis d'être ici présents aujourd'hui.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Dispaltro, ainsi que ses compagnons. On prendra bonne note de votre représentation.

M. DISPALTRO: Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT (Pilote): La parole est maintenant à la Provincial Association of Catholic Teachers.

M. CHARRON: Je m'excuse, M. le Président. Est-ce que je peux demander au ministre, à propos de la décision qu'il vient d'annoncer , si cela change la proportion francophone, anglophone à la commission scolaire no 8?

M. SAINT-PIERRE: Cela va augmenter le nombre de francophones...

M. CHARRON: ... à l'intérieur de 8.

M. LE PRESIDENT: Le Provincial Association of Catholic Teachers, représenté par M. Patrick McKeefrey, est-il ici? Excusez la prononciation. Est-ce qu'ils sont présents? Est-ce

que l'Association des éducateurs de l'ouest de Montréal est ici? M. Gilbert Plante, si vous voulez vous identifier.

Association des éducateurs de l'ouest de Montreal

M. DUHAIME (Marcel): M. le Président, une première correction, si vous me permettez. Le représentant de l'Association des éducateurs de l'ouest de Montréal, Marcel Duhaime est mon nom. M. Gilbert Plante étant le directeur administratif de l'association, c'est lui qui a fait les démarches pour les réservations et c'est pourquoi il y a eu de la confusion.

Les personnes qui m'entourent, M. le Président, sont également Mlle Micheline Sicotte, présidente de l'Association des enseignants de Le Royer, qui a préparé conjointement avec nous, le mémoire que nous vous soumettons et M. Raymond Desilets, président de la Fédération des enseignants de l'île de Montréal.

L'Association des enseignants de l'ouest de Montréal représente tous les enseignants francophones des commissions scolaires de Saint-Laurent, de Saint-Pierre, de Lachine, de Saint-Sacrement-de-Lachine. Dorval, Baldwin-Cartier, Sainte-Anne-de-Bellevue et l'île Bizard. L'Association des enseignants de Le Royer représente les enseignants francophones des commissions scolaires régionales Le Royer, Montréal-Est, Anjou, Saint-Léonard, Pointe-aux-Trembles.

Nous apprécions l'attention que le gouvernement porte à notre voix. Nous nous faisons un devoir de présenter, sur le projet de loi numéro 28, le présent mémoire. Notre intérêt immédiat à la réalité scolaire démontre l'importance historique de ce projet de loi et les nombreuses interventions qu'il suscite...

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y aurait possibilité de passer à vos recommandations?

M. DUHAIME: Sauf que, si vous me permettez, M. le Président, pour qu'on puisse...

M. LE PRESIDENT: Faire un court résumé de votre affaire et passer aux recommandations après.

M. DUHAIME: D'accord. Les grands objectifs du projet de loi 28, nous les partageons. Quand on dit du projet de loi 28 qu'il se propose d'unifier les commissions scolaires, nous sommes d'accord là-dessus. Quand on voit que le projet 28 se propose de distribuer le pouvoir scolaire à trois paliers, L'Etat du Québec, un conseil régional scolaire et la commission scolaire, là-dessus également, nous sommes d'accord.

Nous sommes d'avis qu'il est temps pour l'île de Montréal — en tout cas pour ce qui est des politiques scolaires au Québec — de s'inscrire de plain-pied dans la collectivité nationale.

Nous nous réjouissons également de voir que les commissaires d'écoles seront tous élus, quoique nous aurons quelques commentaires à faire sur les commissaires d'écoles additionnels, au moment où certaines minorités n'ont pas l'air d'être représentées de façon satisfaisante.

De toute façon, dans l'ensemble, pour le cadre administratif du projet de loi, nous tenons à dire qu'il nous plaît et que nous sommes d'accord sur cela.

Dans une perspective globale d'éducation au Québec, les mesures adoptées en cette matière se doivent d'être coordonnées, de suivre l'évolution générale de la société et de favoriser la meilleure utilisation possible des fonds publics. L'évolution du système d'éducation doit donc se réaliser conformément à un plan d'ensemble qui l'établit d'une façon rationnelle et méthodique. Seul un organisme ayant une vision globale de la province peut assurer la conformité du système aux objectifs premiers et ultimes de l'éducation. C'est à l'Etat et au ministère de l'Education qu'est dévolu ce rôle.

Egalement, nous trouvons tout à fait justifié que le ministre puisse et doive assurer un certain contrôle sur tout le système d'éducation y compris le conseil scolaire. Nous trouvons qu'il est normal que le ministre de l'Education puisse, jusqu'à un certain point, mesurer et contrôler l'activité du conseil régional dans le territoire de l'île de Montréal.

Toutefois, dans l'ordre de l'administration, au niveau du conseil régional et des commissions scolaires, les pouvoirs du niveau provincial prévus dans le projet de loi 28 doivent être entendus et compris dans le sens d'un contrôle normatif du gouvernement provincial. Si le pouvoir du gouvernement provincial, à notre avis, sur le conseil scolaire doit être plus que normatif, il nous apparaît que ça ne respecterait pas la philosophie générale de la Loi de l'instruction publique.

Il s'agit donc dans les faits d'assurer une véritable décentralisation des pouvoirs, une participation réelle de la collectivité à la vie scolaire. Dans cette perspective de la participation, où une conscience commune devient nécessaire, où une solidarité entre les personnes et les groupes impliqués est indispensable, il nous apparaît — et nous tenons à souligner que c'est un point central de notre point de vue sur le bill 28 — nous tenons à souligner que le niveau vital, dynamique de l'organisation scolaire doit être la commission scolaire.

Le projet de loi 28, dans l'ordre des structures nous apparaît donc comme un compromis valable entre une centralisation excessive des pouvoirs et une décentralisation à outrance qui ne serait ni efficace, ni rentable. Dans cet esprit, nous souhaitons que la version finale du projet de loi soit plus claire quant à l'étendue des pouvoirs de chacun des trois paliers: l'Etat, le conseil, la commission.

Dans l'état actuel du texte, nous voyons que

le gouvernement, par les constants renvois au ministre et au conseil des ministres qu'on exige du conseil scolaire, place celui-ci, à notre avis, en tutelle permanente. De plus, la définition en même temps trop large et trop imprécise des pouvoirs du conseil scolaire laisse planer un doute assez sérieux sur la latitude qu'auront les commissions scolaires dans leur champ d'activité.

En bref, les trois paliers doivent, à notre avis, l'un par rapport à l'autre, se situer de telle façon que le conseil ne soit ni la marionnette du ministère, ni un petit desposte régional ou une espèce d'Etat dans l'Etat. C'est pourquoi nous disons qu'il est temps pour l'île de Montréal de s'inscrire dans la collectivité nationale et on ne voit pas pourquoi le conseil régional aurait des pouvoirs tels que ce serait un Etat dans l'Etat.

Quant au financement, il est bien sûr que pour les objectifs d'équité sociale qui sont poursuivis, il est tout à fait évident que nous sommes d'accord. Quant à l'aspect social, je me souviens de ce que M. le ministre vient de souligner à une autre personne à propos de la situation sociale des francophones dans le West Island et nous avons également à soumettre quelques idées qui pourraient se cristalliser autour des mots suivants:

Nous croyons que le Québec a mis la charrue devant les boeufs en procédant à la loi 63, premièrement. Il serait inadmissible, à notre avis, que la loi 28 n'en soit pas le contrepoids. Nous savons pertinemment, et dans l'est et dans l'ouest de l'île de Montréal, les deux extrémités de l'île — non pas les deux extrémistes — que pour vivre dans l'ouest donc avec une suffocante majorité anglophone, le ministre l'a dit, 16 p.c. de francophones et une coulissière minorité anglophone dans l'est, nous savons pour notre part que ces petites dispositions qu'on appelait tantôt l'article des adjoints, à notre avis, ça va saboter le projet de loi du gouvernement.

M. SAINT-PIERRE: Si vous permettez, dans un débat, c'est un point intéressant. Si je comprends bien, vous êtes favorable à la commission scolaire unifiée et vous êtes également favorable à ce qui me semble la plus grande différence entre le projet de loi 28 et le projet de loi 62 de l'ancien gouvernement, à savoir que c'est la commission scolaire unifiée qui a réellement les pouvoirs et non le conseil scolaire qui, dans le projet de loi 62, était à la fois l'employeur, le propriétaire des bâtisses, alors qu'il y a eu un net glissement dans le projet de loi 28 pour donner plus de pouvoirs à la commission scolaire unifiée.

Mais étant favorable à ceci — et je pense qu'on se rejoint puisqu'étant l'auteur du projet de loi et ayant participé à la rédaction du projet de loi — c'est une des orientations que nous avons prises dès le départ. Ceci dit, est-ce que nous n'avons pas le problème que dans l'ouest de l'île de Montréal — je vous l'ai mentionné — avec 16 p.c. de francophones, si on donne tous les pouvoirs au niveau de la commission scolaire unifiée, il devient alors important de s'assurer que les minorités, en particulier la minorité francophone dans l'ouest de la ville, aient des mécanismes pour s'assurer que leurs droits ne seront pas brimés?

Et si on accepte cette nécessité de mécanismes — car, sans cela, on risque d'avoir commissions scolaires francophones brimant les droits des minorités, et on peut discuter de ce que sont les droits, enlevons les privilèges — on pourrait avoir quatre commissions scolaires unifiées qui, elles, pourraient brimer les droits des francophones en pleine province de Québec.

Tenant compte de ça, est-ce que le législateur n'a pas la responsabilité de tenter d'avoir dans un projet de loi non pas des bâtons dans les roues qui empêcheraient la loi d'atteindre ses objectifs mais des mécanismes permettant aux deux minorités de l'est et de l'ouest en sens inverse de s'assurer que leurs droits ne sont pas brimés? Ces droits linguistiques qui s'appliquent à la fois pour les francophones ou dans anglophones, si on est dans l'est ou dans l'ouest, impliquent d'une part — je tiens à le souligner publiquement — le fait que au lieu que les commissaires soient désignés par le gouvernement, on puisse prendre une autre formule, puisque nous ne voulions pas changer le vote démocratique. Ce que nous voulions donner, c'est une voix au chapitre à la minorité, lui donner une oreille pour savoir ce qui se passe à la commission scolaire. C'était l'intention du gouvernement de changer le projet de loi pour qu'au lieu d'avoir des commissaires, des observateurs soient nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil lorsque la minorité linguistique n'a aucun représentant, et les observateurs qui ont tous les droits et les pouvoirs des commissaires sauf le droit de vote. Si cela peut respecter plus la démocratie, cela a atteint quand même notre objectif. Quant à l'autre type de garantie qui nous semblait nécessaire, je pense encore aux 16 p.c. de francophones dans l'ouest de la ville de Montréal, dans la commission scolaire no 10. Est-ce qu'ils n'ont pas besoin d'avoir dans les postes clés non pas un dédoublement des structures mais un service au personnel, un service aux étudiants, un service des programmes, avoir au moins l'assurance de l'adjoint de langue française?

M. DUHAIME: Ce que nous avons à dire à ce sujet, c'est que dans une collectivité normalement organisée, les droits des minorités, à notre avis, relèvent d'un pouvoir politique et d'un pouvoir politique global comme le gouvernement d'un Etat. A notre avis, il n'est pas normal de confier ça à des fonctionnaires comme des adjoints ou des sous-chefs de ci et de ça. A notre avis, c'est créer un pouvoir parallèle, c'est créer par la loi des "jobs" qui vont servir...

M. SAINT-PIERRE: Je ne pense pas. Lorsque nous parlons de ces trois postes clés, pour les minorités, avec onze commissions

scolaires, cela fait 33 postes. Ayez à l'esprit qu'uniquement à la CECM il y a 1,100 employés. Ce n'est pas exagérer, lorsque vous avez 50,000 élèves, de dire qu'il y a un adjoint qui sera de la langue de la minorité — le moins que la minorité puisse avoir, c'est 5,000 ou 7,000 élèves — et de dire qu'il y aura un type de minorité. Je ne trouve pas qu'on se crée des structures parallèles. Ce que la loi fait, c'est que le pouvoir politique représenté par les législateurs impose un carcan aux pouvoirs établis localement, compte tenu qu'il y a des minorités qui méritent d'être protégées ou qui ne méritent pas d'être protégées, si on n'avait pas raison.

M. DUHAIME: A notre avis, ce n'est pas une question de nombre, c'est bien clair que 33 personnes sur une couple de cents ce n'est pas tellement important comme nombre. Ce n'est donc pas une question de nombre, c'est une question d'impact et c'est également une question de l'importance de la fonction qui est consacrée par une loi.

M. SAINT-PIERRE: Vous êtes vous-même dans l'est de Montréal.

M. DUHAIME: Je suis dans l'ouest, à Pointe-Claire.

M. SAINT-PIERRE: Dans l'ouest, vous avez combien d'élèves francophones à la commission scolaire no 10?

M. DUHAIME: Je ne m'en souviens plus.

M. SAINT-PIERRE: J'ai les chiffres ici. Il y a 7,000 élèves. Ne trouvez-vous pas que c'est assurer que ça va donner de bonnes chances de bien aller si on empêche — c'est ce que nous faisons dans le projet de loi — les commissaires de ne nommer aucun francophone dans les trois postes que je vous ai mentionnés? On les force à avoir au moins un adjoint qui va être francophone. Je ne dis pas qu'ils ne le feraient pas normalement. La loi est pour donner des garde-fous.

M. DUHAIME: Ce que je peux faire là-dessus, c'est à partir de la réalité et vous décrire une situation. Prenons une commission scolaire de Laval, c'est la commission scolaire qui sera la commission scolaire no 10; la commission scolaire Baldwin-Cartier présentement, à toutes fins pratiques, c'est la région no 10. Il y a là des commissaires d'écoles francophones. Il y en a pas mal. Il y a là une répartition d'à peu près 50-50 quoique de plus en plus cela devient 60-40 chez les catholiques, anglais et français.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, il faut ajouter à la région 10 le Lakeshore Regional Board.

M. DUHAIME: C'est bien clair que cela deviendra les 16 p.c. dont vous parlez. Dans la situation actuelle où nous ne sommes pas 16 p.c. mais 40 p.c. à 50 p.c, chaque fois — dans la mesure où j'ai pu le vérifier dans les cinq ou six dernières années — qu'il y a des conflits d'intérêts qui se soulèvent, chaque fois qu'il se bâtit des écoles nouvelles, chaque fois qu'il y a des problèmes de bibliothèque ou de transport scolaire, cela se règle rarement à l'avantage des intérêts des francophones. Prenons un exemple. L'horaire des autobus. Il est ainsi fait que depuis trois ou quatre ans ce sont toujours les francophones qui finissent plus tard. Vous me direz que nous fendons les cheveux en quatre mais à mon avis, c'est ça le contexte culturel, le contexte social dans lequel nous nous inscrivons dans le West Island.

Je dis, quant à moi, que les francophones du West Island, comme n'importe quelle autre minorité dans le Québec, sont partie d'une majorité nationale et c'est là qu'ils devraient trouver leur force, pas dans trois ou quatre fonctionnaires d'une petite structure régionale.

Je dis que si nous avions au Québec une structure scolaire française, nationale qui, par sa structure globale, garantit les droits des minorités — et on n'est pas plus sauvage que d'autres — de la même façon que la minorité anglophone du Québec est partie d'une majorité nationale et ne s'en porte pas très mal — je n'ai pas besoin de rappeler la loi 63 — la minorité francophone du West Island est partie d'une majorité québécoise. C'est dans cette majorité québécoise qu'elle doit puiser son statut national de collectivité, pas dans de petites dispositions d'une loi qui fait que dans cette région les gens pourront toujours défouler leur frustration à travers trois ou quatre fonctionnaires.

M. SAINT-PIERRE: C'est donc votre position que pour assurer des garanties au groupe francophone, pour prendre ce cas d'espèce que vous avez soulevé dans l'ouest, finalement ce groupe va retrouver ses appuis ou ses garanties au niveau du conseil scolaire ou au niveau du ministère de l'Education et que là, il va faire partie d'une majorité.

M. DUHAIME: Du gouvernement, pas du conseil scolaire.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, ça me frappe parce que c'est un point assez important. Est-ce que les parents et la population francophone ne se sentent pas frustrés, lésés et cela s'appliquerait de même aux anglophones? Est-ce que, somme toute, ce ne sont pas souvent de très petites décisions qui sont presque prises au jour le jour? Au mois de septembre, quand on dit à la mère de famille: Votre enfant ne va pas à l'école de l'autre côté de la rue mais il va à l'école à un demi-mille, est-ce que ce ne sont pas ces petites décisions qui, souvent, causent le plus de frustrations? Dieu sait qu'on va demander aux parents de faire une réunion de parents sur le projet de loi 28, que vous y aurez

peut-être 200 personnes, alors qu'au mois de septembre, pour un problème de transport scolaire, vous aurez une pétition de 950 parents et ils vont descendre je ne sais où.

Je me demande finalement s'il n'y a pas nécessité pour ces petites décisions d'avoir certains mécanismes qui nous assurent qu'il y ait certains garde-fous? C'est évident que le conseil scolaire ou le ministère de l'Education, le ministre de l'Education — à moins qu'on veuille changer les règles du jeu — ne peut pas intervenir dans les décisions de toutes les petites commissions scolaires. Même entre anglophones, il y a des disputes. J'étais hier avec le groupe du West Island Regional Board et là, entre Deux-Montagnes et l'île Jésus, on ne s'accorde pas et pourtant on est entre anglophones et entre protestants. On ne s'accorde pas pour de petites décisions, l'implantation d'écoles.

M. DUHAIME : Référant à cette histoire de petites décisions, il nous arrive souvent entre nous de faire un parallèle entre le West Island et le Manitoba, comme situation culturelle. La culture française ne circule pas dans le West Island. Allez au Fairview pour vous acheter un livre en français, une revue, maintenant, c'est inaccessible. Nous sommes dans une situation telle qu'il existe même un Cercle des amis de la culture française avec son siège social au Stewart Hall. C'est quelque chose. Ce sont toutes des choses anodines, ce sont des bagatelles...

M. SEGUIN: Je voudrais faire un commentaire.

M. DUHAIME: ... mais tout ça c'est en filigrane et ça traduit la situation d'un groupe de personnes qui vivent en anglais, qui travaillent pour des Anglais et qui ont peur à leur "job" s'il y vont un peu trop raide. Vous m'excuserez ce langage un peu cavalier à ce moment-ci, mais je crains qu'on arrive à un moment où on me dise: Monsieur, le temps est écoulé. Je voudrais être bien sûr qu'on a vidé notre question. Je n'ai pas l'intention non plus de vous faire découvrir l'univers. Je sais que, comme hommes politiques, vous êtes tous conscients de ça.

Mais comme responsables d'un groupe d'enseignants de ce territoire, je crois qu'il est de notre devoir de venir le souligner à la commission parlementaire du projet de loi 28. Autrement dit, cette histoire de langue et de Stewart Hall, ce sont toutes des bagatelles. Mais ça s'inscrit depuis quatre, cinq, dix et douze ans, et c'est continuellement croissant, de telle sorte que nous ne vivons pas dans un Québec francophone dans le West Island, nous vivons au Manitoba.

Ceci est dit tout simplement pour comprendre en termes de comparaison et avec tout le respect qui est dû aux personnes. Nous n'avons aucun intérêt à nous en prendre à des personnes, ce sont des idées, des situations que nous essayons d'expliquer...

M. SAINT-PIERRE: J'ai un dernier point à soulever; après, peut-être le député de Baldwin-Cartier aura-t-il quelque chose à soulever. Les syndicats d'enseignants — et je pense en particulier à l'Alliance et aussi à la CEQ — étaient en désaccord sur votre point de vue. Ils auraient préféré que le conseil scolaire ait plus de pouvoirs et en particulier que le conseil scolaire soit l'employeur de tous les enseignants.

M. DUHAIME: Je ne pense pas que la CEQ ait dit cela, l'Alliance, la CSN.

M. SAINT-PIERRE: Pas la CEQ, je m'excuse. Si je comprends bien, dans votre mémoire, vous seriez favorables à avoir onze employeurs et présumément en tout cas à onze niveaux, nous pourrions retrouver des syndicats. Sans aller dans les détails, est-ce que cela doit être francophone, anglophone, catholique ou protestant?

M. DUHAIME: Cela, M. le ministre, c'est l'autre panneau ou l'autre volet de notre présentation et nous le trouvons plus important, parce que ce que nous venons de dire là, tout le monde l'a déjà dit finalement; vous n'aviez pas besoin de nous pour vous dire cela.

Au sujet de cette histoire d'employeurs, fondamentalement, il nous apparaît que le siège de la démocratie scolaire au Québec, c'est la commission scolaire. Il nous apparaît que le conseil scolaire est un palier intermédiaire entre l'Etat responsable à la fois des lois des minorités et du reste, et la commission scolaire où la participation du citoyen, du contribuable et du travailleur, l'enseignant, où la participation de ces gens à l'enseignement doit s'exercer. Nous disons que, pour que l'enseignant puisse participer démocratiquement de façon valable, pour qu'il puisse rencontrer rapidement un interlocuteur valable et accessible, pour que le citoyen et le contribuable puissent également rencontrer des interlocuteurs valables et rapidement accessibles, il faut onze commissions scolaires employeurs. Employeurs, parce que nous trouvons que nous avons besoin de cela pour avoir un interlocuteur valable, rapidement accessible.

A notre avis, c'est une question de démocratie de participation. Si l'on se met à créer des monstres, cela va donner comme résultat que les citoyens vont devenir des consommateurs d'éducation, mais l'interlocuteur va être trop loin. Il ne sera pas possible pour eux de participer, de développer un sentiment d'appartenance, de développer un sentiment de responsabilité et de développer des contacts humains qui aient du sens. A notre avis, c'est cela le fond de l'argument qui finit par aboutir à cette conclusion que la commission scolaire soit l'employeur.

M. SAINT-PIERRE: Plusieurs groupes nous l'ont demandé. Sûrement, j'espère qu'il y aura amplement de consultation, d'ailleurs, je pense qu'il y a un groupe de travail qui tente d'examiner cet aspect de relation de travail entre les ministères du Travail et nous-mêmes, dans le projet de loi 28. Ce sont des amendements qui pourraient sembler techniques, mais qui vont peut-être nous aider tous à vivre la période de transition. Comment voyez-vous, avez les onze employeurs définis, le problème d'avoir des enseignants qui, dans le moment, appartiennent à des syndicats qui sont différenciés par la langue dans certains cas, et par la religion, dans d'autres? Comment voyez-vous cela dans les faits? Quelles recommandations avez-vous? Est-ce que vous voyez onze syndicats unifiés — si je peux employer l'expression — avec les problèmes qui pourraient se poser au plan provincial ou compte tenu des minorités dans chacune des commissions scolaires unifiées? Une libre appartenance de chaque syndiqué, une appartenance obligatoire à l'une des deux ou trois fédérations provinciales ou à des syndicats à l'échelle de l'île? Certains problèmes étant réglés par un syndicat local au niveau de la commission scolaire unifiée, mais d'autres retrouvant une participation au niveau de l'île, comment voyez-vous cela ou est-ce que vous voyez plutôt les syndicats séparés?

M. DUHAIME: Je vais laisser M. Désilets répondre à cela.

M. DESILETS: La question s'est posée pour nous du côté syndical, mais M. le Président de l'ouest de Montréal a parlé, évidemment, en fonction du bill 28 et de la structure scolaire comme telle. Notre philosophie de donner passablement de pouvoir aux commissions scolaires, cela c'est en rapport avec l'organisation scolaire comme telle, pédagogique, de l'administration. Evidemment, il y a un volet, il y a le revers de cela et ce sont les structures syndicales.

La décision n'est pas prise finalement à savoir comment les syndicats d'enseignants ou les associations d'enseignants vont se regrouper. Cependant, nous aimerions bien qu'il y ait justement cet accord entre les deux ministères de l'Education et du Travail, de telle sorte que l'on puisse sauver les droits collectifs et les droits individuels des enseignants, entre autres. A ce moment-là, essayer de s'organiser pour que l'on rationalise tout le système d'accréditation.

Est-ce que les enseignants vont vouloir se regrouper dans un immense syndicat? Je ne peux pas présumer de leur décision. Ce que nous demandons, cependant, nous, c'est que l'employeur soit au niveau local, c'est-à-dire que ce soit la commission scolaire et, à ce moment-là, si les syndiqués, les enseignants ou d'autres types de travailleurs veulent se regrouper, soit à l'intérieur de fédérations provinciales, régionales, ce sera à discuter par la suite. Ce que l'on veut, cependant, c'est qu'il y ait des enseignants qui ont une convention collective et qui ont des droits collectifs et individuels; et de ceux-là, il ne faudrait peut-être pas trop en perdre. C'est pour cela que cela va prendre une coordination et une planification.

M. SAINT-PIERRE: Mais, quels sont les principes que, d'après vous, le législateur devrait retenir? Est-ce qu'un des principes serait la libre appartenance de chaque enseignant à un syndicat qui pourrait être divisé, à la fois sur la langue et la religion?

M. DESILETS: Je pense bien que pour le code du travail, on a entendu parler d'ailleurs d'amendements possibles au code du travail, la philosophie du travail, actuellement dans la province, c'est le code du travail. Des représentations seront faites, j'en suis convaincu, de la part de la CEQ, aux gens qui sont responsables de ces amendements-là, de telle sorte qu'on puisse être honnête envers tout le monde et causer le moins de préjudices possible.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député d'Olier.

M. PICARD: Je regrette, M. le Président, mais on a répondu à ma question.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Robert Baldwin.

M. SEGUIN: Je ferai tout simplement une mise au point. Tout d'abord, M. le Président, on a fait un commentaire tout à l'heure autour de l'utilisation de l'établissement culturel dans la ville de Pointe-Claire, communément reconnu comme Stewart Hall. Je voudrais aussi, en faisant cette mise au point, parce que cela m'a piqué joliment que de faire dire ou de faire insinuer, par exemple, qu'il y avait une tolérance ou qu'il semblait y avoir une tolérance qu'un certain groupe d'une expression ou d'une autre, il fallait qu'ils occupent un endroit qui s'appelait Stewart Hall; quelle insulte que d'être obligés de se réunir dans un endroit semblable! Il reste tout de même, et je voudrais le dire ici, pour la commission, que dans ce fameux centre Stewart Hall, qui est un des centres culturels, je le dis en toute humilité et sans complexe, un des centres culturels, le plus pur peut-être, qui existe dans la province et celui qui est strictement culturel dans le vrai sens du mot, d'après les expositions et d'après ce qui se passe dans ce centre.

Je voudrais aussi dire que Stewart Hall porte ce nom, pour la simple raison que la personne, Mme Béatrice Stewart, a bien voulu donner gratuitement à la ville un immeuble d'une valeur d'au-dessus d'un million de dollars et le parc annexé. Je pense qu'il est très juste de reconnaître, en nommant ce centre, en le nommant Stewart Hall en mémoire de la

personne qui a bien voulu donner et qui maintient un fonds de soutien en même temps, de quelques centaines de milliers de dollars.

Je voudrais aussi indiquer pour ceux qui ont voulu peut-être lire dans les commentaires qu'il y avait une espèce de persécution pour un groupe ou pour un autre, que le seul groupe social, le seul événement social d'importance, qui se tient à Stewart Hall au cours de l'année, est justement les fêtes de la Saint-Jean, et c'est le seul groupe qui est autorisé par la municipalité à occuper, pour un événement du genre, le Stewart Hall. Ce ne sont ni les Anglais, ni les autres qui y ont droit.

Je voudrais aussi dire que celui qui parlait tout à l'heure semblait donner des impressions que, dans l'ouest de l'île, nous vivions en pays étranger, soit du Manitoba ou de l'Ouest. Tel n'est pas le cas, pour y avoir vécu la grande partie de ma vie et m'être mêlé à la population. Il n'y a pas de frustration populaire; s'il y a frustration, c'est peut-être parmi le groupe d'enseignants, un certain groupe d'enseignants, dans une certaine école. Il ne faudrait pas attribuer des commentaires qui se sont faits, comme étant d'ordre général et s'appliquant à toute la population, à toutes les institutions d'enseignement, ou à tout ce qui peut se faire dans ce secteur. Il faut quand même reconnaître qu'il y a 85 p.c. de la population qui est d'expression anglaise; il faut aussi reconnaître que cette population est divisée quasi moitié-moitié: catholique et protestante, et dans la partie catholique, il faut la subdiviser encore entre catholiques d'expression française et catholiques d'expression anglaise. La tâche n'est pas facile.

Il faut aussi reconnaître que cette population est une population qui est arrivée dans ce secteur, en grande partie de certaines autres provinces du Canada et de quelques autres pays dans le monde. Ce n'est pas une population, en majorité, qui serait déménagée de la ville de Montréal, à un moment donné, dans le secteur ouest. C'est plutôt l'accroissement économique du milieu montréalais qui a permis à certains groupes de s'établir là, venant d'autres provinces plutôt qu'ailleurs. C'est un autre phénomène qu'il faut considérer et qu'il faut reconnaître. Ces gens-là ne sont pas prêts immédiatement à adopter des attitudes tout à fait différentes, soit au sujet de l'enseignement, soit au sujet de comportement social ou autre chose.

Justement, un des points que je voulais apporter, c'était sur une des recommandations, c'était sur l'abolition du poste des adjoints.

Je crois que ce serait une erreur, je le dis, à titre personnel, parce que si la population francophone de cette région n'est que de 15 p.c, 16 p.c. ou 18 p.c, une fois qu'il y aura unité dans les deux commissions, il est bon de garantir cette protection au cas où on faillirait à nommer ou à établir par la voie normale de l'électorat des gens qui pourraient surveiller cette minorité.

Je crois aussi que, présentement, à la commission Baldwin-Cartier, qui est une commission catholique, la majorité des conseillers ou des commissaires sont d'expression française, y compris le président. S'il y a un problème de transport, il ne faudrait pas accuser une majorité ou accuser la majorité de l'île d'être responsable directement ou indirecrement d'une lacune, je pense que c'est plutôt un problème administratif. Je serais curieux de savoir si les cours finissent en même temps, s'il y a préférence pour l'autobus à ce moment-là ou si c'est parce que peut-être les cours d'un côté se terminent un peu plus tard que de l'autre côté.

Economiquement, on utilise les autobus pour le transport de ceux qui sont prêts. De toute façon, puisque cette commission est présentement en majorité d'expression française — la commission Baldwin-Cartier — je ne vois pas pourquoi, à l'intérieur de cette commission qui a la même autorité que n'importe quelle autre commission scolaire existante, on ne pourrait pas résoudre des problèmes d'ordre plutôt interne ou des problèmes d'administration. C'est peut-être un peu à cause de ces difficultés qui ont existé dans plusieurs commissions scolaires et qui continuent à exister que je suis en faveur de l'unification des commissions scolaires. C'est afin que, si dans certains milieux il y a une bonne administration, on puisse peut-être, grâce à cette bonne administration, influencer les secteurs qui ont une moins bonne administration. De cette façon, le contribuable sera plus récompensé pour les efforts de ses contributions.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Saint-Jacques.

M. CHARRON: M. le Président, je voulais juste ajouter un point, parce que je me sens en devoir de le faire, à la suite des propos du député de Baldwin, qui voulaient en tout cas contredire un peu la teneur des propos de M. Duhaime. Je suis natif de cette région du West Island, j'y ai vécu 19 de mes 25 années. C'est la première fois que j'entendais l'expression, mais j'ai vraiment eu l'impression pendant que j'étais là-bas, en particulier lorsque je suis devenu un citoyen un peu plus conscient, à 17, 18, 19 ans, d'appartenir à une véritable minorité. Le sentiment n'a peut-être pas encore atteint les quartiers-généraux du député de Robert-Baldwin, mais ce sentiment-là est grandissant chez les francophones de cette partie de Montréal. C'est un fait que, pour nous, il fallait faire un saut jusque dans le centre-ville, encore une fois avec toutes les réserves que cela implique, mais en tout cas, au coeur de Montréal, pour retrouver une atmosphère française qui n'existe pas là-bas.

J'aurais une question, M. Duhaime, si vous me le permettez, peut-être allez-vous la trouver curieuse, mais elle est importante, elle porte sur la confessionnalité. Vous avez demandé que la loi précise les limites de surveillance que peu-

vent exercer les comités confessionnels quant aux règlements pertinents du Conseil supérieur. Je vais vous demander à vous, dans l'hypothèse où on a demain trois types d'école confessionnelle: catholique, protestante, neutre, ce que cela signifie pour les enseignants que de travailler. Est-ce que cette délimitation va avoir un effet sur la liberté des enseignants, sur le choix de s'inscrire dans un type d'école plutôt que dans une autre? Est-ce que vous voyez des différences fondamentales sur le plan pédagogique, sur le plan de votre travail professionnel au fait d'enseigner dans une école qui professe une confessionnalité plutôt qu'une autre?

M. DUHAIME: Micheline pourra vous en dire un peu plus, mais je peux vous dire déjà là-dessus que l'histoire de connaître les limites de la surveillance, pour nous, c'est surtout sur la dimension sociale de ce que pourrait amener cette surveillance. Ce que nous craignons ou ce que nous craindrions véritablement, c'est que la création de ces comités confessionnels ressuscite ou suscite certains réflexes un peu inquisiteurs au niveau de la confessionnalité.

Si, par exemple, ce comité-là a sa surveillance à exercer dans la nomination d'un principal d'une école catholique, qu'est-ce que c'est que cette surveillance-là? Elle va jusqu'où? Dans le mémoire, on dit: Il est prévu au bill 28 que ce comité existera, il est prévu que le fonctionnement de ces comités sera déterminé par arrêtés en conseil". On dit ces arrêtés-là, il faudrait peut-être prévoir aussi que les gens intéressées puissent y dire leur mot, avant qu'il ne soit réalisé. Mais ce n'est pas tellement parce qu'on craint qu'on vienne nous embêter dans notre travail. Au contraire, à la démocratie, on y croit autant que tout le monde, c'est qu'on ne voudrait pas que cela prenne une allure inquisitrice, ces surveillances confessionnelles. Va-t-il à la messe, n'y va-t-il pas, est-il marié, est-il divorcé? Là, je fais des caricatures qui ne sont pas si loin que ça de la réalité.

Parlant de réalité à décrire, également, un mot sur ce que je n'ai pas eu le temps de terminer tantôt. Dans nos écoles du West Island — il faut que ça se sache, la commission Gendron est venue nous voir — nous avons jusqu'à 30 p.c. de nos élèves francophones dans les écoles francophones qui ne parlent qu'en anglais et personne dans la situation actuelle n'est bienvenu de le leur reprocher. D'abord, si on "charrie" les élèves parce qu'ils font cela, on se place dans une situation où nous sommes soumis à un certain type de terrorisme intellectuel; d'autre part, on ne peut pas reprocher à ces élèves de fonctionner comme cela dans le milieu dans lequel ils vivent. Moi, je n'essaie pas de monter en épingle les cas marginaux ou des "bébelles", je vous donne des exemples qui vous disent comment cela s'inscrit en filigrane de la vie culturelle du groupe francophone. Il y en a des tas d'autres, comme par exemple, la transformation des noms des gens: des Louis-Philippe, cela devient des "Phil", des Arthur, cela devient des "Art", etc. Cela, ce sont des choses qui s'inscrivent et qui traduisent un contexte.

UNE VOIX: Il n'y a pas de plus bel exemple.

M. DUHAIME: Maintenant, j'aimerais que Micheline ajoute des commentaires à la réponse que j'ai faite à M. Charron.

MME SICOTTE: Ce que je voudrais ajouter là-dessus, pour aller dans le même sens que ce que mentionnait M. Duhaime tout à l'heure, c'est que, au sein du bill 28, les articles concernant les comités confessionnels sont très minces, en ce sens que effectivement, on ne définit pas ce qu'est une école confessionnelle, une école catholique, protestante ou neutre. Est-ce que c'est une école au sens d'une école de pensée, ou si c'est une école au sens d'une bâtisse physique?

M. SAINT-PIERRE: Actuellement, il n'appartient ni au ministre, ni aux commissaires d'écoles de définir l'école catholique. Cela revient au comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation qui, par une réglementation, peut justement, non pas définir uniquement les critères, mais même accorder une reconnaissance de droit à une école en particulier pour la reconnaître catholique.

MME SICOTTE: Là, vous parlez d'une école au sens d'une entité physique.

M. SAINT-PIERRE: Non là, je parle de l'école telle que définie dans le bill 27, qui est une collectivité d'élèves, de professeurs et d'un principal et qui, lorsque nous aurons des règlements du comité catholique, pour satisfaire aux exigences du comité catholique, devra être conforme à certains critères. Dans notre législation, la définition de l'école catholique revient au comité catholique.

MME SICOTTE: Alors, ceci étant dit, voyant justement tout cet aspect de vague, d'imprécision, devant lequel on se retrouve face à ces quatre articles-là, je pense qu'il y a raison d'être assez prudent sur l'instauration, qui semble claire, d'un comité de surveillance, parce qu'en fait c'est la partie qui est articulée au sein du bill 28. Alors, articuler un rôle de surveillance à un comité formé de trois parents, alors que rien d'autre autour n'est précisé, ni agencé... On se pose quand même de sérieuses questions, à ce moment-là, et justement les mêmes questions que posait M. Charron, à savoir ce qui arriverait des enseignants. Est-ce que cela prendra une certaine sélection pour enseigner dans l'une ou l'autre des trois écoles qui pourront exister, selon qu'on enseigne les mathématiques ou que l'on enseigne la géographie ou quoi? Est-ce que cela demandera une espèce de sélection? En fait, il y a ici une part d'interrogation qui est très large et qui effecti-

vement, nous place dans un contexte qui ne correspond vraiment pas, peut-être, à ce qu'on est quand même prêt à accepter, à savoir que les parents peuvent choisir pour leurs enfants la confessionnalité qu'ils désirent.

Cela, je pense, est clair et c'est acquis.

M. SAINT-PIERRE : Les parents le réclament également. Dans la loi actuelle, vous reconnaissez qu'il n'appartient pas au ministre — on ne parlera pas de problème de classification — mais au comité catholique d'établir les qualifications additionnelles présumément ou complémentaires que devraient avoir les enseignants pour enseigner dans une école catholique. Jusqu'ici, le comité catholique, pour diverses raisons, n'a pas exercé ce droit de réglementation, mais depuis 1964 il possède ce droit et il peut à tout instant décider de l'exercer.

MME SICOTTE: A ce moment-là, M. Saint-Pierre, si on parle surtout de collectivité, on pourrait dire qu'à l'intérieur d'une collectivité il pourrait y avoir des enfants dont les parents désirent qu'ils aient une formation dans une école catholique, d'autres dans une école protestante et d'autres dans une école neutre, et ils pourraient se retrouver au bout de la course dans une même entité géographique, dans une même structure géographique.

M. SAINT-PIERRE: Ce qui veut dire "structure" dans le sens "d'école"?

MME SICOTTE: Structure, une école physique.

M. SAINT-PIERRE: Physique. Mais l'école est chaque fois définie non pas comme une école physique mais comme la collectivité qui, sur le plan pédagogique, a un lien hiérarchique entre des instituteurs et un principal d'une école dite catholique. En d'autres termes, je serais déçu si la définition de l'école catholique était une définition physique, de brique ou de pierre. C'est une définition, j'imagine, sur des critères de ce qu'est la vie à l'intérieur de l'école catholique.

MME SICOTTE: Ce que je tente de vous dire, c'est qu'à l'intérieur d'une collectivité donnée, compte tenu qu'on veut correspondre à ce que désirent les parents pour donner l'éducation à leurs enfants, on pourrait se ramasser dans une situation où il y aurait un pluralisme effectivement et pour répondre justement à des besoins d'enseignement, au sens académique du mot, qu'il faille regrouper des enfants de différentes confessionnalités. C'est là une situation avec laquelle il faudra éventuellement composer aussi.

M. SAINT-PIERRE: A l'intérieur de la classe pour un enseignement...

MME SICOTTE: Est-ce que ce sera la classe, est-ce que ce sera un groupe de classes? C'est peut-être possible qu'on parle plutôt d'un groupe de classes. En tout cas, ce sont toutes des modalités, qui ne sont pas du tout précisées actuellement. Vous dites que ça relève d'un autre comité, soit, mais il reste qu'à ce moment-là, c'est très vague et l'existence d'un comité de surveillance, tel que c'est prescrit, cela nous apparaît n'être peut-être pas suffisamment cohérent actuellement.

M. SAINT-PIERRE: Le droit de consultation, l'obligation de consulter le comité catholique, comité local confessionnel, pour la nomination d'un principal, est-ce que ça vous semble une disposition, compte tenu que nous avons des commissions scolaires unifiées, que dans un milieu donné, les commissaires à très grande majorité pourraient être soit des juifs, soit des protestants? Ce pouvoir non pas de décision mais de consultation du comité confessionnel, est-ce que ça vous semble correspondre au bien commun?

MME SICOTTE: Je pense que M. Duhaime a répondu en ce sens tout à l'heure. La consultation qui pourrait être faite auprès d'un tel comité,. ça vient faire quoi finalement, la consultation des parents sur un principal donné? Surtout si on tient toujours pour acquis, parce que ce n'est pas clair du tout pour moi, que le principal n'aura dans son école physique, dans sa collectivité, que des enfants dont la formation se fera d'une façon catholique ou d'une façon protestante.

M. SAINT-PIERRE: Pour moi, c'est clair par exemple.

MME SICOTTE: C'est tout ce que nous avons à ajouter.

M. SAINT-PIERRE: Une fois qu'on donne le droit aux parents à l'école catholique, à l'école protestante et à l'école neutre, et qu'on définit l'école comme une entité avec un lien hiérarchique pédagogique entre les instituteurs et un principal, il me semble impossible qu'un principal d'école catholique ait sous ses ordres non pas des enseignants de foi protestante mais des élèves qui ont choisi une école protestante. Il doit avoir sous ses ordres uniquement des élèves dont les parents ont choisi un enseignement catholique.

M. CHARRON: Alors, ça veut dire que, lorsqu'il y a cohabitation du groupe catholique et du groupe protestant dans le même édifice, il y aura deux principaux.

M. SAINT-PIERRE: Oui.

M. CHARRON: Un qui s'occupera des catholiques et un des protestants.

M. SAINT-PIERRE: C'est ça.

M. CHARRON: Mais ça remet en question toute la théorie des défenseurs de l'école confessionnelle qui nous l'ont définie comme une école à atmosphère spéciale.

M. SAINT-PIERRE: ...je ne vois pas le problème. Je pense qu'il est possible d'avoir dans le même lieu physique — on en a des cas — une école à atmosphère catholique et une autre entité regroupant d'autres personnes avec d'autres enseignants dans une atmosphère différente, une atmosphère protestante. Ce seront quand même des cas extrêmes.

M. CHARRON: D'une atmosphère oecuménique.

M. CARDINAL: M. le Président, si vous me permettez, je me demande si la difficulté d'une entente entre les parties ne vient pas du fait que ce n'est pas le projet de loi 28 — on le répète une autre fois — qui règle cela mais le projet de loi 27.

Les deux projets de loi ne sont pas des lois in se, ce sont des amendements à une vétuste loi qui s'appelle la Loi de l'instruction publique.

M. DUHAIME: A propos de la définition du mot "école", au fond, pour revenir sur cette histoire de confessionnalité, les comités consultatifs, fort bien, mais on veut savoir si ces comités-là ne seront que consultatifs. Autrement dit, il est dans la dynamique des choses que les comités consultatifs ne demeurent consultatifs que dans la mesure où ils se contentent d'être consultés, parce qu'ils peuvent faire jouer des influences, c'est connu; on en a des comités consultatifs, nous les enseignants, on connaît leurs limites et leurs possibilités.

Sur la définition du mot "école", on a voulu y revenir même si elle était dans le bill 27, et surtout parce qu'elle est dans le bill 27, parce qu'à notre avis il y a une chose qu'il faut éviter, et ça existe déjà, c'est surtout dans l'ouest, toujours à cause du contexte socio-culturel que je vous décrivais tantôt. Il faut éviter que vous ayez un groupuscule ou petit groupe d'élèves assemblés dans une école où vous avez une grosse masse d'anglophones, parce qu'alors l'école deviendra un instrument d'assimilation galopante à une minorité ou majorité localisée.

On a déjà, à Dorval, cinq classes francophones dans une école où il y en a 17 anglophones. La cour de récréation est anglaise, les enseignants doivent aller dans une autre école pour des réunions de personnel, c'est quelque chose d'incroyable. Cela aurait pu être l'inverse mais il aurait fallu déplacer les Anglais d'école et ils n'ont jamais voulu. Autre exemple: les écoles neuves qui se bâtissent dans ce territoire-là sont aux anglophones. Il y a une école neuve qu'on a eue et c'est Bourgault qui l'a fait bâtir. Vous vous souvenez du "chiard" de l'école de Pierrefonds.

Il n'est pas possible de faire une preuve logique, rationnelle, froide et inattaquable dans une situation comme celle-là. Ce sont des choses qui se traduisent dans le quotidien et qui se voient dans le filigrane de l'existence socioculturelle d'une collectivité. On pourra prendre n'importe lequel de ces faits inscrits en filigrane et prouver le contraire à partir de ça. C'est dans l'ensemble que la situation se traduit et à notre avis, trois fonctionnaires ou douze ou dix-sept ça ne réglera rien, ça ne fera que consacrer une situation qui n'est pas encore consacrée par la loi.

Nous disons, c'est la responsabilité politique, la protection des droits des minorités, ce n'est pas la responsabilité des fonctionnaires ou des officiers de commissions scolaires.

M. LE PRESIDENT: Je remercie l'Association des éducateurs de l'ouest de Montréal, M. Duhaime, M. Desilets et Mme Sicotte de leur mémoire et soyez assurés que nous allons prendre bonne note de vos recommandations.

M. DUHAIME: Merci.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que M. Chipping, représentant de The Humanist Fellowship of Montreal est ici? Vu que le groupe doit revenir à quatre heures cet après-midi à la suite de l'ajournement d'hier et qu'il n'y a pas d'autres personnes présentes, on pourrait peut-être ajourner après la période des questions.

M. SAINT-PIERRE: Cela me va.

M. TETLEY: M. le Président, je crois que le PACT ne vient pas. The Provincial Association of Catholic Teachers qui n'est pas venue ce matin ne viendra pas cet après-midi, suivant des renseignements de M. le député de Papineau. Je regrette que The Humanist Fellowship of Montreal soit absente mais je suggère qu'on ajourne comme vous l'avez suggéré.

M. LE PRESIDENT: Nous ajournons après la période des questions et nous entendrons la Fédération des travailleurs du Québec, la suite de leur mémoire.

(Suspension de la séance à 11 h 55)

Reprise de la séance à 16 h 20

M. PILOTE (président de la commission permanente de l'Education): A l'ordre, messieurs!

M. CHARRON: Est-ce que le ministre a actuellement une rencontre avec son parallèle au niveau fédéral, M. Gérard Pelletier?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Son 45e parallèle.

M. CHARRON: Si on a quorum, on pourra procéder quand même, parce qu'il est déjà arrivé, lors des séances de la commission, que le ministre n'y était pas et qu'on a procédé quand même. D'autre part, les 71 dynamiques députés libéraux peuvent certainement remplacer le ministre.

M. SEGUIN: Je n'accepte pas qu'on établisse un parallèle entre M. Pelletier et le ministre de l'Education. Certainement pas. Si on veut procéder, oui. Mais le ministre arrivera lorsqu'il sera libéré de ses engagements, et sans considération à ce qu'il y ait un parallèle établi entre M. Pelletier et M. Saint-Pierre.

M. CHARRON: Pourquoi pensez-vous qu'il le rencontre d'abord?

M. SEGUIN: Je n'ai pas questionné le ministre sur son absence et je trouve malvenu qu'un autre s'interroge sur son absence.

M. CHARRON: Je vais vous dire pourquoi il le rencontre, c'est parce qu'ils sont en train de discuter du programme Perspectives-Jeunesse...

M. SEGUIN: Si vous êtes si bien renseigné, je demande tout simplement qu'on procède et sans faire allusion à l'absence du ministre.

M. CHARRON: Très bien.

M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Daoust, de la Fédération des travailleurs du Québec.

Fédération des travailleurs du Québec (suite)

M. DAOUST: Merci, M. le Président. Je vais donc maintenant commenter...

M. CARDINAL: Est-ce que vous pourriez, pour des raisons techniques, approcher le microphone devant vous, parce que nous ne vous entendons point?

M. DAOUST: Parfait.

M. LE PRESIDENT: Il avait été entendu hier, M. Daoust, que l'on vous consacrerait une demi-heure et qu'on passerait à d'autres mémoires.

M. DAOUST: Parfait. Je vais donc lire les recommandations, quitte à écourter les remarques à l'égard de chacune d'entre elles. Je suis toujours à la page 23 de notre mémoire. Recommandation 2.1: Des garanties antidémocratiques et inutiles: A) Que les dispositions du projet de loi 28, article 583, permettant au gouvernement d'ajouter deux commissaires aux commissaires démocratiquement élus par la population soient supprimées.

M. SAINT-PIERRE: J'ai indiqué à plusieurs reprises publiquement — je le répète, si cela pouvait satisfaire le groupe — que le gouvernement avait l'intention de supprimer cela. Le désir du gouvernement était de donner une voix à la minorité qui pouvait se retrouver à l'intérieur d'une commission scolaire unifiée sans aucun commissaire; c'était plutôt la possibilité pour la minorité linguistique de savoir ce qui se passe à la commission scolaire. Devant les représentations comme celle de votre groupe, nous avons décidé d'amener plutôt deux observateurs. Ce serait le sens des amendements.

Je voudrais savoir ce que vous en pensez de nommer deux observateurs, lorsque la minorité n'a aucun représentant, qui auraient tous les droits et pouvoirs des commissaires sauf le droit de vote.

M. CARDINAL: Un instant, M. le Président. Avant que M. Daoust ne réponde, est-ce que le ministre pourrait répondre à une question sur ce point? Hier matin, si mes souvenirs sont bons, le ministre m'a dit que les amendements dont il avait déjà parlé en présence d'un journaliste n'étaient pas les amendements du gouvernement mais des intentions plus ou moins précises du ministre. Aujourd'hui, il vient nous dire très clairement que sur ce point il apporte un amendement. Est-ce que c'est un amendement du gouvernement ou du ministre?

M. SAINT-PIERRE: Non, je pense que c'est un amendement qui a l'accord du cabinet. Je pense que celui-là est plus précis que d'autres que nous analysons mais celui-là d'une façon assez claire puisque le but du gouvernement n'était pas de fausser la démocratie mais donner à la minorité une voix au chapitre. Parce qu'il nous semblait qu'il né pouvait rien y avoir de plus frustrant pour une minorité linguistique que de n'avoir aucun représentant au sein de la commission scolaire et d'avoir l'impression qu'il se passe des choses dans son dos, qu'elle n'est pas au courant. Et je reconnais la justesse de vos propos.

Je demandais simplement si le gouvernement retenait comme amendement à la loi le fait, au lieu de nommer deux commissaires supplémentaires, de nommer deux observateurs choisis parmi les comités de parents et qui auraient tous les droits et pouvoirs des commissaires sauf le droit de vote. Est-ce que d'après vous ça pourrait, d'une part, peut-être satisfaire les droits légitimes d'une minorité de savoir ce qui

se passe à la commission scolaire et, d'autre part, de respecter la démocratie, c'est-à-dire que le vote se prendrait uniquement par ceux qui ont été élus par les gens de la commission scolaire?

M. DAOUST: Comme point de départ, pour nous, disons que sans aucun doute c'est une amélioration à la loi que de retrancher cette disposition dans le projet de loi. Par ailleurs, nous pensons à la FTQ qu'il faut faire confiance au milieu. Et je ne crois pas — c'est ma première réaction — qu'il soit essentiel que des observateurs soient là et jouent le rôle plus ou moins de la conscience de ceux qui seront absents. Je pense qu'il faut se fier au processus démocratique. Il faut éviter de débalancer un groupe — ils seront une quinzaine — par la présence de deux autres personnes même si elles n'étaient là qu'à titre d'observateurs. Vous avez mentionné qu'ils auraient droit de voix au chapitre dans une certaine mesure, droit de parole tout au moins, enfin une voix délibérante sans que sur le plan des décisions ils soient appelés à se prononcer.

Je pense que ce serait un élément de lourdeur dans une certaine mesure sur le plan des procédures et du fonctionnement des commissaires en assemblée, en session publique ou bien en session, ce que l'on appelle à la CECM et peut-être dans d'autres milieux, en session de comité plénier. Mais, comme point de départ, c'est sans aucun doute une amélioration.

L'on aurait peut-être souhaité que l'on fasse carrément et complètement confiance au milieu et que l'on ne se mette pas à sous-peser la représentativité ethnique ou linguistique de quinze personnes. Vous savez, l'on peut être représenté de temps à autre par des anglophones, je ne dis pas cela d'une façon sarcastique, ces derniers pouvant comprendre très bien le point de vue des francophones. Par ailleurs, on peut penser à être représenté par des francophones qui peuvent carrément oublier les points de vue de leur groupe linguistique ou de leur milieu à eux.

Alors, nous, notre thèse de fond, c'est que nous voulions faire confiance au milieu. Il y a quinze personnes qui seront élues et il y aura toutes sortes de tendances inévitablement. C'est un milieu pluraliste que Montréal, sur tous les plans. Je pense bien que l'on retrouvera là une espèce d'éventail du milieu montréalais. Mais, encore une fois, comment peut-on évaluer quinze personnes si, surtout dans certains quartiers; une telle est plus anglophone ou plus francophone? Qu'est-ce que nous allons faire des Néo-Québécois qui seront élus et qui peuvent parler français mais qui envoient leurs enfants dans des écoles anglaises? Cela sera passablement compliqué, je pense, pour le législateur.

C'est pour cela que l'on optait carrément pour la non présence, ou du moins la non-élection ou la non-désignation plutôt de commissaires par le gouvernement.

M. CARDINAL: C'est très bref. Je rejoins, sur ce point, M. Daoust. C'est qu'il m'apparaît assez surprenant — et le président et le ministre me connaissent assez pour savoir que je dis cela en toute objectivité — qu'un gouvernement qui vient d'abolir les comtés protégés — ils étaient un accroc à la démocratie dans le fond, on ne leur a pas fait confiance — viennent, par une autre loi établir cette fois-ci des commissions scolaires protégées, "dans un sens", que les gens soient observateurs ou qu'ils soient commissaires.

M. DAOUST: Chez nous, c'est peut-être un peu plus profond. L'on voit là une reconnaissance d'une forme de bilinguisme institutionnel. C'était beaucoup plus précis dans ce projet de loi mais la seule présence d'observateurs, cela nous semble à nous — et je pense que la thèse de fond de la FTQ est encore soutenable — que l'on voudra maintenir cette forme de bilinguisme institutionnel contre lequel nous nous élevons, nous autres tout au moins, à la FTQ.

M. SEGUIN: M. le Président...

M. SAINT-PIERRE: Même si votre papier à lettre est bilingue.

M. DAOUST: C'est très bon, j'ai souligné ça ce matin et je pense bien que ce sera corrigé assez rapidement.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Robert-Baldwin.

M. SEGUIN: Il s'agirait tout simplement de ne pas m'accorder avec M. Daoust... comme étant une correction valable, mais plutôt je sollicite et je souhaite qu'on continue le bilinguisme sur son papier à lettre.

Je voudrais demander à M. Daoust s'il a un commentaire à faire, par exemple, pour quelqu'un comme moi représentant un secteur de la province, l'ouest de l'île de Montréal, où la population est probablement à 85 p.c. de langue anglaise. Donc si je protège une minorité ou si je parle pour une minorité à l'intérieur de la province même, je dois quand même représenter aussi la minorité à l'intérieur de mon comté. Vous voyez, ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre, je pense, en toute justice. Alors, je vois mal qu'à l'intérieur d'un comté ou d'une région qui représente la troisième et la quatrième plus grosse commission scolaire dans l'île de Montréal: la commission scolaire West Island Regional et la commission scolaire. Baldwin-Cartier... Alors, elles viennent, au point de vue de nombre et de valeur, de grosseur ou de grandeur, les troisième et quatrième à peu près, venant tout de suite après le Greater Montreal School Board et la Commission catholique de Montréal. Alors, votre opposition selon vos énoncés, quelle serait-elle si vous étiez à mon endroit, représentant une minorité à l'inté-

rieur de la province mais d'un autre côté voulant défendre les intérêts d'une minorité à l'intérieur d'une région? Est-ce que vous seriez satisfait, vous, M. Daoust, d'accepter qu'il y ait des observateurs ou que réellement le gouvernement assume ses responsabilités afin de voir à ce que cette minorité soit réellement représentée dans les décisions qui devront être prises au niveau de la commission locale? Ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre. What is good for the goose is good for the gander, comme on dit en anglais.

M. DAOUST: Oui, mais comme député d'un comté québécois, vous représentez...

M. SEGUIN: Je représente d'abord mon comté.

M. DAOUST: Je pense qu'il en sera de même dans une large mesure pour les commissaires. Il y en aura quinze par commission scolaire et l'ensemble de ces derniers représentera la population de cette commission scolaire.

Ils seront élus démocratiquement; et je pense que, nous,nous avons surtout voulu éviter qu'il y ait deux types de commissaires: les vrais, les authentiques, ceux qui émanent de la population et qui en sont le reflet dans une large mesure, et d'autres qui seraient là artificiellement, par une décision gouvernementale, et qui représenteraient la minorité ou les minorités ethniques ou linguistiques. Je pense que ces gens-là, d'abord, seraient défavorisés et puis c'est une façon de donner un vote de non-confiance à l'égard de ceux qui ont été élus démocratiquement. Si la population de l'ouest de Montréal, cette région no 10 dans les nouvelles commissions scolaires décidait globalement de désigner ou de déléguer quinze commissaires anglophones, c'est leur droit le plus strict. Cela nous prouvera à nous que le découpage de la carte en onze commissions scolaires a peut-être été quelque peu faussé. D'ailleurs, on ne connaît pas tellement les critères — on l'a mentionné hier — qui ont pu présider au découpage de cette carte en onze régions et, dans certains cas, comme on l'a mentionné, je pense que nous l'avons mentionné hier abondamment, cela veut dire que dans quelques années il y aura quatre commissions scolaires sur onze qui seront à peu près inévitablement contrôlées, ou du moins, dont la majorité des commissaires seront anglophones. Et cela nous inquiète.

M. SEGUIN: Voulez-vous me dire qu'il y a des Québécois qui n'ont pas voix au chapitre? D'après quoi, une langue ou une nationalité?

M. CHARRON : Non, non.

M. SEGUIN: C'est une déduction juste, après ce que j'ai vu.

M. DAOUST: C'est-à-dire que, encore une fois — et je risque de reprendre un peu ce que nous avons soutenu hier — si les Néo-Québécois n'avaient pas été, par toutes sortes d'incitations, poussés à opter carrément pour le secteur anglophone, ce ne sont pas quatre commissions scolaires anglophones qu'on risquerait de trouver dans quelques années, c'est peut-être une, peut-être deux; en fait, il y a toute cette population qui n'est ni anglophone, dans le vrai sens du mot, ni tellement francophone, malheureusement pour nous.

M. SEGUIN: Une population canadienne mais d'expression française ou anglaise.

M. DAOUST: Et québécoise. Oui.

M. SEGUIN: Maintenant, voici ce qui arrive, on ne répond pas carrément à ma question, c'est que les 16 p.c. ou les 15 p.c. de la minorité dans ce secteur-là, qui tout à fait naturellement, d'après des élections qui sont très démocratiques, risqueraient de ne pas être représentés, est-ce qu'à ceux-là on dit, comme aux gens du Manitoba ou du Nouveau-Brunswick ou d'ailleurs au Canada: C'est bien regrettable mais vous demeurez dans un secteur. Malheureusement les gens n'ont pas voté pour vous. Est-ce que vous considérez que cette approche-là est juste.

M. DAOUST: Avec un découpage d'une commission scolaire en quinze grands morceaux, morceaux moyens, inévitablement les chances sont qu'on va retrouver encore une fois cet éventail de la population mais, si on ne retrouve pas de francophones ou d'anglophones, ce n'est pas fausser le jeu de la démocratie. S'il n'y a pas de francophones ou s'il n'y a pas d'anglophones, c'est la réalité.

M. SEGUIN: M. le Président, je trouve tout simplement et je m'excuse, M. le ministre, que le débat est chargé de problèmes linguistiques et qu'on n'est pas tellement intéressé à l'éducation des enfants. C'est la conclusion que je fais de ce débat.

M. SAINT-PIERRE: M. le Président, peut-être pourrait-on terminer sur cela? Le point est que si on pense justement à la commission scolaire de l'ouest, une fois que le législateur et les groupes comme vous et le Parti québécois, comme l'Union Nationale, acceptent le principe de la commission scolaire unifiée. Il faut aussi regarder que, dans un deuxième temps et prenons strictement la commission scolaire de l'ouest, no 10, que là avec 15 p.c. de francophones et tenant compte que cette population francophone n'est pas concentrée mais qu'elle est un peu disséminée sur le territoire, eh bien les chances sont qu'il n'y ait aucun francophone qui soit élu commissaire. C'est possible, probable même qu'aucun francophone soit élu commissaire à la commission scolaire unifiée que nous voulons tous. Là on se dit que pour les

15 p.c de la population francophone, qui a quinze commissaires anglophones dans un système que la majorité francophone s'est donnée — et c'est le même cas qui pourrait jouer dans l'est de l'île de Montréal en sens inverse — on dit: Est-ce qu'il n'est pas normal, est-ce que le système en vue des jeunes, en vue de ceux qui sont dans les systèmes scolaires, est-ce que cela ne pourrait pas fonctionner mieux si la minorité francophone dans l'ouest avait au moins, comme je l'ai dit, deux observateurs qui au moins sont au courant de ce qui se fait à la commission scolaire, savent qu'il y a une procédure, qu'on va embaucher des enseignants, quels sont les critères qu'on retient? Cela est un cas réel; une fois qu'on accepte la commission scolaire unifiée, une fois qu'on l'accepte comme l'ont mentionné plusieurs groupes, il semble se dégager un certain consensus, que les pouvoirs devraient être près de la population pour refléter ses aspirations.

Donc, enlever les pouvoirs au conseil scolaire et les donner à la commission scolaire unifiée. Mais là, il faut aussi reconnaître dans un deuxième temps qu'on expose, dans la province de Québec, 15 p.c. de la population francophone de l'ouest de l'île de Montréal à n'avoir aucun représentant à sa commission scolaire.

M. CHARRON: M. le Président, si M. Daoust me le permet, en prenant les mêmes termes que le ministre vient de développer, une fois que les quatre partis autour de la table ont accepté le principe d'une commission scolaire unifiée, on ne devrait pas s'appliquer à en fausser la réalisation et à en fausser l'objectif à l'aide d'une série de garanties que le mémoire de la FTQ appelle antidémocratiques et inutiles.

M. SAINT-PIERRE: Bien, je ne vois pas...

M. CHARRON: On ne vise pas à faire de chacune des onze commissions scolaires de Montréal un sénat où les deux groupes importants, sur le plan linguistique, à Montréal seraient obligatoirement représentés. Ce n'est pas ça l'objectif d'une commission scolaire, être une espèce de balance entre les groupes linguistiques puis là où la balance est vraiment trop défavorable, il y a des mesures particulières pour venir les aider. Ce n'est pas ça l'ambition d'un système de commission scolaire.

Pour répondre au député de Robert-Baldwin, qui est en train de fumer son joint dans le coin, c'est justement à cause de l'éducation des enfants et non pas à cause du problème linguistique. Si on ne parlait que du problème linguistique, on demanderait à chacune des onze commissions scolaires d'être le représentant sept-sept de chacun des groupes par exemple ou parallèles, mais c'est parce que la première fonction, la toute première fonction est d'assurer une éducation de qualité, comme le dit l'article 587 de la loi actuelle. On n'a pas d'affaire à ajouter des garanties pour un groupe ou l'autre.

Depuis tantôt, le ministre, depuis le début du dépôt du projet de loi, utilise constamment comme exemple les 15 p.c. de francophones de la commission scolaire no 10, mais il y a huit commissions scolaires où ce sont les Anglais qui sont en minorité, là aussi, dans ces cas-là...

M. SAINT-PIERRE: Si nous enlevons le no 10 dans les autres, je ne vois pas de problème, parce qu'il y a suffisamment — peut-être dans l'est avec l'inverse — mais dans le centre-ville, cet article-là ne joue pas. Parce que la population est à 25/75,40/60...

M. CHARRON: Dans combien de commissions scolaires?

M. SAINT-PIERRE: Les concentrations sont suffisamment fortes. Si nous prenons la commission scolaire no 2, c'est évident que dans Outremont qui va être un, deux ou trois quartiers, ça va être des commissaires francophones. C'est également évident que dans Snowdon ou dans Côte-des-Neiges ou dans Côte-Saint-Luc ça va être des commissaires anglophones, et nous sommes certains que l'article ne joue pas; l'article a des chances de jouer dans la commission scolaire no 10 pour les francophones et dans la commission scolaire no 9, pour les anglophones.

Ce sont les deux seuls endroits.

M. CHARRON: Est-ce qu'il y a un vote en Chambre?

M. LE PRESIDENT: Veuillez vous informer s'il y a un vote en Chambre s'il vous plaît, parce qu'on n'entend plus sonner la cloche. M. Daoust.

M. SAINT-PIERRE: Vous me permettez peut-être une question. Pourquoi dites-vous en page 6 de votre mémoire, ça ne se réflète pas à la fin, après avoir fait cet aveu de confiance à la démocratie que vous venez de faire, que "le travail de délimitation des quartiers ne devrait pas être confié à des personnes élues comme le mentionne le projet de loi 28, mais plutôt à un comité de spécialistes"...

Est-ce que, ce sont des spécialistes qui vont imposer des quartiers à des gens élus si on fait confiance à la démocratie ou si ce sont des hommes élus qui confient à des spécialistes la première tâche à partir de certains critères, afin d'en arriver à des suggestions?

M. DAOUST: Oui.

M. LE PRESIDENT: Je demanderais à M. Daoust de prendre note de la question du ministre, nous sommes obligés de nous retirer, on a un vote et on revient dans... Ah bon! Il n'y a pas de vote, d'accord, nous pouvons continuer.

M. CHARRON: Fausse alarme.

M. LE PRESIDENT: C'est une fausse alarme.

M. DAOUST: Ecoutez, le premier découpage des quartiers est fait par le conseil scolaire. Par la suite, chacune des commissions scolaires pourra, si elle le juge à propos, procéder à des chambardements dans le découpage de ces quartiers et ça, on ne le souhaite pas trop. Vraiment, on voulait que soit dégagé des commissions scolaires ce droit de pouvoir procéder à un découpage à l'intérieur d'une commission scolaire.

Quand on parle d'un comité de spécialistes, inévitablement, on le voyait rattaché au conseil scolaire qui lui, tout de même, est un organisme qui émane des commissions scolaires et des gens qui sont élus. Lui pourrait, par la suite, donner son approbation à l'égard de tel ou tel type de découpage.

M. SAINT-PIERRE: Et c'est le conseil scolaire qui prendrait la décision?

M. DAOUST: Oui.

M. SAINT-PIERRE: Et non des spécialistes qui...

M. DAOUST: Non, sûrement pas. En dernière analyse, ce serait vraiment rattaché au conseil mais la décision finale appartiendrait au conseil. C'est peut-être un peu équivoque dans notre texte mais on n'a pas voulu laisser le soin à un seul comité de spécialistes.

M. PICARD: J'aurais une remarque à ce sujet-là, je pense que la recommandation de M. Daoust est très valable si l'on considère qu'actuellement il y a la commission de la réforme électorale, alors que les députés voulaient se charger du découpage de la carte, quant à nous, nous avons décidé nous-mêmes que nous ne pouvions pas nous faire confiance et nous l'avons donné à une commission indépendante.

Je pense que, dans le cas de la division des quartiers à l'intérieur d'une commission scolaire, on ne doit pas laisser ça entre les mains des personnes en place, car elles pourraient découper les quartiers à l'intérieur de la commission scolaire de façon à se faire réélire. On donne ça à une autorité supérieure qui serait, en l'occurrence, le conseil scolaire.

M. DAOUST: On ne voudrait pas qu'on puisse perpétuer un mauvais découpage, que des gens élus à la suite de ce découpage soient à ce point intéressés qu'ils ne souhaitent aucun changement. Cela m'amène à la recommandation 2.2: "Langue de travail au niveau des commissions scolaires et du conseil scolaire".

A) que la langue de travail soit le français dans les commissions scolaires et au conseil scolaire de l'île de Montréal.

Là-dessus, deux mots. Nous croyons que le gouvernement a là l'occasion de préciser sa politique linguistique à la suite de cette restructuration et de décider que la langue de travail, à l'intérieur de chacune des commissions scolaires, la langue de communication, sera le français. Je pense qu'il ne faut pas rater cette occasion-là. Elle est merveilleuse. Elle vous est donnée à ce moment-ci et elle aurait des effets d'entraînement extrêmement importants sur un tas d'entreprises qui sont au Québec ou qui viennent s'y établir. Cette décision est évidemment conforme aux politiques de la FTQ. Nous croyons, encore une fois, que c'est peut-être la première grande occasion, à la suite d'un projet de loi qui chambarde, dans une certaine mesure ou dans une très grande mesure les structures scolaires. C'est la première fois que vous avez l'occasion de plonger et de faire en sorte que le français soit la langue de travail.

Il y aura des milliers et des milliers de salariés d'impliqués: personnel administratif, concierges, enseignants. On peut faire la distinction qu'il ne s'agit pas que les enseignants anglophones soient tenus d'enseigner en français. Ce n'est pas ça que nous voulons dire. Je ne voudrais pas que quelqu'un me souligne que nous sommes contradictoires. Ce n'est vraiment pas ça. Il s'agit du personnel administratif et de tout ce personnel. Il y aurait lieu que le gouvernement, dans l'élaboration d'une telle politique, fixe un échéancier pour faire en sorte que les anglophones unilingues, que l'on retrouve à peu près inévitablement au PSBGM et dans certaines commissions scolaires dans l'ouest de Montréal, puissent assez rapidement apprendre la langue de la majorité et être en mesure de communiquer avec tous les employés, avec le conseil scolaire, dans la langue de la majorité, ici, au Québec.

Pour nous, c'est donc un aspect qui nous semble fondamental à la veille de cette restructuration scolaire.

M. SAINT-PIERRE: M. Daoust, au bas de la page 9 de votre mémoire — cela me surprend parce que vous allez, dans l'autre sens, un peu plus loin que le gouvernement — vous dites: "Dans le système scolaire montréalais, ce qui n'exclut naturellement pas que la connaissance de la langue anglaise soit requise pour plusieurs postes de travail". Or, dans notre législation, dans le moment, il n'y a rien qui exige la connaissance de la langue anglaise pour occuper un poste dans l'administration. Est-ce que c'est le sens de votre mémoire que, compte tenu, comme vous dites après, de l'importante minorité anglophone, qu'il soit requis qu'une connaissance de la langue anglaise soit demandée dans le sens d'une qualification pour plusieurs postes de travail?

M. DAOUST: Dans la législation, vous parlez du bill 28.

M. SAINT-PIERRE: Ou de toute autre légis-

lation. Nous ne sommes pas obligés dans la législation scolaire au Québec, ou même dans le code du travail. J'admets avec vous que le problème n'existait pas. Hier, on a discuté des travaux de la commission Gendron et il m'apparaissait nécessaire, pour moi, d'avoir une approche globale du problème mais on risquait d'avoir une approche partielle si, avant même de terminer cette étape de recherche, on commençait à prendre des mesures. Je reconnais l'urgence du problème. Actuellement, dans notre législation, la connaissance de l'anglais n'est pas requise, n'est pas un facteur de qualification pour occuper un poste quelconque. Dans l'esprit du projet de loi 28, on ne demande à personne d'être obligé de posséder l'anglais pour occuper un poste.

M. CARDINAL: Sauf, M. le ministre, dans certaines lois particulières, comme la Loi du Barreau et la Loi de la Chambre des notaires.

M. SAINT-PIERRE: Je parle de la législation scolaire.

M. DAOUST: L'employeur sera ou bien les commissions scolaires ou bien le conseil scolaire. Ce dernier pourra — comme on le fait à mon sens, je n'ai pas vérifié le PSBGM — exiger la connaissance de l'anglais. Je ne dis pas que cela se fait au PSBGM mais, dans les faits, j'ai la conviction profonde que l'immense majorité du personnel administratif du PSBGM, les secrétaires, les commis, sont surtout anglophones et sûrement même unilingues. Comme l'employeur sera, dans certains cas, la commission scolaire et, dans l'autre cas, le conseil scolaire, même si le gouvernement n'exige pas la connaissance de l'anglais, ces commissions scolaires pourront peut-être l'exiger.

M. SAINT-PIERRE: J'essaie de comprendre. Le sens de votre mémoire, c'est qu'une importante minorité anglophone...

M. DAOUST: Le sens de notre mémoire, c'est pour être conforme avec notre politique linguistique à la FTQ. Il est entendu qu'inévitablement, même si on dit: Ecoutez, la langue de travail c'est le français, que, pour certains postes de travail, il sera essentiel que les personnes qui occuperont ces fonctions connaissent aussi l'anglais, celles qui seront appelées à communiquer avec un public anglophone, ici à Montréal, une clientèle si vous voulez.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce dire que vous reconnaissez que, dans la position de la FTQ, la connaissance de l'anglais est nécessaire pour des cas de promotion? Est-ce que vous reconnaissez que c'est une situation de fait?

M. DAOUST: Non. La FTQ a toujours reconnu que, pour certains postes, le français d'abord doit être exigé mais que, inévitablement, la connaissance de l'anglais est essentielle.

On ne veut pas être aveugle là-dessus, on sait que, dans certaines fonctions de l'entreprise, un type, par exemple, qui est préposé aux ventes à l'extérieur du pays et qui doit transiger avec des Américains ou des Allemands ou des Japonais, qui vend des produits et qui ne les achète pas, devra inévitablement connaître l'anglais. Et ce serait se leurrer que de penser que telle n'est pas la situation.

Mais nous nous sommes toujours élevés contre le fait que les francophones devaient d'abord connaître l'anglais et contre le fait surtout que les anglophones unilingues qui ne parlaient même pas le français détenaient des postes de commande et détiennent des postes de commande dans une série d'entreprises.

Somme toute, dans ce mémoire, nous voudrions qu'il soit bien établi que la langue de travail — que ce soit bien dit, dans une déclaration ministérielle ou dans le projet de loi, ce serait sûrement beaucoup mieux — à tous les niveaux, à tous les paliers de ces différentes structures, soit le français. Encore une fois, pour nous, il y a un effet d'entraînement extrêmement important.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Chicoutimi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En vous écoutant, je me réjouis parce que ce que vous proposez en ce qui concerne l'usage du français dans les mécanismes de cette nouvelle grande commission scolaire de Montréal — enfin, ce que sera l'organisation scolaire de l'île de Montréal — c'est qu'on y fasse du français la langue de travail. C'est un objectif que nous poursuivons et que nous voudrions atteindre dans les délais les plus brefs possible.

Mais je note avec satisfaction — et c'est là que nous nous retrouvons et que je me rends compte que vous avez les mêmes préoccupations que nous — que vous vous inquiétez de l'importante minorité anglophone. C'est là notre problème. C'est là le dilemme dont je vous parlais hier soir, de concilier les objectifs de ce français prioritaire, langue de travail, etc., en même temps que ce respect d'une réalité qui est celle de la présence d'une minorité anglophone quand même importante.

Mais là où la difficulté se présente de façon plus précise et plus aiguë, c'est lorsque les législateurs qui ne peuvent pas simplement parler en termes de principe doivent statuer par voie législative, sur des cas concrets comme ceux-là. Je le disais il y a quelques semaines, lors d'une séance de cette commission, que, personnellement, le cheminement intellectuel que je poursuis toujours ne me faisait pas considérer comme quelque chose d'aberrant la demande qui a été faite par plusieurs organismes, dont le vôtre, que le français soit la langue normale de communication à l'intérieur de ces nouvelles structures de l'organisation scolaire de l'île de Montréal.

Alors, c'est ce que vous proposez. Je me dis

que ce n'est pas aberrant, que c'est un objectif qu'il nous faut atteindre. Mais nous avons — et c'est vous qui nous suggérez d'en tenir compte — à tenir compte de ce que vous appelez l'importante minorité anglophone. Et en vous écoutant, M. Daoust — ce n'est pas un reproche que je vous fais à vous personnellement, je vous connais, je connais votre sincérité et le travail que vous accomplissez — et en écoutant les membres de certaines centrales syndicales qui prêchent pour le français, l'unilinguisme, etc. et qui, d'autre part, font des réserves sur les importantes minorités anglophones, je me dis que vous parlez un peu quelquefois comme des hommes politiques qui sont obligés de flatter deux clientèles à la fois. On reproche aux hommes politiques de flatter les Anglais pour avoir des votes et parfois je me demande si les centrales ne flattent pas les Anglais aussi pour avoir des cotisations.

Je me dis qu'au fond, nous nous retrouvons sur ce plan de l'objectif à atteindre, mais que nous nous posons sincèrement les mêmes questions: Comment y parvenir? En conciliant cette exigence du français prioritaire et, d'autre part, le respect d'une minorité dont vous dites qu'elle est importante.

Moi, je suis moins familier que vous avec le monde scolaire de l'île de Montréal. Je n'aurais pas d'objection, pas du tout, à ce que le français soit la langue de communication. J'y verrais comme vous une force d'entraînement. Sur le plan pratique, n'étant pas dans le milieu et du milieu, je m'interroge sur les difficultés que cela pourrait présenter.

Vous savez, je suis très près de vous à ce point de vue-là, mais, pratiquement, je me pose des questions. Comment cela peut-il fonctionner?

M. DAOUST: Ecoutez, je ne partage sûrement pas votre point de vue en ce qui a trait à ce parallèle que vous avez établi entre les hommes politiques...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne m'y attendais pas.

M. DAOUST: ...et les dirigeants syndicalistes à l'égard de la minorité anglaise, ici, au Québec. Je ne pense pas qu'à la FTQ nous ayons flatté notre minorité anglophone. Je mentionnais, hier, qu'elle est constituée de 20 p.c. de nos membres, dont 9 p.c. sont probablement de véritables anglophones. Loin de là. Je répète, mais fort rapidement, que la FTQ, depuis déjà une dizaine d'années, a abordé ce problème avec énormément de fermeté et n'a jamais eu peur de dire carrément aux anglophones québécois que, selon nous, la langue de travail, mais vraiment à tous les paliers de l'activité économique — et cela englobe vraiment absolument tout — doit être le français. On a suggéré que le gouvernement cesse d'avoir recours à des méthodes polies et incitatrices et décide — vous me permettrez le mot — d'avoir le courage, à un moment donné, d'avoir recours à une législation ou des lois coercitives. Je pense que, lorsque l'on a parlé de cette façon-là, c'est que l'on mesurait tout le drame que connaît le Québec à ce moment-ci et la jeunesse québécoise qui, elle, tout au moins, a décidé de ne plus être complaisante à l'égard du problème linguistique. Nous avons toujours mis en gardé les hommes politiques, nos membres et, enfin, ceux à qui l'on s'adresse, contre toute tergiversation sur le plan linguistique.

Je pense que ce n'est pas tout à fait de la flatterie. Cela nous a valu des lettres, des éditoriaux et cela nous en vaut encore quotidiennement, des attaques de toute nature, à l'égard de nos prises de position là-dessus, tout au moins.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Daoust, vous êtes à cet égard victime, comme je l'ai été moi-même, lorsque l'on me présentait comme un séparatiste.

M. CHARRON: L'on avait sérieusement tort.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je recevais beaucoup de lettres et même des menaces de mort d'anglophones, imaginez. Ils allaient jusque là.

M. CHARRON: M. le Président, je ferai d'abord une remarque à la suite du paragraphe que relevait le ministre de l'Education dans le mémoire. Nous sommes aussi de ceux qui ont préconisé, depuis le début de la commission, à l'instar de nombreux autres groupes, la suppression de l'article des adjoints.

Nous disions, cependant, dans la défense de notre opinion, que cela n'impliquait pas le devoir pour chacun, pour le directeur des services pédagogiques, pour le directeur des services aux étudiants, d'assurer un enseignement de qualité à tous les étudiants de son territoire, sans qu'il y ait d'adjoints reconnus par la loi. Si l'on extrapole un peu, cela voulait dire, comme le soulignait le mémoire de la FTQ, vu l'importance de la minorité anglophone, qu'à mon avis le directeur général de la commission scolaire no 10, fût-il par hasard un francophone — cela me surprendrait à cause de la proportion — ce serait presque une aberration mentale, quant à moi, s'il ne parlait pas anglais pour occuper ce poste, desservant une population de 85 p.c. — c'est cela qu'elle sera dans la commission scolaire no 10 — anglophone. Ce serait une aberration mentale. Encore plus, à mon avis, le directeur des services aux étudiants qui, lui, aura à travailler concrètement avec la clientèle d'expression anglaise. Encore une fois, à ce niveau-là de postes, à cause — je ne sais pas comment s'exprime la FTQ sur cette question — des postes particuliers, de plusieurs postes de travail. Je pense que ceux-là vont

nécessiter une connaissance de l'anglais, parce qu'il n'y a pas une commission scolaire qui n'en aura pas.

Mais, ce que je crains, c'est que la loi, en ne statuant pas d'abord sur la langue de communication à l'intérieur, comme on l'a dit depuis le début, crée, d'une certaine façon, ou officialise le bilinguisme.

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, mais la loi semble reconnaître ce que M. Daoust dit. Ce sont les faits, puisqu'à un certain niveau, vous dites que la connaissance au Québec, la connaissance du français, vous la souhaitez pour tous, incluant les anglophones, et je suis avec vous. Vous dites à partir d'un certain niveau, dans le secteur privé et, on pourrait faire le même parallèle dans le secteur public, si on pense aux congrès pancanadiens, aux congrès internationaux qui peuvent se dérouler dans le monde de l'éducation. A partir d'un certain niveau, la connaissance de l'anglais est nécessaire. Cela ne correspond-il pas à dire, que dans votre pensée, dans les faits, même avec des changements, à partir d'un certain niveau, il y ait une espèce de bilinguisme? Comme quelqu'un disait hier: En Europe, ça prend trois langues pour se débrouiller. Si on n'a pas trois langues...

M. CHARRON: Non, mais, M. le ministre, cela n'est pas tellement...

M. SAINT-PIERRE: Et moi, je m'excuse, je voudrais seulement compléter. On dit que, dans les faits, il y a une connaissance de deux langues. Mais dans un secteur aussi vital que celui de l'éducation, qu'est-ce qu'on fait? On prend deux entités qui ont été complètement séparées: le monde anglophone protestant et le monde catholique, surtout avec la CECM, où il y a énormément d'unilingues dans les deux camps. On tente de faire travailler ensemble ces ressources humaines disponibles. On dit que, dans un premier temps, compte tenu que les lois peuvent changer, dans les endroits névralgiques, programmes, services aux étudiants, services du personnel, non pas un dédoublement de structures, on doit s'assurer qu'un des deux postes, le supérieur ou son adjoint, que l'un des deux...

M. CHARRON: Je ne reviens pas à l'article des adjoints. J'ai évoqué cela pour nommer les postes importants où, à mon avis, à cause de l'importance de la minorité anglophone et de l'importance du poste, la connaissance des deux langues pouvait être éminemment souhaitable. Mais, je disais que le fait que la loi ne statue pas véritablement sur la langue de travail à l'intérieur de la structure scolaire impose le bilinguisme à un nombre autrement considérable de postes qu'à ceux où on serait justifié de les attendre.

Le fait que les citoyens pourront communiquer dans la langue de leur choix, avec la structure scolaire à tous les niveaux, que ce soit à partir du concierge de l'école, à aller jusqu'au président du Conseil scolaire de l'île de Montréal, que le bilinguisme soit reconnu comme tel, va imposer à un nombre considérable d'endroits où on ne serait pas en mesure de l'attendre, où l'on n'est pas obligé de l'attendre au Québec, ce bilinguisme: chez tout le personnel de bureau, tous les secrétaires, tous ceux qui auront à répondre à la population, même ceux qui n'ont pas à défendre de politique. Le directeur général d'une commission scolaire qui va rencontrer un groupe de parents anglophones, il est souhaitable qu'il parle anglais, il occupe un poste mais sa secrétaire, à son bureau, on n'a pas d'affaire à le lui imposer à elle. Le concierge de l'école, le personnel administratif, le personnel de la marchandise, le personnel du service des achats, on n'a pas d'affaire à leur imposer à eux.

M. SAINT-PIERRE: Et pourquoi leur imposerait-on?

M. CHARRON: Parce que la loi ne le statue pas actuellement.

M. SAINT-PIERRE: Je ne suis pas d'accord.

M. CHARRON: M. le ministre, quand vous disiez tantôt, en première objection au rapport de la FTQ, que la FTQ allait moins loin que le gouvernement va actuellement, puisqu'il n'impose la connaissance de l'anglais nulle part, est-ce que vous seriez prêt à vous opposer à une réglementation qui, dans une des onze commissions scolaires, obligerait le personnel de tout acabit à être bilignue, comme cela se produit à la commission Baldwin-Cartier actuellement?

M. SAINT-PIERRE: Je serais contre cela, moi.

M. CHARRON: Vous seriez contre! Vous seriez prêt à dénoncer cette obligation-là qu'on ferait à n'importe quel poste. J'admets qu'à des postes plus importants, c'est éminemment souhaitable — comme je vous l'ai dit tantôt — nous ne sommes pas naifs à ce point. Mais, toute obligation à être bilingue pour occuper un poste dans la structure scolaire de Montréal vous la dénonceriez?

M. SAINT-PIERRE: Je la dénoncerais, et d'autant plus que si le législateur l'avait voulu, il l'aurait mise dans la loi. Alors, s'il ne l'a pas mise dans la loi, c'est qu'on revient à l'argument de tantôt, on fait confiance qu'il y aura des solutions différentes d'un endroit à l'autre et qu'on fait confiance aux solutions.

M. CHARRON: Le ministre sait trop bien qu'à tous les groupes anglophones qui sont venus témoigner, j'ai posé la question à chaque fois.

M. SAINT-PIERRE: Mais, là, vous ne parlez pas des groupes anglophones.

M. CHARRON: Ils s'attendent très bien à ce que la structure soit parfaitement bilingue, d'un bout à l'autre.

M. SAINT-PIERRE: Ah non! Je m'excuse.

M. CHARRON: Et quand ils occuperont les postes de responsabilité, à l'intérieur des commissions scolaires, une des premières choses qu'ils exigeront du personnel de ces commissions scolaires, ce sera d'être bilingue. Si vraiment vous défendez cette position-là, pourquoi ne seriez-vous pas prêt à l'inclure avec un amendement dans la loi?

M. SAINT-PIERRE : Pour les mêmes raisons que, abordant partiellement ce problème de langue, je ne voudrais pas après cela que des gens disent: C'est ça la politique linguistique du gouvernement? Je vous ai dit hier qu'il me semble plus logique...

M. CHARRON: Mais votre collègue des Affaires culturelles n'a pas attendu le rapport Gendron pour dire qu'il annoncerait en Chambre cet après-midi des mesures...

M. SAINT-PIERRE: Mais là, c'est différent, sur le multiculturalisme, là, on est rendu à...

M. CHARRON: Non, non, c'est l'Office de la langue française avec le français langue de travail dans les industries; il a pris des mesures qu'il a annoncées en Chambre cet après-midi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Il a complété celles que j'avais mises en place.

M. CHARRON: Vous pouvez en prendre ici dans cette mesure-là. Il suffit de dire qu'on ne peut pas exiger le bilinguisme.

M. LE PRESIDENT: Un à la fois, s'il vous plaît!

M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, M. le député de Saint-Jacques, mais lui, il n'a pas pris ça dans un projet de loi. Je trouve que dans un projet de loi on risque que ce soit tellement fragmentaire, que ça puisse être mal interprété. Mais il y a des mesures qui sont prises et qui, il me semble, indiquent très clairement dans quel sens on s'en va. Exemple: toute la correspondance officielle et non officielle qui se fait, la correspondance de toute sorte qui se fait dans le moment même avec le PSGBM à partir du ministère de l'Education se fait en français.

UNE VOIX: Même la FTQ.

M. SAINT-PIERRE: Je veux dire que ce n'est pas inscrit dans les textes de loi qu'on est obligé de répondre; on ne fait pas du bilinguisme, nous on écrit des lettres en français aux commissions scolaires, même anglaises.

M. CHARRON: Quand un citoyen va écrire pour demander une information à la commission scolaire...

M. SAINT-PIERRE: Ah! un citoyen, c'est différent.

M. CHARRON: ... et que l'individu qui occupe le poste en titre doit répondre, est-ce qu'il va répondre en anglais ou en français à la personne qui lui a écrit?

M. SAINT-PIERRE: Moi, je vois une différence au Québec à savoir quelle doit être la langue utilisée, entre les institutions publiques, que ce soient les commissions soclaires, les villes et le gouvernement, et un citoyen. Lorsqu'on parle d'un citoyen devant sa commission scolaire, qui, lui paie des taxes et qui veut avoir une information, il me semble que là, à moins que l'on change les règles du jeu, le citoyen a le droit de s'exprimer dans sa langue et d'avoir une réponse dans sa langue. Mais pour l'institution qui est anglaise, c'est différent.

M. CHARRON: Est-ce que c'est pour les communications?

M. SAINT-PIERRE: Dans le moment, je m'excuse, la politique que nous suivons est celle-ci: Si une commission scolaire anglophone nous écrit, nous répondons en français; mais si un anglophone nous écrit pour dire: Qu'est-ce que je fais pour que ma fille obtienne une bourse? On lui répond en anglais.

M. CHARRON: Mais n'a-t-il pas été décidé par votre propre gouvernement que les communications du gouvernement avec ses citoyens seraient en français?

M. SAINT-PIERRE: Non, pas avec les citoyens. Il a été décidé par notre propre gouvernement — c'est en sept points, je ne voudrais pas les citer — par le conseil des ministres que les communications avec les citoyens qui sont des résidants du Québec se retournent dans la langue du résidant, français ou anglais, mais que les communications avec les institutions se font dans la langue française.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Jacques-Cartier.

M. MARCHAND: M. le Président, est-ce que vous pourriez demander au député de Saint-Jacques s'il est bilingue?

M. SEGUIN: Il a appris son anglais dans Baldwin et son français ailleurs.

M. MARCHAND: Est-ce que le député de Saint-Jacques pourrait répondre s'il est bilingue? Est-ce que je pourrais demander au député de Saint-Jacques s'il est bilingue?

M. CHARRON: Oui, j'ai vécu trois ans au Canada.

M. SEGUIN: 19 ans dans Baldwin.

M. MARCHAND: Je sais que le député de Saint-Jacques est bilingue et je me demande pourquoi il ne veut pas par exemple que les jeunes apprennent l'anglais pour être bilingues. Quand même — et il ne s'agit pas seulement de l'anglais — être biculturel c'est une formation additionnelle.

M. CHARRON: C'est un abâtardissement des deux cultures.

M. MARCHAND: Alors pourquoi dites-vous cela? Si vous, vous l'avez appris pourquoi voulez-vous empêcher les autres de l'apprendre?

M. LE PRESIDENT (Pilote): La parole est au...

M. CHARRON: Regardez, le député de Robert-Baldwin, il n'est ni anglais ni français.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. MARCHAND: Je ne permets pas. Il n'est pas question de cela, je pense que votre réponse n'est pas juste, moi je suis bilingue et je suis Canadien français autant que vous. Je ne suis pas contre le fait que le Canadien français soit bilingue, parce que je pense que cela lui donne des occasions d'avoir des responsabilités plus grandes dans les grandes compagnies qui existent au Canada, au Québec et un peu partout dans le monde. Sans cela, jamais nos Canadiens... Lorsque l'on demande à nos jeunes d'être unilingues, on leur demande de rester au Québec, puis d'être dans des petits blocs fermés, étroits comme cela. Je pense que s'ils veulent être bilingues, on leur demande souvent d'être trilingues. Si tu veux entrer dans une compagnie comme Air Canada, tu dois être bilingue, trilingue et tu avances plus vite. Je pense que c'est là que l'on va former nos Canadiens français et non pas en les limitant à une langue. Je suis pour le français d'abord, mais je pense que se battre contre le bilinguisme, c'est se battre contre nous.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: M. Daoust, si vous me le permettez, je pense bien que je puis vous poser cette question, vu enfin que les syndicats sont des corporations publiques. Vous travail- lez, je suppose, au niveau de la direction de la FTQ, en français?

M. DAOUST: Oui. Evidemment.

M. SAINT-GERMAIN: Mais est-ce que, dans votre constitution ou dans vos règlements, il y a une obligation de délibérer en français?

M. DAOUST: Vous parlez des congrès et des assemblées de la FTQ?

M. SAINT-GERMAIN: Je parle des assemblées de l'exécutif, des réunions que vous avez au point de vue administratif.

M. DAOUST: Dans les statuts de la FTQ, il est mentionné que la langue officielle de la FTQ est le français.

Maintenant quant aux délibérations de la FTQ, si un délégué anglophone adresse la parole, évidemment il peut le faire en anglais.

M. SAINT-GERMAIN: Vous avez des représentants qui, je le suppose bien, représentent les minorités anglophones au niveau de votre exécutif?

M. DAOUST: Les assemblées du conseil général de la FTQ, du bureau de la FTQ, les discours en congrès et les principales interventions, sauf celles qui sont faites par les délégués anglophones, sont faites en français. L'ensemble de nos délibérations se fait en français.

M. MARCHAND: Acceptez-vous les cotisations d'un anglophone?

M. SAINT-GERMAIN: Est-ce que vous avez quelque chose dans vos...

M. DAOUST: On accepte les cotisations de tous nos membres.

M. SAINT-GERMAIN: Mais, est-ce que vous avez dans vos règlements ou dans votre constitution quelque chose qui dit que vos délibérations ou la langue de travail est le français?

M. DAOUST: Non.

M. SAINT-GERMAIN: Bon, mais elles se font effectivement en français?

M. DAOUST: Oui.

M. SAINT-GERMAIN: Alors, pourquoi croyez-vous qu'au niveau des commissions scolaires, du conseil de l'île et ainsi de suite, on n'en arrivera pas à avoir le français comme langue prioritaire sans nécessairement le mettre dans la législation ou dans les règlements puisque la FTQ est arrivée au même résultat sans législation et sans règlement.

M. DAOUST: La FTQ n'est pas un employeur comparable à la Sun Life, à la Union Carbide ou à la GM. C'est un employeur microscopique comparé à ceux que je viens de mentionner et microscopique comparé à ce que seront divers employeurs et diverses commissions scolaires de l'île. La réalité on la connaît, on va retrouver dans un personnel administratif du PSBGM, ou du West Island, ou de je ne sais trop où, des centaines et des centaines de sténodactylos, de dactylos, de secrétaires, ou de commis qui depuis toujours inévitablement ont travaillé en anglais, qui sont unilingues dans l'immense majorité des cas. Et là, à la suite d'un tel regroupement, on va retrouver des chefs de services et des surintendants, des contremaîtres qui sont unilingues anglais, un peu comme dans l'entreprise... La langue de travail de ces gens-là sera la langue de travail de ceux qui sont au pouvoir, comme on le mentionnait hier, de ceux qui détiennent les postes de commande. C'est cela la terrible réalité. Le travailleur, le concierge, si son surintendant est anglophone, quand il va s'adresser à lui et, si ce dernier est unilingue surtout, il va parler en anglais. Alors on dit que là vous avez, nous avons la collectivité, l'occasion merveilleuse de prendre une décision qui aura des effets d'entraînement et de donner un avertissement à GM, à toutes ces grandes entreprises qu'on retrouve au Québec, en leur disant : Ecoutez, on va établir un modèle qui va montrer comment cela peut fonctionner, on va se fixer des échéanciers, on va faire en sorte que la langue de travail soit le français. Cela n'empêche pas qu'à un certain moment, inévitablement, il y aura des gens bilingues, ce n'est pas l'unilinguisme, vous nous faites dire et vous nous imputez des pensées qu'on n'a pas. Ce n'est pas l'inilinguisme...

M. SAINT-GERMAIN: Non, non je ne veux pas... excusez-moi...

M. MARCHAND: On voulait vous faire dire votre vraie pensée.

M. SAINT-GERMAIN: Non, excusez moi, M. Marchand, ce que je voudrais... excusez-moi...

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Jacques-Cartier.

M. SAINT-GERMAIN: Je comprends très bien qu'on ne peut certainement pas comparer la Royal Trust, ou la Northern Electric, ou les gros employeurs à la Fédération des travailleurs du Québec, mais l'importance que vous avez ne vient pas du fait que vous êtes employeur, c'est comme syndicat que vous avez une importance dans le Québec et que vous jouez un grand rôle. C'est la même chose pour les commissions scolaires; la commission scolaire ou les commissions scolaires ne seront pas importantes dans l'île de Montréal, comme employeurs elles seront importantes comme vous par les services qu'elles rendront au public comme votre organisation d'ailleurs. Puisque dans votre propre organisation, où il y a une grosse minorité de langue anglaise, comment êtes-vous arrivés sans soulever de passions et d'une façon logique, sans règlement, sans législation à avoir comme langue de travail le français? Pourquoi croire ou désespérer qu'au niveau des commissions scolaires on n'arrivera pas au même but et probablement pour les mêmes raisons que vous?

Il ne faut pas oublier tout de même une chose. Prenez mon cas, je représente un comté qui est aussi bien de langue anglaise que de langue française et je suis directement responsable à la population. Je sais pertinemment qu'un projet de loi comme le bill 28, quelle qu'en soit la qualité, si les gens ne veulent pas travailler ensemble, ne fonctionnera pas. Je sais pertinemment que, même si le projet de loi 28 n'était pas parfait, si les gens veulent coopérer et veulent travailler ensemble, il y aura des résultats positifs. Mais pourquoi exiger de moi que je soulève des doutes sur les buts que nous voulons atteindre avec ce projet de loi en mettant immédiatement dans la loi ou dans les règlements une limite à leur liberté culturelle de façon à créer des doutes, des antipathies et des craintes?

Je suis directement responsable devant la population, ce que votre président ou les membres de votre exécutif ne peuvent pas dire. Parce que vos 200,000 membres qui ne sont pas ... 20 p.c. de votre minorité ou 20 p.c. de langue anglaise chez vous, ça ne peut pas voter directement pour ou contre son président. Il y a peut-être des coussinets là qui protègent vos élus.

M. DOAUST: Je ne veux pas reprendre ce débat-là, je ne veux pas vous rappeler que vous avez peut-être été élu par 45 p.c. de l'électorat, je ne veux pas vous rappeler le nombre de personnes qui ont pu voter dans votre comté. Remarquez que je peux me tromper dans votre cas, c'est peut-être plus bas que ça encore.

M. SAINT-GERMAIN: Non, non, c'est sans importance.

M. DAOUST: Sans cela, on va s'éloigner du sujet.

M. SAINT-GERMAIN: Ce que je veux faire ressortir, M. Daoust, si vous me le permettez, pourquoi exiger du gouvernement une façon de procéder autre que la vôtre?

M. DAOUST: Chez nous, nous nous sommes donné une politique linguistique, j'aurais dû vous le mentionner, qui a été adoptée en congrès. Fondamentalement, notre position est que nous ne croyons plus, nous, à la FTQ, aux incitations polies, nous sommes pour des méthodes coercitives sur le plan linguistique et cela

ne s'est pas décidé du jour au lendemain, ça fait dix ans qu'on fouille le problème, qu'on le vit dans les usines. Ce sont des travailleurs québécois qui l'ont affirmé, qui l'ont crié, qui ont fait des grèves et qui, à l'occasion d'un prochain congrès, vont probablement le réaffirmer avec encore plus de fermeté. Ces gens-là ne croient pas que ceux qui détiennent le pouvoir économique au Québec vont d'eux-mêmes, poliment et gentiment, faire en sorte que la langue de la majorité soit la langue de travail et, que la langue des promotions soit le français et non plus l'anglais, et que la langue des beaux postes soit le français et non l'anglais. On retrouve les anglophones au Québec — et vous le savez — dans les plus belles fonctions, les plus beaux postes et c'est pareil partout. Allez où vous voudrez, on ne les retrouve pas dans les usines et sur les chantiers de construction.

M. SAINT-GERMAIN: Cela ne répond pas à ma question, M. Daoust, je ne parle pas...

M. DAOUST: C'est ça pour nous le problème.

M. SAINT-GERMAIN: ... en général, je parle spécifiquement pour ce qui concerne le bill 28 et les commissions scolaires. Comme employeur, c'est une tout autre question. De toute façon, vous dites, comme le ministre l'a fait remarquer, que nécessairement les gens qui devront communiquer avec des gens de langue anglaise devront bien parler l'anglais...

M. DAOUST: Nous le croyons nous aussi.

M. SAINT-GERMAIN: Ne croyez-vous pas qu'à l'inverse ceux qui représenteront ou qui dirigeront les commissions scolaires à la majorité anglaise n'auront pas la même réaction et qu'il ne deviendra pas évident pour eux que ceux qui veulent, qui auront la responsabilité de communiquer avec le ministère de l'Education, de communiquer avec les autres commissions scolaires de la ville de Montréal, que ceux qui auront à délibérer au niveau du comité de l'île, ne croyez-vous pas, dis-je, que ces gens de langue anglaise ne seront pas assez pratiques, assez intelligents pour savoir qu'un homme qui ne comprendra pas en français jouera un rôle absolument inutile dans toutes ces délibérations? Personnellement, je tiens pour acquis que le commissaire d'école ou le membre, le haut employé, le représentant des commissions scolaires de langue française au niveau du conseil de l'île parleront français. Il me semble que c'est logique. Dans ces conditions, en effet, que croyez-vous qu'il va ressortir comme langue de délibérations et comme langue de travail, la même chose que chez vous à la FTQ?

Ne croyez-vous pas que les mêmes résultats vont être atteints? Absolument les mêmes résultats?

M. DAOUST: Mais chez nous, c'est simple, tout le monde est francophone. On n'a pas à le dire et à l'écrire que la langue de travail est le français.

M. SAINT-GERMAIN: Mais vous dites que vous avez 20 p.c. de vos membres qui sont anglophones.

M. DAOUST: Non, je parle des salariés à l'emploi de la FTQ, les membres...

M. SAINT-GERMAIN: Non, je ne parle pas comme salariés.

M. DAOUST: Vous parlez des membres.

M. SAINT-GERMAIN: Je ne considère pas que votre mouvement est important comme employeur. Je parle comme syndicat.

M. DAOUST: Oui, mais là, écoutez...

M. SAINT-GERMAIN: Parce que ce ne sont pas des employeurs, ces gens-là. Ce n'est pas là le but des commissions scolaires. Ces gens-là seront là pour rendre service à la population, non pas comme employeurs.

M. DAOUST: Mais la commission scolaire est une administration qui a des centaines de personnes à son emploi, selon sa taille évidemment. Ce sont ceux qui sont à l'emploi de la commission scolaire pour lesquels on voudrait que le français soit la langue de travail.

M. SAINT-GERMAIN: Dans votre mémoire, toute cette question de langue relativement au bill 28 concerne les commissions scolaires comme employeurs.

M. DAOUST: C'est ça.

M. SAINT-GERMAIN: Non pas comme dispensateurs de services à la communauté ouvrière.

M. DAOUST: Non ça, écoutez...

M. SAINT-GERMAIN: Cela a énormément d'importance parce que ce n'est certainement pas par les commissions scolaires comme employeurs qu'on va résoudre le problème des employeurs.

M. DAOUST: Non, c'est l'effet d'entraînement que ça peut avoir. De toute façon, vous voyez notre prise de position là-dessus. Je ne vous demande pas si vous êtes convaincus, mais...

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: Brièvement, M. Daoust, sur le même sujet. C'est justement là, à mes yeux, qu'existe le danger, à l'intérieur d'une loi

comme le bill 28 où se greffe, à un moment donné, ce qu'on peut considérer comme une consécration d'un principe, que quelques-uns pourraient qualifier de bilinguisme. Mais mon impression, à moins que je ne me trompe, c'est que le bill 28 ne statue tout simplement pas là-dessus. Il ne fait simplement qu'accepter, en somme, le statu quo en attendant que le gouvernement finisse par présenter en Chambre un projet de loi qui statuera sur le problème global de la langue.

Il a déjà commencé à faire des efforts: par exemple, avec l'Office de la langue française, avec le dépôt du rapport de la commission Gendron. Et, à ce moment-là, le gouvernement lui-même, comme parti en tout cas, s'est engagé à statuer et à présenter les projets de loi avant la prochaine élection. J'ai bien l'impression que si le Parti libéral, avant la prochaine élection, n'est pas arrivé à des solutions précises au sujet de la question de la langue, on va un peu se faire traiter de menteurs.

A ce moment-là, c'est un peu une échéance. C'est-à-dire que ça touchera à peu près l'ensemble de la législation et non pas simplement le secteur scolaire, mais également l'industrie, le commerce et l'immigration. Ce que je pense, c'est que vous n'êtes pas le seul à avoir exprimé cette inquiétude à l'intérieur du bill 28. Mais mon impression personnelle, c'est que, justement — je ne dirai pas que c'est un faux problème — ce n'est pas là le problème du bill 28.

Nous sommes indirectement portés à parler du problème du bill 63, ni plus ni moins, autrement dit, de toute la question globale de la langue. Je suis d'accord avec vous là-dessus, et je suis convaincu personnellement, comme membre du parti, qu'il faut arriver à trouver quelque chose. Mais vous savez qu'aussitôt qu'on touche à ça, on fait appel à l'instinct de conservation et immédiatement à toute l'émotivité qui entoure cette question-là.

M. LE PRESIDENT: Si vous me le permettez, il faudrait accélérer, je vous ai accordé presque une heure, M. Daoust.

M. DAOUST: Bien oui, mon Dieu!

M. LE PRESIDENT: Il y en a d'autres qui veulent présenter leur mémoire.

M. DAOUST: Je vais essayer de faire ça très rapidement. Les recommandations, toujours à la page 24. 3. des fonctionnaires en charge des questions religieuses. 3.1: Que le projet de loi 28 soit amendé de façon à assurer, dans les commissions scolaires, la présence d'un fonctionnaire en charge de l'enseignement des sciences morales pour les neutres. 3.2: Que les comités confessionnels tels que définis aux articles 593 à 596 inclusivement soient abolis. 3.3: Que le système scolaire montréalais soit réorganisé de façon à instituer deux types d'écoles: les écoles multiconfessionnelles francophones et les écoles multiconfessionnelles anglophones.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce que vous me permettez une question? M. Daoust, je ne peux pas m'empêcher de... Si je comprends bien, — j'ai lu votre texte avec attention — à la page 11... Il y a des gens ici qui nous ont défini l'école catholique, et Dieu sait qu'il y en a qui ont parlé pour bien des personnes, pour nous dire ce qu'est une école catholique. Je mentionne l'Archevêché et d'autres groupes.

Carrément dans votre mémoire — je ne voudrais pas vous dire des mots que vous ne prenez pas — vous êtes contre l'existence de l'école catholique dans notre système scolaire montréalais, école catholique entendue comme une école qui ne dispense pas juste une heure ou deux par semaine d'un cours de catéchèse mais une école telle qu'on nous l'a définie, c'est-à-dire qu'il y a une ambiance avec des maîtres catholiques qui correspond à... Je n'irai pas dans les détails. La FTQ se prononce carrément contre l'existence de l'école catholique.

M. DAOUST: Nous souhaitons que l'école reflète le pluralisme de la société montréalaise et tienne compte de l'évolution sur le plan religieux qu'on connaît dans notre milieu depuis déjà fort longtemps.

M. SAINT-PIERRE: Sur le plan de la langue, on vous a posé des questions. Je ne peux pas m'empêcher de poser la même question. Vous avez une phrase dans votre texte qui est celle-ci: "Le concept même d'école confessionnelle est périmé." Est-ce que c'est partagé par l'ensemble des membres de la PTQ qui pourraient penser que l'école confessionnelle est périmée? Je ne dis pas la reconnaissance du droit à la dissidence, le droit à l'école neutre. Je suis certain que les membres de la FTQ sont favorables à ça mais est-ce que leur pensée va aussi loin et dire que l'école confessionnelle est périmée et que dans un deuxième temps on dit: La FTQ, les membres de la FTQ se prononcent contre l'école catholique, contre l'existence de l'école catholique parce que le pluralisme d'une société, on a tenté de le réfléter dans le projet de loi en créant un réseau d'écoles neutres pour exprimer le droit à la dissidence sur le plan confessionnel? Vous allez plus loin que ça. Somme toute, vous créez un seul type d'école que vous appelez multiconfessionnelle où le mardi matin à onze heures, les catholiques vont dans une chambre, les protestants dans une autre et ceux qui ne sont ni catholiques ni protestants vont dans une troisième salle.

M. DAOUST: Nous sommes convaincus à la FTQ que cela reflète selon nous — je vais être assez précis dans cette déclaration — le senti-

ment de l'immense majorité de la population. Il y a des traditions à la FTQ. La FTQ depuis toujours n'a jamais été confessionnelle dans le sens où on l'a entendu à la CTCC et à la CSN autrefois. Ce n'est pas une position anticléricale, ce n'est pas de l'anticléricalisme. Cela aussi est dépassé, je pense.

M. SAINT-PIERRE: Ici, nous ne sommes pas dans des structures syndicales, nous sommes dans des structures scolaires.

M. DAOUST: Oui. J'essaie de vous dire pourquoi la FTQ peut opter pour ça. Cela se rattache à ses traditions, à son histoire et à sa connaissance du milieu des travailleurs montréalais. L'immense majorité des membres de la FTQ se retrouve à Montréal. Le problème de l'école confessionnelle, de l'école catholique, de l'enseignement de la religion à l'école a été abordé à de multiples reprises depuis 20, 30 ou 40 ans lors d'assemblées, de congrès et de réunions. C'est le reflet de tout ça qu'on a voulu traduire dans cette prise de position: encore une fois, pluralisme, évolution et difficulté de mise en application de cette confessionnalité dans les écoles. Les enseignants eux-mêmes étant de moins en moins "confessionnels". Je ne veux pas dire religieux. Loin de moi l'idée d'accuser les enseignants d'être des paiëns. Mais, ils sont de moins en moins portés vers l'enseignement de la religion.

D'ailleurs c'est révélateur, je pense qu'il ne serait peut-être pas mauvais qu'il se fasse — il a dû s'en faire — des enquêtes poussées sur la fréquentation religieuse de nos jeunes au secondaire et de ce qu'eux-mêmes souhaiteraient recevoir comme enseignement religieux. Tous ces phénomènes-là... Enfin, on opte pour la tolérance. On ne veut pas que l'école serve de milieu d'endoctrinement pour une secte religieuse ou une autre. On pense que ce concept de la confessionnalité et de l'école catholique est largement dépassé même si certains vont brandir le crucifix, etc. Je pense que tout au moins dans le milieu urbain, dans le milieu montréalais, dans ce milieu pluraliste à part de faire les manchettes de quelques revues et de susciter des déclarations de quelques personnes, je pense que ça n'émeut pas beaucoup la population montréalaise.

M. SAINT-PIERRE: Pour retourner le titre d'un journal, je dirais que le jour est plein d'imprévus ajourd'hui. Peut-être que le député du Ralliement créditiste a des questions à vous poser sur ça.

M. DAOUST: Ah bon!

M. CARDINAL: ... la revue Maintenant va assumer la thèse de la FTQ.

M. DAOUST: Récemment?

M. CARDINAL: Oui, le dernier numéro. Je pense que ce n'est pas en dehors du sujet, M. le Président, la première page — ce n'est pas une annonce que je fais — de la revue Maintenant a cette attitude quant à la confessionnalité dans les écoles. Le numéro est sorti hier.

M. DAOUST: Sur la valeur morale des gens qu'on forme dans nos écoles, on peut prendre exemple d'un tas de pays où les écoles sont non ou multiconfessionnelles. Et je ne sache pas que les citoyens de ces pays soient moralement moins bons que les citoyens québécois, catholiques, francophones ou anglophones.

M. SAINT-PIERRE: Non, mais le législateur doit se préoccuper des aspirations d'une population. Il y a plusieurs groupes ici qui prétendent parler au nom de... Et, je ne parle pas uniquement de M. Bouchard. Je pense à d'autres groupes qui nous parlent de ce besoin. Tout autant qu'ils reconnaissent le besoin d'écoles neutres, ils prétendent que la très grande majorité, en particulier des francophones au niveau montréalais, désirent l'école catholique, entendue non pas comme une heure par semaine, mais comme une école avec son ambiance.

M. DAOUST: Nous n'y croyons vraiment pas.

M. CARDINAL: Si vous me permettez, M. le Président, j'apporterais la nuance suivante à l'égard du ministre. J'ai entendu, comme lui, tous ceux qui sont venus devant nous. Je pense, je ne veux pas interpréter les idées des parents catholiques et je ne veux pas développer une thèse, que les parents catholiques qui sont venus devant nous — je parle de l'Assocaition des parents catholiques comme telle, parce qu'il y a d'autres groupes qui sont venus, qui étaient catholiques, et qui n'ont pas tenu le même langage — ont une notion assez vague de l'école catholique, en ce sens que, pour eux, il s'agit de structures confessionnelles. Et quand on leur a demandé quelles sont les valeurs qu'il y aurait au sein de ces structures, ils n'ont jamais pu nous répondre. Ceci n'approuve ni n'infirme la thèse de la FTQ, mais c'est un fait qui s'est produit à cette commission parlementaire.

M. LE PRESIDENT: La parole est au député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: M. Daoust, excusez-moi. Je n'étais pas ici ce matin. Je n'ai pas pu parcourir tout votre mémoire. A la page 24, 3.3: "Pour une école multiconfessionnelle: Que le système scolaire montréalais soit réorganisé de façon à instituer deux types d'écoles, l'école multiconfessionnelle francophone et l'école multiconfessionnelle anglophone." Est-ce que je saisis bien ou mal? Est-ce que vous prônez, en somme, la division scolaire, à Montréal, selon la langue?

M. DAOUST: Non, sûrement pas.

M. PEARSON: Si je lis ça textuellement, c'est mon impression. Deux systèmes, deux types d'écoles: multiconfessionnelle francophone et multiconfessionnelle anglophone...

M. DAOUST: Nous sommes pour... M. PEARSON: Je ne saisissais pas...

M. DAOUST: C'est le principe des commissions scolaires unifiées et nous en sommes. Mais, à l'intérieur de celles-ci, nous reconnaissons la nécessité d'avoir des écoles anglophones et des écoles francophones. Mais nous les souhaitons multiconfessionnelles plutôt que d'avoir catholiques, protestants ou autres; de part et d'autre, six choix; qu'il n'y en ait que deux...

M. PEARSON: Cela veut dire que, dans votre mémoire, H y a un mécanisme, je suppose, qui explique ce que vous mentionnez là? De quelle façon cela pourrait-il fonctionner?

M. DAOUST: Disons que c'est un aspect un peu plus complexe. On voulait surtout s'attacher au principe, sachant que c'est assez nouveau aussi comme prise de position. Nous voulions plutôt décrire ça d'une façon globale, au lieu de donner tous les mécanismes, tous les amendements qu'on pourrait retrouver dans le projet de loi.

M. LE PRESIDENT: M. Daoust, il est 5 h 35, je vous accorde encore deux minutes.

M. DAOUST: Deux minutes, d'accord.

M. MARCHAND: Deux minutes pour vous, deux minutes pour nous autres.

M. DAOUST: Je vais passer la page 25. Nous souhaitons — en deux mots — que le conseil scolaire ait les plus grands pouvoirs possible, que la propriété des édifices reste au conseil scolaire, pour qu'il puisse jouer son rôle de planificateur. Je ne veux pas répéter. D'autres ont dû abondamment vous parler de tous ces sujets. A la page 26...

M. PICARD: Seulement une question, M. Daoust; sur la question des pouvoirs du conseil scolaire à comparer avec les pouvoirs des délégués aux commissions scolaires. Il y a, dans le projet de loi, un article, dont je ne me souviens pas du numéro, qui parle des pouvoirs résiduaires. Est-ce que vous avez étudié cette possibilité de transférer les pouvoirs résiduaires au conseil scolaire plutôt que de les garder aux commissions scolaires?

M. DAOUST: Je vous avouerai qu'on n'a pas étudié les moindres détails du projet de loi. Ce que nous souhaitons, c'est que le conseil scolaire, dans sa lutte à la pauvreté, puisse avoir tous les instruments voulus à sa disposition.

En fait, c'est le problème du rattrapage, le problème de la coordination et que, conséquemment, l'on ne cède pas aux commissions scolaires trop de pouvoirs.

M. PICARD: Ce qui me frappe, c'est que vous venez de dire que vous n'avez pas étudié les détails. Si vous considérez que ces pouvoirs résiduaires sont des détails, bien, franchement, je ne sais pas, vous n'avez pas regardé ce chapitre, parce qu'à mon avis c'est à peu près ce qu'il y a de plus important dans le projet de loi, cette question du partage des pouvoirs.

A un moment donné, on donne certains pouvoirs aux commissions scolaires, certains autres pouvoirs définis dans le texte de loi, au conseil scolaire et on dit, tout ce dont nous n'avons pas parlé, ce sont les commissions scolaires qui l'ont. C'est grave cela, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. DAOUST: Il y a un ou deux aspects de ce problème que l'on a abordé à la toute fin du mémoire. Je pense, d'ailleurs, que le bill 27 reconnaît aux commissions scolaires maintenant le pouvoir d'organiser des cours pour l'éducation des adultes. Nous, dans notre mémoire, souhaiterions que le conseil scolaire puisse, s'il le juge à propos, avoir ce pouvoir-là, quitte par la suite à le céder ou du moins à donner aux commissions scolaires certains pouvoirs. Cela est abordé à la toute fin de notre mémoire et si c'est le genre de pouvoirs dont vous voulez faire état, oui, on a étudié ces aspects-là.

Je m'excuse, je suis toujours coupé par les deux minutes. Coupé; du moins, l'on me rappelle... Il m'en reste une et demie! Page 26: Election des commissaires, élection du conseil scolaire. Je pense que d'autres organismes ont abordé ce problème et vous êtes familiers avec les prises de position de la FTQ.

M. SAINT-PIERRE: Sur un point, M. Daoust, je ne sais pas si vous me permettrez une question. C'est à la page 18 et peut-être que cela vaudrait la peine puisque votre expérience dans ces milieux-là... C'est que nous avons voulu, dans le projet de loi, donner une participation aux parents par le mécanisme des comités de parents. Mais il nous semble et il semble également que la très forte majorité des associations de parents soient favorables que les comités de parents soient faits pour les parents, c'est-à-dire ceux qui tint un intérêt direct de ce qui se passe dans la chose scolaire.

A la page 18, vous parlez d'une participation et là je mentionne d'autres types d'amendements. J'ai, moi-même, à plusieurs reprises, évoqué le rôle communautaire de l'école et nous envisageons d'autres types d'amendements pour assurer ce rôle communautaire au niveau des commissions scolaires. C'est le genre de comités mixtes avec la ville et avec d'autres organismes socio-économiques pour assurer un rôle communautaire à l'école, l'utilisation maximum des équipements collectifs disponibles.

En page 18, vous dites: "La participation des citoyens au fonctionnement de leur école trouverait donc une première expression dans ces comités consultatifs, comités dont les membres seraient élus par l'assemblée générale des citoyens du quartier en âge de voter." C'est drôle, l'assemblée générale des citoyens, pour moi, c'est la commission scolaire. Ces mécanismes d'élection, ce n'est pas une assemblée générale ou un comité de citoyens, c'est une élection où les gens se présentent — et là je peux retenir vos suggestions de faire cela à tous les quatre ans pour tout le monde en bloc, il y a différents types d'amendements que l'on peut envisager — mais je ne vois pas là... Est-ce qu'il n'y a pas une structure parallèle de convoquer tous les gens à élire des commissaires qui s'occupent de la chose scolaire et en même temps avoir une assemblée générale de citoyens qui établit un comité consultatif de citoyens, cela fait quoi? Est-ce que cela n'a pas tué dans l'oeuf la participation des parents? Cela vise à quoi? Quel est objectif dans le cas d'une structure scolaire?

M. DAOUST: Je dois vous dire que là-dessus la prise de position de la FTQ est passablement originale, je ne pense pas qu'on l'ait soutenue souvent depuis le début des sessions de cette commission parlementaire. Oui?

M. CHARRON: Dans le mémoire de la CSN.

M. DAOUST: Bon. Alors ce serait d'élargir la participation du milieu, de ne pas la restreindre aux seuls parents. Nous pensons qu'il y a un grand nombre de gens dans une société qui ont beaucoup à dire sur l'éducation des enfants et qui pourraient siéger au sein des comités d'écoles et qui ne sont pas nécessairement ou ne sont plus des parents dans le vrai sens du mot ou qu'ils ne l'ont jamais été. C'est cette notion, en fait, que nous voulions soutenir et surtout faire accepter éventuellement, élargir le cadre de la participation du milieu et sortir un peu de cette espèce de cloisonnement, de comités de parents et puis les parents à l'école, ces derniers étant quasiment les seuls à avoir la compétence parce qu'ils sont parents.

M. SAINT-PIERRE: Mais, au niveau des pouvoirs de décision, ce qui est à la commission scolaire, il n'y a pas cette restriction, c'est-à-dire que tous les citoyens qui s'intéressent à l'éducation peuvent se présenter comme commissaires, se faire élire et même participer à la gestion de la chose scolaire.

M. DAOUST: Nous sommes fort heureux d'ailleurs de cela et nous l'avons mentionné.

M. SAINT-PIERRE: Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose de parallèle du fait qu'on dit aux citoyens: Intéressez-vous à la chose scolaire, présentez-vous comme commissaires. Il y a des gens qui nous disent que, pour quinze commissaires, on aura de la diffuculté à recruter les gens compétents. Moi, je n'y crois pas. Je pense qu'à Montréal on est capable, dans chaque quartier, de trouver quinze personnes qui vont être habiles à apporter une contribution à la gestion scolaire. Est-ce qu'il n'y a pas un parallélisme, après leur avoir dit ça, de dire: Ohé! ohé! citoyens, il y a une assemblée générale, on va élire un comité de citoyens pour s'occuper de la chose scolaire. Est-ce qu'on ne risque pas de noyer la participation des parents qui, devant — et là, j'ai des exemples assez récents — le rôle accru des animateurs sociaux et d'autres groupes, vont se sentir déphasés. Ils vont abandonner l'école et, finalement, un des objectifs qu'on avait ne sera pas réalisé.

M. DAOUST: Oui, il y a par ailleurs l'autre danger aussi. C'est qu'on va convier les citoyens du quartier d'une commission scolaire à voter une fois par quatre ans et à ne plus particper vraiment à la chose scolaire, sauf par l'entremise de ceux qu'ils auront délégués au sein de la commission scolaire. Au niveau des écoles, on ne retrouve plus le milieu, on retrouvera les parents. Cela nous inquiète un peu et on voulait en tout cas attirer votre attention là-dessus. Il faudrait peut-être trouver des mécanismes; celui-là en est un qui permettrait véritablement au milieu et pas seulement aux parents parce qu'on estime, pour un tas de raisons sociologiques, que de plus en plus cette cellule, la famille — enfin, je ne veux pas faire un discours là-dessus — a peut-être perdu l'importance qu'elle avait dans le passé et que, de plus en plus — ça aurait toujours dû être cela — le milieu doit s'occuper de l'éducation des enfants. Alors, c'est un peu cette thèse qu'on a voulu soutenir.

M. TETLEY: Avez-vous des parents ou d'autres personnes à votre conseil?

M. DAOUST: Oui, il y a de tout.

M. TETLEY: Ce sont tous des travailleurs, tous membres de la FTQ.

M. DAOUST: Oui, oui.

M. TETLEY: Pas des gens qui ne sont pas de la FTQ.

M. DAOUST: Non, non. Mais, écoutez, en fait, il est normal qu'on retrouve les parents majoritairement au sein... Enfin, ici, dans le projet de loi, c'est exclusivement au sein des comités d'école. Il serait normal qu'on les retrouve majoritairement. Mais nous souhaiterions que d'autres talents, d'autres personnes puissent donner leur contribution.

M. TETLEY: Mais, au conseil de la FTQ, vous ne souhaitez pas d'étrangers ou de personnes qui ne sont pas membres...

M. DAOUST: Oui, je vois. Vous essayez peut-être d'établir un parallèle entre...

M. TETLEY: Oui, parce que vous parlez de consultation, etc.

M. DAOUST: Mais l'école, les parents et les citoyens en général, mais l'école est un instrument de civilisation. Cela véhicule des valeurs et je pense que cela appartient à la collectivité.

M. TETLEY: La FTQ se lance dans la société, c'est un instrument, suivant votre chef la semaine dernière, pour tout changer dans la société. Il ne parlait pas tout simplement des syndicats, des entreprises touchées par le syndicat. Mais je trouve que c'est illogique de votre part de parler d'une institution comme une commission scolaire ou un conseil d'école où vous voulez la participation et la consultation et vous-mêmes, vous n'avez pas chez vous cette même participation, cette même consultation.

A mon avis, c'est illogique.

M. DAOUST: Je m'excuse, je vois très mal l'analogie, je m'en excuse.

M. TETLEY: Je vais le répéter. Vous dites que l'école est une partie de la société, mais votre chef, M. Laberge, la semaine dernière, a parlé du rôle de la FTQ, changer complètement la société, etc. Si c'est peut-être votre rôle, je me le demande, mais si la FTQ a ce rôle, elle doit m'inviter peut-être ou d'autres à faire partie de votre conseil et de voter parce que vous voulez que les parents qui s'occupent de l'éducation vous invitent et invitent tout le monde à participer. Je trouve ça très illogique de votre part.

M. LE PRESIDENT: Je suis obligé d'arrêter ici les débats. J'ai promis à M. Chipping qu'il se présenterait ce soir et je l'inviterais à venir présenter son rapport.

On remercie M. Daoust.

M. DAOUST: Moi aussi, je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: La parole est à M. Chipping.

Humanist Fellowship of Montreal

M. MARGENTALER: Non, il y a une erreur, je suis le Dr Margentaler, Mme Chipping c'est la secrétaire de notre organisme. Je représente l'Association humaniste de Montréal, Humanist Fellowship of Montreal. Je pense que nous sommes les seuls porte-parole ici d'un groupe de gens du Québec qui n'ont pas d'autre porte-parole parce que nous représentons une philosophie que nous appelons philosophie humaniste ou scientifique, si vous voulez.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Au sens du XVIe siècle?

M. MARGENTALER: Non. Non, ça porte à confusion un peu, le terme tel qu'il est.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qu'est ce que ça veut dire le mot "humaniste" ici? Humanitaire ou humaniste?

M. MARGENTALER: Non, humaniste séculaire, non confessionnel ou scientifique. Enfin, il y a plusieurs termes pour décrire ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est la définition du XVIe siècle.

M. SAINT-PIERRE: Il y a combien de membres dans votre organisation, monsieur?

M. MARGENTALER: Nous avons 200 membres inscrits, mais il y a plusieurs humanistes, des gens qui se considèrent humanistes, qui ne sont pas dans notre organisme.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous autres...

M. MARGENTALER: Nous ne faisons pas de prosélytisme et nous avons plusieurs membres et nous représentons des gens qui se considèrent comme athées, agnostiques, libres penseurs, rationalistes, et des gens qui ne veulent pas ou ne veulent plus se dire qu'ils appartiennent à une Eglise: catholique, protestante, juive ou autres.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous regroupez aussi, monsieur, les positivistes?

M. MARGENTALER: Oui, enfin nous incluons un peu les positivistes et nous sommes électiques dans la philosophie en disant que nous acceptons de n'importe quelle religion des philosophies, des valeurs que nous considérons appropriées ou bonne pour l'humanité. Nous rejetons celles qui sont basées sur des notions fausses ou périmées.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que c'est de l'électisme ou du syncrétisme?

M. MARGENTALER: Non, c'est plutôt de l'électisme, je dirais, c'est-à-dire par la méthode scientifique, nous essayons de dégager les valeurs et les notions qui nous paraissent bonnes ou scientifiques et nous rejetons...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous voulez faire une symbiose de toutes les valeurs?

M. MARGENTALER: Oui, au fond, oui, si vous voulez, oui. Nous sommes dévoués à la démocratie, c'est-à-dire à la dignité de la personne humaine et nous essayons de participer à la société dans laquelle nous vivons en tenant compte justement des diversités ethniques et religieuses et autres.

Nous voulons que la société reflète ces valeurs de société ouverte à tout le monde,

c'est-à-dire à des devoirs égaux envers tout le monde, sans égard à la croyance, à la couleur, au sexe et à l'appartenance ethnique.

M. SAINT-PIERRE: Votre mémoire, monsieur, reflète les vues de vos 200 membres sur le type d'écoles que nous devrions avoir, le type de structures. Je pense qu'en établissant au Québec l'école neutre on tente de satisfaire une partie de vos membres, qui pourraient y retrouver l'école neutre, c'est-à-dire l'école non confessionnelle. Est-ce que votre société reconnaît que d'autres personnes, qui peut-être sont plus que 200, puissent désirer avoir un système scolaire qui soit confessionnel?

M. MARGENTALER: Nous reconnaissons qu'il y a plusieurs associations qui veulent d'autres sortes d'écoles, mais nous croyons justement que l'école neutre, ou multiconfessionnelle si vous voulez, est la seule école démocratique dans un Etat pluraliste où il y a plusieurs groupes religieux. Nous ne voyons pas pourquoi un groupe religieux ou un autre aurait des privilèges qui ne sont pas accordés à d'autres groupes religieux. Si vous prenez l'exemple du système scolaire qu'il y a ici au Québec, il y a des privilèges accordés par la Constitution aux groupements catholiques et aux groupements protestants. Il y a maintenant plusieurs groupes religieux au Québec, tant dans le milieu anglophone que francophone, et nous ne voyons pas pourquoi une injustice serait faite à ceux qui ne sont pas catholiques ou protestants. D'ailleurs, nous ne voyons pas pourquoi les protestants ou les catholiques insistent pour séparer leurs élèves des autres. Nous croyons que les concepts — comme M. Daoust l'a dit — de divisions confessionnelles sont complètement périmés. Ils ne sont pas justes, ils ne sont pas démocratiques et ils ne sont pas pragmatiques. De sorte que même les catholiques, les bons catholiques, les bons protestants se trouveraient très bien dans une école multiconfessionnelle où tous les enfants, sans égard à leur religion, ou à la religion de leur foyer, pourraient apprendre à se connaître comme individus, comme personnes humaines. C'est ce que nous voyons dans le projet de loi. Evidemment, nous reflétons, comme j'ai dit, la philosophie de nos membres, la philosophie humaniste en général. Nous voulons appliquer les principes démocratiques au système scolaire. Donc, nous sommes contre la rétention, qui est implicite dans le projet de loi 28, qui non seulement va créer des écoles catholiques et protestantes, mais va créer six types d'écoles, des écoles françaises catholiques, protestantes ou neutres, et des écoles anglaises catholiques, protestantes ou neutres. Nous trouvons que c'est...

M. SAINT-PIERRE: Vous auriez — je m'excuse du parallèle, c'est pas dans mon esprit, mais un peu comme la FTQ le mentionnait — deux types d'écoles: multiconfessionnelles françaises et anglaises?

M. MARGENTALER: Oui, nous croyons que...

M. SAINT-PIERRE: Dans votre résolution 2, vous dites: "There is no reason why Catholics as a group, Protestants as a group should be given rights or privileges denied to other religious groups". La raison en est que ces gens-là commencent à avoir les épaules assez larges, c'est la Constitution de 1867 qui accordait à ces groupes-là des droits qu'elle n'a pas accordés à d'autres groupes.

M. MARGENTALER: Oui, c'est pour cela que nous trouvons — enfin je ne suis pas expert constitutionnel — mais nous trouvons qu'il serait bien mieux de procéder par un amendement à la Constitution, par une Constitution nouvelle, mais là c'est un peu difficile parce que ce qui est reconnu, ce sont quand même des droits qui sont reconnus dans la Constitution actuelle. Je pense que le groupe protestant anglophone s'oppose surtout à l'unification des structures scolaires non pas à cause de la religion, parce que les protestants en général, aux Etats-Unis, un peu partout, sont pour le système d'écoles neutres, multiconfessionnelles dans l'école publique. Ils s'attachent à cela, ils pensent que c'est la seule façon de conserver le droit à l'école anglaise.

M. CHARRON: Mais si on veut rester réaliste, croyez-vous qu'est possible l'amendement à la Constitution que vous jugez nécessaire?

M. MARGENTALER: Je pense que oui. Avec de la bonne volonté de tous les côtés, je pense qu'il serait...

M. CHARRON: De quel côté?

M. MARGENTALER: De tous les côtés.

M. CHARRON: Identifiez-vous les forces actuellement?

M. MARGENTALER: J'identifie beaucoup de forces. Nous vivons dans une société où il y a plusieurs organismes. Il y a des organismes de militants et révolutionnaires ou extrémistes et je pense qu'il n'est pas possible de satisfaire les organismes bien militants de gauche et de droite, mais je pense que la majorité de la population a une bonne volonté de vivre ensemble et en coopération. Nous avons ici une société qui est peut-être avancée à plusieurs points de vue sur beaucoup de populations dans le monde parce que ce n'est pas une population homogène. Il faut que nous apprenions à bien vivre ensemble. La seule façon de le faire est de respecter les droits fondamentaux de chaque groupe. Maintenant, les droits religieux ne sont

pas fondamentaux. C'est-à-dire le droit à l'école religieuse n'est pas un droit fondamental parce que, s'il était accordé, il faudrait accorder les mêmes droits à tous les groupes religieux.

M. CHARRON: Je trouve que l'optimisme que vous manifestez quant aux possibilités d'amender la Constitution de 1867, vous devriez en passer un peu au ministre des Affaires sociales qui se promène bredouille depuis à peu près huit mois puis il cherche seulement juste à faire amender un tout petit article. Le jour où vous obtiendrez l'amendement à l'article 93...

M. MARGENTALER: Il y a des gens qui sont optimistes ou pessimistes, je ne sais pas, il y a beaucoup de choses...

M. CHARRON: Il y a des gens qui sont réalistes et d'autres ne le sont pas.

M. MARGENTALER: On est presque arrivé à un accord à Victoria, il se peut quand même qu'on arrive à des accords s'il y a de la volonté des deux côtés d'y arriver.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela pourrait se produire, monsieur, lorsque — et mon collègue de Saint-Jacques va être d'accord — cet accord pourra survenir lorsque tous les gens auront cette conception humaniste que vous exprimez si bien.

M. MARGENTALER: J'espère bien, mais je pense qu'il faudrait vouloir arriver à des compromis plutôt qu'à des solutions qui entravent ou briment une minorité. Le champ de bataille, au fond, s'est transféré à partir des droits religieux. Tout le monde comprend maintenant, je pense, que ce que la majorité des gens veulent maintenant, c'est une école française ou une école anglaise.

On le comprend très bien et nous lisons dans le mémoire que les gens qui veulent une éducation religieuse pour leurs enfants dans le cadre d'une école publique peuvent l'avoir. On peut demander à des enfants catholiques, protestants ou juifs, d'une façon facultative, si les parents veulent qu'ils aient une instruction religieuse, mais, comme M. Saint-Pierre l'a dit, que ce soit à onze heures, midi ou après l'école, et qu'ils aillent dans des locaux différents et qu'ils y aient cette instruction, à condition que ce ne soit pas une chose imposée mais une chose voulue par les parents.

Ce n'est pas là le problème. Le problème principal ici au Québec, c'est le fait que la minorité anglophone est angoissée à la pensée que le droit à l'école anglaise puisse lui être enlevé complètement. Et j'arrive ici à un point qui est très important, sur lequel plusieurs organismes anglophones ont fait des représentations. J'aborde ça du point de vue pratique et pragmatique.

Si nous considérons qu'il y a un droit fondamental à préserver l'identité, de la langue et de la culture, il faut donc qu'il y ait des écoles anglaises et des écoles françaises, je vois mal pourquoi il n'y aurait pas en même temps des commissions anglaises et françaises. Je ne vois pas pourquoi on s'obstine à ce qu'il y ait des commissions unifiées qui, en même temps, décident de l'enseignement en français et en anglais. Il me semble beaucoup plus pratique et beaucoup plus pragmatique d'instituer des commissions qui s'occuperaient des écoles françaises en français et des écoles anglaises en anglais.

Comme on a un ministère de l'Education, je pense que la correspondance et la coordination pourraient se faire au niveau du ministère de l'Education. On pourrait donc éliminer tous les différends qui existeraient sans doute au sein de chaque commission scolaire, pour savoir quelle sera la langue de travail, s'il y aura des gens qui ne comprendront pas ce que l'on dit, etc.

C'est un point très pratique et je pense que je vais me limiter à ça. Je serais très heureux de répondre à vos questions.

M. SAINT-PIERRE: Nous vous remercions. Je ne sais pas si, dans la société humaniste, dans les règles des sophism es, vous avez toujours sept règles comme l'abbé Grenier avait ou si vous en avez plus. Nous prenons vos recommandations en bonne note.

M. PICARD: M. le Président, j'aimerais avoir une information. Dans le préambule de votre mémoire, vous parlez de vos membres. Vous avez deux cents membres?

M. MARGENTALER: Nous avons deux cents membres à Montréal.

M. PICARD: Il est écrit dans votre mémoire que: "Since many of our members are religious non-conformists, atheists, agnostics, freethinkers and rationalists."

M. CHARRON: Môman.

M. PICARD: J'espère que vous n'avez pas d'anarchistes et de séparatistes dans votre groupe.

M. MARGENTALER: Cela n'a rien à faire avec ça.

M. PICARD: C'est simplement à titre d'information.

M. MARGENTALER: Vous pouvez avoir un séparatiste qui est catholique ou qui est athée. On peut avoir des anarchistes qui sont catholiques. Il y a bien des choses à considérer.

M. LE PRESIDENT: Il est six heures. Je remercie M. Margentaler de sa présentation. Nous allons en prendre bonne note. La séance est levée et la commission ajourne ses travaux à dix heures demain matin.

(Fin de la séance à 18 heures)

ANNEXE A

MEMOIRE PRESENTE PAR LE FRONT COMMUN POUR LA DEFENSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

Le bill 28, pendant du bill 62, constitue une application administrative de la loi 63 (anciennement le bill 63). Dans ce sens, le bill 28 constitue également une extension et un renforcement du bill 63.

Le bill 63 fut présenté et adopté à l'Assemblée nationale en 1969, afin de renverser les résultats démocratiques des élections aux commissions scolaires de St-Léonard, où les parents francophones, majoritaires, avaient décidé en faveur de l'unilinguisme français comme seul moyen d'assurer la survie de la langue nationale du Québec. Bien que ce n'était pas la première fois qu'était adopté, à l'Assemblée nationale, des lois antidémocratiques flagrantes contre les québécois, ce fut la première fois, au Québec, qu'un gouvernement osait légiférer la destruction de la langue française, et par conséquent, la condamnation à terme de la nation québécoise.

Avant l'adoption du bill 63, bien que la langue française était, au Québec, à un degré avancé de disparation, le gouvernement Bertrand s'est vu obligé d'accélérer le processus d'anglicisation, déjà bien avancé par la politique linguistique des monopoles étrangers, qui dominent le Québec depuis des années, cela avec la complicité des gouvernements à Ottawa et à Québec.

Aussitôt que des Québécois décidèrent de mettre fin à cette assimilation forcée, en adoptant des moyens démocratiques, le gouvernement Bertrand, avec la complicité totale du Parti libéral, est intervenu pour légaliser l'anglicisation et la rendre plus rapide.

Le bill 63 fut la première élaboration d'une politique linguistique par le gouvernement québécois. Il fut bien sûr, un bill de colonisés, comme la presque totalité des bills adoptés à l'Assemblée nationale. Le bill 63 garantissait aux parents le droit de choisir (un droit qui n'existe en aucun autre pays au monde) la langue d'enseignement à laquelle leurs enfants seraient soumis, au sein du système scolaire public.

Nous savons trop bien que le bill 63 fut une réussite complète pour ceux qui visaient l'assimilation des francophones. Les chiffres rendus publics il y a trois semaines de la Commission des écoles catholiques de Montréal, organisation que nous croyons libre de tout agitateur étranger, viennent confirmer cette réussite.

Il y a d'autres députés à l'Assemblée nationale, notamment ceux du Parti Québécois, qui se trompent gravement en proposant une simple modification du bill 63, en vue d'obliger les immigrants à s'intégrer à la communauté francophone. Un tel amendement serait raciste et discriminatoire en s'attaquant à un secteur particulier de la population québécoise. Il faut des lois pour obliger tous les Québécois, quelle que soit leur origine nationale, à s'intégrer à la communauté francophone s'ils veulent participer au secteur public de l'éducation.

Tant que les Québécois d'origine anglophone pourront s'instruire et se former en anglais aux écoles subventionnées par l'Etat, le processus d'anglicisation ira en s'accélérant. Tant qu'un secteur de la population québécoise aura droit à l'instruction publique dans la langue favorisée, c'est-à-dire, l'anglais, la langue de la haute finance, les francophones qui tiennent à leur langue seront, chez eux, des citoyens de deuxième classe.

Il n'est pas question de "défendre les droits acquis de la minorité". Il s'agit plutôt de droits conquis, de droits volés. La minorité anglophone au Québec jouit d'énormes privilèges au détriment de la majorité francophone. Il nous suffit d'étudier les cartes préparées au laboratoire de sociologie électorale du Département de science politique à l'Université de Montréal, publiées dans la revue Maintenant (No. 110/novembre, 1971), pour voir que les quartiers les plus francophones à Montréal sont ceux où l'on a un revenu au-dessous du revenu moyen. Il n'est pas possible de mettre fin à cette discrimination linguistique que subit la nation québécoise opprimée (indépendamment de ce que nous faisons avec les immigrants), si nous n'enlevons pas les privilèges de la nation opprimante, c'est-à-dire la nation canadienne-anglaise.

Bien que le Front commun pour la défense de la langue française (FCDLF) soit parmi les plus fervents partisans d'une intégration scolaire réelle, nous sommes carrément contre toute extension et application du bill 63 et de sa politique linguistique "bilingue". Le bilinguisme légalisé par le bill 63 est un bilinguisme à sens unique, se transformant rapidement en unilinguisme anglais. Tant que le bill 63 ne sera pas aboli, nous nous opposerons à toute restructuration scolaire, y compris, bien sûr, le bill 28.

Tant que la politique linguistique du gouvernement demeure celle légiférée par le bill 63, nous nous opposons à toute législation qui touche la langue française, directement ou indirectement. Le bill 28 est un autre bill de colonisés qui aide à garder le peuple québécois soumis et à genoux, en faisant de l'île de Montréal un territoire "bilingue". Selon les experts, la ville de Montréal, métropole de la nation, devient de plus en plus anglaise. D'ici 15 à 20 ans, elle sera une ville à majorité anglophone, et sans l'aide du bill 28!

Le FCDLF est en faveur d'une intégration scolaire qui sert à la défense de la langue française et non à sa destruction. D'abord il faut abroger la loi 63, adoptée à la hâte en 1969 malgré une massive opposition dans la rue.

Une fois le bill 63 annulé, le FCDLF est en faveur d'une loi concernant la restructuration des commissions scolaires sur l'île de Montréal qui réclame: a) unification complète de chaque commission scolaire sur l'île, sans les structures et postes parallèles anglophones et francophones préconisés dans le bill 28. b)que le conseil scolaire et les commissions scolaires soient unilingues françaises. c) que le français soit la seule langue officielle des communications écrites et parlées dans l'administration scolaire sur l'île de Montréal. d)que le français soit la seule langue d'enseignement dans les écoles de Montréal subventionnées par l'Etat. Toute école anglaise devrait être financée privément par ceux qui la fréquentent. Toute école anglaise, qui désire demeurer dans le système public intégré', participera au programme de transformation qui durera 5 ans. Durant cette période, les écoles anglaises deviendront progressivement françaises avec une instruction linguistique adéquate, qui assurera aux élèves une pleine participation à la vie québécoise. Cinq ans après l'adoption de cette loi sur la restructuration scolaire, toute école subventionnée par l'Etat sera française. L'anglais pourra être enseigné comme langue seconde, tout comme le français aux écoles du Canada anglais. e) que tous les commissaires soient élus démocratiquement - - aucune nomination "d'en haut". f) que toute référence et tout renvoi au lieutenant-gouverneur en conseil soient biffés. Le lieutenant-gouverneur représente la Reine d'Angleterre qui fera encore moins que le gouvernement québécois pour défendre la langue française. La défense de la langue française est l'affaire des Québécois, et non de la Reine d'Angleterre et de ses représentants!

Bien que le Front commun pour la Défense de la langue française ait peu d'argent et aucun porte-parole à l'Assemblée nationale, nous avons l'appui de milliers d'étudiants et d'ouvriers québécois qui sont prêts à descendre dans la rue pour défendre leur langue. Nous allons convoquer une conférence nationale au mois de janvier pour lancer une campagne de masse pour l'abolition du bill 63 et pour le gel de toute autre législation qui touche la langue jusqu'à ce qu'il soit annulé. Cette conférence lancera une action de masse qui aura lieu au mois de mars 1972. Notre manifestation du 16 octobre ne fut que le début de la lutte du FCDLF pour un Québec français!

Au lieu de passer son temps et dépenser notre argent pour s'assurer que "les droits de la minorité anglophone seront intégralement respectés", le gouvernement ferait mieux de traduire quelques manuels scolaires pour les élèves francophones. Nous avons l'intention d'obliger le gouvernement à Québec à défendre notre langue, en mobilisant de plus en plus de Québécois dans la rue.

ANNEXE B MEMOIRE PRESENTE PAR LA SOCIETE D'EDUCATION DU QUEBEC

Un bill vient enfin tenter de réorganiser l'administration scolaire sur l'île de Montréal: la nécessité de cette restructuration tant attendue, et dont on parle depuis si longtemps — qu'on se souvienne, par exemple, du rapport Parent, du rapport Pagé, du bill 62 — la nécessité de cette restructuration est si évidente que nous n'insisterons pas sur l'anarchie qui semble définir le monde scolaire montréalais. Il n'est pas utile de s'étendre sur la disproportion énorme qui rend sans commune mesure des géants comme la CECM et le PSBGM, et les autres commissions scolaires de l'île. Comment oser prétendre, dans de telles conditions, que les populations ont droit aux mêmes services, reçoivent les mêmes services, ont le même droit à une éducation de qualité pour un même coût ! Entre l'administration automatisée et les services de recherche de la CECM, et la poignée de cadres d'une petite commission scolaire à la gestion de type artisanal, il y a toute la différence qui sépare une firme moderne et une échoppe du XIX siècle. Nous ne prétendons pas que les petites commissions scolaires font nécessairement du mauvais travail: au contraire, elles ont toute notre sympathie, mais nous devons reconnaître qu'elles ne sont qu'une survivance légèrement aberrante.

Une restructuration administrative répond donc à nos voeux. En partie, du moins. En attendant cette restructuration plus fondamentale des individus qui oeuvrent dans ces structures. Nous avons trop vu de ces administrateurs ou de ces fonctionnaires de petites commissions scolaires se rendre coupables — inconsciemment, sans doute — de ce qu'en d'autres pays on nomme forfaiture, et de ce qu'ici on cache sous le nom bénin de "conflit d'intérêts". Nous n'insisterons pas sur ces abus — que, dans certains cas, des maladresses placent entre les mains de la justice — et, plutôt que de les déplorer, nous préférons croire que la prise en mains des structures scolaires par l'Etat devrait les éliminer.

Aussi, les commentaires et les recommandations que nous vous soumettons sont-ils inspirés par le souci de rendre plus économiques, plus rentables et plus justes les structures scolaires : elles doivent donner à chacun la même chance de recevoir une instruction qui, idéalement, ne sera limitée que par ses propres aptitudes et non plus par des contraintes sociales ou économiques; qu'il soit né riche ou pauvre, anglophone ou francophone, canadien ou immigrant, chaque enfant doit pouvoir recevoir une instruction qui répond à ses possibilités, et à ses désirs; ce développement libre des possibilités de chaque individu sera bénéfique pour la société québécoise.

Nos commentaires et recommandations sont aussi inspirés par le souci de répondre à nos besoins de Québécois. Nous sommes francophones dans un monde anglophone: ces adjectifs, trop souvent répétés, et à toutes les sauces, ont un sens profond; ils représentent quelque chose de fondamental, qui fait que nous ne sommes plus des Français, mais encore moins des Américains: c'est une langue, une culture, une manière de vivre, le goût d'une certaine gratuité, une façon d'être heureux qui, hélas, disparaissent peu à peu. Notre peuple s'affaiblit, sinon en qualité, du moins en quantité. Nous ne voulons pas citer des statistiques cruelles que chacun connaît: au Québec, la natalité décroît et les immigrants s'anglicisent, nous ne pouvons faire autrement que le constater. Nous ne condamnons pas les immigrants: ils viennent au Québec, pour la plupart attirés par une vie qu'on leur a présentée comme meilleure (c'est-à-dire plus confortable, en réalité), et l'attrait économique de l'anglais est plus fort que l'attrait sentimental du français. Mais pour nous, Québécois francophones, si du moins nous croyons en notre culture — notre façon de vivre et de penser — il est de notre devoir le plus absolu de renverser par tous les moyens ce mouvement qui nous affaiblit. En d'autres termes, s'il est louable de respecter les minorités et de leur assurer les moyens de survivre, il est impératif de sauvegarder notre majorité.

Nous croyons que le bill 28 est un bon moyen de répondre à nos aspirations: nous l'appuyons, nous l'approuvons, avec, cependant, quelques réserves et quelques modifications que nous vous suggérons maintenant.

Article 583

Nous croyons que cet article devrait se limiter à ce qui suit: "Chaque commission scolaire est composée de sept commissaires élus conformément aux articles 95 à 183".

En effet, la nomination par le lieutenant gouverneur en conseil de deux commissaires supplémentaires nous semble un accroc à la démocratie et à notre façon de voter. Une telle mesure, si elle est appliquée, est la preuve que notre système électoral est faussé puisqu'il ne permet pas de choisir des représentants assez... représentatifs. Si tel est le cas, c'est tout notre système d'élection qu'il faudrait reviser.

En outre, quinze commissaires nous semblent constituer un groupe lourd et encombrant. Un plus petit nombre devrait nous garantir moins de bavardages et plus d'efficacité. Les sept commissaires seraient membres de l'exécutif, ce qui éviterait de voir recommencer l'expérience des régionales où douze délégués n'ont aucun pouvoir réel et où cinq commissaires prennent toutes les décisions.

Article 585

Nous ne sommes pas d'accord avec le mode de remplacement des commissaires présenté ici. Nous croyons que, comme le gouvernement, les commissaires devraient tous voir leur mandat expirer en même temps. A notre avis, les commissaires devraient être élus pour une durée de quatre ans. Les élections devraient avoir lieu en mai, afin de permettre une meilleure administration de la rentrée de l'année suivante. (Ajoutons ici qu'une preuve d'identité devrait être exigée lors de ces scrutins).

Article 588 -c - Nous approuvons le gouvernement qui veut obliger la commission scolaire à ne pas signer de bail sans l'autorisation du conseil et du ministre. Nous pensons au cas de l'école Aimé-Renaud, de la régionale Le Royer, qui fut louée pour cinq ans moyennant une somme de 857,835.60 dollars, alors que l'évaluation de l'immeuble était de 763,000 dollars! -e - Les dons faits aux commissions scolaires par des compagnies ou des particuliers devront être pris en considération par le conseil de l'île lors de l'établissement du budget.

Article 589

Nous craignons que cet article provoque un dédoublement administratif qui va augmenter les coûts. En ce sens, nous préférions la formule proposée par le Bill 62.

Par exemple, la commission scolaire de Saint-Léonard administre, en 1970, 79 classes anglaises et 112 classes françaises, sans avoir de double administration. L'administration ne doit pas être catholique, protestante, anglaise ou française: de telles distinctions nous semblent inutiles et coûteuses.

Le directeur général et son adjoint ne doivent être choisis que pour leur compétence d'administrateurs.

Article 593 "Il est constitué pour chacune des commissions scolaires un comité catholique, un comité protestant et un comité autre que catholique et protestant si besoin est".

Article 600

Le conseil ne devrait être composé que des onze membres désignés parmi et par les commissaires élus, et ceci pour les mêmes raisons que celles qui ont été formulées à propos de l'article 583. Le gouvernement, en nommant le président et le vice-président, s'assure le contrôle de l'exécutif du conseil.

Article 602 "Aucun fonctionnaire ou employé d'une commission scolaire ne peut être désigné ou nommé membre du conseil. Il en est de même de toute personne qui a une entreprise ou un contrat pour le conseil ou pour une commission scolaire, ou pour tout sous-traitant de telle entreprise,..?'

Article 612

Le conseil, s'il prend une assurance, devra s'assurer obligatoirement auprès d'une compagnie ayant son siège social au Québec, sauf si les taux d'une telle compagnie excèdent de 10 p.c. les taux offerts par une compagnie ayant son siège social hors du Québec.

La même règle devrait s'appliquer aux institutions bancaires avec lesquelles le conseil ou les commissions scolaires feront affaires.

En outre, aucun employé supérieur ou commissaire membre du conseil ne pourra être membre du conseil d'administration de ladite compagnie d'assurance.

Article 618

Les onze membres du conseil de l'île devraient être également membres de l'exécutif, afin de préserver la représentation des commissions scolaires.

Article 650

Sur tout immeuble excédant 100,000 dollars, le conseil devrait imposer une surtaxe égale aux taxes payées par les corporations. Cette surtaxe éviterait que des compagnies soient vendues à des particuliers pendant les trente jours où s'établit la taxe scolaire, comme c'est parfois le cas.

La Société d'Education du Québec 7230 - 19è avenue, St-Michel Montréal 453, Québec.

Jean Girard, Président Henry Egretaud, Vice-président Fraser Couture, Vice-président Gabriel Jacob, Vice-président

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